(1829) Anatomie pathologique du corps humain : ou descriptions, avec figures lithographiées et coloriées, des diverses altérations morbides dont le corps humain est susceptible. Tome premier
/ 200
(1829) Anatomie pathologique du corps humain : ou descriptions, avec figures lithographiées et coloriées, des diverses altérations morbides dont le corps humain est susceptible. Tome premier

ANATOMIE

PATHOLOGIQUE

DU CORPS HUMAIN,

ou

DESCRIPTIONS , AVEC FIGURES LITHOGRAPHIEES ET COLORIEES,

des

DIVERSES ALTÉRATIONS MORBIDES

DONT IJE CORPS HUMAIN EST SUSCEPTIRUE ;

PAR J. CRUVEILHIER

PROFESSEUR d'aNATOMIE A LA FACULTÉ- DE MÉDECINE DE PARIS , MEDECIN DE l'iIOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE MEMRRE DE l'aCADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE, PRÉSIDENT PERPÉTUEL DE LA SOCIÉTÉ ANATOMIQUE, ETC., ME MR RE CORRESPONDANT DE l'AC A DEMIE ROYALE DES SCIENCES DE TURIN, ETC.

TOME PREMIER.

(livraisons i a xx.)

A PARIS,

CHEZ J. B. BAILLIÈRE,

LIRRAIRE DE l'aCADÉMIE ROYALE DE MEDECINE, COLLEGE ROYAL DES CHIRURGIENS ET DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES,

RUE DE X.'ÉCOX.E DE MÉDECINE, N. 13 BXS.

A LONDRES, MÊME MAISON, 219, REGENT STREET,

ET CHEZ LES PRINCIPAUX LIRRAIRES DE LA FRANCE ET DE l'ÉTRANGER.

1829—1835.

LISTE DES SOUSCRIPTEURS/"

S. M. LOUIS PHILIPPE, ROI DES FRANÇAIS i

MINISTÈRE de l'instruction publique 20

MINISTÈRE de la guerre 5

MINISTÈRE de la marine 12

MM.

AiiBERT, professeur à la Faculté de Médecine de Paris 1 Aupe, D. M. à Vassy (Haute-Marne) 1 Allier, D. M. à Marcigny (Saone-et-Loire) 1 Asdral, professeur à la Faculté de Médecine de Paris 1

* Ashburner, D. M. à Londres 1 Aizou, D. M. à Paris 1

Baxllière (J. B.), libraire à Londres, 219 Regent-street i3

Bajllière (Germer), libraire à Paris i3

Bai.lt, libraire à Grenoble 1

Baiatchard et comp., négocians à Paris pour Mexico 2

* Bailow, libraire à Birmingham 1 Barîn, médecin de l'hôpital desEnfans trouvés à Paris 1 Beatm (G), D. M. à Dantzig 1 Behi, libraire à New-York i3 Belhzard et comp., libraires à St.-Péterebourg 2 Bertrand (Aithus), libraire à Paris 3

* Bin.in g, D. M. à Londres 1

* But davies, D. M. à Birmingham 1 Biscioff, professeur de l'académie méd. militaire à

tienne 1

Blanün, chirurgien de l'hôpital Beaujon, à Paris 1

Blaquère, D. M. à Oajaca (Mexique) 1

Bocca libraire à Turin 1

Boehier, D. M. à Plauen (Saxe) 1

* Boo h, D. M. à Londres 1 Bosi.AiGE (père) , libraire à Paris 1 BoiSAiGE (Hector) et comp., libraires à Paris 1 BojRms de la motte, D. M. à Paris 1 ¥ Britsh museum à Londres 1

* BttovN, D. M. à Preston 1 Buroisau, libraire à Nantes 1

Cabb.D. M. Medical college, Ohio, États-Unis 1

* Caliiet à Bury 7 Caux orquier, libraire à Beauvais 1 Cazexve (Alphée), D. M. à Paris 1 Celaren, docteur en médecine et chirurgie, membre

d la commission médicale de la province d'An-

vrs i

Chaix, ibraire à Marseille 1

Chatar,D. M. à Baltimore 1

Cherbu.iez, libraire à Genève 2

Chermsöe, D. M. à Paris 1

Chisolmè Philadelphie 1

Civiale,0. M. à Paris 1

Chopin, . M. au Neubourg 1

chomel,)rofesseur à la Faculté de médecine de Paris 1

* Clark (h.), libraire à Edimbourg 4

* Clarke H), chirurgien à Bristol 1

* Collegi library à Edimbourg 1

* Collegbroyal des chirurgiens à Londres 1

College bowdowin, Etats-Unis d'Amérique 1

Collin, D. M. à Paris 1

Commission (la) médicale à Corfou 1

* Cottingham, chirurgien à Bexley 1

* Cox, D. M. à Birmingham 1 Curie, D. M. à Paris 1

Dal mas, D. M. à Paris 1

Danvin, D. M. à St.-Pol (Pas-de-Calais) 1

Dausse, D. M. à Paris 1

* Davies D. M. à Londres 1

* Dawson, chirurgien à Liverpol 1 Debure frères, libraires à Paris 1 Delavallade, D. M. à Aubusson (Creuse) 1 Del greco, D. M. à Florence 1 Delle chiaje, professeur d'hist. naturelle à Naples 2 Denné et comp., libraires à Madrid 1 Desardan, D. M. à Limoges 1 Desoer, libraire à Liège 1 Desruelles, chirurgien de l'hôpital militaire à Rennes 1 Devergib (A.), D. M. à Paris 1 Deville cavellin, libraire à Paris 15 Devincop, libraire à Paris 1 Donné, L). M. à Paris 1 Duchateau, D. M. à Arras 1 Ducos, libraire à Dax pour le Docteur Lasserre i

* Dughtons, libraire à Cambridge 1 Dujardin, libraire à Gand 1 Dugas(L. A.), professeur d'Anatomie et de Physiologie

du Collège médical de Georgia (Etats-Unis) 1

Dumolard et fils, libraires à Milan 3

Duval, D. M. à Rennes 1

* England, D. M. à Norwich. 1 Esquirol, médecin de l'hôpital de Charenton à Paris 1

Falaschi, D. M. à Florence 1

Feburier, D. M. à Paris 1

* Ferguson, D. M. à Londres 1 Février, libraire à Strasbourg 1 Fischer, D. M. à Boston 1 Follet, D. M. à Pont-Audemer 1 Fouquier, professeur à la Faculté de Méd. de Paris 1

Gauthier (Mme Vve) et fils, libraires à Moscou 7

Geminiano Vincenzi et comp., libraires à Modène 1

Guiraudet, imprimeur à Paris 1

GiROT, D. M. à Paris 1

Glucksberg (Théophile), libraire à Wilna 1

* Goodlad, chirurgien à Bury i Graef, libraire à St.-Pétersbourg 4 Gravier (Yves), libraire à Genes 2

* Grundy (Thomas), chirurgien à Reddith New-Lymm 1

* Green (J. H.), D. M. à Londres i Groos, libraire à Heidelberg 1 Gdersent, médecin de l'hôpital des Enfans à Paris 1

* Hardy (G. W.) chirurgien à Warrington 1

* Hardwick, libraire à Bristol 1

(1) TousJe- Souscripteurs portant* ont été reçus par la maison J.-B. Baillière, 219, Regent-Street, à Londres.

* Harris, D. M. à Londres i

* Harrison (Th.), D. M. à Bury i Heideloff et Campé, libraires à Paris i Hirschwald, libraire à Berlin 5

* Hodges et Smith, libraires à Edimbourg 7 Houzelot, D. M. à Meaux 1

* Hull (John) D. M. à Manchester 1

* Hunterian society à Londres 1 Hurtado, D. M. à Madrid 1

Institut royal de France i

Jobert, chirurgien de l'hôpital St.-Louis à Paris 1

* Johnson (J.), D. M. à Londres 1

* Jordan, D. M. à Manchester 1

* Kendrick, D. M. à Warrington 1 Koreff, D. M. à Paris 1 Kuh, D. M. à Ratibor 1

L'Académie médico-chirurgicale à Dresde 1

Lalot, D. M. à Espalion i

Lansard, D. M. à Loudéae 1

Lawalle, libraire à Bordeaux 1

* Lawrence (W.), Professeur du Collège Royal des

chirurgiens à Londres 1

Lecointe et Pougin, libraires à Paris 2

Legrand, libraire à Rouen 1 Legras (VTe), Imbert et comp., libraires à Amsterdam 10

Lemathe, libraire à Bayonne 1 Lemercier, Ü. M., médecin en chef des hôpitaux,

hospices et prisons à Mayenne 1

Levrault, libraire à Paris 1

Leroux, libraire à Möns ï

Louis, médecin de l'hôpital de la Pitié à Paris 1

* Lubbock, D. M. à Norwich 1

* Lyons, D. M. à Bristol 1

* Maclachlan et Stewart , libraires à Edimbourg 1 Macloughlin, D. M. à Paris 1 Maingault, D. M. à Paris 1 Mame, libraire à Tours 1 Mansut, libraire à Paris 1 Maratueh, D. M. i Marchand, D. M. à Béthune 1

* Marshall hall, D. M. à Londres 1 Martin frères, libraires à Lisbonne 3 Martin saint-ange, D. M. à Paris 1

* Martin, Keene et Son, libraires à Dublin 1 Maze, libraire à Paris 1

* Medical book society à Norwich 1 Méquignon-marvis, père et fils, libraires à Paris 1 Merle, libraire à Rome 1 Michelsen (Leopold), libraire à Leipzig 6 Mougeot, D. M. à Chaumont (Haute-Marne) 1 MouziN, avocat à Dijon 1 MouROT, D. M. à Nancy ! Mussey, D. M. Dermoth College New-Hampshire 1

* Overend, chirurgien à Sheffield ! Ortiz, négociant à Paris pour Vera Cruz 1

Pacthod, D. M. à Paris 1

Paillard, D. M. à Paris I

Palais, D. M. à Montmirail !

* Parker, chirurgien à Birmingham 1 Pauly (A. Seestern), D. M. et chirurgien à Kiel 1

* Pearce, libraire à Sheffield 1 Piatti, libraire à Florence 1

* Philipps (B.), chirurgien à Londres 1 Place-bujon, libraire à Moulins 1 Pic frères, libraires à Turin 1 P10LLET, chirurgien-major du 14e de chasseurs 1 Pyl ore, D. M. à Rouen 1

* Radcliffe, libraire à Oxford 1

* Radford, chirurgien à Manchester 1

* Ransome, D. M, à Manchester 1 Ranque, médecin en chef de l'Hôtel-Dieu à Orléans 1 Ratheau, D. M. à Paris 1 Récamier, médecin de l'Hôtel-Dieu à Paris 1 Renouard (Jules), libraire à Paris 8

* Renshaw, libraire à Londres t 1 Rey et Gravier, libraires à Paris 8 Ribes, professeur à la Faculté de médecine de Montpellier i

* Richardson, libraire à Cornhill 1 Ricordi et comp., libraires à Florence 3

* RoBSON (J.), House surgeon to the Warrington Dis-

pensary i Roche, D. M., membre de l'académie royale de médecine à Paris 1 Rohrmann et Schweigerd, libraires à Vienne 1 Rolland et Semiond, libraires à Lisbonne 1 Roux, professeur à la Faculté de médecine de Paris 1

* Royal infirmary à Manchester 1

* Ruttbr, D. M. à Liverpool i

* St.-thomas's hospital à Londres 1 Sanson, chirurgien de l'Hôtel-Dieu à Paris 1

* Scott (J.), chirurgien à Londres i Semen, libraire à Moscou 2 Senac, libraire à Toulouse 1

* Sharpe (J. B.), chirurgien à Windsor 1 Silva, D. M. à Bogota (Colombie) 1 Simonin, chirurgien des hospices civils à Nancy 1

* Simpkin et Marshall, libraires à Londres 6

* Sims, D. M. à Londres 1

* Société royale à Londres 1

* Smage, chirurgien à Bury (Suffolk) 1 Studiatti, professeur de médecine à l'université deEse 1

* Swanwick, D. M. à Macclesfield 1

* Swineard, chirurgien à York i

Talrich, D. M, à Londres 1

Targe, libraire à Lyon *.«,, 1

* Taylor, chirurgien à Edimbourg 1 Teycheney, libraire à Bordeaux 1 Tircher, libraire à Bruxelles 6 Treuttel et Wurtz, libraires à Paris 26 Trinquart, libraire à Paris - 1

* Turner (John), libraire à Glasgow 1

* University library à Cambridge 1

Vanderhock, libraire à Leyde 1

Voss (Leopold), libraire à Leipzig 2

Walker, D. M. 1

* Ward, chirurgien à Ollerton 1

* Wightman, libraire à Londres 1

* Windsor, D. M. à Manchester 1 Wurdmann, D. M. à Charles-Town, South Groline

(Etats-Unis) 1

AVANT-PROPOS.

Qnidquid in descriptionc vel pianissima obscuritatis occurrit, adposilis figuris clariùs rcddilur et ante oculos quasi ponitur.

Aliìinus.

Morbosa? adfectiones et a naturali via aberrationes, quamvis sollicita cura descriplce, vix unquam ritè cognosci possimi nisi icônes addanlur et suppléant qua1 vérbis exprimi facile nequeunl. Sandifort.

Si l'utilité des planches appliquées à l'anatomie des organes sains a pu être contestée, si l'on a pu leur reprocher (i) d'être des monumens de luxe où de brillans dehors cachent un vide réel, il n'est personne qui puisse révoquer en doute, je ne dis pas leur utilité, mais leur nécessité en anatomie pathologique. Ici l'occasion est fugitive; les yeux oublient aisément ce qu'ils n'ont vu qu'une fois, ce qu'ils n'ont souvent fait qu'entrevoir. Une simple description, quelque bien faite quoi la suppose, se traîne péniblement de détails en détails, pour nous retracer une image toujours incomplète, quelquefois obscure, inintelligible, et souvent défigurée par l'idée dominante de Iobservateur. La conservation despièces d'anatomie pathologique les altère, les dénature, et ne peut d'ailleurs profiter qu'à un petit nombre. La pratique la plus étendue ne fournit que de loin à loin les cas analogues, les cas qui peuvent s'éclairer mutuellement. Un dessin fidèle auquel on ne demande que ce qu'il peut donner, c'est-à-dire, des formes, des couleurs, des rapports, des dimensions et même des détails de texture grossis par des instrumens d'optique; un dessin fidèle est éternel comme la nature, et à l'abri des vacillations des systèmes : il reproduit incessamment la même image, rappelle à l'un ce qu'il a déjà vu, apprend à l'autre ce qu'il ne connaît pas, dispense de fastidieuses lectures, et laisse dans l'esprit des impressions aussi profondes que durables (2). Combien de faiseurs d'hypothèses, si tranchans, si dogmatiques dans une description animée dont l'imagination avait fait tous les frais, ont été trahis par la figure même qu'ils invoquaient, critique muette, mais irrécusable de leur erreur ou de leur mauvaise foi.

Bien pénétré de ces vérités, je m'étonnais qu'oubliant les regrets amers d'Eustachi qui, sur le déclin de sa vie, déplorait d'avoir consumé dans l'étude exclusive des organes sains, un temps qu'il aurait plus utilement consacré à celle des organes malades, je m'étonnais, dis-je, que tant d'ana-tomistes célèbres retraçassent comme à l'envi dans des planches fidèles, les moindres circonstances de l'organisation normale, et qu'un si petit nombre s'occupât de l'organisation morbide. Il n'en est pas, en effet, de l'anatomie pathologique comme de l'anatomie physiologique. Dans celle-ci, l'observateur contemple à loisir les organes; il reproduit à volonté les mêmes objets; ce qu'il n'a pas vu une première fois, il peut le voir une seconde, une troisième, une vingtième fois : et c'est ainsi que l'anatomie des organes sains a pu marcher à pas de

(1) Bichat, Anat. dcscrîpt., Discours prélim.

(2) Scgnius irritant animos demissa per aurcm quàm qiue oculis subjecta fidelibus. (IIor.Ax.)

lre livraison. d

géant vers l'état de perfection où nous la voyons aujourd'hui. En anatomie pathologique, au contraire, une occasion perdue ne se retrouvera peut-être jamais ; rien n'égale la mobilité du tableau qui se passe sous les yeux de l'observateur : s'il ne se hâte d'en fixer les traits fugitifs, s'il ne les grave pas comme sur le bronze, de manière à pouvoir se les représenter au besoin , à mettre en regard les faits analogues, à pouvoir réveiller dans son esprit les mêmes sensations, les mêmes idées qui l'assiégeaient au moment de l'observation, il n'aura que des faits isolés, que des ressouvenirs; il ne pourra les rapprocher, les comparer; il n'y aura pas de science proprement dite, et c'est là, je pense, la source principale du peu de progrès qu'a fait la connaissance du siège et des causes des maladies, pour me servir du langage de l'immortel Morgagni.

Placé dans les circonstances les plus favorables pour l'étude des organes sains et malades, je n'ai pu me voir environné de tant de richesses pathologiques, sans me sentir pressé du vif désir de faire participer MM. les élèves et mes confrères, au bienfait d'une mine d'autant plus abondante qu'elle sera plus exploitée. Une collection de planches anatomiques, exactes et fidèles, représentant des faits choisis, positifs, concluans, pris sur nature, vierges de toute interprétation autre que celle qui en découle immédiatement; assez multipliées pour donner toutes les espèces et même les variétés principales sans jeter dans la confusion des individualités et des complications, serait une sorte de muséum d?anatomie pathologique, un traité de médecine clinique, indispensable peut-être aux praticiens qui n'ont pas occasion de faire des ouvertures cadavériques, et qui ne serait pas sans quel qu'utilité pour ceux qui en font.

Remplir autant que possible une lacune qui existe dans la science sous ce rapport; rendre l'anatomie pathologique pour ainsi dire populaire ; offrir à l'élève, dès son entrée dans la carrière, des termes de comparaison auxquels il pourra rapporter les faits dont il sera le témoin, et qui sont presque toujours perdus pour la science et pour lui-même; l'initier en peu de temps et sans fatigue pour l'esprit, par des figures frappantes de vérité, aux notions les plus importantes de la pathologie ; lui montrer de loin le but qu'il doit s'efforcer d'atteindre ; tel est le plan que je me suis proposé dans la publication de ce travail.

Mais avant de m'engager dans cette longue et pénible entreprise, j'ai dû regarder autour de moi et m'assurer de tous les moyens d'exécution et de succès. Plus heureux qu'Albinus, qui, privé de toute assistance, abreuvé de dégoûts, était souvent tenté de s'écrier avec Vésale, que les individus dont il disséquait les cadavres étaient moins malheureux que lui (3), j'aurai pour auxiliaires le plus grand nombre de mes collègues, les médecins et chirurgiens des hôpitaux de Paris, qui m'ont déjà donné tant de preuves d'une coopération aussi active que franche et loyale. Je ne compte pas moins encore sur le concours des membres de la Société ana-tomique, composée de l'élite des élèves de la Faculté, dont les noms se présenteront sans cesse sous ma plume. L'hôpital auquel je suis attaché en qualité de médecin, les Collections de la Faculté, les mille sujets que l'administration des hôpitaux livre chaque année aux dissections des pavillons de l'École pratique, voilà les sources toujours renaissantes dans lesquelles je pourrai puiser les matériaux innombrables dont j'aurai besoin.

J'ai pour devanciers et pour modèles une foule d'auteurs recommandables. Au premier rang,

(3) AcauVun. Annotât, pvœfatio, p. \,

se place Sandifort (/|), doni les belles planches en apprennent plus en quelques heures que des volumes de description, et qu'on peut considérer comme le père de l'iconographie pathologique. Dans son Muséum anatomicum se voient, indépendamment des autres pièces intéressantes que contenait le beau Cabinet de Leyde, les Collections de Raw, d'Albinus, de Doeveren, que l'administration de l'Académie avait acquises à grands frais.

Avant et depuis Sandifort, on trouve éparses çà et là dans les ouvrages des observateurs des dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, une foule de figures représentant des cas pathologiques remarquables. Le premier, en effet, qui voulut décrire une altération d'organe sentit la nécessité du secours des images pour rendre sa pensée ou sa sensation tout entière. Et quand on parcourt ainsi l'histoire de l'iconographie pathologique, on est étonné des choses utiles qui restent enfouies dans la poussière de nos bibliothèques. Parmi les auteurs qui méritent d'être consultés sous ce rapport, nous citerons Rerkring (5), Blasii (6), Bonet (7), Manget (8), Bidloo (9), Ruysch (10), Lancisi (11), Santorini (12), Trioen (i3), Vater (14), Boehmer (i5), Albinus (16), de Haen (17), Camper (18), Haller (19), G. van Doeveren (20), Eschenbach (21), Ludwig (22), Prochaska (23), AVerner (24), Bonn (25), Scarpa (26), Veid-mann (27), Paletta (28), Bremser (29), les Éphémérides des curieux de la nature, les Transactions philosophiques, les Mémoires des Académies des sciences de Paris, de Berlin, de Saint-Pétersbourg, de Bologne, les Commentarli Societatis Gottingensis, etc., etc.

Nous aurons soin de rapprocher tous les faits importans consignés dans les Annales de la science de ceux analogues que nous aurons occasion de recueillir, afin de rendre notre Collection aussi complète que possible.

Le Muséum de Sandifort n'est vraiment riche qu'en maladies des os; on n'y voit, sur les parties

(4) Muséum anatomicum, Academ. Lugd.-Bat. , 1793 — 1827. 3 vol. in-fol.

(5) Spîcilcgium anatomicum, continens observationum anatomicarum rariorum. Amst., 1670. In-4°.

(6) Obscrvationcs anatomica?. — Obscrvationes medica? rariores. Amst., 1677. In-12.

(7) Medicina? septentrionalis collatitîa, in-fol., 2 vol. 1685.

(8) Bibliotlieca anatomica. Gene vai, i685. 2 vol. in-fol. Theatrum anatomicum. Gene va?, 1717- 2 vol. in-fol.

(9) Exercitationis anatomico-chirurgica? décades dua?. Leida?, 1702. In~4°.

(10) Obscrvationes anatomico-chirurgica?, cent. Amst., 1691. In-4°. — Thesaurus anatomicus. Amst., 1701 — 171 5. — Opera anatomico-medico-chirurgica. Amst., 1737. 4 vol. in~4°.

(11) Opera omnia. Geneva? , 1718. 2 vol. in-4°. — Roma?, 1745. 4 v°l- in-4°-

(12) Obscrvationes anatomica?. Venetii, 1724. In-4°.

(13) Obscrvationes medico-chirurgica?. 1743.

(14) Muséum anatomicum proprium. Helmstadt, ij5i.

(15) Observationum anatomicarum rariorum. Fascic. I, II. Hala? Magdeb. 1762 — 1756. In-fol. (iG) Annotationes academica?. Fase. I — VIII. Leida?, 1754— 1768. In-4°.

(17) Ratio medendi in nosocomio practico. Vienna?, 1758— 1579. 1^ P* m-^°-

(18) Démonstration es anatomico-pathologica?, lib. I, II. Amst-, 1760—1762. In-fol.

(19) Opera minora. Lausanna?, 1762 — 1767. 3 vol. in-4°. — Opuscula palhologica. Berna?, 1768. I11-80.

(20) Specimen observationum academicarum ad monstrorum historiam. Groninguc, 17G5, in-4°.

(21) Observata quœdam anatomico-chirurgico-medica rariora. Roslock, 1769. In-8°.

(22) Adversaria medico-practica. Lipsia?, 1769— 1779. 12 part, en 3 vol. in-8°.

(23) Annotationum academicarum. Fase. I, Prag., 17805 fase. II, 1781 ; fascili, 1784. In-8°. — Opera minora. Vienna?, 1800, 2 vol. in-8°.

(24) Vermium intestinalium, prœsertim Tcenia? humana? brevis expositio. Lipsia?, 1782— 1788. Fase. I—IV. In-8°.

(25) Descript, thesauri oss. morbos. 1784. — Tabula? ossium morbosorum prœcipue thesauri hoviani. Amst., 1786 — *3%« Fase. I — III. 23 pl. in-fol.

i'

(26) Anatomicarum annotationum. Mediolani, 1792. 2 part. in~4°. — Sull aneurisma Riflcxioni. Pavia, 1804. In-fol. — Sull Ernie Memorie anatomico-chirurgiche. Pavia, 1809. In-fol.—Opuscoli di chirurgia. Pavia, 1823. 2 voi. in-4°. — Anatome et Pallio-logia ossium commentarli. Pavia, 1827. In-4°.

(27) De necrosi ossium. Franco fur li, i^g3. In-fol.

(28) Exercitationes patologica?. Mediolani, 1820 — 1826. 2 voi. in-4°., fig.

(29) Iconcs helmìntlium , system a Rudolph ii cntozoologicum illustrâtes. Vienna?, Mò. Fase. 1 —3. In-fol.

molles, que des vices de conformation : par conséquent cet auteur ne s'est occupé que de chan-gemcns dans la forme et la direction de nos organes, tous objets extrêmement faciles à représenter. Mathieu Baillie (3o) a osé aborder par la gravure toute seule et sans le secours des couleurs, les altérations de texture, et il l'a fait souvent avec un rare bonheur. Ce ne fut qu'en hésitant et comme poussé par la conviction intime de l'utilité d'un pareil travail qu'il publia ses premiers fascicules, prêt à y renoncer si le succès ne couronnait pas ses efforts; mais deux éditions successives, malgré le prix élevé de l'ouvrage, sont la preuve manifeste de la tendance générale des esprits vers la médecine positive, la médecine rationnelle, celle qui a pour fondement l'anatomie pathologique.

L'exemple de Baillie, qui a figuré dans dix fascicules un certain nombre de maladies des organes contenus dans le thorax et dans l'abdomen, a été suivi avec non moins de succès par plusieurs de ses compatriotes. Nous devons signaler ici comme autant de chefs-d'œuvre, sous le rapport iconographique, les planches d'Astley Cooper sur les hernies (3i); celles de Hooper sur les maladies du cerveau (3a); celles de Richard Bright sur certaines maladies des reins, du foie, des poumons, des intestins (33); celles d'Ansley sur les maladies du foie dans les pays chauds (34). Les trois derniers ouvrages prouvent de quel secours peuvent être les couleurs pour rendre fidèlement les altérations morbides, bien que le ton du coloris soit toujours un peu forcé.

Tous les ouvrages publiés jusqu'à ce jour sont dignes des plus grands éloges, mais ils ne présentent que des matériaux et nullement un ouvrage complet sur la matière. C'est ce vide de la science qu'avait entrepris de combler le savant, l'infatigable J.-F. Meckel (35) en publiant les faits reeueillis Jcma une période de cinquante ans par son aïeul, par son père et par lui. L'intérêt que présentent les premiers fascicules nous fait vivement regretter que cet illustre auteur, distrait sans doute par d'autres occupations, n'ait pas poursuivi la publication de ce travail avec plus d'activité.

Bleuland (36), secondé par la munificence royale, a commencé, en 1826, la publication d'une triple série de planches, dont les unes représentent des détails d'anatomie de texture des organes sains; les secondes, des altérations pathologiques; les troisièmes, des préparations d'anatomie comparée. L'auteur paraît avoir donné beaucoup plus de soin à l'anatomie des organes sains qu'à celle des organes malades : et aucun ouvrage ne fait mieux sentir que celui-ci la difficulté de figurer les organes altérés dans leur structure , surtout après leur conservation dans l'alcohol.

Si dans cette énumération d'ouvrages plus ou moins importans, nous avons le regret de ne trouver aucun nom français, ce n'est pas que la France soit restée en arrière de l'Allemagne, de l'Angleterre et de l'Italie sous le rapport de l'anatomie pathologique. Les Senac, les Lieutaud,

(30) Séries of Engravings witli explanations, intended to illustrate the morbid anatomy of the most important parts of tlie hu-manbody. Lond., 1799. In-4°.

(31) The anatomy and surgical treatement of abdominal hemia, the 2a édition wilh additional plates, by Aston Rey. Lond., 1827. (3a) The morbid Anatomy of the human Brain. London , 1826. In-4°.

(33) Reports of médical cases. London, 1827. tn-4"'

(34) Rescarches in to the causes , nature and treatement of the more prévalent discases of India, and of warm climates. London, 1828. Tom. Ie'., in-4°.

(35) Tabulœ anatomico-pathologïcaî. Lipsia?, 1817 — 1824. Fasc. I —IV. In-fol.

(36) Icônes anatomico - pathologicre partium corporis humani qurc in descriptione Musci academiœ rhfeum trajectinœ invenientes. Ulhrech, 1826— 1827. Fasc. I—IV. In-4°. — Icônes anatomico-physiologieœ, partium corporis humaui et aninialium trajeeti ad Rhenum , 1826 — 1827. — Fasc. I — IV. In-4°. — Icônes analomico-physiologica) partium corporis animalium trajeeti, 1827. Fasc. In-4°.

les Portai, les Vicq-d Àzir,.qui, les premiers, ont importé en Fiance cette science née et perfectionnée sur le sol fécond de l'Italie; les Pinel, les Corvisart, les Bicliat, les Dupuytren ,lcs Bayle, les Laennec, les Broussais, etc.; et plus récemment encore MM. Lallemand, Brescliet, Andral, Louis, Bouillaud, Billard, etc., etc. ; tant de réputations naissantes, tant de jeunes célébrités médicales sont là pour attester que la France est désormais la terre classique de l'anatomie pathologique, et ne laissera point échapper de ses mains le sceptre quelle a conquis par de si import an s travaux.

Et si, à l'exemple de Morgagni, les médecins français n'ont pas attaché assez d'importance aux figures, cela tient peut-être à la difficulté de l'exécution, qui demande beaucoup de temps et de patience pour diriger le crayon de l'artiste; peut-être aussi la facilité des occasions leur a-t-elle fait moins sentir le besoin dune représentation qui, quelque fidèle qu'elle soit, ne vaut jamais la nature, et ils ont cru pouvoir y suppléer par une description purement graphique. Comme eux, je l'avais cru, et ce n'est qu'après avoir acquis la conviction que des descriptions sans figures, quelque exactes quelles soient, ne laissent dans l'esprit que des réminiscences, des idées confuses qui ne peuvent servir de terme de comparaison pour l'avenir, que j'ai compris la nécessité de suivre l'exemple de nos émules et de faire avec eux un échange de travaux propres à compléter la science des altérations organiques.

Nous ne saurions en effet nous le dissimuler, malgré les prétentions contraires, l'anatomie pathologique en est encore cette époque des sciences où des noms ont été imposés aux objets principaux, où des matériaux ont été recueillis 5 mai*; jusqu'à présent nous ne connaissons que l'anatomie pathologique des formes, des rapports, des couleurs, l'anatomie pathologique descriptive , si l'on peut s'exprimer ainsi. Les termes les plus généralement usités sont des mots vides de sens, des expressions qui font image, comme tous les mots créés dans l'enfance des sciences par les premiers observateurs; témoin les dénominations d'irritation, d1 inflammation, de dégénération y de cancer. Souvent ce sont des circonstances peu importantes et même fortuites, de forme, de volume, de consistance, de couleur, qui ont servi de base à la nomenclature; tels sont les noms de squirrhe, encéphaloïde, colloïde, cyrrhose r tubercules, mélanose, etc.; et ici l'imperfection du langage est évidemment l'expression de l'imperfection de la science.

Les naturalistes viennent de nous tracer la véritable route. En ramenant l'organisation normale des diverses espèces à l'unité, en prenant pour point de départ, non les organes développés, mais l'évolution de ces mêmes organes, en montrant que le plus grand nombre des monstruosités est représenté dans la série des êtres par une forme permanente, ils ont fait faire un pas immense à la science de l'organisation normale. Espérons que la science de l'organisation morbide s'emparera de cette grande et belle idée : comparer les diverses altérations morbides entre elles et les ramener sinon à l'unité, au moins à un petit nombre de types fondamentaux ; les étudier non dans leur état parfait, mais dans leur évolution, dans leur état embryonnaire d'abord, puis dans leur état fœtal; déterminer l'élément organique primitivement et principalement affecté; voilà la route qui m'a conduit à établir que les tissus organiques sont tous inaltérables par eux-mêmes, qu'ils sont seulement susceptibles d'augmentation ou de diminution dans leur nutrition; que toutes les altérations organiques de texture, sans exception, ne consistent que dans le dépôt de matières sécrétées dans les mailles du tissu cellulaire, matières qui tantôt corps étrangers, sont rejetées au-dehors au milieu d'un travail inflammatoire; tantôt produits

i,c livraison, b

vivans, susceptibles dune vie indépendante, vrais parasites s appropriant les sucs nourriciers, sont le siège d'un développement vasculaire nouveau, avec ou sans communication avec les vais-saux environnans; ici se bornant à gêner mécaniquement les parties au milieu desquelles ils sont placés, là envahissant peu à peu les parties voisines, et se substituant en quelque sorte aux tissus propres, etc., etc.

Ce peu de mots suffira pour indiquer l'esprit dans lequel je pense qu'on doit étudier les altérations organiques; à l'anatomie pathologique des formes et des connexions doit être associée l'anatomie pathologique de texture, qui, seule, peut nous éclairer sur le siège, les causes, la nature des maladies, et donner des bases solides à la thérapeutique, qui n'est pas, nous osons l'espérer, condamnée à se traîner éternellement dans l'ornière de l'empirisme.

C'est donc pour concourir de tous mes efforts à la confection d'un ouvrage que réclamait si impérieusement (37) l'état actuel de la science, que j'ai formé le projet de publier par fascicules une collection complète de planches sur l'anatomie pathologique, accompagnées d'un texte explicatif raisonné, dans lequel sera discuté, ramené à sa plus simple expression et approfondi, le point de doctrine que chaque fait est appelé à éclairer.

Je voulais d'abord suivre l'ordre systématique que j'ai adopté dans mes cours; mais je n'ai pas tardé à m'apercevoir que cet ordre, favorable pour le développement des généralités de la science, aurait l'inconvénient majeur de faire passer successivement sous les yeux tous les organes à l'occasion de chaque altération organique • Tordre anatomique, suivi d'ailleurs par mes modèles, m'a donc paru préférable. En conséquence, nous classerons les altérations organiques d'après les organes ; c est la marche la plus naturelle ; rien n'empêchera d'ailleurs de faire servir cette classification à toute espèce d'ordre nosologique.

Ne voulant me confier ni à mes souvenirs, ni à des pièces plus ou moins altérées dans l'al-cohol, tenant essentiellement à ce que les parties fussent dessinées fraîches avec leurs teintes naturelles, je me suis arrêté à l'idée de publier les faits au fur et à mesure qu'ils se présenteront à mon observation ; mais, au milieu de ce désordre apparent, il régnera un plan général, en sorte qu'à la fin de l'ouvrage, qui ne dépassera pas, suivant toutes les probabilités, quarante livraisons, MM. les souscripteurs posséderont avec une série de planches de véritables monographies sur l'ensemble des maladies de chaque organe, si nous adoptons l'ordre anatomique; ou sur chaque altération organique étudiée dans les divers organes, si nous préférions l'ordre nosologique. Un avis au relieur indiquera ce double arrangement définitif.

Le texte se composera de deux parties : i° d'une description pure et simple, lorsqu'il s'agira d'un fait isolé; i° d'une discussion approfondie sur les points de doctrine qui ressortent du rapprochement des faits particuliers, lorsqu'un assez grand nombre de figures aura été publié sur chaque matière. Aussi bien ferons-nous en sorte que dans chaque livraison il y ait à la fois et des faits analogues qui puissent donner lieu à une discussion générale, et des faits isolés qui en appellent d'autres du même genre, lesquels paraîtront dans les livraisons subséquentes.

(36) Utile atque iiecessarium opus mihi vitlcri dixi, quod, quamvis innumeris gaudcamus operibus plusminusve accuvalè atque complété normalam corporis liumani fabricem tabulis exponentibus , multœ quoque dcntur status partium ab normis imagines, nullum tamen ad hune usque diem detur opus çompletum, omuia omnium corporis liumani partium. vilia ob lcctoris oculos poiiens.

J.-P. Meckei. , Fascic., prpefalio.

J'aurai pour collaborateur, comme iconographe, M. A. Ghazal, dont le nom est déjà si honorablement attaché à l'anatomie des organes sains, et qui met dans ses travaux un dévoûment et une constance dignes des éloges que le professeur de Leyde donnait à son peintre. M. J.-G. Martin, membre de la Société anatomique, profondément versé dans l'anatomie, veut bien aussi attacher son nom à la partie iconographique de cet ouvrage, et surtout m'aider de son scalpel dans les préparations difficiles. Rien ne sera négligé pour surmonter les difficultés sans nombre qui se rencontrent dans l'exécution d'un ouvrage de ce genre: la lithographie, si perfectionnée de nos jours, sera généralement employée dans nos figures, parce qu'elle rend tout aussi bien, je dirais presque mieux que la gravure, le plus grand nombre des objets, reproduit heureusement et fidèlement la touche du peintre, et nous permettra d'ailleurs de mettre cet ouvrage à la portée de MM. les élèves; néanmoins nous aurons recours à la gravure lorsqu'elle sera jugée nécessaire. L'art du coloriste sera également mis à contribution dans les cas nombreux où la magie des couleurs devra compléter la vérité du tableau, et des essais multipliés ont été faits pour arriver à des teintes plus naturelles et plus vraies que celles qui ont été employées jusqu'à ce moment. Pour le peintre comme pour l'anatomiste, les lésions organiques se partagent en deux grandes classes, les lésions de forme et les lésions de texture. Rien de plus facile que de rendre les premières, rien de plus difficile que de rendre les secondes; j'apporterai tous mes soins à ce que les unes et les autres laissent le moins possible à désirer, car il faut que chaque figure s'explique d'elle-même, et qu'avec un peu de connaissance du sujet, le lecteur puisse dire de suite : voilà telle altération. S'il est nécessaire d'une explication longue et détaillée, j'aimerais autant un portrait riche de dessin et de couleur, mais au bas duquel on est obligé de mettre le nom du modèle.

Ni soins ni sacrifices ne seront épargnés pour rendre cet ouvrage digne de notre époque; j'ai pour garant du fini de l'exécution, le zèle, l'intelligence et le désintéressement de l'éditeur, qui voit dans cette entreprise un besoin de la science, un monument scientifique auquel il désire concourir de tous ses moyens et attacher son nom.

Cet #uvrage est d'ailleurs essentiellement distinct et indépendant de l'ouvrage dogmatique que je prépare sur l'anatomie physiologique et pathologique, sous le titre de Cours d'études anatomiques? et dont les deux premiers volumes paraîtront dans le cours de cet hiver.

Paris, le 3o septembre 1828.

Ière Livraison Pl. 1ère

MALADIES DU PLACENTA-.

Planche II.

J. G. Martin del. et lith.

Lith. de Langlumé.

MALADIES DU PLACENTA.

Transformation du Placenta en vésicules hydatidiformes ( Kystes séreux en grappes et

multiloculaires).

(planches i et ii, irc livraison.)

Madame *** , âgée de vingt-quatre ans, mariée depuis dix mois, brillante de santé, éprouva, après quelques mois de mariage, tous les symptômes d'une grossesse. Au quatrième mois, perte considérable accompagnée de vives douleurs lombaires qui se renouvellent a des époques irrégulières et sans cause connue. Le septième mois, douleurs utérines expultrices ; métrorrhagie au milieu de laquelle la malade rend en une seule fois une masse, vésiculaire dans la moitié de sa surface, non vésiculaire dans l'autre moitié, dont la description détaillée et la représentation fidèle m'ont paru propres à jeter quelque jour sur la théorie de ces productions singulières connues sous les noms de mole hydaiiq^y mole uesiculaire 3 hydrometra hy-datidica, hyduUdv* utérines, uwpFialocystis racemosay etc. (*)

planche i.

Fig. i. La figure i représente la masse expulsée vue du côté non vésiculeux. Toutes les vésicules agglomérées BBB n'ont en effet apparu qu'après la lacération d'une couche superficielle, que constituait une membrane blanche, rugueuse, mollasse, sans cotylédons, mais ayant d'ailleurs tous les caractères de la surface fœtale du placenta. En un mot, avant la lacération, toute cette surface ressemblait à la surface AAA. Ne seraient-ce pas des cas semblables qui ont fait dire à P. Portai et autres que les hydatides placentaires sont quelquefois enveloppées par une membrane, c'est-à-dire enkystées. Les vésicules BBB se distinguent par leur volume au milieu de cette masse globuleuse, dont les grains sont comme pressés les uns contre les autres et présentent un si grand nombre de différences. La partie supérieure de cette surface CC avait conservé l'aspect spongieux et vasculaire du placenta ; mais là aussi, au milieu de concrétions sanguines, dont la densité et la couleur variables décelaient des époques différentes d'extravasa-tion^ se voient des grappes vésiculeuses extrêmement petites, affaissées, sur lesquelles nous allons revenir.

Fig. 2 et i'. Elles représentent deux grappes vésiculaires détachées de la masse commune. On voit les vésicules tantôt agglomérées autour d'un axe commun, verticillées ( D, fig. 2)5 tantôt disposées à la manière d'une grappe de raisin, alternes, opposées, quelquefois très-rapprochées, d'autres fois séparées par un grand intervalle. On dit généralement que les grappes, comme les vésicules, ne tiennent à la masse que par un seul point ; mais on peut s'assurer ici qu'il n'est presque aucune vésicule qui ne présente deux, trois et même quatre, cinq pédicules, en sorte qu'il n'existe pas de grappes vésiculeuses à proprement parler, mais des espèces de réseaux formés par des vésicules liées entre elles au moyen de filamens plus ou moins nombreux; et comme ces filamens sont pour la plupart extrêmement grêles et fragiles, ils se rompent à la plus légère traction : d'où la forme de grappes (hydatis racemosa) et leur isolement.

(*) Cette pièce m'a été donnée par M. le docteur Jolly.

ife livraison. i

Le groupe des poli les ligures i, 2, 3, 4? 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 15, i3, \/[, i5, donne une idée exacte des principales formes cpie ces vésicules et leurs pédicules peuvent revêtir. Généralement ovoïdes, les vésicules peuvent être sphéroïdes (1), cylindroïdes (5,9), fusiformes (4) triangulaires (i3), en forme de cornemuse (i4)? en forme de calebasse (n), bicornes (6), etc. — Les pédicules varient pour le nombre : il n'y en a qu'un pour les vésicules terminales; plus souvent on en voit deux, trois, quelquefois cinq, six (7). Sous le rapport du volume, ils sont quelquefois aussi déliés que des fils d'araignées (12); d'autres fois, volumineux, creux (1, 2), avec ou sans communication avec la cavité de la vésicule; et, dans le cas de communication, une pression légère exercée sur la vésicule fait refluer le liquide dans le pédicule. Souvent une ou deux vésicules plus petites (10, 12), ou une masse de vésicules plus petites (i3), surmontent une vésicule plus considérable.

Le groupe des petites figures i', 2', 3', 4, 5', 6, 7', représente des vésicules ouvertes. Si l'on examine avec attention au soleil une vésicule intacte, on voit, à travers la transparence des parois, une disposition réticulée parfaitement indiquée (fig. 2). Si on l'entame, on trouve que la cavité des vésicules est traversée par un nombre prodigieux de lamelles et de fibres blanches, resplendissantes, qui la divisent en cellules, en une trame aréolaire dont les mailles communiquent toutes entre elles et sont remplies par une sérosité limpide (fig. ï, a'j 3', etc.), quelquefois cependant par une sérosité sanguinolente. Du reste, les dimensions de ces cellules sont extrêmement variables; à mesure que la sérosité s'y accumule, les cellules de-viennent plus considérables ; enfin arrive un moment où les filamens déchirés viennent s'appliquer contre les parois de la poche (7) et simultn doc ramifications vasculaires. La texture des parois des vésicules est extrêmement résistante, on dirait un tissu fibreux. J'ai vainement cherché a y reconnaître plusieurs feuillets ; il n'en existe qu'un seul.

Fig. 3. Si l'on écarte les vésicules représentées figure 1, on arrive bientôt à une membrane transparente; c'est le chorion (C), duquel naissent des vaisseaux qui se renflent, se rétrécissent, se ramifient, s'agglomèrent et se terminent par des granulations. C'est cette disposition que la figure 3 est destinée à indiquer.

Les figures 4? 45 4 sont des grappes de vésicules extrêmement petites, affaissées, extraites de la partie supérieure Ce de la masse commune ( fig. 1 ) ; ces grappes, que je ne puis mieux comparer qu'aux grappes de groseilliers en fleurs, naissaient de la surface externe du chorion, se ramifiaient, s'unissaient les unes aux autres par un nombre considérable de filamens d'aspect vasculaire. Ces figures, qui sont frappantes de vérité , représentent : la figure 4 ? des masses de grappes enveloppées dans des caillots de sang ; la figure 4 des grappes naissant du chorion, et la figure 4 ? une très-belle grappe isolée des parties environnantes.

planche ii.

Arrivé au chorion, j'ai entamé avec précaution cette membrane extrêmement ténue ; sous elle était l'am-nios qui lui adhérait intimement; celle-ci ouverte, je suis parvenu dans une poche énorme : de l'un des bords de l'incision naissait un cordon auquel était appendu un petit corps recourbé sur lui-même , plus volumineux à l'une qu'à l'autre extrémité, présentant quatre tubercules, deux de chaque côté; c'était évidemment un fœtus et son cordon ombilical. La fig. ire est destinée à donner une idée de la totalité de l'œuf débarrassé d'un grand nombre de grappes hydatidiformes qui en avaient été détachées. Je me suis assuré que le chorion et Famnios étaient plus intimement unis que de coutume, mais d'aille urs sains, et conséquemment je ne puis adopter l'opinion d'un estimable auteur, madame Boivin (*), qui croit avoir observé que la môle vésiculaire dépend d'une affection des membranes séreuses de la coque de l'œuf.

La fig, 2 doit être rapprochée de la fig. 3, planche 1". On doit supposer, par la pensée, les branches rameuses représentées dans celle-ci, interposées ou faisant suite aux troncs de celle-là. On y voit des

(*) Nouvelles recherches sur l'origine, la nature et le traitement de la môle vésiculaire. Paris, 1827. In-8°, fig.

1ère Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU PLACENTA.

Planche II.

J. G. Martin del. et lith.

Lith. de Langlumé.

cordons blancs renflés en manière de fuseau, souvent interrompus par de grosses vésicules, se ramifiant,, s'unissant les uns aux autres, se terminant par des bouquets de petites vésicules aplaties, ovoïdes, irrégulières : tous naissaient du chorion, et allaient se rendre, après un trajet plus ou moins long, plus ou moins oblique, à la croûte blanche placentaire dont j'ai parlé, croûte blanche vasculaire qui allait elle-même être envahie; car déjà plusieurs vésicules faisaient saillie à sa surface.

Réflexions. — La série des figures qui viennent d'être expliquées prouve manifestement : i°. que les hydatides du placenta ne sont pas une espèce d'entozoaires, à moins qu'on ne veuille aussi donner ce nom aux kystes et à toutes les productions accidentelles, fibreuses ou autres ; que c'est sans fondement que Tyson les a regardées comme une espèce particulière de vers, que Goëze en a fait un genre de taenia sous le titre de tœnia vésiculaire, que M. Hip-polyte Cloquet les a regardées comme une espèce d'acéphalocystes ; qu'elles consistent essentiellement en des kystes remplis par une trame celluloso-fibreuse, en des kystes multiloculaires ; en sorte que, si j'avais à classer les productions organiques dont il s'agit, je les rangerais parmi les kystes séreux, sous le titre de kystes séreux en grappes et multiloculaires. Conséquemment les globes vésiculeux que Percy dit avoir vus s'agiter dans sa main, qu'il dit avoir été expulsés par des femmes vierges, n'étaient pas des vésicules de cette espèce; si tant est que le spirituel observateur, d'une part, n'ait pas pris, pour un mouvement propre, le tremblottement qu'éprouve dans la main, par le seul fait du battement des artères, une masse de liquide, et d'une autre part n'ait pas été induit en erreur sur la circonstance de la virginité.

i°. Ces vésicules ou kystes sont le résultat de la tranformation, non des vaisseaux lymphatiques, ainsi que le disent Bidloo et autres, mais bien des vaisseaux sanguins du placenta, manière devoir qui n'est pas uuu^cllp sans doute, mais qui n'avait pas encore pris, si je puis m'exprimer ainsi, droit de cité dans la science, parce qu'elle avait été donnée comme une opinion, et non pas comme une démonstration; or, la transformation des rameaux vasculaires en vésicules me semble prouvée, autant qu'on peut prouver en anatomie, par le rapprochement des figures 3, 4 ? 4'? 4" PL 1î ng- 2 ? PL 11 ? CRU nous permettent de suivre le développement des vésicules depuis le premier moment de leur apparition, jusqu'à leur complet développement.

Cette démonstration, Ruysch l'avait déjà donnée dans la fig. 5 de son Thes. anatom. vi, tab. v, que j'ai cru devoir reproduire dans la deuxième planche (*). Cette même démonstration, Albinus l'avait encore donnée, mais moins complète peut-être (**), dans une figure que j'ai également reproduite (pl. n , fig. 4 )• Cette figure représente un œuf humain rendu par l'avorte-ment. Au chorion a sont comme suspendus des rameaux bbb, libres en partie, isolés les uns des autres, ici plus dilatés, là plus resserrés, commençant à dégénérer en hydatides, et même quelques-uns d'entre eux se terminant par des vésicules, a est la surface intacte de l'enveloppe de l'œuf : on y voit une foule de petites ouvertures. Trunci ramique, per intervalla contractions sunt, mediisque locis capaciores, tanquam si inciperent in hydatides degenerare : quin vesiculœ aliquot insunt verœ in fine ramorum. Enfin, cette même démonstration, je la trouve dans une très-belle planche de Gregorini (***), où l'on voit la transformation vésiculeuse dans toutes ses périodes : je ne parle point de la couleur rougeâtre du liquide contenu dans les vésicules, couleur que j'ai eu occasion d'observer plusieurs fois, parce qu'elle me parait le résultat d'une transsudation cadavérique; je passe encore sous silence les injections, heureuses dit-on, faites par

(*) Voici le texte de Ruyscli : Phiala in liquore continens placentulam humanam cum annexo sanguine coagulato quœ degenera-vitin majorem et magis luculentam mutationem, nempè in hydatides. Not. i°. In Me placentulà, quod illi multùm sanguinis adhœreat. 2°. Extremitates vasorum sanguineorum variis locis rudimentum hydatidum reprœsentant, et sic in extremitatibus videmus annexos varios globulos minutissimos ceu arenulas. P. 70, n° CIII.

(»*) Annot. acad., lib. I, cap. XVIII, pl. III.

(***) De hydrope uteri et de hydatidibus, etc. Halae, 1795.

Wirsberg et Gregorini, qui auraient vu quelques vésicules se remplir de la matière à injection poussée dans les vaisseaux, parce qu'il est de toute évidence que de semblables injections ne peuvent pas réussir sans rupture.

Il paraîtrait même que dans l'état normal il existe, à une certaine époque de la gestation, des vésicules dans le placenta. M. Désormeaux (*) « a reconnu sur des fœtus d'un mois, six se-» maines, que l'extrémité d'une infinité de ramuscules latéraux présente un renflement subit, » arrondi ou ovalaire, qui offre l'apparence d'une vésicule; que ces renflemens existent aussi » en grand nombre sur la continuité de ces ramuscules, de sorte que ces rameaux vasculaires » présentent l'aspect d'une grappe de groseilles, ou, pour mieux dire, d'une des grappes de » vésicules dont l'ensemble constitue la mole liydatique. »

M. Velpeau (**) pense que les filamens veloutés du chorion ne sont nullement vasculaires; il a vu qu'ils étaient terminés par une extrémité renflée en manière de petit ganglion ; que ces filamens s'allongent et se renflent, après quoi les espèces de bulbes qui les terminent disparaissent; mais quelquefois ils persistent et augmentent de volume. Ce développement anormal des grains gangliformes qui recouvrent le chorion a conduit M. Velpeau à penser que les hydatides en grappes de l'utérus ne reconnaissent pas d'autre cause ; on voit que ces grains gangliformes, qui disparaissent à une certaine époque, et qui, par leur persistance et leur développement, formeraient des hydatides; que ces filamens, qui ne sont pas vasculaires, constituent une manière de voir qui diffère à beaucoup d'égards de celle que nous venons d'établir.

3°. Quel est le mode de production des vésicules placentaires?

Ruysch avait abordé cette question, et son opinion est remarquable. Il pensait qu'elles étaient formées aux dépens du tissu cellulaire qui unit entre elles les tuniques vasculaires; que, par l'effet de l'accumulation de la sérosité dans l'épaisseur des parois, la cavité du vaisseau s'efface et s'oblitère (***). Les valvules dont sont pondue les vaisseaux lymphatiques servaient merveilleusement l'opinion deBidlooet, de Vallisnieri, qui plaçaient le siège des vésicules dans cet ordre de vaisseaux. Par l'effet d'une cause quelconque, la circulation était interceptée, les valvules devenaient adhérentes par leur bord libre, les parties intermédiaires étaient dilatées en vésicules, et les mouvemens, les tractions allongeaient les espèces de pédicules qui les séparaient. Indépendamment des argumens irrésistibles opposés à cette opinion par de Haen et Haller, elle ne présente qu'une petite difficulté, c'est qu'on n'a pas encore démontré de vaisseaux lymphatiques dans le placenta. En appliquant cette doctrine aux vaisseaux sanguins, ainsi que l'a fait Reuss, on conçoit qu'il ne suffirait pas d'admettre l'oblitération des vaisseaux de distance en distance pour se rendre compte de la formation des vésicules; car nous voyons tous les jours que l'interception du cours du sang, soit dans les veines, soit dans les artères, a pour résultat leur obturation complète. Il faut donc reconnaître pour cause de la transformation vésiculeuse une altération dans les parois vasculaires qui les ramène au type celluleux : ou plutôt contentons-nous de l'exposition pure et simple de la chose, et donnons comme un fait positif que les vaisseaux sanguins du placenta se transforment en vésicules réunies au moyen de filamens, en général grêles et pleins, quelquefois creusés d'un petit canal qui communique avec les vésicules voisines.

4°. La transformation vésiculeuse du placenta parait une cause constante d'avortement, et une cause certainement plus fréquente qu'on ne se l'imagine. En examinant plusieurs œufs expulsés à diverses époques de la grossesse, j'ai reconnu, dans un certain nombre de vésicules développées dans l'épaisseur du placenta, lesquelles avaient échappé à une observation superficielle, la cause probable de l'avortement. Ces cas, de même que celui que je viens de

O Dict. do méd., OEuf, page 386. (**) Revue médic., sept. 1827 , p. 5o8.

(***) Scilicet mter vasorum sanguincoruin timieas reperitur, et lunïca ccllulosa cujus ccllulœ in statu prœternaturali si icpleantur laticc aquoso, cavitas vasorum ità premilur ut nihil cavitalis supermaneal, et sic obliteranlur non solum minora verum eliam majora vasa.

décrire, prouvent .manifestement que tout le temps que les vésicules placentaires sont en petit nombre et développées dans l'épaisseur de la masse, tant qu'il existe une croûte placentaire intacte pour établir les adhérences, la présence de cette transformation n'est annoncée par aucun accident ; mais aussitôt que la couche placentaire la plus superficielle est envahie, soit par le développement des vésicules déjà existantes, soit par la transformation de cette couche elle-même, alors surviennent des hémorrhagies qui, plus tôt ou plus tard, entraînent l'avortement: si l'avortement se fait à la première hémorrhagie, et pour ainsi dire au début de la transformation, souvent on ne trouve que quelques vésicules; s'il se fait au contraire long-temps après le début, on trouve un nombre très-considérable de vésicules. J'ai eu occasion d'observer deux grossesses hydatiques dans ma pratique particulière. Dans les deux cas, des pertes irrégulières se sont manifestées vers le milieu du quatrième mois ; l'avortement a eu lieu du septième au huitième, précédé et accompagné de phénomènes sympathiques généraux beaucoup plus intenses que dans les accouchemens ordinaires, de douleurs peu expultrices, tellement que dans l'un de ces cas, au bout de quatre jours de douleurs très-vives, aucun travail ne s étant déclaré, des syncopes survenant à chaque instant, je fus obligé d'opérer la dilatation avec l'index, et quelques heures après une masse vésiculeuse fut expulsée. Dans ce même cas, des accidens inflammatoires du côté de la fosse iliaque gauche avaient précédé et suivirent le part hydatique dont les suites furent excessivement graves. Une petite partie du placenta avait seule subi la transformation vésiculeuse, tandis que dans l'autre cas la totalité du placenta était convertie en une masse de vésicules qui sortit en plusieurs fois et remplit un grand b.assin. Serait-il possible qu'un seul, que deux ou trois cotylédons éprouvassent cette singulière altération, qu'alors la grossesse parcourût ses périodes accoutumées et que l'enfant vînt au monde vivant et convenablement développé ? Cette opinion n'a rien qui répugne aux lois d'une saine physiologie. L'analyse attentive de la plupari de» observât irvn* mmignées dans les annales de l'art prouve que l'altération existait à différens degrés dans la masse placentaire : donc elle s'était déclarée successivement dans ses diverses parties; donc la cause inconnue qui l'a produite pouvait s'épuiser dans les premiers cotylédons.

5°. La transformation vésiculeuse du placenta entraîne-t-elle le plus souvent la destruction du fœtus? Je n'ai pas trouvé de fœtus dans les deux cas que je viens de mentionner ; mais cela ne prouve nullement qu'il n'en existait pas; l'observation n'a peut-être pas été assez attentive. Je ne doute pas que la mort de l'enfant ne doive être constamment le résultat de linterception presque complète de ses matériaux nutritifs. Si elle est incomplète, il en résulte seulement un arrêt dans le développement : et dans le cas actuel, bien qu'il soit probable que madame *** fût enceinte de sept mois, le fœtus figuré planche n représente un fœtus de cinq à six semaines.

6°. Les maladies du placenta sont une cause d'avortement bien plus fréquente qu'on ne se l'imagine. Jusqu'à ce jour les accoucheurs se sont peu occupés de cet important objet. J'ai eu occasion de donner mes soins à plusieurs femmes qui, parvenues à diverses époques de leur grossesse, éprouvaient un mouvement fébrile continuel avec redoublement le soir, précédé ou non de frisson; un dépérissement rapide, un état assez analogue à la fièvre dite de résorption; j'en ai vu qu'on accusait de phthisie pulmonaire. J'explorais inutilement tous les organes, je n'y découvrais aucun point de départ de la maladie; les malades avortaient ou bien arrivaient au terme de leur grossesse. L'enfant venait mort, et l'examen du placenta m'a fait découvrir, quatre fois au moins, une suppuration abondante, des fausses membranes, entre le chorion et l'am-nios, au niveau et surtout à la circonférence du placenta : le tissu du placenta lui-même était plus dense, beaucoup moins vasculaire, comme racorni, comme infiltré de pus concret. Débarrassées de cette cause d'infection purulente, les malades se rétablissaient avec la plus grande promptitude. Instruit par l'expérience, j'ai pu tout récemment, dans un cas obscur, porter un diagnostic qui paraissait bien hasardé aux praticiens étrangers à de semblables faits, mais que l'événement a complètement justifié.

Qui n'a vu des ossifications, des pétrifications du placenta? Lorsqu'elles sont disséminées, ivc livraison. i

rares, lorsqu'elles arrivent à une époque avancée de la grossesse, il n'en résulte aucun inconvénient : mais si cette caducité du placenta (qu'on me pardonne cette expression) est précoce, alors les sucs nourriciers sont interceptés, l'enfant vient débile et même quelquefois mort. Il y a ou il n'y a pas avortement. Du reste, cette pétrification a toujours son siège dans les petits vaisseaux, et présente tous les caractères de la pétrification des capillaires artériels, cause si fréquente de gangrène spontanée ou sénile. Dans le cas de pétrification du placenta, c'est l'atrophie d'abord, puis la mort avec dessiccation du fœtus qui remplacent la gangrène.

Il y a quelques jours, M. Deneux m'a montré un placenta dont la moitié, les deux tiers peut-être, des cotylédons étaient imperméables du coté de la face utérine; ils étaient blancs et compactes dans les trois quarts de leur épaisseur. Il était aisé de voir que ce changement de couleur et cette densité étaient dus à du sang concret, décoloré, et en partie résorbé, contenu dans les cellules du placenta. L'enfant est venu mort, bien que le travail eût été très-naturel. Je ne pense pas qu'une hémorrhagie moyenne, qui dans ce cas fut la suite de l'insertion du bord du placenta sur le col utérin, puisse être regardée comme cause de la mort.

Les maladies du placenta méritent d'autant plus de nous occuper, que cet organe est un tissu de nouvelle formation, une fausse membrane organisée qui offre le type des organisations accidentelles , des tissus parasites formés aux dépens des produits de sécrétion ; c'est un organe nouveau, dont l'existence ne doit durer que neuf mois, qui, pendant ce court intervalle, doit remplir des usages relatifs à la nutrition et à l'hématose; organe qui, réduit à l'élément vasculaire, présente une organisation aussi peu compliqnée que possible, et dont les altérations sont par conséquent susceptibles d'une interprétation facile.

Ire Livraison Pl.3.

MALADIES DES NERFS GANGLIONNAIRES .

MALADIES DES NERFS GANGLIONNAIRES.

Transformation fibreuse et développement énorme des ganglions cervicaux du grand sympathique et du tronc nerveux de communication entre ces ganglions.

(planche iii, irc livraison.)

Des élèves de première année, qui disséquaient l'an dernier dans les pavillons de l'École pratique, montrent à M. Bérard aîné, prosecteur de la Faculté, des tumeurs qu'ils venaient de rencontrer sur leur sujet et au-devant de la colonne cervicale. M. Bérard croit au premier abord que ce sont des ganglions lymphatiques malades ; mais quel n'est pas son étonnement , lorsqu'il reconnaît que ces volumineuses tumeurs sont formées aux dépens des ganglions nerveux cervicaux du grand symphatique! Il s'empresse de me faire part de cette découverte, arrache les débris de cette belle pièce des mains novices que le hasard aveugle avait si inutilement favorisées. Voici l'explication de ce fait d'anatomie pathologique que j'ai montré à l'une de mes leçons, et qui a été soumis à la Société anatomique. Il est malheureux que nous n'ayons aucune espèce de renseignement sur l'individu auquel il appartenait; car, s'il est vrai en thèse générale que les léalone orgariicp.oG comparée am lésions de fonctions eorrespondantes constituent un ordre de preuves physiologiques bien autrement importantes que les vivisections, à combien plus forte raison ce principe n'est-il pas applicable à l'étude des fonctions si obscures du système nerveux ganglionnaire, dont on invoque sans cesse l'influence sans pouvoir la prouver rigoureusement, tellement qu'on a pu lui disputer sa qualité de nerf.

Fig. i. Au-devant de la colonne cervicale, sur la partie latérale gauche, il existe une série de tumeurs occupant la place des ganglions cervicaux, communiquant entre elles et avec les branches antérieures des paires cervicales. Ces tumeurs sont de haut en bas.

i°. Une tumeur olivaire F G', un peu oblique de haut en bas et de dehors en dedans, ayant près d'un pouce de long et demi-pouce de diamètre. Elle remplace un ganglion nerveux qui existe assez souvent, et qu'on peut appeler ganglion cervical supérieur accessoire. Ce ganglion reçoit en effet et émet une partie des branches que reçoit et qu'émet le ganglion cervical supérieur, dont le volume est alors sensiblement diminué. Du reste, cette tumeur est d'une dureté cartilagineuse; elle se prolonge supérieurement en un cordon très-gros , intimement uni à la face inférieure du rocher et a la portion cartilagineuse de la trompe d'Eustache qu'il comprimait fortement. Cette compression était-elle portée au point d'intercepter l'entrée de Fair dans la caisse du tympan? L'histoire de la maladie aurait pu seule nous l'apprendre. Plusieurs filets volumineux naissaient de son extrémité inférieure. Je présume que l'un d'eux était un nerf cardiaque. Ils avaient été coupés de la manière qui est indiquée sur la figure, en sorte que*je n'ai pas pu le vérifier.

2°. La tumeur fusiforme IG remplace le ganglion cervical supérieur ; elle a deux pouces trois lignes de long sur un pouce de diamètre; sa surface est légèrement bosselée, grisâtre; sa consistance, celle d'une tumeur fibreuse dense. On dirait, a la voir en position, qu'elle n'a aucune communication avec les nerfs cervicaux qu'elle cache ; seulement il se détache de son extrémité supérieure quelques filets qui se dirigent vers l'artère carotide AC, et d'autres qui vont se rendre à la tumeur F G'.

i1g livraison. i

3°. De l'extrémité inférieure de la tumeur IG naît un gros cordon qui, après un court trajet, se renfle pour former une tumeur triangulaire 2G, qui m'a paru représenter le ganglion cervical moyen. Cette tumeur 2G se continue par un cordon presque aussi volumineux que son cordon d'origine pour aller communiquer avec la tumeur 3G, ganglion cervical inférieur en partie masqué par l'artère vertébrale AV et l'artère sous-clavière ASC.

Fig. 2 et 3. La figure 1, qui représente les objets en place, permet encore de douter si les tumeurs que nous venons de décrire sont réellement formées aux dépens des ganglions cervicaux du grand sympathique. La figure 2 va faire cesser toute espèce de doute a cet égard, en nous montrant les connexions de ces ganglions avec les nerfs cervicaux. Ici les ganglions ont été portés en dehors et renversés de telle manière que leur face postérieure est devenue antérieure. La tumeur i'G, ou ganglion cervical supérieur accessoire, est seule restée en position. La figure 3 est destinée à la montrer renversée en haut et en dehors, afin de mettre sous les yeux des filets assez volumineux provenant de sa face postérieure, qui vont se perdre dans le muscle grand-droit antérieur. De son côté externe (fig. 2) partent, de haut en bas, i° un filet a qui va s'anastomoser avec le nerf carotidien fourni par le ganglion cervical supérieur IG; 20 deux ou trois filets b, c, qui, anastomosés avec des filets correspondais fournis par la première et la deuxième paires cervicales, forment un petit plexus duquel naissent des rameaux qui vont se jeter dans le ganglion cervical supérieur IG.

Le ganglion cervical supérieur IG donne naissance à un grand nombre de rameaux dont le développement, sans être précisément proportionnel à celui de ce ganglion, est néanmoins beaucoup plus considérable que dans l'état naturel. i°. De son extrémité supérieure partent deux ordres de filets; les uns destinés pour le canal carotidien AC; les autres, plus internes et plus postérieurs, se plaçant en devant des nerfs de la huitième et de la neuvième paires, m'ont paru leur envoyer «quelques filets pour pénétrer ensuite dans le rocher, dans l'épaisseur duquel je n'ai pu les suivre, vu le mauvais état de la pièce.

20. C'est par son bord externe que le ganglion cervical supérieur reçoit les rameaux qui établissent sa communication avec les paires cervicales. De ces rameaux, les uns proviennent de l'anse formée par la première et la deuxième paires cervicales, accrus par les filets indiqués du ganglion cervical supérieur accessoire; les autres naissent d'une seconde anse non moins remarquable formée par la deuxième et la troisième paires cervicales.

Le ganglion cervical moyen 2G reçoit deux branches considérables, dont l'une provient de la quatrième paire cervicale, et l'autre de la cinquième. Celle-ci naissait dans le trou de conjugaison de la racine antérieure de cette cinquième paire elle-même, par cinq ou six filets qui passaient au-devant de l'artère vertébrale. Cette disposition n'a pu être figurée ici.

Le gros cordon de communication du ganglion cervical moyen au ganglion cervical inférieur reçoit un rameau considérable provenant de la sixième paire cervicale, et à l'endroit de cette union se voit un renflement marqué.

3G représente le ganglion cervical inférieur renversé en dehors de manière à ce qu'on aperçoive sa face postérieure tout entière, l'artère vertébrale et la sous-clavière étant alors rejetées en arrière. On voit manifestement sa forme anguleuse, sa continuation avec le premier ganglion thoracique, un gros cordon de communication avec le deuxième ganglion thoracique qui ne dépasse pas le volume ordinaire3 des nerfs cardiaques très-volumineux ne, ne, qui embrassent l'artère sous-clavière, et les nombreux rameaux de communication du ganglion cervical inférieur et du premier ganglion thoracique réunis avec la sixième, la septième et même la huitième paires cervicales.

La figure 4 représente le ganglion cervical supérieur IG divisé longitudinalement dans presque toute son épaisseur; sa consistance est à peu près celle de la prostate, ou, mieux, d'une tumeur fibreuse; il crie

sous le scalpel, et sa force de cohésion est très-grande; sa couleur est gris blanchâtre, mais sans aspect resplendissant. On voit manifestement que son tissu est fibreux ; mais il n'a pas l'aspect globuleux des tumeurs fibreuses utérines; il présente plutôt la disposition aréolaire indiquée dans la figure. J'ai vainement cherché dans son épaisseur quelques filets nerveux; je n'y ai trouvé que des filamens grêles, demi-transparens, que je n'ai pas fait figurer, parce qu'ils se confondent avec les aréoles indiquées, et qui pouvaient bien être des filamens nerveux atrophiés, réduits à leur névrilème. Cette texture fibreuse était commune à toutes les tumeurs ; le ganglion cervical supérieur accessoire IG' avait seul une dureté cartilagineuse. Les cordons de communication des ganglions entre eux avaient le même aspect que les ganglions ; les cordons de communication avec les paires cervicales, plus développés que de coutume, avaient d'ailleurs leur couleur naturelle.

Réflexions. — Il résulte de la description qu'on vient de lire : i° que les ganglions nerveux sont sujets à une altération organique qu'on peut qualifier de transformation fibreuse avec hypertrophie considérable, altération dont je ne connais aucun autre exemple; i° que les troncs nerveux qui s'étendent de l'un à l'autre de ces ganglions sont aussi susceptibles de la même transformation.

Plusieurs questions se présentent à résoudre. Cette augmentation de volume des ganglions peut-elle être regardée comme une hypertrophie? et, au défaut de renseignemens sur les symptômes correspondans éprouvés pendant la vie, l'anatomie toute seule peut-elle déterminer s'il y avait ou s'il n'y avait pas excès d'action ? Certes, toutes les fois qu'on rencontre sur le cadavre un muscle très-vigoureux, un organe très-développé, on peut soutenir hardiment que ce muscle, que cet organe jouissaient d'une prédominance d'action proportionnelle à leur développement. Mais une augmentation de volume n'est pas une hypertrophie; bien souvent la nutrition de l'organe est en raison inverse de son volume, le tissu ancien ayant été pour ainsi dire étouffé par un tissu de nouvelle formation. Tel est le cas dont il s'agit. L'anatomie de texture nous apprend qu'il entre dans la composition d'un ganglion nerveux, i° une membrane fibreuse d'enveloppe , 2° des cellules ou aréoles fibro-celluleuses qui s'injectent à la manière des ganglions lymphatiques , 3° une substance grise éminemment vasculaire qui s'enlève comme une pulpe et que traversent des filamens nerveux qui s'éparpillent, revêtent de nouvelles combinaisons, paraissent quelquefois se perdre dans la substance grise pour renaître de toutes pièces, et justifier ainsi l'épithète qu'on lui a donnée de matrice du système nerveux. Or quel est celui de ces élémens qui a été le siège de la transformation? Ce ne sont pas les filamens nerveux, ils sont inaltérables; ce sont les vésicules ou cellules, c'est la substance grise; les nerfs proprement dits comprimés ont disparu, et des ganglions nerveux ont présenté absolument la même structure qu'une tumeur fibreuse. Ce qui confirme cette manière de voir, c'est que la transformation fibreuse existe le long du cordon du grand sympathique, qui contient de la substance grise, et nullement le long des filets de communication avec les paires cervicales qui n'en contiennent pas.

Je dois encore faire observer que le développement considérable des branches de communication entre les ganglions transformés et les paires cervicales confirme pleinement l'opinion émise à prioripar quelques physiologistes sur l'origine du nerf grand sympathique, qu'ils font sortir comme par un grand nombre de racines de l'arbre cérébro-rachidien. En effet, puisque les ganglions cervicaux sont transformés en tissu fibreux, et ne contiennent plus un atome ni de substance grise, ni de tissu nerveux, il est clair que, si les branches de communication provenaient de ces ganglions, elles devraient être atrophiées. J'ai d'ailleurs démontré anatomique-ment dans mon Cours que les ganglions du grand sympathique émanent des paires spinales. On voit en effet les branches de communication se détacher des branches spinales antérieures , et se rendre au ganglion correspondant en suivant une direction quelquefois courbe et même rétrograde, qui ne change nullement la circonstance d'origine.

Resterait maintenant à rattacher cette altération à quelques symptômes. A-t-elle été cause de mort? N'a-t-elle été suivie d'aucun désordre fonctionnel, et dans le cas où elle en aura causé, quels sont-ils ? sont-ils en harmonie avec les résultats obtenus par quelques expérimentateurs ? Voilà des questions dont la solution exige de nouveaux faits; et celui-ci, tout incomplet qu'il est, est bien propre à éveiller l'attention sur les lésions si peu connues des ganglions nerveux.

1ère Livraison, Pl. 4.

MALADIES DU REIN.

MALADIES DU REIN.

Cancer du rein.

(PLANCHE IV, fc LIVRAISON.)

Vavoques, âgé de cinquante-trois ans, tisseur aux Gobelins, entre à la Maison royale de santé, le 9 juin 1828, dans l'état suivant : Emaciation sans teinte jaune de la peau; débilité extrême; infiltration des membres inférieurs; dévoiement; soif; langue lisse et pâle; aucune douleur. En explorant l'abdomen, qui est légèrement météorisé, je découvre dans le flanc gauche, à travers une fluctuation élastique, une tumeur très-volumineuse, indolente, dont le malade ne s'était jamais aperçu, étendue depuis les dernières côtes gauches jusqu'à la fosse iliaque du même côté. Je crus d'abord que c'était la rate indurée ; mais le malade n'avait pas eu d'accès de fièvre depuis vingt ans, époque k laquelle il avait été pris d'une fièvre intermittente qui dura six mois. Alors, palpant de nouveau la tumeur, je reconnus qu'elle faisait corps avec la paroi postérieure de l'abdomen, qu'elle ne jouissait d'aucune espèce de mobilité, qu'on pouvait très-bien l'explorer par la région lombaire, dans l'intervalle compris entre la douzième côte et la crête iliaque, intervalle qui était sensiblement augmenté; qu'elle se portait verticalement en bas au lieu de se diriger de haut en bas, de gauche à droite et d'arrière en avant, ainsi que le fait habituellement la rate hypertrophiée. Je présumai donc que cette tumeur était formée aux dépens du rein, et mes présomptions se convertirent en certitude, lorsque, interrogeant le malade sur ce qui avait précédé, j'appris que, cinq mois auparavant, il avait éprouvé, sans cause connue, des douleurs autour de l'ombilic, bientôt suivies d'une hématurie qui dura pendant un mois, au bout duquel les urines étaient redevenues naturelles. C'est à dater de cette époque qu'est survenu un dévoiement sans coliques qui a présenté beaucoup de variations.

De là j'inférai que Vavoques avait deux maladies distinctes par leur siège et par leurs indications : i° une affection organique du rein ; i° une inflammation chronique du gros intestin. La première affection, qui était probablement au-dessus des ressources de l'art, pouvait le laisser vivre plusieurs années, à moins d'hématurie nouvelle; la seconde, quoique moins grave, devait l'enlever promptement si l'on n'y portail remède. Y avait-il quelque rapport entre ces deux lésions ? L'affection du rein pouvait s'être propagée au tissu cellulaire ambiant, et par celui-ci au colon descendant ; mais il était possible qu'il n'y eut que rapport de coexistence, et je devais d'abord diriger les principaux moyens thérapeutiques contre le dévoiement. (Décoction blanche sans cannelle; potion avec 1 grain ext. gomm. thébaïq.; quart de lavement avec dix gouttes laudanum. — Emplâtre de ciguë sur l'abdomen au niveau de la tumeur. Diète féculente. )

Néanmoins le dévoiement persiste : hémorrhoïdes douloureuses qui donnent beaucoup de sang. Le malade s'épuise peu à peu; il est pris d'une ophthalmie palpébrale légère, puis d'un catarrhe pulmonaire, à l'occasion duquel j'explorai le thorax : voix résonnante, ayant tout l'éclat de la trompette au-dessous des clavicules; égophonie au niveau des fosses sous-épineuses. Le pouls devient petit et grêle; l'infiltration des extrémités inférieures augmente avec le dévoiement. Le malade s'éteint, ayant conservé sa connaissance jusqu'au dernier moment.

Ire LIVRAISON. *

Ouverture du cadavre. —L'abdomen ouvert, on aperçoit la tumeur ( fig. i ) RC, en partie cachée par le colon descendant CD, qui occupe sa partie latérale gauche, et en partie par la fin du duodénum et le commencement de l'intestin grêle D, J; le péritoine tapissait le reste. L'estomac et la rate étaient dans leur situation naturelle-, la rate, volumineuse, était séparée du rein par une cloison membraneuse. La surface arrondie, lisse, blanc -rougeâtre, du rein est parcourue par des vaisseaux sanguins, d'un volume considérable.

La coupe du rein (fig. 2), faite de son bord convexe vers son bord concave, a présenté : i" au centre, une cavité C anfractueuse contenant un liquide séreux ; 20 la presque totalité de la tumeur était formée par un tissu blanchâtre, demi-transparent, aréolaire, dans les mailles duquel était déposée une matière blanc-jaunâtre, concrète, comme granulée (matière dite tuberculeuse) TTTT ; 3° une zone plus excentrique était composée d'une matière demi-transparente, analogue pour l'aspect au cerveau d'un jeune enfant, dense, parcourue par des vaisseaux sanguins très-multipliés et très-volumineux (cancer encéphaloïde cru) EEEE ; très-mince à la partie inférieure, cette couche encéphaloïde devient beaucoup plus épaisse à la partie supérieure. 4° Enfin, pour mieux voir la circonférence de la tumeur, j'ai détaché la membrane fibreuse : j'ai reconnu partout la substance du rein, mais altérée et ne conservant parfaitement les caractères du tissu propre de cet organe qu'à la partie supérieure ; là on retrouvait le tissu granuleux et rougeâtre, mais à grains extrêmement fins, de la substance corticale SC; point de trace de substance tubuleuse. Des poches fibreuses, remplies ici d'un liquide transparent, là de matière trouble et noirâtre, se voyaient en grand nombre dans l'épaisseur de cette partie supérieure. C'étaient évidemment les calices dilatés et oblitérés CO, n'ayant plus aucune communication avec le bassinet. Dans plusieurs de nés poches se voyaient des caillots de sang faisant suite à de petites masses carcinomateuses MC, MC, libres dans toute leur surface, adhérentes seulement par un pédicule très-mince. C'est sous la couche la plus excentrique, formée par le tissu du rein dégénéré, que se voient le plus grand nombre de vaisseaux sanguins ; ou plutôt ce sont des canaux sanguins sans parois vasculaires creusés dans l'épaisseur du tissu, tandis qu'on n'en rencontre presque aucun au milieu de la substance tuberculeuse. La figure 2 donne une idée aussi exacte que possible et des différentes couches et de leur coloration.

L'uretère naissait de la partie interne antérieure et supérieure de la tumeur; donc l'altération avait principalement lieu aux dépens de la partie inférieure du rein. Le bassinet B et l'uretère U, figure 3 , étaient parcourus à leur surface externe par un nombre prodigieux de vaisseaux sanguins veineux, flexueux comme tous les vaisseaux de nouvelle formation ou nouvellement développés et aréolaires.

L'un et l'autre (fig. 3 ) étaient remplis par une matière pultacée MC, d'apparence carcinomateuse, analogue à celle observée dans les calices, comme elle pénétrée de vaisseaux sanguins qui paraissaient de nouvelle formation. Le rein gauche devait donc être complètement étranger à la sécrétion de l'urine.

La figure 4 représente une tranche mince du tissu morbide. Sa demi-transparence à travers le fond noir qui la supporte donne une idée très-exacte de la disposition aréolaire du tissu fibreux, dans les mailles duquel était déposée la matière tuberculeuse jaunâtre.

Les poumons, parfaitement sains, sont rejetés en avant, en sorte que l'auscultation m'avait induit en erreur, en me faisant croire à une induration au-dessous des clavicules. Il existait dans la cavité de la plèvre une assez grande quantité de sérosité transparente, ce qui explique l'égophonie observée au niveau des fosses sous-épineuses. Rougeur et ulcérations superficielles du gros intestin. L'altération allait en diminuant depuis le rectum jusqu'à la moitié droite de l'arc du colon qui était dans l'état naturel.

Réflexions. — Voilà une des formes composées du cancer du rein. Il nous sera facile de démontrer plus tard que toutes les autres formes du cancer ne sont que des variétés d'une forme qu'on peut considérer comme le type des affections cancéreuses, que dans toutes il y a

développement des filamens cellulaires, disposition aréolaire à mailles plus ou moins denses; dans toutes, dépôt soit de matière caséiforme, soit de matière gélatiniforme transparente, demi-transparente, infiltrée, combinée, déposée, etc., etc.

Rien de plus difficile que le diagnostic du cancer du rein; le plus souvent il n'existe aucun symptôme local; un dépérissement insensible, un malaise général révèlent seuls l'existence d'une lésion organique aussi profonde, et c'est souvent par hasard qu'en promenant sa main sur les diverses régions de l'abdomen, le praticien a découvert ce qu'il ne cherchait pas. Je me rappellerai toujours l'observation d'une femme, âgée de soixante ans, amaigrie, décolorée, qui n'entra à l'Hôtel-Dieu, disait-elle, que pour se reposer. Toutes les fonctions, sauf la nutrition, s'exerçaient en effet de la manière la plus régulière. Bientôt elle demande sa sortie. On la rapporte quatre à cinq jours après dans l'état comateux le plus profond. Elle succombe. Je trouvai pour cause de mort une inflammation du tissu cellulaire sous-arachnoïdien. Ayant ouvert l'abdomen, j'aperçus le rein droit dans la région iliaque; il était très-volumineux. Je le divise et je vois, à mon grand étonnement, qu'il est converti en une matière carcinomateuse, molle, pulpeuse, pénétrée de vaisseaux sanguins et traversée par des espèces de colonnes qui la soutenaient; au centre était un noyau dense, blanchâtre, ayant la résistance du tissu fibreux. Les calices étaient tapissés par du sable rougeâtre, preuve manifeste que la sécrétion de l'urine avait continué dans le rein. Cette dernière circonstance, qui me paraissait inexplicable au moment où je recueillis ce fait, est facile à concevoir d'après ce grand principe d'anatomie pathologique, que j'aurai occasion de démontrer plus tard, savoir que les altérations organiques, connues sous le nom de productions, de transformations, de dégénérations, sont le résultat du dépôt de produits sécrétés dans les mailles du tissu cellulaire, d'où V éparpillement d'abord et enfui Vatrophie du tissu propre. Il en résulte que les molécules, si je puis parler ainsi, du tissu propre, disséminées, peuvent continuer à remplir leurs fonctions tout le temps que ces molécules n'ont pas éprouvé de transformation complète. Tous ces canaux veineux trouvés à la circonférence du tissu encéphaloïde sont des vaisseaux de nouvelle formation, des vaisseaux tout-à-fait indé-pendans de la circulation générale; rien de plus commun que cette formation de vaisseaux qu'on voit s'organiser au milieu de certains produits de sécrétion, à la manière des vaisseaux de l'œuf. Or il est des produits de sécrétion au milieu desquels ils ne s'organisent jamais, tels sont le pus, la matière tuberculeuse; d'autres au milieu desquels ils s'organisent presque toujours, telles que les fausses membranes, les sucs galactiforme, gélatiniforme, du cancer. Aussi voit-on ici que toute la masse tuberculeuse TTT, fig. 2, ne présente aucun vaisseau, tandis que la couche encéphaloïde EEE en fourmille; et c'est là, à mon avis, la grande différence qui existe entre les produits tuberculeux et les produits dits cancéreux : ceux-là sont toujours des corps étrangers non vivans, il faut qu'ils soient éliminés; ceux-ci sont des corps étrangers vivans, ils persistent indépendamment de la cause qui les a produits, vivent d'une vie propre, semblables au fœtus, qui reçoit de sa mère les matériaux de la nutrition, mais qui les assimile, les transforme à sa manière, et peut-être est-ce là qu'il faut chercher la véritable raison de l'incurabilité du cancer. Le régime fait bien quelquefois maigrir, si l'on peut s'exprimer ainsi, les tumeurs cancéreuses comme tout l'individu ; il peut bien donner au sang des principes moins acres, moins stimu-lans ; mais il ne peut atteindre énergiquement ce nouvel individu, cet animal parasite qui est comme greffé sur un autre individu. Il faudrait pouvoir découvrir un moyen qui allât le frapper de mort, comme le mercure qui va directement atteindre le principe de cet ulcère; encore le cancer, pour être curable, demanderait-il deux choses : i° la destruction de la cause cancéreuse; i° la destruction du mal local. En chirurgie, on extirpe le mal local, et on sait que, pour obtenir quelque chose, il faut tout extirper, faute de quoi la portion restante, irritée par une opération incomplète, prend un nouvel accroissement. Si la chirurgie n'obtient pas déplus grands succès, c'est parce que, en extirpant le mal local, elle n'atteint pas la cause productrice du cancer. En médecine, on obtient moins de succès encore, parce qu'on n'a de prise ni sur le mal local, ni sur la cause générale.

Le diagnostic, difficile pour le rein gauche, l'est encore bien davantage pour le rein droit, qui se trouve en grande partie caché par le foie et qui semble se continuer avec lui. C'est ainsi que, dans une observation publiée par mon ami, le Dr Vallerand de Lafosse (*), la tumeur volumineuse, arrondie, que portait le malade dans le flanc droit, tumeur que j'eus occasion de constater pendant la vie, paraissait aux uns appartenir au foie, aux autres occuper le tissu cellulaire qui avoisine le rein; il était encore possible que le colon ascendant induré simulât cette tumeur. Fondés sur des hématuries antécédentes, nous pensâmes que la tumeur avait son siège dans le rein, mais sans pouvoir en préciser le caractère. L'examen de la pièce anatomique, que je fis avec MM. Vallerand et Jolly, nous montra que cet organe avait acquis un volume triple de celui du côté opposé ; dépouillé de ses membranes, il était bosselé, et ces bosselures tenaient à la présence d'une quantité innombrable de petites masses, les unes tuberculeuses, les autres encéphaloïdes ; on en retrouvait encore dans le calice et le bassinet. Il existait dans l'épaisseur du rein plusieurs cellules remplies par une matière gélatineuse concrète. La veine cave, accolée au rein, était entièrement obstruée par un caillot fibrineux très-solide, d'un blanc jaunâtre. Du reste, ce malade avait, outre la lésion du rein, des tubercules innombrables dans les poumons, tant il est vrai qu'il est excessivement rare de rencontrer des lésions organiques sans complication, à moins qu'elles ne mettent en péril des fonctions indispensables à la vie, et ne tuent avant que le cercle des réactions, des transports des matières morbides et des prédispositions acquises, n'ait été parcouru.

(*) Nouvelle Bibliothèque médicale, 1825.

1ère Livraison Pl. 5.

MALADIES DU REIN.

MALADIES DU REIN.

NÉPHRITE.

Néphrite aiguë (fig. 1-2) terminée par ramollissement.—Inflammation du tissu adipeux qui environne le bassinet et Vuretère. —Abcès autour du bassinet ouvert dans sa cavité.

(planche v, ire livraison.)

Madame B., âgée de soixante-trois ans", d'un embonpoint excessif, est apportée, le 12 septembre 1828, à la Maison royale de Santé, avec tous les symptômes d'un accès ^.asthme. Respiration sifflante ; orthopnée. L'auscultation permet de reconnaître dans les deux poumons une sibilation avec toutes les variétés de ton qui résultent du resserrement spasmodique des tuyaux bronchiques. La face était pâle; le pouls, presque naturel pour la fréquence, mais peu développé. Pour tous commémoratifs, je recueille que la malade est dans cet état depuis quatorze jours; qu'elle a été émétisée une fois et saignée deux. Je prescris deux syna-pismes aux pieds et une potion avec gomme ammoniaque, 1 gros, dissoute dans oxim. scillitique, 1 once;

eau de laitue, 5 onces, à prendre par cuillerée.

T,p Ipnrlpmnin *3 J lVïppi^ccW cTraît cuujpieiement disparu, et néanmoins la face, bien loin d'exprimer

le bien-être, peint un état de malaise, d'angoisse extraordinaire. La malade, qui n'a pris que deux cuillerées de la potion , a vomi toute la nuit : nausées continuelles que provoquent la moindre boisson, le plus léger mouvement; pouls à peu près naturel. Je pus croire que les vomissemens avaient été provoqués parla potion, qu'ils tenaient d'ailleurs, ainsi que les autres symptômes, à l'étroite sympathie qui unit les poumons et l'estomac. Mais, le i4, la persistance des nausées et des vomissemens, la face pâle et décolorée exprimant une douleur sourde et profonde, l'état d'angoisse, la prostration extrême dénotent manifestement une affection abdominale dont il m'est impossible de pénétrer ni la nature, ni le siège, mais dont il n'est que trop facile de deviner la gravité. Serait-ce la cause inconnue de l'asthme qui se serait portée sur l'estomac? Cette cause serait-elle purement nerveuse? (Vésicatoire au bras. Eau de Seltz : potion anti-émétiq. de Rivière.)

Le i5, l'abdomen est douloureux à la pression, surtout dans leflanc et la région iliaque gauches. Mais point de tension, point de ballonnement; pouls apyrétique. Serait-ce une péritonite? Mais l'abdomen n'est pas ballonné; le pouls est à peine fébrile; il n'est ni petit, ni concentré. Je penche davantage pour une gastrite, ou plutôt pour un ramollissement gélatiniforme de l'estomac ou des intestins. Quel que soit le siège, il y a inflammation désorganisatrice (20 sangsues sur l'abdomen; 2 sinapismes aux pieds; bain conditionnel, qui n'a pas été donné, vu les défaillances continuelles). Le soir, l'angoisse, les vomissemens, les nausées ont augmenté : la malade n'a pu supporter de l'eau lactée qu'elle m'avait demandée. Ne pouvant rallier l'accès d'asthme aux symptômes observés depuis, je fais demander aux parens des renseigne-mens plus précis, et j'apprends que les vomissemens dataient de l'invasion de la maladie qu'on attribuait à une indigestion ; que l'oppression n'était survenue qu'au moment de son départ pour l'hôpital. Persuadé que le point de départ de tous les symptômes est dans l'abdomen, que l'accès d'asthme n'est que sympathique, je prescris de nouveau 20 sangsues, 2 vésicatoires, à la partie interne des cuisses. Potion calmante avec 1 grain extr. gomm. thébaïq. Lavement avec dix gouttes laudan. liq. Syd.

Le 16, abdomen plus douloureux encore', mais sans tension ni ballonnement; angoisse inexprimable; respiration plaintive; face profondément altérée. Parfaite connaissance; la malade a besoin de rassembler

i™ livraison. i

toutes ses forces pour articuler quelques sons. Pouls presque naturel pour la fréquence, mais plus grêle que les jours précédens. Mort pendant la nuit, le quatrième jour de l'entrée de la malade et le dix-huitième de l'invasion.

Ouverture du cadavre. — A quelle maladie avions-nous eu affaire? Telle était la première question qui devait se présenter. Je m'arrêtai à une affection de l'estomac, à une gastrite avec ramollissement gélatini-forme ; mais je ne me dissimulais pas l'incertitude du diagnostic, et je trouvais dans cette maladie quelque chose d'insolite que je ne pouvais pénétrer. L'autopsie cadavérique va tout éclaircir.

L'abdomen ouvert, le péritoine nous a paru parfaitement sain. Le foie, la rate, l'estomac, le canal intestinal, examinés à l'extérieur, n'ont présenté rien de particulier. L'estomac divisé a offert une couleur généralement obscure, des replis muqueux teints en jaune, du pointillé rouge çà et là; mais point de ramollissement, et je ne pouvais voir dans ces altérations légères la cause de l'appareil formidable de symptômes que j'avais observé. Les intestins grêles étaient remplis de mucosités teintes en jaune; les gros intestins étaient dans l'état le plus naturel, sauf encore du pointillé rouge. Le foie et la rate, divisés en tranches minces n'ont offert rien de particulier. Le pancréas, par une disposition assez singulière, venait se terminer à la première courbure du duodénum; mais son tissu était naturel. Désespéré de ne point trouver dans l'abdomen la source de tous les symptômes, j'ouvre le thorax : poumons engoués, libres d'adhérences, parfaitement sains ; cœur et gros vaisseaux sains, concrétions polypiformes dans l'aorte et le cœur. Aucune espèce d'altération.

Je reviens à l'abdomen. Restait encore à examina loc ^ïnç, la vessie, l'utérus et ses annexes. J'entame l'énorme masse adipeuse au milieu de laquelle le rein gauche était comme enseveli : la trouvant plus dense que de coutume, je l'enlève avec précaution, et voici les altérations morbides que j'ai rencontrées :

Fig. i. Autour du bassinet se voit un foyer purulent récent A, dont le pus était encore en partie infiltré dans les mailles du tissu cellulaire. Ce foyer communiquait avec l'intérieur du bassinet par deux ouvertures oo récentes, à bords inégaux, déchirés. Dans le bassinet ouvert se présentent des calculs d'acide urique. Autour du foyer principal, au milieu des masses adipeuses, on reconnaissait de petits foyers purulens, pisiformes aaa. Le tissu cellulaire adipeux qui accompagnait l'uretère jusqu'à son entrée dans la vessie était induré, surtout au niveau de sa moitié inférieure, où il faisait corps avec l'ovaire , le ligament ovarique et la trompe utérine gauches.

Après avoir complètement séparé l'uretère de la masse indurée, j'ai reconnu que ce canal contenait une série de petits calculs ccCj dont le plus inférieur était le plus considérable, disposés en chapelet depuis l'origine de l'uretère jusqu'à un pouce de son insertion dans la vessie. Ces calculs ne fermaient pas hermétiquement le canal, en sorte que l'urine et le pus pouvaient arriver librement jusque dans la vessie.

La surface du rein R était décolorée, couleur café au lait clair légèrement teint en rose. Quelques points étoiles VE, placés çà et là, sont les vestiges de la fluxion sanguine qui a précédé. Du reste, son tissu était d'une mollesse extrême, comme diffluent; il se déchirait avec la plus grande facilité, tellement que l'effort, assurément très-léger, nécessaire pour séparer sa membrane d'enveloppe, a lacéré toute sa surface. Quelque précaution que j'aie prise, il m'a également été impossible de faire une coupe nette et exempte de déchirure.

La fig. 2 est destinée à représenter cette coupe. Ici le ramollissement du tissu paraît dans tout son jour. La plus légère pression, la plus légère traction suffisaient pour le morceler, et ce morcellement, cette dif-fluence me paraissent très-bien rendus par la figure. L'altération était au reste bornée à la substance corticale qui avait été envahie dans sa totalité, en sorte qu'on voyait cette substance pultacée blanc-rougeâtre pénétrer dans l'intervalle des cônes décolorés, mais sains, de la substance tubuleuse. J'ai vainement cherché la disposition granuleuse de la substance corticale; je n'y ai trouvé qu'une masse celluleuse dont les mailles auraient été dissociées par un liquide trouble interposé : on ne pouvait d'ailleurs exprimer de cette

masse une seule goutte de pus ou de sérosité. Il y avait une véritable combinaison; c'est le ramollissement pur et simple. Dans les calices existaient encore quelques calculs. On y voyait aussi du pus comme dans la vessie, et en plongeant la pièce dans l'eau, j'ai vu que la surface interne des calices et du bassinet était comme tomenteuse, hérissée de flocons celluleux. Il semblait que la muqueuse très-ténue qui recouvre les calices et le bassinet avait été décomposée en ses élémens; car, sous ces fdamens, la disposition aréolaire de la membrane propre du bassinet était parfaitement distincte.

Le rein droit était complètement atrophié et n'avait pas la huitième partie du volume de l'autre rein, qui d'ailleurs ne dépassait guère l'état naturel. La capsule surrénale droite était considérablement développée.

La face antérieure du rectum adhérait à la face postérieure de l'utérus par des brides filamenteuses très-multipliées. La trompe droite, oblitérée à son extrémité frangée, se terminait en manière de massue. Quelques petites tumeurs fibreuses superficielles soulevaient le péritoine qui revêt la face postérieure de l'utérus. Un petit polype naissait de la muqueuse utérine.

Etonné et satisfait tout à la fois du résultat de cette autopsie, j'ai prié les parens de madame B. de venir me donner des détails circonstanciés sur ce qui avait précédé. Voici ce que j'ai recueilli : madame B. était molle, apathique; jamais elle n'avait rendu de graviers, jamais elle ne s'était plainte du côté de la vessie. Il y a quatre ans, pour la première fois, douleurs lombaires qu'on attribuait à un rhumatisme. La malade se plaignait souvent de cette région, marchait parfois inclinée à gauche . sa maladie a débuté par des nausées, des vomissemens qu'elle attribua à mno indigestion. Elle se plaignit en même temps d'une vive douleur dans la région iliaque et le flanc gauches. — i grain tartre stibié en lavage. Le lendemain, saignée; le surlendemain 25 sangsues. Soulagement. La malade boit de l'eau rougie, les douleurs reparaissent avec plus d'intensité. Aucun autre moyen n'avait été employé jusqu'à son entrée à l'hôpital. On dit que les urines avaient été naturelles tout le temps de son séjour chez elle; à l'hôpital, elle n'urinait qu'en allant à la selle, si tant est qu'elle urinât. Les infirmières interrogées n'ont pu me donner aucun renseignement à cet égard.

Réflexions. — Ce fait, dans la narration duquel j'ai suivi scrupuleusement l'ordre des idées qu'il a fait naître dans mon esprit, me semble jeter quelque jour sur le diagnostic , si obscur en général, de la néphrite spontanée. Il me semble que la réunion des symptômes suivans : vomissemens bilieux continuels, que n'explique point l'état de l'estomac; douleur concentrée dans la région du flanc, s'étendant dans la région iliaque, douleur qui, au reste, deviendrait plus pathognomonique par l'exploration de la région lombaire; l'anxiété inexprimable; le sentiment continuel de défaillance, me feraient au moins soupçonner une néphrite aiguë, et probablement les symptômes tirés des organes urinaires eux-mêmes, la suppression des urines , les urines troubles, sanguinolentes, compléteraient le diagnostic.

Je dois y joindre un mode d'exploration qui me paraît propre à jeter un grand jour sur le diagnostic des maladies du rein. Généralement on explore le rein par la région antérieure des flancs; mais de cette manière on a beau comprimer, à peine arrive-t-on jusqu'à cet organe : aussi n'acquiert-on de signe matériel vraiment caractéristique sur l'existence d'une maladie du rein que lorsque cet organe a acquis un volume considérable. Voici la manière dont j'ai coutume de faire cette exploration : je porte la main en arrière sur la région lombaire; je soulève , avec un ou plusieurs doigts, la portion des parois abdominales comprise entre la crête iliaque et la dernière côte; en même temps je presse de l'autre main, ou mieux avec le pouce de la même main, la paroi antérieure correspondante de l'abdomen ; et je puis ainsi reconnaître et la moindre augmentation de volume, et la moindre sensibilité.

L'anatomie nous révèle la source de l'intensité des phénomènes sympathiques, et même du

caractère de ces phénomènes dans l'immense quantité de nerfs ganglionnaires que reçoit le rein, nerfs ganglionnaires auxquels viennent s'ajouter des filets émanés directement du pneumogastrique.

L'anatomie nous explique encore jusqu'à un certain point, par la communauté des nerfs , cet accès d'asthme sympathique, évidemment nerveux, évidemment indépendant de toute affection organique des viscères thoraciques. Dans quelques cas d'inflammation chronique du rein, les vomissemens peuvent être le résultat de la compression exercée par le rein sur le pylore ; du moins telle est l'interprétation la plus vraisemblable du fait suivant, que j'ai observé à l'hôpital Saint-Antoine, en 1811. Un homme âgé de soixante-deux ans, tourmenté depuis un an de vomissemens continuels, souvent noirs, succomba dans l'état d'adynamie le plus complet, après avoir rendu des urines purulentes. On soupçonnait un squirrhe au pylore. A l'ouverture, nous vîmes une tumeur considérable , partant de la face inférieure du foie et s'éten-dant jusqu'à la région lombaire; nous pûmes croire que cette tumeur était une dépendance du foie : c'était le rein très-développé, qui se prolongeait jusqu'au niveau du pylore, qu'il comprimait ; sa substance était molle ; de petits foyers de suppuration se voyaient à sa surface. Le foie, plus petit que de coutume, était divisé en lobules distincts : l'un de ces lobules, du volume du poing, qui ne tenait que par un pédicule très-mince, membraneux et vasculaire, descendait jusqu'au pylore , en sorte que cet orifice se trouvait placé entre le rein, qui était en arrière, et le lobule du foie, qui était en avant, et cette variété de conformation du foie a bien pu concourir aux phénomènes observés. Au reste, il serait possible que les vomissemens eussent été purement sympathiques. Mais II ^ MrP ane les phénomènes sympathiques ne s'usent pas, pour ainsi dire, dans les maladies chroniques.

Sous le rapport de l'anatomie pathologique, ce fait n'est pas moins important; nous voyons enflammés à la fois et le rein et le tissu cellulaire au milieu duquel il est comme enseveli. Combien de fois n'arrive-t-il pas que le tissu cellulaire attire sur lui la cause inflammatoire qui tendait à se porter sur le tissu du rein lui-même ! Les calculs contenus dans les uretères, dans les calices et le bassinet, ont-ils été dans le cas actuel en totalité ou en partie cause de l'inflammation? Il est probable qu'ils l'ont été, au moins en partie, bien que par leur présence ils n'apportassent aucun obstacle mécanique au cours des urines. D'ailleurs il y a une affinité non contestable entre l'inflammation et cette altération de sécrétion qui a pour résultat la formation des graviers. L'ouverture du foyer purulent principal dans le bassinet est une circonstance fort importante de laquelle peut résulter, suivant la facilité ou la difficulté de la communication, ou la guérison ou un accroissement excessif de l'inflammation parle passage des urines. Le ramollissement progressif du tissu propre du rein doit-il être rapproché du ramollissement gélatini-forme ? ou bien résulte-t-il de l'infiltration d'une petite quantité de pus non encore rassemblé en foyer ? J'ai vu le ramollissement gélatiniforme d'une partie du rein gauche, chez un enfant dont le colon descendant avait subi la même altération : c'est un aspect tout différent. Je pense donc que le rein ramolli presque diffluent en était à cette époque peu connue de l'inflammation où le pus commence à remplacer le sang, à dissocier les mailles des tissus, sans pourtant qu'on puisse reconnaître matériellement sa présence. Ces altérations par combinaison de pus avec le tissu des organes sont plus difficiles à reconnaître et surtout à interprêter qu'on ne le croit communément : et cette difficulté me paraît surtout très - grande pour le rein, qui devient pâle, en général mou, mais dont le tissu semble au premier abord peu altéré. C'est ainsi que chez une malade affectée d'inflammation chronique du corps de l'utérus, examinant par hasard les reins? je vis que le droit était environné d'un tissu cellulaire très-dense; je l'ouvre : il était décoloré et offrait dans la plus grande partie de son étendue une couleur d'un blanc jaunâtre, au milieu de laquelle je trouvai quelques gouttelettes de pus : sans cette dernière circonstance j'aurais pu regarder l'altération comme un simple changement de couleur.

Sous le rapport thérapeutique, qu'aurait-il fallu faire? Saigner largement les premiers jours, faire avorter l'inflammation par des bains de cinq, six , huit et dix heures, renouvelés à de

courts intervalles, ainsi que nous l'avons fait avec tant de succès dans un cas de néphrite par cause externe. Dans le cas actuel, il fallait agir avec d'autant plus de vigueur que le rein droit atrophié ne pouvait pas suppléer le gauche ; que conséquemment la sécrétion urinaire devait être complètement suspendue. Notre malade était donc dans les conditions les plus défavorables, et peut-être aurait-elle résisté; certainement au moins elle eût résisté plus long-temps sans cette particularité, digne de figurer dans l'histoire de la néphrite, et qu'il est absolument impossible de prévoir. Notons encore i° la coexistence de l'atrophie d'un rein non calculeux, de la gravelle du rein opposé avec le développement énorme du tissu adipeux; 2° la coexistence de l'atrophie du rein droit et de l'hypertrophie de la capsule surrénale droite, laquelle était double de la capsule surrénale gauche ; notons enfin 3° cette même atrophie du rein droit comme une cause prédisposante de l'inflammation du rein gauche.

Néphrite ( Fig. 3 - 4-5 ) terminée par suppuration infiltrée : développement énorme et transformation du rein en un tissu spongieux pénétré d'un liquide lie de vin.

Les figures 3 et 4 de la même planche représentent le rein gauche d'un individu sur lequel nous n'avons que bien peu de renseignemens : voici ceux qui m'ont été donnés par M. le docteur Brière de Boismont,à qui je dois ce fait intéressant.

Dans les derniers jours du mois de mai 1827, un homme, âgé de soixante-trois ans environ, entra à l'hôpital Saint-Antoine, service de M. Lullier-Winslow. Douleurs obtuses dans l'abdomen, qui est volumineux , et présente tous les signes d'une ascite commençante. A travers un flot de liquide on reconnaît une tumeur volumineuse, sensible à la pression, dont on présuma q«© le siège est dans le rein gauche. L'état de ce malade paraiaaoïns d^cpere, on se contente de prescrire quelques palliatifs. Deux jours avant sa mort, hématurie très-abondante. Le malade raconte à ce sujet qu'il a éprouvé deux hémor-rhagies semblables à une époque assez éloignée. Le 3i mai, il succombe dans un grand état de faiblesse. A l'ouverture du cadavre, on trouve une grande quantité de sérosité dans l'abdomen ; le rein droit très-sain : le rein gauche (fig. 3 ) prodigieusement développé , mais sans changement de forme, remplissait, non-seulement toute la région lombaire, mais avait pour ainsi dire envahi et la régio^i iliaque et l'hypo-chondre gauches. Son extrémité supérieure adhérait intimement au diaphragme; son extrémité inférieure plongeait dans le petit bassin ; il pesait plus de trois livres ; il avait neuf à dix pouces de longueur et autant de circonférence. De sa face postérieure naissait un kyste séreux très-considérable RS, à parois denses, qui soulevait la membrane propre. Celle - ci MP, qui a été renversée du côté du bord concave, était extrêmement épaisse et parsemée de longs vaisseaux veineux très-développés. Elle était séparée du tissu propre du rein , ici par une sérosité trouble, là par du pus , tantôt déposé en couche mince, tantôt ramassé en foyers qui pénétraient plus ou moins profondément dans la substance du rein. Dans quelques points, ce pus était concret PC et représentait assez bien de petites masses de matière tuberculeuse. Du reste, la surface du rein était d'une couleur lie de vin clair; les bosselures, à la manière de rein de veau ou d'un fœtus qu'on remarque à cette surface, ne se sont manifestées qu'après l'évacuation d'une grande quantité de liquide purulent contenu dans son épaisseur. Si on faisait une entaille I, quelque petite qu'elle fût, à l'un des points de la substance de ce rein, on exprimait, par la plus légère pression, une grande quantité de liquide lie de vin épais P, formé comme par un mélange de pus et de sang.

La fig. 4 représente la coupe de cet organe faite du bord convexe au bord concave.

Plusieurs calices étaient remplis par des concrétions jaunâtres, peu cohérentes, qui se prolongeaient dans l'épaisseur du rein et remplissaient des foyers ou déchirures creusés dans sa substance. Il était aisé de reconnaître dans ces concrétions du sang coagulé dépouillé de sa matière colorante.

Après avoir exprimé comme d'une éponge une quantité considérable de pus couleur lie de vin qui en découlait comme par flots ; après avoir soumis la surface divisée à un jet d'eau continu qui enlevait le

1VG LIVRAISON. 1

liquide à mesure, j'ai trouvé au lieu de la substance rouge, grenue du rein, un tissu spongieux TR, TRj que je ne puis mieux comparer qu'à celui de la rate dépouillée de sa pulpe ; l'analogie était telle, que plusieurs membres de la Société anatomique, à laquelle cette pièce a été présentée, crurent avoir sous les yeux un exemple de transformation du tissu du rein en tissu érectile, et ils invoquaient en faveur de leur manière de voir le grand nombre de vaisseaux qu'ils voyaient traverser en tous sens ce tissu, et l'hypertrophie, qui s'explique également très-bien par le développement du tissu érectile. Mais je ne pus partager leur opinion, et je me fondai sur la présence non équivoque du pus dont le rein tout entier était pénétré. D'ailleurs, l'anatomie de texture des organes parenchymateux rend parfaitement compte de semblables altérations. Soumettez, en effet, un organe parenchymateux, le foie, le rein, à l'action d'une solution alcaline, ou bien du chlorure de chaux usité dans nos amphithéâtres, vous verrez le tissu propre enlevé peu à peu; il ne restera qu'un parenchyme celluleux, qu'une éponge à peu près identique pour tous les tissus. On conçoit donc comment l'élément organique qui constitue le tissu propre est entraîné avec le pus, et comment alors il ne reste que le parenchyme celluleux ou fibreux. J'aurai occasion de revenir plusieurs fois sur ce sujet.

Je n'ai pu trouver aucune trace de la substance tubuleuse, ou plutôt la substance corticale et la substance tubuleuse étaient confondues : peut-être la substance tubuleuse était-elle atrophiée. A la place des mamelons on voyait des excavations CC, dont le fond présentait l'aspect radié de la substance tubuleuse.

Je pense donc que le rein représenté fig. 3 et 4 avait été le siège d'une inflammation chronique snr laquelle s'était, pour ainsi dire, entée une inflammation aiguë que caractérisait la présence du pus lie de vin.

En examinant sous l'eau plusieurs fragmens de ce rein entièrement privés du liquide qui les pénétrait de toutes parts, j'ai vu à l'œil nu un très-grand nombre de peiUca ymnariafrcs; je les ai exami-

nées à la loupe, et j'ai reconnu avec surprise qu'à ces grappes étaient appendues de petites granulations affaissées que je ne puis mieux comparer qu'aux pinceaux vasculaires du placenta. Une de ces grappes, grossie une vingtaine de fois, a été gravée fig. V, GR : ces petites granulations seraient-elles donc les granulations des reins affaissées ? Il est aisé de voir que ces vaisseaux et ces granulations ne sont pas libres, qu'ils sont recouverts comme d'une gaze légère; et ce voilec'est sans doute le prolongement du tissu fibreux lequel fournit une gaine aux réseaux artériels qui pénètrent la substance du rein. A côté de cette grappe artérielle est une tranche très-mince du tissu du rein TR, vue sous l'eau, et dont la demi-transparence , sur un fond noir, permet aisément d'apprécier la disposition réticulée. Il est curieux de voir un tissu merveilleusement organisé sortir en quelque sorte du milieu d'une masse énorme de pus ; de voir le tissu du rein disséqué par la main de la nature, offrir d'une part un aspect spongieux ou celluleux, et de l'autre des grappes vasculaires auxquelles sont suspendues des milliers de vésicules. C'est d'ailleurs l'exemple le plus remarquable que je connaisse d'infiltrations purulentes, non-seulement dans le rein, mais dans les autres tissus. Il m'a exactement rappelé des masses de mélanose développées dans le tissu musculaire de la cuisse d'un cheval. 11 fallut une énorme quantité de liquide et une pression long-tems continuée pour pouvoir débarrasser le parenchyme réticulé de la matière noire infiltrée.

Ce n'est pas la première fois que j'observe une disposition aréolaire dans le tissu du rein enflammé. Chez un individu affecté de catarrhe chronique de la vessie, j'ai trouvé dans le rein un nombre considérable de petits abcès tout-à-fait semblables, sauf la consistance, à des tubercules. La substance du rein intermédiaire était molle, aréolaire , infiltrée de pus, et la macération, en enlevant ce pus, m'a permis de voir le réseau complètement vide ; mais, dans ce cas, le volume du rein ne dépassait pas l'état naturel. D'ailleurs le rein représenté fig. i et i ne nous a-t-il pas offert l'aspect d'un tissu cellulaire infiltré ? Supposez les fibres hypertrophiées devenues fibreuses, les cellules vastes et remplies de pus lie de vin, et vous aurez un tissu aréolaire analogue à celui des fig. 3 et l\.

1ère Livraison. Pl. 6.

VICES DE CONFORMATION.

Planche I.

VICES DE CONFORMATION.

Artère pulmonaire a l'état de vestige. — Plusieurs artères se rendent de l'aorte aux poumons. — Système veineux pulmonaire particulier. — Transposition de la crosse de l'aorte sans transposition correspondante des viscères. — Imperforation du rectum avec trajet fistuleux congénial s'ouvrant a la face inférieure de la verge (*), chez un enfant qui a vécu neuffours.

(planche vi, ire livraison.)

Une femme, âgée de vingt-neuf ans, grosse pour la deuxième fois, valétudinaire, considérablement infiltrée dans le dernier mois de sa grossesse, est accouchée, le 6 juillet dernier, a la Maison d'accouche-mens, d'un fœtus à terme vivant qui a présenté les particularités suivantes :

L'enfant est peu développé, dans le marasme ; il est d'ailleurs réduit à une vie purement végétative : son corps est fruid, la peau décolorée. Gémissemens sourds, membres contractés, mouvemens presque nuls, quelques légères contractions spasmodiques. 11 n'y a point d'anus, point de tubercule qui en décèle la place. A son niveau, la peau est soulevée par un flot de méconium (fig. 6); le raphé R est saillant et comme noueux ; on reconnaît aisément qu'il est creusé par un canal rempli de méconium venant s'ouvrir immédiatement au-dessous du gland à l'aide d'un pertuis qui donne issue à ce méconium. Une incision A est pratiquée sur la portion de peau soulevée qui répond à l'anus; il s'écoule une grande quantité de méconium; néanmoins l'enfant reste dans le même état, froid, décoloré, immobile, rendant par le nez le lait et l'eau sucrée qu'on fait pénétrer par la bouche. A chaque instant, on croit qu'il va expirer, et cependant sa vie se prolonge jusqu'au i5 juillet, neuf jours après sa naissance. Voici les circonstances les plus remarquables que nous a présentées l'autopsie cadavérique.

Fig. 6. La figure 6 représente le périnée et les parties génitales de l'enfant. L'ouverture A, qui existe au niveau de l'anus, est artificielle. Le raphé noueux et saillant R est devenu linéaire aussitôt qu'il a été vide de méconium. Un stylet très-fin a pu être introduit par le pertuis O et parcourir toute la longueur du canal.

Fig. 7. La figure 7 montre une coupe du bassin de l'enfant ; on voit la vessie V, derrière laquelle est le rectum dilaté R, lequel était rempli de méconium, pouvait admettre l'index, et se terminait au bas par un cul-de-sac S. Un peu avant sa terminaison, il donnait naissance à un canal accidentel C extrêmement étroit, à parois muqueuses , qui, d'abord dirigé d'arrière en avant et de haut en lias à travers les graisses du périnée, venait gagner l'extrémité postérieure du raphé, dans l'épaisseur duquel il se continuait pour s'ouvrir au-dessous du méat urinaire. Il n'y avait d'ailleurs aucune communication entre les voies urinaires et le rectum.

Fig. 8. La figure 8 donne une idée parfaite du canal accidentel et de la manière dont il s'ouvrait dans le rectum d'une part et sous le gland de l'autre.

D'autres parties devaient fixer notre attention. On ne pouvait en effet attribuer au vice de conformation

(*) Cette pièce pathologique est extraite du Cabinet de la Maison d'accouchement formé par les soins de madame Legrand ; elle a été présentée à la Société anatomique et préparée par M. Monod.

i10 livraison. 1

dont je viens de parler les symptômes vraiment extraordinaires qu'avait présentés cet enfant. Il devait y avoir un vice de conformation notable dans les organes de la circulation et de la respiration. On pouvait même pressentir un défaut d'hématose; mais il eût été bien difficile de deviner ce qui était : une injection poussée par l'artère carotide gauche a rempli tout le système circulatoire, artères et veines; elle est revenue par la bouche et les narines. Voici la description très-circonstanciée des parties :

Fig. i et 2. Le cœur C (fig. i ), examiné à l'extérieur, paraissait dans l'état normal. L'artère aorte A A présente sa crosse à droite au lieu de se courber à gauche. Le sommet du poumon droit était profondément échancré pour la recevoir. Le tronc brachio-céphalique BC la remplace à gauche. L'artère pulmonaire AP existe seulement à l'état de vestige. Son volume ne dépasse pas celui d'une petite plume de corbeau; du reste • elle se comporte absolument comme dans l'état naturel (fig. 2), c'est-à-dire qu'elle se divise en deux branches, l'une droite D, l'autre gauche G; mais point de canal artériel. Les veines pulmonaires VP avaient subi, à peu de chose près, la même proportion de décroissement. Au nombre de deux pour chaque poumon, elles sortaient de la partie inférieure de cet organe pour aller se jeter dans l'oreillette gauche, ainsi qu'on le voit fig. 2 pour les deux veines pulmonaires du côté gauche VP. Les veines pulmonaires droites avaient absolument la même disposition.

Les reins R et les capsules surrénales CS, fig. 1, sont dans l'état naturel. Peut-être les capsules surrénales sont elles plus considérables qu'elles n'ont coutume de l'être chez les fœtus à terme.

Fig. 3. Le défaut de développement des artères et des veines pulmonaires coïncidait avec une autre disposition bien remarquable : trois artères naissaient de divers points de l'aorte pour se rendre dans chaque poumon. La fig. 3 est destinée à représenter les branches qui se rendaient au poumon droit. La même disposition existait à gauche. Ici le poumon droit, dont on n'a laissé qu'une partie, de même que sur les autres figures, est renversé. On voit une première artère AA naître de l'aorte immédiatement au-dessous de la crosse., se diviser en deux branches qui vont se rendre dans l'épaisseur du poumon, près de son sommet ; une deuxième artère AOE naître du milieu de l'aorte thoracique, monter flexueuse en devant de l'œsophage, auquel elle donnait des rameaux, et venir se rendre au lobe inférieur du poumon ; une troisième artère AD naître de la partie supérieure de l'aorte abdominale par un tronc commun avec la dia-phragmatique inférieure, et se porter à la base du poumon dans lequel elle pénètre en se ramifiant.

Fig. 4- Cette anomalie dans le système artériel du poumon en a entraîné une autre représentée fig. 4-C'est un système de vaisseaux particuliers VS, VS, VS, sur la nature desquels nous n'avons pas d'idée bien arrêtée, mais que nous croyons veineux, vu le peu d'épaisseur de leurs parois ; deux sortent du poumon gauche, quatre du poumon droit, en embrassant les bronches du même côté; tous aboutissent à une espèce de confluent C.

Les figures 5, 5', 5" représentent les cavités du cœur ouvertes; la fig. 5, le ventricule gauche, et à la la partie supérieure de la cloison C une ouverture CP établissant communication entre les deux ventricules. Cette ouverture est mise dans tout son jour O, fig. S". Dans ces deux figures, on voit aussi l'artère pulmonaire AP au moment où elle contourne l'aorte. Le trou de Botal TB, fig. 5', était en grande partie oblitéré, comme il a coutume de l'être chez les enfans nouveau-nés.

Réflexions. — Cette observation intéresse sous un double point de vue : i° sous celui de l'imperforation du rectum; 20 sous celui des anomalies que nous avons observées dans les organes de la circulation. Faisons d'abord remarquer la coïncidence de deux vices de conformation si différens : l'étude des déviations organiques nous présentera souvent, chez le même sujet, un grand nombre d'anomalies analogues ou hétérologues. On conçoit en effet que la même cause qui agit sur un système d'organes agisse également sur d'autres systèmes ; et si les altérations paraissent au premier abord si disparates, cela tient bien souvent à des différences d'usages bien

plus qu'à des différences de nature. Ainsi, dans l'espèce, quoi de plus différent en apparence qu'une imperforation du rectum avec trajet fistuleux congénial, et une artère pulmonaire atrophiée avec un nouveau système de vaisseaux ? On pourrait cependant dire que de même que l'imperforation du rectum, en interceptant le cours des matières fécales, a rendu nécessaire l'établissement d'un conduit nouveau, de même le rétrécissement considérable de l'artère pulmonaire a nécessité des vaisseaux supplémentaires : mais examinons chacune de ces altérations en elles-mêmes et cherchons à en tirer quelques inductions.

i°. Si nous voulons appliquer à ce cas d'imperforation du rectum cette grande loi si féconde, qui nous fait trouver dans les vices de conformation d'une espèce l'état normal d'une espèce inférieure , nous serons arrêtés au premier pas. Je ne sache pas en effet qu'il existe une espèce animale dans laquelle le rectum présente un trajet semblable à celui du canal accidentel décrit plus haut, ouvert immédiatement au-dessous du gland, sans aucune communication avec les voies génito-urinaires. Nous sommes donc obligés de chercher la cause de cette altération non point dans un arrêt de dévelopjDement, mais dans un phénomène pathologique. Or, s'il est vrai que les parties molles, comme les parties dures, situées sur la ligne médiane, se développent par des points latéraux qui viendraient ensuite se réunir sur un raphé moyen, n'est-il pas naturel d'admettre que le rectum étant imperforé, par l'effet d'une compression extérieure ou par toute autre cause, les matières contenues dans cet intestin, arrêtées par le cul-de-sac, se sont dirigées d'arrière en avant sur le raphé médian non encore consolidé et ont maintenu un trajet fistuleux accidentel, qui ne diffère des trajets fistuleux ordinaires que par une organisation plus parfaite et le défaut complet d'induration.

i°. Sous le point de vue de la lésion dans les organes de la circulation, nous voyons expliqué d'une manière aussi satisfaisante que possible l'état de l'enfant pendant les neuf jours de sa vie végétative ; le froid, la décoloration de toute la surface de son corps, son immobilité, etc. Ce qui doit nous étonner, c'est qu'il ait pu vivre aussi long-temps avec si peu de moyens d'hématose. Il reste maintenant à interpréter la lésion organique en elle-même : or nous ne pouvons nullement l'expliquer par un état morbide éprouvé par le fœtus dans le sein de sa mère ; nous pouvons encore moins admettre qu'une cause quelconque ait rétréci, presque oblitéré l'artère pulmonaire, supprimé le canal artériel ; que l'aorte ait été chargée d'y suppléer, et qu'un système veineux correspondant se soit organisé. La grande loi des arrêts dans le développement peut seule jeter quelque jour sur ce sujet en nous montrant une analogie frappante entre la circulation et la respiration de cet individu et la circulation et la respiration d'un reptile, à laquelle se sera surajouté un système veineux particulier assez analogue aux veines branchiales. En un mot, cet individu était constitué, sous le rapport des organes de la respiration et de la circulation, comme un animal vertébré à sang froid, et présentait le singulier assemblage des caractères du reptile et du poisson qui se seraient combinés avec quelques-uns des caractères du type de son espèce; ce qui rend cette analyse difficile et piquante tout à la fois. Comme chez le reptile et le poisson, le cœur n'a qu'une cavité ( fig. 5, 5" ) ; comme chez le reptile, le poumon vésiculeux, au lieu de recevoir la totalité du sang pour le revivifier (oiseaux, mammifères, homme), ne reçoit qu'un petit filet de sang veineux par l'artère pulmonaire rétrécie, analogue sous ce rapport au rameau de la veine cave du reptile, qui va directement dans le poumon. Aussi cet individu était-il froid comme le reptile. Il n'y avait donc pas chez lui une double circulation; la circulation pulmonaire n'était qu'un épicycle de la circulation générale. Enfin l'aorte fournissait aux poumons plusieurs artères qu'on peut considérer comme des artères branchiales, avec cette différence que les branchies des poissons reçoivent le sang de toutes les parties du corps ; tandis qu'ici les très-petites artères aorti eo-pu 1 mon aires ne portaient au poumon qu'une très-petite partie du sang de l'aorte. Enfin, de même que dans les poissons, le sang qui a été revivifié dans les branchies vient se réunir dans un seul tronc artériel situé vers le dos et remplissant les fonctions d'un second cœur ; de même nous voyons ici un système particulier de vaisseaux, né des poumons, qui vient se réunir à un confluent, que nous pouvons cou

sidérer comme un second cœur, chargé, non de pousser le sang dans toutes les parties du corps, mais seulement de régulariser la circulation pulmonaire. Du reste, on peut regarder les artères nées de l'aorte et se rendant aux poumons comme des artères pulmonaires accessoires, dont Meckel a rapporté plusieurs exemples dans un Mémoire intitulé : De monstrosâ duplici-tatey page i55. Il est vrai que, dans les cas cités par Meckel, les artères qui de l'aorte se portaient aux poumons, naissaient de l'aorte ascendante.

Telle est l'interprétation qui m'a été suggérée par l'analyse de ce fait, et cette interprétation est confirmée par l'opinion de mon très-honoré et savant collègue M. Duméril, qui m'a remis à ce sujet la Note suivante : « Dans les reptiles, les poumons ne reçoivent qu'une partie du » sang provenant de l'aorte, et les branches aortiques de ce sujet peuvent être considérées » comme les analogues de la branche aortique des poumons des reptiles. Quant aux veines » qui viennent des poumons et se rendent dans une sorte de sinus, on trouve la même dispo-» sition dans les poissons cyclostomes, tels que le Myxène, et dans les crustacés, comme l'ont » démontré dernièrement MM. Edwards et Audouin. »

2e Livraison Pl. 1re

MALADIES DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES .

MALADIES DES VAISSEAUX LYMPHATIQUES.

Matière tuberculeuse dans les vaisseaux lactés; origine de ces vaisseaux dans les papilles intestinales; leur trajet dans l'épaisseur des valvules conniventes et des parois de l'intestin.

(planche ire , iie livraison.)

Un phthisique, parvenu au dernier degré de marasme, succomba à la Maison royale de Santé, épuisé parle triple effet de cavernes pulmonaires avec expectoration abondante, d'un dévoiement avec coliques et de sueurs excessives. Cet homme avait subi l'opération de la taille latéralisée trois ans auparavant. Les particularités que m'offrirent les poumons et les voies urinaires trouveront leur place ailleurs. Je me contenterai d'indiquer ici une altération des vaisseaux lactés, qui n'est pas très-rare, mais qui, attentivement étudiée, m'a permis de voir l'origine de ces vaisseaux dans les papilles intestinales, et leur trajet dans l'épaisseur des valvules conniventes et des parois de l'intestin.

Fig. i et 2. En déployant le canal mtooûudl, je fus frappé du volume d'un grand nombre de ganglions mésentériques GI, GI, GI ; ils étaient indurés, remplis par une matière semblable au mastic de vitrier : les portions d'intestin correspondantes présentaient des plaques tuberculeuses sous-péritonéales PT, PT, PT", PT". Des vaisseaux blancs-jaunâtres, à nœuds très-rapprochés VL, VL', etc. (fig. i), partaient de ces plaques pour se rendre aux ganglions lymphatiques correspondans, dans lesquels ils se perdaient sans qu'il fût possible de les suivre au milieu de la matière concrète en laquelle ces ganglions semblaient être transformés. D'autres vaisseaux VL, VL', VL", VL'", VL"" (fig. 2), naissaient dans des points dépourvus de plaques tuberculeuses. Je crus d'abord avoir affaire à des vaisseaux lactés pleins de chyle; mais le toucher m'ayant fait reconnaître qu'ils étaient durs, résistans, je pensai que ces vaisseaux étaient remplis par une matière tuberculeuse qu'ils auraient pompée, non dans les ganglions mésentériques, l'ordre de la circulation s'y opposait ; mais dans l'épaisseur de l'intestin lui-même, au moins pour ceux de ces vaisseaux qui naissaient au niveau des plaques tuberculeuses, lesquelles formaient comme le fond d'ulcérations intestinales correspondantes.

Ayant ouvert plusieurs de ces vaisseaux, j'en exprimai une matière semblable à de la crème, qui pouvait bien être du chyle concret, puis une matière caséiforme plus solide qùil était difficile d'enlever complètement. Je n'eus pas de peine à reconnaître que les parois de ces vaisseaux étaient beaucoup plus épaisses que de coutume, car elles restaient béantes et visibles à l'œil nu après l'évacuation de la matière contenue.

Cette injection naturelle de matière concrète me permit aisément de poursuivre les vaisseaux lactés jusqu'à travers l'épaisseur des parois intestinales. Plusieurs (fig. 1) avaient un trajet rectiligne 5 d'autres (fig. 2) se ramifiaient sous la membrane péritonéale, en suivant quelquefois la longueur de l'intestin; tous traversaient la tunique musculeuse pour pénétrer enfin entre la membrane fibreuse et la membrane muqueuse : pour mieux suivre leur trajet ultérieur, abandonnant la dissection par la face externe, j'ai ouvert l'intestin (fig. 3) ; j'ai pu voir la membrane muqueuse soulevée par un certain nombre de vaisseaux noueux et résistans : alors, déchirant cette membrane et disséquant du dedans au dehors, j'ai pu confirmer les observations que j'avais faites par la face externe, et j'ai reconnu que ces vaisseaux ne formaient point un

iie livraison. 1

réseau comme on se le figure communément, mais quils parcouraient un [assez long trajet sans communiquer entre eux. Le vaisseau VL, VL ( fig. 3 ) m'a paru le plus remarquable; il longeait le bord adhérent d'une valvule connivente, et présentait des renflemens inégaux entrecoupés par des étranglemens alternatifs ; on eût dit une rangée de perles d'inégale grosseur. Ayant séparé avec beaucoup de bonheur les deux feuillets muqueux de cette valvule connivente VC, VC, j'ai vu une innombrable quantité de vaisseaux lactés vlv, vlv, vlv, se portant parallèlement du bord adhérent au bord libre. Plusieurs étaient distendus par la matière blanche concrète dont j'ai déjà parlé : ceux qui ne l'étaient pas ressemblaient au premier abord à des filamens cellulaires ; mais j'ai pu m'assurer par une observation attentive que ces filamens étaient des vaisseaux, que leur nombre est vraiment prodigieux; on dirait que le tissu cellulaire en est entièrement formé.

La fig. 4? cpri appartient à un autre sujet, nous présente une disposition non moins remarquable : le même vaisseau lacté recevait successivement les vaisseaux de trois valvules conniventes. Arrivés près du bord libre de ces valvules, les vaisseaux lactés se terminaient par deux, trois, quatre, ordinairement par trois branches. J'étais bien près de leur origine : je ne la cherchais cependant pas cette origine que je regardais comme impossible à démontrer, vu l'inutilité des efforts de tant de laborieux investigateurs; mais, voulant étudier à la loupe et au soleil les points noirs dont les papilles intestinales étaient tachetées à leur sommet, je ne fus pas peu surpris de voir à côté de ces papilles noires d'autres papilles jaunâtres dans l'épaisseur desquelles était un vaisseau blane qui en parcourait toute la longueur et se terminait près du sommet de ces papilles, tantôt par une extrémité déliée, tantôt par une sorte de renflement. C'était un beau spectacle que la vue de ces racines lactées, llonam ov™ ib***^ kl™.* îo toutoc parte à la manière des racines chevelues : deux, le plus souvent trois racines lactées se réunissaient pour constituer un de ces vaisseaux parallèles que Ton voyait dans l'épaisseur des valvules conniventes. Tous ces vaisseaux parallèles, qui m'ont paru s'anastomoser rarement entre eux, venaient se rendre à un vaisseau plus volumineux qui longeait le bord adhérent de la valvule connivente. De la réunion de ces derniers vaisseaux en naissaient d'autres plus volumineux qui rampaient dans l'épaisseur des parois intestinales, dont ils traversaient successivement les diverses couches pour venir se ramifier sous la membrane péritonéale, et se rendre en définitive aux ganglions mésentériques.

La figure 5 représente grossis les vaisseaux de la figure 3. On y remarque le vaisseau lacté sous-muqueux VL, VL, et les vaisseaux lactés de la valvule connivente vlv, vlv. On voit aussi la manière dont ces derniers se comportent à l'égard des vaisseaux lactés des papilles ppp, lesquelles sont de grosseur naturelle. Les petites figures i, 2, 3 sont destinées à montrer considérablement grossis les vaisseaux lactés des papilles; on voit trois de ces vaisseaux papillaires converger pour former un vaisseau valvulaire. Le groupe de petites figures 4? 5? 6, 7., 8, g, 10, n, 12, i3, représente quelques-unes des formes des papilles dans lesquelles ces vaisseaux lactés radiculaires ont été observés.

Réflexions. — Sous le rapport anatomique et physiologique, ce fait me paraît prouver le mode d'origine des vaisseaux lactés. Cette origine, comme d'ailleurs tout ce qui se passe dans l'intimité de nos tissus, est encore un point tout nouveau d'anatomie.

Lieberkuhn, que nous ne connaissons que par une trentaine de pages sur les villosités intestinales, l'a décrite avec beaucoup de soin. Suivant lui, chaque villosité est un vaisseau lacté pourvu de valvules, lequel se termine par une petite ampoule au sommet de laquelle on voit un orifice. Hewson a vu ces vaisseaux, mais sans ampoule, sans valvules distinctes; mais, comme il paraît n'avoir pas observé les vaisseaux lactés pleins de chyle, ses observations n'infirment point les précédentes. Cruikshank, ayant eu occasion d'ouvrir le corps d'une femme qui avait soupe copieusement, trouva les villosités intestinales pleines de chyle; quelques-unes

étaient tellement tuméfiées qu'elles semblaient n'être formées que par cet ordre de vaisseaux. Il vit que les vaisseaux lactés commençaient par quinze ou vingt vaisseaux radiés, se rendant tous à un tronc plus volumineux. Il put compter autant d'orifices que de racines, et les montrer à William Hunter. La cavité spongieuse de Lieberkuhn ne lui parut être autre chose que le tissu cellulaire qui unit les artères, les veines et les nerfs. Suivant Mascagni, les vaisseaux lactés naissent par des pores inorganiques, ainsi que le démontre le microscope dans les injections. Nés de la base des éminences que forment les villosités intestinales, ils se portent de la base au sommet, se réfléchissent ensuite du sommet à la base pour aller former les vaisseaux lactés. Mascagni représente (Tab. I, fig. i) la membrane interne du jéjunum d'un enfant qui mourut pendant la digestion intestinale ; les vaisseaux lactés forment un réseau admirable à la surface de cet intestin. D'après cet auteur, la membrane absorbante enveloppe comme dans une gaine toutes les villosités. Suivant Meckel, les villosités ne contiennent pas de vaisseaux; l'injection qu'on y fait pénétrer n'y arrive que par transsudation. Il a vainement cherché à la peau, ainsi qu'aux membranes muqueuses, les ouvertures qu'avait décrites Leuwenhoek. Enfin Fohmann dit avoir vu les chylifères se terminer en cul de sac à la membrane intestinale.

Les figures contenues dans les planches ci-jointes prouvent péremptoirement ce fait, qu'au centre de chaque papille intestinale, ou du moins d'un certain nombre de papilles (*), existe un vaisseau lacté qui, suivant ses degrés divers de distension, est filiforme, conique ou renflé en ampoule. Reste maintenant à démontrer l'ouverture du vaisseau pour prouver que l'absorption se fait par une action vitale des vaisseaux absorbans, et non point par une imbibition physique; mais jusqu'à ce moment tous mes efforts ont été inutiles. Toutefois est-il besoin d'avoir vuopttp nnvprtnrû po^r j/iuuver que l'absorption se fait par les orifices béans et irritables des vaisseaux lymphatiques. En effet, si les papilles intestinales sont des organes d'imbibition pure et simple, à quoi bon les creuser dans toute leur longueur par un canal qui ne devrait tout au plus commencer qu'à la base de la villosité? L'analogie, dans cette hypothèse, ne vient-elle pas d'ailleurs à notre secours, en nous présentant une absorption qui se fait pour ainsi dire sous nos yeux, celle des larmes ? N'avons-nous pas encore les orifices béans de la peau, si visibles à l'œil armé d'une loupe ordinaire, et qui, lorsque les papilles cutanées sont recouvertes d'une couche inorganique épaisse, sont précédés par un tube épidermique de plusieurs lignes de longueur (**) ? Pourquoi supposer que l'absorption intestinale se fait par un mécanisme différent ? Certes il y a autre chose dans l'absorption qu'un effet purement mécanique, qu'un phénomène de porosité, de capillarité; n'y a-t-il pas refus de certaines substances, admission de certaines autres ?

Comme fait pathologique, je regarde le cas actuel, non pas comme preuve de l'absorption de la matière tuberculeuse, mais comme fait d'affection tuberculeuse des vaisseaux lymphatiques, et je me fonde sur les données suivantes : i° les parois des vaisseaux lymphatiques ne s'affaissaient nullement lorsque ces vaisseaux avaient été vidés; elles étaient opaques, épaissies. i° Un grand nombre de vaisseaux lactés (fig. i, i) était interrompu d'espace en espace par de véritables tubercules extrêmement durs et qui auraient pu servir d'argument en faveur de la théorie de l'inflammation des vaisseaux blancs dans les affections tuberculeuses. 3° Une autre preuve non moins irrécusable, c'est qu'un certain nombre de vaisseaux malades ne naissaient pas au voisinage des ulcérations (fig. 2, 4) et des plaques tuberculeuses des intestins. Au reste, ce n'est pas

(*) Je n ai jamais trouvé de vaisseaux lactés au centre des papilles tachetées de points noirs. Seraient-ils donc oblitérés , ou bien y aurait-il plusieurs ordres de papilles ?

(**) J'ai examiné avec la plus grande attention la peau de la plante des pieds d'un ours ; les canaux épidermiques qui recouvrent chacune de ces papilles cutanées se voient avec la plus grande facilité. Tous ces tubes parallèles, unis entre eux par une sorte de matière glutineuse, peuvent se séparer avec la plus grande facilité. Je me suis assuré que, chez l'homme , cette couche , qu'on appelle le corps muqueux, est creusée de petits canaux analogues, mais ils échappent souvent par leur ténuité et leur peu d'épaisseur à l'observation la plus attentive : je les ai parfaitement vus chez l'homme à la plante des pieds. Comment des observateurs distingués ont-ils pu nier l'existence d'ouvertures épidermiques autres que celles qui donnent passage aux poils ?

la première fois qu'on rencontre l'altération que je viens de décrire. Mon collègue et ami M. Andrai, à qui j'ai fait part de ces faits, m'a dit avoir rencontré plusieurs fois une matière d'apparence tuberculeuse, i° dans des vaisseaux lymphatiques qui partaient d'ulcérations intestinales et qui se rendaient jusqu'aux ganglions mésentériques. Il n'en a jamais vu au-delà de ces ganglions, et je n'en ai jamais vu non plus ; i°. dans des vaisseaux lymphatiques qui se dessinaient à la surface des poumons comme s'ils avaient été injectés par du mercure ; 3°. dans d'autres vaisseaux qui partaient des ganglions inguinaux et se rendaient, distendus par une matière d'un blanc mat, jusqu'à un groupe de ganglions lombaires qui étaient transformés en une masse cancéreuse, au-delà de laquelle apparaissait le canal thoracique, également plein de la même matière. Ce dernier fait a été observé chez une femme qui avait un cancer utérin en détritus.

Ici se rapporte le beau cas de vaisseaux et de ganglions lymphatiques injectés de pus, que j'ai consigné ailleurs (*), et qui appartient à M. Dupuytren dans le service duquel je l'ai observé. Je l'ai regardé dans le temps comme une preuve de l'absorption du pus ; mais il serait très-possible que ce cas fût, comme les précédens, un exemple d'inflammation des vaisseaux lymphatiques, interprétation qui a d'ailleurs été donnée par M. Magendie. Toutefois je ferai remarquer que les ganglions inguinaux et lombaires auxquels se rendaient les vaisseaux lymphatiques n'étaient pas, à proprement parler, enflammés, mais bien injectés comme ils l'auraient été par du lait.

C'est sans doute à des cas analogues que Meckel fait allusion dans ce paragraphe (**) : « Equidem interdùm praecipuè semel in sene, fere per totum intestini tenuis tractum haec vasa modo minus sueto lu cul en rissima inveni. Clandulae mesenterica? ferè omnes maxime induruerant et mole auctae erant.... In parte intestini anteriore? Chylo omninò duro ità infarciebantur ut vel minimi surculi inter intestini tunicas optimè praeparari possint. »

(*) Essai sur l'Anatomie pathologique.

{**) J.-F. Meckel Samueli Soemmeringio , Lipsiîe 1828 , grand in-fol.

2e Livraison. Pl. 2.

VICES DE CONFORMATION

Mains et Pieds-bots. Luxation congéniale des fémurs. Rectum ouvert dans la vessie.

VICES DE CONFORMATION.

Déplacemens congéniaux, mains et pieds-bots, luxation congéniale des fémurs.—Rectum ouvert

dans la vessie (*).

(planche ii, iie livraison.)

La figure i représente un foetus à terme, mais peu développé., né avec des mains et des pieds-bots, dont Fexamen détaillé me paraît jeter le plus grand jour sur le mécanisme de la production de ce vice de conformation. Les jambes, au lieu d'être fléchies sur les cuisses, sont dans l'extension; les pieds PD, PG sont arcboutés contre la mâchoire inférieure ; les mains MD., MG, renversées sur le bord radial des avant-bras, sont situées dans le court intervalle qui sépare les jambes.

La main et le pied du côté droit MDPD étaient bien plus vicieusement r™*f©rmJo jue la main et le pied gauches MG^ PG. Le pied PD était complétp™=iit reverse sur le tibia : ce même pied atrophié

avait r*» la widt^ de la longueur du pied gauche PG. Le genou droit GD présentait [également une disposition fort remarquable : c'était une flexion de la jambe sur la face antérieure de la cuisse, un diastasis congénial du genou tel que les extrémités correspondantes du fémur et du tibia faisaient^ une saillie considérable du côté du creux du jarret , et par conséquent un angle rentrant du côté de la rotule.

Le membre inférieur droit était également atrophié d'une manière notable ; aussi bien l'artère iliaque primitive droite à peine était-elle la moitié de l'artère iliaque primitive gauche.

La main droite MD, renversée sur le bord radial de l'avant-bras, était réduite à quatre doigts. Il n'y avait pas vestige de pouce, lequel aurait dû se trouver appliqué contre le radius.

Le périnée P paraît énorme dans son diamètre antéro - postérieur : point de trace d'anus , point'de raphé médian. Au niveau du sommet du coccyx, petite dépression qui résulte de l'adhérence^de^ce sommera la peau. Organes génitaux rejetés en avant, très-bien conformés ; scrotum vide de testicule.

La figure i représente le squelette des deux extrémités inférieures et du bassin de ce fœtus. Le pied droit PD est vu par sa face dorsale, le pied gauche PG par sa face plantaire. Les surfaces articulaires du genou droit GD n'offraient rien de particulier. Le diastasis indiqué plus haut tenait uniquement à la laxité, à la longueur des ligamens latéraux de l'articulation. Les os du pied droit sont évidemment atrophiés. A la jambe, l'atrophie portait davantage sur les parties molles que sur les parties dures, et néanmoins on pouvait constater dans les os une légère diminution de volume et un léger raccourcissement.

Le bassin et les articulations coxo-fémorales nous ont offert des particularités vraiment remarquables.

Il n'y avait plus d'excavation du petit bassin. Le détroit inférieur était divisé en deux ouvertures : l'une, antérieure O', plus petite; l'autre, postérieure Od'un diamètre plus considérable. Les deux épines scia-tiques ES , continues au moyen d'un cordon fibreux très-court et très-fort, séparaient ces deux ouvertures

( ) Cette pièce , présentée à la Société anatomique par M. Monod, est extraite du Cabinet de la Maternité, formé par les soins de madame Legrand.

iie livraison.

£

l'une de l'autre. Le bassin était dans le même état que s'il avait été soumis à une double force qui eût renversé en dehors les crêtes iliaques, en même temps qu'elle aurait comprimé latéralement les tubérosités de l'ischion, les épines sciatiques et les pubis. Il résultait de là, i° que les faces postérieures du corps et des branches du pubis , du corps et des branches de l'ischion, devenues internes, se touchaient; 2° qu'il y aurait eu à peine vestige du détroit inférieur du bassin sans une disposition bien singulière du sacrum, dont nous allons parler tout à l'heure ; 3° que l'excavation du bassin était en quelque sorte venue se, confondre avec la marge du bassin, ce qui donnait au bassin de ce foetus l'aspect de celui de la taupe qui, comme on sait, accouche par-dessus les pubis (*).

Ce n'est pas tout : les articulations coxo-fémorales m'ont offert un exemple de luxation congéniale des fémurs, luxation sur laquelle M. Dupuytren a publié un excellent travail dans ces derniers temps. Les capsules fibreuses avaient une grande laxité, en sorte que les têtes des fémurs n'étaient pas contenues dans les cavités cotyloïdes, mais venaient s'appliquer contre les fosses iliaques externes. Les capsules fibreuses ouvertes, j'ai vu, i° un ligament rond LR, grêle et d'une longueur démesurée; i° des têtes du fémur TF, TF déformées, aplaties; on eût dit qu'elles avaient été usées; 3° des cavités cotyloïdes qui égalaient à peine en profondeur les cavités glénoïdes de l'omoplate, et permettaient aux fémurs de se porter entièrement au-dessus d'elles.

La figure 3 représente ce même bassin vu par la face postérieure, la réunion des épines sciatiques ES et des tubérosités de l'ischion TI, TI, les ligamens ronds LR, les cavités cotyloïdes CC. On peut maintenant se rendre compte dm mnrle de formation de l'ouverture postérieure O indiquée figure 2. Si en effet vous imprimez à un bassin ordinaire le mouvement lo ^nv^repment nécessaire pour amener les épines sciatiques au contact, vous n'aurez point d'ouverture O, le sacrum l'obturera. Or ici les quatre dernières pièces du sacrum S et la totalité du coccyx, cartilagineux et rudimentaire , avaient été renversés complètement en arrière sur la base du sacrum et la dernière vertèbre lombaire, de telle manière que la face antérieure du sacrum FA était devenue postérieure ; que le sommet du coccyx répondait au niveau de l'épine iliaque postérieure et supérieure. Ainsi le détroit inférieur factice O succédait immédiatement au détroit supérieur, ou plutôt le détroit inférieur et le détroit supérieur étaient confondus. Les trous sacrés antérieurs TSA, TSA n'étaient pas symétriquement placés des deux côtés de la ligne médiane. Les deux muscles fessiers étaient réunis sur la ligne médiane, au niveau de l'ouverture postérieure O, par un raphé fibreux.

La figure 4 représente le squelette de la main droite de ce même enfant. Le pouce manquait en même temps que le trapèze correspondant qui peut-être était confondu avec le trapézoïde et le scaphoïde. J'ai trouvé les noyaux cartilagineux de tous les autres os du carpe. Le radius et le cubitus étaient parfai-tement"sains.

La figure 5 représente une coupe du bassin contenant encore les parties molles ; V la vessie; R le rectum, qui va s'ouvrir dans la vessie, avec le bas-fond de laquelle il est entièrement confondu; UU les uretères, P la portion prostatique du canal.

La figure 6 représente le rectum R s'ouvrant à la partie postérieure du bas-fond de la vessie par une ouverture large infundibuliforme O.

Du reste, pour compléter la description de ce fœtus, je dois ajouter qu'il n'y avait pas de rein à gauche; il n'y avait que vestige du rein droit. La capsule surrénale et l'artère capsulaire moyenne étaient plus développées que le rein et l'artère rénale.

La figure 7 représente l'extrémité supérieure d'un enfant qui, en même temps que cette difformité, offrait

(*) Le bassin de la taupe représenté, fig. 2, a en effet une disposition analogue. Les os pubis op, op sont réunis ; il n'y a pas de détroit inférieur. Il n'y en aurait pas eu non plus chez ce sujet, si le sacrum n'avait pas ete renverse en arrière.

2e Livraison. Pl. 3.

vices de conformation.

Déplacements congéniaux. Pieds-bots.

une imperforation du rectum, lequel venait s'ouvrir par un pertuis extrêmement fin à l'extrémité postérieure de la luette vésicale.

Dans ce cas, comme dans celui représenté figure 4 la main était renversée sur le côté radial de l'avant-bras : il n'y avait que quatre doigts ; le pouce manquait complètement. Le cubitus C était intact, mais il ne restait du radius que son extrémité supérieure R. La main s'articulait non avec l'extrémité inférieure du cubitus, mais avec le côté externe de cette extrémité inférieure, d'où le raccourcissement apparent du cubitus et sa disproportion avec l'humérus h.

Examen anatomique des muscles, des ligamens, des aponévroses, des cartilages et des os

dans le pied- bot.

(planche iii, ii€ livraison.)

Les figures que contient la planche 3 sont destinées à représenter l'état des parties molles et dures de la jambe et du pied d'un adulte pied-bot. Les figures i, 2, 5 sont de demi - grandeur ; les ligures 3,4? 6, 7 sont de grandeur naturelle.

Le sujet de cette observation était une femme âgée de quarante-un ans, qui entra à la Maison royale de Santé pour une apoplexie pulmonaire à laquelle elle succomba. J'avais recueilli qu elle était pied-bot de 'elle était r.m»*uriè*c cl fcûaaii iuus les jours un assez long trajet à pied. Je voulus connaître à fond l'état des parties molles. Une injection assez ténue fut poussée par l'artère poplitée : toutes les parties molles et dures, artères, veines, nerfs, aponévroses, muscles, ligamens, cartilages articulaires et os furent disséqués avec le plus grand soin, et voici les résultats de cet examen : La cuisse du côté difforme était à peu près du même volume que celle du côté sain ; mais la jambe était évidemment atrophiée. La couche adipeuse sous-cutanée avait une épaisseur très-considérable. La peau était calleuse, c'est-à-dire le derme épaissi, l'épiderme composé de plusieurs lames ou couches au niveau de la tubérosité du calcanéum TC (fig. 1 et 3) dont la saillie est considérable. Une capsule synoviale sous-cutanée irrégulière favorisait le glissement de la peau sur cette tubérosité. La peau de la plante des pieds était ténue comme celle qui n'est pas sujette aux frottemens. L'aponévrose de la jambe était beaucoup plus mince que de coutume et avait perdu une partie de cet aspect nacré qui la caractérise. Les nerfs qui se rendaient aux muscles étaient extrêmement grêles, on eût dit qu'ils étaient réduits à leur névrilème. Les artères jambières n'avaient pas la moitié du calibre qu'elles ont habituellement, et aucune artère musculaire ne se trouva injectée. Les veines avaient subi la même progression de décroissement.

La figure 1 représente la jambe dépouillée de la peau et de l'aponévrose jambière, vue par son côté externe. Tous les muscles sont passés complètement à l'état graisseux; le jambier antérieur (1), l'extenseur commun des orteils (2), le long et le court péroniers latéraux (3), le soléaire (4), le jumeau externe (5) : les tendons eux-mêmes sont fort grêles. Le tendon d'Achille n'avait certainement pas la moitié du volume de celui du côté opposé, et comme les aponévroses avaient subi la même atrophie, on voit que l'exercice est aussi nécessaire aux tendons et aux aponévroses qu'aux muscles. Or l'exercice pour les tendons, c'est la traction qu'exercent sur eux les muscles en contraction ; pour les aponévroses, c'est la distension opérée par cette même contraction.

Le calcanéum C, la convexité que présente sa face externe, la saillie TC que forme sa tubérosité antérieure; la saillie TA que forme la tète de l'astragale, tubérosité et tête qui ont en partie abandonné leurs surfaces articulaires correspondantes, sont parfaitement indiquées.

Fig. 2. Elle représente la même jambe vue par sa face postérieure et son côté interne : 5 jumeau ex

terne passé à l'état graisseux, à l'exception de quelques libres rougeâtres ; 6 jumeau interne mince, grêle, mais présentant seul de tous les muscles de la jambe la couleur et la texture propres aux muscles ; 7 long fléchisseur commun des orteils, et 8 fléchisseur propre du gros orteil également graisseux ; 9 la portion interne du soléaire ayant, comme le jumeau externe,subi la même transformation, à l'exception de quelques libres rougeâtres; C calcanéum dont on voit le plan postérieur déformé, ayant perdu au moins un tiers de son volume. AP aponévrose plantaire ayant moins d'épaisseur et un aspect moins nacré que dans l'état naturel. J'ai voulu voir si cette aponévrose était un obstacle au redressement du pied, ainsi que l'a avancé M. Maisonnabe ; mais il a été bien évident pour moi qu'elle n'est pour rien dans le renversement : je dois en dire autant des tendons que j'ai tous divisés sans avoir plus de facilité pour ramener le pied dans sa direction normale. D'ailleurs les muscles de la plante du pied avaient conservé leur couleur naturelle et à peu près leur volume : aucun de ces muscles n'avait passé à l'état graisseux, si ce n'est l'accessoire du long fléchisseur commun des orteils qui avait suivHe sort de ce dernier muscle. On voit d'ailleurs sur cette figure, comme sur la précédente, que le plan du pied-bot n'est plus perpendiculaire au plan de la jambe, mais que le plan de l'un est à peu de chose près le plan de l'autre.

Fig. 3. Elle représente les ligamens superficiels de l'articulation. MI malléole interne, LI ligament latéral interne, ME malléole externe, TC tubérosité antérieure du calcanéum dont la saillie paraît dans tout son jour; TA tubérosité de nouvelle formation de l'astragale ; PA partie de la poulie astragalienne. Il n'existait pas de bourse synoviale entre la tête de l'astragale et la peau ^ mais bien un tissu fibreux.

Fig. 4- Elle représente la mémo amYnlation tibio-tarsienne vue par son côté interne et postérieur, et dépouillée des ligamens superficiels.

ME malléole externe; MI malléole interne tronquée, présentant une facette articulaire oblongue ; FC facette articulaire correspondante du calcanéum ; toutes deux sont encroûtées de cartilages. LIP fort trousseau ligamenteux de nouvelle formation, étendu de la malléole interne au calcanéum; C face postérieure du calcanéum ; FP face plantaire du pied.

Fig. 5. Elle représente le pied ramené dans sa direction naturelle, la jambe étant verticale. L'écartement qui sépare l'extrémité inférieure du tibia de la facette supérieure de l'astragale indique toute l'étendue du déplacement. J'estime à un quart de cercle le mouvement de^ rotation qu'avait subi le pied autour de son axe pour la production de la difformité, et conséquemment c'est un quart de cercle en sens opposé qu'il aurait fallu lui faire parcourir pour le ramener à sa véritable direction.

MI est la malléole interne tronquée ; PA la poulie articulaire de l'astragale, dont l'inclinaison mesure pour ainsi dire le déplacement; FA la facette antérieure ou scaphoïdienne de l'astragale, facette qui est singulièrement diminuée, ainsi que la facette antérieure du calcanéum FC.

La fig. 6 représente, de grandeur naturelle, l'astragale et le calcanéum de la figure précédente.

On voit la poulie astragalienne PA^ dont le cartilage est en partie détruit; FE la facette articulaire externe de l'astragale : cette facette est anguleuse. FA facette scaphoïdienne de l'astragale singulièrement rétrécie, et à ses dépens a été formée la tubérosité TA extrêmement saillante ; FC facette cuboïdienne de la tubérosité antérieure du calcanéum. Elle est également très-rétrécie, et à ses dépens est formée la tubérosité TC sur laquelle marchait la malade.

La fig. 7 représente les extrémités inférieures du tibia et du péroné vus par la face postérieure. ME la malléole externe déjetée en dehors; MI la malléole interne tronquée. On voit également que le cartilage CAT de la surface articulaire du tibia a été en partie détruit comme le cartilage correspondant de l'astragale..

2e Livraison. Pl. 4.

VICES DE CONFORMATION

Déplacemens congéniaux, Pieds-bots.

Examen anatomique des os dans les pieds - bots chez des individus de différens âges. — Soudure anormale du scaphoïde avec le calcanéum, du deuxième et troisième métatarsiens avec le deuxième et le troisième cunéiformes.

(planche iv, iie livraison.)

Fig. i (*). Elle représente le squelette du pied-bot et de la partie inférieure de la jambe d'un vieillard.

MI malléole interne articulée avec le scaphoïde S; ME malléole externe; A astragale, TA végétations osseuses formées en grande partie aux dépens de la tête ou face scaphoïdienne de l'astragale; C calcanéum ; TG végétations formées en grande partie aux dépens de la face cuboïdienne ou tubérosité antérieure de cet os; C cuboïde; iC, 2C, 3C, premier, deuxième, troisième cunéiformes. Le tibia et le péroné se touchent, disposition qui est presque constante chez les pieds-bots qui ont marché.

Fig. 2 (**). Elle représente le pied-bot d'un enfant de six à sept ans. ME malléole externe épiphysaire ; MI malléole interne et extrémité inférieure du tibia épiphysaires ; A astragale complètement porté en avant et articulé avec le scaphoïde S par une facette tellement petite qu'on dirait un bord. On remarque à la place une tubérosité TA. C calcanéum; 3EC - t«Lcxu0ite antérieure; S scaphoïde qui est extrêmement petit ©t cj-ox atteignait presque le sommet delà malléole interne ; C os cuboïde ; iC, 2G, 3G os cunéiformes.

Fig. 3. Elle représente l'un des pieds-bots d'un enfant nouveau-né, venu au monde dans la même position que le fœtus décrit planche 11, figure 1. On voit l'astragale A, déformé, allongé, s'articulant avec le tibia par une portion seulement de sa face postérieure ; déjà l'ossification s'est emparée d'une partie de cet os. Il s'en fallait bien que l'ossification fût aussi avancée dans le fœtus pied-bot de la planche 11. Je crois que les auteurs d'ostéogénie ont voulu trop préciser l'époque de l'app arition des points osseux dans les divers os. C calcanéum , également un peu déformé , présente une ossification anguleuse dans la plus grande partie de son corps. Les autres os du tarse sont parfaitement distincts et m'ont paru dans l'état naturel. Ce cas prouve manifestement que la déformation de l'astragale n'est pas postérieure à la naissance, et que les os du pied-bot encore à l'état de cartilage sont configurés d'une manière réciproque.

Fig. 4« Elle représente une série d'astragales et de scaphoïdes pris chez cinq sujets de différens âges. 1 astragale de nouveau-né, représenté en place fig. 3; 2 astragale d'un enfant de six à sept ans, représenté en place figure 2; 3 astragale d'un individu de dix-huit à vingt ans; 4 astragale du sujet de quarante-un ans, qui fait le sujet de la planche 111 ; 5 astragale de vieillard représenté fig. 1. J'appelle l'attention du lecteur sur la tête de l'astragale, qui, dans les trois dernières petites figures, est partagée en deux parties bien distinctes dont le volume est en raison inverse, l'une A qui sert à l'articulation astragalo-scaphoïdienne, l'autre TA qui forme une tubérosité sur la face dorsale du pied et sert quelquefois à supporter le poids du corps. Tous ces astragales., examinés dans leur ensemble, ont en général diminué de volume, de même que le calcanéum, le scaphoïde et la partie postérieure du cuboïde. Quelquefois même l'astragale peut être considéré comme atrophié.

La série de petites figures 1, 2', 3, 4', 5' représente les scaphoïdes appartenant aux mêmes sujets que les astragales précédemment décrits. On peut juger par cette image fidèle quel est celui, de l'astragale ou du scaphoïde, qui concourt davantage à la difformité.

(*) Cette pièce appartient au Cabinet d'anatomie des hôpitaux , formé par les soins de M. Serres. Je n'ai point fait dessiner l'autre membre également affecté de pied-bot.

(**) Cette pièce m'a été donnée par M. Fischer, membre de la Société anatomique»

ire livraison. i

Les ligures 5 et 6 ont pour objet des variétés anatomiques très-intéressantes sous le point de vue de l'amputation partielle du pied.

Fig. 5 (*). Elle représente le calcanéum et le scaphoïde gauches ne formant qu'un seul et même os, Cette variété anatomique, qui n'est certainement pas une ossification morbide, s'est montrée déjà plusieurs fois. Le hasard a fait découvrir celle-ci. M. Fischer s'exerçait à pratiquer l'amputation partielle suivant la méthode de Chopart ; il fut arrêté par une résistance insolite. Cette résistance, c'était une ossification anormale, mais nullement morbide , qui unissait la facette antérieure du calcanéum au scaphoïde. Il est évident que, dans des cas de cette espèce, l'opérateur devrait, sans hésiter, avoir recours à la scie pour diviser le prolongement osseux qui unit les deux os. Du reste, il est facile de se rendre compte de cette disposition. Dans l'état ordinaire, la tête de l'astragale est reçue dans une cavité brisée formée i° par le scaphoïde ; 2° par la facette antérieure et externe du calcanéum, à laquelle on pourrait joindre 3° la facette moyenne et interne de ce dernier os. Cette cavité est complétée par le fort ligament calcanéo-scaphoïdien qui remplit la grande échancrure formée en dedans par le scaphoïde et le calcanéum. Nul angle ne sépare la portion de tête de l'astragale qui est reçue dans la cavité naviculaire CN de la portion de tête reçue dans la facette externe du calcanéum. On dirait une cavité continue. Il est facile de concevoir que ces deux portions de cavité se soudent entre elles, mais on peut toujours faire la part de la portion de cavité qui appartient au calcanéum et de celle qui appartient au scaphoïde. Ici il existe encore une autre disposition anormale ; c'est l'intervalle qui existe entre la faceue am^icu^ nn facette externe FA du calcanéum confondue avec la cavité scaphoïdienne et la facette moyenne FM. Le prolongement osseux \ac sépare a quatre fois au moins la longueur qu'il offre dans l'état naturel.

Enfin on conçoit qu'une conformation semblable permettrait aisément la production d'une fracture.

La soudure naturelle, rare sans doute, mais possible, du calcanéum et du scaphoïde, est un des in-convéniens de l'amputation partielle du pied par Chopart.

La fig. 6 prouve que cet inconvénient peut aussi se rencontrer pour l'amputation partielle du pied dans les articulations tarso-métatarsiennes, suivant la méthode ingénieuse de M. Lisfranc.

Le deuxième métatarsien 2e M est en effet soudé complètement avec le deuxième cunéiforme 2e C; le troisième métatarsien 3e M avec le troisième cunéiforme 3e C. Une ligne anguleuse indique seulement la trace du point d'union.

Les figures 6', 6" montrent le deuxième et le troisième métatarsiens 2e M, 3eM soudés avec les deuxième et troisième cunéiformes 2e C, 3 C, vus par la face inférieure. Ici point de trace de soudure. 11 est bien évident que cette union n'est point le résultat d'une maladie. Dans ce cas, comme dans le précédent, il est clair que l'opérateur devrait avoir recours à la scie, méthode qu'on devrait peut-être employer dans la continuité des os du métatarse préférablement à l'amputation dans la contiguïté \ amputation toujours grave, non point à cause de ses difficultés, car il n'est pas de difficultés qu'on ne surmonte dans la pratique des opérations, mais parce qu elle met à nu des synoviales nombreuses et anfractueuses, et on ne connaît que trop les funestes effets de l'inflammation de ces membranes.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES PIEDS-BOTS ET SUR LES

AUTRES DÉPLACEMENS CONGÉNIAUX.

La série de figures contenues dans les planches n, m, iv (ne livraison), me paraît établir d'une manière positive i° les causes, 2° le caractère essentiel, 3° les indications thérapeutiques de la

(*) Pièce donnée par M. Fischer.

lésion congéniale connue sous le nom de pieds-bots, et même la cause générale de tous les déplacemens congéniaux.

§ I. Causes des pieds-bots et autres déplacemens congéniaux.

Si l'on jette les yeux sur la figure i, planche n (n° livraison), on sera convaincu, beaucoup mieux que par tous les raisonnemens, que les pieds-bots tiennent uniquement à une cause mécanique, à une position défectueuse, à une compression qui ne permet pas au membre dévié de se développer dans la direction qui lui est naturelle. Mais quelle est la cause comprimante? Est-elle dans l'utérus lui-même ? est-elle dans quelque agent extérieur qui exercerait sur le fœtus une pression médiate ? Il semble, au premier abord, que, dans le cas où les eaux de l'amnios sont peu abondantes, l'utérus puisse, par ses contractions toniques et actives, agir d'une manière fâcheuse sur une ou plusieurs parties du fœtus. Mais, d'une part, on a vu des pieds-bots naître au milieu d'un flot de liquide très-considérable (j'ai recueilli dans ma pratique particulière un fait de ce genre extrêmement probant); d'une autre part, qui n'a eu occasion de voir un grand nombre d'enfans parfaitement bien conformés venir pour ainsi dire à sec ? Quant aux influences extérieures, tel est le mécanisme du liquide de l'amnios, que le fœtus ne saurait éprouver aucun dommage par les chocs et compressions, à moins de rupture de la poche des eaux, lors même qu'il ne serait es***™* «F^ Far une petite quantité de liquide. C'est ainsi qu'on voit toxnc ico jours des enfans parfaitement conformés naître de femmes qui avaient reçu, dans le cours de la gestation, des coups violens sur l'abdomen, ou qui, pour cacher une grossesse illicite, avaient exercé sur cette cavité une pression considérable et permanente. Mais si la déviation ne peut être expliquée ni par l'utérus lui-même, ni par les agens extérieurs, où sera donc la cause comprimante (*)? La figure i le dit : cette cause est dans le fœtus, qui devient pour une ou plusieurs parties de lui-même un corps résistant, inflexible : ainsi, dans le cas actuel, les jambes, au lieu d'être fléchies en arrière sur les cuisses, sont restées étendues et appliquées sur la partie antérieure du tronc ; il en est résulté que les pieds, areboutés sous le menton, ont du se renverser en dedans sur le tibia. De là, le pied-bot; mais la compression n'ayant pas été la même sur les deux pieds, la difformité lui est exactement proportionnelle. Ainsi le pied droit est plus renversé que le pied gauche; bien plus, il est atrophié. La jambe droite est un peu plus courte que la gauche ; elle est aussi moins volumineuse. Enfin l'articulation du genou, du même côté, n'ayant pu se fléchir en arrière, s'est fléchie en avant, dans le sens de l'extension, d'où un diastasis congénial. Voyez encore les deux mains renversées sur le bord radial des avant-bras, comprimées entre les jambes et les avant-bras et présentant exactement l'aspect des pieds-bots. Ici, même observation que pour les pieds ; l'inégalité de compression a entraîné l'inégalité dans les effets. Il y a absence complète de pouce , du premier métatarsien et du trapèze du côté droit, intégrité parfaite de tous les os de la main gauche. Je me suis demandé quelquefois pourquoi les mains, si analogues pourtant aux pieds (pes altéra manus\ ne présentent aucune difformité correspondante à celle des pieds-bots. Il m'a été facile de voir que le pied-bot, consistant essentiellement dans un vice de conformation de l'astragale , par suite d'une position vicieuse long-temps continuée, le carpe, qui est composé d'un grand nombre de petits os mobiles les uns sur les autres, mobiles sur les facettes articulaires correspondantes du radius et du cubitus, le carpe, qui n'est point encaissé dans la facette correspondante de lavant-bras comme un tenon dans une mortaise, ne peut éprouver, dans toute sa rangée anti-brachiale de déformation analogue à celle du pied-bot; aussi le renversement ne persiste-t-il jamais après la naissance ; la cessation de la cause comprimante permet à la

(*) Le temps n'est plus où l'on pouvait invoquer la raison si commode de l'imagination de la mère, et éluder ainsi toutes les difficultés.

main de reprendre immédiatement sa direction normale. Pour qu'il y eût réellement main-bot, il faudrait que le renversement fût arrivé au point de porter Je carpe hors de sa cavité radio-cubitale: or c'est précisément cette disposition que nous présente la figure 7, dans laquelle il y a absence du pouce, absence des quatre cinquièmes inférieurs du radius, articulation du carpe avec le coté externe et non point avec l'extrémité inférieure du cubitus, triple vice de conformation par défaut qui me paraît le résultat exclusif de la compression; il y a là véritablement main-bot.

Il est tellement vrai que le double pied-bot du fœtus (fig. 1, planche n) tient uniquement à la situation qu'il affectait dans l'utérus, que j'ai occasion d'observer tout récemment un autre cas tout semblable : ainsi le pied-bot représenté planche iv, fig. 3, appartenait à un enfant double pied-bot, venu dans la même position. J'appelle l'attention des accoucheurs sur ce sujet. Il importerait qu'ils indiquassent dune manière précise la position dans laquelle se sont présentés les enfans pieds-bots qu'ils ont reçus.

C'est encore à la compression latérale exercée sur le bassin que nous devons attribuer le vice de conformation si remarquable du bassin, figure 2,3, planche n, dans lequel les deux pubis se touchaient par leur face postérieure devenue interne, et les épines ischiatiques contiguës s'articulaient entre elles au moyen d'un ligament. L'aplatissement latéral du bassin a entraîné l'effacement des cavités cotyloïdes, point de conjugaison des trois os primordiaux qui constituent plus tard l'os coxal; de cet effacement est résultée la luxation congéniale des fémurs, laquelle n'a pu se faire sans l'allongement des ligamens miu-.uu^,;^ et a été Sluvje e ia déformation des têtes des fémurs. Il est probable que la déformation du bassin et la iuAaLira oong/.. niale des fémurs résultent de l'arcboutement des pieds contre le menton, areboutement qui, en s'opposant à l'écartement des pieds, des jambes et des cuisses, a pu déterminer la compression latérale du bassin. Cette présomption est devenue pour moi une certitude, depuis que j'ai eu occasion d'observer un autre fait, dans lequel l'enfant, affecté de double j3ied-bot par areboutement des pieds sous le menton, a présenté un bassin dont les os coxaux se touchent par l'extrémité postérieure de leurs crêtes iliaques ; le sacrum a été refoulé en avant et en haut, au point que le sommet du coccyx répond à l'endroit où devrait se trouver la deuxième pièce du sacrum. Le diamètre antéro-postérieur du détroit inférieur est énorme. »

Ce fait démontre donc le mécanisme de la production des luxations congéniales des fémurs. Ces luxations coïncident-elles toujours avec un vice de conformation du bassin? Cela pourrait être. Ainsi ayant été consulté au sujet du mariage d'une jeune demoiselle affectée de luxation congéniale des deux fémurs, j'ai dû ne point prononcer jusqu'à ce qu'on se soit assuré, par le pelvimètre recto-vaginal que vient d'imaginer madame Boivin, de la mesure des détroits pelviens.

La coïncidence de l'oblitération du rectum ouvert dans la vessie et de la déformation du bassin, confirment ce que j'ai avancé (planche vi, ire livraison) au sujet de la compression comme cause productrice de cette oblitération. Ce fait prouve encore la corrélation qui existe entre des lésions en apparence si dissemblables; le pied-bot, le défaut d'un doigt, la luxation congéniale des fémurs, le rétrécissement du bassin, l'oblitération du rectum. C'est à la compression, à une position défectueuse qu'on peut attribuer tous les vices de conformation par défaut, tous les déplacemens congéniaux. Et la coïncidence si fréquente de l'anencéphalîe avec le pied-bot ne vient-elle pas jeter un nouveau jour sur toutes ces questions, faire rentrer les déplacemens congéniaux dans les lois générales de la vie, et confirmer les idées grandes et vraiment philosophiques de M. Geoffroy Saint-Hilaire.

Etudions maintenant les caractères anatomiques du pied-bot; il nous sera facile d'en déduire les indications thérapeutiques de cette difformité,

§ II. Caractères anatomiques des pieds-bots (vari).

Ces caractères constituent la cause prochaine ou formelle du pied-bot. Tout le monde connaît les caractères extérieurs du pied-bot : le pied a éprouvé une double déviation, son axe antéro-postérieur, dirigé de dehors en dedans, décrit une courbe à convexité antérieure ; son axe transversal, au lieu d'être parallèle à l'horizon, est plus ou moins incliné sur le plan du sol : et ce sont les degrés de cette inclinaison qui mesurent les degrés de la difformité ; ainsi la face dorsale du pied regarde en avant, les orteils sont dirigés en dedans; le bord externe du pied regarde directement en bas; le bord interne du pied regarde en haut et forme avec le tibia un angle droit rentrant en dedans. Tantôt le malade marche sur la partie externe de la plante du pied, tantôt sur le bord externe ; d'autres fois sur une partie de la face dorsale. Deux plans verticaux et parallèles, qui passeraient l'un au-devant, l'autre en arrière de la jambe, comprendraient la totalité du pied. A quelle conformation du pied se rattache cette déviation? La dissection des parties va nous l'apprendre : examinons successivement i° les os, i° les ligamens et les aponévroses, 3° les muscles.

Des os dans le pied-bot. Les os de la jambe sont généralement droits chez les jeunes sujets et même chez quelques sujets adultes : cependant, dans beaucoup de cas, ils sont déformés. C'est ainsi que, sur un pied-bot de vieillard, j'ai vu les faces intprnps pt pytprnps du tibia et du péroné élargies aux dépens dp 1^ postérieure et formant un angle très-aigu en avant, comme chez les rachitiques. L'espace inter-osseux avait presque entièrement disparu dans la moitié inférieure de sa longueur. L'extrémité supérieure du tibia, déjetée en dehors, présentait un plan oblique à l'extrémité articulaire du fémur. Les cartilages du condyle externe du fémur et de la facette articulaire correspondante du tibia, le cartilage semi-lunaire interposé étaient usés; il y avait même usure des couches osseuses sous-jacentes. Tout cela se conçoit aisément, puisque le centre de gravité du corps était transmis au bord externe du pied et à une partie de sa face dorsale. Devons-nous en conclure, avec Benjamin Bell, que le caractère anatomique essentiel du pied-bot est dans la courbure des os de la jambe? Non certes, car la courbure de ces os est évidemment consécutive.

Quant aux extrémités inférieures du tibia et du péroné, la malléole externe est déjetée en dehors; on la dirait augmentée de volume dans tous les sens. La malléole interne est courte, comme sciée horizontalement près de sa base, mais beaucoup plus volumineuse que de coutume; son extrémité libre présente une facette qui s'articule tantôt avec le scaphoïde, tantôt avec le calcanéum, plus souvent avec le premier au moyen d'une symphyse lâche et quelquefois au moyen d'une facette articulaire parfaitement conformée (voyez figure 4 et 7, planche 111 ).

Tout cela est évidemment consécutif; cherchons donc les caractères essentiels du pied-bot : ce qui frappe d'abord dans le squelette du pied-bot ( voyez fig. 1, 1 planche iv), c'est le coude ou l'angle que forme la première rangée du tarse avec la deuxième ; la première rangée est sur la ligne de la jambe, la deuxième rangée est sur la ligne du reste du pied; d'où un angle très-obtus saillant en avant. De là l'opinion de Camper, qui faisait consister le pied-bot dans un déplacement avec luxation de l'astragale; mais ce coude anguleux est le résultat nécessaire du mouvement de rotation en dedans (que j'estime à un quart de cercle) subi par le pied sur son axe vertical. Or, si nous examinons les phalanges des orteils, les métatarsiens, et même les trois cunéiformes, nous ne trouvons dans ces os rien autre chose qu'un changement de direction, nullement un changement dans la configuration. La conformation est tellement parfaite, que je défie de reconnaître le moins du monde (voyez fig. 1, 2, planche m) que ces os appartiennent à un pied-bot. Reste donc à examiner le scaphoïde, le cuboïde, l'astragale, et le calcanéum.

Le scaphoïde, d'après Scarpa, qui le premier a étudié le pied-bot en anatomiste, est celui de 11e livraison. 3

tous les os du tarse qui a subi la déviation la plus prononcée : mais il suffit de jeter un coup-d'œil sur les figures de la planche iv, et surtout sur la série de scaphoïdes appartenant à cinq pieds-bots de différens âges, fig. 4? pour être convaincu que le scaphoïde, comme les os tarsiens de la seconde rangée, est entraîné dans un déplacement consécutif commun, mais ne prend point une part essentielle à la difformité. Ce qui en a imposé à cet exact et judicieux observateur, c'est le rapport nouveau qu'acquiert le scaphoïde avec la malléole interne, qu'il touche souvent, à laquelle il est uni au moyen d'un ligament, et même avec laquelle il s'articule quelquefois. Le changement le plus remarquable que subisse le scaphoïde, c'est une diminution considérable de volume, une atrophie produite et par la compression violente à laquelle il est soumis et par le déplacement de la tête de l'astragale, dont la moitié et quelquefois seulement le tiers, et même le quart, correspond à la fosse naviculaire du scaphoïde, d'où la petitesse de cette fosse naviculaire. Je signale sous le rapport de son peu de volume le scaphoïde de la figure 2, planche iv.

Ce que je viens de dire du scaphoïde s'applique exactement au cuboïde, dont la facette articulaire postérieure est réduite aux deux tiers, à la moitié, parce qu'elle ne répond plus qu'aux deux tiers, à la moitié de la facette antérieure du calcanéum.

L'astragale est évidemment de tous les os du tarse celui qui a éprouvé la déformation la plus considérable, ainsi que l'ont très-bien vu MM. Colles et Palletta. Il y a ici non-seulement changement de direction, mais encore changement de configuration. La déformation est exactement proportionnelle a.™ Jog^ J« r^d-bot. C'est cet os qui a entraîné dans un déplacement consécutif la totalité du pied. La fig. 5, planche ni, le prouve vu iQ manière la plus manifeste; l'écartement qu'il a fallu donner au pied pour le ramener dans sa direction naturelle, donne la mesure précise de la déviation. Cette figure, dans laquelle le pied est rendu à sa véritable direction, permet aussi d'apprécier en quoi consiste cette déviation. L'astragale a en général diminué de volume; il est quelquefois atrophié; chez tous, il est déformé; la poulie astragalienne ou la surface convexe qui la remplace regardent tout-à-fait en dehors ; la facette articulaire externe regarde en bas ; la facette articulaire interne dirigée en haut est presque entièrement et même entièrement effacée ; on ne trouve à sa place que du tissu fibreux. Le cartilage articulaire de la poulie est détruit en grande partie dans le cas représenté fig. 5 et 6, planche ni : il l'était complètement chez un vieillard. Serait-ce parce que ce cartilage est comprimé suivant une direction anormale ? Cela peut être en grande partie; mais nous ne devons pas moins accuser de cette usure l'immobilité presque absolue dans laquelle se trouve l'articulation tibio - astragalienne, en sorte que la compression se fait toujours sur les mêmes points. Cette immobilité est telle qu'on a cru à l'ankylose dans les pieds-bots : mais un défaut de mobilité n'est point une ankylose et n'entraîne point nécessairement l'ankylose. L'usure des cartilages est une raison d'immobilité beaucoup plus fréquente qu'on ne se l'imagine. Beaucoup d'ankyloses présumées ne m'ont présenté pour toute altération que cette usure.

La tête de l'astragale, si volumineuse dans l'état naturel, est réduite aux deux tiers, à la moitié et quelquefois au tiers, au quart; ou plutôt une bonne partie de cette tête, ayant abandonné la cavité du scaphoïde, est venue se placer sous la peau qu'elle soulève et forme une tumeur d'autant plus volumineuse que le déplacement est plus complet. Dans quelques cas rares, la marche se fait en partie sur cette tête de l'astragale, devenue, par une transformation bien étrange, supplémentaire de la tubérosité du calcanéum ou du talon, et alors des végétations osseuses souvent considérables naissent de cette tête.

Enfin le calcanéum a suivi l'astragale dans son déplacement ; il ne repose sur le sol que par son côté externe ; aussi est-il courbé sur lui-même de dehors en dedans ; son extrémité postérieure déformée, diminuée de volume, rapprochée du bord postérieur de la malléole interne, regarde en dedans ; sa facette antérieure a abandonné en partie la facette correspondante du cuboïde ; de là la saillie que forme la tubérosité antérieure du calcanéum sous la peau, saillie quelquefois énorme, devenue supplémentaire de la tubérosité postérieure, et sur laquelle repose

en général le pied dans la marche : alors la peau si ténue du dos du pied devient épaisse, calleuse; quelquefois cette peau, irritée parle frottement, s'enflamme, s'use; d'où des ulcérations interminables, et quelquefois la carie ou la nécrose des os dénudés, ainsi que j'en ai vu un exemple, sous la peau qui répond à la tubérosité antérieure du calcanéum, comme sous celle qui recouvre la rotule, s'organise une bourse muqueuse ou synoviale sous-cutanée. La même chose a lieu relativement à l'astragale, quand c'est l'astragale qui porte sur le sol. Une seconde bourse synoviale, qui n'est autre chose qu'une extension de la synoviale de l'articulation astragalo-scaphoïdienne, existe entre la saillie de l'astragale et la couche fibreuse qui forme le ligament supérieur de cette articulation ; des cartilages de nouvelle formation encroûtent ces végétations nouvelles devenues surfaces frottantes. Ainsi la nature se rapproche-t-elle invariablement dans l'état morbide des lois qui régissent l'état sain. J'ai expliqué tout à l'heure l'atrophie de l'astragale par la compression à laquelle il était soumis, et d'une autre part j'ai attribué à cette même compression les végétations qui entourent cette tête; n'y a-t-il pas contradiction? Non sans doute, car dans l'un des cas la compression est continue, et dans l'autre la compression est intermittente. Pour les os, la continuité de la compression est une source d'atrophie ; la compression intermittente est une source d'hypertrophie.

.Le mécanisme du rétablissement de i astragale n'a rien de plus surprenant que celui de sa déformation. On ne saurait assez approfondir l'influence des conditions mécaniques sur les fonctions nutritives. A l'aide de conditions déterminées, nous pourrions déformer, reformer toutes les parties de l'appareil osseux. Je sim M^^s ^uc le» nommes distingués qui se sont occupés d'orthopédin ^«t pas aussi tenté de redresser les membres tordus des rachitiques. Je ne doute nullement que l'emploi convenablement dirigé des moyens mécaniques n'eût un plein succès, surtout dans les premiers temps, lorsque la même disposition organique qui fait que les os peuvent se courber, doit faire aussi que ces mêmes os puissent se redresser : ces idées, appliquées au cal, sont peut-être plus importantes encore; un cal récent est-il déformé, y a-t-il raccourcissement du membre, on peut ramener ce membre dans sa direction, lui redonner sa longueur, et c'est ainsi que des fractures méconnues ou mal traitées peuvent être encore traitées au bout de trente, quarante, cinquante jours. M. Dupuytren, le premier, en établissant une distinction entre le cal provisoire et le cal définitif, a été conduit à ce résultat pratique important, que le cal provisoire est susceptible d'être reformé, mais non point le cal définitif. Ce n'est point ici le lieu de traiter la question du cal : je dirai seulement qu'il n'y a rien de provisoire dans la nature; que, d'après ma manière de voir, ce cal provisoire n'est autre chose que le cal imparfait, encore spongieux ou celluleux; que le cal définitif n'est autre chose que ce même cal spongieux devenu compacte. J'étends encore plus loin que M. Dupuytren les ressources de l'art dans le cas de difformité du cal, et je crois qu'il peut encore quelque chose sur le cal devenu compacte.

aponévrose plantaire. M. Maisonnabe, appliquant au pied-bot les notions acquises sur les déviations de la colonne vertébrale, desquelles il résulte que les déviations du rachis ont lieu, dans le principe, aux dépens des ligamens inter-vertébraux seulement; M. Maisonnabe, dis-je, a émis l'opinion « que l'obstacle principal au rétablissement des pieds - bots était dans le défaut de développement en longueur de l'aponévrose plantaire. » J'ai pu acquérir la preuve du contraire; car d'abord, dans les cas que j'ai observés, l'aponévrose plantaire avait suivi le sort de toutes les parties aponévrotiques du pied et de la jambe, c'est-à-dire qu'elle était singulièrement amincie ; en second lieu, elle ne s'opposait nullement à l'extension des orteils portée aussi loin que possible, et la division transversale de cette aponévrose n'a nullement facilité le jeu des mou-vemens des articulations tarsiennes et le redressement du pied dévié. Il est d'ailleurs évident que le vice de conformation, étant tout entier dans l'articulation tibio-tarsienne, ne saurait être produit par une cause qui ne peut agir que sur les articulations tarsiennes et métatarsiennes : que si on m'objectait encore que cette aponévrose a bien pu être la cause formelle de la déviation dans les premiers temps, mais que, par la suite, les os setant moulés réciproquement

dans une position vicieuse, ils sont devenus la cause essentielle delà déformation ; je répondrais par la dissection de l'aponévrose plantaire d'enfans nouveau nés pieds-bots, dissection qui m'a donné les mêmes résultats que ceux de l'adulte.

Ligamens. Les ligamens antérieur, postérieur et latéraux externes de l'articulation tibio-tarsienne ne présentent rien de particulier. Je n'ai pas trouvé, comme Scarpa, ces ligamens extrêmement relâchés et allongés. Il n'en est pas de même du ligament latéral interne ; il existait i° une couche superficielle ligamenteuse étendue de la malléole interne à l'astragale et au calcanéum ; c'était le ligament latéral interne ordinaire qui n'était nullement raccourci ; i° du pourtour de la facette articulaire de la malléole interne tronquée, et même d'une partie de cette facette, naissait (planche m, fig. 4) un ligament qui allait se rendre au pourtour de la facette correspondante du calcanéum. Ce ligament, de nouvelle formation, ou plutôt ce ligament accidentel, était extrêmement résistant; il a fallu un grand effort pour le déchirer, et j'ai acquis la conviction que ce ligament aurait été, dans le cas actuel, sinon l'obstacle principal, au moins le premier obstacle au redressement du pied. Les ligamens des articulations astragalo-scaphoïdiennes et calcanéo-cuboïdiennes ne naissaient pas de la circonférence de la facette articulaire, mais bien de la circonférence des tubérosités nouvelles de l'astragale „ du calcanéum, lesquelles tubérosités sont en général encroûtées de cartilage de nouvelle formation.

Muscles. L'atrophie, la transformation graisseuse de tous les muscles de la jambe, et même de r accessoire du fléchisseur commun, prouvent manifestement que les muscles ne sont pour rien dans la déviatioxi, et rm^±^T ~+ ontrps sont complètement dans l'erreur lorsqu'ils placent dans le défaut d'antagonisme des muscles, dans la préaoïuw.™ ™»latiyft. SQ[t or[g[_ nelle, soit acquise des adducteurs ou tibiaux, par rapport aux abducteurs ou péroniers, la cause efficiente de toutes ces déviations. Il est vrai qu'ici (planche m, fig. 12) le muscle jumeau interne, et quelques fibres du soléaire et du jumeau externe conservaient encore la rougeur et les autres caractères propres à la fibre musculaire, et que conséquemment la jambe n'exécutait d'autres mouvemens actifs que ceux imprimés par ces muscles ; mais il est facile de pénétrer pourquoi ces muscles seuls ont échappé à l'atrophie générale. C'est parce que le pied, dans la position où il était placé, exécutait quelques légers mouvemens de renversement en dedans; or les agens de ce mouvement, le seul qui persistât, c'étaient le jumeau interne, et quelques fibres du soléaire et du jumeau externe. J'ai dit que ces fibres avaient échappé à l'atrophie; car personne n'imaginera, je pense, que l'atrophie des muscles soit primitive; il me serait facile de leur opposer les dissections de pieds-bots d'enfans nouveau-nés, chez lesquels les muscles étaient parfaitement naturels. Il suffirait d'ailleurs de faire observer que, si plusieurs pieds-bots naissent avec des membres atrophiés, il en est chez lesquels les deux membres ont le même volume : et ayant eu occasion d'observer, au bout de sept ans, une petite fille pied-bot, que j'avais examinée pendant la première année de sa naissance, j'ai pu constater que l'atrophie du membre était consécutive. Se pourrait-il cependant qu'il y eût absence des muscles de la jambe dans certains cas de pied-bot. On m'a assuré avoir vu un cas de ce genre, mais je ne puis garantir l'authenticité du fait. Enfin je dois faire remarquer l'indépendance d'action et de nutrition du jumeau externe et du jumeau interne, le premier ayant seul passé à l'état graisseux. Les nerfs musculaires, les nerfs sciatiques, le poplité interne principalement étaient d'ailleurs excessivement grêles, et semblaient réduits à leur névrilème ; les aponévroses prodigieusement amincies. Les vaisseaux avaient subi une diminution de calibre correspondante. Je rejette donc, comme cause primitive ou consécutive du pied-bot, la rétraction, le raccourcissement ou la tension des muscles tibiaux, gastroenémiens, soléaire et fléchisseur commun des orteils, admis par presque tous les auteurs.

Thérapeutique des pieds-bots. Les indications thérapeutiques des pieds-bots découlent entièrement des détails anatomiques dans lesquels je viens d'entrer. Dans le pied-bot, il n'y a point de luxation, il n'y a point prédominance de certains muscles par rapport à d'autres, il n'y a point rétraction ou raccourcissement de certains muscles et de leurs tendons.

Le pied-bot est essentiellement caractérisé par un changement de direction et une déformation de l'astragale; et si on objecte avec Scarpa que cette déformation est postérieure à la naissance, je répondrai par la fig. 3, planche iv, qui prouve manifestement qu'à la naissance la déformation de cet os est presque aussi considérable qu'après la naissance; mais la grande différence entre le pied-bot de l'enfant et celui de l'adulte gît dans l'état cartilagineux de l'astragale qui, chez le premier, peut prendre bien plus facilement une meilleure direction. Si le vice de conformation de l'astragale n'existe pas, le pied a beau être dévié au moment de la naissance, la contraction musculaire rendue à sa véritable direction, soit spontanément, soit par l'art, suffira pour ramener le pied à sa direction normale; et cette distinction oubliée entre les pieds-bots temporaires et les pieds-bots permanens n'avait point échappé au père de la médecine; c'est dans des cas de cette espèce, c'est-à-dire dans les pieds-bots sans déformation de l'astragale, cas qui sont beaucoup plus fréquens qu'on ne l'imagine (*), que les frictions exercées sur le membre dévié, que le redressement temporaire opéré plusieurs fois le jour, que le massage, les percussions font merveille.

Mais, dans le pied-bot véritable, tous ces moyens ne peuvent être considérés que comme accessoires; si l'astragale est déformé, il l'a été lentement par une force qui a agi en imprimant au pied un mouvement de dehors en dedans, et en le retenant dans cette position vicieuse. L'astragale cartilagineux s'est moulé, dans cette nouvelle position, sur la mortaise tibio-péro-nienne; donc, pour guérir le pied-bot, il faut i° imprimer à l'astragale une direction en sens inverse, c'est-à-dire un mouvement de cmart d~ ^taùuu ae dedans en dehors, combiné avec un mouvement Ugûi. Jo xuidiion d'avant en arrière, c'est-à-dire sur son axe transversal; i° il faut le maintenir long-temps dans cette direction. De cette manière, le rétablissement du pied se fait par. un mécanisme tout-à-fait semblable au mécanisme du déplacement.

Le point essentiel est donc de trouver une machine qui tende sans cesse à ramener l'astragale dans sa direction naturelle; et, sans entrer ici dans l'examen comparatif des divers appareils imaginés à ce sujet, je me contenterai de rappeler que la machine ou le bandage doit faire l'office de la main qui redresse, et manibus sic dirigamus et similiter deligatione quasi quis céram fuigat. (Hipp., de Articul., sect. vi.) C'est sur le ligament interne de nouvelle formation (si ce ligament existe quelquefois), ce serait sur le ligament latéral interne raccourci, s'il était vrai qu'il fût constamment raccourci, que devraient porter les premiers effets de la machine ; donc l'appareil doit agir d'une manière graduelle, et autant que possible par des moyens doués d'élasticité (**), non violenter, sed leniter. ( Ibid.)

Trop rapide, trop forte, trop brusque, la traction exercée sur le ligament latéral interne produirait des effets funestes, les effets si connus de la distension des ligamens. Bien qu'inextensibles, les ligamens prêtent à la longue, et ce ligament de nouvelle formation que nous avons indiqué, lors même qu'il serait constant, ne devrait pas s'opposer au redressement. Ce que je dis des ligamens s'applique parfaitement aux os; leur redressement exige la même prudence dans l'emploi des machines. Un redressement brusque pourrait déterminer l'usure des cartilages, la contusion des os; un redressement graduel, en influant lentement sur la nutrition, façonne lentement, mais sûrement, les facettes osseuses comprimées dans un sens, non comprimées dans un autre. D'ailleurs, une fois que le membre a été en partie ramené à sa direction naturelle, les muscles rendus à leurs usages accoutumés font alors exécuter les mouvemens de flexion, d'extension, d'abduction et d'adduction qui leur sont naturels : et si l'on voit tous les jours la guérison du bec-de-lièvre amener peu à peu le rapprochement des bords de la voûte palatine

(*) La nature semble avoir pris à tâche de prévenir cette difformité en relevant le bord externe de la gorge astragalienne beaucoup plus que le bord interne.

(**) On pourrait élever la question de savoir si ce ligament de nouvelle formation que j'ai décrit est constant 5 je puis répondre qu'au moins il n'est pas primitif; car il n'existait pas sur les enfans pieds-bots que j'ai examinés. Il me paraît probable que, dans le cas actuel, ce ligament était accidentel, de même que les cartilages nouveaux qui surmontaient les surfaces articulaires de la malléole interne et du calcanéum.

IIe LIVRAISON. 4

osseuse divisée, à plus forte raison l'action continue des muscles extenseurs et fléchisseurs rendue à sa véritable direction doit-elle compléter la guérison. C'est alors qu'on devra exercer les membres, se hâter de supprimer les machines, ou du moins les modifier de telle manière qu'elles ne s'opposent pas à la contraction musculaire. De l'état graisseux qu'ils acquièrent constamment par le défaut d'exercice, ils repasseront bientôt à l'état de fibre musculaire, car la charpente, le parenchyme musculaire existe, bien que masqué et comme enseveli au milieu des paquets adipeux, lesquels affectent toujours la direction linéaire comme les fibres musculaires qu'ils ont remplacées. Cependant l'observation n'a pas encore démontré si, passé une certaine période, la fibre musculaire, devenue graisseuse, peut redevenir fibre musculaire, et cette atrophie, ou dégénération graisseuse complète des muscles, sans possibilité de retour à la myotilité, serait, à mon avis, un caractère d'incurabilité bien plus insurmontable que l'état des os, des ligamens et des cartilages.

Je pense que, dans les déviations anciennes et considérables, il doit toujours y avoir des fibres ligamenteuses nouvelles, analogues à celles qui existaient chez le sujet représenté planche ni. Quant à la question de savoir si ce raccourcissement est cause ou effet de la déviation, ou s'il y a simplement coïncidence; je puis répondre i° que ce raccourcissement n'existait pas chez les enfans nouveau nés que j'ai examinés; i° qu'il est probable qu'il n'existe jamais à cette époque, puisque le pied-bot est une maladie accidentelle et non point une maladie de première formation; 3° nous avons vu que chez le sujet adulte représenté planche ni, le ligament interne normal n'était pas raccourci . av,c,4^ mi'il soit raccourci ou non les indications sont toujours les mêmes.

Il suit de là qu'il est possible que le pied-bot soit une difformité incurable après une certaine époque; et cette époque me paraît celle où les muscles atrophiés sont aptes à ressaisir, si je puis m'exprimer ainsi, leur contractilité ; que le pied-bot de l'enfant nouveau né serait incurable si à cette déviation se joignait l'absence des muscles remplacés par du tissu cellulaire adipeux.

Une seconde conséquence thérapeutique, qui découle de la connaissance exacte de la lésion matérielle, c'est que les moyens de redressement agissent avec d'autant plus d'efficacité qu'ils sont appliqués à une époque plus rapprochée de la naissance. Hippocrate avait encore deviné cette vérité : Optimum igitur ut talia quam celerrimè curentur, priàsquam admodùm magnus eorum defectus circa tibiam contingat. Comment se fait-il donc qu'on ait posé en principe d'attendre que l'enfant fût arrivé à l'âge de cinq à six ans? N'est-il pas évident que plus vous attendrez , plus la déviation sera considérable, parce que cette déviation augmente par l'exercice du membre ; parce que l'os est plus difficile à reformer que le cartilage, et qu'à la naissance l'astragale et le calcanéum sont encore cartilagineux en grande partie, que les extrémités inférieures du péroné le sont entièrement ; parce que l'atrophie des muscles va toujours croissant, et que cette atrophie doit nuire à la guérison en privant les appareils mécaniques de l'utile concours de la contraction musculaire ? Je pense donc que l'époque la plus favorable pour le traitement des pieds-bots est l'époque la plus voisine de la naissance, que l'on doit profiter de la première année, pendant que l'enfant est encore au berceau, condamné à une immobilité qui favorise l'application et le succès des moyens mécaniques, pour le débarrasser de cette triste infirmité. L'appareil le plus simple suffira à cette époque; plus tard, il faudra un appareil plus compliqué et surtout plus long-temps continué (*).

Mais jusqu'à quelle époque peut-on tenter la guérison ? On peut dire en thèse générale que la

(*) Pendant l'impression de cet article, je lis dans un journal de médecine (Nouvelle Bibliothèque médic., déc. 1829, page ) une note qui confirme pleinement les idées que je viens d'émettre sur l'époque la plus favorable au traitement des pieds-bots. M. Niel, médecin accoucheur à Philadelphie , rapporte qu'en 1813 un de ses enfans naquit avec les deux pieds tournés en haut et en dedans, de manière que le gros orteil touchait presque le tibia. L'auteur , après plusieurs essais, eut l'idée de fixer, au moyen d'une bande, les pieds de l'enfant sur deux semelles de bois réunies au moyen d'une tige transversale. Le succès fut si rapide, qu'en trois mois les pieds étaient à peu près revenus à leur état naturel, et au bout de neuf mois il ne restait pas la moindre trace de difformité. L'auteur ajoute qu'il a obtenu plusieurs succès à l'aide de cet appareil, et qu'il n'a jamais échoué. Il est fâcheux de voir à

guérison est d'autant plus difficile quelle a pour objet un individu plus avancé en âge, attendu que les cartilages articulaires s'usent par l'exercice, que des végétations osseuses se forment, des déformations pins complètes ont lieu, que les muscles s'atrophient et deviennent entièrement graisseux. Toutes ces lésions sont un obstacle à la guérison, mais je ne crois pas qu'elles contre-indiqucnt absolument toute espèce de tentative. L'atrophie des muscles en particulier n'est pas une contre-indication. Il est plus que probable que, si le membre est ramené à une bonne direction, le muscle sollicité à la contraction commencera à agir: plus de sang, une plus grande quantité de fibrine et d'influx nerveux y seront dirigés; et aussitôt que la condition nécessaire de l'existence du muscle, l'exercice aura lieu, le muscle, dont la charpente existe, mais étouffée, si je puis m'exprimer ainsi, par la graisse, le muscle reparaîtra. C'est alors que des frictions exercées le long du membre, en sollicitant la contraction musculaire et en favorisant la circulation dans l'épaisseur des muscles, pourront produire de bons effets.

Nous n'avons pas parlé des tendons, soit dans l'exposé des caractères anatomiques, soit à l'article de la thérapeutique, parce qu'en effet les tendons nous ont paru dans le plus parfait état d'intégrité. Nous ne concevons pas qu'on puisse faire jouer un rôle quelconque à la rétraction des tendons. Les tendons, agens passifs des mouvemens, ne se rétractent jamais, ils ne le peuvent pas; ce serait tout au plus les muscles; or cette rétraction musculaire, qui ne serait que la mise en jeu de leur élasticité, de cette propriété queBichat appelait contractilité du tissu, est facile à vaincre, la fibre musculaire étant très-extensible. J'admire la belle idée qui a présidé à la section du tendon d'Agio, faite par M. Delpech, et le procédé ingénieux employé pour- provenir cout accident : le succès est venu d'ailleurs justifier le célèbre professeur ; mais il me semble que le même effet aurait pu être produit par un appareil très-simple à l'aide duquel le bout du pied aurait été relevé et conséquemment le tendon abaissé. Scarpa, dans sa machine, avait d'ailleurs cherché à remédier au mouvement de projection du pied en bas dans le pied-bot. Nous avons vu en effet que l'astragale était porté en avant, et que le tibia s'articulait avec la partie postérieure de sa face supérieure ; mais nous pensons qu'il n'est pas nécessaire d'attaquer directement ce déplacement, qui n'est qu'un effet du changement de direction de Taxe antéro - postérieur, et doit cesser aussitôt que le pied sera ramené à sa direction naturelle.

côté de ces beaux résultats pratiques des idées aussi erronées sur le pied-bot, que l'auteur attribue au relâchement des muscles et des tendons qui occupent un côté du pied et de la jambe et à la contraction de ceux de l'autre côté , de manière à produire une luxation partielle.

2e. Livraison, Pl. 5.

MALADIES DE LA RATE.

MALADIES DE LA RATE.

Splénite, pus concret combiné.

(figures i et 2, planche v, if livraison.)

N...., âgée de vingt - huit ans, d'une très - forte constitution, cuisinière, fut adressée à la Maison royale de Santé par M. le docteur Jacquemin; elle était dans l'état suivant : Face très-colorée; langue rouge, lisse, sans enduit; pouls médiocrement fréquent; sueurs abondantes presque continuelles; douleur rhumatismale assez vive à l'épaule gauche; d'ailleurs nulle douleur. L'exploration la plus attentive des cavités thoracique et abdominale ne me permit de découvrir aucun point de départ. Pour commémora-tifs, je recueillis que la malade, après quinze jours de malaise, avait été forcée de s'aliter; qu'elle avait pris d'abord, de son propre mouvement, un vomitif; rj^Wo aaîgncîe abondanxe l'avait beaucoup soulagée, et qn'ftTifin 1* maladie présentant le type intermittent, on avait eu recours au sulfate de quinine, à la dose de quatre grains par jour pendant trois à quatre fois. Ne trouvant pas d'intermittence caractérisée, ne voyant aucun organe affecté d'une manière sensible, j'espère que la diète absolue, les boissons adoucissantes et les sueurs suffiront pour amener la guérison.

État stationnaire pendant huit jours : je m'en étonne; je fais appliquer quelques sangsues à lepigastre, plutôt dans le but de dégager le système nerveux ganglionnaire que par nécessité. Souvent je pense à la saignée, mais l'absence de tout point douloureux et l'abondance des sueurs m'en éloignent. J'interroge pour savoir si des frissons, des bâillemens, en un mot les signes ordinaires d'un accès fébrile surviennent à quelque heure du jour; on me répond par la négative. Je me demande quelquefois si cette malade serait dans la catégorie de ces cas de fièvre rémittente (et j'en possède plusieurs exemples remarquables) où l'accès fébrile est exclusivement caractérisé par le stade de sueur : mais la rongeur de la langue me paraît une contre-indication au tâtonnement méthodique qu'on doit employer dans les cas douteux.

Tout-à-coup, le ii septembre, sur le soir, invasion d'accidens très-graves; frisson marqué suivi de suffocation, d'angoisse inexprimable, de nausées, de vomissemens bilieux : ces accidens se dissipèrent pendant la nuit, dételle sorte qu'à la visite du matin la malade était à peu près revenue à son état habituel.

J'explore vainement de nouveau et avec la plus grande attention et le thorax et l'abdomen : aucune douleur, aucun signe de lésion. Soupçonnant néanmoins l'inflammation latente de quelque parenchyme, je prescris vingt sangsues à l'épigastre, deux sinapismes aux pieds, deux vésicatoires aux jambes.

Le 12, à peu près à la même heure que la veille, angoisse inexprimable, sentiment de suffocation imminente; changement continuel de position; efforts continuels de vomissemens et vomissemens de bile visqueuse. Ces symptômes persistent encore à la visite du matin : décomposition des traits, petitesse extrême du pouls. Je demande où est la douleur : J'étouffe, je meurs, voilà tout ce que me répond la malade en portant la main tantôt sur le sternum, tantôt sur lepigastre. Une nouvelle exploration soit de l'abdomen, soit du thorax, ne m'apprenant absolument rien, j'en conclus que nous avions affaire à une fièvre pernicieuse ; l'intermittence, observée par M. le docteur Jacquemin au début, la sueur abondante revenant aux mêmes heures, l'invasion brusque et inattendue des accidens, tout enfin fortifiait cette opinion. Jetais tenté de rapprocher ce cas de celui qui fait le sujet de la figure 3; mais ici la région de la rate, palpée, comprimées

ii6 livraison. i

dans tous les sens, ne donnait aucun indice de lésion. Prescript. : 12 grains de sulfate de quinine dans une potion; 8 grains matin et soir dans un lavement; pansement des vésicatoires avec le suif, quinine. Je reviens le soir, craignant de trouver la malade à toute extrémité : elle était beaucoup mieux; elle n'a pas vomi la potion quelle a prise en totalité. Nouvelle potion conditionnelle. Envies de vomir; vomissement d'une bile jaune visqueuse ; hoquet.

Le i3, la face est foncée en couleur comme de coutume. Le hoquet se dissipe; efforts inutiles de vomissemens; épigastre douloureux. La seconde potion n'a pas été administrée. i5 sangsues sur l'épigastre; 2 la-vemens avec 10 grains sulfate quinine pour chaque. Pansement des vésicatoires avec le sulfate de quinine.

Le i4, la douleur scapulo-humérale, qui avait entièrement disparu les jours précédens, reparaît; l'abdomen est souple et indolent; la langue est très - rouge ; le pouls est peu fréquent, et sauf les envies de vomir presque continuelles et les vomissemens bilieux, la malade est à peu près la même qu'avant l'invasion des derniers symptômes. Sulfate de quinine en lavement et pour pansement.

Même état jusqu'au 19. Les nausées et les vomissemens persistent; la face est foncée en couleur et exprime la douleur, l'angoisse; la langue toujours rouge; la respiration courte, quoique la malade ne se plaigne pas d'oppression. Les sueurs périodiques n'existent plus. Bien que l'exploration la plus attentive ne me permette de reconnaître aucune lésion, j'ai la conviction intime qu'il existe une inflammation latente fort grave dans quelque parenchyme, et mes idées se portent sur le foie qu'on trouve souvent criblé d'abcès, sans que pendant la vie aucun symptôme ait indiqua 1™ r^pnr.fi. Je pense d'ailleurs que le canal intestinal n'entre pour rien dans cette maladie. Je supprime entièrement le sulfate de quinine. Saignée au bras. Soulagement. Envies de vomir moins fréquentes.

Les jours suivans, bains , dont la malade se trouve très - bien ; sinapismes aux épaules pour remplir une indication à laquelle j'aurais dû peut-être obéir plus tôt. Je ne pense pas que les douleurs aux articulations scapulo—numérales aient été purement sympathiques. Les vomissemens ont entièrement cessé. La respiration est toujours précipitée, mais point de sentiment d'oppression. Je trouve un peu de crépitation à la base du poumon droit. La malade se trouve mieux ; elle demande à manger et prend même quelques alimens à mon insu. Mais la fréquence du pouls, l'ensemble des symptômes ne disent que trop qu'il y a quelque inflammation abdominale parenchymateuse terminée par suppuration. J'explore toujours le foie, mais en vain.

Le 26, ictère, ce qui confirme mes soupçons sur l'existence d'une hépatite ; mais point de signe local. L a langue, très-rouge, humide jusque - là, se dessèche. Vésicatoire sur le côté droit. La malade me demande un bain, que je lui accorde sans inconvénient.

Les 26, 27, 28, tout s'aggrave. Les lèvres et les dents, desséchées, se couvrent d'une croûte noirâtre. La langue est lisse, rouge et sèche. La respiration devient plus fréquente. La malade se trouve bien. Les poumons, l'abdomen explorés tous les jours avec le plus grand soin ne m'apprennent absolument rien. Je les explorai encore le 29 , jour de sa mort, qui fut plus prompte qu'on ne pouvait le présumer.

A l'ouverture, j'examinai d'abord le foie qui était dans l'état le plus parfait d'intégrité. Aussitôt mes recherches se dirigèrent sur la rate, car j'avais avancé plusieurs fois que nous trouverions une inflammation dans quelqu'un des organes parenchymateux de l'abdomen, dans le foie ou dans la rate; mais je m'étais arrêté constamment au foie.

La rate est ( Planche v , fig. 1 ) plus volumineuse et surtout plus longue que de coutume ; son diamètre vertical est de sept pouces. Sa forme a aussi quelque chose d'insolite : elle est oblongue , représente un cône dont la base est en haut et le sommet en bas, et imite assez bien la rate du cheval. Sa consistance est ferme : sa base B est comme creusée pour recevoir la grosse extrémité de l'estomac sur laquelle elle se moule; on dirait une rate distendue par une injection, et sa surface n'offre aucune des ces rides qui annoncent la vacuité ou plutôt le défaut de distension des cellules spléniques. Déplus, elle est enveloppée dans une espèce de coque pseudo-membraneuse, granuleuse; ici plus, là moins épaisse. Le

diaphragme D, dans toute la portion correspondante à l'extrémité supérieure de la rate, était d'un vouge vif, et cette coloration était due à plusieurs couches de fausse membrane plaquées de rouge qui tapissaient la face inférieure de ce muscle. Ce plaqué rouge était dû à de petites masses de sang. Les vaisseaux n'avaient pas encore eu le temps de s'organiser. La fausse membrane spléniquc enlevée, je suis frappé des inégalités de couleur que présente la surface de la rate. L'extrémité supérieure était marbrée de blanc et de rouge; ailleurs, c'étaient des plaques PPP irrégulières, des espèces d'îles, ici foncées en couleur, d'un rouge noir; là, blanchâtres. 11 était facile de voir qu'à ces différences de coloration correspondaient des lésions d'organisation. On pouvait encore reconnaître à l'extérieur des différences notables dans la consistance, laquelle était naturelle dans les parties qui avaient conservé leur coloration rouge et beaucoup plus considérable que de coutume dans les parties décolorées ou noirâtres.

Ces observations préliminaires terminées, j'ai divisé la rate dans toute sa longueur de la face convexe vers la face concave, et alors se sont présentées ( fig. 2) des infiltrations de pus concret PPP correspondantes aux plaques extérieures et s'étendant plus ou moins profondément et irrégulièrement dans l'épaisseur de l'organe. Au moment de la section de la rate, la couleur de ces masses infiltrées de pus était tout-à-fait semblable à la couleur extérieure. La différence qui apparaît sur les figures tient à l'action de F air. Les couches adjacentes du tissu splénique sont denses et d'un rouge beaucoup plus intense que de coutume. On voit tous les degrés, toutes les nuances de couleur qui sont la suite de l'inflammation; l'induration rouge-noir IS, qui est formée parle snng g******* t, riiiduration lie de vin clair I'S' formée par un mélange de sang et de pus concret ; l'induration blanchâtre PPP formée par du pus concret. Dans un point seulement j'ai trouvé un petit foyer pisiforme FP de pus liquide. Du reste, la partie saine du tissu de la rate est couleur lie de vin peu foncée; sa mollesse, qui d'ailleurs ne présente rien d'insolite, contraste avec la densité du tissu malade; tandis que, par une légère pression, on fait suinter du premier une bouillie rougeâtre, on n'obtient rien du second par une pression beaucoup plus considérable. Je dois ajouter qu'ayant soumis à la putréfaction une moitié de cette rate, la portion, malade y a résisté beaucoup plus que la portion saine.

Tous les autres organes sont parfaitement sains ; le canal alimentaire en particulier, le foie, les poumons ont été examinés avec la plus grande attention. La crépitation du poumon n'est donc pas un signe constant de pneumonie.

Béflexions. — Ainsi cette malade a succombé à une inflammation sub-aiguë de la rate, et pourtant aucun symptôme local n'a indiqué cette inflammation : voilà donc expliqué tout ce qu'il y a eu de périodique et dans les premiers jours et à une époque plus avancée de la maladie. Cette splénite a-t-elle été la cause, a-t-elle été l'effet de la fièvre? Elle me paraît cause au même titre que la pneumonie l'est de la fièvre pneumonique. Toutes les maladies de la rate que j'ai eu occasion d'observer ont présenté un caractère de rémittence ou d'intermittence que je me suis expliqué par la rémittence ou l'intermittence des fonctions de cet organe ; et, si dans les premiers accès d'une fièvre intermittente il est permis de douter si la rate joue un rôle tel quel dans la maladie, il ne peut y avoir aucune espèce de doute à une époque plus avancée. J'ai donné mes soins à un grand nombre de fébricitans chez lesquels chaque accès était caractérisé non-seulement par un sentiment de gêne, de tuméfaction et même de douleur à la rate accusé par des malades, mais par une augmentation de volume manifeste pour le médecin. Il n'est d'ailleurs personne qui n'ait vu des obstructions réduites de moitié, des trois-quarts, reprendre tout leur développement antérieur à la suite de plusieurs accès fébriles.

Dans le plus grand nombre de cas, la fluxion sanguine sur la rate? qui accompagne (si toutefois elle n'en est pas la cause matérielle) les accès fébriles, ne passe pas à l'état inflammatoire. cependant l'analogie qui existe entre cette fluxion sanguine et l'inflammation se manifeste par

les adhérences quelquefois intimes que contracte la rate avec Je diaphragme, adhérences qui se propagent même à la plèvre, et s'étendent de la plèvre costale à la plèvre pulmonaire, de la plèvre diaphragmatique à la base du poumon; elle se manifeste encore par les concrétions cartilagineuses et osseuses dont elle s'encroûte, et qui coexistent toujours avec des adhérences. J'ai connu des individus qui, à la suite de fièvres intermittentes, avaient conservé une gêne dans la respiration qui les empêchait de faire une longue course. Un de ces individus étant mort, je trouvai dans des adhérences semblables à celles que je viens d'indiquer la cause de tous ces symptômes. Je ne connais aucun organe qui présente autant de variétés individuelles que la rate sous le rapport du volume, de la couleur, de la consistance ; j'ai pu m'assurer qu'une grande source de ces variétés était dans des fièvres intermittentes antérieurement éprouvées.

La fluxion sanguine sur la rate qui accompagne, si toutefois elle ne produit pas la fièvre intermittente, a donc beaucoup de points de contact avec la fluxion inflammatoire, et cette analogie est d'autant plus grande que la fièvre se rapproche davantage du type quotidien et surtout du type rémittent : si dans ce cas on ne se hâte d'arrêter la fièvre, non point par de faibles doses, mais par de fortes doses de fébrifuge, bien loin d'enlever la fièvre, c'est-à-dire d'après ma manière de voir, la disposition à la fluxion sanguine sur la rate, on change cette fluxion sanguine en fluxion inflammatoire: mieux vaudrait sans contredit la méthode expectante dans toute sa rigueur. En général évitons en thérapeutique les demi-moyens; trop faibles, ils ne peuvent que modifier „ dénaturer. Ce sont des gouttes d'eau jetées au milieu de flammes ardentes ; si elles paraissent un instant diminuer la violence de m^^dio , r,'est. que pour le rendre plus dévorant. Elles prennent un temps précieux, le temps d'opportunité, se plient à toutes les doctrines, substituent à la marche franche et sévère du praticien, qui échoue peut-être quelquefois, mais qui sait pourquoi il échoue, une marche oblique, incertaine, flexible, qui ne peut se rendre compte ni de ses succès, ni de ses revers. Faut-il saigner, c'est une petite saignée incapable de nuire par cela seul qu'elle est incapable d'être utile. Faut-il un vomitif, c'est un petit vomitif qui fatigue incomparablement plus qu'un vomitif efficace, lequel est rendu avec la matière vomie. Faut-il purger, faut-il administrer le quinquina, c'est toujours par doses minimes qu'on procède : on avance, on recule; tout paraît un écueil; le soir on trouve une contre-indication de ce qu'on a fait le matin ; on arrive ainsi en tremblant au terme heureux ou malheureux de la maladie. Demandez à ces médecins ce qui a guéri leur malade, ou ce qui a pu lui nuire, demandez-leur un plan de traitement pour des cas semblables. Certes ce n'est pas de l'éclectisme, ce n'est pas non plus de la prudence, c'est ou de la faiblesse, ou de l'ignorance, ou une mauvaise éducation pratique.

Il y a une différence énorme entre une fièvre continue primitive et une fièvre continue suite de fièvre intermittente inutilement et mollement combattue. Quelque chose de la maladie primitive surgit de temps en temps du milieu des symptômes de la maladie consécutive. Quelqu'un des viscères splanchniques est affecté : la rate peut-être? Le traitement antiphlogistique doit être employé avec une extrême prudence ; mais il doit l'être, et souvent à sa suite l'intermittence reparaît pour céder au fébrifuge. Mais n'espérez pas dans le plus grand nombre des cas un accès complet : le stade de froid, souvent le stade de chaud, manquent entièrement : des sueurs abondantes, survenant à la même heure, m'ont souvent suffi pour administrer le fébrifuge à large main, et le succès a souvent couronné cette pratique qui pouvait paraître hardie, mais qui était justifiée par le défaut de succès des moyens antiphlogistiques ou de toute autre médication, et par l'absence de douleur.

Dans le cas qu'on vient de lire, bien que la rate fût le siège de suppuration, ne voit-on pas l'effet non équivoque du traitement fébrifuge, l'accès pernicieux arrêté ; mais la rate était enflammée, elle n'était pas seulement le siège d'une fluxion sanguine considérable; l'inflammation devait parcourir ses périodes, le mouvement fébrile symptomatique persister. Le quinquina n'est point un antiphlogistique. Non, je ne pense pas que cette maladie lût au-dessus des ressources de l'art bien dirigées. Il faut que son issue funeste ne soit pas perdue pour l'avenir; l'anatomie

pathologique ne doit pas être une contemplation stérile de la mort; elle est appelée à jeter une vive lumière sur les symptômes souvent si incohérens des maladies, et à diriger les applications thérapeutiques.

Voici le fait présenté sous la forme de problème, forme que j'adopterai désormais pour rédiger mes observations d'après un but essentiellement thérapeutique.

Étant donnés les symptômes suivans '.face très-colorée ; langue rouge; pouls médiocrement fréquent; sueurs très-abondantes le matin ; point de douleur: aucun organe ne donnant d'indice d'une lésion quelconque. — Quinze jours de maladie, accès intermittens présumés les premiers jours. Un vomitif une saignée, de faibles doses de sulfate de quinine ont été employés. Déterminer, i° le caractère de la maladie, i° les indications à remplir.

L'exploration la plus attentive ne démontre aucun point de départ manifeste ; les sueurs sont très-abondantes et reviennent à des heures régulières, mais il n'y a pas d'intermittence. J'obser. verais la malade; et, après une expectation raisonnable, je ferais pratiquer une saignée, et je me conduirais ensuite d'après les résultats. Il est probable que la saignée n'aurait pas mieux réussi que les sangsues. Alors, fort des sueurs intermittentes et de ce qui a précédé, j'aurais recours au fébrifuge à dose suffisante. Je ne sais si ce traitement aurait réussi, mais il serait rationnel. Il m'aurait peut-être été difficile d'inscrire sur la feuille d'observations le nom exact et précis de la maladie, mais j'aurais dit : quel que soit l'organe affecté, la maladie doit être classée parmi les rémittentes; et le type rémittent, inconnu rUnc £a. nature et dans son siège, entraîne l'emploi du fskrxiVge. Un aura beau faire; il sera bien difficile d'arriver, dans un certain nombre de cas, aune précision de diagnostic qui ne laisse rien à désirer, cherchons donc à établir les indications thérapeutiques sur des bases plus larges que l'organe affecté et le mode d'affection de l'organe. Les phénomènes sympathiques de la circulation et de l'innervation sont souvent, pour le thérapeutiste, bien plus importans que le diagnostic le plus matériellement positif sur le siège, et c'est cette grande vérité, base de la thérapeutique pratique , que proclamaient les grands observateurs, Sydenham, Baillou, lorsqu'ils parlaient des constitutions épidé-miques qui planaient pour ainsi dire sur les maladies de toute une saison, d'une médication constante, uniforme, quel que fût le siège, quelle que fût la forme de la maladie. Ce qui tue dans le plus grand nombre des cas, ce n'est pas le mal local, à moins qu'il ne s'oppose mécaniquement à l'exercice d'une fonction importante; c'est le trouble général de l'innervation: rendez-vous maître de ce trouble général en obéissant aux indications qu'il vous fournit, et, la maladie une fois localisée, vous aurez le temps d'agir ; la nature, rentrée dans un état voisin de l'ordre, pourra opérer la résorption de ce liquide épanché, résoudre, cicatriser. Elle peut au besoin se passer d'une bonne portion d'organe, et même quelquefois de la totalité d'un organe.

Ramollissement en pulpe de la rate.

(planche v, figure 3, iie livraison.)

De toutes les lésions de la rate, les plus remarquables sont sans contredit son induration et son ramollissement. La première s'accompagne presque toujours d'une augmentation de volume et de pesanteur spécifique, d'une fragilité variable, qui disparaît d'ailleurs à la longue pour faire place à une cohérence, à une compacité telles que je n'en ai jamais observé de semblables dans aucun autre tissu, à moins de transformation fibreuse. Plus de cellules, plus de pulpe; c'est une chair dense, dans l'épaisseur de laquelle on rencontre quelquefois, autour des vaisseaux, une couleur jaune orangé, indice constant d'extravasation sanguine antérieure. Cette lésion s'accompagne d'adhérences filamenteuses, fibreuses, très-serrées avec cartilaginification, ossification par grains, par plaques, ou bien dans la totalité des membranes d'enveloppe. Cet état constitue bien plutôt une hypertrophie qu'une inflammation proprement dite, et ce

11e livraison. 3

n'est que dans des cas fort rares qu'on rencontre en même lernps du pus, soit combine, soit ramassé en foyer.

Dans le ramollissement, la rate n'acquiert jamais un volume aussi considérable que dans l'induration. Il est peu ordinaire de la voir dépasser le triple du volume naturel. Cependant on a vu des rates ramollies qui pesaient de sept à huit livres. Ce ramollissement est quelquefois partiel; plus souvent il est général : il présente plusieurs degrés; et au summum de cette altération, la rate est convertie en une pulpe boueuse, inorganique, contenue dans une poche formée par ses membranes distendues et fragiles, en sorte qu'il suffît du plus léger contact pour la déchirer. M. le docteur Bally, dans son ouvrage sur les fièvres pernicieuses observées à l'hôpital Saint-Esprit de Rome, assure même avoir vu une ou plusieurs crevasses qui s'étaient faites spontanément pendant la vie. La boue splénique est tantôt décolorée, tantôt d'une couleur brun-marron. J'ai conservé pendant plusieurs années du papier teint avec ce liquide.

Il n'est pas fort rare de rencontrer le ramollissement de la rate chez des individus qui présentent d'ailleurs d'autres lésions capables d'expliquer les symptômes observés pendant la vie. Je pense même que c'est cette coïncidence assez fréquente qui a fait regarder l'altération de la rate comme une chose de peu d'importance, éventuelle, peut-être même cadavérique.

C'est ainsi que nous lisons, dans les recueils d'observations, des exemples de fièvres adyna-miques, d'entérites et autres maladies aiguës ou chroniques, dans lesquels il est fait mention de ramollissement de la rate, oano ^liW arit ^ans le plus grand nombre de cas, à faire

la part de cette singulière altération.

Ce qu'il importe aujourd'hui, c'est d'établir d'une manière positive le rôle que joue le ramollissement de la rate dans l'histoire de la maladie. Les faits suivans pourront concourir à la solution de cette question importante.

Ramollissement aigu de la rate.

(planche ii, figuee 3, iie livraison. )

Madame N., âgée de trente ans, lymphatique, épuisée par des chagrins de toute espèce, éprouve un peu de fièvre le 10 août, se plaint le n d'une lassitude générale, ce qui ne l'empêche pas de sortir, me fait appeler le 12 et présente l'état suivant :

Violente céphalalgie ; mal au cœur sans envie de vomir (ce sont les propres expressions de la malade); sentiment d'oppression, bien que la respiration soit parfaitement libre : brisement des membres ; pouls vif, fréquent; langue rouge; soif; vives inquiétudes sur son état. L'abdomen exploré avec la plus grande attention parait dans l'état naturel. La malade dit que son mal est au niveau des fausses côtes gauches. Douze sangsues à l'épigastre qui donnent médiocrement : néanmoins affaiblissement très-grand de la vue, défaillance, sueur; cependant, au bout de quelques heures, la vue se rétablit, le sentiment de faiblesse disparaît : la nuit est bonne.

Le 13, rien de remarquable. La nuit du i3 au i4 est extrêmement mauvaise; malaise très-grand : agitation. Le pouls est fréquent, plein et dur; la langue rouge et sans enduit. La malade, pour me rendre compte de ce qu'elle éprouve, me dit que son état ressemble à celui d'une personne qui a mangé quelque chose de lourd et d'indigeste. L'exploration la plus exacte ne me fait découvrir aucun point sensible. La malade me montre toujours les fausses côtes gauches comme le siège de son mal. — Vingt sangsues sur l'épigastre. Orge, chiendent, sir. gomm. ; cataplasmes et lavemens émolliens. — Les règles paraissent le soir.

Pouls moins fréquent le i5; nulle douleur, mais sentiment de malaise. Le soir, défaillances qui se renouvellent toute la nuit; angoisses; agitation. La malade a besoin d'un courant d'air, demande sans cesse qu'on lui frictionne les membres supérieurs. Sueur considérable, mais sans amendement. —Potion avec sirop d ether.

Touic La journée du iG est excellente : bien-être. Peau naturelle; pouls presque naturel pour la fréquence. J'espère que la maladie sera terminée : la nuit est très-bonne.

Le 17 au matin, le malaise général, l'angoisse reparaissent plus fortement que jamais. La malade ne peut préciser le siège de son mal; mais il lui semble toujours qu'il vient de l'hypochondrc gauche. La face est décolorée : le pouls petit, fréquent : besoin d'un courant d'air frais à l'aide d'un éventail, de frictions rudes sur les membres supérieurs , faute de quoi elle est dans un état lypothimique permanent : le moindre mouvement, l'action de parler amènent des défaillances. Le contraste de l'état actuel à celui de la veille, l'invasion brusque des symptômes alarmans me font penser que nous avons affaire à une fièvre rémittente pernicieuse : et en effet, le soir, il survient une sueur qui se prolonge toute la nuit et même le matin.

Le 18, le mieux est manifeste. L'indication du quinquina me paraît évidente : forte décoction de quinquina; un verre toutes les trois heures. La malade en prit quatre verres seulement dans la journée.

La nuit du 18 au 19, sur les deux heures du matin, retour du malaise, de l'angoisse et de l'agitation. Besoin continuel de changer de place, d'un courant d'air ou de frictions aux membres supérieurs. Soupirs de temps en temps.

Le 19 au matin, le pouls est vif et fréquent : sentiment de chaleur insupportable, surtout à la paume des mains, où la malade tient habituellement des boules de marbre. Langue très-rouge au pourtour et un peu sèche. Douze sangsues à l'épigastre : aussitôt aDrès Iph^ oWto., décoloration complète de la faee; pouls très-faible; dpf^ll£*"ooj continuelles; perte de la vue : on ne peut soutenir la vie qu'en pratiquant des frictions alcooliques et en agitant l'air qui entoure la malade au moyen d'un éventail. — Sinapismes aux pieds ; potion éthérée, et néanmoins les défaillances persistent toute la journée. Pouls petit, fréquent, irrégulièrement intermittent; le soir, l'agitation remplace les défaillances ; moiteur. Je me repens de n'avoir pas administré la veille le quinquina à fortes doses. Douze grains de sulfate de quinine dans six onces d'eau; une cuillerée d'heure en heure. La vie de la malade me paraît dépendre de la possibilité d'administrer cette dose cle fébrifuge pendant la durée de la rémission ; mais, soit répugnance de la malade, soit négligence des personnes qui l'environnent, quatre cuillerées seulement sont prises pendant la nuit. A notre visite du matin, nous en administrons trois cuillerées à la fois : mais le temps d'opportunité était passé. Quelques heures après, défaillances plus grandes que jamais; pouls grêle, intermittent; sueur froide; face cadavéreuse, hoquet que j'entends pour la première fois, et qui paraît s'être montré à de longs intervalles les jours précédens; de plus, l'estomac ne peut rien supporter : une douleur très-vive à l'épigastre est la suite de l'ingestion des liquides les moins irritans, même de l'eau sucrée. La malade porte continuellement la main sur les dernières côtes gauches en me demandant si je n'y trouvais rien, que son mal était là ; mais j'avais beau palper, presser assez fortement et sur les côtes et au-dessous, je ne découvrais aucune tumeur, je ne développais aucune sensibilité.—Potionavecun grain d'extrait gommeux d'opium. Sinapismes qu'on promène sur plusieurs points : vésicatoires aux jambes. — Tous les irritans sont sentis, mais point d'amendement.

Le 21, les défaillances ont cessé : sentiment de mieux être ; mais la petitesse excessive du pouls démontre assez que ce mieux n'est qu'apparent. L'eau fraîche blanchie avec du lait est la seule boisson qui passe sans douleur. — Vésicatoire à l'épigastre; deux demi-lavemens avec douze gouttes de laudanum.— Le soir, délire pour la première fois; agitation, force musculaire qui contraste singulièrement avec son état antérieur. Hoquet. Mort à neuf heures du soir.

Avant l'ouverture, je me demandais à quelle maladie j'avais affaire. Il ne pouvait exister sur ce point que deux opinions. Était-ce une gastrite? Était-ce une fièvre rémittente pernicieuse syncopale? Dans tous les cas, il était évident que le siège de tous les symptômes était dans l'estomac ou ses dépendances ; que les défaillances continuelles, phénomène observé pendant tout le cours de la maladie, ne pouvaient être rapportées qu'au trouble de ces forces épigastriques d'où proviennent le sentiment de bien-être ou de malaise, de force ou de faiblesse. Le défaut d'efficacité des sangsues, les mauvais effets qu'avaient paru produire la

première et la troisième applications, les rémissions non équivoques qui avaient eu lieu à diverses reprises, les sueurs qui revenaient à des époques régulières, toutes ces circonstances faisaient pencher du côté de la fièvre rémittente. Et, d'un autre côté, l'inutilité du quinquina, la vive irritation de l'estomac qu'avait occasionée son emploi, militaient pour la gastrite. Il est vrai que le quinquina avait été administré un peu tard et à des doses trop faibles pour enrayer une maladie aussi intense.

L'ouverture du cadavre va tout éclaircir. Elle fut faite neuf heures après la mort, et par conséquent point de soupçon d'altération cadavérique notable.

L'abdomen était ballonné, l'estomac contracté; sa face interne présentait des plis longitudinaux, obliquement coupés en losange par d'autres plis beaucoup moins considérables. Ces plis et la muqueuse de la grosse extrémité de r estomac sont fortement teints en jaune (c'était une teinture cadavérique, la matière colorante de la bile chimiquement combinée avec le tissu muqueux ). Petite plaque de pointillé rouge à cette grosse extrémité : quelques points rouges le long du bord libre des plis dont je viens de parler et de quelques valvules conniventes du duodénum. Intestins grêles fortement teints en jaune comme la grosse extrémité de l'estomac (encore teinture cadavérique). Plusieurs plaques de pointillé rouge vers la fin de l'intestin grêle, quelques pouces au-dessus de la valvule iléo-cœcale. Les gros intestins étaient remplis de matière fécale grisâtre. Injection très-considérable du colon transverse dans l'étendue de trois à quatre pouces.

La rate (fig. 3), qnp. j'examine on dor^lo^ ILüi y a lP dminle de son volume naturel : elle est d'une mollesse telle que j'ai beaucoup de peine à l'enlever sans la déchirer. Sa couleur (iig. ó) est gxioô^o FTW^t convertie en une pulpe d'un gris sale qui s'écoule par la moindre pression} et ce qui reste dans les mains est un parenchyme fibreux qui fait à peine la huitième partie de l'organe, bien que l'expression soit loin d'être complète. Je ne puis mieux comparer cette altération de Ja rate qu'à la lésion mécanique qui résulterait du broiement de cet organe, en ajoutant toutefois une plus grande quantité de liquide.

Les vaisseaux du foie étaient gorgés de sang, et cependant sa substance était pâle. Les organes contenus dans la cavité thoracique étaient parfaitement sains. — Le cerveau et le rachis ne purent pas être examinés.

Réflexions. — Ici deux altérations se présentent : i° les petites plaques de pointillé rouge disséminées dans l'estomac, le duodénum et la fin de l'intestin grêle, et qui, toutes réunies, ne formaient pas une surface égale à la paume de la main; i° le ramollissement jusqu'à désorganisation de la rate. Il me semble que l'interprétation de ces deux lésions, relativement au rôle qu'elles ont joué dans la maladie, ne peut être équivoque. Le rouge ponctué indique en général une inflammation récente, quand il se borne, comme ici, à quelques points isolés, et quand il n'est accompagné ni d'épaississement, ni d'extravasation sanguine notables. Il ne pourrait donner la raison suffisante des symptômes graves que dans les cas où il occuperait une grande étendue, et ici il était extrêmement circonscrit. Je suis porté à croire que l'irritation qui a présidé à la formation des petites plaques rouges date de l'époque où la malade a accusé une vive douleur dans l'estomac, c'est-à-dire du 19, immédiatement après fadministration du sulfate de quinine : je le crois d'autant plus que ce médicament actif a été employé pour ainsi dire en désespoir de cause pendant la durée de l'accès et non point dans l'intermission, que dès ce moment l'estomac n'a pu rien supporter.

L'altération essentielle, celle qui me paraît avoir dominé la maladie, c'est le ramollissement de la rate. Qu'on se rappelle que, dès le premier jour, la malade disait qu'elle avait mal au cœur sans envie de vomir, qu'elle me montrait sans cesse les fausses côtes gauches, me disant que son mal était là, et que je devais y trouver quelque chose. Enfin l'état lipothymique presque continuel, la décoloration de la face, et la mort, ne s'expliquent-ils pas par la désorganisation imminente d'abord, puis consommée, d'un viscère aussi abondamment pourvu de vaisseaux et surtout de nerfs ganglionnaires que la rate?

On me demandera peut-être maintenant quelle idée je me forme de la nature ou de la cause prochaine de ce ramollissement, s'il est le résultat d'une inflammation ou bien d'un travail de toute autre nature ? Pour répondre à cette question d'une manière positive, il faudrait connaître exactement toutes les formes que peut revêtir l'inflammation, toutes les modifications qu'apporte à ce grand phénomène pathologique la texture des organes ; il faudrait surtout connaître la nature et la cause prochaine de l'inflammation : j'avoue que de semblables questions me paraissent encore prématurées ; mais ne peut-on pas se rendre compte du ramollissement de la rate par une fluxion sanguine brusque qui, portant les cellules spléniques au-delà de leur extensibilité naturelle, opérerait leur lacération ?

Au reste, ce qui est bien plus important encore, c'est de déterminer quel est le mode de traitement convenable dans les cas de cette espèce. On a dû remarquer que ma première idée était que j'avais affaire à une gastrite ; mais que les mauvais effets des antiphlogistiques, les rémissions et les paroxysmes non-équivoques, les sueurs régulières m'amenèrent à l'idée d'une fièvre rémittente. L'insuccès du quinquina doit-il faire repousser cette idée? Je ne le pense pas, et je me fonde, d'une part, sur l'emploi tardif et à dose trop faible de ce médicament; et, d'une autre part, sur la constitution épidémique, qui fit de grands ravages, et dont cette malade fut le premier exemple et la première victime. Il régna en effet à cette même époque, dans un rayon très-considérable, une épidémie de fièvres rémittentes très-graves, dont plusieurs présentèrent la forme que je viens d'indiquer. La presque totalité nniK offrit dp* symptômes d'irritation du côté de rhffpT^o o*6ciAxcs ec surtout des organes épigastriques. Quelquefois des saignées locales furent avantageuses ; mais l'expérience nous apprit bientôt que le véritable remède était le quinquina administré à temps et à dose convenables ; que dans beaucoup de cas une langue sèche, rouge et noire n'était pas une contre-indication. Les revers terribles qu'éprouvèrent quelques praticiens qui insistèrent outre mesure sur la méthode antiphlogistique et qui n'eurent pas recours au spécifique, sont la preuve de ce que j'avance. Je suis persuadé, et je le dis avec douleur, que cette malade eût été sauvée par le quinquina administré dans le temps d'opportunité et en suffisante quantité. La crainte de l'irritation me liait les mains : depuis cette époque je n'ai plus hésité. J'ai retrouvé plusieurs fois les mêmes symptômes, et je les ai toujours combattus avec succès.

Je terminerai ces réflexions par une observation pratique qui me paraît de la plus haute importance, c'est que les évacuations sanguines employées pendant le frisson ou au moment de l'invasion sans froid des accès des fièvres rémittentes, sont extrêmement nuisibles. Nous avons vu, dans l'observation ci-dessus, les mauvais effets d'une application de sangsues faite dans cette dernière circonstance. Je me rappellerai toujours l'observation d'une jeune fille âgée de seize ans, affectée de fièvre rémittente avec prostration des forces, sécheresse et rougeur de la langue : elle était au troisième jour de la maladie qui avait débuté par deux accès de fièvre tierce avant de devenir rémittente. Une douleur vive, augmentée par la pression, existait à l'épigastre et surtout à l'hypogastre. Je crus devoir faire précéder de quelques sangsues l'emploi du quinquina. Huit sangsues furent partagées entre les deux points douloureux. Il était onze heures du matin lors de leur application; le sang coula tout le jour et toute la nuit. C'était le lendemain sur les dix heures que devait avoir lieu l'accès. Les piqûres saignaient encore : alors lipothymies continuelles, froid des extrémités, décoloration complète de la face, pouls misérable d'abord, puis nul; respiration rare, suspirieuse. Rien ne put ranimer la jeune malade, qui expira, malgré les stimulans les plus énergiques, soit intérieurs, soit extérieurs.

Ramollissement chronique de la rate.

(PLANCHE Ire, FIGURE 4, Iï" LIVRAISON.)

Fig. 4- La ligure 4 représente la rate d'une malade qui succomba à la même époque que celle dont on vient de lire l'histoire. Voici le précis de son observation :

11° LIVRAISON. 3

Je suis appelé en consultation auprès de madame A., que je trouve dans l'état suivant : coma profond; immobilité; insensibilité complète des extrémités supérieures; un peu de sensibilité aux extrémités inférieures. Les membres soulevés tombent comme une masse inerte. Face décolorée, jaunâtre ; pupilles contractées, immobiles. La respiration est régulière; le pouls régulier, peu fréquent. Nous portons tous un prognostic fâcheux. Voici les commémoratifs : la maladie avait débuté dix à douze jours auparavant par un violent mal de tète pour lequel on avait appliqué plusieurs fois les sangsues, soit à l'anus, soit à l'épigastre. La veille encore, une application avait été faite sur l'épigastre, qui était devenu très-sensible; les sangsues avaient donné toute la nuit et avaient jeté la malade dans une syncope qu'avait immédiatement suivie l'état comateux. De nouvelles questions me donnèrent la certitude qu'il y avait fièvre rémittente , que les paroxysmes ou plutôt les accès revenaient tous les soirs et étaient par fois précédés de froid aux pieds. Dès-lors je pus me rendre compte de ce qui s'était passé ; l'effet des sangsues s'était prolongé jusqu'au moment de l'invasion de l'accès, d'où les syncopes et l'état grave où nous la trouvions.

Déjà des vésicatoires aux jambes avaient été placés. Nous prescrivîmes des sinapismes aux pieds, un vésicatoire à la nuque; impossible de lui desserrer les dents. Je ne revis plus la malade. J'appris par la voix publique qu'elle était sortie comme par miracle d'un état aussi fâcheux. Quinze jours après, je fus appelé de nouveau auprès d'elle pour des vomissemens et des efforts de vomissemens continuels qui avaient résisté à tous les moyens employés par le médecin ordinaire; voici ce qui s'était passé depuis ma première visite : l'état comateux où nous avions laissé la malade avait aiapu*u 0„K;tfsment au je vnlgt_ quatre heures pour faire place â un état d'apyrexie presque complète ; mais, à la suite d'erreurs dans le régime, le mouvement fébrile avec paroxysmes s'était bientôt reproduit accompagné de nausées, d'un sentiment continuel d'angoisse, d'efforts de vomissemens que rien ne pouvait arrêter. D'ailleurs la face est altérée, jaune paille, comme à la suite des fièvres rémittentes ou intermittentes de longue durée ou des pertes utérines; anxiété; pouls petit, un peu fréquent. L'abdomen exploré, même avec force, dans toutes ses régions, ne fait pas éprouver la moindre douleur. Tout avait été successivement employé, un grand nombre de caïmans, de dérivatifs. Le temps des fébrifuges était passé : la maladie aurait peut-être cédé comme par enchantement à ce moyen dans le principe : aujourd'hui il ne ferait que l'exaspérer; il y a changement de nature dans la maladie, au moins sous le rapport thérapeutique. J'ai suivi cette malade pendant un mois et demi encore, c'est-à-dire jusqu'à sa mort. Je ne sais pas ce qui n'a pas été tenté ; mais toujours inutilement. Au milieu de l'intégrité bien constatée de l'appareil nerveux de relation, des viscères thoraciques et même de tout le canal intestinal, l'estomac repousse toujours par le vomissement les boissons les plus douces données à toutes les températures ; le hoquet est presque habituel. La malade dépérit à vue d'oeil ; son pouls conserve son caractère de petitesse : le sentiment d'angoisse, la conscience d'une fin prochaine ne l'abandonnent pas un seul instant. Elle s'éteignit dans le marasme.

Quel était l'organe malade ? J'avais d'abord pensé au ramollissement de la rate ; mais la longueur de la maladie m'avait dissuadé de cette idée : je ne pouvais soupçonner de lésion que dans le foie ou l'estomac. A l'ouverture, nous trouvâmes l'estomac parfaitement sain, le foie d'un vert olive très-prononcé ^ mais d'ailleurs sans aucune altération. La rate, beaucoup plus volumineuse que de coutume ( fig. 4 ), était d'une couleur brun-marron foncé ; sa mollesse était telle qu'on eût dit qu'elle était formée par un liquide boueux contenu dans une poche unique. J'y fis une ouverture, et à l'aide d'une pression légère j'obtins un liquide de consistance de bouillie claire,que je reçus dans une fiole; la couleur de ce liquide était d'un brun marron foncé; étendu sur du papier, il donnait la couleur indiquée sur la figure, et cette couleur n'est autre chose qu'une nuance de la mélanose.

2e Livraison. Pl. 6.

MALADIES DE CERVEAU .

MALADIES DU CERVEAU.

Tumeurs d'apparence perlée formées par de la madère grasse et de la cholestérine, déposées

dans le cerveau.

Une jeune fille , âgée de dix-huit ans environ, est apportée mourante à l'hôpital de la Charité. Elle était sans chaleur et sans pouls; la respiration courte et fréquente; les membres dans un état de résolution complète. Ces symptômes firent présumer que le siège de la maladie était dans le cerveau : l'embonpoint de la malade dénotait d'ailleurs un état aigu. Elle mourut deux heures après son entrée.

A l'ouverture, on trouva le thorax et l'abdomen parfaitement sains. Le cerveau fut divisé en place par tranches minces de la convexité vers la base. A peine a-t-on enlevé le corps calleux, qu'on voit la voûte à trois piliers soulevée par une tumeur volurnir^«eo ayant tuui 1'eulai métallique de l'argent mat ou d'une per|P rîp la plua belle eau : elle paraissait sortir du ventricule moyen, dont les parois étaient fortement écartées. M. Chomel, qui présidait à cette ouverture voulut bien me faire prévenir : il me fut facile de voir que cette tumeur se prolongeait jusqu'à la base du crâne. J'enlevai avec précaution ce qui restait du cerveau, le cervelet et le bulbe rachidien. Voici les particularités que l'examen attentif de cette pièce pathologique m'a offertes :

Fig. i. Elle représente la base du cerveau. La protubérance annulaire et les pédoncules antérieurs et postérieurs sont masqués par une tumeur volumineuse (TP), proéminente, ayant l'aspect de la perle la plus brillante surmontée par une foule de bosselures semblables à de petites perles agglomérées d'inégale grosseur. Cette tumeur était recouverte par l'arachnoïde qui n'y adhérait nullement. Elle remplissait entièrement la grande excavation médiane de la base du cerveau, et s'avançait jusqu'au-devant du corps pituitaire. CP. La commissure optique distendue établissait ses limites antérieures. Les nerfs de la troisième paire 3e P, ceux de la cinquième 5e P, ceux de la septième 7 e P, semblent sortir intacts du milieu de cette tumeur, qui ne laisse à découvert que le bord postérieur de la protubérance.

Fig. 2. J'ai divisé la tumeur et renversé de droite et de gauche ses deux moitiés TP, TP. Sa consistance était celle d'une cire molle, sa cohérence très-peu considérable ; sa surface seule avait l'aspect nacré : à l'intérieur elle était d'un blanc jaunâtre beaucoup moins brillant; elle recouvrait, sans y adhérer, la protubérance et les pédoncules, lesquels avaient été comprimés, déformés, s'étaient pour ainsi dire moulés sur la tumeur, mais n'avaient d'ailleurs éprouvé aucune altération de texture. La pie-mère intacte recouvrait ces parties comme de coutume, et conséquemment les séparait de la tumeur. Les nerfs moteurs communs et trijumeaux, bien qu'enveloppés de tous côtés, étaient sains.

La tumeur TP s'enfonçait en outre entre les pédoncules cérébraux PC, PC qu'elle écartait considérablement et qui étaient très-amincis. On voyait dans l'intervalle de ces pédoncules les faisceaux sus-oli-vaires FSO, FSO, desquels naissaient évidemment la troisième paire 3e P, dont les racines décrivaient une courbe manifeste pour arriver jusqu'à eux. La partie antérieure de la tumeur TP repoussait en avant et distendait le ruban optique que j'ai coutume d'appeler commissure des nerfs optiques CO, CO. Le chiasma était très-allongé; le nerf optique droit NO était dans l'état naturel; le nerf optique gauche NO' étaitcomme épanoui. On voyait i° une partie des fibres de ce nerf NO' se continuer avec la moitié gauche

11° livraison. i

de la commissure ; %° une autre partie naître du cliiasma lui-même; 3° une troisième partie semblait venir de la moitié droite de la commissure.

Fig. 3. Elle représente la face supérieure de la tumeur perlée TP, qui, après avoir écarté les pédoncules et les faisceaux sus-olivaircs, avait pénétré dans le troisième ventricule pour soulever la voûte à trois piliers et le corps calleux. Les couches optiques CO, CO fortement comprimées, déjetées en dehors, comme atrophiées, étaient converties en pulpe dans une épaisseur assez considérable, surtout à droite. Les corps striés CS, CS sont dans leur état d'intégrité. Du reste, même aspect qu'à la face inférieure, mais bosselures moindres.

Fig. 4- Elle représente une coupe perpendiculaire de la tumeur TP, TP pour monter son diamètre vertical et ses rapports avec la protubérance annulaire PA, le corps pituitaîre CP, la glande pinéale GP, le cervelet C, le bulbe rachidien BR. La couleur nacrée de la superficie contraste avec la couleur blanc-jaunâtre du centre.

Réflexions. — Il est évident que cette tumeur a son siège dans le tissu cellulaire séreux sous-arachnoïdien, qui se trouve proportionnellement en si grande abondance dans la grande excavation médiane de la base du cerveau, et qui est essentiellement distinct de la pie-mère. (J'appelle excavation médiane l'excavation bornée en arrière par les pédoncules cérébraux, et en avant par les commissures optiques, j C'est là 4ac aussi plus particulièrement l'infil-

tration pseudo- membraneuse ou couenneuse, si fréquente dans le cerveau, il xx'cot pac moins évident que cette tumeur a soulevé d'abord, puis perforé le plancher si mince du troisième ventricule , rempli la capacité de ce troisième ventricule, dont les parois, c'est-à-dire les couches optiques, ont été déjetées en dehors, comprimées, atrophiées, et enfin ramollies.

Du reste, cette tumeur ne présentait aucune trace d'organisation; c'était un produit de sécrétion déposé dans les mailles du tissu cellulaire; une matière grasse, ayant la consistance de la moelle des os ou bien du suif, recouverte par une couche plus cohérente, sorte de cristallisation lamelleuse qui affectait le brillant de l'argent ou de la perle.

Il était curieux de connaître la nature chimique de cette tumeur : des observations antérieures, qui constatent l'existence de la cholestérine dans un grand nombre de tissus morbides; le brillant métallique que cette substance contracte par la cristallisation ; la faculté qu'elle a de cristalliser au milieu de nos tissus, devaient faire soupçonner sa présence, et c'est en effet ce que l'analyse chimique a constaté. Voici la note qui m'a été remise à ce sujet par M. Barruel, chef des travaux chimiques de la Faculté.

« Cette matière a une consistance molle. Elle est d'un blanc opalin légèrement translucide, et présente, lorsqu'on la coupe par tranches, un aspect nacré. Cette matière, desséchée au moyen de l'air chaud, a beaucoup diminué de son volume primitif; par cette dessiccation, elle a perdu son aspect opalin, et a pris une teinte jaune fauve, est devenue transparente, et cependant laissait encore apercevoir de la matière nacrée.

« La matière pulvérisée a été traitée par huit ou dix fois son poids d'alcool bouillant : puis on a filtré.

« La matière que l'alcool n'a point dissoute, traitée par l'eau froide, en a absorbé une certaine quantité , s'est gonflée et a pris un aspect opalin. Cette matière a toutes les propriétés de l'albumine.

« La liqueur alcoolique a été évaporée jusqu'à siccité par un courant d'air chaud. Elle a laissé un léger résidu de couleur blanche ayant l'aspect et la consistance d'une graisse, laissant apercevoir de petites lamelles brillantes.

« Cette matière a été rassemblée avec soin et exprimée fortement entre plusieurs doubles de papier Joseph. Le papier est devenu transparent et très-gras. Le papier, bouilli avec de l'alcool absolu, et la liqueur évaporée jusqu'à siccité, a laissé une trace de matière grasse fluide.

« La substance qui n'a point été absorbée par le papier lors de l'expression, était solide. Traitée avec de l'alcool absolu bouillant, elle s'y est complètement dissoute. La liqueur filtrée, évaporée spontanément dans un verre de montre, a laissé déposer de petits cristaux nacrés brillans ; de plus, il s'est déposé sur plusieurs points une matière concrétionnée en eboux-fleurs, de couleur blanche.

« La matière cristalline nacrée m'a présenté tous les caractères de la cholestérine. La matière concrétionnée se rapproche beaucoup de la nature de la stéarine. »

Mais c'est peu de constater une lésion organique, si l'on ne cherche à remonter aux symptômes qui l'accompagnent et révèlent son existence pendant la vie. Or, M. le docteur Dalmas, aide de clinique, qui, à ma prière, s'est empressé de se rendre auprès des parens de la malade, a recueilli pour tout renseignement que cette jeune fille avait perdu la raison, il y avait environ deux mois (était-ce idiotisme? était-ce manie?), et qu'elle n'était paralysée ni du sentiment, ni du mouvement, la veille de son entrée à l'hôpital.

On se demande comment la vie a pu se concilier avec un pareil désordre, avec la compression de la protubérance, des pédoncules cérébraux, des faisceaux sus-olivaires, et des couches optiques : certes, ce désordre remontait à plusieurs mois, peut-être même à plusieurs années ; et cependant la nutrition était parfaite. Les facultés intellectuelles paraissaient n'avoir été troublées que depuis deux mois; et le sentiment et le mouvement, du moins d'après le rapport des parens, n'étaient pas diminués la veille de la mort de la malade. Tous ces phénomènes s'expliqueront aisément si Yjd o^nsidere la différence énorme qui existe entre une com-prcaolou algue et une compression chronique exercées sur le cerveau. Il n'est pas rare de trouver dans le cerveau des tumeurs volumineuses, carcinomateuses ou autres, chez des individus qui n'avaient présenté aucuns symptômes ou presque aucuns symptômes du côté de cet organe. Quelquefois des attaques épileptiformes, l'idiotie, sont les seuls phénomènes qui attestent leur présence. Presque toujours c'est un travail inflammatoire, un ramollissement tout autour de la tumeur, qui entraînent tout-à-coup des symptômes promptement mortels. Dans le cas actuel j'attribue la mort au ramollissement des couches optiques.

Fig. 5. Les faits de ce genre ne sont peut-être pas aussi rares qu'on le pense ; ayant eu occasion de faire part de celui qu'on vient de lire à M. Duméril, il se rappela un fait analogue consigné dans le Bulletin de la Faculté de médecine : la pièce, modelée en cire, fait partie de la collection de l'Ecole. La fig. 5 représente exactement cette pièce qui n'a été accompagnée d'aucune note autre que celle-ci (*). « Production « d'un blanc argenté à sa superficie, et d'un blanc grisâtre à l'intérieur; trouvée dans le cervelet, « quatrième ventricule; pièce donnée par M. Dupuytren (**). »

Il serait difficile de méconnaître l'identité absolue qui existe entre ce fait et le précédent. PA me paraît la coupe de la protubérance, reconnaissable à ses couches alrernativement blanches et grises; BR doit être le bulbe ; mais je ne conçois pas l'intervalle qui existe entre la protubérance et le bulbe. LM est le lobe médian, CC les deux lobes latéraux du cervelet. Il y a probablement quelque inexactitude dans le modèle en cire, qui est ici fidèlement représenté. Les fig. 6 et n indiquent une coupe de la tumeur vue par sa surface TP, fig. 7, par sa coupe MG, fig. 6.

Comment cette tumeur volumineuse avait-elle été déposée dans le quatrième ventricule? proéminait-elle à la base? Je ne conçois guère comment elle aurait pris son origine dans le tissu cellulaire de la grande excavation médiane du cerveau, pour pénétrer dans le troisième ventricule et arriver de là dans le qua-

(*) Bulletin, delà Société de la Faculté de médecine du 19 février 1807 , tome I, page 32.

(**) M. Dupuytreu n'a aucun souvenir de ce fait. Mais M. le docteur Rullier m'a dit que c'était lui qui l'avait recueilli à l'Hôtel-Dieu eu i8o3 ou 1804, dans le service de M. Récamier; qu'il croit se rappeler que c'est tout-à-coup que périt la femme qui en est le sujet, et que rien n'avait porté à supposer dans le cerveau une cause de compression aussi considérable.

tríeme à travers l'aqueduc de Sylvius. Ne torturons pas les faits pour leur faire dire plus qu'ils ne disent réellement.

Un troisième fait, rapporté avec beaucoup de détails dans un journal périodique (*), me permettra de comparer les symptômes observés pendant la vie aux lésions rencontrées après la mort. Cette observation est consignée sous le titre de tumeur adipociriforme développée dans le mésocéphale. Elle a pour sujet un ancien militaire âgé de quarante ans, d'une forte constitution, qui, après seize ans de service et plusieurs maladies vénériennes, fut pris d'une céphalalgie tellement violente et t ellement opiniâtre qu'il fut obligé de quitter le service. Rentré dans ses foyers, la céphalalgie persiste ; il n'obtient de soulagement qu'en se couvrant la tète de liquides réfrigérans ; mais il ne peut nullement subvenir à ses besoins par le travail. Tout-à-coup à la tristesse, à la morosité succède une disposition toute contraire. Le tronc se courbe en avant; la tête s'incline sur la poitrine; la progression devient difficile et nécessite un appui antérieur; fréquens étourdissemens suivis de perte de connaissance; bientôt paraplégie complète. Le malade entre à l'hôpital. Pendant les deux premiers mois qui suivirent son entréeon observa que les organes des sens remplissaient parfaitement leurs fonctions. Il répondait très-bien aux questions qu'on lui adressait; mais, au bout de quelques instans de conversation, sa parole devenait embarrassée. Plus tard, ses idées n'eurent plus de suite ; il articulait un mot pour un autre. Par fois il laissait échapper ses urines et ses matières fécales. L'appétit fut constamment bon, la nutrition parfaite. Cependant, clans les derniers temps, il eut de fréquens vumissemens; la céphalalgie était tuuou^o ^ temps en temps congestion vers la tête, manifestée par une coloration plus vive de la face,une céphalalgie plus intense, et alors ou a Valu icwuia à la saignée. Tout-à-coup, après une journée très-calme, la face se colore, les yeux sont égarés, brillans ; le pouls est plein, dur, fréquent; la respiration fréquente et stertoreuse : surviennent des vomissemens qui sont suivis de paralysie des membres supérieurs; large saignée; affaissement : mort à quatre heures du matin.

Ouverture du cadavre. Machis. Le prolongement rachidien paraît peu volumineux, surtout à sa partie inférieure. Cerveau. Sérosité sous l'arachnoïde qui revêt la convexité du cerveau; grande quantité de sérosité transparente dans les ventricules ; cerveau sablé de points rouges, mais d'ailleurs sain. « En soule-« vant cet organe d'avant en arrière, ce qui frappe bientôt tous les regards, c'est une tumeur de forme « irrégulière, et volumineuse comme le tiers d'un cervelet d'adulte, mamelonnée, dont les granulations sont ( en tout semblables à des perles, l'aspect aussi brillant que l'intérieur de certaines coquilles. Coupée « dans son milieu, elle paraît formée de couches concentriques, unies entre elles par des lames du tissu « cellulaire; on n'y observe aucune trace de vaisseaux; sa couleur est d'un blanc opaque, et son « aspect ressemble à une matière adipocireuse.Sa densité est plus considérable que celle du cerveau. Située « à gauche du mésocéphale, elle en occupe environ le tiers, et prend naissance dans cette partie, qui « est comprimée et refoulée à droite. L'origine de la moelle est également déjetée de ce côté; en arrière, « cette tumeur se prolonge sur le faisceau postérieur gauche ou cuisse de la moelle allongée qu'elle comte prime, mais sans adhérer au tissu nerveux. Le côté droit de la protubérance est d'une dureté remar-« quable ; le lobe gauche du cervelet présente, vers son bord antérieur, un enfoncement moulé sur la « partie la plus externe de la tumeur; sa substance dans ce point paraît légèrement ramollie, comparati-« vement au côté opposé. Du reste cette partie de l'encéphale ne présente dans tous ses points aucune « trace de maladie.

« Les organes thoraeiques et abdominaux n'ont offert à l'examen aucune lésion notable. »

(*) Observations sur des altérations organiques du cerveau, recueillies dans les salles de M. Dominel, chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Caen, par F. Leprestre , docteur-médecin ( Arcbiv. génér. de Méd., tome XVIII, page 19).

\\inflexions. — On ne saurait méconnaître dans cette tumeur mamelonnée, dont la surface présente des granulations qui sont en tout semblables à des perles, et l'aspect aussi brillant que r intérieur de certaines coquilles, dont l'intérieur a une couleur d'un blanc opaque semblable à une matière adipoeircuse, on ne saurait, dis-je, méconnaître les caractères des tumeurs perlées, représentées planche vi. C'est encore dans le tissu cellulaire séreux sous-arachnoïdien de la grande excavation médiane du cerveau, que cette tumeur s'était développée; mais au lieu de se diriger en avant ou en haut, entre les bras de la moelle allongée, elle s'était portée en arrière et à gauche, avait comprimé et déjeté à droite la protubérance annulaire, la cuisse gauche de la moelle allongée et le bulbe rachidien; il paraît même que la protubérance comprimée avait subi un ramollissement, une solution de continuité, de même que nous avons vu, dans la première observation, les couches optiques ramollies, d'où l'opinion émise par l'observateur que la tumeur naissait de cette protubérance. C'est au siège de la tumeur, à la compression exercée sur la protubérance et l'origine de la moelle, qu'il faut attribuer la paraplégie, et il est malheureux qu'on n'ait pas étudié avec plus de soin quels étaient les faisceaux qui étaient plus spécialement comprimés. L'invasion subite et inattendue des accidens mortels n'a rien qui doive nous surprendre; puisque c'est presque toujours ainsi que se terminent les maladies organiques avec compression du cerveau. Il semble que le cerveau ne jouisse delà compressibilité que dans une certaine mesure. Cette mesure une fois dépassée, l'équilibre est rompu; la mort survient. Le ramollissement, qui a lieu si souvent dans les couches cérébrales adjacentes, précipite le terme fatal. Il paraît que, dans le cas actuel, c'est au ramollissement qu'il faut attribuer la mort.

Ce serait un sujet de recherches neuf et intéressant tout à la fois, que celui de la production de matière grasse dans l'économie. Les productions graisseuses sont extrêmement fréquentes dans nos organes : tantôt ce sont des masses adipeuses qui parviennent à un volume plus ou moins considérable : on en a vu peser 10,10 et 3o livres; mais elles n'ont rien de bien snrpre-nant, puisqu'elles se développent au milieu du tissu cellulaire adipeux. D'autres fois des organes très-composés se convertissent entièrement en graisse, les muscles, le foie, le thymus, etc. H n'est pas rare de rencontrer de la graisse au milieu de masses squirrheuses ; mais alors je ne pense pas qu'elles soient une production nouvelle; c'est du tissu cellulaire adipeux, qui a résisté à la dégénération, et qui se trouve enveloppé de toutes parts par le tissu morbide. J'ai également rencontré, dans un cas de tumeur blanche du genou, une grande quantité de graisse entre la synoviale et le périoste du fémur. On ne conçoit pas comment au milieu de l'émaciation générale la graisse a pu être sécrétée autour d'une lésion aussi grave. Mais, dans les cas de cette espèce, la graisse est déposée dans ses réservoirs et avec ses qualités naturelles; dans d'autres, au contraire, la graisse altérée, une matière grasse est rencontrée dans les parties les plus étrangères à cette sécrétion-, ainsi, il n'y a point de matière grasse dans la bile, au moins dans l'état ordinaire, et cependant quoi de plus fréquent que les calculs de cholestérine? il n'est personne qui n'ait rencontré dans des hydrocèles des paillettes brillantes comme le mica ; j'en ai vu dans des kystes situés dans d'autres parties du corps; on a même trouvé la cholestérine dans les squirrhes, les matières tuberculeuses. M. Lassaigne (*) a trouvé la cholestérine, i° dans une concrétion formée au milieu du cerveau d'un cheval; i° dans une matière tuberculeuse développée dans l'épaisseur du mésocolon d'une jument. Dans une des prochaines livraisons on trouvera la représentation fidèle d'un sarcocèle presque entièrement formé par de petites perles de cholestérine. J'ai vu les lamelles ou petites masses de cholestérine extraites, par M. Barruel, de l'ovaire malade d'une jument. On vient de lire dans cet article plusieurs exemples de cholestérine et de matière stéarique déposées dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien du cerveau, et certes il n'y a aucun tissu qui soit plus étranger à la sécrétion de la graisse que le tissu cellulaire sous-arachnoïdien,

(*) Annales de chimie , tome X , page

11° livraison. -2

que le testicule, l'ovaire, etc. Il faut donc admettre que dans certaines conditions de l'économie, le phénomène si général de la fluxion a pour résultat la sécrétion de cholestérine ou de matière grasse; qu'il est probable que cette sécrétion peut avoir lieu dans tous les tissus; que la cboles-térine, essentiellement cristallisable, cristallise dans l'épaisseur de nos tissus comme dans le récipient du chimiste, sous la forme de lamelles ou écailles brillantes, à la manière de l'acide borique; et M. Dupuytren (à propos des renseignemens que je lui demandais sur la tumeur nacrée du cervelet, inscrite sous son nom dans les cabinets), m'a raconté qu'il avait souvent rencontré de la matière grasse dans des lésions organiques de divers ordres. Il m'a cité trois cas en particulier. Un cas a pour sujet uije dame affectée de carie de plusieurs vertèbres à laquelle il avait donné ses soins, concurremment avec M. Marjolin. Elle succomba. A l'autopsie, on trouva autour des vertèbres cariées une couche épaisse de matière grasse concrète. Dans un second cas, cette matière grasse était contenue dans l'épaisseur de la mâchoire inférieure, dont elle soulevait les tables externe et interne, sous la forme d'une volumineuse tumeur. Dans un troisième cas des trajets urineux anciens furent trouvés remplis de la même matière. Il est malheureux que l'analyse chimique ne soit pas venue dissiper les doutes qui peuvent exister sur le véritable caractère de cette matière.

3e. Livraison, Pl. 1.re

APOPLEXIE DU COEUR. - APOPLEXIE DES POUMONS.

MALADIES DU POUMON.

Apoplexie pulmonaire. Grand nombre defojers sanguins. Rétrécissement de Vorificc auriculo-vcntriculaire gauche avec hypertrophie du ventricule du même côté : pneumonie circonscrite.

(planche i, iiie livraison, figure 1 et 3.)

Mademoiselle Boran, couturière, âgée de quarante-quatre ans; pied-bot de naissance à gauche, bien réglée, entre à la Maison royale de Santé, le 3i octobre 1828, dans l'état suivant : face violacée; crachement de sang pur, mais en petite quantité, tantôt vermeil, tantôt noir et coagulé. La respiration est extrêmement fréquente, et néanmoins la malade n'éprouve pas le sentiment d'angoisse qui accompagne ce mode de respiration : elle assure qu'elle n est point oppressée, et la parole est naturelle ; les réponses sont brèves comme si nos questions lui étaient importunes. Le pouls est presque insensible. L'auscultation et la percussion n'apprennent rien relativement aux poumons , seulement mucus bronchique"; les batte-inens du cœur sont tumultueux sans bruit de soufflet. OEdème léger des extrémités inférieures.

Commémoratifs. Il y a quinze jours, palpitations très-violentes qui persistèrent avec la même intensité pendant trois jours pour se dissiper incomplètement. La malade peut reprendre ses occupations, mais éprouve toujours à la région du cœur un sentiment d'oppression et même detouffement. Un médecin, consulté deux jours avant son entrée, avait prescrit un vomitif qui amena immédiatement l'hémoptysie.

Diagnostic. Hémoptysie, suite de maladie du cœur ; peut-être apoplexie pulmonaire circonscrite. La malade ne se croit pas dans un état grave. Elle nous paraît à toute extrémité.

Traitement. Malgré l'insensibilité du pouls, saignée au bras qui est très-bien supportée. Sinapismes.

Le lendemain, ier novembre, mêmes symptômes; insensibilité du pouls; somnolence; immobilité; sentiment de lassitude extrême; ce n'est qu'à force d'instances que je parviens à faire mettre la malade sur son séant. L'auscultation et la percussion n'apprennent rien de plus que la veille. Expectoration de sang noir, toujours en petite quantité.

Le 2 novembre, assoupissement tel que la malade urine involontairement. Si on l'excite, elle répond parfaitement juste , mais elle s'endort au milieu d'une phrase, elle ne termine même pas le mot commencé : elle n'a d'ailleurs aucun sentiment de son état et de ses besoins. On dirait un animal dont le cerveau est fortement comprimé, ou mieux encore un individu demi-asphyxié, engourdi par le froid, cédant à un sommeil invincible. A chaque expectoration, la malade amène une gorgée de sang noir coagulé. Mort pendant la nuit.

Ouverture du cadavre. Les poumons étaient parsemés d'un grand nombre de foyers sanguins (Pl. 1, 111e livraison, fig. 2 et 3). Ces foyers, disséminés çà et là., étaient irrégulièrement sphéroïdes, mais très-nettement circonscrits; leur couleur d'un noir de jais, leur densité, leur frangibilité, contrastaient avec l'état parfaitement sain des couches pulmonaires adjacentes : leur volume variait depuis celui d'une aveline jusqu'à celui d'un gros œuf de poule. Le plus grand nombre avoisinent la plèvre qu'ils soulèvent ; les plus petits sont placés immédiatement au-dessous de cette membrane.

Déchirés, ces foyers sanguins présentaient un aspect granulé ; le sang coagulé qui les constituait, infiltré dans les cellules pulmonaires , faisait tellement corps avec elles, que, sans les divisions bronchiques qu'on

iiie livraison. 1

voyait au milieu de ces foyers, sans les lames fibreuses qui en traversaient quelques-unes ( fig. 2 ) , on eut dit un caillot de sang concret. Au reste, la macération, en enlevant couche par couche ces caillots, a mis à découvert la trame spongieuse du poumon et a permis de voir au centre de chaque foyer une déchirure plus ou moins considérable. Le lobe inférieur du poumon droit présentait, dans une bonne partie de son étendue, tous les caractères de la pneumonie, une couleur jaune rougeâtre, un aspect granulé ; il était frangible, compacte, non crépitant. Tout autour étaient des foyers de sang, ici plus, là moins considérables. Cette coïncidence prouve l'affinité qui existe entre la fluxion sanguine hémorrhagique et la fluxion sanguine inflammatoire : doit-on admettre que la pneumonie avait été précédée d'une extravasation de sang? Je ne le pense pas, car la pneumonie observée dans ses diverses périodes ne présente pas d'hémorrhagie avec déchirure. Mais il y a dans l'inflammation comme dans l'apoplexie, c'est-à-dire dans l'hémorrhagie spontanée avec déchirure du tissu, un élément commun, la fluxion sanguine : brusque, rapide, intéressant la continuité du tissu dans l'apoplexie; moins rapide et bornée à une extravasation capillaire, si toutefois il y a extravasation dans l'inflammation. Au demeurant, il est un cas de pneumonie qui présente la plus grande analogie avec l'apoplexie pulmonaire, c'est celui de pneumonie circonscrite ou tabulaire à la suite des grandes opérations chirurgicales, ou à la suite de l'introduction d'un corps étranger irritant dans le système circulatoire. Ainsi il m'est arrivé bien souvent clans ces cas de rencontrer dans le poumon, le foie, à côté d'abcès incomplètement formés, des noyaux d'induration rouge, tout-à-fait semblables, sauf une couleur moins foncée, aux petits foyers apoplectiques représentés fig. 1 et 3 ; et même, lorsque la mort a été rapide, on ne trouve point d'abcès, mais seulement des foyers sanguins dont la circonscription décèle l'origine.

Le cœur m'a présenté une hypertrophie du ventricule gauche, un rétrécissement, ou plutôt une sorte de coarctation de l'orifice auriculo-ventriculaire du même côté, lequel pouvait admettre assez librement le doigt indicateur.

La coïncidence d'une lésion dans la circulation du cœur et d'une apoplexie pulmonaire est remarquable. On conçoit que le rétrécissement de l'orifice auriculo-ventriculaire entraine le reflux du sang dans les veines pulmonaires d'abord, puis dans les capillaires veineux du poumon , et que tous les phénomènes de la fluxion sanguine, que l'hémorrhagie, et la pneumonie peuvent être l'effet de ce reflux,

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L'APOPLEXIE PULMONAIRE.

Le mot apoplexie, originairement appliqué à l'hémorrhagie sanguine spontanée du cerveau, a été transporté aux foyers sanguins pulmonaires par un bon nombre d'observateurs ; j'avais moi-même rapproché l'épanchement de sang avec déchirure du poumon de l'épanchement de sang avec déchirure du cerveau (*). L'analogie est si évidente, qu'elle ne pouvait manquer d'être sentie au premier coup-d'œil. Lacnnec a consacré le mot apoplexie pulmonaire dans un très-bon chapitre (**), où l'on ne regrette qu'une chose, le défaut d'observations particulières.

Le poumon et le cerveau ne sont pas les seuls organes qui soient sujets à cette hémorrhagie spontanée. J'en ai rencontré dans tous les organes: à la peau; c'est le purpura hemorrhagicum ; morbus hemorrhagicus ; ce sont les pétéchies du scorbut et des varioles graves : aux muqueuses, des hémorrhagies, des taches hémorrhagiques : dans le tissu cellulaire sous-cutané, ce sont les ecchymoses des scorbutiques, les ecchymoses de la conjonctive, les ecchymoses spontanées de la peau de la face ou d'autres parties du corps : dans les muscles, ce sont des foyers sanguins que j'ai rencontrés dans les muscles du dos chez des épileptiques morts pendant une attaque, dans les gaines des muscles droits qui semblent quelquefois complètement détruits et

(*) Essai sur FAnatomic pathologique, tome I, page io3. Paris, 1816. (**) Auscultation médiate, tomel, pag, 388.

remplacés par des caillots de sang, dans les muscles des mollets, de la cuisse chez les scorbutiques : j'en ai rencontré dans la rate, le foie, l'utérus, le cœur, etc., etc. Enfin, plusieurs faits prouvent manifestement la connexité qui existe entre les foyers sanguins des différons organes. Aucun n'est plus remarquable que celui qui a été soumis à la Société anatomique par M. Robert, l'un de ses membres. Tous les organes, la peau, le tissu cellulaire, les muscles, le cerveau, les poumons, la rate, le foie, le pancréas, l'utérus, etc., étaient comme farcis de foyers sanguins. I ,es poumons en contenaient surtout un nombre considérable. Malheureusement on n'a pu obtenir aucuns renseignemens positifs sur les symptômes correspond ans. Il existe des conditions de l'organisme dans lesquelles des hémorrhagies spontanées avec déchirure peuvent se manifester simultanément dans tous ou presque tous les systèmes d'organes, ces conditions n'ont été bien appréciées que pour le scorbut. Mais dans le plus grand nombre des cas, un seul organe est le siège de ces hémorrhagies.

Quel est l'ordre de vaisseaux affecté dans l'apoplexie pulmonaire ? Sont-ce les artères, sont-cc les veines ? Ici se présente une difficulté de plus que dans les foyers apoplectiques des autres organes, le rôle des artères et des veines étant changé, sous le rapport de la qualité du sang : dans un cas d'apoplexie pulmonaire, suite de maladie du cœur (je n'ai pas noté laquelle ), j'ai trouvé au milieu d'un poumon œdémateux des foyers sanguins multiples; toutes les divisions artérielles qui aboutissaient à ces foyers étaient remplies de concrétions qui se ramifiaient à la manière des vaisseaux. Ces concrétions étaient rougeâtres dans les dernières divisions et blanches dans les divisions plus considérables ; canaliculées du côté de l'origine, pleines du côté de la terminaison. Ces caillots étaient sans adhérence avec les parois artérielles qui ne présentaient point de traces d'inflammation. Quelques-uns des gros troncs artériels pulmonaires contenaient des concrétions sanguines également canaliculées. D'un autre côté, Laennec a noté la présence de concrétions sanguines dans les veines pulmonaires d'un individu mort d'apoplexie pulmonaire. Je ne crois pas à l'altération, au ramollissement préalable du tissu de l'organe; la déchirure du tissu est évidemment consécutive.

L'étiologie de l'apoplexie pulmonaire est encore à faire. Dans le fait représenté planche i, le rétrécissement de l'orifice auriculo-ventriculaire peut être considéré comme cause éloignée et occasionelle. Dans un exemple remarquable rapporté par M. Bayle(*), agrégé à la Faculté, le cœur était volumineux, le ventricule gauche large, dilaté, ses parois épaissies et résistantes; l'aorte offrait un calibre très-inférieur à celui qui lui est naturel. Il y avait maladie du cœur dans l'exemple que je citais à l'instant. Mais, dans tous les cas, quelle est la cause formelle ? Nous l'ignorons complètement. Aussi Laennec croit-il impossible d'expliquer la rupture sanguine de l'hémoptysie, de la ménorrhagie, etc., sans admettre dans le sang une dilatation active. Je suis convaincu que les qualités du sang doivent aussi souvent contribuer à ces hémorrhagies que l'état des parois vasculaires ; les hémorrhagies spontanées des scorbutiques en sont la preuve. Mais quelles sont ces qualités? Arrêtons-nous avec les faits.

On conçoit aisément que les foyers sanguins pulmonaires doivent être proportionnels au calibre des vaisseaux rompus; qu'une hémoptysie foudroyante peut emporter immédiatement le malade; que, d'une autre part, la plèvre déchirée peut permettre au sang de s'épancher dans la cavité thoracique. Tel est le cas de Corvisart, qui a pour sujet le docteur Fortassin, qu'on trouva mort dans son lit, bien que la veille il jouit de la meilleure santé. « On vit la cavité droite « remplie d'un sang coagulé ; tout le poumon droit en était gorgé comme dans la pneumonie la * plus intense : sa surface offrait plusieurs déchirures qui s'étendaient profondément ; la sub-« stance de ce viscère était comme macérée, tellement dénaturée, tellement confondue avec les « caillots très-compactes dont elle était environnée, qu'on ne pouvait l'en séparer qu'avec beau-« coup de peine et en partie. »

Ici la mort fut instantanée comme dans l'apoplexie la plus foudroyante et sans hémoptysie.

o

C) Revue médicale, avril 1828,

Fût-elle ou ne fût-elle pas précédée de dyspnée pendant quelques heures, pendant quelques Inslans, c'est ce qu'il n'a pas clé donné de savoir. Dans le cas de M. Bayle, le malade fut pris de dyspnée subite et excessivement violente, la face devint pâle, le pouls très-petit. Il mourut quelques inslans après, on trouva dans le côté gauche du thorax un demi-litre de sérosité sanguinolente, et une livre environ de caillots de sang noirâtre dont une partie était contenue dans L'épaisseur de la base du poumon lacéré à la manière du cerveau dans l'apoplexie. Dans un autre cas rapporté par M. Andral , le malade succomba avec une dyspnée violente dont on n'avait pu diagnostiquer la cause. À l'ouverture, on trouva un des points de la périphérie du poumon déchiré dans l'étendue d'un pouce. En incisant sur ce point, on arriva à un espace qui aurait pu être occupé par une grosse orange, et dans lequel le tissu de l'organe respiratoire n'existait plus que sous forme de débris auxquels était entièrement uni et comme combiné un sang noir, encore liquide en quelques points, coagulé dans d'autres.

L'hémoptysie n'est donc pas le signe le plus constant de l'apoplexie pulmonaire, et n'est certainement pas le plus grave; l'hémoptysie peut avoir lieu sans apoplexie pulmonaire et réciproquement. L'hémoptysie peut être assez peu considérable et simuler celle qui a lieu dans la dernière période des affections du cœur comme dans l'observation que j'ai rapportée. Une violente dyspnée, un état de somnolence, de demi-asphyxie, la petitesse extrême du pouls avec expectoration de sang noir, voilà les signes de l'apoplexie pulmonaire moyenne ; une dyspnée extrême, subite, avec ou sans hémoptysie, voilà le signe d'une apoplexie pulmonaire foudroyante qui se confondra avec la rupture d'une poche anévrysmalc. Quant à l'auscultation et à la percussion, je crois que c'est a priori que Laennec a indiqué les signes que l'une et l'autre fournissent dans l'apoplexie pulmonaire. Elles ne m'ont été d'aucun secours, et ce n'est pas dans l'apoplexie pulmonaire foudroyante que ces moyens diagnostiques pourront être invoqués. Je dois ajouter que j'ai rencontré maintes fois de petits foyers sanguins pulmonaires chez des individus morts de phthisie ou de pneumonie à divers degrés.

Dans l'apoplexie pulmonaire, la thérapeutique suit comme conséquence nécessaire des données fournies par l'anatomie pathologique. La saignée, les dérivatifs cutanés et intestinaux, les stimulans extérieurs, mais surtout la saignée largement pratiquée dès le début, voilà les seuls moyens de salut. La petitesse du pouls n'est pas toujours une contre-indication. Il faudra donc toujours faire la part de l'état de spasme ou, mieux, du trouble général occasioné par l'instantanéité de l'invasion. Le malade peut succomber immédiatement par l'effet de ce spasme , bien que l'hémorrhagie ne soit pas assez abondante ou la portion du poumon rendue inutile assez considérable pour expliquer la mort. Cet état de spasme surmonté, la maladie pourra s'organiser pour ainsi dire et la résolution avoir lieu.

Apoplexie du cœur avec épanchement de sang dans le péricarde. Dilatation avec hypertrophie du ventricule gauche, et rétrécissement très-considérable de Vorifice aortique (*).

(planche i, 111° livraison, figure i.)

Une femme de la Salpêtrière, âgée de soixante ans, présentait depuis plusieurs années tous les signes d'une dilatation avec hypertrophie du cœur. Elle succomba à la manière des individus affectés de maladie du cœur. A l'ouverture, on trouva le cœur enveloppé de tous côtés par une couche de sang concret, laquelle s'était exactement moulée sur cet organe, remplissait tous les vides qui existent entre le cœur et le

(*) Observation et pièce pathologique communiquées par M. Piorry.

péricarde et se prolongeait autour des gros vaisseaux qui partent du cœur ou qui s'y rendent. Il existe en outre un peu de sang liquide dans le péricarde. La couche de sang enlevée, on vit sur la face antérieure du cœur, au niveau du ventricule gauche, plusieurs ecchymoses noirâtres, ou plutôt plusieurs petits foyers de sang FS, FS' (lig. i ), oblongs pour la plupart, placés immédiatement sous le feuillet séreux du péricarde qu'ils soulevaient F'. L'un d'eux présentait une perforation ou déchirure FSO qui était évidemment la source de l'hémorrhagie du péricarde; un stylet enfoncé dans cette ouverture, pénétra facilement dans la cavité du ventricule gauche, ce qui put faire penser que le sang épanché provenait de l'intérieur même de ce ventricule; mais l'examen attentif de ses parois m'a convaincu que la perforation était purement accidentelle, que le stylet avait traversé la couche mince qui formait le fond du foyer sanguin. Le ventricule gauche était à la fois dilaté et hypertrophié. L'orifice auriculo-ventriculaire gauche était un peu rétréci : mais l'orifice aortique, excessivement étroit, était en grande partie obstrué par des concrétions phosphatiques irrégulières.

Réflexions. — J'ai cru devoir appeler apoplexie du cœur l'altération qu'on vient de lire; je trouve dans cette dénomination le double avantage de la précision et d'un rapprochement fondé sur la nature de la maladie. Il y a en effet, ici comme dans l'apoplexie du poumon, un foyer sanguin spontané avec déchirure des fibres de l'organe. Cette déchirure, qui a lieu si souvent dans toute l'épaisseur du cœur et qui entraîne alors une mort instantanée, s'est faite ici aux dépens d'une partie seulement de l'épaisseur des parois : il s'est rencontré que cette déchirure a été plus voisine de la surface extérieure que de la surface intérieure du ventricule; de là une différence immense dans les résultats; dans le cas actuel, il y a eu ouverture du foyer à l'extérieur; si au contraire le foyer se fut ouvert au dedans du ventricule, le sang du ventricule aurait fait irruption dans la petite cavité résultant de la solution de continuité, et bientôt le cœur aurait été transpercé. Il se pourrait cependant que dans ce dernier cas la portion des parois du cœur qui reste intacte fût suffisante pour résister à l'effort du sang ; alors existerait une petite poche anévrysmale dans l'épaisseur des parois du cœur : cette poche, sans cesse irritée par l'effort du sang qui à chaque contraction est poussé avec une force donnée contre les parois du cœur, se cicatrisera, s'organisera, et ses parois subiront successivement la transformation fibreuse, cartilagineuse et osseuse. Voilà peut-être le mécanisme de la formation de quelques-unes de ces poches anévrysmales du cœur dont j'ai observé un exemple fort remarquable consigné dans les Bulletins de la Société anatomique; M. Bérard aîné avait décrit, dans sa Dissertation inaugurale, un autre cas particulier qu'il avait rapproché de plusieurs faits déjà publiés, et M. Breschet en a parlé plus amplement à l'occasion du cœur de Talma, sous le titre (TAnévrysme faux consécutif du cœur (*). Je ferai remarquer que ce mécanisme, tel que je viens de l'indiquer, n'est que l'application d'une des lois qui président à la formation des anévrysmes des artères. Un petit foyer purulent s'établit dans l'épaisseur des parois d'une artère; ce petit foyer s'ouvre au dedans du vaisseau, le sang s'y introduit, une poche anévrysmale existe petite d'abord, et acquiert bientôt d'énormes dimensions.

(*) M. Reynaud vient de publier dans le ae volume du Journal hebdomadaire de médecine un cas de ce genre.

iiie livraison. ^

3e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU POUMON. (Gangrène.)

MALADIES DU POUMON.

Gangrené du poumon. — Plusieurs hémoptysics. — Horrible fétidité des matières expectorées.— Foyers gangreneux anciens en voie de cicatrisation, foyers gangreneux récens.—Hémorrhagie mortelle dans la cavité de la plèvre par suite de rupture de Vun de ces derniers.

(planche ii, iiie livraison.)

Féval, âgé de cinquante-trois ans, coiffeur, entre à la Maison royale de Santé, le 21 décembre 1828, dans l'état suivant : oppression; toux; expectoration purulente d'une horrible fétidité; fréquence médiocre dans le pouls. Le malade raconte que depuis six ans, sans cause connue, il est sujet à des attaques d epilepsie qui se renouvellent tous les cinq à six mois, et qui le laissent pendant plusieurs jours dans un état d'hébétude et d'engourdissement; que, depuis dix ans, il est tourmenté par un catarrhe qui se reproduit tous les hivers, et à la suite duquel il est devenu asthmatique ; que, le 12 décembre dernier, une saignée lui ayant été pratiquée pour une attaque d epilepsie, il fut pris immédiatement après d'oppression, de fièvre, et de crache-mens de sang qui se renouvelèrent à plusieurs reprises. Pendant les dix premiers jours de son séjour à l'hôpital, il fut confié aux soins de M. Duméril, qui s'assura que la matière de l'expectoration contenait du pus, car elle était complètement miscible à l'eau. Il éprouva plusieurs hémoptysies considérables pour lesquelles on eut recours à la décoction de ratanhia. L'horrible fétidité des matières expectorées fit employer les pilules de charbon. Lorsque je repris mon service, le 3 janvier 1829, le malade m'offrit les symptômes suivans : décubitus presque vertical ; oppression : autour de son lit règne une atmosphère horriblement fétide, l'odeur de la macération la plus infecte. Aussitôt qu'il faisait un effort de toux, qu'il parlait, ou même sans effort de toux, sans parler, la colonne d'air qui sortait de sa poitrine était d'une fétidité intolérable. Il expectorait sans difficulté, en grosse masse, du mucus d'un blanc jaunâtre, d'apparence purulente, mais immiscible à l'eau, répandant au loin l'odeur la plus méphitique. Le pouls était d'une fréquence naturelle, vif et résistant: la poitrine percutée rendait un son mat dans la partie postérieure du côté droit : l'auscultation faisait entendre du gargouillement dans le même côté; côté gauche sonore.Persuadé qu'il y a gangrène du poumon, mais circonscrite, vu l'état général et surtout l'état du pouls, je prescris des pilules de chlorure de soude, des gar-garismes avec solution de chlorure, des pastilles de baume de Tolu. Je continue les pilules de charbon. Une insomnie rebelle me force à ajouter quelques cuillerées de potion calmante pour le soir.

Hémoptysie considérable pendant la nuit du cinq au six janvier. Le sang était rutilant, spumeux , sans odeur. Le 6 janvier matin, les crachats étaient sanieux et fétides ; l'auscultation me fait reconnaître une respiration et une voix tubaires à droite au niveau de l'angle inférieur de l'omoplate et de la fosse sous-épineuse, et dans un rayon d'un pouce et demi à deux pouces ; son toujours mat ; dévoiement assez considérable. (Suspension des moyens thérapeutiques précédens; tisane pectorale; vésicatoire au bras.) Les 7, 8, jusqu'au 12 , tantôt le malade expectorait du sang vif pendant la nuit, et le jour, des mucosités sanieuses; tantôt les crachats reprenaient leur caractère de mucus opaque extrêmement fétide, et ces variations s'opéraient dans l'espace de quelques heures. Le pouls est à peine fréquent; oppression moindre. Le dévoiement persiste avec beaucoup d'intensité. (Décoction blanche sans cannelle;lavem. d'amidon avec quelques gouttes de laudanum.)

Du 12 au 24, mieux très-prononcé : l'oppression diminue notablement; l'expectoration devient moins

iiie livraison. 1

abondante et beaucoup moins fétide; l'appétit se réveille; la face est naturelle. Le dévoiement continue, mais moindre; le pouls est naturel pour la fréquence. L'auscultation démontre toujours, au niveau de l'angle inférieur de l'omoplate et de la fosse sous-épineuse du côté droit, une respiration et une voix tubaires très-prononcées, tantôt légèrement vibrantes, tantôt avec claquement muqueux : le son est toujours mat. A gauche, percussion et respiration sonores avec mucosités et quelquefois ronflement. Depuis quelques jours, le malade accusait un sentiment de faiblesse excessive, et ce sentiment devint bientôt le symptôme dominant. Le besoin des boissons spiritueuses était tellement impérieux qu'indépendamment de la petite quantité de vin que je lui prescrivais, il s'en faisait apporter au moins un litre par jour: sans cela, disait-il, il serait dans un état de défaillance continuelle. Les 25, 26, la faiblesse est telle que le malade ne peut plus répondre à mes questions que par monosyllabes ; chaque mot lui coûte un grand effort. Il m'est impossible d'obtenir de lui qu'il se mette sur son séant. Il a la conscience d'une fin prochaine, et demande à chaque instant du vin pour se soutenir. Le pouls est lent et intermittent ; le dévoiement a cessé, et les crachats ont repris leur fétidité. Les 27, 28, à la faiblesse excessive se joint l'oppression. Pendant la nuit du 28 au 29, expectoration très-abondante de sang rutilant. Le malade était mourant à la visite du 29, et mourut quelques instans après.

A l'ouverture du cadavre, je trouve la cavité droite de la poitrine remplie de sang en partie coagulé et présentant tous les caractères d'un épanchement récent ; j'estime sa quantité à deux litres. La source de cette hémorrhagie intérieure ne fut pas difficile à découvrir, car il existait près de la base du poumon, intimement unie au diaphragme, une déchirure FGD (fig. 1, planche 11, 111e livraison), de laquelle s'échappait, avec des caillots de sang CS, CS, un lambeau gangreneux ou escharre E.

La déchirure FGD ayant été agrandie, je pénétrai dans un foyer gangreneux considérable FGD (fig. 2), duquel se détachaient, avec une multitude de petits lambeaux gangrenés, l'escharre ou bourbillon E qui s'était échappée par l'ouverture indiquée figure 1. Ce foyer, examiné sous l'eau, m'a permis de voir que tous ces lambeaux avaient pour pédicules des vaisseaux artériels qui seuls avaient échappé à la putréfaction ; trois ou quatre artères rameuses servaient de pédicule au lambeau principal E.

Rien de plus commun que les hémorrhagies à la suite de gangrène humide, de pourriture d'hôpital et autres, parce que les vaisseaux se rompent avant leur oblitération. Il était néanmoins curieux de connaître la source de l'hémorrhagie pulmonaire à laquelle lé malade avait succombé, et un stylet introduit dans l'artère AR (fig. 2) a pénétré sans aucun obstacle dans le foyer.

Un deuxième foyer gangreneux récent FGR (fig. 1), plus petit, contenant un lambeau E, qui adhérait aux parois a l'aide de plusieurs vaisseaux artériels, occupait le voisinage du sommet du poumon. Un troisième foyer gangreneux récent FGR ( fig. 3 ) se voyait dans l'épaisseur du même poumon ; une grosse bronche était comme coupée à pic au niveau de ce foyer et communiquait largement avec lui.

Dans l'épaisseur du bord postérieur du poumon était une vaste caverne FGC (fig. 1) extrêmement anfrac-tueuse, cloisonnée, communiquant avec un grand nombre de tuyaux bronchiques volumineux; ses parois étaient denses, comme fibreuses, d'un rouge-brun dans une certaine partie de son étendue; point de lambeaux gangreneux proprement dits, mais petits prolongemens celluleux et vasculaires qui flottaient sous l'eau. Il était aisé de voir que ce foyer, qui répondait a la fosse sous-épineuse, et par conséquent au siège de la respiration et de la voix tubaires, était en voie de cicatrisation ou même presque entièrement cicatrisé. Ce foyer était vraiment énorme; il présentait un prolongement FGC (fig. 3), également anfractueux, qui paraissait d'une date plus récente que le foyer principal FGC (fig. 1), allait toujours se rapprochant de la plèvre pulmonaire PE, dans la cavité de laquelle se serait infailliblement ouverte la caverne F"G"C" ( fig. 3 ) sans la barrière apportée par cette plèvre épaissie et comme cartilagineuse.

Un deuxième foyer en voie de cicatrisation FGC' ( fig. 1 ) se voyait un peu au-dessous du foyer gangreneux récent du sommet FGR.

Autour de ces foyers, soit récens, soit anciens, il n'existait aucune trace d'inflammation, aucun changement de couleur; seulement défaut de perméabilité, mollesse, comme si les parois avaient été infiltrées de sérosité dans une certaine épaisseur : c'est l'œdème de la gangrène. Or, dans les foyers récens, cette couche pulmonaire adjacente offrait une grande mollesse; elle était infiltrée d'un liquide brunâtre non fétide qu'on exprimait avec la plus grande facilité : autour des foyers anciens se voyait une couche peu épaisse de tissu pulmonaire induré.

Le tissu du poumon était crépitant, mais mollasse , d'une couleur bleuâtre dansloute son étendue, pénétré d'un liquide séreux trouble, non fétide ;»il était traversé ça et là (fig. ï, 2, 3 ) par des lames fibreuses évidemment formées aux dépens du tissu cellulaire interlobulaire épaissi et induré, et qui attestaient l'existence d'une irritation chronique du poumon. La surface interne de tous les canaux bronchiques était d'un rouge intense; cette rougeur occupait toute l'étendue des voies aériennes depuis l'origine de la trachée jusqu'aux dernières ramifications. B (fig. 3) représente une bronche ouverte, et donne une idée exacte de la teinte de la muqueuse. Tous les canaux bronchiques étaient pleins d'une matière puriforme tout-à-fait semblable à la matière de l'expectoration du malade. Cette matière s'échappait par les orifices des bronches divisés ( fig. 1 et 2 ). L'artère pulmonaire présentait dans son tronc et dans toutes ses divisions de petites plaques saillantes, qui ont été exactement rendues sur l'artère ouverte AO (fig. 3 ). Ces petites plaques étaient formées par la pellicule interne artérielle que soulevait une couche mince de matière plâtreuse infiltrée.

Les vaisseaux artériels qui supportaient les lambeaux gangreneux, ceux qui rampaient dans l'épaisseur des parois, étaient pleins de concrétions sanguines ; mais partout ailleurs les ramifications soit artérielles , soit veineuses , étaient libres.

Le cerveau, tous les viscères abdominaux étaient parfaitement sains.

RÉFLEXIONS ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA GANGRÈNE DU

POUMON.

¦

Ce cas m'a paru pouvoir servir de type pour la gangrène du poumon. Il nous présente cette maladie à plusieurs périodes, et nous rend témoins des efforts prodigieux que fait la nature pour la cicatrisation des foyers gangreneux.

i°. 77 existe une gangrène du poumon indépendante de la pneumonie : nous ne trouvons, en effet, nulle part autour des foyers gangreneux les caractères anatomiques de l'inflammation, pas plus que nous n'en avons découvert au lit du malade les caractères diagnostiques. Les couches pulmonaires adjacentes étaient bleuâtres, comme d'ailleurs le reste du poumon, pénétrées d'un sérum trouble qu'on en exprimait avec facilité; et si, pour les foyers anciens, on peut soutenir que cette infiltration est consécutive à la pneumonie, évidemment cette assertion est combattue par l'état du poumon autour des foyers récens. Il n'y a là que l'œdème de la gangrène.

La gangrène constitue un état, un élément morbide qui peut se manifester primitivement dans tous les tissus et consécutivement dans toutes les lésions organiques, quelles qu'elles soient (inflammation, cancer, tubercules, etc.). La gangrène survient toutes les fois que le cours du sang est intercepté, soit par un obstacle mécanique, un étranglement, une constriction quel-conqu es ; soit par l'obstruction des artères principales et collatérales ; soit enfin par celle des veines : dans le premier cas, la circulation est interrompue dans tous les vaisseaux de la partie; dans le second cas, le sang n'arrive ni par le tronc artériel principal, ni par les vaisseaux collatéraux ; dans le troisième, il n'arrive pas davantage, parce que le sang ne peut plus s'écouler par les veines. L'artérite ou bien l'oblitération des petites artères par des concrétions phosphatiques est la cause la plus commune de la gangrène, et surtout de la gangrène sèche ; la phlébite capillaire,

qui, d'après ma manière devoir, constitue essentiel! ement l'inflammation, ne devient source de gangrène que lorsqu'elle s'oppose entièrement à la circulation du sang veineux, et connue les voies de la circulation veineuse sont innombrables, il s'ensuit que la gangrène par phlébite est assez rare; elle doit être toujours humide. En appliquant ces idées au poumon, on voit que la gangrène par étranglement ne peut pas s'y manifester; que la gangrène primitive doit être une artérite; que la gangrène consécutive à l'inflammation aiguë, à une infiltration tuberculeuse, au cancer, doit être une phlébite. Au reste, la gangrène du poumon sera en général humide, vu l'abondance des sucs qui le pénétrent de toutes parts. Cependant on doit admettre une espèce de gangrène sèche ou sans odeur du poumon, ainsi qu'on le verra plus bas.

2°. Causes de ¡agangrene du poumon. Il est rare que la gangrène du poumon survienne chez un individu parfaitement sain; une maladie antérieure du poumon,une cause quia agi sur tout l'organisme, paraissent le plus ordinairement une prédisposition nécessaire. Dans le cas actuel, une bronchite chronique avait précédé; une attaque d'épilepsie sembla le début de la maladie gangreneuse; et, chose remarquable! cette maladie survint à la suite d'une saignée. J'ai eu occasion d'observer, à la Maison d'aliénés de Limoges, la gangrène du poumon chez un autre épilep-tique. L'état de torpeur où laisse 1 epilepsie pendant plusieurs heures et même pendant plusieurs jours après l'attaque favoriserait-il les maladies gangreneuses? Parmi les observations que j'ai recueillies sur 1 a gangrène du poumon, je trouve presque toujours soit des bronchites très-aiguës ou chroniques, soit des pneumonies ou pleurésies incomplètement guéries, soit des affections tuberculeuses précédant la gangrène. J'ai rapporté dans ma thèse pour le concours à l'agrégation l'observation d'un jeune homme qui fut pris d'une gangrène du poumon au milieu d'une variole confluente. J'ai vu, en 1822, à l'hôpital de Limoges, un fait remarquable de gangrène du poumon par ingestion d'acide sulfurique. Le malade vécut sept jours; le désordre avait porté tout autant sur les voies de la respiration que sur celles delà digestion; il est même certain que le malade a succombé à la lésion du poumon. — Un jeune homme de vingt ans, affecté de phlegmon érysipélateux de toute l'extrémité supérieure, mourut avec tous les symptômes d'une lésion grave de la respiration. La base du poumon droit présentait une sorte d'hépatisation d'un rouge livide, se déchirant avec facilité, parsemée de plusieurs foyers blancs formés par du pus concret comme combiné; à sa surface, lambeau grisâtre d'une odeur extrêmement fétide, adhérent encore au tissu du poumon et qui m'a paru formé par les couches superficielles de cet organe. — Enfin rien de plus commun que de voir des fragmens de poumon tuberculeux, lorsqu'ils sont le siège d'une irritation nouvelle, se décomposer par une sorte de fonte gangreneuse. C'est la phthisie ulcéreuse compliquée de phthisie tuberculeuse de Bayle. J'ai vu, à la Maison centrale de détention de Limoges, un homme qui entre à l'infirmerie avec le gargouillement trachéal et bronchique qu'on appelle râle. Il ne se plaint de rien, jouit de toute sa raison, n'a nullement la conscience de son état : la gêne continue de la respiration, la petitesse extrême du pouls dénotent assez l'imminence du danger. Il mourut le lendemain. On va aux renseignemens : cet individu toussait depuis long-temps; il avait dépéri; mais il pouvait continuer ses travaux et prendre ses alimens comme les autres détenus. A l'ouverture, nous trouvons qu'il existait au milieu de ganglions bronchiques volumineux, à la racine du poumon droit, une caverne gangreneuse horriblement fétide : cette caverne, située en dehors du poumon, était formée en grande partie aux dépens des ganglions bronchiques indurés, et communiquait avec la trachée au moyen d'une perte de substance située au niveau de sa bifurcation. La portion du poumon qui avoisinait la caverne était gangrenée dans l'épaisseur de quelques lignes ; tout le reste du lobe inférieur présentait une hépatisation mollasse couleur lie de vin et se déchirait avec la plus grande facilité.

3°. Caractères anatomiques de la gangrène du poumon. Les faits que je viens de mentionner, d'autres que je pourrais citer encore prouvent que les foyers gangreneux du poumon sont en général environnés d'une couche plus ou moins épaisse d'hépatisation mollasse, d'un rouge livide, qu'on appellera pneumonie si l'on veut, mais qui diffère essentiellement de l'hépatisation

pneumonique : c'est une bépatisation séreuse, œdémateuse, si je puis inexprimée ainsi, qui me parait représenter l'œdème de la gangrène des extrémités. La pression du tissu malade fait suinter une sérosité trouble avec ou sans fétidité. Je pense que c'est dans les cas de gangrène consécutive à la pneumonie (pion rencontre tous les caractères de cette dernière affection; et, dans mes observations, je ne trouve qu'un seul exemple de pneumonie franche entourant le foyer gangreneux. Dans h; cas représenté planche n, il existait un petit foyer gangreneux commençant, de la capacité d'une aveline, autour duquel étaient quelques points d'induration pneumo n i que.

Du reste, rien de plus facile à reconnaître, anatomiquement parlant, que la gangrène du poumon dans sa première période, aux lambeaux noirâtres et horriblement fétides qui hérissent de toutes parts le foyer gangreneux. Mais, dans la seconde période, lorsque le travail de cicatrisation a commencé, les parois se sont détergées, une membrane FGC ( fig. i ) tapisse le foyer; or la formation d'une caverne étant commune à une foule d'affections du poumon, il est difficile de remonter à son origine; et, dans le cas représenté planche n, sans les foyers gangreneux récens disséminés dans l'épaisseur du poumon et sans les comméifroratifs, je n'aurais pas pu affirmer que les cavernes à moitié cicatrisées FGC, F'G'C étaient consécutives à la gangrène. De là l'erreur de Bayle, qui, suivant la remarque judicieuse de Laennec, a regardé la gangrène du poumon comme une phthisie ulcéreuse : du reste, la lésion organique présente un grand nombre de variétés; tantôt la gangrène est nettement limitée, tantôt elle s'étend d'une manière irrégulière ; j'ai vu plusieurs cas dans lesquels une escharre blanche, ou plutôt une fausse membrane très-dense, établissait exactement les limites entre le mort et le vif, en sorte qu'il paraissait n'y avoir aucune communication entre les bronches et le foyer gangreneux. Assez souvent la gangrène du poumon étant très-circonscrite, on dirait qu'une portion de cet organe a été enlevée comme avec un emporte-pièce. Le plus ordinairement il n'y a qu'un seul foyer gangreneux, et*ce foyer unique, sphéroïde, du volume d'un œuf de poule, plus ou moins, a suffi pour causer la mort. Je n'ai jamais vu de foyers gangreneux plus multipliés. que dans un cas présenté à la Société anatomique par M. Pinault. Il existait tout le long du bord postérieur du poumon un liquide sanieux et fétide, circonscrit par des adhérences. Ce liquide communiquait avec une excavation gangreneuse située dans l'épaisseur de ce bord postérieur. On voyait, des centaines d'excavations gangreneuses dont les unes avaient le volume d'un œuf de poule, les autres le volume d'une noix, le plus grand nombre celui d'une aveline. Un liquide brunâtre et fétide était infiltré au loin dans le tissu pulmonaire. Point de traces de pneumonie. La multiplicité des foyers gangreneux me porta au premier abord à penser qu'ils étaient le résultat de la fonte de tubercules; mais il n'existait pas un seul tubercule dans les deux poumons; à moins qu'on ne veuille prendre pour des débris de tubercules quelques grumeaux blancs mêlés au liquide sanieux et horriblement fétide qui remplissait quelques-unes de ces excavations. Le poumon de l'autre côté était entièrement libre de gangrène ; il offrait une sorte d'œdème bien remarquable que j'ai déjà rencontré plusieurs fois ; savoir : l'infiltration d'un certain nombre de lobules pulmonaires qui ressemblent exactement à du tissu cellulaire infiltré et ne rappellent nullement la texture du poumon. C'est l'œdème lobulaire, bien distinct de l'œdème interlobulaire, si bien décrit par Laennec. Y a-t-il quelque rapport entre l'œdème et la gangrène du poumon? l'œdème aurait-il précédé la gangrène ? les centaines de foyers de la grosseur d'une aveline auraient-ils débuté par l'œdème d'une centaine de lobules? Il est difficile de le décider; toujours est-il que cette manière de voir expliquerait très-bien la circonscription exacte des foyers. Le plus grand nombre des foyers gangreneux du poumon avoisinent la surface de cet organe; il n'est pas rare de les voir s'ouvrir dans la cavité de la plèvre, d'où un pneumothorax, qui peut également dépendre de gaz développés par la putréfaction, sans qu'il y ait le moins du monde communication entre le foyer gangreneux et les canaux bronchiques. Les hémoptysies qui surviennent dans le cours de la maladie ne doivent pas plus étonner que les hémorrhagies de la pourriture d'hôpital. L'analogie devait faire pressentir qu'une hémorrhagie pouvait avoir

iii6 livraison. 1

lieu dans la cavité de la plèvre aussi bien que dans les canaux bronchiques; le fait représenté planche n convertit cette présomption en certitude.

Je rapporte à la gangrène sèche ou sans odeur du poumon le fait suivant, présenté à la Société anatomique par M. Robert. A l'ouverture du thorax d'un individu dont l'observation fait partie des bulletins de cette Société, on voit le lobe supérieur du poumon gauche converti en une vaste caverne ouverte dans la plèvre, et au milieu de cette caverne du pus blanc sans odeur. Un fdet d'eau emporte avec le pus un corps blanchâtre, facilement reconnais-sable pour un fragment de poumon complètement séparé du reste de l'organe et infiltré de pus : on y retrouve les canaux bronchiques, les vaisseaux sanguins, l'aspect mollasse et tabulaire du poumon; mais d'ailleurs point d'odeur gangreneuse. Le malade avait vécu trente-cinq jours depuis l'invasion des symptômes, qui consistèrent principalement en une grande dyspnée et plusieurs hémoptysies ; la matière expectorée avait été alternativement muqueuse, puriforme, sanglante, rougeâtre, mais sans présenter aucune fétidité. La poche était formée, partie par le tissu propre du poumon inégal et déchiré, présentant çà et là les orifices des tuyaux bronchiques coupés à pics, partie par la plèvre et le péricarde épaissis. C'est là vraiment un exemple de gangrène sèche du poumon. Je viens de voir dans une caverne pulmonaire, qui occupait une bonne partie du sommet du poumon, un fragment induré de cet organe ne tenant aux parties voisines que par un pédicule extrêmement mince que le moindre contact a suffi pour rompre.

La gangrène primitive est une maladie assez rare, mais la gangrène, suite d'infiltration tuberculeuse, est extrêmement fréquente : c'est la phthisie ulcéreuse et tuberculeuse de Bayle. Et alors on trouve des foyers fétides à parois inégales, déchirées, tuberculeuses, remplies de la même sanie que le malade expectorait en plus ou moins grande abondance avant sa mort.

Enfin l'anatomie pathologique nous démontre de la manière la plus manifeste que la gangrène du poumon n'est pas une maladie au-dessus des ressources de la nature et de l'art; elle nous rend en quelque sorte témoins du mécanisme de la cicatrisation des foyers de ce genre (fig. i). J'avais donc raison de conclure dans ma thèse déjà citée que les excavations gangreneuses du poumon ne sont pas incurables : Ergo pulmonum excavatio gangrœnosa non est incurabilis.

4°. Signes diagnostiques. L'air expiré et les produits de l'expectoration d'une fétidité gangreneuse, un sentiment de faiblesse excessif, le plus souvent des hémoptysies abondantes, une respiration et une voix tubaires, précédées par un gargouillement considérable dans toute l'étendue du foyer, voilà les signes les plus constans de la gangrène du poumon : mais ces signes sont bien loin d'être caractéristiques.

J'ai donné mes soins à un adolescent qui, depuis deux ans, expectorait tous les matins un verre de pus horriblement fétide. Il succomba à une hydropisie des ventricules du cerveau : pour toute lésion dans le poumon, je trouvai, non point un foyer purulent, mais les divisions bronchiques qui se rendent dans le lobe supérieur du poumon gauche remplies de pus; la muqueuse bronchique très-rouge et très-épaissie; le parenchyme dulobe supérieur mollasse, infiltré, ayant perdu ses caractères de tissu pulmonaire, ne servant plus à la respiration. Les ramifications bronchiques faisaient pour ainsi dire l'office d'un réservoir de pus. Les crachats brunâtres, noirâtres, verdâtres ne sont pas propres à la gangrène du poumon; car, d'une part, les crachats de la pneumonie la plus bénigne présentent souvent ce caractère, et, d'une autre part, les crachats de la gangrène sont quelquefois blancs. L'expectoration fétide et l'hémoptysie réunies me paraissent caractériser autant que possible la gangrène du poumon. Mais l'un et l'autre peuvent manquer lorsque le foyer gangreneux ne communique pas avec les bronches. J'ai vu un individu qui, après plusieurs semaines de toux et d'oppression, expectora tout-à-coup une grande quantité de pus horriblement fétide. Il succomba : je trouvai un foyer gangreneux circonscrit de toutes parts au moyen d'une fausse membrane. La mort aurait pu précéder la rupture du foyer.

5°. Thérapeutique. Notre malade étaithémoptysique par excellence; mais cette hémoptysie,

que Laennec a donnée comme le signe le plus général de l'apoplexie du poumon, n'était qu'un effet, qu'un épi phénomène uniquement dû à la rapidité avec laquelle le mort se séparait du vif; en un mot, une hémorrhagie par rupture. Méfions-nous d'une médecine purement symptomatique. L'hémoptysie n'emporte donc pas nécessairement la saignée. Je crois que dans la gangrène du poumon la saignée est formellement contre-indiquée. L'état du pouls, l'état des forces doivent être pour ainsi dire combinés avec l'état local pour diriger dans l'application des moyens thérapeutiques. L'état antérieur du malade ne sera pas non plus négligé. L'incertitude qui règne dans le traitement de la gangrène en général s'augmente encore ici de l'incertitude du diagnostic. L'anatomie pathologique doit reconnaître son insuffisance en thérapeutique; son rôle est de constater la lésion, celui de la médecine clinique est de chercher et de trouver le remède. Or jusqu'à ce moment la médecine clinique n'a pas prononcé relativement à la gangrène du poumon. Toujours est-il qu'on devra distinguer la gangrène primitive du poumon de la gangrène suite de bronchite, de pneumonie, de tubercules. Si le traitement antiphlogistique est indiqué pour la prévenir lorsqu'elle est la suite de pneumonie avec excès d'inflammation ; la gangrène une fois déclarée, l'économie est sous l'empire d'une cause stupéfiante ; c'est plutôt à soutenir les forces, à lutter contre l'effet de l'absorption d'une matière ichoreuse et délétère qu'il faut s'attacher de préférence. C'est alors que des fumigations faites avec des vapeurs contenant un vingtième de chlore, c'est alors que le camphre à l'intérieur, les balsamiques, l'acétate d'ammoniaque, les acides minéraux à doses fractionnées, et les préparations de quinquina doivent produire de bons résultats. D'ailleurs ici comme dans tous les cas où les règles de l'art ne sont point encore fixées, on devra marcher sans idées préconçues, tâtonner méthodiquement et puiser les indications suivant ce vieil adage : A juvantibus et lœdentibus.

3e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DES ARTÈRES. (Anévrisme de la Crosse de l'Aorte.)

MALADIES DES ARTÈRES.

Anévrysme de la crosse de r aorte saillant au dehors a travers le sternum perforé. Plusieurs poches anévrjsmalcs sur le point de se rompre. Interruption du nerfpneumo-gastrique gauche.

(planche iii et iv, Ht livraison.)

o

Racine, âgé de soixante-huit ans, tonnelier, d'une forte et belle constitution, s'étant livré a toutes sortes d'excès, vit paraître il y a deux ans, sans cause connue, une tumeur à la partie supérieure du sternum. Avant cette époque, santé parfaite ; jamais d'oppression ni de battemens de cœur. Il entre à la Maison royale de Santé dans le service de M. Duméril, qui reconnaît un anévrysme de la crosse de l'aorte et prescrit un régime auquel le malade ne se soumet que très-incomplètement. Dans l'espace de deux ans, qui s'écoula entre l'apparition de la tumeur et la mort, Racine vint à plusieurs reprises passer quelques mois à la Maison royale. L'état général était excellent : point d'oppression ; et il était difficile de persuader à ce malade indocile la nécessité d'un régime sévère. On assure même qu'il continuait ses excès accoutumés.

Le ii septembre 1828, il entre pour la dernière fois. La tumeur n'est pas augmentée sensiblement de volume; elle est recouverte par une peau très - saine, mobile ; mais l'amaigrissement est extrême : suffocation au moindre mouvement, défaillance, éblouissement, sueurs : en outre, toux fréquente qui a pour résultat une expectoration muqueuse. Vomissemens de toute espèce d'alimens solides. Le pouls est grêle, peu fréquent. Le malade demeure couché sur le côté droit, sombre, immobile, attendant une mort prochaine qu'il appelle de ses désirs. Le sthétoscope, appliqué sur la tumeur, fait reconnaître un battement double isochrone aux battemens du cœur; le cœur est refoulé derrière le sternum. La respiration est naturelle à gauche; mais, à droite, voix et respiration tubaires dans un assez grand nombre de points.

Les jours suivans, sentiment de défaillance qui prend subitement et disparaît au bout d'un temps plus ou moins long. C'est, dit le malade, la goutte qui se porte au cœur. Je l'ai vu pendant une crise : le pouls était insensible, comme oscillant. Le cœur semblait n'avoir d'autre mouvement que le tremblotement fibrillaire. J'ai rencontré plusieurs fois ce spasme du cœur chez des goutteux.

Le 29 septembre, le malade est pris d'un froid glacial sans frisson ni tremblement ; froid extérieur autant qu'intérieur, que neuf couvertures et des applications chaudes ne peuvent dissiper ; il dure deux heures. Ce même froid reparaît les jours suivans à la même heure. Le 4 octobre, il dura quatre heures ; le 5 , dix heures on crut que le malade allait expirer; la persistance, l'intensité et la périodicité de ce symptôme appellent toute mon attention; c'est une fièvre pernicieuse algide. Dix grains de sulfate de quinine sont administrés immédiatement. Le lendemain le froid ne dure que cinq heures; continuation du même moyen. Le 9, disparition complète de ce phénomène, mais la respiration devient de plus en plus fréquente, bruyante; il me paraît évident que la trachée est comprimée. Pouls misérable; face violacée; mort la nuit du i4 au i5.

Ouverture du cadavre. La tumeur, vue antérieurement TA (planche ni, fig. 1,111e livraison, demi-grandeur), avait une forme ovoïde; elle répondait au-dessous de la fourchette sternale et semblait naître de la moitié droite du sternum et des cartilages costaux du même côté. La peau était saine et mobile, et con-sequemment point de signe d'une rupture prochaine au dehors.

La paroi antérieure du thorax ayant été enlevée avec tous les viscères contenus dans la cavité thoracique, nous avons vu (fig. 2) la partie sous-sternale de la tumeur TA, du bas de laquelle naissaient à gauche trois artères, la sous-clavière, la vertébrale et la carotide, et à droite le tronc brachio-céphalique. La veine sous-clavière gauche, qui croisait obliquement la,face postérieure de la tumeur, était oblitérée. On voyait une couche brun-marron interposée entre les parois opposées de la veine, puis une oblitération com-

111° LIVRAISON. I

plèle. Une veine assez volumineuse venait se jeter dans la veine sous-clavière droite au moment où celle-ci allait traverser le péricarde. Cette veine, que je n'ai pas pu suivre plus loin, remplaçait peut-être la veine sous-clavière.

Indépendamment de la tumeur anévrysmale TA, on voyait naître au-dessous de l'origine des artères sous-clavière, vertébrale et carotide gauches, une autre tumeur anévrysmale beaucoup moins volumineuse que la précédente, subdivisée elle-même en deux autres tumeurs, l'une inférieure T'A', l'autre supérieure T"A", que séparait un étranglement circulaire. Le poumon gauche, profondément excavé pour recevoir la moitié gauche de la tumeur anévrysmale TA', T"A", lui était tellement uni qu'il m'a été impossible de l'en séparer sans déchirure. Déjà les couches superficielles du poumon avaient été envahies. La trachée ouverte postérieurement nous a présenté une paroi antérieure fortement repoussée en arrière par la tumeur, d'où la difficulté de la respiration ; la membrane muqueuse MTE était érodée au niveau de la bifurcation de la trachée.

La figure 3 est surtout destinée à représenter le nerf pneumo-gastrique gauche N. 8 et ses rapports avec la tumeur T'A". Il est aplati, aminci, réduit à une lame mince, fibreuse dans l'étendue de quelques lignes NI; il m'a paru qu'il était complètement interrompu, car je n'ai pas trouvé vestige de tissu nerveux. A supposer que l'interruption ne fût pas complète dans le cas actuel, il est aisé de concevoir cette interruption à Faide d'une augmentation légère dans la tumeur. A combien d'accidens ne doit pas donner lieu la compression d'un nerf aussi important. VO est la veine sous-clavière gauche oblitérée; ES l'échancrure sternale, CC les clavicules.

La ligure i (planche iv, m" livraison, grandeur naturelle) représente tous les détails de l'intérieur de la poche anévrysmale ouverte par la partie postérieure.

Presque immédiatement au-dessus de l'orifice aortique OA était une vaste dilatation, ou ampoule sphéroï-dale vide AD. Les parois de cette vaste ampoule étaient parsemées de plaques d'ossification, lesquelles n'ont pas été représentées ici pour ne pas compliquer la figure. Un bourrelet ou anneau incomplet et formant deux arcs distincts du côté de l'origine de l'aorte, complet du côté de la terminaison, établissait les limites de la dilatation. Ce bourrelet fibreux est quelquefois extrêmement saillant et composé de fibres circulaires ramassées les unes contre les autres. De cette vaste ampoule naissaient comme autant d'appendices, i° la grande tumeur anévrysmale TA, 20 une petite tumeur anévrysmale AC qui proéminait en forme de mamelon dans rîntérieur du péricarde; 3° une tumeur anévrysmale plus petite encore A'C' qui appuyait contre la trachée qu'elle refoulait en arrière et dans l'intérieur de laquelle elle avait produit une érosion (planche ni, fig. 2 ). Ces trois tumeurs étaient remplies de concrétions sanguines.

Au-dessous de l'origine de l'artère sous-clavière gauche, l'aorte se dilatait en ampoule, et de cette dilatation naissaient encore deux appendices, ou poches anévrysmales l'un supérieur plus petit T'A", l'autre inférieur plus considérable T'A', tous deux remplis de concrétions sanguines A'C ", comme mamelonnées, tout-à-fait semblables à celles des tumeurs AC et A'C.

La tumeur, en forme de mamelon AC, saillante dans le péricarde, avait des parois extrêmement minces ; on eût dit que ces parois étaient réduites au feuillet séreux du péricarde : encore le sommet de la poche présentait-il un commencement d'usure, et sans les caillots extrêmement denses qui la remplissaient à la manière d'un bouchon, la rupture dans le péricarde aurait eu lieu depuis long-temps. Il est probable qu'elle n'aurait pas,tardé à se faire.

La tumeur plus petite, saillante du côté de la trachée, était également remplie de concrétions sanguines qui touchaient à nu les cerceaux de ce conduit dépouillés de la couche fibreuse dont ils sont revêtus et légèrement éroclés, d'où l'inflammation et l'usure de la muqueuse trachéale MTE (Pl. m, fig. 2), en sorte que, si le malade eût vécu quelque temps encore, la poche anévrysmale se serait ouverte dans la trachée.

La grande tumeur anévrysmale TA appartient à la même catégorie que les deux petites tumeurs AC et A'C'; elle n'en diffère que par son énorme volume. Elle naissait de la partie la plus élevée de l'ampoule

AT), entre l'origine du tronc brachio-céphalique et celle des artères carotide primitive, vertébrale et sous-clavière gauches. Cette tumeur était divisée en deux parties, l'une sous-sternaleplus volumineuse, l'autre pré-sternale, lesquelles communiquaient largement avec le sternum. La ligure i, planche iv, représente une coupe verticale de cette tumeur. On voit qu'elle est entièrement remplie par des concrétions sanguines, que ces concrétions sont disposées par couches concentriques, mais non point autour d'un centre commun; qu'il existe comme plusieurs systèmes de concrétions sanguines ; que ces diverses couches ne sont pas contemporaines; que, bien que les couches les plus voisines des parois artérielles soient en général les plus solides , il y a de nombreuses exceptions à cet égard; ainsi au centre de cette masse de concrétions, on voit un caillot sanguin très-considérable. Il était facile de deviner que ce caillot communiquait avec le sang en circulation ; et en effet une sonde de femme introduite dans ce foyer arrivait très-aisément par une large voie dans la cavité de la dilatation AD. En arrière du foyer sanguin central se voyait un foyer sanguin aréolaire ou plutôt en forme de géode, car il présente une cavité hérissée de mamelons blancs et remplie par du sang et qui donne à ce foyer l'aspect marbré. Il communiquait, comme le précédent, avec le sang en circulation, récemment coagulé. Autour de chacun de ces deux foyers sanguins existait un système de couches concentriques , formant des espèces d'îles ou de zones au. milieu des concrétions qui tapissent les parois de la tumeur , et les vides qui se trouvent entre ces systèmes de couches sont remplis par des concrétions exactement moulées sur les couches adjacentes. Enfin les couches les plus voisines de la dilatation AD semblaient compléter en haut cette dilatation et constituer un système particulier, dont la face interne aréolaire, comme étagée, sans cesse en contact avec le sang, semblait peu à peu entamée ou plutôt accrue par l'agglomération successive et inégale de parties concrètes formées aux dépens du sang. Je ne puis mieux comparer ces concrétions concentriques, ondulées, irrégulières et circulaires qu'aux couches concentriques du corps ligneux; comme celles-ci, elles ont été successivement formées et permettent en quelque sorte de reconnaître l'époque de leur formation à leur couleur et à leur cohérence. Chaque couche est elle-même composée d'une succession de lamelles extrêmement ténues, parsemées d'une série linéaire de points blancs. Au microscope, on voit une forme aréolaire, une masse homogène, mais point de traces de vaisseaux.

Du reste, rien de plus variable que la cohérence et la couleur de ces diverses lames ; les couches voisines des parois de la poche, et qui n'avaient subi aucun travail de décomposition, étaient d'une densité telle qu'on pouvait les confondre de prime abord avec cette poche elle-même. Elles avaient la couleur jaunâtre de la membrane propre des artères, d'où L'opinion de la reproduction du tissu artériel émise par quelques auteurs. D'autres couches de date plus récente offraient le demi-transparent et l'aspect de ces concrétions connues par les anciens sous le nom de polypes du cœur. Enfin un certain nombre de couches présentaient une coloration brunâtre, brun-marron, d'un brun sale; celles-ci étaient peu cohérentes et même en grande partie réduites en bouillie de même couleur; elles remplissaient la presque totalité de la poche pré-sternale et avaient évidemment subi un commencement d'altération ; aussi la portion de poche correspondante présentait-elle cette couleur jaune-serin et brun-jaunâtre qui est le propre des foyers apoplectiques.

L'artère carotide primitive gauche naissait de la poche anévrysmale elle-même ; elle était complètement oblitérée par une concrétion demi-transparente, très-dense, intimement unie aux parois artérielles : les orifices des artères vertébrale, sous-clavière gauches, et brachio-céphalique droite, étaient libres.

En fixant notre attention sur les parois des poches anévrysmales, nous verrons que la dilatation ou ampoule AD était parsemée de plaques osseuses, cartilagineuses, crétacées, de diverses dimensions, lesquelles occupaient surtout la membrane interne ; que les trois tuniques artérielles existaient manifestement dans toute l'étendue de cette dilatation, mais que les petites tumeurs AC, AC étaient formées à travers un érail-lement des membranes interne et moyenne; que leurs parois sont en effet réduites à une membrane celiu-leuse mince intimement unie aux concrétions concentriques et denses qui les remplissaient. Les membranes interne et moyenne cessaient évidemment à l'entrée de la tumeur principale TA. Elles étaient remplacées par une poche fibreuse dense (on dirait presqu'un cartilage), sans disposition linéaire, percée de trous

comme un crible., lacérée clans un grand nombre de points, preuve bien évidente du travail de destruction qui a lieu incessamment dans les parois des tumeurs anévrysmalcs. Déjà cette poche était en partie décollée au voisinage du sternum ; le sang s'insinuait entre elle et les couches celluleuscs adjacentes. Je ne doute nullement que la rupture ne se fût faite très-rapidement dans ce point, si le malade avait vécu.

Voici de quelle manière le sternum était perforé. La moitié droite de cet os avait été usée au niveau du cartilage de la première et de la deuxième côte. Sa face postérieure était comme creusée de plusieurs cavités ou grandes cellules séparées par des espèces de crêtes, cavités et crêtes, qui étaient revêtues par une pellicule mince ou fausse membrane, laquelle séparait l'os du sang en circulation. Les cartilages de la première et de la deuxième côtes, usés irrégulièrement et isolés de toutes parts, faisaient saillie dans la poche à la manière d'une esquille. La clavicule droite était creusée à son extrémité sternale par une cavité assez profonde ; cette cavité était revêtue par une membrane fibreuse qui m'a paru se continuer avec le ligament costo-claviculaire ; ce n'est pas la première fois que je vois l'usure des os se faire d'une manière médiate : donc cette usure n'est pas le résultat d'une action chimique du sang.

Tout le lobe inférieur du poumon droit était parsemé de petits abcès innombrables, ou, si l'on veut, de tubercules mous; c'étaient de petits kystes remplis de pus. Il y avait en outre des tubercules concrets blanchâtres, également enkystés. Rien ne me paraît prouver davantage l'analogie qui existe entre la matière tuhercnlcuse et le pus.

RÉFLEXIONS ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES ANÉVRYSMES DE LA

CROSSE DE L'AORTE.

Ce cas m'a paru pouvoir servir de type pour les anévrysmes en général et pour ceux de la crosse de l'aorte en particulier. Rien de plus fréquent que la dilatation cle la portion ascendante de la crosse de l'aorte. Cette dilatation est la suite constante de l'hypertrophie avec ou sans dilatation du ventricule gauche du cœur.

Dans l'état naturel, il y a équilibre parfait entre la force d'impulsion du cœur et la résistance des parois artérielles. Mais si la force d'impulsion est augmentée d'un tiers, d'une moitié, du double, alors à chaque contraction du ventricule gauche les artères sont portées au-delà de leur extensibilité naturelle; cette distension devient une cause de fluxion dans les parois artérielles, fluxion qui a pour résultat la cartilaginification, le dépôt régulier ou irrégulicr de phosphate calcaire, d'une matière crétacée : en même temps l'élasticité de la portion d'aorte qui reçoit le premier choc, je veux dire l'aorte ascendante, est vaincue peu à peu, d'où une dilatation ou ampoule ovoïde fusiforme qu'on a pu regarder dans quelques cas comme anévrys-ma tique : quelquefois même la dilatation s'étend au tronc brachio-céphalique, qui vient battre au-dessus de la clavicule gauche et epic j'ai vu prendre pour un anévrysme de la carotide : la dilatation s'étend plus rarement aux artères carotide primitive et sous-clavière gauches. Le plus souvent les orifices de ces vaisseaux sont rétrécis, car c'est au niveau des orifices que se brise la colonne de sang, et conséquemment c'est autour d'eux que se voient les altérations crétacées les plus considérables. Voilà la lésion organique la plus commune de l'aorte ascendante. Il n'y a pas encore de concrétion sanguine, il n'y a pas encore déchirure des parois artérielles, on peut reconnaître toutes les membranes; savoir la membrane interne qui a subi l'altération la plus considérable, la membrane moyenne qui est devenue réticulée, fragile, pénétrée d'un bien plus grand nombre de vaisseaux sanguins que de coutume, et la membrane ccllulcusc qui est plus dense. Les malades succombent très-communément avec cette altération qu'on appellera, si l'on veut, anévrysme vrai ou sans déchirure. On trouve en même temps une hypertrophie avec ou sans dilatation du ventricule gauche et une liberté parfaite des orifices. La mort a lieu avec tous les symptômes organiques et spasmodiques attribués àl'anévrysmc actif ou passif du cœur. J'ai vu vingt fois des cas de cette espèce. Comment se fait-il que dans le cas actuel le cœur soit dans son état naturel? Je ne connais pas de dilatation artérielle sans hypertrophie du cœur;

3e. Livraison, Pl.

maladies des artères

Anévrisme de la crosse de l'aorte. - Erosion et perforation de l'aorte sans anévrisme.

trop d'exemples confirment cette règle pour que je ne regarde pas le défaut d'hypertrophie' comme une exception. JNTcst-il pas possible que l'hypertrophie ait disparu après la dilatation de l'aorte; car l'élasticité artérielle lutte incessamment contre la contraction musculaire; et, cette élasticité une fois vaincue, le cœur n'a plus de résistance à surmonter; il doit revenir à son état naturel ; on conçoit même qu'il pourrait s'atrophier.

Mais il arrive souvent que l'un des points ou que plusieurs points de l'ampoule aortique offrent une résistance moindre. Tout l'effort du sang se concentre pour ainsi dire sur ce point ou sur ces points; alors les membranes de l'artère sont attaquées; elles le sont de deux manières, ou du dehors au dedans ou du dedans au dehors ; du dehors au dedans, lorsqu une matière plâtreuse, purulente, se formant dans l'épaisseur des parois (aux dépens pour l'ordinaire de la membrane interne), soulève les couches les plus profondes, les déchire, d'où une poche que le sang remplit bientôt; ce sang se concrète, forme une espèce de bouchon qui prévient la perforation, et c'est à ces concrétions sanguines qu'est du l'état stationnaire d'un grand nombre d'anévrysmes ; mais ce bouchon, incessamment frappé par le sang en circulation, agit à la manière d'un coin pour augmenter la poche, laquelle va toujours croissant et s'appropriant tous les tissus qu'elle rencontre, tissu cellulaire, poumon, plèvre, péricarde, nerfs, os, cartilages, muscles. D'une autre part, les parois artérielles sont attaquées du dedans au dehors lorsque, devenues fragiles, cassantes, elles se fendillent entre deux plaques ossiformes. Tout le temps que le tissu de l'artère n'est pas entamé, il n'y a pas de caillots ; mais à peine le sang est-il en contact avec un autre tissu que la pellicule interne, aussitôt il y a coagulation, adhérence du caillot aux parois, et ce caillot fait l'office d'une fausse membrane réparatrice. Le premier effet de l'artérite, de même que de la phlébite, c'est la coagulation du sang. Je signalerai comme les points les plus susceptibles de se laisser déchirer : i° la partie d'aorte qui répond en arrière à la trachée et à l'œsophage ; i° la partie supérieure de la crosse entre l'origine du tronc brachio-céphalique et celle des artères carotide primitive et sous-clavière gauches ; 3° la portion d'aorte encore contenue dans le péricarde, du côté de la concavité. Là existe une légère excavation. Chez notre malade, c'est au niveau de cette excavation qu'était formée la poche AC qui était sur le point de s'ouvrir dans le péricarde. Dans un cas récemment présenté à la Société anatomique par M. Thierry, une petite poche tout-à-fait analogue s'était rompue dans le péricarde, et comme chez notre sujet cette poche anévrysmale naissait d'une ampool© ovoïde parsemée de plaques cartilaginiformes, ossiformes. Le malade mourut subitement. Dans un autre cas que je dois à l'obligeance de M. Honoré, médecin de l'hôpital Necker, c'était de la partie supérieure de la crosse de l'aorte, entre les origines des vaisseaux indiqués, que naissait une tumeur énorme qui, après avoir usé la moitié supérieure du sternum et les cartilages costaux correspondans faisait au devant du sternum une saillie deux fois plus considérable que chez notre sujet. La poche était mince, fibreuse, d'un brun marron clair, comme dans les kystes apoplectiques. L'aorte ascendante offrait d'ailleurs une dilatation ovoïde comme dans tous les cas analogues.

Mais comment se fait la rupture des poches anévrysmales? Les concrétions sanguines qui remplissent constamment la totalité de la poche se forment successivement et deviennent d'autant plus cohérentes qu'elles sont plus anciennes, l'absorption s'emparant peu à peu et de la matière colorante et de la portion la plus liquide du sang. Ces concrétions s'organisent-elles? Leur disposition régulière par couches concentriques, leur ténacité, leur adhésion aux parois artérielles avec lesquelles elles paraissent faire corps, et surtout le pus qu'on rencontre quelquefois au milieu d'elles à une assez grande distance des parois de l'artère, voilà bien des circonstances qui ont pu faire pencher pour l'affirmative. Je ne nie pas la possibilité; mais je n'ai jamais vu cette organisation; jamais je n'y ai rencontré de vaisseaux semblables à ceux des fausses membranes qui s'organisent. Le pus qu'on voit quelquefois au milieu de ces concrétions, me paraît le produit d'une sécrétion des parois, produit qui a filtré par un phénomène de capillarité à travers les couches réticulées qui le séparent de ces parois. La régularité des concrétions n'est nullement une preuve de leur vitalité. Il y a là quelque chose d'analogue à la cristallisation.

iiie livraison. 2

Ces concrétions sont une barrière qui s oppose efficacement a la rupture de la poche; elles semblent se multiplier en proportion du danger de cette rupture. Mais quelquefois l'impulsion du sang l'emporte sur leur résistance, et alors ce liquide se fraie un passage au travers d'elles, quelquefois il s'arrête au centre de ces concrétions, d'autres fois se dirigeant vers les parois il se place entr'clles et les concrétions, irrite ces parois par l'impulsion directe qu'il reçoit du cœur, et cette irritation suffît souvent pour amener la rupture.

Mais le plus ordinairement le travail morbide qui a lieu dans les parois de la poche s'élève jusqu'au degré de l'inflammation, d'où la sécrétion d'un pus plus ou moins trouble; ce pus, quelquefois peu abondant, filtre à travers les couches concentriques jusqu'au milieu des concrétions; dans d'autres cas, plus abondant, il se mêle au sang ou aux concrétions altérées qu'il convertit en une espèce de bouillie rougeâtre, brunâtre; d'autres fois, n'ayant pas de prise sur ces concrétions, il forme une couche plus ou moins épaisse entre elles et les parois. Alors survient une véritable fluctuation, tellement que dans un cas d'anévrysme à la crosse de l'aorte avec perforation du sternum, l'impulsion étant nulle, la fluctuation étant manifeste, un praticien, dont je dois taire le nom, croyant avoir affaire à un abcès, ouvrit le sac anévrysmal; du pus s'écoula; pas une goutte de sang; l'individu succomba au bout de quelques jours, mais sans hémorrhagie. A l'ouverture, on trouva qu'on était parvenu dans un sac anévrysmal, mais que les concrétions sanguines s'étaient opposées à l'hémorrhagie. On a vu le même phénomène dans quelques cas de rupture spontanée. La sécrétion du pus tarde peu en effet à être suivie d'usure ou de perforation de la poche, par un mécanisme analogue à celui de l'ouverture sj)on-tanée des abcès. Le moment de cette rupture est presque toujours celui delà mort, à moins que, la perforation étant très-petite, le sang ne filtre goutte â goutte ; c'est ainsi qu'on a vu la mort ne survenir que vingt, trente, quarante heures et même plus long-temps après la perforation. S'il existe une couche épaisse de parties molles entre la poche anévrysmale et les surfaces libres voisines, soit cutanées, soit muqueuses, soit séreuses, une seconde et même quelquefois une troisième poche peuvent se former avant la rupture définitive. L'altération spontanée des couches de sang concret, devenu corps étranger, pourrait donner lieu à l'inflammation des parois; niais il m'a paru que ce sang ne s'altérait que consécutivement à l'inflammation des parois. Il arrive assez souvent que les artères et l'aorte en particulier se rompent sans dilatation préalable par suite d'unp, altération de leurs parois. Le» tumeurs anévrysmales T'A', T"A" (Planche iv, fig. i.), une troisième plus petite située du coté de la concavité, et qu'il a été impossible de figurer ici, naissaient d'une artère non dilatée, mais parsemée de plaques ossiformes elliptiques. C'est un cas de ce genre, bien plus frappant encore, qui a été représenté fig. i et 3. (Plancheiv, 111e livraison. )

Rupture de Vaorte dans l'œsophage, rupture imminente dans la trachée par suite d'altération des

parois de cette artère sans dilatation préalable (*).

(planche iv, iiie livraison, figure 2 et 3.)

Un individu meurt subitement en vomissant une grande quantité de sang sans avoir jamais donné aucun signe de maladie. A l'ouverture, on trouve que la portion descendante de la crosse de l'aorte est inégale, rugueuse, parsemée de plaques saillantes AP (iig. 2). Au bas de cette altération, se voit une petite excavation P qui conduit directement dans la cavité de l'œsophage. L'œsophage ouvert OE (fig. 3) présente une très-large perforation POE. La même figure offre plusieurs perforations commençantes de la bronche gauche BGP, en sorte qu'un jour plus tard peut-être le sang aurait fait irruption tout à la fois dans l'œsophage et dans la trachée. A coté de la perforation P ( fig. 2 ) se voit une petite excavation qui est certainement une perforation commençante.

(*) Pièce communiquée par M. Tîosc, membre de la Société anatomique.

3e. Livraison. Pl. 5.

MALADlES DU FOIE . ( Acéphalocystes .)

MALADIES DU FOIE.

Deux kystes acéphalocystes du foie. A s cite, anasarque, ictère.

(planche v, iiie livraison.)

M. Bello, âgé de trente-huit ans, ancien ofïicier, d'une très - vigoureuse constitution, entra à la Maison royale de Santé le 4 octobre 1828, pour une ascite avec ictère léger, infiltration des extrémités inférieures. Il avait joui de la santé la plus parfaite jusque'11 18époque à laquelle il reçut un coup de crosse de fusil sur l'épigastre, et fut laissé pour mort sur le champ de bataille. Revenu à lui, il ressentit une vive douleur à la région de l'estomac, mais ne fit aucun traitement. La douleur se transforma en un sentiment habituel de gêne à l'épigastre, avec augmentation et diminution. Depuis cette époque, il est sujet tous les quinze jours, tous les mois, à des vomissemens de sang, dont le premier s'est manifesté un an après l'accident, et le dernier quelques jours avant son entrée. Les boissons spiritueuses , la secousse du cheval provoquent presque constamment ces vomissemens, toujours précédés de douleurs épigastriques, et toujours suivies de soulagement. Des sangsues à l'anus ou à l'épigastre sont fréquemment appliquées, mais sans résultat. Du reste, l'état général est excellent. Cette indisposition l'inquiétait si peu, qu'il est allé servir la cause des Grecs comme volontaire. De retour depuis huit jours, ses extrémités inférieures se sont infiltrées; l'abdomen est devenu tendu, volumineux; en vingt-quatre heures il a pris la dimension qu'il avait au moment de l'entrée du malade.

Etat actuel : Ictère léger; abdomen très-volumineux avec fluctuation manifeste; extrémités inférieures très-infiltrées; sueurs foncées en couleur, mais ne présentant nullement la teinte ictérique; aussi ne contiennent-elles pas vestige de la matière colorante de la bile. Sentiment de gêne douloureux au niveau du rebord des fausses côtes droites. L'exploration la plus attentive ne me fait découvrir aucune tumeur dans Fhypochondre droit. La pression sur cette région n'augmente pas la douleur; du reste, l'état général est aussi satisfaisant que possible : embonpoint; gaîté; appétit très-bon; pouls naturel. La teinte jaune, la douleur , la circonstance commémorative d'un coup me portent à penser qu'il existe une lésion organique du foie, dont l'ascite ne serait qu'un symptôme ou que l'effet consécutif; et d'une autre part, le peu d'intensité des symptômes, depuis huit jours, dénotent une de ces lésions qui ne portent pas dans l'économie un trouble général et profond, peut-être une affection squirrheuse circonscrite, un kyste séreux ou acé-phalocyste ?

Le traitement doit être dirigé, non contre la cause inconnue et inattaquable de l'ascite et de l'anasarque, mais contre l'ascite et l'anasarque eux-mêmes. La rapidité de leur formation dénote assez que l'un et l'autre sont actifs, et donne lieu d'espérer qu'ils céderont au traitement antiphlogistique. Saignée au bras, chiendent, pariétaire nitrée.

Le 6 octobre, quinze sangsues sur l'épigastre qui diminuent la gêne et la douleur.

Le 8, quinze nouvelles sangsues. Cependant l'infiltration des extrémités inférieures et la tuméfaction de l'abdomen font des progrès au milieu d'un état général aussi satisfaisant que possible. Je renonce à la médication antiphlogistique. Je tente un purgatif minoratif qui fatigue et ne dégage pas, bien qu'il ait produit sept à huit selles.

iiie livraison. i

Les jours suivans j'ai recours à la digitale pourprée que j'ai coutume de prescrire ainsi qu'il suit : feuilles de digitale vingt-quatre grains, faites infuser dans cinq onces d'eau; sirop des cinq racines, une once, à prendre par cuillerées toutes les deux heures. Cette infusion tient le ventre libre en même temps qu'elle pousse aux urines.

Cependant les extrémités inférieures deviennent douloureuses, et tellement tuméfiées, que le malade ne peut pas les mouvoir. Je lui fais pratiquer quelques scarifications qui dégorgent notablement ces extrémités, et calment son moral abattu par l'insuffisance de nos moyens et l'augmentation rapide des symptômes. J'ajourne la ponction qu'il sollicite comme un moyen de guérison plus expéditif.

Le 25, le malade se plaint de froid : on peut à peine parvenir à le réchauffer, bien qu'on l'entoure de boules chaudes; j'attribue ce froid à l'eau qui suinte sans cesse des scarifications : d'ailleurs le malade est gai, satisfait. L'état général est excellent.

Tremblement toute la nuit du 29 au 3o; coliques; douleurs dans tous les membres. Le 3o, soif vive, langue sèche, douleurs de coliques; les extrémités inférieures sont rouges et très-douloureuses. Il se plaint constamment de froid. Le pouls est peu fréquent et naturel pour la force.

Je crains une péritonite. Douze sangsues sur l'abdomen.

Le 3i, état d'immobilité, de stupeur analogue au narcotisme. Les yeux sont tournés en haut , injectés et à demi ouverts ; le pouls peu fréquent, naturel ; la respiration suspirieuse ; le malade paraît sans communication aucune avec les objets extérieurs. Cependant il m'entend lorsque je lui parle à haute voix, dirige un instant les yeux sur moi, semble vouloir me répondre, et retombe de suite dans son état de stupeur.

Le Ier novembre, râle, hoquet; pouls presque naturel pour la fréquence et pour la force. Un abcès s'était formé autour de la saignée pratiquée le 8; et, dans le transport d'un lit sur un autre, cet abcès s'ouvrit et donna une grande quantité de sang. Je me suis assuré que le sang ne venait pas de l'intérieur de la vessie.

Ouverture du cadavre. J'avais cru à une péritonite, et cependant je ne trouve que de l'eau citrine dans la cavité abdominale.

É m

Le foie (planche v, fig. 1, ni" livraison) a une forme singulière ; son diamètre antéro-postérieur est aussi considérable.que le diamètre transverse ; et le diamètre vertical est à peu près le même à l'extrémité droite et à l'extrémité gauche. Le lobe gauche est atrophié, et la surface du foie est comme ratatinée, hérissée de granulations d'inégal volume et de formes différentes, qui ont été fidèlement représentées fig. 1. Deux tumeurs volumineuses fluctuantes existent, l'une à l'extrémité droite RAD, l'autre à l'extrémité gauche RAG : supérieurement elles ne dépassent pas le niveau de l'organe; inférieurement la gauche le dépasse et elle forme une saillie sphéroïde assez considérable. L'une et l'autre tumeurs présentent supérieurement un appendice très-saillant TT, parcourue par des vaisseaux sanguins à parois très - minces et qui n'eussent pas tardé à s'ouvrir dans la cavité péritonéale.

Il était facile de deviner que j'avais affaire à deux kystes acéphalocystes. Largement ouverts d'arrière en avant, ces kystes étaient remplis par un liquide boueux jaunâtre, au milieu duquel j'ai trouvé, et des acéphalocystes entières, et des acéphalocystes vides, ramassées sur elles-mêmes et colorées en jaune.

La figure 3 représente une de ces acéphalocystes intacte ; on y voit des points blancs semblables à de petits grains de sable plus résistans que les autres points, qu'on regarde, mais à tort, comme des germes ou œufs d'acéphalocystes.

On trouve, figure 2, de nombreuses et singulières variétés de formes, que rapporteront à des vices de conformation produits par une gêne dans le développement, les partisans de la vitalité de ces globes organiques.

Les figures 5 et 6 représentent des fragmens de Facéphalocyste mère, ou de la membrane acéphalocyste qui tapissait immédiatement le kyste. AM (fig. 5) appartenait à la poche gauche, AM (fig. 6) à la poche

droite. Dans la première on voit des granulations agglomérées qui hérissent la surface interne, et qu'on peut comparer a de petits œufs. Dans la seconde, ce sont des vésicules en grappes, les unes régulières, les autres irrégulières, et qu'on se refusera difficilement à regarder comme des germes d'acépha-locystes prêts à se détacher.

Le kyste d'enveloppe était fibreux comme de coutume, d'un quart de ligne d'épaisseur; sa surface interne était rugueuse, comme déchirée; elle était tapissée de concrétions ici brunes, là vertes, ailleurs jaunâtres, ailleurs du jaune orangé le plus beau : toutes ces nuances ne sont autre chose que la matière colorante de la bile modifiée. Ces concrétions, que j'ai vues plusieurs fois former une couche épaisse analogue aux calculs biliaires , tapissant la totalité du kyste, prouvent manifestement la communication, au moins temporaire du kyste avec quelques-uns des canaux biliaires.

Le kyste a pu être enlevé avec la plus grande facilité. Un tissu cellulaire filamenteux et lâche l'unissait au foie, à la substance duquel il ne tenait que par une foule de vaisseaux artériels, veineux et de canaux hépatiques, dont un grand nombre était oblitéré.

Le kyste du lobe gauche, qui dépassait en bas le niveau du foie, offrait une disposition remarquable. 11 comprimait la division gauche de la veine-porte, division qui était singulièrement rétrécie, d'où sans doute l'atrophie du lobe gauche. La branche correspondante du canal hépatique était au contraire dilatée.

La figure 4 représente un fragment du foie, destiné à en faire apprécier la structure, S la surface, C la coupe. On voit des granulations séparées par des espaces variables. Dans ces espaces, le foie a pris l'aspect fibreux. Je suis persuadé que chez cet individu le foie n'avait pas, à volume égal, la moitié des grains glanduleux qu'il présente dans l'état naturel.

Le cerveau et ses enveloppes, les organes thoraciques et abdominaux sont parfaitement sains.—Phlegmon large sous-cutané avec pus infiltré ou ramassé en foyer, occupant les jambes et s'étehdant aux cuisses.

Réflexions. — La déformation qu'a subie le foie n'a rien qui doive nous étonner. Elle est le résultat de la double pression latérale à laquelle il a été soumis par le développement des kystes. Aucun organe n'est plus variable pour la forme et le volume, aucun organe ne se moule plus facilement que le foie sur les parties voisines. Ainsi, tantôt il s'allonge de manière à atteindre la fosse iliaque, tantôt il s'accroit énormément d'un côté à l'autre; d'autres fois, c'est d'avant en arrière : la pression, assurément très-douce, à laquelle il est soumis dans l'ascite, détermine, avec son changement de forme, une espèce de racornissement et d'atrophie qui a été notée par un grand nombre d'observateurs, qu'on a même quelquefois donnée comme cause d'ascite. Je m'étonne que quelques auteurs aient nié que les impressions dont est par fois sillonnée la surface convexe du foie, fussent le résultat de la compression exercée par les côtes. Ici le lobe gauche était atrophié, et semblait remplacé en entier par le kyste; mais il pourrait se faire que cette atrophie ne fut qu'apparente, et que la partie du foie qui le constitue ait été refoulée à droite. Cette division du foie, en lobe droit et en lobe gauche, est tout-à-fait arbitraire; elle est uniquement fondée sur la présence du ligament falcifbrme, qui ne peut pas servir de base à une distinction légitime.

Il y avait deux kystes; or, cette multiplicité de kystes, qui est extrêmement fréquente, est une contre-indication formelle de toute tentative d'opération, de traitement local. Les succès qu'a obtenus M. Récamier, par la ponction exploratrice, l'application de la potasse caustique, et l'injection, doivent être regardés comme dus à un hasard heureux ou comme des cas exceptionnels. L'adhérence spontanée du kyste aux parois abdominales ou sa tendance spontanée à s'ouvrir au dehors justifieraient seules une semblable tentative.

Une contusion ou une commotion du foie a été, dans ce cas, la cause évidente de la production organique : je ne connais pas de lésion dans l'organisation qui ne puisse reconnaître une cause semblable. La contusion et la commotion développent, dans les parties qui en sont le

siège, des modifications de vitalité telles, que toutes les formes d'altération organique, soit aiguë, soit chronique, peuvent en être le résultat; d'où la nécessité d'un traitement actif et persévérant à la suite de toute contusion ou commotion assez forte pour laisser des traces après elle.

Pendant quatorze ans, ces kystes n'ont manifesté leur présence que par un sentiment de gêne habituel et par des vomissemens de sang, lesquels étaient provoqués par les boissons spi-ritueuscs ou la secousse du cheval. Je ne sache pas que l'hématémèse ait été noté dans ce genre de maladie. La gêne apportée dans la circulation de la veine-porte peut rendre compte de cette prédisposition à l'hémorrhagie, dont une commotion physique ou la présence d'un stimulant devenait la cause provocatrice.

L'invasion subite de l'ascitc et de l'anasarquc peut s'expliquer par le travail d'élimination dont étaient le siège les parois des kystes; travail qui a eu pour résultat l'amincissement de ces kystes dans un point TT, et leur tendance à s'ouvrir dans la cavité du péritoine. On conçoit que si le malade eût vécu plus long-temps, la rupture eût pu s'opérer, et alors la mort aurait ai lieu d'une manière extrêmement rapide. Les hydropisies ascites tiennent bien souvent à des maladies sous-péritonéales; que peuvent contre elles les médications diurétiques et autres?

La présence de la matière colorante de la bile, et même d'une bile concrète dans le kiste fibreux d'enveloppe, l'aspect rugueux des parois, me paraissent le résultat de l'accroissement du kyste, graduellement distendu par le développement des acéphalocystes; alors les rameaux hépatiques qui se rencontrent dans les parois du kyste, étant peu susceptibles d'oblitération, sont peu à peu attaqués, entamés, et versent dans la poche le liquide qu'ils contiennent. On y trouverait du sang, si les parois vasculaires ne devenaient pas adhérentes entre elles : il existe de grandes variétés sous le rapport de l'épaisseur des kystes acéphalocystes, j'en ai vu qui avaient quatre lignes d'épaisseur.

Le malade a succombé non à l'altération enkystée, non à l'ascite, mais bien au phlegmon large sous-cutané qui s'est développé aux extrémités inférieures, sous l'influence de la distension et des scarifications. C'est à cette phlegmasie que j'attribue les phénomènes comateux qui ont précédé la mort. Ce n'est pas la première fois que j'observe cette cause de mort dans l'anasarque, et il me semble qu'on n'a pas assez fixé l'attention des praticiens sur cet objet. On ne saurait trop leur recommander la surveillance la plus attentive des extrémités inférieures infiltrées : placer le membre dans la situation la plus favorable à la circulation veineuse et lymphatique, le changer souvent d'attitude pour éviter la compression long-temps continuée sur le même lieu, être très-avare de scarifications, voilà des soins généraux qu'il ne faut jamais perdre de vue. (Conférez l'article acéphalocyste du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, où j'ai traité la plupart des questions relatives aux acéphalocystes du foie, avec beaucoup de détails. )

APOPLEXIE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

MALADIES DE LA MOELLE ÊPINIÈRE.

Apoplexie de la moelle épinière (*).

(planche vi, iiie livraison.)

Joseph Constant Mansard, âgé de trente-six ans, étudiant en chirurgie, dune constitution grêle, d'un tempérament nerveux, de mœurs douces, et habitué à une grande sobriété.

Quoique son développemment physique indique une santé mal affermie, cependant le malade assure n'être sujet à aucune indisposition; c'est à peine s'il se souvient qu'il y a quatre ou cinq ans il éprouva une première atteinte du mal qui l'amène aujourd'hui à l'hôpital. Les renseignemens que sa mémoire peut lui fournir sont les suivans : il éprouva subitement une douleur vive au cou à la suite de laquelle il y eut de la gêne dans les mouvemens du bras et de la jambe gauches. Il prit cela pour une affection rhumatismale, se traita lui-même par des simples sudorifiques, et fut guéri complètement après trois mois environ. D'ailleurs, toute espèce d'incommodité avait si bien disparu qu'il a fallu cette récidive avec toute son intensité pour reporter l'attention du malade sur les symptômes qu'il avait autrefois éprouvés.

C'est le 10 décembre 1828, en arrivant de son pays natal, que le malade ressentit, sans cause connue, les premières atteintes de la maladie qui l'amène à l'hôpital. L'invasion se manifesta par une douleur vive à la nuque, au niveau des troisième et quatrième vertèbres cervicales, avec abolition des mouvemens de cette partie; puis dans l'espace de trois ou quatre jours, cette douleur s'étendit aux extrémités supérieures et inférieures, qui furent successivement paralysées. La tête était inclinée vers l'épaule droite et ne pouvait être dérangée sans douleur de cette position. D'ailleurs, point de réaction fébrile ; pouls régulier à soixante-quinze pulsations; appétit; digestion facile; respiration paisible et naturelle. Il y avait paralysie complète du tronc, de la vessie et du rectum ; l'abdomen était tendu, météorisé ; l'urine ne pouvait être expulsée qu'à l'aide du cathétérisme. Le malade se plaignait d'un peu de céphalalgie. Tel est l'état où le trouva M. Corsin, médecin à la Villette, aux soins duquel il fut d'abord confié ; tel était encore son état le jour de son entrée à la Maison royale de Santé, dans le service de M. Duméril, le 21 décembre 1828, onze jours après l'invasion. Mêmes symptômes les jours suivans.

Voici avec plus de détails ceux qu'il présentait le ier janvier et qui se maintinrent sans aucun changement jusqu'à la mort. Le malade est étendu dans son lit, immobile; la tête inclinée vers l'épaule droite; les mouvemens de la tête, quoique peu étendus, sont plus faciles qu'ils ne l'étaient dans l'origine : le visage est calme, le pouls régulier, assez fort; il n'y a point de céphalalgie; la respiration est parfaite, et en général toutes les fonctions internes se font bien, le malade accuse des douleurs très-vives dans le bras droit, principalement dans l'articulation de l'épaule, et cependant il n'y a dans ce bras, et cela depuis quelques jours, que quelques contractions musculaires extrêmement bornées; tout le reste du corps, y compris l'extrémité supérieure gauche, est frappé d'une paralysie complète et du sentiment et du mouvement. On peut varier les expériences, frictionner, pincer fortement, arracher les poils des

(*) Observation recueillie et rédigée par M. F. Cuvier fils , interne à la Maison royale de Santé.

iiie livraison.

i

jambes; Le malade ne scni absolument rien; la pression est douloureuse dans la région du cou, au niveau des troisième et quatrième vertèbres, où d'ailleurs on ne reconnaît aucune saillie. La chaleur est égale partout; l'excrétion des urines est involontaire, celle des fèces l'est également, lorsqu'à l'aide de lave-mens on parvient à triompher d'une constipation opiniâtre : l'appétit est assez bien conservé, de même que le sommeil. La langue est humide, rosée. Le malade est dans une sécurité qui contraste péniblement avec le danger réel de sa position. Il ne vit que par la tête et par les fonctions internes, et cependant il sourit, et ne paraît susceptible que d'impressions gaies. Il se croit affecté d'un rhumatisme dont il espère triompher comme la première fois.

Le traitement qui avait été employé en ville fut dirigé contre le météorisme, la constipation et quelques symptômes généraux. Un petit nombre de sangsues furent appliquées à la nuque. A la Maison royale de Santé, on eut recours à l'emploi de l'extrait de noix vomique, et ce médicament avait déjà réussi à ramener dans le bras droit un peu de mouvement et de sensibilité; mais le malade en supportant difficilement l'usage, ce moyen dut être abandonné, et l'on s'en tint à la médecine expectante.

L'état de M. Mansard demeura à peu près stationnaire jusque vers le milieu de janvier ; dès ce moment il maigrit et s'affaiblit sensiblement, sans cependant concevoir la plus légère inquiétude sur son état; d'énormes escharres détachées du sacrum avaient dénudé cet os et répandaient autour du malade une odeur d'une extrême fétidité. Les traits s'effilèrent, l'appétit disparut et le sommeil avec lui; la langue devint rouge et sèche : le 17, dans la nuit, le malade fut pris d'un vomissement abondant d'un sang noirâtre , que M. Duméril reconnut à sa nature pour provenir des intestins. Ce dernier symptôme fut le prélude d'une mort prochaine, qui eut lieu sans délire, sans convulsions, le 18 janvier à quatre heures du matin, après quarante jours de maladie.

Ouverture du cadavre le 19 janvier, vingt - huit heures après la mort, par un froid extrêmement rigoureux. Corps amaigri; pas de contracture ni de raideur dans les membres; une très-vaste escharre a dénudé le sacrum.

Le canal rachidien ayant été ouvert dans toute son étendue au moyen du rachitome, la voûte crânienne enlevée, nous avons pu constater l'intégrité parfaite de toutes les membranes de l'axe cérébro-rachidien. La gaine fibreuse des dernières paires sacrées, seule, était noirâtre, parce que l'escharre du sacrum s'était pour ainsi dire prolongée dans l'intérieur du canal sacré à travers les trous sacrés postérieurs. La dure-mère incisée, nous avons trouvé un assez grande quantité de sérosité accumulée entre l'arachnoïde et la pie-mère spinales ; cette sérosité était concentrée au niveau du bulbe rachidien et de la région cervicale, ce qui me paraît s'expliquer par la position déclive donnée au cadavre. A travers la transparence de cette sérosité, apparaît au niveau de l'origine des quatrième, cinquième et sixième paires cervicales du côté gauche une tumeur violacée du volume et de la forme d'une grosse amande FAP(fig. 1.) : les faisceaux postérieurs de la moitié gauche de la moelle sont à ce niveau pénétrés de sang, légèrement soulevés, dissociés et non déchirés ; nous reconnûmes de suite une apoplexie de la moelle épinière : le foyer sanguin se prolongeait en dehors entre les racines antérieures et les racines postérieures des paires cervicales indiquées, soulevait celles-ci, les écartait, leur donnait une teinte violacée, mais n'avait point altéré leur continuité.

Le reste de la face postérieure de la moelle ne présentait rien de particulier, excepté inférieurement où la partie inférieure de la queue de cheval était entourée d'une cellulosité brun-jaunâtre (fig. 1), vestige d'un épanchement sanguin qui avait une certaine ancienneté. Je suis convaincu, d'après l'analogie des foyers apoplectiques du cerveau placés immédiatement au-dessous de la membrane ventriculaire, qu'il s'est opéré dans le cas actuel une espèce de transsudation du sang à travers un éraillement de la pie - mère qui recouvre le foyer sanguin FAP, et que la partie la plus liquide du sang s'est épanchée dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien.

Vu antérieurement (fig. 2.), le foyer apoplectique présente une saillie FAA, bien plus considérable

que la postérieure FAP (fîg. i). Comme dans ce dernier sens, il ne dépasse pas la ligne médiane; mais cette ligne médiane est déjetée à droite; le sang semble être à nu sous la pie-mère. Il n'y a pas seulement dissociation des fibres du faisceau antérieur, il y a déchirure, disparition de ces fibres ; et les filets des racines antérieures, teints de sang, paraissent réduits à leur névrilème, ou du moins on ne leur retrouve tous leurs caractères qu'au moment où ils ont dépassé le foyer sanguin.

Ayant voulu examiner l'intérieur du foyer apoplectique, je découvris que le désordre ne se bornait pas à un espace aussi circonscrit, mais qu'il y avait au centre de la moelle du sang nouvellement épanché ; j'ouvris donc cette moelle en arrière dans toute sa longueur, en divisant la commissure médiane et renversant de chaque côté les deux moitiés déployées en manière de ruban. Alors je vis (fig. 3 et 3') que la substance grise de la moelle avait été remplacée par du sang concret qui occupait toute la longueur du cordon rachi-dieu depuis le collet du bulbe d'origine MO (fig. 3), jusqu'au bulbe de terminaison MO (fig. 3'), en sorte que la moelle épinière tout entière était convertie en un canal plein de sang.

C'était au-dessus et au-dessous du foyer apoplectique FAO (fig. 3 et 3') que la quantité de sang épanché était la plus considérable j elle allait en diminuant à partir du foyer apoplectique jusqu'à l'extrémité inférieure de la moelle.

Ce sang offrait tous les caractères d'un épanchement récent; mais les parois du canal dans lequel il était contenu présentaient une couleur jaune-serin, indice non équivoque d'un épanchement ancien»

Quant au foyer apoplectique FAO, il était extrêmement compacte, formé d'une trame celluloso-fibreuse très-dense, d'une couleur où se mêlaient avec des nuances diverses le jaune-orangé et le brun-marron; les mailles de cette trame étaient remplies par du sang concret très-noir. FAO (fîg. 3 ) et FAO (fig. 4) donnent une idée exacte du volume et de la forme du noyau : la figure 4 représente en outre les fila-mens celluleux extrêmement déliés, mais très-résistans qui en constituaient la trame.

Thorax. Le cœur et les poumons sont parfaitement sains. Ces derniers paraissent exempts de l'engouement cadavérique.

Abdomen. L'estomac et les intestins sont tapissés dans toute leur étendue par. du sang noir, morcelé, décomposé, au-dessous duquel on trouve les parois dans un état complet d'intégrité, soit pour la couleur, soit pour la consistance. Le foie et la rate sont parfaitement sains.

RÉFLEXIONS ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L'APOPLEXIE DE LA MOELLE

ÉPINIÈRE.

On ne saurait méconnaître dans la lésion organique de la moelle, représentée planche vi, ine livraison, tous les caractères distinctifs de l'apoplexie. En appliquant à l'apoplexie de la moelle épinière les données acquises sur l'apoplexie cérébrale, nous reconnaîtrons aisément dans le cas actuel trois ordres de lésions qui appartiennent à des époques bien distinctes : i° le foyer apoplectique ou cicatrice celluloso-fibreuse FAP (fig. i ), FAA (fig. 2), FAO (fig. 3 et 4); i° la lame jaune-serin qui tapissait le canal médullaire (fig. 3 et 3'); 3° le sang coagulé qui remplissait la totalité du canal (fig. 3 et 3'). Le sang coagulé ne date que de quelques jours. La lame jaune-serin suppose au moins vingt à trente jours d'ancienneté. Le foyer apoplectique celluloso-fîbreux ne date pas moins de plusieurs mois. Je pense que le sang concret et noir qui remplissait les mailles de ce dernier foyer est postérieur à,la formation de la cicatrice.

Ces trois foyers apoplectiques occupent la substance grise de la moelle : un seul est circonscrit , les deux autres étaient comme diffus dans toute la longueur de la substance grise. On conçoit en effet que la substance grise étant extrêmement vasculaire, c'est sur elle que doivent se manifester tous les effets de la fluxion sanguine, et en cela l'apoplexie de la moelle se rapproche de l'apoplexie du cerveau; d'une autre part, la mollesse presque pulpeuse de cette substance grise explique pourquoi le sang épanché dans un point s'infiltre dans toute la longueur.

La substance blanche qui constitue commel'écorcede la moelle, étant beaucoup plus résistante, et soutenue d'ailleurs par l'enveloppe propre, oppose une barrière invincible dans beaucoup de cas à l'épanchement du sang au dehors. Cependant il peut se faire que la déchirure de la substance blanche ait lieu; c'est lorsque 1 épanchement sanguin se produira avec beaucoup d'im'pctuosité dans un point. Le sang s'épanchera alors entre la moelle et la membrane propre qui pourra elle-même se déchirer. C'est ce qui paraît avoir eu lieu en partie pour le foyer FAP (fig. i), FAA (fig. 2), car les faisceaux médullaires antérieurs ont été déchirés, et il est probable, d'après la coloration du tissu cellulaire sous-arachnoïdien (fig. 1'), que la partie la plus liquide du sang s'est fait jour dans le tissu cellulaire à travers un éraillemcnt de la pie-mère.

Comparons maintenant les symptômes éprouvés pendant la vie aux lésions observées après la mort.

Je rapporte au foyer apoplectique cicatrisé FAP (fig. 1), FAA (fig. 1) la première invasion de la maladie, quatre à cinq ans auparavant. Le malade, que j'ai interrogé avec beaucoup de détails , m'a dit qu'il avait éprouvé à cette époque une douleur vive à la nuque, une douleur vive avec paralysie des mouvemens de l'extrémité supérieure gauche, que ce rhumatisme (car c'est ainsi qu'il appelait cette affection) n'avait cédé qu'à la longue; et la circonstance commémorative d'une maladie antérieure tout-à-fait semblable heureusement guérie faisait toute sa sécurité.

Je rapporte à quarante jours, c'est-à-dire à l'époque de l'invasion de la seconde maladie, le foyer apoplectique représenté par la lame jaune-serin qui tapissait le canal formé par la substance blanche de la moelle. Enfin c'était les derniers jours, la veille peut-être, ou le jour même de la mort, qu'avait eu lieu l'épanchement de sang qui remplissait la totalité de ce canal.

Si nous rapprochons maintenant les symptômes de l'apoplexie de la moelle de ceux de l'apoplexie du cerveau; nous verrons que l'apoplexie cérébrale est en général caractérisée par une paralysie subite et permanente du sentiment et du mouvement de la moitié du corps, face et extrémités ; paralysie plus ou moins complète, plus moins uniforme dans toute cette moitié : placé au faîte de l'axe cérébro-spinal, le cerveau le domine ; chaque hémisphère a sous sa dépendance la moitié du corps opposée, en sorte qu'une solution de continuité qui intercepte plus on moins complètement la continuité du cerveau avec les prolongemens céphaliques de la moelle a pour résultat la paralysie plus ou moins complète du sentiment et du mouvement de toute la moitié correspondante du corps, c'est-à-dire de la moitié opposée; la paralysie n'est d'ailleurs jamais précédée ni accompagnée de douleurs dans les membres paralysés. Elle en est quelquefois suivie, ainsi que j'en ai vu plusieurs exemples.

L'apoplexie de la moelle s'est annoncée par une vive douleur à la nuque, laquelle s'est étendue aux épaules, aux extrémités supérieures et inférieures qui furent successivement paralysées du mouvement; la douleur survécut un instant à la perte du mouvement : c'était un fourmillement douloureux indépendant de tout contact, lequel finit par disparaître, et bientôt la paralysie du sentiment et du mouvement fut complète dans toutes les parties placées au-dessous de l'altération.

Je ne saurais trop appeler l'attention des anatomistes sur la limite supérieure de l'épanchement qui est le collet du bulbe. Là en effet commence un système tout particulier de faisceaux sur lequel j'ai beaucoup insisté dans mes leçons. A ce niveau, la substance grise disparaît, les faisceaux médullaires s'écartent, se rassemblent suivant d'autres lois qu'à la moelle; deux gros faisceaux blancs et gris très-denses, au devant desquels proéminent les olives, et que j'appelle pour cela faisceaux sus-olwaires, naissent au collet du bulbe, constituent la presque totalité de ce bulbe, montrent leur face postérieure dans le quatrième ventricule FSO (fig. 1), et se continuent d'une part avec les tubercules quadrijumeaux, d'une autre part avec les couches optiques. J'ai fait représenter (fig. 1), deux petits faisceaux FM, faisceaux mamillaires qui sortent du sillon médian de la moelle, se renflent légèrement en forme de mamelon, pour se terminer en mourant sur le bord postérieur des faisceaux rectiformes.

L'apoplexie de la moelle est donc une hémorrhagic spontanée comme l'apoplexie du cerveau :

niais elle en diffère par son défaut d'instantanéité, et sous ce rapport elle a une bien grande affinité avec celle forme d'apoplexie si bien décrite par IYTIVI. Lallemand et fiostan sous le nom de ramollissement du cerveau, et que j'ai cru devoir appeler apoplexie capillaire. L'apoplexie de la moelle, en effet, a été précédée et accompagnée de douleurs vives à la région qui en a été le siège et aux membres correspond ans, peut-être de contractions spasmodiques; elle s'est laite graduellement. L'apoplexie capillaire du cerveau est souvent précédée et accompagnée de douleurs vives à la tête, souvent encore de contractions spasmodiques des membres correspondans; elle se fait aussi graduellement. L'apoplexie capillaire du cerveau est en un mot accompagnée d'un travail fluxionnaire, comme l'inflammation ; ce n'est en aucune manière une déchirure toute mécanique d'artères altérées dans leur texture, comme dans beaucoup d'apoplexies des vieillards. L'apoplexie de la moelle ne peut évidemment reconnaître une pareille rupture; des vaisseaux très-déliés, mais extrêmement nombreux, pénètrent seuls sa substance grise.

La substance grise a été seule malade, et cependant il y a eu paralysie du sentiment et du mouvement La substance grise serait donc le principe du sentiment et du mouvement, et non point les faisceaux blancs, qui semblent n'être placés à la surface de la moelle que pour mieux protéger cette substance grise: la conséquence paraîtrait naturelle; car, chez notre sujet, la substance blanche était intacte, sinon dans la moitié gauche, au moins dans la moitié droite de la moelle : mais qui sait si ce défaut de sentiment et de mouvement ne vient pas de la compression pure et simple de la substance blanche, ou bien encore du changement qui s'opère dans la circulation vasculaire de cette substance blanche, dont les vaisseaux ne lui arrivent, au moins en partie, qu'après qu'ils ont traversé la substance grise. Ainsi de ce qu'il y a paralysie dans le train postérieur d'un animal immédiatement après la ligature de l'aorte abdominale, peut-on conclure que le principe immédiat du sentiment et du mouvement est dans l'influence du ventricule gauche du cœur?

L'indépendance des diverses parties de la moelle les unes des autres, l'indépendance de la moelle du cerveau, assez généralement admise dans ces derniers temps, me paraît une grave erreur physiologique fondée sur d'ingénieuses expériences. L'opinion des anciens, qui regardaient la moelle comme un gros cordon nerveux destiné à répondre lui seul à tous les nerfs de l'économie, pour transmettre en définitive au cerveau les impressions ou pour en recevoir les impulsions volontaires ou organiques, cette opinion est bien plus en harmonie avec les faits, avec la grande loi anatomique de la continuité du système nerveux.

Les maladies de la moelle ne produisent pas d'effet croisé. La première attaque, qui a eu lieu il y a trois ou quatre ans, n'intéressait que la moitié gauche de la moelle, et ce sont les extrémités supérieure et inférieure du même côté qui avaient été paralysées. J'ai fait tout récemment une expérience bien convaincante à ce sujet : je mis un chien dans l'état comateux, par l'injection d'un peu d'alcool dans la cavité de l'arachnoïde; je pus alors enlever la voûte du crâne, enlever le cerveau et les lobes du cervelet sans faire mourir l'animai; je pus agir sur toute la portion cervicale de la moelle épinière: lorsque j'irritais la moitié droite de la moelle, j'obtenais un mouvement d'inclinaison du côté droit; lorsque j'irritais la moitié gauche, j'obtenais l'inclinaison du côté gauche. L'effet était le même, que j agisse sur les faisceaux antérieurs ou sur les faisceaux postérieurs. La section des nerfs pneumo-gastriques à leur origine a produit de suite la mort. Pas un seul mouvement respiratoire n'a suivi cette section.

Le raisonnement dit que trois choses peuvent avoir lieu dans l'apoplexie de la moelle. Si l'épanchement de sang est peu considérable, il doit, par une disposition toute mécanique, je veux dire la mollesse de la substance grise, s'infiltrer tout le long du canal médullaire, en laissant intacte la substance blanche; c'est ce qui a eu lieu chez le sujet de notre observation (fîg. 3 et fig. 3'). Si l'épanchement est rapide, il doit détruire la substance blanche à son niveau, saillir sous la pie-merc, qu'il peut érailler et même déchirer; c'est ce qui paraît avoir eu lieu pour le foyer FAP (fig. i ), FAA ( fig. i). Enfin on conçoit que la moelle peut être convertie en bouillie, remplacée pour ainsi dire par du sang dans une étendue plus ou moins grande, et c'est ce

hie livraison. 2

ce dernier degré qui constitue l'apoplexie foudroyante qui a eu lieu dans le fait suivant observé par M. Gaultier de Claubry père (*).

M. Durand, soixante-un ans, forte constitution, brillante santé, vient à Paris au mois d'août 1808. Le lendemain de son arrivée, il se plaint d'une douleur à la colonne vertébrale, depuis les vertèbres cervicales jusqu'au bas du sacrum, douleur qui l'incommodait depuis quelque temps. C'était une grande pesanteur, un engourdissement qui se prolongeait le long des cuisses, des jambes et des pieds. Il attribua cet état à la fatigue du voyage , attendu qu'il avait été très-gêné dans la voiture, oû il était resté une nuit et un jour sans dormir. Du reste, face naturelle, aucune douleur, aucun signe de maladie. M. Gauthier appelé pense, comme le malade, que cette indisposition provenait du voyage, et se borne à conseiller le repos et un bain domestique. Il était dix heures du matin; à onze heures on vient le chercher en toute hâte, parce que le malade ne pouvait pas remuer les jambes. Déjà les urines et les matières fécales s'étaient échappées involontairement.

Les cuisses et les jambes sont sans mouvement, chaudes sans sécheresse5 l'abdomen est souple. Le pouls avait diminué de force. La respiration devenait moins facile. Le visage avait perdu de sa coloration, les yeux de leur éclat et de leur vivacité : la tête était pesante, mais sans douleur; point d'étourdissement. Dans cet état, le malade se plaignait d'un sentiment général de douleur avec pesanteur et engourdissement. Il ajoute qu'il y avait environ six mois que son épine (c'est son expression) lui faisait un peu de mal, mais qu'il croyait que c'était un rhumatisme : il appelait cette douleur son bâton dorsal. Ce fut le dernier mot qu'il prononça : il mourut à l'instant.

Ouverture du cadavre. Etat extérieur. « Depuis environ les dernières fausses côtes circulairement jus-« qu'aux ongles des pieds, il existait une ecchymose générale qui augmentait en noirceur à mesure qu'elle « approchait des doigts des pieds. Le scrotum surtout était d'un noir d'encre.

Tête. « Il y avait un peu d'eau dans les ventricules du cerveau. Il s'écoule du sang assez abondamment.

Rachis. « Ce liquide coula de nouveau en grande quantité quand j'ouvris ce canal osseux. Il y avait peu « de ce liquide à l'extérieur de la gaine méningienne ; la plus grande partie s'était écoulée pendant que la « scie agissait. J'ouvris l'enveloppe dans laquelle je trouvai comme une bouillie d'un rouge sang de bœuf « et qui se voyait depuis la partie inférieure de l'os sacrum jusqu'à la deuxième ou troisième vertèbre dor-« sale, oû on commençait à apercevoir, sinon la moelle 3 au moins un corps un peu plus formé, sans ce-« pendant présenter une ligure bien régulière. Comme j'ouvrais les enveloppes à mesure que je montais « vers la base du crâne, j'arrivai à la septième vertèbre cervicale où je commençai à trouver la moelle épi-« nière dans son intégrité quant à la forme, mais la couleur était d'un rouge très-foncé; en voulant la « fendre dans sa longueur pour connaître si le sang avait pénétré dans son intérieur et l'avait teinte comme ( à son extérieur; en voulant, dis-je, la fendre, elle s'écrasa sous mes doigts et le scalpel; il n'y eut qu'à « son extrémité supérieure où elle conservât encore un peu de sa forme naturelle et de sa consistance; « l'intérieur participait à la même teinte que l'extérieur, mais allait en diminuant à mesure que l'on mon-« tait vers la base du crâne et le trou occipital. Dans une assez grande longueur, environ du milieu des « vertèbres dorsales jusqu'au bas du sacrum, les membranes étaient séparées très-distinctement, de sorte « qu'on pouvait voir le canal vertébral et deux autres canaux mais membraneux, remplis de « sang. »

« Thorax. Tous les organes de cette cavité étaient dans l'état naturel.

« Abdomen. Les intestins étaient très-injectés depuis l'estomac jusqu'au rectum inclusivement. Le « foie et la rate d'une couleur rouge foncé ; mais le cœur, le colon, le rectum, la vessie et les reins étaient « presque noirs ; les autres intestins et l'estomac avaient moins de couleur. »

(*) Journal général do médecine, 1808.

Bien qu'on désirai, d'une part, plus de précision dans l'exposé de l'ouverture du cadavre et d'une autre part, des détails plus circonstanciés, il est constant, i° qu'il y avait une assez grande quantité de sang dans la cavité de l'arachnoïde ou entre l'arachnoïde et la pie-mère; i° que la moelle épinière était transformée en une bouillie rouge foncée depuis son extrémité inférieure jusqu'au niveau de la deuxième ou de la troisième vertèbre dorsale; 3° qu a partir de ce point j usera 'à la septième vertèbre cervicale, la moelle était réduite en pulpe rougeâtre; 4° que, depuis la septième vertèbre cervicale jusqu'au niveau de l'occipital, l'altération allait progressivement en diminuant.

On ne saurait méconnaître dans cette altération une apoplexie de la moelle, mais foudroyante, tellement que non-seulement la substance grise, mais encore la substance blanche a été réduite en bouillie et s'est comme combinée avec le sang; de là, la promptitude de la mort; la désorganisation s'est faite d'abord à la partie inférieure de la moelle, d'où paralysie complète des extrémités inférieures, de la vessie et du rectum, et cette désorganisation s'est étendue rapidement de bas en haut; probablement la portion de moelle qui répond au nerf diaphragmatique, ou peut-être encore celle qui répond à l'origine de la huitième paire, ont été envahies, car la mort a été immédiate comme dans l'expérience que je citais à l'instant.

Cette lésion a été précédée pendant environ six mois d'une douleur dans le rachis, qui entraînait sans doute une grande rigidité dans les mouvemens, d'où la métaphore très-expressive de bâton dorsal employée par le malade. Cette douleur, qui avait tous les caractères d'un rhumatisme, a été exaspérée par le voyage, et, le lendemain de l'arrivée du malade, survient un sentiment de pesanteur et d'engourdissement dans les cuisses, les jambes et les pieds : une heure après, invasion des symptômes mentionnés tellement brusque que le malade meurt en parlant.

Chez ce dernier malade, la peau, les intestins, le foie et la rate étaient très-injectés; et le cœur, le colon, le rectum, la vessie et les reins étaient presque noirs. Nous avons vu que, chez notre malade, il y avait eu hématémèse, et que les intestins étaient tapissés par une couche de sang, et j'adopte volontiers l'explication donnée par M. Ollivier, dans son excellente Monographie sur la moelle épinière, au sujet du fait de M. Gauthier, et j'attribue comme lui l'injection intestinale à la gène apportée dans la respiration.

Diagnostic. L'apoplexie de la moelle s'annonce-t-elle par des caractères tellement positifs qu'on puisse toujours la diagnostiquer? Nous trouvons pour tout caractère une douleur vive à la région de la moelle qui est le siège de l'épanchement, douleur que le malade conrpare à un rhumatisme, qui s'étend aux membres sous la forme de fourmillemens douloureux et d'engourdissement , bientôt suivie de paralysie complète du sentiment et du mouvement. Mais je ne vois là que des signes de compression de la moelle, et toute cause qui comprimera brusquement cet organe donnera lieu aux mêmes phénomènes. Faut-il qu'au lit du malade, le praticien le plus consommé, ne retire si souvent d'autre fruit de sa science que le triste avantage de faire entrer un plus grand nombre de termes dans le calcul des probabilités qu'il est obligé de faire à l'occasion de chaque maladie. Je viens d'être témoin (*) d'un fait qui a des rapports trop frappans avec le précédent pour que je n'en fasse pas ici mention.

M. Lucas, vingt-sept ans, bonne constitution, opéré d'un sarcocèle par M. P. Dubois, il y a dix mois; gué-rison rapide. Il y a quatre mois environ, le 10 décembre 1828, douleur vive dans les parois de la poitrine provoquée par un mouvement pour ramasser quelque chose par terre. Depuis cette époque, difficulté plus ou moins grande à lever les bras ; on pensa que c'était un rhumatisme : il va patiner le 18 janvier, fait une chute sur l'épaule gauche, peut très-bien se rendre chez lui à pied et dîne d'un grand appétit. Le lendemain, l'épaule gauche est douloureuse; les jours suivans la douleur s'étend à l'épaule droite, aux aisselles et aux

O Ce malade était encore dans le service de mon irès-honoré collègue M. Duméril, médecin en chef, qui, de même que M. Dubois , veut bien mettre à ma disposition tous les cas remarquables qu'il a occasion d'observer.

bras ; c'était de l'engourdissement plutôt que de la douleur, il y avait même de longues rémissions. Il continue ses travaux de commis marchand*, consulte néanmoins un médecin qui lui prescrit des bains de vapeur à la suite desquels la douleur s'empara de toute l'étendue des parois thoraciques.

Le 2 mars dernier, huit jours avant son entrée à la Maison royale de Santé, il était encore très-bien ; il va se promener aux Tuileries, reste deux heures assis à la petite Provence; en rentrant, il sent que les jambes lui manquent ; il a beaucoup de peine à monter les escaliers, éprouve à la fois de la lassitude et de l'engourdissement dans les extrémités inférieures. Le lendemain, l'engourdissement augmente; il sent le besoin d'uriner et ne peut le satisfaire qu'avec beaucoup de peine; le troisième jour, la paralysie est complète dans les extrémités inférieures, et le malade ne peut plus uriner. Le quatrième jour, la paralysie du sentiment et du mouvement avait envahi la totalité des parois abdominales et une partie des parois thoraciques, jusqu'aux mamelles, en sorte que le malade ne vivait que par la tête et les extrémités supérieures.

Voici quel était son état au moment de son entrée : paralysie aussi complète que possible du sentiment et du mouvement de toute la partie du corps qui est au-dessous d'une ligne qui passe par les mamelles. Le chatouillement de la plante des pieds détermine quelquefois de légères secousses dont le malade n'a pas la conscience. Il ne peut ni uriner ni aller à la selle. Du reste, l'appétit est excellent, la respiration est libre, mais les fortes inspirations sont arrêtées par le sentiment d'une barre sur la poitrine. Il sue continuellement à la face : il repose très-bien à l'aide d'un calmant : lorsqu'on le soulevait pour le mettre sur son séant, il éprouvait dans les premiers temps une vive douleur dans les parois du thorax, mais cette douleur ne tarda pas à disparaître. Du reste, tranquillité parfaite sur son état, qui nous rappelle en tous points celui du malheureux Mansard.

Cet état fut le même jusqu'à la mort : des moxas appliqués sur la région dorsale ne furent pas sentis, une escharre énorme ne tarda pas à dénuder le sacrum et à s'emparer de la moitié interne des muscles grands fessiers. Il mourut le 21 avril, épuisé probablement par cette énorme perte de substance.

A l'ouverture, nous avons trouvé la partie inférieure de la moelle cervicale et le commencement de la moelle dorsale comprimés par une tumeur encéphaloïde qui s'était développée aux dépens de la septième vertèbre cervicale complètement détruite, de la partie inférieure de la sixième ( la substance intervertébrale avait résisté) et des extrémités postérieures des premières côtes. Cette tumeur soulevait en avant la partie inférieure des muscles longs du cou et en arrière la partie correspondante des muscles spinaux du côté gauche : une semblable tumeur commençait à se manifester au niveau et aux dépens de la cinquième vertèbre dorsale et de l'extrémité postérieure de la quatrième côte. La moelle épinière comprimée à la fois par la tumeur encéphaloïde et par la sixième vertèbre déplacée, était aplatie, mais non réduite en pulpe : nous n'avons trouvé aucune trace de congestion sanguine dans les divers points de sa longueur. Le cerveau et tous les viscères thoraciques et abdominaux étaient parfaitement sains. La cicatrice du cordon testiculaire n'a présenté rien de particulier; les ganglions lombaires ne dépassaient pas leur volume naturel.

Il est donc bien difficile de distinguer les phénomènes de l'apoplexie de la moelle de ceux qui résultent d'une compression de cet organe. Cette difficulté de diagnostic lui est commune avec l'apoplexie cérébrale que l'on confond bien souvent avec la compression du cerveau par une tumeur encéphaloïde ou autre; car, si les causes de compression graduelle produisent dans le plus grand nombre de cas des phénomènes graduels, il arrive souvent qu'elles produisent des phénomènes instantanés ; il semble que le cerveau et la moelle puissent supporter sans danger un certain degré de compression, mais, passé un terme donné, la paralysie se manifeste, et quelquefois brusquement comme dans l'apoplexie.

On pourrait confondre l'apoplexie de la moelle avec l'arachnitis spinal. C'était même là le diagnostic que j'avais porté dans le cas qui fait le sujet de la planche vi. J'avais annoncé que

nous trouverions la moelle comme en gainée dans un canal pseudo-membraneux remplissant plus ou moins exactement le canal raehidien. Dans l'arachnitis spinal, ou plutôt dans l'inflammation du tissu cellulaire sous-ara chnoïdien, de même que dans l'apoplexie de la moelle, la douleur du racbis et des membres précède la paralysie du mouvement et lui survit ; mais dans celle-ci la douleur est indépendante de tout contact, et ne tarde pas à disparaître complètement; dans celle-là, la douleur est atroce et le moindre contact l'exaspère.

J'ai vu un malheureux jeune homme qui, pour s'être endormi au frais pendant qu'il était couvert de sueur, fut pris de paraplégie avec douleur extrêmement vive le long du rachis et des extrémités inférieures, et paralysie de la vessie et du rectum : le plus léger contact, le moindre mouvement exaspéraient la douleur; c'était la première fois que j'observais une semblable maladie. Je crus à un rhumatisme aigu. La douleur et la paralysie du mouvement se propagèrent aux extrémités supérieures ; le malade mourut subitement. Il ne me fut pas permis d'en faire l'ouverture, mais je ne doute nullement qu'il n'y eût arachnitis spinal, et je me fonde sur une observation tout-à-fait semblable de M. Dance, qui me paraît pouvoir servir de type pour l'arachnitis ou plutôt du sous-arachnitis spinal (*).

Enfin toutes ces affections de la moelle épinière ont été prises pour des rhumatismes, mot vague, mot vide de sens parce qu'on l'applique à toutes les douleurs musculaires ou articulaires avec ou sans inflammation, avec ou sans mobilité, et qui disparaîtra de la science lorsque les maladies seront mieux connues dans leur siège immédiat. N'oublions jamais que toutes les parties de l'arbre nerveux sont solidaires; que les douleurs, l'engourdissement qui se déclarent dans une étendue plus ou moins considérable, et surtout sous la forme hémiplégique ou paraplégique, tiennent toujours à une lésion de la moelle épinière ou de ses prolongemens cérébraux. L'épidémie de Paris, dont on a tant parlé dans ces derniers temps, me parait jeter un grand jour sur la doctrine des rhumatismes, et rétablir des analogies généralement méconnues. Une cause rhumatique, quelle qu'elle soit, se fixe sur les capillaires nerveux dé la peau; d'où engourdissement, fourmillement douloureux avec ou sans érythème. La paume des mains , la plante des pieds, c'est-à-dire les parties les plus exposées à l'action directe des suppressions de transpiration en sont le siège le plus constant. Quelquefois ce fourmillement douloureux s'étend à la moitié de l'avant-bras ou de la jambe, à tout l'avant-bras, à toute la jambe, à toute une extrémité inférieure; rarement occupait-il la peau du tronc. Dans d'autres cas, cette cause se fixe sur les cordons nerveux : j'ai vu un malade qui m'indiquait parfaitement le trajet et les ramifications du nerf cubital. Un autre avait une paralysie de tous les muscles qui meuvent le pied, et s'était donné plusieurs entorses. Chez d'autres, c'était le nerf sciatique et toutes ses divisions, ou bien seulement le poplité externe. Chez quelques-uns, la cause s'étant fixée sur la moelle épinière, il y a eu paraplégie : dans un cas malheureux, soumis actuellement à l'observation de plusieurs médecins, l'engourdissement douloureux et la paralysie du mouvement ont affecté d'abord le membre inférieur droit tout entier, puis le membre inférieur gauche, et en partie les parois de l'abdomen; la douleur, fixée d'abord aux lombes, au niveau de l'origine des nerfs lombaires et sacrés, ou mieux du bulbe raehidien de terminaison, s'est étendue le long de la moelle épinière jusqu'à la partie moyenne de la région dorsale, et s'est propagée le long des attaches des muscles thoraciques et même à la peau du thorax : le besoin d'uriner et de rendre les matières fécales n'est pas senti ; la paralysie des parois abdominales s'oppose à l'émission volontaire des urines et des matières fécales. Peut-on méconnaître une maladie de la moelle ? Les douleurs qu'éprouve le malade, homme de l'art, sont appelées par lui rhumatismales; elles sont survenues à la suite de l'impression subite d'un froid très-vif, le corps étant en sueur.

Conséquences thérapeutiques. La théorie fondée sur l'analogie qui existe entre l'apoplexie cérébrale et l'apoplexie spinale nous apprend que les saignées générales et locales, les dérivatifs

(*) Ollivier, Traité de la moelle épinière, tome II, page 55(3.

IIIe LIVRAISON. S

cutanés et intestinaux doivent être les moyens les plus efficaces : i° pour s'opposer à un nouvel épanchement; i° pour faciliter la résorption du sang épanché ; 3° pour maintenir dans de justes bornes le travail de réparation. Je crois que les saignées locales et les dérivatifs, vésicatoires volans, moxas, promenés le long de la colonne vertébrale, doivent être ici d'une efficacité toute particulière. Peut-on guérir d'une apoplexie de la moelle ? Je n'en doute nullement, et je me fonde sur des cicatrices celluleuses rencontrées dans l'épaisseur de la moelle, sur la disparition de la substance grise remplacée par du tissu cellulaire à larges mailles, dont on trouvera plusieurs exemples dans un intéressant Mémoire de M. Hutin sur les maladies de la moelle épinière (*). Attendons au reste pour prononcer la sanction de l'expérience.

(*) Nouvelle Bibliothèque médicale, 1828 , tome I, page 170. On lit aussi dans ce Mémoire le fait suivant d'apoplexie de la moelle épinière : Un vieillard de soixante-dix ans, dont les facultés intellectuelles étaient très-bornées, l'articulation des sons lente et difficile, le corps légèrement courbé en avant, et tendant à se précipiter s'il ne rencontrait un corps résistant*, les extrémités inférieures faibles et raides , se couche le soir à six heures , comme de coutume •, le lendemain on le trouve mort dans son lit.

A l'ouverture, on découvre dans chacun des corps striés une cavité revêtue d'une membrane celluloso-vasculaire, infiltrée de sérosité citrine. La protubérance annulaire était un peu ramollie.

L'arachnoïde présentait, dans la région lombaire, une multitude de lamelles cartilagineuses d'un blanc bleuâtre , frangées à leur circonférence 5 quelques-unes présentaient à leur centre un petit point osseux saillant à fibres rayonnantes.

Grande injection des veines rachidiennes. « Entre l'origine de la cinquième et de la sixième paire des nerfs cervicaux, petit épan-«. chement sanguin de la grosseur d'un pois qui avait détruit la commissure grise 5 mais , au niveau de la quatrième paire dorsale , « existait un autre épanchement beaucoup plus considérable qui avait détruit, en cet endroit, presque toute la substance médullaire « blanche et grise. Le caillot avait le volume d'une forte noisette , un peu allongé dans le sens de la longueur de la moelle. Le voisi-k nage de ces deux épanchemens était un peu ramolli et infiltré de sang. »

4e. Livraison. Pl. Ire

MALADIES DE l'ESTOMAC.

(Cancers.)

MALADIES DE L ESTOMAC (CANCERS).

Vomissemens muqueux indomptables; kématémèse; épuisement.— Végétations encép ha loides dé Vestomac et du commencement du duodénum, dont l'une obstruait le pylore.

(planche i, ive livraison.)

Madame Alfiéri, âgée de quarante-deux ans, est depuis trois mois en proie à des vomissemens presque continuels qui amènent, au milieu de très-grands efforts, une quantité considérable de mucus filant et limpide, et parfois de sang pur, jamais de matières noires. Du reste, intégrité parfaite de toutes les fonctions : la face est bonne, la langue naturelle ; maigreur sans marasme ; teinte naturelle de la peau ; pouls peu développé, mais sans fréquence. Une circonstance remarquable est celle-ci : toutes les fois que la malade se couche sur le côté gauche, la bouche se remplit d'eau qui lui semble remonter de l'estomac, et alors les vomissemens se déclarent; elle repose au contraire très-bien du côté droit. L'abdomen exploré présente, à la région ombilicale, au-dessous de l'ombilic, deux tumeurs arrondies, un peu douloureuses à la pression, mobiles , et que la main, promenée sur elles, déplace avec la plus grande facilité. — Les commémo-ratifs sont insignifians : la malade dit avoir toujours eu l'estomac faible et disposé au vomissement; mais d'ailleurs point de causes connues qui aient pu préparer de loin et provoquer cette maladie.

Diagnostic. Tumeurs probablement de nature cancéreuse obstruant le, pylore. — La situation des tumeurs ne m'en impose pas, vu l'ampleur que peut acquérir l'estomac en pareil cas. J'ai trouvé une tumeur formée par le pylore cancéreux dans la région iliaque droite.

Traitement. J'ai eu recours successivement à tous les moyens empiriques ou rationnels que j'ai pu imaginer pour arrêter les vomissemens : potion anti-émétique, eau de Seltz à la glace, bains, épithème, sinapismes, etc. Ces vomissemens se suspendaient quelquefois huit jours pour reparaître avec une intensité désespérante pendant vingt-quatre, quarante-huit heures, et ne semblaient cesser que lorsque les forces étaient épuisées. Un fait assez curieux, c'est que les quarts de lavemens caïmans, bien loin d'arrêter les vomissemens, les augmentaient ou les réveillaient lorsqu'ils étaient assoupis.

Le 3o septembre 1828, vomissemens de sang pur qui se renouvellent à plusieurs reprises pendant vingt-quatre heures, au bout desquelles le sang est remplacé par des mucosités filantes. Aux vomissemens se joignent des mouvemens nerveux. Il semble à la malade qu'une boule remonte de l'épigastre au pharynx; alors elle étouffe et ses membres se contournent spasmodiquement. Les deux tumeurs sont remontées au-dessus de l'ombilic; on peut aisément les enfoncer dans l'hypochondre gauche.

Depuis le i,r jusqu'au i3 octobre, les crises de vomissemens muqueux avec efforts violens sont continuelles; la malade a grand appétit, mais aucun aliment ne peut passer. Elle y renonce complètement. L'eau froide, l'eau à la glace elle-même sont rejetées. Le mouvement d'ascension des tumeurs a continué ; elles répondent au niveau du rebord des fausses côtes gauches. Le i3, le pouls devient extrêmement grêle ; affaissement ; stupeur : la malade s'éteint le 17.

Ouverture du cadavre. L'abdomen ouvert, l'estomac et le duodénum paraissent parfaitement sains à l'extérieur. Leur paroi antérieure est soulevée par les deux tumeurs reconnues sur le vivant, lesquelles occupent évidemment leur cavité; l'une, plus considérable, située immédiatement au-dessus, l'autre immédiatement au-dessous du pylore. Pour les voir, il a donc fallu diviser l'estomac et le duodénum ive livraison. 1

( fig. i ). Alors se présentent ces tumeurs à découvert : celles de l'estomac sous la forme d'excroissances, de végétations à base large VE, VF, formant de petites masses séparées les unes des autres; celle du duodénum VE", située immédiatement au-dessous du pylore PP, ayant la forme d'un champignon qui ne tient aux parois que par un pédicule. Ces végétations sont d'une couleur rosée.

Examinées sous l'eau et à l'aide de la loupe, elles paraissent formées (fig. i) par une innombrable quantité de lamelles ou folioles inégales en longueur, semblables aux papilles intestinales hypertrophiées, pressées les unes contre les autres, dont les unes sont extrêmement déliées, les autres plus épaisses-, terminées tantôt en pointe, tantôt en renflement olivaire ou en massue-, quelquefois rameuses ou groupées en grand nombre autour d'un pédicule commun qui les supporte. Cette disposition rameuse et verticillée est beaucoup plus prononcée dans la tumeur duodénale que dans les tumeurs gastriques ; celles-ci présentent des lamelles ou folioles beaucoup plus courts. Toutes sont essentiellement constituées par une trame aréolaire fibreuse, formée aux dépens de la membrane muqueuse, de la membrane iibreuse et de la membrane musculeuse, laquelle trame aréolaire est pénétrée par une matière blanche galactiforme ou encéphaloïde qu'on exprime, pour ainsi dire, à flots comme d'une éponge. Enfin, pour compléter la description, des vaisseaux longs et non flexueux, d'apparence veineuse, extrêmement multipliés, parallèles, traversent perpendiculairement ces tumeurs de leur base vers leur extrémité, et se prolongent dans l'épaisseur des lamelles ou folioles dont elles sont comme hérissées. La figure i , qui offre une coupe de l'estomac au niveau de l'une de ces tumeurs, donne une idée très-exacte de cette disposition, qui ressort bien davantage à l'aide d'une loupe. Il y avait là développement énorme des papilles gastriques et duodénales -, toutes étaient pénétrées de matière encéphaloïde, laquelle était logée dans de petites cellules représentées figure i", grossies à l'aide d'une forte lentille.

Tous les autres organes sont parfaitement sains, à l'exception du foie qui contenait dans son épaisseur et du côté de sa face convexe un kyste non proéminent, mais manifeste à travers la transparence du péritoine. Ce kyste à parois fibreuses était rempli par une matière gélatineuse mêlée à une matière puriforme, lesquelles me paraissent des débris d'acéphalocystes.

Réflexions. — Tous les symptômes qu'a éprouvés notre malade peuvent être rapportés à l'obstacle mécanique apporté par la tumeur au passage des alimens de l'estomac dans le duodénum. Semblable à une soupape, la tumeur duodénale devait, dans certaines positions, obturer complètement le pylore. Son volume n'exclut pas l'idée que cette tumeur mobile n'ait pu s'engager par fois dans l'ouverture pylorique, et y rester engagée par la contraction du pylore. Les longs intervalles de bien-être s'expliquent à merveille par le libre passage des alimens ; l'hématémèse s'explique aussi par la nature de la tumeur qui était toute vasculaire, molle, susceptible d'exhalation sanguine, et susceptible aussi d'être déchirée par les efforts de vomissemens. Il n'est même pas impossible que, plus tard, la tumeur pylorique duodénale, espèce de polype encéphaloïde , ne se fût détachée au milieu d'une hématémèse plus ou moins considérable, étranglée par le pylore, à la manière des polypes utérins, par le col de la matrice; alors les vomissemens auraient cessé, la malade aurait pu recouvrer ses forces jusqu'à ce que l'accroissement de la tumeur gastrique eût à son tour produit des symptômes soit locaux, soit généraux.

Supposons que l'altération eût occupé tout autre lieu que le voisinage du pylore, par exemple, ce qui est extrêmement fréquent, la petite courbure de l'estomac, le malade aurait vécu fort long-temps encore sans s'en apercevoir ou en s'en apercevant à peine; les tumeurs se seraient accrues, se seraient déchirées, ulcérées; d'autres se seraient formées : toutes seraient tombées dans une espèce de déliquium, de magma; des adhérences se seraient établies avec les parties voisines, qui elles-mêmes auraient été successivement envahies. Quelquefois la portion d'estomac saine n'est que le tiers de la surface de l'estomac, et cependant les phénomènes de la digestion s'accomplissent parfaitement.

Quel est le siège de ces végétations encéphaloïdes ? J'ai dit ailleurs que le siège primitif du

cancer de l'estomac était la membrane fibreuse intermédiaire à la membrane muqueuse et à la membrane musculaire, que ce n'est que consécutivement que sont envahies les autres membranes. Cela est vrai pour le plus grand nombre des cancers, et peut-être même pour le cas en question : mais je me suis assuré que, dans un certain nombre d'affections cancéreuses, la membrane muqueuse était primitivement affectée. Les membranes muqueuses me paraissent essentiellement constituées par une trame vasculaire veineuse aréolaire, en un mot par une couche mince de tissu érectile; les follicules ne sont qu'un élément surajouté. C'est dans cette trame vasculaire, toute veineuse, que se développe le phénomène de l'inflammation; c'est là que se développe le cancer ulcéreux et encéphaloïde; il m'a été facile de voir, à l'aide d'une forte loupe, la matière encéphaloïde exprimée par une compression légère des nombreuses aréoles veineuses qui constituent la muqueuse vaginale, dans le cas de cancer du col de l'utérus étendu à la partie voisine du vagin; et, en coupant en dcdolant cette membrane muqueuse, j'ai pu manifestement reconnaître les aréoles remplies par cette matière encéphaloïde ; l'altération se propage quelquefois jusqu'aux vénulcs qui sortent de ce système capillaire veineux, et qu'on trouve gorgées de la même matière ; l'ulcération est le résultat de la déchirure des aréoles et des vénules distendues.

Au fond, il me paraît résulter de mes recherches, que les cancers, comme d'ailleurs tous les phénomènes nutritifs, physiologiques et morbides, ont leur siège dans ce système capillaire veineux, qui est aussi le siège de toute nutrition, de toute sécrétion; que c'est de là que les produits morbides sont versés dans les mailles du tissu cellulaire, soit par exhalation, soit par déchirure. Ne soyons donc pas étonnés que la gangrène soit si fréquente dans les affections cancéreuses; la gangrène entre en quelque sorte comme un élément nécessaire dans ce genre de maladies : mais tantôt elle use lentement couche par couche les parties qu'elle affecte ; c'est le cas le plus ordinaire : de là l'ichor cancéreux, dont l'horrible fétidité résulte du mélange du pus avec des matières putréfiées ; tantôt la gangrène envahit à la fois une grande épaisseur de parties, lorsque l'altération s'est étendue à des vaisseaux plus volumineux, d'où encore les hémorrhagics qui surviennent si communément dans les cancers avec ou sans gangrène.

L'observation suivante fournira un exemple de cancer avec gangrène.

Cancer gangreneux latent de la petite courbure de Vestomac et de la portion voisine du foie.

(PLANCHE I, FIGURE 1.)

Un vieillard de quatre-vingt-trois ans est apporté à la Maison royale de Santé dans l'état suivant : nulle douleur; il n'en accuse aucune soit actuelle, soit antérieurement éprouvée; point de mouvement fébrile ; dévoiement depuis peu; toux avec expectoration catarrhale. L'auscultation et la percussion ne m'apprennent rien pour le thorax. L'exploration la plus attentive de l'abdomen ne me fait découvrir aucune tumeur, aucune région sensible. Je pense qu'il existe une maladie chronique latente de quelqu'un des points du canal intestinal ; probablement une entérite du gros intestin. Pour tout commémoratif, j'apprends que le malade s'est affaibli graduellement, mais sans garder le lit, au point qu'on regardait son état plutôt comme une suite nécessaire de l'âge avancé que comme le résultat d'une maladie proprement dite. Eau gommeuse : opiacés. — Le malade succombe après avoir présenté pendant deux jours un peu de fréquence dans le pouls et d'exaltation dans les idées. Il voulait absolument retourner chez lui.

A l'ouverture, je trouve la région épigastrique remplie par l'arc du colon AC, AC, AC, recourbé plusieurs fois sur lui-même et formant des espèces de circonvolutions adhérentes entre elles. Des tubercules durs, demi-transparens TC, TC, longent ce gros intestin et occupent çà et là l'épaisseur du grand épiploon. Le gros intestin ayant été refoulé en bas, l'estomac s'est présenté adhérent intimement au lobe moyen du foie. Sa grosse extrémité était très-volumineuse et remplie de liquide. A sa surface, comme d'ailleurs dans l'épaisseur du mésentère et des épiploons rampait une très-grande quantité de vaisseaux Jym

phatiques volumineux, noueux, entrecoupés par de petits tubercules cancéreux VLC, WC, quelques-uns de ces vaisseaux m'ont paru gorgés de la même matière cancéreuse.

L'estomac ouvert, nous voyons, à droite de l'orifice cardiaque OC , une vaste eschare^ gangreneuse CG formée aux dépens de la petite courbure et des parois antérieure et postérieure qui l'avoisinent. Cette eschare était noire, horriblement fétide; plongée sous l'eau, soumise à un rayon solaire et examinée à la loupe, j'ai trouvé, de même que dans les cancers utérins gangreneux, au milieu de lambeaux noirâtres , une multitude de vaisseaux noueux, rameux, jaunâtres. Ces vaisseaux, qui ont été parfaitement représentés ici, et que j'engage à étudier à la loupe, sont oblitérés par une matière blanchâtre. Sont-ce des artères, sont-ce des veines? L'analogie déduite des cancers gangreneux de l'utérus, non moins que leur couleur et leur épaisseur , me portent à admettre que ce sont des artères ; les veines m'ont paru l'élément organique qui est le premier désorganisé dans la gangrène.

La gangrène ne s'était pas bornée aux parois de l'estomac ; elle avait en outre envahi le parenchyme du foie dans l'épaisseur d'un demi-pouce environ, en sorte que, sans les adhérences assez intimes qui unissaient le foie et l'estomac jusqu'au-delà de l'altération, il y aurait eu communication entre la cavité de l'estomac et la cavité péritonéale. La portion du foie affectée de gangrène, plongée sous l'eau, présente les mêmes caractères que l'eschare de l'estomac.

Jusque-là nous ne voyons qu'un état gangreneux, et, sans un cercle de tissu grisâtre, très-dense, demi-transparent qui environnait Fescarhe du côté de l'estomac, sans les tubercules évidemment cancéreux de la surface externe de l'estomac et des épiploons, on aurait pu douter de la nature gangreneuse de la maladie. La portion gangrenée du foie n'était pas entourée d'un cercle cancéreux, mais faisait immédiatement suite au tissu sain. C'est ainsi que, dans un grand nombre de maladies dites cancéreuses de l'utérus, je n'ai trouvé rien autre chose qu'un détritus gangreneux au milieu duquel flottaient les vaisseaux artériels, reconnais-sablés à leurs flexuosités, vaisseaux qui avaient seuls résisté au travail désorganisateur. Aux limites de la gangrène, aucune trace de tissu cancéreux, à moins qu'on ne veuille dire que la gangrène envahit le tissu cancéreux à mesure qu'il est formé, ce qui est pour nous comme s'il n'existait pas. Ce que je puis affirmer, c'est que dans ces gangrènes rongeantes de l'utérus, le siège primitif, essentiel de l'altération est dans le système capillaire veineux, qui partout offre la disposition des tissus érectiles ; que la circulation interceptée dans ce système capillaire a pour résultat immédiat l'ulcération, la gangrène.

Nous verrons plus tard combien la connaissance du siège immédiat des altérations organiques en général et du cancer en particulier, dans le système capillaire veineux, éclaire la question des cachexies consécutives. La maladie reste locale tout le temps que la matière cancéreuse reste isolée dans la portion de système capillaire veineux, qui, nouvel organe, l'a fournie; mais aussitôt que les limites ont été franchies , la matière cancéreuse roule, mêlée au sang, dans le torrent circulatoire ; elle est présentée successivement à tous les systèmes capillaires veineux ; les plus prédisposés la reçoivent ; bientôt elle y détermine le mode d'irritation spécial qui la produit, car je ne pense pas que la matière cancéreuse soit déposée de toutes pièces ; ce nouveau foyer devient bientôt lui-même une source d'infection générale. Je ne crois pas qu'il soit possible d'expliquer d'une manière plus satisfaisante l'apparition successive ou simultanée de milliers de tumeurs cancéreuses dans les différens organes. Pour en revenir à notre malade, le siège du cancer de l'estomac rend un compte très-exact du défaut absolu de symptômes. Il n'y avait pas de vomissemens, puisque les orifices de l'estomac étaient libres; il n'y avait pas de tumeur au moment où j'ai observé le malade, puisque la gangrène détruisait la dégénération à mesure qu'elle se formait. Chose remarquable! l'estomac, qui joue un si grand rôle dans l'économie, peut être détruit dans une bonne partie de son étendue sans que des symptômes locaux ou généraux manifestes viennent nous révéler une altération aussi profonde.

4e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DE L'ESTOMAC ET DES INTESTINS.

MALADIES DE L'ESTOMAC ET DES INTESTINS.

Amincissement extrême ou atrophie aiguë d'une portion des parois de lare du colon. -Péritonite.

_Perforation annoncée par une tympanite survenue subitement et rapidement mortelle. —

Ramollissement gélatiniforme de la grosse extrémité de 1 estomac.

(PLANCHE II, IVe LIVRAISON.)

Laplace , âgé de trente-cinq ans, domestique, fortement constitué, entre à la Maison royale de Santé, le 28 septembre 1828, dans l'état suivant : prostration; découragement; air de souffrance et de malaise intérieur que ne justifie aucun symptôme local : soif très-vive ; la langue est sale; le pouls fréquent; le ventre souple et indolent : la tête n'est pas douloureuse. Rien du côté du thorax.

Commémoratifs. La maladie, qui date de huit jours, paraît due à un travail excessif, au passage subit du chaud au froid. Au début, frisson, céphalalgie intense : après quatre jours d'expectation, le médecin appelé le saigna deux fois et lui fit appliquer les sangsues, une fois à l'anus et une autre fois à l'abdomen. — Diagnostic. Affection abdominale. Mais quel en est le siège, la nature? Probablement le canal intestinal. (Gomme, sirop de gomme, lavemens émolliens, diète absolue.) —Le 3o, dévoieinent considérable; et même plusieurs selles sont involontaires. Le canal intestinal et le gi^os intestin sont donc le siège de la maladie. — Le ifr octobre , l'état du malade s'est aggravé d'une manière extraordinaire : sa face contractée exprime une atteinte profonde aux forces de la vie. La voix est plaintive ; il se lamente, redoute la mort qu'il dit être prochaine. La langue, d'humide qu'elle était la veille, devient brune et sèche : le pouls petit, grêle, fréquent : sueur froide : aucune douleur : selles fréquentes. L'affection de V intestin se dessine de plus en plus et s'aggrave. Y a-t-il inflammation proprement dite? L'état inflammatoire aurait-il passé à l'état de gangrène? La petitesse du pouls et l'état général contre-indiquent les évacuations sanguines. (Deux vésicatoires à la partie interne des cuisses.) —Le 2, pouls excessivement grêle; moiteur froide : respiration haute, suspirieuse. Légère sensibilité aux deux régions iliaques. Cinq selles pendant la nuit. (Sinapismes qu'on promènera le long des extrémités inférieures. Thériaque, demi-gros le soir; décoction blanche sans cannelle pour toute boisson.) — Le 3, vers deux heures du matin, tout-à-coup coliques extrêmement vives, pendant lesquelles il semble au malade que tout son corps se bouleverse ; il a cru mourir. Depuis lors il se trouve beaucoup mieux; mais l'abdomen, de souple qu'il était les jours précédens, est rigide dans toute son étendue sans être plus développé et plus douloureux. La contraction spasmodique des parois abdominales est telle qu'il est impossible de la vaincre, même en captivant l'attention du malade et en le plaçant dans l'attitude convenable : je ne puis par conséquent explorer les viscères abdominaux. La voix est très-altérée. Les extrémités sont plus chaudes, le pouls moins fréquent et moins misérable que la veille : la rigidité existe aussi dans les extrémités supérieures. L'inflammation de l'intestin tend à se propager si elle ne s'est déjà propagée au péritoine. — Le 4 et le 5, la face s'altère profondément, les traits s'étirent comme à la fin d'une maladie chronique. Les parois abdominales et les extrémités supérieures sont toujours d'une rigidité excessive. Coliques assez vives qui reviennent de temps en temps. Le malade se croit beaucoup mieux et demande des alimens. — Le 6, l'abdomen, qui jusqu'alors était aplati, indolent, devient ballonné et très-sensible à la pression. La face est profondément altérée. Le pouls redevient faible, sans résistance, mais moins grêle que les premiers jours. Les selles sont con-

IVe LIVRAISON. I

tinuelles (on assure qu'il est allé plus de trente fois la nuit). La péritonite qu'on pouvait peut-être encore révoquer en doute les jours précédens, est manifeste. Le météorisme et la douleur me paraissent annoncer une péritonite très-aiguë, peut-être par suite de perforation d'intestin. ( Dix sangsues sur l'abdomen ; cataplasmes ; lavement avec amidon et huit gouttes de laudanum ; gomme, sirop de gomme. ) — Le 7, l'abdomen, toujours ballonné, très-fortement contracté, n'est plus sensible à la pression. Le malade n'a nullement la conscience de son état et se croit guéri ; il demande à manger. Soif très-vive ; langue presque naturelle : les vésicatoires sont gangreneux. Contre toute prévision, le malade se soutient dans le même état jusqu'au 12. La face est moins altérée. Sentiment de mieux être ; mais la gracilité du pouls, la tension et le volume de l'abdomen contrastent avec ses paroles et l'air de gaîté qui brille sur son visage. La lèvre supérieure devient Je siège d'une tuméfaction considérable : je dois également noter une ulcération sur le bord gauche de la langue, qui, en quelques jours, est devenue très-profonde. On dirait d'un ulcère cancéreux.— Le i3 , survient tout-à-coup un sentiment de suffocation imminente. Le ventre est ballonné comme un tambour ; il a acquis un volume double pour le moins de celui qu'il avait la veille. En appliquant l'oreille sur l'abdomen au niveau de l'ombilic, j'ai cru entendre à chaque inspiration un bruit analogue à celui du souffle respiratoire. Le malade a recouvré toute sa raison et s'écrie qu'il va mourir si je ne le délivre pas sur-le-champ de cette terrible suffocation. Et en effet, il meurt quelques instans après, asphyxié, avec toute sa connaissance. Je reconnais une tympanite abdominale produite par la perforation d'un intestin.

Ouverture du cadavre. Abdomen très-ballonné, aussi tendu que sur le vivant. Je pratique avec précaution une petite ponction aux'parois abdominales : il s'échappe avec bruit une colonne d'air d'odeur sulfureuse et l'abdomen s'affaisse aussitôt. La tympanite était donc abdominale, ainsi qu'il avait été facile de le diagnostiquer. Les parois abdominales largement incisées, j'ai vu que la cavité abdominale avait une énorme capacité, que l*e diaphragme était refoulé dans la cavité thoracique jusqu'au niveau de la troisième côte, en sorte que la suffocation m'a paru le résultat mécanique du soulèvement du diaphragme.

Les intestins, refoulés en arrière, étaient comme accollés à la colonne vertébrale; les circonvolutions étaient unies entre elles par de fausses membranes récentes, et leur surface libre plaquée de rouge lie de vin et de vert sale. Cette couleur a été parfaitement rendue sur la figure 1, IGP, IGP; elle ne paraîtra forcée qu'à ceux qui n'auront pas vu ce genre de péritonite. La couleur vert sale est évidemment cadavérique ; la couleur lie de vin est naturelle. Ces deux couleurs avaient leur siège dans une pseudo-membrane récente qu'il était extrêmement facile de séparer. Du reste, une multitude de lambeaux pseudomembraneux, d'odeur et de couleur fécales, se voyaient çà et là dans l'abdomen et étaient accumulées dans le petit bassin.

J'ai fait insufler l'œsophage pour découvrir le siège précis de la perforation : l'estomac et l'intestin grêle se sont très-bien remplis ; mais à peine l'air est-il arrivé dans l'arc du colon, qu'il s'est échappé avec sifflement par plusieurs ouvertures petites, inégalement déchirées, qui occupaient la partie moyenne de l'arc du colon. Il existait trois petites perforations P, P (fig. 1); d'autres commençaient à se faire. La portion du colon sur laquelle se voyaient ces ouvertures était dilatée, très-amincie, blanche, non-seulement sans injection vasculaire, mais complètement exsangue, entrecoupée de quelques bandes circulaires d'un rouge noirâtre R qui occupent l'intérieur de l'intestin.

L'arc du colon ouvert, sa surface interne (fig. 2) présente absolument le même aspect que l'externe. Couleur blanche; demi-transparence, sans injection vasculaire. L'intestin, un peu dilaté, est prodigieusement aminci. On voit bien mieux encore que sur la figure 1 les perforations déjà faites PP et les perforations commençantes : il semble que toutes les tuniques, au niveau de l'amincissement, existent, mais presque complètement atrophiées, en sorte qu'il est impossible de reconnaître, à l'aide de la loupe, les tuniques muqueuse, fibreuse et musculeuse. Les bandes circulaires, d'un rouge foncé RR, semblent prouver qu'une inflammation intense a existé et peut-être précédé, et que les membranes internes ont

été détruites. Néanmoins il reste quelque chose de plus que la membrane péritonéale, et ce cas ressemble exactement à l'amincissement pur et simple sans érosion, à l'atrophie de l'intestin, que l'on rencontre fréquemment chez les enfans à la suite des maladies intestinales. Bien que très-minces et dilatées, les parois de l'ampoule du colon oîit encore assez de résistance. Ce n'est point là l'amincissement qui succède au ramollissement gélatiniforme.

L'estomac ( fig. 3 ) présentait dans sa grosse extrémité le ramollissement gélatiniforme RG, RG, RG qui a été si bien rendu dans cette figure.

L'intestin grêle avait été légèrement affecté dans quelques-uns de ses follicules agminés, qui étaient plus saillans que de coutume. Deux ou trois petites ulcérations circulaires existaient à une petite distance de la valvule iléo-cœcale. Un bon nombre de ganglions mésentériques étaient tuméfiés, rouges; plusieurs contenaient une matière pur if orme.

Réflexions. — Rien de plus fréquent que la perforation des intestins à la suite des inflammations folliculeuses aiguës qui désorganisent rapidement toutes les membranes internes, dissèquent pour ainsi dire le péritoine, lequel ne tarde pas lui-même à être perforé ; un second mode de perforation, c'est le développement d'un tubercule sous-péritonéal qui fait des progrès au dedans et au dehors; un troisième c'est le ramollissement gélatiniforme des intestins; un quatrième est la gangrène; un cinquième que je ne connaissais pas encore, c'est l'amincissement ou atrophie des parois de l'intestin. Or, dans le cas actuel, la perforation ne peut être le résultat que de l'une de ces deux choses ou bien de l'amincissement ou bien du ramollissement gélatiniforme; dans l'un et l'autre cas, en effet, il y a décoloration complète des tissus, sans trace de vaisseaux qui ont disparu enveloppés dans le travail désorga-nisateur. Mais dans le ramollissement il y a épaississement considérable autour de la perforation dont les bords seuls sont amincis, parce que le mucus gélatineux a été entraîné. Ici il n'y a point d'épaississement, point d'aspect gélatiniforme et les parois, malgré leur excessive ténuité, ont encore beaucoup de résistance. Je dois encore noter comme insolite, dans le ramollissement gélatiniforme, la présence de bandes circulaires d'un rouge foncé RR qui semblent les débris d'une altération semblable éprouvée par toute la portion malade.

La maladie essentielle était donc bornée à une très-petite partie de l'arc du colon, à deux ou trois cellulosités. Nous ne trouvons point là les caractères anatomiques, d'une inflammation ordinaire soit phlegmoneuse, soit dysentérique, soit folliculeuse; ce n'est pas non plus le ramollissement gélatiniforme, c'est un amincissement extrême, sans rougeur, ou plutôt avec décoloration y sans diminution notable de cohésion, que j'appellerais volontiers atrophie aiguë, et qui consiste peut-être dans un travail morbide d'absorption du tissu lui-même. Les portions intermédiaires qui ont résisté présentent un tout autre caractère, celui de l'inflammation rouge. Et pourquoi ont - elles résisté ? Ne serait-ce pas parce qu'elles ont subi ce travail d'inflammation?

Quoi qu'il en soit, les lésions cadavériques, rapprochées des symptômes, confirment pleinement le diagnostic et s'expliquent réciproquement.

L'affaissement, le découragement, le malaise intérieur à siège inconnu, firent soupçonner une affection grave de l'abdomen, probablement du canal intestinal. Dans la solution des problèmes aussi compliqués que ceux de la plupart des maladies internes, il est besoin quelquefois de plusieurs jours pour voir naître, au milieu de tous les autres élémens du problème, la donnée indispensable qui permet l'élimination de quelque inconnue. Ici cette donnée fut le dévoiement considérable. Mon attention est de suite appelée sur le gros intestin. La petitesse du pouls, le découragement toujours croissant, la sueur froide, les selles fréquentes, dénotent une affection de plus en plus grave. La contraction de l'abdomen, sans douleur notable, répond-elle à l'invasion de la péritonite ? Je ne le pense pas; je rapporte la péritonite à l'époque où l'abdomen indolent, aplati jusque-là, est devenu volumineux et sensible à la pression. Enfin la

perforation date seulement du jour de la mort, du moment où le ventre s'est énormément ballonné. H y a donc eu trois périodes dans cette maladie. Du 18 septembre jusqu'au 6 octobre, affection désorganisatrice du gros intestin, ayant pour résultat son amincissement ou atrophie aiguë; ; du 6 octobre au 18, peritonite; le 18 octobre, perforation. 0

Quant au ramollissement gélatiniforme de l'estomac, il ne s'est annoncé par aucun symptôme local, et nous verrons ailleurs qu'il en est de même toutes les fois que le ramollissement est consécutif chez l'adulte. Il me serait également difficile d'apprécier la part qu'ont prise aux symptômes et la tuméfaction des follicules agminés de Peyer, et les trois ulcérations voisines de la valvule iléo-ccecale et l'inflammation des ganglions mésentériques.

Je dois appeler l'attention des praticiens sur la mort subite ou asphyxie par tympanite péri-tonéale, qui a suivi la perforation du gros intestin. C'est la première fois que j'observe ce phénomène, bien que j'aie vu souvent la perforation des intestins à la suite des entérites folliculeuses. Pourquoi cette circonstance insolite ? Il me semble en trouver la raison dans la différence de siège et de condition; ainsi, dans le cas actuel, c'est le colon qui a été perforé; il l'a été en plusieurs points, dans un moment où il était lui-même le siège d'une tympanite. Le malade est mort comme si une grande quantité de gaz avait été rapidement insuflée dans la cavité peritoneale. Il me semble que, si jamais la ponction peut être conseillée dans un cas de tympanite, ce doit être dans ce cas, et je crois qu'on ne devrait pas hésiter à la pratiquer.

4e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DES ARTICULATIONS.

(Goutte.)

MALADIES DES ARTICULATIONS (GOUTTE).

(PLANCHE III, IVe LIVRAISON. )

La série d'articulations, représentées dans cette planche, appartenaient à un individu qui a servi à mes leçons et sur lequel je n'ai pu recueillir aucun renseignement.

La ligure i représente l'extrémité inférieure du fémur droit : on y voit plusieurs concrétions plâtreuses sur le cartilage qui revêt le condyle externe C. Ces concrétions n'étaient pas seulement déposées à la surface du cartilage, elles pénétraient toute son épaisseur jusqu'à Los. En dehors, on voit une espèce de gerbe de concrétions plâtreuses CS qui paraissent formées aux dépens d'une gerbe de franges synoviales. La synoviale, et surtout ses franges FS, plus développées que de coutume, sont d'un rouge vif tout autour de la circonférence du cartilage. D'autres concrétions CL, CL occupent la face profonde du tendon du muscle jumeau interne, et revêtent le périoste du condyle interne du fémur.

Sur la face postérieure de la rotule (fig. 2), grand nombre de petites concrétions plâtreuses C, C, C, saillantes à la surface libre du cartilage, dont les unes n'occupent que cette surface libre, plusieurs la moitié interne, d'autres toute l'épaisseur de ce cartilage. La concrétion C' est disposée linéairement. Autour de la rotule, franges synoviales FS très-rouges; petite gerbe plâtreuse CS formée par un groupe de franges pénétrées de matière plâtreuse. Ces petites gerbes flottent sous l'eau, elles sont comme soyeuses; et, en les examinant à la loupe, j'ai vu que plusieurs ne contenaient de matière plâtreuse que dans l'épaisseur de leur extrémité libre. Des points blancs presque micruseopiques étaient déposés çà et là à la surface interne de la synoviale; d'autres étaient agglomérés. On voyait de petites masses plâtreuses à la face postérieure des tendons des muscles extenseurs CS. Sur la face antérieure de la rotule, que je n'ai pas fait figurer ici, existaient deux capsules synoviales sous-cutanées; l'une, plus considérable, située entre la peau et la lame aponévrotique qui revêt la rotule, une seconde placée entre cette lame aponévrotique et la rotule; elles communiquaient entre elles par une large ouverture. Epaisses, très-denses et comme cartilagineuses, elles étaient parsemées de concrétions blanches, dont les unes paraissaient déposées à leur surface interne et les autres contenues dans leur épaisseur. Le liquide qu'elles contenaient était trouble comme de la chaux délayée. La couche fibreuse qui revêt la rotule était également pénétrée de ces concrétions , tantôt irrégulièrement agglomérées, tantôt disposées linéairement. Au reste toutes ces concrétions, examinées à la loupe, semblaient formées comme par des grains de chaux placés les uns à côté des autres.

Fig. 3. Mortaise tibio-péronière entièrement encroûtée de la même matière crétacée C, laquelle occupait la surface libre du cartilage. Sous elle le cartilage était sain. Synoviales injectées; franges synoviales très-rouges tout autour et surtout entre le tibia et le péroné FS ; quelques-unes de ces franges étaient comme couronnées de matière crétacée. Le ligament latéral interne de même que l'externe CL en étaient pénétrés. Le ligament postérieur de l'articulation était également infiltré de concrétions plâtreuses, saillantes, les unes en dedans de l'articulation, les autres en dehors.

Fig. 4. Poulie astragalienne PA entièrement recouverte de matière crétacée, laquelle était rayée dans le sens des mouvemens ; cette matière recouvrait aussi les facettes articulaires latérales qui répondent aux malléoles externe et interne. La facette latérale externe FE a pu seule être montrée sur cette figure. Des franges rouges environnent la surface articulaire. TC est la tubérosité antérieure du calcanéum, C le talon , T la tête de l'astragale. Le cartilage était profondément altéré; la matière plâtreuse le pénétrait en

IVe LIVRAISON. 1

très-grande partie. La figure 4, qui présente une coupe de l'astragale, montre en outre, dans l'épaisseur de l'os, à une certaine distance du cartilage, de petites masses crétacées; le cartilage articulaire, en se desséchant, a éclaté au niveau des concrétions et a permis devoir comme quoi il en était pénétré. J'ai même trouvé dans l'épaisseur du même os, près de sa face calcanéenne, au-dessus du cartilage parfaitement sain, un dépôt de matière crétacée.

Le tissu cellulaire adipeux qui revêt les faces plantaire et latérales du calcanéum était pénétré de matière plâtreuse déposée çà et là en petites masses : autour du tendon d'Achille, masse plâtreuse considérable non adhérente.

Fig. 5. Rien ou presque rien dans l'articulation des deux rangées du tarse et dans l'articulation astragalo-calcanéenne ; à peine quelques points blancs sont-ils déposés sur les cartilages de l'articulation calcanéo-cuboïdienne. L'articulation astragalo-scaphoïdienne était saine. Il n'en était pas de même de l'articulation du scaphoïde S avec les trois cunéiformes iG, 2C, 3G, et avec le cuboïde C. Les quatre facettes articulaires du premier étaient encroûtées de matière crétacée, de même que les facettes correspondantes des os cunéiformes, et les articulations des os cunéiformes entre eux. Les articulations cunéo-métatarsiennes et cuboïdo-métatarsiennes qui n'ont pas été représentées ici, étaient inégalement, mais légèrement encroûtées. Les articulations du premier métatarsien avec le premier cunéiforme, et du cinquième métatarsien avec le cuboïde étaient beaucoup plus encroûtées que les articulations intermédiaires.

La figure 6 représente la face dorsale du gros orteil droit. AMP, articulation métatarso-phalangienne du gros orteil. On y remarque des concrétions plâtreuses qui encroûtent les cartilages; des concrétions plus considérables encore sont autour de l'articulation; les unes extérieures et les autres intérieures à la synoviale. GP concrétions plâtreuses périostiques disposées linéairement. AP est l'articulation phalangienne ankylosée du gros orteil ; les deux phalanges ayant été séparées avec effort, j'ai vu que les cartilages articulaires avaient complètement disparu, que les surfaces osseuses elles-mêmes étaient profondément éro-dées , et que la matière crétacée, que j'appellerai matière goutteuse, remplissait les vides.

La figure représente la face plantaire du même orteil.

CP, concrétions périostiques linéaires; AMP, articulation métatarso - phalangienne vue du côté de la face plantaire. L'altération est beaucoup plus considérable que du côté de la face dorsale; les os sont usés, comme corrodés ; les deux os sésamoïdes eux-mêmes OS, OS, sont en partie usés ; une grande quantité de matière goutteuse est irrégulièrement déposée dans l'intérieur de cette articulation. Le tendon du long fléchisseur du gros orteil est parsemé de concrétions crétacées, déposées partie sur sa face supérieure, partie sur sa face inférieure.

La fig. 6" représente le gros orteil vu de profil avant la désarticulation. AMP est l'articulation métatarso-phalangienne, autour et en dehors de laquelle, dans l'épaisseur des ligamens et du tissu cellulaire, existent des concrétions goutteuses CL : CP, CP sont de petites masses de concrétions goutteuses déposées le long des phalanges et autour de l'articulation phalangienne AP, laquelle était déformée et ankylosée dans une extension forcée.

Les figures 7 et 8 représentent : la première, la face dorsale du pouce, et la seconde la face dorsale du petit doigt de la main droite. On y voit des concrétions goutteuses dans les articulations AMP, AMP , sur le périoste CP, CP, CP, et sous les tendons extenseurs CT. Les doigts intermédiaires de la main droite et de la main gauche étaient la plupart dans l'état naturel ; quelques-uns très-légèrement encroûtés.

D'autres articulations des extrémités supérieures présentaient des altérations analogues. La capsule sous-cutanée du coude contenait aussi une matière plâtreuse; l'articulation du coude était saine; mais le long du muscle biceps, dans l'épaisseur du tissu cellulaire du pli du bras, et même dans l'épaisseur de quelques muscles j'ai rencontré des masses de concrétions plâtreuses sous la forme de petits grains non cohérens.

A un mois d'intervalle, j'ai eu occasion d'observer un autre fait entièrement semblable et qui ne serait que la répétition du fait précédent. Je préfère donc rapprocher de la description qu'on vient de lire un cas analogue décrit avec une rare exactitude par M. Fauconneau-Dufresne dans sa dissertation inaugurale, et dont voici l'analyse (*).

L. Flouris, ex-capitaine; cinquante-ans; vingt-huit ans de service; grêle, mais fort; est sujet depuis dix ans à des douleurs qu'il qualifie de rhumatismales, et qu'il attribue au bivouac. Depuis six ans, elles ont augmenté d'intensité, et spécialement dans les poignets; elles reviennent par attaques très-violentes chaque année; aucune n'avait été précédée d'affection gastrique. Jamais on n'avait eu recours a la saignée.

Une nouvelle attaque survient dans les premiers jours de juin 1824; Flouris entre à la Charité (service de M. Fouquier) le i4, dans l'état suivant : dévoiement; soif; fièvre*, grande maigreur : les articulations fixèrent principalement l'attention : les premières phalanges de la main droite étaient presque immobiles sur les métacarpiens correspondans et très-peu mobiles sur les autres phalanges. Les doigts étaient fléchis à angle droit sur la paume de la main et portés très-obliquement en dehors. Petites nodosités sur presque toutes les articulations des deux mains. Au coude droit, tumeur bosselée du volume d'une grosse noix, molle en quelques points, dure en quelques autres, sans changement de couleur à la peau. Articulations huméro-cubitales fléchies à angle droit, et cependant mobiles jusqu'à un certain point. Depuis dix-sept jours, vives douleurs dans presque toutes les articulations et plus particulièrement aux genoux, qui sont rouges, tuméfiés, fléchis sur les cuisses, et qu'on est obligé de maintenir dans cette position à l'aide de draps roulés.

Douze sangsues sur chacun des genoux, les cataplasmes, le repos, la diète dissipèrent les douleurs articulaires et les symptômes fébriles; le dévoiement persista ; bientôt, fièvre, vomissemens; mort le i5 juillet dans le marasme.

Ouverture du cadavre. Dans le colon descendant lombaire et le rectum, ulcérations d'autant plus multipliées qu'on approche davantage de Fanus : rien de bien remarquable dans les autres viscères des cavités splanchniques.

Voici les particularités qu'ont présentées les articulations :

c Articulation fémoro-tibiale gauche. Toute la surface interne de cette articulation était recouverte d'une « couche de matière blanchâtre, rugueuse, inégale, sillonnée par de nombreuses stries, qui, dans quelques « points, laissaient voir la substance osseuse à nu : dans d'autres points, cette couche s'enlevait en grattant « un peu fort, et laissait voir au-dessous d'elle le cartilage intact; elle semblaitdans ce dernier cas, « déposée entre le cartilage conservé sain et la membrane synoviale. Quelques portions de surface articu-« laire en étaient dépourvues ; son épaisseur était variable. Ici elle n'était que d'une demi-ligne, et là d'une « ligne et demie à deux lignes. Cette matière était friable; elle avait la consistance, la couleur et l'ensem-« ble des propriétés physiques du plâtre desséché. Près des surfaces articulaires, un peu en dehors, au-« dessous de la rotule, cette couche était fort épaisse et se trouvait en contact immédiat avec le tissu adi-« peux. Une grande portion de la face antérieure de la rotule en était recouverte dans l'épaisseur d'une « ligne et demie. Le siège était évidemment entre cet os et le ligament rotulien (ce qui veut dire, sans « doute, entre la rotule et la couche fibreuse qui revêt sa face antérieure). Au-dessous d'elle, le tissu de la « rotule était fortement injecté. Par la section de Fos, on s'est assuré que cette rougeur n'était que super-« ficielle : cette section a eu l'avantage de faire découvrir la même substance formant un noyau au centre « de la rotule, où elle était déposée dans les aréoles de son tissu. Son volume égalait celui d'une noisette un « peu aplatie. Cette substance intérieure ne communiquait nullement avec celle extérieure à Fos. Au-des-« sous de la rotule, en dedans du ligament rotulien, existait un kyste gros comme une noisette, rempli « d'un liquide rougeâtre au milieu duquel nageaient une immense quantité de petits grains, qui semblaient

(*) Observations et propositions sur quelques points de médecine et de chirurgie, i8»4«

« être la matière précédemment décrite divisée en molécules extrêmement petites, il en résultait un as-« pect assez semblable à celui du ciment. Tout le long du ligament rotulien, dans l'intervalle de ses fais-« ceaux et de ses fibres, on retrouvait encore la même matière qui les avait écartées et comme disséquées. « Ces fibres n'étaient nullement altérées. »

L'articulation fémoro-tibiale droite présentait, au niveau du condyle externe, une couche plus épaisse encore que du côté gauche ; on trouva sous elle la substance osseuse rugueuse et entamée. Aux articulations tibio-tarsiennes , couche très-mince et très-lisse, qui semblait déposée entre le cartilage et la membrane synoviale. Au-devant de la surface articulaire du tibia, entre l'os et les parties ligamenteuses, couche plâtreuse épaisse d'un pouce. — Les articulations tarsiennes et le plus grand nombre des articulations tarso-métatarsiennes et métatarsiennes étaient ankylosées. Des lignes blanches indiquaient le lieu de la soudure : la matière plâtreuse était déposée en petites masses tout autour. — L'articulation métatarso-phalangienne du gros orteil était remplie de grumeaux plâtreux demi-solides. Les cartilages étaient détruits , les surfaces osseuses rugueuses et très-rouges : la substance spongieuse des extrémités osseuses était infiltrée de la même matière. — Les autres articulations métatarso-phalangiennes et phalangiennes conservaient leur mobilité : couche mince de matière plâtreuse qui semble être déposée sous, la membrane synoviale. Petites masses plâtreuses dures à l'extérieur de ces articulations. Deux articulations des dernières phalanges étaient saines.

Dans les articulations huméro-cubitalesj surfaces articulaires couvertes d'un enduit plâtreux lisse; encroûtement plâtreux des parties fibreuses environnantes. La tumeur du coude droit consistait dans une matière crémeuse, blanche, formée par une très-grande quantité de petits grains crétacés.—Couche plâtreuse mince dans les articulations radio-carpiennes.—Soudure des os du carpe.—Incrustation plâtreuse épaisse et soudure des articulations carpo-métacarpiennes. — Infiltration de grumeaux plâtreux dans les aréoles du tissu osseux. — Incrustation simple des articulations phalangiennes. Autour d'elles, masses plâtreuses qui formaient les nodosités observées durant la vie. — Les tendons des muscles fléchisseurs contenaient dans leur épaisseur beaucoup de petits grains plâtreux déposés entre leurs fibres. Il y en avait aussi une assez grande quantité dans les gaines fibreuses des doigts.

Articulations coxofémorales. Têtes des fémurs dans leur état naturel. Dans la cavité cotyloïde gauche, matière plâtreuse déposée sous la forme de petites plaques isolées ; cartilage intact. Ligament cotyloïdienet ligament capsulaire infiltrés sous la forme de points et de lignes. Cavité cotyloïde droite tapissée d'une couche mince et lisse, laissant voirie cartilage sain au-dessous d'elle. Franges synoviales des deux cavités très-épaisses et très-rouges. Autour de l'articulation, sur l'os iliaque et le fémur, petits amas crétacés qui pa-sent déposés à la surface du périoste.

Les articulations scapulo-humérales n'offraient que quelques plaques ou points de matière crétacée. — On en trouvait quelques grains dans l'articulation de la symphyse pubienne, dans l'épaisseur des substances intervertébrales.— Quelques plaques dans les articulations costo-transversaires et temporo-maxillaires.

Au milieu des muscles postérieurs de la cuisse, amas de matière crétacée gros comme une noisette et entouré d'une membrane celluleuse. — A la partie interne de la jambe j entre l'aponévrose et les muscles, couche de matière crétacée épaisse de six lignes. — A F oreille gauche, entre le derme et le cartilage, petits grumeaux apparens à travers la peau.

RÉFLEXIONS SUR LES FAITS PRÉCÉDENS ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

SUR LA GOUTTE.

Les deux faits qui précèdent me paraissent remplir en grande partie la lacune qui existe dans la science sous le rapport de l'anatomie pathologique de la goutte.

La lésion matérielle de la goutte, celle qui lui est exclusivement propre, consiste donc dans le dépôt de matières topliacées dans l'intérieur des articulations et dans leur voisinage. Cette matière tophacéc, que Wollaston le premier a fait connaître comme étant de l'urate de soude, soumise à l'analyse par M. Laugier, professeur au Muséum d'histoire naturelle, a donné pour résultat, sur 11 parties: eau enlevée parla dessiccation, i ; matière animale, i ; acide urique, i ; soude combinée à cet acide, i ; chaux combinée avec l'acide urique, i ; hydrochlorate de soude, i ; perte, 2 parties. Dans le cas représenté planche ni, les concrétions arthritiques analysées par M. E. Barruel étaient un mélange dura te de soude et de phosphate de chaux, le dernier sel en plus grande proportion (*). Il suit de là que l'urate de soude et le phosphate de chaux sont la base des tophus goutteux; or l'acide urique ne se trouve que dans l'urine, dans l'urine se trouve encore la soude : le phosphate de chaux, dont on ne rencontre qu'un atome dans l'urine ordinaire, s'y voit quelquefois en quantité considérable pour former les calculs de phosphate de chaux. Le rapport entre la sécrétion urinaire et la goutte, démontré cliniquemént par tant de

(*) Voici les détails de celte analyse : « La portion de membre sur laquelle se trouvent ces concrétions est une partie du pied;

Sur les surfaces articulaires se trouve une matière blanche en très-petite quantité, fortement adhérente à l'os et ressemblant à un mastic qui y aurait été appliqué.

Autour de chaque articulation existe un bourrelet d'une matière jaunâtre, enfermée dans une membrane et formée de petits grains qui, vus à la loupe, ont une apparence cristalline. Cette matière est plus abondante que celle qui tapisse les surfaces articulaires. •

La pellicule blanche des surfaces articulaires a été enlevée avec soin à l'aide d'un canif: on a eu l'attention d'enlever le moins possible de matière cartilagineuse de l'os. On a également détaché la matière jaunâtre formant bourrelet autour des articulations 5 chacune de ces matières a été mise à part et traitée séparément.

Les auteurs qui parlent de ces concrétions les regardent comme de Yurate de soude. C'est dans le but de vérifier cette assertion que je les ai soumises à l'analyse chimique.

J'ai opéré d'abord sur la matière jaunâtre qui se trouve autour des articulations : j'ai pris la moitié de cette matière et l'ai triturée avec une dissolution de potasse caustique en léger excès. L'odorat n'a pu faire découvrir aucune trace d'ammoniaque ; mais un bouchon de verre, imprégné d'acide hydrochlorique, ayant été approché du mortier, a répandu des vapeurs plus considérables et plus blanches que dans l'air atmosphérique , ce qui a indiqué la présence de Y ammoniaque., mais en très-faible quantité.

J'ai filtré la liqueur provenant de la trituration de la matière avec la potasse, et lavé le filtre avec très-peu d'eau : il est resté sur le filtre une matière animale , comme cartilagineuse , contenant du phosphate de chaux. La liqueur filtrée , traitée par Y acide hydrochlorique en excès , il s'est formé un précipité blanc floconneux, qui, au bout de quelques heures de repos, a présenté un aspect cristallin , ce qui semble indiquer Y acide urique. Voulant reconnaître si réellement le précipité était formé par cet acide, j'y ai recherché le caractère distinctif de cet acide, qui est, lorsqu'on le traite à chaud par un léger excès d'acide nitrique et qu'on évapore jusqu'à siccité, de donner cette nouvelle substance connue sous le nom d acide purpurique. A cet effet, j'ai filtré la liqueur contenant le précipité blanc cristallin et fait sécher le filtre. J'ai détaché ce précipité et l'ai mis sur un verre de montre avec quelques gouttes d acide nitrique, puis j'ai chauffé au bain de sable : il y a eu dégagement de deutoxide d? azote , et la matière, en se desséchant, a pris une couleur pourpre assez intense.

Pour reconnaître si Y acide urique était combiné avec la soude ou Y ammoniaque, comme pouvait le faire présumer la présence de ce dernier corps démontrée plus haut, j'ai pris la seconde portion de la matière formant bourrelet autour des articulations, je l'ai calcinée au rouge dans un tube de verre : lorsque la calcination a été terminée, j'ai laissé refroidir le tube, j'y ai versé de l'eau distillée, puis j'ai filtré la liqueur. (Si Y acide urique était combiné avec Y ammoniaque, il ne devait rester dans le tube que du charbon provenant de la décomposition de Yurate d'ammoniaque ,* si au contraire l'acide urique était combiné avec la soude, par la décomposition de cet acide, il devait se former du prussiate de soude. ) J'ai séparé la liqueur en deux portions ; j'ai versé dans la première une goutte ou deux de sulfate de fer, et j'ai eu un précipité abondant de bleu de Prusse ( prussiate de fer ) , ce qui a indiqué la présence d'un hydrocyanate alcalin. L'autre portion de la liqueur a été évaporée jusqu'à siccité, puis chauffée fortement jusqu'au rouge, et projetant alors dessus du nitrate d'ammoniaque, j'ai décomposé l'acide prussique et transformé le sel en carbonate.

Par cette opération , j'ai obtenu une matière blanche alcaline, ramenant au bleu le papier de tournesol rougi par un acide, et qui n'a pas précipité la dissolution de platine.

La pellicule blanche qui se trouvait sur les surfaces articulaires a été soumise aux mêmes opérations que ci-dessus, et a donné les mêmes résultats.

Par les expériences que je viens de décrire , il est bien constaté que la pellicule des surfaces articulaires, etla matière cristalline formant bourrelet autour des articulations, est une combinaison d'acide urique et de soude mélangée avec une plus forte proportion de phosphate de chaux.

Quant à l'ammoniaque, dont on n'a pu apercevoir que des traces, il me semble qu'elle doit être attribuée à l'altération spontanée de la matière animale qui adhérait encore aux os plutôt qu'à l'existence de Y urate d ammoniaque. Toutefois l'existence de ce sel n'est point impossible ; mais, pour la vérifier, il faudrait avoir des concrétions arthritiques nouvellement extraites des cadavres et avant que la décomposition spontanée de la matière animale n'ait eu lieu.

Ces expériences ont été faites sous la surveillance de mon père, qui en garantit l'exactitude.

E. Baruuel. »

ive livraison. 1

laits, est donc prouvé matériellement par la chimie pathologique; nous ne devons plus être étonnés quand nous voyons une urine rouge, chargée d'une quantité énorme d'acide urique ou bien de graviers d'acide urique, terminer comme par crise un accès de goutte; nous comprenons l'affinité qui existe entre la gravelle, la pierre vésicale et la goutte ; comment ces deux affections se remplacent l'une l'autre chez le même individu ou dans les familles de goutteux. L'hérédité de la goutte est jusqu'à un certain point expliquée, car rien ne se transmet par voie de génération aussi facilement que la disposition à telle ou telle sécrétion.

II résulte des faits précédens que l'urate est le plus souvent déposé, non entre le cartilage et la synoviale qui le revêt, comme le dit M. Fauconneau, mais à la surface libre du cartilage, quelquefois dans l'épaisseur même de ce cartilage, dans l'épaisseur des franges synoviales, à la face interne et même souvent en dehors de la synoviale, dans le tissu cellulaire libre qui entoure l'articulation, dans le tissu adipeux, le long des tendons et des ligamens, dans l'épaisseur de ces tendons et de ces ligamens, dans l'épaisseur des muscles, sous les aponévroses, sur le périoste ou dans son épaisseur , dans les capsules synoviales tendineuses et sous-cutanées et jusqu'au centre des os, en un mot dans toutes les parties qui concourent au système de la locomotion. Resterait maintenant à découvrir l'urate et le phosphate dans les viscères qui sont si souvent affectés consécutivement dans la goutte. La rougeur et le développement des franges synoviales et des réseaux veineux qui existent tout autour des articulations , prouvent qu'une fluxion sanguine précède la formation des concrétions ; le développement des veines du membre affecté de goutte, les varices dont il est si souvent le siège, l'induration du tissu cellulaire, que j'ai constatée dans le cas représenté planche in, et que j'ai vue bien plus considérable encore chez d'autres individus ; les taches de sang qu'on observe quelquefois à la peau autour d'une articulation malade, tous phénomènes qui accompagnent et suivent le dépôt tophacé , démontrent l'existence d'une fluxion sanguine qui n'est point l'inflammation proprement dite, qui s'accompagne d'une douleur atroce, comme si on perçait les os avec une vrille, qui ne se termine jamais par la suppuration, et qui a pour résultat la sécrétion de l'urate. Cette sécrétion a-t-elle lieu dès la première attaque de goutte? se renouvelle-t-elle à chaque attaque? Cela ne me paraît pas douteux. La formation de l'urate et du phosphate est un phénomène trop spécial pour qu'on ne doive pas lui donner la première place dans la série des phénomènes qui constituent la maladie, et je regarderai jusqu'à nouvel ordre l'urate comme la cause matérielle de la goutte, amené, comme malgré moi, par l'anatomie pathologique à la même opinion que Sydenham et tant d'autres observateurs de l'antiquité. Il est rare qu'un goutteux, qui a eu une attaque bien prononcée dans une articulation, n'y conserve pas long-temps une tuméfaction légère, une gêne dans les mouvemens qui attestent qu'il s'est passé là un travail organique qui a eu un résultat organique. Il est probable qu'à la longue l'urate est absorbé ; aussi les individus qui n'éprouvent que de loin en loin des accès de goutte recouvrent-ils la liberté parfaite de leurs mouvemens ; mais les attaques complètes et rapprochées ont pour résultat la déformation toujours croissante de l'articulation ; l'urate se dépose non-seulement dans l'intérieur de la synoviale, mais tout autour de l'articulation , dans l'épaisseur des os ; les cartilages sont usés, corrodés par l'urate déposé à leur surface et infiltré dans leur épaisseur. Tantôt survient une ankylose complète, et alors la goutte abandonne cette articulation. (J'ai vu un malade qui a eu successivement toutes les articulations ankylosées par la goutte; les attaques cessèrent après l'ankylose des genoux. Plus tard, il a éprouvé plusieurs attaques d'apoplexie.) Tantôt le tissu osseux serode comme le cartilage, et on voit des phalanges détruites en grande partie, soit régulièrement, et dans ce cas les doigts conservent leur direction naturelle; soit irrégulièrement, et alors la phalange s'incline en haut, en bas ou de côté. Hors de l'articulation, les uodus d'urate augmentent peu à peu, irritent le tissu cellulaire et la peau à la manière d'un corps étranger, et sont expulsés au milieu d'une suppuration plu§ ou moins abondante : souvent alors l'ouverture reste fistuleuse et donne issue par intervalles à des concrétions plus ou moins considérables. Quelquefois ce sont les articula

lions elles-mêmes qui fournissent l'urate rejeté au dehors : cette communication de larticula-tion avec l'air extérieur n'a plus d'inconvenions, vu la transformation qu'ont subie ses parties constituantes.

La grande différence qui existe entre la goutte et le rhumatisme me parait principalement consister dans la sécrétion de l'urate dans un cas, et dans le défaut de cette sécrétion dans l'autre : la goutte est une maladie constitutionnelle, cjue prépare et que provoque une cause héréditaire ou acquise, et qui a pour résultat une sécrétion dépuratrice; le rhumatisme est une affection locale que préparent et que provoquent des causes extérieures : le rhumatisme est une inflammation qui a pour résultats toutes les terminaisons possibles de l'inflammation et en particulier la suppuration, les inflammations chroniques et dégénérations de tissu connues sous le nom de tumeurs blanches. Dans le rhumatisme, il y a souvent usure des cartilages, puis usure et éburnification des os dépouillés, végétations osseuses, déformation des surfaces articulaires, mais jamais la plus légère trace d'urate. La goutte n'est point une inflammation proprement dite, jamais elle n'est suivie de suppuration (*), de tumeurs blanches; c'est une fluxion à la fois sanguine et sécrétoire sur les articulations ; une élaboration douloureuse d'une cause morbide, inconnue dans sa nature, mais qui sé manifeste par la formation de l'urate de soude et du phosphate de chaux, par l'usure des cartilages et des os, l'ankylose. Le traitement local dans la goutte n'est que palliatif; c'est dans le régime qu'il faut chercher les moyens préservatifs et curatifs : on provoque pour ainsi dire à volonté un accès de goutte par une nourriture trop abondante, trop substantielle, trop stimulante ; le goutteux reconnait l'invasion prochaine d'un accès à son état de bien-être, au retour de son embonpoint. Il semble que la goutte exige pour se manifester une surabondance de sucs réparateurs : aussi fuit-elle les chaumières ou la tente du soldat pour fixer son séjour dans la demeure de l'opulence et de l'intempérant. Le rhumatisme, au contraire, est la maladie de la classe laborieuse de la société , du laboureur, de l'artisan , du militaire exposé à toutes les intempéries de la saison. On peut aussi en provoquer à volonté les atteintes, mais par des causes extérieures, par la suppression intempestive d'un vêtement, par un courant d'air, la pluie reçue, etc.; de même qu'on peut le prévenir en se garantissant des variations brusques de l'atmosphère.

Une différence non moins remarquable est relative au siège : la goutte affectant une prédilection spéciale pour les petites articulations ; le rhumatisme s'attaquant plus particulièrement aux grandes. Les deux faits ci-dessus me paraissent établir la loi qui préside au développement et à la répartition de la goutte dans les diverses articulations, loi que j'exprimerai ainsi : « Les « articulations qui éprouvent les frottemens, les pressions les plus considérables, sont le siège « spécial de la goutte : et lorsque la goutte se fixe sur un grand nombre d'articulations, l'ordre « de développement et l'intensité de la lésion sont dans un rapport direct, j'ai presque dit né-« cessaire, avec le degré de frottement et de pression. »

Ainsi la goutte se déclare essentiellement dans l'appareil locomoteur; elle n'épargne aucun des nombreux tissus qui entrent dans sa composition, os, cartilages, synoviales articulaires, tendineuses et sous-cutanées ; ligamens, tendons, muscles, périoste, aponévroses, tissu cellulaire libre qui entoure les tendons et les ligamens. Elle envahit de préférence les articulations métatarso-phalangienne et phalangienne du gros orteil, parce que ce sont les articulations qui éprouvent dans la marche et dans la station les pressions, les frottemens les plus considérables; après le gros orteil vient le petit orteil; après le petit orteil, les orteils intermédiaires, etc. ; et si quelques circonstances des faits précédens semblent se soustraire à cette loi, si les articulations tarsiennes ne sont pas également affectées chez les divers individus, cette différence peut tenir à des variétés individuelles dans le mécanisme de la station et de la progression : ainsi les articulations des deux rangées du tarse prennent à la locomotion une part tantôt plus, tantôt moins active que les articulations cunéennes, scaphoïdo-cunéennes.

O La suppuration qui se déclare quelquefois est consécutive, éventuelle et extérieure à l'articulation.

Je ferai remarquer, en terminant, que la présence d'une couche d'urate sur les cartilages milite en faveur de l'existence d'une membrane sécrétoire sur ces cartilages, et que l'apparition des premiers points d'urate sur le cartilage confirme la loi que j'ai cru devoir établir, attendu que les cartilages sont les parties de l'articulation qui éprouvent les chocs les plus violens et les plus habituels.

4e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DE LA COLONNE VERTEBRALE .

MALADIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE.

Déviation antéro-postérieure de la colonne vertébrale a angle très-aigu (fîg. i et i). Ankjlose

avec fusion de cinq vertebres (*).

( planche iv, ive livraison. )

Fig. i. L'individu auquel appartenait cette colonne vertébrale n'était nullement paraplégique; et cependant l'incurvation est portée aussi loin que possible; bien différente des incurvations ordinairess dans lesquelles le rachis décrit des courbes régulières à diamètres plus ou moins considérables ; elle consiste dans un angle extrêmement aigu formé par la moitié supérieure du levier vertébral avec la moitié inférieure ; il est même incontestable que cet angle aurait été encore plus aigu sans la rencontre de la onzième avec la cin-, quième vertèbre dorsale ( i r VD et 5e VD), rencontre violente, car la première de ces vertèbres est reçue dans un enfoncement que son bord supérieur a creusé sur le corps de la deuxième* Il y a disparition presque complète du corps des sixième, septième, huitième, neuvième et dixième vertèbres dorsales ( 6e VD, 7e VD, 8e VD, 9e VD, 10e VD) : leurs débris confondus forment une masse couverte de végétations protectrices V, laquelle masse se continue en bas avec la onzième vertèbre dorsale, et semble en haut et en avant creusée d'une excavation profonde pour recevoir le plan inférieur de la cinquième vertèbre de la même région.

Les trous de conjugaison sont tous maintenus ; mais tous aussi sont déformés, plusieurs rétrécis, portés en arrière. Les plus petits et les plus déformes sont TC, TC, TC". Les nerfs intercostaux correspondans devaient être comprimés. Il arrive rarement que ces trous soient complètement effacés. J'ai vu des colonnes vertébrales plus irrégulières encore, et jamais je n'ai vu manquer les trous de conjugaison : la présence d'un nerf et d'un vaisseau, ces parties fondamentales de l'organisation, semblent en quelque sorte respectées par les lésions organiques quelles qu'elles soient ; ces lésions circulent tout autour, mais ne les envahissent presque jamais ou du moins les envahissent après tous les autres tissus, lorsqu'elles sont parvenues à leur dernière période.

Toutefois les trous de conjugaison étant destinés à la fois et au passage des nerfs et aux communications des veines intra-rachidiennes avec les veines extra-rachidiennes, on conçoit que la compression des nerfs intercostaux, d'une part, doive gêner l'action des muscles du même nom, et que, d'une autre part, le trouble dans la circulation veineuse du rachis puisse concourir au trouble de la circulation veineuse générale, a l'oppression, à l'asthme des bossus.

Les apophyses épineuses correspondantes avaient subi une déviation remarquable : au lieu de former des arrêtes saillantes, elles s'étaient inclinées (AE, AE) et même légèrement recourbées, de manière à remplir tout l'intervalle qui sépare la huitième de la neuvième et la neuvième de la dixième vertèbres dorsales, et à compléter en arrière le canal raehidien.

Ainsi, tandis que la région antérieure de la colonne vertébrale présente un angle très-aigu, la région postérieure présente une courbure graduelle; et ici, comme dans presque tous les cas de déviation de l'épine, il n'y a aucun rapport entre la courbure antérieure et la courbure postérieure.

(*) Pièce donnée par M. Fischer, membre de la Société anatomique.

ive livraison. 1

Il était curieux de constater comment la nature avait pu conserver le canal vertébral intact au milieu d'une aussi grande déviation. La colonne vertébrale a été sciée dans sa longueur, et nous avons pu voir ( fig. i ) avec quel art le canal a été maintenu au milieu d'un désordre aussi grand que cefui qu'entraîne la disparition du corps de cinq vertèbres : en effet, à peine existe-t-il un léger coude AV, lequel ne devait pas notablement comprimer la moelle, d'où le défaut de paraplégie.

Ce cas est un des plus beaux que je connaisse sous le point de vue des efforts de la nature pour maintenir le calibre du canal vertébral. Cinq corps de vertèbres ont été usés, et cependant la consolidation s'est effectuée sans compression de la moelle épinière, et il y a eu ankylose. Tous ces débris de corps de vertèbres se sont soudés, fondus ensemble, c'est ce que j'ai cru devoir appeler ankylose avec fusion, pour la distinguer des autres espèces d'ankylose.

A quelle maladie succède une incurvation aussi considérable ? Je viens d'observer un fait qui en démontre la génération de la manière la plus manifeste. Un enfant de dix ans, qui présentait au niveau de la région dorsale un angle aigu saillant en arrière, rentrant en devant, plus considérable encore que dans le cas précédent, a été apporté à mon laboratoire. Les muscles des gouttières vertébrales enlevés, le thorax ouvert, j'ai vu, au devant de l'angle rentrant, une tumeur fluctuante du volume d'un œuf de poule, formée par une poche fibreuse remplie par une matière blanche, grumeleuse, caséiforme. Les deux nerfs grands sympathiques étaient situés dans l'épaisseur des parois de cette poche; ils étaient remarquables par le volume des ganglions et des nerfs de communication, soit de ces ganglions entre eux, soit des ganglions avec les nerfs intercostaux. Leur tissu était très-dense, demi-transparent, grisâtre; j'ai vainement cherché au milieu de leur substance des filamens nerveux proprement dits ; ces filamens semblaient avoir disparu au milieu du tissu fibreux. Cette altération des ganglions nerveux doit être plus fréquente qu'on ne l'imagine dans les maladies de la colonne vertébrale ; distendus et comprimés, ils subissent la loi commune, le tissu propre disparaît, la cellulosité qui forme la trame de tout organe vivant s'hypertrophie et devient partie intégrante de la poche. L'abcès caséiforme se prolongeait, en bas, entre le ligament vertébral commun antérieur et la dernière vertèbre dorsale et la première lombaire; en haut, entre le ligament vertébral commun postérieur et le plan postérieur du corps des deux premières vertèbres dorsales, je n'ai trouvé que des débris des corps des troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième, dixième et onzième vertèbres dorsales et des disques intervertébraux correspondais. La fusion de ces débris commençait à se faire, mais il était facile d'imprimer des mouvemens en sens contraire aux deux moitiés restantes de la colonne vertébrale. Le canal vertébral ouvert en arrière, j'ai vu que la moelle était aplatie, mais intacte et sans aucune espèce de ramollissement, que le ligament vertébral commun postérieur avait formé comme une barrière impénétrable au pus et avait maintenu la continuité du canal; j'ai pu constater pour la vingtième fois que les maladies de la colonne vertébrale, comme d'ailleurs toutes celles du tissu osseux, ont leur siège, non dans le tissu osseux lui-même, mais dans le tissu cellulaire adipeux ou médullaire qui en remplit les cellules ; que ce tissu cellulaire enflammé fournit tantôt du pus en abondance, d'où les abcès par congestion; tantôt un pus moins abondant, dont l'absorption peut s'-empa-rer en totalité; que les cellules du tissu osseux distendues par le développement de ce tissu cellulaire, dépouillées de leurs matériaux de nutrition, peuvent être complètement absorbées, d'où la disparition des os sans débris. Si la maladie est bornée à un ou deux os, l'incurvation se fait brusquement et avec coude, d'où la compression de la moelle : si elle envahit un grand nombre d'os, le coude est beaucoup moins brusque; une courbe plus ou moins régulière répond en arrière au coude antérieur. Quelquefois , comme dans les deux exemples précédens, la moitié supérieure et la moitié inférieure de la colonne vertébrale, accolées l'une à l'autre, sont pour ainsi dire parallèles dans une certaine étendue pour s'éloigner ensuite et former un angle plus ou moins aigu; mais en arrière les lames s'allongent, les apophyses épineuses se recourbent. En un mot, la moelle peut continuer à être protégée même après la disparition d'un

grand nombre de corps de verlèbres , car les corps servent essentiellement de colonnes de sustentation; le reste de l'anneau vertébral est essentiellement un cylindre protecteur de la moelle : les grands surtouts ligamenteux antérieur et postérieur jouent donc un rôle très-important dans les maladies de la colonne vertébrale, et constituent en quelque sorte un canal supplémentaire de la colonne osseuse.

Tous les trous de conjugaison subsistaient encore; mais extrêmement rapprochés et déformés ; les côtes, aplaties de haut en bas, creusées en gouttières supérieurement et inférieurement, interceptaient, par leur rapprochement un canal protecteur des nerfs et des vaisseaux intercostaux.

Je suis persuadé que cet enfant jouissait de la liberté du mouvement des extrémités inférieures. La moelle peut s'aplatir légèrement, acquérir dans un sens les dimensions qu'elle perd dans un autre sens, sans qu'il y ait paralysie permanente des extrémités inférieures. Dans aucun cas la propriété isolante des membranes fibreuses n'a été plus manifeste que dans le fait qu'on vient de lire. Nous avons vu qu'elle avait servi de barrière impénétrable à la matière caséiforme et au travail morbide dont elle est le résultat.

Fracture de la colonne vertébrale (fig. 3) avec luxation consécutive suivie de guérison (*).

Un couvreur, âgé de quarante ans, tombe à la renverse du faîte d'une maison sur un tas de pierres, et est à l'instant frappé de paralysie des extrémités inférieures. Transporté dans un hôpital, on soupçonne une fracture de la colonne vertébrale. La sensibilité ne tarde pas à reparaître dans les membres paralysés. Pour ramener la myotilité, on eut recours successivement aux ventouses, moxas, cautères, et le succès fut, sinon complet, au moins assez prononcé pour que le malade pût marcher à l'aide de béquilles. Sa santé se soutint et ses forces s'accrurent pendant plusieurs années. Quatre ans après, dévoiement à la suite duquel il tombe dans le marasme et vient mourir à l'Hôpital Saint-Louis.

A l'ouverture du cadavre, on trouve (fig. 3) une fracture FR avec déplacement considérable de la colonne vertébrale. Cette fracture a lieu aux dépens de la deuxième vertèbre lombaire 2e VL, laquelle a été comme écrasée de haut en bas, refoulée à gauche et en arrière dans sa presque totalité, et forme la base inclinée de l'espèce de pyramide que constitue la partie supérieure de la colonne vertébrale. Une portion de cette deuxième vertèbre est restée en place ; savoir la circonférence antérieure avec les apophyses transverse et articulaires droites et la partie du corps qui les soutient ; les apophyses transverse et articulaires gauches ont été brisées. Des végétations osseuses, nées de la troisième vertèbre lombaire, viennent se souder a la circonférence antérieure de la première vertèbre lombaire : la face postérieure de cette couche de végétations , lesquelles se confondaient avec la portion de vertèbre restée en place, était soudée à la deuxième vertèbre déplacée aussi bien qu'à la première. Des végétations, nées des apophyses transverse et articulaires de la troisième vertèbre lombaire, soutenaient le plan inférieur de la deuxième.

Le plan postérieur du corps de la deuxième vertèbre aurait oblitéré le canal vertébral, si ce corps ne se trouvait brisé et comme entrouvert ; c'est dans l'espèce de gouttière résultant de l'écartement des deux frag-mens qu'avait pu se loger la queue de cheval. Les nerfs qui la constituent paraissaient comprimés et moins volumineux que de coutume ; ils étaient unis entre eux et à la dure-mère épaissie qui les recouvrait par du tissu cellulaire : au-delà de l'espèce d'étranglement qu'ils avaient éprouvé au niveau de la luxation, les nerfs paraissaient reprendre leur volume naturel.

Du reste, les os fracturés étaient environnés d'une grande quantité de tissu fibreux qui remplissait les vides et anfractuosités que laissaient entre eux les fragmens et les végétations.

Ce fait prouve, contradictoirement à ce qui est généralement admis en pathologie et en médecine légale, qu'une fracture avec déplacement considérable de la colonne vertébrale peut avoir lieu

(*) Donnée à la Société anatomique par M. Pailloux, au nom de M. Jules Cloquet.

sans que la mort en soit la suite immédiate ou éloignée, et même jusqu'à un certain point sans paralysie; mais pour cela, il est nécessaire d'un concours de circonstances qui se rencontreront bien rarement : il faut i0 que la fracture ait lieu au-dessous de la première vertèbre lombaire, c'est-à-dire au niveau de la queue de cheval; i° il faut que cette queue de cheval elle-même ne soit pas tellement comprimée qu'elle ne puisse pas s'habituer à cette compression : et sans l'espèce de gouttière ou d'hiatus fortuit qui s'est trouvé sur le plan postérieur de la vertèbre, le malade serait resté paraplégique. Du reste le mécanisme de la consolidation des fractures de la colonne vertébrale est absolument le même que celui des fractures des autres os : ce ne sont point les fragmens eux-mêmes qui travaillent à leur consolidation, mais bien les parties environnantes, tissu cellulaire, tissu fibreux, muscles,

4e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DE L'UTÉRUS. ( Vices de Conformation . Utérus bifidés et cloisonnés.)

MALADIES DE L'UTÉRUS.

Vices de conformation.— Utérus bifides et cloisonnés.

(planche v, ive livraison. )

Cette planche réunit les principales variétés connues d'utérus bifides et biloculaires.

Figure i. Utérus bifide dans son corps, cloisonné dans son col; vagin double. — Cette figure représente un utérus soumis à la Société anatomique par M. Bérard jeune, qui le rencontra par hasard sur une femme de la Salpêtrière, âgée de cinquante-six ans, morte dans le service de l'infirmerie des aliénées. Le corps est divisé en deux cornes DD7 DG, à la manière de l'utérus du plus grand nombre des mammifères; à chacune de ces cornes répondent un ligament large LL, un ligament rond LR, une trompe T et un ovaire O. Plusieurs tumeurs fibreuses TF, TF, développées çàet là dans l'épaisseur de l'utérus, donnent à la surface extérieure de cet organe un aspect bosselé et irrégulier.

A l'extérieur, le col COL ne présente d'autre trace de division qu'une dépression médiane longitudinale ; mais il existe deux museaux de tanche O, O, inégaux pour les dimensions, et l'incision du col de chaque côté de la ligne médiane démontre deux cavités bien distinctes, dont chacune communique avec la moitié du corps qui lui correspond. Le vagin V est double. La cloison intermédiaire CC est formée par deux membranes adossées dans chacune desquelles on reconnaît toute l'épaisseur des parois du vagin, unies entre elles au moyen d'un tissu cellulaire lâche qui permet leur glissement facile. Cette cloison se continue tout le long du vagin jusqu'à son orifice, en sorte qu'en écartant les grandes lèvres, on voit deux orifices circulaires séparés l'un de l'autre par une crête antéro - postérieure très-épaisse et entourés de quelques caroncules, débris probables d'un double hymen.

Voici les renseignemens qui ont pu être recueillis au sujet de cette femme : mariée trois fois, elle n'avait eu qu'un seul enfant à l'âge de dix-neuf ans. L'enfant vint à terme et mourut en naissant. L'accouchement avait été très-laborieux.

Ce cas offre beaucoup de rapport avec celui qu'on trouve représenté dans les planches de Boehmer (*). D'un col simple en apparence, part de chaque côté un corps cylindrique horizontal auquel sont attachés un ligament rond, une trompe et un ovaire. Il y avait également deux cols accolés, deux petits museaux de tanche, deux vagins. Cette observation de Boehmer, dans laquelle la division paraît plus considérable encore que dans le cas représenté figure i, conduit à celui de M. Cassan (fig. 3), où l'on voit la division pénétrer jusqu'à l'orifice vaginal de l'utérus.

Fig. i et i' Utérus bifide dans son corps, col et vagin dans l'état normal. — Ces figures offrent un utérus bifide dans son corps, dont les deux moitiés aboutissaient à un col et à un vagin communs et dans l'état normal. Le sujet de cette observation est une femme âgée de vingt-six ans, accouchée depuis six semaines d'un enfant viable : cette femme entra à l'Hôtel-Dieu pour une gangrène spontanée du pied et de la moitié inférieure de la jambe du même côté (je n'ai pas noté lequel). Le pouls était insensible à l'une et à l'autre artères radiales. La malade succomba au bout de six jours. A l'ouverture, on trouva l'artère iliaque primitive et ses divisions (du côté du membre gangrené) oblitérées par des concrétions sanguines à la manière de ce qui a lieu dans l'artérite. Les artères radiales n'existaient point ; elles étaient remplacées par les interosseuses.

(*) Boehmer , Observât, anatomic. rariores obs. V. De utero humano bifido et bicorni cum vaginâ duplicî.

ive livraison. 1

Le corps de l'utérus (lig. 2) est bifide. La division gauche DG est très-considérable et présente tous les caractères extérieurs de l'utérus d'une femme récemment accouchée ; la division droite DD est très-petite et présente tous les caractères extérieurs d'un utérus étranger au travail de la grossesse. A chacune d'elles sont attachés un ovaire O, une trompe T, un ligament rond LR et un ligament large. L'ovaire et la trompe sont également développés des deux côtés, mais le ligament rond l'est beaucoup plus à gauche. Les veines qui rampent dans l'épaisseur du ligament large gauche sont très-volumineuses, plusieurs remplies de concrétions sanguines en partie décolorées.

Les ovaires sont mous, spongieux, pénétrés de sérosité et de vaisseaux sanguins. Petits ovules çà et là. Quelques cicatricules noirâtres. Il n'y a qu'un col COL, un orifice ou museau de tanche O; il n'y a également qu'un vagin V.

Le corps et le col de l'utérus divisés (fig. 2' demi-grandeur), j'ai vu que le col était unique. L'épaisseur, la mollesse des parois, et la capacité de la division gauche DG contrastaient avec la densité, le peu d'épaisseur des parois et la petite cavité de la division droite DD.

Les deux cavités CC du corps venaient aboutir à la cavité unique C du col.

Ce fait prouve, contrairement à l'assertion de quelques auteursque les deux lobes de l'utérus bifide ne ne sont pas nécessairement solidaires, et que le lobe vide ne prend pas toujours un développement proportionnel à celui du lobe qui contient le produit de la conception.

Fig. 3. Utérus bifide dans son corps et dans son col, double vagin. — Ce cas (demi-grandeur) a été décrit et figuré par le docteur Cassan (*). L'utérus était bifide dans son corps et dans son col, un repli du péritoine analogue au ligament suspenseur du foie, tendu comme lui, contenant l'ouraque dans son bord antérieur, et composé de deux feuillets adossés, se portait de la face postérieure de la vessie à la face antérieure du rectum et faisait cloison entre les deux moitiés de l'utérus. Chacune des moitiés ou lobes de l'utérus avait à peu de chose près le volume d'un utérus ordinaire. Les deux cavités étaient parfaitement distinctes. On peut voir la cavité CC du lobe droit DD. Du reste, à chaque lobe répondent un ovaire, une trompe, un ligament rond et un ligament large. Chaque ovaire est surmonté par un kyste du volume d'un œuf de pigeon, à parois transparentes , et rempli par un liquide visqueux. Il y a réellement deux vagins adossés dans la plus grande partie de leur étendue. La cloison s'arrête à un pouce au-dessus de l'orifice inférieur du vagin, tandis que dans le cas représenté figure 1, de même que dans celui de Boehmer, la cloison s'étendait jusqu'à cet orifice lui-même.

Fig. 4» Utérus cloisonné, double vagin. — L'exemple le plus remarquable est celui qui a été décrit et représenté par Eisenmann (**) et qu'a reproduit M. Lauth fils (***). Une jeune fille de dix-neuf ans mourut à l'Hôtel-Dieu de Strasbourg, en janvier i^5i. Son corps ayant été transporté à l'amphithéâtre de dissection, Eisenman vit deux orifices au vagin : chaque ouverture elliptique, d'un égal diamètre, était pourvue d'un hymen bien conformé. Le bord supérieur ou le fond, la face antérieure et la face postérieure de l'utérus (fig. 4) sont séparés en deux parties parfaitement égales par une dépression ou rainure superficielle qui règne sur toute la ligne médiane et se prolonge le long du vagin.

A cette dépression extérieure répondait une cloison qui paraissait formée par l'adossement des parois de deux utérus. Le vagin était également double, sa surface interne hérissée de rides transversales. La cloison était formée par l'adossement de deux parois correspondantes unies au moyen d'un tissu cellulaire lâche. Il n'existait qu'un ligament rond, un ovaire et une trompe pour chaque moitié d'utérus.

Eisenmann conclut de ce fait qu'il peut exister deux utérus et deux vagins chez le même sujet, mais bien que le volume de l'utérus représenté figure 4 surpasse celui d'un utérus ordinaire, bien que les ovaires plus volumineux soient séparés en deux parties,tpar un rétrécissement circulaire, par cela seul qu'il

(*) Recherches ahatom. et phys. sur les cas d'utérus double et de supcrfétation. Paris , 1826, in-8., fig. (**) Quatuor tabulai anatomica? uteri duplicis observationem rariorem sistentes. Argent., 0"*) Répertoire général rédigé par M. Breschet, lomeV, 1828 , page 100,

n'y a que deux ovaires , deux trompes et deux ligamens ronds, nous sommes fondés à conclure qu'il n'y a ici, comme dans les cas précédens, qu'une matrice divisée.

Fig. 5. Utérus cloisonné dans son corps seulement, col et vagin dans l'état normal. — Cet utérus a été successivement figuré d'après nature par Grauel (*) , Eisenmann (**) et M. Lauth fils. A l'extérieur, il n'offrait rien de particulier, mais son corps était divisé en deux parties égales par une cloison qui s'arrêtait juste au col. Ce dernier, d'après M. Lauth, présente des traces de cette division dans deux crêtes qui existent l'une le long de la paroi postérieure, l'autre le long de la paroi antérieure. Ces crêtes n'ont point été indiquées par Eisenmann dont nous avons reproduit la figure.

Fig. 6. Utérus biloculaire, — Cette figure représente un utérus biloculaire d'une espèce toute particulière (***) : la cavité du col, dilatée, communique avec celle du corps par une ouverture étroite. L'orifice vaginal de l'utérus, extrêmement rétréci, admet à peine un stylet et conduit dans la cavité du col, qui contenait une assez grande quantité de mucosité. Le sujet de cette observation était une femme âgée de trente-six ans, qui mourut d'une pleuro-pneumonie aiguë. Je suis porté à penser que cette disposition était accidentelle; le rétrécissement et même l'oblitération soit de l'orifice vaginal de l'utérus , soit de l'orifice de\ communication du corps avec le col sont extrêmement fréquens. J'aurai occasion d'en rapporter plusieurs exemples.

RÉFLEXIONS ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES UTÉRUS BIFIDES

ET CLOISONNÉS.

Il n'est peut-être aucun vice de conformation qui confirme plus pleinement les lois d'orga-nogénésie proclamées parles anatomistes modernes, que celui dont je viens de réunir les espèces principales.

La loi de l'unité de composition organique de M. Geoffroy Saint-Hilaire (****)? la loi de symétrie et de conjugaison de M. Serres, s'appliquent ici dans toute leur rigueur. L'utérus, dans l'espèce humaine, parcourt pendant la vie fœtale une série de transformations successives, dont chacune représente l'état permanent des espèces inférieures. Un de ces états est la séparation complète des deux moitiés du corps, du col et du vagin (ovipares, marsupiaux); un autre est la séparation incomplète, les deux moitiés du corps étant seules distinctes (la plupart des mammifères). Devant ces grandes considérations, le merveilleux apparent de ces faits disparaît, et bien loin de les regarder comme des exemples de duplicité, de surabondance d'organes, on accusera une imperfection d'organisation, un trouble quelconque dans le travail de formation qui n'a pas permis la conjugaison des deux moitiés de l'utérus, par un mécanisme tout-à-fait semblable à la division de la lèvre supérieure dans le bec-de-lièvre : on conçoit d'ailleurs aisément que, suivant telle ou telle circonstance , les deux moitiés séparément cicatrisées pourront rester complètement isolées, ou réunies au moyen d'un tissu cellulaire plus ou moins dense, en sorte que le cloisonnement et la bifidité sont au fond identiques. Toutefois je ne pense pas qu'il y ait défaut, absence des parties situées sur la ligne médiane; car, dans tous les faits connus, les deux lobes utérins réunis formaient un tout plus considérable qu'un utérus ordinaire, d'où, sans doute, l'erreur de ceux qui ont admis une double matrice.

Du reste la série de figures représentées planche v établit pour ainsi dire le passage entre les utérus normaux et les utérus bifides.

Dans la figure 5, l'utérus est seulement cloisonné dans son corps ; il y a vestige de cloison dans le col.

(*) De superfetatione. Halleri Dissertationes, tome V, page 35g. (**) Tabulœ anatomicœ. Argent. , 1752, planche I, figure 1.

(***) Observé par M. Martin, membre de la Société anatomique. La tumeur sphéroïde qui est à gauche de l'utérus est un corps fibreux; un petit polype muqueux naît du fond du corps de l'utérus. (****) Philosophie anatomique. Paris, 1818-1 8a3 , 2 vol. in-8°.

Dans la figure 4, il n'y a qu'un utérus; mais une dépression à l'extérieur et une cloison épaisse à l'intérieur qui se prolonge le long du vagin établissent la bifidité.

Dans les figures i et 2', il y a bifidité de l'utérus dans son corps seulement; le col et le vagin sont simples à l'intérieur comme à l'extérieur.

Dans la figure 1, il y a bifidité dans le corps seulement ; mais la bifidité se prolonge en quelque sorte jusqu'à l'orifice du vagin par une cloison qui résulte de l'adossement des deux moitiés du col utérin et du vagin.

Enfin, dans la figure 3, la bifidité occupe le corps et le col.

Quelques conséquences physiologiques découlent immédiatement de ces faits : i° les femmes à utérus bifide ou cloisonné sont aptes à la génération. Non-seulement elles sont capables de conception, mais le fœtus peut parcourir dans une moitié d'utérus toutes les phases de son développement. Le raisonnement seul prouverait cette vérité; car si l'ovaire, les trompes utérines et le péritoine lui-même, par cela seul que l'œuf fécondé vient s'y greffer, acquièrent une vascularité telle qu'ils permettent quelquefois au fœtus d'arriver au terme de son accroissement, à combien plus forte raison la moitié d'un utérus (lequel est organisé de manière à devenir, sous l'influence du stimulus de l'œuf, une poche érectile et contractile, dont l'accroissement est en quelque sorte sans limites) ; à combien plus forte raison, dis-je, la moitié d'un utérus sufnra-t-elle au développement du fœtus. Le cas représenté fig. 1 et l'le prouve d'une manière évidente. La femme qui en fait le sujet était, m'a-t-on assuré, accouchée d'un enfant vivant et viable. Chaussier présenta à la Société de la Faculté de Médecine (*) l'utérus d'une femme morte des suites d'un dixième accouchement. Cet utérus était incomplet; il ne consistait, pour ainsi dire, que dans sa moitié droite, avec une seule trompe et un seul ovaire. Dans un cas d'utérus bilohé, publié par M. Ollivier (**), la femme qui était accouchée quatre fois sans accidens, succomba à son cinquième accouchement par l'effet de la rupture du lobe utérin droit qui contenait le fœtus. Les deux lobes réunis par leur sommet s'ouvraient chacun séparément par un orifice distinct dans Un vagin unique.

Nous avons vu (figure 1 et 7!) que la moitié d'utérus vide n'avait en aucune manière participé au développement de l'autre moitié. Ce fait est en opposition avec d'autres faits qui constatent une sorte de solidarité entre les deux lobes. Le fait précité de Chaussier vient encore à l'appui de cette observation; car, d'après cet exact et judicieux observateur, l'utérus était pour ainsi dire réduit à sa moitié droite. Donc la moitié gauche n'avait pas participé à l'ampliation du côté droit.

Ce vice de conformation, la bifidité et le cloisonnement de l'utérus et du vagin, explique des faits singuliers dont on rapporte quelques exemples. Deux accoucheurs également distingués, appelés auprès d'une femme en mal d'enfant, soutiennent, l'un que l'accouchement est sur le point de se faire; l'autre, que l'orifice de l'utérus est dans le même état où il se trouve chez une vierge. Un nouvel examen ne tarda pas à apprendre qu'il y avait deux vagins et deux cols utérins.

Sous le rapport de la médecine légale, ce vice de conformation explique la possibilité de la superfétation sans grossesse extra-utérine, superfétation qui a si souvent été confondue avec une grossesse double dans laquelle l'un des jumeaux est ou incomplètement développé ou expulsé avant son frère, ou mort plus ou moins long-temps avant l'accouchement.

Les figures 1 et -2', en nous montrant la division gauche remplie seule par le produit de la conception, tandis que la division droite est complètement vide et pour ainsi dire disponible, nous donnent la clef de la superfétation ; à plus forte raison la superfétation est-elle facile dans le cas de double vagin et de double col utérin.

(*) Bulletins de la Société de la Faculté de médecine, 1817, page 437. (**) Archives de médecine, i8a5.

4e. Livraison. Pl. 6

MALADIES DE L'UTÉRUS. (Phlébite utérine.)

MALADIES DE L'UTÉRUS.

Phlébite utérine (*)

( PLANCHE VI, IVe LIVRAISON. )

Louise Maubert, âgée de trente-un ans, accoucha, pour la cinquième fois, le 7 février 1829, d'un enfant mort (depuis long-temps au dire de la sage-femme). L'enfant était venu naturellement par la tête : mais le placenta n'avait pu être extrait que par lambeaux, et probablement beaucoup de tentatives avaient été faites pour son extraction. Peu de détails ont été donnés sur les symptômes éprouvés jusqu'au 12 février, que la malade fut apportée à l'Hôtel-Dieu dans l'état suivant :

Décoloration générale de l'habitude du corps; grande prostration de forces ; pouls petit et fréquent; extrémités froides ; langue sèche; soif vive. Les yeux sont agités convulsivement dans leurs orbites ; un peu de surdité; aucune douleur. La main, portée sur l'abdomen, trouve le globe utérin dur, volumineux, mais indolent. L'exploration de la fosse iliaque droite fait reconnaître un engorgement profond : les lochies sont supprimées : selles naturelles. Aucun symptôme du côté du thorax. ( Quinze sangsues à la vulve : chiendent gommé. ) — Le i3, le toucher fait reconnaître un corps spongieux engagé dans le col utérin ; c'était un des lambeaux putréfiés du placenta qu'on retira immédiatement. (Injections vaginales avec l'oxicrat froid.)

L'état adynamique va toujours croissant jusqu'au 16. Il s'y joint de l'agitation, du délire, interrompus par un affaissement qui simule le calme. La malade demande sa sortie et suspecte les soins qu'on lui prodigue. La matrice est sensiblement revenue sur elle-même. Un phénomène insolite fixe l'attention : le bout du nez présente une teinte violacée et un refroidissement notable. (Potion tonique et antispasmodique.) — Le 17, plaintes continuelles, stupeur : la couleur violacée du bout du nez tourne au noir et s'étend vers sa racine : le pouls est toujours petit, faible et fréquent. ¦— Le 18, la surface du nez est noire, frappée de gangrène sèche; ventre ballonné; stupeur: mort le ig.

Ouverture, du cadavre. — L'abdomen ouvert, le péritoine, l'estomac, les intestins, le foie, la rate, les reins, tous les viscères abdominaux sont dans l'état le plus parfait d'intégrité. L'utérus, développé comme il doit l'être au quinzième jour de l'accouchement, paraît également sain à l'extérieur.

Les ligamens ronds LR, LR (fig. 1), dont le gauche est plus volumineux que le droit, sont évidemment une émanation du tissu utérin; ils en ont l'aspect et la texture. Les gros troncs veineux VLU, qui longent le côté droit de l'utérus, sont volumineux et semblables à des cordes tendues. Les veines ovari-ques et utérines qui rampent dans l'épaisseur du ligament large droit VO, VO, sont énormes, dures et bosselées jusqu'à leur embouchure dans la veine-cave inférieure ; à gauche elles sont à peu près saines. Ces veines ouvertes, nous avons trouvé toutes les veines du ligament large, ovariques, tubaires et utérines, du côté droit VO, VO, remplies de pus sanieux et présentant un grand nombre d'étranglemens qui leur donnent l'aspect bosselé; à une petite distance de leur embouchure dans la veine-cave, Je pus était remplacé par des concrétions sanguines de médiocre consistance. Dans les veines latérales de l'utérus VLU, on ne rencontrait que très-peu de pus au milieu de caillots sanguins qui offraient diverses nuances de coloration. Du reste, dans les veines des ligamens larges, comme dans les veineà utérines latérales, on voyait cette progression, qui m'a paru constante dans toute phlébite : i° concrétions sanguines pures adhérentes aux parois veineuses; i° concrétions sanguines au milieu desquelles est contenu du pus; une couche mince de concrétion plus ou moins décolorée, semblable à une fausse membrane, est intermédiaire aux parois veineuses et au pus ; 3° absence de concrétions sanguines ; pus en contact immédiat avec les parois veineuses ; 4° enfin érosion de la membrane interne et commencement du travail d'expulsion

(*) Observation et pièce présentées à la Société anatomique par M. Montault, interne à l'Hôtel-Dieu. Service de M. Guéneau de Mussy. IVC LIVRAISON. I

du pus au dehors. Si la malade avait vécu plus long-temps, on aurait trouvé des foyers de pus au milieu desquels il eût été très-difficile de reconnaître la veine lacérée. La suppuration n'était pas bornée aux veines des ligamens larges, elle pénétrait jusque dans l'épaisseur du tissu de l'utérus. Les parois des veines enflammées sont épaissies et entourées par un tissu très-dense, qui unit entre elles plusieurs mailles du réseau veineux; on dirait que le tissu de l'utérus se prolonge autour d'elles pour les former, ou bien que le tissu de l'utérus n'est autre chose que ces veines épaissies, ramifiées et formant un lacis inextricable.

L'utérus ( fig. 2 ) est tapissé par une matière putride et sanieuse d'une excessive fétidité. Des mamelons ou végétations noirâtres MP, molles, d'aspect et d'odeur gangreneux, occupent le fond de l'utérus et plus spécialement son angle supérieur droit. Ils correspondent évidemment au lieu de l'implantation du placenta. Là aussi l'utérus a une épaisseur plus considérable que partout ailleurs. On a cru reconnaître une similitude exacte entre le pus sanieux qui souillait les mamelons et le pus qui remplissait les veines des ligamens larges. Une incision cruciale ayant été pratiquée pour voir le tissu de l'utérus dans tous ses détails, nous avons reconnu que les mamelons utérins MP étaient formés par un tissu vasculaire, mollasse? aréolaire, dont les mailles sont remplies de caillots sanguins ; que d'ailleurs le tissu propre de l'utérus était sain ; que ce tissu lui-même n'est autre chose qu'une trame veineuse, érectile, à parois épaisses et contractiles; que le plus grand nombre des veines et sinus de l'utérus VU, VU, étaient pénétrés de sang concret, quelques-uns de pus, et seulement ceux VU qui font suite aux veines du ligament large droit; que partout le pus était circonscrit par des caillots, et par conséquent en dehors de la circulation générale; qu'il existait dans l'épaisseur de l'utérus, autour d'une veine remplie de pus, un foyer de sang FS, FS, une sorte d'apoplexie de l'utérus ; le sang n'était pas ramassé en foyer, mais bien infiltré dans l'épaisseur du tissu de cet organe. J'ai trouvé un petit foyer purulent superficiel qui paraissait le résultat de la déchirure d'une veine suppurée. Ce foyer s'étendait jusqu'au voisinage du péritoine, dans la cavité duquel il n'aurait probablement pas tardé à s'ouvrir. L'ovaire du côté droit O (fig. i ) était volumineux, spongieux; la trompe du même côté TU était remplie de pus. Les organes contenus dans le thorax et dans le crâne étaient parfaitement sains. Les tégumens du nez sont gangrenés.

RÉFLEXIONS ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA PHLÉBITE UTÉRINE.

La phlébite utérine constitue une des formes les plus redoutables et les plus fréquentes de la fièvre puerpérale, mot vague appliqué à toutes les phlegmasies graves qui surviennent après l'accouchement. La fréquence de la phlébite utérine s'explique aisément par les conditions dans lesquelles se trouvent les veines de l'utérus, surtout celles qui s'abouchent avec les sinus placentaires. Si la plus légère saignée, si l'incision des veines dans les varices, si leur section dans les amputations des membres sont si souvent la cause efficiente de l'inflammation des diverses veines sur lesquelles ces opérations sont pratiquées, à combien plus forte raison l'inflammation des orifices béans et déchirés des veines utérines, en contact avec une matière putride, produit de la décomposition du sang ou de débris placentaires, ne se propagera-t-elle pas aux veines utérines elles-mêmes distendues, contuses, tiraillées dans le travail récent de l'accouchement, surtout après l'avulsion violente du placenta adhérent !

Dans le cas actuel, se rencontraient presque tous les degrés qu'on peut admettre dans la phlébite : i° concrétions sanguines; i° concrétions sanguines plus ou moins décolorées au centre desquelles est contenu un pus sanieux d'abord, puis louable ; 3° pus tantôt sanieux, tantôt louable, en contact immédiat avec les veines épaissies et comme plissées ; 4° parois veineuses usées, lacérées, permettant au pus de s'épancher tout autour et simulant des abcès ordinaires; ce degré existait dans un point. Enfin nous avons noté une altération que je regarde comme une forme plutôt qu'un degré de phlébite; c'est un foyer sanguin dans l'épaisseur du tissu de l'utérus, qui, du reste, était sain, excepté dans sa couche la plus interne et dans ses mamelons placentaires , où il était ramolli, pultacé et éminemment frangible.

Ce fait concorde avec les observations consignées dans l'excellent Mémoire de M. Dance sur la phlébite. Sur huit cas de phlébite utérine, quatre fois l'inflammation était bornée à la

veine ovarique du coté droit ; trois fois elle affectait les deux veines ovariques en même temps, et une fois la veine ovarique gauche; dans tous, la phlébite répondait à l'insertion du placenta.

Chez notre sujet, le plus grand nombre des veines utérines présentait la phlébite au premier degré ; l'inflammation ne s'était pas propagée jusqu'aux veines hypogastriques et jusqu'à la veine-cave ascendante : il n'existait pas dans le foie, les poumons, la rate, les synoviales , les séreuses, etc., ces foyers purulens que M. Dance a rencontrés dans presque tous les cas qu'il a décrits et qui ressemblent exactement et pour l'aspect, et pour le mode de formation, et pour la nature, aux abcès multiples et si souvent pris pour des tubercules ramollis qu'on trouve à la suite des plaies graves et des opérations chirurgicales. Ne soyons pas étonnés de cette identité de lésions consécutives dans deux ordres de cas en apparence opposés, car l'inflammation qui s'empare de la surface interne de l'utérus dont le placenta vient d'être détaché, est une inflammation traumatique ; il y a solution de continuité, que doit réparer une inflammation restauratrice tout-à-fait semblable à celle qui se déclare à la surface d'une plaie, suite d'amputation.

Pourquoi la phlébite de notre malade a-t-elle été si exactement circonscrite aux veines ovariques et utérines, pourquoi cette intégrité parfaite de tous'les viscères? C'est sans contredit à cause de l'isolement complet du pus contenu dans les veines utérines et ovariques. Aussitôt qu'une portion de veine est enflammée, toute communication cesse entre cette portion et la circulation générale ; le sang se coagule. Je regarde même la coagulation du sang comme le premier effet de Vinflammation dans les artères de même que dans les veines, dans les capillaires de même que dans les gros vaisseaux. La phlébite se termine par résolution bien plus souvent qu'on ne l'imagine, et alors le sang est résorbé, le calibre du vaisseau se rétablit ou bien l'oblitération a lieu. Mais la suppuration se déclare ; c'est au milieu du caillot sangum qu'elle se manifeste d'abord, ce qui a fait penser que les caillots s'organisaient immédiatement et étaient passibles d'inflammation et de suppuration, de même qu'on a admis que le pus ou le sérum entourés de toutes parts par une fausse membrane récente, sont le produit de l'exhalation de cette fausse membrane. Le caillot, dans le premier cas, et la fausse membrane, dans je second, servent en quelque sorte de filtres à travers lesquels pénètrent les produits sécrétés. Pourquoi le pus occupe-t-il toujours le centre du coagulum sanguin et ne se trouve-t-il jamais entre le coagulum et les parois de la veine? C'est parce que le coagulum est moins cohérent à son centre qu'à sa circonférence et que la pénétration du pus au centre du caillot est un phénomène de capillarité. Le pus est d'abord sanieux, parce qu'il se trouve mêlé à la matière colorante du sang, puis il devient louable lorsque cette matière colorante a disparu. La concrétion sanguine, épaisse d'abord, s'amincit peu à peu et finit par disparaître.

Tout le temps que le pus est contenu dans le centre du caillot sanguin, les phénomènes sont locaux ; mais bientôt le caillot lui-même disparaît, le pus est en contact immédiat avec la veine, et alors, de deux choses l'une, ou bien le pus reste isolé à l'aide des caillots sanguins qui occupent les extrémités de la portion de veine enflammée, ou bien il se mêle au sang : dans le premier cas, tantôt ce pus sera absorbé et l'oblitération du vaisseau aura lieu; tantôt ce pus, s'ac-cumulant sans cesse, distend les parois veineuses ; celles-ci, fragiles, se lacèrent, s'usent y et le pus s'épanche à l'extérieur : dans le second cas, le caillot obturateur, sourdement miné par l'absorption, se détache entraîné par le torrent du liquide qui l'entoure. Alors le pus se mêle au sang, et à l'instant apparaissent les symptômes les plus graves qui enlèvent le malade plus tôt ou plus tard, suivant la quantité de pus en circulation et la susceptibilité individuelle. C'est alors qu'on rencontre des foyers purulens multiples dans le poumon, le foie, la rate, les synoviales, les membranes séreuses, le tissu cellulaire libre, le cerveau, jusque dans l'épaisseur des muscles; et la rapidité de la formation du pus est telle, qu'on a pu penser qu'il y avait transport du pus en nature et simple dépôt de ce pus dans les divers organes. L'impossibilité de démontrer le pus physiquement et chimiquement dans le torrent de la circulation m'a conduit à faire des expériences sur les animaux vivans. Or l'injection dans les veines d'une certaine quantité de mercure m'a donné des résultats tout-à-fait identiques à ceux de la phlébite , et la possibilité de suivre et de retrouver le mercure dans toute l'étendue des voies de la circulation capillaire et générale m'a démontré avec toute la rigueur des expériences physi

ques la génération de ces foyers, de ces tubercules purulens, qui, lorsque la quantité de mercure a été peu considérable, lorsque l'animal survit assez long-temps à ces expériences, deviennent de véritables tubercules. Ce que fait le mercure dans ces expériences, le pus ou d'autres corps irritans introduits dans les veines doivent le produire dans la phlébite; dans l'un comme dans l'autre cas, la formation du pus est extrêmement rapide; l'inflammation est exactement circonscrite : un foyer rouge d'abord, puis un foyer purulent, puis un foyer tuberculeux, voilà la série des transformations successives qui s'opèrent autour des globules mercuriels nichés çà et là dans quelqu'un des points de l'économie. C'est par la même série que passent les foyers observés à la suite de phlébite soit spontanée, soit traumatique; et, de même que dans ce dernier cas, tantôt c'est le foie seul qui est affecté, tantôt c'est le poumon, d'autres fois la rate, les séreuses, les synoviales, le tissu cellulaire, les muscles, le cerveau, etc., en un mot toutes les fractions du système capillaire, soit isolément, soit à la fois ; de même, dans mes expériences, j'ai vu le mercure traverser, pour ainsi dire inaperçu, le système capillaire pulmonaire de quelques sujets et se nicher plus spécialement dans le foie, la rate, ou bien dans l'épaisseur des muscles, les séreuses, etc., jamais dans les reins.

Mais pourquoi les mêmes symptômes n'ont-ils pas lieu dans tous les cas de suppuration considérable? Le pus ne serait-il donc pas soumis à l'absorption? Sans doute l'absorption du pus se fait incessamment; le chirurgien la constate dans des abcès qu'il voit disparaître du jour au lendemain. Il y a une différence énorme entre le pus qui n'est transmis au torrent circulatoire que par absorption et le pus qui y est introduit en nature, ou plutôt qui est formé de toutes pièces dans les veines. L'absorption du pus, liquide très-composé, s'exerce successivement sur les divers élémens qui le constituent : il est d'abord dépouillé de la partie la plus liquide; sa partie la plus solide n'est absorbée que plus tard et souvent après avoir acquis la consistance caséeuse. Mais le pus en nature, mêlé immédiatement au sang, altère sa crase, suivant l'expression des anciens, embarrasse sa marche, favorise la concrétion du sang, s'arrête dans les capillaires et détermine simultanément des multitudes de foyers d'inflammation. Les globules de mercure sont la fidèle image du pus, et fournissent la démonstration matérielle d'une vérité contre laquelle le raisonnement seul s'était élevé.

Nous ne pouvons donc admettre l'opinion de quelques observateurs qui, frappés dans le cas qui nous occupe de la ressemblance qui existe entre le pus qui tapisse la surface interne de 1 utérus et le pus contenu dans les veines utérines, en ont conclu l'absorption du pus par les veines elles-mêmes ; les traces d'inflammation des parois veineuses rendent cette opinion insoutenable; la succession si facile à observer de tous les degrés de l'inflammation, depuis la concrétion du sang jusqu'à l'ulcération des veines, prouve surabondamment que le pus a été fourni par la surface avec laquelle il était en contact, de même que la succession des degrés de l'inflammation dans les parenchymes réfute l'opinion des observateurs qui, faisant circuler avec nous le pus mêlé au sang dans le torrent de la circulation, admettent contre notre manière de voir qu'il se dépose en nature et avec toutes ses qualités de pus dans les divers organes.

Les symptômes extrêmement graves qui accompagnent la phlébite, la forme ataxo-adyna-mique qu'elle revêt, sont propres à toutes les lésions graves des viscères importans à la vie, à la pneumonie, à la pleurésie, à l'hépatite, au phlegmon érysipélateux. Je ne puis donc partager l'opinion des praticiens distingués qui ont admis que le caractère anatomique constant des fièvres typhoïdes est l'altération des follicules de l'intestin. La phlébite présente à son summum tous les caractères du typhus.

On ne saurait trop le répéter, les phlébites dominent pour ainsi dire la pathologie; j'en distingue trois espèces : la phlébite des veines libres; i° la phlébite des veines contenues dans l'épaisseur des organes; 3° la phlébite capillaire. La première seule a été décrite. Le système capillaire veineux est le siège immédiat de l'inflammation et de toutes les altérations de composition organique, de même que le système capillaire est le siège de toute nutrition et de toute sécrétion. C'est ce que j'espère démontrer plus tard.

5e. Livraison. Pl. 1.

MALADIES DU TESTICULE. (Sarcocèle.)

MALADIES DU TESTICULE (SARCOCÈLE).

(planche 1, vc livraison. )

En pathologie, le sarcocèle est le cancer du testicule ; en pratique, on appelle sarcocèle toute induration ou tuméfaction de la substance propre du testicule ou de l'épididyme, lorsqu'elle résiste un temps plus ou moins long aux moyens ordinaires de traitement. Le mot sarcocèle est pour le testicule ce qu'est le mot obstruction pour le foie. Mais, au moins, le mot obstruction n'appelle, comme moyen thérapeutique, que des désobstruans, le régime; le mot sarcocèle emporte avec lui l'idée d'incurabilité, et, plus que cela, l'idée d'une infection générale primitive ou consécutive, et lorsque ce mot est prononcé, une mutilation le suit. Cependant combien de prétendus sarcocèles qui ont cédé à deux, trois, quatre mois de repos au lit, de diète et de cataplasmes émolliens! Combien qui, reconnaissant une cause syphilitique ancienne , ont cédé comme par enchantement à un traitement mercuriel ! Combien de prétendus sarcocèles qui n'étaient autre chose qu'une hydrocèle à parois épaisses, à liquide trouble et opaque, qu'une hématocèle! Il m'a donc paru de la plus haute importance de présenter dans une série de figures et de descriptions les différentes espèces d'altérations testiculaires comprises sous le titre vague de sarcocèle, afin de pouvoir puiser dans la connaissance approfondie de ces lésions, les moins connues peut-être de la chirurgie, les bases de leur diagnostic et de leur thérapeutique.

Cancer alvéolaire (fig. i et i) du testicule avec matière perlée. — Opération. — Guérison. — Tumeurs encéphaloïdes développées dans Vépaisseur du corps des vertèbres. -— Compression de la moelle. — Mort.

Les figures i et 2 représentent un testicule enlevé, à la Maison royale de Santé, par M. P. Dubois. Voici l'histoire succincte de ce malade : M. Lucas, vingt-sept ans, bonne constitution, vit, sans cause connue, son testicule gauche se tuméfier, devenir douloureux avec élancemehs. Un traitement rationnel résolutif ayant échoué, l'extirpation fut faite. Le malade guérit rapidement.

Le volume du testicule est considérable (fig. 1 ) : il a quatre pouces neuf lignes dans son diamètre vertical, deux pouces neuf lignes dans sa largeur, et une épaisseur proportionnelle. Il n'a nullement changé de forme. Ses dimensions sont exagérées, mais d'une manière régulière; sa surface est lisse, sans bosselures; sa consistance est naturelle; son poids en rapport avec son volume. La tunique vaginale TV, épaissie, est parsemée d'un grand nombre de vaisseaux veineux de nouvelle formation, soit dans son feuillet libre, soit dans son feuillet testiculaire. Je regarde comme une loi de l'économie l'existence d'un plexus veineux naturel partout où a lieu une sécrétion normale, et celle d'un plexus veineux accidentel partout où existe une sécrétion ou un travail morbide accidentel. Ici ces veines présentent le cachet de leur origine morbide, dans leurs flexuosités, leur irrégularité, leur disposition en plusieurs plans, leurs ampoules çà et là, leur indépendance de la circulation générale. Plusieurs des veines apparentes à la surface du testicule sont situées sous la tunique albuginée. La tunique vaginale est d'ailleurs saine; ce n'est pas pour elle qu'existaient tous ces vaisseaux. Le feuillet libre adhérait en deux points au feuillet testiculaire. L'une de ces adhérences filamenteuses AF a été représentée sur cette figure.

La figure 2 représente une coupe de ce testicule, qui est composé de deux parties bien distinctes; l'une

ve livraison. 1

supérieure, plus considérable; l'autre inférieure, plus petite, réunies entre elles au moyen d'un tissu cellulaire lâche, en sorte que le plus léger effort suffisait pour les dissocier. La tumeur inférieure E m'a paru formée par fépididyme; la tumeur supérieure T, par le corps du testicule. Du reste l'une et l'autre présentent la même altération. C'est une trame aréolaire, ou plutôt un nombre prodigieux de cellules, ou kystes, ou alvéoles extrêmement petites, à parois fibreuses, contenant des matières de diverse nature. La plus remarquable de ces matières contenues est une substance perlée, cohérente, sans adhérence avec les cellules qui la contiennent, s'énucléant avec la plus grande facilité et représentant alors de petites perles de la plus belle eau : leur forme et leur aspect, ceux du kyste qui les contenait, ont été très-bien rendus fig. 2, TP, TP,TP. D'autres kystes contenaient de la sérosité, quelques-uns une matière dense, grise, demi-transparente, d'aspect cartilagineux; un très-grand nombre étaient remplis par une matière puriforme concrète, tenant le milieu entre le pus et la matière tuberculeuse. Il y a, dans divers points, des masses de cette matière pultacée qui sort par expression k la manière d'un ver. Ces différentes matières contenues ayant été enlevées, j'ai reconnu que la transformation alvéolaire était générale, que les parois des alvéoles ou kystes étaient fibreuses, très-denses, mais d'une épaisseur inégale; que de ces kystes les uns étaient complètement isolés, et les autres communiquaient entre eux au moyen de petites ouvertures ; que çà et là existaient des épaississemens fibreux qui isolaient des portions de tumeur ; telle est l'espèce d'ile TA qu'on voit au milieu d'elles. Du reste , la substance propre du testicule n'avait pas participé à l'altération, était refoulée à la surface de la tumeur et dans un point circonscrit. Là elle formait une couche peu épaisse, infiltrée, grisâtre, demi-transparente, et ce n'est que par un examen très-attentif que j'ai pu en reconnaître les vestiges. Plus nous avancerons dans l'étude des altérations morbides, plus nous serons convaincus de cette vérité, que je crois avoir le premier proclamée, que nos tissus sont inaltérables, que ce que nous appelons lésions morbides sont des produits nouveaux , vivant d'une vie propre, indépendante, que nos tissus ne sont susceptibles que d'hypertrophie et d'atrophie. Ici l'atrophie s'explique à merveille par la compression qu'a éprouvée la substance propre du testicule.

L'histoire de ce malade est curieuse,- elle fait partie de la 111e livraison (voyez Apoplexie de la moelle épinière). Je rappellerai seulement ici que, six mois après la guérison, M. Lucas fut pris d'une douleur vive dans les parois de la poitrine, d'une difficulté à lever les bras qu'on attribua à un rhumatisme; qu'ayant fait une chute sur l'épaule, en patinant, il éprouva le lendemain une douleur dans cette région; que cette douleur, ou plutôt cet engourdissement, s'étendit aux deux extrémités supérieures ; que six semaines après il fut pris successivement d'engourdissement, puis de paralysie complète du sentiment et du mouvement dans les extrémités inférieures, la totalité des parois abdominales et la moitié inférieure des parois thoraciques ; qu'enfin il succomba, et qu'à l'ouverture nous trouvâmes une tumeur encéphaloïde développée aux dépens de la septième vertèbre cervicale complètement détruite, de la partie inférieure de la sixième ( la substance intervertébrale avait résisté), et des extrémités postérieures des deux premières côtes. Une semblable tumeur commençait à se développer au niveau et aux dépens de la cinquième vertèbre dorsale et de l'extrémité postérieure de la quatrième côte. La moelle épinière était aplatie, mais non réduite en pulpe. Tous les autres organes étaient sains. La cicatrice du cordon testiculaire n'a présenté rien de particulier. Les ganglions lombaires ne dépassaient pas leur volume naturel.

Réflexions. —La même cause qui a produit le cancer alvéolaire du testicule s'est donc portée sur la colonne vertébrale, ou plutôt sur le système capillaire veineux si abondant des vertèbres: le tissu propre des vertèbres a été atrophié comme le tissu propre du testicule; la moelle a été comprimée, d'où la paralysie et la mort. Le vice cancéreux, quel qu'il soit, infecte en général toute l'économie. S'il semble partir d'un point comme d'un centre ou d'un foyer , dans combien de cas l'altération locale ne semble-t-elle pas un des effets d'une cause générale

préexistante qui se manifeste, soit successivement, soit à la fois sur un grand nombre d'organes. Arrêtons-nous à cette idée qu'il n'y a pas de dégénération d'organes, mais que des matières particulières sont déposées au sein de ces organes, et qu'il faut trouver dans la thérapeutique des moyens spéciaux pour les atteindre, ou plutôt pour modifier le travail morbide qui les produit.

Tumeur fibreuse du testicule simulant un sarcocèle (fig. 3).

Rien ne ressemble davantage à une tumeur fibreuse de l'utérus, ou, mieux, au tissu de l'utérus dans l'état de vacuité, qu'un testicule ( représenté figure 3) extirpé par M. Marjolin à l'hôpital Beaujon, et qui m'a-été remis par M. Blandin. Il résiste et crie sous le scalpel; il est constitué par des libres d'un blanc grisâtre contournées sur elles-mêmes, entrecroisées, formant des lobules fibreux entre lesquels pénètrent quelques vaisseaux. Son poids est énorme eu égard à son volume, qui est double de l'état naturel. La tunique albuginée n'adhère nullement à ce corps fibreux, dont elle est séparée par une couche épaisse de liquide. A la partie supérieure de la tumeur, il existe une bouillie blanchâtre qui me paraît le résultat d'une altération du tissu fibreux. J'ai eu occasion d'observer plusieurs fois cette même altération dans les corps fibreux de l'utérus. Bien que je n'aie pas retrouvé le tissu propre du testicule, j'ai la certitude que cette tumeur fibreuse s'était formée aux dépens du tissu cellulaire qui unit entre eux les innombrables conduits séminifères, et que le tissu propre avait été rejeté à la surface et atrophié par compression.

Voilà un cas où l'extirpation a du être sans récidive, car les tumeurs fibreuses dépendent d'un vice local, jamais d'un vice général; elles sont également incapables de dégénération.

Sarcocèle aréolaire, encéphaloïde et tuberculeux ( fig. 4)- — Matière cancéreuse le long et dans

Vintérieur de la veine-cave ascendante:

Le testicule représenté figure 4 a été extirpé à la Maison royale de Santé, par M. P. Dubois, sur un homme de quarante ans environ, qui présentait dans l'abdomen, le long de la région lombaire, un engorgement suspect. Néanmoins le cordon testiculaire était sain. L'extirpation, seul moyen de guérison, fut tentée.

La coupe du testicule présente une trame aréolaire fibreuse, ici à mailles larges, là à mailles étroites, remplies d'une matière pultacée, rougeâtre, analogue au cerveau d'un jeune enfant; matière qu'on exprimait comme d'une éponge par une pression légère. Cette matière est entraînée par le lavage, par l'action d'un filet d'eau, à la manière de la pulpe de la rate, et il reste entre les mains un tissu aréolaire exactement semblable au tissu érectile, tellement qu'ayant placé ce tissu à côté d'une tumeur érectile , il a été impossible de les distinguer l'un de l'autre. Après un lavage répété, la moitié du testicule que j'avais soumise à cette épreuve était réduite à la vingtième partie en poids et en volume. Indépendamment de cette trame aréolaire encéphaloïde, il y avait çà et là des concrétions sanguines et de petites masses tuberculeuses, ou plutôt de pus concret MT, MT, entouré d'un cercle rouge qui annonçait un travail extrêmement actif. La substance du testicule TT, TT a été refoulée à la surface, et est facilement reconnaissable, parce qu'elle n'avait encore subi qu'un commencement d'atrophie.

La forme que je viens de décrire est peut-être la plus fréquente de toutes celles que revêt le sarcocèle ; du moins c'est celle que j'ai rencontrée le plus habituellement. Voici la description queje faisais, il y a deux ans environ, d'un testicule de cette espèce (*), sous le titre de sarcocèle cancéreux et tuberculeux :

(*) Fait d'anatomie pathologique, et observation clinique pour servir à la thérapeutique du sareoeèle. Vingt-einquième bulletin de la Société anatomique.

« Dans quelques cas, la substance du testicule est convertie en un tissu spongieux aréolaire « infiltré de suc lactescent, de matière tuberculeuse. Un testicule extirpé m'a offert une trame « aréolaire celluleuse ou plutôt fibreuse, très-dense, fragile, disposée en lobules. Les mailles « de cette trame étaient remplies par un suc lactescent (suc cancéreux). Il y avait çà et là des « points opaques qui étaient dus à de la matière tuberculeuse. Au milieu de cette masse existait « un kyste du volume d'une petite noix, à parois fibreuses, contenant une matière jaunâtre « pultacée. Je crus d'abord que le testicule avait subi en entier la transformation aréolaire que « je viens d'indiquer; mais un examen attentif me permit de voir que la substance propre de « cet organe était refoulée sur un des cotés de la tumeur, et il m'a semblé retrouver la masse « entière du testicule. L'épididyme était induré dans sa grosse extrémité. On eût dit qu'il était « infiltré de sérum combiné. »

Cette forme aréolaire encéphaloïde s'accompagne ordinairement d'une infection générale, et presque toujours les malades succombent à des lésions de même nature dans les viscères, soit que ces lésions aient précédé ou coexisté, soit qu'elles aient suivi la maladie. Le foie et les poumons tiennent le premier rang sous ce rapport, et il est digne de remarque que ce soient aussi les viscères qui présentent le plus souvent du pus à la suite des grandes opérations chirurgicales.

Dans le cas représenté figure 4, le malade succomba au bout d'un mois et demi environ. Des douleurs abdominales survinrent, l'engorgement augmenta; la face devint jaune; amaigrissement rapide ; mort. Le travail de cicatrisation de la plaie n'avait été nullement entravé. A l'ouverture, nous trouvâmes un paquet énorme de masses encéphaloïdes tout le long de la colonne lombaire, à partir de l'articulation sacro-iliaque jusqu'au rein droit. La veine-cave ascendante était elle-même remplie de cette matière encéphaloïde.

J'ose à peine dire ma pensée à cet égard; mais il semble résulter de quelques injections que les veines s'ouvrent directement dans ces trames aréolaires encéphaloïdes, comme elles s'ouvrent dans les tumeurs érectiles; que,bien que ces tissus morbides vivent dune vie propre, avec leurs vaisseaux propres, ils n'en sont pas moins en communication plus ou moins directe avec la circulation générale ; mais il y a telle ou telle condition, encore peu connue, qui fait que ces produits tantôt peuvent exister long-temps sans infecter la masse, et tantôt l'infectent immédiatement. Ce qui me paraît certain, c'est que tous ces produits nouveaux, toutes les altérations morbides sont formés aux dépens du système capillaire veineux.

Sarcocèle tuberculeux (tubercules épars) (fig. 5).

Cette forme de sarcocèle est assez fréquente; c'est en général le sarcocèle des individus peu avancés en

âge. Je ne la crois pas incapable de résolution. Tel est le sarcocèle représenté figure 5. Le testicule avait

augmenté de volume et de consistance : incisé longitudinalement, il présenta un très-grand nombre de tubercules TB, TB, TB, gris jaunâtre, séparés les uns des autres par une masse plus ou moins considérable

de filamens testiculaires sains. Les tubercules sont les uns solitaires, les autres groupés au nombre de

quatre ou cinq, et présentent d'ailleurs divers degrés de développement. Les uns sont demi-transparens au

centre comme à la surface, d'autres présentent à leur centre de petits points blancs caséiformes, d'autres

une sorte de foyer tuberculeux. 11 existait à l'un des points de la surface du testicule une cavité anfrac-

tueuse, contenant de la matière tuberculeuse, et ouverte en dehors par un orifice fistuleux.

La tête de l'épididyme était creusée par un vaste abcès tuberculeux, divisée en loges par des cloisons incomplètes. Le canal déférent était sain.

Les tubercules les moins développés paraissaient formés aux dépens du tissu cellulaire qui entoure les filamens testiculaires. Les plus avancés avaient évidemment envahi ces filamens.

Ce testicule avait été extirpé. J'ignore les suites de l'opération, qui en général réussit très-bien dans ce cas, cette forme de maladie se conciliant presque toujours avec l'intégrité de tous les autres organes.

5e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU LARYNX

MALADIES DU LARYNX.

(planche ii, ve livraison.)

Organe de la voix, tuyau de passage pour l'air dans l'acte de la respiration, le larynx est sujet à un grand nombre de lésions, dont l'effet commun le plus grave est l'interruption plus ou moins complète de l'entrée et de la sortie de l'air. Sous le rapport de leur siège, je divise les maladies du larynx en celles de la portion sus-glottique, en celles de la portion sous-glotticpie et en celles de la glotte proprement dite. L'inflammation , la plus fréquente et la plus grave de toutes ces maladies, se présente tantôt sous le mode aigu, tantôt sous le mode chronique ; et dans l'un et l'autre cas, ou bien elle envahit le tissu cellulaire sous-muqueux, ou bien elle verse ses produits à la surface libre de la muqueuse.

Laryngite sous-muqueuse de la région sus-glottique du larynx ( œdème de la glotte ) ( fig. i ) (*).

Pierre Vrain, cinquante-six ans, ancien militaire, adonné à la boisson, d'une constitution sèche, d'une bonne santé habituelle, est pris, le 26 avril 1829, de lassitude, d'abattement et même de défaillances. Le lendemain il se plaint de mal à la gorge et de fortes douleurs dans les membres. Le pouls est fréquent ; la peau brûlante.—Le troisième jour, grande douleur a la gorge; déglutition et articulation des sons difficiles. Fièvre. L'exploration de l'arrière-bouche fait reconnaître de la rougeur et du gonflement au voile du palais. (Saignée de trois palettes; gargarisme composé d'une infusion de fleurs de roses et d'acide hydro-chlorique.) Le soir, respiration extrêmement difficile, rapide, sifflante, avec menace de suffocation. La voix ne s'entend presque pas ou seulement par intervalles ; elle est rauque, aiguë, croupale. Le voile du palais présente une rougeur et une tuméfaction plus considérables ; les piliers antérieurs sont tellement tuméfiés qu'ils semblent obturer l'isthme du gosier. ( Trente sangsues au cou qui donnent beaucoup.) Le malade est soulagé ; la respiration est plus facile ; la voix moins rauque ; la tuméfaction du voile du palais moins considérable. On peut distinguer trois plaques blanches sur les piliers postérieurs.—Le quatrième jour au matin, la douleur à la gorge et la difficulté de respirer n'existent plus. La voix est à peine enrouée. Le gonflement et la rougeur de l'arrière-bouche ont presque complètement disparu. Le malade se croit guéri. Ce mieux apparent continue toute la journée ; mais, le soir, recrudescence des symptômes. La respiration redevient difficile, sifflante; la voix rauque. A ces symptômes se joint du délire. — Le cinquième jour, respiration très-difficile et bruyante; voix rauque; pouls très-fréquent, presqu'im-perceptible : regard inquiet ; réponses brusques : mort à midi.

Ouverture du cadavre. Les deux replis muqueux qui forment les côtés de l'orifice supérieur du larynx ^ la muqueuse qui revêt la région postérieure de cet organe, celle qui tapisse les deux gouttières profondes latérales de cette région postérieure, la partie voisine du pharynx, la base de la langue, la face antérieure et le bord supérieur de l'épiglotte, présentent une couleur d'un blanc jaunâtre et sont comme infiltrés de pus. Les deux replis muqueux PSM, PSM, et principalement le gauche, sont énormément tuméfiés en forme de gros bourrelets saillans en dehors, mais surtout en dedans, où ils arrivent au contact : seulement

(*) Observation et pièce pathologique communiquées à la Société anatomique par M. le docteur Fisher, l'un de ses membres. ve livraison. i

en arrière existe un petit pertuis pour le passage de l'air. La glotte, la partie sous-glottique du larynx , étaient dans l'état le plus naturel. La muqueuse incisée m'a permis de voir du pus infiltré dans les mailles du tissu cellulaire sous-jacent, et nulle part accumulé en foyer. La membrane muqueuse paraissait elle-même comme imbibée de pus, et ce n'est que dans quelques points qu'on retrouvait des vaisseaux extrêmement déliés. Déjà existaient plusieurs escarres E, E, E, incomplètement ou complètement détachées ; de petits pinceaux vasculaires établissaient leurs limites de la manière la plus tranchée.

Les amygdales étaient saines : la face antérieure de l'épiglotte était couverte d'escarres, et sa partie inférieure refoulée en arrière contribuait encore au rétrécissement de la glotte.

Réflexions. -— On ne saurait nier dans ce cas l'existence de l'inflammation du tissu cellulaire sous-muqueux de la portion sus-glottique du larynx et des parties voisines : l'altération morbide rend un compte aussi exact que possible de tous les symptômes observés. Je ne saurais trop appeler l'attention des praticiens sur cette amélioration subite, sur cette longue rémission qui a suivi l'application des sangsues; ici, comme dans le croup, méfions-nous d'un mieux de quelques heures, d'une demi-journée : pendant notre inaction, le travail morbide continue; du pus, la fausse membrane, se forment, s'accumulent, et à l'invasion de nouveaux accidens, le mal est irrémédiable.

Quel rang doit occuper cette inflammation dans les cadres nosologiques ? Faut-il la classer parmi les maux de gorge gangreneux? Sans doute il y avait des escarres, plusieurs étaient même presque complètement détachées; mais ces escarres sont évidemment le résultat de l'infiltration du pus sous-muqueux ; et de même que dans les phlegmons diffus sous-cutanés, on voit la peau privée de ses vaisseaux nourriciers s'escarifier çà et là ; de même dans ce phlegmon diffus sous-muqueux , la muqueuse, complètement décollée dans un certain nombre de points, a cessé de vivre dans une étendue proportionnelle au décollement.

Je regarde le cas représenté figure i comme devant être placé à côté d'une lésion décrite par Bayle sous le titre d'angine laryngée œdémateuse. L'angine œdémateuse de Bayle n'est en effet autre chose que le premier degré delà laryngite sus-glottique; la preuve, c'est que dans plusieurs autopsies que j'ai eu occasion de faire, j'ai rencontré du pus concret en même temps que de la sérosité infiltrée (*). Il n'y a donc rien de spécial dans cette affection ; ce qu'il y a de spécial tient uniquement à des circonstances de localité ; une fluxion érysipélateuse a-t-elle lieu sur la peau de la face, un œdème sous-cutané la précède et l'accompagne. La fluxion se tend-elle aux deux paupières, la laxité du tissu cellulaire séreux de ces voiles membraneux les fait se tuméfier beaucoup plus que les autres parties de la face ; l'une et l'autre paupières forment un gros bourrelet interposé entre l'œil et les objets extérieurs. La vision est interceptée. Bientôt l'œdème séreux, si je puis m'exprimer ainsi, devient œdème purulent. De même une fluxion érysipélateuse a lieu sur l'arrière-bouche et le larynx ; il y a œdème sous-muqueux ; mais si la fluxion s'étend aux deux replis muqueux qui, comme deux lèvres latérales, bordent l'ouverture supérieure du larynx, alors telle est la laxité du tissu cellulaire sous-muqueux de ces replis, qu'ils se tuméfient sous la forme de deux énormes bourrelets qui interceptent le passage de l'air. Le malade peut succomber en quelques heures, et alors on ne trouve ni rougeur inflammatoire, ni pus, mais seulement deux bourrelets pâles, demi-transparens, mous, semblables à du tissu cellulaire infiltré. Si la fluxion séreuse, moins rapide, obstrue moins promptement le passage de l'air, on trouve et du pus et de la sérosité ; si la mort est moins prompte encore, on ne trouve que du pus, et c'est là le cas de notre malade. Je dois faire à ce sujet une remarque qui me paraît importante. Lorsqu'une membrane devient le siège d'une fluxion inflammatoire ou autre, si cette membrane adhère intimement par une de ses

O M. Bouillaud a insisté sur la nature inflammatoire de l'angine œdémateuse dans un mémoire intitulé : Recherches et observations pour servir « Vhistoire de l'angine œdémateuse. ( Arcliiv. gén. de Médecine , tome VII, p. 174.)

laces, le produit de la fluxion est versé sur la surface libre ; si elle n'adhère que par du tissu cellulaire filamenteux, le produit de la sécrétion est le plus souvent versé sur la surface adhérente. Ainsi lorsque la portion d'arachnoïde qui revêt la dure-mère est enflammée, le pus est déposé à la surface interne de cette membrane; lorsque c'est la portion d'arachnoïde qui recouvre le cerveau ou la moelle épinière, c'est sous cette membrane que le pus est versé. Il en est de même de la peau dans l'inflammation des paupières et du scrotum ; il en est de même des membranes muqueuses.

Sous le rapport des symptômes, l'angine sous-muqueuse laryngée ressemble exactement au croup. Je ne connais pas de signes différentiels; seulement le pharynx, le voile du palais et ses piliers, l'épiglotte, participent constamment à la première et sont le plus souvent intacts dans le second. J'attache une très-grande importance à l'inspection de l'épiglotte qu'on peut toujours voir en partie, par une exploration convenable, et qui révèle par son état de rougeur, de pâleur ou d'infiltration, la rougeur, la pâleur ou l'infiltration de la partie sus-glottique du larynx , aux maladies de laquelle elle participe toujours plus ou moins. Quant au signe caractéristique très-rationnel donné par le docteur Thuilier, aujourd'hui médecin distingué à Limoges, l'exploration avec le doigt, je dois dire qu'il est plus difficile à acquérir qu'on ne le croit communément, car les replis infiltrés et mollasses échappent au tact le plus délicat; ce n'est donc que lorqu'ils ont acquis une certaine densité, dans les maladies chroniques du larynx par exemple, que le doigt peut-être de quelque utilité. J'en ai acquis la preuve dans plusieurs cas.

Sous le rapport thérapeutique, je ne saurais trop recommander la médecine la plus perturbatrice possible. Appelé pour un cas de ce genre, qui après un jour d'incubation présenta de suite une suffocation imminente à la manière du croup, je pratiquai une large saignée, immédiatement après quarante sangsues autour du col,.à la chute desquelles je prescrivis quatre grains de tartre stibié. La suffocation, qui avait résisté aux évacuations sanguines, cessa immédiatement après les vomissemens et les selles abondantes que provoqua l'émétique.

Laryngite sous-muqueuse de la région sous-glottique du larynx — Mort par suffocation

(fig. 2 et 2') (?).

Un jeune suisse entre à la Maison royale de Santé, dans le service de M. Duméril, pour une pneumonie. A peine convalescent, il se plaint d'une douleur très-vive à la région du larynx, sans que l'exploration de l'arrière-bouche et des régions sus et sous-hyoïdiennes puisse rien faire découvrir. La douleur s'accompagna bientôt de gêne dans la respiration et d'une grande difficulté dans l'articulation des sons; accès de suffocation pendant lesquels la respiration, la voix et la toux sont croupales. Mort par asphyxie le quinzième jour environ de l'invasion des symptômes d'angine.

Ouverture du cadavre. Le larynx, examiné à sa face postérieure, présente une saillie au niveau du cartilage cricoïde; les parties molles qui le recouvraient ayant été divisées, on trouve (fig. 2) ce cartilage dénudé de toutes parts, corrodé, perforé, réduit à une lame très-mince ; libre dans une gaine très-large , remplie de pus, formée par la muqueuse épaissie. Plus de trace de périchondre. Les cartilages aryténoïdes environnés d'un tissu cellulaire et d'une muqueuse également épaissis, ne s'articulaient plus avec un cartilage qui n'existait qu'en débris et pouvaient être poussés dans tous les sens. Les muscles aryténoïdiens, crico-aryténoïdiens et thyro-aryténoïdiens étaient infiltrés.

La nécrose et l'érosion du cartilage cricoïde ne se bornaient pas à la partie postérieure, elles s'étendaient de chaque côté, mais beaucoup plus loin à gauche qu'à droite. La figure 2 représente de la manière la plus exacte l'aspect de la moitié gauche de sa circonférence.

(*) Cette pièce m'a été donnée par M. Frédéric Cuvier fils , interne à la Maison royale de Santé.

Ce malade avait eu un goitre. Le corps thyroïde avait encore deux fois le volume ordinaire. Certains lobules et certaines granulations étaient très-développés.

Réflexions. — La mort de ce malade par suffocation est facilement expliquée par le bourrelet circulaire formé par la muqueuse et le périchondre détachés du cartilage, et proéminens à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur du larynx. Il n'est donc aucun point de la longueur du larynx qui ne puisse devenir le siège d'une tuméfaction mortelle : on peut mourir de suffocation par la partie sous-glottique, comme par la glotte, comme par la partie sus-glottique. Mais à quoi attribuer cette nécrose du cartilage cricoïde? J'accusais d'abord une inflammation du périchondre, et j'avais noté cette observation sous le titre suivant : nécrose du cartilage cricoïde par inflammation du périchondre. Mais un fait que je viens d'observer tout récemment m'a démontré que cette nécrose était consécutive à l'inflammation du tissu cellulaire sous-muqueux. Un jeune homme convalescent d'une entérite folliculaire aiguë (fièvre typhoïde), est pris tout-à-coup de raucité dans la voix sans gêne aucune dans la respiration. Il meurt sans accès de suffocation et comme par engouement des voies aériennes, huit jours après l'invasion des symptômes. A l'ouverture, je trouve un abcès dans l'épaisseur du repli muqueux droit, qui forme l'orifice supérieur du larynx. Le cartilage aryténoïde, dépouillé de son périchondre, nageait pour ainsi dire dans le pus. N'est-il pas évident que l'inflammation du tissu cellulaire sous-muqueux a entraîné le décollement du périchondre, et que ce décollement a entraîné la mort du cartilage. Son usure rapide ne doit pas plus nous étonner que l'usure des cartilages articulaires dans l'inflammation des synoviales terminée par suppuration. La destruction du périchondre, la nécrose des cartilages du larynx dans ce cas, doivent être mis sur la même ligne que la destruction et l'usure si fréquentes du périchondre et des cartilages costaux : mêmes tissus, même maladie; mais la différence de localité entraîne d'immenses différences dans les résultats : aux côtes, rien; au larynx , la suffocation et la mort.

Je croyais ces faits uniques dans la science, lorsqu'il y a un mois on me présente un beau cas, disait-on, de perforation de l'œsophage. Quel n'est pas mon étonnement, de retrouver la nécrose du cartilage cricoïde trait pour trait, telle que je viens de la décrire, mais moins avancée : le pus s'était fait jour en arrière et à droite, et avait pénétré dans l'œsophage par une ouverture assez large. Je ne pus recueillir d'autre renseignement sur ce malade, si ce n'est qu'il était mort dans un état de suffocation analogue au croup.

Enfin, je viens de découvrir cette même lésion dans une observation très-circonstanciée, publiée par M. Bouillaud (*), sous le titre diAtslime mortel produit par la désorganisation des muscles dilatateurs de la glotte ; et je m'en applaudis doublement, et par l'exactitude et la sagacité bien connues de l'observateur, et parce qu'elle supplée aux détails que l'on regrette dans les faits précédens ; en voici l'extrait :

Michel, vingt-deux ans, sorti depuis huit jours de la Maison royale de santé, où il était resté deux mois pour une fièvre putride, se présenta à l'hôpital Cochin dans l'état suivant : enrouement très-considérable, que le malade assure n'exister que depuis un mois; toux râpeuse avec violente douleur de gorge ; oppression telle que la suffocation devient imminente au moindre effort. Le lendemain, même état : à dix heures du soir, agitation qui oblige le malade de sortir de son lit : les inspirations sont profondes, prolongées et fréquentes; elles sont accompagnées d'un sifflement particulier et d'un ronflement bruyant, sec, étouffé, dur et âpre comme le son d'une corde de basse. Le malade effrayé , les yeux égarés , appréhende une suffocation qui paraît en effet inévitable. Son pouls est presque insensible. Cet état effrayant se calme un peu pendant la nuit. Le jour suivant, retour de l'étouffement ; il semble au malade que quelque chose l'étrangle; il respire la tête haute et le cou tendu; son pouls est mince et filiforme. Il arrache le vésicatoire qu'on lui avait appliqué sur le larynx. Le quatrième jour, accès de suffocation, mort par asphyxie la nuit suivante à quatre heures du matin.

(*) Journal complémentaire du Dictionnaire des Sciences médicales , i8a5 , tome XIX , page 3.

Ouverture du cadavre. « Abcès à la partie postérieure du larynx et sur ses côtés, qui, vidé du pus qu'il « contient, forme de chaque côté une cavité capable de loger une aveline; la surface interne de chaque cavité h est lisse et muqueuse aux points correspondans. Le cartilage cricoïde est dénudé et pour ainsi dire disséqué. « En examinant les parties avec le plus grand soin, nous avons vu que l'abcès ne se bornait point aux en-« droits indiqués, mais qu'il faisait en quelque sorte le tour du cartilage cricoïde. Les muscles crico-aryté-( noïdiens, disséqués comme ce cartilage, avaient une couleur verdâtre. Les cartilages aryténoïdiens « étaient confondus avec les muscles indiqués soit latéraux, soit postérieurs. Ces muscles, ainsi que le « tissu cellulaire sous-muqueux et intermusculaire, étaient épaissis et lardacés, et je ne pus y découvrir « aucune trace de nerfs. Le muscle aryténoïdien et ses nerfs étaient au contraire bien conservés. Ces der-a niers s'épanouissaient dans le muscle thyro-aryténoïdien et les lèvres de la glotte. Les articulations des u cartilages aryténoïdes avec les cricoïdes étaient entièrement détruites. »

Dans le cas qu'on vient de lire, M. Bouillaud attribue la mort du malade à la désorganisation complète des muscles dilatateurs de la glotte et de leurs nerfs, tandis que ses muscles constricteurs jouissaient en apparence de toute leur intégrité. Dune part, dit-il, la glotte ne pouvait se dilater ; d'une autre part, elle était maintenue par ses constricteurs dans un état d'occlusion plus ou moins complet. L'individu se trouvait dans le même cas que les animaux auxquels on a coupé les nerfs de la huitième paire au-dessous du nerf laryngé supérieur ; il devait mourir asphyxié. L'explication est ingénieuse, mais est-elle vraie? Je ne saurais l'admettre : je trouve dans le bourrelet circulaire, formé par le périchondre et la muqueuse laryngée, une cause suffisante et toute mécanique de suffocation et de mort. Aussi, bien loin de regarder la maladie qui nous occupe comme l'exemple d'un asthme de nouvelle espèce, je le regarde comme un cas d'inflammation sous-muqueuse de la région sous-glottique du larynx, maladie qui mérite de prendre place dans nos cadres nosologiques à côté de la laryngite sous-muqueuse de la région sus-glottique du larynx.

Laryngite chronique ulcéreuse occupant la surface extérieure et intérieure du larynx. Erosion

de l'épiglotte. —Mort par suffocation. (Fig. 3 et 3'.)

Un homme âgé de quarante ans, travaillant aux égoûts, vint à la Maison royale de Santé avec tous les symptômes d'une phthisie laryngée. Dépérissement sans fièvre, voix éteinte; une toux fréquente et rauque amène une très-grande quantité de pus : la déglutition était surtout extrêmement pénible, presque toujours suivie de quintes de longue durée, quelquefois avec menace de suffocation. L'examen de l'arrière-bouche me permit de constater l'épaississement de la luette bifide, du voile du palais, et des piliers antérieurs, l'érosion des bords de l'épiglotte, et les ulcérations de sa face antérieure. L'histoire de ce malade ressemble d'ailleurs à toutes celles du même genre : toux laryngée ; raucité dans la voix depuis huit à dix mois. Il n'avait discontinué son travail que depuis quinze jours; d'ailleurs, point de fièvre, les poumons paraissent sains : seulement caverne sèche et extrêmement sonore au sommet du poumon droit. Bouillie pour toute nourriture, et néanmoins déglutition extrêmement pénible, tellement que le malade se résignait à supporter la faim plutôt que d'éveiller, par l'ingestion des alimens, des crises de suffocation. Il n'était pas difficile de prévoir qu'il périrait par suffocation, soit pendant la déglutition, soit par oedème du larynx; en effet, il mourut au moment où on s'y attendait le moins,

Ouverture du cadavre. La figure 3 représente le larynx vu par sa face postérieurela luette bifide et épaisse LB, les piliers postérieurs du voile du palais PP, PP, également épaissis, la circonférence de l'épiglotte érodée et comme festonnée EE, l'orifice supérieur du larynx OLE et la muqueuse qui revêt sa face postérieure MPE, épaissis, denses, érodés, ulcérés, couverts de caroncules.

Ve LIVRAISON. 2

La ligure 3' offre la lace antérieure de l'épiglotte MUE, également érodéc et couverte de caroncules; l'érosion et les caroncules se continuent dans l'intervalle des piliers jusqu'aux amygdales et à gauche jusque sur la base de la langue. Le larynx ouvert permet de voir l'épaississement, l'érosion et les caroncules dans toute l'étendue de sa surface interne; la base du cartilage aryténoïde droit CA était dénudée, érodée, en partie osseuse.

Du reste, les ganglions lymphatiques situés sur les côtés du larynx sont indurés et pénétrés de matière tuberculeuse : les poumons adhéraient intimement aux parois thoraciques par des liens celluleux et libreux. Leur tissu, était sain, mais parsemé d'une grande quantité de granulations miliaires. Les bronches étaient d'un, rouge vif. Le sommet du poumon droit présentait une vaste caverne parfaitement cicatrisée. Enfin ce malade avait deux énormes hernies : le sac herniaire et la portion déplacée du mésentère étaient hérissés de petites granulations transparentes.

Réflexions. — Le malade a évidemment succombé à l'affection laryngée, et la lésion des poumons est restée, pour ainsi dire, inaperçue. Existe-t-il des phthisies laryngées primitives, indépendantes de toute lésion pulmonaire? J'ai recueilli quelques faits cliniques qui me paraissent le démontrer de la manière la plus positive. Mais les phthisies laryngées, symptômatiques d'une affection pulmonaire, sont beaucoup plus fréquentes; et, d'ailleurs, telle est l'étroite sympathie qui lie entre eux le larynx et les poumons, que ceux-ci ne tardent pas à s'affecter, pour peu que l'inflammation laryngée soit d'une certaine durée; or les poumons, une fois envahis par l'affection tuberculeuse, dominent en général la maladie, et l'affection laryngée n'est plus, en quelque sorte, qu'un épiphénomène.

Au demeurant, dans le cas actuel, l'altération organique rend parfaitement compte de tous les symptômes observés pendant la vie, et de la grande quantité de pus rendu au milieu des efforts de vomissement, et de l'extinction de la voix, et surtout de la difficulté extrême dans la déglutition, qui était le symptôme dominant. L'érosion de l'épiglotte, et de tout ce qui entourait l'orifice supérieur du larynx, le défaut de souplesse de toutes les parties indurées, devaient s'opposer au mouvement si compliqué par lequel l'orifice du larynx vient, dans la déglutition, se cacher sous l'épiglotte.

Je n'ai pas trouvé dans la tuméfaction des parties la raison suffisante de la mort subite, et comme par suffocation; mais on conçoit qu'un mouvement de déglutition mal coordonné, qui aura eu pour résultat l'introduction d une parcelle d'alimens dans la cavité du larynx, qu'une quinte de toux laryngée, convulsive, qu'une tuméfaction légère, et qui se sera dissipée à la mort, peuvent aisément produire cet effet.

L'inspection de l'isthme du gosier, et surtout de l'épiglotte, m'a été d'un très-grand secours dans ce cas, comme d'ailleurs dans l'exploration de toutes les maladies du larynx. Je dois dire ici qu'à l'aspect du tissu induré qui supportait à la fois et des érosions et des végétations, je me suis demandé si je n'avais pas affaire à une maladie cancéreuse ; jamais je n'ai mieux senti le vide des mots et des idées, au sujet du cancer. Il est certain que, si l'incurabilité est un des caractères de la dégénération cancéreuse, ce caractère existait ici au plus haut degré; mais autre chose est une incurabilité résultant du siège et de la période de la maladie ; autre chose est une incurabilité radicale, et je ne crois pas qu'on puisse confondre l'induration ou l'ulcération avec le squirrhe et l'ulcère cancéreux. Sans doute, rien ne serait plus facile que de changer le nom, mais changerions-nous la chose? ajournons donc toute innovation à cet égard, jusqu'à ce que de nouvelles recherches aient mis dans tout leur jour et le siège précis, et la nature de la maladie cancéreuse.

5e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DE L'OVAIRE (Kyste)

MALADIES DE L'OVAIRE (KYSTES).

(planche m, ve livraison).

Au milieu de l'innombrable tribu des lésions organiques dont notre économie est suscep^ tibie, une des plus fréquentes est sans contredit la transformation enkystée de l'ovaire, cet organe essentiel de la génération de la femme. Sa texture éminemment vésiculaire, spongieuse, érectile; le grand développement, eu égard à son volume, de ses vaisseaux et surtout de ses veines ; la nature de ses fonctions qui le fait participer si activement à l'orgasme du coït, et les divers troubles auxquels est exposé l'acte de la fécondation; l'âge du retour qui porte principalement sur cet organe; voilà les circonstances principales qui expliquent et la fréquence et le caractère particulier de ses maladies. Situé au milieu de la cavité pelvienne, isolé de toutes parts, suspendu par un ligament, libre d'ailleurs de toute espèce de rapports de continuité, recevant des vaisseaux propres, enveloppé d'une espèce de coque fibreuse très-épaisse, l'ovaire peut s'affecter isolément et profondément au milieu de l'intégrité parfaite des autres organes. Ce caractère, qui lui est exclusivement propre, ou du moins qu'on ne rencontre au même degré dans aucun autre viscère, explique pourquoi l'économie prend si peu de part aux altérations les plus graves de l'ovaire, et cet isolement de ses maladies appelle ,justifie même en partie les tentatives hardies qui ont été faites dans ces derniers temps pour en débarrasser l'économie au moyen de l'extirpation.

La presque totalité des maladies dont l'ovaire est susceptible peuvent être rangées sous le titre d'hydropisies enkystées, ou kystes de l'ovaire. Mais que de variétés, ou d'espèces, tellement importantes, que, sans leur connaissance exacte, on est tous les jours exposé à de graves erreurs de diagnostic et de thérapeutique ! c'est pour remplir autant qu'il est en moi la lacune qui existe à cet égard que je vais présenter dans une série de planches les espèces principales d'hydropisies enkystées des ovaires, établir autant que possible le diagnostic différentiel de ces diverses espèces, et exposer les indications thérapeutiques qui découlent naturellement de la connaissance approfondie du caractère de la maladie. Les principales espèces que j'ai eu occasion de rencontrer peuvent être réduites aux suivantes : i°. L'ovaire est converti en une poche unique qui peut acquérir un volume tel qu'elle remplisse la presque ^totalité de l'abdomen à la manière d'une ascite. Il est probable que, dans ce cas, une seule vésicule aura, par son développement, effacé le reste de l'organe qu'on rencontre atrophié sur l'un des points de la circonférence de la poche et confondu avec des épaississemens cartilagineux et osseux. i°. Poche unique comme dans le cas précédent, mais de sa face interne s'élèvent des espèces de mamelons ou de végétations aplaties, plus ou moins étendues en largeur et en hauteur, formées par une matière filante comme le corps vitré, ou concrète comme le cristallin, contenues dans des cellules fibreuses, irrégulières. Dans la première espèce, la matière contenue est le plus souvent liquide ; dans la seconde, elle est le plus souvent filante comme du blanc d'oeuf, ou tremblotante comme de la gelée, et ne peut être évacuée par la ponction. 3°. Tumeur divisée en une multitude de loges ou cellules remplies par une matière de qualité variable. Tantôt c'est une sérosité limpide; d'autres fois, c'est un liquide filant, albumineux, une gelée rougeâtre, souvent une matière purulente, sanguinolente. J'ai même rencontré une matière crétacée, remplissant un bon nombre de ces loges. Il n'est pas rare de voir une, deux ou trois loges constituer la moitié, les deux tiers ou les trois quarts de la tumeur. Ces kystes peuvent être parfaitement distincts même des autres, ou bien ils sont réunis en un certain nombre de groupes, mais dont les parties constituantes communiquent entre elles. 4°- Kystes acéphalo-cystes. 5°. Kystes qui contiennent des poils et une matière athéromateuse. 6°. Kystes ovariques qui contiennent un foetus ou ses débris. y°. Kystes supportés par une base cancéreuse.

ve livraison. i

Kyste multiloculaire et gélatiniforme de V ovaire simulant une ascite.—Ponctions sans résultat (f).

Motin (Victoire), soixante-neuf ans, entre à l'Hôtel-L)ieu, le 6 lévrier 1829, clans l'état suivant : abdomen très-volumineux, tout-à-fait indolent, uniformément développé, en forme d'outre. Fluctuation obscure; on dirait que le flot du liquide n'arrive aux doigts explorateurs qu'à travers une grande épaisseur de parties : membres abdominaux très-infiltrés ; état général peu satisfaisant ; pouls petit ; émaciation extrême ; face décolorée ; affaiblissement tel que la malade ne peut donner aucuns renseignemens sur son état et qu'on est obligé d'aller aux informations auprès des parens : elle avait eu six enfans et avait traversé l'époque critique sans accidens vers la cinquantième année. Sa bonne santé s'était maintenue jusqu'à soixante - quatre ans; à cette époque elle devint sujette à des vomissemens opiniâtres ; bientôt l'embonpoint considérable qui la caractérisait fit place à la maigreur; à soixante-sept ans, l'abdomen commença à augmenter de volume, et acquit par degrés les dimensions énormes qu'il présentait actuellement; la malade n'avait jamais accusé la moindre douleur, mais les digestions étaient pénibles et souvent accompagnées de vomissemens. Depuis un mois ces vomissemens étaient continuels , en sorte que les plus petites quantités d'alimens et de boisson étaient repoussées. La tisane de pariétaire nitrée, les potages que l'on prescrivit d'abord, puis le lait furent vomis. La matière de l'un de ces vomissemens était couleur chocolat, ce qui fit craindre une affection cancéreuse de l'estomac. Le 10, les vomissemens résistant à tous les moyens, le pouls devenant de plus en plus faible, la suffocation paraissant imminente, on se décide à pratiquer la ponction; on se proposait de n'évacuer que la moitié du liquide pour prévenir la syncope qui accompagne souvent une déplétion subite. La fluctuation paraissait moins obscure aux régions ombilicale et iliaques que partout ailleurs. Ce fut sur la région iliaque droite que la ponction fut pratiquée. Une première n'ayant rien produit, on eut recours à une seconde, puis à une troisième qui amena une cuillerée de liquide gélatineux, jaunâtre, et démontra l'inutilité de nouvelles tentatives. La malade n'éprouva aucun accident de cette triple piqûre. Elle s'éteignit le lendemain sans agonie.

Ouverture du cadavre. De nouvelles ponctions furent pratiquées sur le cadavre sans aucun résultat. La tumeur remplissait toute la capacité de l'abdomen : d'une part, refoulait en haut contre le diaphragme, le foie, l'estomac et le colon transverse; comprimait les intestins grêles qui avaient été repoussés derrière elle sur les côtés de la colonne vertébrale, et plongeait d'une autre part dans le petit bassin en se moulant sur l'angle sacro-vertébral. Cette tumeur, représentée demi-grandeur (fig. i, planche m), était bosselée, libre de toutes parts, excepté du côté de l'utérus U, qui occupait la partie antérieure et supérieure de la tumeur; il était déformé à cause des tractions qui avaient été exercées sur son angle supérieur droit et obliquement allongé de gauche à droite. A gauche, on reconnaît très-bien le ligament large, la trompe utérine T, l'ovaire atrophié O, le ligament rond très-développé LR, deux fois plus volumineux que celui de l'autre côté. A droite, on voit également le ligament rond LR, la trompe utérine T verticalement dirigée, et sillonnant la partie antérieure de la tumeur. On distingue même toutes les franges de la trompe, qui étaient libres, excepté dans un point. On peut très-bien distinguer le ligament de l'ovaire LO, le ligament large déformé; mais point d'ovaire, et, à sa place, l'énorme tumeur.

La figure 1 donne une idée exacte de l'aspect de la surface de la tumeur KO, KO, KO, les bosselures et les vésicules de divers ordres pour le volume et pour la saillie, la demi-transparence et la ténuité des parois, les vaisseaux veineux très-volumineux, très-flexueux, très-aplatis, qui rampent çà et là sur les parois et répondent aux anfractuosités de la tumeur; la matière gélatineuse MG, MG, qui s'échappe de divers points ouverts, tout est ici frappant de vérité.

La figure 1 représente de grandeur naturelle une partie de la tumeur ouverte : on voit que le kyste est divisé, par des cloisons plus ou moins complètes, en un nombre prodigieux de compartimens ou loges, subdivisés encore par des cloisons incomplètes ou brides secondaires. Ces loges, d'inégale capacité, communiquent toutes entre elles au moyen d'ouvertures circulaires, petites, faites comme avec un emporte-

Ç) Observation et pièce pathologique communiquées par M. le docteur Martin-Solon.

pièce. Les parois des cellules présentent d'ailleurs le même aspect que les parois de la poche; comme celles-ci, elles sont parcourues par des veines rameuses extrêmement multipliées, surtout dans quelques points. La disposition aréolaire qui paraît être le type de ce genre de productions organiques, est on ne peut plus marquée en RA. La matière contenue était semblable à de la gelée, dont la transparence est si bien rendue sur le plateau noir qui la reçoit, offrant çà et là une teinte jaunâtre, verdâtre, et dans quelques points, une couleur blanche semblable à du blanc d'œuf moitié cuit. Cette matière MG, MG, MG, s'écoulait lentement des larges ouvertures pratiquées aux parois de la poche, ce qui explique pourquoi elle n'avait pu être évacuée par la ponction. A travers la transparence de cette matière gélatiniforme, on voyait des filamens blancs, rameux, semblables à des vaisseaux et paraissant naître des parois des cellules.Parmi eux était un véritable vaisseau de cinq à six pouces de longueur, à parois résistantes, sans aucune ramification, qui contenait du sang dans divers points de sa longueur et se terminait en s épanouissant. Des îles de sang IS, IS, IS se voyaient çà et là. Les unes tenaient aux parois des cellules à l'aide de petites traînées de sang, les autres étaient complètement isolées, absolument comme dans une fausse membrane qui commence à s'organiser.

La matière gélatineuse n'adhérait pas aux parois des cellules, dont elle se détachait en masse, sans qu'il en restât le moindre vestige. Dans un assez grand nombre de points de ces parois naissaient de petits globules gélatineux qui y adhéraient tantôt par un pédicule très-grêle, tantôt par un vaisseau qui faisait alors saillie dans l'intérieur de la poche. Quant à la texture de ces parois, elles sont d'un blanc opale, demi-transparentes sur les cellules, d'un blanc de cartilage sur les cloisons. Elles résistent à la manière du tissu fibreux, mais ne présentent nullement la disposition linéaire. Elles tiennent le milieu entre le tissu fibreux et le tissu cartilagineux. Le péritoine était granuleux sur l'intestin grêle et sur la partie postérieure de la tumeur. Le foie, la rate, les reins avaient diminué de volume, mais sans altération de tissu. L'estomac, réduit au quart de sa capacité habituelle, présentait, près de son extrémité pylorique, une ulcération de trois à quatre lignes de diamètre, à bords durs, épais, taillés à pic, et qui présentait tous les caractères d'un ulcère cancéreux. Plusieurs ecchymoses couleur chocolat, tout-à-fait semblables pour la couleur aux matières vomies, se voyaient çà et là autour de l'ulcération. Les autres organes étaient sains. Le tissu cellulaire des membres inférieurs était infiltré de sérosité. Le cerveau n'a point été examiné.

Réflexions. — Sous le rapport thérapeutique, cette observation mérite de fixer toute notre attention. Nous voyons qu'une hydropisie enkystée de l'ovaire a été prise pour une ascite et ponctionnée comme telle. Rien de plus facile à distinguer de l'ascite qu'une hydropisie enkystée de l'ovaire commençante ; la circonscription est le caractère pathognomonique du kyste, quel que soit le siège qu'il occupe. Quant à la circonstance du développement du kyste sur l'un des côtés de l'abdomen, qui est généralement indiquée dans les auteurs, elle est illusoire, elle est purement théorique : le kyste de l'ovaire se place en effet de suite sur la ligne médiane, par la raison qu'il se développe dans le sens qui lui offre le moins de résistance. Mais le kyste occupe-t-il toute la capacité de l'abdomen? plus de circonscription possible ! Alors l'hydropisie enkystée de l'ovaire se confond avec l'hydropisie du péritoine, sous le rapport du volume et de la forme de l'abdomen. A l'aide de quels signes établirons-nous donc le diagnostic différentiel de ces deux maladies, diagnostic qui n'est pas seulement intéressant comme théorie, comme perfectionnement de la science ; mais encore sous le point de vue pratique? L'ascite en effet est rarement idiopathique, elle tient le plus souvent à une affection organique des viscères abdominaux; elle est souvent liée à une péritonite, tandis que l'hydropisie enkystée de l'ovaire est presque toujours une affection locale qui se concilie avec l'intégrité parfaite de tous les autres organes, qui, comme toutes les lésions locales qui sont à la portée des moyens chirurgicaux, peut être, à la rigueur, revendiquée par la chirurgie : déjà des tentatives hardies ont été faites, et même deux fois avec succès, pour débarrasser les malades de kystes ovariques énormes.

Les signes pathognomoniques différentiels de l'hydropisie enkystée de l'ovaire et de l'ascite sont les suivans : i° dans l'ascite, le liquide occupe toujours les parties les plus déclives; en conséquence, dans le décubitus horizontal, c'est dans le bassin, c'est dans les régions lombaires

qu'il s'amasse; les intestins grêles flottans au milieu de la cavité abdominale répondent à la région ombilicale, suivant l'observation importante de Frank ; l'arc du colon et l'estomac répondent à lcpigastre : percutez doucement l'abdomen avec le doigt, ou, ce qui est bien préférable, avec la plaque d'ivoire de M. Piorry, le son sera mat à l'hypogastre, aux lombes, et cela dans une étendue variable, suivant la quantité de liquide épanché; de plus, le son mat changera de place avec le liquide dans les différentes positions que vous ferez prendre au malade; mais le son restera toujours creux au niveau des régions ombilicale et épigastrique. Dans l'hydropisie enkystée de l'ovaire, au contraire, le kyste se développe au-devant des intestins qu'il refoule en arrière, en sorte que dans aucun cas possible, et dans aucun degré de développement le son gazeux n'existera au-devant de la tumeur. Cette observation appartient à M. Rostan. Joignez à cela que la fluctuation de l'hydropisie enkystée de l'ovaire n'est jamais aussi tranchée que celle de l'ascite; que, d'après les recherches de M. Piorry, le son rendu par le kyste est beaucoup plus mat, et qu'à l'aide de la percussion médiate ou immédiate, la précision peut être portée au point de distinguer, dans le cas de complication, ce qui appartient au kyste de ce qui appartient à l'ascite. i°. Dans l'ascite, on trouve le col utérin à sa place accoutumée ; dans l'hydropisie enkystée de l'ovaire, l'utérus n'est pas refoulé en bas comme on le dit généralement; au contraire, il est attiré en haut, de telle sorte qu'il est impossible de l'atteindre; ajoutez que, dans ce dernier cas, la cavité pelvienne est remplie par une tumeur qui est une dépendance de la tumeur abdominale. Dois-je rappeler à côté de ces signes positifs que l'hydropisie enkystée de l'ovaire se concilie souvent avec un état général excellent, tandis que l'ascite est presque toujours liée à une affection organique qui a long-temps altéré la constitution, que rarement l'ascite existe sans œdème ou anasarque des extrémités inférieures, tandis que l'hydropisie enkystée de l'ovaire se voit souvent sans ce dernier symptôme.

Il me paraît impossible de distinguer, dans l'état actuel de la science, le kyste unilocu-laire gélatineux du kyste uniloculaire séreux ; la fluctuation m'a paru la même dans les deux cas : mais je crois qu'on pourra souvent distinguer le kyste multiloculaire du kyste uniloculaire : dans le premier, en effet, la fluctuation est extrêmement obscure, ou plutôt n'existe pas ; on peut, dans beaucoup de cas, reconnaitre les bosselures de la tumeur, soit à travers les parois de l'abdomen, soit à travers les parois du vagin et surtout celles du rectum. Règle générale : point de ponction lorsque la fluctuation n'est pas aussi manifeste que possible. Or la fluctuation d'un kyste multiloculaire est à peine marquée ; celle d'un kyste uniloculaire gélatiniforme m'a paru la même que celle du kyste uniloculaire séreux. La ponction ne peut remplir son objet que dans ce dernier cas. La distinction des kystes en uniloculaires et multiloculaires serait d'une bien grande importance si l'extirpation de l'ovaire devenait une opération avouée par l'art. Les kystes mu ltilo cul aires devraient être respectés, les kystes uniloculaires seuls seraient susceptibles d'extirpation, parce qu'avec la précaution de vider la poche ils pourraient être enlevés à la faveur d'une incision médiocre des parois abdominales.

Sous le point de vue de Vanatomie pathologique, je crois devoir ranger cette altération dans cette grande classe de lésions organiques caractérisées par la transformation d'un tissu en un tissu nouveau, incapable de revenir à son organisation première ; vrai parasite, vivant d'une vie propre, indépendante, pourvu d'un système vasculaire nouveau, s'appropriant des sucs nourriciers; susceptible d'un accroissement indéfini, parce que les matières sécrétées s'organisent à mesure. A ces traits on reconnaît le caractère de la plupart des espèces d'altérations connues sous le nom de cancer. *

C'est en effet dans les catégories, de cancers aréolaires et gélatiniformes, que se classe le kyste de l'ovaire, représenté planche ni ; cancers qu'on a désignés sous le nom impropre de colloïdes , et qui ne diffèrent du cancer aréolaire et gélatiniforme de l'estomac et des autres tissus que par la capacité de ses mailles. Cette forme de dégénération, sur laquelle j'aurai occasion de revenir, a cela de particulier qu'elle est toujours locale. Elle peut envahir et elle envahit souvent tous les tissus voisins, mais seulement par voie de continuité, jamais par voie d'infection générale.

5e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DU CERVEAU. (Idiotie)

MALADIES DU CERVEAU (IDIOTIE).

(planches iv et v, ve livraison.)

De toutes les maladies dites mentales, il n'en est aucune sur laquelle l'anatomie pathologique soit appelée à jeter un plus grand jour que sur l'idiotie. Instrument immédiat et nécessaire de l'âme dans l'exercice des facultés intellectuelles, le cerveau, arrêté dans son développement ou altéré dans sa texture, entraîne une diminution correspondante portée quelquefois jusqu'à l'abolition de l'intelligence. Toute diminution notable des facultés intellectuelles qui ne permet pas à l'individu de remplir dans la société le rôle d'un homme, s'appelle idiotisme ou mieux idiotie 9 mot énergique par lequel on exprime la destination de l'homme à la vie sociale : il est dégradé lorsqu'il a perdu cette aptitude (IAI02, solitarias ). L'étude du cerveau dans l'idiotie se rattache aux plus graves questions psychologiques, et en particulier aux différences intellectuelles qui existent entre les hommes, différences non moins remarquables, non moins nombreuses , non moins appréciables que les différences physiques : or ces différences intellectuelles sont-elles liées à des différences d'organisation du cerveau? L'observation me paraît répondre par l'affirmative, et la saine métaphysique ne saurait repousser les conquêtes de l'anatomie ; les vérités physiques ne peuvent être en opposition avec les vérités métaphysiques et morales. Le règne animal tout entier, les lésions physiques et organiques du cerveau sont là pour déposer en faveur de l'influence de l'organisation sur l'intelligence : suivant que les organes présentent telle ou telle conformation, les impressions seront et plus vives, et plus nettes, et plus profondes et plus multipliées : non, on ne naît pas plus poète, orateur, qu'on ne naît mathématicien , savant ; mais on naît avec des sens plus ou moins aptes à recevoir les impressions, avec des nerfs plus ou moins aptes à conduire ces impressions, avec un cerveau plus ou moins apte à les reproduire dans leur ordre, leur pureté, leur vivacité; et du sein de cette organisation mieux interprétée jaillit plus brillante et plus belle la pensée immatérielle avec son caractère d'immortalité.

A son point de départ, Gall était donc dans le vrai. Si les différences intellectuelles des divers individus sont liées à des différences d'organisation du cerveau, il est donc possible par l'observation d'apprécier ces différences. Si Gall a erré, c'est dans les conséquences, dans l'abus de l'analogie qu'il a poussée au-delà de toute mesure ; dans sa dissection étroite et peu logique tout à la fois de l'homme intellectuel et moral, dans la localisation de ses facultés, dans leur placement arbitraire dans telle ou telle circonvolution du cerveau. Ainsi Gall a la gloire d'avoir ouvert une nouvelle route, d'autres auront celle de la parcourir.

Médecin pendant sept à huit ans de la Maison d'aliénés de Limoges, j'ai eu de fréquentes occasions d'observer l'idiotie, et j'ai pu apprécier la légitimité de la distinction établie par M. Esquirol entre l'imbécillité et l'idiotie. Les imbéciles, réduits à un état d'ilotisme, travaillaient comme des bêtes de somme, reconnaissans pour la main qui les nourrissait, susceptibles d'acquérir un plus ou moins grand nombre d'idées, mais simples, matérielles et qui sortaient bien rarement du cercle de leurs besoins physiques. Je divisais les idiots en deux espèces, les idiots de naissance et les idiots accidentels : les premiers n'étant pas appelés à jouir de l'existence intellectuelle et morale, les seconds en ayant joui pendant un temps plus ou moins long et Fayant perdue ou tout-à-coup ou progressivement. Les premiers restent stationnaires et sont marqués au coin de l'incurabilité : l'idiotie des seconds est susceptible d'alternatives d'accroissement et de diminution ; le retour à la santé n'est pas impossible. Les premiers présentent à l'autopsie un développement incomplet, ou bien les traces d'une maladie éprouvée pendant la vie intrà-utérine; chez les seconds, on trouve les traces d'une maladie plus ou moins grave éprouvée après

ve livraison.

i

la naissance. M. Esquirol a cru devoir séparer complètement l'idiotie acquise de l'idiotie congénitale , réservant le nom à idiotie à la seconde et donnant celui de démence à la première. Certes ces deux états ne sauraient être confondus ; mais, analogues sous les rapports essentiels, l'idiotie congéniale et l'idiotie acquise m'ont paru devoir être réunies dans la même classe de maladies, sous la même dénomination, comme deux espèces bien distinctes. L'idiotie congéniale reconnaît autant de variétés qu'il y a de causes organiques qui peuvent la déterminer. L'idiotie acquise est le dernier résultat, le résultat commun de toutes les maladies cérébrales : ainsi il est une idiotie apoplectique, une idiotie épileptique, une idiotie suite des autres espèces d'aliénations mentales. C'est dans cet ordre que je me propose de décrire et de figurer successivement les lésions du cerveau que l'on rencontre dans l'idiotie, lésions qui rendent parfaitement compte de l'état de dégradation intellectuelle et morale où se trouvent ces individus. Cessons donc d'appeler maladies mentales, maladies de l'âme, les maladies qui portent sur l'intelligence et sur les facultés affectives. L'âme, principe immatériel, est incapable de maladies; mais l'instrument par lequel elle agit, le cerveau, qui lui transmet immédiatement les impressions qu'il a reçues du monde extérieur ou des organes, le cerveau, qui reçoit immédiatement les ordres de la volonté, est sujet à une foule rie lésions; et telles sont la délicatesse et l'importance de ses fonctions que les moindres variations dans sa texture, et même dans sa circulation et sa consistance, entravent l'exercice des facultés intellectuelles.

IDIOTIE CONGÉNIALE.

Toutes les causes organiques d'idiotie congéniale peuvent se rapporter, i° au défaut de développement partiel ou général du cerveau, lequel coïncide tantôt avec un défaut de développement , tantôt avec un développement normal des os du crâne ; i° à la compression du cerveau soit par lepaississement des os du crâne, soit par la présence d'un liquide ; 3° à l'induration partielle ou générale du cerveau, induration qui peut être portée à un degré voisin du cartilage; 4° à l'absence et à la transformation celluleuse, en un mot à l'atrophie partielle ou générale de cet organe.

Ire Observation. — Idiotie par atrophie de la presque totalité de l'hémisphère droit du cerveau; transformation de cet hémisphère en cellulosité dans les mailles de laquelle était déposée une grande quantité de sérosité', induration et disposition rameuse de quelques fibres cérébrales (*).

Rolet (Marie-Françoise), âgée de sept ans, est transférée, le 29 septembre 1828, de l'Hospice des Orphelins à l'Hôpital des Enfans, sans aucun renseignement, sinon qu'elle est idiote et qu'elle a mal dans la bouche depuis quelque temps. Cette enfant est cacochyme dans toute la rigueur de l'expression. Les membres sont flasques et retombent presque comme une masse inerte : cette enfant ne peut se tenir debout ni même assise, reste constamment couchée sur le dos ou sur les côtés, dans un état d'immobilité absolue. Elle ne parle pas et pousse à peme de temps en temps quelques cris. Quand on s'approche d'elle, elle ouvre instinctivement la bouche comme pour recevoir des alimens. Elle semble prendre avec plaisir les potages et les bouillons gras. — Les toniques furent employés sans résultat; l'affaiblissement toujours croissant présageait une fin prochaine, lorsque, le 24 octobre, survinrent la toux, l'oppression, tous les caractères d'une pneumonie et la diarrhée qui précipitèrent la mort, qui eut lieu le 29, cinq jours après l'invasion de ces premiers symptômes.

Ouverture du cadavre. Crâne bien conformé à l'extérieur. La voûte crânienne enlevée, la dure-mère renversée, le cerveau apparaît avec son volume naturel ; mais les deux hémisphères se présentent sous deux aspects bien différens : l'un et l'autre remplissent la cavité crânienne correspondante, mais l'hémisphère gauche HGN ( planche iv, fig. 1) est tout-à-fait dans l'état naturel; l'hémisphère droit HDA, au

(*) Observation et pièce pathologique communiquées par M. Maréchal, interne à l'Hôpital des Enfans , au nom de M. Guersent.

contraire, bien qu'il ait le même volume que le gauche, paraît transformé dans sa presque totalité en un kyste à parois minces et demi-transparentes sur lesquelles se dessinent, comme des lignes sinueuses, les traces des circonvolutions et des anfractuosités. Ce kyste n'occupait pas toute l'étendue de l'hémisphère HG A ; il avait respecté les circonvolutions les plus internes, les circonvolutions antérieures A et postérieures P.

Le kyste ouvert (fig. 2), il s'est échappé une grande quantité de sérosité limpide, dont partie était ramassée dans des espèces de kystes, et partie infiltrée dans un tissu cellulaire extrêmement délié. Ces kystes, ou plutôt ces poches celluleuses irrégulières, ne communiquaient pas entre elles, et ne communiquaient pas non plus avec le ventricule iatéral dont les séparait une lame extrêmement ténue.

Bien que les parois du kyste eussent la ténuité d'une feuille de papier, il m'a été possible d'y retrouver les circonvolutions CA, CA, CA (fig. 2), mais atrophiées, semblables à des lames minces superposées et distinctes au moyen d'un tissu cellulaire extrêmement délié ; il est donc évident que les circonvolutions ont existé, mais qu'elles se sont atrophiées. L'incision I, I (fig. 2) permet de voir l'aspect du réseau cellu-leux qui remplissait le kyste, infiltré de sérosité. Au milieu de ce réseau celluleux se voyaient un grand nombre de filamens blancs extrêmement ténus, mais très-denses, que j'ai facilement reconnus pour des filamens nerveux : mes doutes se sont dissipés lorsqu'en incisant le kyste dans plusieurs sens, j'ai reconnu quelques poches celluleuses semblables à celle représentée au bas de la figure 2. Là se voient des filamens nerveux, ronds, denses, qui semblent naître de ce qui reste de substance blanche dans les circonvolutions inférieures, également indurées; ces filamens se divisent, se subdivisent, et vont se terminer à quelques-uns des points des parois du kyste. Le ventricule latéral du même côté est extrêmement dilaté (fig. 3) et communique par une très-large ouverture O avec le ventricule moyen. Le corps strié CS et la couche optique CO sont atrophiés; ils étaient très-denses et blancs, comme granuleux à leur surface, et vraiment méconnaissables, et pour la forme et pour le texture. Les corps genouillés externe et interne participaient à l'atrophie de sa couche optique. Jamais je n'ai vu plus manifestement les radiations sorties des couches optiques et des corps striés se recourber pour venir se continuer avec le corps calleux CC, CC. Le corps calleux n'était pas atrophié, et cependant les radiations du corps strié et de la couche optique avec lesquelles il se continuait, l'étaient en grande partie. La voûte à trois piliers était également atrophiée , et se continuait manifestement avec Je septum lucidum très-développé et très-dense, qui se continuait avec la membrane également très-dense qui tapissait le ventricule. Le nerf optique droit était atrophié en deçà du chiasma, et, chose bien remarquable, au-delà du chiasma, c'était le nerf optique gauche. Un cordon grisâtre très-dense remplaçait la commissure molle des nerfs optiques. Tout était sain dans l'hémisphère droit, seulement le ventricule était très-dilaté. Les tubercules quadrijumeaux, le bulbe raehidien étaient également très-sains. La moitié atrophiée du cerveau ne formait pas en poids et en volume la dixième partie de la moitié saine.

Réflexions. — Il est malheureux que nous n'ayons pas de renseignemens plus circonstanciés sur cette jeune idiote. L'idiotie était-elle congéniale, était-elle acquise? Bien que la première opinion soit plus probable, la seconde n'est pas dénuée de toute vraisemblance, car il n'y a pas là précisément arrêt de développement, mais bien perversion de nutrition, rétrogradation de la presque totalité d'un hémisphère à l'état celluleux, atrophie en un mot portée à son dernier terme. On voit donc que, dans beaucoup de cas, il est difficile de distinguer l'idiotie congéniale de l'idiotie acquise, la première étant la suite d'une maladie cérébrale éprouvée pendant la vie intrà-utérine, de même que la seconde est une suite d'une maladie cérébrale éjDrouvée pendant la vie extra-utérine. Mais quelle est cette maladie antérieurement éprouvée? Ce n'est point un foyer sanguin, car le tissu cellulaire ne présente pas cette couleur jaunâtre ou brunâtre, trace indélébile d'un épanchement de sang antérieur. Y a-t-il eu ramollissement blanc, pulpeux? Cela pourrait être; car dans ce ramollissement, qu'on peut appeler séreux, vu que

la pulpe cérébrale est comme délayée, triturée dans de la sérosité; dans ce ramollissement, dis-je, le parenchyme celluleux reste intact et survit seul à l'absorption nécessaire de la pulpe cérébrale devenue corps étranger. Ici le tissu cellulaire est très-dense, ce qui reste de substance cérébrale est également induré et porte les traces d'un travail de cicatrisation. Quant à la présence de la sérosité, soit infiltrée, soit amassée en poche, elle est une suite de cette loi par laquelle aucun vide ne peut exister dans la cavité cérébro-rachidienne. La structure fibreuse de la substance cérébrale n'a jamais peut-être été mieux démontrée que par ces filets nerveux très-denses qui, partant delà substance blanche des circonvolutions, se rendaient à d'autres points : on eut dit des nerfs proprement dits. L'hémisphère gauche est atrophié, et la couche optique et le corps strié du même côté le sont également : donc il y a un rapport intime entre les uns et les autres. Je suis persuadé que l'atrophie primitive d'un hémisphère entraîne l'atrophie de la couche optique et du corps strié du même côté, et réciproquement. Le corps calleux n'était atrophié ni d'un côté ni de l'autre : c'est que la ligne médiane n'est pas la limite de ce qui appartient à l'un et à l'autre hémisphère, et que les radiations calleuses sont fournies à la fois par les deux hémisphères. Les tubercules quadrijumeaux étaient sains, et cependant le nerf optique était atrophié du côté gauche; et au-delà du chiasma, c'était le nerf optique du côté droit; preuve bien évidente que les tubercules quadrijumeaux ne sont point l'origine réelle des nerfs optiques, et qu'il y a entrecroisement au chiasma, mais entrecroisement partiel. Il est à regretter que l'état précis des organes des sens, de la vue en particulier, que l'état précis des membres n'aient pu être notés. Il est probable qu'il y avait amaurose et hémiplégie du côté droit. Au reste, cette idiotie n'était annoncée par aucune conformation particulière du crâne ; il y avait diminution sensible de volume du crâne dans le cas suivant, où les deux hémisphères étaient atrophiés. Ce cas nous permettra, en outre, de comparer les effets de l'atrophie partielle avec ceux de l'atrophie générale du cerveau.

IIe Observation. — Idiotie par atrophie du cerveau qui remplissait a peine la moitié du crâne (*).

Conversion (Auguste), âgé de trois ans, apporté à l'Hospice des Orphelins le 7 mai 1826, présentait tous les caractères de l'idiotie. Le crâne n'est pas tout-à-fait en rapport avec le volume de la face : les yeux sont saillans; les pupilles sensibles à l'impression de la lumière : intelligence nulle : sensations tactiles et visuelles obtuses et tardives : plaçait-on le doigt au-devant de l'œil, la paupière supérieure ne s'abaissait qu'au bout d'une ou deux secondes. La douleur causée par le pincement de la peau n'était pas non plus perçue immédiatement. Surdité et aphonie complètes. Mouvemens des membres rares et faibles : le plus souvent décubitus sur le dos, les cuisses fléchies sur le bassin. De temps en temps, convulsions légères. Les premiers jours, lejpetit malade ingérait dans l'estomac les alimens qu'on introduisait dans sa bouche; la déglutition devint bientôt difficile, puis impossible; il s'éteignit le 19 mai, douze jours après son entrée.

Ouverture du cadavre.— Crâne sensiblement moins volumineux que dans l'état naturel, déprimé en avant; plus de traces de fontanelles. Épaisseur notable de ses parois, surtout en avant. Eminences mamil-laires et impressions prononcées sensibles à la surface interne du crâne, qui adhérait intimement à la dure-mère. Celle-ci incisée, il s'écoula une grande quantité de sérosité limpide, contenue à la fois dans la cavité de l'arachnoïde et entre cette membrane et la pie-mère. La masse encéphalique remplissait à peine la moitié de la capacité du crâne. Son poids et son volume sont à peu près le quart de ce qu'ils doivent être chez les enfans du même âge. Les circonvolutions sont réduites à une lame extrêmement mince, séparées par la sérosité qui remplit les anfractuosités. Les lobes postérieurs, terminés en pointe, laissent entre eux un intervalle considérable dans lequel on aperçoit la presque totalité de la face supérieure du cervelet; la pointe de ces lobes n'atteignait pas à beaucoup près la circonférence de ce même cervelet. Le corps calleux, ténu et dense comme une feuille de parchemin, est fortement soulevé par la sérosité accu-

(*) Observation et pièce pathologique présentées à la Société anatomique par M. Barbier du Bocage, l'un de ses membres.

5e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DU CERVEAU. (Idiotie.)

mulée clans les ventricules latéraux. Les corps striés et les couches optiques sont en rapport avec le peu de développement des hémisphères. La voûte à trois piliers est très-mince ; les corps frangés peu appareils ; les cornes d'Ammon peu saillantes ; les commissures antérieure et postérieure très-ténues. Tout le cerveau est remarquable par sa consistance, qui est beaucoup plus considérable que dans l'état naturel.

Le cervelet est un peu moins développé qu'il ne l'est dans l'état normal. Protubérance annulaire en rapport avec le petit volume du cerveau. Tubercules quadrijumeaux sains. Au bulbe raehidien, les corps olivaires sont très-saillans; les pyramides antérieures atrophiées. — Moelle épinière saine. — Rien dans les autres appareils.

Réflexions. — Ici les deux hémisphères sont complètement atrophiés, et le crâne, bien qu'il soit sensiblement moins volumineux que dans l'état naturel, est loin de traduire à l'extérieur le volume du cerveau : d'où je conclus que ce n'est qu'à une certaine époque de la vie fœtale, peut-être même de la vie extrà-utérine, que le cerveau s'était atrophié : je pourrais l'inférer encore de la présence des éminences mamillaires et des impressions digitales à la surface interne du crâne, éminences et impressions qui, malgré l'assertion contraire de Bichat, sont évidemment dues à la présence des anfractuosités et des circonvolutions du cerveau.

Au reste, il y a parfaite harmonie entre les symptômes observés pendant la vie et la lésion observée après la mort : la torpeur générale, la lenteur dans la perception des impressions extérieures, me paraissent un effet constant et en quelque sorte pathognomonique de l'induration du cerveau. J'ai eu occasion de faire l'autopsie de plusieurs individus qui, vifs, allègres autrefois, étaient devenus peu à peu lents, extrêmement lents dans l'articulation des sons, dans tous leurs mouvemens et dans toutes leurs perceptions, et qui, pour toute lésion, n'ont présenté qu'un endurcissement extrême de la substance cérébrale. Dans le cas actuel, c'est à l'atrophie et à l'induration du cerveau que nous devons rapporter tous les symptômes observés. Je regarde la sérosité très-abondante contenue dans le crâne, non comme la cause de l'atrophie du cerveau, mais comme un effet du retrait de cet organe. Elle est destinée à remplir un vide, de la même manière que la graisse liquide qui entoure le cerveau des poissons : il est une loi anatomique et physiologique qui vent que le crâne doit être toujours exactement rempli. Les cerveaux très-volumineux sont secs ; pas une goutte de sérosité soit à la surface, soit dans les ventricules : les cerveaux petits sont toujours entourés par une couche épaisse de liquide.

Ce fait intéresse encore sous le rapport de la corrélation qui existe entre les différentes parties du cerveau sous le rapport de l'atrophie. Les circonvolutions, le centre médullaire, les corps striés et couches optiques, le corps calleux, la voûte à trois piliers, les commissures, la protubérance annulaire, ou plutôt la partie de cette protubérance saillante à la face inférieure du cerveau, les pyramides antérieures sont atrophiés en raison directe les uns des autres. Les corps olivaires seuls sont très-développés, et ce développement coïncide avec celui du cervelet, qui est à peu de chose près dans l'état naturel. Ce n'est pas la première fois que j'observe ce phénomène, qui semblerait indiquer un rapport entre les olives et le cervelet. Il est vrai que l'atrophie des pyramides antérieures peut induire en erreur, car le développement des olives pourrait n'être que relatif.

Dans l'observation suivante, l'idiotie était liée à l'absence du lobe moyen de l'hémisphère gauche, et par conséquent à l'absence de la moitié réfléchie du ventricule latéral et à une large communication entre ce ventricule et la cavité de l'arachnoïde extérieure, à l'atrophie de la couche optique gauche, au défaut de symétrie des circonvolutions droites et gauches, à l'atrophie de la moitié gauche du cervelet et à l'irrégularité de la disposition de ses lamelles.

IIIe Observation. — Idiotie absolue; absence du lobe moyen gauche et communication du ventricule latéral avec la cavité de Varachnoïde extérieure. — Déformation du cervelet; atrophie de son hémisphère gauche (*). (Planche v.)

Le 9 août 1828, a été couchée, dans la salle Sainte-Cécile (Hôpital des Enfans ) , Aval (Cécile-Victoire), âgée de cinq ans. Cette enfant, disent les parens, est idiote de naissance et n'a jamais pu proférer que des

(*) Observation et pièce pathologique communiquée par M. Maréchal au nom de M. Guersent.

ve livraison. -

sons inarticulés. Quand on s'approche d'elle, elle pousse des cris aigus, et cesse de crier aussitôt qu'on s'éloigne. Les yeux sont divergens, tournés en haut. Quand la faim ou la soif tourmentent la petite malade, elle s'agite, se heurte la tête contre le bois de son lit, et cela assez violemment pour faire naître de fortes ecchymoses. Lorsque ces deux besoins sont satisfaits, elle applique les mains au devant de la bouche et les maintient ainsi appliquées pendant quelque temps. Elle pousse presque continuellement des cris sourds très-analogues au grognement des pourceaux. On a été frappé , pendant tout le temps de son séjour à l'hôpital , de l'intensité de sa soif; elle buvait quatre pots au moins, souvent huit pots de tisane par jour et quelquefois un pot d'un seul trait. Les urines étaient très-abondantes, mais involontaires, ce qui n'a pas permis d'en recueillir pour les soumettre à l'analyse.

Après un mois et demi de séjour, elle fut prise de fièvre, de toux, de diarrhée, et succomba un mois après l'apparition de ces symptômes.

Ouverture du cadavre. Crâne parfaitement bien conformé. A peine a-t-on incisé la dure-mère, qu'il s'échappe du côté gauche une sérosité limpide, dont la quantité peut être évaluée à huit onces. Cette sérosité était contenue dans la cavité de l'arachnoïde, plus abondante en arrière qu'en avant, et refoulant l'hémisphère gauche du cerveau contre la faux, en sorte qu'après l'évacuation du liquide il restait un grand vide, surtout en arrière, entre le cerveau et la dure-mère.

Le cerveau n'offre rien de particulier à sa surface convexe ; mais sa base, représentée figure i, nous montre i° une perforation P, oblongue, de dedans en dehors et d'avant en arrière, plus large en dedans qu'en dehors, au fond de laquelle se voit le plexus choroïde, et qui établit une large communication entre la cavité de l'arachnoïde extérieure et la cavité du ventricule. L'arachnoïde s'épaissit et cesse complètement au niveau de cette ouverture, la pie-mère elle-même, qui paraît s'enfoncer dans l'hiatus, cesse brusque-quement. 2°. Il n'existe pas de scissure de Sylvius, sa place est à peine marquée S' S'. 3\ Ce défaut de scissure de Sylvius est liée a l'absence du lobe moyen ou sphénoïdal. Du reste, il n'y a aucune similitude entre les circonvolutions de l'hémisphère gauche et celles de l'hémisphère droit ; bien que chez les individus les mieux conformés le cerveau ne soit nullement symétrique sous ce rapport, cependant on voit rarement une opposition aussi marquée, comme on peut s'en assurer sur cette figure, où les circonvolutions ont été fidèlement copiées. 5°. Le lobe gauche du cervelet LG n'est pas moitié du lobe droit LD. La disposition des lamelles cérébelleuses diffère d'ailleurs beaucoup de l'état sain. 6°. Le cerveau ouvert, nous avons vu, dans l'intérieur du ventricule latéral (figure 2), une bandelette de substance médullaire LM qui obturait en partie l'ouverture de communication indiquée. Il y avait absence de la partie inférieure ou réfléchie du ventricule latéral. Par conséquent point de corne d'Ammon, point de bandelette demi-circulaire. La couche optique GO était atrophiée. La différence de disposition que présentaient la couche optique et le corps strié droit et gauche se trouve très-bien indiquée figure 3 et 4« Le corps strié gauche CSG est beaucoup plus recourbé que le corps strié droit CSD, sans doute pour venir embrasser la couche optique gauche atrophiée COG, qui n'est que la moitié de la couche optique droite COD.

Il est difficile de faire la part de chacune des altérations indiquées ; de nouveaux faits pourront nous permettre d'analyser un fait compliqué, d'accorder à chacun de ses élémens la part qui lui revient et de résoudre les questions suivantes : i° quels sont les effets d'une large communication des ventricules avec la cavité de l'arachnoïde ? i°. Quels sont les effets de l'absence de la moitié inférieure du ventricule latéral, et par conséquent de la corne d'Ammon et de la portion réfléchie de la voûte à trois piliers? 3°. Quels sont les effets d'un défaut complet de symétrie entre les circonvolutions du cerveau ? 4°. D'un défaut complet de symétrie entre les lamelles cérébelleuses? Ce fait d'ailleurs prouve avec mille autres l'impossibilité de juger le cerveau par l'extérieur du crâne, qui était ici parfaitement bien conformé.

5e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DU CERVEAU.( Apoplexie )

MALADIES DU CERVEAU.

HÉMORRHAGIE SPONTANÉE DU CERVEAU (APOPLEXIE).

Hémiplégie complète a droite avec perte de connaissance au moment de l'attaque ; stupeur; émission involontaire des urines. Mort le cinquième jour. — Apoplexie de la couche optique gauche avec communication du foyer dans le ventricule moyen ; foyer ancien au centre de l'hémisphère du même côté.

(PLANCHE VI, Ve LIVRAISON, FIGURES I ET i'. )

Martin, athlétique, cinquante - deux ans, assis au coin d'une rue pour vendre du lait, tombe tout-à-coup sans connaissance. Un médecin appelé le saigne abondamment et le fait transférer de suite à la Maison royale de Santé, le 7 avril 1829 : c'était au moment de ma visite. Voici quel était son état : paralysie complète du sentiment et du mouvement des extrémités supérieure et inférieure droites. La langue s'incline du côté paralysé : le malade, immobile dans son lit, a sa connaissance et répond aux questions qui lui sont adressées. La face exprime la stupeur. Emission involontaire des urines. Du reste, le pouls est naturel pour la fréquence*, la respiration est naturelle. Le malade n'accuse aucune douleur. Pour commémorât! fs , j'apprends que cet homme était tourmenté par de violens chagrins domestiques et se plaignait depuis quelque temps de céphalalgie.

Diagnostic. Foyer apoplectique très-considérable de la couche optique gauche, qui est en grande partie détruite. Probablement communication du foyer avec la cavité du ventricule latéral correspondant.

Pronostic. Le cas sera prochainement mortel, peut-être avant le huitième jour.

Traitement. Une forte saignée au bras venait d'être pratiquée en ville. Je prescris un lavement avec le vin émétique trouble ; deux larges sinapismes aux pieds et aux jambes en manière de bottine : saignée du pied le soir. — Le lendemain, même état de stupeur, d'immobilité; toujours émission involontaire des urines. Aucune évacuation alvine malgré le lavement purgatif. Troisième saignée au bras. Deux vésicatoires aux jambes.—Le troisième et le quatrième jour, toujours même état*, les yeux sont ouverts, fixes; les muscles sourciliers contractés : il entend, il répond; toutes ses réponses sont lentes et tardives. Respiration lente ; pouls naturel. •— Application de glace sur la tête. —Le cinquième jour, à la visite du matin, la respiration était un peu accélérée, le pouls un peu fréquent; l'état général paraissait d'ailleurs le même. Je pronostiquai la mort dans la journée ; et, en effet, la respiration s'accélère; une sueur excessive inonde le malade, qui meurt quelque temps après sans agitation, sans mouvemens convulsifs, dans un état d'immobilité.

Ouverture du cadavre. — Un foyer apoplectique très-considérable FA (fig. 1 ) existait dans l'épaisseur de la couche optique gauche CO. Un sang concret et noir remplissait ce foyer. Les ventricules latéraux contenaient de la sérosité sanguinolente, et néanmoins je ne voyais aucune communication entre ces ventricules et le foyer ; alors renversant de bas en haut la voûte à trois piliers V3P, et me débarrassant de la toile choroïdienne, je découvre, dans le ventricule moyen, une ouverture déchirée FAO dans laquelle

Ve LIVRAISON. I

s'engageait un caillot sanguin. Les corps striés droit et gauche CS, CS, la couche optique droite CO, les tubercules quadrijumeaux TQ, le cervelet C sont dans l'état le plus parfait d'intégrité.

La figure 2' représente le foyer sanguin FA largement ouvert et ses parois développées, les débris de la couche optique CO renversés, les tubercules quadrijumeaux droits TQ séparés des tubercules quadrijumeaux gauches. Les parois du foyer dépouillées de caillots et vues à la loupe présentent des houppes vasculaires très-nombreuses et un grand nombre de vaisseaux déchirés. Ce sont les vaisseaux des couches optiques dont les uns ont été déchirés et les autres disséqués en quelque sorte par le sang épanché.

En dehors du foyer apoplectique se voit, au centre médullaire de l'hémisphère droit, un kyste apoplectique ancien RA (fig. 1), oblong, à parois minces et jaunâtres, au fond duquel on aperçoit quelques brides celluleuses d'un jaune brunâtre qui vont de l'une à l'autre paroi.

Réflexions. — On attribuera peut-être à un hasard heureux la confirmation pleine et entière du diagnostic et du pronostic que j'ai portés au moment de l'entrée du malade : sans doute trop d'élémens entrent dans les maladies pour que nous puissions atteindre dans le plus grand nombre des cas la rigueur mathématique, mais j'affirme que l'étude approfondie comparative des symptômes et des lésions cadavériques, une éducation soutenue et bien dirigée des sens peuvent conduire à des résultats qui étonnent le vulgaire des praticiens. Mon secret dans le cas actuel est celui-ci : j'ai diagnostiqué une apoplexie de la couche optique, i° parce que cette apoplexie est, d'après mon observation, la plus fréquente ; i° c'est celle qui détermine l'hémiplégie la plus complète, attendu que les radiations du corps strié procèdent elles-mêmes des couches optiques, J'ai diagnostiqué la communication avec les ventricules à cause de la stupeur, de l'immobilité. J'ai annoncé que l'apoplexie était très-considérable, parce que la paralysie du sentiment et du mouvement était complète; qu'elle serait mortelle, parce que j'ai vu très-rarement guérir des individus à hémiplégie complète; l'émission involontaire des urines, la stupeur, l'immobilité sont encore des signes extrêmement funestes. La gravité de mon pronostic était surtout fondée sur la perte complète de connaissance au moment de l'invasion. Il y a une différence énorme entre une apoplexie avec perte de connaissance au moment de Vattaque et une apoplexie sans perte de connaissance. Enfin j'ai annoncé qu'elle serait prochainement mortelle, et j'ai fixé le terme de huit jours, parce que c'est du quatrième au huitième jour que commence le travail réparateur, et il était plus que probable que le malade ne pourrait pas résister aux premiers mouvemens fluxionnaires que nécessite ce travail.

La couleur du sang, la couleur rouge du foyer, la couleur rouge des parois qui sont comme imprégnées de la matière colorante, les nombreux vaisseaux déchirés sont très-bien représentés sur les figures 1 et 1'. Le hasard a voulu qu'à côté d'un foyer récent se trouvât un foyer très-ancien remarquable par sa forme oblongue, par sa situation au centre de l'hémisphère et dont les commémoratifs n'avaient pu nous faire deviner l'existence. Ce ne serait pas la première fois que je rencontre des apoplexies de l'hémisphère sans paralysie consécutive.

Hémiplégie incomplète avec rigidité du côté gauche : léger délire : fièvre. Mort le vingt-cinquième jour par suite d'un phlegmon diffus sous-cutané de la jambe—Foyer apoplectique dans le centre médullaire de l'hémisphère droit.— Trace d'un petit foyer ancien dans l'épaisseur du corps strié du même côté. Tumeurfibreuse ramollie de l'utérus ( fig. 1 et 1').

Madame Lechat, soixante-douze ans, est apportée à la Maison royale de Santé, le i3 octobre 1828, dans un état d'hémiplégie incomplet du côté gauche. Huit jours avant son entrée, elle avait été prise subitement d'une hémiplégie qui fut, dit-on, complète le premier jour et qui a diminué graduellement. Elle a été saignée par la lancette et les sangsues ; elle a pris un vomitif : des sinapismes et des vésicatoires ont été appliqués.

Au moment de son entrée, l'hémiplégie avait de beaucoup diminué : la malade meut avec assez de force les extrémités primitivement paralysées; il y a plutôt rigidité que paralysie. Décubitus sur le côté sain. Sensibilité naturelle ; les facultés intellectuelles sont à peu près dans leur état d'intégrité ; léger délire gai; la malade répond parfaitement à toutes les questions; langue sèche; pouls dur, fréquent. En palpant l'abdomen, je reconnais à l'hypogastre une tumeur molle, circonscrite, que je crus être la vessie, en sorte que je pensai d'abord que la malade urinait par regorgement. Le cathétérisme démontra que j'étais dans l'erreur et me laissa dans l'incertitude sur le véritable caractère de cette tumeur.

Diagnostic. Foyer apoplectique à droite n'intéressant que médiocrement soit le corps strié, soit la couche optique. La malade, indépendamment de l'apoplexie, est sous l'influence d'une cause fébrile qu'il m'est impossible de découvrir. Le principe de la lièvre serait-il dans la tumeur hypogastrique ? Mais elle est indolente et ne peut être qu'une tumeur fibreuse molle de l'utérus, ou une maladie de l'ovaire.

Pronostic. Grave, non sous le point de vue de l'apoplexie en elle-même, mais sous celui de la fièvre.

Prescription : limonade ; douze sangsues à l'anus. Les jours suivans, la malade remue plus librement ses membres; je la trouve toujours en arc de cercle, couchée sur le côté droit, calme, légèrement assoupie : elle répond gaiement aux questions que je lui adresse et dit qu'elle se trouve à merveille : la fréquence dans le pouls persiste. Le 21 octobre, je m'aperçois qu'un érysipèle s'est déclaré sur toute l'extrémité inférieure droite, probablement par suite du décubitus constant sur ce côté, et pourtant la malade n'accuse aucune douleur. Les jours suivans l'érysipèle paraît diminué ; mais un oedème indolent persiste. Le 2 novembre, veille de sa mort, la malade n'était pas en apparence plus mal que de coutume. Elle répondait très-bien aux diverses questions que je lui adressai.

Ouverture du cadavre. J'incisai d'abord les tégumens de l'extrémité inférieure droite, et je vis que le tissu cellulaire sous-cutané de la jambe était infiltré d'une grande quantité de pus. 11 en existait également autour du genom Un abcès considérable occupait le tissu cellulaire sous-cutané de la cuisse gauche. La tumeur hypogastrique était une tumeur fibreuse utérine énorme, remplissant la capacité du bassin : cette tumeur était irrégulière, molle, aréolaire, et ses mailles étaient remplies de sérosité. La convexité du cerveau m'a présenté, au niveau de la fosse pariétale droite, une coloration brunâtre, et de plus une grande mollesse avec fluctuation, comme s'il existait dans ce point une cavité incomplètement remplie d'eau; et, en effet, il s'est échappé par une incision superficielle un liquide brun marron foncé : les caillots qui remplissaient la caverne étaient de même couleur. Cette couleur a été rendue avec beaucoup de vérité figure 1. Le foyer apoplectique FA occupait toute l'épaisseur du centre médullaire de l'hémisphère droit du cerveau. D'une part, il atteignait les circonvolutions, dont plusieurs avaient disparu; d'une autre part, il était limité par la réflexion du corps calleux. Ayant pénétré dans les ventricules, j'ai vu que ce foyer communiquait par une ouverture étroite avec la cavité digitale, qui, énormément développée, était à elle seule plus considérable que tout le reste du ventricule latéral. Il est bon de rappeler que la malade était toujours couchée du côté droit. Cette cavité digitale contenait quelques caillots sanguins. Les caillots étant enlevés à l'aide d'un filet d'eau, on voit (fig. 2) les rudimens du kyste réparateur dans un tissu cel-luloso - vasculaire extrêmement délié MCV, dont une partie offre une coloration jaune orangé , jaune serin, tandis qu'une autre partie semble encore imbibée de sang, comme dans le foyer récent de la figure ï : la différence est tellement tranchée, que je me suis demandé s'il n'y avait pas eu dans ce même point un foyer apoplectique ancien dont les parois se seraient en quelque sorte confondues avec un kyste apoplectique nouveau. Mais, en réfléchissant que nous étions au vingt-cinquième jour de l'attaque, j'ai pensé que la coloration jaune orangé, trace indélébile d'un épanchement de sang antérieur, avait fort bien pu se développer dans cet espace de temps. Au reste, sur la figure 1' comme sur la figure ï, on voit des houppes vas-culaires, débris des vaisseaux qui animaient la portion du cerveau remplacée par le foyer de sang. La même figure i' représente quelques ramifications artérielles AO parsemées de ces plaques ossiformes si communes

chez les vieillards. En divisant la couche optique et le corps strié droits, j'ai rencontré (fig. 2) un noyau celluloso-fibreux CA très-dense, brun jaunâtre, qui occupait la partie postérieure du corps strié. Ce noyau appartient évidemment à une apoplexie anciennement éprouvée.

Réflexions. — Comment concilier une hémiplégie très - incomplète du mouvement sans paralysie du sentiment avec un désordre aussi considérable ? Par son siège au centre de l'hémisphère. Une apoplexie dix fois moindre soit dans le corps strié, soit dans la couche optique aurait entraîné une paralysie complète du mouvement et peut-être même du sentiment. Ce qui devrait bien plus étonner, c'est l'intégrité des facultés intellectuelles malgré la destru ction d'un grand nombre de circonvolutions et d'une bonne portion du centre médullaire. Mais je prouverai plus tard que la destruction des circonvolutions n'a pas sur l'intelligence l'influence que lui supposent quelques auteurs, et que, d'une autre part, le cerveau supporte presque impunément une compression très - considérable. Quant au léger délire, ceux qui admettent que le délire est exclusivement propre aux affections de l'arachnoïde, pourront l'expliquer par la position superficielle du foyer, ou bien par la communication de ce foyer avec la cavité des ventricules.

La tumeur fibreuse de l'utérus a-t-elle joué quelque rôle dans la production de l'attaque d'apoplexie, soit par la compression qu'elle exerçait sur les vaisseaux du bassin, soit par le travail fluxionnaire dont elle était le siège ?

Notre malade a évidemment succombé à l'érysipèle phlegmoneux ou plutôt au phlegmon érysipélateux de l'extrémité inférieure. Les sinapismes peuvent à la rigueur l'avoir provoqué. mais il est probable que c'est au décubitus constant sur le même côté qu'il faut l'attribuer. Il est vrai qu'on n'explique pas de cette manière le phlegmon circonscrit du côté gauche. Avec quelle attention le médecin ne doit-il pas peser les circonstances les plus minutieuses en apparence ! Nous avons déjà vu (planche v, 111e livraison) un phlegmon érysipélateux précipiter la fin d'un malheureux affecté de kystes acéphalocystes du foie avec ascite et anasarque.

Ce n'est pas la première fois que j'observe le délire et la fièvre dans une attaque d'apoplexie pure et simple. L'un et l'autre étaient les symptômes dominans dans le fait suivant, dont les figures 1 et 1' donnent une idée aussi exacte que possible, et que, pour cette raison, je vais rapporter ici.

Hémorrhagie cérébrale spontanée de la couche optique avec communication dans le ventricule latéral. Hémiplégie complète, délire et mouvemens convulsifs du coté sain. Mort le cinquième jour.

Leclehc , cuisinier, soixante ans , buveur, ami de la joie, d'une très-forte constitution, va à la Halle très-bien portant, le 3o avril 1829, revient de même, se met à l'ouvrage et tombe tout-à-coup sans connaissance hémiplégique à gauche. Dès ce moment, mouvemens convulsifs, soubresauts continuels dans les tendons de la moitié droite du corps et surtout de l'extrémité supérieure. Loquacité continuelle, et néanmoins il répond très-bien aux questions qu'on lui adresse. Immobilité*, urines involontaires. Si on lui dit de sortir la langue, il fait effort, et la langue se replie derrière les dents en s'inclinant fortement du côté paralysé. Le pouls est dur, plein, très-fréquent. Quelques hoquets. D'ailleurs, perte complète du sentiment et du mouvement à gauche. Il ne sent pas des piqûres d'épingle, bien que ces piqûres, de même que le chatouillement de la plante des pieds et de la paume des mains déterminent quelques contractions des orteils et des doigts ; mais ce sont là des mouvemens qui résultent d'un consensus local entre la peau et les muscles. Tel était son état lorsqu'il fut transporté à la Maison royale de Santé, le ier mai 1829. j'annonçai un foyer sanguin considérable qui communiquait soit avec l'arachnoïde extérieure, soit avec la membrane ventri

culaire, et avait fusé dans le canal raehidien; d'où l'irritation de l'arachnoïde, le délire et les mouvemens convulsifs. Pronostic extrêmement grave. (Très-forte saignée au bras. Tartre stibié en lavage, deux sina-pismes aux pieds qu'on renouvellera dans la journée.)—Le lendemain, même état. (Vingt sangsues aux jugulaires; tartre stibié en lavage. Evacuations alvines abondantes.) Le 3, un peu de mieux; le hoquet et les soubresauts ont cessé. Peu ou point de loquacité. Délire très-analogue à celui du delirium tremens. Le pouls est fort dur et fréquent. Le malade peut s'aider de la moitié droite du corps pour se mettre sur son séant. Mais le 4, retour des symptômes; pouls fréquent, moins développé que précédemment. Le malade se plaint de douleurs à la tête et partout le corps. (Nouvelle saignée, sinapismes, vésicatoire. ) Le 5? pouls fréquent, faible; la respiration s'embarrasse un peu. Le malade a toute sa raison. La déglutition est difficile. Il meurt dans la nuit.

A l'ouverture, un peu de sérosité et quelques concrétions ossiformes sous l'arachnoïde; grande quantité de liquide sanguinolent, au moins un verre dans le canal raehidien. Large ecchymose sous l'arachnoïde qui revêt le cervelet, et caillots sanguins considérables dans le ventricule latéral droit et dans le ventricule moyen. Large communication de ce dernier avec un vaste foyer creusé dans l'épaisseur de la couche optique et de la partie voisine du centre médullaire. La figure i et i' représente exactement le désordre qui était seulement un peu plus considérable, et les mêmes réflexions lui sont applicables.

Hémiplégie gauche. Mort le trente-cinquième jour. Foyer apoplectique aux dépens de la couche optique et de la partie postérieure du corps strié en voie de guérison. Fluxion séreuse considérable dans les ventricules, cause de mort (fig. 3 et 3').

Devieux, soixante-cinq ans, peintre, est apporté à la Maison royale de Santé dans l'état suivant : hémiplégie complète du mouvement ; sensibilité intacte ; intelligence pleine et entière : langue fuligineuse ; respiration fréquente. Pour commémoratifs, je recueille que le malade avait été pris un mois auparavant d'une attaque d'apoplexie qui le laissa comme mort, que des sangsues avaient été appliquées à plusieurs reprises, ainsi que trois vésicatoires, un au thorax et deux aux jambes; et qu'enfin le sulfate de kinine venait d'être administré pendant quatre jours à la dose d'un gros par jour, parce qu'on pensait que le malade était sous l'influence d'une fièvre intermittente pernicieuse.

il était aisé de prévoir la fin prochaine de ce malade, qui mourut en effet cinq jours après son entrée avec une respiration stertoreuse, et conserva jusqu'au dernier moment la plénitude de son intelligence.

Ouverture, du cadavre. Les ventricules latéraux sont énormément dilatés et remplis par une sérosité limpide , leurs parois d'une densité remarquable; la cavité digitale très-considérable et communiquant avec le reste du ventricule par une ouverture étroite ; le septum lucidum deux à trois fois plus développé que dans l'état naturel ; les deux ouvertures de communication des ventricules latéraux avec le ventricule moyen dilatés. Le plancher du ventricule latéral gauche nous a présenté le foyer apoplectique FA (fig. 3); il occupe la partie postérieure du corps strié CS et externe de la couche optique CO. La bandelette demi-circulaire a été déchirée ; une veine considérable VCS a été respectée et forme comme une bride qui maintient le caillot. Ayant ensuite divisé le cerveau de haut en bas, au niveau de la partie moyenne du foyer, j'ai vu que ce foyer était parfaitement circonscrit, rempli par un caillot sanguin couleur lie de vin, adhérant fortement aux parois, dense, et pourtant qui se morcelait avec facilité. Le caillot sanguin ayant été enlevé autant que possible à l'aide d'un filet d'eau, nous avons vu (fig. 3) que les parois étaient tapissées par une membrane celluleuse très-bien organisée, qui pouvait s'enlever en masse par une sorte d'énucléation. La couleur a été parfaitement rendue sur cette figure. C'est une couleur jaune-orangé mélangée de jaune-serin foncé et de jaune ochré. Quelques caillots sanguins adhèrent encore çà et là aux parois du foyer. En plongeant la pièce sous l'eau, on voit flotter une multitude de petites houppes vasculaires nais-

ve livraison. 2

sant de divers points. Les parois de la poche examinées a l'aide de la loupe, m'ont présenté un aspect spongieux, comme velouté, dense, blanchâtre, imprégné de molécules jaunes; c'est absolument le même aspect que la mélanose, sauf la couleur. Des veines très - considérables rampaient à la face externe de la poche. La couche cérébrale adjacente était comme granuleuse.

Réflexions. — Ici le foyer sanguin n'avait pas le tiers ou le quart du volume du foyer représenté figure 2 et i\ et cependant l'hémiplégie du mouvement était complète; la différence dans le siège du foyer explique surabondamment la différence des symptômes. Ainsi, au bout de trente-cinq jours, le travail de réparation, qui suit nécessairement la présence d'un foyer apoplectique, est bien loin d'être terminé ; d'où la nécessité d'une surveillance long-temps continuée de la part du médecin, qui doit sans cesse se représenter son malade avec un foyer de sang dans l'organe central de toute sensation, de toute locomotion, organe qui est encore l'instrument immédiat de l'âme dans l'exercice des fonctions intellectuelles. Le repos aussi absolu que possible de l'esprit et du corps doit être invariablement observé pendant long-temps. Ferait-on marcher un malade qui aurait un foyer de sang dans l'épaisseur de la cuisse ou de la jambe?

Tout le temps que le travail d'absorption est en pleine activité, le malade est exposé à une fluxion séreuse dans les ventricules, à une apoplexie séreuse comme on le dit : ici cette fluxion séreuse a eu lieu vers le trentième jour. C'est une des sources les plus fréquentes de la terminaison fâcheuse de l'apoplexie (*). Il n'est pas rare de voir cette fluxion séreuse revêtir la forme intermittente.

(*) Voyez Dictionnaire de Médecine et de Chirurgie pratiques , Paris , 1829 , i5 vol. in-B , tome ITT , art. Apoplexie.

6e. Livraison. Pl. 1.

MALADIES DU CERVEAU. (Arachnitis Cerébrale.)

MALADIES DU CERVEAU (MÉNINGITES).

--—------¦ n -|~ r- -.--,

(planches i et ii, vie livraison. )

Observation Ire. —Méningite sous - arachnoïdienne de la convexité du cerveau [forme

comateuse), fig. i.

Leclair (*), palefrenier, cinquante-trois ans, athlétique, entre à l'Hôtel-Dieu le 22 février 1829, pour un phlegmon circonscrit situé à la partie antérieure et inférieure de l'avant-bras droit : les parties voisines sont rouges et œdémateuses. Le malade se plaint en outre d'une vive chaleur dans le membre inférieur du même côté : cette chaleur, appréciable au touche»1 s'accompagne d'une sorte d'empâtement sous-cutané, avant-coureur ordinaire d'un érysipele. Le pouls est fort, large et fréquent. (Saignée abondante.) — Les jours suivans, l'état du malade ne présente rien de particulier; seulement il paraît dans un état de torpeur qu'on attribue à la pléthore et à la paresse.—Le 2$, l'eiat de stupeur et d'inertie, d'immobilité en supination fixent l'attention d'une manière spéciale; et, bien qu'on ne les regarde pas encore comme un état pathologique, on prescrit une saignée de quatre poëlettes. — Le 26, supination, stupeur, immobilité; nulle douleur; langue naturelle ; abdomen souple : point de vomissemens. Pouls fréquent et serré. Respiration un peu accélérée. On dit que le malade a rêvassé pendant la nuit, qu'il a eu des mouvemens convulsifs dans les membres. (Saignée de trois poëlettes, et pédiluves.) — Le 27, toujours prostration, engourdissement général; et cependant réponses justes, mais brèves et se faisant attendre long-temps : les organes des sens exercent librement leurs fonctions. Aucune diminution, soit partielle, soit générale de la sensibilité et de la myotilité. Le thorax et l'abdomen ne présentent aucun phénomène morbide. Le pouls est ralenti. (Sinapismes aux pieds.) — Les jours suivans, 28 février, ier et 2 mars, l'engourdissement va toujours croissant. Immobilité, somnolence, stupeur dont on ne peut retirer le malade qu'en lui parlant très-haut ou en le secouant fortement. Mouvement de mâchonnement comme s'il avait du fil dans la bouche. (Douze sangsues k l'anus. ) — Le 3 mars, les paupières sont agglutinées; Firis jouit de sa contractiiité. Les sinapismes qui, par la négligence de l'infirmier, sont restés appliqués depuis cinq jours sans exciter la moindre plainte de la part du malade, sont enlevés avec douleur. Le corps papillaire, à nu, ne peut être touché sans provoquer une grimace. (Douze sangsues aux jugulaires.) — Le 4? coma. — Le 5, respiration stertoreuse. — Le 6, mort.

Ouverture du cadavre. A l'avant-bras, pus infiltré dans le tissu cellulaire sous-cutané, et cela dans un espace de trois pouces environ de diamètre. Il n'était pas encore ramassé en foyer. Légère infiltration séreuse sous-cutanée du membre inférieur du même côté. Les viscères contenus dans le thorax et dans l'abdomen sont dans l'état le plus parfait d'intégrité. Le crâne ouvert, la surface convexe du cerveau présente ( Planche 1, fig. 1 ) une couche d'un blanc jaunâtre, demi-concrète, dont le siège est évidemment dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien; cette couche occupe non-seulement la surface convexe, mais encore la surface plane des deux hémisphères. Elle n'est pas uniforme, mais présente une épaisseur double ou triple le long des gros vaisseaux qui rampent à la surface du cerveau, se divise et se subdivise comme ces vaisseaux; non-seulement elle occupe la surface du cerveau, mais encore elle s'enfonce dans les anfractuosités. Tout cela

(*) Je dois cette pièce pathologique et celte observation à l'obligeance de M. Sanson, chirurgien en second de l'Hôtel-Dieu. vie livraison. i

se conçoit à merveille en raison du siège bien déterminé de la couche pseudo-membraneuse dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien ; aussi cette couche présente-t-elle une épaisseur rigoureusement proportionnelle à celle du tissu cellulaire, et c'est pour cela qu'elle est très-ténue au niveau des circonvolutions, très-considérable au niveau des anfractuosités, très-épaisse le long des gros troncs vasculaires, très-ténue ie long de leurs subdivisions. Du reste, le feuillet arachnoïdien qui revêt la dure-mère ne participe nullement à cet état.

Réflexions. — Un état de torpeur, sans altération aucune des fonctions, au point que pendant les premiers jours on accusait le malade de paresse, voilà les seuls symptômes qu'a présentés ce malade ; et bien qu'il ne soit pas fait mention des évacuations alvines, il est probable qu'elles étaient involontaires. Combien de fois nest-il pas arrivé qu'on a traité de paresseux, de fainéans des individus qui étaient sous l'influence d'une méningite comateuse. Une jeune fille entre dans un hôpital : aucune lésion apparente des fonctions; mais morosité, stupeur; elle ne répond que par monosyllabes, et seulement après les plus vives et les plus brusques instances. On croit que c'est par caprice, par dissimulation ; c'était une méningite sous-arachnoïdienne, à laquelle elle succomba. Je me reprocherai toujours d'avoir commis cette grave méprise au sujet d'un jeune élève âgé de onze ans, naturellement paresseux et qui avait l'habitude de faire le malade. La face était naturelle; le pouls nullement fébrile. Reployé sur lui-même en arc de cercle dans son lit, il ne se plaignait d'aucune douleur et voulait qu'on lui fît continuellement la lecture de contes et d'histoires. Je le fais lever; il reste au coin du feu, appuyé sur l'un des montans de la cheminée. Je le fais marcher devant moi, ce qu'il fait en chancelant comme un homme ivre. On l'avait habillé par force; on l'avait même frappé, parce qu'on était persuadé qu'il y avait mauvaise volonté de sa part. Je fus bientôt douloureusement désabusé. Il succomba à ne méningite sous-arachnoïdienne comateuse.

Observation II. — Méningite sous-arachnoïdienne de la convexité d'un hémisphère, survenue

chez un hémiplégique [forme comateuse).

Carré, soixante-dix-huit ans, sellier, buveur, éprouve en s'habillant une hémiplégie complète du côté droit. Des saignées, un séton à la nuque, des évacuations alvines de temps en temps lui rendirent successivement le sentiment, puis en grande partie le mouvement de l'extrémité inférieure; moins dans l'extrémité supérieure. Après un an de séjour à la Maison royale de Santé, il fut pris de pneumonie, dont il guérit à l'aide de saignées. Un jour, je le trouve profondément assoupi; je l'avais laissé la veille très-bien, gai, jovial comme de coutume : le pouls est large, dur et fréquent; le malade répond lorsqu'il est excité, mais retombe de suite dans le même assoupissement. Du reste, point d'hémiplégie nouvelle. Je soupçonne une fluxion séreuse sur les méninges, terminaison fréquente des anciennes attaques d'apoplexie. (Sangsues aux jugulaires; dérivatifs cutanés et intestinaux.) Le lendemain, coma; insensibilité presque complète ; mort soixante heures après l'invasion.

Ouverture du cadavre. L'hémisphère droit ( côté de la paralysie ) était recouvert d'une couenne puri-forme sous-arachnoïdienne. Cette couenne se prolongeait sur la face plane de l'hémisphère et s'enfonçait jusqu'au fond des anfractuosités. La figure i donne une idée aussi exacte que possible de cette altération, qui était bornée à un seul hémisphère. Il n'y avait pas seulement du pus couenneux, mais une grande quantité de sérosité au milieu de laquelle nageait du pus concret à la manière de petits flocons. Sur ce sujet, j'ai voulu m'assurer de l'état des circonvolutions. La figure i représente l'aspect du cerveau dépouillé de ses membranes au niveau de l'inflammation ; des points rouges très-multipliés s'observent à sa surface et dans l'épaisseur de la substance grise. Le tissu cellulaire sous-arachnoïdien du côté opposé

était infiltré d'une grande quantité de sérosité. C'était dans l'épaisseur de cet hémisphère qu'existaient les traces de l'apoplexie, dont l'exposé trouvera sa place ailleurs.

Réflexions. — La méningite sous-arachnoïdienne peut donc être bornée à la convexité d'un seul hémisphère, sans qu'il y ait pour cela de symptômes plus prononcés d'un coté que de l'autre. Il est digne de remarque que l'inflammation ne s'est pas manifestée du coté de l'hémisphère apoplectique, preuve évidente que la lésion cérébrale a été sans influence directe sur le développement de cette inflammation.

Observation III. — Méningite sous-arachnoïdienne de la convexité et de la base du cerveau, du cervelet et de la protubérance annulaire {forme comateuse et adynamique).

Un homme, âgé de quarante-cinq ans environ, entre à l'Hôpital de Limoges pour des dartres aux jambes. Bientôt survient du dévoiement. Quinze jours après l'invasion de ce dévoiement, le malade est pris tout-à-coup d'assoupissement avec prostration de forces excessive. Point de céphalalgie. La langue devient sèche et noire. La maladie est qualifiée d'adynamique et traitée comme telle. Coma ; les membres soulevés tombent comme une masse inerte. Le malade ne répond à aucune question. (Vésicatoire à la nuque. ) Il meurt le cinquième jour dans l'état comateux et adynamique le plus prononcé.

A l'ouverture, je trouve le cerveau, le cervelet et la protubérance annulaire environnés d'une couche assez épaisse de pus couenneux et de sérosité, dont le siège est le tissu cellulaire séreux sous-arachnoïdien. Le pus couenneux était surtout abondant autour des ramifications veineuses, le long desquelles il formait des lignes d'un blanc jaunâtre. La pie-mère intérieure est infiltrée de sérosité. Tous les autres organes sont dans l'état le plus parfait d'intégrité.

Observation IV. —Méningite sous-arachnoïdienne de la base et de la voûte {forme comateuse).

Une femme, qui venait d'accoucher, éprouve un violent accès de colère. On l'apporte à l'hôpital Saint-Antoine, où jetais interne, le i5 mai 1812. Coma profond dont elle ne peut être retirée. Mort le troisième jour de son entrée. A l'ouverture, pus consistant sous-arachnoïdien sur toute la surface du cerveau, à la base comme à la voûte. J'en trouvai jusque sous le repli de l'arachnoïde qui accompagne les nerfs trijumeaux dans le canal fibreux formé par la dure-mère.

Réflexions. — Des faits qui précèdent, et d'autres que je pourrais leur annexer, je conclus que la méningite sous-arachnoïdienne de la convexité du cerveau a pour caractère pathogno-monique une stupeur graduellement croissante jusqu'au coma le plus profond; que la céphalalgie, l'exaltation de la sensibilité, le délire, les mouvemens convulsifs lui sont souvent complètement étrangers.

Méningite sous-arachnoïdienne de la base du cerveau. Planche 1, fig. 1.

Il existe à la base du cerveau une excavation pentagonale, circonscrite en arrière par le bord antérieur de la protubérance annulaire; de chaque côté par deux lignes, dont l'une est formée par les pédoncules cérébraux, et l'autre par une ligne imaginaire étendue de l'extrémité interne de la scissure du sylvius à l'extrémité antérieure du corps calleux : dans cette excavation, qui mérite le nom d'excavation médiane du cerveau, se voit une assez grande quantité de tissu cellulaire séreux très-lâche, filamenteux, qui sépare l'arachnoïde de la pie-mère;

là se trouve constamment une certaine quantité de sérosité qui remplit les vides et communique avec le tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la moelle épinière. J'ai coutume de décrire cette masse de tissu cellulaire comme le centre du tissu cellulaire cérébral : elle se prolonge le long des gros vaisseaux qui constituent le trapèze artériel de la base du cerveau et le long des divisions qui en partent ; ces prolongemens suivent toutes les ramifications vasculaires auxquelles ils forment une gaine proportionnée à leur calibre, s'enfoncent dans l'épaisseur du cerveau avec les capillaires et constituent la charpente ou trame celluleuse de ce viscère. Mais de tous les prolongemens celluleux, celui qui doit le plus fixer notre attention en ce moment, c'est celui qui accompagne la pie-mère intérieure à travers la grande fente cérébrale et se termine au plexus choroïde. Existe-t-il une communication directe entre ces ventricules et le tissu cellulaire de l'excavation médiane? Plusieurs faits sembleraient l'indiquer. On cherche en vain une membrane qui, de la couche optique et des corps striés, se réfléchisse sur la voûte à trois piliers; et, bien que les plexus choroïdes adhèrent aux bords de cette voûte, il ne serait pas impossible qu'il se fit une sorte de filtration capillaire de l'intérieur à l'extérieur du cerveau, et réciproquement à travers la toile choroïdienne et les plexus choroïdes. Quoi qu'il en soit, il est de fait que la méningite sous-arachnoïdienne de la base coexiste presque toujours avec l'hydropisie aiguë des ventricules du cerveau; mais cette coexistence n'est pas nécessaire. Je possède en effet plusieurs observations d'hydrocéphale ventriculaire aiguë sans altération du tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la base. Et n'est-il pas extrêmement probable que le tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la base puisse s'enflammer indépendamment de l'augmentation de sécrétion de la séreuse ventriculaire? Reste maintenant à déterminer la part que prend chacune de ces lésions aux symptômes observés lors de leur coexistence ; or il résulte de plusieurs faits que l'accumulation d'une certaine quantité de sérosité sans lésion des parois ventriculaires peut avoir lieu impunément, tandis que le moindre épanchement pseudo-membraneux à la base entraîne les symptômes les plus graves. Je suis donc porté à penser que la plupart des observations décrites sous le titre d'hydropisie aiguë des ventricules du cerveau devraient être rapportées à la méningite sous-arachnoïdienne de la base. Trois observations, dont deux de méningite sous-arachnoïdienne aiguë et une de méningite sous-arachnoïdienne chronique, ont présenté trait pour trait l'altération représentée figure i.

Observation Fe. — Méningite sous-arachnoïdienne aiguë de la base du cerveau avec accumulation

légère de sérosité dans les ventricules.

Une jeune fille, âgée de vingt-un ans, est apportée à la Maison royale de Santé sans renseigne-mens. Attitude désordonnée : elle répond aux questions qu'on lui adresse, mais d'une manière brève, comme par caprice et avec une sorte d'affectation. Point de vomissemens ; point de céphalalgie. La face est pâle et comme étonnée. Le pouls est presque naturel. La respiration inégale, alternativement lente et précipitée. Diagnostic : méningite sous-arachnoïdienne de la base avec accumulation de sérosité dans les ventricules. (Glace sur la tête que la malade ne veut pas supporter; quatre pilules de calo-mel, de deux grains chaque. Lavemens de séné ; larges sinapismes aux pieds.) Le lendemain, la malade est tellement bien qu'on aurait pu regarder le diagnostic de la veille et le prognostic extrêmement grave que j'avais porté comme erronés. Je l'aurais cru moi-même, sans des exemples antérieurs. Il y avait en effet quelque chose d'étonné dans la face, d'insolite dans les manières, les attitudes et les réponses, qui me paraissent pathognomoniques de l'affection de la séreuse ventriculaire et du tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la base. (Vingt sangsues aux jugulaires. Elle les arrache aussitôt qu'elles ont été appliquées.) La nuit suivante, cris inarticulés violens pendant quatre à cinq heures. —Le troisième jour, la face est altérée; position aussi désordonnée que possible; perte de tout sentiment de pudeur. La malade entend très-bien

les questions qu'on lui adresse; niais tantôt elle répond juste, tantôt elle ne répond pas, et d'autres fois elle est obligée de chercher les expressions et dit un mot pour un autre. On ne se fait pas d'idée du changement qui s'est opéré dans les traits depuis vingt-quatre heures. L'amaigrissement est sensible depuis hier. (Saignée au bras. Glace sur la tète; pilules de calomei ; lavement purgatif.) Mais la malade est d'une indocilité extrême ; elle repousse la glace. On la saigne par force. Ge n'est que par surprise qu'on peut lui faire prendre quelques médicamens.— Les jours suivans, perte de connaissance; urines involontaires; strabisme; pupilles inégalement dilatées ; pouls très-petit, excessivement lent ; respiration plaintive ; aucun sentiment de ses besoins; il faut lui boucherie nez pour la forcer à boire. Mort le dixième jour. La malade est tellement amaigrie, tellement défigurée , qu'on ne pourrait pas la reconnaître.

Ouverture. Le tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la base (fig. 2) est infiltré d'une couenne d'un blanc jaunâtre qui se propage comme en s'irradiant le long des vaisseaux et des scissures cérébrales et se prolonge jusque dans l'épaisseur de la toile choroïdienne. Il y avait un peu de sérosité dans les ventricules du cerveau, mais sans altération aucune des parois. L'ovaire gauche était converti en un kyste gros comme le poing, adhérent au fond de l'utérus, en sorte que je l'ai pris d'abord pour l'utérus dans un commencement de grossesse. Cette poche contenait du pus ; sa surface interne était mamelonnée, tapissée par une fausse membrane mince ; sa cavité se continuait avec un canal formé par la trompe utérine dilatée. (Cette jeune fille était, dit-on, fille publique. ) La presque totalité de la plèvre gauche était tapissée par une fausse membrane récente , et 5 chose singulière, il n'y avait pas un atome de sérosité dans sa cavité , bien que le poumon affaissé et en partie splénifié ne remplit pas la totalité de la cavité correspondante. Je ne vois pas quel rapport il pourrait y avoir entre le kyste de l'ovaire et la maladie cérébrale. La pleurésie a dû n'avoir lieu que les derniers jours; mais elle n'a dû se manifester par aucun symptôme, vu l'état du cerveau. Sans doute la sérosité aura été résorbée.

Réflexions. — Dans l'observation qu'on vient de lire, point de céphalalgie, point de vomissemens; mais, dans le plus grand nombre des cas, les vomissemens sont les premiers symptômes et quelquefois le symptôme dominant. La céphalalgie n'a pas l'intensité qu'elle présente dans l'arachnitis proprement dite ; elle est obtuse avec élancemens qui arrachent des cris inarticulés au malade. Si vous interrogez le malade sur le siège de la douleur, il semble réfléchir pour vous répondre, et indique tantôt la tête, tantôt l'abdomen, le plus souvent la tête. L'observation suivante peut servir de type pour la description de la méningite sous-arachnoïdienne avec hydropisie aiguë des ventricules du cerveau : les vomissemens ont été tellement intenses que, pendant les premiers jours, j'ai cru avoir affaire au ramollissement gélatiniforme de l'estomac.

¦

Observation H.

Marie Basselet, deux ans et demi, vomit tout ce qu'elle prend depuis cinq à six jours. Dépérissement rapide; mauvaise humeur; soif. Constipation. Appelé le 18 mars 1822, je soupçonne le ramollissement gélatiniforme de l'estomac. Potion calmante. —-Le lendemain, 19, la petite malade, qui a reposé toute la nuit et repose encore à ma visite, présente une respiration inégale, alternativement lente et précipitée ; le pouls est petit, très-irrégulier : je vois là tous les symptômes de la maladie cérébrale, sauf les cris brusques et les mouvemens désordonnés. Mais la mauvaise humeur, à laquelle j'attache une si grande importance dans le ramollissement gélatiniforme de l'estomac, et que je n'avais jamais observée dans l'hydropisie ventriculaire aiguë, me fait incliner vers la première maladie. Dans le doute, je suspends tout moyen actif. — Les 20 et 21, les vomissemens, l'assoupissement, l'irrégularité extrême, la petitesse du pouls et l'inégalité des mouvemens respiratoires persistent. L'intelligence est parfaite. Mais la petite

malade ne demande rien et paraît insensible a ses besoins. Plus de mauvaise humeur, plus de cris au moindre contact comme les jours précédens : la maladie cérébrale me paraît confirmée. (Demi-bain.) — Le 22, on vient me chercher en toute hâte. On m'apprend que la matinée s'était très-bien passée, que l'enfant avait pris son demi-bain avec plaisir et avec toute sa connaissance ; mais que, plus tard, moment où on la croyait profondément endormie, elle avait été prise de mouvemens convulsifs dans les yeux et dans les extrémités ; que depuis ce moment l'extrémité inférieure gauche est immobile et la déglutition impossible. Je trouve en effet la petite malade sans connaissance, insensible aux pincemens les plus forts; les yeux à demi ouverts , injectés : immobilité des pupilles : pouls extrêmement petit, alternativement très-lent et très-précipité. (Deux vésicatoires aux jambes; sinapismes; potion éthérée ; calomel.)

— Les 23 et 24 les vomissemens ont disparu. L'enfant jouit par momens de toute sa connaissance , répond à ce qu'on lui dit et demande à satisfaire à ses besoins. Assoupissement continuel, et néanmoins sensibilité exagérée de la peau : pansement des vésicatoires très-douloureux : face colorée ; yeux ternes ; pupilles très-dilatées et immobiles; il est néanmoins probable qu'elle voit. Quelquefois elle dit à voix basse holà! et porte la main à la tête ou aux jambes. La respiration est alternativement très-lente et très-pré-cipitée. Le pouls très-petit et très-lent. La chaleur de la peau est d'ailleurs naturelle. (Calomel, seize grains en huit doses.) —Le 25, l'audition existe encore, mais non la faculté d'articuler les sons. Sa mère la prie de lui frapper dans la main, ce qu'elle fait. Les yeux sont tournés en haut; la respiration est pectorale et plaintive ; soubresauts et raideur de l'extrémité supérieure gauche. — Le 26, petits mouvemens convulsifs dans les extrémités supérieures. Il paraît que l'enfant entend encore, car elle frappe dans la main de sa mère lorsqu'on l'y engage. La déglutition est impossible. La sensibilité de la peau est exquise.

— Le 27, mouvemens convulsifs qui se répètent continuellement. Sueur abondante. Mort.

Ouverture du cadavre. Les vaisseaux de la pie-mère sont très-injectés. Les ventricules latéraux ouverts par leur partie antérieure donnent issue à une grande quantité de sérosité limpide, à peu près un petit verre. Le cerveau, examiné en place, a présenté une très-grande dilatation des ventricules, surtout en arrière au moment où ils se contournent sur eux-mêmes. La moitié antérieure de la cloison transparente est déchirée. La voûte à trois piliers a subi le ramollissement pultacé dans sa presque totalité, surtout en arrière. Les fibres les plus inférieures du corps calleux sont séparées et comme disséquées.

Le cerveau ayant été renversé, j'ai vu l'excavation médiane du cerveau remplie par une substance jaunâtre, dense, comme lardacée, qui se prolongeait le long des deux scissures de Sylvius, autour des nerfs optiques qu'elle comprimait, autour de la protubérance annulaire et même le long de la pie-mère antérieure. La figure 2 représente parfaitement cette altération.

Tous les autres organes sont sains.

Réflexions. — Les vomissemens sont quelquefois tellement intenses dans le début de l'hydropisie ventriculaire et de l'inflammation du tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la base, qu'on serait tenté de chercher dans l'estomac la source de tous les symptômes. Dans le cas actuel, j'ai commis cette méprise pendant les premiers jours. J'appellerai l'attention des praticiens sur l'inégalité de la respiration, qui m'a paru un symptôme caractéristique de cette maladie, même dans la première période. Il serait d'ailleurs difficile de faire la part respective de l'hydropisie ventriculaire et de la méningite sous-arachnoïdienne ; cependant la dilatation des pupilles et l'injection de la conjonctive me paraissent le résultat de la compression des nerfs optiques par la formation de la pseudo-membrane d'apparence lardacée, et peut-être, à l'aide de ce signe, pourrait-on reconnaître le moment où se forme cette pseudo-membrane. Nous voyons d'ailleurs chez cet enfant un mélange de convulsions et d'assoupissement, une sensibilité exagérée de la peau jointe à des symptômes de compression.

Obs ervation III. — Méningite sous-arachnoïdienne chronique de la hase.

Est. B., huit ans; crâne volumineux; beaucoup d'intelligence; trop appliquée; se plaint de temps en temps d'une céphalalgie légère, de brouillards devant les yeux qui l'empêchent de travailler; elle rapporte la légère douleur ou plutôt l'embarras qu'elle éprouve à la partie supérieure du frontal; cet embarras cesse par momens; il augmente par la marche : souvent bouffées de chaleur à la face : mauvais sommeil : rêvasseries. Des sangsues aux jugulaires, des pédiluves sinapisés, un vésicatoire à la nuque, un purgatif, furent sans résultat. Pendant six semaines, depuis le ier janvier jusqu'au i5 février, même état. L'enfant est taciturne ; elle ne se plaint pas ; mais quand on lui demande ce qui lui fait mal, elle montre la partie supérieure du frontal où elle dit éprouver des battemens. Point ou peu d'appétit qui est dirigé vers les alimens épicés, les acides et le vin qu'elle n'aimait pas auparavant. Dépérissement rapide. — Diagnostic. Je soupçonne une affection cérébrale, quelque tubercule, ou inflammation chronique circonscrite, soit du cerveau, soit de ses membranes. — Du i5 février au i5 mars, amaigrissement toujours croissant. Tantôt le pouls est extrêmement fréquent et petit, tantôt il est naturel. Presque toujours taciturne, restant un jour entier sans mot dire, la petite malade est quelquefois gaie; je l'ai surprise souvent faisant la lecture qu'elle aime beaucoup. Appétit bizarre qu'on se croit obligé de satisfaire; mais il suffit par fois de la vue de l'objet pour la rassasier. Les nuits sont toujours agitées ; quelquefois elle crie ma tête! ma tête! D'ailleurs elle ne se plaint de la tête que lorsqu'on l'interroge à ce sujet, et elle montre toujours la région frontale. Pendant ce long espace de temps, je prescrivis, et séton à la nuque, et demi-bains sinapisés , et dérivatifs intestinaux ; en particulier le calomel porté jusqu'à la salivation. Je n'obtins rien ou presque rien. Cependant par fois la petite malade dit qu'elle est guérie; mais la céphalalgie ne tarde pas à reparaître. Le 18 mars, son état empire d'une manière effrayante. Face alternativement colorée et pâle; respiration embarrassée, fréquente. Faim dévorante; elle engloutit tous les alimens qu'on lui présente. A l'heure de ma visite, refus obstiné, ou plutôt impossibilité de répondre à mes questions ; je ne puis lui faire sortir la langue. Il est probable cependant qu'elle voit et qu'elle entend. A une autre visite, elle répondit à mes questions et me dit que la tête lui faisait moins de mal. Selles involontaires. Je pense que la maladie cérébrale fait des progrès, que les accidens de compression commencent à se manifester, et que la mort ne saurait être éloignée. — Le 19, assoupissement; immobilité; insensibilité presque complète auxpincemens les plus forts; l'œil droit est plus largement ouvert que l'œil gauche; pupilles naturelles; la déglutition est souvent impossible; respiration inégale, alternativement lente et précipitée; facultés intellectuelles abolies : point de communication avec les objets extérieurs. — Le 20, la petite malade a recouvré la connaissance; elle nous entend et fait effort pour répondre. Rétention d'urines. Le soir, respiration très-préci-pitée, bruyante, avec écume à la bouche. Insensibilité complète. Mort le cinquante-neuvième jour de la maladie.

Ouverture du cadavre. Les ventricules latéraux ouverts par leur extrémité antérieure ont donné une assez grande quantité de sérosité limpide ; ils étaient dilatés sans altération aucune dans leurs parois. Le tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la voûte était infiltré de sérosité. Le cerveau renversé présentait à sa base, dans la grande excavation médiane, une couche très-épaisse de pus concret déposé dans le tissu cellulaire séreux sous-arachnoïdien ; le pus se prolongeait non-seulement dans la scissure de Sylvius, mais encore dans toute la profondeur des anfractuosités qui y aboutissent. J'ai pu enlever ce pus avec les membranes qui représentaient assez bien une fausse membrane dont la surface serait rugueuse. De plus, il existait des tubercules miliaires dans le poumon, le foie, la rate; et quelques ganglions lymphatiques, tuberculeux.

Méningites sous-arachnoïdiennes tuberculeuses aiguës. (Planche n.)

Dans les observations suivantes, la méningite sous-arachnoïdienne a eu pour résultat un dépôt de pus concret en petites masses ou tubercules.

Observation Ire. — (Fig. i.)

Un jeune enfant, âgé de six ans, est apporté à la Maison royale de Santé, dans l'état suivant : face tout-à-fait naturelle, peau fraîche ; pouls très-lent et un peu inégal : la respiration m'a paru égale. Je l'ai vu bâiller une fois. 11 répond très-bien aux questions qu'on lui adresse. L'immobilité absolue, la lenteur et l inégalité du pouls, voilà les seuls symptômes morbides. Il ne se plaint de rien, ne demande rien ; point d'assoupissement ; point de céphalalgie. Pour commémoratifs, j'apprends que cet enfant est malade depuis quelques jours et qu'il a beaucoup vomi. — Diagnostic. Maladie cérébrale, peut-être tubercule ancien autour duquel va se faire un ramollissement, ou bien méningite sous-arachnoïdienne. (Deux sinapismes aux pieds. ) L'enfant ne s'étant nullement plaint des sinapismes, bien qu'ils soient restés plusieurs heures et qu'ils aient fortement rougi la peau, je porte un pronostic fort grave. Trois jours se passent dans le même état. (Lavemens purgatifs; sangsues aux jugulaires; glace sur la tête. — Le quatrième jour, assoupissement; les réponses sont tardives, quelquefois nulles. — Le cinquième jour, l'œil droit est largement ouvert ; mais la paupière supérieure gauche, paralysée, tombe sur l'œil qu'elle recouvre. Les deux pupilles sont très-dilatées. L'extrémité supérieure gauche paraît affaiblie dans sa myotilité, car lorsqu'on la pince le petit malade ne la retire pas, mais y porte l'autre main. D'ailleurs le pouls est toujours lent et la peau naturelle. — Le sixième jour, même état des yeux; un peu de chaleur à la peau et de fréquence dans le pouls. Le petit malade répond à quelques questions. Le soir, paroxysme fébrile extrêmement fort. Face rouge, peau brûlante. Mort peu de temps après.

Ouverture du cadavre. Avant l'ouverture, je diagnostiquai une inflammation du tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la base du cerveau avec exsudation pseudo-membraneuse, d'où est résultée la compression de l'origine des nerfs optiques et des nerfs moteurs communs; je diagnostiquai aussi une hydropisie aiguë des ventricules du cerveau.

La pie-mère est extraordinairement injectée. Le cerveau est environné d'un lacis vasculaire extrêmement serré. Pas un atome de sérosité soiis l'arachnoïde de la voûte; aussi les membranes adhèrent-elles intimement à la substance cérébrale. Quelques adhérences filamenteuses très-déliées et peu résistantes entre l'arachnoïde qui tapisse la dure-mère et l'arachnoïde cérébrale. Dans un point, l'adhérence était intime; à ce niveau était un tubercule sous-arachnoïdien. A la base (fig. 3), même injection de la pie-mère qu'à la voûte. Le tissu cellulaire sous-arachnoïdien était infiltré de sérosité et de pseudo-membrane épaisse. L'arachnoïde elle-même était très-épaissie. En écartant la scissure de Sylvius, je vois une grande quantité de tubercules blanchâtres T de volumes différens appendus aux vaisseaux ou plutôt au tissu cellulaire. Il y avait une très-petite quantité de sérosité dans les ventricules du cerveau ; la voûte à trois piliers était réduite en bouillie.

La figure 3 représente la moitié seulement du cerveau ; l'autre moitié n'en aurait été que la répétition. Le lobe moyen du cerveau a été enlevé pour montrer la scissure de Sylvius dans toute son étendue. LM représente la coupe de ce lobe moyen.

La figure 4 représente les méninges détachées et étalées. On voit les masses tuberculeuses qui longent les vaisseaux.

6e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU CERVEAU. (Arachnitis.)

Réflexions. — On ne saurait méconnaître L'analogie qui existe entre ce cas et ceux représentés planche i. Il y avait en effet, dans le cas actuel comme dans les cas précédens, un peu d'eau dans les ventricules, méningite sous-arachnoïdienne pseudo-membraneuse de la base en même temps que tubercules disséminés. On peut admettre, il est vrai, que les tubercules ont précédé et déterminé la formation de la méningite ; cela doit être dans beaucoup de cas, attendu que les tubercules se forment d'une manière latente dans le cerveau comme dans les autres organes, et ne manifestent leur présence que lorsqu'ils entraînent l'inflammation soit des méninges, soit de la substance cérébrale. Il est rare néanmoins que le travail morbide tuberculeux, quelque latent qu'il soit, ne se décèle point par quelque symptôme local ou sympathique, et il est certain qu'avant l'invasion de la maladie l'enfant jouissait de la plus parfaite santé. Je penche donc à croire à la formation de tubercules aigus dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien.

Observation II. — Fig. i, i, 4, Pl. il

Letouzé , âgé de vingt-neuf ans, est apporté à la Maison royale de Santé dans un état de stupeur. La face est étonnée. Le malade ne répond h aucune question, et néanmoins la sensibilité de la peau est tellement exaltée qu'on ne peut la toucher sans causer de vives douleurs manifestées par une grimace et par des cris. Pouls naturel pour la fréquence. Les renseignemens que nous recueillons se réduisent à ceci : habitude d'excès de tout genre; grands maux de tête : malade depuis douze jours, il ne fit appeler de médecin que le cinquième. Des sangsues avaient été appliquées derrière les oreilles.

Diagnostic. Méningite sous-arachnoïdienne de la base. (Saignée au bras; deux vésicatoires à la partie interne des cuisses.)

Le lendemain, la sensibilité de la peau est remplacée par l'insensibilité la plus complète. A peine s'aperçoit-il des pincemens les plus forts ; seulement quand il est pincé à l'avant-bras, il le porte au-devant de ses yeux comme pour voir la place de la meurtrissure. Les urines sont involontaires. ( Vésicatoire à la nuque.)

Le troisième jour, les yeux sont à demi ouverts, tournés en haut ; l'œil droit injecté : la respiration devient haute, suspirieuse, inégale. Le quatrième jour, même état. Le cinquième jour, la respiration est courte, haletante, stertoreuse; les yeux sont fixes et injectés. Mort le lendemain après une longue agonie.

Ouverture du cadavre. Les ventricules contiennent une petite quantité de sérosité. La voûte à trois piliers est très-saine, ainsi que tout le reste des parois ventrieulaires. Les vaisseaux de la pie - mère sont injectés, mais beaucoup moins que dans le cas précédent ( fig. 2 ) ; infiltration légère du tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la voûte qui permet d'enlever les membranes avec la plus grande facilité. Infiltration considérable de sérosité dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la base, épaissi et demi-opaque. Ne trouvant pas dans ces lésions la raison suffisante des symptômes, j'examine la face interne des hémisphères, et je vois (iig. 1) un nombre assez considérable de tubercules T. Ayant coupé le cerveau par tranches, j'ai trouvé dans le fond de plusieurs anfractuosités de la voûte (fig. 2 ) plusieurs tubercules TT qui paraissent logés dans l'épaisseur de la substance cérébrale ou formés aux dépens de la substance corticale. Mais ayant séparé avec précaution les méninges MG (fig. 5) de la substance cérébrale SC, tous ces tubercules T ont suivi les membranes, et il nous a été facile de voir que ces tubercules étaient formés aux dépens du tissu cellulaire sous-arachnoïdien, qu'ils avaient pris leur développement du côté du cerveau et s'étaient creusé autant de petites cavités dans lepaisseur de la substance corticale ; que ces tubercules, devenus corps irritans , avaient déterminé le ramollissement ponctué de rouge qu'on observait dans la substance cérébrale adjacente. La plupart de ces tubercules étaient creux à leur centre.

vie livraison. 3

Réflexions. - Comment se fait-il qu'une si légère altération puisse causer la mort ? Cette terminaison funeste est peut-être la meilleure preuve qu'on puisse invoquer en faveur de l'acuité de la lésion, car dans combien de cas des altérations bien plus considérables, mais moins aiguës, manifestent-elles à peine leur présence? Le ramollissement du cerveau est bien évidemment consécutif aux tubercules ; et cependant on voit tous les jours des tumeurs énormes déprimer le cerveau sans y déterminer la moindre altération. C'est que les tubercules se sont formés rapidement et que l'inflammation du tissu cellulaire séreux sous-arachnoïdien s'est étendu jusqu'au cerveau.

6e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. ( Arachnitis ventriculaire et spinale.

MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE.

(PLANCHE III, VIe LIVRAISON. )

Spina-bifida. Méningite sous-arachnoïdienne spinale et ventriculaire (*). Fig. i et i.

Bégot (Françoise), âgée cle trois jours, est déposée le 8 août 1829 à l'hospice des Enfans-Trouvés. Faible et grêle, cet enfant portait à la partie inférieure de la région lombaire, sur la ligne médiane , une tumeur hémisphérique de quatorze lignes de diamètre, violacée, fluctuante, indolente. Toutes les fonctions s'exercent d'ailleurs avec la plus grande régularité. Excrétions urinaires et fécales naturelles. Point de paralysie ni de mouvemens convulsifs. (Lait coupé pour aliment. Emplâtre de diachylum sur la tumeur.) Jusqu'au 15 août, rien de remarquable : alors exulcération légère au centre de la tumeur; cercle rouge inflammatoire tout autour de l'excoriation. Le 16, suintement séreux assez abondant. Le 18, la tumeur, largement exulcérée, laisse échapper une grande quantité de sérosité limpide d'abord, puis floconneuse et purulente. Mort le 19. Du i5 au 19, voici quels furent les symptômes généraux : ballonnement du ventre, diarrhée verdâtre; langue rouge et sèche ; vomissemens muqueux; chaleur à la peau et fréquence dans le pouls. Les derniers jours, affaiblissement rapide, pouls petit et sans fréquence ; vomissemens répétés; altération profonde de la face ; décoloration des tégumens. Mort sans avoir présenté la moindre altération dans la sensibilité et la myotilité.

Ouverture du cadavre. A la partie inférieure de la région lombaire, large ouverture SB ( fig. 1) ; débris de la poche que formaient les tégument? la dure-mère et l'arachnoïde : on voit sur nette figure les plis et brides que présentait la surface interne de la tumeur.

La moelle épinière et les racines des nerfs spinaux sont enveloppés de tous côtés par un pus concret comme floconneux, dont le siège est dans le tissu cellulaire séreux sous-arachnoïdien. La figure 1 représente la face postérieure, la figure 2 la face antérieure de la moelle. Ge pus floconneux se prolongeait en avant (fig. 2) autour du cervelet C, le long de la protubérance annulaire P et des pédoncules antérieurs PA, PA, et en arrière, figure 2 , autour de la circonférence du cervelet. Nous avons pu constater de la manière la plus manifeste qu'il existait une petite quantité de pus liquide dans la cavité de l'arachnoïde spinale. Le crâne ayant été ouvert, la convexité du cerveau nous a paru dans l'état le plus parfait d'intégrité, seulement les circonvolutions étaient moins bien dessinées et les anfractuosités moins profondes que de coutume. Les ventricules latéraux VO, VO étaient extrêmement dilatés, leurs parois injectées et ramollies dans quelques points, la voûte de ces ventricules convertie en une espèce de poche. Ces ventricules contenaient un pus trouble et floconneux, dont une partie plus cohérente est restée attachée autour des couches optiques CO, CO, et des corps striés CS, CS. Le troisième et le quatrième ventricule contenaient du pus de même nature, et ce dernier communiquait par une large ouverture , si bien décrite par M. Magendie, avec le tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la moelle. Du reste le tissu de la moelle et du cerveau était parfaitement sain.

(*) Observation et pièce pathologique présentées à la Société anatomique par MM. Dehanne et Guyot, membres Je cette Société.

FIGURES 3 ET t\ (*).

Les figures 3 et 4 représentent la région lombaire et la partie inférieure de la région dorsale d'un autre enfant qui a succombé à un hydroraciiis avec spina-bifida et dont voici l'histoire abrégée :

Ménadier ( Adrienne), âgée de trois jours , déposée à l'hospice des Enfans-Trouvés le ier juin 1828, a présenté une hydrorachis avec tumeur lombaire, un endurcissement du tissu cellulaire sous-cutané et tous les symptômes d'une entéro-colite très-aiguë. Elle succomba au bout de neuf jours sans avoir présenté aucun symptôme du côté de l'axe cérébro-spinal.

Ouverture du cadavre. La tumeur lombaire existe au niveau de la douzième vertèbre dorsale et des cinq vertèbres lombaires : son diamètre vertical est de deux pouces 5 son diamètre transverse est de vingt-une lignes. Les tégumens amincis et violacés sont excoriés au centre de la tumeur. La tumeur, incisée, donne une sérosité abondante, trouble et jaunâtre. Au niveau de la tumeur, la moelle épinière est divisée en deux cordons latéraux parfaitement distincts ; chaque cordon donne naissance aux nerfs de son côté par une double rangée de racines. Une avance osseuse A (fig. 4) en forme d'épine conoide, née de la face postérieure du corps de la douzième vertèbre dorsale, établissait la ligne de démarcation. Au-dessus de la tumeur, les deux cordons étaient réunis ; mais ils étaient remarquables par l'absence complète de substance grise \ en sorte que chaque cordon latéral était converti en un canal médullaire, disposition qui n'est pas rare chez les enfans nouveau-nés retardés dans leur développement. La substance grise ne commençait à paraître qu'au voisinage du bulbe raehidien. En outre la partie supérieure de la région cervicale, largement dilatée, contenait et le bulbe raehidien et la partie correspondante du cervelet qui se prolongeait en pointe pour recouvrir le quatrième ventricule, devenu lui-même plus long et plus large. Sur trois hydrorachis que M. Sestier a disséqués, deux fois il a trouvé cette espèce de descente de la moelle allongée et du cervelet dans la partie supérieure du canal raehidien. Les ventricules du cerveau, très-dilatés, étaient remplis par une sérosité trouble et jaunâtre tout-à-fait semblable à celle qui s'était écoulée par l'incision de la tumeur lombaire. Les colonnes lombaire et dorsale, vues antérieurement ( fig. 3), présentent de bas en haut i° une seule pièce pour le corps des cinquième cl cjuauièiiie venèbies lombaires ( i', 2 ); 20 deux pièces, une de chaque côté delà ligne médiane, pour le corps des troisième, deuxième, première lombaires et douzième dorsale (3', 4, 5 3° pour les onzième, dixième, neuvième, huitième et septième dorsales, deux moitiés réunies en un corps.

Vues postérieurement, les colonnes lombaire et dorsale ont présenté (fig. 4) : i° nue seule pièce pour le corps de la cinquième vertèbre lombaire (1), deux pièces pour la quatrième et la troisième (2, 3), trois pièces pour la deuxième (4), deux pièces pour la première (5) et pour les douzième et onzième vertèbres dorsales : une substance cartilagineuse remplissait l'intervalle. La comparaison des figures 3 et 4 nie paraît établir que le développement des vertèbres est plus rapide du côté antérieur que du côté postérieur de leur corps. Elles montrent encore que les vertèbres se développent en général par deux points latéraux d'ossification, ainsi que M. Serres l'a parfaitement établi ; mais que la nature ne s'astreint pas rigoureusement à cette loi qu'il a appelée loi de conjugaison, car la deuxième lombaire (4) (fig. 4) présente trois noyaux bien distincts.

(*) Observation communiquée et pièce pathologique présentée à la Société anatomique par M. Sestier, l'un de ses membres.

6e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DU REIN.

MALADIES DU REIN

Transformations et productions enkystées du rein.

( planche iv , vie livraison. )

Aucun organe n'est plus que le rein sujet à la transformation et à la production enkystées. Dans la transformation enkystée, le rein, distendu par de l'urine, du pus, ou des mucosités, perd bientôt ses caractères de tissu propre et se convertit en une poche multiloculaire, dont les diverses loges communiquent entre elles par des ouvertures plus ou moins étroites, ordinairement circulaires. Si l'obstacle est à l'extrémité supérieure de l'uretère, la dilatation commence parle bassinet, et se propage peu à peu jusque dans les calices ; les cônes de la substance tubu-lcuse comprimés s'affaissent et s'atrophient, une concavité remplace les saillies des mamelons. La substance corticale, comprimée à son tour, subit, comme la tubuleuse, la transformation fibreuse, en sorte que chaque cône de substance tubuleuse et de substance corticale est bientôt converti en une poche fibreuse qui fait suite aux calices dilatés et forme comme le fond de la cavité pyriforme qu'ils représentent. L'altération occupe souvent le rein tout entier; d'autres fois, elle est bornée à un seul calice et à un seul lobule ou bien à un groupe plus ou moins considérable de calices et de lobules, suivant le siège de l'obstacle; et, dans ce dernier cas, il est quelquefois très-difficile de distinguer la transformation de la production enkystée, d'autant plus qu'il arrive quelquefois que la poche ou le groupe de poches s'isole complètement du reste de l'organe. Cette transformation, comme le plus grand nombre des altérations du rein, démontre l'indépendance réciproque de tous les cônes qui constituent cet organe. Souvent, à côté du cône entièrement transformé, se voit un autre cône parfaitement sain, ou qui n'a éprouvé d'autre déformation que celle qui résulte nécessairement de la compression à laquelle il a été soumis. Presque toujours le fond de ces poches rénales présente des brides aréo-laires, des espèces de cloisons incomplètes dues à la présence des vaisseaux artériels, lesquels tantôt ont pleinement échappé à la transformation, et tantôt se sont oblitérés.

Au reste, on peut suivre, soit dans le même rein, soit dans différens reins inégalement altérés , toutes les phases ou périodes de cette transformation ; et il m'est arrivé souvent de reconnaitre des vestiges du tissu rénal entre deux couches minces de tissu fibreux qui constituaient les parois du kyste. La matière contenue m'a paru être constamment soit un liquide qui conserve encore quelques-unes des propriétés de l'urine, soit un mucus limpide ou purulent.

Dans la production enkystée, ce n'est plus le même mécanisme : de petits kystes apparaissent çà et là dans l'épaisseur du tissu du rein, et il m'a semblé que c'était toujours au milieu de la substance corticale ou granuleuse. Aussi le plus grand nombre occupent-ils la surface de l'organe. On en rencontre sans doute bien souvent au niveau de la substance tubuleuse ; mais, qu'on y prenne garde, c'est que la substance granuleuse envoie entre les cônes des prolongemens considérables qui atteignent quelquefois jusqu'à la surface interne de la poche rénale. La fréquence des productions enkystées dans le rein permet aisément d'en suivre tous les degrés, depuis les kystes miliaires jusqu'à ces kystes énormes qui donnent au rein des dimensions doubles, triples, quintuples, du volume naturel. On voit rarement un seul kyste rénal; presque toujours on en compte plusieurs; souvent ils sont innombrables. La matière contenue présente aussi des variétés : tantôt c'est une sérosité limpide diversement colorée ; tantôt une matière comme boueuse, noirâtre, jaunâtre, ou bien encore une matière crétacée.

J'admets pour les kystes du rein , comme pour ceux de tous les organes glanduleux vi° livraison. i

ou granuleux, deux modes de formation : tantôt ees kystes se produisent aux dépens du tissu cellulaire séreux qui existe dans le rein comme partout; tantôt une granulation, dont la communication avec la substance tubuleuse est oblitérée, se distend par l'accumulation du liquide qu'elle fournit (et l'anatomie démontre que tous les grains glanduleux sont pourvus d'une cavité). Distendues, comprimées, les parois de cette petite cavité ne tardent pas à éprouver la transformation fibreuse, car la distension et la compression atrophient les tissus propres et développent la cellulosité, et voilà un kyste formé. Il est rare que dans ce dernier cas la même cause qui agit sur une granulation n'agisse pas sur un grand nombre à la fois, d'où la multiplicité des kystes; et les différences que l'on observe dans les qualités du liquide contenu sont sans doute en rapport avec les modifications nombreuses que doit subir la vitalité des parois.

Mais une granulation ne peut se développer, un kyste ne peut se former qu'aux dépens des parties voisines dont il envahit la place. Aussi, lorsqu'un grand nombre de kystes existent, bien que l'organe acquière un volume double, triple, quadruple, les masses de rein intermédiaires sont comprimées, atrophiées, et si la transformation est portée très-loin, le tissu du rein est méconnaissable.

Cependant, avec beaucoup d'attention, il est facile de reconnaître dans l'épaisseur des cloisons qui séparent ces kystes, et plus souvent encore à la surface du rein entre les bosselures qu'elle présente, de petites masses de granulations qui ont échappé plus ou moins complètement à la transformation et à l'atrophie, et c'est ce qui explique comment plusieurs individus dont les deux reins avaient subi la transformation enkystée au plus haut degré, n'ont éprouvé pendant leur vie aucun symptôme du côté des voies urinaires.

Les deux reins représentés planche iv, et auxquels j'aurais pu ajouter bien d'autres cas qui n'en auraient été que la répétition, et nommément deux reins énormes trouvés chez un apoplectique mort dans le service de M. le professeur Chomel, qui me les a adressés; ces deux reins, dis-je, présentent le type de la transformation enkystée de ces organes.

La figure ire (*) représente la surface extérieure d'un rein transformé en une multitude innombrable de kystes. Les bosselures inégales de ceue surface appartiennent a autant de kystes bien distincts les uns des autres. La matière contenue, limpide comme de l'eau de roche dans le plus grand nombre, était trouble, noirâtre, boueuse, jaunâtre dans quelques-uns.

La figure 2 représente une coupe du même rein : on voit la capacité inégale de ces différens kystes, lesquels sont moulés les uns sur les autres et séparés par des cloisons plus ou moins épaisses, creusées elles-mêmes de petites cavités ou kystes à l'état rudimentaire. Bien que la substance du rein semble au premier abord avoir complètement disparu, cependant, avec un peu d'attention, on en retrouve quelques vestiges dans les cloisons intermédiaires, en sorte que je suis convaincu que la sécrétion urinaîre n'était pas entièrement suspendue. La substance tubuleuse était plus facile à reconnaître au milieu de cette transformation que la granuleuse, en raison de sa disposition radiée. Les figures 1' et 2" ont pour but de montrer les radiations de cette substance tubuleuse. Dans la figure 2', les cônes sont étalés et forment un plan. On voit autour de ces fibres et dans leur intervalle des cellules irrégulières, petits kystes qui contiennent de la sérosité limpide. Dans la figure 2", les radiations commencent à disparaître ; on voit un kyste dont les parois sont traversées par des espèces de brides rameuses ; ce sont des vaisseaux oblitérés.

La figure 3 (**) représente le rein d'un enfant âgé de trois ans. Il est formé par un certain nombre de kystes d'inégal volume. On y voit une artère, une veine rénale et un uretère. Pas le moindre vestige du tissu du rein. Je regarde cette disposition comme congénitale.

(*j Pièce anatomique donnée par M. le docteur Martin , auteur de la lithographie.

C*) Pièce anatomique donnée par M. Baffos, chirurgien en chef de l'hôpital des Enfans malades.

6e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DES EXTRÉMITÉS. (Amputation dans l'articulation scapulo-humerale.)

MALADIES DES EXTRÉMITÉS.

Cicatrices des solutions de continuité, soit accidentelles, soit produites par l'art.

Une série de figures représentant les cicatrices des plaies soit accidentelles, soit produites par l'art dans les opérations de chirurgie, m'a paru d'un grand intérêt pour la science et le complément de l'étude du phénomène si important de la cicatrisation.

Les cicatrices, tissu accidentel, ont partout un caractère uniforme. Leur trame est fibreuse aréolaire, quel que soit le tissu qui ait concouru à leur formation ; aussi sont-elles produites aux dépens d'un tissu commun à tous, savoir du tissu cellulaire séreux, qui constitue comme la charpente de tous nos organes : ce n'est pas en effet le tissu propre de l'organe divisé qui travaille à la réparation des solutions de continuité, il en est incapable; mais bien la cellulosité qui environne toutes nos parties, qui les pénètre et forme comme une atmosphère autour de chaque fibre, de chaque fibrille. Quel que soit donc le tissu divisé, muscle, nerf, cerveau, poumon, foie, etc., la cicatrice est toujours fibreuse et jamais le tissu propre de l'organe ne se prolonge dans son épaisseur. Aussi ne puis-je partager l'opinion des physiologistes qui pensent que l'influx nerveux peut se transmettre à travers les cicatrices des nerfs. Une foule d'expériences directes et d'observations anatomiques m'ont au contraire prouvé que lorsque la continuité d'un nerf, comme d'ailleurs celle de tout autre tissu, a été interrompue, même par une simple section, la trace est indélébile : dans certains cas, la cicatrice est osseuse; c'est lorsqu'un os ou un cartilage ont été fracturés. Je ne sache pas qu'on ait encore donné une explication satisfaisante de ce phénomène. Enfin, lorsque la cicatrice doit faire partie d'une surface soit cutanée, soit muqueuse, la cicatrice présente l'un ou l'autre de ces caractères. Gela posé, étudions successivement les principales cicatrices.

(planche v, vie livraison.)

Cicatrice à la suite de l'amputation dans l'articulation scapulo-humérale. Planche v.

La figure ï (*) représente le moignon de l'épaule d'un individu amputé depuis un grand nombre d'années. La forme triangulaire de la cicatrice C tient évidemment au procédé opératoire que M. Larrey a adopté pour cette amputation.

La figure i représente les parties disséquées. C la clavicule ; iC, 2C, 3C, les trois premières côtes. GP est le grand pectoral, qui est extrêmement grêle et qui devient fibreux au moment où il va se perdre dans la cicatrice; PP est le petit pectoral, qui envoie un petit prolongement fibreux dans la cicatrice ; A est l'acromion; AC l'apophyse coracoïde; CG la cavité glénoïde; VA la veine axiilaire qui vient se terminer par un cordon fibreux dans le renflement considérable GN. AA est l'artère axiilaire qui se termine dans le même renflement par un cordon fibreux plus court que celui de la veine. PB est le plexus brachial dont la presque totalité des branches vient se terminer dans le gros renflement GN. Ce renflement, qu'il était facile de sentir à travers les tégumens , tient à la cicatrice à laide de brides fibreuses BF, BF. gn représente un petit ganglion nerveux distinct du précédent.

O Le malade qui fait le sujet de cette observation avait été amputé long-temps auparavant par M. Larrey. Il est mort à l'Hôtel-Dieu d'une phthisie pulmonaire.

vie livraison. 1

La figure 3 est destinée à représenter la cavité glénoïde qui est dépourvue de cartilage, que tapissait du tissu fibreux, et qui est devenue plane et même légèrement convexe.

La figure 4 représente le ganglion nerveux GN divisé en deux parties égales par une section verticale. On voit les filamens nerveux s'éparpiller dans l'épaisseur du renflement et s'y perdre à la manière des ganglions nerveux.

A. Charal. del.

Lith. de l'hatier.

MALADIES DU PLACENTA

A trop/de d'une portion du placenta, défaut de développement et dessiccation du fœtus

correspondant dans un cas de grossesse double.

(PLANCHE VI, VIe LIVRAISON.)

L étude approfondie des maladies du placenta me paraît devoir jeter un jour tout nouveau sur les vices de conformation et les maladies du fœtus, sur son défaut de développement, sur sa mort, sur le phénomène si fréquent de l'avortement, et même sur la santé de la mère pendant la grossesse; j'ai déjà insisté sur ce sujet à l'occasion des kystes placentaires (*). Depuis lors, je suis à la recherche de placentas malades, et je ferai tous mes efforts pour compléter la série si importante et si négligée des maladies de cet organe.

Le fait suivant, que je dois à l'obligeance de M. Deneux, toujours plein de zèle pour les progrès de l'art des accouchemens, me paraît un exemple remarquable d'atrophie du placenta qui a déterminé le défaut de développement et l'atrophie du fœtus. Ce fait prouve en outre l'indépendance des différentes parties du placenta.

Barbe, âgée de trente-un ans, d'une constitution assez grêle, a eu trois enfans dont elle est accouchée fort heureusement. Devenue grosse une quatrième fois, elle éprouve, après deux mois et demi de retard, une perte utérine précédée d'un violent mal de tête et d'étourdissemens. Cette perte, assez abondante ^ continue pendant deux mois : les yeux sont caves, cernés ; le teint livide ; la bouche mauvaise* Au bout de ce temps , expulsion d'un caillot volumineux à la suite de violentes coliques ; Dès ce moment, cessation de toute perte et de tout accident pendant sept semaines , après lesquelles, violentes coliques ; perte plus considérable que la première fois ; les membranes se rompent, un fœtus se présente par les pieds. Cinq minutes après sa sortie, le placenta s'engage, et avec lui un second fœtus incomparablement moins fort que le premier. La malade s'est promptement et parfaitement rétablie.

La figure ï représente la surface utérine du placenta et les deux fœtus. L'un de ces fœtus a le développement d'un fœtus de six mois ; et, en effet, la femme était enceinte de six mois environ. L'autre fœtus a le développement d'un enfant de deux mois et demi à trois mois : il est dans un état de dessiccation qu1 annonce une mort déjà ancienne ; rappelons-nous que la perte datait du troisième mois de la grossesse. Si, d'une autre part, nous examinons le placenta, nous verrons qu'il est divisé en deux portions bien distinctes, l'une saine PS qui répond au cordon ombilical du fœtus sain, l'autre malade PM qui répond au cordon ombilical du fœtus mort depuis long-temps. Mais quelle est cette maladie du placenta ? Son tissu est jaunâtre, d'apparence tuberculeuse; il est très-compacte, atrophié; son épaisseur est à peine le quart de celle de la portion saine du placenta ; sa surface utérine est comme cicatrisée, et il est évident que depuis long-temps toute adhérence entre elle et la face interne de l'utérus était détruite. Une section pratiquée à la fois et sur la portion malade et sur la portion saine a donné la coupe (fig. i ), qui permet de voir comparativement l'épaisseur de la portion saine PS et celle de la portion malade PM. De très-petits foyers de sang concret se voient çà et là dans cette dernière portion.

( ) Voyez Tre livraison, Maladies du placenta , pl. i, a.

VIe LIVRAISON.

i

Réflexions. — Il suit de ce fait, i°. que, dans le cas de grossesse double avec placenta unique, les deux fœtus sont aussi indépendans l'un de l'autre sous le rapport de la nutrition que s'ils avaient deux placentas parfaitement distincts.

i°. Qu'une moitié de placenta peut se décoller indépendamment de l'autre moitié ; en sorte que, dans le cas de grossesse simple, un placenta pourrait n'adhérer à l'utérus que par une moitié, un tiers, peut-être un quart de sa surface utérine, et cependant l'enfant venir à terme.

3°. Que par conséquent, dans le cas d'hémorrhagic utérine qui survient dans le cours de la grossesse, il ne faut pas désespérer d'amener la grossesse à bonne fin; car, pourvu qu'il reste assez de cotylédons placentaires adhérens pour entretenir une communication vasculaire suffisant à la vie et au développement du fœtus, les cotylédons décollés s'atrophieront, s'indu-reront au milieu de cotylédons parfaitement développés : que si l'hémorrhagie se renouvelle plusieurs fois, comme à chaque hémorrhagie un ou plusieurs cotylédons se décollent, on conçoit que les chances de conservation diminuent. Or je ne connais pas de cause plus fréquente de ce décollement que les fluxions sanguines qui se dirigent vers le placenta ; d'où résulte l'efficacité de la saignée pour prévenir l'avortement.

4°. De l'indépendance des deux portions du placenta commun aux deux fœtus, nous devons conclure que, dans le cas de grossesse double avec placenta unique, l'hémorrhagie mortelle par le cordon après la sortie d'un des jumeaux, hémorrhagie dont il existe quelques exemples, ne provenait pas de la portion de placenta appartenant au fœtus non encore expulsé, mais bien de la portion de placenta encore adhérente du fœtus expulsé.

5°. En outre, chaque cotylédon est indépendant des cotylédons voisins ; aussi il m'est arrivé plusieurs fois de rencontrer sept, huit, dix cotylédons atrophiés çà et là au milieu de cotylédons parfaitement sains. Dernièrement, M. Deneux m'a adressé un placenta provenant d'une femme qui venait d'avorter au cinquième mois de sa grossesse, à la suite de nombreuses hémorrha-gies successives. La moitié au moins des cotylédons s'était détachée successivement de l'utérus. Plusieurs cotylédons étaient parsemés de petits foyers apoplectiques, et le sang avait subi dans ces divers foyers les séries de transformation qu'il présente dans les foyers apoplectiques; aussi admets-je une apoplexie du placenta, cause fréquente d'avortement (*).

6°. Enfin l'atrophie du placenta est accompagnée de sa décoloration, de son induration, de son racornissement, de son aspect lobuleux ou tuberculeux, ce qui se conçoit aisément, puisqu'il est réduit à sa charpente fibreuse et vasculaire. Ce sont probablement des cas de cette espèce qu'on a désignés sous le titre de squirrhes du placenta.

(*) Voyez Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, Paris , 1829, tome III, art. Apoplexie.

ENTÉRITE FOLLICULEUSE PRIMITIVE AIGUË.

(planches i, ii, iii, iv, viie livraison, j

Jl est déplorable de voir périr tant d'individu* jeunes et vigoureux par une lésion aussi circonscrite et aussi bien définie.

Ïl existe une maladie aiguë très-grave et très-fréquente, tantôt sporadique, tantôt épidé-mique, dont le caractère anatomique le plus constant est une lésion plus ou moins profonde des follicules muqueux, solitaires et agminés de la fin de l'intestin grêle; dont le caractère clinique dominant est tantôt la prostration et la stupeur, tantôt un délire symptomatique, avec absence de douleur, ou d'autres symptômes locaux manifestes; dont la thérapeutique, encore incertaine, me parait devoir être une combinaison prudente, ou plutôt une succession habilement ménagée des antiphlogistiques, des toniques et des stimulans internes, des stimulans et dérivatifs cutanés : je crois devoir appeler cette maladie entérite folliculeuse primitive aiguë.

Inconnue dans son siège et dans ses caractères anatomiques, mais parfaitement décrite dans ses symptômes parles anciens sous les titres divers de fièvres putride, synoque, putride et non putride, pituiteuse, maligne, bilieuse, soporeuse, typhoïde; et par l'école de Pinel, sous les noms correspondans de fièvres muqueuse, adynamique, ataxique, ataxo - aclyna-mique, fièvres graves, l'entérite folliculeuse aiguë a été signalée, quant à son siège, par Rœderer et Wagler, sous le titre de maladie muqueuse, expression remarquable qui prouve que la fièvre n'était pour eux qu'une forme de maladie. Prost, dans un ouvrage qui fut accueilli avec défaveur dans le temps où il parut (1804), décrivit assez exactement les caractères anatomiques de l'entérite folliculeuse aiguë, sous les titres de fièvres adynamique, gastro-adynamique, ataxique, au premier ou au deuxième degré ; mais elle a été pour la première fois ( 1813 ) considérée comme une maladie spéciale par MM. Petit et Serres, qui ont le mérite d'avoir groupé tous les symptômes autour de l'altération organique, sous la dénomination de fièvre entéro-mésentérique, découverte importante qui semble avoir préparé la réforme opérée dans ces derniers temps dans la doctrine des fièvres. Des histoires plus ou moins complètes de cette maladie ont été publiées depuis par M. Broussais et son école sous le titre de gastro-entérite, par les élèves de M. Bretonneau de Tours, qui a signalé beaucoup mieux qu'on ne l'avait fait avant lui son siège dans les follicules agminés, sous le titre de dothinentérite; par les élèves de M. Bailly, sous le titre tfiléo - diclidite ; et dans un ouvrage ex-professo, qui vient d'être publié, sur le même sujet, par M. Louis, sous le titre affection typhoïde (*).

Les nombreuses occasions que j'ai eues d'observer cette maladie soit sporadiquement, soit épidémiquement (**), m'ont permis de l'étudier sous toutes ses formes et dans tous ses degrés; ce sont ces formes diverses et ces degrés qui vont faire le sujet d'une série de planches. Je ferai

(*) Recherches anatomico-pathologiques et thérapeutiques sur la maladie connue sous les noms de gastro-entérite , fièvres typhoïdes, elc. Paris , 1829. 2 vol. in-8.

(**) C'était une tradition à FHôtel-Dieu, depuis longues années , que les lésions anatomiques qui accompagnent les fièvres graves; et les élèves internes du même temps que moi (1812, i3, i4? diagnostiquaient aussi sûrement qu'on peut le faire maintenant

le siège et les caractères anatomiques de l'altération : plusieurs de mes camarades d'étude doivent se rappeler que, fatigués des dénominations si vagues de fièvres inflammatoire, bilieuse, muqueuse, adynamique, ataxique, voyant la même fièvre revêtir tour-à-tour ces divers caractères sur lesquels on s'entendait bien rarement, nous avions pris le parti de les appeler des fièvres intestinales. Ce qui nous embarrassait, c'était la question desavoir si l'altération était cause, ou effet, ou complication. (Voyez Essai surl'Anaiomie pathologique , 1816; Avant-propos, pag. XVI, et t. I, pag. 133, art. Fièvres.) Ce qui nous embarrassait encore, c'était la médication. La doctrine de l'irritation a soulevé un coin du voile; mais, je ne crains pas de le dire, la véritable méthode de traitement est encore à trouver.

viie livraison. i

précéder quelques propositions générales qui seront comme le résumé rapide des notions que j'ai pu acquérir sur cette maladie.

Desformes anatomiques de Ventérite folliculeuse primitive aiguë.

I. L'entérite folliculeuse primitive aiguë est le caractère anatomique le plus constant des maladies décrites sous les noms de fièvres muqueuse, lente nerveuse, bilieuse grave, putride, adynamique, maligne, ataxique, soporeuse, typhoïde, etc. Néanmoins, toute lésion aiguë et grave d'un organe important à la vie peut, comme l'entérite folliculeuse, revêtir trois formes générales bien distinctes : i° la forme sanguine, inflammatoire ou active ; i° la forme de prostration ou de stupeur, forme adynamique; 3° la forme d'excitation désordonnée ou de délire, forme ataxique. Ainsi il est des pneumonies, des pleurésies, des hépatites, des phlegmons, des érysipèles, des phlébites, des arachnitis qui, se dépouillant pour ainsi dire de leurs phénomènes locaux , peuvent se manifester sous la triple forme inflammatoire, adynamique ou ataxique, en l'absence de toute douleur locale. On ne peut donc, sans faire le sacrifice du siège de la maladie et de la lésion qui la constitue essentiellement, conserver la dénomination de fièvre inflammatoire ou synoque non putride, de fièvre adynamique, fièvre ataxique, fièvre typhoïde, pour désigner l'entérite folliculeuse aiguë; car il est des fièvres inflammatoires adynamiques et ataxiques qui sont pneumoniques, pleurétiques, etc.

II. L'entérite folliculeuse primitive aiguë n'est point une entérite proprement dite, encore moins une gastro-entérite, l'estomac étant presque toujours sain dans cette maladie : vous aurez beau ingérer, soit par la bouche, soit par l'anus, tous les acres, tous les stimulans imaginables, vous ne produirez jamais d'entérite folliculeuse; de là l'innocuité des vomitifs, des purgatifs, et même l'avantage qu'on a paru en retirer dans un grand nombre de cas ; de là les avantages des stimulans de toute espèce dans d'autres cas, tous moyens qui seraient incendiaires dans de véritables entérites.

III. L'entérite folliculeuse primitive aiguë a constamment pour siège la fin de l'intestin grêle. La valvule iléo-cœcale est le foyer principal de l'altération, qui s'étend de là comme d'un centre en diminuant graduellement au dernier pied, aux deux ou trois derniers pieds de l'intestin grêle. Le bord libre de la valvule iléo-cœcale est en général la limite invariable de l'altération, et jamais peut-être on ne vit d'exemple plus frappant de l'influence du mode de vitalité sur les lésions organiques. Il arrive néanmoins assez souvent que les follicules du cœcum, de l'appendice iléo-cœcale et du colon ascendant participent à l'altération. Constamment les ganglions du mésentère qui correspondent à l'intestin malade sont enflammés, d'où le nom de fièvre entéro-mésen-térique, imposé à cette maladie. Du reste, comme les plaques agminées occupent toutes le bord convexe de l'intestin, on ne doit pas être surpris de voir l'altération par plaques affecter exclusivement ee bord convexe, circonstance qui n'avait point échappé à MM. Petit et Serres, auxquels il n'a manqué, pour donner une histoire complète de l'entérite folliculeuse, que la connaissance exacte des follicules de Peyer; car, dans le plus grand nombre des cas, la forme de l'altération rend si exactement celle des follicules agminés, que l'observateur le moins attentif aurait pu faire ce rapprochement.

IV. L'entérite folliculeuse aiguë se présente sous cinq formes anatomiques principales : io sous la forme granuleuse et gaufrée ; i° sous la forme pustuleuse, dont la forme fongueuse n'est qu'une variété ; 3° sous la forme ulcéreuse ; 4° sous la forme gangreneuse : 5° l'inflammation des ganglions mésentériques, qui paraît n'être qu'accessoire, consécutive dans le plus grand nombre des cas, devient quelquefois prédominante et constitue une forme bien remarquable de la maladie; 6° je crois devoir rapprocher de l'entérite folliculeuse l'entérite pseudo-membraneuse.

V. La forme granuleuse et gaufrée est la forme anatomique la plus simple; c'est celle qui a été si bien décrite et même figurée par Rœderer et Wagler, qui en ont bien apprécié le siège. MM. Petit et Serres l'ont appelée fièvre entéro-mésentérique boutonneuse. Elle consiste en des granulations saillantes, simulant une éruption, en sorte que quelques observateurs les ont

décrites comme un exanthème, une éruption intestinale varioleuse ou autre. On pourrait même, en poussant plus avant cette fausse analogie, admettre une éruption discrète et une éruption confluente ; car les granulations sont tantôt disséminées, tantôt groupées et comme tassées. J'ai vu récemment un cas dans lequel les deux derniers pieds de l'intestin grêle étaient hérissés de granulations fortement pressées les unes contre les autres et remplissant exactement l'intervalle que laissaient entre elles les plaques agminées. Plusieurs étaient ulcérées à leur centre; mais le plus grand nombre n'offrait aucune perforation, et représentait de très-gros grains de mil ou même des petits pois. L'individu auquel je fais allusion avait éprouvé des symptômes ataxiques, et sa maladie n'avait duré que douze jours. Quelquefois la lésion est bornée aux follicules isolés ; d'autres fois, ce sont au contraire les follicules agminés qui sont principalement affectés. Plus fréquemment la lésion porte en même temps sur les uns et sur les autres. Dans les points intermédiaires la muqueuse est en général parfaitement saine. Or les follicules agminés, lorsqu'ils sont seulement plus développés que de coutume, se présentent sous la forme de plaques gaufrées, chaque point déprimé répondant à l'ouverture d'un follicule. Ces plaques gaufrées sont plus ou moins proéminentes, mais jamais autant proportionnellement que les follicules isolés eux-mêmes, ce qui tient à ce que les plaques de Peyer sont logées dans l'épaisseur même de la tunique fibreuse de l'intestin, tandis que les follicules isolés font saillie à la surface interne; aussi l'altération des premières est-elle sensible à l'extérieur, et un œil médiocrement exercé reconnaît-il la lésion à la simple inspection du bord convexe de la fin de l'intestin grêle. Quant à l'altération en elle-même, elle consiste tantôt dans un simple développement, et alors la cavité du follicule est remplie par du mucus épaissi ; tantôt dans une inflammation aiguë, et dans ce cas le follicule est plein de pus ou de matière pseudo - membraneuse : il n'est pas rare de voir un follicule abeédé s'ouvrir sous la muqueuse et le pus fuser à une plus ou moins grande distance sous cette muqueuse intacte.

VI. Une seconde forme anatomique de l'entérite folliculeuse aiguë est la forme pustuleuse, qui consiste en des plaques saillantes pustuleuses, que je ne puis mieux comparer pour l'aspect, qu'à ces pustules syphilitiques humides qui se développent si fréquemment autour de la marge de l'anus, sur le scrotum et sur les grandes lèvres. Ces pustules, généralement arrondies, quelquefois crevassées à leur surface, excavées à leur centre, présentent des dimensions variables: tantôt lenticulaires; ce sont celles qui se développent aux dépens des follicules isolés; tantôt d'un pouce, d'un pouce et demi, et même deux pouces de long sur demi-pouce de largeur, oblongues et elliptiques comme les plaques agminées aux dépens desquelles elles sont formées. Il n'est pas rare de voir une pustule au centre d'une plaque de Peyer, laquelle est d'ailleurs saine dans tout le reste de son étendue ; quelquefois même on trouve plusieurs pustules le long d'une plaque un peu considérable , et les intervalles qui les séparent parfaitement sains. Tantôt ces pustules sont rares, disséminées; tantôt elles sont groupées de manière à ne laisser aucun intervalle entre elles et à former un anneau complet ; cela s'observe surtout auprès et aux dépens de la valvule iléo-cœcale. Au reste, ces différences tiennent en grande partie aux variétés innombrables que présentent les follicules sous le point de vue de leur groupement chez les divers individus. On ne saurait méconnaître dans ces plaques une affection simultanée ou successive et des follicules et de la membrane muqueuse ou papillaire qui les revêt : leur tissu est dense, résistant, fragile; si on les divise sous l'eau, et si on les exprime légèrement, on en voit suinter comme du pus qui trouble la transparence du liquide. Elles sont tantôt d'une couleur rosacée, ou noires d'injection, tantôt pâles; différence de couleur qui dépend souvent de l'époque où on les observe. Ces pustules tendent essentiellement à l'ulcération, à la désorganisation ; quelquefois elles s'escarrifient en masse, et dans.ce cas, il n'est pas rare de voir le feuillet iléal de la valvule iléo-cœcale et la portion voisine de la muqueuse être complètement détruits par une ulcération circulaire; dans d'autres cas, de petites ulcérations se manifestent çà et là et sont remplies par une matière concrète et comme pseudo-membraneuse. La forme pustuleuse est lune des plus rapides et l'une des plus graves que puisse affecter l'entérite folliculeuse;

constamment à cette forme anatomique répondent des symptômes ataxiques. Je me rappellerai toujours qu'un intestin me fut présenté à l'une de mes leçons; c'était l'entérite folliculeuse ( forme pustuleuse ). Je n'avais aucun renseignement sur le malade auquel il avait appartenu, et pourtant je fis de ce malade une histoire très-exacte, du moins quant aux choses essentielles, au grand étonnement des personnes qui m'avaient apporté la pièce pathologique. Je dois ajouter que l'altération des follicules du gros intestin est plus fréquente dans cette forme que dans toutes les autres, et cette altération se manifeste tantôt sous la forme de gros boutons ulcérés à leur centre, tantôt sous celle de petites ulcérations queje ne saurais mieux comparer qu'aux dépressions que laisse après elle la petite-vérole confluente. L'altération semble avoir pour point de départ le cœcum, et s'étendre de là, en diminuant, aux colons ascendant et transverse. Je lai vue reparaître ensuite vers le rectum aussi intense que dans le cœcum.

Je regarde comme une variété de la forme pustuleuse la forme fongueuse dans laquelle la muqueuse qui revêt les follicules agminés est soulevée, mais d'une manière irrégulière, et présente des milliers de petites ouvertures à bords rouges au niveau des ouvertures de chaque follicule.

La forme granuleuse et gaufrée, la forme pustuleuse tendent essentiellement à l'ulcération ; mais alors cette ulcération est consécutive; elle est primitive dans les formes qui me restent à décrire.

VIL La forme ulcéreuse, terminaison commune des formes précédentes, est très-souvent primitive. Tantôt, lorsque la maladie a été rapidement funeste, elle se présente sous l'aspect d'une infinité de très-petites ulcérations superficielles, à limbe rouge; chaque follicule est transformé en un petit ulcère ; les plaques de Peyer sont elles-mêmes parsemées çà et là de petites ulcérations au milieu des autres follicules intacts. Tantôt on trouve des ulcères plus ou moins larges, coupés à pic, à la manière des ulcères syphilitiques, souvent irrégulièrement festonnés, souvent aussi représentant assez exactement et pour la forme et pour le siège les follicules agminés, elliptiques comme eux, à fond grisâtre formé par la membrane musculeuse, ou bien encore par le péritoine lui-même qui est comme disséqué. Souvent on rencontre au fond et aux bords de ces ulcérations, des vaisseaux artériels et veineux qui ont échappé au travail désorganisateur ; d'autres fois, ces vaisseaux ont été en partie détruits. Entre ces larges ulcérations se voient de petites ulcérations évidemment formées aux dépens des follicules épars. Il est clair que dans ces cas, non-seulement les follicules sont détruits par le travail ulcéreux, mais encore la membrane muqueuse, la membrane fibreuse et même consécutivement la membrane musculeuse : enfin le péritoine lui-même n'échappe pas à l'usure, d'où la perforation, accident si fréquent dans cette maladie : la muqueuse est souvent décollée dans une plus ou moins grande étendue au pourtour de l'ulcération, et ses bords comme frangés.

Cette forme ulcéreuse présente beaucoup d'analogie avec les ulcères intestinaux des phthi-siques, l'identité est quelquefois complète; et pourtant quelle différence dans les symptômes! L'acuité ou la chronicité de la marche, la succession ou la simultanéité des lésions, les conditions dans lesquelles se trouve l'économie, l'infection du sang par une cause miasmatique extérieure, ou bien par une influence atmosphérique ordinaire, par un foyer de lésion organique, sont autant de données qu'il faut faire entrer dans la solution du problème des maladies.

VIII. Laforme gangreneuse est quelquefois consécutive à la forme pustuleuse; souvent elle est primitive et présente deux variétés. Tantôt la gangrène est circonscrite aux plaques folliculeuses et aux follicules eux-mêmes, tantôt elle s'étend beaucoup au-delà. i°.Dans la gangrène circonscrite, le follicule et la portion adjacente de la muqueuse se détachent à la manière d'un bourbillon, les plaques agminées se séparent à la manière d'une escarre; l'intestin peut être perforé immédiatement dans ce travail désorganisateur. i°. Dans \gangrène non circonscrite et diffuse, le travail morbide a bien commencé par les follicules, mais la désorganisation envahit au loin les membranes muqueuse, fibreuse, et une couche plus ou moins épaisse de la membrane musculeuse, quelquefois le péritoine lui-même. Ces deux variétés de gangrène, la diffuse et la circonscrite , se rencontrent presque toujours simultanément, ce qui établit leur identité. La forme

gangreneuse circonscrite est la seule à laquelle puisse s'appliquer l'expression de dothinenté-rite, qui veut dire furoncle de l'intestin, dénomination que je ne puis adopter, i° parce qu'elle n'est pas nécessaire, %° parce qu'elle tend à donner une fausse idée de la maladie.

IX. Dans toutes les formes d'entérite folliculeuse aiguë que je viens d'énumérer, les ganglions mésentériques correspondais participent plus ou moins à l'inflammation des follicules ; de là sans doute la dénomination de fièvre mésentérique imposée par Baglivi à un certain ordre de fièvres malignes ; de là l'expression de fièvre entéro-mésentérique de MM. Petit et Serres. Or il se rencontre des cas dans lesquels l'inflammation des ganglions mésentériques paraît la lésion principale, l'inflammation folliculeuse n'étant nullement en rapport soit avec l'altération de ces ganglions, soit avec les symptômes. Or les ganglions mésentériques principalement affectés sont i° ceux très-nombreux qui occupent l'angle droit que forme l'iléon avec le colon ascendant (angle iléo-colique); i° ceux qui avoisinent la fin de l'iléon; 3° un groupe de ganglions qui occupent le bord adhérent du mésentère et par conséquent qui longent la colonne vertébrale. Leur volume varie depuis celui d'un gros pois jusqu'à celui d'un œuf de pigeon ; quelquefois ils sont réduits en bouillie lie de vin et vraiment désorganisés, d'autres fois ils sont pleins de pus rougeâtre, ou d'un blanc crémeux; enfin ils contiennent un pus concret, semi-tuberculeux. Il n'est pas rare de voir tous ou presque tous les ganglions mésentériques d'un rouge intense et comme pénétrés de sang, sans augmentation sensible de volume.

X. C'est à la suite de la forme gangreneuse, ou bien de la forme ulcéreuse, soit primitive, soit consécutive de l'entérite folliculeuse, que se voient ces perforations du péritoine, si subitement mortelles par le double effet et de la tympanite abdominale et de la péritonite sur-aiguë. J'ai vu des malades mourir suffoqués par le seul fait de la tympanite abdominale. C'est encore à la suite de ces mêmes formes (gangreneuse et ulcéreuse) d'entérite folliculeuse qu'on voit survenir des hémorrhagies intestinales plus ou moins graves et quelquefois mortelles, ainsi que j'en ai vu un exemple remarquable. On trouve la raison de cette hémorrhagie dans une artère plus ou moins volumineuse ouverte au fond d'une ulcération.

XL Bien que les diverses formes que je viens d'indiquer soient distinctes les unes des autres dans un grand nombre de cas, cependant il n'est pas rare de les rencontrer combinées diversement : ainsi la forme granuleuse et la forme pustuleuse sont très-souvent simultanées ; la forme ulcéreuse et la forme gangreneuse marchent souvent de front sur le même intestin. Quelquefois on rencontre ces lésions à divers états qui attestent qu'elles ne sont point contemporaines , mais bien qu'elles se sont successivement développées. Souvent l'histoire de la maladie jette une vive lumière sur l'interprétation de la lésion organique, et à une recrudescence des symptômes répond une altération organique nouvelle. A côté d'une lésion parvenue à son summum d'intensité, on trouve une lésion commençante; à côté d'une lésion à moitié cicatrisée se rencontre une lésion à son summum d'intensité.

XII. Il est une autre forme d'entérite qui, bien qu'elle ne se rapporte pas à l'espèce folliculeuse, mérite d'être rapprochée des précédentes avec lesquelles elle a beaucoup d'analogie sous le point de vue clinique; c'est Y entérite pseudo-membraneuse ? dans laquelle une portion plus ou moins étendue de la fin de l'intestin grêle et de la portion voisine du gros intestin est enduite d'une matière caséiforme, très-adhérente, d'un blanc jaunâtre, plus moins morcelée, qui forme à chaque papille une gaîne incomplète : sous elle la muqueuse est d'un rouge foncé.

XIIL Un point très-important dans l'histoire anatomique de l'entérite folliculeuse, ce sont les états divers des vaisseaux de la muqueuse et du péritoine. Il n'est pas rare de rencontrer la muqueuse parfaitement saine et dépourvue de toute injection vasculaire entre les granulations, les pustules ou les ulcérations; dans d'autres cas, la muqueuse est prodigieusement injectée, d'un rouge noir dans une plus ou moins grande étendue; enfin la rougeur peut être circonscrite autour de la granulation, de la pustule, ou au limbe de l'ulcération. L'état du péritoine n'est pas moins digne d'intérêt. Lorsque la lésion est bornée aux follicules et à la muqueuse, l'altération ne s'étend jamais du côté du péritoine; la membrane fibreuse sert de barrière à

VIIe LIVRAISON

1

son extension du dedans au dehors, de même que, dans d'autres cas, à son extension du dehors au dedans; mais aussitôt que cette barrière a été franchie, que la tunique musculeuse est envahie, le péritoine y participe plus ou moins : l'injection vasculaire est le plus souvent locale; à chaque pustule, à chaque ulcération intérieure répond une tache violacée à l'extérieur. Aussi un œil un peu exercé reconnaît-il, à l'inspection de la surface externe de l'intestin grêle, l'état de la surface interne; de même qu'à l'inspection du mésentère on juge l'état des ganglions contenus dans son épaisseur. Dans d'autres cas, il n'y a pas seulement injection du péritoine, il y a péritonite sub-aiguë, tantôt partielle, locale, circonscrite aux régions hypogastrique et iliaque, tantôt générale; enfin il n'est pas rare de voir survenir tout-à-coup par la simple extension de l'inflammation une péritonite aussi aiguë que celle qui succède immédiatement à une perforation intestinale.

XIY. L'histoire anatomique de l'entérite folliculeuse comprend encore l'étude de la cicatrisation des pertes de substances qui résultent de la plupart des altérations que je viens d'indiquer. Or, un certain nombre d'individus succombant par une foule de circonstances, soit pendant leur convalescence, soit à une époque plus ou moins éloignée, il a été facile de constater que cette cicatrisation suivait absolument les mêmes lois que celles des pertes de substance de la peau et de tous les autres organes.

Formes cliniques de lentérite folliculeuse primitive aiguë.

XV. Les grands observateurs de l'antiquité avaient reconnu qu'il existe un certain nombre de maladies fébriles qui ont un point de départ évident, manifesté par la douleur et par une gêne plus ou moins grande dans les fonctions de l'organe, tandis que d'autres n'ont aucun point de départ spécial, et semblent être des maladies de l'ensemble de l'organisation : les premières, dans lesquelles l'état local domine manifestement l'état général, ont été appelées symptomatiques ; ou plutôt, on les a dénommées d'après la lésion locale; quant aux secondes, dans lesquelles l'état général paraît au contraire dominer l'état local, on leur a réservé le nom de fièvres, comme qui dirait fièvres par excellence; l'épithète de primitives ou essentielles est une création moderne. Cette distinction est tellement dans la nature que nous la trouvons reproduite, soit implicitement, soit explicitement, dans tous les observateurs depuis Hippocrate, quelle que soit d'ailleurs la doctrine ou le système dominant à l'époque où ils écrivaient.

XVI. L'anatomie pathologique pouvait seule révéler cette grande vérité, qu'il est un grand nombre d'inflammations sans douleur, sans symptômes locaux notables, et que ces inflammations sans douleur réagissent sur le centre cérébral, sur le centre circulatoire, et sur toutes les fonctions d'une manière plus intense peut-être que les phlegmasies avec douleur. Enfin il est des inflammations qui, après avoir débuté par des symptômes locaux, présentent une disparition complète de ces phénomènes, pour revêtir la même forme que les phlegmasies sans douleur, et réciproquement des phlegmasies sans douleur qui revêtent, au bout d'un certain temps, la forme des phlegmasies avec douleur.

XVII. Si la forme typhoïde est commune à toutes les phlegmasies sans douleur, on peut dire qu'aucune ne la présente à un plus haut degré que l'entérite folliculeuse aiguë : à peine frappé, le malade éprouve un brisement complet des membres, une prostration excessive; il est forcé de s'aliter : la face porte l'empreinte de la stupeur, il reste immobile dans son lit, insensible , dans une sorte d'engourdissement; la tête, les membres lui semblent d'une lourdeur excessive; le système musculaire est le plus promptement, le plus profondément affecté, d'où le nom de fièvre adynamique (Pinel); les lèvres, les dents et la langue desséchées deviennent fuligineuses : le malade ne désire rien, rien que le repos; ne lui demandez point de commémoratifs, et surtout ne lui adressez pas de questions qui exigent autre chose qu'une réponse affirmative ou négative; il vous répondra à tort et à travers, car il n'a pas la force de penser, encore moins celle de suivre et de rapprocher ses idées; la vie semble attaquée dans sa source.

XVITL lia forme ataxique n'est pas moins fréquente que la forme typhoïde; elle est sans contredit bien plus grave : dans le plus haut degré le malade succombe en quelques jours, et souvent inopinément avec le délire le plus violent, à la manière des arachnitis sous forme délirante.

Un charron vigoureux, âgé de vingt-cinq ans, est apporté il y a quelques jours à la Maison royale de Santé; il jouissait de toute sa raison. La nuit, délire violent; il se croit assassin de tous les rois et croit qu'on veut le tuer. La face est rouge, couverte de sueur ; le pouls large, plein, presque naturel pour la fréquence; vociférations; langue naturelle; salive peu abondante et écumeuse. L'abdomen est volumineux. Je diagnostique une entérite folliculeuse. Vingt sangsues aux jugulaires. 11 meurt pendant la nuit. L'ouverture du cadavre nous a appris que c'était effectivement une entérite folliculeuse aiguë (forme pustuleuse). Sa maladie datait de sept à huit jours, et rien n'annonçait une fin aussi prochaine. La même nuit est mort un élève en pharmacie, qui présentait un délire taciturne relatif aux objets habituels de ses études; je ne pouvais obtenir de réponses qu'en lui parlant de chimie, et il paraissait plein de vie à ma dernière visite ; observé par l'interne (M. Sestié), à dix heures du soir, son état lui parut à peu près le même qu'à la visite du matin. Il mourut à onze heures. J'avais diagnostiqué une entérite folliculeuse aiguë ; et l'autopsie justifia complètement mon diagnostic. Dans l'un et l'autre cas, les méninges étaient moyennement injectées. Il n'est pas rare de voir le délire reparaître ou augmenter notablement à la même heure, le pouls presque apyrétique dans l'intervalle des exaspérations, et la maladie simuler une intermittence pernicieuse.

Quel est le praticien qui n'ait pris le change dans quelques cas, et qui n'ait cru à un délire symptomatique alors qu'il avait à traiter un délire idiopathique, et réciproquement? Ce serait un grand service à rendre aux praticiens que de leur donner des signes certains à l'aide desquels ils puissent, dans tous les cas, distinguer le délire symptomatique du délire idiopathique. Au reste, cette difficulté se reproduit dans un grand nombre de maladies abdominales.

XIX. Les symptômes locaux sont d'autant moins prononcés que les symptômes cérébraux sont plus intenses : l'état ataxique est porté au plus haut degré, la péritonite sur-aiguë elle-même, suite de perforation intestinale, a lieu sans douleur. La pression abdominale, soit antéro-posté-rieure, soit latérale, ne me paraît que d'une valeur très-secondaire, et je n'attache que peu d'importance pour le diagnostic à l'existence comme à la non-existence de la douleur. L'anatomie pathologique explique en partie ce fait en montrant que, chez le plus grand nombre des sujets, les deux derniers pieds de l'intestin grêle, siège presque exclusif de l'entérite folliculeuse , sont contenus dans l'excavation du bassin ; mais l'absence de la douleur tient bien davantage au mode d'inflammation qu'à la circonstance anatomique que je viens d'indiquer. La douleur ne se manifeste franchement que lorsque l'inflammation s'étend au péritoine ; alors l'hypo-gastre et souvent la totalité de l'abdomen devient volumineux, ballonné, et résiste sous la pression.

XX. Il n'est pas rare de voir la maladie présenter alternativement la forme typhoïde et la forme ataxique ; alors c'est presque toujours la forme ataxique qui est consécutive. Souvent la forme est mixte, il y a une sorte de combinaison de stupeur et de délire. Enfin il est des entérites folliculeuses qui se manifestent sous une forme sub-aiguë ; la maladie marche uno tenore sans augmentation ni diminution, pendant vingt-un, vingt-huit, quarante jours ; c'est l'état de prodrome des maladies aiguës à l'état permanent, d'où le nom de fièvre lente nerveuse, qui lui a été imposé par Huxham; de maladie muqueuse chronique, par Rœderer et Wagler ; c'est Ventérite folliculeuse sub - aiguë.

XXI. Comment rattacher des symptômes aussi graves que ceux dont je viens de faire 1 enuméra-tion à une lésion aussi circonscrite du canal intestinal ? N'est-il pas plus probable que ces symptômes dépendent d'une cause agissant sur l'ensemble de l'économie : cette maladie locale n'est peut-être qu'une éruption analogue aux éruptions labiales ou cutanées, une sorte de crise qui, salutaire si elle se fût portée à la peau, devient nuisible parce qu'elle se dirige sur un organe important à la vie.

XXII. Après avoir bien réfléchi à cette grande et importante question, je reste convaincu que, dans l'entérite folliculeuse aiguë, l'état général, que l'on comprend sous le nom collectif de fièvre, est symptomatique au même titre que la fièvre dans les maladies éruptives, que la fièvre dans la pneumonie et la pleurésie.

XXIII. Dans les maladies éruptives, variole, scarlatine, rougeole, certes ce n'est pas l'éruption qui gouverne la fièvre, mais la fièvre qui gouverne l'éruption; il serait absurde de dire que la fièvre morbilleuse', ou varioleuse, ou scarlatineuse, est symptomatique d'une éruption qui n'existe pas encore. Eh bien! il en est de même dans la pleurésie, dans la pneumonie, dans l'érysipèle, dans les maladies qui sont le plus essentiellement locales : un individu s'expose à une suppression de transpiration ; il est pris de fièvre immédiatement ou quelques jours après? Y a-t-il déjà pneumonie, pleurésie, érysipèle? Non certainement; la pneumonie, la pleurésie, l'érysipèle ne se déclarent qu'au bout de douze, vingt-quatre heures, et quelquefois deux jours, trois jours après ; donc la fièvre n'est pas symptomatique de cette pneumonie, de cette pleurésie, de cet érysipèle? Et lorsque la fièvre vient à tomber, croyez-vous que la pneumonie, la pleurésie, l'érysipèle soient dissipés ? Pas plus que la variole, la rougeole et la scarlatine à la chute de la

, fièvre qui les accompagne; la cessation des phénomènes généraux annonce que la maladie locale est bornée , qu'elle ne fera plus de progrès, à moins d'une cause nouvelle, et que la résolution va avoir lieu.

XXIV. Ce que je viens de dire s'applique exactement à l'entérite folliculeuse aiguë; la fièvre précède l'inflammation de douze, vingt-quatre, quarante-huit heures, trois jours, comme la fièvre de la pneumonie; la fièvre persiste et augmente tout le temps que s'accroît le travail local désorganisateur qui n'est pas la cause de la fièvre, mais qui en est la mesure, de la même manière et par la même raison que la fièvre persiste et augmente tout le temps que s'accroît l'inflammation du poumon. Aussitôt que s'arrête le mouvement fébrile, l'entérite folliculeuse aiguë n'est pas guérie, elle est seulement bornée ; elle ne fera plus de progrès à moins d'une cause nouvelle ; elle tend à la cicatrisation. Ces faits sont faciles à vérifier dans la pleurésie, la pneumonie , dont les symptômes locaux persistent, identiquement les mêmes, huit à dix jours après la chute de la fièvre. J'ai eu plusieurs occasions de la constater dans le cas d'entérite folliculeuse ; quelques malades étant morts accidentellement, à vingt, trente, quarante jours de convalescence, j'ai été étrangement surpris de trouver dans le canal intestinal, au lieu des cicatrices que je cherchais, des ulcérations aussi profondes et aussi étendues qu'au plus fort de la maladie.

XXV. On voit donc qu'il y a deux choses, cliniquement parlant, dans l'entérite folliculeuse aiguë, comme d'ailleurs dans toutes les phlegmasies; l'état local et l'état général: or dans les phlegmasies avec douleur, c'est l'état local qui est la source ou plutôt le régulateur des indications thérapeutiques; dans les phlegmasies sans douleur, c'est principalement l'état général, ou plus exactement l'état du système nerveux cérébro-rachidien.

XXVI. Cependant l'état local, bien que consécutif (mais consécutif à la manière de la pleurésie, de la pneumonie), bien qu'il soit latent dans le plus grand nombre des cas, ne doit pas être dédaigné : s'il n'explique pas l'état général, si dans le principe il ne peut être considéré que comme effet; une fois produit il s'élève au rang de cause, et semble régir par ses degrés, par la plus ou moins grande rapidité de sa marche, par ses phases diverses, les degrés, la marche et les phases de la maladie. Alors l'état de l'intestin rendra un compte aussi satisfaisant que possible de l'état général. Le système nerveux ganglionnaire, qui se distribue en si grande abondance aux parties malades, explique ici comme dans les hernies étranglées la prostration excessive des forces, et la part que prend le système nerveux central au désordre par la torpeur, la stupeur et le délire. L'état du cœur, que je regarde en général comme le thermomètre de l'état du système nerveux ganglionnaire, de même que l'état des muscles de la vie de relation est le thermomètre de l'état du système cérébro-spinal, donne en général assez bien la mesure de la gravité de l'altération et quelquefois aussi celle de la susceptibilité du sujet; quel

quefois cependant un pouls presque naturel coïncide avec un état excessivement grave. Lorsque l'inflammation désorganisatrice ne se borne pas aux follicules et à la portion de la muqueuse qui les soutient, lorsqu'elle s'étend soit à la muqueuse elle-même, soit au péritoine; alors surviennent des phénomènes locaux et par conséquent des indications toutes locales.

Thérapeutique.

XXVII. De même qu'il est impossible d'arrêter subitement une maladie éruptive, la variole, la scarlatine, la rougeole, l'érysipèle, et même une pleurésie, une pneumonie, une inflammation quelconque, de la faire avorter, de la couper pour ainsi dire à la manière d'une fièvre intermittente, lors même qu'on agit dès les premiers momens de l'apparition de la fièvre; de même l'entérite folliculeuse aiguë a nécessairement une certaine durée ; et bien qu'il y ait quelque chose d'exagéré dans cette idée de Pinel, qui comparait la marche d'une maladie fébrile aux diverses périodes de l'accroissement d'un végétal, il n'y a pas moins d'exagération dans cette doctrine contraire qui proclame qu'on peut arrêter subitement une' entérite folliculeuse aiguë par de larges applications de sangsues, en un mot par un traitement antiphlogistique énergique. L'impulsion fébrile une fois communiquée, vous pourrez, par une thérapeutique convenable, diminuer la gravité des symptômes, entraver la marche désorganisatrice de l'inflammation, prévenir quelques épiphénomènes; mais vous aurez beau faire, les deux ou trois septénaires, les quarante jours quelquefois seront nécessaires pour obtenir la solution complète de la maladie. Je possède des observations qui sont péremptoires à cet égard.

XXVIII. Toutefois, il est une distinction importante à faire entre les maladies qui surviennent subitement sans prédisposition marquée, par l'effet d'une suppression brusque de transpiration par exemple, et les maladies qui sont le résultat d'une action long-temps continuée dans les causes prédisposantes ou d'une infection miasmatique ; un traitement énergique a bien plus de prise sur les premières que sur les secondes ; et les entérites folliculeuses aiguës miasmatiques ou épidémiques, comme d'ailleurs toutes les phlegmasies, pneumonies, dysenteries, etc., miasmatiques ou épidémiques, sont incomparablement plus graves que les entérites folliculeuses aiguës sporadiques.

XXIX. Le typhus qui a régné épidémiquement dans nos hôpitaux par suite de l'encombrement , en i8i3, 1814, n'était en général rien autre chose qu'une entérite folliculeuse primitive aiguë, ainsi qu'il m'a été souvent donné de le constater : la génération de cette maladie me paraît recevoir un jour tout nouveau de l'étude du typhus miasmatique, l'intensité de la cause permettant de la saisir par l'instantanéité de ses effets. Un individu sain s'expose à l'action d'un miasme; il séjourne dans une salle où sont comme entassés un grand nombre d'individus affectés de typhus. Le miasme est porté par l'air dans les poumons dont la muqueuse, si éminemment absorbante, sert bien plus communément de voie à l'absorption qu'à l'élimination des miasmes ou autres causes morbides, et en cela cette muqueuse est en opposition avec la peau et la muqueuse intestinale. Ce miasme absorbé est porté dans le torrent de la circulation et infecte le sang. Quelquefois il agit de suite ; d'autres fois, semblable à un germe, il a besoin d'un certain temps d'incubation. Au moment de l'explosion, survient un froid plus ou moins violent, sorte de mouvement centripète qui annonce que l'économie est sous l'empire d'une cause qui l'opprime et que le système des forces épigastriques est profondément affecté. On a vu des individus mourir dans le frisson. Suivent le mouvement centrifuge ou de réaction, la chaleur, le développement du pouls ; c'est dans ce moment que la cause miasmatique est portée sur tel ou tel organe, tantôt sur les follicules isolés ou agminés: alors survient l'entérite folliculeuse; tantôt sur la muqueuse du gros intestin : c'est alors la diarrhée, la dysenterie. D'autres fois la cause miasmatique est dirigée sur les poumons ou le cerveau ; tantôt elle s'épuise sur un seul organe, tantôt elle se porte simultanément ou successivement sur plusieurs organes; or il est

viie livraison. 3

telle constitution médicale dans laquelle la cause miasmatique se porte sur le gros intestin, telle autre sur les follicules agminés et solitaires de l'intestin grêle, telle autre sur les poumons, telle autre sur le cerveau, etc., et les variétés individuelles, les variétés d'influences de toute espèce au milieu desquelles se développent les typhus expliquent les différences innombrables que présentent les diverses épidémies.

XXX. De ce résultat de l'observation qui, par sa généralité, a toute la force d'un axiome, savoir que dans l'état actuel de la science, l'entérite folliculeuse aiguë peut être modifiée dans sa marche, mais jamais arrêtée par nos médications, ne serait-on pas porté à inférer que le traitement n'a que peu ou point d'influence sur la marche de la maladie ; et cette conséquence n'acquiert-elle pas une nouvelle force, si l'on considère la divergence des opinions qui existent au sujet de la thérapeutique de l'entérite folliculeuse aiguë ? A l'appui de cette manière de voir, sont venus les calculs de M. Louis, qui, dans un ouvrage, fruit d'une longue et persévérante observation, où chaque fait est analysé sous toutes ses faces avec une patience au-dessus de tout éloge, a démontré, d'après ces calculs, que la durée de la maladie a été à peu près la même, les symptômes également graves et la terminaison également funeste sous l'influence des moyens thérapeutiques les plus opposés.

XXXI. Mais la méthode arithmétique importée dans l'étude de la vie me parait en opposition avec le caractère éminemment variable et insaisissable des phénomènes des corps vivans. Chaque science a sa méthode et ses motifs de certitude; parmi les sciences naturelles, les sciences physiques se composent de phénomènes constans auxquels le calcul peut être appliqué avec avantage (d'où les sciences physico-mathématiques); mais dans les sciences zoologiques, les produits varient sans cesse comme les facteurs : ainsi dans les raisonnemens par chiffres, qui paraissent inattaquables au premier abord, combien de fois n'ajoute-t-on pas comme unités du même ordre des unités d'unité, des unités de dixaine et des unités de mille. Et celui qui voudrait importer le calcul dans la médecine ne ressemblerait-il pas à ce savant (Condorcet) qui conçut le projet bizarre d'appliquer la rigueur mathématique aux vraisemblances morales, qui voulait substituer des a 4- b aux preuves juridiques écrites ou testimoniales ; qui admettait des unités de preuves, des fractions de preuve et les réduisait en équations, à l'aide desquelles il prétendait décider algébriquement de la vie, de la fortune et de l'honneur des citoyens.

XXXII. A défaut d'autres preuves, je ne voudrais, pour montrer l'inutilité de ces tableaux arithmétiques, que la singularité des résultats; ainsi la vaccine n'est pas un bienfait, car la mortalité est tout aussi grande maintenant qu'avant sa découverte; ainsi la science ou l'ignorance, la prudence ou la témérité sont inutiles au lit du malade ; la médecine elle-même est inutile, voyez les tables de mortalité partielles et générales. Ce qui importe au médecin, ce ne sont pas ces lois générales du balancement des êtres, de la mortalité de tel hôpital, de la mortalité de telle salle; ce ne sont point des résultats généraux de thérapeutique, car il n'y a en médecine que des individus, et pour avoir des calculs approximatifs, il faudrait pouvoir peser, mesurer, soumettre au calcul chaque cas individuel; autrement, comme je le disais tout-à-l'heure, vous ajouterez peut-être des unités d'unité avec des unités de dixaine, des unités de centaine, des unités de mille. Ce qui nous importe donc, ce sont des cas particuliers bien définis; or il est certain que dans tel cas particulier, telle méthode de traitement sera éminemment utile et telle autre méthode de traitement éminemment nuisible.

a

XXXIII. La thérapeutique de l'entérite folliculeuse aiguë ne me parait point encore assise sur des bases inébranlables : consultez les divers praticiens. Si vous en exceptez quelques-uns qui ont sur ce point des idées fixes et qui ne dévient jamais d'un plan de traitement qu'ils ont invariablement arrêté, attribuant leurs succès à leur thérapeutique, leurs revers à la gravité inexpugnable de la maladie, si vous en exceptez, dis-je, ce petit nombre, vous verrez la plupart vacillans, sans règle et sans doctrine, ne pouvant s'expliquer d'une manière satisfaisante ni leurs succès ni leurs revers, se reprocher amèrement, dans les cas malheureux, les antiphlo-gistiques s'ils en ont usé, et les toniques ou les évacuans s'ils y ont eu recours.

XXXIV. Invoquerons-nous les causes de l'entérite folliculeuse aiguë pour nous éclairer sur sa thérapeutique, mais ces causes sont communes à un grand nombre de maladies; je n'en trouve aucune qui soit spéciale : une température froide et humide continue; le passage d'une température chaude ou froide à une température humide ; une alimentation de mauvaise qualité, des affections morales tristes, voilà les causes les plus générales. Dans les hivers humides, nos hôpitaux de Paris sont pour ainsi dire encombrés d'entérites folliculeuses aiguës (*). Je l'ai observée épidémique à Limoges dans l'hiver de 1816 à 1817, et voici dans quelles conditions : l'année 1816 avait été remarquable par la bizarrerie de sa température: toutes les saisons furent confondues ; il n'y eut, à proprement parler, ni été ni hiver; des pluies continuelles firent prédominer la température froide et humide. La végétation souffrit beaucoup : les fruits furent rares et de mauvaise qualité ; les céréales ne furent point respectées. La proportion du son sur la farine fut plus considérable que de coutume. Le pain était moins beau, et la cherté des grains multiplia les fraudes. Il est des causes de maladies qui ont besoin d'un certain temps d'incubation et qui ne produisent des effets sensibles que long-temps après leur action. Cherchez les causes des maladies, disait Sydcnham, non-seulement dans la constitution atmosphérique régnante, mais encore dans celle qui a précédé. Aussi, après avoir observé une quantité prodigieuse d'inflammations des membranes muqueuses, telles que catarrhes pulmonaires, angines, croups, toux croupales, coqueluches, ophthalmies, dévoiemens séreux, dysentériques, etc., je fus appelé coup sur coup pour un grand nombre de maladies qui s'annoncèrent avec des symptômes formidables, qui me représentèrent exactement les fièvres graves ou entéro-mésentériques de M. Petit, que j'avais si souvent eu occasion d'observer à l'Hôtel-Dieu dans les différens services auxquels j'avais été attaché. Du reste, dans cette épidémie comme dans toutes les autres, les jeunes gens furent les premières et les principales victimes, et, chose remarquable, la maladie sévit avec plus d'intensité peut-être sur la classe riche que sur la classe pauvre, dans la partie élevée que dans la partie basse de la ville ; les causes parurent agir de deux manières différentes, et sur la peau et sur le canal alimentaire (**).

XXXV. Si la thérapeutique de l'entérite folliculeuse aiguë ne découle pas directement de la lésion organique, au moins en reçoit-elle un jour tout nouveau, et l'étude approfondie de la lésion locale nous permet d'expliquer un grand nombre de phénomènes locaux, inexplicables sans son secours. Aussitôt qu'il fut constaté que les fièvres dites putrides ou adynamiques, malignes ou ataxiques, laissaient presque toujours après elles la lésion que nous avons décrite, il dut se présenter cette question : Cette lésion est-elle le point de départ de tous les symptômes; est-elle un effet, une crise, en un mot gouverne-t-elle la maladie ou est-elle gouvernée par elle ?

XXXVI. M. Petit, tout en admettant que la lésion locale est le point de départ, le foyer de tous les symptômes, qu'en un mot elle précède la fièvre; tout en regardant cette lésion comme une inflammation, n'a nullement modifié la méthode généralement reçue; bien loin de là, il insiste beaucoup plus qu'on ne l'avait fait jusqu'alors sur l'emploi des toniques et du traitement le plus stimulant qu'il soit possible d'imaginer, parce qu'il regarde cette inflammation comme le produit d'une irritation adynamique (page 216) « semblable à celle qui produit la péripneu-« monie et la pleurésie putrides, l'angine gangreneuse et la dysenterie, semblable à celle qui « précède la gangrène. » Sa méthode consiste dans l'emploi du quinquina en décoction et sous forme d'extrait et associé aux spiritueux, de l'acétate d'ammoniaque, de lavemens de

(*) Le passage d'un froid très-rigoureux à une température chaude pendant quelques jours , puis tout-à-coup froide et humide , a fait succéder brusquement cette année, pendant les deux mois qui viennent de s'écouler ( mars et avril i83o ), l'entérite folliculeuse aiguë aux plcuro-pneumonies qui ont été si fréquentes cet hiver. La transition a été on ne peut plus rapide et prononcée à la Maisou royale de Santé. Les mêmes lits occupés pendant les mois de décembre , janvier et février par des pleuro-pneumoniques sont occupés maintenant par des individus alïectés d'entérite folliculeuse , les uns sous la forme typhoïde, les autres sous la forme ataxique.

(**) J'ai décrit les traits principaux de cette épidémie, en 1817, à la séance publique de la Société d'agriculture, sciences et arts, de la Haute-Vienne ; et sur la demande du préfet, je lis une Notice qui fut adressée par le ministre de l'intérieur à la Société de la Faculté de médecine.

camomille et de camphre, de frictions sur 1 abdomen avec l'eau-de-vie camphrée, de sinapismes et de vésicatoires volans qu'il emploie dans le double but de déplacer l'irritation et de stimuler l'économie par l'absorption du principe irritant des cantharides.

XXXVII. L'école physiologique, partant de ce même principe, savoir que la lésion locale est le foyer de tous les symptômes, que cette lésion locale est une inflammation, une gastro-entérite; mais n'admettant dans l'inflammation que des différences de degrés et de siège, et nullement des différences de nature, regarde l'eau gommée, les évacuations sanguines locales, les cataplasmes émolliens comme l'ancre de salut dans cette maladie. Le chef de cette école célèbre est même persuadé qu'il prévient et arrête immédiatement les entérites folliculeuses aiguës, qu'il comprend avec une foule de maladies légères sous le titre de gastro-entérites. Il n'est pas écrit dans le livre du destin, dit-il énergiquement, que telle lièvre durera sept, quinze, vingt-un jours.

XXXVIII. La doctrine des évacuanspar le haut et par le bas, triomphante du temps de Stoll, ne compte plus qu'un très-petit nombre de partisans dans cette maladie : les médecins français qui ne l'ont pas complètement répudiée, ne suivent leur méthode qu'avec timidité, retenus qu'ils sont par les idées dominantes, en sorte qu'il est bien difficile d'apprécier cette méthode à sa juste valeur, au moins d'après des faits nouveaux. Quant à la méthode dite altérante et évacuante employée par les médecins anglais, la poudre d'ipécacuanha, le vin d'ipécacuanha à petites doses, le calomel, la craie, les sels neutres, le tartre stibié à doses fractionnées, etc., je ne puis prononcer à cet égard. Toutefois je ferai remarquer que le dévoiement ne m'a pas paru avoir une influence avantageuse sur la marche de la maladie, et que les entérites folliculeuses avec dévoiement sont tout aussi fréquemment funestes que les entérites folliculeuses sans dévoiement.

XXXIX. S'il fallait adopter une méthode générale exclusive, certes je préférerais à toute autre méthode la méthode antiphlogistique, mais employée avec prudence et mesure, c'est-à-dire la médecine expectante secondée de quelques applications de sangsues : c'est le traitement que j'ai suivi avec succès dans un très-grand nombre de cas : ainsi boissons aiguisées avec eau de Rabel, lorsqu'il n'y a pas de dévoiement; boissons gommeuses ou mucilagineuses ; lavemens émolliens, cataplasmes émolliens; quelques applications de sangsues (dix, quinze) à deux, trois, quatre, cinq jours d'intervalle, soit à l'anus, soit à la région iliaque droite; quelquefois, dès le début ou à une période peu avancée, une saignée au bras ou une forte application de sangsues; quelquefois de l'eau de gomme ou de gruau pour toute boisson et pour tout traitement. Mais, je dois le dire, jamais je n'ai arrêté brusquement, je n'ai fait avorter ce genre de maladies, et rien ne me prouve que les dévoiemens avec anorexie et prostration, qui cèdent immédiatement à une application de quinze à vingt sangsues, étaient des entérites folliculeuses commençantes.

XL. Voilà à l'aide de quels moyens j'ai amené à bon port une foule de maladies qu'un traitement stimulant aurait probablement exaspérées; par ce traitement, je n'avais peut-être aucune prise sur l'inflammation folliculeuse elle-même; mais j'arrêtais ces congestions sanguines soit sur le péritoine, soit sur la muqueuse, qui sont si souvent funestes. L'état général, l'énergie de la réaction et surtout la douleur locale, quand elle existe, me faisaient insister plus ou moins sur les évacuations sanguines, qui quelquefois ont été salutaires, même le vingtième jour. Mais, dans aucun cas, je n'ai usé largement de la méthode antiphlogistique; plusieurs exemples funestes ( expertus loquor) d'évacuations sanguines immodérées, sous l'influence desquelles j'ai vu les symptômes locaux eux-mêmes s'exaspérer et les malades succomber rapidement, m'en ont complètement éloigné, et il est bien démontré pour moi que l'entérite folliculeuse aiguë ne doit pas être traitée à la manière des maladies essentiellement inflammatoires.

XLI. Si la méthode antiphlogistique modérée peut suffire dans quelques cas, si elle convient en général dans la première période de la maladie, il arrive bien souvent qu'elle est essentiellement contre-indiquée et par l'état des forces, et par l'état du pouls, et par l'exaspération de tous les symptômes sous l'influence de son emploi. Dirons-nous alors qu'il n'y a plus rien à faire,

et nous consolerons-nous de notre impuissance et de nos revers en disant que la maladie était parvenue jusqu'à la désorganisation et que tout autre traitement aurait été au moins aussi inutile que les évacuations sanguines ? Ce n'est point ainsi que procède la saine thérapeutique ; sa marche est indépendante, et les vérités qu'elle a acquises, fruit du temps et de l'expérience des siècles, ne sauraient se plier sous le joug des systèmes. Or je regarde comme un point de clinique aussi solidement établi que possible, qu'il est une période dans l'entérite folliculeuse aiguë où la méthode débilitante est essentiellement nuisible, et la méthode stimulante l'ancre de salut : ici d'ailleurs rien de spécial pour l'entérite folliculeuse, toutes les phlegmasies donnent lieu aux mêmes considérations. Ainsi, il est des pneumonies épidémiques, des dysenteries épidémiques, dans lesquelles les saignées sont essentiellement nuisibles et les toniques ou les évacuans essentiellement utiles.

XLII. Le point important et difficile tout à la fois, c'est la détermination du moment d'opportunité, pour l'emploi des toniques; c'est d'établir quels sont les cas dans lesquels il faut, dès le début, prodiguer les toniques à la manière de M. Petit, les cas dans lesquels la médecine expectante ou la méthode antiphlogistique sont seules indiquées, et enfin les cas où le traitement tonique doit succéder au traitement antiphlogistique.

XLIII. Ce problème me parait résolu par l'état général du sujet; je m'explique : l'entérite folliculeuse aiguë se compose de deux ordres de phénomènes, i° des phénomènes locaux; i° des phénomènes généraux. Tout le temps que les phénomènes locaux sont dominans , qu'il y a réaction énergique et régulière et du système nerveux et du système circulatoire, vous pouvez, vous devez même traiter la maladie localement. Une ou plusieurs applications de sangsues soit à l'anus, soit à l'hypogastre, sont alors éminemment utiles. Une saignée générale fait quelquefois merveille ; c'était là d'ailleurs la conduite de Stoll lui-même dans ses fièvres putrides sanguines : mais aussitôt que les symptômes généraux deviennent dominans, que le système nerveux fléchit pour ainsi dire ; aussitôt qu'arrivent soit la stupeur, qui n'est pas l'oppression des forces, soit des phénomènes désordonnés, ataxiques comme on le dit, gardez-vous bien de tirer du sang : la plus petite évacuation sanguine peut détruire le reste de réaction qui anime encore l'économie ( sanglas frœnat ñervos). Hâtez-vous de soutenir les forces de la vie; ne craignez point d'irriter ; votre malade ne périra pas par l'état local, il périra par l'état général. C'est alors que réussit quelquefois comme par prodige le fébrifuge par excellence, le quinquina que je donne en décoction ou mieux eneore sons la forme d'extrait résineux, rarement sous la forme de sulfate de quinine. Le quinquina me parait surtout réussir dans l'entérite folliculeuse sous forme typhoïde; dans la forme ataxique, j'ai recours avec plus d'avantage aux pilules camphrées, nitrées, auxquelles j'associe du musc; l'opium lui-même, donné à forte dose (je veux dire un grain le matin et un grain le soir), m'a paru, dans quelques cas particuliers, triompher du délire. J'ai été conduit à son emploi par l'identité du délire de l'entérite folliculeuse et du délire appelé delirium tremens; et je puis assurer qu'en adaptant ainsi la médication aux diverses indications; quelquefois, chose bizarre, en employant concurremment quelques sangsues à l'hypogastre et le quinquina à l'intérieur, j'ai obtenu tantôt une amélioration tellement rapide qu'on ne pouvait l'attribuer qu'aux moyens thérapeutiques, tantôt une amélioration lente, mais graduelle; et en attendant que nous trouvions, s'il est possible, un spécifique, c'est-à-dire un moyen qui agisse directement sur les causes de l'entérite folliculeuse aiguë, l'atteigne et la détruise immédiatement, je m'en tiendrai à une méthode rationnelle et en quelque sorte conciliatrice, qui diminue d'une part les ravages de l'état local et qui, d'une autre part, soutient la force de réaction vitale et permet à l'économie de suffire aux frais de la maladie.

XLIV. Mais ici l'abus est bien près de l'usage; et trop souvent les succès obtenus par une médication tonique et stimulante enhardissent à l'étendre à des cas où elle n'est nullement indiquée, et je pourrais citer plusieurs observations où elle a été évidemment nuisible : souvent une simple suspension des toniques et des stimulans amenait une amélioration manifeste ; une persévérance systématique dans leur emploi était au contraire suivie de l'exaspération de tous les symptômes.

vne livraison. 4

XLV. Les liens sympathiques qui unissent la peau au canal intestinal; d'une autre part l'exquise sensibilité de cette membrane, l'importance de ses fonctions, la vaste surface qu'elle présente, la possibilité de graduer les effets des applications faites sur elle, rendent extrêmement précieuses les médications dirigées sur l'enveloppe cutanée. Des cataplasmes, des fomentations émollientes, des fomentations toniques, des frictions sur les extrémités et sur le tronc avec de l'oxycrat très-chaud ou du vinaigre pur, des mixtures avec teinture de quinquina, alcohol de mélisse, de benjoin, avec ou sans addition de laudanum, et surtout des sinapismes promenés sur diverses parties du corps, des vésicatoires volans ou à demeure m'ont paru, dans un grand nombre de cas, influer avantageusement sur la marche de la maladie. Dans l'épidémie dont j'ai parlé, j'ai eu beaucoup à me louer des vésicatoires appliqués à la partie interne des cuisses; et, depuis cette époque, cette région est pour moi le lieu d'élection dans l'entérite folliculeuse, c'est là que j'ai coutume d'appliquer les vésicatoires à demeure. Si le cerveau se prend, j'ai recours à un vésicatoire à la nuque; mais je ne dépasse jamais ce nombre. Quant aux sinapismes, je les multiplie plus ou moins, suivant les cas.

XLVÏ. Il est des entérites folliculeuses aiguës avec dévoiement; il en est qui sont accompagnées de constipation. Peut-être celles-ci sont-elles habituellement plus graves que les premières? J'ai eu à me louer, dans le cas de constipation, d'une forte infusion de tamarins, que je vois avec peine exclure presque entièrement de nos officines. Aune époque plus avancée, je combats la constipation par l'association soit des tamarins, soit d'une infusion légère de follicules avec une forte décoction de quinquina. Quant aux vomitifs et aux purgatifs proprement dits, j'ai eu occasion de suivre la pratique d'un vieux médecin, disciple de Stoll, qui, regardant tous les symptômes de fièvres dites putrides et malignes comme le résultat de la présence de la bile dans les premières et les secondes voies, et consécutivement par son raptus vers le cerveau, les poumons et les autres organes, traitait tous ses malades par les vomitifs et par les purgatifs; je ne l'ai point vu soigner un assez grand nombre de malades atteints d'entérites folliculeuses pour établir la proportion de ses succès et de ses revers ; mais bien certainement un bon nombre résistaient à ce traitement. Je ne sais jusqu'à quel point un traitement évacuant fortement perturbateur employé dès le début pourrait enrayer la marche de la maladie et changer le mode de fluxion dirigée vers les organes abdominaux; en général les médications timides n'ont nul pouvoir ni pour faire le bien ni pour faire le mal, et dans les cas où il n'existe aucune indication positive, la médecine franchpmpnt ?Yppctante pst la seule rationnelle ; or la médecine expectante suffit pour amener à bon port une foule d'entérites folliculeuses. Il m'a été donné de voir plusieurs fois les pernicieux effets d'un purgatif administré au plus fort de la maladie , ou à son déclin ; j'ai vu les accidens les plus graves survenir dans quelques cas immédiatement après son emploi. Il n'en est pas de même des purgatifs prescrits après la chute complète des phénomènes fébriles, au commencement de la convalescence; je n'ai jamais observé aucun accident ; peut-être même la convalescence était-elle plus rapide.

XL VIL Je me suis souvent demandé ce que nous ferions, si nous pouvions agir directement ou topiquement sur la portion d'intestin enflammée. Seraient-ce des cataplasmes émolliens, des fomentations émollientes qu'il faudrait appliquer? Seraient-ce de l'acétate de plomb liquide, de légers astringens, une décoction de quinquina? Seraient-ce des pommades dans lesquelles entrerait un peu de mercure? Faudrait-il toucher les petites ulcérations avec l'alun, le nitrate d'argent? Il serait difficile de décider cette question a priori.

XLVIII. L'efficacité si grande de l'opium dans les dévoiemens, le choléra et la dysenterie d'une part ; et d'une autre part l'efficacité non moins grande de l'opium dans les délires sympathiques, m'ont porté à essayer ce médicament dans l'entérite folliculeuse aiguë, comme base du traitement : j'ai choisi des malades avec dévoiement et avec délire. Je n'ai fait que trois essais en ce genre : l'un des malades a succombé, les deux autres ont guéri. La question ne me parait pas décidée, car le premier malade nous arriva au plus haut degré de l'état d'ataxie; céphalalgie, soubresauts dans les tendons; il mourut le cinquième jour de son entrée à l'hôpital, et je m'arrêtai au bout de deux jours, voyant l'inefficacité des premières tentatives. L'entérite folliculeuse aiguë plongeant souvent les malades dans un état assez analogue à celui de l'ivresse, il

e. Livraison. Pl.

MALADIES DE L'INTESTIN GRÈLE (Entérite Folliculeuse aigue.)

semble, d'après certaines idées thérapeutiques, qu'un médicament qui produit sur l'économie un effet analogue doive être indiqué.

XLIX. Je ne saurais trop insister sur la nécessité d'une diète absolue pendant tout le cours de la maladie, et de la plus grande circonspection dans le régime pendant le premier temps de la convalescence. D'ordinaire, l'appétit s'éveille aussitôt que commence la période de déclin de l'entérite folliculeuse, et l'on est tout étonné d'entendre parler d'alimens à des malades dont les dents sont encore fuligineuses, la langue desséchée et qui sont encore sous l'influence d'une lésion extrêmement grave. Qu'on se garde bien de les écouter. Je pourrais citer bien des exemples de rechutes mortelles causées par une très-petite quantité d'alimens accordés à l'importunité des malades. Je me représente toujours l'intestin de mes malades labouré par d'énormes ulcérations; car, ainsi que je ne saurais trop le répéter, l'état local persiste long-temps après la chute des phénomènes généraux, et je ne permets le plus léger aliment que huit jours après la convalescence confirmée. Quelques fécules à l'eau, des pommes cuites, des pruneaux, du bouillon de poulet, quelques échaudés ou biscotes, voilà les premiers alimens que je conseille, et successivement je permets du bouillon de vieille volaille, des légumes herbacés sans pain, du bouillon de bœuf, du poulet, etc. Dans aucune autre maladie, la convalescence n'est aussi pénible à diriger. Une faim canine dévore sans cesse les malades. Les pleurs, les menaces, la séduction, tout est employé pour se procurer quelques alimens ; et cette faim morbide elle-même, tout le temps qu'elle subsiste, atteste que les traces de la maladie ne sont pas complètement dissipées.

L. Une réflexion me domine en terminant ces généralités, c'est qu'on ne trouve pas dans la lésion anatomique de l'entérite folliculeuse aiguë la raison suffisante de la mort, c'est qu'on doit découvrir tôt ou tard une médication propre à soutenir la vie, à obtenir une réaction sans désordre comme sans stupeur. Le but idéal de la médecine est de tendre à conserver la vie toutes les fois que les rouages principaux de l'organisme ne sont pas trop profondément altérés pour pouvoir entretenir les fonctions ; et lorsqu'à l'ouverture du cadavre nous trouvons tous les organes centraux en bon état, mais seulement, dans un petit point de l'économie, de très-petites altérations, accusons notre impuissance ou celle de l'art, et cherchons une autre méthode de traitement ; nous la trouverons au lit du malade par des tentatives prudentes et quelquefois hardies, parla méditation des faits qui se passent journellement sous nos yeux, par l'interprétation exacte de ces grands phénomènes spontanés qu'on appelle critiques ; peut-être la trouverons-nous encore dans la lecture des observateurs anciens, qui nous arrache avec tant d'avantages aux idées dominantes du moment.

Or, dans quelle maladie l'impuissance de l'art est-elle plus manifeste que dans l'entérite folliculeuse aiguë, qui attaque presque toujours les jeunes gens dans la force de l'âge, qui n'imprime d'altérations que dans de petites glandules placées dans une partie circonscrite du canal alimentaire, qui tue par les phénomènes de réaction ou sympathiques et presque jamais par l'altération locale?

Je perds sans regret, médicalement parlant, des malades affectés de lésions graves qui ont désorganisé sourdement ou brusquement le foie, le poumon, le cœur, l'estomac, le cerveau; mais jamais je n'ai perdu, sans déplorer mon impuissance, des malades qui n'ont pas de lésion suffisante pour expliquer la mort. Le moment n'est sans doute pas éloigné où le traitement de l'entérite folliculeuse aiguë sera tout aussi rationnel et tout aussi efficace que celui de la pneumonie.

Entérite folliculeuse aiguë gangreneuse (*) {forme ataxique). Mort le quatorzième jour. {Pl. i. )

Bocquet, élève en pharmacie, est apporté à la Maison royale de Santé, le 27 septembre 1828, dans l'état suivant : délire tranquille et incomplet; réponses justes lorsqu'on l'interroge. Divagations lorsqu'on

O Comme planches représentant l'entérite folliculeuse aigue, nous trouvons i° celles de Peyer qui, bien qu'il ait cru représenter l'état naturel, a figuré l'entérite folliculeuse sous forme granuleuse et gaufrée. Peyer a en outre le mérite d'avoir regardé les glandes qu'il a décrites comme spécialement affectées dans plusieurs maladies et par l'action de certains purgatifs.

ne fixe pas fortement ses idées par des questions rapides et fermes. Tremblottement des lèvres et de la langue qui est sèche {tosta) et crevassée. Le pouls est peu fréquent. Les urines sont rendues involontairement. Constipation. Le malade n'accuse aucune douleur. L'abdomen est partout indolent sous la main qui le presse avec force et dans tous les sens; il me paraît un peu volumineux. — Pour commémoratifs, je recueille que cette maladie date de huit jours environ, qu'elle est la suite d'une grande fatigue, qu'elle a débuté par un violent mal de tête et un sentiment de chaleur dans les intestins, bientôt suivis de délire : que le malade a été saigné deux fois, qu'on lui a mis une fois les sangsues, que des lavemens de camphre et de sulfate de quinine lui ont été administrés; que deux vésicatoires ont été appliqués aux jambes la veille de son entrée; que, dans le cours de sa maladie, les sinapismes et les pédiluves sinapisés ont été prodigués. On ajoute qu'il avait vomi toutes les boissons ; depuis plusieurs jours constipation opiniâtre.

Diagnostic. Entérite folliculeuse aiguë sous sa forme la plus grave et la plus rapidement funeste. Le délire est évidemment sympathique.—Eau de veau tamarinée, deux pots, une once de tamarin dans chaque pot.—Le 28, stupeur mêlée de délire.—Vésicatoire à la nuque : glace sur la tête qu'on appliquera plusieurs fois le jour pendant une heure chaque fois. Quatre pilules camphrées nitrées. Continuation de l'eau de veau tamarinée. — Quelques selles. Le malade paraît mieux ; il a recouvré toute sa raison. — Le 29, assoupissement sans délire; tranquillité ; plaintes. Le pouls est peu fréquent,peu développé, parfois intermittent : quelques soubresauts dans les tendons. La respiration commence à devenir fréquente : un peu de toux. L'auscultation me démontre de la crépitation et la percussion me démontre de la matité à la base du poumon gauche. Application de douze sangsues. Les pilules ne pouvant pas être avalées, potion avec camphre délayé dans un jaune d'oeuf, vingt-quatre grains à prendre par cuillerées. Emulsion nitrée pour boisson. Lavement avec forte décoction de tamarins qui provoque des selles copieuses.—Le 3o, même état ; la région iliaque droite paraît douloureuse. Dix sangsues. — Le Ier octobre , le pouls prend de la petitesse sans prendre plus de fréquence. Les pupilles sont dilatées ; tremblottement plus prononcé des lèvres et de la langue ; tremblottement des membres. Ventre souple et indolent. — Le 2, la respiration s'accélère; elle se fait à peine en arrière et à gauche. Extrait résineux de quinquina, douze grains.—Le 3, respiration fréquente et bruyante; raie; marmottement continuel, tremblement des lèvres : pupilles très-dilatées ; ventre très-souple et kdolent ; pouls petit, mais peu fréquent. Mort pendant la nuit.

Ouverture du cadavre. L'abdomen ouvert, le canal intestinal ne présente au premier abord aucun signe d'altération ; les deux derniers pieds de Fimcotin 510IC etaieui jjluugc» dans la cavité pelvienne, situation qui est très-fréquente. Leur couleur était livide, leur bord convexe présentait çà et là des plaques plus injectées, et au niveau de ces plaques des vaisseaux veineux sous-péritonéaux, dirigés pour la plupart suivant la longueur de l'intestin, disposition qui annonce toujours une inflammation folliculeuse subjacente et une tendance à l'inflammation du péritoine.

L'intestin grêle ouvert le long du mésentère ( planche 1 ) (*) a présenté l'altération suivante : tous

20. Les planches de Rœderer et Wagler qui figurent l'entérite folliculeuse aiguë sous forme granuleuse, et qui ont signalé le siège de cette affection dans les follicules muqueux.

3°. Stark a figuré un très-beau cas d'entérite folliculeuse granuleuse, et se demande si le siège de cette altération ne serait pas dans les follicules.

4°. Les figures 1, 2, 3 delà plancheII, 4e fascicule de Baillie (deuxième édition , 1812), représentent diverses formes d'entérite folliculeuse aiguë. La figure 3 est surtout très-belle. Les plaques agminées sont le siège d'une foule de petites ulcérations. L'ulcération, dit Baillie, attaque bien plus communément les glandes que la membrane muqueuse elle-même. [Ulcération is more apt to attack thèse glands (the glandulœ aggregatse) than the ordinary structure of villous coat.]

5°. La planche qui accompagne le travail de MM. Petit et Serres, bien qu'elle laisse beaucoup à désirer et sous le rapport du dessin et surtout sous celui du coloris, rend très-bien la forme des plaques elliptiques. La figure première représente les plaques agminées de Peyer à l'état naturel, et ces auteurs la regardent comme le premier degré de l'altération ; on est toujours tenté de leur savoir mauvais gré d'avoir ignoré le travail de Peyer ; car ils n'auraient pas manqué d'établir dans les follicules soit solitaires , soit agminés, le siège immédiat de l'altération.

6°. Les planches de Bright, publiées en 1827 , sous le titre de State of the intestines in feuer, rendent très-bien la forme de l'entérite folliculeuse aiguë, que j'appelle gangreneuse circonscrite. L'auteur en a parfaitement indiqué le siège immédiat.

(*) Sur cette planche, comme sur les suivantes, l'intestin a été plissé suivant sa longueur , afin de pouvoir présenter, sur un espace circonscrit, les altérations principales disséminées dans les deux ou trois derniers pieds de l'intestin grêle.

les follicules agminés de la fin de l'intestin grêle sont remplacés par des escarres comme tuberculeuses , jaunâtres (FAU, F AU, FAU), morcelées, en partie détruites, fortement adhérentes ; au fond des pertes de substance qu'avaient subies ces escarres se voit la membrane musculeuse, reconnais-sable à ses fibres circulaires , et aussi saine que si elle venait d'être préparée immédiatement par une dissection soignée. Il suit de là que la membrane muqueuse et la membrane fibreuse de l'intestin grêle avaient été détruites en même temps que les follicules agminés dont je n'ai pu retrouver un seul. Tout autour de ces plaques escarrifiées la muqueuse était coupée à pic, et présentait une injection pénicellée très-considérable qui a été parfaitement rendue sur cette figure. Vues contre le jour, les parois de l'intestin sont noires d'injection. Ces plaques d'ailleurs ne présentaient pas la forme elliptique des plaques agminées, mais bien une forme irrégulièrement circulaire, et je n'ai pu en retrouver aucun vestige aux limites de l'escarre, ce qui prouve manifestement que l'escarre n'était pas rigoureusement circonscrite aux follicules agminés. Entre les escarres circulaires (FAU, FAU, FAU) se voyaient de très-petites escarres (F, F, F) en forme de bourbillon, de forme irrégulière, dont le siège était manifestement dans les follicules isolés ; en détachant ces petites escarres, on trouvait au-dessous d'elles la membrane musculeuse intacte. Une chose assez remarquable, c'est que l'altération ne va pas en augmentant à mesure qu'on approche de la valvule iléo-cœcale; cela tient à ce que, chez ce sujet, les follicules agminés principaux n'occupaient pas comme de coutume le voisinage de cette valvule : une seule plaque agminée existait en effet auprès de la valvule iléo-cœcale VIC, et sur le feuillet de cette valvule qui appartient à l'intestin grêle; or cette plaque était en partie détruite. Les fibres musculaires qui occupent l'épaisseur de la valvule étaient à nu.

L'intestin cœcum C et le commencement du colon présentaient quelques escarres tout-à-fait semblables à celles des follicules isolés de l'intestin grêle : leur siège était bien évidemment dans les follicules du gros intestin. Les ganglions mésentériques (GL, GL, GLO) qui avoisinent la valvule iléo-cœcale et qui répondent à la portion d'intestin malade étaient très-développés, parcourus à leur surface par des vaisseaux très-déliés ; ils étaient pour la plupart ramollis et comme réduits en pulpe, les uns couleur lie de vin, les autres blanchâtres ; dans tous ces ganglions, il y avait évidemment mélange de sang et de pus, et la prédominance de l'un ou de l'autre de ces liquides déterminait la différence de couleur. L'estomac sain présentait quelques points d'injection stelliforme. La base du poumon gauche était noirâtre, infiltrée de sang et comme splénifiée. Le tissu cellulaire ôonG-araphnoïdien infiltra Reaucoup de sérosité dans les cavités ven-triculaires et le rachis. Le canal thoracique contenait une sérosité sanguinolente. Tous les autres organes étaient parfaitement sains.

Réflexions. — A la forme gangreneuse de l'entérite folliculeuse aiguë m'a paru constamment répondre la forme ataxique. La rapidité de la marche de la maladie, dans l'observation précédente, s'explique par la gravité de l'altération et par la forme ataxique elle-même. L'absence de douleur locale s'observe très-communément dans ce genre de maladie ; la douleur est toujours en raison inverse des phénomènes typhoïdes et surtout ataxiques ; mais ici on peut se rendre compte jusqu'à un certain point de cette absence de douleur, même sous l'influence de la pression, par la position de l'intestin malade dans la cavité pelvienne, position que j'ai dit être très-fréquente. Deux saignées et une application de sangsues, des lavemens avec sulfate de quinine et camphre, deux vésicatoires aux jambes et des sinapismes répétés avaient été employés pendant les huit jours qui précédèrent l'entrée du malade. De l'eau de veau tamarinée, des pilules camphrées nitrées; deux applications de sangsues, l'une sur la base du poumon gauche qui parut s'indurer, l'autre sur la région iliaque droite qui devint douloureuse, à la fin l'extrait résineux de quinquina, voilà les moyens que j'employai pendant les six jours qu'il fut confié a mes soins. On voit assez par l'incohérence du traitement que l'art est encore sans règles fixes dans cette maladie, et les praticiens de bonne foi avoueront tous qu'ils en sont réduits au tâtonnement méthodique, à la médecine du symptôme, et qu'ils ne savent en général se rendre aucun compte positif ni de leurs succès ni de leurs revers.

viie livraison. 5

Dans l'entérite folliculeuse aiguë sous torme gangreneuse, la péritonite peut survenir en l'absence de toute perforation de l'intestin; tel est le cas suivant que je viens d'observer à la Maison royale de Santé, qui a trop d'analogie avec le précédent pour que je n'en fasse pas ici mention.

Jacques, domestique, âgé de vingt-un ans, est apporté le 26 avril i83o, dans l'état suivant : État typhoïde; enduit fuligineux très-épais ; langue comme rôtie et ne pouvant être portée au dehors malgré les efforts du malade; respiration très-fréquente; pouls très-fréquent ; urines involontaires ; surdité; hypo-gastre tendu et météorisé. On dirait que le malade va succomber. Les poumons explorés sont pleins de mucosités.

Commémoratifs. Après quelques jours de céphalalgie, de diarrhée et de coliques, ce malade va le 21 avril consulter M. Louyer Villermay, qui prescrit des boissons adoucissantes ; le lendemain, douze sangsues à l'anus. Le troisième jour, la lièvre augmente à la suite de l'ingestion de quelques alimens : nouvelle application de sangsues. Le quatrième jour, rêves; enduit fuligineux de la langue et des lèvres; une saignée au bras; sinapismes ; le délire augmente. Le cinquième jour, mêmes symptômes. Translation à la Maison royale de Santé le sixième jour, 26 avril.

Il n'était pas difficile de reconnaître une entérite folliculeuse très-aiguë, et sous sa forme la plus grave. (Décoction de quinquina, un pot; gomme édulcorée, trois pots; pilules de camphre, de musc et de nitre ; deux vésicatoires à la partie interne des cuisses.) Le 27 , il est moins mal; oppression moindre; pouls toujours très-fréquent, dévoiement; selles et urines involontaires. Les jours suivans, un peu d'amélioration; le malade prend l'urinoir. Je n'ai jamais vu d'enduit fuligineux plus abondant. Les pilules sont supprimées; la décoction de quinquina est maintenue; mais l'amélioration ne se soutient pas. Le 3 mai, l'abdomen, et surtout l'hypogastre, deviennent plus tendus, et néanmoins insensibles à la pression; la respiration redevient aussi fréquente que le jour de son entrée, le pouls très-grêle et très-fréquent, la chaleur très-âcre; il y a de l'agitation, un peu de délire; le malade change souvent de place dans son lit, et tombe en faisant effort pour se lever. Même état le 4 et le 5. Il meurt pendant la nuit du 5 au 6 au milieu de l'agitation et du délire.

Ouverture du cadavre. Péritonite circonscrite à la cavité pelvienne et à l'hypogastre. Nous cherchâmes en vain une perforation; elle n'existait pas. Les deux derniers pioclo do l'intestin grêle sont d'une couleur bleue ardoisée, ce qui tient à un commencement d'altération cadavérique (l'autopsie n'ayant été faite que trente-six heures après la mort); des escarres jaunes en partie détachées naissaient du fond de larges ulcérations : sous ces escarres la tunique musculeuse était à nu. Ces escarres formaient une seule masse comme difïluente, et adhéraient fortement dans le point de leur implantation. Jamais je n'ai vu d'escarres plus multipliées et plus profondes; mais elles étaient exactement circonscrites. La planche 1 donne une idée aussi exacte que possible de cette altération, avec cette différence que les principales escarres occupaient et la valvule iléo-cœcale, et son voisinage (*).

Entérite folliculeuse aiguë pustuleuse [forme ataxique) mortelle en cinq a six jours. (Planche 11.)

Pierre F., âgé de vingt-deux ans, d'une vigueur extraordinaire, vient de son pied à l'hôpital, le 12 avril. Observé le i3, il présente l'état suivant : face naturelle ; les yeux vifs ; léger délire; il répond très-bien aux diverses questions qui lui sont adressées. Langue un peu sèche et sans enduit; pouls fréquent et peu développé ; abdomen un peu volumineux, sensible à la pression dans les régions iliaques, lombaires et dans l'hypochondre gauche;respiration et chaleur naturelles. Pour commémoratifs, nous recueillons qu'il

(?) L'étude comparative des lésions organiques ne tarde pas à apprendre que si les variétés de lésions sont innombrables, les espèces sont beaucoup moins multipliées qu'on ne se l'imagine communément, que je ne le croyais moi-même avant la publication de cet ouvrage. On ne saurait croire combien de fois je rencontre des lésions identiquement les mêmes.

7e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DE L'INTESTIN GRELE. ( Entérite folliculeuse aiguë. )

est malade depuis cinq à six jours, mais qu'il a pu marcher et même monter à cheval; la personne qui le conduit ajoute qu'il a un peu de délire depuis la veille. —• Diagnostic : Entérite folliculeuse aiguë sous la forme ataxique. (Boissons gommeuses ; dix - huit sangsues aux jugulaires.) —Le i4, on nous apprend que la nuit a été agitée, qu'il a fallu contenir le malade dans son lit pour l'empêcher de se lever ; urines involontaires. Délire plus fort que la veille et roulant sur ses occupations habituelles. Réponses justes et précises. La langue est large et sèche; le pouls très-fréquent et très-petit. Le malade n'accuse aucune douleur; mais la pression de l'abdomen paraît douloureuse. ( Sinapismes ; potion calmante qui calme le délire.) —~ Le i5, délire plus considérable; le malade tourne la tête à droite et à gauche comme pour voir ce qui se passe autour de lui. Rire; balbutiement : il ramasse ses couvertures. Pouls extrêmement petit et fréquent ; chaleur naturelle : ventre un peu ballonné et insensible à la pression. La langue est large et moins sèche que les jours précédons, sans aucune espèce d'enduit. Mort le 16 à neuf heures du matin.

Ouverture du cadavre. Tous les ganglions mésentériques , et principalement ceux qui avoisinent l'angle iléo-colique GL, GL, GL (Planche 11, vn° livraison), sont volumineux et convertis pour la plupart en une sorte de bouillie rosée ; au centre de l'un d'eux GLO est une matière jaunâtre que je regarde comme du pus concret. Les vaisseaux sous-péritonéaux qui environnent les ganglions mésentériques sont très-injectés. L'intestin ouvert du côté de son bord concave a offert des plaques pustuleuses de diverses dimensions et de diverses formes. Les plus remarquables seules ont été représentées sur cette ligure ; les autres sont cachées dans les plis que nous avons faits à l'intestin grêle pour le montrer dans une plus grande étendue. Ici, comme dans la planche précédente, on est étonné de voir le voisinage de la valvule iléo-cœcale VIG presque sain ; une seule plaque ulcérée PU se voit au milieu de follicules plus développés, preuve évidente que l'entérite folliculeuse aiguë n'affecte le voisinage de la valvule iléo-cœcale, et la valvule iléo-cœcale elle-même, que parce que c'est dans ce voisinage et sur cette valvule que se voient le plus grand nombre de follicules agminés. Rien n'est plus variable que le nombre, la forme et même la situation précise des follicules agminés. En étudiant les diverses plaques pustuleuses PP, PP, PP, on verra que toutes occupent le niveau du bord convexe de l'intestin, comme les plaques agminées elles-mêmes. J'appellerai l'attention sur la plus supérieure des plaques pustuleuses de cette figure, qu'on voit proéminer au centre d'une plaque gaufrée PG remarquable par sa longueur ; d'autres pustules occupent une plus ou moins grande étendue de ces mêmes plaques gaufrées, et semblent même les dépasser quelquefois : deux ulcérations profondes PU, au fond desquelles se voient les fibres musculaires de l'intestin, occupent l'extrémité inférieure de la plaque pustuleuse la plus considérable de cette figure PP, et,on rencontre sur divers points de petites masses concrètes jaunâtres qui précèdent en général l'érosion de ces plaques. Cette figure prouve en outre que l'entérite pustuleuse n'envahit pas simultanément tous les points des plaques de Peyer, mais que ces pustules se développent indépendamment les unes des autres et comme par centres bien distincts.

L'estomac contenait une matière noirâtre. Il était sain. Le bord libre de ses replis était teint d'un jaune foncé. La rate volumineuse était ramollie dans une partie de son étendue. Le foie sain. La vésicule du fiel contenait une bile vert-pré. Poumons spongieux infiltrés de sang noir.

Réflexions. — L'entérite folliculeuse aiguë pustuleuse se manifeste constamment sous la forme clinique la plus grave, la plus rapide, et presque toujours sous la forme ataxique. L'observation qu'on vient de lire m'a paru être le type de cette forme de maladie. Ces pustules sont essentiellement formées par les follicules ; mais les papilles intestinales qui hérissent les plaques agminées (*) et qui occupent l'intervalle des ouvertures ou points déprimés, orifices excréteurs des follicules, les papilles, dis-je, sont aussi affectées; il semble que dans cette forme de maladie, la fluxion se faisant d'une manière extrêmement rapide, les liquides soient infiltrés dans les tissus

(*) C'est à tort qu'on dit qu'il n existe pas de papilles ou villosités au niveau des plaques agminées; c'est encore à tort que quelques anatomistes modernes disent que les papilles ou villosités vont diminuant de la partie supérieure vers la partie inférieure de l'intestin grêle.

au lieu d'être versés à la surface interne de la muqueuse ; et si l'on coupe perpendiculairement ces pustules, on trouve un tissu gris rosé fragile, comme spongieux, supporté par la tunique fibreuse de l'intestin. Peut-on dire, dans le cas qu'on vient de lire, que l'éruption intestinale était une éruption critique; mais la maladie n'a duré que quelques jours; et il est probable que l'éruption a précédé le moment de l'entrée du malade à l'hôpital. Nous voyons que les phénomènes cérébraux l'ont de beaucoup emporté sur les phénomènes locaux ; et cependant l'abdomen a présenté du développement et de la douleur. Un pouls très-petit et très-fréquent, sans chaleur à la peau, sans diminution correspondante des forces musculaires, m'a toujours paru annoncer une mort extrêmement prompte.

La ligure 2 (même planche) appartient à un autre individu qui, au plus fort des symptômes d'une entérite folliculeuse aiguë (forme ataxique), fut pris de tympanite et d'une péritonite suraîguë mortelles en dix-huit heures. Il y avait à la fois dans l'intestin grêle pustules et ulcérations. L'une de ces ulcérations (PU, PU) présentait une large perforation P à travers laquelle s'étaient épanchés et les gaz et les liquides contenus dans l'intestin.

Entérite folliculeuse aiguë fongueuse [forme ataxique) mortelle en sept jours. ( Planche m. )

Lefèvre, âgé de vingt ans, employé au ministère de la guerre, consacre à la peinture, pour laquelle il est passionné, tout le temps que lui laissent ses occupations obligées. Sa santé était excellente le i3 octobre 1828; il va dîner en ville et éprouve plusieurs syncopes à la fin du dîner. La nuit fut calme. Le lendemain i4, la tête étant douloureuse, une saignée fut pratiquée ; le soir vingt sangsues à 1 epigastre. — Le 15 et le 16, il est assez bien. — Le 17, le 18, il bat la campagne et reconnaît à peine ses parens. — Le 19 il paraît mieux. —Le 20, il est apporté à la Maison royale de Santé dans l'état suivant : légère divagation dans les idées ; réponses justes. Cerveau un peu douloureux, mais moins que les premiers jours. Sentiment de faiblesse générale : abdomen météorisé, mais indolent. Langue un peu sale, mais humide. A peine fréquence dans le pouls. Selles et urines involontaires.

Diagnostic. Entérite folliculeuse suraiguë sous une forme extrêmement grave.—21, état ataxique porté au plus haut degré ; tremblement dans les lèvres ; soubresauts dans les tendons; abdomen ballonné; urines involontaires ; langue sèche et noire; soif ; pouls fréquent et grêle; le malade raisonne à merveille relativement aux objets de son art et apprécie avec une justesse et une richesse d'expressions qui m'étonne le mérite des grands maîtres. Le changement est si brusque, la maladie s'est aggravée si promptement, que je pus craindre une intermittente pernicieuse. Je me fais répéter les commémoratifs par le frère du malade, et les alternatives de mieux et de plus mal qui résultent de son récit ne confirment que faiblement mes soupçons. (Deux sinapismes aux pieds; deux vésicatoires à la partie interne des cuisses. Potion camphrée nitrée.) Mort pendant la nuit.

Ouverture du cadavre. Les deux derniers pieds de l'intestin grêle plongeaient dans l'excavation pelvienne. La surface externe de cette fin de l'intestin grêle était d'un rouge noir dans toute sa circonférence, et non point par plaques , comme on l'observe le plus habituellement. Sous le péritoine se voyaient des vaisseaux veineux, les uns longitudinaux, les autres transverses et rameux, absolument comme dans la péritonite; et cependant il n'y avait, dans la cavité du péritoine, aucun des produits ordinaires de péritonite. L'intestin ouvert, je l'ai trouvé tapissé d'une couche épaisse de mucosités sanguinolentes, tandis que le gros intestin contenait des matières parfaitement naturelles.

L'altération était exactement bornée par le bord libre de la valvule iléo-cœcale (fig. 1, pl. m). Ce n'étaient ni escarres, ni ulcères, ni même h proprement parler la forme pustuleuse de la planche 11 ; mais la muqueuse soulevée et comme boursoufûée en très-larges plaques présentait des milliers de perforations. Ayant placé l'intestin sous l'eau, il m'a été facile de voir sur ces plaques fongueuses, entre les petites ouvertures dont elles étaient criblées, des papilles ou villosités tantôt saines, tantôt tron-

7e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DE L'INTESTIN GRÊLE (Entérite Folliculeuse aigue.))

quées : l'altération avait bien évidemment son siège dans les follicules agminés de Peyer, et les petites perforations n'étaient rien autre chose que les orifices des follicules. La multiplicité de ces plaques, leur rapprochement, leur forme irrégulière, la disposition annulaire de celle qui occupe la fin de l'intestin grêle, et qui est formée à la fois et aux dépens de la valvule iléo-cœcale VIC et aux dépens de la muqueuse voisine de l'intestin grêle ne doit pas nous étonner, vu les variétés innombrables qui existent sous le rapport de la forme, du nombre et de la disposition des follicules agminés, lesquels affectent souvent la même forme annulaire. Entre ces plaques fongueuses ou pustuleuses PP, PP se voient des follicules isolés F, F, sous la forme de granulations. — Les ganglions lymphatiques correspondans du mésentère GL, GL étaient beaucoup plus volumineux que de coutume. De l'angle iléo-colique partait une traînée de ganglions qui gagnaient la colonne vertébrale, le long de laquelle ils se prolongeaient; ces ganglions étaient remplis d'un pulpe lie de vin. — Quant aux autres altérations observées dans le reste du sujet, j'ai trouvé de la sérosité sous-arachnoïdienne dans le cerveau et le canal raehidien, les vaisseaux cérébraux injectés; les poumons étaient engoués de sang noir et maculés de sang à leur base; la rate volumineuse et la substance pulpeuse très-abondante masquait complètement sa trame fibreuse.

Réflexions. — La rapidité de la marche de cette maladie s'explique par l'acuité et l'intensité de l'altération locale. La forme insolite de l'affection intestinale s'explique peut-être par la promptitude de la mort du malade : pas de doute que ces masses de follicules et de papilles intestinales n'eussent été détruites et remplacées par de vastes ulcérations. La multiplicité des ganglions lymphatiques enflammés, et l'intensité de cette inflammation, doivent être prises en grande considération, bien qu'il soit difficile de faire la part de leur influence dans la terminaison si rapidement funeste de la maladie. La forme intermittente de la maladie appelait-elle l'emploi du fébrifuge? Le fébrifuge donné à très-forte dose dès le principe aurait-il produit quelques bons effets?

Entérite folliculeuse aiguë gangreneuse, forme ataxique, perforation (Fig. 2, Planche m) (*).

François, domestique, âgé de vingt-quatre ans, est porté à l'Hôtel-Dieu dans l'état suivant : prostration musculaire; stupeur; langue rouge, un pen sèche; aucune douleur abdominale par la pression; diarrhée; pouls fréquent; respiration fréquente : point de comméniui atifs exacts. L'état du malade ne permet d'avoir aucune confiance en ses réponses. (Vingt sangsues à l'épigastre ; chiendent gommé; lavemens , cataplasmes émolliens ; diète.) — Le 20, même état. — Le 21, menace de délire ; grincement de dents. (Dix sangsues à l'anus.) — Le 22, délire. On est obligé de contenir le malade par la camisole de force. ( Trois pilules de camphre et de nitre aa gr. iij ; sinapismes aux mollets.) — Les 23, 24? ^5, 26, fuliginosité, délire, diarrhée. ( Continuation des pilules camphrées. Un vésicatoire est appliqué alternativement à chaque jambe.) — Le 27, ventre ballonné, diarrhée, délire, respiration très-fréquente, pouls très-fréquent. (Mêmeprescription. Potion éthérée; lavement avec infusion de camomille.) — Le 28, prostration extrême. (Vésicatoire à une cuisse. Extrait de quinquina, demi-gros. ) Mort pendant la nuit.

Ouverture du cadavre. Péritonite circonscrite manifestée par une couche pseudo-membraneuse entourant le cœcum et la partie voisine de l'intestin grêle : sous elle la séreuse présentait çà et là du pointillé rouge.

La lésion folliculaire était circonscrite à la fin de l'intestin grêle IG ; cette lésion consistait dans des escarres E, E irrégulières, qui comprenaient à la fois la tunique muqueuse, la tunique fibreuse et la tunique musculeuse. Le péritoine seul était intact. Une perforation P existait au-dessous de l'une des plus petites escarres. Il y avait en tout une dizaine d'escarres. Les plus supérieures n'ont pas été rendues sur cette figure. A la fin de l'iléon, au voisinage et aux dépens de la valvule iléo-cœcale VIC se voyait une

(*) Observation recueillie et pièce pathologique présentée à la Société anatomique par M. Montault, élève interne de l'Hôtel-Dieu dans le service de M. Guéneau de Mussy.

viie livraison. 6

escarre très-considérable qui occupait tout le pourtour de la circonférence de l'intestin, escarre dont les lambeaux détachés, jaunâtres et fétides, tenant encore par des vaisseaux, ont été parfaitement représentés tels qu'on les voyait sous l'eau. Au milieu de ces escarres, on aperçoit un ascaride vermiculaire I qui était comme retenu par ces lambeaux enchevêtrés autour de lui. Ces escarres sont d'ailleurs formés aux dépens des membranes muqueuse et fibreuse. La membrane musculeuse est mise à nu. Les bords irrégulièrement frangés de l'escarre sont coupés k pic, en sorte que la perte de substance est aussi considérable aux limites qu'au centre de l'altération. L'appendice iléo-cœcale ouverte ACO, le cœcum et le colon ascendant sont parsemés de petites escarres dont le siège est évidemment dans les follicules F, F, F. Les autres organes, poumon, cœur, cerveau, sont parfaitement sains.

La figure i' représente la perforation vue par la surface externe du péritoine.

Réflexions. — Voilà un exemple d'entérite folliculeuse aiguë sous forme gangreneuse. Ce n'est que par analogie qu'on peut établir que ces escarres grandes et petites ont été formées aux dépens des follicules, car les membranes muqueuse et fibreuse désorganisées font évidemment partie de ces escarres, et même ont été détruites bien au-delà des follicules. Ce cas est un cas de gangrène circonscrite et de gangrène non-circonscrite tout à la fois. Les symptômes qu'a présentés ce malade sont parfaitement en harmonie avec l'altération. Je regarde le ballonnement du ventre et la fréquence extrême de la respiration, qui se sont manifestés la veille de la mort, comme le signal de la perforation du péritoine et de l'invasion de la péritonite. L'absence de la douleur abdominale n'est point en opposition avec cette manière de voir ; car il n'y a point de douleur perçue toutes les fois qu'existe le délire. Bien loin d'être surpris de la fréquence de la perforation de l'intestin, nous devons bien plutôt l'être de ne pas voir plus souvent cet accident redoutable ; car si les membranes séreuses résistent beaucoup à la perforation lorsqu'elles sont attaquées de dedans en dehors, elles cèdent avec la plus grande facilité lorsqu'elles sont attaquées de leur surface externe vers leur surface interne; et comme la perforation se fait plutôt par usure ou par escarrification que par une véritable inflammation, des adhérences salutaires n'ont pas le temps de s'établir : alors surviennent une tympanite qui peut être immédiatement mortelle par suffocation, et une péritonite suraiguë produite par le passage des matières fécales. Ce passage ne paraît pas avoir eu lieu chez ce sujet.

Entérite folliculeuse aiguë presque entièrement guérie. — Mort de pleuro-pneumonie après trente-sept jours de convalescence. ( Planche iv, fig. i. )

Peltier, âgé de vingt-six ans, entre à la Maison royale de Santé le 23 avril 1829, se disant convalescent d'une maladie grave qu'on a caractérisée de gastro-entérite, et qui datait de vingt-un jours. 11 raconte que le symptôme dominant avait été une douleur abdominale assez vive, qu'on avait traitée par des applications de sangsues et des émolliens, qu'à cette douleur a succédé un dévoiement considérable qui persiste encore aujourd'hui. Bien qu'il se trouve parfaitement et qu'il demande des alimens, l'abdomen est très-volumineux, météorisé, sonore; la langue sèche, fuligineuse. Le pouls est faible et peu fréquent. Les facultés intellectuelles sont dans un état parfait d'intégrité. Diagnostic. Entérite folliculeuse aiguë sous forme ulcéreuse, tendant à la péritonite. Deux vésicatoires à la partie interne des cuisses; gomme arabique édul-corée , quart de lavement avec solution d'amidon et laudanum dix gouttes; gomme arabique édulcorée pour boisson; diète absolue. Les jours suivans, le dévoiement persistant, demi-gros de thériaque le soir.Bientôt diminution du météorisme; cessation du dévoiement; apyrexie complète; langue bonne ; faim dévorante. Le ier mai, la convalescence était complète. Cependant des escarres au sacrum et au grand trochanter ont fait des progrès considérables et appellent toute notre attention. Les vésicatoires avaient également creusé et étaient sanguinolens. La faim était poussée jusqu'à la fureur. Je prescrivis peu à peu quelques alimens que je portai graduellement jusqu'à la demi-portion; mais je crus devoir revenir sur mes pas et m'en tenir au quart, malgré les plaintes continuelles du malade. Je ne conservais plus aucune inquiétude sur son état; le pouls était naturel. Le malade employait à la lecture tout le temps que lui laissaient les douleurs

7e. Livraison. Pl.4.

MALADIES DE L'INTESTIN GRÊLE. ( Entérite folliculeuse aiguë.)

causées par les escarres du bassin. Pour hâter sa guérison, je lui conseillai de rester le plus long-temps possible couché dans la pronation, ce qu'il fit avec beaucoup de courage, et dès ce moment les plaies prirent un meilleur aspect et semblèrent tendre à la cicatrisation. Le 5 juin, ce malade se plaignit plus que de coutume de la gêne occasionée par la position, et accusa une douleur assez vive au côté droit. Comme il se plaignait tous les jours à peu près de la même manière, j'y donnai peu d'attention; mais le lendemain sa face était très-altérée ; la langue desséchée ; l'oppression extrême ; le pouls très-fréquent. J'explorai le thorax, et je reconnus une pleuro-pneumonie à la partie antérieure du poumon droit. Le malade mourut la nuit suivante.

Ouverture du cadavre. Pleuro-pneumonie à droite. Le lobe moyen tout entier et la moitié antérieure du lobe inférieur du même'côté étaient indurés, compactes et fragiles. [Je m'attendais à trouver le canal intestinal parfaitement cicatrisé; car la convalescence datait au moins d'un mois et sept jours: or, la fin de l'intestin grêle (Planche iv) me présenta un désordre considérable , des ulcérations très-multi-pliées dont la principale occupait la valvule iléo-cœcale : une plaque ulcérée occupait le colon C. Il était évident que ces ulcérations étaient en voie de cicatrisation ; leurs bords étaient affaissés et rosés ; du fond d'un grand nombre de ces pertes de substance proéminaient des caroncules qui auraient servi plus tard de base à la cicatrice. Les ganglions mésentériques étaient à peu près revenus à leur état sain ; quelques-uns contenaient une matière semblable à du pus concret.

Réflexions. — Il suit de cette observation qu a la chute des phénomènes fébriles, au moment de la convalescence, la maladie locale n'est nullement guérie; que dans l'entérite folliculeuse aiguë, comme d'ailleurs dans la pleurésie, la pneumonie, dans toutes les inflammations, l'état local persiste à peu près au même degré d'intensité quelque temps après la cessation complète de la fièvre. Je pense que cette cessation complète coïncide avec le moment où l'altération locale devient stationnaire ; on peut le prouver de la manière la plus rigoureuse pour la pneumonie et pour la plourcoic. Lac ooncéquences thérapeutiques les plus importantes découlent de ce fait. Il suit qu'il faut être d'une sévérité extrême dans le régime pendant les premiers temps de la convalescence de l'entérite folliculeuse aiguë; qu'il faut toujours se représenter son malade comme portant dans l'intestin des ulcérations qui tendent, il est vrai, à la cicatrisation, mais qui, à la plus légère cause occasionelle, s'enflammeront, et pourront amener des désordres nouveaux, et même une perforation. Ce n'est qu'après six semaines, deux mois, qu'on pourra abandonner le malade à lui-même. L'expérience ne vient-elle pas tous les jours à l'appui de ces données fournies par l'anatomie pathologique en nous montrant des rechutes, des accidens de toute espèce dans le cours de convalescences mal dirigées? Je dois faire remarquer l'influence de la position qu'a gardée le malade pendant le dernier mois de sa vie sur la production de la pleuro-pneumonie à la partie antérieure du poumon droit (le lobe moyen et la moitié antérieure du lobe inférieur droit). Je suis persuadé que l'inflammation aurait envahi la partie postérieure du poumon, si le malade était resté en supination.

Entérite folliculeuse aiguë forme ataxique). —Amélioration pendant neuf jours.—Recrudescence des symptômes. —Hallucination.—Mort. — Les ganglions mésentériques paraissent le siège principal de la maladie. — Traces d'une entérite folliculeuse ancienne. (Pl. iv, Fig. 2.)

Bienavel, âgé de trente ans, menuisier, est apporté le 9 octobre 1828 à la Maison royale de Santé dans un état de délire violent avec fièvre. Point de renseignemens positifs sur son état ; seulement on nous dit qu'il était malade depuis quatre à cinq jours. On est obligé de le fixer avec la camisole. Je diagnostique une entérite folliculeuse aiguë : le délire me paraît sympathique. (Saignée.) Le délire tombe, la fièvre persiste ; le malade se croit guéri, demande des alimens ; il est d'une gaîté , d'un contentement extraordinaires, autre espèce de délire; la face ne présente pas l'expression du bien-être, et le sourire a quelque chose de forcé, de convuisif; du reste, langue naturelle; aucune douleur. Cet état se maintient presque identiquement le même jusqu'au 18 octobre. Des boissons gommeuses, des lavemens émolliens,

des cataplasmes émolliens sur l'abdomen, une diète absolue, voilà tout le traitement auquel il fut soumis. Le 19 octobre, changement complet dans la forme du délire; le malade s'imagine qu'il est mort, il ne répond à aucune question, et feint de ne pas m'entcndre; sa face exprime le découragement le plus complet ; la peau est brûlante; le pouls large , mou , peu fréquent ; l'abdomen un-peu volumineux, mais indolent. Ce n'est qu'après avoir piqué sa curiosité par des questions répétées, et lui avoir affirmé itérativement que son état n'est pas grave, que je puis obtenir quelque réponse. Je l'invite à me serrer la main; il le fait avec beaucoup de force, et ne veut pas me laisser partir. ( Sinapismes aux pieds, vésicatoires aux jambes.) Le 19, même état. Le 20, la langue est sèche; l'abdomen météorisé, mais indolent; le pouls faible, peu fréquent; les urines involontaires. Le 21, à la suite d'une sueur extrêmement abondante, le malade paraît mieux; le pouls est à peine fréquent; la langue humide; le mieux apparent persiste le 22 et le 23. Le 24, tremblement musculaire de tout le corps; déglutition difficile; sueurs toute la nuit. (Potion avec le sulfate de quinine; pilules camphrées.) Le 25, délire; pouls grêle, lâche; il meurt pendant la nuit, vingt-unième jour de l'invasion. Le malade n'a évacué que par lavemens dans tout le cours de sa maladie.

Ouverture du cadavre. Cerveau et méninges dans l'état naturel; thorax sain; dans l'abdomen, un très-grand nombre de ganglions lymphatiques GL, GL qui partent de l'angle iléo-colique sont le siège d'un développement considérable; les vaisseaux sous-péritonéaux sont fortement injectés; plusieurs offrent des points blancs à leur surface ; plusieurs paraissaient transformés en une poche fibreuse contenant une matière concrète blanc-rougeâtre semblable à du pus concret; l'un des ganglions ouverts GLO présente à son centre une matière jaunâtre concrète. L'intestin nous a présenté plusieurs espèces d'altérations qui m'ont paru difficiles à analyser : i° le gros intestin, le cœcum C, et le commencement du colon offraient quelques follicules ulcérés ; 20 près de la valvule iléo-cœcale VIC, aux dépens de cette valvule se voit un aspect ridé, plissé, qui me paraît indiquer une cicatrisation antérieure. On ne saurait méconnaître un travail de cicatrisation incomplet dans des espèces de caroncules que présentent les plaques PC, PC, situées au-dessus de la valvule Quant aux plaques pustuleuses et gaufrées, situées plus haut, PG, PP, et aux follicules ulcérés, ils sont évidemment de nouvelle formation.

Réflexions. — L'analyse anatomique de ce fait me conduit dor^ à admettre deux altérations bien distinctes : i° des plaques incomplètement ou complètement cicatrisées qui dénotent une entérite folliculeuse aiguë anciennement guérie ; i° des altérations nouvelles qui consistent dans des plaques gaufrées, pustuleuses, des ulcérations folliculeuses, des engorgemens des ganglions mésentériques. Il est malheureux que nous n'ayons pas de renseignemens plus positifs sur cet individu. Il eût été curieux de pouvoir faire l'histoire médicale d'un sujet d'après l'état de ses organes.

Ici l'altération portait au moins autant sur les ganglions lymphatiques que sur le canal intestinal. Il ne serait même pas déraisonnable de donner la première place dans les symptômes à l'engorgement glanduleux.

L'espèce d'intermittence que présenta cette maladie dans les derniers jours, les sueurs abondantes qui précédaient la rémission, me firent repentir de n'avoir pas employé plus tôt le fébrifuge. Certes ici, comme dans les autres cas d'entérite folliculeuse, on ne trouve pas dans la lésion anatomique la raison suffisante de la mort.

7e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DES INTESTINS.

( planche v, viie livraison.)

Etranglement interne par une bride circulaire formée par une appendice épiploïque. ( fig. i .)

Demoiselle Hullin, femme Saint-Éloy, danseuse à l'Opéra, âgée de vingt-sept ans, fut prise, le mardi 17 février 1829, de vomissemens répétés avec grande anxiété. Dans la nuit du mardi au mercredi, les accidens augmentant, un médecin, appelé, fait appliquer 15 sangsues sur l'abdomen. Persistance des acci-dens le mercredi avec quelques momens de rémission au moins apparens ; redoublement des accidens le jeudi : mort à dix heures du soir. Les médecins pensèrent que la malade avait succombé à un iléus.

La mort rapide de cette dame, la violence des symptômes, leur invasion subite, firent répandre des bruits sinistres sur leur cause. Le mot d'empoisonnement fut prononcé ; on alla jusqu'à en accuser le sieur Saint-Éloy, qui, pour faire taire ces accusations calomnieuses, demanda à l'autorité l'exhumation du corps et l'autopsie. Cette opération fut faite le 28 février, en présence des médecins qui avaient donné leurs soins à la malade, et du juge d'instruction.

L'étranglement interne échappa aux investigations du médecin légiste chargé de l'autopsie, et il conclut que la dame Hullin avait succombé à une gastro-entérite chronique, tout en invitant l'autorité à faire procéder à l'analyse chimique des matières contenues dans les voies alimentaires.

La justice ne s'étant pas cru suffisamment éclairée, désigna MM. Orfila et Rostan pour procéder à l'examen pathologique des intestins, et à l'analyse chimique des matières contenues dans le canal alimentaire ; les uns et les autres furent envoyés à la Faculté de médecine à l'analyse chimique. En déroulant les intestins , on reconnut dans une bride circulaire qui étreignait l'intestin, la cause des accidens et de la mort.

Cette bride circulaire ST (fîg. 1) présentait dans sa moitié postérieure, qui est ici cachée, tous les caractères d'une appendice épiploïque; et dans sa moitié antérieure, ici en évidence, tous les caractères d'une bride filiforme ayant la ténuité d'un fil de soie. Cette appendice naissait du colon à quelques pouces au-dessus du cœcum. Elle était adhérente au mésocolon par ses deux extrémités et formait un anneau complet.

M. Rostan, qui est l'historien de ce fait (1), mentionne à ce sujet deux faits d'étranglement interne. Dans le premier cas, l'étranglement était produit par l'appendice vermiculaire qui avait contracté, par son extrémité libre, une adhérence avec le rectum. Le paquet intestinal était tombé dans l'espèce d'anse formée par cette appendice et le sacrum; remontant ensuite au-devant de cette anse, par une sorte de mouvement circulaire, il s'était engagé de nouveau entre l'arcade iléo-cœcale et le sacrum.

Dans le second cas, la constriction était produite par une trompe utérine dont le pavillon avait contracté adhérence avec les parties voisines.

Hernie ombilicale congéniale. (fig. 2 et 2'. )

Les figures 2 et 2' appartiennent à un fœtus mort-né de sept mois et demi, qui m'a été remis par M. Deneux. Le cordon ombilical CO est situé à gauche de l'intestin grêle déplacé IG. On voit les débris du sac herniaire SO. La fig. 2' représente les rapports de la veine et des artères ombilicales avec le sac herniaire.

L'enfant était venu au monde avec les intestins situés hors de la cavité abdominale. On pourrait croire que la rupture du sac avait été le résultat du travail de l'accouchement, si un grand nombre de faits analogues n'établissaient qu'on trouve quelquefois les intestins du fœtus hors de l'abdomen avant le commencement du travail. D'ailleurs, ici, les débris du sac herniaire présentaient cette coloration brun jaunâtre qui atteste un travail morbide ancien.

Plusieurs faits m'autorisent à admettre que les hernies ombilicales congéniales ne sont point le résultat d'un arrêt, mais bien d'une imperfection de développement : dans les premiers temps de la gestation, les intestins ne sont pas contenus dans l'épaisseur de la base du cordon ombilical, d'où ils rentreraient peu-à-peu dans l'abdomen. Les cas dans lesquels cette disposition s'est présentée me paraissent des cas anormaux.

(1) Archives de médecine, t. 19, p. 332. — Année 1829. viie lvraison.

7e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DE LA PEAU. (Productions Cornées)

MALADIES DE LA PEAU.

(Planche vi, vne livraison.) Productions cornées.

Les figures i et i' représentent la main et l'avant-bras gauches d'un individu sur lequel je n'ai aucun renseignement. Je dois cette pièce à l'obligeance accoutumée de M. Bérard aîné. Èlle faisait partie de la collection de Béclard.

La figure i représente la main et l'avant-bras vus du côté de la face palmaire, le radius R et le pouce P étant en avant.

La figure i' représentela main et l'avant-bras vus du côté de la face dorsale, le bord radial étant en avant. P est le pouce, I l'index, M le médius, A l'annulaire, P D le petit doigt.

On voit qu'à la région dorsale de la main, l'épiderme présente une disposition écailleuse, que c'est de la face palmaire que naissent toutes ces productions cornées si considérables, dont la longueur varie depuis un pouce jusqu'à huit et qui tendent à se recourber à la manière d'une corne.

On trouve sur ces productions, dont la surface rugueuse et fendillée représente assez bien l'écorce d'un vieux chêne, deux ordres de lignes; les unes dirigées suivant leur longueur, les autres disposées circulairement.

Leur consistance est de beaucoup inférieure à celle des cornes ou des ongles, c'est du tissu corné imparfait qui tient le milieu entre le tissu corné normal et les concrétions épidermiques qui résultent d'une sécrétion morbide puriforme solidifiée. L'analyse chimique n'y démontre pas de phosphate calcaire, mais bien de l'albumine comme dans le pus.

Le défaut de renseignemens antérieurs ne me permet que des conjectures sur la cause de cette étonnante production (i), Fondé sur l'analogie, je crois pouvoir admettre qu'à la suite d'une brûlure superficielle ou de toute autre cause une irritation long-temps continuée du corps papillaire aura déterminé un développement considérable de l'organe sécréteur de l'épiderme, et une modification de vitalité telle qu'à la place d'une sécrétion épidermique aura eu lieu une sécrétion cornée; or l'anatomie comparée (2), non moins que l'anatomie morbide, en établissant l'analogie qui existe entre l'épiderme , les ongles et les poils, confirme pleinement cette manière de voir.

Il y a quelques mois que j'avais dans mes salles, à la Salpêtrière, une femme qui portait à la partie interne des cuisses 5 ou 6 productions cornées conoides d'un pouce à un pouce et demi de haut. Ces cornes étaient le résultat évident de brûlures avec vésication qui, ayant persisté pendant plusieurs mois , avaient été suivies de la formation de petites excroissances cornées. A son entrée , la malade présentait à la base de chaque petite corne , des ulcérations qui avaient été probablement provoquées par l'usage de la chaufferette; la progression était devenue impossible. Les moindres mouvemens déterminaient des cris affreux; le simple poids de la production cornée, ses ébranlemens occasionaient des douleurs très vives, et d'un autre côté, la malade se refusait opiniâtrement à ce qu'on abrégeât ses souffrances par la section des pédicules à moitié séparés par l'ulcération. Enfin ces productions se détachèrent successivement et la malade guérit.

En examinant avec attention une production cornée accidentelle, on voit qu'il existe au centre un organe producteur, que cet organe producteur n'est autre chose qu'une agglomération de papilles filiformes pressées les unes contre les autres et disposées en cône, que chaque papille est l'organe sécréteur d'une production cornée particulière, et

(1) Voyez Rayer, Traité des maladies de la peau. Paris, i835, tom. m, p. 640.

(2) Voyez Carus, Traité d'anatomie comparée. Paris, i835, 3 vol. in-8°, atlas in-4°.

viie livraison.

que de l'ensemble de ces productions cornées filiformes résulte la production cornée totale; que, dans d'autres cas, la production cornée ne résulte pas de l'agglomération d'un nombre plus ou moins considérable de productions cornées filiformes separables; mais que les papilles réunies forment une masse conique, sur laquelle comme sur une seule papille se moule en se solidifiant la sécrétion cornée. Il est d'ailleurs évident que le mécanisme de la formation de ces cornes accidentelles est identique à celui de la formation des cornes, des dents, des poils et des ongles, et consiste dans une succession d'étuis ou cornets emboîtés à la manière des cornets d'oubliés, de telle sorte que ce sont les cornets le plus récemment formés qui touchent ou emboîtent la papille, tandis que les cornets qui sont le plus anciennement formés occupent l'extrémité libre de la corne. Cette théorie rend parfaitement compte de la double disposition linéaire des productions cornées normales et accidentelles, savoir des lignes circulaires qui répondent à la base de chaque cornet et des lignes qui tiennent à la disposition linéaire des papilles de l'organe formateur.

Les productions cornées se présentent quelquefois sous l'aspect de lames cornées. Tai vu plusieurs fois des cicatrices de la jambe revêtues d'une lame cornée tout-à-fait semblable à un ongle. Il existe en ce moment à la Salpêtrière, dans le service de M. Hour-mann, une femme qui porte sur le cuir chevelu une lame cornée de trois à quatre pouces de diamètre et qui est formée par plusieurs couches superposées.

Les figures 2 et 2' représentent l'ongle du gros orteil considérablement développé et recourbé en corne de bélier.

La fig. 2 nous montre la face dorsale de l'ongle qui est lisse et sillonnée par des stries parallèles, à concavité postérieure. La partie de la face palmaire de l'ongle qui apparaît présente un aspect rugueux et se morcelle avec la plus grande facilité.

La fig. 2'nous montre une coupe de l'ongle et de la phalange desséchée. On y voit : 10 des lignes ou stries qui attestent la lamellation de l'ongle : et il est facile de voir que les stries de la face dorsale sont en rapport avec cette disposition lamelleuse.

Cette même figure 2' montre l'intervalle qui sépare l'ongle de la face dorsale de la phalange onguéale : cet intervalle était occupé par le derme et le corps papillaire considérablement développés. Du reste on voit combien les moyens de fixité sont faibles pour un ongle aussi long ; le moindre mouvement imprimé à l'extrémité libre de l'ongle étant communiqué à la racine à l'aide d'un long levier, imprime aux papilles qui constituent la matrice de l'ongle un ébranlement douloureux qui peut être porté jusqu'à l'avulsion.

Cette hypertrophie de l'ongle (qu'on me passe l'expression) ne doit pas être considérée comme le développement normal de l'ongle abandonné à lui-même, mais il me paraît constituer un état morbide qui est la conséquence moins du défaut de soins que d'une irritation exercée sur les papilles sécrétantes. Ainsi les ongles en corne de bélier du gros orteil s'observent surtout chez les vieillards qui gardent le lit depuis longues années. Il me paraît infiniment probable que, dans ce cas, le poids des couvertures, en comprimant l'extrémité libre de l'ongle, détermine, par le fait de cette compression, un tiraillement douloureux sur les papilles , d'où une sécrétion beaucoup plus active.

L'étude de la coupe de ces ongles monstrueux donne parfaitement la clef de la formation de l'ongle normal. On voit que l'ongle est constitué par une série de lamelles ou d'écaillés superposées, que la sécrétion de l'ongle se fait d'une manière continue, que les lamelles anciennes sont incessamment transportées vers l'extrémité libre de l'ongle, à mesure que des lamelles nouvelles sont sécrétées et que les stries circulaires que présente la face dorsale de l'ongle correspondent au bord postérieur de chaque lamelle.

Une pareille indisposition rendrait toute progression impossible. Si les individus qui la présentent étaient dans le cas de marcher, il faudrait scier avec beaucoup de précaution toute la portion de corne qui déborde la pulpe du doigt correspondant.

DES TUMEURS CANCÉREUSES DES MÉNINGES.

(PLANCHE IrC, IIe ET IIIe, VIIIe LIVRAISON.)

I. Signalées par Louis (*), les tumeurs fongueuses ou cancéreuses de la dure-mère en sont restées, sous le triple rapport du diagnostic, du traitement et de l'anatomie pathologique, à peu près au même point où les avait laissées l'illustre secrétaire de l'Académie.

IL Siébold, appuyé sur un fait qu'il eut occasion d'observer, prétendit que la maladie décrite par Louis, sous le titre de fongus de la dure-mère, n'était autre chose que lefongus des os du crâne; que ces productions organiques prennent constamment leur origine dans le diploé et s'étendent de là vers les deux tables, puis au péricrâne et à la dure-mère.

III. Les frères Wenzel, ayant rencontré sur un cadavre cinq tumeurs fongueuses qui naissaient de la face externe de la dure-mère, et dont quatre avaient complètement perforé les os du crâne, reprirent en sous-œuvre l'histoire critique des faits consignés dans le Mémoire de Louis, y ajoutèrent les observations recueillies depuis, et semblèrent avoir fixé la science sur ce point.

IV. AValther, professeur à l'université de Bonn (**), fondé sur deux faits, dont un seul avec ouverture cadavérique, pense que les fongus de la dure-mère sont le résultat de l'affection simultanée du péricrâne, du diploé et de la méninge, et rentrent dans la classe des tumeurs blanches. « Il est, dit-il, aussi inexact d'appeler ces tumeursfongus de la dure-mère avec la plupart des auteurs, que fongus du crâne avec Siébold, qui plaçait le siège exclusif de ces pré* tendus fongus dans le diploé. » Walther se fonde et sur les adhérences intimes de la tumeur avec le pourtour inégal de l'ouverture du crâne, adhérences telles qu'il est impossible à la fois et de la faire rentrer et de la faire sortir, et sur l'état du péricrâne qui se continue par sa face interne avec la tumeur, de même que la dure-mère par sa face externe. Nous verrons que Siébold d'une part, et Walther de l'autre, ont raison pour un certain nombre de cas. La planche i prouve de la manière la plus manifeste que les os peuvent être affectés indépendamment du péricrâne et de la dure-mère; mais les faits consignés dans le mémoire de Louis, ceux plus nombreux encore recueillis dans le travail critique des frères Wenzel, quelques faits qui me sont propres, et qui trouveront leur place ailleurs, m'ont prouvé qu'il est de véritables fongus de la dure-mère, tels que les entend Louis, tels qu'on les entend généralement.

V. Graff renchérit encore sur l'opinion de Siébold, et établit, d'après un fait très-intéressant, que la maladie connue sous le nom de fongus de la dure-mère réside exclusivement dans le diploé, et que lorsque la tumeur est adhérente à la dure-mère, cette adhérence est accidentelle. La preuve de ce qu'il avance, dit-il, c'est que jamais on n'a observé de fongus sur la face interne de la dure-mère; et comment ne se développeraient-ils pas la aussi-bien que sur Vautre face, si cette membrane en était le foyer et la source ?

VI. Enfin Ebermaier (***), également à l'occasion d'un seulfait, a tracé de la manièrela plus complète l'état actuel de nos connaissances sur cette matière. Il parait admettre qu'il existe tout à la fois et des fongus des os du crâne et des fongus de la dure-mère. Il pense que les premiers, qu'il distingue en fongus médullaires et en fongus hématodes, sont curables, tandis que les fongus de la dure-mère, proprement dits, lui paraissent marqués au coin de l'incurabilité.

(*) Mémoires de l'Académie royale de Chirurgie, tome XIII, page i.

C*) Journal complémentaire des Sciences médicales , tome VII, page 118. — (***) Tome XXXIV, page 298.

VIIIe LIVRAISON. I

VII. D'après cette esquisse rapide de l'histoire des fongus de la dure-mère, on voit que tous les auteurs qui en ont parlé ont pris pour texte un fait unique et qu'ils sont presque tous tombés dans ce vice de raisonnement si funeste dans les sciences, qui conclut du particulier au o-énéral. Louis et les frères Wenzel avaient observé chacun un cas de tumeur fongueuse naissant de la face externe de la dure-mère : ils prennent ce cas particulier pour type de toutes les tumeurs fongueuses. Siébold, Walther et Graff, au contraire, ayant vu un cas de carcinome des os du crâne, en ont conclu que toutes les altérations connues sous le nom de fongus de la dure-mère étaient des fongus des os du crâne. Ebermaier seul a eu le bon esprit d'établir une distinction entre les maladies de la dure-mère et les maladies des os du crâne. Voici le résumé des notions que j'ai pu acquérir sur les maladies connues sous le nom de fongus de la dure-mère.

VIII. Je regarde les tumeurs dites fongueuses de la dure-mère comme appartenant à l'innombrable tribu des maladies cancéreuses. Membrane fibreuse douée d'une sensibilité qu'on voudrait vainement lui contester, abondamment pourvue de vaisseaux artériels et veineux, recevant quelques nerfs propres, tapissée à sa face interne par l'arachnoïde, en communauté vasculaire avec les os du crâne et avec le périoste, la dure-mère doit sans doute à toutes ces circonstances la prédisposition singulière qu'elle affecte pour la dégénérescence cancéreuse. Lorsqu'une fluxion sanguine ou autre s'est fixée sur la dure-mère, telle est la structure dense et serrée de cette membrane, comme d'ailleurs celle de tous les tissus fibreux, que cette fluxion tend à passer à l'état chronique; et de la fluxion chronique d'une membrane fibreuse à sa dégénération cancéreuse ou fongueuse il n'y a qu'un pas.

IX. Les tumeurs cancéreuses de la dure-mère se partagent en deux classes bien distinctes. Les unes sont formées aux dépens du feuillet externe ; les autres aux dépens du feuillet interne. Les premières, tumeurs cancéreuses externesP les seules dont Louis ait parlé, font leurs progrès du côté des parois du crâne qu'elles usent, corrodent à la manière des anévrysmes; les secondes, tumeurs cancéreuses internes, beaucoup plus fréquentes, se dirigent du coté du cerveau qu'elles compriment. Enfin il est des tumeurs cancéreuses qui, nées dans le tissu cellulaire sous - arachnoïdien du -cerveau, entraînent l'adhérence intime du feuillet arachnoïdien cérébral et du feuillet arachnoïdien pariétal, et alors il est bien difficile de déterminer si la tumeur a pris naissance à la face interne de la dure-mère ou dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien.

X. Mais indépendamment des trois espèces de tumeurs cancéreuses que je viens d'indiquer, il en est d'autres qui naissent des os du crâne eux-mêmes, et qui simulent tellement les tumeurs fongueuses de la dure-mère que presque tous les observateurs s'y sont mépris. Or ces tumeurs careinomateuses du crâne me paraissent formées aux dépens du tissu adipeux médullaire des os. Beaucoup plus fréquentes qu'on ne le croit généralement, elles distendent d'abord les cellules diploïques, soulèvent et usent tantôt la table externe ou la table interne seulement, tantôt les deux tables à la fois ; des végétations osseuses plus ou moins considérables se forment à mesure que les os du crâne sont détruits. Il ;en résulte des tumeurs saillantes à la surface interne aussi-bien qu'à la surface externe du crâne, cancéreuses et osseuses tout à la fois, avec ou sans perforation des parois; tumeurs qu'on a presque toujours regardées comme des fongus de la dure-mère. Or la proportion entre les végétations osseuses et les végétations cancéreuses est sujette à beaucoup de variétés. La forme des végétations osseuses introduit elle-même de nombreuses variétés dans ces tumeurs. Ainsi, tantôt la dégénération cancéreuse ne forme qu'une petite partie de la tumeur, tantôt elle en constitue la portion principale. Tantôt les végétations osseuses sont mamelonnées, peu saillantes, irrégulières et occupent une grande surface; tantôt elles sont disposées en aiguilles stalactiformes, en radiations divergentes, à la manière d'une cristallisation. Dans ce dernier cas, elles sont presque toujours pédiculées. On voit dans les planches de Baillie (dixième fascicule, pl. i) un cas de tumeur de cette espèce : on dirait les aiguilles d'un cristal fortement pressées les unes contre les autres. Les parois du crâne sont perforées. Tel était aussi le cas observé par Ebermaier, avec cette différence qu'il n'y avait pas de perforation et qu'il existait, en même temps que l'altération des os, une tumeur cancéreuse à la face interne de la dure-mere.

XI. J'ai eu occasion d'observer deux cas de tumeurs osseuses et careinomateuses, nées du plan supérieur et du plan postérieur du rocher. Dans un cas, la tumeur soulevait la tente du cervelet qui participait à l'altération. Un noyau osseux central irrégulier soutenait une substance de nature évidemment carcinomateuse. Dans l'autre cas, trois tumeurs sphéroïdes volumineuses, d'apparence osseuse, naissaient par un pédicule unique et très-étroit du plan supérieur du rocher, au niveau de la caisse du tympan. Une petite tumeur du volume d'une grosse noisette naissait aussi du plan postérieur du rocher. Ces petites tumeurs étaient formées par un noyau osseux compacte, duquel partaient dans tous les sens des rayons osseux qui se terminaient en forme de mamelons. Une matière carcinomateuse remplissait les interstices et formait une couche mince à la surface de ces tumeurs. Enfin il n'est pas très-rare de voir les tumeurs cancéreuses internes de la dure-mère coexister avec les tumeurs cancéreuses des os du crâne. La planche i fournit un exemple remarquable de cette complication.

XII. Les tumeurs cancéreuses internes de la dure-mère (*), les seules qui vont nous occuper en ce moment, sont incomparablement plus fréquentes que les tumeurs cancéreuses externes. Il n'est aucun point de cette membrane qui ne puisse devenir le siège de leur développement. On les rencontre à la base aussi-bien qu'à la voûte. La faux du cerveau, la tente du cervelet n'en sont pas exemptes. A la voûte du crâne, je les ai le plus souvent rencontrées dans l'angle de réunion de la faux avec le reste de la dure-mère. A la base, je crois devoir signaler trois points principaux comme plus particulièrement prédisposés à ce genre de maladies : i° les gouttières olfactives, i° la selle turcique, 3° le plan postérieur et le plan supérieur du rocher. Les tumeurs nées au niveau du rocher sont presque toujours osseuses, au moins en grande partie. Elles appartiennent aux os du crâne bien plus encore qu'à la dure-mère. Les tumeurs nées de la portion de la dure-mère qui revêt la selle turcique ont été regardées à tort comme une maladie du corps ou de la tige pituitaire.

XIII. Les tumeurs cancéreuses internes de la dure-mère surviennent, tantôt sans cause connue, tantôt à la suite d'un coup, d'une chute, d'une commotion. Le virus vénérien, le vice scrophu-leux ne paraissent avoir aucune influence sur leur développement. Les symptômes par lesquels elles se manifestent sont tous plus ou moins équivoques. Dans une première période, point de symptômes, au moins chez le plus grand nombre des sujets : le hasard seul m'a fait découvrir des tumeurs semblables chez des individus qui avaient succombé à toute autre maladie. Ici se rapporte ce que j'ai déjà eu occasion de dire au sujet de la compression chronique du cerveau. Lorsqu'une cause comprimante agit lentement sur le cerveau, cet organe s'accoutume à la compression, ou plutôt la portion comprimée s'atrophie; et si cette portion comprimée ou atrophiée n'est pas indispensable au libre exercice soit des fonctions sensoriales et locomotrices, soit des facultés intellectuelles, le malade et le médecin ne sont avertis par aucun phénomène morbide de l'existence d'une lésion cérébrale. Mais tôt ou tard la compression exercée sur le cerveau devient une cause d'irritation soit pour le cerveau lui-même, soit pour ses membranes ; et alors surviennent des accidens tantôt brusques, tantôt graduels : rien n'est plus commun que de voir l'hémiplégie survenir instantanément dans ce cas comme dans l'apoplexie la plus instantanée. Un homme de soixante ans retournait à pied dans son pays ; tout-à-coup, sur la grande route, il perd connaissance, et, en la recouvrant, il est paralysé de la moitié droite du corps. Après trois mois de soins infructueux, il se fait transporter à l'hôpital Saint-An toine, où j'étais alors interne (mars 1812). Il ne présentait d'autre symptôme qu'une hémiplégie complète sans rigidité. La teinture de cantharides en frictions et à l'intérieur lui est administrée. Il meurt

(*) Il y a lieu de s'étonner du silence des auteurs au sujet de cette lésion. Graff, en 1820, disait que jamais on n'avait observé de tumeurs fongueuses à la face interne de la dure-mère. Ebermaier, dont le travail sur les fongus de la dure-mère atteste l'érudition , dit, à l'occasion des faits qu'il a observés : « Cette présence des fongus à la face interne de la dure-mère est si rare, que la plu-« part des auteurs n'en ont point eu connaissance, que certains même l'ont niée tout-à-fait. Indépendamment du cas décrit par moi, « elle avait lieu dans ceux de Baillie et d'Hébréard. » Se suis persuadé qu'un grand nombre d'observateurs ont, comme moi, recueilli un certain nombre de faits sur cette matière, et que ces faits vont se multiplier en proportion de l'attention qu'on donnera à cette lésion.

quinze jours après son entrée. Pendant tout le temps de son séjour à l'hôpital, ce malade avait été d'une humeur insupportable; il jurait sans cesse, mais jouissait d'ailleurs du libre exercice de ses facultés intellectuelles. A l'ouverture, nous trouvons sur les côtés de la faux du cerveau, au niveau du lobe moyen gauche, des adhérences intimes entre la dure-mère et l'arachnoïde : sous l'arachnoïde cérébrale était une tumeur carcinomateuse énorme, que j'ai notée du^volume du poing, et qui était logée dans une excavation profonde du cerveau. Cette tumeur était molle, grenue, se déchirait avec la plus grande facilité et présentait tous les caractères des tumeurs careinomateuses. Personne ne dira, je pense, que la tumeur carcinomateuse datait du moment de l'espèce d'attaque d'apoplexie éprouvée par le malade. Comment supposer que la formation d'une semblable tumeur ait été subite? On explique d'ailleurs très-bien l'instantanéité de l'invasion par cette loi de pathologie cérébrale, savoir : que le cerveau, principalement par sa face convexe , peut supporter impunément un certain degré de compression, surtout une compression graduellement croissante; mais que passé un degré déterminé, l'équilibre se rompt et les phénomènes de compression se déclarent aussi intenses que si un épanchement sanguin de même volume se fût manifesté immédiatement.

XIV. Mais dans le plus grand nombre des cas, et surtout lorsque la tumeur cancéreuse occupe quelqu'un des points de la base du cerveau ; les phénomènes de compression ont lieu d'une manière graduelle, le sentiment et le mouvement diminuent, puis s'éteignent dans les membres correspondans à la partie du cerveau comprimée : les facultés intellectuelles s'engourdissent ; il y a idiotie et hémiplégie. Cette marche graduelle et progressive de l'hémiplégie et autres phénomènes de compression cérébrale, permettront toujours de distinguer l'hémiplégie symptomatique d'une tumeur cancéreuse lentement développée, de l'hémiplégie symptomatique d'un foyer apoplectique : on peut même les distinguer l'une de l'autre dans le cas d'instantanéité par quelques phénomènes étrangers au plus grand nombre des apoplexies, tels que douleurs très-vives dans les membres paralysés, mouvemens épileptiformes ; les commémoratifs pourront encore mettre sur la voie en montrant que l'hémiplégie a été précédée, pendant un temps plus ou moins long, de céphalalgie, d'affaiblissement ou de perversion dans les facultés intellectuelles, de somnolence, de diminution dans le sentiment et le mouvement de telle ou telle partie du corps. Mais il est des cas dans lesquels l'erreur de diagnostic, au moins quant à la cause comprimante, est inévitable.

XV. Au reste, l'histoire bien faite et bien interprétée des tumeurs cancéreuses de la dure-mère et des tumeurs cancéreuses développées dans le cerveau pourra jeter le jour le plus lumineux, sur les fonctions des divers départemens du centre nerveux. D'après les observations que j'ai pu recueillir à ce sujet, les tumeurs cancéreuses qui occupent les circonvolutions moyennes et postérieures de la voûte du cerveau sont celles qui sont le plus impunément supportées ; la paralysie n'arrive que lorsque ces tumeurs ou l'altération de la substance cérébrale qu'elles déterminent atteignent soit les radiations qui vont former le corps calleux, soit les radiations des hémisphères au moment où elles sortent des corps striés. Les tumeurs fongueuses qui compriment les circonvolutions antérieures ne m'ont pas paru porter plus particulièrement sur les facultés intellectuelles ; celles qui se développent dans les gouttières olfactives et qui compriment la face inférieure des lobes cérébraux antérieurs interceptent complètement l'olfaction et souvent aussi la vision ; celles qui se développent dans la selle turcique amènent nécessairement la perte de la vision; celles qui compriment la protubérance ont pour effet un affaiblissement général du sentiment et du mouvement; celles qui naissent du plan postérieur du rocher entraînent la surdité, parce qu'elles compriment le nerf auditif. Je n'ai pas observé de symptômes particuliers pour la compression du cervelet.

XVI. Il est excessivement rare de voir les individus affectés de tumeurs cancéreuses de la dure-mère succomber par le seul fait de l'accroissement de ces tumeurs. Plus tôt ou plus tard, la compression exercée sur le cerveau devient une cause d'irritation soit pour le cerveau lui-même , soit pour ses membranes ; et alors surviennent tantôt une fluxion séreuse dans le tissu

cellulaire sous-arachnoïdien, tantôt une arachnitis, plus souvent encore un foyer apoplectique i une apoplexie capillaire (ramollissement rouge) tout autour de la tumeur, un ramollissement blanc pultacé, un ramollissement gélatiniforme, et on est parfois tout étonné de rencontrer, en même temps que l'altération récente qui a donné la mort, une lésion organique antérieure très-considérable, dont rien n'avait annoncé l'existence.

XVII. Un point extrêmement important dans l'histoire des tumeurs cancéreuses du cerveau, c'est la différence des effets produits par des causes en apparence identiques. Ainsi tel individu est hémiplégique sous l'influence d'une tumeur sphéroïde de deux pouces de diamètre, tel autre ne le sera pas sous l'influence d'une tumeur de quatre pouces, toutes choses égales d'ailleurs sous le rapport du siège et de la nature de la maladie. J'ai cru trouver une des données du pro^ blême dans la direction suivant laquelle s'exerce la compression du cerveau. Ainsi une tumeur qui agira sur les circonvolutions cérébrales antérieures d'avant en arrière produira sur le cer* veau une compression bien moindre qu'une tumeur du même volume qui agira de haut en bas. Une tumeur qui agira transversalement ou obliquement sur un hémisphère comprimera en même temps l'hémisphère opposé, d'où les phénomènes de la compression générale du cerveau. Un autre élément de la question est celui-ci. On ne meurt pas par le seul fait d'une tumeur cancéreuse de la dure-mère : et les phénomènes d'irritation passagère ou permanente soit du cerveau , soit de ses membranes, qui peuvent survenir à diverses périodes de la maladie, doivent être tenus en ligne de compte. Un certain nombre de faits m'autorisent à penser que le ramollissement gélatiniforme du cerveau peut exister d'une manière chronique. Or ce ramollissement, qui échappe aisément à une investigation cadavérique peu attentive, doit être la source de symptômes particuliers dont il ne m'a pas encore été donné de faire le départ d'une manière positive.

XVIII. Quant à la thérapeutique des tumeurs cancéreuses internes de la dure-mère, elle est tout-à-fait nulle, i° parce que ces tumeurs, dans la première période, ne se manifestent le plus souvent par aucuns symptômes, et que les symptômes qui révèlent leur existence dans la deuxième période sont tous plus ou moins équivoques; i° parce que, lors même que nous pourrions diagnostiquer ces tumeurs d'une manière certaine , nous n'avons aucun moyen direct à leur opposer. Supposez en effet ces tumeurs à l'extérieur, soumises à une médication topique, que pourrions-nous faire autre chose que de les extirper ? Or cette extirpation, bien qu'elle fut le seul moyen curatif, est impraticable dans le cas de tumeur cancéreuse interne de la dure-mère; car non-seulement nous ignorons le siège de la tumeur, mais encore nous pouvons à peine soupçonner son existence. L'extirpation ne serait donc applicable qu'au seul cas de tumeur cancéreuse externe de la dure-mère. Encore les dangers de cette opération sont-ils si grands qu'elle est rejetée par un grand nombre de praticiens. Il n'en serait peut-être pas de même des tumeurs cancéreuses des os du crâne, et je pense avec Ebermaier qu'il ne serait pas impossible de les enlever avec la portion du crâne qui leur a donné naissance.

Les faits suivans me paraissent propres à jeter quelque jour sur l'histoire encore si obscure des tumeurs cancéreuses internes de la dure-mère.

Hémiplégie avec douleurs excessives dans les membres et mouvemens épileptiformes. Deux tumeurs cancéreuses de la dure-mère au niveau de la convexité du cerveau. Ramollissement gélatiniforme du cerveau tout autour. (Planche i.)

Lecouvreur, âgé de soixante-cinq ans environ, est apporté à la Maison royale de Santé au mois d'août 1829. Il ^taù hémiplégique de la moitié droite du corps (la face exceptée), et jouissait d'ailleurs de la plénitude de ses facultés intellectuelles. Je crus d'abord à une hémiplégie apoplectique. Mais, à défaut de renseignemens positifs qui auraient pu me mettre sur la voie, les symptômes ne tardèrent pas à m'apprendre que le cerveau était sous l'influence d'une cause d'irritation permanente; et je soupçonnai dès-lors une tumeur cancéreuse ou autre développée soit à la face interne de la dure-mère, soit dans le tissu cellulaire sous-arachnoï-

VIIIe LIVRAISON. 2

dieu. Ces symptômes consistaient dans des douleurs atroces éprouvées par tout le corps, aussi bien du côté paralysé que du côté non paralysé , et dans des accès épileptiformes observés à de longs intervalles. On m'a assuré que, pendant ces accès, le côté paralysé participait aux mouvemens convulsifs, ce que je crois aisément , ayant eu occasion d'observer plusieurs fois ce phénomène. Les moindres mouvemens imprimés aux membres paralysés étaient excessivement douloureux. Le pouls était à peu près naturel pour la fréquence. Le malade prenait quelques alimens. La violence des douleurs me parut indiquer des potions calmantes et des linimens caïmans qui, en effet, soulagèrent beaucoup. La supination continuelle entraîna des escarres au sacrum et aux trochanters. Le malade succomba après une longue agonie, jouissant encore de toutes ses facultés intellectuelles.

Ouverture du cadavre. En palpant le cuir chevelu, je reconnus au niveau de la suture sagittale, tout auprès de la suture fronto-pariétale SFP, une proéminence considérable qu'il m'aurait été très-facile de voir sur le vivant. Sous une couche fibreuse extrêmement épaisse, très-adhérente et très - vasculaire, nous trouvons des végétations osseuses VO, VO, VO (fig. 2), dont quelques-unes ne tenaient aux os du crâne qu'à l'aide de parties molles, végétations dont la réunion constituait une tumeur spongieuse , mamelonnée , appliquée sur les os du crâne par une large base, offrant en arrière une perforation P, autour de laquelle la tumeur osseuse amincie se laissait déprimer avec la plus grande facilité et revenait sur elle-même à la manière d'une écaille très-mince. Dès ce moment, je pensai que nous avions affaire à une tumeur fongueuse de la dure-mère; je crus en outre que cette tumeur naissait de la surface externe de la membrane , et nous allons voir que mon diagnostic était erroné.

La voûte du crâne enlevée , nous avons vu (fig. 4) que la portion correspondante de la face interne du crâne avait été irrégulièrement détruite comme par usure : une matière carcinomateuse rougeâtre remplissait les inégalités de l'érosion et s'étendait dans l'épaisseur du diploé un peu au-delà de la perte de substance. Ainsi, aux végétations de la surface externe du crâne répondait, à la surface interne, une perte de substance, et les végétations extérieures étaient destinées à suppléer aux portions du crâne qui avaient disparu. Des débris d'os et de matière carcinomateuse DO (fig. 3) sont restés attachés à la dure-mère, au. niveau et sur les côtés du sinus longitudinal supérieur. Ce sinus ouvert m'a présenté de petites végétations de matière encéphaloïde qui naissaient de ses parois et qui en obturaient incomplètement la cavité.

La dure-mère ayant été divisée circulai renient et enlevée avec précaution, nous avons vu (fig. 1) deux tumeurs careinomateuses TC, TC, sphéroïdes, d'un volume inégal, naissant de la dure-mère dans l'angle rentrant que forme de chaque côté la faux du cerveau FC avec la dure-mère DM. Ces tumeurs n'étaient pas formées aux dépens du cerveau s mais elles s'enfonçaient dans son épaisseur. La plus volumineuse de ces tumeurs TC était reçue dans une excavation profonde C creusée dans l'hémisphère gauche du cerveau HG, sur les côtés de la scissure médiane : la plus petite T'C était logée dans une excavation proportionnelle de l'hémisphère droit HD, également sur les côtés de la scissure médiane qui était elle-même déprimée : au niveau de ces tumeurs, les circonvolutions étaient effacées, ou plutôt il n'en restait que des vestiges. D'ailleurs ces tumeurs n'adhéraient nullement à la substance cérébrale et s'enlevaient par une véritable énucléation. Les membranes arachnoïde et pie-mère étaient en quelque sorte confondues avec ces tumeurs; en sorte que, pour les isoler complètement, il a fallu diviser un grand nombre de vaisseaux veineux qui des membranes du cerveau venaient se jeter dans leur circonférence.

On voit ( fig. 1 ) que les tumeurs TC, TC sont bosselées, comme d'ailleurs presque toutes les tumeurs careinomateuses de la dure - mère, parcourues par des vaisseaux sanguins de divers calibres, flexueux et contournés.

L'hémisphère gauche du cerveau a été soumis à une coupe verticale antéro-postérieure au niveau de la partie moyenne de la tumeur la plus volumineuse. Sous elle, les circonvolutions (fig. 3) avaient disparu. Il ne restait qu'une couche mince de substance grise. La substance cérébrale ambiante SC, SC présente dans

une grande épaisseur une extrême moiiesse, une demi-transparence ; on dirait une gelée tremblotante comme du blanc-manger. Aussi ai-je cru devoir appeler cette altération ramollissement gélatiniforme du cerveau. Une teinte jaunâtre la distinguait d'ailleurs de la substance cérébrale environnante. Des veines flexueuses, très-volumineuses relativement à ce qu'elles ont coutume d'être dans le cerveau , serpentaient çà et là dans l'épaisseur de ce ramollissement qui s'étendait jusqu'au niveau du corps calleux. La coupe de la tumeur TC (fig. 3) nous a présenté un tissu mou, encéphaloïde et tuberculeux tout à la fois, parcouru par un grand nombre de vaisseaux sanguins, d'apparence veineuse, formant des espèces de bouquets ou de pinceaux radiés qui traversent une substance jaunâtre et molle dont on peut exprimer un suc lactescent.

Réflexions. - Les symptômes observés pendant la vie sont dans un rapport exact avec l'altération cadavérique. L'hémiplégie, qu'elle ait été brusque ou progressive, est évidemment le résultat de la compression exercée sur l'hémisphère gauche par la plus grosse tumeur (1 hémiplégie était à droite ). Les douleurs si vives éprouvées dans les membres étaient le résultat de l'irritation produite par la tumeur sur le cerveau. Chose bien singulière! le malade n'accusait aucune douleur à la tête; et la douleur, dont le siège était bien manifestement dans le cerveau, était rapportée à l'extrémité périphérique des nerfs, tout comme dans d'autres circonstances la douleur dans l'extrémité périphérique des nerfs est rapportée au cerveau (*),

Du reste, on voit que les tumeurs ont pris naissance de la face interne de la dure-mère, qu'elles se sont développées du côté du cerveau, qui, lentement comprimé, s'est en partie atrophié. Je ne saurais trop appeler l'attention sur cette atrophie du cerveau qui, s unissant à la compressi-bilité de ce viscère, lui permet de supporter, sans lésion notable dans ses fonctions, des compressions énormes. Mais arrive un moment où cette compression se propage aux radiations qui répondent aux organes des sens et de la locomotion, et alors survient une perte du sentiment et du mouvement généralement proportionnelle dans son siège et dans son intensité à la cause comprimante: ou, en d'autres termes, la compression, de cause d'atrophie qu'elle était d'abord, est devenue cause d'irritation, et alors ont apparu des accidens plus ou moins graves. La compression toute seule peut expliquer l'hémiplégie ; mais les accidens épileptiformes et les douleurs sont peut-être le résultat du ramollissement gélatiniforme des couches cérébrales adjacentes : voilà bien des fois que je rencontre ce ramollissement dans le cerveau à la suite d'une cause d'irritation long-temps continuée, autour des abcès enkystés du cerveau, autour des tumeurs careinomateuses de cet organe. Je ne l'ai pas encore observé comme maladie primitive, mais je suis persuadé qu'il peut exister d'une manière indépendante, et je le classe parmi les fluxions séreuses du cerveau, à côté du ramollissement blanc, pultacé, si fréquent dans l'hydrocéphale ventriculaire aiguë.

Bornée d'abord à la face interne de la dure-mère , la dégénération cancéreuse s'est propagée à toute son épaisseur, puis aux os du crâne, ou plutôt au tissu adipeux médullaire de ces os. Les parois du crâne n'ont donc pas été usées par les battemens de la tumeur repoussée du dedans au dehors ; mais bien par le développement du tissu carcinomateux dans l'épaisseur du tissu médullaire des os. Voyez quelle différence d'effets résulte d'une différence de siège légère en apparence. Par cela seul qu'elles naissent de la surface externe de la dure-mère, les tumeurs careinomateuses se développent du dedans au dehors et agissent exclusivement sur les parois du crâne, tandis que, lorsqu'elles naissent de la surface interne de la dure-mère, leur développement se fait du dehors au dedans, et elles agissent exclusivement sur le cerveau.

J'aurai occasion de revenir ailleurs sur la dégénération carcinomateuse du tissu adipeux des os et en particulier sur celle des os du crâne, et sur les erreurs de diagnostic auxquelles elle peut donner lieu. Ici existaient tous les signes rationnels d'une tumeur carcinomateuse externe ou fongueuse de la dure-mère, savoir, l'usure et la perforation des os avec végétations osseuses;

(*) Voyez Dictionnaire de Médecine et de Chirurgie pratique , tome V, article Céphalalgie, par M. le docteur Jolly.

ce fait confirme par conséquent l'opinion de Siébold sur les fongus de la dure-mère, qu'il ap^ pelle fongus du crâne, fongus qui, suivant cet auteur, sont le résultat d'une affection du diploé, des os du crâne; il ne confirme pas moins l'opinion de Walther, qui regarde ces fongus comme le produit de l'affection simultanée du péricrâne, du diploé et de la dure-mère. Supposons qu'un chirurgien, croyant avoir affaire à un véritable fongus de la dure-mère, eût cerné la tumeur osseuse par plusieurs couronnes de trépan; supposons qu'au lieu d'une tumeur cancéreuse externe qu'il croyait avoir diagnostiquée, il rencontre une tumeur cancéreuse interne, devrait-il enlever la tumeur avec la dure-mère? Je ne sais jusqu'à quel point la soustraction brusque d'une cause de compression qui a agi d'une manière graduelle, qui a introduit graduellement et dans la nutrition et dans la circulation du cerveau des modifications importantes, pourrait compromettre les jours du malade ; mais si le hasard amenait une pareille combinaison de circonstances, je ne crois pas que le chirurgien eût à hésiter un instant. La tumeur carcinomateuse interne devrait être emportée.

Quant au siège immédiat de ces tumeurs, je le regarde comme étant dans le tissu cellulaire très-dense et très-serré qui unit le feuillet pariétal de l'arachnoïde à la dure-mère : je me fonde i° sur l'analogie, toutes les tumeurs de même nature qui se développent sur le cerveau étant formées aux dépens du tissu cellulaire sous-arachnoïdien; 2° sur l'inspection directe; car aux limites de la tumeur TC, on voyait (fig. 1) l'arachnoïde se détacher pour ainsi dire de la dure-mère pour aller recouvrir cette tumeur. Des plis très-prononcés indiquent cette disposition.

Tumeur carcinomateuse interne-née de la faux du cerveau chez Un calculeux récemment opéré'(*).

(Planche 11, fig. 1.)

« M. R., âgé de soixante-quinze ans, conseiller à la Cour royale de cassation, était atteint depuis plusieurs années de la pierre. Soumis au cathétérisme, on reconnut cette maladie, et il fut décidé qu'on aurait recours à la lithotritie pour l'en débarrasser. Elle fut employée à quatre reprises différentes dans le mois de septembre 1828. L'opérateur, se croyant certain d'avoir saisi le calcul, fit la manœuvre du broiement. Dans chaque séance, la lenteur du traitement, les douleurs, l'hémorrhagie et les fatigues qu'elle causait au malade le déterminèrent à l'abandonner. M. Leroy d'Étiolles ayant été consulté, ne jugea pas que la lithotritie fût applicable. M. R. sollicite alors vivement M. Dupuytren de lui pratiquer l'opération de la pierre. Ce professeur, ne pensant pas qu'il réunît les chances désirables pour cette opération , lui conseilla de garder son calcul et de se borner à des moyens adoucissans. En effet, depuis deux ans, le malade avait, à la suite d'une affection cérébrale, conservé une paraplégie et un œdème considérable des membres inférieurs. Tout le corps était fléchi en avant. M. R. était-il assis, il lui était impossible de se lever; mais, lorsqu'on était parvenu à le mettre sur ses jambes, il pouvait marcher en traînant ses pieds sans les détacher du sol ; du reste, intégrité parfaite des fonctions intellectuelles ; l'ouïe seulement était un peu dure. Malgré les sages conseils de M. Dupuytren, le malade persista à vouloir être opéré, déclarant d'une manière formelle que, si on se refusait à enlever la cause de ses souffrances, il se détruirait. M. Dupuytren l'opéra donc par la méthode transversale ou bilatérale, le i3 août 182g. Deux calculs furent extraits; l'un était du volume de la grosse phalange du pouce , l'autre était beaucoup plus considérable. Cette extraction faite, M. Dupuytren explora la vessie dans tous ses points avec le bouton ; cette recherche fut faite par plusieurs personnes qui assistaient à l'opération, entre autres par MM. Chardel et Leroy. Aucun autre calcul ne fut senti. Un peu de sang s'écoule. Le malade pansé fut placé dans son lit ; mais bientôt, malgré un régime et un traitement appropriés, des accidens du côté du cerveau survinrent. Des sangsues furent appliquées, des vésicatoires aux jambes,

(*) Observation recueillie et pièce pathologique communiquée par M» Marx, au nom de M. Dupuytren.

8e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU CERVEAU (Tumeurs Cancéreuses des Méninges)

(les sinapismes, des boissons délayantes lurent prescrits. Ces moyens devinrent inutiles, les symptômes augmentèrent, et le malade mourut le 16 août 1829. »

« autopsie. L'état général du corps offrait des signes de putréfaction avancée. — Tête. Une assez grande quantité de sérosité s'écoule à l'ouverture du crâne ; le cerveau est sain, d'une consistance naturelle. En faisant la section de la grande faux du cerveau à son extrémité antérieure, et la renversant en arrière , nous découvrîmes une tumeur fibreuse du volume d'une grosse noix, située sur la face droite de cette faux, tumeur qui se trouvait logée dans une cavité correspondante de la face interne de l'hémisphère du même côté. Dans cette cavité, la substance cérébrale n'offrait aucune altération, et l'arachnoïde, saine aussi, la recouvrait comme le reste de l'encéphale. — Thorax, Abdomen, rien de remarquable. — Les reins, d'un volume considérable, étaient, tellement ramollis, que la moindre pression suffisait pour les déchirer; ils ne contenaient point de calculs. — La vessie 3 distendue par l'urine, remontait au-dessus du pubis et n'offrait aucune trace d'inflammation. En explorant avec soin sa cavité, nous rencontrâmes avec les doigts un corps dur, situé entre elle et le rectum. La vessie fut enlevée, et nous découvrîmes un calcul du volume d'un œuf de poule contenu dans une poche formée aux dépens de l'organe, poche dont l'entrée, extrêmement étroite, permettait à une portion de la pierre en forme de tige ou de queue de faire saillie dans la vessie. Cette portion du calcul paraissait avoir été brisée, Ce calcul occupait le centre du trigone vésical. Deux autres petites pierres existaient dans deux autres loges, et l'on remarquait encore dans l'intérieur de la vessie cinq ou six petites loges ou sinus de quelques lignes de profondeur qui ne contenaient rien, mais qui faisaient présumer avec raison que c'était dans l'intérieur de l'une d'elles que s'était développé le calcul que nous avons trouvé. »

La figure 1 représente la tumeur d'apparence fibreuse, sphéroïde, TC , née de la face latérale droite de la faux du cerveau FC, près de son bord convexe. Cette tumeur était logée dans l'épaisseur de l'hémisphère droit du cerveau, lequel était sain dans les points correspondans, de même que les membranes qui le recouvraient. Elle était d'uue eoiisîstauce presque cartilagineuse, lisse à sa surface. Lorsqu'on la divisait, elle criait sous le scalpel, se déchirait difficilement, et la coupe présentait un aspect lobuleux (fig. 1). Son tissu avait toutes les apparences du tissu fibreux, mais ce tissu fibreux était imprégné de suc lactescent qu'on en exprimait avec assez de facilité; c'est pour cette raison que je regarde cette tumeur comme appartenant à la classe des cancers durs ou squirres.

Tumeur carcinomateuse interne de la dure-mère. Hydropisie des ventricules et du tissu cellulaire

sous-arachnoïdien.

Fig. 2. J'ai trouvé la tumeur représentée figure 2 sur une femme destinée à mes dissections. Une tumeur sphéroïde TC, bosselée, naissait de la dure-mère DM, au niveau de la scissure de Sylvius, et s'enfonçait dans l'extrémité antérieure du lobe moyen LM. Une autre tumeur très-petite TC se voyait en arrière et en dehors de la précédente. C'était une tumeur carcinomateuse a l'état naissant. La figure 2' représente la coupe verticale de la tumeur principale , qui offre tous les caractères du tissu carcinomateux : une matière jaunâtre est infiltrée dans son épaisseur. Une grande quantité de sérosité occupait le tissu cellulaire sous-arachnoïdien et les ventricules du cerveau, et il est probable que la malade aura succombé par le seul fait de cette accumulation de sérosité, d'autant plus que je n'ai trouvé dans les autres organes aucune cause qui pût expliquer la mort.

Tumeur carcinomateuse interne de la dure-mère comprimant les circonvolutions antérieures de Vhémisphère droit du cerveau. — Torpeur des facultés intellectuelles. — Affaiblissement de la myotilité ( Fig. 3 et 3' ).

Une femme, âgée de quarante-cinq ans environ, maîtresse d'école, se plaignait habituellement de céphalalgie. Un mois et demi environ avant son entrée à la Maison royale de Santé, il lui était impossible de marcher. Voici quels symptômes elle présenta à mon observation le 3 septembre 1829, époque de son entrée : supination permanente; immobilité avec ou sans assoupissement; urines involontaires; constipation. La malade ne demande rien, mais elle ne refuse ni soins, ni alimens, ni remèdes. Point de paralysie locale du sentiment et du mouvement. Je la fais lever et soutenir par deux infirmières, et je l'engage viiie livraison. 3

à marcher, ce qu'elle fait5 mais, bien qu'elle rassemble pour ainsi dire toutes ses forces, les extrémités inférieures, affaiblies, ploient sous le poids du corps. La malade peut à peine tenir sa tête en équilibre. L'extrémité inférieure gauche me paraît plus faible que l'extrémité inférieure droite. La commissure gauche des lèvres est un peu déprimée. On m'avait dit que cette malade ne parlait pas; je l'interroge, et je vois qu'elle répond très-bien ; mais à voix basse et en faisant attendre sa réponse. Je lui demande où est son mal, et elle porte la main sur la région frontale. Je diagnostique une compression du cerveau par une tumeur probablement de nature carcinomateuse, soit de la dure-mère, soit du tissu cellulaire sous-arachnoïdien. Il était impossible de soupçonner son siège précis. Occupait-elle la base, occupait-elle la voûte du cerveau ? Et quel point, soit de cette base, soit de cette voûte? Il était probable qu'elle occupait la voûte, et qu'elle étaic située du côté droit.

J'exigeai qu'on levât cette malade tous les jours. Les premiers jours, elle paraissait mieux; à chaque visite, je la trouvais assise sur une chaise à côté de son lit; elle souriait d'un air de satisfaction lorsque je m'approchais d'elle. Son pouls était faible et présentait d'ailleurs beaucoup de variations pour la fréquence. Au bout de quinze jours a il ne fut plus possible de lever et d'asseoir la malade. Son centre de gravité l'entraînait et la faisait tomber de sa chaise. Le 28 septembre, je voulus m'assurer de l'état de la myotilité. Je la fis lever et soutenir par deux infirmières; je l'engage à marcher; elle fait le mouvement de la marche, mais la tête et la moitié supérieure du tronc l'entraînent en avant comme une masse inerte. L'extrémité inférieure gauche me paraît toujours un peu plus faible que l'extrémité inférieure droite : du reste l'intelligence est parfaite. La malade répond très-bien à toutes mes questions ; mais toujours à voix basse et lentement : je lui demandais tous les jours ce qui lui faisait mal, et tous les jours elle m'indiquait la tête, et le plus habituellement la région frontale, et même le côté droit de cette région frontale. Le ier octobre, le pouls s'accélère. Le 3, jour de sa mort, il était très-accéléré; la malade répondit encore très-bien à mes questions. Elle me montra encore la région frontale comme le siège de sa douleur : je fus surpris le lendemain d'apprendre qu'elle était morte dans la journée.

Ouverture du cadavre. J'annonçai que nous allions trouver une tumeur soit de la dure-mère, soit du tissu cellulaire sous-arachnoïdien, tumeur qui occupait probablement le côté droit de la voûte du cerveau. La voûte du crâne enlevée, la dure-mère coupée circulairement et renversée avec beaucoup de précaution d'arrière en avant, s'est présentée une tumeur très-volumineuse TC (fig. 3) naissant de la face interne de la dure-mère DM, à droite de la faux du cerveau. Cette tumeur était logée dans une excavation creusée aux dépens des circonvolutions antérieures C du lobe antérieur LA de l'hémisphère droit cérébral. Ces circonvolutions étaient déprimées, atrophiées, mais n'étaient nullement détruites, et il m'a été facile d'enlever la tumeur par énucléation. Cette tumeur est bosselée comme les précédentes , parcourue à sa surface par un très-grand nombre de vaisseaux d'apparence veineuse. Sa consistance est moindre que celle du cerveau; aussi changeait-elle de forme sous le doigt qui la comprimait; l'aspect que présentait son tissu a été parfaitement rendu sur la figure 3'. D'innombrables granulations d'une régularité parfaite, toutes égales en volume, étaient disséminées au milieu d'une pulpe molle, en apparence inorganique. Des vaisseaux veineux parcouraient cette tumeur suivant son épaisseur. Les uns se rendaient dans les vaisseaux de la dure-mère, les autres dans les vaisseaux superficiels de la tumeur.

Réflexions. — Une sorte de torpeur sans diminution notable des facultés intellectuelles, car il suffisait de les exciter pour les mettre enjeu; un affaiblissement général de la myotilité, un peu plus à gauche qu'adroite, l'absence de tout sentiment des besoins naturels, voilà les seuls symptômes par lesquels s'est manifestée cette maladie. Je me suis souvent demandé pourquoi, parmi les causes de compression du cerveau, il en est qui bornent leurs effets à un hémisphère, et par conséquent à la moitié du corps opposée, tandis que les autres agissent sur les deux hémisphères à la fois et à peu près également. La réponse est facile. Lorsque le corps comprimant exerce son action dans une direction telle que l'hémisphère correspondant reçoive seul les effets de la compression, il y a paralysie ou affaiblissement d'un seul côté seulement ; tel est le cas représenté planche 1. On voit en effet que, dans ce dernier cas, la tumeur agissait verticalement de la voûte vers la base du crâne; dans le cas actuel au contraire (planche 11),

8e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DU CERVEAU. ( Tumeurs cancéreuses des Meninges.)

des sinapismes, des boissons délayantes lurent prescrits. Ces moyens devinrent inutiles, les symptômes augmentèrent, et le malade mourut le 16 août 182g. »

« Autopsie. L'état général du corps offrait des signes de putréfaction avancée. — Tête. Une assez grande quantité de sérosité s'écoule à l'ouverture du crâne ; le cerveau est sain, d'une consistance naturelle. En faisant la section de la grande faux du cerveau à son extrémité antérieure, et la renversant en arrière , nous découvrîmes une tumeur fibreuse du volume d'une grosse noix, située sur la face droite de cette faux, tumeur qui se trouvait logée dans une cavité correspondante de la face interne de l'hémisphère du même côté. Dans cette cavité, la substance cérébrale n'offrait aucune altération, et l'arachnoïde, saine aussi, la recouvrait comme le reste de l'encéphale. — Thorax, Abdomen, rien de remarquable. — Les reins, d'un volume considérable, étaient, tellement ramollis, que la moindre pression suffisait pour les déchirer; ils ne contenaient point de calculs. — La vessie j distendue par l'urine, remontait au-dessus du pubis et n'offrait aucune trace d'inflammation. En explorant avec soin sa cavité, nous rencontrâmes avec les doigts un corps dur, situé entre elle et le rectum. La vessie fut enlevée, et nous découvrîmes un calcul du volume d'un œuf de poule contenu dans une poche formée aux dépens de l'organe, poche dont l'entrée, extrêmement étroite, permettait à une portion de la pierre en forme de tige ou de queue de faire saillie dans la vessie. Cette portion du calcul paraissait avoir été brisée, Ce calcul occupait le centre du trigone vésical. Deux autres petites pierres existaient dans deux autres loges, et l'on remarquait encore dans l'intérieur de la vessie cinq ou six petites loges ou sinus de quelques lignes de profondeur qui ne contenaient rien, mais qui faisaient présumer avec raison que c'était dans l'intérieur de l'une d'elles que s'était développé le calcul que nous avons trouvé. »

La figure 1 représente la tumeur d'apparence fibreuse, sphéroïde, TC, née de la face latérale droite de la faux du cerveau FC, près de son bord convexe. Cette tumeur était logée dans l'épaisseur de l'hémisphère droit du cerveau, lequel était sain dans les points correspondans, de même que les membranes qui le recouvraient. Elle éiaii d'uue consistance presque cartilagineuse, lisse à sa surface. Lorsqu'on la divisait, elle criait sous le scalpel, se déchirait difficilement, et la coupe présentait un aspect lobuleux (fig. 1). Son tissu avait toutes les apparences du tissu fibreux, mais ce tissu fibreux était imprégné de suc lactescent qu'on en exprimait avec assez de facilité; c'est pour cette raison que je regarde cette tumeur comme appartenant à la classe des cancers durs ou squirres.

Tumeur carcinomateuse interne de la dure-mère. Hydropisie des ventricules et du tissu cellulaire

sous-arachnoïdien.

Fig. 2. J'ai trouvé la tumeur représentée figure 2 sur une femme destinée à mes dissections. Une tumeur sphéroïde TC, bosselée, naissait de la dure-mère DM, au niveau de la scissure de Sylvius, et s'enfonçait dans l'extrémité antérieure du lobe moyen LM. Une autre tumeur très-petite TC se voyait en arrière et en dehors de la précédente. C'était une tumeur carcinomateuse à l'état naissant. La figure 1' représente la coupe verticale de la tumeur principale, qui offre tous les caractères du tissu carcinomateux : une matière jaunâtre est infiltrée dans son épaisseur. Une grande quantité de sérosité occupait le tissu cellulaire sous-arachnoïdien et les ventricules du cerveau, et il est probable que la malade aura succombé par le seul fait de cette accumulation de sérosité, d'autant plus que je n'ai trouvé dans les autres organes aucune cause qui pût expliquer la mort.

Tumeur carcinomateuse interne de la dure-mère comprimant les circonvolutions antérieures de Vhémisphère droit du cerveau. — Torpeur des facultés intellectuelles. — Affaiblissement de la myotilité ( Fig. 3 et 3' ).

Une femme, âgée de quarante-cinq ans environ, maîtresse d'école, se plaignait habituellement de céphalalgie. Un mois et demi environ avant son entrée à la Maison royale de Santé, il lui était impossible de marcher. Voici quels symptômes elle présenta à mon observation le 3 septembre 182g, époque de son entrée : supination permanente; immobilité avec ou sans assoupissement; urines involontaires; constipation. La malade ne demande rien, mais elle ne refuse ni soins, ni alimens, ni remèdes. Point de paralysie locale du sentiment et du mouvement. Je la fais lever et soutenir par deux infirmières, et je l'engage vine livraison. 3

perte de l'olfaction, dans le cas dont il s'agit, n'est rien moins que constatée, puisque ce sont seulement les voisins du malade qui affirmèrent qu'il avait joui de l'olfaction. Dans le cas représenté planche m, il y avait perte complète de l'olfaction. Loder et Oppert rapportent chacun un fait analogue. Sans nier l'influence du nerf de la cinquième paire sur l'olfaction comme sur la plupart des autres sens spéciaux, nous admettrons donc, jusqu'à nouvel ordre, comme fait démontré par la pathologie aussi-bien que par l'anatomie, que l'olfaction est sous la dépendance immédiate des nerfs olfactifs.

Tumeur carcinomateuse sous-arachnoïdienne de la convexité du cerveau. — Hémiplégie subite.

— Une seule convulsion épileptiforme (*).

J.-D. Glaber, âgée de soixante-six ans, grande, sèche et maigre, se plaignait depuis long-temps de maux de tête et d'affaiblissement général, lorsqu'à la fin de juin 182g, elle est prise tout-à-coup d'hémiplégie gauche à la manière d'une attaque d'apoplexie. Transportée à la Maison royale de Santé le 27 juillet, elle présente un état général excellent; seulement hémiplégie gauche complète pour le mouvement, incomplète pour le sentiment, avec oedème léger des membres paralysés. On croit à une hémiplégie apoplectique. Le i5 août, mouvemens convulsifs des plus violens, portant exclusivement sur les membres paralysés : pendant toute la durée de cette attaque, qui fut de demi-heure environ, il ne parut pas y avoir eu perte de connaissance. Depuis cette époque, les mouvemens convulsifs n'ont point reparu; mais la malade s'affaiblit par degrés; la langue se dessèche, devient fuligineuse ; le pouls augmente de fréquence ; prostration des forces; stupeur légère, mais intégrité parfaite des facultés intellectuelles. Elle s'éteignit avec tonte sa connaissance le g septembre, deux mois et demi environ après l'invasion, vingt-quatre jours après les convulsions.

Ouverture du cadavre. Le crâne et la dure-mère enlevés, nous trouvons une tumeur carcinomateuse TC (fig. 3) située sous l'arachnoïde, à côté de la scissure médiane, à la réunion des circonvolutions antérieures avec les circonvolutions moyennes. Cette tumeur, grosse comme une noix, était recouverte par un très-grand nombre de vaisseaux d'apparence veineuse. Elle était reçue dans la substance cérébrale déprimée et comme détruite à son niveau. La figure 5 représente la face profonde de cette tumeur qui est bosselée et vasculaire, comme d'ailleurs toutes les tumeurs careinomateuses. La figure 4 donne une idée de la coupe de cette même tumeur et de la substance cérébrale environnante. Cette coupe, qui est transversale, présente un premier cercle très-mince qui était très-rouge ( ce premier cercle est formé par une membrane vasculaire); un second cercle qui a la demi-transparence et la mollesse de l'encéphaloïde; un troisième cercle qui offre l'aspect jaunâtre de la matière tuberculeuse. Au centre se trouvent plusieurs cellules d'inégale capacité qui contenaient de la sérosité. La substance cérébrale environnante offre le ramollissement jaunâtre gélatiniforme que j'ai déjà mentionné plusieurs fois. Il me fut facile d'exprimer de cette substance ramollie des gouttelettes de liquide poisseux. Le reste du cerveau et tous les autres organes sont parfaitement sains.

Réflexions. ¦—Il s'en faut bien que, dans cette observation, la lésion organique rende un compte aussi exact de tous les symptômes que dans les observations précédentes. Sans doute la tumeur TC doit être regardée comme la cause de l'hémiplégie; mais alors pourquoi, dans d'autres cas, des tumeurs beaucoup plus volumineuses développées dans le même lieu n'ont-elles été la source d'aucuns symptômes? Au reste, ces contradictions au moins apparentes ne sont pas exclusivement propres aux tumeurs careinomateuses du cerveau; nous les rencontrerons dans la plupart des maladies de cet organe, maladies qui nous présentent tantôt des lésions extrêmement graves pour expliquer des symptômes très-peu intenses, tantôt des lésions légères pour expliquer des symptômes fort graves. Je regarde les mouvemens épileptiformes comme le signal de l'invasion du travail morbide, qui a eu pour résultat le ramollissement gélatiniforme. C'est à ce ramollissement que nous devons rapporter la diminution graduelle des forces, la prostration, la stupeur et la mort. Je regarde le ramollissement gélatiniforme du cerveau comme la cause la plus fréquente de la mort dans les affections organiques soit du cerveau, soit de ses membranes.

(*) Observation recueillie par M. Frédéric Cuvier fils, élève interne à la Maison royale de Santé.

8e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DU CERVEAU. Sous-arachnitis aigue.- Inflammation des Sinus de la dure mère.

(INFLAMMATION DES SINUS DE LA DURE-MÈRE.)

( PLANCHE IV, VIIIe LIVRAISON. )

^inflammation des sinus de la dure-mère se rattache à l'histoire si importante de la phlébite. Signalée par M. Ribes dans un cas particulier (*), fidèlement représentée à l'état de suppuration par Hooper (**), cette inflammation a été traitée ex-professo par M. Tonnelle, dans un Mémoire présenté récemment à l'Académie royale de médecine (***). Voici le résultat des observations que j'ai été à même de faire sur cette maladie.

I. Les sinus de la dure-mère, comme tous les départemens du système veineux, sont passibles d'inflammation. Cette inflammation peut être primitive et en quelque sorte spontanée ou consécutive à l'introduction d'un corps irritant dans le torrent circulatoire, soit par absorption, soit par injection artificielle, soit à la suite de phlébite circonscrite dans tout autre point de l'économie.

IL Le premier effet de toute phlébite est la coagulation du sang qui adhère plus ou moins fortement aux parois du vaisseau; et, pour le dire en passant, je regarde la coagulation du sang comme le premier phénomène, le phénomène fondamental de l'inflammation, quel que soit son siège. Le second effet de la phlébite est, dans quelques cas, la décoloration complète du coagulum, qui ressemble alors très-exactement à une fausse membrane. Le troisième effet, qui succède quelquefois immédiatement au premier, c'est la présence du pus au centre du caillot sanguin.

III. Comment se rendre compte de ce mélange de pus et de sang coagulé? Ce pus est-il formé au sein du caillot sanguin par le caillot sanguin lui-même devenu solide, organisé, vivant ? a-t-il été pris dans tout autre point de l'économie, charrié avec le sang dans les vaisseaux, et déposé dans les sinus ? ou bien enfin le pus a-t-il été formé dans le lieu même par les parois vasculaires enflammées ?

IV. Sans doute le pus peut-être est absorbé : tous les jours le chirurgien constate cette absorption dans la résolution d'un phlegmon suppuré en totalité ou en partie ; mais cette absorption du pus, un des phénomènes les plus fréquens de l'économie, ne se manifeste le plus ordinairement par aucun effet funeste ; peut-être parce qu'elle ne s'exerce pas sur le pus en nature, mais bien successivement sur chacun des élémens du pus qui sont probablement éliminés par les divers émonctoires.

V. H y a en effet une différence énorme entre le pus qui n'est transmis au torrent circulatoire que par absorption, et le pus qui est introduit en nature ou qui est formé de toutes pièces dans les veines : le pus en nature, mêlé immédiatement au sang, altère sa crase, suivant l'expression des anciens, embarrasse sa marche, favorise la concrétion du sang, s'arrête dans les capillaires et détermine simultanément une multitude de foyers d'inflammation au milieu des symptômes les plus formidables. Je pense donc que l'absorption physiologique du pus n'est pour rien dans les accidens si graves consécutifs aux grandes opérations chirurgicales.

VI. La présence du pus au centre des caillots sanguins a fait penser que ces caillots sanguins s'organisaient immédiatement et étaient passibles d'inflammation et de suppuration ; de même qu'on a admis dans les épanchemens pleurétiques que le pus ou le sérum, entourés de tous côtés par une fausse membrane récente, sont le produit de l'exhalation de cette fausse membrane

(*) Revue médicale, r8î5.

(**) The morbid anatomy of the Rrain. Londoii 1826, in-4°» coloriées.

(***) Mémoire sur les maladies des sinus veineux de la dure-mère. {Journal hebdomadaire de médecine , l. 5, 1829. ) viii livraison.

elle-même : mais, d'après ma manière de voir, le caillot, dans le premier cas, et la fausse membrane, dans le second, servent en quelque sorte de filtres à travers lesquels pénètrent les produits sécrétés par les parois de la veine. Si le pus occupe toujours le centre du coagulum et ne se trouve jamais entre le coagulum et les parois, c'est parce que le coagulum est moins cohérent au centre qu'à la circonférence, et que la pénétration du pus au centre du caillot est un phénomène de capillarité. Le pus est d'abord sanieux, parce qu'il se trouve mêlé à la matière colorante du sang; puis il devient louable lorsque cette matière colorante a disparu. Tout le temps que le pus est contenu au centre du caillot sanguin, les phénomènes sont locaux; mais bientôt le caillot lui-même disparaît ; le pus est en contact immédiat avec la veine ; et alors de deux choses l'une, ou bien le pus reste isolé à l'aide des caillots sanguins qui occupent les extrémités de la portion de veine enflammée , ou bien il se mêle au sang. Dans le premier cas, tantôt le pus est absorbé et l'oblitération du vaisseau suit cette absorption; tantôt ce pus, s'ac-cumulant sans cesse, distend les parois veineuses; celles-ci, fragiles, s'usent, se lacèrent, et le pus s'épanche à l'extérieur : dans le second cas, le caillot obturateur, sourdement miné par l'absorption, se détache, entraîné par le liquide qui l'entoure. Alors le pus se mêle au sang, et à l'instant apparaissent les symptômes les plus graves qui enlèvent le malade plus tôt ou plus tard, suivant la quantité de pus en circulation, et aussi suivant la susceptibilité individuelle. C'est alors qu'on rencontre de petits foyers purulens, multiples, sphéroïdes, d'apparence tuberculeuse, dans le poumon, le foie, la rate, les synoviales, les séreuses, le tissu cellulaire libre, le cerveau et jusque dans l'épaisseur des muscles; et la rapidité de la formation du pus est telle qu'on a pu penser, ou bien qu'il y avait transport de ce pus en nature, et simple dépôt dans les divers organes, ou bien qu'il existait antérieurement des tubercules ramollis.

VII. L'impossibilité de démontrer physiquement et chimiquement la présence du pus au milieu du sang en circulation m'a conduit à faire quelques expériences sur les animaux vivans. Il fallait trouver un corps irritant susceptible de parcourir toutes les voies de la circulation, et en même temps facilement reconnaissable quelque part qu'il fût déiDOsé. Or l'injection dans les veines d'une certaine quantité de mercure (*) m'a donné les mêmes résultats que ceux qui succèdent si souvent à une amputation, à une phlébite utérine ou autre; et la possibilité de suivre et de retrouver le mercure dans toutes les voies de la circulation capillaire et générale m'a démontré avec toute la rigueur des expériences physiques, la génération de ces foyers, de ces tubercules purulens ou aigus qui, lorsque la quantité de mercure introduite a été peu considérable, lorsque l'animal survit assez long-temps, deviennent de véritables tubercules. Ce que fait le mercure dans ces expériences, le pus ou d'autres corps irritans introduits dans les veines doivent le produire dans la phlébite. Dans l'un comme dans l'autre cas, la formation du pus est extrêmement rapide et l'inflammation exactement circonscrite : d'abord un foyer d'inflammation rouge, puis un foyer purulent, puis un foyer tuberculeux, voilà la série des transformations successives qui s'opèrent autour des globules mercuriels nichés çà et là dans divers points de l'économie. C'est par la même série que passent les foyers observés à la suite de phlébite, soit spontanée, soit traumatique ; et de même que, dans ce dernier cas, tantôt c'est le foie qui est affecté, tantôt c'est le poumon, d'autres fois la rate, les séreuses, les synoviales, le tissu cellulaire, les muscles, le cerveau, etc., en un mot toutes les fractions du système capillaire, soit isolément, soit à la fois ; de même, dans mes expériences, j'ai vu le mercure traverser, pour ainsi dire inaperçu, le système capillaire pulmonaire de quelques sujets, et se nicher plus spécialement dans le foie, la rate, ou bien dans l'épaisseur des muscles, dans les cavités séreuses; chose bien singulière! je ne l'ai jamais rencontré dans les reins.

VIÏI. Il est extrêmement rare de voir l'inflammation des sinus de la dure-mère parcourir le cercle complet des périodes que je viens denumérer pour la phlébite en général. Plusieurs malades succombent dans la première période, c'est-à-dire, par l'effet de la seule coagulation du sang; d'autres succombent dans le cours de la seconde, c'est-à-dire, à l'époque où du pus

(*) Recherches sur le siège immédiat de l'inflammation, deuxième article, Bibliothèque médicale, cahier de novembre, 1826.

occupe le centre du caillot ou bien encore à l'époque de la décoloration du même caillot par l'absorption de la matière colorante : si Hooper a trouvé les sinus latéraux pleins de pus, cela tient à ce que, contradictoircment à son assertion, l'inflammation de ces sinus était une suite de la carie de la portion correspondante du temporal (*). Les sinus en effet sont les veines principales du cerveau ; par eux doit nécessairement passer le sang qui revient de cet organe; et si cette voie est interceptée, où est la voie collatérale qui puisse y suppléer? Mais une remarque extrêmement importante, c'est que si, d'une part, les veines cérébrales sont distinctes à leur embouchure dans les sinus, d'autre part, elles communiquent largement entre elles à leur origine; et comme elles sont dépourvues de valvules, elles peuvent se remplacer les unes les autres, en sorte que, pour l'interception de la circulation veineuse dans un sinus, il faut que la totalité de ce sinus soit imperméable, et pour l'interception complète de la circulation veineuse du cerveau, il faudrait l'imperméabilité complète de tous les sinus. C'est ainsi que, dans des expériences où je suis parvenu à oblitérer complètement le sinus longitudinal supérieur, l'animal n'a éprouvé aucun accident.

IX. L'oblitération du tronc veineux principal d'un membre, dans un point ou dans une petite étendue, a peu d'influence sur la circulation veineuse de ce membre ; les voies collatérales remplaceront surabondamment la portion imperméable du vaisseau; mais si l'oblitération occupe toute la longueur du tronc vasculaire, si elle s'étend dans les veines collatérales, alors, mais seulement alors, arrive l'œdème du membre, ainsi que l'a parfaitement signalé M. Bouillaud. Si on injecte un corps irritant du cœur vers les extrémités dans la veine d'un membre, ce membre se tuméfie énormément au bout de quelques heures; et, si l'on sacrifie l'animal plus ou moins long-temps après l'expérience, on trouve des foyers de sang, de véritables foyers apoplectiques dans l'épaisseur des muscles et du tissu cellulaire. Si l'animal survit, ces foyers apoplectiques passent à travers toutes les phases des foyers apoplectiques cérébraux ; de là j'avais conclu qu'il existait (**) des apoplexies veineuses, et que certainement, si on pouvait obtenir par un moyen quelconque l'inflammation des veines cérébrales, on obtiendrait le même résultat que par l'injection d'un corps irritant dans les veines des membres. Or l'inflammation spontanée des sinus de la dure-mère peut être regardée comme une expérience toute faite, sortie des mains mêmes de la nature qui confirme pleinement ces inductions. Dans toutes les observations qui sont parvenues à ma connaissance, il y avait tantôt stase du sang dans les veines cérébrales et exhalation de sérosité, tantôt exhalation de sang dans la cavité de l'arachnoïde ; quelquefois larges ecchymoses, épanchement sous-arachnoïdien avec ramollissement de la substance cérébrale des circonvolutions ; rupture des vaisseaux contenus dans l'épaisseur du cerveau, et foyer apoplectique au centre d'un hémissphère. Toutes ces différences proviennent sans doute de la différence de siège, d'étendue de la lésion, et plus encore peut-être de la rapidité de l'oblitération des sinus (***).

(*) Dans la figure de Hooper, les deux sinus latéraux sont représentés ouverts et pleins de pus-, la membrane interne, qui est d'une couleur rouge vermeil, est tapissée par une fausse membrane. L'abcès du sinus latéral gauche s'était vidé à l'extérieur par le conduit auditif externe. La partie d'os qui répondait à l'abcès commençait à se carier ( to become carious). L'auteur attribue la perforation de l'os à l'abcès du sinus , dont le pus aurait, par sa tendance à s'ouvrir à l'extérieur , usé successivement et les parois du sinus et les os. Mais n'est-il pas plus probable que la carie des os a précédé et déterminé l'inflammation par un mécanisme analogue à celui par lequel la carie de la caisse du tympan produit si souvent l'inflammation des méninges et du cerveau lui-même. Il est à regretter que l'auteur se soit borné à une description purement anatomique : il eût été du plus haut intérêt de connaître les symptômes auxquels avait donné lieu une pareille altération. Toujours est-il que le malade a vécu avec l'oblitération complète des deux sinus latéraux.

(**) Bibliothèque médicale, loc. citât. 1826.

(***) Deux observations, recueillies à l'hôpital des enfans malades, consignées dans le Journal hebdomadaire de médecine (avril i83o, page 5a), par M. Burnet, viennent à l'appui de ma manière d'envisager Y apoplexie capillaire. Dans l'un de ces cas le sinus longitudinal supérieur, le sinus latéral gauche, et les veines cérébrales supérieures, étaient distendus par un sang noir et adhérent j et on trouva dans l'épaisseur des substances grise et blanche une foule de petits caillots , dont les plus gros égalaient à peine en volume un bon pois à cautère. Tout autour, la substance cérébrale était très-légèrement ramollie et présentait une belle couleur orangée. De semblables petits foyers existaient dans le corps strié droit et dans la couche optique gauche. Dans l'autre cas, le sinus longitudinal supérieur et les veines cérébrales supérieures étaient distendues par du sang coagulé et adhérent-, en même temps

X. Si l'inflammation des sinus de la dure-mère laisse peu de chose à désirer sous le point de vue de l'anatomie pathologique, il n'en est pas de même sous le point de vue clinique et thérapeutique. L'analyse des symptômes observés chez les divers individus morts avec la phlébite des sinus ne conduite rien de positif. La somnolence, le coma profond des uns, les mouvemens convulsifs des autres, l'air de stupeur, la céphalalgie dans quelques cas, décèlent sans doute une souffrance du cerveau. Mais est-elle idiopathique, est-elle sympathique, symptomatique? De nouveaux faits permettront peut-être de démêler au milieu de cet ensemble de phénomènes cérébraux les données sans lesquelles la solution du problème est impossible. Jusqu'à ce moment la thérapeutique sera réduite aux moyens généraux de traitement employés contre les congestions cérébrales; peut-être encore, lors même que nous pourrions arriver à un diagnostic rigoureux, n'aurions-nous, dans l'état actuel de la science, rien de spécial à opposer à une maladie dont les causes sont jusqu'à ce jour enveloppées d'une obscurité impénétrable.

PLANCHE IV, FIGURES 1 ET 3 (**).

Petite fille de quatre ans, ayant un engorgement des ganglions lymphatiques et une ophthalmie, est apportée à l'hôpital des enfans malades, le 17 mars 183o, dans l'état suivant : pupilles dilatées ; plaintes, gémissemens ; langue blanche ; matité du thorax en haut, en arrière et à gauche. Elle a rendu par la bouche, depuis quelques jours, huit ascarides lombricoïdes (mauve édulcorée, diète). Le 18, les pupilles sont toujours dilatées; cris, rigidité dans les membres. La petite malade peut à peine soutenir la tête (même prescription). Le 19, la langue est repoussée hors de la bouche par une tumeur dont le siège paraît être la glande maxillaire. M. Guersent constate une pneumonie du sommet du poumon gauche (un grain de tartre stibié, en deux fois; vésicatoire sur le lieu de la matité). Le 20, pupilles immobiles (un grain tartre stibié ). Le 21, calme profond ; la langue est rentrée dans la bouche. Mort le 22.

Ouverture du cadavre. Il existait dans la cavité de l'arachnoïde une grande quantité de sérosité.

Le sinus longitudinal supérieur SS est rempli de sang coagulé fortement adhérent aux parois de ce sinus. Au centre des caillots se voit une matière puriforme demi-concrète. Nulle part elle ne touchait immédiatement aux parois. Presque toutes les veines cérébrales qui vont se rendre dans le sinus longitudinal supérieur sont pleines de pus concret qui formait de petits cordons blancs jaunâtres séparés par des caillots. Quelques-unes de ces veines purulentes VPO, VPO, ont été ouvertes pour permettre de mieux voir la disposition des petits cylindres sanguins et purulens.

Le pressoir d'Hérophyle PH (fig. 3), la moitié postérieure ou horizontale des sinus latéraux, sont également distendus par du sang coagulé et adhérent, au milieu duquel se voit une matière purulente demi-concrète.

Tous les autres sinus étaient parfaitement sains. Je n'ai pas pu examiner l'intérieur du cerveau. Une sorte d'ecchymose se voit sur l'hémisphère gauche, au voisinage du sinus longitudinal supérieur.

existaient une foule de petits foyers apoplectiques dans la substance des hémisphères. Comment, sans la théorie de l'apoplexie veineuse capillaire (Dictionnaire de médecine et de chir. pratiques , art. Apoplexie} , pouvoir expliquer ces deux cas d'apoplexie, et en général l'apoplexie capillaire des enfans.

(**) Pièce pathologique présentée à la Société anatomique, par M. Mallat, interne provisoire dans le service de M. Guersent.

MALADIES DU CERVEAU (MÉNINGITE).

( planche iv, viiie livraison. )

Sous-arachnitis aiguë de toute la surface du cerveau et du cervelet. — Plexus choroïde infiltré de pus. — Délire les deux premiers jours ; coma et mort le troisième (*).

Les deux premières planches de la vie livraison ont présenté des exemples de sous-arachnitis aiguë de la convexité du cerveau sous forme comateuse ; nous avons vu que la céphalalgie et le délire, symptômes pathognomoniques de l'arachnitis de la convexité, d'après les observateurs modernes, n'avaient existé à aucune période de la maladie. Les deux observations suivantes nous offrent deux cas de sous-arachnitis aiguë générale, dont l'un rentre parfaitement dans la description donnée par les auteurs, et dont l'autre nous fournira un nouvel exemple de forme comateuse dès le début.

Nétivat , âgé de soixante-dix ans, aveugle, entre à Finfirmerie de Bicètre, le 16 février i83o, avec les symptômes suivans : pommettes très-colorées ; loquacité extrême ; fureur : aux diverses questions qu'on lui adresse il répond par des injures et des imprécations. Son attitude au lit est extrêmement désordonnée. Il se jette à droite, à gauche; il s'est même levé une fois pour s'en aller. La sensibilité de la peau est dans son état d'intégrité. Le malade n'accuse aucune douleur, bien qu'on l'interroge à plusieurs reprises à ce sujet. Le pouls est fréquent, plein et dur. Battement des temporales. Tête extrêmement chaude au toucher. (Saignée de vingt onces. Sangsues au cou.) Le lendemain, mouvemens moins violens et seulement à de longs intervalles. Le malade n'achève pas ses phrases commencées. Pouls moins fort. Assoupissement. Le troisième jour, coma profond ; face décolorée; respiration légèrement stertoreuse avec gémissement. Membres insensibles aux pincemens les plus forts. Flexion avec rigidité et tremblement de l'extrémité supérieure droite. Mort dans la journée. Le sujet de cette observation était grand buveur d'eau-de-vie. La maladie avait immédiatement succédé à un excès de ce genre : on dit que ce malheureux vieillard avait bu un demi-litre d'alcohol. }

Ouverture du cadavre. Le cerveau ( fig. i, planche iv) est enveloppé de tous côtés par une couche jaune-verdâtre extrêmement dense. Au premier abord, on aurait pu croire qu'elle était contenue dans la cavité de l'arachnoïde ; mais avec un peu d'attention, il fut facile de voir que cette couche purulente pseudomembraneuse était située entre l'arachnoïde et la pie-mère, dont les vaisseaux très - développés , en forme de pinceaux, se dessinaient à travers la demi-transparence de la matière infiltrée : d'ailleurs, l'épaisseur de cette couche était un peu plus considérable le long des troncs vasculaires, vu la quantité plus grande de tissu cellulaire. Non-seulement elle recouvrait la surface du cerveau, mais elle s'enfonçait, avec le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, dans les anfractuosités A, A, A; cette disposition se voit très-bien sur l'hémisphère droit HD dont le tiers interne a été enlevé avec le corps calleux par une coupe verticale, et les deux tiers externes renversés en dehors. En avant, deux circonvolutions C ont été déjetées en dedans du côté de la coupe pour mieux montrer la disposition de cette matière pseudo-membraneuse. Des vaisseaux d'apparence veineuse, très-développés, appartenant bien évidemment à la pie-mère, contrastent avec la couleur blanc-verdâtre de ces prolongemens, qui sont très-épais et compriment par conséquent les circonvolutions.

(*) Observation recueillie et pièce pathologique présentée à la Société anatomique par M. Martin , membre de cette Société. viiie livraison. i

La face inférieure du cerveau 'présentait le même aspect que la convexité. La matière pseudo-membraneuse abondait surtout dans l'excavation médiane de la base du cerveau et le long des prolongemens celluleux qui semblent en partir. Une couche pseudo-membraneuse était également infiltrée entre l'arachnoïde et la pie-mère du cervelet C, mais seulement sur la ligne médiane et au voisinage. L'infiltration s'étendait jusque dans le tissu cellulaire de la toile choroïdienne TC. La cavité des ventricules ne présentait aucune trace d'inflammation, et la substance cérébrale était d'ailleurs parfaitement saine.

Sous-arachnitis aiguë de la convexité et de la base du cerveau.—Arachnitis ventriculaire.— Perte de mémoire. — Assoupissement. — Mort au bout de quarante heures.

M. le docteur Saulnier, âgé de soixante-cinq ans, est apporté à la Maison royale de Santé le a3 mai i83o dans l'état suivant : Assoupissement ; les yeux sont à demi ouverts ; les pupilles mobiles; il ne répond à aucune question, bien que je cherche à fixer son attention par des questions rapides et articulées avec force; il paraît également insensible aux pincemens les plus forts. Du reste, le malade exécute des mouvemens volontaires dans tous ses membres ; la moitié gauche du corps semble un peu moins forte que la moitié droite ; le pouls est fréquent et grêle; la respiration fréquente; la déglutition facile ; les urines ont été rendues involontairement dès le premier moment de l'invasion de la maladie.

Commémoratifs. — La maladie datait seulement de trente-six heures. Le 20, il était allé à Bercy. Sa maladie a débuté pendant la nuit du 21 au 22 par un état fort singulier : il semblait avoir perdu la mémoire; ses yeux étaient hagards; air hébété; il ne répondait pas aux diverses questions qui lui étaient adressées. Le 22 au matin, un médecin appelé juge qu'il est sous l'influence d'une attaque d'apoplexie. Dans cette idée il le saigne largement, et donne le tartre stibié en lavage.

Diagnostic. — Compression large du cerveau, probablement par un épanchement considérable de sang, soit à la surface du cerveau, soit dans la cavité des ventricules. — Prognostic. La mort est imminente. (Sangsues le long des jugulaires ; vésicatoires aux jambes; sinapismes aux pieds; tartre stibié en lavage.) Le malade succomba dans la journée.

Ouverture du cadavre. — Sous-arachnitis de toute la surface du cerveau et du cervelet comme dans le Cas précédent, avec cette différence qu'au lieu d'une couche pseudo-membraneuse bien compacte, nous trouvons une grande quantité de sérosité, en même temps que des flocons pseudo-membraneux qui longeaient en général les vaisseaux. Ce n'est pas tout; les ventricules étaient distendus par une grande quantité de sérosité lactescente semblable à du petit-lait trouble. La surface interne des ventricules latéraux est tachetée d'ecchymoses de dimensions variables.

Réflexions. — Le diagnostic a donc été vrai quant à la compression du cerveau, erroné quant à la cause de cette compression. J'aurais porté un diagnostic vrai de tout point si j'avais pesé mûrement toutes les données de la maladie et en particulier le mode d'invasion. Jamais en effet l'apoplexie n'a débuté par une perte de mémoire, par les yeux hagards, un air hébété ; la sous-arachnitis, et surtout avec fluxion séreuse considérable, débute au contraire souvent de cette manière.

A quoi tiennent les différences de symptômes que présentent les deux observations qu'on vient de lire ? Pourquoi dans un cas existait-il de la fureur, de la loquacité, et dans l'autre un état d'hébétude ? Est-ce parce que, dans le premier cas, l'inflammation a eu pour résultat la formation d'une couche pseudo-membraneuse concrète, sèche en quelque sorte, que dans l'autre elle a eu pour résultat de la sérosité autant que de fausses membranes? Est-ce parce que l'inflammation affectait en outre la membrane ventriculaire? Il est certain que la compression du cerveau a dû être plus considérable dans ce dernier cas que dans le premier; elle a également dû être plus prompte, car rien nest prompt comme l'exhalation de la sérosité dans certains cas, d'où l'apoplexie séreuse des auteurs.

8e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DU CERVEAU. (Atrophies.)

MALADIES DU CERVEAU.

Hémiplégie droite incomplète. — Facultés intellectuelles ordinaires. — Atrophie sans lésion

organique de Vhémisphère gauche du cerveau (*).

(PLANCHE V, VIIIe LIVRAISON.)

Auge (Alexandre-Sylvain), âgé de quarante-deux ans, non marié, est amené à l'Hôtel-Dieu le i3 février i83o, avec tous les symptômes d'une maladie du cœur portée au plus haut degré. Il était de plus affecté, depuis sa plus tendre enfance, d'une hémiplégie droite incomplète dont il ne se rappelait pas le début. Les membres paralysés sont amaigris, atrophiés. Les secondes phalanges des doigts renversées sur les premières. Du reste, à la manière dont il répond aux questions qui lui sont faites et dont lui-même exprime ses désirs, ses facultés intellectuelles paraissent entières. Il jouit de l'usage de tous ses sens, et, d'après les renseignemens recueillis à la Chapelle près Paris, où il demeurait, Augé avait une intelligence ordinaire et marchait à l'aide d'un bâton jusqu'au moment où la maladie du cœur le força de s'aliter. Il succomba deux jours après son entrée à l'hôpital, et son cadavre fut examiné vingt-huit heures après la mort. Voici ce qu'on observa :

Infiltration des membres abdominaux, surtout du côté droit ; épanchement de sérosité dans l'abdomen et dans les plèvres ; épaississement très-considérable des parois du ventricule gauche du cœur, qui a un volume trois à quatre fois plus considérable que dans l'état normal. Il enfonce sa convexité dans le ventricule droit, dont la capacité se trouve par là très-diminuée, et qui semble n'être qu'un appendice accolé au ventricule gauche.

On éprouva beaucoup de difficulté à ouvrir le crâne en le brisant circulairement à coups de marteau. Son épaisseur du côté gauche (fig. i) est au moins double de celle du côté droit. Le cerveau, encore enveloppé dans ses méninges, présente du côté gauche une dépression considérable. Le lobe antérieur droit se porte de plus d'un demi-pouce en avant du lobe antérieur gauche. La dure-mère ayant été incisée, l'arachnoïde paraît saine; mais les circonvolutions de l'hémisphère gauche amincies, aplaties, plus consistantes et plus blanches que dans l'état naturel, laissent entre elles des anfractuosités larges et profondes qui sont remplies par la pie-mère infiltrée. Une fluctuation manifeste au moindre attouchement dénote la présence d'une grande quantité de liquide dans le ventricule correspondant. En effet, le cerveau ayant été retiré de sa boîte osseuse, il s'en est écoulé en peu d'instans une assez grande quantité de sérosité limpide, et l'hémisphère gauche, s'affaissant sous les yeux, s'est réduit au-dessous du tiers du volume que conserve l'hémisphère droit (fig. i et 2 ).

Les figures i et 2 représentent tous les détails de cette atrophie étudiée à l'extérieur du cerveau. La figure 1 montre le vide qui existait entre le cerveau et les parois osseuses du crâne après l'écoulement de la sérosité. La différence qui existe entre les deux hémisphères du cerveau d'une part, et les épaisseurs des parois du crâne de l'autre, est aussi parfaitement indiquée : la figure 2 représente la base de la masse encéphalique : l'atrophie de l'hémisphère gauche du cerveau, l'atrophie du pédoncule cérébral correspondant P A, l'atrophie du tubercule mamillaire du même côté M' contrastent avec le défaut d'atrophie de la protubérance et du bulbe raehidien. Chose bien singulière! le lobe droit LD du cervelet est moins volumineux que le lobe gauche du cerveau, ce qui semblerait indiquer un effet croisé entre le cerveau et le cervelet ; mais la diminution du lobe droit de celui-ci ne saurait entrer en balance avec l'atrophie de l'hémisphère gauche du cerveau.

La figure 3 représente le plancher des ventricules latéraux, la voûte de ces ventricules ayant été enle-

(*) Je dois cette pièce pathologique et l'observation qui l'accompagne à l'obligeance de M. Gueneau de Mussy, médecin de l'Hôtel-Dieu.

VIIIe LIVRAISON.

vée par une coupe horizontale. Or la voûte de l'hémisphère atrophié était réduite à l'épaisseur d'une membrane de la surface externe de laquelle naissaient des espèces de lames formées par les circonvolutions. Le corps strié CS' et la couche optique CO' atrophiés étaient exactement en rapport avec le pédoncule cérébral également atrophié du même côté PA'.

Réflexions. — L'observation qu'on vient de lire peut fournir matière à un grand nombre de réflexions.

i°. Il y avait atropine aussi complète que possible de tout l'hémisphère gauche, et cependant l'hémiplégie était incomplète à droite. Le malade pouvait marcher à l'aide d'un bâton. Comment concilier ce fait avec ces autres faits de tous les jours, qui nous montrent de petits épan-chemens, de petites tumeurs dans le cerveau produisant une hémiplégie complète du sentiment et du mouvement ? Je crois en découvrir la cause dans la différence qui existe d'une part entre l'atrophie du cerveau par compression et l'atrophie sans compression, et, d'une autre part, entre cette atrophie, quelle qu'en soit la cause, et la solution de continuité ou l'interruption des fibres cérébrales. Dans l'atrophie, l'instrument de nos sensations et de nos volitions est sans doute imparfait; mais enfin il existe avec toutes ses parties constituantes qui remplissent tant bien que mal les fonctions qui leur ont été dévolues en partage. Dans la solution de continuité au contraire, un certain nombre de faisceaux médullaires du cerveau sont incapables de transmettre les ordres de la volonté et les impressions venues du dehors ; il y a un hiatus, un intervalle que rien ne saurait franchir.

i°. Lin hémisphère entier était atrophié, réduit au quart de son volume; et cependant le malade jouissait de l'intégrité de ses facultés intellectuelles ; il était doué d'une intelligence ordinaire. Ce cas est donc en opposition avec celui représenté (ve livraison, planche iv), qui nous a offert l'idiotie la plus absolue produite par l'atrophie des deux tiers environ de l'hémisphère gauche du cerveau. Comment expliquer cette différence? Etablissons d'abord une distinction entre les atrophies; les unes sont la suite de destruction, de perte de substance, ou d'une véritable transformation du tissu de l'organe ; les autres sont la suite d'une diminution pure et simple du volume de l'organe, soit par la soustraction d'un liquide qui pénètre les mailles du tissu cellulaire, soit par le rapprochement des fibres de l'organe sans augmentation de densité, soit enfin par le défaut de nutrition des fibres elles-mêmes. Or l'atrophie du cerveau représenté planche iv, ve livraison, doit être rangée dans la catégorie des atrophies avec destruction et transformation, tandis que celle du cerveau représenté ici est évidemment dans la classe des atrophies par défaut de nutrition; en un mot, dans le dernier cas, aucune fibre cérébrale ne manquait, à proprement parler: elles existaient toutes rapetissées, atrophiées, de la même manière que les fibres du poumon existent rapetissées et fortement pressées les unes contre les autres dans l'espèce de lamelle en laquelle cet organe est converti dans le cas d'épanchement séreux ou purulent.

3°. La sérosité qui distendait le ventricule latéral de l'hémisphère correspondant, celle qui remplissait les mailles du tissu cellulaire sous-arachnoïdien me paraissent l'effet et nullement la cause de l'atrophie, et destinées à remplir les vides. Peut-être l'épaississement considérable des os du crâne du côté atrophié est-elle encore un effet de cette atrophie ? Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il n'en est pas la cause ; car, dans cette hypothèse, l'atrophie devrait lui être proportionnelle. Du reste la voûte du crâne présentait les mêmes impressions digitales et les mêmes éminences mamillaires à gauche qu'à droite, ce qui ne prouve nullement que l'atrophie date d'une époque récente, ainsi que j'aurai occasion de le démontrer.

4°. La question de savoir si la maladie est congénitale, ou si elle a eu lieu après la naissance, ne peut donc pas être résolue par l'état des os du crâne. Il n'y a pas eu arrêt de développement, car le cerveau est aussi développé que possible. Il y a donc eu maladie, défaut de nutrition du cerveau; et peu importe, quant au fond de la question, que ce défaut de nutrition ait eu lieu pendant la vie intrà-utérine ou pendant la vie extrà-utérine.

8e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DU CERVEAU. (Idiotie)

MALADIES DU CERVEAU.

( planche vi, viiie livraison. )

Idiotie. — Bonne conformation du crâne, avec absence des deux lobes antérieurs du cerveau et atrophie de son hémisphère droit. Ventricules latéraux ouverts antérieurement; ventricule latéral droit ouvert en outre de côté et en arrière (*).

Vaillosge (Alexandrine-Virginie), idiote de naissance, reçue aux Orphelins à l'âge de douze ans, fut transférée peu de temps après aux Incurables, où elle est morte âgée de quinze ans, par suite d'un dévoiement chronique. Voici les détails qui ont été recueillis sur son état pendant les deux dernières années de sa vie :

L'idiotie était portée au plus haut degré : on était obligé d'habiller et de faire manger cette malheureuse enfant; bien qu'elle jouît de tous ses mouvemens, elle restait des journées entières accroupie, inclinant alternativement sa tête, soit à droite, soit à gauche; elle ne pouvait pas non plus coordonner ses mouvemens pour la marche, il fallait la porter d'un lieu dans un autre. L'olfaction paraissait nulle, ou plutôt la jeune idiote était insensible aux mauvaises odeurs. Les autres sens ne présentaient rien de particulier. Lorsqu'on la menaçait comme pour la frapper, elle poussait des cris affreux. Le besoin d'alimentation était senti ; et, quand elle était pressée par la faim, elle l'exprimait à l'aide de quelques mots bien nettement articulés.

Ouverture du cadavre. Le crâne est très-bien conformé à l'extérieur, sa cavité n'est pas exactement remplie par le cerveau. Les lobes antérieurs (fig. i ) manquent complètement. Une sérosité limpide, contenue dans la cavité de l'arachnoïde, occupait l'intervalle qui sépare l'extrémité antérieure du cerveau de la région frontale de la dure-mère. Chose bien remarquable! les surfaces orbitaires, qui pourtant ne répondaient nullement au cerveau, mais bien à de la sérosité, présentaient des éminences mamillaires et des impressions digitales tout-à-fait semblables à celles d'un individu sain du même âge. D'ailleurs, à part l'absence du lobe antérieur, l'hémisphère gauche remplissait complètement la partie correspondante du crâne; tandis que l'hémisphère droit, dont le volume était à peu près la moitié du volume de l'hémisphère gauche, était séparé des parois du crâne par un espace rempli de sérosité. Les rubans olfactifs étaient sains. On voit sur cette même figure i l'imperfection de la partie postérieure de l'hémisphère droit HD, une large perte de substance OP qui établit une communication entre le ventricule latéral de ce côté et la cavité de l'arachnoïde. On voit encore la partie supérieure de l'ouverture OA que présente le lobe antérieur LA de l'hémisphère gauche HG.

La fig. 2 représente la base du cerveau. Le bulbe rachidien BR, la protubérance annulaire AP et ses prolongemens, le cervelet C, sont dans l'état naturel. Il en est de même des lobes moyen et postérieur de l'hémisphère gauche; mais les lobes moyen et postérieur de l'hémisphère droit présentent une atrophie manifeste. Les lobes antérieurs LA, LA existent à peine, surtout celui du côté droit et à leur niveau. Une large perte de substance OA, O'A' fait communiquer la cavité des ventricules latéraux avec la cavité de l'arachnoïde.

(*} Observations recueillies; pièce pathologique présentée à la Société anatomique, par M. Lacroix, interne provisoire dans le service de M. lîreschet.

viii0 livraison.

La fig. 3 représente le cerveau vu de face, et permet d'apprécier les dimensions des ouvertures de communication OA, O'A' des ventricules latéraux 3 avec la cavité de l'arachnoïde extérieure. L'extrémité antérieure est la grosse extrémité des corps striés CS, CS, qui, dans l'état naturel, se trouve recouverte par les circonvolutions antérieures -, elle est ici à découvert.

La fig. 4 représente le cerveau vu de côté et à droite. L'ouverture postérieure ou plutôt latérale OP de l'hémisphère droit HD, le petit nombre de circonvolutions latérales, le profil des ouvertures antérieures OA, O'A', sont parfaitement indiqués sur cette figure.

L'intérieur du cerveau n'offrait d'ailleurs rien de remarquable.

Réflexions. — L'idiotie dont je viens de tracer les principaux traits, doit être évidemment rapportée à Yidiotie congéniale par défaut de développement (*) et rapprochée du fait représenté planche v, où il est question d'une idiotie produite par l'absence du lobe moyen, avec communication de la cavité du ventricule latéral et de la cavité de l'arachnoïde extérieure : il y avait en même temps atrophie de l'hémisphère correspondant du cervelet. Dans l'un et l'autre cas, nous trouvons le crâne parfaitement conformé; d'où l'impossibilité de juger du volume du cerveau par l'extérieur du crâne. Je n'ai jamais pu comprendre comment un homme d'un mérite aussi incontestable que Gall, a pu imaginer le système de la crânologie. Sans doute le crâne se moule généralement sur le cerveau, dont il n'est qu'une enveloppe ossifiée; mais vouloir que la lame extérieure du cerveau représente, par ses éminences et ses dépressions, les anfractuosites et les circonvolutions du cerveau, c'est une opinion qui est en opposition avec l'anatomie aussi-bien qu'avec la saine physiologie. L'étude approfondie de l'ostéologie du crâne nous prouve en effet « que les deux lames compactes qui constituent les os du crâne sont « tout-à-fait indépendantes l'une de l'autre : l'une, interne, appartient au cerveau; l'autre, « externe, appartient au système locomoteur, qu'elle suit dans son développement; le diploë « est la limite, non-seulement dans l'état sain, mais encore dans l'état morbide. Ce fait ana-« tomique si simple sappe dans ses fondemens la doctrine des protubérances de Gall; car « en admettant, ce que je suis loin d'admettre, que telle ou telle faculté a son siège dans telle « ou telle circonvolution cérébrale; il faudrait, pour légitimer cette doctrine, que ces circon-« volutions se traduisissent à l'extérieur par des protubérances proportionnelles. Or, remarquez « en passant que Gall a placé les plus nobles facultés précisément dans la partie du crâne où « les protubérances extérieures ne prouvent absolument rien relativement aux circonvolutions, « savoir dans la région frontale que soulèvent d'une manière si variable les sinus frontaux (**). »

Les lobes antérieurs du cerveau n'existaient pas ; et néanmoins les surfaces orbitaires présentaient des éminences mamillaires et des impressions digitales tout aussi prononcées que dans le cas d'intégrité de ces lobes antérieurs. Ce fait est en opposition avec cette loi d'anatomie du crâne, connue des anciens, remise en vigueur par Gall et Spurzheim, loi de développement en vertu de laquelle les éminences et les impressions de la surface interne du crâne représentent fidèlement les anfractuosités et les circonvolutions du cerveau. Ce fait confirmerait, au contraire, l'opinion de ceux qui, avec Bichat, pensent que nos organes et les os en particulier, ayant en eux une force de développement qui leur est propre, sont constitués de manière à présenter la même forme, les mêmes apophyses, les mêmes enfoncemens, indépendamment de toutes circonstances étrangères. Dirons-nous, dans le cas dont il s'agit, que les lobes antérieurs avaient existé jusqu'à une certaine époque de la vie extra-utérine, et, qu'ayant été détruits par une cause quelconque, les impressions des circonvolutions sont restées. Mais évidemment cette opinion est insoutenable. Après avoir bien réfléchi à ce phénomène que j'ai eu occasion de constater plusieurs fois, et nommément dans l'hydrocéphale

O Voyez 5e livraison, explication des planches iv et v.

(**) Cours d'études anatomiques 5 anatomie descriptive, t. 1, p. 4^2.

chronique, il me paraît démontré (*) que les deux opinions, émises à ce sujet, sont inexactes lorsqu'elles sont exclusives, et vraies lorsqu'on fait la part de chacune d'elles. J'ai eu occasion de voir un adulte complètement paralysé à la suite de convulsions depuis l'âge de six mois : les os étaient extrêmement grêles, mais présentaient les mêmes éminences, les mêmes cavités que les os du membre opposé; d'un autre côté, si, comme je l'ai dit ailleurs (**), vous remplissez la cavité du crâne de plâtre, que vous retirerez lorsqu'il aura été desséché, vous trouverez sur le moule en plâtre l'image fidèle des circonvolutions et des anfractuosités du cerveau. Comment concilier ce résultat avec le fait représenté planche vi, vme livraison ? Le voici : nos parties sont organisées les unes pour les autres, leurs formes tiennent à des lois de développement indépendantes de toute continuité et de toute contiguité; mais les circonstances normales et anormales de pression, de traction, de contiguité, apportent dans le développement des modifications nombreuses. Ainsi l'athlète, qui a exercé beaucoup ses membres, et l'homme de cabinet ont les mêmes apophyses, les mêmes lignes saillantes ; quelle différence cependant entre les unes et les autres ! De même les os du crâne sont organisés pour présenter des éminences mamillaires et des impressions digitales; et ils les présenteront indépendamment de toute circonstance étrangère; mais si les circonvolutions cérébrales sont peu développées, ces éminences et ces enfoncemens seront à peine marqués; si, au contraire, ces circonvolutions sont très-saillantes, la surface interne du crâne s'accommodera à cette disposition, et représentera fidèlement le moule de la surface du cerveau. Ce que je dis pour les impressions digitales et les éminences mamillaires s'applique parfaitement au développement des os du crâne; ainsi, les lobes antérieurs manquaient, et cependant la région frontale du crâne était dans l'état naturel. Dira-t-on que l'existence de cette région frontale prouve que les lobes antérieurs du cerveau ont existé? mais ce n'est là qu'une hypothèse; et, à supposer qu'ils aient existé, leur destruction aura dû avoir lieu pendant la vie intra-utérine ; mais alors, pourquoi le frontal ne s'est-il pas affaissé ? La sérosité qui occupait tout l'intervalle situé entre le cerveau et les parois du crâne est évidemment destinée à remplir les vides.

Il y avait absence complète des lobes antérieurs du cerveau ; donc l'idiotie est le résultat de cette absence. Mais gardons-nous bien d'en déduire comme conséquence que les lobes antérieurs sont exclusivement affectés à l'exercice des facultés intellectuelles ; l'observation nous démentirait, car la planche v, 5e livraison, fournit un exemple d'idiotie absolue, avec intégrité des lobes antérieurs. Tout vice de conformation du cerveau, quelle que soit la partie de cet organe sur laquelle il porte plus spécialement, a pour résultat l'idiotie.

Remarquons qu'il y avait absence des lobes antérieurs, et cependant la malade avait la faculté d'articuler les sons. Elle exprimait ses besoins pressans par la parole nettement articulée. Donc, la faculté d'articuler les sons ne réside pas plus dans les lobes antérieurs que dans les lobes moyens, que dans les lobes postérieurs.

La malade ne paraissait pas jouir de l'olfaction, et cependant les nerfs olfactifs étaient parfaitement sains. Dirons-nous que l'olfaction est sous l'influence immédiate des lobes antérieurs? non sans doute; dans une fonction aussi complexe que celle d'une sensation, il faut intégrité du sens, intégrité de l'influence nerveuse locale, intégrité du cordon nerveux, intégrité de la partie de l'axe cérébro-spinal, avec lequel il communique, intégrité du cerveau, et souvent même l'attention est nécessaire pour compléter la série des actes qui constituent une sensation.

La malade jouissait de ses mouvemens, mais elle ne pouvait pas les coordonner; dirons-nous que la faculté coordinatrice existe dans les lobes antérieurs ? non certes, pas plus que dans les lobes moyens et dans les lobes postérieurs. La faculté de la coordination suppose d'abord la volonté; en second lieu, l'intégrité de l'instrument par lequel elle agit.

(*) J'avais précédemment adopté l'opinion de Gall d'une manière exclusive. Voyez Maladies du Cerveau (5e livr. p. 5. ) Voyez Cours d'études anatomiques , Loc. cit.

(**) Loc. cit. , p. 481.

Enfin, ce vice de conformation tient-il à un arrêt dans le développement? ou, en d'autres termes, le cerveau de cette jeune idiote représente-t-il d'une manière permanente une des nombreuses phases à travers lesquelles passe le cerveau dans son évolution? Cela me paraît infiniment probable, car les ventricules ne sont pas fermées en avant à une certaine époque du développement du cerveau.

9e. Livraison. Pl. I.

MALADIES DES TESTICULES.

Sarcocèle.

MALADIES DU TESTICULE (SARCOCÈLE.)

(planche i10, ixe livraison.)

\ ¦ K * ¦ t. *

Les faits représentés planche ire, 5e livraison, nous ont fourni des exemples, i°de sarcocèle avec matière perlée; i° de sarcocèle fibreux; 3° de sarcocèle encéphaloïde; 4° de sarcocèle tuberculeux (tubercules épars dans l'épaisseur du testicule). Les faits, représentés planche ire nous feront connaître d'autres espèces et d'autres variétés de sarcocèle.

Sarcocèle epididymaire ou infiltration tuberculeuse de Vépididyme; quelques tubercules commen-

çans dans le corps du testicule, fig. i, i.

Les testicules représentés fig. i et 2 ont été extirpés par M. le baron Larrey sur deux grenadiers de la garde royale, parfaitement bien constitués, l'un âgé de vingt-huit, l'autre âgé de vingt-neuf ans. Voici leur histoire commune qui est à peu de chose près celle de tous les sarcocèles, suite de maladies vénériennes. Ces deux militaires avaient éprouvé antérieurement une maladie vénérienne consistant chez l'un en un chancre sur le gland et un bubon; chez l'autre, en un chancre sur le dos de la verge et deux bubons inguinaux. (Traitement mercuriel sous l'influence duquel les symptômes disparurent prompte-ment.) Six mois après chez celui-ci, deux ans après chez celui-là, augmentation de volume avec sentiment de pesanteur douloureuse dans un testicule; tous deux sont soulagés par des applications émollientes, le repos et quelques sangsues. Mais le testicule conservait encore de la dureté, et néanmoins les deux malades continuaient à se livrer aux travaux de leur profession. Le retour des douleurs les force à entrer à l'hôpital. On reconnaît que l'épididyme est le siège essentiel de la maladie; il est induré, volumineux, peu sensible à la pression. Un traitement mercuriel est employé, mais sans succès : il est vrai qu'il ne fut continué que pendant un court espace de temps; chez l'un d'eux, pendant la durée de ce traitement, une fluctuation se manifeste à la partie antérieure du scrotum. Quelques grains de potasse caustique appliqués donnent issue à une grande quantité de pus. Diminution de volume de l'organe, persistance de la douleur et de la dureté. Chez tous deux, extirpation. Voici quel était l'état du testicule. Celui représenté figure i a été divisé par une coupe verticale en deux parties égales, de l'épididyme vers le corps du testicule ; un épaississement très-considérable de la tunique albuginée sepárele corps du testicule T, T de l'épididyme entièrement tuberculeux ET, ET , et devenu extrêmement volumineux. A peine trouve-1-on dans l'épididyme vestige du tissu primitif ; la matière tuberculeuse ramollie est comme creusée çà et là de petits foyers ; le principal foyer se voit à la partie supérieure en ET. Du reste le corps du testicule est sain; on y découvre quelques petits tuoercules grisâtres, deini-tra nspar en s qui sont à l'état, appelé de crudité. Le canal déférent est dans l'état normal. Le testicule représenté fig. 2 a été divisé en deux parties égales de son bord convexe vers l'épididyme. Sous le scrotum S5 est une poche sous-cutanée CS, fongueuse et contenant quelques fragmens de matière tuberculeuse : cette poche communique d'une part avec l'extérieur par une ouverture fistuleuse, et d'une autre part avec un petit foyer tuberculeux CT, formé aux dépens de la tète de l'épididyme. Un stylet indique le lieu de cette communication. L'épididyme est d'ailleurs infiltré de matière tuberculeuse, mais beaucoup moins que dans la figure 1, et on reconnaît encore dans un grand nombre de points le tissu propre de l'organe. Le corps du testicule est sain ; quelques tubercules sont disséminés dans son épaisseur. Il existait chez ce sujet deux canaux déférens , l'un de calibre ordinaire et l'autre très-petit. Cette disposition n'est pas très-rare.

Réflexions. De toutes les for™«* du sarcocèle. la plus fréquente est sans contredit celle représentée fig. 1 et 2. C'est celle qui m'a paru succéder constamment aux maladies ixe livraison. 1

vénériennes incomplètement guéries et aux inflammations chroniques, suite de contusions; en un mot, c'est la forme la plus générale du sarcocèle qui se développe sous l'influence d'une cause accidentelle, et j'ai été conduit par un grand nombre de faits à regarder cette altération comme le résultat d'une inflammation chronique de l'épididyme. C'est en effet l'épididyme qui est constamment le siège essentiel de la maladie, laquelle procède de la tête ou de l'extrémité renflée vers la queue. Ce n'est que consécutivement que le corps du testicule est lui-même affecté, et alors la maladie s'y propage de deux manières : ou bien l'infiltration tuberculeuse se lait par irradiation le long des prolongemens fibreux radiés qui du corps d'IIigmore pénètrent l'épaisseur du testicule ; ou bien, comme dans les cas dont il s'agit, des tubercules plus ou moins nombreux se manifestent çà et là dans l'épaisseur de la substance propre du testicule.

Quelquefois l'affection tuberculeuse occupe non-seulement l'épididyme et le corps du testicule, mais même le canal déférent et les vésicules séminales, les canaux éjaculateurs et la prostate. Tel est le fait suivant :

Sur un sujet mort de je ne sais quelle maladie , l'un des testicules était volumineux et dur, l'autre ne l'était qu'au niveau de la tête de l'épididyme. Celui-ci présentait pour toute altération une cavité pleine de matière tuberculeuse ramollie occupant la tête de l'épididyme. L'autre testicule offrait dans son corps quelques tubercules gris, épais; l'épididyme était parsemé de tubercules blancs, innombrables. Le canal déférent était sain au sortir de l'épididyme; mais, parvenu dans l'abdomen, il augmentait de volume, devenait blanchâtre, puis présentait des bosselures ou renflemens que séparaient des rétrécissemens circulaires : les vésicules séminales, beaucoup plus volumineuses que de coutume, étaient extrêmement dures et bosselées. Le canal déférent divisé nous a présenté de la matière tuberculeuse dans tous les points altérés. Cette matière tuberculeuse n'avait pas partout la même consistance, et adhérait plus ou moins fortement aux parois. Les vésicules séminales étaient transformées en cellules tuberculeuses creusées de petites arrière-cavités; les conduits éjaculateurs étaient également remplis de matière tuberculeuse, qui les distendait comme l'aurait fait une injection solide : la prostate contenait dans son épaisseur un grand nombre de tubercules creux à leur centre (*).

Rien de plus facile à différencier que les maladies de l'épididyme et celles du corps du testicule. J'attache à ce diagnostic différentiel une importance extrême, puisque je regarde l'extirpation comme généralement indispensable dans les maladies du corps du testicule, tandis que les maladies de l'épididyme me paraissent le plus souvent marquées au coin de la curabilité. L'observation suivante est une preuve de ce qu'on peut obtenir avec de la persévérance dans le traitement des maladies de l'épididyme.

M. S..., âgé de vingt-cinq ans, me fait appeler en avril 1821 pour une inflammation du testicule qu'il a depuis quelques jours. J'examine et je trouve un engorgement douloureux de l'épididyme. Le corps du testicule est parfaitement sain; point de causes probables de cette maladie; ni excès, ni efforts, ni maladie syphilitique ; des douleurs vives avaient précédé pendant plusieurs jours. J'espérais que des sangsues, des bains, des cataplasmesle repos au lit suffiraient pour dissiper cette inflammation de l'épididyme; point du tout : un mois, deux mois se passent; et, malgré l'emploi de tous les antiphlogistiques imaginables, malgré le régime le plus sévère et la position horizontale , l'engorgement s'étend peu à peu de l'épididyme au corps du testicule qui devient bosselé sans augmenter précisément de volume. — Frictions mercurielles, emplâtres de Vigo.—Dans le courant du quatrième mois, deux points fluctuans se manifestent, l'un à la partie supérieure, l'autre à la partie inférieure de la tumeur. Une ouverture pratiquée avec le bistouri donne issue à un pus épais, comme tuberculeux ; mais ces petits abcès paraissent indépendans du corps de la tumeur et le produit de l'irritation exercée sur les enveloppes par les topiques. Le défaut de succès de tous les

(*) Cette pièce, recueillie à l'hôpital de la Charité dans le service de M. Lerminier, m'a été présentée par M. Costollat, élève interne.

moyens employés ne me fait pas perdre l'espérance de la guérison; et bien que d'autres praticiens consultés soient de l'avis de l'extirpation, j'engageai le malade à attendre encore. Je pensais en effet que nous avions affaire à un sarcocèle épididymaire avec matière tuberculeuse infiltrée, et je me fondais i° sur le mode d'invasion de la maladie qui avait attaqué d'abord l'épididyme, 20 sur le mode subaigu du travail morbide, mode qui a ordinairement pour résultat la formation d'une matière tuberculeuse, laquelle se dépose dans les mailles du tissu, et me paraît susceptible de résolution. Je fais saupoudrer les emplâtres fondans d'hydrochlorate d'ammoniaque en poudre. Aux frictions mercurielles je substitue des frictions avec une pommade dans laquelle il entrait de l'éponge calcinée ; je suspendais tous ces moyens, quand il y avait de l'irritation et de la douleur, pour revenir aux cataplasmes émolliens, aux bains et à quelques sangsues. J'étais devenu très-avare des sangsues , parce que le malade , excessivement nerveux, y répugnait beaucoup, et qu'à chaque application il était pris d'une fièvre et d'un malaise qui duraient plusieurs jours. Au bout de huit mois, je n'avais encore rien obtenu. Tout-à-coup, le 5 janvier 1822 , sans cause connue, frisson suivi de chaleur; douleur très-vive au testicule , au cordon et jusque dans la région des reins; le testicule a doublé de volume; il est excessivement douloureux; on dirait d'un individu qui a subi l'opération de l'hydrocèle par injection. (Bains, cataplasmes émolliens, boissons abondantes.) Des sangsues avaient été appliquées trois jours auparavant. L'excessive répugnance du malade pour les émissions sanguines me fait hésiter à les employer de nouveau; j'espère d'ailleurs que cette mutation d'irritation, que cette inflammation bien franche sera d'un bon augure, provoquera la résolution ou amènera la fonte purulente de l'organe. La fièvre et la douleur augmentent les jours suivans. Le testicule et le cordon sont énormes; la région des reins, l'articulation coxo-fémorale et surtout celle du genou sont excessivement douloureuses. Quelques ganglions de l'aine sont engorgés. Le 12 janvier, sueurs abondantes, commencement de détente. Le 20, le testicule et le cordon ont, à peu de chose près, le volume qu'ils avaient avant l'inflammation. Je reconnais la dureté pierreuse et les bosselures qui, avant l'inflammation, caractérisaient la tumeur. Enfin, après dix-huit mois de soins assidus, après avoir proposé plusieurs fois l'extirpation au malade qui l'a rejetée, après avoir passé alternativement des excitans extérieurs aux émolliens, après avoir essayé et abandonné plusieurs fois et les purgatifs qui fatiguaient horriblement le malade, et l'éponge calcinée à l'intérieur, et le calomélas; après avoir expérimenté tour à tour les topiques de ciguë, les emplâtres dans lesquels entraient le cuivre , le plomb, le sous-carbonate de potasse, après deux nouvelles inflammations du testicule moins considérables que celle que je viens de signaler, le malade a guéri parfaitement avec un testicule atrophié, et sa guérison est solide, car elle date de sept ans.

On dira peut-être que l'extirpation est préférable à une guérison achetée au prix de tant d'ac-cidens de toute espèce, guérison qui, au fond, n'est qu'une atrophie. Mais extirper n'est pas guérir, et ce serait le but idéal de l'art que de pouvoir obtenir l'atrophie des portions d'organes ou des organes tuberculeux et cancéreux. Or, je pense que dans l'état actuel de la science, les infiltrations de matière tuberculeuse dans l'épididyme et même dans le corps du testicule, ne sont pas des raisons suffisantes pour l'extirpation.

Les figures 3 et 3' représentent un testicule extirpé à la Maison royale de Santé par M. Paul Dubois. La figure 3 donne exactement la forme régulière et sphéroïde et le volume du testicule et de l'épididyme ; des vaisseaux nombreux serpentent au-dessous de la tunique albuginée. La figure 3' est une coupe de ce même testicule. Une tumeur cancéreuse, parfaitement circonscrite, enkystée, forme les cinq sixièmes supérieurs de la tumeur. Le tissu propre du testicule SS, refoulé en bas et sur les côtés, conserve encore tous ses caractères. Il m'a été extrêmement facile d'enlever la tumeur cancéreuse par énucléation; la substance du testicule n'avait point encore subi les transformations successives que l'on observe après une forte compression. L'épididyme et le cordon des vaisseaux spermatiques sont dans l'état le plus parfait d'intégrité.

Dans des cas semblables ne pourrait-on pas extirper la tumeur en laissant intact le testicule lui-même P Oui, sans doute, s'il était possible d'établir un diagnostic différentiel entre le cancer

enkysté et le cancer infiltré : mais la chose est absolument impossible. D'ailleurs il y aurait bien peu d'avantage à conserver un organe ainsi mutilé, et les chances de repullulation seraient infiniment plus grandes. On lira peut-être avec quelque intérêt l'observation suivante qui se rapporte parfaitement au cas actuel, et qui montre dans tout leur jour les inconvéniens de ces extirpations partielles.

Je fus consulté par M. C... pour un engorgement qu'il portait au testicule droit depuis dix-huit mois environ. L'organe avait doublé de volume, l'état général était excellent. Plusieurs praticiens consultés sont d'un avis différent sur la nature de la tumeur. La plupart penchent pour une hydrocèle; ils se fondaient sur l'indolence de la tumeur, sur sa légèreté, sur sa forme ovoïde, sans bosselures, sur sa mollesse, sur le défaut absolu de douleur. J'eus recours au signe pathognomonique de l'hydrocèfe, et je découvris un peu de transparence à la partie supérieure ; tout le reste était opaque. J'en conclus qu'il n'y avait dans cette tumeur qu'une très-petite quantité de liquide, et j'affirmai que la maladie avait son siège dans le corps même du testicule, sans pouvoir rien statuer sur sa nature. Le malade avait un rétrécissement du canal de l'urètre; il avait eu plusieurs syphilis incomplètement traitées; l'une de ces deux causes pouvait avoir amené la maladie du testicule. Il est décidé qu'on commencera par détruire le rétrécissement; que si la maladie du testicule persiste après le rétablissement du cours des urines, nous aurons recours immédiatement au traitement anti-syphilitique, et que l'extirpation ne sera pratiquée qu'après avoir inutilement employé les moyens les plus rationnels. Le rétrécissement est vaincu à l'aide de bougies à demeure dont j'augmente graduellement le calibre, Un écoulement très-abondant, puriforme , a lieu pendant tout le temps du séjour des bougies ; mais point de changement dans le testicule. Alors traitement anti-syphilitique, qui consiste dans des frictions mercurielles alternées avec la liqueur et dans une forte décoction de salsepareille. Etat stationnaire ; des sangsues à plusieurs reprises, des cataplasmes émolliens long-temps continués ayant été sans aucun résultat; nous avons recours aux frictions avec l'hydriodate de potasse et à l'iode pris à l'intérieur. Une fluctuation aussi manifeste que possible se déclare à la partie antérieure de la tumeur; cette fluctuation s'étend, s'acumine. Je crus à la formation d'un abcès, d'autant mieux que, dans un cas semblable, j'avais observé une terminaison par suppuration. La peau commence à rougir ; je me décide à ouvrir cet abcès prétendu. Par une première incision, la peau est incisée dans l'étendue d'un pouce; je fais ensuite une ponction exploratrice de cinq à six lignes de profondeur à l'aide d'un bistouri; il ne s'écoule que du sang. J'agrandis l'ouverture; j'exerce une légère compression sur la tumeur : il s'échappe au milieu d'une grande quantité de sang noir une matière rougeâtre , granulée, vasculaire, que je pris d'abord pour du sang coagulé ou altéré, mais que je reconnus bientôt pour de la matière encéphaloïde. J'agrandis et l'incision de la peau et celle de la tumeur; mon doigt, introduit dans le fond de la plaie, reconnaît une poche à parois fibreuses contenant une très-grande quantité de matière encéphaloïde que j'amène par fragmens. J'aurais probablement emporté le testicule (qui,par l'effet de la contraction spasmodique du dartos, s'était de lui-même échappé du scrotum) sans l'extrême susceptibilité du malade qui redoutait excessivement cette ablation et qui n'y était nullement préparé. Tout en réfléchissant aux conséquences de cette opération, je vidai complètement la poche,et je pus voir à l'œil et toucher au doigt une vaste cavité à parois fibreuses, très-dures, un véritable kyste fibreux qui circonscrivait exactement la tumeur. Je pensai que j'avais affaire à une masse encéphaloïde enkystée. Peut-être cette masse était-elle développée dans la cavité de la tunique vaginale que je n'avais pas rencontrée dans mes incisions successives et qui était certainement oblitérée, si elle n'était pas le siège de larnaladie. J'étais confirmé dans mon opinion par la consistance molle et naturelle de ce qui restait du testicule après l'ablation de la tumeur, par son volume qui ne dépassait pas le volume ordinaire. Je cherchai l'épididyme que je trouvai intact. Je pensai donc qu'il convenait de respecter le testicule, de déterminer une inflammation des parois de la poche, et je pus espérer, par cette opération insolite, la conservation de l'organe. En conséquence, des boulettes de charpie furent introduites dans la cavité. Au bout de douze heures, la fièvre se déclare; le testicule acquiert un volume considérable. Cinq

jours après, la charpie est détachée par une suppuration fétide; des injections légèrement aromatiques sont pratiquées dans la poche qui se rétrécit chaque jour : le testicule diminue de volume; et le vingt-cinquième jour la cicatrisation est complète.

Cependant le testicule conserve plus de volume que dans l'état naturel. Au bout d'un mois et demi à deux mois, point de diminution. Nous essayons l'iode sous toutes les formes et à doses toujours croissantes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur : des vomissemens que provoque cette préparation nous empêchent de la continuer. Quatre mois après, la tumeur augmente sensiblement de volume; elle double dans l'espace de trois semaines. La face prend un aspect jaunâtre; l'appétit diminue; des douleurs existent à la région fessière du côté malade. Le malade marche tout courbé, et reste au lit la plus grande partie du jour. Il est évident qu'un travail intérieur a lieu dans la tumeur; l'extirpation du testicule est urgente : le malade s'y décide avec peine. Voici quel était l'état de l'organe : son volume est double de celui qu'il présentait lors de la première opération. A la partie antérieure, fluctuation extrêmement manifeste; d'ailleurs, point de douleurs, point d'élancemens; la tumeur ne paraît incommoder que par son poids. L'expérience acquise dans la précédente opération me prouvait assez que j'avais affaire à un cancer encéphaloïde : le cordon était sain ; point d'engorgement manifeste des ganglions lombaires ou iliaques : la douleur fessière, qui s'étendait jusqu'aux lombes, pouvait seule donner quelque inquiétude; mais elle était probablement sympathique. L'opération n'a présenté de remarquable que l'excessive adhérence de la peau aux parties subja-centes, en sorte qu'au lieu d'une énucléation facile, comme cela a lieu le plus souvent, il a été nécessaire de disséquer péniblement la peau dans une bonne partie de son étendue. Il n'est pas besoin de dire que la cicatrice de la première opération a été cernée entre deux incisions semi-elliptiques. Dans un cas semblable, j'enlèverais une plus grande quantité de peau et je m'éloignerais davantage de la cicatrice. J'ai pu m'assurer que la rétraction du cordon immédiatement après sa section était tout-à-fait imaginaire.

Examen de la tumeur. L'épididyme et, à plus forte raison, le canal déférent étaient parfaitement sains. L'épididyme avait subi un allongement remarquable en même temps qu'il semblait atrophié. J'ai estimé sa longueur au double de l'état naturel.

La cicatrice déprimée de la peau adhérait au testicule à l'aide d'un tissu fibreux très-dense. Cette cicatrice m'a conduit dans une poche située dans l'épaisseur du testicule, poche dont les parois étaient denses, fibreuses, à fibres entrecroisées sous toutes sortes de directions et parcourues par un grand nombre de vaisseaux; une couleur brun-jaunâtre indiquait qu'il y avait eu là du sang extravasé comme dans les foyers apoplectiques. La matière contenue était pultaeée, semblable à du sang à moitié décomposé, à moitié décoloré,, mais sans odeur. Etait-ce un tissu encéphaloïde altéré? La substance du testicule, refoulée à la partie supérieure de la poche, se moulait sur elle; la couche la plus superficielle était facile à reconnaître, et pouvait se décomposer en longs filamens jaunâtres. Une couche plus profonde était infiltrée de sérosité, mais encore reconnaissable; enfin la couche la plus profonde, celle qui touchait immédiatement les parois de la poche indiquée, était grisâtre, lobulée, partie pénétrée de vaisseaux sanguins, partie complètement exsangue. Les deux feuillets de la tunique vaginale adhéraient entre eux au moyen de plusieurs couches pseudo-membraneuses parsemées de vaisseaux sanguins et de plaques de sang. Du reste, la cicatrice s'est faite lentement, et le renversement des bords de la peau en dedans a para retarder la guérison, qui n'a été complète qu'au bout de deux mois.

Il y a vingt-huit mois que cette opération a été pratiquée, et le malade jouit de la santé la plus florissante.

Ainsi l'extirpation de la tumeur encéphaloïde avait été complète dans la première opération; il est probable que le malade aurait conservé le testicule s'il avait été possible d'extirper le kyste fibreux qui contenait comme le germe d'une nouvelle production cancéreuse ; mais, ainsi qu'on l'a vu, la substance du testicule était moulée sur la poche, à laquelle elle adhérait intimement, et avait déjà subi en partie cette infiltration séreuse qui précède la con-ixe livraison. i

version des canaux séminifères en cellulosité. Ne pourrait-on pas conseiller comme règle générale d'inciser longitudinalement le testicule avant d'en pratiquer l'amputation? L'examen de la tumeur a démontré que, dans le cas actuel, il n'est pas certain qu'il y ait eu rcpullulation de la tumeur, mais que plus probablement l'accroissement considérable qu'elle avait acquis tenait à lepancbement d'une certaine quantité de sang qui avait subi diverses altérations.

Ainsi le cancer du testicule, comme d'ailleurs les cancers de tous les autres organes, se divise en deux classes : i° en ceux dans lesquels la matière cancéreuse est déposée dans un seul point de l'organe ; i° en ceux dans lesquels la matière cancéreuse est déposée çà et là dans divers points de l'organe. On dit alors que la matière cancéreuse est infiltrée. Dans les deux cas, le tissu propre est parfaitement sain dans le principe, et se reconnaît à ses caractères accoutumés; mais à mesure que la matière cancéreuse s'accumule en plus grande quantité, la compression exercée sur la substance testiculaire d'une part, d'autre part la fluxion séreuse, suite de l'irritation de cette substance, entraînent la décoloration, l'atrophie et la disparution plus ou moins complète de la substance du testicule lui-même. Or, il est extrêmement rare que la matière cancéreuse soit infiltrée çà et là dans l'épaisseur du testicule ; presque toujours elle est déposée dans un point de l'organe; et si on cherche bien, on trouvera le tissu propre du testicule plus ou moins altéré, refoulé vers la circonférence, tantôt ramassé dans un seul point, tantôt disséminé sur une large surface.

Sarcocèle épididf maire. Epididyme fongueux et tuberculeux ; testicule parfaitement sain

' (fig. 4 et 4')-

Les figures 4 et 4 représentent un testicule extirpé par M. le barron Larrey, qui voudra bien trouver ici l'expression de ma gratitude pour la bienveillance et le zèle qu'il met à m'adresser les pièces pathologiques qu'il a occasion d'observer. La figure 4 montre le testicule doublé de volume ; la tunique vaginale, parsemée d'un grand nombre de vaisseaux sanguins et adhérente à elle-même par des liens celluleux très-denses AC. TE est une tumeur formée par l'épididyme. Cette tumeur adhérait intimement aux parties voisines.

La figure 4 représente le testicule et l'épididyme incisés longitudinalement dans toute leur épaisseur, du bord convexe vers le bord épididymaire. On voit que la substance propre du testicule SS est parfaitement saine; mais que l'épididyme a un volume énorme, forme à lui seul les trois quarts de la tumeur testiculaire, et présente à la fois un aspect fongueux et tuberculeux. Je ne puis mieux comparer cet état qu'à celui des synoviales et des ligamens articulaires dans les tumeurs blanches. Du reste, le canal déférent est parfaitement sain. Cette maladie était d'ailleurs, comme la plupart des infiltrations tuberculeuses de l'épididyme, une suite de la maladie vénérienne. L'extirpation était évidemment le seul moyen convenable. Elle a été pratiquée, et le malade a très-bien guéri.

Si l'extirpation des sarcocèles cancéreux est très-fréquemment suivie de récidive ou plutôt de la formation de tumeurs cancéreuses dans d'autres points de l'économie, il n'en est pas de même des sarcocèles tuberculeux ; les premiers affectent surtout le corps du testicule ; les seconds ont presque toujours leur siège dans l'épididyme ; ceux-là sont ordinairement spontanés ; ceux-ci reconnaissent le plus souvent pour cause, soit une maladie vénérienne, soit une constitution scrophuleuse, soit une contusion. Les sarcocèles cancéreux sont incurables dans l'état actuel de la science; les sarcocèles tuberculeux sont curables. De là, la divergence d'opinions qui existe entre les divers praticiens sous le point de vue des chances de succès de l'ablation du testicule. Ceux qui amputent un grand nombre de testicules tuberculeux disent obtenir des succès presque constans; ceux qui n'amputent que les sarcocèles cancéreux disent avoir de nombreux revers, la maladie cancéreuse se manifestant dans d'autres points de l'économie. Ces derniers ne font pour ainsi dire qu'en désespoir de cause l'opération du sarcocèle.

MALADIES DES ARTICULATIONS.

(planches ii, iii, iv, v, vi, ixe livraison.)

Considérations générales.

Centres mobiles de tous les mouvemens qu'exécutent les différentes pièces osseuses qui constituent l'appareil de la locomotion, les articulations présentent une organisation extrêmement complexe, mais variable, suivant le nombre et l'étendue des mouvemens qui devaient être produits : de là les différentes espèces d'articulations mobiles; pour toutes, il a fallu des surfaces glissantes, arrondies et réciproques, revêtues de lames compressibles et élastiques tout à la fois, afin de prévenir les effets des frottemens ; ce sont les cartilages articulaires. En outre , pour quelques articulations sujettes à supporter des chocs et des pressions extrêmement fortes, des lames cartilagineuses libres sont interposées aux cartilages d'encroûtement [cartilages inter-articulaires) ; il a fallu des liens inextensibles, flexibles et très-résistans pour maintenir les surfaces articulaires en rapport : ce sont les ligamens. Enfin, de même que dans nos machines le jeu des rouages est favorisé par les corps gras dont on les enduit, de même il existe dans toute articulation mobile un liquide filant connu sous le nom de synovie, que fournit incessamment une membrane exhalante en forme de sac sans ouverture, appelée synoviale. Partout où il existe de la mobilité, partout se rencontrent ces divers élémens, mais plus ou moins développés, suivant la diversité des combinaisons que présentent la solidité et la mobilité : ainsi, dans les symphyses, bien que les surfaces articulaires soient continues à l'aide d'un tissu fibreux très-dense, des lames cartilagineuses extrêmement minces, des synoviales imparfaites ou rudimentaires, attestent néanmoins la mobilité. Quant aux articulations immobiles ou synarthroses, je regarde les os qui les constituent comme des pièces d'ossification tardivement réunies, bien plutôt que comme de véritables os.

De la structure des articulations, des usages auxquels elles sont destinées, découlent toutes leurs lésions spéciales et les formes particulières que revêtent les lésions qui leur sont communes avec les autres parties du corps. Ainsi, les articulations étant l'aboutissant de toutes les violences extérieures, sont exposées non-seulement aux contusions, aux plaies, aux écrase-mens, mais encore aux distensions des ligamens sans déplacement des surfaces contiguës [entorses), aux déplacemens [luxations). Les frottemens répétés usent à la longue les cartilages articulaires [usure des cartilages articulaires), maladie que j'ai toujours vue précédée d'une altération de sécrétion de la synoviale. Lorsque la synovie est sécrétée en trop grande quantité, il en résulte une hydropisie articulaire [hydarthrose). H y a des hydarthroses formées par un amas de synovie, d'autres par du pus, d'autres par du sang. La membrane synoviale, comme d'ailleurs toutes les membranes séreuses, est très-sujette à l'inflammation [arthrite), que l'on distingue, sous le rapport des causes, en traumatique, rhumatismale, scrophuleuse, et sous le point de vue du mode, en aiguë et en chronique. Les tumeurs blanches me paraissent consister essentiellement dans une inflammation chronique de la synoviale. La goutte articulaire a pour caractère fondamental un vice de sécrétion de la synoviale et le dépôt d'urate et de phosphate de chaux dans l'intérieur des capsules synoviales, dans l'épaisseur des franges synoviales, à la surface et dans l'épaisseur des cartilages articulaires, à la surface et dans l'épaisseur des ligamens qui entourent l'articulation, et dans l'épaisseur du tissu cellulaire environnant. Des corps étrangers peuvent se former dans l'intérieur de l'articulation [corps étrangers articulaires). Les caries articulaires sont extrêmement fréquentes, vu la structure spongieuse des extrémités, et extrêmement graves, vu le voisinage de l'articulation. Enfin, les surfaces articulaires, de contiguës qu'elles sont dans l'état naturel, peuvent devenir continues ; ixe livraison. i

c'est Xankylose, que je divise en ankylose par invagination, ankylose par juxta-position, ankylose par fusion.

DES LUXATIONS EN GÉNÉRAL.

Il n'est peut-être aucune partie de la chirurgie dont l'histoire approche davantage de ce but idéal que l'on appelle perfection, que celle des luxations. L'étude approfondie de la configuration et des rapports des surfaces articulaires, des moyens d'union des os, des mouvemens qu'exécutent les articulations, des changemens de rapports qui ont lieu dans ces divers mouvemens, des muscles qui les produisent, en un mot du mécanisme des articulations, conduit nécessairement à la connaissance des déplacemens dont ces articulations sont susceptibles, et de la fréquence relative de ces déplacemens. Mais, pour compléter l'histoire des luxations, il nous manque encore une bonne anatomie pathologique de cette branche importante des maladies chirurgicales, et c'est cette lacune que je vais essayer de remplir. Or, cette anatomie pathologique devra comprendre : i° les rapports des parties dures et l'état des parties molles, ligamens, tendons, muscles, tissu cellulaire, vaisseaux et nerfs, immédiatement après la luxation; i° les rapports des parties dures et l'état des parties molles, huit, quinze jours, un mois, deux mois, trois mois après la luxation; 3° enfin, l'état des parties molles et des os lorsqu'une articulation nouvelle aura été formée.

Luxations de r articulation radio-carpienne. (planches ii et m.)

Si je consulte les auteurs relativement aux luxations de l'articulation radio-carpienne, je suis loin d'être satisfait ; il semble qu'ils aient tracé a priori l'histoire de ce genre de luxations : un des vices fondamentaux du plus grand nombre des traités dogmatiques, c'est de parler de la même manière et en termes aussi positifs des points litigieux de la science que des points bien constatés. Pourquoi craindre de montrer à tous les yeux les vides de la science ? Au moins, l'attention de tous serait éveillée sur ces lacunes, et des travaux arriveraient en foule pour les combler.

Les luxations d'une articulation étant une conséquence nécessaire des mouvemens qu'elle exécute, je crois devoir rappeler ici ce que j'ai dit ailleurs au sujet du mécanisme de l'articulation radio-carpienne :

« L'articulation radio-carpienne étant une articulation condylienne, doit présenter les quatre « mouvemens fondamentaux : flexion, extension, adduction, abduction, et le mouvement de « circumduction qui résulte du passage successif de lun à 1"autre de ces mouvemens. Dans la « flexion, la surface convexe du carpe glisse d'avant en arrière sur l'extrémité inférieure du « radius et du cubitus ; cette surface convexe soulève fortement les ligamens dorsaux ; et si le « mouvement de flexion ne se partageait pas entre l'articulation radio-carpienne et l'articula-« tion des deux rangées entre elles, ce mouvement serait extrêmement borné d'une part, et « d'une autre part les luxations en arrière du poignet deviendraient extrêmement fréquentes. « Joignez à cela que la flexion du poignet se ferait à angle et non point suivant une courbe « régulière non moins favorable à la grâce qu'à la solidité des mouvemens. Au demeurant, la « résistance des ligamens dorsaux qui sont si peu considérables et en quelque sorte incom-« plets, imposant seule des limites au mouvement de flexion, on conçoit combien, sans cette « répartition du mouvement entre deux séries superposées d'articulations, les entorses et les « luxations du poignet seraient faciles dans une chute sur la face dorsale du poignet fléchi. « Dans la luxation, les extrémités inférieures des os de l'avant-bras se déplacent en arrière, « et par conséquent l'extrémité supérieure du carpe se déplace en avant ; ce n'est donc pas la « luxation en arrière de la main qui s'opère dans le mouvement exagéré de flexion, mais bien « la luxation en arrière de l'avant-bras (*).

(*) Cours d'Études anatomiques, t. i, part. 2, p. 866. Il y a clans l'ouvrage cité une faute typographique. Au lieu de en avant de T avant-bras, lisez en arrière de Vavant-bras.

9e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DES ARTICULATIONS. (Luxations de la mainsur l'avant-bras.)

« Dans l'extension, la tête ob longue du carpe roule d'arrière en avant sur la cavité radio-r cubitale ; mais comme cette tête est articulaire dans une plus grande étendue en arrière « qu'en avant, il en résulte que ce mouvement peut être impunément porté beaucoup plus « loin que le mouvement opposé : les forts ligamens antérieurs de l'articulation radio-car-« pienne, ceux non moins puissans de l'articulation des deux rangées, opposent une barrière « presque invincible au déplacement. Remarquez, d'ailleurs, que le mouvement d'extension « est le mouvement naturel de l'articulation du poignet, qui n'est jamais plus solide que lorsque « la main fait un angle droit avec l'avant-bras dans le sens de l'extension, tandis qu'elle n'est « jamais moins solide que lorsqu'elle fait un angle droit avec l'avant-bras dans le sens de la « flexion; aussi la luxation en arrière du carpe ou en avant de l'avant-bras, et même les « entorses du poignet en avant, sont-elles excessivement rares. »

C'était à priori et l'articulation du poignet sous les yeux que je décrivais ainsi les mouvemens de cette articulation, et que je déterminais ce qui devait se passer dans la luxation : quel n'a pas été mon étonnement en lisant ce que les auteurs ont écrit à ce sujet ! Voici de quelle manière s'explique sur l'articulation du poignet un auteur, dont personne ne contestera ni l'exactitude consciencieuse ni l'expérience consommée, M. Boyer {Malad. chirurg., t. 2, p. 2 $7) : « Dans la luxation en devant (du carpe), la main est fixée dans une extension propor-« tionnée au degré du déplacement, les doigts sont plus ou moins fléchis; le carpe fait une « saillie remarquable à la partie antérieure de l'articulation; on voit en arrière, au-dessous de « l'extrémité inférieure du radius, une dépression d'autant plus étroite et ressemblant d'autant « mieux à un pli transversal, que la main est plus renversée en arrière : les tendons des muscles « fléchisseurs sont dans une tension considérable manifeste. »

A la lecture de cet article, je pensais que mes prévisions n'avaient pas été sanctionnées par la pratique ; et bien que dans l'étude des sciences d'observation on doive être accoutumé à de semblables mécomptes, cependant les élémens de toutes les questions relatives aux luxations sont si clairs, si positifs, qu'il était bien difficile que la théorie et la pratique tinssent un langage tout-à-fait opposé.

Ce serait un grand perfectionnement apporté dans le langage des luxations que de dénommer ces luxations d'après l'extrémité articulaire qui, en se déplaçant, déchire les ligamens. Ainsi, dans les luxations de l'articulation du poignet, ce sont évidemment les os de l'avant-bras qui se déplacent en arrière du carpe. Nous les appellerons donc luxations de l'avant-bras en arrière, et non point luxation du carpe en avant.

Le fait représenté planche 2, 9e livraison, confirme pleinement les résultats a priori auxquels j'étais parvenu.

Luxation en arrière de Vavant-bras sur la main (*).

Le sujet de cette observation est une femme adulte sur laquelle je nJai pu recueillir aucune espèce de renseignement. La figure 1 représente le coude, l'avant-bras et la main vus de profil du côté radial. L'avant-bras paraît beaucoup plus court que de coutume ; il forme un angle droit avec la main, qui est en outre inclinée sur le bord radial de l'avant-bras; l'inclinaison peut être aisément portée jusqu'au contact du bord radial de la main et du bord radial de l'avant-bras. L'extension est impossible; la flexion peut être portée beaucoup plus loin que sur la figure; les extrémités inférieures du radius et du cubitus font sous la peau une saillie considérable; celle du radius R est moins saillante, et descend beaucoup moins que celle du cubitus C. L'extrémité supérieure du carpe se trouve sur un plan supérieur et antérieur à celui de l'extrémité inférieure des os de l'avant-bras. Si la main avait pu être portée dans l'extension, pas de doute que l'extrémité supérieure du carpe ne fît en avant, sous la peau, une saillie proportionnelle à celle que font en arrière les extrémités inférieures du radius et du cubitus. On voit donc que ce fait est en opposition formelle avec la description donnée par M. Boyer, et confirme pleinement les prévisions de la

(*) Je dois ce fait intéressant d'anatomie pathologique au zèle de M. Delestre.

théorie. Devons-nous le regarder comme un cas exceptionnel? mais en mécanique il n'y a point d'exception à proprement parler, les mêmes causes devant toujours produire les mêmes effets; je ne saurais concevoir qu'une luxation causée par une chute sur la face dorsale de la main fléchie sur l'avant-bras puisse avoir pour résultat une luxation avec extension de la main.

La figure 2 représente l'avant-bras et la partie voisine de la main disséqués et vus de profil du coté radial, comme dans la figure 1. Tous les muscles du bras sont atrophiés, mais l'atrophie porte principalement sur les radiaux et les cubitaux, muscles propres de l'articulation du poignet, et sur les pronateurs et les supinateurs, muscles propres des articulations radio-cubitales. Cette atrophie s'explique aisément ; car les mouvemens de flexion, d'extension, d'adduction et d'abduction , de même que ceux de pronation et de supination, devaient être nuls ou presque nuls. R est l'extrémité inférieure du radius; C, celle du cubitus qui déborde le précédent de 5 à 6 lignes. Les tendons réunis des radiaux postérieurs et des extenseurs communs et propres, sont reçus dans une gouttière profonde creusée sur la face postérieure de l'extrémité inférieure du radius. Les tendons des radiaux postérieurs et du long extenseur propre du pouce sont interrompus au niveau de cette gouttière osseuse à laquelle ils adhèrent intimement. T est le trapèze qui s'articule avec le premier métacarpien (Ier M), et qui est séparé du radius par un petit os, vestige du scaphoïde.

La fig. 3 représente l'avant-bras et le carpe disséqués et vus de profil du côté cubital. Le cubitus est profondément excavé en CE, au-dessus de son extrémité inférieure C, pour recevoir une apophyse saillante et articulaire du radius. On voit le tendon du cubital postérieur CP se réfléchissant sur le cubitus pour venir s'insérer au cinquième métacarpien; le cubital antérieur atrophié CA s'insérant à Tos pisiforme OP, le pyramidal P uni au cubitus à l'aide d'un ligament extrêmement long L qui permettait à la main de s'incliner fortement sur le bord radial de l'avant-bras.

Les figures 4 et 5 représentent, la première, les os de l'avant-bras ; la seconde, les os du carpe et du métacarpe. Le radius (fig. 4) est raccourci} déformé. La déformation porte principalement sur l'extrémité inférieure qui est volumineuse, comme écrasée, profondément échancrée en EC pour recevoir et loger les tendons réunis des muscles extenseurs. H y a une sorte de transposition de la facette articulaire inférieure du radius qui occupe le côté antérieur de cette extrémité. On voit très-bien l'échancrui e CE du cubitus destiné à recevoir l'apophyse saillante de l'extrémité inférieure du radius. Comme tout est en harmonie dans le système osseux, il est rare qu'un os soit déformé à l'une de ses extrémités sans qu'il ne le soit plus ou moins à l'autre extrémité et même dans toute sa longueur; aussi le corps du radius est-il plus volumineux que dans l'état naturel, ses lignes d'insertion et ses apophyses plus saillantes. L'extrémité supérieure du radius n'est pas creusée pour recevoir la petite tête de l'humérus ; mais cette extrémité est convexe et sa circonférence comme rabattue.

Le carpe présente une déformation bien remarquable, surtout dans la rangée antibrachiale qui est à l'état de vestige. S est le vestige du scaphoïde ; SL, le vestige du semi-lunaire ; P, le vestige du pyramidal ; le pisiforme P a seul conservé sa forme et son volume, ce qui se conçoit aisément puisqu'il ne concourt nullement à l'articulation. Les os de la rangée métacarpienne participent à cette déformation dans celles de leurs facettes qui s'articulent avec la rangée antibrachiale. Ainsi on chercherait vainement la tête du grand os GO et l'apophyse de l'os crochu qui complète cette tête; on n'en trouve que des rudimens. Les facettes supérieures du trapèze T et du trapézoïde T', sont rapetissées, de même que la moitié supérieure de ces os qui devait répondre au scaphoïde atrophié. Au reste, l'atrophie de la première rangée s'explique aisé-ment par le changement de rapport du carpe avec l'avant-bras et par les frottemens contre nature auxquels les os de sa première rangée ont été soumis.

Réflexions. Voilà un exemple de luxation de l'articulation du poignet sans fracture du radius. Les cas de ce genre sont tellement rares, que M. Dupuytren, qui, dans sa longue et brillante pratique, a eu tant d'occasions de voir des luxations de toute espèce, en conteste l'existence, et

9eme. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DES ARTICULATIONS.

Luxation du poignet.

Luxation du Coude.

regarde tous les cas de luxation du carpe sur l'avant-bras, rapportés parles observateurs eonime des cas de luxations consécutives à la fracture de l'extrémité inférieure du radius. Ce point de doctrine vient d'être le sujet d'une dissertation soutenue à la Faculté. Comme j'attaquais le candidat sur une proposition de sa thèse dans laquelle il rejetait l'existence de la luxation primitive du carpe sur l'avant-bras, comme je lui démontrais la possibilité de cette luxation, en m'appuyant sur la configuration des surfaces articulaires, sur la disposition des ligamens, et sur les mouvemens qu'exécute l'articulation, M. Marjolin, président de l'acte, prit la parole, et dit qu'il partageait depuis long-temps l'opinion de M. Dupuytren à cet égard. Il cita entre autres faits celui d'un maçon qui tomba d'un lieu élevé, et mourut quelques heures après. Parmi les lésions graves qu'il présentait, M. Marjolin crut reconnaître une luxation de la main sur l'avant-bras; mais les parties molles ayant été disséquées, il vit qu'il existait réellement un écrasement de l'extrémité inférieure du radius. Que conclure de là? que la luxation de la main sur l'avant-bras est impossible ? Je ne le pense pas ; mais bien qu'elle est excessivement rare ; que le plus souvent on a pris pour ces luxations des déplacemens consécutifs aux fractures avec écrasement de l'extrémité du radius : je ne conçois pas en effet de luxation possible sans fracture dans une chute sur la paume de la main; car alors la répulsion du sol portant entièrement sur l'extrémité inférieure du radius et nullement sur le cubitus, il y a écrasement de cette extrémité inférieure. D'une autre part, je ne conçois pas de fracture du radius possible par l'effet d'une chute sur la face dorsale de la main fléchie sur la face antérieure de l'avant-bras. Le célèbre chirurgien de l'Hôtel-Dieu me parait avoir été séduit par l'analogie qui existe entre l'articulation tibio-tarsienne et l'articulation radio-carpienne : car on sait que les luxations latérales de la première articulation sont excessivement rares sans fracture.

Luxation en avant du carpe sur Vavant-bras, (planche iii.) (*)

Tandis que la planche 2 (9/ liv.) nous a offert un exemple de luxation du poignet, qui est en opposition complète avec la description donnée par les auteurs, le cas représenté planche 2, fig. 1, 2 et 3, rentre entièrement dans cette description. Ainsi, nous trouvons la main fixée dans l'extension, le carpe faisant du côté de la face palmaire une saillie considérable, tandis qu'il existe une dépression transversale au-dessous des extrémités inférieures du radius et du cubitus.

La fig, 1 représente la main et l'extrémité inférieure de l'avant-bras vues de profil du côté cubital. La main forme un angle droit avec l'avant-bras; la flexion est impossible : l'extension pouvait être portée beaucoup plus loin; l'avant-bras s'articule non plus avec le bord supérieur, mais bien avec la face dorsale du carpe.

La fig. 2 représente la même articulation du poignet vue du côté du bord radial. Dans les deux figures, S est le scaphoïde, P le pisiforme, P' le pyramidal, SL le semi-lunaire, T le trapèze. FAR (fig. 1) est une facette articulaire du cubitus dont je n'ai pu déterminer l'origine ; BTE (fig. 1 et 2) est une bride fibreuse dans l'épaisseur de laquelle sont compris les tendons des muscles extenseurs. Cette bride présente tous les attributs d'une cicatrice ; elle est inextensible et s'oppose complètement à la flexion de la main sur l'avant-bras; aussi est-il extrêmement probable que c'est à l'existence de cette bride, suite présumée de brûlure, qu'est due le déplacement. Ce n'est pas la première fois que des brûlures, avec perte de substance de la peau, ont entraîné de semblables déplacemens des os ; les caroncules dont se couvrent les solutions de continuité sont douées d'une grande force de contractilité, en vertu de laquelle elles attirent les tégumens de toutes parts, et avec les tégumens les parties dures aussi-bien que les parties molles. Le chirurgien doit lutter incessamment contre cette force de rétraction, qui ne cesse que lorsque la cicatrisation est achevée.

(*) Pièce anatomique présentée à la Société anatomique par le docteur Maure, l'un de ses membres,

ixe livraison. 2

La fig. 3 représente, séparés, le carpe et l'avant-bras. Les extrémités inférieures du radius et du cubitus, ER et EC, s'articulent avec les facettes dorsales du scaphoïde S, du semi-lunaire SL, du pyramidal P'. Ces facettes étaient devenues articulaires et encroûtées de cartilages: les facettes supérieures, autrefois articulaires, étaient au contraire dépourvues de cartilages et déformées.

Luxation du radius en arrière sur l'humérus (*).

Les figures 4? 5 et 6 (planche 3) représentent une luxation en arrière de l'extrémité supérieure du radius droit sur l'humérus.

La fig. 4 représente cette articulation vue par devant; TH est la troklée numérale, PT la petite tête de l'humérus, C le cubitus, R le radius, dont la tête et le col sont situés en arrière et en dehors de l'extrémité inférieure de l'humérus; CF est une coupole fibreuse qui reçoit la tête TR du radius. Cette coupole m'a paru formée aux dépens du muscle anconé et de l'aponévrose si épaisse qui le revêt. Peut-être les débris du ligament latéral externe de l'articulation et du ligament annulaire ont-ils concouru à sa formation. TB est la tubérosité bicipitale du radius, à laquelle tient encore le tendon du muscle biceps.

La fig. 5 représente la même articulation demi-fléchie vue du côté externe ; CF est la coupole fibreuse ; TR la tête déformée du radius; AO l'apophyse olécrane.

La fig. 6, qui représente le radius isolé, permet d'apprécier la déformation qu'a subie la tête, qui est convexe et oblongue; le col du même os est comme effilé, grêle et déjeté en dehors : la tubérosité bicipitale TB est à peine prononcée.

La fig. 4 (planche 4) représente un autre cas de luxation en arrière de l'extrémité supérieure du radius gauche sur l'humérus. Ainsi que dans l'exemple précédent, la tête du radius est au même niveau que le sommet de l'olécrane, et néanmoins, dans les deux cas, les extrémités inférieures ou carpîennes EC des deux os de l'avant-bras sont sur la même ligne et sans aucune espèce de déformation, ce qui prouve qu'il y a eu allongement de la tête et du col du radius, et non point ascension de cet os : la tubérosité bicipitale, qui n'est plus qu'à l'état de vestige, et par conséquent l'insertion du biceps TB, répondent au niveau de l'apophyse coronoïde du cubitus. De même que dans le cas précédent, une coupole fibreuse CF coiffait la tête déformée et déjetée en dehors du radius et s'attachait d'une autre part au bord externe de l'olécrane. Une couche très-mince de cartilage revêtait cette tête: il n'y avait plus de petite cavité sygmoïde du cubitus.

Cet avant-bras avait appartenu à un sujet adulte. L'extrémité correspondante était remarquable par Son peu de développement. L'avant-bras était dans la demi-pronation et dans la demi-flexion. Le mouvement de supination était impossible, et le mouvement d'extension incomplet.

Réflexions. Les exemples de luxation de l'extrémité supérieure du radius sur l'humérus, le cubitus restant en place, sont assez rares. M. Boyer ne l'a rencontrée que deux fois dans sa longue et honorable pratique : il ne parait pas avoir eu occasion de l'étudier sur le cadavre. Comme faits d'anatomie pathologique relatifs à cette maladie, je ne connais que la planche cent troisième du bel ouvrage de Sandifort, où l'on trouve représentés deux cas de luxations en arrière du radius avec ankylose des extrémités supérieures du radius et du cubitus. Dans ces deux cas, le radius et le cubitus se croisent à leur partie supérieure comme dans une forte pronation. Dans l'un de ces cas, représenté fig. i, -2, 3, pl. CIII (Muséum anatomicum\ la tête du radius est atrophiée; la petite tête de l'humérus n'existe plus, et semble s'être confondue avec la troklée numérale, pour répondre à la grande cavité sygmoïde du cubitus agrandie. L'adhésion du radius avec le cubitus a lieu dans une grande étendue aux dépens de la face inférieure de l'apophyse sygmoïde du cubitus et de la partie voisine du'plan antérieur du même os. Immédiatement au-dessous de cette coalition, le radius augmente de volume, et se dévie for-

( ) Pièce anatomique présentée à la Société anatomique par le docteur Manec, l'un de ses membres.

9e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DES ARTICULATIONS (Luxations du Coude)

tement. La petite tête de l'extrémité inférieure du cubitus n'existe plus, sans doute parce qu'elle a perdu ses rapports avec la cavité correspondante du radius.

Dans le second cas, il y a également soudure du radius avec le cubitus dans le lieu même de leur entrecroisement : il y a en outre déformation de l'extrémité inférieure du cubitus, dont la tête est réduite à un tubercule : la tête du radius, déformée et déjetée en dehors et en arrière, est divisée en deux parties, l'une qui répond encore à la petite tête de l'humérus, l'autre qui ne pouvait la toucher que dans une flexion exagérée.

Je lis dans le Journal hebdomadaire de médecine (compte rendu de la clinique de M. Dupuytren, par M. Paillard), sous le titre de Luxation congénitale de Vextrémité supérieure du radius sur Vhumérus a droite et a gauche, le détail d'une autopsie qui se rapporte parfaitement à mon sujet : « L'extrémité supérieure de chaque radius avait abandonné sa situation nature relie, se trouvait placée derrière l'extrémité inférieure de l'humérus, et dépassait cette « extrémité d'un pouce au moins. Cette disposition étant absolument la même de chaque « côté du corps, il n'existait aucune différence entre ces deux luxations, qui probablement « étaient congénitales. »

« M. Dupuytren a eu l'occasion d'observer une pareille luxation de l'extrémité supé-« rieure du radius sur l'humérus, il y a vingt ou vingt-cinq ans. Il croit, mais sans pouvoir « l'affirmer, qu'elle existait des deux côtés, et qu'elle était congénitale. A la rigueur, une « pareille maladie pourrait être produite par une violente torsion en dedans de chacun des « avant-bras; une tumeur blanche de l'articulation pourrait aussi en être la cause. Un des « effets très-probables de cette luxation doit être un état de pronation forcée de l'avant-« bras. »

Je ne saurais partager l'opinion du praticien distingué que je viens de citer, sur le caractère congénital de ces luxations, opinion qu'il n'a d'ailleurs donnée que comme probable : il est bien plus naturel d'admettre que ce déplacement est le résultat d'une luxation opérée à une époque*très-éloignée. Or, telle est la disposition de la trochoïde rejjrésentée par l'articulation radio-cubitale supérieure, que cette luxation peut avoir lieu dans une pronation forcée (voyez Cours d'Etudes anatomiques, part. 2e, p. 835). Aucun déplacement n'est plus fréquent chez les enfans que le déplacement incomplet en arrière de l'extrémité supérieure du radius : le défaut de développement de la petite cavité sygmoïde du cubitus, la laxité proportionnelle plus considérable du ligament annulaire en sont les causes prédisposantes, et la pronation forcée, si fréquente chez les enfans que l'on tient par la main, et qu'on veut empêcher de tomber, la cause efficiente.

Lorsque la luxation n'est pas réduite, on conçoit aisément que la pression de l'extrémité inférieure de l'humérus contre la tête et le col du radius produise cet allongement avec amincissement que nous avons remarqué dans les deux cas représentés pl. 3 et pl. 4- Les signes de cette luxation, savoir, la pronation avec impossibilité de porter le membre dans la supination, la demi-flexion avec impossibilité de porter le membre dans l'extension, deviennent permanens.

Si on me demande maintenant pourquoi il y avait ankylose dans les cas représentés par Sandifort, tandis qu'elle n'existait nullement dans les cas représentés planche 3 et planche 4 , je répondrai qu'il serait possible, à la rigueur, que les luxations figurées par Sandifort fussent consécutives à une maladie de l'articulation radio-cubitale supérieure, mais qu'il me paraît plus probable d'admettre qu'il y a eu luxation incomplète en arrière du radius sur l'humérus : or, dans le cas de luxation incomplète, la pronation de l'avant-bras est bien plus considérable, l'immobilité de l'articulation beaucoup plus grande que dans le cas de luxation complète; car, dans la luxation complète, le radius peut tourner sur lui-même, et reprendre, en arrière de la petite tête de l'humérus, la même situation relative qu'il affecte dans 1 état naturel.

Luxation ancienne du coude non réduite (*) ; articulation contre nature avec coque osseuse.

Lorsqu'une luxation n'est pas réduite, une articulation contre nature s'établit dans la position nouvelle que les surfaces articulaires ont contractée, et la nature fait des efforts incroyables pour maintenir ces surfaces en rapport, et pour suppléer autant que possible à l'ancienne articulation. Alors il se trouve que la tête articulaire, soumise à des causes de compression pour lesquelles elle n'a pas été destinée, se déforme et s'atrophie plus ou moins, suivant le degré de cette compression. L'ancienne cavité articulaire, qui n'est plus maintenue dans sa configuration normale par la présence de féminence qu'elle recevait, se rétrécit, se déforme, et quelquefois même s'efface presque complètement. Une nouvelle cavité articulaire s'établit creusée, en quelque sorte, par la pression de la tête, ce qui veut dire que les points de l'os le plus fortement comprimés de la surface osseuse, à laquelle cette tête correspond, s'atrophient, que ceux qui le sont moins sont le siège d'une nutrition plus active, d'où des végétations osseuses; que les parties molles elles-mêmes subissent la transformation osseuse pour compléter la cavité articulaire; que d'autres parties molles ambiantes distendues subissent la transformation fibreuse pour former un ligament orbiculaire ; que souvent les débris des ligamens de l'ancienne articulation servent eux-mêmes de ligamens à la nouvelle. Quelquefois il arrive qu'au lieu de subir la transformation fibreuse, les parties molles environnantes éprouvent la transformation osseuse pour constituer une coque plus ou moins complète qui enchâsse en quelque sorte la tête déplacée, de telle sorte que les mouvemens de l'articulation sont bornés à un glissement obscur. Ce mode d'articulation contre nature à coque osseuse, assez fréquent pour l'articulation coxo-fémorale, est fort rare pour les autres articulations. Les figures i, 2, 3, fourniront un exemple de ce mode de terminaison pour l'articulation du coude.

La figure 1 représente l'articulation du coude vue du roté radial. On y reconnaît tous les caractères de la luxation en arrière des os de l'avant-bras sur le bras. La tête T du radius R et l'apophyse olécrane O du cubitus G proéminent derrière l'extrémité inférieure de l'humérus H. Celui-ci est maintenu dans la flexion par des végétations osseuses VO qui se prolongent en pointe à une très-grande hauteur. L'extension et la flexion du coude sont également impossibles. Tous les mouvemens sont bornés à un chevauchement léger mesuré par la disproportion qui existe entre le volume de l'extrémité inférieure de l'humérus et la capacité de la coque osseuse.

La figure 1 représente l'articulation vue du côté cubital. La végétation osseuse VO, vue de 3/4? peut être étudiée avec tous ses détails. On la voit naître du cubitus et du radius, qu'elle unit solidement l'un avec l'autre, embrasser l'extrémité inférieure de l'humérus sur laquelle elle se moule, se recourber sur elle-même pour se porter directement en haut, et se terminer par une extrémité bifide, mais à dents inégales, à un pouce et demi environ au-dessus de l'extrémité inférieure de l'humérus. Cette végétation présente d'ailleurs plusieurs pertes de substance ou perforations à travers lesquelles on aperçoit l'humérus.

La fig. 3 offre, écartés, l'humérus d'une part, et le radius et le cubitus de l'autre, les uns et les autres vus du côté cubital. Cette séparation ne s'est pas faite sans effort, sans brisement ou ploiement de quelques aiguilles osseuses. On voit la face interne de la végétation osseuse VO et les trous dont elle est criblée : l'apophyse coronoïde du cubitus AC, marquée d'une étoile, était reçue dans la cavité olécranienne de l'humérus CO, également marquée d'une étoile. La première est émoussée.

Ce fait prouve que, dans la luxation en arrière de l'avant-bras sur le bras, le déplacement est borné en arrière par la rencontre de l'apophyse sygmoïde du cubitus avec la cavité olécranienne de l'humérus; que, dans cette luxation, il est impossible qu'il n'y ait pas déchirure plus

(*) Je dois cette pièce anatomique à l'obligeance de MM. Berard , agrégés de la Faculté.

9e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DES ARTICULATIONS.

( Ânchilose de la mâchoire. )

ou moins considérable du muscle brachial antérieur, que le tendon du biceps doit être en général respecté et faire l'office d'une corde tendue qui impose en avant des limites au déplacement. On conçoit que pour peu que la violence qui amène la luxation en arrière des os de l'avant-bras sur le bras soit considérable et agisse d'une manière continue, il doit y avoir déchirure, non-seulement du brachial antérieur, mais encore du tendon du biceps, de l'artère brachiale, des veines brachiales, du nerf médian, et même de la peau, à travers laquelle s'échappe l'humérus. J'ai vu un cas de cette espèce chez une dame qui tomba de cheval sur la face palmaire de la main. Lorsque j'arrivai auprès de la malade, une hémorrhagie foudroyante, causée par la déchirure de l'artère humérale, venait de cesser spontanément à la suite d'une syncope: je réduisis l'avant-bras, me tenant prêt à lier le vaisseau. L'hémorrhagie ne se renouvela pas, malgré les efforts nécessaires pour la réduction : je laissai un aide auprès de la malade; l'hémorrhagie n'a plus reparu, et la guérison a eu lieu comme à la suite de l'accident le moins grave.

Ankylose de Varticulation de la mâchoire inférieure avec Vos temporal, (planche v.)

De toutes les articulations, celle qui est le moins exposée à l'ankylose est, sans contredit, l'articulation temporo-maxillaire : on conçoit en effet difficilement qu'une articulation qui se meut incessamment soit pour l'exercice de la mastication, soit pour l'articulation des sons, doive être exempte d'une maladie qui a pour condition essentielle l'immobilité. Le rhumatisme, la goutte, qui portent leurs ravages sur les articulations de tout le corps, semblent épargner souvent celles de la mâchoire inférieure, et j'ai eu occasion de voir des rhumatismes aigus ou chroniques qui n'avaient respecté que l'articulation de la mâchoire inférieure. Aussi plusieurs auteurs ont-ils révoqué en doute la possibilité de l'ankylose de la mâchoire inférieure : la mort, disent-ils, précéderait l'ankylose, puisqu'on ne conçoit pas de mastication possible avec l'immobilité de cette mâchoire.

Cependant Palfin dit avoir vu l'ankylose de l'une des articulations temporo-maxillaires. Eustachi, Columbo, rapportent des cas semblables. J'en cherche vainement des exemples dans l'ouvrage de Sandifort, si riche d'ailleurs en maladies des os de toute espèce. L'observation suivante (*) est digne de fixer l'attention des hommes de fart; elle prouve d'ailleurs que l'ankylose de l'articulation temporo-maxillaire, et par conséquent l'immobilité absolue de la mâchoire inférieure, peut se concilier avec l'état de santé le plus florissant,

Anne Faure, âgée de quatre-vingt-neuf ans, fut admise il y a deux ans à l'hospice d'Aubusson pour y finir les restes d'une vie passée dans l'indigence, mais sans autres infirmités que celles inséparables de son grand âge. Environ six mois après son entrée, elle pria M. le docteur Grellet de lui arracher une dent qui lui blessait la lèvre. (Il ne lui restait que deux incisives opposées.) Ce médecin ayant voulu lui faire ouvrir la bouche, fut fort étonné de voir que la malade se bornait à écarter les lèvres, et qu'il y avait impossibilité absolue de mouvoir la mâchoire. 11 apprit alors qu'à l'âge de huit ans la malade avait fait une chute sur la face, et s'était cassée plusieurs dents; que depuis cette époque il lui avait été impossible d'ouvrir la bouche; que le défaut d'écartement des mâchoires causait si peu d'incommodité, que la malade s'imaginait n'avoir aucune disposition contre nature.

Pendant sa longue vie, Anne Faure a mangé en promenant les alimens autour des arcades alvéolaires, ce qui tenait lieu de mastication. Elle parlait, chantait; mais la voix était un peu sourde; son langage était assez correct pour que personne ne se soit aperçu de son infirmité. Elle a été mère d'un grand nombre d'enfans, a beaucoup travaillé et a toujours joui d'une santé parfaite.

Cette femme étant morte le 6 novembre 1821 , M. Grellet, aidé de M. Dumas, chirurgien de la maison, enleva la tête pour l'examiner plus à l'aise. Voici les particularités que présente le crâne (planche 4) *

L'ankylose n'occupe que l'une des articulations temporo-maxillaires, l'articulation temporo-maxillaire

(*) La pièce anatomique et l'observation m'ont été adressées par M. Grellet, médecin de l'hospice civil et militaire d'Aubusson. ixe livraison. 3

droite. On avait pu penser qu'elle occupait les deux côtés. L'ankylose A, fig. i, est remarquable par un gros bourrelet osseux qui entoure et soude entre elles les deux surfaces articulaires. La fîg. i présente une coupe verticale de l'articulation. On voit qu'une substance compacte A est interposée entre les deux surfaces articulaires. Il y a ici évidemment tout à la fois ankylose par invagination, une coque osseuse entourant les surfaces articulaires auxquelles elle adhère intimement; et ankylose par fusion, les deux surfaces articulaires étant confondues.

Un bel exemple d'ankylose de la mâchoire inférieure existe dans les cabinets de la Faculté. Il appartient au squelette du capitaine Simon, dont Percy a tracé la déplorable histoire. Les deux condyles de l'os maxillaire inférieur sont soudés aux deux cavités glénoïdes du temporal ; l'ankylose du côté gauche est complète : l'ankylose du côté droit n'existe que dans la moitié interne de l'épaisseur de l'articulation. L'ankylose a lieu par soudure simple ou par fusion, et non point par invagination comme dans le cas précédent. Voici d'ailleurs quelques détails sur ce fait : à la suite de bivouacs dans un terrain humide, les articulations des extrémités inférieures d'abord, puis celles des extrémités supérieures furent successivement le siège de douleurs, auxquelles succéda l'ankylose; la tête elle-même se souda sur la colonne vertébrale. Enfin, l'articulation de la mâchoire inférieure, que les maladies articulaires respectent le plus ordinairement, ayant fini par se souder, le corps du malheureux Simon ne fut plus que d'une seule pièce, un cadavre vivant, suivant sa propre expression. Heureux encore, ajoute M. Percy, si ce cadavre eût été insensible! Cependant,, au bout de plusieurs mois, les douleurs qui jusque-là étaient atroces au moindre contact, se dissipèrent avec le gonflement. Comme ce malheureux avait toutes ses dents, on fut obligé de lui arracher les deux incisives moyennes supérieures ; et à l'aide de cette brèche, on put lui faire avaler quelques alimens, tels que des hachis de viandes, des purées, du pain détrempé. Il articulait très-distinctement les sons, et sa conversation était pleine d'enjouement. Il s'éteignit en 1802 , à l'âge de cinquante ans.

Usure des cartilages articulaires. - Corps étrange?^ articulaires, (planche vi.j

L'usure des cartilages articulaires a été signalée depuis long-temps sous le point de vue anatomique ; et bien qu'elle constitue le plus souvent une lésion consécutive, cette usure me parait devoir appeler l'attention des pathologistes sous le point de vue clinique, et prendre rang parmi les maladies des articulations.

Cette maladie est d'autant plus importante à étudier, qu'elle est habituellement confondue avec la goutte, le rhumatisme, la tumeur blanche, et combattue par des moyens extrêmement actifs, dont le moindre inconvénient est leur inutilité. L'usure des cartilages articulaires est un des effets les plus graves et les plus constans de l'inflammation, soit aiguë, soit chronique , des membranes synoviales : cet effet persiste indépendamment de la cause qui l'a produit, et alors les malades éprouvent une rigidité singulière dans l'articulation affectée ; ils sentent, ils entendent des craquemens dans l'exercice des mouvemens qui sont plus ou moins douloureux ; et ces craquemens, cette rigidité, ces douleurs sont surtout considérables au moment où le malade commence à mouvoir l'articulation, particulièrement le matin, après le repos de la nuit : d'autres fois, au contraire, ces phénomènes ne surviennent qu'après une marche plus ou moins longue, ou un exercice plus ou moins prolongé de l'articulation. J'ai connaissance d'un cas ce genre, dans lequel, pour combattre cette rigidité douloureuse, des praticiens distingués, méconnaissant le véritable caractère de la maladie, ont eu recours aux applications réitérées de sangsues pendant plusieurs mois, ne laissant au malade de repos que celui nécessaire pour réparer son sang; ce traitement ayant échoué, les vésicatoires, les sétons ont été employés avec aussi peu de succès. Peu s'en est fallu qu'on ne proposât l'amputation.

La première fois que j'ai fait l'application clinique du fait anatomique de l'usure des cartilages articulaires, c'est sur une malade âgée de cinquante ans environ, qui, vingt ans auparavant, à la suite d'un accouchement laborieux, avait été prise d'un rhumatisme articulaire

9e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DES ARTICULATIONS. ( Corps étrangers.)

aigu, lequel parcourut successivement toutes les articulations ; les douleurs diminuèrent, mais ne se dissipèrent pas complètement. La malade, sans éprouver de nouvelles atteintes de rhumatisme, sentit peu à peu ses genoux devenir roides et douloureux. Elle entendait, disait-elle , des craquemens articulaires par l'effet de la moindre marche, et même dans les mouvemens qu'elle faisait dans son lit. Bientôt les articulations coxo-fémorales, scapulo-humérales, huméro-cubitales, radio-carpiennes, métacarpiennes et phalangiennes furent prises de la même manière. Les eaux minérales de toute espèce prises sur les lieux, tous les remèdes imaginables conseillés par les médecins les plus célèbres ayant échoué complètement, un nouveau médecin consulté place de très-larges moxas de chaque côté du genou. L'ustion pénétra jusqu'aux tissus fibreux de l'articulation. La suppuration fut très-abondante. La malade se crut soulagée; elle consentit à ce que deux nouveaux moxas fussent appliqués autour de l'autre articulation du genou, même avant la complète guérison des premiers. Ce fut après cette seconde application queje fus appelé. Ne voyant pas d'augmentation notable de volume dans les articulations, et sans savoir précisément à quelle maladie nous avions affaire, je ne pouvais trop me rendre compte des bons effets des moxas ; mais ces bons effets ne furent que temporaires, car après la guérison des plaies qui leur succédèrent, et cette guérison n'eut lieu qu'au bout de trois mois de suppuration, les articulations étaient tout aussi roides, tout aussi douloureuses qu'auparavant, et la constitution de la malade considérablement affaiblie. Je pensai que des mouvemens imprimés chaque jour aux articulations, qu'un exercice forcé rendraient aux ligamens leur souplesse et activeraient la sécrétion de la synovie. La malade suivit mes conseils avec courage ; mais une augmentation de rigidité et de douleurs survenait à chaque fois qu'elle faisait un peu plus d'exercice que de coutume. Un repos de quelques jours devenait nécessaire, et il me fut facile de voir que je n'étais pas sur la voie du traitement. Long-temps j'espérai qu'une ankylose mettrait un terme aux douleurs, comme dans le cas d'ankylose générale rapporté par Percy; l'événement ne justifia pas mon attente. Enfin, un jour, cherchant à me rendre compte de cette maladie, qui semblait ne se rallier à aucune des espèces de maladies articulaires consignées dans nos cadres nosologiques, je m'avisai d'imprimer des mouvemens en sens inverse aux articulations des doigts ; ces mouvemens réveillèrent la douleur et produisirent un craquement semblable à celui de deux surfaces rugueuses qui frotteraient l'une contre l'autre. J'obtins le même phénomène sur toutes les articulations douloureuses ; dès ce moment j'ai reconnu que la maladie consistait dans l'usure des cartilages, et au lieu de conseiller des mouvemens forcés, je m'empressai de prescrire le repos le plus absolu. Je ne connais en effet aucun moyen de remédier à cette usure, de suppléer des cartilages détruits, de favoriser leur reproduction, et cependant tous les jours la nature couvre de cartilages nouveaux des surfaces osseuses qui n'étaient point destinées à frotter les unes contre les autres, ou des végétations osseuses nouvelles. Dès le moment que deux surfaces osseuses articulaires sont dénuées de cartilages, elles s'usent en raison directe des frottemens. Aucun phénomène vital ne se manifeste sur ces surfaces : une couche éburnée incessamment reproduite aux dépens de la portion osseuse elle-même les recouvre. Si l'usure est bornée à une ou deux articulations, il faut les maintenir dans l'immobilité : plus vous ferez exécuter de mouvemens, plus l'usure fera de progrès, et consé-quemment plus la gène et la douleur seront considérables.

La cause de cette usure est l'inflammation chronique de la synoviale. Combien de douleurs articulaires permanentes, qu'on qualifie de rhumatismales, ne tiennent-elles pas à cette usure ! Consulté dernièrement par une dame qui éprouvait des douleurs très-vives dans l'articulation du genou, aussitôt qu'elle avait fait une marche un peu longue, je reconnus dans l'usure des cartilages articulaires la cause de ces douleurs : et aux sangsues, aux vésicatoires dont elle avait fait un fréquent usage et qu'on lui conseillait encore, je substituai le conseil d'éviter la fatigue de l'articulation, et de s'arrêter à la manifestation de la plus légère douleur. Depuis ce moment, la malade ne s'aperçoit plus de son incommodité.

Toutes les articulations sont susceptibles d'usure, parce que toutes sont susceptibles d'inflammation, soit aiguë, soit chronique, dans leurs synoviales ; en quelques jours l'inflammation

aiguë de la synoviale peut déterminer L'exfoliation et l'usure des cartilages, et par suite l'usure des surfaces articulaires; mais ce n'est qu'au bout d'un temps très-long que l'inflammation chronique des synoviales a pour résultat l'usure progressive des cartilages et des surfaces articulaires; or, la cause la plus habituelle de cette inflammation chronique, c'est une affection rhumatismale ou bien l'exercice porté au-delà de la mesure convenable. Ainsi, chez les chevaux surmenés, ce sont les articulations du tarse et du carpe avec la jambe et l'avant-bras qui sont le siège de l'usure la plus considérable, et souvent ces articulations sont converties en des ginglymes angulaires à réception réciproque, remarquables par la profondeur de leurs rainures et la saillie correspondante de leurs éminences. Chez l'homme, l'articulation la plus exposée à l'usure est sans contredit l'articulation du genou, parce que cette articulation est celle qui souffre le plus dans la progression. Chez le manouvricr, les articulations sterno-claviculaires et acromio-claviculaires, centre des mouvemens de l'extrémité supérieure tout entière, sont remarquables par la fréquence de l'usure: et le plus souvent, à l'aide de ce seul indice, savoir l'usure des articulations précitées, on pourra déterminer sur le cadavre si l'individu se livrait à des travaux pénibles ou bien à des occupations de cabinet, circonstance qui ne serait point à dédaigner en médecine légale. Chez quelques sujets toutes les articulations, sans en excepter l'articulation temporo-maxillaire, présentent de semblables usures. J'ai eu occasion de décrire ailleurs un «rand nombre de variétés d'usure des cartilages articulaires; toutes présentent ces caractères communs que les surfaces articulaires sont inégalement usées, et que l'usure est en raison directe des frottemens ou de la pression. Ainsi, dans l'usure de l'articulation du genou, c'est toujours sur le condyle interne du fémur et sur la cavité glénoïde correspondante du tibia, que porte principalement l'usure, parce que c'est à cette partie interne de l'articulation qu'est transmis plus spécialement le poids de tout le corps. La figure 2 en est un exemple. Les surfaces articulaires sont remarquables par leur aspect lisse et poli, leur blancheur, la dureté éburnée qu'elles présentent, et les rayures parallèles et plus ou moins profondes (fig. 1,2,2') dont elles sont sillonnées dans le sens des mouvemens. On dirait d'un corps inorganique qui s'use par le frottement. Tant qu'existent les cartilages d'encroûtement, les mouvemens les plus répétés et les plus violens ont lieu sans la moindre usure ; mais aussitôt que ces cartilages ont été détruits, les surfaces osseuses dénudées n'étant pas organisées pour supporter impunément le frottement, il y a usure; des végétations osseuses se forment tout autour des surfaces articulaires détruites, qu'elles sont destinées à remplacer; les tètes s'écrasent, s'aplatissent, se détruisent plus ou moins complètement ; les cavités s'effacent ou deviennent plus profondes ; les unes et les autres se déforment, si bien qu'on serait tenté de croire qu'il y a eu fracture. C'est ce qui est arrivé bien des fois pour les articulations scapulo-humérales et coxo-fémorales.

Articulation scapulo-humérale droite. La tête de l'humérus était usée ; mais, chose remarquable , l'usure portait principalement sur la grosse et la petite tubérosité de cet os : il en existait à peine des vestiges reconnaissantes à l'insertion des muscles sus-épineux, sous-épineux et petit rond d'une part, et sous-scapulaire de l'autre. On voit aussi des traces de la gouttière bicipitale. Le tendon de la longue portion du biceps se terminait en s'y fixant au niveau de la partie inférieure de cette gouttière. Un cartilage de nouvelle formation recouvrait toute la surface usée, tandis qu'une assez grande partie de la tête de l'humérus était dépourvue de cartilage. La cavité glénoïde en était également privée dans ses deux tiers inférieurs : peu ou point de bourrelet fibreux tout autour : la capsule fibreuse ne naissait pas du pourtour de la cavité glénoïde, mais bien de l'apophyse coracoïde, de la clavicule et de l'acromion. L'extrémité externe de la clavicule et la partie voisine de l'acromion étaient détruites en grande partie. Il n'en restait que des fragmens qui concouraient à la formation de la capsule fibreuse nouvelle.

Dans F articulation scapulo-humérale gauche 7 la tête de l'humérus était usée, comme écrasée, en sorte qu'on aurait pu, au premier abord, hésiter entre une usure et une fracture ; les tubé-rosités détruites dans l'articulation précédente étaient intactes dans celle-ci. L'usure de la tête portait principalement sur la partie inférieure et interne de cette tête ; à la partie supérieure

existaient des végétations recouvertes de cartilages de nouvelle formation ; la cavité glénoïde était complètement privée de cartilage. L'extrémité externe de la clavicule gauche était bien moins usée que celle de la clavicule droite, et l'acromion était dans l'état naturel.

Les articulations coxo-fémorales du même sujet n'étaient pas moins remarquables. Dans les cavités cotyloïdes, destruction des cartilages, disparition de l'enfoncement rempli de graisse qui existe au fond de ces cavités; point de trace des ligamens inter-articulaires; et à gauche, la partie externe du rebord cotyloïdien était amincie, usée, et détachée du reste de la cavité à laquelle elle ne tenait que par du tissu fibreux. Les tètes du fémur étaient également usées, déformées; leur base comme hérissée de végétations osseuses. La moitié antérieure de ces têtes était couverte d'une lame éburnée, parsemée de petits trous, desquels s'élevaient des caroncules ou bourgeons celluleux et vasculaires. Les végétations de la base du col étaient elles-mêmes revêtues d'un cartilage nouveau assez épais, bien distinct du cartilage ancien par une couleur blanc-terne qui contrastait avec la couleur blanc-bleuâtre du dernier : ces végétations venaient évidemment du col du fémur. Elles avaient été renversées sur le cartilage, aplaties par le frottement et par la pression ; elles étaient d'ailleurs enduites d'un cartilage nouveau, tandis que l'os ancien était à nu. Une remarque digne d'intérêt, c'est que les végétations nouvelles destinées à être soumises aux frottemens se recouvrent presque toujours de cartilage, tandis que les surfaces articulaires une fois dépouillées ne s'en recouvrent jamais.

Je n'ai jamais vu d'usure plus considérable que celle de Xarticulation temporo-maxillaire gauche de ce même sujet. Le condyle de l'os maxillaire inférieur n'existait plus; on eût dit qu'il avait été scié horizontalement au niveau de sa réunion avec le col, et que celui-ci s'était aplati. La cavité glénoïde, ou plutôt la partie vraiment articulaire qui borne en avant cette cavité, était plane : l'une et l'autre surfaces étaient rouges ; point de traces de fibro-cartilage inter-articulaire.

Je suis persuadé que la vieille femme qui fait le sujet de cette observation avait été tourmentée long-temps avant sa mort par un rhumatisme articulaire qui s'était principalement fixé sur les articulations dont je viens de rendre compte.

Les lig. 2 et i' (*) représentent l'extrémité inférieure d'un fémur et la face postérieure d'une rotule, qui offrent, i° une usure des cartilages et des surfaces articulaires; 20 des corps étrangers. Occupons-nous pour le moment de l'usure.

Fig. 2. La troklée fémorale, et principalement le condyle externe, présentent une destruction complète du cartilage. On y voit une lame éburnée TE, rayée dans le sens des mouvemens. La partie inférieure du condyle externe est parsemée des caroncules rouges CC qui proéminent à travers de petites pertes de substance de la lame éburnée. J'indiquais à l'instant la même disposition pour l'articulation coxo-fémorale ; des végétations VVV encroûtées d'un cartilage de nouvelle formation se voyaient çà et là sur les surfaces articulaires. La face postérieure de la rotule est érodée en E et dépouillée de cartilage. La rotule est d'ailleurs considérablement déformée.

La figure i\ qui représente la même extrémité du fémur, vue de profil par le côté externe, montre dans tout leur jour les végétations osseuses mamelonnées, qui débordent le condyle externe en dehors et en haut, et ont été rabattues contre le côté externe de ce condyle. On voit encore les caroncules rouges C et les rayures de la lame éburnée TE.

Réflexions. — Comme dans tous les cas d'usure des cartilages, nous trouvons des signes non équivoques d'inflammation des synoviales, caractérisée ici par le grand développement et par la rougeur des franges synoviales FS, fig. i, i'. J'ai vu quelquefois, dans le cas d'inflammation aiguë des synoviales, les cartilages complètement détruits en huit ou dix jours. Dans l'inflammation chronique, la destruction est beaucoup plus lente, mais au moins inévitable ; et si des fatigues excessives produisent si souvent l'usure tant, chez les animaux que chez l'homme, c'est parce que ces fatigues sont elles-mêmes une cause d'inflammation ou d'irritation chronique.

Des corps étrangers articulaires. La figure i représente une articulation du coude (**) qui est remplie de corps étrangers articulaires, les

(*) Pièce présentée à la Société anatomique par M. Bérard jeune, l'un de ses membres.

(**) Cette pièce a été présentée à la Société anatomique par M. Robert, l'un de ses membres.

ixe livraison. â

uns libres, les autres adhérens à la synoviale par un pédicule extrêmement grêle. La plupart sont contenus dans des cellules ou loges fibreuses à ouverture plus étroite que le fond. Tous sont osseux-, leur surface est tuberculeuse : aucun d'eux ne présente le moindre vestige de .cartilage. Les surfaces articulaires sont rayées dans le sens des mouvemens ; elles sont déformées : la synoviale est épaissie, mais sans rougeur.

Cette figure offre aussi, indépendamment des corps étrangers, des rayures sur la troklée numérale TR et sur fa grande cavité sygmoïde CSR et des végétations osseuses VO.

La fig. 2 représente les corps étrangers articulaires CE, CE, CE de l'articulation du genou. Le premier, en comptant de haut en bas, est situé sur le côté externe et un peu au-dessous de la rotule (qui a été renversée de bas en haut sur cette figure) : il est recouvert par la synoviale et maintenu par un pédicule très-mince; l'inférieur occupe le côté externe du condyle externe du fémur. Il est extrêmement volumineux, et soulève la synoviale qui lui forme une espèce de gaine, et qui commence à s'allonger en pédicule. Les deux autres corps étrangers, plus petits, sont situés sous la synoviale en dehors d'une multitude de franges synoviales très-développées et rouges FS. Ces derniers ne sont pas pédicules. Les fig. 3 et 3' représentent un corps étranger articulaire donné par mon très-honoré collègue M. Richerand, qui venait de l'extraire de l'articulation du genou d'un jeune homme. Ce corps étranger est semi-lunaire, cartilagineux du côté de sa face convexe (fig. 3), osseux du côté de sa face concave (fig. 3). Le malade a guéri sans le moindre accident.

Réflexions. — Signalés, dit-on, par Ambroise Paré, ces corps étrangers ont été successivement étudiés sous le point de vue de leur anatomie pathologique et sous celui du traitement chirurgical. L'opinion la plus généralement reçue aujourd'hui est qu'ils se développent dans le tissu cellulaire extérieur à la synoviale, ou bien dans l'épaisseur des franges synoviales; que dans le premier cas la synoviale est refoulée en dedans; que la portion de synoviale adjacente s'allonge en pédicule, lequel s'effile, s'amincit, finit par se rompre; et alors le corps étranger devient libre dans l'articulation. Je ne crois pas cependant que ce soit là la seule manière dont se forment les corps étrangers articulaires : ainsi, sur une articulation du genou qui présentait à la fois et des corps étrangers et l'usure des surfaces articulaires, j'ai trouvé dans l'échancrure située au-devant de l'épine du tibia un tubercule osseux tout-à-fait semblable aux corps étrangers articulaires ; ce tubercule, situé sous la synoviale, à laquelle il adhérait lâchement, était fixé au tibia à l'aide d'un pédicule mince, dont la rupture eut été extrêmement facile. A côté se voyaient deux petits kystes de même forme, également recouverts par la synoviale, à laquelle ils étaient lâchement unis, et remplis par une matière transparente, semblable pour l'aspect à des fragmens de crystallin. Qui ne voit l'analogie qui existe entre ces petits kystes gélatiniformes et les corps étrangers articulaires ? La matière du cartilage est-elle déposée, il en résulte une production cartilagineuse; il en résulte au contraire une production osseuse, si c'est du phosphate calcaire; et souvent les corps étrangers sont à la fois cartilagineux et osseux. On voit aussi que des végétations osseuses pédiculées ou non pédiculées peuvent, en se détachant, devenir corps étrangers articulaires, et il suffît de jeter les yeux sur la fig. i pour être convaincu que rien n'est plus facile que la séparation de quelques-uns de ces tubercules osseux. Indépendamment de ces deux modes de formation des corps étrangers, je ne rejette pas l'opinion qui admet le brisement d'un cartilage articulaire comme la cause de quelques-uns de ces corps. J'ai vu plusieurs cas de cette espèce. Mais rien n'est plus facile que de distinguer un véritable corps étranger cartilagineux d'un fragment de cartilage articulaire. Enfin, comme quatrième mode de formation, admettrons-nous que ces corps étrangers sont quelquefois un produit de sécrétion qui se concrète et s'agglomère à la manière des calculs urinaires ou autres? Cela n'est pas impossible; mais, jusqu'à présent, je ne connais de concrétions articulaires que le tophus des goutteux. Il résulte des faits pré-cédens que les corps étrangers des articulations coïncident souvent avec une inflammation chronique des synoviales, circonstance trop négligée peut-être, et qui explique en partie et les douleurs atroces qu'ils occasionnent et la gravité des suites de leur extraction à l'aide d'une petite incision.

10e. Livraison. Pl. 1.

MALADIES DE L'ESTOMAC. (Ramollissement .pultacé.)

MALADIES DE L'ESTOMAC.

(PLANCHES I ET II, Xe LIVRAISON.)

Considérations générales sur le ramollissement gélatiniforme et sur le ramollissement pultacé

de Vestomac.

T. Les premiers observateurs, qui rencontrèrent dans leurs investigations cadavériques l'estomac et le canal intestinal convertis, dans une étendue plus ou moins considérable, en une sorte de mucus gélatineux, sans aucune trace de travail morbide dans les parties environnantes , durent penser que cette altération était purement cadavérique. Rien, en effet, ne ressemble davantage au produit de l'action d'un acide ou d'un alkali étendus d'eau sur nos organes que le ramollissement gélatiniforme. Aussi Iiunter n'hésita-t-il pas à regarder ce phénomène comme cadavérique et comme le résultat de Vaction sur les parois de Vestomac du fluide dissolvant cjue ce même estomac avait formé pour la digestion des alimens, en un mot comme une dissolution} une digestion de V estomac. Hun ter, absorbé par ses recherches sur la digestion, se contenta de décrire l'altération matérielle qu'il compare à celle des alimens à moitié dissous par l'effet du travail digestif, et d'étudier l'influence que le genre de mort, l'état de plénitude ou de vacuité de l'estomac exerçaient sur cette espèce de dissolution.

IL Jaeger, ayant observé ce ramollissement chez des individus qui avaient présenté pendant leur vie une série déterminée de symptômes morbides, se vit forcé d'abandonner l'opinion de Hunter, qu'il avait d'abord adoptée, et de reconnaître que si le ramollissement du grand cul-de-sac de l'estomac est un effet chimique, cet effet chimique présuppose la formation d'une plus grande quantité d'acide acétique que dans l'état naturel: or, cette formation, il l'attribue à un trouble dans l'action nerveuse. Telle est, à peu de chose près, quoiqu'en termes un peu différens, l'opinion de Chaussier.

III. Jaeger et Chaussier n'avaient rattaché à aucuns symptômes pathognomoniques les faits de ramollissement et de perforation du grand cul-de-sac de l'estomac qu'ils avaient recueillis; aussi cette lésion, peu généralement connue, netait-elle étudiée que sous le point de vue médico-légal, et sous celui de l'anatomie pathologique : c'est surtout sous le point de vue clinique et pathologique que j'ai envisagé cette affection dans un travail présenté à l'Académie des Sciences en 1821 (*). Un grand nombre d'observations raisonnées précèdent la description du ramollissement gélatiniforme, et donnent une idée des différentes formes qu'il peut revêtir; j'ai fait remarquer l'analogie singulière qui existe entre les symptômes de l'hydrocéphale ven-triculaire aiguë et ceux du ramollissement gélatiniforme de l'estomac, et j'ai donné la raison physiologique de cette analogie aussi-bien que de tous les phénomènes de la maladie. J'ai prouvé que les perforations spontanées aiguës de l'estomac, si bien décrites par Chaussier et Percy, ne sont que le dernier effet d'une lésion organique qui consiste dans le ramollissement gélatiniforme de l'extrémité splénique de ce viscère, sans aucune trace d'inflammation, de suppuration ou de gangrène ; que ce ramollissement gélatiniforme s'observe quelquefois dans les intestins grêles et gros, qui partant peuvent être également le siège de perforations spontanées aiguës, suite de ramollissement. Cette espèce de rétrogradation vers l'état gélatineux, muqueux, est une maladie de la première enfance. Cependant on l'observe aussi quelquefois chez 1 adulte.

IV. Il résulte des faits consignés dans ce travail, et de faits bien plus nombreux encore que j'ai recueillis depuis, i° qu'il est presque toujours possible de diagnostiquer l'existence du ramol-

(*) Médecine pratique éclairée par tanatomie pathologique , etc. Paris, 1821. in-8.

Xe LIVRAISON. 1

lissement gélatiniforme avec ou sans perforation de l'estomac et des intestins grêles ou gros; i° qu'il est souvent possible de l'arrêter dans sa marche désorganisa trice.

V. Une diarrhée verte très-fréquente, semblable à de l'herbe hachée, si la maladie est intestinale; des vomissemens muqueux ou bilieux si la maladie attaque l'estomac; une soif ardente, insatiable, tout-à-fait caractérisque; un amaigrissement très-rapide (quelquefois en douze fleures); une prostration de forces excessive; une face décomposée et décolorée; un assoupissement léger, interrompu par des cris plaintifs et des contorsions; une mauvaise humeur que rien n'égale; un pouls lent et irrégulier, le froid des extrémités, voilà la réunion des signes les plus propres à différencier le ramollissement gélatiniforme de toutes les autres maladies de l'enfance.

Dans la maladie cérébrale (hydrocéphale ventriculaire aiguë) il y a de même assoupissement et cris; mais quelle différence! L'assoupissement est continuel, et va sans cesse en augmentant; vous pouvez toucher, remuer, tourmenter l'enfant; il ouvre les yeux, qu'il referme aussitôt sans proférer aucune plainte. Des pincemens assez forts ne suffisent même pas pour l'éveiller. Les cris spontanés sont brusques, forts, articulés ou non articulés et presque toujours accompagnés de mouvemens en masse ou de mouvemens partiels et désordonnés, de positions bizarres. L'enfant ne demande rien; mais si on lui met des alimens dans la bouche, il les dévore; des boissons, il les avale avec avidité : en un mot, il est évident pour tout observateur attentif, que l'assoupissement est idiopathique dans la maladie cérébrale et symptomatique dans la maladie gastro-intestinale. Les vomissemens, le pouls lent et inégal, la décomposition de la face sont communs à l'une et à l'autre maladies; mais si l'on considère les différences relatives à l'âge auquel elles se déclarent, la maladie gastro-intestinale dépassant rarement l'âge de deux ans, et la maladie cérébrale embrassant depuis deux jusqu'à dix-huit ans; si l'on a égard à l'inégalité de la respiration, lente et suspicieuse, qui se manifeste dès les premiers momens de la maladie cérébrale, à l'état de la face, des pupilles, au grincement de dents, à la stupeur, aux alternatives fréquentes et rapides de mieux et de plus mal, et à la marche de la maladie, on évitera toute espèce d'erreur, même dès la première période.

VI. Comme traitement préservatif du ramollissement gélatiniforme je conseille, i° d'être très-difficile sur le choix d'une nourrice ; i° de ne pas sevrer l'enfant trop tôt ; 3° de s'abstenir de médicamens irritans; 4° si un enfant qu'on vient de sevrer est pris de dévoiement, de soif ardente; s'il maigrit, si sa petite figure se décompose à vue d'œil, si l'appétit diminue et se dirige spécialement vers les fruits et les alimens aqueux, hâtez-vous, la nature vous avertit que son organisation n'est pas assez forte pour supporter une nourriture solide ; redonnez-lui le mamelon; vous serez trop heureux s'il veut le reprendre, si la première nourrice ne lui est pas devenue indifférente, ou conserve assez de lait, s'il ne refuse pas une autre nourrice : dans tous les cas ne le perdez pas de vue, il est menacé d'une maladie presque toujours mortelle quand elle est abandonnée à elle-même.

VII. La faim et la soif, la diète lactée, les bains long-temps prolongés, l'opium sagement administré, voilà les seuls moyens curatifs. Les antiphlogistiques et les dérivatifs affaiblissent le malade sans diminuer la maladie; la faim et la soif, au contraire, condamnent au repos l'organe affecté; par elles la membrane muqueuse n'est plus stimulée; la musculeuse ne se contracte plus, les vaisseaux faméliques absorbent les liquides surabondans appelés par l'irritation, et peut-être déjà extravases. La diète lactée employée avec mesure console les viscères irrités par une nourriture trop abondante et hétérogène ; l'effet émollient des bains se répète sur la muqueuse alimentaire; la douce excitation qu'imprime le calorique sur toute l'étendue de la peau, provoque la sueur et produit une dérivation puissante dont on peut graduer l'intensité; l'opium gommeux donné à une dose infiniment petite, soit en potion, soit en lavement, en assoupissant, si je puis m'exprimer ainsi, les nerfs intestinaux, comme tous les autres nerfs, calme l'irritation déjà existante, et s'oppose à toute irritation nouvelle.

VIII. Le nom de ramollissement gélatiniforme que j'ai cru devoir donner à cette maladie, est une description abrégée de la lésion anatomique qui la constitue. Ce ramollissement n'affecte pas

seulement la grosse; extrémité ou extrémité splcnique de l'estomac, on l'observe encore a la paroi antérieure de ce viscère; je l'ai rencontré dans divers points de l'intestin grêle, du gros intestin, à la partie inférieure de l'œsophage. Ce ramollissement procède toujours de l'intérieur vers l'extérieur. Il y a d'abord simple écartement des fibres que sépare un mucus gélatineux, et par conséquent les parois de l'organe sont épaissies et demi-transparentes; bientôt les fibres elles-mêmes sont envahies, disparaissent enfin, de telle sorte que l'estomac ou l'intestin ramollis ressemblent à de la gélatine transparente, arrondie en tube ou en portion de tube. Si la transformation est complète, les parties désorganisées sont entraînées couche par couche, et ce qui reste parait aminci; le péritoine seul résiste quelque temps; mais enfin, envahi lui-même, il s'use, se déchire, et la perforation a lieu. Les parties, ainsi transformées, sont décolorées, transparentes, d'apparence inorganique, complètement dépourvues de vaisseaux, exhalant une odeur aigrelette semblable à celle du lait caillé, sans odeur ni de putréfaction, ni de gangrène. Un fait digne d'intérêt, c'est que les parties ramollies se décomposent beaucoup moins promptement que les parties non altérées dans leur organisation. L'ébulli-tion qui convertit en gélatine l'estomac et les intestins, donne une idée parfaite de ce genre d'altération. Je dois noter ici un phénomène bien remarquable : c'est la coloration noire des vaisseaux qui avoisinent l'altération, couleur que je n'ai jamais rencontrée ni dans les parties désorganisées ni dans les liquides contenus. Je regarde l'épanchement des matières dans l'abdomen, que l'on rencontre quelquefois sur le cadavre, comme un phénomène cadavérique; car il n'existait dans aucun des cas que j'ai observés aucune trace de péritonite, et je ne sache pas que cette inflammation ait jamais été notée par d'autres observateurs.

IX. D'après ce résumé rapide, il est évident que le ramollissement gélatiniforme de l'estomac et des intestins, chez les enfans, constitue une maladie toute spéciale, ayant ses causes particulières , des symptômes et une marche propres, un traitement spécial, et enfin laissant après elle une lésion anatomique spéciale ; de telle sorte que les praticiens qui ont l'habitude d'observer ce genre de maladies peuvent, d'après les symptômes, établir d'une manière positive, et le siège et la nature de la lésion. Or, les symptômes ayant beaucoup d'analogie avec ceux de l'empoisonnement, et pour leur violence et pour la rapidité de la mort, des diagnostics très-remarquables ont été portés depuis que l'éveil a été donné sur ce genre d'affection; des soupçons d'empoisonnement ont été écartés, et la désorganisation gélatiniforme avec perforation de l'estomac, de l'œsophage et des intestins, qui, dans les mains d'hommes de l'art, d'ailleurs instruits, était regardée comme une preuve matérielle de l'empoisonnement, a été rapportée à sa véritable source.

X. L'opinion de Hunter, qui regardait le ramollissement gélatiniforme comme un phénomène cadavérique, ne saurait donc être admise; car, d'après sa théorie, la digestion de l'estomac devrait se faire chez tous les sujets; la seule différence devrait résider dans le degré: or, le ramollissement gélatiniforme est une altération assez rare ; on est quelquefois plusieurs mois sans la rencontrer dans les hôpitaux consacrés aux enfans malades. Si ce ramollissement était cadavérique, il devrait exister plus fréquemment par une température chaude que par une température froide ; plus fréquemment dans le cas d'autopsies tardives que dans le cas d'autopsies précoces : or, j'ai trouvé cette altération par toutes les températures et sur des sujets que j'ouvrais quinze heures après la mort.

XI. Cependant, je me hâte de le dire, quelques-uns des phénomènes du ramollissement gélatiniforme semblent ne pouvoir s'expliquer autrement que par un menstrue qui continue d'agir après la mort. Ainsi, ce ramollissement s'observe presque toujours à l'extrémité splé-nique, peut-être parce que, dans la supination, situation ordinaire des cadavres, c'est dans cette extrémité que s'accumulent les liquides abandonnés à leur pesanteur. Ainsi, le ramollissement gélatiniforme de l'estomac s'étend souvent à la portion contiguë du diaphragme comme par une sorte d'imbibation. Le ramollissement de l'œsophage envahit le feuillet correspondant du médiastin, la surface du poumon, le poumon lui-même : j'ai vu le ramollissement gélatiniforme du £ros intestin s'étendre à la surface du rein; et enfin, dans un cas, la totalité de

l'estomac, des intestins grêles et gros, la surface des deux reins avaient subi le ramollissement gélatiniforme, tellement que le moindre contact a suffi pour détruire ce fragile édifice; il est bien difficile d'admettre qu'une semblable altération ait eu lieu pendant la vie.

XII. Je n'ai donc pas été surpris que tout dernièrement un Mémoire ait été lu à l'Académie royale de Médecine, dans lequel on revient à l'opinion de Hunter, qui regarde le ramollissement et la perforation de l'estomac comme un phénomène chimique, une dissolution des parois de cet estomac par le suc gastrique, et plus spécialement encore à l'opinion de Jaeger, qui regarde l'acide acétique comme l'agent de cette dissolution. L'auteur de ce Mémoire, remarquable par une saine érudition et une saine logique, est un jeune médecin anglais, M. Carswell (*). Quatre expériences sur les lapins, un fait observé sur un maçon qui mourut une heure après son repas par l'effet d'une violence extérieure; voilà en quelque sorte la base fondamentale de ce travail, qui, comme l'a très-bien fait observer le savant rapporteur de la commission chargée d'en rendre compte, M. Andral, soulève une des questions les plus importantes de l'anatomie pathologique.

XIII. Eh bien, le ramollissement décrit par M. Carswell ne me parait pas être le ramollissement gélatiniforme, mais bien le ramollissement pultacé, et cette distinction est d'une haute importance. Il existe en effet une espèce de ramollissement dans lequel la muqueuse est convertie en une sorte de pulpe, diversement colorée suivant la couleur des liquides contenus dans l'estomac, le plus ordinairement brunâtre, lorsque le malade succombant à la suite d'une maladie, soit aiguë, soit chronique, 1 estomac ne contient que des liquides. Ce ramollissement occupe toujours le grand cul-de-sac de l'estomac, et s'étend rarement vers le pylore, ou s'il s'y propage, c'est le long du bord libre des plis que forme la muqueuse gastrique; il suffit alors de frotter légèrement la membrane muqueuse avec le doigt pour l'enlever en pulpe molle, il suffit même de distendre l'estomac pour que cette membrane éclate, pour ainsi dire, dans un grand nombre de points : souvent l'altération est bornée de la manière la plus tranchée par un plan perpendiculaire à l'axe de l'estomac qui passerait par l'orifice œsophagien.

XIV. Cette délimitation du ramollissement pulpeux s'explique, d'une part, par l'accumulation des liquides dans la grosse tubérosité de l'estomac; d'une autre part, par le peu d'épaisseur et de consistance de la muqueuse de cette grosse tubérosité comparée à la muqueuse du reste de l'estomac. Dans un degré plus avancé, il n'y a pas seulement ramollissement, mais destruction complète de la muqueuse, en sorte que la membrane fibreuse subjacente, mise à nu, se reconnaît à sa couleur blanc-bleuâtre qui contraste avec celle de la membrane muqueuse. Lorsque des plis occupent la surface interne de l'estomac , c'est le bord libre de ces plis qui est d'abord le siège du ramollissement et de la destruction ; de là, ces bandes blanches longitudinales ou obliques qui sillonnent la face interne. C'est cette altération que M. Louis a très-exactement décrite sous le titre de ramollissement avec amincissement et destruction de la muqueuse gastrique, et qu'il regarde comme un état pathologique qui n'avait pas encore été signalé (**). Or, ce ramollissement pulpeux cadavérique a été confondu avec le ramollissement gélatiniforme par tous les auteurs qui se sont occupés de ce sujet; il l'a été par M. Carswell, il l'avait été également par les critiques distingués qui ont rendu compte de mon travail, publié en 1821. Je suis même fondé à croire (ceci soit dit sans mauvaise humeur de ma part) que la plupart d'entre eux n'avaient pas observé le ramollissement gélatiniforme. Il importe donc d'établir les différences qui existent entre ces deux ramollissemens.

Parallèle entre le ramollissement pultacé et le ramollissement gélatiniforme.

Les planches 1 et 2 (10e livraison) rendent aussi exactement que possible la différence d'aspect que présentent les deux espèces de ramollissement. La planche 1 représente le ramollissement pultacé, la

(*) Voy. ce Mémoire, Journal hebdomadaire de Médecine, i83o, t. 7, p- $21 et 5o5.

(**) D'après l'opinion de M. Louis, le ramollissement pultacé serait donc essentiellement distinct du ramollissement gélatiniforme; car, comment supposer que dans un travail publié en 1824 , ce consciencieux observateur n'eût pas fait mention des travaux antérieurs, s'il n'avait pas cru être sur un terrain entièrement neuf?

ligure i rend la pâleur el l'espèce de demi-transparence de l'extrémité spléniquc de l'estomac vu par sa surface extérieure.

La fig. 2 représente la surface interne de ce même estomac. On y voit des bandes blanc-bleuâtres P, P, disposées suivant la longueur de ce viscère; chaque bande répondait à un pli de la muqueuse qui a été détruite et comme dissoute à leur niveau. Dans les autres points, la muqueuse réduite en pulpe s'enlève par le plus léger frottement. La lame d'un scalpel promenée très-légèrement sur elle a entraîné toute la portion de cette muqueuse ME, ME, qu'elle a rencontrée. Des vaisseaux noirs VN, VJN, VN, parcourent en tous sens l'extrémité splénique de l'estomac. Une espèce d'auréole brunâtre les entoure dans tout leur trajet.

La planche 2 représente le ramollissement gélatiniforme de l'estomac. La figure 1 montre l'estomac vu par sa face externe. La paroi antérieure de l'extrémité splénique est usée dans les points P, P. Elle est remplacée par une lamelle extrêmement mince, débris du péritoine, semblable à une gaze légère. L'orifice cardiaque de l'estomac, la portion de grosse tubérosité contiguë à la rate, la paroi postérieure de cette grosse tubérosité, la moitié antérieure du cylindre œsophagien, sont parfaitement sains.

La figure 2 représente l'estomac ouvert par sa paroi postérieure, en sorte qu'on voit à découvert la paroi antérieure de ce viscère dans toute son étendue. Le ramollissement sans changement de couleur, l'amincissement inégal, la destruction des parois de l'estomac ont été parfaitement rendus. D'ailleurs pas le moindre vestige de vascularité. Assurément rien ne ressemble davantage au résultat de l'action d'un menstrue qui aurait inégalement corrodé les divers points avec lesquels il aurait été en contact.

L'œsophage OE.que nous avons trouvé sain dans la moitié antérieure de sa circonférence, présente en arrière deux perforations irrégulières P, P; au niveau de ces perforations, le feuillet gauche du médiastin formait une poche considérable, largement ouverte dans la cavité de la plèvre. La cavité de la plèvre,contenait un verre et demi de liquide trouble; la plèvre pulmonaire correspondante avait éprouvé le ramollissement gélatiniforme, en sorte que le tissu du poumon était à nu. Du reste, point de traces d'inflammation, soit dans la plèvre, soit dans le poumon.

Des vaisseaux rameux d'un noir de jais a voisinent la perforation. On remarque encore une escarre molle E d'un jaune ochré qui atteste un travail morbide et milite contre l'opinion d'une altération purement cadavérique.

La fig. 3 montre l'intérieur de l'œsophage OE ouvert longitudinalement, et les deux perforations P, P; les bords de la perforation sont tellement mous et difïluens, qu'il suffit du plus léger contact pour les agrandir.

XV. Si l'on compare attentivement l'altération représentée planche 1 avec celle représentée planche 2, il sera évident que la première est essentiellement cadavérique ou chimique, tandis que celle représentée planche 1 est essentiellement vitale, au moins quant à ses principaux attributs. Le ramollissement pultacé occupait en effet la grosse extrémité de l'estomac seulement, parce que là seulement était accumulé le liquide, parce que là aussi la muqueuse est beaucoup moins résistante et moins épaisse qu'elle ne l'est à droite de l'orifice œsophagien (*). Cette muqueuse a été complètement détruite au niveau des plis, parce que ces plis étant la partie la plus saillante plongeaient dans le liquide dont ils ont dû recevoir l'action la plus immédiate. Je reconnais avec M. Carswell que la couleur brunâtre des vaisseaux peut tenir à la présence dun acide (**) (acétique ou muriatique, peu importe) dans le suc gastrique; acide dont s'imbiberaient les tissus morts et qui, agissant directement sur le sang contenu dans les vaisseaux, lui imprimerait cette couleur noire qui pénètre non-seulement à travers les parois vasculaires, mais encore à travers les parties molles environnantes.

XVI. Or, le ramollissement pultacé occupe presque toujours exclusivement la grosse extré-

(*) On ne saurait trop insister sur la différence que présente la muqueuse de l'estomac, suivant qu'on l'examine à gauche ou à droite de l'orifice oesophagien ; à gauche , elle est molle, ténue , très - vasculaire \ à droite, elle est épaisse , résistante, granuleuse. La distinction n'est pas toujours également tranchée. Sous le rapport de la membrane muqueuse, l'homme a vraiment deux estomacs.

(**) Une foule d'observateurs ont constaté que le suc contenu dans l'estomac est toujours acide, même dans les digestions les plus naturelles. Si vous plongez du papier teint avec le tournesol dans le suc gastrique d'un cadavre, il rougira à l'instant même. Les personnes qui ont des régurgitations volontaires pendant la chymïfîcation, éprouvent toujours un sentiment d'astriction très-prononcée à l'arrière-bouche, lorsque la matière régurgitée touche le pharynx : on ne saurait nier que l'acidité du suc gastrique ne soit susceptible d'augmentation ou de diminution : dans le fer chaud , il y a bien évidemment production d'une trop grande quantité d'a-cide. Je viens de m'assurer que la mucosité qui remplit l'estomac des fœtus rougit le papier de tournesol,

xe livraison, 2

mité de l'estomac; cependant j'ai déposé dans les collections de la Société anatomique un estomac dont la muqueuse a subi le ramollissement pultacé et a disparu dans toute son étendue. Il est vrai que cet estomac contenait une très-grande quantité de liquide; tous les vaisseaux qui le parcourent sont noirs, la membrane fibreuse est à nu dans toute son étendue. Le ramollissement pultacé peut être produit à volonté; il suffit pour cela de laisser séjourner dans l'estomac, pendant un temps suffisant, les liquides qu'il contient, ou même d'introduire de l'eau dans l'estomac d'un cadavre. Un commencement d'altération cadavérique paraît nécessaire; aussi ce ramollissement s'observe-t-il bien plus fréquemment en été qu'en hiver, sur les sujets qu'on ouvre vingt-quatre heures après la mort que chez ceux qu'on ouvre avant ce laps de temps. J'avais cru d'abord pouvoir faciliter ce ramollissement par l'introduction d'une certaine quantité d'acide acétique; point du tout, les vaisseaux sont devenus noirs, mais la muqueuse a conservé sa résistance pendant quelque temps, puis elle s'est épaissie, et enfin ramollie à la manière d'une gelée : donc le ramollissement pultacé ne tient pas à la présence d'un acide, mais bien à un commencement de décomposition. Cela est si vrai que ce ramollissement coïncide souvent avec la coloration livide, rougeâtre, lie de vin ou même verdâtre, d'une plus ou moins grande étendue de l'estomac.

XVII. Si nous étudions parallèlement les caractères du ramollissement gélatiniforme représenté planche a, nous verrons que, dans ce cas, c'est la paroi antérieure de l'estomac qui est détruite, et non point la paroi postérieure ou l'extrémité splénique proprement dite. Or, si des influences purement physiques ou chimiques avaient exclusivement présidé à cette altération, \\ est évident qu'elle aurait débuté par la paroi postérieure qui était bien plus que la paroi antérieure soumise à l'influence de la pesanteur, car le sujet était placé en supination comme de coutume: mais, à supposer que l'on conteste la vitalité de cette altération de l'estomac, pourra-t-on récuser celle de l'altération de l'œsophage? Où est le liquide contenu dans ce dernier conduit qui puisse, par une imbibition cadavérique, produire le ramollissement et la perforation? La couleur jaune ocrée de l'escarre ne témoigne-t-elle pas en faveur d'une altération produite pendant la vie? Il est bon de noter que l'ouverture du cadavre a été faite par une température froide, seize heures seulement après la mort, et que le sujet ne présentait pas la moindre trace de putréfaction.

XVIII. De même que le ramollissement pultacé, le ramollissement gélatiniforme peut être produit à volonté. Or, on arrive à ce résultat par différens procédés : i° par l'introduction du vinaigre ou d'un autre acide étendu d'eau ; i° par l'introduction d'eau fraîche souvent renouvelée; 3° par de l'eau alkaline; 4° par l'ébullition. Mais pour produire cette altération à l'aide du vinaigre ou d'un autre acide, il faut une dose d'acide assez considérable, et ce n'est qu'au bout de deux, trois, quatre jours que la désorganisation gélatiniforme commence à s'opérer; il faut huit jours au moins pour qu'elle soit aussi complète que dans l'état de maladie.

XIX. De là je conclus que le ramollissement gélatiniforme ne peut en aucune façon être produit par la petite quantité d'acide qui se trouve dans le suc gastrique. Ajoutez à cela que souvent le ramollissement gélatiniforme coïncide avec la vacuité de l'estomac : d'ailleurs peut-on invoquer le suc gastrique pour expliquer le ramollissement de l'œsophage? Peut-on l'invoquer pour le ramollissement gélatiniforme de l'intestin grêle, du gros intestin? Par la même raison qu'on a eu recours à un acide pour expliquer le ramollissement de l'estomac, on devrait invoquer le secours d'un alkali pour expliquer le ramollissement du gros intestin, car les matières fécales sont évidemment alkalines. Je m'étonne que cette opinion n'ait pas trouvé quelque fauteur.

XX. Etudions maintenant les circonstances dans lesquelles surviennent l'une et l'autre altérations. Le ramollissement pultacé n'est annoncé par aucun symptôme particulier; on le rencontre dans les circonstances les plus opposées. Ainsi je l'ai rencontré à la suite des maladies les plus diverses, aiguës ou chroniques, avec ou sans symptômes du côté de l'estomac. Une circonstance singulièrement favorable à la production de ce ramollissement, c'est le travail de la digestion stomacale, travail fluxionnaire, qui a pour résultat l'accumulation d'une grande quantité de sucs

dans l'estomac en même temps qu'un certain degré de mollesse dans la muqueuse. Or, toutes les fois que j'ai eu occasion d'examiner la muqueuse gastrique d'individus morts pendant le travail de la digestion, l'estomac étant dans un état de réplétion, j'ai rencontré ce ramollissement, et ce qui ne devra pas encore surprendre, c'est que la muqueuse ramollie présente la même coloration que les matières contenues dans l'estomac ; ainsi chez un individu qui se précipita d'une fenêtre, quatre à cinq heures après un repas copieux où il avait bu beaucoup de vin, et qui mourut à l'instant, je trouvai la muqueuse ramollie fortement teinte en rouge lie de vin. A la suite de certaines maladies aiguës ou chroniques, la coloration de la membrane ramollie est brunâtre, parce que le liquide contenu offre la même couleur. L'estomac représenté planche i provient d'un jeune homme qui avait succombé le trentième jour d'une entérite folliculeuse aiguë sans avoir présenté aucun symptôme du côté de l'estomac. Une assez grande quantité de liquide était accumulée dans la grosse extrémité de ce viscère. La demi-transparence de cette grosse extrémité, représentée fig. i, me fit soupçonner, à la première inspection, le ramollissement pultacé; et en effet, la muqueuse s'enlevait sous la forme de boue, et l'altération était exactement circonscrite à la grosse tubérosité. Toutes les fois qu'on fait mourir violemment un animal pendant le travail de la digestion stomacale, on trouve le même phénomène de ramollissement: c'est ce que j'ai observé chez le chien ; c'est ce qu'on observe plus complètement encore chez le lapin dont l'estomac a des parois si ténues et si peu résistantes. La suspension de l'animal par les pieds de derrière, ainsi que l'a fait M. Carswell, en concentrant toute l'humidité de l'abdomen sur la région de l'estomac, favorise encore cette espèce de dissolution (*).

XXI. Mais tandis que le ramollissement pultacé n'est annoncé par aucun symptôme particulier, le ramollissement gélatiniforme peut être reconnu sur le vivant, au moins chez les enfans ; car je n'ai pas eu assez d'occasions de l'observer chez l'adulte pour pouvoir lui assigner des caractères pathognomoniques. Renvoyant donc aux histoires particulières que j'ai rassemblées ailleurs (**), je vais rapporter ici l'histoire du malade dont l'estomac a été représenté planche i. Cette histoire est peu satisfaisante pour l'esprit qui ne saisit pas la corrélation des symptômes avec la lésion; mais je la donne telle qu'elle est, comme une pierre d'attente qui trouvera tôt ou tard son emploi.

Ramollissement gélatiniforme de V estomac et perforation de l'œsophage chez un adulte.

Henri Cru, domestique, âgé de 22 ans , était malade depuis quinze jours lorsqu'il entra à la Maison royale de santé, le 27 avril i83o. Pour commémoratifs, je recueillis que la maladie avait débuté par une grande céphalalgie avec épistaxis fréquentes ; que deux saignées au bras avaient à peine donné ; que soixante sangsues avaient été successivement appliquées sur l'abdomen.

État actuel. Face colorée, bien qu'une épistaxis très - considérable ait eu lieu pendant la nuit; pouls plein, peu fréquent; oppression; stupeur légère; langue sale que le malade oublie de retirer. (Saignée au bras de huit onces qui paraît soulager.) Le 3o, le malade est mieux.

iel mai. L'expression de la face est triste et présente quelque chose d'insolite, Rigidité des membres. Le malade ne se plaint de rien, mais il repousse constamment ses couvertures, et on le trouve toujours nu dans une position aussi désordonnée que possible ; le pouls est à peu près naturel. Il répond à toutes les questions ; il sort la langue hors de la bouche, mais il oublie toujours de la retirer. Je crois le délire imminent et je cherche à le prévenir. Un lavement d'huile douce de ricin le matin, de la glace sur la tête pendant le jour, une potion calmante le soir me paraissent remplir les indications.

2 mai. Tranquillité , assoupissement; une grande lenteur dans la respiration a remplacé l'oppression du premier jour. (Extrait résin. kink. 20 grains en 4 pilules : 2 vésic; 2 sinap.; gomme édulcorée.)

3. L'agitation a reparu; le malade ne peut rester une minute dans la même place; il se découvre, se lève, se promène dans la salle, demande à manger avec instance. La soif, ordinaire jusqu'à ce jour, devient

(*) Le choix du lapin pour de semblables expériences n'est pas heureux , car les parois du canal intestinal de cet animal sont tellement ténues, tellement peu résistantes, qu'elles se déchirent avec la plus grande facilité. Joignez à cela que l'abdomen de cet animal est extrêmement humide et que les altérations cadavériques s'y développent avec une extrême facilité.

(**) Médecine pratique éclairée par Vanatomie pathologique. Paris , 1821 , in-8°.

insatiable. Les iniirinières disent que jamais elles nen ont vu de pareille; que le malade se jetait sur le verre et ne pouvait plus s'en détacher. Du reste, aucune douleur locale. La pression exercée sur tous les points de l'abdomen ne développe aucune sensibilité. (Suspension de l'extrait résineux; boissons gom-meuses.)

Les 4? 5 et 6 mai, agitation continuelle, mais connaissance parfaite; pouls fréquent, respiration fréquente. La soif est inextinguible. Extr. gomm. opium i gr. dans une potion.

Le 7 mai, agitation, rigidité des membres, les yeux sont largement ouverts, le pouls grêle et très-fréquent, la respiration très-fréquente. Le malade entend ce qu'on lui dit, mais sans pouvoir répondre. Il fait effort pour exécuter les mouvemens qu'on lui commande. Mort le gc jour de son entrée et le 24e de la maladie.

Ouverture du cadavre seize heures après la mort par une température froide. Aucune trace d'altération cadavérique. Epaississement léger avec rougeur d'un petit nombre de plaques gaufrées au voisinage de la valvule iléo-cœcale; deux très-petites ulcérations près la valvule iléo-cœcale. Les gros intestins étaient énormément distendus. L'arc du colon, très-volumineux, était logé dans les hypochondres et l'épigastre. En le retirant, je vis la paroi antérieure de l'estomac, au niveau de sa grosse extrémité, ramollie, transparente et sur le point de s'ouvrir. On eût dit une mousseline extrêmement claire, plissée dans quelques points où elle avait plus d'épaisseur. C'est l'estomac représenté pl. 2. Tous les autres organes étaient sains.

Réflexions. Cette observation a été recueillie à une époque où régnait une épidémie d'entérites folliculeuses aiguës; je pensais que telle était la maladie à laquelle nous avions affaire; et en effet l'autopsie cadavérique nous a montré un léger degré d'inflammation des follicules; mais évidemment la gravité et la forme insolite de la maladie ne peuvent pas s'expliquer par l'entérite folliculeuse. Je crois donc que nous pouvons regarder, au moins en partie, cette agitation continuelle , ces mouvemens désordonnés, cette répulsion des couvertures, la soif inextinguible comme le résultat du ramollissement gélatiniforme. Au reste, de nouveaux faits recueillis chez les adultes peuvent seuls éclairer ce sujet difficile, et de plus longues réflexions seraient ici hors de propos.

Je termine ce que j'ai à dire sur le ramollissement par une observation qui me paraît de la plus haute importance : c'est que les maladies impriment a nos organes des altérations tout-à-fait identiques à celles que certains agens physiques et chimiques peuvent déterminer. Il n'est donc pas étonnant qu'il existe des altérations organiques entièrement semblables à celles que produit sur nos tissus l'action d'un acide et peut-être même un commencement d'altération cadavérique. D'où la difficulté dans quelques cas, et en particulier dans celui qui vient de nous occuper, de distinguer les altérations physiques ou chimiques des altérations vitales. Cependant ce qui me paraît positif dans l'état actuel de la science, c'est que, en général, le ramollissement pultacé de l'estomac est une altération cadavérique, tandis que le ramollissement gélatiniforme est une altération pathologique (*).

(*) M. Andral (Anatomie pathologique, t. 2 , p. jj ) a parlé, avec son talent accoutumé, du ramollissement de l'estomac. Il se demande pour ainsi dire à chaque instant si ce ramollissement se produit pendant la vie ou après la mort, et la difficulté du sujet sera mise dans tout son jour par la conclusion à laquelle il est parvenu : « Toutes les fois, dit-il, que l'on découvre un ramollissement tant soit peu considérable de la muqueuse , sans qu'il y ait de traces de putréfaction dans le cadavre , on ne devra pas attribuer ce ramollissement à la putréfaction. »

10e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DE L'ESTOMAC. (Ramollissement gelatiniforme.)

10e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DE L'ESTOMAC.

( Cancer. )

MALADIES DE L'ESTOMAC (CANCERS).

(planches iii et iv, xe livraison.)

Considérations sur le cancer aréolairegélatiniforme en général, et sur celui de Vestomac en

particulier.

I. Le cancer aréolaire gélatiniforme est une des espèces les plus remarquables de la maladie cancéreuse; elle est essentiellement constituée, comme son nom l'indique, par la transformation du tissu affecté en une trame aréolaire fibreuse que remplit une sorte de gelée transparente. Lorsque l'altération est à son plus haut degré, toute espèce d'organisation a disparu ; on ne découvre plus de traces de vaisseaux, et tous les tissus, quelque hétérogènes qu'ils soient, semblent ramenés à un type morbide uniforme.

II. Toutefois le cancer aréolaire gélatiniforme ne fait pas exception à la loi générale que nous avons eu si souvent occasion de développer, savoir, que toutes les transformations et dégénérations organiques sont exclusivement le résultat d'un dépôt successif de produits morbides dans l'élément celluleux des organes ; que cet élément celluleux ou résistant, qui forme la charpente de tous les tissus, est le seul qui soit envahi; que les tissus propres sont incapables par eux-mêmes de lésion organique, si vous en exceptez l'hypertrophie et l'atrophie; que d'abord hypertrophiés par l'irritation qui les avoisine, ces tissus propres finissent par disparaître, atrophiés qu'ils sont par la compression.

III. A ces caractères anatomiques du cancer aréolaire gélatiniforme, je dois ajouter comme caractères cliniques, que de toutes les espèces de cancer, c'est celle dont les symptômes locaux sont les plus obscurs : aussi se réduisent-ils purement et simplement à une gêne mécanique dans l'exercice des fonctions, et le volume énorme qu'ils sont susceptibles d'acquérir rend singulièrement fréquens ces obstacles mécaniques. C'est encore l'espèce qui s'accompagne des symptômes de réaction générale les moins prononcés, celle qui imprime le plus lentement à l'économie cette altération profonde connue sous le nom de cachexie cancéreuse. Si, d'une part y son extension est rapide et en quelque sorte illimitée par continuité de tissu, d'une autre part, il est rare qu'elle se manifeste successivement ou simultanément sur un grand nombre de points. Enfin, de toutes les espèces de la maladie cancéreuse, c'est celle qui exclut le plus l'idée d'une inflammation actuelle ou antérieure.

IV. Le cancer aréolaire gélatiniforme se présente sous deux formes bien distinctes : i°sous celle de tubercules disséminés dont le volume varie depuis celui d'un grain de mil jusqu'à celui d'un œuf de dinde, et même davantage; 2° sous celle de transformation des organes eux-mêmes en une masse aréolaire et gélatiniforme. Dans ce dernier cas, l'organe conserve ses formes, mais singulièrement exagérées en épaisseur. La forme ulcéreuse, si fréquente dans les autres espèces de cancer, ne s'observe point ici ; car on ne peut pas appeler ulcère une destruction successive, couche par couche, sans manifestation aucune de vitalité dans la couche qui avoisine la destruction.

V. La dégénération aréolaire gélatiniforme est la forme la plus fréquente que revête le cancer des os ou ostéosarcome, spina ventosa; je l'ai rencontrée à la fin du rectum , à l'utérus, dans l'ovaire, dans le cœcum, dans l'intestin grêle; mais nulle part elle ne m'a paru aussi fréquente que dans l'estomac, par la raison peut-être que l'estomac est de tous les organes celui qui est le plus souvent affecté de cancer.

VI. Comme les autres espèces, le cancer aréolaire gélatiniforme affecte pour la région du pylore une prédilection funeste ; mais un de ses caractères est de ne jamais borner ses ravages

xe livraison. i

à l'anneau pylorique lui-même, et de s'étendre le long des parois et des bords de l'estomac dont il envahit le tiers , la moitié, les deux tiers et quelquefois même la totalité. Il n'est pas rare de voir l'altération exactement circonscrite par un plan vertical qui passerait à droite de l'œsophage , ce qui s'explique par la différence qui existe entre la muqueuse de la grosse extrémité et la muqueuse du reste de l'estomac. Après la région du pylore, c'est à la petite courbure que j'ai le plus souvent observé le cancer gélatiniforme, et de là comme d'un centre il s'étendait, d'une part, au petit épiploon, d'une autre part, le long des parois antérieure et postérieure de l'estomac pour finir comme en mourant au voisinage de la grande courbure. Cette grande courbure, la grosse tubérosité, l'orifice cardiaque, voilà les parties qui sont les moins exposées à la dégénération. Enfin il n'est pas fort rare de voir l'estomac affecté dans toute son étendue. Un bon nombre d'estomacs entièrement cancéreux que j'ai eu occasion de rencontrer appartenaient à l'espèce que je décris.

VII. Il arrive souvent qu'en même temps que l'estomac, l'un et l'autre épiploons sont envahis par le cancer aréolaire. Or, cette altération des épiploons se manifeste sous les deux formes que j'ai indiquées. Tantôt ce sont des granulations, des tubercules fortement pressés les uns contre les autres ou bien disséminés ; tantôt la matière gélatiniforme est uniformément infiltrée dans l'épaisseur de l'épiploon qui acquiert quelquefois un , deux, trois, quatre pouces d'épaisseur, en même temps qu'il se réduit à une espèce de zone de quelques travers de doigt de largeur. Tant que la maladie est bornée à l'estomac, il est rare que l'hydropisie survienne; mais l'épiploon, et surtout le grand épiploon , sont-ils envahis, l'hydropisie devient générale.

VIII. Du reste, le cancer aréolaire gélatiniforme ne donne des signes de son existence que lorsqu'il gêne mécaniquement le cours des matières alimentaires, et on est quelquefois tout étonné, à l'ouverture des cadavres d'individus morts des suites de cette lésion, de voir que ces individus aient pu digérer et vivre avec un tiers, un quart de la muqueuse gastrique, et même quelquefois sans muqueuse gastrique. Il suit de là que lorsque l'exploration de l'épigastre ne donne pas la preuve matérielle de l'existence d'une lésion organique de l'estomac, le diagnostic offre d'énormes difficultés.

IX. L'analyse anatomique d'un grand nombre d'estomacs affectés de cancer gélatiniforme m'a donné les résultats suivans :

i°. Le développement quelquefois prodigieux des parois de l'estomac se fait en grande partie aux dépens de la cavité de ce viscère qui se rétrécit d'une manière proportionnelle. C'est ainsi que sur un estomac que je présentai à une leçon du 13 novembre 1827, l'estomac dégénéré dans ses deux tiers droits avait trois pouces d'épaisseur le long de sa petite courbure et deux pouces le long de la grande; et comme l'épaisseur des parois allait en augmentant de la grosse vers la petite extrémité de l'estomac, la cavité infundibuliforme de ce viscère avait à peine la capacité d'un intestin grêle au voisinage du pylore. Du reste, l'estomac ne présentait, pas de changement notable dans sa forme générale, et les produits morbides s'étant déposés successivement dans l'espèce de trame celluleuse qui en forme la charpente, son développement avait lieu d'une manière régulière.

i°. Examiné à sa surface externe, l'estomac dégénéré est, dans un degré avancé de la maladie , couvert d'aspérités ou bosselures transparentes, inégales pour le volume, qui soulèvent la membrane séreuse. Cependant il n'est pas rare de voir, comme dans la figure 3 (pl. 3), ces granulations affecter une disposition rameuse, noueuse, qui atteste qu'elles ont leur siège dans l'intérieur des vaisseaux lymphatiques. Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que l'on voit les vaisseaux lymphatiques participer soit à l'inflammation soit aux diverses dégénérations tuberculeuses , encéphaloïdes, des tissus correspondans.

3°. Examiné à sa surface interne, l'estomac dégénéré présente une altération tantôt exactement circonscrite, à bords proéminens et renversés, tantôt non circonscrite et se terminant d'une manière insensible. Cette altération consiste dans des végétations molles, fongueuses, ou plutôt spongieuses, de volume très-variable, demi-transparentes et qui, examinées avec attention, présentent des aréoles infiltrées de matière gélatiniforme. Aux limites de l'altération, ces

végétations sont entières; mais, à mesure qu'on s'approche du centre de l'altération, on voit qu'elles sont comme tronquées à leur sommet ; plus loin elles ont entièrement disparu. Ces végétations ne sont autre chose que les papilles muqueuses prodigieusement développées.

4°. A un degré plus avancé, non-seulement les végétations sont détruites, mais encore la couche qui les soutient et successivement toutes les couches qui constituent la tumeur s'usent de dedans en dehors (voy. pl. 4, %. i et i). Or, cette destruction se lait sans changement de couleur, sans injection vasculaire , sans travail de réaction quelconque : on dirait un corps inorganique qui s'use par le frottement.

5°. Il est facile de déterminer par des coupes faites dans divers points de l'estomac dégénéré et dans divers sens, le rôle que jouent les diverses tuniques de ce viscère dans la dégénération. La membrane muqueuse et la membrane fibreuse qui la soutient sont le siège primitif de la lésion. L'altération de la membrane fibreuse m'a toujours paru précéder celle de la muqueuse; c'est ce qu'on voit très-bien aux limites de la maladie qui offre tous les caractères de l'altération commençante : à cette première période, la tunique musculeuse fas-ciculée, comme les muscles du squelette, s'hypertrophie et quelquefois à un degré prodigieux, car je l'ai vue présenter sept à huit lignes d'épaisseur. On peut encore la séparer aisément des tuniques dégénérées ; plus tard, elle deviendra adhérente, et sa couche la plus profonde formera çà et là des espèces de brides qui opposent au développement de la maladie du dedans au dehors un obstacle plus ou moins considérable. De là la forme bosselée que présente parfois l'estomac dégénéré. Bientôt l'altération s'étend le long des brides fibreuses qui traversent les faisceaux musculaires; alors ces faisceaux, pressés dans tous les sens, s'atrophient, disparaissent même complètement, et les parois de l'estomac sont converties en un tissu aréolaire parfaitement représenté pl. 4, hg- i, dans lequel on ne reconnaît aucun de ses élémens constitutifs. Quelquefois la dégénération aréolaire et gélatiniforme ne se propage point par continuité du tissu des tuniques internes à la tunique musculeuse ; mais elle naît au sein même de la tunique musculeuse hypertrophiée, en sorte qu'il y a dans l'estomac comme deux centres de dégénération (fig. i, pl. 3), lesquels, d'abord indépendans l'un de l'autre et bien distincts, ne tardent pas à se confondre.

X. Pour compléter la description de cette dégénération, il faudrait déterminer ce que deviennent les nerfs et les vaisseaux des organes ainsi transformés; je saisirai la première occasion qui se présentera de remplir cette lacune. Toujours est-il que l'anatomie pathologique du cancer aréolaire et gélatiniforme ne fournit aucune espèce de donnée relative aux causes et à la thérapeutique de cette singulière altération. L'irritation n'est évidemment qu'un élément dans l'histoire des cancers; de même que les moyens thérapeutiques propres à combattre l'irritation ne sont qu'un élément dans l'histoire du traitement.

Cancer aréolaire gélatiniforme du tiers pylorique de Vestomac (*).

Une femme , âgée de quarante-sept ans, éprouvait depuis deux ans, époque de la cessation de ses règles, des digestions pénibles, avec éructations et même quelquefois avec vomissemens. A son entrée à l'hôpital Cochin, le ier juillet i83o, treize jours avant sa mort, la malade était dans un état voisin du marasme, sa face était jaunâtre ; elle vomissait tout ce qu'elle prenait. En palpant l'abdomen, on reconnaissait à droite de la ligne blanche, un peu au-dessus de l'ombilic, une tumeur dure qui paraissait superficielle, vu la maigreur du sujet, et qui se prolongeait jusqu'à lepigastre, où elle cessait brusquement. Les vomissemens résistèrent à tous les moyens imaginables, et la malade succomba le treize juillet.

A l'ouverture du cadavre, on trouva tous les organes sains, excepté l'estomac, qui était le siégé de la tumeur reconnue pendant la vie.

(*) Observation et pièce pathologique communiquées à la Société anatomique par M. Plainchamp, l'un de ses membres (service de M. Jadioux, médecin de l'hôpital Cochin).

La figure 2 représente la surface externe de l'estomac. Son tiers pylorique est couvert de granulations, parmi lesquelles un certain nombre présente une disposition régulière, rameuse et noueuse, à la manière des vaisseaux lymphatiques. Peut-on méconnaître un de ces vaisseaux VL, VL, VL, le long de la grande courbure de l'estomac GC ? Il paraît donc démontré que la matière du cancer aréolaire peut se rencontrer dans les vaisseaux lymphatiques, comme d'ailleurs la matière encéphaloïde, tuberculeuse et le pus phlegmo-neux. Devons-nous conclure que ces diverses matières sont absorbées par les vaisseaux, etc.? Non, sans doute ; car il n'est pas impossible qu'elles soient formées dans l'intérieur même de ces vaisseaux ?

La fig. 1 représente l'estomac ouvert. La dégénération est beaucoup plus étendue que ne semble l'indiquer l'inspection de la face externe. Le pylore OP n'établissait pas la limite d'une manière rigoureuse, et l'altération se prolongeait sur la membrane muqueuse duodénale dans l'espace de quelques lignes. Du reste, la surface interne est hérissée de végétations irrégulières, dont quelques-unes V sont beaucoup plus proéminentes. L'examen de cette surface interne sous l'eau et à l'aide d'une forte loupe fait reconnaître que ces végétations sont les unes intactes, les autres tronquées , et toutes d'une texture aréolaire. La coupe de l'estomac permet d'étudier la part que prennent les diverses tuniques à la dégénération. On voit sur cette coupe faite le long de la petite courbure deux couches bien distinctes unies entre elles par un tissu cellulaire assez lâche qui permettait une séparation facile. Or, la couche interne MM, MM, est formée par les membranes muqueuse et fibreuse réunies ; la couche externe MP, MP, est formée par les membranes musculaire et péritonéale. Toutes deux représentent une trame aréolaire dans les mailles de laquelle est déposée une matière gélatiniforme. Les fibres musculaires ont disparu, à peine quelques lignes pâles en indiquent-elles des vestiges. Au milieu de la trame aréolaire en laquelle était convertie la tunique musculaire se voient quelques concrétions ossiformes arrondies. Ces deux couches présentent une teinte un peu différente : l'interne est plus transparente ; l'externe a un peu plus d'opacité et une teinte blanchâtre. Du reste, les deux couches n'étaient pas distinctes dans toute leur étendue. La coupe CMM les montre confondues et homogènes.

Le pylore était rétréci, mais non pas obstrué, malgré l'épaississement énorme de l'orifice pylorique OP. J'ai déjà fait remarquer qu'un des caractères anatomiques les plus importans du cancer aréolaire, c'est le défaut d'oblitération complète des orifices ; ce qui tient sans doute à ce que l'augmentation de volume a lieu dans le sens de la circonférence aussi-bien que dans le sens de l'épaisseur. Aussi la présence d'une tumeur à la région épigastrique et un dépérissement progressif ont-ils été les seuls symptômes de la maladie.

L'observation suivante me paraît un des types du cancer latent de l'estomac et du cancer gélatiniforme en particulier.

Cancer gélatiniforme du pylore et du quart droit de Vestomac méconnu pendant la vie.

Hydropisie générale. Mort par suffocation.

M. A., ingénieur en chef, âgé de soixante-huit ans, d'un teint habituellement jaunâtre; faible et irritable; d'une activité au-dessus de son âge et de ses forces, me consulta pour une infiltration des extrémités inférieures survenue à la suite de longues courses à cheval : cette infiltration me parut tenir à un affaiblissement général. Je conseillai le repos et une alimentation substantielle ; il y eut diminution notable dans l'oedème ; mais, à la suite de nouvelles fatigues et de peines morales cruelles, l'œdème reparaît, les forces diminuent; amaigrissement notable; dévoiement; mouvement fébrile, et cependant l'appétit se soutient. Je diminuai d'abord, puis je supprimai les alimens. L'infiltration va toujours croissant, l'abdomen devient volumineux, la respiration plus courte; le mouvement fébrile persiste; le dévoiement reparaît après avoir cédé à l'usage de la thériaque. Au milieu de cet ensemble de symptômes alarmans, le malade jouit d'un sommeil parfait et conserve sa gaieté et son activité intellectuelle, discute volontiers

des affaires; il n'a aucune inquiétude sur son état, n'éprouve aucune douleur, accuse seulement un sentiment de faiblesse qui bientôt devient tel, qu'il est condamné à rester continuellement au lit. L'appétit se maintient, et le malade est obligé d'user de toute sa raison pour observer la diète rigoureuse que je lui ai prescrite.

Je me torturais l'esprit pour découvrir le point de départ de tous ces symptômes. J'explorai vainement le cœur et les gros vaisseaux, les poumons et les diverses régions de l'abdomen; je fus conduit, par le calcul des probabilités que je fis à cet égard, à accuser une maladie chronique du foie. Que faire ? le régime, la médecine du symptôme sont évidemment les seuls moyens indiqués. Depuis long-temps j'ai renoncé à cette méthode empirique qui, dans l'ignorance absolue et du siège de la maladie et de sa nature , administre à tort et à travers une série de remèdes actifs. Primo non Jiocere, secundo prodesse : telle sera toujours ma devise. Ainsi un vésicatoire au bras, des diurétiques doux, des frictions avec la teinture de kinkina, de scille et de digitale, des potions opiacées pour triompher du dévoiement ; voilà les seuls moyens que j'ai mis en usage. J'y ajoutai quelques grains d'extrait résineux de kinkina, dont l'usage ne fut continué que quelques jours.

Mais la lésion organique, quelle qu'elle soit, marche avec rapidité. Le pouls redouble de fréquence; il devient petit, misérable. Les extrémités supérieures s'infiltrent, et néanmoins appétit excellent; gaieté, sommeil, espérance d'une guérison prochaine ; le jour de sa mort, le malade se croyait à merveille , avait une présence d'esprit admirable, faisait la causette avec les amis qui venaient le voir; il me demanda dans son langage arithmétique s'il y avait dans son état un centième de mieux que la veille. Il imagina une mécanique pour faire passer plus commodément le bassin sous lui ; mais l'oppression considérable, l'état misérable du pouls m'annonçaient une fin prochaine ; et en effet il mourut en parlant, deux heures après ma visite.

Ouverture du cadavre. —¦ Thorax. Les deux plèvres étaient remplies d'une très - grande quantité de sérosité limpide. Les poumons, refoulés contre le médiastin et vers la partie supérieure du thorax, étaient tellement petits, qu'on a peine à concevoir comment ils ont pu suffire à la respiration. Sang noir et non coagulé dans les cavités gauches comme dans les cavités droites du cœur, dans les artères comme dans les veines ; en un mot, tous les caractères de la mort par asphyxie.

Abdomen. Deux ou trois pintes de sérosité dans le bassin et dans la région lombaire ; foie sain. Estomac volumineux; son extrémité pylorique indurée adhérait intimement à la vésicule du fiel et à l'arc du colon, lesquels ne participaient nullement à la dégénération. L'estomac ouvert, je vis que l'altération occupait le quart pylorique de ce viscère; des proéminences irrégulières rétrécissaient singulièrement la cavité de l'estomac; néanmoins le pylore permettait encore le passage du petit doigt. L'altération consistait dans une dégénération aréolaire gélatiniforme qui, occupant toute l'épaisseur de l'estomac au pylore, la membrane séreuse exceptée, allait se concentrant sur les membranes fibreuse et muqueuse à mesure qu'on s'éloignait de l'extrémité pylorique.

La veine porte était fortement comprimée par la tumeur. Les autres organes ne présentaient rien de particulier. Les intestins grêle et gros étaient parfaitement sains.

Réflexions. Un cancer du pylore existait, et cependant appétit, sommeil, gaieté portée jusqu'à l'enjouement ; pour tout symptôme morbide, infiltration, hydropisie, mouvement fébrile, sentiment de faiblesse. Peut-être, par une exploration plus attentive, aurais-je pu découvrir la tumeur; j'ai cependant la certitude d'avoir exploré l'abdomen avec soin, car je soupçonnais une maladie du foie. On conçoit pourquoi, le pylore étant encore libre, les symptômes ordinaires de la rétention des matières alimentaires ont manqué. Mais pourquoi ce malade a-t-il succombé hydropique, tandis que la plupart des malades affectés de cancer au pylore meurent dans le marasme le plus complet, et pour ainsi dire desséchés? Je ne saurais l'attribuer à aucune autre cause qu'à la compression de la veine porte et des vaisseaux lymphatiques du foie. Il est d'ailleurs évident que le malade a succombé à l'épanchement dans les plèvres, et nullement aux progrès de la maladie cancéreuse.

xe livraison. a

L'étude de la fig. i (planche 4) ? qui a été dessinée avec un soin tout particuliery fournit un exemple de cancer aréolaire gélatiniforme à un degré plus avancé que celui représenté planche 3. Malheureusement je n'ai pu me procurer aucun renseignement. Le cancer avait envahi la moitié droite ou pylorique de l'estomac. L'altération est uniforme, et il est impossible de démêler au milieu de cette masse homogène ce qui appartient à chaque tunique eu particulier. Les aréoles sont fort irrégulières; leurs parois fibreuses; la matière contenue transparente s'échappe à travers les ouvertures faites aux loges ou cellules, mais ne s'écoule pas. Déjà les couches les plus internes ont été usées. Nous ne trouvons pas vestige de membrane muqueuse. Il est facile de reconnaître quelques traces de la membrane musculeuse dans des faisceaux circulaires blanchâtres qui se croisent à angle aigu. Du reste, l'altération est exactement circonscrite.

La petite fig. 3 est la coupe d'un autre estomac qui avait également subi la transformation aréolaire gélatiniforme : des masses fibreuses traversent la tumeur et envoient des prolongemens secondaires qui la séparent en masses moins considérables ; ces masses elles-mêmes sont divisées en aréoles plus petites par des prolongemens fibreux plus déliés qui les traversent.

L'estomac représenté fig. i (planche 4) a appartenu à une vieille femme morte à la Salpêtrière, dans un état de marasme dont la cause fut impossible à découvrir. Pendant les deux derniers mois de sa vie, elle resta constamment couchée, la tête sous sa couverture. Sa mauvaise humeur était telle, que, lorsqu'on s'approchait d'elle pour s'informer de son état, elle priait de la laisser tranquille. Si on insistait, elle se répandait en injures, et ne se prêtait d'ailleurs à aucune exploration. Elle s'éteignit. A l'ouverture, on trouva tous les organes sains, hormis l'estomac qui présenta les particularités suivantes :

L'estomac (fig. 2) est en quelque sorte racorni, tant ses dimensions sont peu considérables ; il a subi la dégénération dans toute son étendue; mais ses orifices sont parfaitement libres. Ses parois sont denses, restent écartées et ne s'affaissent pas. Sa surface est dépourvue de membrane muqueuse, excepté au voisinage dè l'orifice pylorique OP. Des plaques rouges annoncent un reste de réaction vitale. La coupe montre l'hypertrophie de la membrane musculaire très-reconnaissable du côté du pylore, et qui partout ailleurs était infiltrée d'une matière gélatiniforme, un peu moins transparente que dans les figures précédentes. Le grand et le petit épiploons GE, PE sont infiltrés de granulations aréolaires gélatiniformes.

La rate R atrophiée était accolée à la grosse extrémité de l'estomac.

Réflexions. — Ainsi on peut vivre pendant quelque temps sans membrane muqueuse de l'estomac ; la digestion gastrique n'est donc pas absolument indispensable pour l'accomplissement des phénomènes digestifs. L'état de morosité, de mauvaise humeur continuelle, s'explique suffisamment par le malaise épigastrique. Cette morosité, je l'ai constamment remarquée dans les cas rares où l'estomac est complètement envahi : la moitié œsophagienne de l'estomac, son grand cul-de-sac sont-ils respectés, le sentiment de malaise intérieur est moins considérable, la digestion gastrique s'accomplit au moins en partie, la morosité est moindre; l'obstruction du pylore elle-même n'imprime de mélancolie profonde que dans le cas où le cours des matières est complètement intercepté; et la gaieté reparaît avec l'espérance, lorsque l'obstacle au passage des alimens est momentanément levé. Mais le désespoir du malade n'est jamais plus considérable et surtout plus permanent que lorsque la maladie cancéreuse affecte le cardia ; il fut porté jusqu'au suicide dans un cas que j'ai eu occasion d'observer.

10e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DE L'ESTOMAC.

(Cancers.)

10e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DE L'ESTOMAC.

( Ulcères . )

MALADIES DE L'ESTOMAC.

(planches v ET vi, Xe livraison.)

De l'ulcère simple chronique de Vestomac.

Confondu dans la pratique, tantôt avec la gastrite chronique, tantôt, et plus souvent encore, avec le cancer, l'ulcère simple chronique de Vestomac ne me paraît pas avoir fixé l'attention des observateurs comme maladie spéciale. Je m'estimerai heureux si les planches 5 et 6 et les réflexions qui les accompagnent peuvent remplir en partie la lacune qui existe à cet égard.

I. Anatomiquement considéré, l'ulcère simple chronique de l'estomac consiste dans une perte de substance spontanée, ordinairement circulaire, à bords coupés à pic, à fond grisâtre et dense, et de dimensions variables. Presque toujours unique, l'ulcère occupe le plus habituellement, soit la petite courbure, soit la paroi postérieure de l'estomac. Quelquefois il envahit le pylore, et alors il prend la forme d'une zone circulaire. Sa marche est lente et progressive ; il s'étend en surface, mais surtout il creuse en profondeur ; et si des adhérences salutaires ne s'y opposent, plus tôt ou plus tard l'estomac est perforé de part en part, et les matières contenues s'épanchent dans la cavité du péritoine.

IL L'ulcère simple de l'estomac présente les mêmes caractères que les ulcères cutanés produits par une cause interne générale ou par un vice local. Il y a d'abord érosion de la muqueuse, en vertu de ce travail morbide que Hunter a si ingénieusement nommé inflammation ulcéreuse; l'érosion ou ulcération devient un ulcère, qui offre tous les attributs de l'ulcère syphilitique. Néanmoins, il n'est nullement démontré que l'ulcère de l'estomac puisse reconnaître pour cause le virus vénérien, et en cela l'estomac ne déroge point à cette loi remarquable par laquelle les portions de muqueuses qui avoisinent les ouvertures naturelles sont très-habituellement envahies par le virus vénérien, tandis que les muqueuses profondément situées en sont exemptes.

III. L'ulcère simple de l'estomac ne présente qu'une similitude grossière avec l'ulcère cancéreux avec lequel cependant il a presque toujours été confondu. La base qui le supporte n'offre aucun des attributs ni du cancer dur ni du cancer mou ; on n'y trouve même pas cette hypertrophie circonscrite qui accompagne presque toujours le cancer, et que l'on a prise si souvent pour la dégénération cancéreuse elle-même. La meilleure preuve d'ailleurs que ces ulcères ne sont point cancéreux, c'est leur curabilité sous l'influence d'une thérapeutique très-simple, impuissante dans le cancer interne aussi-bien que dans le cancer externe.

IV. L'histoire des causes de l'ulcère simple de l'estomac est enveloppée dans une obscurité profonde , ou plutôt cette maladie reconnaît toutes les causes de la gastrite. Mais pourquoi un point, un seul point de l'estomac est-il profondément affecté, tous les autres points de l'organe se trouvant dans un état parfait d'intégrité? Voilà ce qui paraît bien difficile à expliquer.

V. Il n'est pas très-rare de rencontrer l'ulcère simple de l'estomac sur le cadavre d'individus qui n'avaient accusé pendant leur vie aucun symptôme du côté de ce viscère ; mais le plus souvent la souffrance de l'estomac se traduit à l'extérieur par une série de symptômes plus ou moins graves. Les principaux sont les suivans : défaut absolu d'appétit ou appétit bizarre, tristesse insurmontable, digestion laborieuse, malaise ou douleur sourde à l'épigastre, et quelquefois douleur épigastrique extrêmement vive pendant le travail de la digestion ou même en l'absence de tout aliment dans l'estomac. La douleur épigastrique, ou plutôt sous-xyphoïdienne ou sous-sternale, se répète quelquefois dans le point correspondant de la colonne vertébrale, et j'ai vu plusieurs malades se plaindre davantage du point rachidien que du point épigastrique. L'amaigrissement plus ou moins rapide, la constipation, les nausées, les vomissemens après 1 ingestion des alimens, enfin l'hématémèse ou le vomissement noir, voilà l'ensemble des symp-

xc livraison. i

tomes que présentent les individus affectés d'ulcère simple de l'estomac; et il est facile de voir qu'aucun de ces symptômes ne peut être érigé en signe pathognomonique. Parmi ces phénomènes morbides, les uns sont communs à l'ulcère simple et à la gastrite chronique, les autres à l'ulcère simple et au cancer. J'ai donné mes soins à une dame âgée de soixante-huit ans, qui depuis quatre à cinq mois était en proie aux accidens les plus graves, qu'on attribuait au cancer de l'estomac : et en effet des vomissemens semblables à du marc de café ; une douleur épigastrique, parfois extrêmement vive; l'horreur pour toute espèce d'aliment, l'estomac ne pouvant rien supporter; l'amaigrissement rapide, l'aspect jaunâtre de la face, tout portait à penser que nous avions affaire à cette maladie ; tel était l'avis des divers praticiens qui avaient été consultés. Mon diagnostic fut celui-ci : « Cancer à l'estomac, si toutefois il n'y a pas ulcère simple. » En conséquence, mon pronostic fut grave, mais moins désespéré que celui de mes confrères. J'ai eu la douce satisfaction de voir la malade se rétablir parfaitement , après six mois de soins assidus ; et certes, je suis bien éloigné de penser que les moyens très-simples que j'ai employés ont pu guérir un cancer du pylore. Je ne vois donc aucun moyen de différencier d'une manière positive l'ulcère simple d'avec le cancer de l'estomac. Cependant, bien qu'en général, dans l'ulcère, le malade ait le sentiment d'un ennemi toujours présent, il s'en faut bien qu'il soit dominé par la maladie, comme dans le cancer, et souvent il peut vaquer à toutes les occupations d'une profession pénible. L'absence d'une tumeur épigastrique, les circonstances commémoratives, et surtout les premiers effets du régime pourront encore mettre sur la voie.

VI. L'anatomie pathologique nous rend parfaitement compte de l'hématémèse ou du vomissement noir qui accompagne si souvent l'ulcère de l'estomac : si l'on examine en effet, sous une couche d'eau, à l'œil nu ou à l'aide d'une forte loupe, la surface de l'ulcère, on voit une foule d'orifices vasculaires, les uns oblitérés, les autres non oblitérés. On conçoit donc que lorsque l'érosion d'un vaisseau n'est pas accompagnée de son oblitération ^ il doit en résulter une hémorrhagie proportionnelle au calibre de ce vaisseau; de là des hématémèses plus ou moins fréquentes; et comme, d'une part, le sang séjourne plus ou moins dans l'estomac et que , d'une autre part, il est en contact avec l'acide du suc gastrique, il contracte cette couleur noire ou couleur de suie qui a été notée par tous les observateurs. Au reste, cette couleur est commune à tous les vomissemens de sang qui ne suivent pas immédiatement son extravasation dans la cavité de l'estomac. C'est ainsi qu'on l'observe dans le cancer aussi^bien que dans l'hémorrhagie de la muqueuse gastrique par exhalation. Le vomissement noir de la fièvre jaune ne reconnaît pas un autre mécanisme.

VIL Lorsque l'ulcère rencontre, pour ainsi dire, sur son passage un vaisseau d'un calibre considérable , il en résulte des vomissemens aussi-bien que des déjections sanglantes qui se renouvellent à des intervalles plus ou moins courts, et qui quelquefois entraînent la mort par hémorrhagie. Cette terminaison funeste me parait plus fréquente dans l'ulcère que dans le cancer de l'estomac. Le tissu artériel, qui échappe par son peu de vitalité à tant de lésions organiques et souvent au cancer lui-même, ne peut échapper au travail ulcéreux. Il n'est pas rare de voir un ulcère simple de l'estomac parfaitement cicatrisé, excepté dans le point correspondant au vaisseau. Or, les solutions de continuité des vaisseaux ne pouvant guérir solidement que par oblitération, il peut arriver, si cette oblitération n'a pas lieu , que le caillot obturateur soit entraîné , et que l'hémorrhagie se renouvelle assez intense pour produire une mort plus ou moins immédiate.

VIII. Un diagnostic différentiel rigoureux de l'ulcère simple de l'estomac serait plus important pour le pronostic que pour la thérapeutique ; car les bases du traitement sont, à peu de chose près, les mêmes que celles du traitement de la gastrite chronique et du cancer. Que ferions-nous si nous avions un pareil ulcère à traiter à l'extérieur ? Nous condamnerions au repos la partie du corps qui en serait affectée. S'il occupait les extrémités inférieures, nous prescririons le repos au lit; nous nous contenterions de l'immobilité, s'il occupait les extrémités supérieures. Eh bien ! le repos pour l'estomac c'est la diète ; et comme la diète ne saurait être absolue , il importe de trouver un aliment qui passe en quelque sorte inaperçu; le secret du traitement dans

cette maladie, comme d'ailleurs dans toutes les lésions de l'estomac, consiste donc dans un tâtonnement méthodique relatif à l'alimentation, dans l'absence de tout médicament proprement dit. J'ai plusieurs fois eu la pensée de classer mes malades d'après l'espèce d'aliment que supporte leur estomac. Ainsiy les uns supportent les alimens gélatineux solides, veau, poulet, poisson; d'autres supportent les légumes herbacés; d'autres, la diète lactée et les jaunes d'œufs; d'autres, les bouillons de veau ou de poulet; d'autres enfin ne supportent que l'eau sucrée, l'eau gommée, l'eau de gruau, l'eau froide, l'eau à la glace, l'eau gazeuse. Enfin, dans un dernier degré, tout pèse, tout fatigue, même une cuillerée d'eau.

IX. Voici la conduite que j'ai coutume de suivre dans des cas de ce genre. Je commence par laisser reposer l'estomac pendant vingt-quatre heures : l'abstinence doit être complète et s'étendre même quelquefois sur les liquides aussi-bien que sur les solides. S'il y a douleur à l'épigastre , une application de sangsues sera faite dans le premier jour et suivie d'un bain de plusieurs heures. Le lendemain, je fais essayer la diète lactée. Le lait sera pris immédiatement après qu'il vient d'être trait, à la dose de quelques cuillerées, toutes les quatre heures ou à des intervalles plus considérables, si l'estomac ne demande pas. Quelquefois la diète lactée réussit comme par enchantement; d'autres fois le lait ne passe pas; alors il faut le couper avec un peu d'eau de chaux, d'eau de gruau, ou l'édulcorer légèrement. Souvent du lait bouilli et écrémé passe mieux que le lait naturel, le lait froid mieux que le lait chaud, le lait très-chaud mieux que le lait tiède. Il n'est pas rare de voir le lait fatiguer l'estomac ; hâtons-nous alors d'y renoncer pour y revenir plus tard. La diète gélatineuse ou féculente lui est souvent substituée avec avantage. Elle se compose de bouillons de veau, de poulet, de gelées, ou bien de fécules de maïs, de riz, d'avoine , d'orge, de pommes-de-terre cuites à l'eau, au lait ou au bouillon de poulet. Le point essentiel est de trouver un aliment que l'estomac puisse supporter, et l'instinct des malades nous dirige souvent beaucoup mieux que tous les préceptes. Combien de fois des infractions au régime prescrit par le médecin n'ont-elles pas été la source d'indications précieuses ! Une de mes malades, affectée de vomissemens noirsf ne pouvait plus rien supporter. Je lui demandai par hasard si elle aimait les huîtres ; c'était son mets favori ; elle s'est nourrie avec l'eau d'huitres pendant quinze jours. L'eau gazeuse simple a pu seule passer chez des malades dont l'estomac repoussait toute autre espèce d'aliment et de boisson. J'ai eu quelquefois à me louer de la magnésie calcinée, de la poudre d'yeux d'écrevisses donnée dans une cuillerée d'eau ou de lait. Rarement l'opium a-t-il été utile, même dans le cas de vive douleur. Le sucre doit être en général proscrit ; cependant je me suis bien trouvé de faire promener dans la bouche du sucre cristallisé avant et après le repas pour augmenter la sécrétion de la salive. La température des alimens est tout aussi importante à surveiller que leur qualité et leur quantité. La température très-chaude ou très-froide m'a paru convenir beaucoup mieux que la température tiède. Des bains gélatineux tempérés de deux, trois, quatre heures sont un auxiliaire très-puissant. J'ai observé qu'un bain de trois à quatre heures produit des effets bien plus avantageux que trois ou quatre bains d'une heure. Une remarque très-importante dans toutes les affections chroniques, c'est de ne pas trop prolonger la diète adoucissante, et de se relâcher du régime sévère prescrit dans les premiers temps. Il arrive même une époque où les stimulans, tels que le gibier, réussissent beaucoup mieux que les viandes blanches et les légumes herbacés. Je ne connais rien de plus difficile à diriger que le traitement de ce genre de maladie. C'est dans les détails de l'application que la sagacité du praticien brille de tout son éclat : qualité des alimens, quantité de ces mêmes alimens, température, nombre des repas, exercice, heure de l'exercice, excrétion des matières fécales, tout doit être surveillé avec la plus minutieuse exactitude. C'est à l'aide de ces petits soins de garde-malade sans addition de remède que nous parviendrons à des résultats qui dépasseront souvent nos espérances. Aussi ne doit-on jamais prononcer sur l'existence d'un cancer à l'estomac, à moins de signes physiques bien positifs, sans avoir éprouvé les bons effets du régime pendant un mois ou deux. Les observations suivantes confirmeront les généralités dans lesquelles je viens d'entrer, et fourniront des exemples i° de perforation de l'estomac, suite d'ulcère simple; i° d'hémorrhagie mortelle, suite d'ulcération des vaisseaux ; 3° de cicatrice d'ulcères de l'estomac.

De la perforation de l'estomac, suite d'ulcère simple.

L'ulcère simple de l'estomac est une des causes les plus fréquentes de la perforation spontanée de ce viscère, plus fréquente incontestablement que le cancer. Il est évident que l'ulcère aigu doit entraîner bien plus souvent cette perforation que l'ulcère chronique, lequel est presque toujours suivi d'adhérences salutaires.

Ces perforations ont eu lieu quelquefois pendant un effort. On conçoit qu'alors tous les viscères abdominaux étant fortement et uniformément comprimés, le point le plus faible doive céder. Enfin, les accidens, suite de perforations, étant quelquefois survenus immédiatement après l'ingestion d'alimens et de boissons, la question d'empoisonnement a dû être soulevée dans un grand nombre de cas de ce genre. C'est ainsi que les charbonniers de Paris, qui ont toujours mis obstacle à l'autopsie de ceux de leurs camarades qui succombent à la Maison royale de Santé, voulurent assister par députation à l'ouverture du malade dont on va lire 1 histoire, persuadés qu'ils étaient que ce malade avait été empoisonné. Il y avait également soupçon d'empoisonnement dans un cas du même genre publié par M. Rullier.

Ulcère simple de Vorifice pylorique de Vestomac suivi de perforation. (Pl. 5, fig. ï et i'.)

Un charbonnier, âgé de vingt-trois ans, constitution athlétique , est apporté mourant à la Maison royale de Santé le i5 décembre 1829. Abdomen ballonné, extrêmement douloureux par la pression; coliques atroces; face profondément altérée; pouls grêle; extrémités froides. Ce malheureux, qui a toute sa connaissance, demande à grands cris du soulagement. Interrogé sur la cause de cette péritonite suraiguë, il répond que depuis dix jours il éprouve un léger malaise qui ne l'a pas empêché de continuer ses travaux, ni même de commettre des excès de boisson. La veille du jour de son entrée, au matin, ayant un sac de charbon sur les épaules3 il est pris de douleurs abdominales tellement vives, qu'il peut à peine gagner son logis. Un médecin appelé se contenta d'une application de quelques sangsues sur l'abdomen, et le lendemain, voyant le malade désespéré, il le fit transporter à la Maison royale de Santé, où il mourut trois heures après son entrée.

Avant l'ouverture, j'annonçai que nous allions trouver une perforation spontanée de l'estomac ou des intestins, si toutefois la perforation n'était pas la suite d'empoisonnement. L'abdomen ouvert avec précaution , nous avons trouvé dans la cavité du péritoine une grande quantité de gaz , des fausses membranes et un liquide boueux. Pour mieux reconnaître le lieu de la perforation, j'ai fait insuffler de l'air par l'œsophage; aussitôt cet air s'est échappé avec bruit au niveau du pylore, et la perforation P, fig. i\ pl. 5, masquée par des fausses membranes, a apparu. L'estomac, ouvert du côté opposé à la perforation, nous a présenté une ulcération en forme de zone U, U, qui occupait toute la circonférence de l'orifice pylorique OP. Le fond de cette ulcération était formé par les fibres musculaires , et la perforation P occupait l'un des points de cette zone.

Réflexions. — Je regarde ce cas comme un exemple d'ulcère aigu de l'estomac. L'état aigu me paraît démontré : i° par le caractère de l'ulcération, dont le fond et les bords n'offraient ni cette densité, ni cet épaississement qui accompagnent les ulcères chroniques; i° par les commémoratifs , le malade n'accusant de malaise que depuis dix jours. Je dois faire remarquer le siège de cette maladie au pylore ; l'on conçoit que l'ulcération doit marcher beaucoup plus rapidement et se terminer plus souvent par perforation dans cette région que dans toute autre, attendu que le pylore est beaucoup plus soumis que tous les autres points de l'estomac aux causes d'irritation. C'est ainsi que chez un autre jeune homme qui se plaignait de dyspepsie depuis quelques mois, et qui fut pris tout-à-coup des symptômes de péritonite suraiguë, je trouvai une perforation au niveau du pylore. Cette perforation était au centre d'un ulcère oblong. Une seconde ulcération commençante se voyait à une petite distance. Dans le cas représenté fig. 1, pl. 6, les trois tuniques ont été détruites dans la plus grande partie de l'ulcère U, en sorte que le péritoine seul en forme le fond. Si ce sujet, sur lequel je n'ai aucun renseignement , avait vécu quelque temps encore, il est plus que probable que la perforation aurait eu lieu. Il n'est pas rare de voir les ulcères de l'estomac complètement cicatrisés, excepté dans un

seul point où le travail ulcéreux se maintient et finit par opérer une perforation. Parmi les observations qui ont été données comme des exemples d'ulcères cancéreux de l'estomac avec perforation, il m'a été facile de reconnaître plusieurs exemples d'ulcère simple de l'estomac. Voici l'analyse de quelques-uns de ces faits.

Ier fait. —Un homme, qui jouissait d'une bonne santé habituelle, n'avait pris a son repas que quelques onces de pain, un peu de lait et d'eau. Tout-à-coup, douleur atroce dans l'abdomen; les parois abdominales contractées semblent appliquées contre le rachis. Mort au bout de douze heures. A l'ouverture, on trouve à la petite courbure de l'estomac, à un pouce environ du pylore, un trou du diamètre d'une ligne et demie , arrondi comme s'il eût été fait avec un emporte-pièce. Ce trou, à travers lequel les alimens et les boissons s'étaient épanchés dans l'abdomen , était environné d'un cercle rouge de la largeur d'un quart de ligne (*).

IIe fait. — Le savant chimiste Darcet, âgé de soixante-douze ans, fut pris, à la suite de la disparition d'une dartre à la tète, de diarrhée et de douleurs à l'estomac et dans tout l'abdomen. Dès-lors le teint devint pâle et les digestions pénibles. Cet état durait depuis six mois, lorsqu'après un dîner fort sobre, il ressentit tout-à-coup une douleur très-vive dans l'abdomen, accompagnée d'un malaise général. 11 mourut le lendemain. A l'ouverture , on trouva sur la face antérieure de l'estomac, à quelques pouces du pylore, une ouverture ronde par laquelle les matières contenues dans l'estomac sortaient par la plus légère pression. Cette perforation répondait, dans l'intérieur de l'estomac, à un ulcère dont les bords durs formaient une espèce de bourrelet. Dans le milieu de cet ulcère, les trois tuniques muqueuse , fibreuse et musculeuse avaient disparu, en sorte que la membrane péritonéale perforée en formait le fond. A deux pouces de ce premier ulcère, on en voyait un second beaucoup moins avancé (**).

IIIe fait. — Un homme de trente-quatre ans, dont l'estomac présentait cette forme d'irritation gastrique connue sous le nom de dyspepsie, fut soumis à un régime adoucissant qui produisit les meilleurs effets. Le malade paraissait rétabli, lorsqu'un soir, en tirant ses bottes avec effort, il fut subitement saisi d'une douleur atroce à l'estomac, d'un tremblement général, d'anxiété, de suffocation; l'abdomen était contracté, dur, affaissé, très-sensible à la pression. Les accidens diminuent un instant pour se réveiller avec plus d'intensité , et le malade succombe dix heures après leur invasion.

A l'ouverture , épanchement dans l'abdomen de plusieurs pintes de matière purulente d'une odeur infecte ; pseudo-membranes molles ; rougeur foncée du péritoine. « L'estomac offrait sur sa face antérieure , « vers sa petite courbure et à trois travers de doigt du pylore, un léger engorgement squirrheux, très-peu « étendu, et exactement circonscrit. L'estomac était percé de part en part dans le centre de cette petite in-« duration. L'ouverture arrondie, taillée en biseau aux dépens de la face interne du viscère, avait à peine « trois à quatre lignes de diamètre en dedans, une ligne et demie à deux lignes au plus en dehors. Son « bord circulaire, dans ce dernier sens, était extrêmement mince, noirâtre, légèrement dentelé et uni-« quement formé par la tunique péritonéale de l'estomac. Une surface ulcéreuse, lisse et grisâtre, formait « d'ailleurs les parois de cette espèce de canal qui avait de la sorte établi une communication libre, très-« étroite, comme lenticulaire, entre la cavité de l'estomac et celle de l'abdomen (***). »

De l'hémorrhagie, suite d'ulcère de Vestomac.

De tous les accidens que peut entraîner l'ulcère de l'estomac, un des plus fréquens et des plus graves est sans contredit l'hémorrhagie. Le tissu artériel, si réfractaire en général à tout travail morbide, n'échappe pas à l'inflammation ulcéreuse ; de là le vomissement noir, l'héma-témèse qui peut être portée jusqu'à la mort par hémorrhagie. Il n'est aucun point du cercle artériel de l'estomac qui ne puisse devenir la source d'une hémorrhagie plus ou moins grave. Mais parmi les faits que j'ai pu recueillir à cet égard, je ne vois que l'artère coronaire stoma-ch ique et l'artère splénique qui aient donné lieu à une hémorrhagie mortelle. Les connexions de l'artère splénique avec la paroi postérieure de l'estomac, la fréquence des ulcères dans cette

( ) Mémoire, sur les perforations de l'estomac , par Gérard.

C*) Médecine légale par Lecieux, Renard, Laisné , Rieux. Paris, 1819, in-8 , p. 10 1.

Arch. de Médecine, tome 11e, p. 388. Obs. publiée par M. Rullier. — Il me paraît évident que ce fait doit être rapporté à l'ulcère simple , et nullement au sqnirrhe de l'estomac. L'expression d'engorgement squirrheux n'est évidemment employée que comme synonyme d'augmentation de consistance et d'épaisseur , ainsi que l'indique l'expression de petite induration qu'on lui substitue bientôt après,

Xe LIVRAISON. 2

région expliquent comment cette dernière artère peut être envahie par l'ulcération, bien qu'elle ne fasse pas partie du cercle artériel gastrique; et tel est le calibre de cette artère, que sa lésion ne peut pas ne pas être suivie d'une hémorrhagie extrêmement grave, peut-être même toujours mortelle. Le calibre moins considérable de l'artère coronaire stomachique doit souvent permettre son oblitération.

Là planche 6 va nous fournir des exemples d'ulcères chroniques de l'estomac avec lésion tantôt de l'artère coronaire stomachique et tantôt de l'artère splénique.

Ulcère occupant la petite courbure de Vestomac. Première hématémèse guérie ; deuxième héma-témèse mortelle (*). Ouverture de l'artère coronaire stomachique.

Petit, âgé de vingt-neuf ans, menuisier, d'un tempérament sanguin, musculeux, adonné depuis son enfance à l'usage des boissons sphïtueuses. Il y a cinq ans, hématémèse qui se reproduisit tous les soirs pendant huit jours avec une grande abondance, et céda sous l'influence des boissons astringentes. Deux mois de repos au lit furent nécessaires au malade pour lui faire recouvrer ses forces. Revenu à ses travaux , il se livra de nouveau à sa funeste habitude sans que sa santé parût en souffrir notablement.

Le i5 avril i83o, chaleur et douleur à l'épigastre; perte d'appétit. Il peut néanmoins continuer son travail jusqu'au 3o au soir qu'un malaise général le força à se mettre au lit. Immédiatement après, vomissement de sang dont la quantité peut être évaluée de cinq à six livres. Transporté à l'hôpital de la Charité, il présente un pouls petit, dépressible, une anémie presque complète qui repoussa toute idée d'évacuation sanguine : on s'en tint donc à de larges sinapismes aux pieds.

Le Ier mai, le malade n'a qu'un seul vomissement de sang peu abondant; le pouls s'est relevé avec les forces. (Vingt sangsues à l'épigastre, sinapismes aux mollets, riz gommé avec eau de Rabel et sirop de coing; émulsion avec le sirop diacode ; diète.) Le soir, hématémèse assez considérable.

Le 2, même état, point de selle. (Vingt sangsues à l'anus, sinapismes; même boisson.) A cinq heures du soir, hématémèse plus considérable que les prédédentes, prostration extrême; mort à dix heures.

Ouverture du cadavre. — Peau décolorée, embonpoint notable. L'abdomen ouvert, on est frappé par la couleur rouge violacée du gros intestin qui contraste avec la pâleur de l'estomac et de l'intestin grêle. L'estomac contient un liquide sanguinolent dans lequel nagent quelques caillots. Au niveau de la petite courbure PC, fig. 2 (pl. 6), existe une ulcération profonde, circulaire, de six lignes de diamètre , circonscrite par un bourrelet très-dense. Le pourtour et le fond de l'ulcère sont cicatrisés, excepté dans le point AP, d'où s'élevait un caillot de sang en forme de mamelon; un stylet porté dans l'artère coronaire stomachique et dirigé de l'origine vers l'extrémité de ce vaisseau, chasse le caillot et pénètre dans la cavité de l'estomac ; mais en retirant un peu le stylet, et en le poussant dans la même direction, on l'a fait entrer dans le prolongement du vaisseau qui n'était interrompu que dans les trois quarts environ de la circonférence. Le repli muqueux qui forme un cercle autour du pylore OP est perforé de part en part à son bord adhérent. La face externe de l'estomac a été représentée (fig. a) au niveau de l'ulcère. L'aspect froncé des parois au niveau de l'ulcère a été parfaitement rendu. Quelques floccons de tissu adipeux soulevaient le péritoine.

Le duodénum et l'intestin grêle sont tapissés par une couche mince de mucosités sanguinolentes ; le gros intestin est rempli d'une bouillie visqueuse, rouge-noirâtre, d'une teinte d'autant plus foncée qu'on l'examine plus près du rectum.

Réflexions. — Ce qu'il y a de plus remarquable dans cette observation, c'est le long intervalle de bien-être qui sépare les deux hématémèses. L'ulcère de l'estomac remonte-t-il jusqu'à la première hématémèse ? Cela est probable. Un caillot salutaire aura arrêté l'écoulement du sang, une cicatrice solide se sera formée après deux mois de traitement, et le malade aura recouvré toute la plénitude de sa santé. Ce n'est qu'au bout de cinq ans que le centre de la cicatrice s étant ulcéré à la suite d'un malaise, l'artère coronaire stomachique qui n'avait pas été oblitérée , mais seulement obstruée par un caillot, a été de nouveau intéressée : d'où une hémorrhagie mortelle. On pourrait encore admettre que la première hémorrhagie a été produite par une branche de l'artère coronaire stomachique, tandis que la seconde est due à la lésion du tronc lui-même. Il est singulier de voir l'artère seule intéressée par une ulcération nouvelle

(*) Pièce et Observation présentées à la Société anatomique, par M. Ricard, l'un de ses membres. (Hôpital de la Charité , service de M. Rullier.)

au milieu d'une cicatrice parfaite. Dans l'observation suivante, l'hémorrhagie a été fournie par l'artère splénique.

Ulcère occupant la paroi postérieure de Vestomac. Hématémèse et déjections sanglantes. Lésion

de U artère splénique.

Un portier, âgé de cinquante-six ans, éprouvait depuis six ans des coliques habituelles qui lui donnaient une grande tristesse, mais qui ne l'empêchaient pas de se livrer à ses occupations et de prendre des alimens. Parfois ces coliques augmentaient, et alors le malade se soulageait en comprimant fortement l'épigastre contre le dos d'une chaise. De temps à antre il rendait du sang par les selles. Des bains long-temps continués , des potions opiacées, une nourriture très-adoucissante le soulagèrent sans le guérir.

Le il\ mars, je le trouve au lit ; il me raconte que la veille il se trouvait comme de coutume, lorsque tout-à-coup il a rendu une grande quantité de sang par le haut et par le bas. Le malade est oppressé, son pouls est lent et régulier; il a la conscience d'une lin prochaine, et en effet il mourut la nuit suivante au milieu d'une syncope et après avoir rendu beaucoup de sang par la bouche et par l'anus.

A l'ouverture du cadavre, je trouvai que les intestins grêle et gros avaient une couleur livide ; elle était due à une grande quantité de sang contenue dans leur cavité. L'estomac présentait comme un étranglement à sa partie moyenne, et cet étranglement était produit par une adhérence intime qu'il avait contractée avec le pancréas. Je l'ouvre : il était également rempli de sang et présentait (fig. 3, pl. 6) sur sa paroi postérieure, à quatre à cinq lignes de la petite courbure PC, un ulcère de cinq à six lignes de diamètre. Cet ulcère était profond, à bords durs et coupés à pic, à fond grisâtre d'apparence fibreuse, et présentant tons les caractères d'une cicatrice. Le pancréas formait le fond de cet ulcère ; on y voyait l'orifice béant d'un vaisseau AP ; c'était l'artère splénique.

Cicatrices des ulcères de F estomac.

Les ulcères de l'estomac guérissent par un travail de cicatrisation tout-à-fait semblable à celui des ulcères des autres organes. Les parties saines voisines sont d'abord attirées pour diminuer le diamètre de la perte de substance, d'où le froncement du pourtour de l'ulcère. La surface de l'ulcère se couvre ensuite dune couche fibreuse ; ses bords deviennent durs, extrêmement denses et forment un bourrelet circulaire. Jamais ces cicatrices ne m'ont offert les caractères du tissu muqueux, mais bien les caractères d'un tissu fibreux extrêmement dense.

La figure i (pl. 6) représente un ulcère de l'estomac occupant la petite courbure : cet ulcère a détruit les membranes muqueuse , fibreuse et musculaire dans les deux tiers de sa surface. La tunique péritonéale forme donc à elle seule presque tout le fond de l'ulcère U, et comme aucune adhérence n'existait entre l'estomac et les parties environnantes, il est probable que, si le malade avait vécu, la perforation aurait été complète. Je n'ai aucun renseignement sur cet individu. Des lignes radiées indiquent très-bien le froncement qui existe tout autour de l'ulcère.

M. Blandin a présenté à la Société anatomique l'estomac d'un individu qui succomba à l'hôpital Beaujon huit jours après l'amputation d'un doigt. L'amputation avait été nécessitée par l'écrasement de ce doigt; le malade alla boire de l'eau-de-vie immédiatement après. Survint un phlegmon érysipélateux qui envahit tout l'avant-bras et se termina par la gangrène et par la mort huit jours après l'amputation. L'estomac de cet individu présentait, au niveau de la petite courbure, au voisinage de l'orifice cardiaque, une perte de substance ovalaire d'un pouce dans son plus grand diamètre. Les bords de l'ulcère étaient coupés en talus ou en dédolant; ils étaient très-denses , fibreux, ainsi que le fond qui offrait l'aspect d'un tissu fibreux.

Une discussion s'éleva dans le sein de la Société sur la question de savoir si cet ulcère était de date récente ou s'il était ancien. Les uns voulaient que ce fut un ulcère récent dont ils rapportaient l'origine à l'opération, c'est-à-dire, à huit jours; mais d'autres pensèrent, et je fus de ce nombre, que cet ulcère était tout-à-fait étranger aux accidens qui avaient emporté le malade; l'aspect et la densité du tissu qui formait le fond et les bords de cet ulcère, me portèrent à affirmer qu'il était cicatrisé.

Une cicatrice analogue existait dans l'estomac de mon célèbre prédécesseur Béclard, qui avait présenté pendant plusieurs années des symptômes de gastrite chronique.

La figure 4 (pl. 6) nous fournit un exemple de cicatrice énorme de l'estomac UC, UC. Elle occupe la paroi postérieure. L'estomac a été complètement détruit à son niveau; le pancréas P remplit la perte de substance et sert de support à la cicatrice qui consiste dans une lame fibreuse extrêmement ténue. La disposition granuleuse de la glande apparaît à travers le peu d'épaisseur de la cicatrice. Il est malheureux que nous n'ayons aucun renseignement sur cet individu.

La figure i (pl. 5) représente l'estomac d'un savant dont voici l'histoire :

M. G. (*), homme de lettres, d'un tempérament bilieux, avait toujours joui d'une bonne santé; seulement ses digestions étaient parfois laborieuses, comme il arrive chez la plupart des hommes de cabinet. A cinquante-huit ans, la mamelle droite devint squirrheuse,et fut extirpée par M. Boyer. Plusieurs années après, les digestions devinrent habituellement laborieuses, accompagnées de gonflement à l'épigastre, d'éructations, de sensibilité légère à la région du pylore. A soixante-dix ans, se manifestèrent des vomissemens fréquens, tantôt des alimens et tantôt de matières muqueuses , bilieuses et sanguinolentes ; en même temps , constipation opiniâtre, mouvement fébrile, gonflement à l'épigastre et à l'abdomen. Des sangsues, des bains, des cataplasmes émolliens, la diète lactée améliorèrent notablement tous les symptômes. L'état aigu disparaît, et M. G. ne tarde pas à reprendre ses occupations habituelles. Mais ses digestions sont de plus en plus pénibles; et le malade, ami de la table et peu scrupuleux sur le régime, se donne fréquemment de violentes indigestions , tellement qu'il se crut plusieurs fois empoisonné. Depuis un an surtout les accidens du côté de l'estomac étaient devenus et plus intenses et plus habituels, lorsque le 17 décembre 1828, le malade ayant alors soixante-treize ans, fut pris, à la suite d'une violente indigestion , d'une hématémèse des plus abondantes, accompagnée de syncope et suivie de selles sanguinolentes. M. Vallerand, médecin ordinaire du malade , put craindre une mort immédiate; néanmoins la vie se ranime, et l'hémorrhagie cède par l'emploi de boissons à la glace acidulées, de glace sur l'abdomen, de sinapismes et de frictions sur les membres. Les jours suivans, l'état du malade est moins désespéré; mais les boissons les plus légères et les plus adoucissantes, le lait d'ânesse, le bouillon de poulet, quelques grains de raisin, fatiguent l'estomac et causent des rapports aigres, un sentiment de gonflement à l'épigastre, et souvent des douleurs aiguës. A la constipation, qui est l'état habituel, succède quelquefois un dévoiement abondant. L'exploration de la région pylorique de l'estomac fait reconnaître une très-petite tumeur circonscrite qu'on regarde comme due au pylore cancéreux. Le teint jaune-paille de la peau semble encore confirmer ce diagnostic. Trois semaines se passent dans cet état; enfin, le ig janvier 182g, survient une hématémèse qui emporte le malade après vingt-quatre heures d'agonie.

A l'ouverture, on trouve (fig. 2, pl. 5) l'estomac d'une grande opacité, flasque comme chez les grands mangeurs; la muqueuse est pâle; quelques arborisations superficielles se voient çà et là sur la face interne de l'estomac. L'orifice pylorique OP est extrêmement rétréci, et bordé par un cercle fibreux très-dense; il permettait seulement le passage d'un tuyau de plume à écrire ; à l'extérieur, se voyait un froncement très-marqué ; l'épipioon était ramassé sur lui-même et adhérent. Ce n'est pas tout, une cicatrice fibreuse circulaire fort remarquable UC existait à la paroi postérieure de l'estomac; un rebord très-dense, saillant, surtout en haut, en traçait exactement les limites. On voyait des lignes radiées partir de cette ulcération comme d'un centre. Mais ces radiations se remarquaient principalement à la face externe de l'ulcère représenté fig. 2'. Le lieu de la cicatrice C était on ne peut plus marqué.

Réflexions. — Ce fait confirme tous les précédens, et prouve d'une manière péremptoire l'analogie qui existe sous le point de vue des symptômes entre l'ulcère simple et le cancer ; et ici l'existence d'un cancer mammaire antérieur, la présence à l'épigastre d'une petite tumeur formée sans doute par l'induration pylorique grossie par les enveloppes à travers lesquelles on la sentait, semblaient militer fortement en faveur de la maladie cancéreuse. Ce fait établit en outre un mode d'obstruction du pylore qui doit être excessivement rare, savoir l'obstruction par cicatrisation d'un ulcère circulaire. Les accidens éprouvés à l'âge de soixante-dix ans tenaient bien évidemment à l'existence de ces deux ulcères. Le siège de l'un de ces ulcères au pylore et l'obstacle qui devait en résulter pour le passage des alimens explique pourquoi le malade a constamment éprouvé, depuis cette époque, des accidens du côté de l'estomac. Mais quelle a été la source des deux hématémèses qui ont terminé les jours du malade? Auraient-elles eu lieu par exhalation? Voilà ce qu'il m'a été impossible de déterminer. Les vaisseaux veineux superficiels représentés fig. 1 sembleraient dénoter une hémorrhagie par exhalation.

(*) Je dois celte observation et la pièce pathologique qui l'accompagne à l'obligeance de mon ami le docteur Vallerand.

10e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DE L'ESTOMAC .

(Ulcères.)

PHLÉBITE ET ABCÈS VISCÉRAUX

j4 la suite des plaies, des grandes opérations chirurgicales et de Vaccouchement

(planches i, ii et iii, xie livraison.)

Considérations générales.

I. Les premiers observateurs qui ont cherché à découvrir la cause de la mort, à la suite des plaies et des grandes opérations chirurgicales, ont signalé l'existence d'abcès intérieurs dans les principaux viscères, et nommément dans le foie et dans les poumons. Les observateurs modernes ayant constaté la fréquence et la gravité de ces lésions, n'hésitent pas à les regarder comme la cause la plus fréquente de la mort des blessés : et tandis que les chirurgiens du dernier siècle, les yeux fixés sur la plaie, cherchaient exclusivement dans cette plaie la raison de tous les phénomènes qui se succèdent dans le cours du traitement des solutions de continuité, les chirurgiens modernes étudient l'état général aussi-bien que l'état local, et ne voient dans les diverses qualités du pus, dans sa quantité, dans la coloration des chairs, que le thermomètre de l'état des viscères.

IL Ce fait une fois bien établi, et converti en loi par sa généralité, savoir : Vexistence simultanée de solutions de continuité suppurantes et d'abcès multiples dans les viscères ^ il a fallu l'interpréter, le théoriser. Or, les plaies et les opérations chirurgicales étant le plus souvent faites chez des individus brillans de santé, il répugnait d'admettre que la lésion viscérale avait précédé la solution de continuité. Cependant, comme, d'une autre part, l'observation avait appris qu'un grand nombre de lésions organiques existent à l'état latent ; en outre, les abcès viscéraux par leur multiplicité, par leur siège, et quelques apparences que nous aurons soin d'indiquer, ayant de l'analogie avec les tubercules suppures, plusieurs praticiens distingués ont émis et soutenu l'opinion que ces abcès n'étaient autre chose que le résultat du développement de tubercules préexistons.

III. Si la théorie du développement des tubercules préexistans ne doit pas être adoptée d'une manière générale, elle ne doit pas être non plus repoussée dans tous les cas, car elle répond à un certain nombre de faits : ainsi, les chirurgiens des hôpitaux civils qui pratiquent la plupart des amputations pour des maladies chroniques, pour des tumeurs blanches, par exemple, ont dû souvent rencontrer des tubercules à divers degrés dans tous les organes, souvent des tubercules en même temps que des abcès; d'où le pré epte de ne jamais pratiquer une amputation, une opération chirurgicale grave, sans avoir préalablement exploré les viscères, et surtout les poumons.

IV. Si l'anatomie pathologique étaye dans quelques cas la théorie des tubercules préexistans, comme cause des abcès viscéraux, elle la repousse comme doctrine générale; car elle nous montre, dans l'immense majorité des cas, à côté de ces abcès toutes les phases de l'inflammation la plus franche, la plus phlegmoneuse, mais aussi la plus nettement circonscrite : point de tubercules; point de matière tuberculeuse infiltrée dans les parois ou déposée en fragmens dans les abcès ; en un mot, nous trouvons toujours des foyers purulens, jamais de foyers tuberculeux. L'observation clinique confirme pleinement ces résultats fournis par l'anatomie pathologique : bien plus, en nous montrant ces abcès se développant chez les individus les plus sains et les plus vigoureux, les symptômes les plus formidables succédant tout-à-coup à l'état général le plus satisfaisant, elle nous dévoile le jour, l'heure de l'invasion, et des périodes de symptômes tout-à-fait en harmonie avec des périodes de lésion.

xie livraison. 1

V. Les abcès viscéraux étant donc consécutifs aux solutions de continuité, dans l'immense majorité des cas, il était naturel d'admettre un rapport de cause à effet entre les uns et les autres. Mais comment une plaie qui suppure détermine-t-elle des collections purulentes dans les poumons, le foie, etc.? Ici des hypothèses plus ou moins ingénieuses ont été créées pour remplir le vide qui sépare ces deux ordres de phénomènes ; et là où il fallait un troisième fait pour lier les deux premiers, on a imaginé la métastase, on a invoqué la résorption purulente, le reflux des matières , etc.

VI. La première idée qui devait se présenter était en effet le transport pur et simple du pus de la plaie dans les viscères ou la métastase. Cette doctrine de la métastase purulente s'appuie sur les raisons suivantes : i° sur la diminution ou même sur la suppression de la suppuration extérieure, qui est le prélude constant de la formation des abcès intérieurs; i° sur l'identité absolue du pus de la plaie et du pus des abcès ; 3° sur l'absence des symptômes généraux et locaux que les pathologistes donnent comme signes caractéristiques de l'inflammation viscérale ; 4° sur la rapidité de la formation de ces abcès ; 5° sur le défaut d'inflammation des couches adjacentes ; 6° sur la présence du pus dans les veines et dans les cavités droites du cœur au milieu de caillots sanguins.

VIL Mais, dans l'hypothèse de la métastase purulente, quels sont les agens du transport du pus de la plaie dans les viscères ? Le raisonnement a pris encore ici la place des faits. Alors que les veines étaient en possession de remplir exclusivement dans l'économie les fonctions de vaisseaux absorbans, on chargea les veines de cette absorption et de ce transport. Lorsque la découverte des vaisseaux lymphatiques eut dépouillé les veines de leurs fonctions absorbantes, les vaisseaux lymphatiques furent substitués aux veines dans l'absorption morbide, de même que dans l'absorption normale. Enfin les physiologistes modernes ayant partagé l'absorption physiologique entre les vaisseaux lymphatiques et les vaisseaux veineux, l'absorption du pus est par les uns exclusivement confiée aux veines, et par les autres également confiée à ces deux ordres de vaisseaux.

VIII. La doctrine de la résorption et du dépôt du pus en nature, si long-temps décréditée, et même frappée du cachet du ridicule, comme d'ailleurs toutes les doctrines humorales, vient d'être reproduite de nos jours, et soutenue avec beaucoup de talent par M. Velpeau dans une suite de Mémoires intéressans, et appuyée par MM. Maréchal et Eugène Legalois (*), etc.

Les auteurs de cette doctrine admettent que le pus sécrété dans la profondeur ou à la surface du corps peut être résorbé, circuler en nature avec le sang, et se déposer également en nature dans l'épaisseur de tel ou tel organe, sans travail inflammatoire préalable de ces organes. A Dieu ne plaise que je confonde cet humorisme nouveau, qui s'appuie sur des faits nombreux, avec l'humorisme de Galien, Sylvius et autres; mais il est curieux de voir l'esprit humain roulant sans cesse dans le même cercle de vérités et d'erreurs ; les excès du solidisme réveillant en quelque sorte l'humorisme qui va peut-être régner de nouveau dans la science avec ses causes occultes et ses explications faciles.

IX. lies faits invoqués par les observateurs que je viens de citer sont inattaquables comme faits; ce qu'on peut attaquer, c'est leur interprétation. MM. Velpeau, Maréchal et autres, ont vu du pus dans les veines, dans les cavités droites du cœur ; ils en ont vu au milieu de caillots sanguins; j'en ai vu comme eux : tous les observateurs modernes en ont vu : non moins souvent encore (voyez la xne livraison), j'ai trouvé du pus dans les vaisseaux lymphatiques; comme eux, j'ai vu des foyers de pus dans les viscères, poumons, foie, cerveau, rate, muscles, synoviales, sans traces manifestes d'inflammation tout autour. Les veines, les vaisseaux lymphatiques et le cœur qui contenaient du pus, m'ont également paru, dans beaucoup de cas, exempts des caractères dits anatomiques de l'inflammation.

X. Mais ce pus, observé dans les veines, dans le cœur, au sein des caillots, ne serait-il pas formé

(*) Journal hebdomadaire de Médecine , 182g, t. m,

dans le lieu même où on le rencontre? Le pus trouvé dans les viscères ne serait-il pas le résultat d'une inflammation circonscrite du viscère lui-même? La diminution ou la suppression de la suppuration ne serait-elle pas l'effet plutôt que la cause du désordre intérieur, en vertu de cet aphorisme : duobus doloribus (yel stimulés) simul obortis, vehementior obscurat alterum. Telle est sans contredit l'interprétation la plus naturelle et la plus vraie; telle est d'ailleurs, quant aux abcès viscéraux, celle qui avait été donnée par Quesnay (*), Morgagni (**), et qu'ont soutenue dans ces derniers temps avec beaucoup de talent MM. Blandin et Dance. Voici les raisons qui militent en sa faveur : i° La formation des abcès viscéraux est toujours accompagnée de symptômes généraux plus ou moins graves, qui ne trouvent nullement leur explication dans l'état de la plaie. i° L'absence de symptômes locaux du côté des viscères ne témoigne pas de l'absence de l'inflammation de ces viscères ; car d'une part, il existe un très-grand nombre de phlegmasies sans douleur; d'une autre part, il n'est pas rare de voir ces abcès viscéraux précédés et accompagnés de douleurs assez vives. Ainsi, une douleur par la pression m'a permis de diagnostiquer, dans plusieurs cas, des abcès du foie. Ainsi, les abcès superficiels du poumon se compliquent souvent de pleurésie locale ou générale, s'annonçant par de la douleur. Mais en général la phlegmasie est aussi latente que possible; déjà Pigray avait noté qu'à la suite des plaies de tête, plusieurs blessés chez lesquels la fièvre s'était déclarée le troisième jour de la blessure, et qui n'avaient manifesté aucune douleur, mouraient avec un grand nombre d'abcès dans la substance du foie. 3° Sans doute il existe un certain nombre d'abcès qui ne présentent, en dehors du kyste purulent, aucune trace d'inflammation; en sorte que, dans ce cas, il semblerait que le pus a été déposé purement et simplement dans les mailles du tissu de l'organe ; mais cette absence d'inflammation, on ne l'observe que dans les abcès complets, si je puis m'exprimer ainsi; car si les malades succombent à une période moins avancée de la maladie, on rencontre toutes les périodes de l'inflammation circonscrite des poumons ou du foie; d'abord l'induration rouge, puis du pus infiltré, phis tard quelques gouttelettes de pus ramassées au centre d'une induration rouge ou grise, enfin un véritable abcès parfaitement circonscrit. Nous verrons plus tard que la forme sphéroïde, que la circonscription parfaite de l'inflammation et de l'abcès s'expliquent par le siège de cette inflammation dans les capillaires veineux. Quant à la rapidité de la formation du pus, elle n'a rien qui doive nous étonner, la durée de la maladie étant au moins de cinq à six jours.

XL Les abcès viscéraux sont donc idiopathiques, c'est-à-dire, formés au sein même des viscères par un travail inflammatoire. Ce sont de gros tubercules aigus, suite de pneumonies ou d'hépatites lobulaires, ainsi que l'a très-bien dit, dans sa dissertation inaugurale, M. Blandin. Cette manière de voir se trouve d'ailleurs professée de la manière la plus formelle par Mor-gagni, nempè tubercula plerumque inverties sive inpulmonibus, sive in ipso jeeore non omnia fuisse suppurata ; quid? Si œgro moriente, necdum ulla essent quœ pus habere inciperent. Nous voici revenus à notre point de départ, et l'une des inconnues du problème se trouvant éliminée, ce problème doit être maintenant conçu en ces termes : Déterminer comment, a Voccasion d'une plaie qui suppure, surviennent des foyers multiples d'inflammation dans les viscères?

XII. Le solidisme de l'école de Pinel était muet devant des faits pareils ; Bichat, lui-même, subissait le joug, bien que dans quelques passages de ses immortels ouvrages il semble pressentir l'importance de l'altération du sang. Une métaphore, un mot heureux, prit la place

(*) Traité de la Suppuration, p. 344- ( C*n a quelquefois trouvé dans ceux qui meurent huit ou dix jours et même plus long-temps « après que les premiers accidens de la résorption ont paru, des inflammations et des abcès ensemble, tantôt dans les poumons , le « plus souvent dans le foie, et quelquefois dans le cerveau -, d'où il paraît que les abcès qui se forment à la suite d'une résorption « sont rarement de simples dépôts produits par la seule collection des matières repompées , qu'ils sont nu contraire presque toujours « la suite d'une inflammation causée par ces matières. Ces abcès doivent être aussi la cause de la suppression de suppuration et de « tous les autres accidens qui l'accompagnent; c'est la cause qu'on a prise pour l'effet, lorsqu'on les a attribués au reflux du pus. »

(**) De Sedibus et Causis, ep. LI, nos 17, 18, 19, 20.

(***) Par tubercules, Morgagni n'entend rien autre chose que des petites tumeurs, ainsi que le prouvent les développemens ultérieurs dans lesquels il entre à ce sujet.

d'un fait; ce mot c'est celui de sympathie. Si le foie est si fréquemment affecté dans les plaies de tête, c'est, suivant Desault et Bichat (*), parce que le foie, les organes gastriques, sont liés par une étroite sympathie avec le cerveau. On sait quelles explications bizarres et opposées des abcès du foie dans les plaies de tête ont été données par Pouteau et Bertrandi. M. Richerand émit l'opinion que ces abcès, dans les plaies de tête, tenaient à la contusion ou commotion simultanée du foie et du cerveau, et cette manière de voir pouvait au moins rendre un compte satisfaisant d'un certain nombre d'abcès hépatiques. Mais la formation de ces abcès, à coté desquels nous devons ranger les inflammations des synoviales, des séreuses, des muscles, du tissu cellulaire, est un fait trop général, et dans le plus grand nombre des cas, trop indépendant de toute commotion et de toute contusion pour pouvoir se resserrer dans une explication aussi circonscrite.

XIII. L'anatomie est vainement invoquée pour soulever le voile qui couvre ces phénomènes; la porosité de nos tissus qui, suivant les anciens^ permettait aux liquides de filtrer d'un lieu dans un autre comme à travers une éponge ; la perméabilité, la continuité du tissu cellulaire à travers les cellules duquel Bordeu faisait voyager tant de liquides et même tant de causes morbides; l'imbibition; l'endosmose et l'exosmose qui ont été substitués dans ces derniers temps à la porosité des anciens; la continuité du système nerveux et vasculaire; les correspondances sympathiques ; la loi du consensus y en un mot, la science de l'organisation tout entière confesse son impuissance en présence d'un pareil phénomène. Une phlegmasie qui paraissait n'avoir aucun trait à celle qui nous occupe ici, la phlébite, a rempli le vide immense qui semblait séparer la plaie qui suppure des abcès viscéraux. Or, une série nombreuse d'expériences que j'ai publiées en 1826 (**) me paraît avoir établi d'une manière rigoureuse cette proposition:

Tout corps étranger introduit en nature dans le système veineux détermine , lorsque son élimination par les émonctoires est impossible, des abcès viscéraux entièrement semblables a ceux qui succèdent aux plaies et aux opérations chirurgicales, et ces abcès sont le résultat d'une phlébite capillaire de ces mêmes viscères.

XIV. Si l'on injecte un corps irritant, de l'encre, par exemple, dans la veine fémorale d'un chien (du cœur vers les extrémités); si les veines collatérales n'ont pas porté le liquide dans le torrent delà circulation, cas dans lequel cette injection est immédiatement mortelle ; au bout de trente-six heures, le membre malade se tuméfie, et si l'animal meurt ou est sacrifié, on trouve une multitude innombrable de foyers sanguins (foyers apoplectiques) dans l'épaisseur des muscles et du tissu cellulaire du membre. Les grosses veines sont distendues par du sang concret et adhérent; les veinules correspondantes aux foyers sont également pleines de sang concret, tandis que les veinules correspondantes aux parties saines sont libres. Si l'animal survit à l'expérience, des foyers de pus remplacent les foyers sanguins en même temps que le pus remplace le sang coagulé dans les veines. J'ai simplifié cette expérience en substituant un irritant mécanique à un irritant chimique. Une tige de bois fut introduite, de haut en bas, dans la veine fémorale d'un chien, depuis son extrémité supérieure jusqu'aux creux du jarret, et une autre tige, de bas en haut, jusque dans la veine cave ascendante. L'animal mourut le sixième jour avec beaucoup d'oppression; l'extrémité inférieure était infiltrée, et l'infiltration s'étendait jusqu'aux parois thoraciques. Toutes les veines et veinules du membre inférieur étaient injectées de pus. Lorsqu'on divisait les muscles, de petits foyers de pus apparaissaient çà et là ; c'étaient des veinules gonflées d'un pus qu'on pouvait exprimer avec la plus grande facilité. Autour de ces veinules, le tissu musculaire était rouge, fragile, en un mot dans cet état d'induration rouge qui précède la suppuration. Toujours des veines saines répondaient à des portions de muscles sains^ et des veines malades conduisaient constamment à un foyer induré. La veine fémorale était transformée en un canal purulent, duquel partaient, à coté de rameaux sains, des rameaux pleins de pus. La synoviale du genou contenait de la synovie purulente.

(*) OEuvres chirurgicales de P.-J. Desault,. publ. par Xav. Bichat, 3e édit. Paris, i83o, 3 vol. in-8, lig. (**) Recherches sur le siège immédiat de VIn/lammat., Nouv. Bibl. méd., t. iv, p. 1 et i53, 1826.

XV. Dans Jes cas précédens, le désordre était local. Si l'animal avait vécu plus longtemps, il est probable que des foyers purulens auraient remplacé les foyers sanguins, et qu'à chaque foyer aurait répondu une veinule lacérée : ces cas sont le type des abcès disséminés dans l'épaisseur des membres qu'on rencontre si souvent à la suite de la phlébite traumatique. Il importait de déterminer ce que devient le pus de ces phlébites locales lorsqu'il se trouve dans le torrent de la circulation. Mais comme le pus ne peut être reconnu lorsqu'il est mêlé au sang, il fallait, pour donner à la démonstration toute la rigueur des expériences physiques, trouver un liquide qu'il fût possible de reconnaître et de suivre dans ses plus petites molécules, quelque part qu'elles fussent nichées; ce liquide, c'est le mercure. Or, si l'on parvient à faire pénétrer le mercure dans le système veineux, quelle que soit la voie de cette pénétration (le système abdominal excepté), toujours le mercure est retrouvé dans les poumons. Ainsi, injectez du mercure dans la jugulaire, dans la veine fémorale, vous verrez, si le mercure est en grande quantité , l'animal devenir extrêmement oppressé et succomber en douze, dix-huit, vingt-quatre heures, dans un état assez analogue à l'asthme ou au catarrhe suffoquant. Vous trouverez la totalité du mercure dans les poumons qui seront non pas enflammés, mais engoués de sérosité que vous exprimerez par flots. Si la quantité de mercure est moindre, l'animal survivra plus long-temps à l'expérience, et vous trouverez alors un foyer d'induration rouge autour de chaque globule mercuriel; plus tard des foyers purulens, plus tard des foyers tuberculeux ou plutôt un mélange de pus et de matière tuberculeuse; enfin, lorsque l'animal survit deux à trois mois, vous trouverez des tubercules au centre desquels est Un globule mercuriel.

XVI. Je signale à la méditation des physiologistes l'expérience suivante que j'ai variée de mille manières et qui m'a toujours donné les mêmes résultats. J'ai détruit la moelle du fémur, à la moelle j'ai substitué du mercure. Les animaux (c'est sur des chiens que j'ai pratiqué toutes ces expériences) ont vécu quatre à cinq jours, et ont présenté les deux derniers jours une grande oppression; à l'ouverture j'ai trouvé tout le mercure disséminé dans les poumons, et chaque globule environné d'un petit foyer d'inflammation. Le mercure occupait les ramifications de l'artère pulmonaire qui, comme on sait, remplit les fonctions des veines dans les poumons. Une fois j'ai introduit un seul globule de mercure dans la cavité médullaire du fémur, et ce globule, je l'ai retrouvé un mois après dans les poumons : il s'était divisé en plusieurs globules extrêmement petits, dont chacun occupait le centre d'un abcès tuberculeux. On se rendra aisément compte du passage du mercure de la cavité médullaire dans le système veineux, si l'on considère que la surface intérieure du canal médullaire est un réseau osseux, dans les mailles duquel le sang est déposé ; je ne regarde donc pas ce passage comme le résultat d'une absorption, pas plus que je ne regarderais comme tel le passage du mercure du corps caverneux de la verge dans le système veineux. Le sang déposé dans les mailles osseuses ouvertes et inflexibles, entraine avec lui les globules mercuriels par une sorte d'attraction, qui est une conséquence nécessaire du mouvement d'inspiration et de la dilatation de l'oreillette droite.

XVII. Le foie étant l'aboutissant d'un système veineux particulier, et ce système, dépourvu de valvules, ayant de nombreuses racines dans le mésentère, j'attirai une anse intestinale au dehors et j'injectai du mercure dans l'une des veines mésentériques. Chez un chien qui survécut vingt-quatre heures à cette opération, je trouvai le foie parsemé de plaques rouges lie-de-vin superficielles, légèrement proéminentes; son tissu, divisé au niveau de ces plaques, m'a offert la même couleur lie-de-vin dans l'épaisseur de quatre à cinq lignes : un globule mercuriel était au centre de chaque petit foyer d'induration rouge; une certaine quantité de mercure avait pénétré dans les veinules qui rampent dans l'épaisseur des parois intestinales. Eh bien ! au niveau des veinules injectées de mercure, la muqueuse était d'un rouge vif, tapissée par une fausse membrane et un mucus sanguinolent. Le tissu cellulaire sous-péritonéal correspondant et la membrane musculaire elle-même, étaient également d'un rouge cramoisi.

XVIII. Dans ces expériences, le mercure n'arrive pas toujours jusqu'aux veines capillaires;

XIe LIVRAISON. 2

une fois l'animal ayant survécu six jours à l'injection, la branche droite de la veine porte hépatique et toutes ses divisions étaient gorgées de pus blanc, visqueux, qui s'échappait par les orifices des canaux divisés de la veine porte. Ayant rencontré un chien affecté d'une hernie ombilicale épiploïque, j'en profitai pour injecter du mercure dans l'une des veinules qui rampent dans l'épaisseur de l'épiploon. L'animal ne dépérit sensiblement qu'au bout d'un mois; pendant le second mois, il tomba dans le marasme; je le sacrifiai au milieu du troisième. Je trouvai l'épiploon adhérent à la cicatrice de l'abdomen, et tout le long de ce repli membraneux un très-grand nombre de tubercules demi-trans-parens, très-durs, disséminés ou agglomérés. Le foie était comme farci d'une multitude innombrable de tubercules jaunâtres, dont les uns occupaient sa surface et les autres son épaisseur, et dont la couleur contrastait avec la couleur beaucoup plus rouge que de coutume du tissu de l'organe. Ces tubercules, comme ceux de l'épiploon, contenaient dans leur centre un ou plusieurs globules de mercure. Quelques-uns de ces tubercules offraient deux couches bien distinctes; une couche tuberculeuse qui occupait la circonférence, et une couche puriforme qui occupait le centre et au milieu de laquelle étaient les globules mercuriels.

XIX. Il suit de ce qui précède, que les poumons sont pour les corps étrangers introduits dans la circulation générale, et le foie pour ceux introduits dans le système veineux abdominal, un aboutissant inévitable et à la fois une barrière qu'ils ne peuvent franchir que dans un certain nombre de cas. Le jeu de mots des anciens, vena portarían porta malorum ? nest donc que l'expression exacte et précise d'une vérité pratique de la plus haute importance. Toutes les causes morbides qui pénètrent avec les alimens dans le canal intestinal arrivent au foie qui les retient, qui les évacue quelquefois au moyen d'une sécrétion bilieuse plus abondante, et qui, dans d'autres cas, les laisse passer dans les voies de la circulation veineuse générale. Les causes morbides qui pénètrent dans l'économie par d'autres voies que le canal alimentaire, celles qui ont pu traverser le foie, arrivent au poumon qui les arrête souvent, d'autres fois les évacue par l'exhalation si abondante dont l'intérieur de cet organe est le siège, et quelquefois aussi les laisse passer par les veines pulmonaires, et de là dans le torrent artériel qui les porte à tous les organes et les dépose dans le système capillaire général. Le système capillaire général et le système capillaire hépato-splénique communiquent donc largement entre eux, et les causes morbides peuvent passer facilement de l'un à l'autre. Les inflammations des plèvres, du péritoine, des synoviales, du cerveau, du tissu cellulaire, des muscles, de la muqueuse gastro-intestinale et bronchique, doivent donc avoir lieu dans un certain nombre de cas d'infection du sang. Tous les systèmes capillaires, le système capillaire général, le système capillaire pulmonaire, et même le système capillaire placentaire, d'après une expérience très-curieuse de Vieussens, sont donc perméables, même au mercure. On conçoit, d'après cela, que les causes morbides peuvent circuler un grand nombre de fois à travers le système capillaire, et se déposer successivement dans le système capillaire de différens organes, et même dans différens points du système capillaire du même organe.

XX. Ainsi, les veines ne remplissent pas seulement le rôle subalterne de rapporter au cœur le sang qui a servi à la circulation artérielle, et qui est devenu impropre à la vie. Réhabilitées dans leurs fonctions absorbantes par des expériences ingénieuses (qui toutefois sont bien loin d'être une démonstration), elles forment encore la plus grande partie de ce système capillaire que Bichat ne voyait que des yeux de son imagination créatrice, et doivent être étudiées sous un point de vue plus étendu. Elles constituent un vaste réservoir dans lequel se passent tous les grands phénomènes de la nutrition, des sécrétions et de l'inflammation, et dans lequel sont déposés avec les produits de l'absorption toutes les causes morbides qui pénètrent ou s'engendrent dans l'économie. Mais la puissance éliminatrice de l'organisme, si active lorsqu'il s'agit de débarrasser l'économie des matériaux nuisibles qui y ont pénétré par la voie de l'absorption, échoue le plus souvent lorsque ces matériaux sont introduits directement dans les voies circulatoires ou y sont formés de toutes pièces comme dans la phlébite. Je ne saurais trop le répéter,

la phlébite domine toute la pathologie. Le chirurgien doit l'avoir toujours présente dans toutes les opérations qu'il pratique, le médecin dans toutes les dégénérations organiques qui passent à la période qu'on appelle de ramollissement, ou à celle d'ulcération : tantôt la phlébite est bornée aux grosses veines et à leurs principales ramifications, c'est la phlébite ordinaire$ la seule qu'on étudie généralement; tantôt elle occupe les veines capillaires, c'est la phlébite capillaire qui me parait constituer essentiellement l'inflammation ; tantôt elle occupe à la fois et le système capillaire et les veinules qui y aboutissent; il est rare qu'elle soit bornée aux veines du troisième et du quatrième ordre. Cependant je l'ai observé.

XXI. Ici doivent se rapporter les belles recherches de M. Dan ce sur les phlébites en général et sur la phlébite utérine en particulier, recherches dont les principaux résultats ont été lus à la Société anatomique, en janvier 1828, et sont consignés dans son quinzième bulletin (voy. Nouv. bibl. méd.), et qui ont fait ensuite l'objet d'un travail très-étendu (voy. Archiv. gén. de méd., décembre 1828, janvier et février 18*29). Dans ce travail très-remarquable, qui repose sur un grand nombre d'observations, toutes les preuves tirées de l'induction analogique sont déduites.avec une grande sagacité, toutes les périodes de la formation de ces abcès parfaitement indiquées. « Une petite ecchymose d'un noir foncé d abord [Archiv., t. xix, p. 168), sert de base à un engorgement dur, arrondi et noirâtre, lequel s'infiltre de pus et se convertit dans très-peu de temps en un véritable abcès qui se ramollit du centre à la circonférence, étant d'abord environné par un tissu pulmonaire entièrement sain : ainsi, on peut admettre trois degrés dans leur développement. Le premier consiste dans une sorte d'infiltration sanguine, au milieu de laquelle on rencontre quelquefois une ou plusieurs veinules pleines de pus ; le second, dans la formation d'un noyau dur, noirâtre, puis blanchâtre ; le troisième enfin, dans le ramollissement et la conversion en foyer purulent, d'abord du centre, puis de la totalité de l'engorgement : ces foyers ne conservent alors aucune apparence de leur première origine ; cependant il est quelquefois possible de suivre des veines jusqu'à leur voisinage, et même dans leurs cavités. Du reste, les trois degrés de cette altération sont assez souvent réunis dans les mêmes sujets. »

« L'observation ne nous a point encore appris si les abcès qui surviennent à la suite de la phlébite dans les viscères autres que les poumons et le foie, se forment de la même manière ; mais l'analogie porte à penser qu'il en doit être ainsi, car ces abcès paraissent être de même nature et doivent suivre partout la même marche, etc. »

« Si maintenant on réfléchit i° que toutes ces lésions surviennent dans le cours d'une phlébite ; -2° qu'elles parviennent dans peu de jours à l'infiltration et à la collection purulente ; 3° qu'elles présentent des caractères spéciaux tels que jamais une inflammation franche et ordinaire n'en développe de semblables dans les poumons; 4°qu'à côté du tissu altéré on trouve ordinairement un tissu sain ; 5° que les mêmes lésions peuvent être observées dans les mêmes organes à la suite d'une phlébite intérieure comme à la suite d'une phlébite extérieure ; 6° qu'enfin les symptômes graves dont elles sont accompagnées offrent la plus grande ressemblance avec ceux qui annoncent une infection miasmatique des fluides, on conviendra que si le transport et le mélange du pus avec le sang dans le cours de la phlébite ne sont point matériellement démontrés (car l'inspection directe est souvent insuffisante, et l'analyse chimique ne peut encore être d'une grande utilité à cet égard), cette opinion offre du moins les plus grandes probabilités. »

XXII. Eh bien! les expériences rapportées plus haut convertissent ces probabilités en certitude. M. Dance n'ignorait pas ces expériences, il les a même citées (page 171); mais les termes dont il se sert semblent indiquer qu'il regarde les globules mercuriels, introduits dans le torrent de la circulation, comme donnant lieu à la formation de tubercules et non à celle d'abcès. Voici ses propres expressions : « Mais ces expériences ont été faites déjà plusieurs fois : nous citerons en particulier celles de M. le professeur Cruveilhier, qui a produit un développement de tubercules dans les poumons en faisant pénétrer du mercure dans les veines, tubercules dont le noyau était formé par un globule mercuriel. »

XXIII. M. Dance a été frappé par un des résultats les plus curieux de ces expériences, c est-à-dire, par la conversion du petit foyer purulent en foyer tuberculeux, lorsque l'animal survivait assez long-temps à l'expérience. Mais je ne dis nulle part que ce tubercule soit primitif; partout, au contraire, je parle de foyers purulens entourant le globule mercuriel. M. Gaspard, qui avait fait avant moi des injections de mercure dans les veines, mais pour un autre but, parle aussi d'abcès purulens trouvés dans les différens viscères, autour des globules mercuriels.

XXIV. Ces expériences résolvent encore une difficulté que l'observation clinique toute seule n'aurait jamais résolue : comment, en effet, dans l'hypothèse de la phlébite, le pus est-il porté du système veineux général dans le système capillaire du foie? ce pus ne devrait-il pas s'arrêter dans le système capillaire du poumon : il semble donc qu'il ne devrait y avoir d'abcès que dans les poumons. Or, l'observation prouve que les abcès du foie sont très-communs à la suite des plaies et des opérations chirurgicales, si communs qu'ils sont les premiers dont les observateurs aient fait mention, et pourtant le système capillaire du foie ne communique qu'avec la veine porte et les veines hépatiques.

Mais les injections de mercure, en montrant ce liquide subtil, franchissant le système capillaire du foie dans les injections des branches de la veine porte, franchissant le système capillaire général et le système capillaire pulmonaire dans d'autres cas,bien plus, franchissant plusieurs fois les divers systèmes capillaires, réduisent cette objection à sa juste valeur.

XXV. L'expérience qu'on va lire va prouver directement que le pus produit dans une veine enflammée, va engendrer le pus dans le système capillaire veineux des différens viscères. Substituons du pus au mercure, et pour cela introduisons une tige de bois de bas en haut de la veine fémorale d'un animal dans la veine iliaque externe, puis primitive. Du pus sera formé; ce pus se mêlera au sang, et si nous observons les mêmes phénomènes consécutifs que lors de l'injection du mercure dans les veines, bien que la présence matérielle du pus en circulation avec le sang soit impossible à démontrer, nous serons fondés à conclure qu'il a agi à la manière du mercure. Or, l'événement a complètement vérifié ma prévision, ou plutôt il était la conséquence nécessaire des expériences avec le mercure.

XXVI. Il est donc démontré avec toute la rigueur des expériences physiques, que le pus en circulation avec le sang est arrêté dans les divers départemens du système capillaire, que partout il détermine des phlébites capillaires ou des inflammations circonscrites qui parcourent plus ou moins rapidement leurs périodes pour produire des abcès ; que ce pus, comme le mercure, s'arrête le plus souvent dans les poumons, puis dans le foie, la rate, qu'il peut d'ailleurs, comme le mercure, parcourir successivement plusieurs fois le système capillaire et déterminer des inflammations circonscrites dans toutes les parties du corps.

XXVII. Maintenant il se présente une double question du plus haut intérêt. Pourquoi des abcès multiples des viscères ne surviennent-ils pas dans les cas de vastes collections de pus, par exemple dans la pleurésie et la péritonite chroniques avec collection de pus, dans les abcès par congestion? Est-il donc nécessaire d'une phlébite traumatique dans quelqu'un des points de I économie pour produire une phlébite capillaire des viscères? Tous les observateurs, Ques-nay en particulier, ont constaté la différence énorme qu'il y avait sous le rapport des effets consécutifs entre les collections purulentes anciennes et les suppurations récentes traumati-ques. A quoi tient cette différence ? Y aurait-il absorption du pus dans un cas et non absorption dans l'autre cas ? Voici l'explication qui découle immédiatement des faits, ou plutôt qui n'est que l'expression de ces mêmes faits : toutes les fois qu'un liquide susceptible de s'imbiber est en contact avec une surface en suppuration, que ce liquide soit sécrété par nos tissus, qu'il soit étranger à l'économie, ce liquide est absorbé. L'absorption du pus se fait incessamment. Je n'invoquerai pas les faits nombreux qui constatent la présence du pus en nature dans les vaisseaux et les ganglions lymphatiques, parce qu'on pourrait les récuser à juste titre dans un grand nombre de cas, et regarder le pus contenu dans ces vaisseaux et dans ces ganglions comme le produit de leur inflammation. Mais je montrerai bien des abcès volumineux

disparaissant dans l'espace de douze à vingt-quatre heures. L'absorption du pus, comme, d'ailleurs, celle de tous les liquides sécrétés, entre si bien dans le plan de la nature, que je ne crois pas qu'il existe un seul exemple de terminaison de l'inflammation par résolution sans absorption de pus. Tous les jours nous voyons des collections purulentes de la plèvre, du péritoine, enlevées par l'absorption en totalité ou en partie ; et cependant l'économie n'en est nullement troublée, et les matériaux hétérogènes sont éliminés par les émonctoires.

XXVIII. Mais, je ne saurais trop le répéter (voy. ive livr., Phlébite utérine; vne livr., Inflammation des sinus de la dure-mère), il y a une différence énorme entre le pus qui est transmis par absorption au torrent circulatoire et le pus qui est introduit en nature, ou plutôt qui est formé de toutes pièces dans les veines. L'absorption pathologique, de même que l'absorption physiologique, ne s'exercent pas sur les corps en masse, mais successivement sur les divers élémens de ces corps qu'elle modifie peut-être. Le pus en particulier parait d'abord dépouillé de sa partie la plus liquide; sa partie solide n'est absorbée que plus tard, et souvent après avoir acquis la consistance caséeuse. Mais le pus en nature, mêlé immédiatement au sang, altère sa crase, suivant l'expression des anciens, embarrasse sa marche, favorise sa concrétion, s'arrête dans les capillaires et détermine simultanément une multitude de foyers d'inflammation.

La preuve de ce que j'avance se trouve dans les expériences suivantes :

J'ai frictionné plusieurs chiens avec une si grande quantité d'onguent mercuriel, qu'ils ont succombé en sept à huit jours, avec une inflammation gangreneuse des gencives et de là muqueuse buccale : eh bien! aucun tissu, aucun liquide, soumis à l'analyse, n'a présenté de traces de mercure; bien entendu que je n'ai point tenu compte des matières fécales, car l'animal léchait sans cesse la surface de sa peau.

XXIX. Je ne connais que trois voies pour l'introduction du pus en nature dans le torrent de la circulation : i° l'injection directe dans les veines ou dans les artères; i° l'attraction exercée par une veine béante; 3° la phlébite. Or, i° l'injection directe du pus dans les veines, a les conséquences les plus graves; et, si la matière hétérogène n'est pas éliminée, elle produit des accidens qui ont beaucoup d'analogie avec ceux qui succèdent aux plaies et aux grandes opérations chirurgicales ; i° une attraction puissante est exercée par les veines sur les liquides au milieu desquels est plongée l'ouverture béante d'une veine. Cette idée a été émise par M. Maréchal, qui, faisant ici l'application des expériences du docteur Barry, croit que le pus est attiré dans les veines ouvertes par l'aspiration que produisent sur ces vaisseaux et les mouvemens d'inspiration et la dilatation de l'oreillette droite. Cette idée ingénieuse est convertie en fait dans des circonstances déterminées par l'expérience suivante : J'ai fait une large ouverture à la veine fémorale d'un chien, j'ai introduit du mercure, de l'encre dans la plaie; le mercure n'a nullement pénétré dans l'intérieur du vaisseau ; la sortie d'une grande quantité de sang s'opposait évidemment à l'attraction : le moyen de rendre cette attraction possible, c'est de maintenir béant l'orifice de la veine, et l'absorption se décèle alors par la diminution et l'augmentation alternatives du liquide introduit au fond de la plaie. U absorption veineuse ne me parait rien autre chose que cette attraction qui est évidemment produite et par le soufflet respiratoire et par la diastole de l'oreillette droite : cette attraction s'est exercée sur l'air dans quelques cas particuliers, lorsque l'orifice de la veine a été maintenu ouvert par quelque circonstance anatomique.

XXX. L'attraction veineuse ne saurait évidemment avoir lieu que le premier jour, que les premières heures de la solution de continuité; une fois le caillot obturateur formé, l'absorption est nulle par l'orifice du vaisseau divisé, elle n'est possible que par les voies ordinaires de l'absorption ; or, ces voies ordinaires, nous l'avons dit plus haut, ne peuvent y faire pénétrer du pus en nature. Reste donc la phlébite qui me paraît, comme à M. Dance, l'unique source de tous les accidens qui surviennent à la suite des solutions de continuité des veines.

XXXI. Il est donc rigoureusement démontré que les abcès viscéraux, que toutes les phlegmasies consécutives aux plaies et aux grandes opérations chirurgicales, sont des phlébites capil-

XIe LIVRAISON. 3

laires; que ces phlébites capillaires sont elles-mêmes la suite dune autre phlébite qui a son siège dans l'un des points du système veineux; que ces phlébites capillaires présentent toujours les mêmes caractères, quel que soit le point de départ : ainsi les phlébites capillaires, suite de phlébite utérine, de phlébites produites par la saignée, l'excision de veines variqueuses, une amputation, des plaies de tête, des fractures comminutives sont, au milieu d'innombrables variétés, tellement identiques dans leurs phénomènes caractéristiques, qu'on peut en toute sûreté conclure du particulier au général. Je n'admets nullement que le pus sécrété dans une veine enflammée et transporté dans les organes, concoure directement par lui-même à cette espèce de génération purulente, ainsi qu'a cru devoir l'admettre M. Dance par une sorte de concession (p. 182, tom. xix, Archiva) : le pus une fois mêlé au sang n'est plus du pus, mais bien un corps irritant : la rapidité de la formation des abcès viscéraux, l'intégrité ordinairement parfaite des parties voisines, ne me paraissent pas des objectionspéremptoires contre l'inflammation; car quarante-huit heures suffisent quelquefois pour produire le pus dans une veine enflammée, et d'une autre part la circonscription du pus et la multiplicité des foyers s'expliquent à merveille par le siège de l'inflammation dans les capillaires.

XXXII. Mais ici se présente plusieurs graves objections : pour que la théorie précédente fût vraie, nous dira-t-on, il faudrait que les abcès viscéraux multiples fussent toujours précédés de phlébite dans quelqu'un des points de l'économie : or, il arrive souvent qu'on ne rencontre en même temps que les abcès viscéraux rien autre chose qu'une surface traumatique en suppuration. On a beau examiner toutes les veines, non-seulement celles qui avoisinent la plaie, mais encore les veines des autres parties du corps, nulle part on ne trouve de traces de phlébite : à l'appui de cette objection, on cite les plaies de tête qui sont si souvent accompagnées d'abcès au foie, sans pourtant qu'il existe aucune trace apparente de phlébite. Mais l'expérience que j'ai rapportée plus haut, savoir celle du mercure introduit dans le canal médullaire d'un os long, et qu'on retrouve au centre des abcès purulens, dans le poumon, le foie, et autres viscères, prouve que si on n'a point examiné l'état du canal médullaire ou du tissu spongieux des os dans les observations qu'on invoque, ces observations sont de nulle valeur, puisqu'elles ne sont pas complètes. M. Dance est encore le premier qui ait proposé la véritable explication des abcès du foie à la suite des plaies de tête, et cette explication c'est l'inflammation des veines profondes, non-seulement de celles qui se répandent dans le cerveau et ses membranes, mais encore de celles qui pénètrent dans les os du crâne (veines diploïques). On conçoit que le pus formé dans les veines méningiennes ou diploïques doit arriver au foie, comme aux poumons, comme à tout le système capillaire veineux; car le foie n'est pas exclusivement affecté dans les plaies de tête, et si un grand nombre d'observateurs ont fait uniquement mention d'abcès au foie, c'est qu'ils se sont contentés dans le plus grand nombre de cas de l'observation de ce viscère dont les lésions leur ont paru rendre un compte suffisant des phénomènes.

XXXIII. On peut dire que la théorie est allée ici au-devant des faits, comme d'ailleurs toutes les bonnes théories. Ce que M. Dance ne propose que comme une conjecture, a été parfaitement constaté depuis par l'observation. Les veines diploïques ont été trouvées purulentes dans plusieurs cas de plaies de tête coexistant avec des abcès du foie ét des poumons. Plusieurs pièces probantes ont été présentées à la Société anatomique, et nous pouvons proclamer aujourd'hui comme une vérité démontrée que dans les plaies de tête, les lésions viscérales, soit du foie, soit des poumons, soit de la rate, etc., sont une suite de la phlébite, et plus particulièrement encore de la phlébite diploïque. Or, l'inflammation des veines osseuses s'applique comme cause d'abcès viscéraux, non-seulement aux veines diploïques, mais encore à toutes les veines des os, et j'établis comme proposition générale que la phlébite des os est une des causes les plus fréquentes des abcès viscéraux, suite des plaies et des opérations chirurgicales dans lesquelles ces os ont été intéressés.

XXXIV. Pour l'intelligence de ce fait, j'ai besoin de rappeler une circonstance anatomique très-importante. Le tissu spongieux des os n'est autre chose qu'un tissu caverneux à parois

osseuses, dans lequel le sang veineux circule incessamment : dans les os larges, les aréoles aboutissent toutes aux veines connues sous le nom de diploïques. Chez le fœtus et chez l'enfant nouveau-né, il n'y a pas encore de tissu adipeux médullaire; peu à peu ce tissu adipeux se dépose dans quelques-unes des mailles qui sont ainsi soustraites à la circulation veineuse; et enfin, chez le vieillard, le tissu adipeux a envahi la plus grande partie des aréoles. Or, on conçoit que l'inflammation des aréoles du tissu spongieux doit entraîner les mêmes conséquences que la phlébite ordinaire, car ce sont aussi des veines que ces aréoles pleines de sang du tissu spongieux des os. Peut-être même la suppuration de ces aréoles a-t-elle des résultats plus rapidement et plus nécessairement graves que l'inflammation des veines libres : il ne faut pas plus de six heures pour que le mercure injecté dans l'intérieur du canal médullaire d'un os long arrive aux poumons ; il serait même possible qu'il faille moins de temps encore.

Ayant dirigé en 1814 mes recherches sur la membrane médullaire des os longs chez les nombreux amputés qui succombaient à l'Hôtel-Dieu dans l'état typhoïde, et qui présentaient des abcès dans les principaux viscères, je notai une suppuration de la membrane médullaire chez presque tous les amputés. Cette suppuration occupait quelquefois toute la longueur de l'os, et s'étendait même jusque dans le tissu spongieux de l'extrémité supérieure. Il ne me fut pas donné de saisir le lien qui unissait cette lésion avec les abcès viscéraux.

Il n'y a pas long-temps qu'assistant à l'ouverture d'un individu qui avait succombé à une amputation de jambe, et dont les poumons étaient farcis d'abcès, voyant qu'on cherchait vainement une phlébite pour point de départ, j'engageai à diviser le tibia et le péroné; or, l'extrémité spongieuse de ces os, infiltrée de pus, donna immédiatement la solution de la difficulté. Ce cas-là aurait très-certainement été rapporté comme une exception à la théorie de la phlébite.

Je ne connais aucune opération qui donne lieu plus infailliblement à la formation des abcès viscéraux, et par conséquent dont les suites soient plus funestes, que celles qu'on pratique sur les os : je citerai les applications du trépan pour l'extirpation d'un séquestre, ou les tentatives infructueuses que l'on fait pour cette extraction ; ces suites funestes ont surtout lieu lorsqu'on revient plusieurs fois à la charge, à quelques jours de distance. Je crois qu'on devrait établir, comme loi chirurgicale, le précepte de ne jamais toucher à une plaie lorsqu'elle est encore sous le coup d'une inflammation violente. Indépendamment des douleurs excessives qui en résultent, on s'expose à transformer en suppuratives les inflammations adhésives qui ont eu lieu, et évidemment les veines participeront à cette transformation comme les autres tissus.

XXXV. Gardons-nous de croire que des abcès viscéraux ou même que des accidens graves soient une conséquence nécessaire de toute phlébite. Il est une phlébite qu'on peut appeler adhé-sive , qui n'a aucun résultat fâcheux dans le plus grand nombre des cas : cette phlébite a constamment lieu à la suite de l'accouchement dans les veines utérines qui étaient abouchées aux veines placentaires; elle a lieu dans toutes les plaies, dans toutes les opérations chirurgicales; cette phlébite consiste dans la formation de caillots adhérens aux parois veineuses. Or, la formation de caillots compactes adhérens (première période, premier degré de toute phlébite) n'a d'inconvé-niens et même ne manifeste son existence que lorsqu'elle occupe une certaine étendue, et intercepte plus ou moins la circulation dans les parties correspondantes. Ainsi la phlébite des sinus de la dure-mère est mortelle d ans cette première période, parce que la circulation veineuse du cerveau est plus ou moins interceptée ; ainsi la phlébite des veines fémorale, iliaque externe , a pour conséquence l'œdème plus ou moins dur du membre inférieur, et les variétés des accidens locaux dépendent de la difficulté plus ou moins grande et quelquefois même de l'impossibilité qu'éprouve la circulation veineuse à s'opérer dans le membre par les voies collatérales; mais la phlébite est très-positivement curable dans cette première période, même la phlébite utérine. Je suis fondé à penser, d'après un grand nombre de faits, que l'on a singulièrement exagéré les dangers de la phlébite utérine, et que cette inflammation n'est pas au-dessus des ressources de l'art dans l'immense majorité des cas.

XXXVI. La phlébite adhésive n'a donc que des effets purement locaux; il en est de même

de la phlébite suppurée, lorsque le pus est circonscrit par des caillots, de telle façon que ce pus ne puisse point pénétrer en nature dans les voies de la circulation. J'ai vu tout récemment à la Maternité une femme qui fut prise de phlébite de l'une des veines superficielles de la glande mammaire; cette veine formait un gros cordon dur et très-douloureux, étendu transversalement du côté externe au côté interne de la glande mammaire, immédiatement au-dessus du mamelon : un point fluctuant se manifesta à l'extrémité interne du cordon; je l'ouvris, et je vis avec étonnement la veine se vider complètement par une pression exercée de dehors en dedans, et la saillie que formait la veine remplacée par un sillon. La suppuration continua une quinzaine de jours. Plusieurs fois le pus s'accumula dans la veine, par suite de l'oblitération de la petite ouverture que j'avais faite; au pus succéda une sérosité limpide, précurseur constant d'une inflammation adhésive consécutive qui ne tarde pas à se manifester.

XXXVII. Quelqu'étendue que soit la phlébite, par cela seul que le pus accumulé dans la veine enflammée ne communique pas avec le torrent circulatoire, il n'en résulte que des accidens locaux. Ce pus peut être absorbé comme dans tout autre foyer purulent, et éliminé par les voies ordinaires: il peut distendre, amincir la veine, et se faire jour à travers ses parois lacérées; il en résulte des abcès qu'un observateur inattentif peut confondre avec des abcès ordinaires. Je rapporterai plus loin avec détail un cas dans lequel il existait dans l'extrémité inférieure une multitude d'abcès qui étaient le résultat de la suppuration et de l'usure des veines de divers ordres : ainsi il y avait un très-vaste abcès entre le muscle couturier et les adducteurs autour de la veine fémorale, laquelle était criblée d'ouvertures et comme en lambeaux dans toute l'étendue du foyer, c'est-à-dire dans l'espace de quatre pouces quatre lignes; cette veine contenait un pus visqueux et rougeâtre tout-à-fait semblable à celui que j'avais remarqué autour d'elle; la veine ne recouvrait son intégrité qu'à son passage à travers le troisième adducteur. Un grand nombre d'abcès qui tous communiquaient avec les veines lacérées existaient dans l'épaisseur du muscle soléaire; il me fut facile de suivre toutes les périodes de la formation de ces abcès. Dans la première période, un pus lie de vin était ramassé au centre d'un caillot sanguin qui obturait la veine. Le caillot disparaissait à mesure que la quantité de pus allait en augmentant; plus loin le pus occupait seul la cavité de la veine distendue en ampoule. La veine se rompait dans un ou plusieurs points, le pus s'épanchait autour d'elle, et formait un abcès qu'il était plus ou moins difficile de rapporter à sa véritable origine.

XXXVIII. Mais aussitôt que la digue formée par les caillots obturateurs est rompue, aussitôt qu'a lieu le mélange du pus et du sang, il se manifeste immédiatement des symptômes typhoïdes, adynamiques, ataxiques, précédés d'un frisson intense, et bientôt suivis de la mort. Souvent on trouve dans un état désespéré le malade qu'on avait laissé très-bien la veille; il semble qu'on ne puisse déterminer le moment précis où s'opère l'infection.

XXXIX. Quel traitement opposer à cette infection purulente ? Jusqu'à ce moment l'observation est muette à cet égard; la théorie semblait indiquer remploi des toniques diffusibles ou fixes, tels que l'acétate d'ammoniaque, le kinkina; celui des sudorifiques pris à l'intérieur; d'applications extérieures très-chaudes; de bains de vapeurs partiels; des purgatifs, et surtout des vomitifs; des vésicatoires répétés; des diurétiques énergiques : on a surtout eu recours au calomélas pour attirer sur la muqueuse intestinale une fluxion considérable; mais tout a échoué en mes mains comme en celles de tous les observateurs, et cependant lorsque dans les expériences sur les animaux vivans, l'injection de substances putrides dans les veines a été suivie de selles très-fétides et abondantes, les malades ont recouvré la santé. Un fait fondamental en pathologie , c'est que la plupart des maladies par infection miasmatique portent leur action sur le canal alimentaire, et c'est sans doute cette vérité que voulaient exprimer les anciens lorsqu'ils disaient que le canal intestinal attire le poison fébrile : je suis persuadé que ces maladies par infection purulente ne seraient point marquées au cachet de l'incurabilité, que la nature secondée par l'art pourrait en triompher dans un grand nombre de cas, si le pus, qui se renouvelle incessamment, ne renouvelait lui-même incessamment l'infection.

11e. Livraison, Pl. Ire.

il est donc* évident que le traitement de la phlébite doit en quelque sorte se concentrer dans la première période, la période de la coagulation du sang ; car une fois la suppuration déclarée, une fois que le pus est en circulation avec le sang, la médecine est généralement impuissante. Or, de même que nous arrêtons tous les jours des phlébites, suite d'une saignée, par l'application de sangsues en grand nombre sur le trajet des veines enflammées, de même nous arrêterons les phlébites, quel que soit leur siège, par des évacuations sanguines générales, et surtout par des saignées locales pratiquées à temps et en quantité suffisante; c'est ainsi que je crois arrêter le plus grand nombre des phlébites utérines. Mais, passé la première période, aussitôt que les phénomènes généraux commencent à se manifester, les saignées générales et même locales sont sans aucun résultat avantageux : elles soustraient sans doute avec le sang une partie de la cause matérielle de la maladie, mais cette cause matérielle est incessamment renouvelée, et le malade est privé avec son sang des moyens de réaction : c'est alors qu'on devra essayer des moyens précédemment indiqués, bien que jusqu'à présent leur efficacité ne soit rien moins que démontrée.

Les observations qui suivent donneront une idée de la forme et de la marche la plus ordinaires de la phlébite. Les planches qui les accompagnent sont l'image fidèle et des phlébites des veines libres et des inflammations viscérales multiples qui en sont la conséquence habituelle.

Inflammation (*) des grosses et des petites veines de V extrémité supérieure a la suite dune plaie par

arme a feu (planche i, xie livraison).

Blondel (Xavier), âgé de i5 ans, journalier de Rouen, reçut en revenant de Rambouillet, le 3 août i83o, un coup de feu imprudemment tiré à quelques pas de lui par un de ses camarades. L'arme (c'était un fusil) était chargée de petites chevrotines, dont deux firent balle et frappèrent le bras droit d'avant en arrière, au-dessous de la partie moyenne du bras. L'une d'elles traversa le membre de part en part, et sortit par un point diamétralement opposé; l'autre se dévia de sa direction première et vint faire saillie sous la peau, à la partie interne du membre. Ce malade entre à l'hôpital Beaujon le 5 août avec un gonflement considérable de l'extrémité supérieure. Le chirurgien de garde fait l'extraction de la balle et débride largement les ouvertures d'entrée et de sortie. L'humérus était intact, les vaisseaux et nerfs principaux du membre paraissaient également avoir été respectés. Le repos au lit, la diète absolue, les boissons adoucissantes, les cataplasmes émolliens fréquemment renouvelés maintinrent l'inflammation dans de justes limites, la suppuration était de bonne qualité, et le malade, en voie de guérison, était sur le point de sortir, lorsque, tout-à-coup, le 28 août, sans aucune cause connue, le membre se tuméfia, les petites plaies cessèrent de fournir du pus. Tous les symptômes généraux et locaux de la phlébite, et des inflammations viscérales, suite de phlébite, se manifestèrent; le teint du malade devint ictérique, et il succomba le 3 septembre, cinq jours après l'invasion de la phlébite, un mois après la blessure.

A l'ouverture, phlébite des grosses et petites veines de l'extrémité supérieure. Abcès multiples dans l'épaisseur du deltoïde et des muscles qui occupent la région antérieure de l'avant-bras. Pneumonie lobulaire des deux côtés avec pleurésie du côté droit. Hépatite granuleuse.

La planche 1 (fig. 1) représente l'extrémité supérieure de ce malade. Un stylet P a été introduit à travers la perforation du muscle biceps B produite par les deux chevrotines. La veine céphalique VC, la veine basilique VB, les veines cubitales, médianes, radiales, YC, VM, VR, et leurs divisions sont volumineuses, cylindriques, tendues, et quelques-unes bosselées comme elles l'auraient été par une injection. Le tissu cellulaire qui les unit aux parties voisines est très-dense, ce qui rend leur dissection difficile. Les vasa vasorum sont injectés.

(*) Je dois les pièces pathologiques représentées dans les trois premières planches , et les observations qui les accompagnent, à l'amitié de MM. Marjolin et Blandin. Les observations ont été recueillies par M. Lenoir, membre de la Société Anatomique. xie livraison. 4

La figure i représente les veines ouvertes; leurs parois ont I épaisseur des parois artérielles. On voit que la veine céphalique VC est remplie de pus liquide, ainsi que les veines médianes VM, VM, et la veine radiale VR. La veine basilique VB présente au contraire tous les degrés de la phlébite. Ainsi à sa partie inférieure, c'est du pus P ; à sa partie moyenne, c'est un caillot sanguin au centre duquel on voit du pus CSP; plus haut, c'est un caillot plein CS. Les veines collatérales contenaient, les unes du pus, les autres des caillots sanguins adhérens.

Dans l'épaisseur du deltoïde D existaient en grand nombre de petits foyers purulens, AP, AP, AP; il m'a été facile de voir que ces abcès étaient formés, les uns par des veines distendues, le plus grand nombre par du pus épanché autour des veines lacérées; les détails de la coupe de ce muscle ont été parfaitement rendus sur cette ligure : les points blancs représentent les orifices des veinules remplies de pus qui ont été divisées ; les ramifications irrégulièrement bosselées sont formées par des veines remplies de pus, les petits foyers purulens non circonscrits VP, VP, par des veines rompues ou sur le point de se rompre. Le tissu musculaire ambiant n'avait nullement changé de couleur, excepté dans la couche mince qui confinait l'abcès, et qui était comme plaquée de rouge foncé.

Les muscles biceps, triceps et brachial antérieur ne m'ont présenté aucuns foyers purulens. Il n'en était pas de même des muscles de l'avant-bras qui en contenaient une multitude innombrable tout-à-fait semblables à ceux du deltoïde, et que pour cette raison je n'ai pas fait représenter.

11 existait une collection de pus considérable sous le deltoïde. L'articulation scapulo-humérale en était remplie; mais il n'y avait aucune communication entre ces deux collections.

Réflexions. I. Ce cas présente un exemple d'inflammation des grosses veines coïncidant avec une inflammation des veines du deuxième, du troisième, et même du quatrième ordre. On voit que la phlébite s'étendait non-seulement au-dessus de la plaie, mais encore au-dessous; donc la phlébite n'est pas due à la résorption du pus ; donc la phlébite ne marche pas nécessairement dans la direction du cours du sang, mais peut s'étendre dans tous les sens, du côté des capillaires aussi-bien que du côté du cœur. Nous trouvons ici réunis tous les degrés de la phlébite : i° la coagulation du sang avec adhérence aux parois des vaisseaux; i° du pus au milieu des caillots sanguins ; 3° du pus liquide remplissant la cavité de la veine : les veines musculaires présentaient un degré de plus, savoir, la distension en bosselures, l'amincissement, et enfin la rupture de ces veines pour constituer une multitude de petits foyers purulens.

IL Nous avons vu que le tissu cellulaire extérieur aux veines était très-dense, preuve bien évidente qu'il a participé à l'inflammation de ces vaisseaux. Il arrive souvent que l'inflammation de ce tissu cellulaire est aussi intense que celle de l'intérieur de la veine; il n'est même pas rare de voir la veine intacte au milieu du tissu cellulaire extérieur enflammé à divers degrés, lequel présente, ici des caillots sanguins, là du pus infiltré; plus loin du pus rassemblé en foyers. Ces cas-là sont souvent confondus sur le vivant avec des cas de phlébite, et on conçoit que leur terminaison doit être beaucoup moins fâcheuse. L'inflammation du tissu cellulaire extérieur à la veine, celle-ci étant intacte, s'observe non-seulement dans les veines extérieures, mais encore dans les veines intérieures. Je rapporterai ailleurs l'observation d'un individu dont le foie était parcouru par des canaux de pus qui avaient leur siège autour des ramifications de la veine-porte, entre la capsule de Glisson et les parois de la veine parfaitement saine à son intérieur.

III. Il faut bien distinguer les foyers purulens qui se forment autour des veines saines, des foyers purulens qui résultent de la distension et de la rupture de ces mêmes veines enflammées. Les foyers purulens multiples qu'on rencontre soit dans le tissu cellulaire, soit dans les muscles, concurremment avec une phlébite des grosses veines, m'ont toujours paru le résultat d'une phlébite des veines d'un ordre inférieur, lesquelles peuvent être constamment suivies jusqu'au foyer purulent à l'aide de l'introduction d'un stylet dans leur cavité : or, ce ne sont pas seulement les veines d'un ordre inférieur qui peuvent par leur inflammation donner naissance à des

foyers purulens, mais encore les veines d'un gros calibre. Le fait suivant, que j'ai communiqué en 1826 à la Société Anatomique, est un des plus complets qui existent en ce genre.

Observation de phlébite, suivie de suppuration et de perforation des veines fémorale, poplitée, tibiale postérieure et péronière. Communication du pus contenu dans ces veines avec des foyers purulens formés autour de ces vaisseaux.

Ce fait m'a été fourni par un hasard assez singulier. Voulant découvrir sur un cadavre l'artère fémorale au tiers moyen de la cuisse, et soulevant à cet effet le bord interne du muscle couturier, j'éprouvai, pour séparer ce muscle d'avec le grand adducteur, une très-grande difficulté, et comme je cherchais à détruire les adhérences morbides qui unissaient ces deux muscles, je pénétrai dans un foyer d'où s'échappa un pus rougeâtre et visqueux. Je crus d'abord que j'avais affaire à un de ces abcès inter-muscu-laires profonds, si communs à la suite des affections rhumatismales. Je commençai par déterminer son siège d'une manière bien précise : le foyer était situé au-dessous de la gaine du muscle couturier et occupait le tiers moyen de la cuisse. Voulant étudier la position de l'artère et de la veine fémorales par rapport au foyer, je vis que l'artère était peu volumineuse à ce niveau, mais saine; ne trouvant pas la veine, j'introduisis un gros stylet dans la partie supérieure de la veine fémorale, et je vis à mon grand étonne-ment que cette veine était criblée de trous et comme lacérée dans toute la longueur du foyer, c'est-à-dire, dans l'espace de quatre pouces quatre lignes, qu'elle contenait un pus visqueux et rougeâtre tout-à-fait analogue à celui qui remplissait le foyer, et qu'elle ne recouvrait son intégrité qu'au moment de traverser le grand adducteur.

Le tissu cellulaire qui l'unissait à l'artère était dense et fragile, et ces deux caractères se continuaient jusqu'à l'arcade fémorale d'une part et jusqu'à la partie inférieure des vaisseaux tibiaux et péroniers postérieurs de l'autre. La veine fémorale était volumineuse, distendue, ici par des caillots solides très-adhé-rens, là par des caillots morcelés, plus loin par du sang décomposé et comme diffluent : une pellicule mince et rougeâtre tapissait le vaisseau, dont elle ne pouvait être séparée qu'avec effort et par fragmens ; cette pellicule enlevée, la paroi interne offrait son aspect lisse accoutumé. A deux pouces au-dessus du foyer, la veine était remplie du même pus visqueux et rougeâtre, qui formait ce foyer. Le passage du pus aux caillots sanguins se faisait d'une manière insensible.

La veine poplitée présentait une bosselure très-considérable, adhérente au jumeau interne, prête à s'ouvrir, en sorte qu'une très-légère pression en exprima un pus visqueux et rougeâtre mêlé de quelques caillots de sang.

Les veines jumelles étant remplies de concrétions adhérentes aux parois, un petit foyer purulent existait dans l'épaisseur de l'extrémité supérieure du jumeau interne, et envoyait des espèces d'embranchement autour des veines articulaires.

Le muscle soléaire était creusé de huit ou dix abcès de capacité variable, formés par un pus visqueux rougeâtre, contenu dans des cavités plaquées de rouge: ils étaient tellement identiques à l'abcès de la cuisse, que je voulus m'assurer s'ils ne présentaient pas les mêmes particularités. Or, tous, sans exception, communiquaient avec les veines contenues dans l'épaisseur des muscles. Ces veines participaient d'ailleurs au développement et à la distension du système veineux de l'extrémité inférieure. Toujours un stylet mousse porté dans leur cavité pénétrait dans le foyer placé sur leur trajet; deux ou trois veines se rendaient à la fois dans plusieurs de ces foyers. Ces vaisseaux semblaient coupés brusquement, et il n'y avait pas moyen de retrouver l'autre bout.

Deux foyers considérables existaient autour de la partie supérieure des vaisseaux péroniers entre le muscle soléaire et le ligament inter-osseux. Le stylet introduit dans la veine poplitée pénétra dans le foyer supérieur, et permit de voir que la veine péronière n'existait que dans la portion de ses parois qui

est accolée à l'artère. Plus bas, au milieu d'un autre foyer, la veine péronière n'était que perforée, et dans l'intervalle de ces deux foyers, la même veine distendue contenait un pus de même qualité, c'est-à-dire, visqueux et rougeâtre.

Enfin, un foyer situé autour des vaisseaux tibiaux postérieurs était formé aux dépens de la plus interne des veines tibiales postérieures.

La veine tibiale antérieure et ses divisions étaient parfaitement saines. Le membre inférieur n'était pas infiltré d'une manière notable, preuve évidente qu'il restait, encore assez de veines pour maintenir la circulation dans le membre.

11 n'existait d'ailleurs aucune trace ni de saignée au pied, ni de lésion externe qui pût rendre compte de la phlébite. Le sujet ne présenta aucune autre cause de mort.

Réflexions. I. Les phlébites sont le plus ordinairement le résultat dune solution de conti-tinuité des veines. Ainsi la saignée, l'excision, et même l'incision des veines variqueuses, des opérations chirurgicales, ou des blessures par instrument piquant, tranchant, et surtout contondant, des plaies envenimées, voilà les causes les plus fréquentes de cette funeste maladie. Il est en outre des phlébites spontanées sans cause externe appréciable et sans lésion correspondante ou analogue dans d'autres parties du corps. Enfin, il est des phlébites consécutives à d'autres phlébites. C'est ainsi qu'il n'est pas rare de rencontrer dans le cas d'inflammation des veines du membre supérieur, à la suite d'une saignée, des phlébites du membre inférieur avec ou sans inflammations viscérales. On conçoit que le pus produit dans un point du système veineux puisse s'arrêter dans une veine libre aussi-bien que dans un viscère, et devenir ainsi pour cette veine une cause d'inflammation. C'est dans cette dernière catégorie que je range plusieurs faits dont M. Blandin a entretenu la Société Anatomique. Un malade de l'hôpital Beaujon portait une sonde à demeure dans la vessie pour une rétention d'urine produite par le gonflement de la prostate. Des douleurs surviennent dans le membre inférieur et plus particulièrement au mollet. On examine : on trouve les veines superficielles soulevant la peau à la manière de cordons très-durs. Le malade mourut, et on trouva dans les veines du membre inférieur tous les degrés de la phlébite. Bien qu'on n'ait pas constaté l'inflammation des veines prostatiques, vésicales ou urétrales, il est tout-à-fait probable qu'un examen attentif l'aurait démontrée.

IL II est constant en outre que les individus qui sont sous l'influence d'une phlébite sont singulièrement exposés à la répétition de cette phlébite dans d'autres parties du corps; ainsi les saignées pratiquées pour les accidens ataxo-adynamiques, qui surviennent à l'occasion d'une plaie de tête ou autre, deviennent très-souvent la cause occasionnelle du développement d'une phlébite dans la veine piquée aussi-bien que dans les veines du voisinage : cette considération doit militer contre l'emploi de la saignée générale dans la phlébite.

III. Une des terminaisons de la phlébite, c'est l'usure des parois de la veine enflammée et l'épanchement du pus en dehors. En parcourant les nombreuses observations recueillies dans ces derniers temps sur la phlébite, je n'ai rencontré que deux cas dans lesquels le pus de la veine communiquât avec un foyer situé autour de ce vaisseau. L'un est de M. Travers, qui a vu la veine jugulaire interne ouverte dans un foyer purulent qui l'environnait; l'autre est de M. le docteur Raikem, qui rapporte un fait dans lequel la veine iliaque primitive droite était remplacée par une sorte de canal ligamenteux très-étroit, lequel allait se perdre dans un grand foyer purulent formé aux dépens du tissu cellulaire pelvien, autour des vaisseaux hypogastriques et iliaques, et de la face latérale droite de la vessie. On ne put découvrir le moindre vestige de la veine fémorale. Son trajet était occupé jusqu'au jarret par une traînée de pus circonscrit dans la route du vaisseau.

Pourquoi les veines échapperaient-elles à cette loi générale en vertu de laquelle les inflammations aiguës terminées par suppuration déterminent dans les tissus une fragilité qui entraîne presque nécessairement leur soluti on de continuité ?

ÍV. Le pus formé dans l'intérieur dune veine n'infecte donc pas toujours la masse du sang. Circonscrit par des caillots qui l'entourent de toutes parts, il peut i° être résorbé par les voies ordinaires de l'absorption , a° être évacué au dehors. Dans le premier cas, point d'accidens généraux, et souvent point d'accidens locaux; dans le second cas, il peut n'y avoir que les accidens locaux d'un abcès ordinaire, car la phlébite par elle-même n'est pas plus dangereuse que V inflammation de toute autre partie du corps ; ce qui constitue son danger, c'est Vinfection du sang.

Y. Je dois faire observer ici que, dans la phlébite, la paroi interne des veines ne m'a jamais présenté les traces ordinaires de l'inflammation au premier degré, c'est-à-dire, l'injection des vaisseaux capillaires. La couleur rouge foncée que j'ai notée avec tous les observateurs, ressemble à une sorte de teinture ou d'imbibitioii. Cette teinture, qui est probablement un effet cadavérique, n'a ordinairement lieu que dans la première période, c'est-à-dire, dans celle des caillots sanguins adhérens à l'intérieur du vaisseau : la couleur rouge va en diminuant à mesure que la matière colorante est absorbée, et disparaît enfin complètement quand du pus a remplacé les caillots. Dans le cas que je viens de citer, les débris de veines que j'ai rencontrés dans les foyers purulens étaient couverts de caroncules ou bourgeons celluleux à la manière des parois d'un abcès. C'est l'absence des phénomènes anatomiques de l'inflammation dans la membrane interne des veines, et plus particulièrement le défaut d'injection capillaire, qui a servi d'argument principal aux auteurs, qui admettent que le pus trouvé dans les veines n'a point été formé dans le lieu même, mais bien dans d'autres points de l'économie, d'où il a été transporté dans les veines par absorption; mais une série nombreuse d'observations m'a appris que les membranes qui ne contiennent pas de vaisseaux sanguins ne sont nullement injectables par l'inflammation; telle est la membrane interne des veines, telles sont les membranes séreuses, tel est le tissu cellulaire comme aussi la lamelle mince qui forme la couche la plus superficielle des membranes muqueuses : l'injection occupe toujours les vaisseaux subjacens à la membrane interne des veines; aussi la tunique extérieure de ces vaisseaux, qui est vasculaire, est-elle toujours plus ou moins injectée : souvent, dans ses mailles, est déposée une lymphe plastique qui augmente l'épaisseur et la densité du vaisseau; il n'est même pas fort rare de voir cette membrane celluleuse infiltrée de pus dans une grande étendue au milieu du tissu cellulaire sain. Souvent le tissu cellulaire ambiant s'enflamme en même temps que la membrane interne des veines; et enfin, j'ai cité des cas dans lesquels l'inflammation était bornée au tissu cellulaire extérieur.

VI. On ne saurait trop insister sur la densité qu'acquiert le tissu cellulaire qui entoure une veine enflammée, d'où résulte une difficulté quelquefois très-grande dans la dissection. Les conséquences de ce fait me paraissent très-importantes sous le point de vue chirurgical.

VIL Nous avons vu dans la dernière observation que le membre inférieur n'était pas infiltré d'une manière notable, bien que les veines principales du membre inférieur fussent complètement inutiles pour la circulation. Mais je dois faire observer que la veine saphène interne était libre, et conséquemment qu'elle a pu suffire à la circulation. H y a sous le rapport de l'infiltration j suite de l'oblitération des veines, des faits tout-à-fait contradictoires : chez une vieille femme, morte, dit-on, subitement, j'ai rencontré la veine iliaque primitive gauche et toutes ses divisions oblitérées par des caillots fibrineux très-résistans, très-adhérens aux parois des vaisseaux, et présentant çà et là des points blanchâtres, comme purulens. Le membre inférieur gauche n'était nullement infiltré, et cependant il est constant que la circulation veineuse n'a pas pu se faire dans tout le membre inférieur du côté. Les extrémités inférieures étaient, au contraire, considérablement infiltrées chez un militaire affecté de fistule lombaire, suite de carie des vertèbres. Chez cet individu la veine cave était complètement oblitérée immédiatement au-dessous des veines rénales. L'oblitération avait lieu, dans l'espace d'un pouce et demi environ, à l'aide d'une matière blanche encéphaloïde adhérente par des espèces de pédicules aux parois des vaisseaux. Plus bas, l'oblitération était produite par une substance noirâtre semblable à des caillots desséchés, dense, adhérente aux parois veineuses qui étaient complètement revenues

XIe LIVRAISON. 5

sur elles-mêmes* les veines iliaques, primitives, externes et internes, les veines crurales, popli tés, saphènes internes, étaient également imperméables, et la matière obturante était tantôt noirâtre, tantôt jaunâtre, mais toujours très-dense. On ne conçoit pas que la vie ait pu se continuer dans des membres évidemment privés de toute circulation veineuse. Les vaisseaux lymphatiques jouent-ils quelque rôle dans cette circulation : je dois dire que dans ce cas les ganglions lymphatiques de laine étaient très-volumineux et infiltrés. Dans l'œdème douloureux, ou hydropisie aiguë des femmes en couche, j'ai rencontré plusieurs fois les veines iliaques interne, fémorale et saphène interne enflammées, ainsi qu'un grand nombre de veinules qui viennent se rendre dans ces veines. Comment se fait-il que l'inflammation des veines n'entraîne pas toujours l'œdème douloureux? Faut-il un certain mode d'inflammation de ces veines, ou bien faut-il que l'inflammation attaque tel ou tel ordre de veines. Au reste, l'œdème douloureux n'est point propre aux femmes accouchées; j'ai soigné à la Maison royale de Santé un jeune allemand qui avait un œdème de la cuisse tellement douloureux, que je crus d'abord à une inflammation sous-aponévrotique. Les symptômes généraux furent très-graves, le pouls s'élevait à cent cinquante-huit pulsations par minute; la soif était ardente, la langue très-rouge; plusieurs applications de sangsues sur le trajet des vaisseaux furent nécessaires pour obtenir la guérison, qui fut néanmoins très-longue à s'opérer complètement. Il y eut plusieurs recrudescences.

VIII. L'oblitération des veines me paraît la terminaison du plus grand nombre des phlébites. Il n'est pas impossible que dans un certain nombre de cas, le vaisseau redevienne perméable au sang. Ainsi, sur des chiens chez lesquels j'avais enflammé la veine fémorale par l'injection d'un corps irritant, j'ai été tout surpris de ne trouver au bout de deux mois aucun vestige de l'inflammation de cette veine.

Inflammation de Vartère pulmonaire {veine artérieusé), pneumonie lobulaire, suite de phlébite

(PLANCHES II ET III, XIe LIVRAISON).

Des considérations générales dans lesquelles je suis entré précédemment, il suit i° que de toutes les altérations qui surviennent à la suite des plaies et des opérations chirurgicales, la pneumonie lobulaire est la plus fréquente; i° que cette pneumonie lobulaire n'est autre chose qu'une phlébite capillaire; 3° que cette phlébite capillaire coïncide toujours avec une phlébite plus ou moins éloignée qui engendre le pus, cause matérielle de l'inflammation viscérale ; 4° que dans le cas où cette phlébite, qu'on pourrait appeler primitive, ne paraît pas exister, il faut briser les os qui ont été fracturés ou amputés, et qu'alors on trouve leur tissu spongieux infiltré de pus dans une plus ou moins grande étendue ; 5° que le praticien doit concentrer tous ses efforts vers cette phlébite primitive; la prévenir s'il est possible, la limiter, si elle est déjà déclarée, empêcher par tous les moyens possibles sa terminaison par suppuration, que c'est là la seule médication rationnelle; car, la masse du sang une fois infectée par le mélange du pus, et cette infection se renouvelant pour ainsi dire à chaque instant, je ne connais pas de moyens thérapeutiques propres à opérer la dépuration; la fièvre seule peut éliminer par les émonctoires les matériaux nuisibles introduits dans le torrent de la circulation : et il est probable que les sudorifiques, les purgatifs, les dérivatifs cutanés de toute espèce, pourraient obtenir de bons effets, si la phlébite suppurée n'était pas un foyer sans cesse renaissant.

Mais, de même qu'on rencontre dans toutes les parties du corps et des phlébites capillaires et des phlébites des gros vaisseaux, de même le poumon peut offrir à côté des inflammations lobulaires (phlébite capillaire), des inflammations des principales divisions et du tronc même de l'artère pulmonaire, qui, comme on le sait, charrie du sang veineux, et, par conséquent, représente sous ce point de vue les veines des autres parties du corps.

La fig. i, pl. 2, xie livr., fournira un exemple de cette inflammation de l'artère pulmonaire.

11e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU POUMON . ( Pneumonie lobulaire.)

Marie-Antoinette D., âgée de vingt-neuf ans, d'un tempérament éminemment nerveux, primipare, entra à la Maternité le 12 juillet i83o. Elle était accouchée la veille : l'accouchement avait été prompt, mais la délivrance fut artificielle, opérée seulement quinze heures après l'accouchement, et suivie d'une hémorrhagie considérable.

La face est pâle, le pouls petit, fréquent. La malade accuse une grande faiblesse. Douleur hypogastrique vive fixée dans le globe utérin, et augmentée par la pression la plus légère.

Je diagnostiquai une phlébite wérine commençante ; car une douleur circonscrite à l'utérus, survenue après une délivrance artificielle taidive , ou seulement après une hémorrhagie consécutive à la délivrance, m'a toujours paru caractériser soitune inflammation des veines, soit une inflammation des vaisseaux lymphatiques de ces organes. La faiblesse extrême de la malade, qui est presque anémique, sa mobilité nerveuse excessive, m'imposent une grande circonspection dans l'emploi des antiphlogistiqnes. (Vingt sangsues à l'hypogastre; cataplasmes et lavemens émolliens ; injections utérines émollientes ; orge, chiendent edulcores nitrés , 3 pintes; diète absolve.)

Le 3i, la douleur hypogastrique a diminué, le mouvement fébrile persiste moins intense. Continuation du traitement émollient.

Le i4? Ia montée du lait s'effectue (la malade nourrit son enfant). Les i5, 16, 17, sueurs abondantes, soif, accidens nerveux variés, céphalalgie, tendance à la syncope, hypogastre très-peu sensible à la pression» Quelques cuillerées de potion avec un grain d'extrait gommeux d'opium, amènent un grand calme.

Les i8, 19, 20, mieux sensible; mais le pouls conserve toujours de la fréquence. Le 21, retour des douleurs hypogastriques qui s'étendent à tout l'abdomen. (Quarante sangsues; deux pilules avec calomel, iv grains; digitale ij grains.) Plusieurs selles en diarrhée. Soulagement.

Le 23, douleurs très-vives au niveau des fausses côtes gauches. La malade assure qu'elle est sujette à ce genre de douleurs, qui cèdent toujours à l'application d'un vésicatoire volant. L'exploration du thorax ne m'ayant donné aucun résultai, je pense que nous avuus affaire à une pleurodynie, laquelle résiste à des frictions et à des cataplasmes, et est enlevée par un vésicatoire appliqué le 24.

Du i5 juillet au 3 août, la malade semblait marcher vers la guérison. Elle nourrissait son enfant avec plus de succès que les jours précédens; du reste, la sécrétion du lait n'avait été que diminuée, jamais supprimée.

Le 3 août, invasion de nouveaux phénomènes; oppression, toux, expectoration difficile; anxiété, état nerveux, fréquence extrême du pouls; l'hypogastre ne donne aucun signe de sensibilité. L'exploration du thorax ne donne aucun résultat appréciable : la percussion développe un son naturel; l'auscultation ne fait entendre qu'un gargouillement léger en bas et en arrière ; la sécrétion du lait est suspendue. (Vésicatoire sur le côté; infusion pectorale ; look.)

Les 4 et 5 , même état ; face altérée, oppression , toux, angoisse , pouls petit, très-fréquent, dévoiement provoqué par deux onces de marmelade de Tronchin; les jours suivans la malade ne se plaint de rien; diarrhée ; respiration de plus en plus fréquente ; expectoration nulle : deux vésicatoires à la partie interne des cuisses. Mort le 9, vingt-huit jours après l'accouchement.

Ouverture du cadavre. Dans l'abdomen, point de traces de péritonite. L'estomac , les intestins grêles et gros sont sains, seulement un peu d'arborisation çà et là dans le gros intestin.

L'utérus , revenu sur lui-même, dépasse de bien peu son volume naturel. Les veines utérines, ovariques, et presque toutes les veines hypogastriques, sont comme des cordes dures ; elles doivent cette dureté aux caillots compactes, adhérens, décolorés, qui les remplissent. La veine iliaque externe, la veine crurale gauche, et quelques-unes de leurs divisions, contiennent des caillots moins compactes, adhérens, évidemment d'une date récente.

Poumons. A la base du poumon gauche (11e livr., pl. 2, fig. 1 ) se voient deux petits foyers purulens circonscrits AP, AP, superficiels, reconnaissantes à travers la plèvre par une couleur blanc-jaunâtre : dans

l'intérieur de l'un d'eux, est une petite escarre adhérente. Plusieurs autres points de la surface du poumon présentent de la compacité et une couleur rouge diversement nuancée. L'un d'eux, FS, ressemble à un petit foyer apoplectique.

La moitié postérieure du lobe inférieur des deux poumons est complètement impropre à la respiration, infiltrée qu'elle est par une sérosité puriforme.

En incisant çà et là le même poumon, je rencontre des concrétions dures qui remplissent les divisions de l'artère pulmonaire AP. Cette artère, disséquée avec soin, m'a offert une concrétion sanguine décolorée 9 légèrement adhérente aux parois, concrétion qui va se divisant à la manière de l'artère, et pénètre jusque dans un certain nombre de ramifications assez ténues. Il était facile de voir que la coagulation du sang avait commencé par le tronc artériel pour s'étendre de là dans les dernières divisions. Ces caillots des petites divisions étaient rouges, peu consistans, tandis que les caillots Au tronc principal présentaient par leur cohérence et par leur décoloration des traces non équivoques de leur ancienneté.

J'ai voulu diviser ces caillots, et j'ai trouvé au centre du caillot princbal une collection de pus CP qui offre tous les caractères du pus phlegmoneux. Plus loin le caillot sanguin CSD est décoloré, mais plein.

Réflexions. I. Ainsi cette malade a succombé à une phlébite pulmonaire après avoir résisté à une phlébite utérine et hypogastrique. L'histoire clinique de la maladie concorde parfaitement avec les résultats fournis par l'anatomie pathologique. La phlébite utérine et hypogastrique a dominé tous les symptômes du 11 au i5 juillet; car je ne crois pas que la pleuro-dynie observée le ^3, pleurodynie familière à la malade, puisse être regardée comme le prélude de l'affection pulmonaire. Du 15 juillet au 3 août, la malade paraissait marcher à la guérison, lorsque tout-à-coup survient la dyspnée, la toux et autres accidens qui annoncent évidemment une lésion de l'organe principal de la respiration. Je dois même dire que je soupçonnai une phlébite capillaire du poumon, c'est-à-dire, une inflammation lobulaire, mode d'inflammation pour le diagnostic duquel l'auscultation et la percussion sont de nulle valeur.

IL On conçoit d'ailleurs parfaitement la connexion qui existe entre la phlébite utérine et hypogastrique d'une part et la phlébite pulmonaire de l'autre ; il suffit qu'un peu de pus formé dans les vaisseaux utérins et pelviens se soit mêlé au sang, pour expliquer les foyers inflammatoires de la base du poumon, et l'inflammation de l'artère pulmonaire et de ses divisions. Je suis fondé, d'après les faits analogues, à regarder les concrétions dures et décolorées qui remplissaient les veines utérines et hypogastriques comme un commencement de guérison. L'absorption n'aurait pas tardé à les user molécule par molécule, et à en débarrasser complètement les veines, lesquelles tantôt s'oblitèrent et tantôt restent perméables au sang.

III. On guérit donc d'une phlébite utérine comme on guérit d'une phlébite extérieure. Le point important est de circonscrire l'inflammation et de prévenir la formation du pus. On peut guérir d'une pneumonie lobulaire lorsque les foyers inflammatoires sont peu nombreux. Je suis convaincu que notre malade eût guéri si à la phlébite capillaire du poumon ne se fût pas jointe l'inflammation de l'artère pulmonaire L'œdème aigu que présentait la moitié postérieure des deux poumons, lequel était tout-à-fait impropre à la respiration, me parait avoir puissamment contribué à l'issue funeste de la maladie.

Ce n'est pas la première fois que j'observe des concrétions dans les ramifications de l'artère pulmonaire. Je les ai rencontrées dans un certain nombre de cas de pneumonies diffuses qui avaient envahi la moitié ou les deux tiers du poumon. Plus souvent ces inflammations de l'artère coïncident avec l'inflammation lobulaire.

Le fait suivant a beaucoup d'analogie avec celui qu'on vient de lire; je regrette de n'avoir pas pu retrouver les notes relatives à l'histoire de la maladie :

Chez une femme qui succomba quinze jours après l'accouchement, et qui présenta les derniers jours de la vie l'ensemble des symptômes dits typhoïdes, j'ai trouvé la veine iliaque primitive et ses divisions remplies de concrétions sanguines adhérentes qui présentaient divers degrés d'ancienneté. Blanches dans les troncs principaux, ces concrétions contenaient du pus à leur centre, elles étaient rouges et graduellement de moins en moins cohérentes dans les dernières divisions. Du reste, les extrémités inférieures n'offraient pas le plus léger œdème.

Le foie est couleur nankin et mollasse. L'utérus est également mollasse, mais sans altération.

Il y avait à la fois pleurésie du bord postérieur du poumon droit, pneumonie ordinaire ou diffuse, et pneumonie lobulaire. La pleurésie était évidemment consécutive. Le tissu du poumon divisé m'a offert des vaisseaux pleins de concrétions fibrineuses : ces vaisseaux étaient les divisions de l'artère pulmonaire droite. Les concrétions blanches et pleines de pus à leur centre allaient se divisant et se subdivisant comme ces artères, jusqu'à ce qu'enfin elles devinssent rouges et à peine cohérentes. Mais les concrétions des petits vaisseaux n'existaient guère qu'au voisinage des parties du poumon affectées de pneumonie lobulaire.

Dans la portion du poumon affectée d'inflammation ordinaire (pneumonie diffuse), le tissu de l'organe était infiltré de pus, et dans l'état connu sous le nom d'induration grise. Les foyers circonscrits d'inflammation (pneumonie lobulaire) présentaient de grandes différences sous le rapport du volume et du degré de l'inflammation: ici, indurations rouges; là, foyers marbrés de blanc et de ronge: plus loin, pus infiltré et combiné; plus loin encore, le pus commençait à se réunir en foyers à parois inégales.

J'ai rencontré chez ce sujet une altération pathologique fort rare. Un lambeau considérable et irrégulier du poumon était isolé au milieu de cet organe et ne tenait que par un pédicule très-mince formé par des vaisseaux sanguins et aériens. Ce lambeau ne présentait d'ailleurs aucun des caractères de la gangrène.

Amputation de la cuisse a la suite d'un coup de feu. Le douzième jour, accidens généraux. Mort vingt-neuf jours après la blessure. Phlébite capillaire des poumons et du foie. Commencement de phlébite de la raie : pour point de départ, phlébite du canal médullaire du fémur, (planche ii , fig. i et 3.)

Niles (Pierre), palefrenier, âgé de trente ans, reçut dans la journée du 29 juillet i83o un coup de feu qui traversa l'articulation du genou et brisa en éclats l'extrémité inférieure du fémur. Apporté à l'hôpital Beaujon une heure après l'accident, il fut immédiatement amputé à la réunion du tiers moyen avec le tiers inférieur de la cuisse. Tout se passe à merveille pendant les douze premiers jours; l'état général est excellent; à peine léger mouvement fébrile : l'état local ne laisse rien désirer. Déjà on permettait au malade des potages, lorsqu'il est pris, tout-à-coup, d'un frisson violent qui dure plusieurs heures, et est suivi d'une sueur abondante, laquelle persista tout le temps de la maladie. La plaie se dessèche et se couvre d'une couenne grisâtre. Les muscles se rétractent. Le malade n'éprouve aucune douleur ni dans le thorax, ni dans l'abdomen ; la pression abdominale n'en développe dans aucun point. Cependant les forces s'affaiblissent par degrés, le pouls devint lent et irrégulier, et le malade succombe le 28 août dans un état de maigreur très-considérable, un mois après la blessure, le dix-huitième jour de l'invasion du frisson.

Ouverture du cadavre. La rate, le foie et les poumons présentèrent des altérations analogues qu'on peut considérer comme trois périodes de la même lésion.

La rate, plus volumineuse que de coutume, était parsemée çà et là de masses sphéroïdes denses, d'un rouge foncé, tout-à-fait semblables à celles que j'ai décrites sous le titre d'Apoplexie de la rate. C'est le premier degré de la phlébite capillaire de la rate.

Le foie présentait à sa surface de larges plaques de couleur ardoisée ; incisé au niveau de ces plaques, il a offert des masses irrégulières, plus ou moins profondes, marbrées de points blancs dont chacun était évidemment formé par un grain glanduleux infiltré de pus concret. Chaque grain était entouré

xie livraison. 6

d'une couche gris-ardoisée, en sorte que la coupe ou la cassure du foie représentait assez bien l'aspect d'un granit. Cette première période de la suppuration du foie, dans laquelle chaque grain glanduleux est infiltré de pus concret, sera représentée dans une prochaine livraison.

Dans les poumons existaient de véritables foyers purulens. Les ligures i et 3, planche m, %f livraison, représentent le poumon droit. La base B et le bord postérieur BP du lobe inférieur sont le siège principal des abcès A A A, qui sont en général petits et irréguliers, font saillie à la surface du poumon, et sont entourés d'une auréole rouge et indurée. Le lobe supérieur en est complètement exempt.

La coupe du même poumon, figure 3, montre que tous les abcès AAA ne sont pas superficiels, que plusieurs occupent l'épaisseur même du poumon. On y voit une concrétion sanguine décolorée qui remplit en y adhérant une division considérable BAP de l'artère pulmonaire.

Ces lésions viscérales constatées, il importait d'aller à la recherche de la phlébite primitive, source de tous les accidens. Mais les veines du moignon, celles des autres parties du corps, examinées avec le plus grand soin dans leur tronc et dans leurs ramifications, n'ayant présenté aucune altération, nous avons brisé le fémur et nous avons trouvé la moelle remplacée par une matière purulente qui infiltrait le tissu spongieux de l'os.

(PLANCHE III, FIGURES I ET 2.)

Le poumon représenté planche m appartient à l'individu dont l'extrémité supérieure a été figurée planche i.

Le poumon (fig. i) est enveloppé dans sa presque totalité par une fausse membrane FM, réticulée, jaune (j'ai déjà dit que le malade était mort ictérique). Cette fausse membrane a été enlevée dans une certaine étendue pour montrer à découvert les portions malades du poumon. Les foyers d'inflammation lobulaire AL, AL, AL, sont remarquables par leur volume qui contraste avec la petitesse des foyers représentés planche o.. La saillie de ces foyers qui soulèvent la plèvre, leur disposition à facettes, dont chacune paraît formée par un lobule, les diverses nuances de couleur de leur surface, la blancheur de leur centre qui est aplati et non creusé en godet comme les tumeurs careinomateuses, la coloration rouge foncée de leur circonférence, en un mot tous les détails de ces pneumonies lobulaires ont été parfaitement rendus sur cette figure.,

La figure 2 représente la coupe de ce même poumon. On y voit la forme irrégulièrement sphéroïde des foyers pneumoniques AL, A'L', A"L", qui ne sont point encore arrivés à la période de l'abcès. Dans presque tous, une couche épaisse d'induration rouge entoure une masse blanche et dure formée par du pus infiltré dans le parenchyme pulmonaire. Des points d'induration rouge se voient çà et là au milieu de la masse infiltrée de pus. Quelques-uns, tels que le foyer A"L", présentent un commencement de collection purulente, et les aréoles vasculaires qui traversaient les parois de ce foyer sont rendues sensibles à l'aide d'une pince qui les soulève. En soumettant ce poumon à la macération, j'ai vu que le sang et le pus étaient infiltrés dans le parenchyme pulmonaire, dont ils masquaient le tissu. L'autre poumon présentait la même altération, à l'exception de la pleurésie. Certes, avec un fait pareil sous les yeux, il est impossible d'admettre que le pus est déposé en nature dans le tissu du poumon : il tombe sous le sens qu'il est formé dans le lieu même, à la suite d'une inflammation qui parcourt ses périodes accoutumées.

11e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DU POUMON.

Pneumonie lobulaire .

11e. Livraison. Pl. 4.

GANGRÈNE DIFFUSE DU POUMON.

( planche IV, XI* LIVRAISON.)

La planche 2, 111e livraison, nous a offert un exemple de foyers gangreneux circonscrits, dont plusieurs étaient en voie de guérison. A la base du poumon se voit un foyer superficiel ouvert dans la plèvre, foyer qui fut la source d'une hémorragie interne mortelle.

Le cas représenté planche iv m'a paru pouvoir servir de type pour la gangrène diffuse du poumon, espèce de gangrène que Laennec regardait comme excessivement rare, mais qui est à peu de chose près aussi fréquente que la gangrène circonscrite. Je ne vois pas d'ailleurs qu'il existe de différence fondamentale entre ces deux formes de gangrène.

L'une et l'autre reconnaissent les mêmes causes ; elles sont également réfractaires à nos moyens thérapeutiques, et sont presque nécessairement mortelles. Cependant, tandis que la gangrène diffuse, envahissant une partie plus ou moins considérable d'un poumon, s'accompagne presque toujours d'épancbement dans la cavité de la plèvre, et devient aussi rapidement qu'inévitablement funeste, on conçoit au contraire la curabilité des foyers gangreneux circonscrits; la pl. 2, 111e livr., le prouve d'une manière manifeste; et si de nouveaux foyers gangreneux n'étaient survenus, les forces du malade auraient probablement suffi aux frais de la guérison.

Gangrène diffuse du poumon (*). Épilepsie. Choree. Mort le treizième jour de Vinvasion des

symptômes de la maladie du poumon.

Becquet, âgé de trente-neuf ans, ancien militaire, était épileptique depuis fâge de vingt-deux ans : l'épilepsie, dont les accès très-intenses dans le principe allèrent peu à peu en diminuant, fut en grande partie remplacée par la chorée. Celle-ci devint habituelle, mais avec exacerbations qui revenaient comme par accès. Le dernipr accès t-ut lieu le iq juin i93oj il ootxoicta dans dca mouyemens irréguliers des extrémités inférieures joints à une faiblesse extrême, de telle façon qu'il fallait plusieurs personnes pour maintenir le malade dans la situation verticale. Les muscles de la face se contractaient spasmodiquement ; l'articulation des sons était très-embarrassée.

Le i5 juin, aux symptômes précédens s'ajoute un nouvel ordre de phénomènes : respiration difficile, entrecoupée; pouls fréquent et plein; face rouge; sueur générale. Râle crépitant dans la plus grande partie du poumon droit ; son mat du même côté ; intégrité du poumon gauche ; crachats visqueux, roussâtres, adhérens au vase, striés de sang. Saignée de dix-huit onces, sans amendement.

Le 17, matité considérable à la partie postérieure droite du thorax; à la crépitation avait succédé cette respiration que j'ai cru devoir appeler tubaire. Les crachats sont visqueux et verdâtres.

Jusqu'au 19, mêmes symptômes, crépitation à gauche. Les jours suivans, affaissement des traits, le pouls a beaucoup perdu de sa force et de sa fréquence. Expectoration abondante; les matières expectorées sont d'un jaune verdâtre, sanieuses, d'une odeur fétide et repoussante y nausées, efforts de vomissemens ; prostration des traits de la face. Le 23, gargouillement dans le thorax à droite; efforts de vomissemens, espèce de hoquet qui amène une matière sanieuse horriblement fétide. Le 27, le tartre stibié est administré à la dose de six grains dans huit onces de véhicule que l'on fait prendre par cuillerée. Le 28, petitesse extrême du pouls, hoquets, sueur froide, mort.

Ouverture du cadavre trente-six heures après la mort. Le poumon droit (fig. 1) présente à son bord postérieur BP une vaste caverne dont la paroi postérieure est formée par la plèvre PP inégalement perforée en plusieurs points PP, PP, PP. La plèvre divisée, figure 2, on arrive dans une vaste caverne gangreneuse FG, FG , FG, qui contient une boue noirâtre tout-à-fait semblable à celle rendue par l'expectoration , d'une horrible fétidité: aux parois du foyer sont attachés des lambeaux gangreneux dont les pédicules sont formés par des vaisseaux. Les principales escarres E, E ont été conservées. Cette caverne communique aussi largement avec les bronches qu'avec la cavité de la plèvre. L'insufflation de la bronche correspondante permet de voir de gros tuyaux bronchiques coupés nettement dans divers points de cette caverne.

(*) Observation et pièce pathologique communiquées à la Société Anatomique par M. Bergeon.

Une couche épaisse d'hépatisatiuu rouge, mollasse, cerne en tout sens la caverne gangreneuse. L'autre poumon offrait un mélange d'oedème et d'infiltration purulente. Le cœur uni au péricarde par des adhérences anciennes , présentefine dilatation avec amincissement de toutes ses cavités.

Crâne. Parois osseuses^très-épaisses ; bulbe raehidien d'une densité telle que le scalpel le coupe en criant, comme un cartilage, et qu'on éprouve une très-grande résistance lorsqu'on le déchire avec les doigts. Le cerveau, le cervelet et les tubercules quadrijumeaux sont dans leur état d'intégrité.

Réflexions. I. Du fait précédent il résulte que la gangrène du poumon peut être consécutive à une pneumonie. Cette proposition découle, non de la circonstance anatomique d'une couche épaisse d'induration pneumonique circonscrivant de toutes parts le foyer gangreneux ; car cette inflammation pourrait être consécutive à la manière du cercle inflammatoire qui limite la gangrène d'un membre; mais bien de l'histoire de la maladie qui nous présente tous les caractères cliniques d'une pneumonie franchement inflammatoire. Or, l'observation apprend que les pneumonies qui surviennent dans le cours d'une maladie grave, ou chez des individus actuellement affaiblis par une maladie quelconque, se terminent souvent par gangrène; aussi-bien ai-je eu l'occasion d'observer plusieurs fois cette fâcheuse terminaison dans le cours de varioles confluentes.

II. Sans repousser entièrement la gangrène primitive du poumon, c'est-à-dire, la gangrène non précédée d'inflammation, je crois qu'elle est excessivement rare : car, dans l'immense majorité des cas, les symptômes généraux et locaux de la gangrène ont été précédés de symptômes généraux et locaux de pneumonie. Si on objecte que souvent le foyer gangreneux ne présente aucun travail de réaction dans ses parois, que le tissu sain entoure immédiatement le tissu gangreneux, je répondrai que tantôt la gangrène envahit la totalité de la portion enflammée, et que tantôt elle respecte les couches les plus excentriques.

III. La terminaison par gangrène a été révélée par le caractère verdâtre, sanieux et fétide des crachats, bien plus encore que par la prostration et l'altération des traits de la face et le gargouillement reconnu par l'auscultation ; jamais ce signe ne nous a trompé. J'ai plusieurs fois rencontré la couleur verdâtre et même noirâtre des crachats dans des pneumonies bénignes; plus souvent dans des pneumonies graves; mais jamais nette rnnlpxir n'était réimie à la fétidité. D'une autre part la fétidité toute seule n'est pas un signe univoque de gangrène; tous les jours on l'observe dans les cavernes des phthisiques. Je l'ai vue dans un cas de bronchite chronique purulente. Enfin, tous les signes de la gangrène peuvent manquer: tel est le cas suivant communiqué à la Société Anatomique par M. Giraldès : Un homme éprouve tous les symptômes d'une pneumonie. 11 succombe sans qu'on ait pu le moins du monde soupçonner la gangrène, car l'expectoration n'a jamais présenté ni couleur ni fétidité. A l'ouverture, foyer gangreneux diffus à la base du poumon ; point de cercle inflammatoire tout autour. Ce foyer est largement ouvert dans la plèvre enflammée. Aucune division bronchique volumineuse ne s'ouvrait dans le foyer. On conçoit que la matière sanieuse ait trouvé plus de facilité à s'épancher dans la plèvre qu'à être chassée au dehors par l'expectoration.

IV. L'induration du bulbe raehidien rend parfaitement compte de la chorée, ou plutôt de l'irrégularité , de l'incertitude et de la faiblesse des mouvemens ; car le bulbe raehidien tient sous sa dépendance et les nerfs qui naissent à son niveau, et tous ceux qui naissent au-dessous. Dans un cas d'induration presque cartilagineuse du bulbe, que j'ai observé chez un enfant de sept ans, les mouvemens s'affaiblirent peu à peu, au point qu'on était obligé de porter ce malheureux être comme un enfant à la mamelle; l'articulation des sons devint lente et faible. Les mouvemens respiratoires perdirent de leur étendue et de leur énergie, l'inspiration était entrecoupée et incomplète ; l'enfant mourut asphyxié soit par défaut d'action des puissances inspira toires, soit par défaut d'action du poumon lui-même. Dans le cas actuel, on voit que les tubercules quadrijumeaux n'étaient pour rien dans les phénomènes de la chorée.

11e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DE L'UTERUS.(Tumeurs fibreuses.)

MALADIES DE L UTÉRUS

(XIe LIVRAISON.)

Tumeur fibreuse coïncidant avec la grossesse.

EXPLICATION DE LA FIGURE.

Cette figure représente l'utérus d'une femme morte de péritonite puerpérale quelques jours après l'accouchement. La pièce anatomique m'avait été adressée de la Maternité par mon excellent collègue M. Désormeaux, dont nous déplorons la perte prématurée.

Une tumeur fibreuse très considérable, TF, TF, est développée dans l'épaisseur du fond de l'utérus , et surmonte la cavité de cet organe.

Sa densité contrastait avec la mollesse et la vascularité du tissu de l'utérus du milieu duquel elle pouvait être enlevée par énucléation et sans le secours d'aucun instrument.

Réflexions—Plusieurs questions se rattachent à la présence des tumeurs fibreuses dans l'épaisseur de l'utérus pendant la grossesse , pendant et après l'accouchement.

i° Dans l'état de grossesse, la présence de ces tumeurs peut donner à l'utérus une forme insolite, variable, suivant leur siège, suivant leur nombre et bien propre à désorienter le praticien. Dans un cas de ce genre, on crut à l'existence de plusieurs enfans. Il n'est d'ailleurs nullement démontré que ces tumeurs soient une cause d'avortement. Un grand nombre de faits tendent à établir le contraire. Cependant, dans un cas, il y eut souvent imminence d'avortement; la malade éprouvait chaque mois pendant plusieurs jours des contractions utérines très prononcées et même pendant le dernier mois, ces contractions se renouvelaient tous les jours.

i° Pendant F accouchement, ces tumeurs peuvent rendre le travail plus long en diminuant l'efficacité de la contraction des fibres utérines. D'une autre part, si, comme il arrive quelquefois, elles occupaient le voisinage du col utérin, ou bien si, dans leur développement, elles s'étaient dirigées du côté du vagin ? on conçoit qu'elles pourraient opposer à l'accouchement un obstacle mécanique bien difficile à surmonter.

3°Après t accouchement, ces tumeurs peuvent en imposer, au moins quelques instans, pour un second fœtus; peut-être aussi leur présence peut-elle favoriser l'hémorrhagie en rendant plus difficile ou moins complet le retour de l'utérus sur lui-même. Enfin on peut considérer la présence de ces tumeurs utérines comme une cause de métrite, de métro-péritonite. La malade dont l'utérus fait le sujet de ces réflexions, a succombé à une péritonite.

M. Monod a présenté à la Société anatomique l'utérus d'une femme âgée de 33 ans, qui mourut de métrite quelques jours après l'accouchement (c'était la 4e grossesse). Pendant la grossesse, on avait reconnu à travers les parois de l'abdomen que Putérus était inégalement bosselé et cette disposition avait fait croire à une grossesse composée. La malade mourut trois jours après l'accouchement, d'une métrite avec gangrène des couches les plus profondes de l'utérus. Les tumeurs fibreuses étaient très multipliées. Les unes avaient le volume du poing, les autres celui d'une aveline. La plupart étaient ramollies et infiltrées de sérosité; quelques-unes infiltrées de sang. Les couches les plus profondes de l'utérus étaient détruites par la gangrène et par le ramollissement.

Il peut arriver qu'après l'accouchement, les corps fibreux, qui ne sont quelquefois séparés de la surface interne de l'utérus que par une couche extrêmement mince, soient expulsés par suite d'un travail morbide qui s'opère dans cette couche intermédiaire entre la cavité qu'occupe le polype et la cavité utérine. J'ai eu occasion d'observer un cas de ce genre-Madame Caizi, déjà mère de plusieurs enfans, accouche fort naturellement; l'accouchement fut suivi

xie LIVRAISON. i

de coliques très fortes, qui se dissipèrent bientôt. Quatorze jours après, douleurs utérines aussi vives que celles de l'enfantement; écoulement infect de matières purulentes ; rétention d'urine qui oblige d'avoir recours à la sonde. Le seizième jour, en sondant la malade, on s'aperçoit d'un corps qui tend à se précipiter hors du vagin. On le refoule; la nature, mieux avisée que l'art, l'expulse entièrement- Un second corps étranger se présente : cette fois, on favorise son expulsion. Un troisième se présente, assez volumineux ; et avant de procéder à son extraction, on voulut connaître mon avis sur la nature de ces corps, que le praticien qui donnait des soins habituels à la malade n'avait pas pu caractériser. .Te reconnus des tumeurs fibreuses ramollies, altérées; les petites masses arrondies qui constituent ce genre de tumeurs s'étaient réunies entre elles par des filamens fibreux, comme noueux. L'extirpation du corps étranger restant fut faite; l'écoulement purulent d'odeur putride ne tarda pas à disparaître, et la malade guérit parfaitement.

De U expulsion spontanée des tumeurs fibreuses de V utérus hors V état de grossesse.

L'expulsion spontanée des tumeurs fibreuses hors l'état de grossesse n'est pas fort rare, je viens de donner mes soins à une malade qui, après avoir éprouvé pendant quatre mois des pertes utérines suivies d'un écoulement très abondant et d'une horrible fétidité, a expulsé de petites masses que j'ai reconnu être des tumeurs fibreuses. Cette malade, que minait une fièvre hectique et qui offrait tous les caractères extérieurs de la cachexie cancéreuse, a guéri contre toute espérance, après l'expulsion de ces corps étrangers.

Quelquefois ce travail d'élimination est accompagné de la gangrène du tissu de l'utérus et d'une péritonite rapidement mortelle. J'ai eu occasion d'en observer un exemple.

Indépendamment de ce mode d'expulsion des corps fibreux de l'utérus au milieu d'un travail de suppuration, il en est un autre qui s'opère sans l'intermédiaire delà suppuration; la couche qui sépare la tumeur delà cavité utérine est usée, déchirée par le fait des contractions utérines, en sorte que la tumeur passe par une sorte d'énucléation spontanée du kyste où elle a été formée dans la cavité de l'utérus qui l'expulse par le mécanisme de l'accouchement, au milieu d'un écoulement de sang plus ou moins abondant.

Il peut arriver alors que la mort ait lieu par hémorrhagie (Voyez xme livr. pl. vi): par exemple lorsque la tumeur étant volumineuse, les premiers efforts de contraction déterminent la déchirure de vaisseaux considérables; le tamponnement est dans ce cas le seul moyen de prévenir une mort imminente.

Lorsque la tumeur n'est pas trop volumineuse pour pouvoir être expulsée, lors même qu'elle est d'un petit volume, elle subit presque toujours des altérations qui rendent son expulsion beaucoup plus facile. Ainsi, elle se pénètre d'une sérosité qui en dissocie les élé-mens, elle s'allonge, se file en quelque sorte à travers le col utérin; quelquefois même elle se morcelle et est expulsée par fragmens, tellement qu'elle devient méconnaissable.

Une femme âgée de quarante-cinq ans, qui n'offrait d'ailleurs aucun signe de grossesse, expulsa, au milieu de douleurs utérines, d'efforts et d'une perte de sang, un corps aplati qu'on me présenta comme une fausse membrane, que d'autres personnes regardaient comme un caillot de sang organisé, et qu'il me fut facile de reconnaître pour un corps fibreux allongé, ramolli, altéré. Cette malade assurait que trois mois auparavant elle avait expulsé un corps tout semblable et à la suite des mêmes accidens.

11e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DE L'UTERUS. ( Polypes.)

MALADIES DE L UTÉRUS.

(Planche vi, xie livraison.) Polypes.

L'utérus représenté fig. ï, 2, 3, appartenait à une malade de la Maison royale de santé, morte phthisique, J'avais constaté, quelque temps auparavant, la présence d'un polype encore contenu dans la cavité utérine.

La fig. 1 représente la saillie du museau de tanche dans le vagin et l'orifice vaginal du col utérin. On voit la forme semi-lunaire de cet orifice, des rugosités ou granulations d'inégal volume disséminées sur son pourtour, et qui sont dues, non à une lésion de tissu, mais au développement des follicules muqueux connus sous le nom à'œufs de Naboth. Ce développement des follicules muqueux de l'orifice du museau de tanche n'est point une maladie, mais une hypertrophie, conséquence assez fréquente de l'hypertrophie du tissu utérin lui-même. Le doigt introduit dans cet orifice reconnaissait parfaitement, pendant la vie, la présence du polype P.

La fig. 2 représente la cavité utérine ouverte par sa paroi antérieure. On voit un polype pyriforme P naître du fond de l'utérus par son extrémité étroite, et atteindre son fond par l'orifice utérin OU. La saillie du museau de tanche dans le vagin est facile à apprécier par l'intervalle qui sépare le pourtour de l'orifice utérin du cul-de-sac vaginal V. Cette hauteur est de 8 lignes environ. Pour contenir ce corps étranger, l'utérus a acquis un développement proportionnel, et a subi une transformation de tissu tout-à-fait semblable à celle que détermine le travail de la grossesse.

La fig. 3 présente une coupe antéro-postérieure du polype et du fond de l'utérus. On voit que le tissu du polype se continue sans aucune ligne de démarcation avec le tissu propre de l'utérus, qu'il est un prolongement de ce tissu propre, et non point un corps fibreux ou autre développé dans l'épaisseur de l'utérus dont il peut être séparé par énucléation. L'identité entre le tissu de l'utérus TU et le tissu du polype PO est telle que l'examen le plus attentif ne peut y démontrer la plus légère différence. On retrouve dans l'épaisseur du polype les cavités veineuses ou sinus utérins, qui appartiennent au tissu de l'utérus hypertrophié.

Réflexions. — Il résulte des détails descriptifs qui précèdent qu'il existe une forme de polypes fibreux de l'utérus, qui consiste dans un développement partiel et pédicule du tissu de cet organe. Ces polypes doivent être bien distingués des tumeurs fibreuses développées sous la muqueuse ou plutôt sous les couches les plus profondes du tissu de l'utérus lui-même, tumeurs fibreuses qui proéminent dans la cavité utérine, et qui généralement ne deviennent pédiculées que lorsqu'elles se sont engagées dans le col utérin. Ils ne sauraient être confondus avec les polypes muqueux qui naissent du tissu même de la membrane muqueuse dont ils ne paraissent être qu'un développement hypertrophique circonscrit : leur mollesse, la présence d'un nombre de kystes muqueux (lesquels ne sont autre chose que le développement des follicules que présente la muqueuse utérine dans toute son étendue et qui ne sont pas circonscrits au col, comme on le croit généralement), leur structure toute vasculaire ne permettent pas de les confondre avec les lésions précédentes.

La 4istinction entre les polypes fibreux, nés du tissu propre de l'utérus et les tumeurs fibreuses de cet organe, n'est pas seulement utile sous le point de vue scientifique, elle n'importe pas moins sous le point de vue pratique. Ainsi, lorsqu'un polype du tissu propre s'engage dans le col utérin, il est impossible que la portion des parois utérines sur laquelle ce polype est implanté ne soit pas entraînée avec le corps étranger; tandis que, dans le cas de tumeur fibreuse, le passage du corps étranger de la cavité utérine dans la cavité vaginale se fait exclusivement aux dépens de la couche de tissu utérin qui recouvre la tumeur fibreuse et allonge le pédicule.

Il suit encore, d'une part, de la continuité du tissu de certains polypes avec le tissu utérin d'une autre part, de l'indépendance où se trouve une autre classe de polypes, par rapporta ce même tissu utérin, que, dans ce dernier cas,l'utérus est en quelque sorte étranger aux altérations qui pourraient avoir lieu dans la tumeur fibreuse, tandis qu'il participe nécessai-

xie livraison.

rement aux altérations qui peuvent survenir dans le polype qui n'est autre chose que le prolongement de ce tissu propre lui-même.

Sur une femme de la Salpêtrière, couchée dans la division des incurables et qui mourut d'une pneumonie, je trouvai dans le vagin une végétation cancéreuse très considérable, couverte d'un détritus putride et qui sortait à travers le col utérin dilaté. En examinant l'utérus du coté du bassin, je vis le fond de cet organe déprimé en entonnoir, et la section de l'utérus me montra que cette végétation cancéreuse faisait suite à un polype fibreux né du fond de l'utérus qu'il avait entraîné. Une particularité digne d'être notée, c'est que le pédicule du polype était formé par le fond de l'utérus lui-même. En sorte que si on avait voulu faire la section du polype sur le pédicule, on aurait emporté la partie du fond de l'utérus sur laquelle ce polype était implanté. On serait même probablement arrivé dans la cavité péritonéale.

Une autre particularité non moins digne de remarque c'est que la portion de polype contenu dans la cavité utérine présentait tous les caractères du tissu propre de l'utérus comme dans le cas représenté fig. i, a, 3. La portion de polype contenue dans le col utérin et dans le vagin présentait seule la dégénération cancéreuse.

Il suit de là qu'il ne faut nullement décider delà nature d'un polype utérin par les caractères de la partie de ce polype qui a franchi le col utérin ou qui est encore engagé dans ce col. M. Dupuytren avait fait la même observation relativement aux polypes des fosses nasales qui envoient quelquefois des prolongemens à travers les orifices antérieurs des narines. Toute la partie de ces polypes qui déborde les narines présente en effet quelquefois un aspect fongueux, saignant, gangreneux, carcinomateux,qui détourne presque toujours de l'opération le praticien prudent. Toute la partie de la tumeur qui est encore contenue dans les narines présente, au contraire, les caractères des polypes fibreux sans dégénérescence.

J'ai dit que dans les polypes nés du tissu propre de l'utérus, le travail désorganisateur qui pouvait s'en emparer s'étendait quelquefois au tissu même de l'utérus. C'est ainsi que j'ai reçu de la province un utérus à la face interne duquel étaient attachés les débris d'un polype tombé en gangrène; la gangrène avait envahi toute l'épaisseur des parois de l'utérus, dans le point correspondant. Une péritonite rapidement mortelle en avait été la suite.

Déchirure du col de Vutérus pendant l'accouchement. ( Fig. 41 5. )

La fig. 4 représente la face postérieure de l'utérus d'une femme morte six semaines après l'accouchement, des suites d'une péritonite puerpérale.Il existait sur cette face postérieure, au voisinage du col, dans le point F, une perte de substance fermée par le péritoine seulement. Un stylet introduit à travers cette perte de substance, et dirigé de haut en bas, sortait par l'orifice utérin OU.

La fîg. 5 présente la face interne de l'utérus ouvert par la paroi antérieure : on voit le trajet oblique du stylet S, l'orifice interne de la fistule F, et l'échancrure assez profonde, mais cicatrisée, qui aboutissait à cet orifice interne. Je dois faire remarquer que cette échancrure, résultat évident d'une déchirure opérée pendant le travail, n'aboutissait pas jusqu'à l'orifice du col utérin.

Réflexions. — Cette observation prouve que le travail de l'accouchement peut être accompagné de déchirure du col utérin, que l'intégrité de l'orifice vaginal de ce col n'est pas une preuve de l'intégrité de la portion du col qui est au dessus; que cette déchirure, souvent bornée à une partie de l'épaisseur, peut s'étendre à toute l'épaisseur des parois utérines avec ou sans le péritoine.

La déchirure peut d'ailleurs survenir dans deux circonstances bien distinctes : elle a lieu tantôt sans ramollissement préalable, tantôt après ramollissement préalable du tissu de l'utérus. Dans ce dernier cas, la déchirure peut être extrêmement considérable et permettre le passage du fœtus de la cavité utérine dans la cavité péritonéale. Dans le cas d'intégrité du tissu de l'utérus, la déchirure n'est jamais aussi considérable que lorsque le tissu de l'utérus a été le siège d'un ramollissement inflammatoire ou autre.

Une hémorrhagie mortelle est le résultat le plus général des déchirures considérables. Une hémorrhagie plus ou moins grave, bien distincte des hémorrhagies par inertie de l'utérus et qui résiste quelquefois au resserrement des vaisseaux amené par les contractions utérines, est la conséquence des déchirures peu considérables.

12e. Livraison. Pl. 1.

MALADIES DU FOIE

MALADIES DU FOIE

Foie granuleux ( Cyrrhose. )

(xiie livraison, planche 1.)

La planche ire (xne livraison) représente cette altération du foie que les anciens, et Baillie en particulier, me paraissent avoir désignée sous le nom de tubercules du joie que Laënnec a décrite sous le nom de cyrrhose, et qu'il considère comme une dégénération particulière, un tissu accidentel spécial, qui peut se rencontrer dans un grand nombre d'organes autres que le foie.

Avant de discuter les questions relatives à la nature de cette lésion, décrivons ses caractères anatomiques, si exactement reproduits dans la figure i de la Planche i.

Le foie (fig. 1) est réduit au tiers environ de son poids et de son volume ordinaires; le lobe droit LDetle lobe gauche LG sont à peu près de même dimension, et notablement déformés. Ce double caractère, savoir, la diminution de volume et la déformation du foie, est à peu près constant dans l'altération que je décris. Le tissu du foie est également beaucoup plus dense que dans l'état naturel.

La surface du foie n'est pas lisse, mais bien soulevée par une multitude de granulations, dans l'intervalle desquelles se voient des dépressions, des rides, des épaississemens : on dirait que cet organe est flétri et comme ratatiné; ses membranes d'enveloppe sont irrégulièrement épaissies, opaques dans beaucoup de points. On voit sur la face inférieure du lobe gauche, des lames cartilagineuses MG, MC, qui appartiennent au péritoine, ainsi que l'a démontré une dissection attentive.

La couleur du foie est jaune (d'où le nom de cyrrhose). Cette couleur, qui varie depuis le jaune-serin jusqu'au jaune-brun, tient aux sucs dont les granulations sont pénétrées; car si on écrase quelques-unes de ces granulations sur du papier blanc , ce papier sera teint en jaune. Au reste, la quantité de matière colorante, variable dans les diverses granulations, m'a paru en raison directe de leur volume. Les vaisseaux Sanguins qui traversent le tissu du foie sont sains, mais le sang qu'ils contiennent est séreux; les canaux biliaires et la vésicule sont pleins d'une bile jaune plus ou moins consistante.

Après avoir dépouillé le foie de ses membranes, comme il a été fait dans plusieurs points des fig. 1 et 2, on voit que les granulations sont de volume variable; qu'à côté de grains du volume d'un gros pois, il en est une multitude qui sontmiliaires, d'où les inégalités de la surface du foie. On voit, en outre, que chaque granulation, G,G, est indépendante des granulations voisines, que chacune est pourvue d'une membrane propre, et ne tient au reste du foie que par un pédicule vasculaire ( V^. fig. 2, Gy)«

La coupe du foie (fig. 2) permet de faire les mêmes observations, c'est-à-dire de constater l'inégalité de volume des granulations, leur indépendance et leur coloration. Elle montre, en outre, qu'indépendamment des granulations, il existe dans le foie un tissu très dense, fibro-celluleux, lequel occupe une place qui lui est étrangère dans l'état naturel. Si on examine au microscope la coupe d'une granulation, on voit qu'elle présente absolument les mêmes caractères que la coupe d'un foie sain, c'est-à-dire un tissu spongieux analogue à la moelle du jonc.

Considérations générales sur la cyrrhose. I. L'état granuleux du foie peut être partiel ou général. Sous le point de vue clinique, son histoire est encore à faire. Il coïncide presque toujours avec une ascite; aussia-t-on émis l'opinion que cet état du foie devait être considéré comme une des causes les plus fréquentes de cette dernière maladie.

IL II est certain que lorsqu'on rencontre des foies granuleux sans ascite, le foie conserve généralement son volume naturel; une partie seulement du foie a subi la transformation, encore cette transformation est-elle incomplète. Je n'ai jamais vu de foies déformés, ratatinés, ayant perdu la moitié de leur volume, sans épanchement dans la cavité du péritoine.

III. Tel était le cas de l'individu dont le foie est représenté Pl. i ; tel était encore le cas d'un autre individu qui offrait en même temps que la lésion du foie, un rétrécissement considérable du pylore par épaississement de la membrane fibreuse et de la membrane

xnc livraison. 1

musculaire. Il m'est arrivé de trouver, pour toute cause de mort, l'ascite et un foie granuleux; mais ce cas est fort rare, et presque toujours il existe, soit dans les poumons, soit dans le cœur, des lésions plus graves dont les symptômes masquaient ceux qui pouvaient partir du foie. Je me suis souvent fait cette question : Quel rapport y a-t-il entre le foie granuleux et l'ascite? Y a-t-il relation de cause à effet? Quelle est la cause ? quel est l'effet? Il résulte d'un certain nombre de faits, que bien que l'ascite ait été le premier symptôme morbide qui ait appelé l'attention des praticiens, cependant un trouble antérieur notable dans les fonctions et principalement dans celles des organes digestifs, attestait une lésion plus ou moins profonde.

IV. L'ascite me paraît donc consécutive : elle peut tenir, ib à l'extension de l'irritation chronique dont la portion du péritoine qui revêt le foie est le siège, irritation qui s'annonce par l'épaississement de cette membrane; i° elle peut tenir à la diminution de volume qu'a subie le foie, et conséquemment à l'altération de ses fonctions, comme organe d'hématose.

V. Mais en quoi consiste l'altération granuleuse du foie ?J'ai déjà dit que Laènnec regardait la cyrrhose comme un tissu accidentel particulier, qu'il supposait pouvoir se développer dans d'autres organes que le foie. M. Boulland, dans un Mémoire inséré parmi ceux de la Société médicale d'Émulation (tom. ix, pag. 170), considère cet état du foie « comme une » dissociation des deux élémens naturels de cet organe : les masses jaunes, fauves, » constituant le tissu accidentel, apj3elé cyrrhose, ne sont autre chose que les granulations » sécrétoires, se désorganisant graduellement par l'effet de l'oblitération du lacis » vasculaire, et de l'obstacle à la circulation hépatique qui eu résulte. » Ainsi, d'après cette manière de voir, les granulations ne sont point un tissu de nouvelle formation, ce sont les grains glanduleux eux-mêmes, ou plutôt l'élément jaune de ces grains glanduleux, qui est développé et graduellement désorganisé; tandis que l'élément brun, ou le lacis vasculaire est atrophié. M. Andral admet également (Précis d'Anat. patholog,, p. 385) que, dans la cyrrhose, il y a atrophie de la substance rouge, et hypertrophie de la substance jaune. Il pense qu'en même temps que la substance jaune se développe de manière à donner naissance aux granulations, la substance rouge peut rester dans son état naturel, et qu'alors le foie est augmenté de volume; que, dans d'autres cas, cette substance rouge s'atrophie complètement et se transforme en tissu cellulaire ou cellulo-fibreux; d'où la diminution de volume et l'état de ratatinement du Sole.

VI. Il est positif que les granulations hépatiques, dans la cyrrhose, ne sont point un tissu accidentel ; il n'y a pas non plus désorganisation ; car les coupes des grains granuleux, examinés au microscope, présentent le même aspect spongieux, la même texture que les coupes d'un foie sain ; seulement, le tissu du grain granuleux est pénétré dune grande quantité de matière jaune, ce qui a suggéré l'idée ingénieuse de l'atrophie de lune des substances, et de l'hypertrophie de l'autre. Mais, d'abord, il n'existe pas deux substances dans le foie, soit qu'on admette deux espèces de granulations, soit qu'on admette que chaque granulation est composée des deux substances à la fois. Ce qui a pu en imposer à cet égard, c'est que la partie centrale de chaque granulation répond au radicule biliaire, et conséquemment est souvent teinte en jaune, et que la partie excentrique répond à l'élément vasculaire, et conséquemment est plus rouge que la partie centrale. Dans la Cyrrhose, on trouve à côté de granulations volumineuses, des granulations extrêmement petites ( fig. 1 et 2), et une grande quantité de tissu fibreux, qui remplit les intervalles qu'elles laissent entre elles. N'est-il pas raisonnable de penser que la cyrrhose consiste essentiellement dans Y atrophie du plus grand nombre des granulations du foie, et que les granulations restantes s'hypertrophient comme pour suppléer celles qui sont atrophiées. Mais quelle est la cause de cette atrophie ? De nouvelles recherches sont nécessaires pour répondre à cette question importante. Les voies biliaires sont libres et contiennent de la bile ; les veines sont libres, mais rétrécies ; et le sang qu'elles contiennent est séreux.

12e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU FOIE

MALADIES DU FOIE.

Cancer par masses disséminées.

(xilc LIVRAISON, PLANCHES 1 ET 3.)

I. De toutes les maladies du foie, la plus fréquente et la plus grave est peut-être la dégénération cancéreuse, sous forme de masses disséminées. Il n'est pas moins positif que cette forme de maladie cancéreuse affecte une prédilection spéciale pour le foie; de telle sorte que sur vingt cas de cancers par niasses disséminées, observés dans l'économie, il y en a dix-neuf qui appartiennent à ce viscère.

II. L'ignorance absolue où nous sommes des causes et du véritable caractère de cette redoutable affection, l'obscurité du diagnostic, le silence complet de la thérapeutique, font le désespoir des praticiens qui, en présence d'une lésion aussi grave et toujours nécessairement mortelle, sont réduits à un diagnostic incertain et à un traitement plus incertain encore.

III. i ° Etudier l'altération organique dans ses formes et dans sa texture ; la suivre dans ses diverses périodes ; établir quel est l'élément anatomique spécialement et principalement affecté; i° Rechercher, par la pathologie expérimentale, s'il existe des causes morbides sous l'action desquelles cette altération puisse être provoquée chez les animaux; 3° Dans l'impuissance absolue de toutes les méthodes thérapeutiques connues, procéder à la recherche de méthodes thérapeutiques nouvelles : voilà la triple voie dans laquelle nous devons marcher pour arriver , par rapport aux cancers du foie, au double but de la médecine clinique : diagnostiquer et guérir.

IV. Or, toutes les expérimentations thérapeutiques faites jusqu'à ce jour dans le cancer du foie, comme d'ailleurs dans les affections cancéreuses en général, ont été sans résultat : les alcalis, les ferrugineux, qui m'avaient paru d'abord produire de bons effets, ont complètement échoué dans une foule de cas. Les sucs chicoracés, le savon officinal, les eaux de Vichy, le nitrate ou l'acétate de potasse, les pilules aloétiques et le calomel dont on abuse si souvent; voilà, à peu de chose près, à quoi se réduisent nos ressources thérapeutiques contre une aussi grave maladie. Le traitement du cancer au foie est donc inconnu dans toute la force de l'expression. D'une autre part, j'ai vainement essayé de produire des tumeurs cancéreuses dans le foie des animaux par l'injection de divers corps irritants dans leur système veineux, seul moyen que nous ayons d'agir sur cet organe. L'histoire des maladies cancéreuses dû foie se réduit donc, dans l'état actuel de la science, à quelques faits d'anatomie pathologique.

v. Ur, 1 anatomie pathologique du cancer du foie est très avancée sous le point de vue des formes générales de l'altération ; elle est encore à faire sous celui de là texture et de l'élément organique primitivement affecté. Les planches 2 et 3 (xne livraison) donnent une idée parfaite de ces niasses plus ou moins considérables, sphéroïdales, maronnées, déposées çà et là dans l'épaisseur du foie ou au voisinage de sa surface, au milieu d'un tissu parfaitement sain. On dirait, pour me servir de l'expression usitée dans les amphithéâtres, que le foie en a été farci; car, le plus souvent, il existe une ligne de démarcation parfaitement tranchée entre le tissu du foie et le tissu de ces

xjie LIVRAISON. 1

tumeurs; la transition est brusque et non successive. C est ce qu'on voit très bien dans les coupes du foie, figures 2, Pl. 1 et 3. 11 n'est pas rare de voir ces tumeurs présenter des embranchements , sur - tout le long des divisions veineuses. Dans quelques cas, on arrive par degrés insensibles du tissu normal du foie au tissu morbide. Ces tumeurs présentent d'ailleurs un grand nombre de différences sous le rapport du nombre, de la situation, du volume, de la consistance, de la couleur et de la texture,

VI. Rarement trouve-t-011 une seule tumeur dans le foie ; dans le petit nombre de cas de tumeur unique que j'ai rencontrées, il existait en même temps un certain nombre de petites tumeurs miliaires qui échappent au premier coup d'œil par leur ténuité; le plus souvent, on en observe un certain nombre, huit, dix, vingt, quarante, plusieurs centaines, plusieurs milliers.

VII. De même que les abcès multiples du foie, suite de phlébite, le cancer par masses disséminées affecte une sorte de prédilection pour la surface de l'organe. Sur un foie qui contenait vingt tumeurs de ce genre, j'en ai trouvé seize superficielles. Les tumeurs superficielles sont en général proéminentes, tellement qu'on peut les sentir à travers les parois abdominales : je les ai constamment reconnues par le toucher, immédiatement après la ponction pratiquée pour l'ascite, si commune dans les périodes avancées de cette maladie. Ce signe est pathognomonique. Du reste, lorsque la tumeur superficielle est volumineuse , elle perd en partie sa forme sphéroïdale et se creuse en godet au centre : cette dernière disposition me paraît s'expliquer par la densité qu'acquiert le tissu cellulaire sous-péritonéal dans le point correspondant (V. Pl. 1). Il n'est pas rare de voir lepéritoine épaissi, fibreux, cartilagineux, les vaisseaux sous-péritonéaux se développer , des adhérences s'établir entre le foie et les parties voisines : on conçoit que ce travail d'irritation puisse s'élever jusqu'à l'inflammation aiguë ou chronique du péritoine. Dans un grand nombre de cas, l'ascite symptomatique du cancer au foie me paraît moins l'effet d'une compression des veines porte ou hépatique, que le résultat d'une fluxion séreuse, provoquée par l'irritation du péritoine. Je signalerai comme le siège habituel des masses cancéreuses les plus volumineuses, cette partie du foie qui répond au ligament suspenseur, et par conséquent, au sillon antéro-postérieur. C'est peut-être pour cette raison qu'on rencontre si fréquemment des adhérences de l'estomac au foie, des foyers cancéreux du foie ouverts dans l'estomac , etc.; le lobe de Spigel n'est pas exempt de cette altération : j'ai vu ce lobe tantôt farci de petites tumeurs cancéreuses, tantôt transforme en une tumeur cancéreuse unique, qu'on aurait pu prendre pour une tumeur encéphaloïde ordinaire proéminente.

VIII. Sous le rapport du volume, le cancer par masses disséminées du foie présente beaucoup de variétés, depuis la forme miliaire jusqu'à ces tumeurs qui égalent un œuf de dinde, le poing, les deux poings réunis, la tête d'un fœtus à terme. En général, le nombre de ces tumeurs est en raison inverse de leur volume. Les différences de volume rapprochées des différences de couleur, de consistance, lesquelles dénotent assez généralement des périodes diverses de développement, ne semblent-elles pas établir que toutes les tumeurs que l'on rencontre dans un foie malade, ne sont pas contemporaines ; mais que les unes sont à l'état embryonnaire, d'autres à la période d'accroissement, d'autres à l'état de développement complet, d'autres, enfin, à leur décrépitude; et parmi ces dernières on en trouve parfois qui ont subi diverses dégénérations ou transformations, dont le dernier terme est la gangrène. Il est des foies tellement favorables à ce genre d'observation, qu'on assiste, pour ainsi dire, à la production de ces tumeurs, et qu'on peut étudier la succession de leurs diverses périodes. Nous avons vu ( xie liv., Phlébite) qu'il en était souvent de même pour les abcès du foie et du poumon, suite de phlébite.

IX. Les états divers sous lesquels se présentent les cancers du foie par masses disséminées, me paraissent devoir se rapporter à deux variétés principales qui ne s'excluent pas l'une et l'autre, et que beaucoup d'observateurs regardent comme deux degrés de la

inênie altération; savoir la variété dure ou le squirrhe,et la variété molle ou Vencéphaloïde. Lune et l'autre variété peuvent offrir plusieurs nuances ou sous-variétés, et passer par une série plus ou moins nombreuse de transformations. Les expressions de période de crudité et de période de ramollissement, par lesquels on désigne habituellement ces deux variétés , sont donc impropres, car ces variétés ne constituent point les degrés d'une même altération, et la variété molle, comme la variété dure, est presque toujours molle ou dure dès le premier moment de son apparition. La Pl. 2, xne livraison, présente le type de la première variété : la Pl. 3, même livraison, présente le type de la seconde. Ces deux variétés se trouvent ici parfaitement distinctes; mais il n'est pas rare de les rencontrer réunies dans le même foie : je ne me rappelle pas de les avoir vues réunies dans la même tumeur.

X. La variété dure se présente sous l'aspect d'une trame aréolaire et qui crie sous le scapel; dont les mailles sont extrêmement denses, fibreuses, quelquefois même cartilagineuses : on dirait dun tissu fibreux ou même cartilagineux. Quelquefois au centre de ces tumeurs se voient de petites cavités ou géodes remplies de sérosité, lesquelles sont traversées par des colonnes fibreuses plus ou moins irrégulières (fig. 2 , Pl. 1 ). Si on soumet ces tumeurs à une forte pression (et je me sers pour cela d'un étau), on est tout surpris de la grande quantité de suc lactescent, suc cancéreux, qui suinte de toutes parts; et, après cette expression, il reste une trame aréolaire fibreuse. Pour mieux étudier cette trame que déchire et que morcelle la préparation précédente, j'ai coutume de couper une tranche très mince de la tumeur et de la soumettre à la macération, soit dans l'eaU simple, soit dans l'eau légèrement chlorurée : le suc cancéreux est dissous , et la trame aréolaire fibreuse apparaît alors tout-à-fait analogue à celle d'un tissu érectile. Souvent des vaisseaux sanguins, très développés, parcourent çà et là le centre de la tumeur; d'autres fois, il semble qu'il n'y a point de vaisseaux ; mais avec un peu d'attention, on pourra les reconnaître malgré leur ténuité.

XL La variété molle (Pl. 3) est remarquable par sa mollesse, sa couleur blanc-grisâtre, qui l'ont fait comparer au cerveau d'un jeune enfant. C'est le cancer encéphaloïde de Bayle et Laennec. Dans une première sous-variété, la tumeur n'est parcourue que par un petit nombre de vaisseaux ; elle est uniformément blanche. Une seconde sous-variété est éminemment vasculaire; ce n'est, pour ainsi dire, que vaisseaux d'apparence veineuse, aplatis, non flexueux, dilatés en ampoule, à parois extrêmement ténues, qui se déchirent avec la plus grande facilité, et deviennent la source soit de petits épanchements de sang qui donnent à la tumeur un aspect truite, soit de grands foyers sanguins qui simulent des foyers apoplectiques (Pl. 3). Cette grande vascularité coïncide avec une diffluence telle, que la tumeur ressemble à une bouillie rougeâtre. L'action continue d'un jet d'eau dirigée sur une coupe de cette tumeur, la dépouille par dégrés de la pulpe qui la pénètre, et il ne reste plus qu'une trame celluleuse et vasculaire.

XII. Du reste, la variété dure et la variété molle diffèrent entre elles , i° par la trame, qui est celluleuse et lâche dans celle-ci, dense et fibreuse dans celle-là; i° par la vascularité; 3a par la quantité plus ou moins grande de sucs cancéreux qui les pénètrent; 4° Par ieur marche et leur développement lent, en général , dans les tumeurs dures, rapide dans les tumeurs molles. Nonobstant ces différences, il serait probable que la variété dure se transforme, dans quelques cas, en variété molle ; toujours est-il qu'on rencontre souvent ces deux variétés l'une à coté de l'autre; que toutes deux peuvent être le siège d'un travail désorganisateur qui a pour résultat la formation du pus, la formation d'une matière tuberculeuse ou gélatiniforme, la conversion en bouillie, la gangrène. Souvent le sang qui s'épanche au sein de ces tumeurs, subissant diverses transformations, peut en modifier l'aspect au point de les rendre méconnaissables, et de masquer complètement leur véritable caractère.

XIII. Doit-on considérer comme une troisième variété de tissu cancéreux, ou bien comme une lésion composée, l'altération suivante que j'ai rencontrée dans un foie qui présentait toutes les variétés et tous les degrés du cancer par masses disséminées. Plusieurs masses cancéreuses offraient, dans une partie de leur étendue, une trame érectile tout-à-fait analogue au tissu du corps caverneux : cette trame était remplie par un liquide couleur lie de vin.

XIV. Les différences qui résultent des états divers sous lesquels le tissu du foie peut se présenter dans la lésion qui nous occupe, méritent de fixer toute notre attention. Le plus ordinairement, les tumeurs cancéreuses semblent déposées au milieu d'un tissu parfaitement intact. On dirait que la substance propre du foie n'a pris aucune part à leur formation (Pl. i et 3), et l'augmentation de volume qu'a subie l'organe parait représentée par le volume des tumeurs. Souvent, au contraire, le foie hypertrophié a acquis un volume énorme, un poids de quinze à vingt livres, qui se compose, et de la somme des tumeurs, et de l'augmentation intrinsèque du foie lui-même, lequel, indépendamment des tumeurs, a doublé, triplé de volume. Dans d'autres cas, le foie est atrophié, soit partiellement, soit généralement : l'atrophie partielle peut porter sur un lobe, sur une petite portion du foie ; on rencontre souvent la portion de foie intermédiaire à plusieurs tumeurs, atrophiée, décolorée, et même convertie en tissu fibreux. L'atrophie générale peut être portée au point que le foie, avec de nombreuses tumeurs, ne dépasse pas le volume naturel, et même soit au-dessous de ce volume. Dans certains cas, la substance du foie était réduite au sixième et peut-être même au huitième de son volume naturel.

Le tissu du foie peut présenter sa coloration naturelle (Pl. 2); il peut être décoloré, jaunâtre ( Pl. 3) , tout-à-fait jaune , d'un vert olive, infiltré, altéré dans son tissu, dont la disposition granuleuse a en grande partie disparu et ressemble assez exactement à une éponge pénétrée de sérosité trouble.

XV. Les tumeurs careinomateuses du foie sont quelquefois placées de manière à comprimer les vaisseaux de cet organe. On peut rapporter certaines atrophies partielles à la compression des rameaux artériels et veineux secondaires, de même que certaines atrophies générales à la compression des gros troncs vasculaires. Uictère, si fréquent dans ce genre de maladie, est la conséquence de la compression des gros canaux excréteurs de la bile. Je n'ai jamais observé de cancers du foie avec ictère, sans en trouver la cause dans cette compression. L'hydropisie ascite et l'anasarque, non moins communes que l'ictère, sur-tout dans les périodes avancées , sont-elles la suite constante et exclusive de la compression des grosses veines du foie? Sans nier l'influence de la compression et de l'oblitération des veines hépatiques, porte et cave sur la production de l'ascite et de l'anasarque, je dois dire que, dans beaucoup de cas, ces phénomènes consécutifs m'ont paru reconnaître pour cause l'irritation du péritoine, suite nécessaire de l'accroissement des tumeurs superficielles.

XVI. L'irritation que détermine ces tumeurs superficielles sur le péritoine s'élève (Quelquefois jusqu'à l'inflammation. Rarement générale, la péritonite consécutive est plus souvent partielle, et dans ce dernier cas, tantôt elle envahit la totalité du péritoine, qui revêt le foie, tantôt elle est bornée à la partie du péritoine qui recouvre les tumeurs. 11 en résulte des adhérences accidentelles, soit partielles, soit générales, qui deviennent un moyen de transmission de la dégénération cancéreuse, non moins facile que les adhérences naturelles ou la continuité du tissu. Ainsi, tantôt c'est par le petit épiploon et parle tissu cellulaire qui entoure les vaisseaux biliaires, que la maladie se propage jusqu'à Fcstomacétau duodénum; tantôt c'est par des adhérences accidentelles. L'inflammation du péritoine, qui revêt le diaphragme, peut se communiquer de proche en proche jusqu'à la plèvre correspondante; et alors on conçoit que le malade puisse succomber à une pleurésie aigiïc ou chronique. J'ai observé un exemple fort remarquable de cette dernière terminaison.

XVII. Les tumeurs cancéreuses du foie peuvent exister indépendamment de toute autre lésion organique , ou bien concurremment avec plusieurs affections de la même nature, occupant divers organes. Rien de plus commun que le cancer du foie coexistant avec un cancer de l'estomac. Chez un individu mort à la Maison royale de Santé, j'ai rencontré un cancer par masses disséminées tout à la fois dans le foie et dans les poumons; un cancer de l'extrémité gauche du pancréas et un cancer de la partie supérieure du rein gauche; dans un autre cas, le cancer du foie coïncidait avec le cancer de l'ovaire gauche. Souvent la vésicule du fiel est cancéreuse en même temps que le foie; et ce cancer de la vésicule est tantôt bien distinct des tumeurs cancéreuses voisines; tantôt il est le résultat de l'extension d'une tumeur cancéreuse qui a envahi la vésicule par continuité de tissu. J'ai montré aune de mes dernières leçons, un cancer cutané siégeant au dos de la main droite; une tumeur encéphaloïde très volumineuse occupait le creux de l'aisselle du même côté; en même temps se voyaient dans le foie plusieurs tumeurs de même nature, dont une du volume d'un œuf de poule. Supposons que la tumeur axiilaire n'eût pas existé et qu'on eût emporté la peau cancéreuse; si le malade avait succombé au bout d'un temps plus ou moins long, on n'eût pas manqué de regarder la maladie du foie comme consécutive à l'opération. Il est presque toujours impossible de déterminer si les cancers latens internes sont contemporains d'un cancer externe, ou bien s'ils sont consécutifs. La même réflexion s'applique au cas suivant qui vient d'êtrp présenté à la Société anatomique : une femme affectée de cancer aux deux mamelles, mourut suffoquée. A l'ouverture : hydrothorax; cancer de deux ovaires; foie parsemé d'un très grand nombre de masses cancéreuses d'une dureté cartilagineuse; quelques petites masses de même nature dans les poumons.

XVIII. La question du siège, c'est-à-dire de l'élément anatomique affecté dans le cancer du foie , est extrêmement importante : en considérant, d'une part, la facilité avec laquelle s'opère l'énucléation des tumeurs cancéreuses, d'une autre part, l'intégrité du tissu du foie autour de ces tumeurs, on serait porté à croire qu'elles sont formées par une substance hétérogène déposée dans le tissu cellulaire intermé diaire aux granulations hépatiques. Mais i° l'anatomie de texture m'ayant démontré que chaque granulation du foie est indépendante des granulations voisines, dont elle est séparée par une enveloppe fibreuse, en sorte qu'elle a en soi tous ses moyens de nutrition et de vie , j'ai dû conclure que l'isolement ou la circonscription de la lésion, n'excluait pas son siège dans le tissu du foie lui-même; i° à l'état naissant, la tumeur cancéreuse du foie représente exactement, par sa forme, les granulations hépatiques; 3° dans un grand nombre de. ras, une masse plus ou moins considérable du foie ayant été envahie, j'ai pu suivre tous les degrés de la dégénération depuis le premier moment de son apparition jusqu'à son développement complet; 4° bien que la tumeur cancéreuse paraisse, au premier abord, complètement isolée et sans aucune communication avec les parties voisines, cependant j'ai pu m'assurer que cette communication existait dans une surface étendue, à l'aide des vaisseaux sanguins; 5° j'ai vu des vaisseaux biliaires et des granulations du foie au sein de quelques-unes de ces tumeurs.

XIX. Au lieu donc de distinguer les maladies cancéreuses du foie, en celles qui sont formées aux dépens du tissu cellulaire, et en celles qui sont formées aux dépens du tissu propre du foie, je crois qu'il faut les distinguer en celles qui attaquent çà et là une ou plusieurs granulations au milieu d'un tissu sain, et en celles qui envahissent à la fois une masse plus ou moins considérable de granulations contiguës. Il me paraît donc démontré que le siège du cancer du foie est dans le grain glanduleux lui-même. Mais ce grain glanduleux étant extrêmement complexe dans sa texture, il s'agit de déterminer quel est l'élément anatomique primitivement affecté. Or, cet élément anatomique me paraît être le système capillaire veineux; et voici les arguments que j'ai à faire valoir à l'appui de cette opinion.

XX. Si l'on compare les tumeurs cancéreuses disséminées du foie, avec les abcès également disséminés du même organe, à la suite des plaies ou des grandes opérations, on

xii° livraison. 2

sera frappé de l'analogie que présentent ces deux ordres d'altérations: les abcès multiples, comme les tumeurs cancéreuses, envahissent un grand nombre de points à la fois, en laissant intactes les parties intermédiaires; les uns et les autres affectent une sorte de prédilection pour la surface du foie. Nous avons vu que les abcès traumatiques du foie, comme d'ailleurs les abcès traumatiques de tous les organes, reconnaissent pour cause une phlébite capillaire de ces organes, consécutive à une autre phlébite éloignée; que, le plus souvent, les grosses veines qui aboutissent à ces abcès, sont saines, mais que dans quelques cas, elles sont elles-mêmes enflammées dans une plus ou moins grande étendue. Eh bien, il n'est pas rare de rencontrer, dans le cas de tumeurs cancéreuses du foie, une ou plusieurs veines hépatiques remplies de masses cancéreuses adhérentes. Or, si la matière cancéreuse peut se produire dans l'intérieur d'une grosse veine, n'est-il pas probable qu'elle peut également se produire dans l'intérieur des petites ? L'analogie entre les abcès du foie coïncidant avec la présence du pus dans les grosses veines hépatiques, d'une part, et les cancers du foie coïncidant avec la présence de la matière cancéreuse dans les mêmes veines hépatiques d'une autre part, est si évidente, que les observateurs qui ont fait servir le premier ordre de faits à la démonstration de la résorption du pus, ont fait également servir le second ordre de faits à la démonstration de la résorption de la matière cancéreuse. Je crois d'ailleurs devoir faire, pour le cancer des grosses veines hépatiques, comme pour le cancer de toutes les grosses veines, une distinction importante : dans une première variété, on trouve une OU plusieurs tumeurs circonscrites, adhérentes aux parois veineuses par un pédicule plus ou moins étroit et quelquefois multiple. J'ai vu des tumeurs de ce genre, qui avaient dilaté la veine en ampoule ovoïde extrêmement considérable, si bien qu'au premier abord, on eût dit que c'était un cancer enkysté; dans une seconde variété, la masse cancéreuse remplit les divisions delà veine, dans une plus ou moins grande étendue, absolument comme le ferait une matière injectée, avec cette différence que cette masse cancéreuse est adhérente aux parois et évidemment organisée, car elle est traversée par des veines assez considérables.

XXI. Si on examine avec attention la coupe d'une grosse tumeur cancéreuse du foie, et qu'on exprime les sucs qui la pénètrent, à l'aide d'une douce pression latérale, on voit sortir d'une multitude de points, de petits grumeaux qui s'alongent à la manière de vermisseaux; si on introduit des soies de cochon dans les petites ouvertures par lesquels s'échappe le suc demi-concret, on arrive dans de petits vaisseaux, qu'il est presque toujours impossible de poursuivre au-delà de quelques lignes, parce qu'ils paraissent s'anastomoser entre eux. Dans ces cas, il est vrai, on ne peut affirmer rien autre chose que la vascularité; on ignore complètement si ce sont des veines, des artères, des vaisseaux lymphatiques, ou bien des vaisseaux nouveaux ; mais, deux fois, j'ai acquis la preuve matérielle que l'altération avaitson siège dans les veines. Il y a quatre ans environ, ayant exprimé d'une coupe faite à un foie cancéreux, une matière d'un blanc-rougeâtre, encéphaloïde, qui se moulait à la manière du vermicelle, et qui pouvait acquérir, en se tordant, une grande longueur, j'aperçus sur cette coupe un orifice plus considérable que les autres; j'incisai cet orifice et je parvins dans un vaisseau très volumineux, qui me parut être une des ramifications de la veine porte. Alors je disséquai avec beaucoup d'attention cette veine, et je ne fus pas peu étonné de voir que cette veine, depuis les plus grandes jusqu'aux plus petites divisions, était remplie par cette matière encéphaloïde, adhérente aux parois et tout-à-fait semblable à celle qu'on exprimait par les coupes faites au foie. lime fut facile de suivre les ramifications extrêmement dilatées de la veine jusque dans les aréoles des coupes. L'altération était bornée à la veine porte , les veines hépatiques et leurs ramifications étaient parfaitement saines. Le fait précédent, dont je viens de confirmer l'exactitude sur une autre pièce pathologique tout-à-fait semblable, me paraît au-dessus de toute objection. On a opposé à cette doctrine de la dégénération cancéreuse dans les veines le résultat d'une injection faite par M. Bérard, aujourd'hui professeur à la Faculté, dans un cas de cancer à la région

cervicale antérieure : l'injection, poussée par les artères, colora la tumeur cancéreuse; l'injection, poussée dans les veines, ne la pénétra nullement; il n'y avait pas lajplus petite veinule. Je ne nie pas l'existence de vaisseaux particuliers dans les tumeurs cancéreuses formées par la dégénération cancéreuse des organes : toutes les fois qu'une irritation chronique a lieu dans un organe, les artères prennent un arrangement proportionnel. J'ai vu, dans plusieurs cas de cancers à la mamelle, de cancers axillaires, des ramuscules sans nom acquérir le calibre de la radiale : mais de ce grand développement des artères s'ensuit-il que les veines ne soient pas l'élément anatomique affecté dans le cancer? L'objection tirée de l'injection me paraît un argument en faveur de l'opinion que je soutiens; car, comment l'injection pourrait-elle pénétrer dans des veines malades et pleines de matière cancéreuse; les artères étant dans leur état d'intégrité, ont dû être perméables à l'injection.

XXII. La symptomatologie du cancer au foie se compose d'un ensemble de phénomènes plus ou moins vagues, qui attestent Un trouble dans les fonctions digestives, et plus particulièrement dans les fonctions de l'estomac. Les symptômes sont les suivans : anorexie ; développement incommode de gaz; malaise épigastrique, sentiment d'embarras, de plénitude, tel que les malades demandent sans cesse des purgatifs ou des vomitifs; constipation opiniâtre qui fait leur tourment; souvent alternative de constipation et de diarrhée; amaigrissement; décoloration dp la face 3 cjxiclqucfoi» ic ici c; oppression; palpitations qui en ont quelquefois imposé pour une affection du cœur; infiltration des extrémités inférieures; ascite, enfin, des vomissemens plus ou moins répétés, et quelquefois des douleurs vives, soit à la région du foie, soit à l'épigastre, complètent la série des symptômes. Il n'est pas besoin de dire qu'aucun de ces phénomènes n'est caractéristique; le seul qui soit, à peu de chose près, pathognomonique, c'est l'augmentation de volume du foie, lequel déborde la base du thorax et présente des bosselures; car la fréquence du cancer au foie par masses disséminées est telle qu'il suffit, en général, d'un foie qui déborde les côtes, pour faire soupçonner cette maladie. Combien de fois l'absence de ce signe caractéristique ou le défaut d'exploration suffisante, n'a-t-ilpas donné le change aux médecins les plus éclairés d'ailleurs! J'ai été consulté, en 1820, pour un négociant qui éprouvait depuis un an un sentiment de gêne dans la région du foie, sentiment qu'il attribuait à des glaires, et qui paraissait d'ailleurs jouir delà meilleure santé. Quatre mois avant sa mort, il fut pris, dit-on, d'une affection catarrhale, et, pendant deux mois, on le* traita uniquement pour Cette maladie. L'état de

tristesse et de morosité fut attribué à une imagination frappée; au bout de deux mois seulement, on explore la région du foie, et on sent, sous lé rebord des fausses-côtes, une dureté qui dénote manifestement une lésion de cet organe. En effet, le malade dépérit à vue d'œil; la peau devient jaune; les extrémités inférieures s'infiltrent ; des vomissemens surviennent et précèdent la mort de quelques jours. A l'ouverture, nous trouvons une tumeur cancéreuse énorme qui occupait toute l'épaisseur du foie; le tiers droit du grand lobe était seul respecté. Sept à huit petites tumeurs cancéreuses étaient disséminées dans l'épaisseur de ce qui restait du lobe droit. Dans un autre cas, des praticiens distingués crurent à l'existence d'une maladie du cœur et ne furent retirés de leur erreur que lorsque lé foie eût débordé les fausses-côtes. Deux circonstances expliquent l'oppression et les palpitations dans les maladies du foie : i° le soulèvement du diaphragme et du cœur par cet organe volumineux ; i° les rapports de circulation qui existent entre le foie et le cœur. Quant à l'ictère, il ne s'observe que dans un petit nombre de cas, dans ceux où les gros troncs biliaires sont comprimés.

XXIII. Il est d'ailleurs beaucoup de malades qui n'éprouvent d'autres symptômes qu'un malaise, un sentiment habituel et profond de tristesse, un défaut d'appétit; on les croit hypocondriaques ; on les traite de malades imaginaires ; on leur conseille des voyages, de l'exercice, des distractions; et quelquefois l'infiltration des extrémités inférieures, l'ascite

sont les premiers symptômes qui viennent retirer d une sécurité trompeuse, en donnant l'éveil sur la gravité de la maladie.

XXIV. L'obscurité du diagnostic, déjà si grande par elle-même, est encore augmentée parles complications ou combinaisons de lésions qui ont si souvent lieu dans ce genre de maladies La mort n'est pas toujours le résultat soit de l'altération cancéreuse du foie, soit d'autres affections cancéreuses concomitantes ou consécutives; un de mes malades a succombé à une gangrène du poumon, un autre à une pleurésie hémorrhagique, suite d'une extension de la maladie du foie au diaphragme.

XXV. La thérapeutique est nulle dans le cancer du foie, on ne saurait trop le répéter : heureux le médecin qui, dans le cours du traitement d'une aussi longue maladie, n'aura point à se reprocher, ou quelques tentatives hasardées , ou quelques concessions funestes faites aux exigences du malade et de son entourage. Tant que nous n'aurons pas trouvé Ie spécifique du cancer, le rôle du médecin se bornera à la contemplation stérile des diverses périodes de la maladie et des lésions qu'elle laisse après la mort, à une médecine symptomatique, et à un traitement purement hygiénique.

Deux observations, très dissemblables pour les symptômes et pour la marche viendront à l'appui des considérations qui précèdent.

Coliques hépatiques; tristesse ; anorexie ; marasme ; mort. Cancer au Joie par masses

disséminées ; variété dure.

Leroux (J. B.), trente-neuf ans, brossier, entre le 18 septembre 1829, à la Maison royale de Santé. Malade depuis dix mois, il avait éprouve', à plusieurs reprises, des douleurs abdominales qu'on avait traite'es avec succès par quelques applications de sangsues et des cataplasmes émolliens. Ce malade e'tait très amaigri, et présentait lefaciès abdominal : l'épigastre soulevé' par une tumeur dure qui se prolongeait dans l'hypochondre droit, e'tait douloureux par la pression et indépendamment de la pression ; vomissemens rares ; constipation ; langue blanche ; dégoût pour toute espèce d'alimens ; mouvement fébrile ; tristesse profonde, et même désespoir. Je diagnostiquai un cancer par masses disse'mine'es dans le foie, et je me bornai à la me'decine du symptôme. (Bains de siège , fomentations et cataplasmes émolliens; frictions avec Faxonge camphrée, laudanisée, alternée avec l'onguent mercuriel; eaux deSeltz pour boisson.) Point de soulagement; deux ou trois applications de sangsues furent tout aussi inutilement employées. Les douleurs à l'épigastre et à l'hypochondre droit ne cédèrent pas un instant ; l'ingestion des moindres alimens et même de la plus petite quantité' de bouillon, les exaspéraient. Le malade s'e'teignit au milieu de ces douleurs et dans le marasme, le 25 août , trente-sept jours après son entrée, onze à douze mois après l'invasion.

C'est le foie de cet individu qui est représente' PI 2 , xne livraison. La figure 1 represente la face convexe. La figure 2 représente une coupe. C'est la varie'te' dure ou squirrheuse dans toute sa simplicité' : aucune des tumeurs n'a subi la moindre altération. Le malade a succombé à la douleur et à l'inanition.

Le foie figure' Pl. 3, appartient à un sujet sur lequel je n'ai pu avoir aucun renseignement. La figure 1 représente la face convexe de ce foie, dont le lobe droit e'tait très volumineux , et le lobe gauche très peu conside'rable. C'est la varie'te' molle ou encéphaloïde dans toute sa pureté'. Sur la coupe (figure 2), on voit l'image fidèle de la texture e'minemment vasculaire de cette forme de cancer. Toutes ces tumeurs e'taient comme macule'es de sang; plusieurs offraient l'aspect de petits foyers apoplectiques; les veines du foie e'taient parfaitement saines.

L'observation suivante, aussi complète que possible sous le rapport clinique, suppléera aux renseignemens qui me manquent sur le sujet dont le foie est représente' Pl. 3.

Symptômes vagues d'affection épigastrique : apparences d'une maladie du cœur : plus tard vomissemens : le foie ne déborde les côtes que quarante jours avant la mort. Cancer par masses disséminées du foie (variété molle). Ulcère cancéreux de l'estomac.

Tixier, bottier, 58 ans, très fortement constitué, indisposé depuis cinq semaines, vint me consulter le 15 octobre 1820. Il présentait l'état suivant :

La peau de la face et de toute la surface du corps, les lèvres, les gencives et la langue sont décolorées comme dans la chlorose; sentiment de faiblesse dans les membres; peu d'appétit, mais point de dégoût, la langue est sans enduit; les alimens pèsent peu surl'estomac; flatuosités incommodes ; plusieurs selles dans vingt-quatre heures; sommeil assez bon; tous les matins, toux sèche, qui finit par amener un crachat visqueux; fréquence dans le pouls; oppression ; palpitations au creux de l'estomac, qui augmentent après le moindre exercice, et qui cessent après un instant de repos. La cause de cet état morbide est inconnue : l'exploration de l'abdomen ne me fait découvrir aucune lésion : la pression la plus forte ne développe aucune sensibilité. Je pense que cette indisposition cédera à quelques amers et à la diète, et j'engage le malade à me venir voir tous les huit jours. (Infusion de chic. sauv. et de petite centaurée; quelques prises de rhubarbe en poudre). Je me refuse à l'emploi d'un vomitif que le malade sollicitait avec instance.

Cet état résiste. Le 15 novembre, aux amers je substitue la diète végétale qui se compose de légumes herbacés et de fruits : le malade prend du raisin pour toute nourriture.

Le 1er décembre, ne voyant aucun résultat, je prescris la diète lactée. Le malade reste un mois sans me consulter. Je le croyais mieux. Il revient le 15 janvier 1821. Même e'tat ; décoloration chlorotique de la face ; point d'amaigrissement notable ; pesanteur à l'estomac ; envies de vomir ; éructations ; aigreurs ; petite fièvre ; petite toux : le matin, au lever, faiblesse excessive qui diminue au milieu du jour. Le malade continue à se livrer aux travaux de son état; il se trouve bien du lait; je l'engage à continuer.

La persistance de cet état morbide commence à m'inquiéter.

Jusqu'au 10 avril, j'épuisai la série des moyens employés contre les affections chroniques et légères du foie ou de l'estomac : les eaux de Vichy, les eaux de Seltz, les sucs amers, dits fondans, les pilules savoneuses, le carbonate de fer en substance, les toniques émollients, les bains de fauteuil, la diète lactée, la diète végétale herbacée, féculente. A plusieurs reprises, je fis faire au malade l'histoire de sa vie : il avait été sujet aux épistaxis dès l'âge de vingt-quatre ans; à l'âge de vingt-sept ans, il contracta une gale qui fut suivie d'ophthalmie et de catarrhe pulmonaire ; point d'excès en vin, peu d'excès dans les plaisirs vénériens j une gonorrhée ; beaucoup de vigueur, tellement qu'il l'emportait sur la plupart des hommes qui luttaient avec lui. L'abdomen était souple, indolent; les régions du foie et de l'estomac explorées avec le plus grand soin, ne présentaient ni lésion, ni sensibilité'. Ne pouvant me rendre un compte exact de son état, persuadé que nous avions affaire à une maladie "de foie ou de l'estomac, et que les palpitations et l'oppression n'étaient que symptomatiques, je désirai l'avis d'un confrère éclairé, je l'engageai à faire le voyage de Paris (j'habitais alors Limoges). Voici quel était son état au moment du départ : point de douleur ; mouvement fébrile continuel avec légère exacerbation les nuits ; moiteur le matin ; sommeil interrompu, non réparateur ; il est plus las au lever qu'au coucher ; le malade entend battre toutes les artères de la tête, et croit que c'est ce battement qui s'oppose à son sommeil; oppression, essoufflement au moindre exercice ; palpitations à la région du cœur et au creux de l'estomac. Les alimens pèsent sur l'estomac, sur-tout huit ou dix heures après leur ingestion ' sentiment de faiblesse générale; les boissons chaudes déplaisent et fatiguent, les boissons froides sont agréables et rafraîchissent; le malade n'est jamais mieux que lorsqu'il est sans couvertures ; tous les tissus sont décolorés ; point d'amaigrissement notable.

V oici quel fut l'avis du médecin distingué qu'il consulta : ( Le toucher ne fait reconnaître aucune tumeur » distincte dans l'abdomen. Le stéthoscope fait reconnaître une impulsion forte et étendue dans toute là » partie gauche du thorax et en même temps un bruit de sifflement isochrone aux battemens du cœur et du » pouls. Les poumons sont perméables partout ; on ne peut méconnaître les signes d'une hypertrophie du » cœur avec un commencement de rétrécissement de Porifice ventricukaortique. En conséquence, sangsues » ou ventouses scarifiées sur la région précordiale; on les répétera, si on en obtient de bons effets. Long et » profond moxa ou cautère sur la région du cœur. Boisson froide ou à la glace ^ le bouillon et le lait froids. » Se couvrir modérément et se coucher sur le crin et la paille. Exercice modéré à pied ou en voiture. »

Lorsque le malade arriva de Paris, l'oppression était extrême, le pouls très fréquent, les extrémités inférieures très infiltrées ; la face bouffie. Ces circonstances, jointes à l'opinion d'un confrère plein de sagacité et d'instruction, la violence des battemens du cœur, le défaut de signes positifs du côté du foie et xiie livraison. 3

de l'estomac, et sur-tout l'efficacité de deux applications de sangsues sur la région du cœur, me tirent penser crue je m'étais sans doute trompé. Cependant les digestions languissent toujours ; le malade se plaint de l'estomac, sur-tout au milieu de la nuit; constipation. Je prescris une poudre que j'ai souvent employé avec succès dans les maladies du cœur avec e'panchement dans les cavités thoraciques. Séné en poudre, douze grains, scille, deux grains. Cette poudre prise trois ou quatre fois à intervalles, provoque quelques selles et des coliques à l'hypogastre qui m'obligent de la supprimer. Les coliques continuèrent, et devinrent un nouveau tourment pour le malade. Les envies de vomir, l'anxiété pre'cordiale sont telles, que le malade provoque le vomissement par l'introduction des doigts dans la bouche, manœuvre qui le soulage et amène l'expulsion d'une grande quantité' de mucosités , sans jamais amener d'alimens. Enlever les coliques, fortifier son estomac qui digère mal, qui est d'une faiblesse extrême, voilà, suivant le malade, le secret de sa guérison. Petite toux; pouls un peu fréquent et vif; sommeil interrompu; le moment où il est le plus faible est toujours celui du lever. Six sangsues à l'anus, dans le but de le délivrer des coliques; bains de fauteuil que le malade ne peut supporter. Le lait froid pour toute nourriture passant mieux que les autres alimens, me paraît convenir; infiltration légère des extrémités inférieures.

Bientôt le sentiment de battement général et l'oppression diminuent, mais le malade vomit toutes les nuits et souvent aussi pendant le jour; le vomissement devient le symptôme dominant, et me ramène à ma première opinion que l'estomac ou le foie sont le siège de la maladie. Cette opinion devient pour moi une certitude, lorsque le 23 mai, le malade eut vomi, à plusieurs reprises et sans effort, une très grande quantité' de matières glaireuses , d'une couleur noire ardoise'e. Le malade est si effrayé qu'il m'envoie chercher: il s'étonne beaucoup de n'avoir pas vomi deux bols de lait de chèvre coupé avec de l'eau d'orge, qu'il venait de boire un instant auparavant.. L'exploration, la plus exacte de l'épigastre et de l'hypochondre droit ne me font reconnaître ni douleur, ni tuméfaction»

30 juin. Les vomissemens deviennent plus rares, ils n'ont lieu que tous les deux ou trois jours ; selles naturelles. Nulle douleur, et pourtant amaigrissement rapide; débilite' toujours croissante, le malade ne peut plus monter un escalier. L'exploration la plus attentive de l'abdomen ne fait rien découvrir ; insomnie que le malade attribue à un sentiment de battement général qui a lieu plus particulièrement dans la tête; le lait passe bien, il constitue toute la nourriture; appe'tence de boissons froides et de bierre, que je lui permets. (Eau de Vichy, oxyde blanc de bismuth, à la dose de 6 grains.)

Enfin, le 15 septembre, explorant comme de coutume la région du foie et de l'estomac, je trouve que le foie déborde le thorax, et en enfonçant les doigts sous les dernières côtes, je reconnais quelques bosselures. Du reste, une pression, même assez forte, ne de'termine aucune douleur.Les vomissemens cessent; les extrémités inférieures s'infiltrent d'une manière rapide ; e'panchement de sérosité' dans l'abdomen ; bouffissure de la face ; infiltration des extrémités supérieures; point de douleur - respiration naturelle, pouls peu fréquent mais très vite. (Eaux de Vichy, sous-carbonate de fer à la dose de xx grains par jour. ) Le lait et les fruits rouges sont la seule nourriture que l'estomac puisse supporter.

Dans les premiers jours d'août, les traits s'altèrent; diarrhée; les vomissemens n'ont pas reparu depuis le moment où le foie a débordé les côtes; l'infiltration des extrémités inférieures et l'épanchement dans l'abdomen va toujours croissant ; le foie augmente prodigieusement de volume, et les bosselures que j'avais déjà reconnues sont plus manifestes encore. Le 20 août, inflammation pseudo-membraneuse de la muqueuse buccale qui saigne par le plus léger contact ; les substances alimentaires les plus douces produisent un sentiment douloureux; le malade n'accuse d'autre douleur que celle de la bouche. Il s'éteignit le 28, à dix heures du matin, après une nuit extrêmement pénible.

Ouverture du cadavre. Foie bosselé. Les bosselures., larges et blanches appartiennent à des tumeurs encéphaloïdes, dont plusieurs sont converties en bouillie à leur centre, leur nombre est tel, qu'elles constituent de la moitié aux deux tiers du volume du foie. La substance intermédiaire aux tumeurs, est parfaitement saine. La vésicule du fiel contient une bile visqueuse ; les voies biliaires sont libres.

L'estomac offrait, immédiatement avant le pylore et au niveau de sa petite courbure, une induration avec épaississement considérable, creusée intérieurement par une ulcération circulaire profonde. Le pancréas, jaunâtre et granuleux, offrait l'aspect de vésicules adipeuses très denses. La muqueuse des intestins grêles et gros était rouge et légèrement infiltrée. La rate, le cœur, les poumons et tous les autres organes étaient dans l'état le plus parfait d'intégrité.

12e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DU FOIE .

12e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DU FOIE.

MALADIES DE L'APPAREIL EXCRÉTEUR DE LA BILE.

(Planches 4 ET 5, xiie livraison.)

La rétention de la bile par des obstacles mécaniques, dont les uns sont extérieurs, les autres intérieurs aux voies biliaires; les calculs biliaires et autres corps étrangers; l'inflammation aiguë ou chronique des conduits biliaires ; les diverses transformations ou dégénérations organiques de ces conduits; voilà les différens chefs autour desquels peuvent se ranger le plus grand nombre des maladies de l'appareil excréteur de la bile.

I. Les calculs biliaires peuvent se former dans tous les points de l'étendue des voies biliaires : i° dans les radicules hépatiques; i° dans le canal hépatique et ses divisions; 3° dans le canal cystique ; 4° dans la vésicule du fiel ; 5° dans le canal cholédoque. La distinction des calculs en hépatiques et en biliaires, est en opposition avec les faits, si on entend par calculs hépatiques, de* ralmlc formas linrs ries ranain exrrétenrs de la bile.

IL Les calculs biliaires peuvent être la conséquence d'obstacles au cours de la bile; et, alors, l'analyse chimique a prouvé qu'ils n'étaient autre chose qu'un mélange de mucus et de bile épaissie. Mais le plus souvent ils sont le résultat de la composition chimique de ce liquide, qui contient des principes, sinon étrangers à la bile, au moins plus abondans que dans l'état normal, lesquels principes étant peu solubles, se précipitent; tels sont les calculs formés de cette matière grasse, cristallisable, découverte par Poulletier de la Salle, bien décrite par Fourcroy sous le nom d'adipocire, et que M. Chevreul a nommée cholestérine. Il est des calculs entièrement formés de cholestérine ; d'autres entièrement formés de mucus et de matière jaune épaissie ou de matière résineuse; un grand nombre sont à la fois composés de cholestérine , de matière jaune et de matière résineuse. La plupart des calculs de cholestérine ont pour noyau des concrétions de bile épaissie.

III. La figure 1, Pl. 4 ? offre un exemple remarquable de concrétions biliaires occupant les radicules les plus ténues du foie. Ces concrétions se présentent sous l'aspect de petits grains d'un vert foncé, d'un volume inégal, de forme irrégulière, disséminés au milieu d'un tissu sain, dont la couleur jaune contraste d'une manière si remarquable avec celle des calculs. Je n'ai aucuns renseignenlens sur le sujet auquel appartenait ce foie. On pourrait discuter la question de savoir si ces concrétions étaient déposées au sein des granulations hépatiques, ou dans les radicules biliaires, au moment où elles émergent du grain glanduleux lui-même. Mais cette discussion me paraît dénuée de toute espèce d'intérêt.

IV. Les calculs biliaires sont extrêmement fréquens dans la vésicule; là, se trouve en effet la condition du séjour du liquide, condition si favorable à la précipitation des matières peu solubles; là, sur-tout, la bile se dépouille par l'absorption d'une très grande quantité de liquide dissolvant. Or les calculs biliaires de la vésicule ne déterminent presque jamais d'accidens par le seul fait de leur présence, mais bien par l'inflammation de la muqueuse cystique dont ils sont quelquefois suivis. J'ai vu un nombre prodigieux de cas dans lesquels la vésicule était remplie de concrétions , sans que les malades eussent accusé le plus léger symptôme du côté de cet organe. Dans un de ces cas, la vésicule était très dilatée, et son fond adhérait aux parois abdominales un peu au-dessous de l'ombilic. Je ne puis donc adopter sans restriction l'opinion des auteurs qui attribuent à la présence de calculs dans la vésicule un grand nombre d'accidens, tels que l'ictère, et sur-tout des ictères opiniâtres et répétés; (Si icterus semel, denub aut sœpius récidive t, signum est infallibile oriri a

XI1° LIVRAISON. 1

calculo vesicœ fellis, Baglivi); une douleur sourde et profonde dans l'hypochondre droit, douleur qui se propage du coté de l'épigastre, au col, à l'épaule, à tout le thorax; qui fixe quelquefois son siège derrière le sternum, qui augmente par la course et par les efforts de l'inspiration et se manifeste deux ou trois heures après le repas ; des coliques ou crampes hépatiques plus ou moins vives et plus ou moins fréquentes, et revenant par accès.

V. Les accidens graves rapportés, par J.-L. Petit, à la présence de calculs biliaires dans la vésicule, me paraissent tenir uniquement aux accidens inflammatoires dont ils étaient accompagnés. Combattre ces accidens inflammatoires , voilà le seul traitement rationel : et les secours chirurgicaux, tels que l'incision de la tumeur, l'extraction des calculs par un procédé tout semblable à l'opération de la lithotomie, ne peuvent être conseillés que lorsqu'une inflammation se prononce à l'extérieur, se termine par suppuration, et requiert impérieusement l'emploi de l'instrument tranchant. On trouve, dans une thèse soutenue à la Faculté, le i janvier 1828, par M. Chaule, deux cas très remarquables d'inflammation de la vésicule consécutive à des calculs biliaires. La conduite tenue par M. Chaule père peut servir de modèle. J.-L. Petit n'avait-il pas pris le change et ne rapportait-il pas au foie l'inflammation de la vésicule, lorsqu'il disait que les tumeurs biliaires étaient la suite d'inflammations du tissu du foie terminées par résolution.

VI. L'oblitération complète du canal cystique ou du col de la vésicule du fiel, soit par des calculs biliaires, soit par une inflammation adhésive, n'entraîne le plus souvent aucun

accident. Je pourrais eiter plnïi©Turs: faite à TfvppTal de cettp proposition Alors la vésicule

du fiel étant étrangère à la circulation de la bile, le foie se trouve dans les conditions des glandes privées de réservoir : la bile cystique est absorbée et remplacée par du mucus. Dans cet état de choses, l'inflammation peut s'emparer de la muqueuse cystique, et alors surviennent les accidens inflammatoires et spasmodiques les plus graves. Il n'est pas rare de voir ces inflammations se terminer par l'adhésion des parois opposées de la vésicule , qui est alors réduite à un petit cordon celluleux; sa fossette s'efface en partie, et c'est dans des cas de cette espèce, dont plusieurs se sont offerts à mon observation, qu'on a pu croire à l'absence congéniale delà vésicule biliaire. Si cette vésicule contient un gros calcul, il n'est pas rare de la voir se mouler sur lui et y adhérer si intimement qu'on a beaucoup de peine à l'en séparer. On conçoit que cette adhérence est purement mécanique : alors la membrane interne de la vésicule ne présente plus aucun caractère de membrane muqueuse ; la vésicule tout entière est transformée en un kyste qui m'a paru complètement fibreux. Le péritoine seul a conservé son caractère. J'ai vu dernièrement un cas de ce genre : le calcul était composé de cholestérine, et avait pour noyau de la bile épaissie; sa surface était mamelonnée comme d'ailleurs celle de tous les calculs adhérens ou enchatonnés.

VIL II est bien difficile, dans le cas d'inflammation de la vésicule coïncidant avec des calculs biliaires, de déterminer le degré d'influence qu'ont pu exercer ces calculs sur la production de l'inflammation; car les cystites biliaires les plus intenses que j'aie eu occasion d'observer , étaient tout-à-fait indépendantes de la présence de calculs. Il n'y avait pas de calculs dans deux cas oùla cystite s'est terminée par perforation de la vésicule, d'où péritonite suraigùe, et mort en quelques heures. Dans l'un de ces cas, la perforation avait eu lieu par escharre; dans l'autre, il y avait un ramollissement analogue au ramollissement gélatiniforme.

VIII. Lorsqu'un calcul d'un certain volume est formé dans la vésicule du fiel, il est presque impossible qu il traverse la courbe spiroïde que décrit le col de la vésicule, ou qu'il franchisse les valvules obliques du canal cystique. Lors donc qu'un calcul d'un certain volume arrive de la vésicule dans le canal alimentaire, ce ne peut être que par suite de perforation de la vésicule dans le duodénum ou dans le gros intestin. Cette perforation n'est pas toujours accompagnée d'accidens graves, et quelquefois on n'en est averti que par la sortie par l'anus d'un calcul plus ou moins volumineux.

Un malade, àgê de soixante-sept ans, éprouve une diarrhée et des tiraillemens passagers dans la région

ombilicale : expulsion d'un calcul biliaire semblable à un œuf de poule coupé en travers; la diarrhée et les tiraillemens persistent; expulsion d'un second calcul, ou peut-être de la seconde moitié. Les deux calculs réunis ont un diamètre vertical de 2 pouces 4 lignes et des diamètres horizontaux d'un pouce 5 lignes. M. Fiedlcr, qui rapporte ce cas, fait observer qu'il n'y avait ni ictère, ni douleurs à la région du foie, et émet à cette occasion ce paradoxe qui trouve peut-être son explication dans ce qui précède : savoir, que l'expulsion des gros calculs est moins douloureuse que celle des petits.

IX. On a vu des calculs biliaires volumineux arrêtés au-dessus du sphincter de l'anus, donner lieu à une constipation opiniâtre, qui n'a cédé qu'à l'expulsion douloureuse de ce corps étranger. Doit-on admettre que ces calculs, arrêtés dans l'un des points du canal alimentaire, aient pu donner lieu à tous les symptômes de l'étranglement?Le cas suivant, présenté à la Société anatomique par M. Monod, ancien élève interne à Bicêtre, aujourd'hui prosecteur à la Faculté, semble résoudre cette question par l'affirmative.

Belhabit, soixante-douze ans, pauvre de Bicêtre où il était occupé à des travaux pénibles, fut pris de vomissemens pendant la nuit du 24 janvier 1827 : dévoiement d'abord, puis constipation. Les vomissemens se renouvellent : dépérissement rapide; il entre à l'infirmerie le 30 janvier. Observé le 31, il présente des traits affaissés, de l'abattement; la langue est rouge et sèche. L'abdomen est légèrement tuméfié à l'épigastre ; bruit de liquide par l'effet d'une petite secousse imprimée à cette région. Les vomissemens sont très fréquens, les matières vomies sont d'un jaune-brunâtre. Pouls plein et fréquent (vingt sangsues à l'épigastre, boissons émollientes, lavement purgatif). Le 1er février, mêmes symptômes ; vomissemens de plus en plus fréquens ; mort dans la soirée.

Ouverture du cadavre. On tmnve la moltîo in for I ou r© cU l'ooeoptiagp, l'estomac, le duodénum et le tiers supérieur du jéjunum distendus par un liquide jaune-brunâtre d'une odeur fétide, semblable à la matière des vomissemens. Un calcul biliaire présentant une forme conique assez régulière, ayant un pouce trois lignes de hauteur, un pouce deux lignes de diamètre à sa base, légèrement renflé à sa partie moyenne, était engagé dans le jéjunum, immédiatement au-dessous de la dilatation, et si étroitement embrassé par cet intestin, que les liquides ne pouvaient franchir l'obstacle; la partie de Pintestin, supérieure au calcul, avait un pouce huit lignes de diamètre; la partie inférieure avait un pouce de diamètre. La muqueuse, teinte en jaune et fortement injectée au-dessus du calcul, était d'un noir violacé au-dessous. L'extrémité de Pintestin grêle et le gros intestin offraient des traces de phlegmasie légère. La muqueuse gastrique était ramollie et fortement injectée. Le duodénum et le colon ascendant étaient tous deux adhérens au bas-fond de la vésicule biliaire. Une perforation qui permettait la facile introduction du doigt, établissait une communication entre la cavité du duodénum et celle de la vésicule. Un calcul biliaire, d'une forme pyramidale triangulaire, ayant six lignes de hauteur, était engagé par sa base dans cette ouverture, dont la circonférence était lisse et unie. Les parois de la vésicule avaient acquis beaucoup de densité et d'épaisseur; le tissu cellulaire qui l'unissait au foie était en pleine suppuration. Un stylet introduit dans la vésicule pénétra facilement dans l'abcès situé entre le foie et la vésicule ; celle - ci contenait un peu de bile ; le conduit cholédoque était libre; le conduit cystique, très étroit et en partie obstrué, ne permettait pas l'introduction d'un stylet à panaris; l'aorte descendante était affectée d'un anévrysrne commençant.

J'avoue qu'à la vue des pièces pathologiques dont on vient de lire la description, des doutes se sont élevés dans mon esprit sur l'étranglement. Un calcul d'un pouce 6 lignes de diamètre ne pourra jamais obstruer hermétiquement un canal aussi dilatable que l'intestin grêle qui peut aisément acquérir de deux pouces à deux pouces et demi de diamètre : les accidens éprouvés peuvent s'expliquer, par l'abcès du tissu cellulaire extérieur à la vésicule : l'ouverture de cet abcès dans la vésicule est un fait curieux qui peut trouver son application dans une foule de cas.

X. Doit-on penser que des calculs biliaires puissent se former et s'accroître dans le canal alimentaire ? L'opinion qui consiste à admettre la formation d'un noyau biliaire dans le canal alimentaire, si jamais elle a été soutenue, est aujourd'hui complètement abandonnée. Il n'en est pas de même de l'accroissement des calculs biliaires par des couches nouvelles surajoutées. On se fonde sur le volume énorme de certains calculs rendus par l'anus, sans que les malades aient éprouvé d'accidens notables du côté du foie ; mais ce volume s'explique en général par la communication directe de la vésicule du fiel dans l'intestin : l'absence plus ou moins complète d'accidens du côté du foie, peut se

concevoir par la lenteur du travail d'adhésion et d'ulcération. Le calcul biliaire, une fois arrivé dans le canal intestinal, circule entouré de mucus, de sucs alimentaires, d'alimens, de bile dénaturée et transformée en émulsion. line se trouve, d'ailleurs, dans aucune des conditions favorables à la précipitation et à la cristallisation des matières insolubles, car il obéit au mouvement péristaltique qui le transporte incessament vers l'anus, en même temps que les matières alimentaires.

XL Si la vésicule et son canal sont quelquefois impunément remplis et même obstrués par des calculs, parce qu'à la rigueur, les voies biliaires peuvent se passer de réservoir, il n'en est pas de même des canaux hépatique et cholédoque, que la bile doit nécessairement et incessamment traverser. Ainsi, toutes les fois qu'un obstacle quelconque, ou mécanique ou organique, s'opposera à l'écoulement de la bile, les accidens les plus graves, et même la mort surviendront par le seul fait de la rétention de ce liquide. C'est ainsi que nous voyons tous les jours l'induration squirrheuse du tissu cellulaire qui entoure les calculs biliaires ralentir, et quelquefois supprimer entièrement la circulation de la bile. Dans un cas présenté à la Société anatomique par M. Bérard, la rétention complète de la bile était produite par une bride fibro-celluleuse qui étreignaitle canal cholédoque; tous les conduits hépatiques, jusques dans leurs plus petites divisions^ étaient considérablement dilatés.

XII. A côté de ce cas de dilatation énorme des conduits biliaires par suite de la rétention de la bile, il est curieux de placer des exemples de dilatation tout-à-fait semblable,

Sans obstacle aucun an coure do ce licrùido : doux foio j'ai rencontré ce cas. Le ÛSSU du foie

paraissait plus humide que de coutume. Il était mou, peu granuleux et comme atrophié. La bile était extrêmement liquide, à peine teinte en jaune. Les coupes, faites dans le foie, présentaient les orifices béans des canaux hépatiques aussi volumineux que ceux de la veine porte. Une augmentation notable de la sécrétion biliaire, suffirait-elle pour opérer une semblable dilatation.

XIII. Lorsque l'obstacle au cours de la bile est peu considérable, ce liquide peut arriver dans le duodénum par une sorte de regorgement assez analogue au regorgement de l'urine lorsque la vessie est distendue outre mesure. Il peut même arriver que l'obstacle ayant été levé, la vésicule et les canaux biliaires, dont la contractilité a été vaincue ne puissent plus se contracter et restent distendus, à peu près comme la vessie urinaire après une longue rétention d'urine. Dernièrement, j'ai vu une vésicule du fiel aussi volumineuse qu'une vessie ordinaire ; elle atteignait la région ombilicale. Je crus d'abord qu'il y avait obstacle invincible au cours de la bile ; point du tout : une compression assez légère de la vésicule faisait pleuvoir la bile dans le duodénum; des ganglions lymphatiques cancéreux qui comprimaient le canal cholédoque étaient la cause de la rétention : les qualités des matières fécales contenues dans les voies alimentaires, attestaient la présence de la bile.

XIV. Les conduits biliaires étant éminemment dilatables, on conçoit la présence de calculs d'un volume considérable, sans trouble appréciable dans la circulation de la bile, le liquide se frayant un passage entre les calculs et les parois. La figure représentée Pl. 5, fournira un exemple bien remarquable de l'amplitude extraordinaire que peuvent acquérir les conduits biliaires dans ce cas.

La vésicule biliaire VB contient et des calculs et de la bile ; celle-ci présentait tous les caractères d'une bile tout récemment portée dans la vésicule : le conduit cystique CCY, très court, très dilaté, est rempli par un gros calcul; le conduit cholédoque CCH., énorme, égal en volume au duodénum, est rempli par un calcul, composé d'un très grand nombre de calculs à facettes, réunis par une sorte de mastic formé par la bile épaissie;le conduit hépatique CH,était rempli jusque dans ses plus petites divisions, de calculs biliaires C,C,C, ovoïdes, qui donnaient à cette succession de canaux un aspect bosselé. L'artère hépatique AH embrasse le canal cholédoque par quelques-unes de ses divisions. J'appellerai l'attention sur un petit cordon CL étendu verticalement du foie à la partie du duodénum qui avoisine le pylore P; ce cordon dilaté et bosselé dans sa partie supérieure se continuait manifestement avec les conduits hépatiques, il contenait deux petits calculs dans l'épaisseur de son tiers supérieur. J'ai dû penser que ce cordon n'était autre chose qu'un de ces canaux hépatiques surnuméraires qu'on dit avoir vu se rendre

tantôt dans l'estomac, tantôt dans le duodénum- Mais quelque soin que j'aie mis à découvrir un canal dans son épaisseur, je n'ai pu y parvenir; je n'en reste pas moins convaincu que ce cordon n'était autre chose qu'un canal hépatique oblitéré dans ses deux tiers inférieurs ; car comment se rendre compte dans toute autre hypothèse, et de l'existence de deux concrétions biliaires dans le tiers supérieur du cordon, et de la continuité de ce cordon avec les conduits hépatiques. A la vue de concrétions aussi considérables , aussi multipliées, qui ne croirait que la circulation de la bile a du être impossible pendant la vie? Point du tout : ces concrétions ne remplissant pas exactement les canaux biliaires, la bile pouvait aisément circuler entre elles et les parois de ces canaux; et une sonde d'un moyen calibre, n° 6, parcourait assez librement l'intervalle qui les séparait. L'orifice duodenal du canal cholédoque était d'ailleurs parfaitement libre ; le foie était réduit à un petit volume. Bien que je n'aie aucun renseignement sur le sujet auquel avait appartenu ce foie, je puis affirmer qu'il n'a pas succombé par le seul fait de la présence de ces calculs dans les canaux biliaires ; aussi n'était-il pas ictérique.

XV. A côté de ces cas où des calculs si remarquables par leur nombre et par leur volume n'ont pas obstrué les voies biliaires, il est curieux de noter d'autres cas où un petit calcul, engagé dans l'ampoule commune aux conduits cholédoque et pancréatique a suffi pour déterminer une rétention complète de bile. Le fait représenté Pl. 5 me paraît d'ailleurs confirmer cette proposition précédemment émise, qu'à l'exception d'un petit nombre de circonstances, où, en raison de leur situation, ils s'opposent mécaniquement à la circulation de la bile, les calculs biliaires ne déterminent pas d'accidens par eux-mêmes, mais bien par l'inflammation dont ils sont la cause prédisposante et déterminante.

XVI. Devons-nous rapporter à la présence des calculs biliaires, ou bien à une simple coïncidence, 1 altération du foie que j'ai observée dans le cas suivant.

Le cadavre d'un individu sur lequel je n'ai aucuns renseignemens m'a présenté les altérations suivantes : foie très volumineux, faisant au-dessous du rebord cartilagineux des côtes une saillie considérable; à sa surface et dans toute son épaisseur, quantité prodigieuse, un million peut-être de tubercules blanchâtres, d'inégal volume, que séparait un tissu parfaitement sain ; chacun de ces tubercules était un petit foyer purulent enkysté dont les parois étaient très épaisses ; d'une autre part, la vésicule biliaire était distendue par un grand nombre de calculs; le canal cholédoque, rempli par un calcul ovoïde, pouvait aisément admettre le doigt indicateur ; le canal hépatique et ses principales divisions, sur-tout celles de droite, contenaient plusieurs calculs à facettes, et avaient une capacité triple ou quadruple de l'état naturel. Les parois de ces canaux avaient acquis une grande épaisseur, et cette épaisseur était due à la membrane moyenne qui présentait des faisceaux entrecroisés ; il était impossible de décider si ces faisceaux étaient fibreux ou musculaires; la partie postérieure des poumons était hépatisée; tous les autres organes étaient sains.

L'aspect tuberculeux de cette multitude de foyers purulens, l'épaisseur des parois des kystes, m'ont fait soupçonner que ces petits abcès pourraient bien être développés dans les radicules biliaires : les paragraphes suivans prouveront que si cette manière de voir n'est pas inattaquable, elle n'est cependant pas dénuée de toute probabilité.

XVII. L'inflammation aiguë des voies biliaires est encore peu connue. Beaucoup d'ictères, fébriles accompagnées de douleurs vives à la région du foie, ne sont autre chose que le résultat de cette inflammation. Je n'ai pas eu occasion d'observer l'inflammation des voies biliaires chez l'homme. Le fait suivant d'anatomie pathologique comparée ne sera point récusé comme inapplicable à l'homme.

Un beau chien caniche devint ictérique; au bout de quatre à cinq jours, on lui administra deux grains de tartre stibié, il mourut le lendemain. Je fus curieux d'examiner les voies biliaires, et voici ce que j'observai : la vésicule du fiel,les conduits cystique, cholédoque, hépatique, les premières divisions de ce dernier, étaient d'une couleur noire, distendus et durs comme s'ils avaient été injectés. Je les ouvris : ils étaient pleins de sang noir coagulé. La membrane muqueuse était très fortement colorée en rouge foncé; le tissu du foie était sain; la muqueuse de l'intestin grêle était injectée ; la rate était pâle; les poumons parsemés d'ecchymoses très multipliées. Tous les autres organes étaient sains. Tous les tissus blancs étaient fortement teints en jaune.

XVIII. L'inflammation chronique des voies biliaires est assez rare dans l'espèce humaine. Elle est extrêmement fréquente chez le mouton, chez le boeuf, où elle coïncide avec la présence de ces animalcules biliaires connus sous le nom de douves du foie. ( V. Entozoaires, Dictionn. de Méd. et de Chir. pratiques.) Cette lésion, qui a été pour moi l'objet d'une

étude particulière parce quelle règne endémiquement et sur-tout épizootiquement dans mon département (la Haute-Vienne) , est extrêmement remarquable. Dans un degré d'altération avancée , la face inférieure du foie présente çà et là de grosses ampoules blanches, ovoïdes, qu'on prendrait pour des kystes. L'altération est quelquefois bornée à quelques divisions du canal hépatique : souvent elle envahit toutes ces divisions, le tronc hépatique lui-même, les canaux cystique et cholédoque et la vésicule du fiel. Si on dissèque ces canaux, ils se présentent sous la forme de cordes volumineuses, très denses, d'un aspect fibreux, se renflant çà et là, se divisant, et se subdivisant comme les canaux biliaires, et se terminant en cul-de-sac après un trajet plus ou moins long. Si on fait des coupes au foie , on voit les orifices de ces gros canaux remarquables par leur diamètre, par l'épaisseur des parois, et on exprime un liquide à peine teint en jaune, souvent de simples mucosités incolores, quelques concrétions biliaires et un nombre plus ou moins considérable de douves, les unes très petites, les autres parvenues à leur développement complet. Du reste, les parois de ces canaux biliaires sont fibreuses, leur face interne est souvent tapissée de concrétions calcaires, qui forment même un cylindre complet. Il n'est pas rare de voir une portion plus ou moins considérable du canal biliaire, séparée rar un rétrécissement ou par une oblitération complète du reste des voies biliaires et formant un véritable kyste rempli par de la mucosité; et quelquefois la véritable origine de ce kyste ne peut être établie que par sa continuité avec les canaux biliaires, ou par l'identité absolue de structure; enfin, j'ai trouvé de petits kystes remplis de calculs, et également isolés du reste des voies biliaires. Le tissu du foie, intermédiaire à ces grosses ampoules, est quelquefois converti en tissu fibreux. Lorsque l'altération s'étend jusqu'aux radicules biliaires, les granulations du foie s'enflamment, et il se forme de très petits loyers de pus jaunâtre, de matière lie de vin concrète, qu'on exprime à la manière de vers. Dans certains cas, toutes les divisions du canal hépatique ayant subi cette altération, les voies biliaires ne conservant plus une goutte de bile, on peut dire que les animaux ont vécu sans sécrétion biliaire. Au reste, à un degré avancé de l'altération, l'animal succombe dans le marasme le plus complet; je n'ai jamais observé d'ictère.

XIX. L'étendue de l'altération que je viens de décrire, m'a porté à donner une grande attention aux canaux biliaires dans les maladies du foie. Ayant eu occasion d'examiner un certain nombre de foies d'enfans nouveau - nés, parsemés de tubercules, et ces tubercules incisés m'ayant présenté une cavité remplie de bile concrète, je me suis demandé si ces prétendus tubercules n'étaient pas le résultat de l'inflammation des radicules biliaires, lesquels , oblitérés de distance en distance par l'inflammation adhésive, deviendraient des kystes biliaires.

Le foie représente figure 2, Planche 5 , appartenait à un enfant de cinq à six mois, qui mourut avec des tubercules dans les poumons. Il me fut donné comme un exemple de tubercules dans le foie, et, en effet, il était facile de s'y méprendre. Ce ne fut qu'après avoir incisé le foie en divers sens, que je découvris les cavités multiloculaires et uniloculaires, RB, RB, presque toujours remplies de concrétions biliaires dont étaient creusées la plupart de ces pentes tumeurs. Plusieurs de ces tubercules solitaires T, ou agglomérés TA ( fig. 2 ), étaient dépourvus de cavités, d'une densité fibreuse, et probablement le résultat de l'oblitération des kystes. J'ai constaté le même fait, c'est-à-dire l'existence de kystes biliaires, contenant de petites concrétions, sur deux foies d'enfans et sur plusieurs foies d'adultes : dans tous ces cas, les parois des petits kystes étaient extrêmement épaisses et très résistantes ; plusieurs offraient des cavités anfractueuses dont les plus considérables auraient pu contenir un pois de senteur. U était presque toujours impossible de saisir la continuité de ces kystes avec les canaux biliaires. Un foie d'enfant m'a présenté plusieurs centaines de semblables kystes.

XX. Ces kystes biliaires peuvent - ils acquérir un volume considérable ? Le fait représenté Pl. 45 ng- 3, semblerait l'indiquer.

Ce foie était parsemé d'une foule de kystes de capacité variable, dont les uns soulèvent la surface et dont les autres occupent l'épaisseur de l'organe. Ces kystes, complètement isolés des canaux biliaires, contenaient un liquide fortement teint en jaune.

MALADIES DU FOIE;

12e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DE L ESTOMAC.

Rétrécissement du pylore. Cancers.

( XIIe LIVRAISON, PLANCHE VI.)

Hypertrophie de l'extrémitépylorique del'estomac avec commencement de cancer aréolaire gela tin if orme,

(figure I.)

La fig. i appartient à un individu qui avait éprouvé pendant les derniers temps de sa vie tous les symptômes, non d'une diathèse cancéreuse, mais d'un rétrécissement considérable du pylore : ces symptômes se résument dans des vomissemens abondans qui suivaient plus ou moins immédiatement l'ingestion des aïi-mens, et dans un dépérissement graduel qui, dans les derniers temps de la vie, fut porté au plus haut degré.

Le rétrécissement occupait l'extrémité pylorique P de l'estomac. 11 n'était pas limité au cercle pylorique, mais il formait un cylindre d'un pouce de long, espèce de filière, à travers laquelle le petit doigt ne pouvait pas être introduit, même en usant de violence. Une plume à écrire de moyen calibre donne la mesure assez exacte de ses dimensions. L'épaississement était d'ailleurs uniforme dans tous les points de la circonférence du pylore. Il était de 5 lignes.

Je me suis attaché à bien analyser l'altération organique qui peut être définie une hypertrophie dupylore avec commencement de dégénération gélatiniforme. Deux membranes étaient saines, savoir ïa muqueuse et la péritonéale : deux membranes étaient altérées, savoir la musculeuse et la fibreuse.

La tunique musculeuse T M est considérablement hypertrophiée. Elle forme à elle seule la moitié de l'épaisseur du pylore.

La tunique fibreuse TF, qui est intermédiaire à la muqueuse et à la musculeuse, présente une épaisseur considérable ; en outre dans les mailles fibreuses qui la constituent commence à s'épancher une matière gélatiniforme. La même altération s'observe dans le tissu cellulaire sous-péritonéal.

Réflexions. — Il suit de là que l'altération du pylore que je viens d'analyser présentait, indépendamment de l'hypertrophie du pylore, le cancer aréolaire gélatiniforme, à son début, et que cette dégénération siégeait dans la tunique fibreuse de l'estomac. Il est infiniment probable que si le malade avait pu échapper aux conséquences du rétrécissement du pylore, la tunique musculeuse d'abord, puis la muqueuse auraient été successivement envahies, et qu'enfin toutes les couches de tissu cellulaire qui séparent les diverses tuniques auraient subi la même altération aréolaire et gélatiniforme. D'après ma manière de voir, la fibre musculaire proprement dite ne se serait point transformée, mais l'altération se serait propagée le long des prolongemens celluloso-fibreux qui séparent les faisceaux musculaires, lesquels auraient été atrophiés par la compression. Ici, comme dans d'autres cas, l'atrophie aurait donc succédé à l'hypertrophie.

On conçoit d'ailleurs qu'un pareil rétrécissement s'opposant au passage des alimens et même delà plus grande quantité des boissons, l'estomac doive éprouver une dilatation considérable.

Plusieurs faits m'autorisent à admettre que l'hypertrophie pure et simple de l'anneau musculaire du pylore peut, chez les vieillards, déterminer tous les symptômes locaux et fonctionnels d'un rétrécissement du pylore. Il est assez fréquent de voir cette hypertrophie siéger essentiellement dans la tunique fibreuse, et alors l'interception du cours des matières est bien plus complet que dans le cas d'hypertrophie pure et simple de la membrane musculeuse. Cette hypertrophie de la membrane fibreuse se lie d'ailleurs toujours à une hypertrophie de la muqueuse et de la musculeuse. Chez une femme de 72 ans environ, morte par suite de vomissemens continuels survenus seulement dans les dernières semaines de la vie, l'extrémité pylorique de l'estomac présentait un épaississement considérable qui occupait non-seulement le pylore mais encore la partie adjacente de l'estomac dans une hauteur de 18 lignes. L'analyse de cette altération m'a présenté : i° le péritoine sain; i°\e tissu cellulaire

XIIe LIVRAISON. I

sous-péritonéal et la membrane musculeuse hypertrophiés; 3° le siège principal de l'hypertrophie était dans la membrane fibreuse qui avait deux fois plus d'épaisseur que la membrane musculeuse, c'est-à-dire 5 lignes environ, qui offrait une densité extrême, dont la coupe présentait un aspect lobuleux absolument comme celle d'un corps fibreux de l'utérus. La membrane muqueuse très adhérente à la membrane fibreuse, était couverte de villosités très prononcées. Cetétatdela membrane muqueuse m'a paru constituer une simple hypertrophie. Il est donc constant qu'un grand nombre de prétendus cancers du pylore ne sont autre chose qu'une hypertrophie de cette région.

Sous le rapport de la capacité de l'estomac, les rétrécissemens du pylore se divisent en deux classes; dans les uns, il y a dilatation énorme de l'estomac; dans les autres, il y a rétrécissement plus ou moins considérable de cet organe. Cette différence trouve son explication toute naturelle dans les symptômes observés pendant la vie des malades. Le vomissement, effet nécessaire d'un obstacle mécanique au cours des matières, a lieu dans l'un et l'autre cas; mais dans le cas où on trouve l'estomac rétréci, le vomissement survenait immédiatement ou peu de temps après l'ingestion des alimens, et il était en rapport avec la quantité d'alimens ingérés; dans le cas où l'on trouve l'estomac dilaté, le vomissement ne se manifestait que tous les trois ou quatre jours, tous les huit jours, et il était en quantité considérable. La raison de cette différence remarquable dans la manière dont les vomissemens ont lieu, se trouve, moins dans des différences de lésions organiques que dans la susceptibilité individuelle. Plusieurs faits m'autorisent à penser que les rétrécissemens du pylore qui ne sont pas accompagnés de lésions organiques de la muqueuse-gastrique, permettent impunément le séjour long-temps continué des substances alimentaires et par conséquent la dilatation de l'estomac; tandis que le vomissement aurait lieu peu de temps après l'ingestion des alimens dans le cas de rétrécissement du pylore avec altération delà muqueuse. Au reste, quelle que soit la cause de l'obstacle au cours des matières, que ce soit une tumeur extérieure qui comprime le pylore, une hypertrophie considérable de la membrane fibreuse, de la membrane musculeuse, ou un cancer, les effetssont les mêmes, et la mort a lieu par défaut dénutrition. J'ai cité ailleurs un cas où le rétrécissement fut le résultat de la cicatrice d'un ulcère circulaire qui occupait le pylore. M. Reignier, interne de la Charité, a présenté à la Société anatomique un cas où l'estomac avait acquis un volume énorme avec hypertrophie considérable de ses parois. Il n'y avait aucune lésion au pylore, mais dans la partie du duodénum qui lui fait suite se voyait une cicatrice fibreuse qui avait tellement rétréci l'intestin qu'il pouvait à peine admettre une plume à écrire. Cet individu vomissait à de longs intervalles, et probablement le produit de chaque vomissement était formé par la presque totalité des alimens et des boissons ingérés depuis le vomissement précédent.

La dilatation considérable de l'estomac s'accompagne toujours d'un déplacement remarquable du pylore qu'on trouve dans le flanc droit, et quelquefois dans la région iliaque droite. Il est presque toujours possible de reconnaître un estomac volumineux à l'aide de la percussion qui donne le son stomacal. Lorsque l'estomac est rempli de gaz, il se dessine à travers les parois abdominales.

fig. 2 et 2'.

La fig. 2 représente la surface externe d'un cancer du pylore P qui se présente sous l'aspect d'une tumeur dure, bosselée, parcourue par des vaisseaux. Les deux tiers de la circonférence du pylore sont envahis.

La figure 2' représente le même estomac ouvert au niveau de la petite courbure de l'estomac, c'est-à-dire dans la partie de la circonférence du pylore qui était simplement hypertrophiée. On voit que le pylore P limite parfaitement l'altération. La surface interne est bosselée et présente une érosion E qui est couverte dans une partie de son étendue par une escarrhe noire.

Les bords de la section du pylore P,P ne présentent rien autre chose qu'une hypertrophie de la membrane musculeuse. La section pratiquée au centre delà tumeur a donné une épaisseur quatre à cinq fois plus considérable : elle présentait d'ailleurs un aspect lardacé ; un suc cancéreux assez abondant était infiltré dans les mailles d'un tissu aréolaire très dense de nature fibreuse, au milieu duquel il était impossible de démêler ce qui avait appartenu aux diverses tuniques de l'organe.

N'ayant pu retrouver l'observation relative à ce sujet, je la remplacerai par l'observation suivante qui présente avec elle de grands traits d'analogie.

Guérison d'ulcère chronique aux narines. — Cancer au pylore et à la partie voisine de l'estomac.

La femme Pichon, âgée de 67 ans, fut admise à la Salpêtrière dans la division des incurables pour une ulcération aux deux narines qui avait résisté à un grand nombre de traitemens, si bien qu'elle fut jugée incurable. Plusieurs cicatrisations avec le nitrate d'argent et avec l'acide hydro-chlorique triomphèrent de cette maladie. On eut le soin d'entretenir l'ouverture des narines qui tendait incessamment à s'oblitérer. Le traitement dura de 4 à 5 mois.

Un an environ après la guérison, la malade fut prise d'un dégoût universel, d'abord pour les alimens de la maison, puis pour les alimens venus du dehors.

Au bout de 4 mois, vomissemens de glaires et douleur épigastrique, qui la forcèrent à venir à l'infirmerie.

L'exploration n'apprend rien : dépérissement ; soupçon de maladie organique de l'estomac : traitement empirique par les sangsues, les vésicatoires surlecreux de l'estomac, la diète lactée, l'eau deSeltz,la magnésie, l'oxideblanc de bismuth, etc.

L'amaigrissement et le malaise vont toujours croissant.

La malade se plaint d'éprouver la sensation d'un ver qui monte à la gorge et qui redescend. Elle n'accuse aucune douleur dans le rachis; l'appétit persiste : elle mange et vomit; la diète est impatiemment supportée; la langue ne dit rien; point de dévoiement; l'exploration la plus attentive de la région épigastrique ne permet de reconnaître aucun point douloureux, aucun engorgement; une pression même assez fortement exercée n'y développe aucune sensibilité, et pourtant c'est à cette région que la malade rapporte tout ce qu'elle éprouve.

Lorsque la malade est quelque temps sans vomir, l'abdomen devient volumineux et donne à la percussion un son mat; la commotion de l'abdomen détermine un gargouillement: d'autres fois l'abdomen est météo-risé et sonore comme un tambour; c'est lorsque le vomissement a eu lieu : un jour, que ce ballonnement était considérable et que l'estomac se dessinait de la. manière la plus manifeste à travers les parois abdominales amaigries; je reconnus le pylore à une tumeur circonscrite située au dessous de l'hypochondre droit. La grande courbure de l'estomac obliquement dirigée de haut en bas et de gauche adroite, atteignait le détroit supérieur.

Dans le dernier mois de sa vie, la malade éprouvait des nausées et des vomissemens continuels et cependant elle prenait une grande quantité d'alimens. L'amaigrissement fut porté à l'état squélettique; soif, douleur d'estomac. Elle s'éteignit le a4 septembre i834, huit mois après l'invasion des accidens du côté de l'estomac.

Ouverture du cadavre. — Estomac ample et situé plus bas que de coutume ; le pancréas n'était séparé des parois abdominales que par l'épiploon gastro-hépatique.

Le pylore présente une tumeur qui a un pouce et demi de longueur et qui a envahi les quatre cinquièmes inférieurs de la circonférence de l'estomac. Le cinquième supérieur a été respecté. Cette tumeur est limitée inférieurement par le pylore; supérieurement elle est limitée par une élevure très prononcée; elle occupe non-seulement l'anneau pylorique, mais encore l'antre du pylore.

Au niveau de cette tumeur, l'estomac est très étroit, si bien qu'il faut un assez grand effort pour faire passer les gaz de sa cavité dans celle du duodénum.

L'estomac ouvert du côté de la petite courbure permet de constater que la partie malade est profondément excavée à sa partie moyenne, et très rétrécie à ses extrémités, en sorte que les alimens avaient successivement à traverser : un premier anneau ; une excavation ; et enfin un second anneau qui correspondait au pylore.

A la surface externe, la portion rétrécie de l'estomac présentait une disposition granuleuse. Des veines rampaient sous le péritoine.

Une coupe de la tumeur permet de voir : i° son aspect lardacé; 20 sa consistance qui est ferme mais qui s'accompagne d'une grande fragilité. La tumeur s'écrase sous la pression sans fournir de suc cancéreux; 3° la tunique péritonéale avait seule été respectée; 4° la surface de l'excavation ulcéreuse de la tumeur était grisâtre, sans aucun indice de travail morbide; on eût dit d'une coupe récente de la tumeur. La portion d'estomac qui avoisinait le pylore présentait une hypertrophie considérable de la membrane musculeuse.

Il m'a paru évident que la maladie avait débuté par la membrane fibreuse et par la membrane muqueuse et qu'elle s'était ensuite propagée à la tunique musculeuse.

L'intestin grêle présentait une rougeur par plaques à sa partie inférieure. Tous les autres organes étaient sains.

12e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DE L'ESTOMAC.

13e. Livraison. Pl. I.

MALADIES DE L'UTÉRUS ET DES OVAIRES.

(XIIIe LIVRAISON, PLANCHÉS I, 11, 111.)

Considérations générales sur les maladies des femmes en couches en général et sur le

typhus puerpéral en particulier.

L La femme qui vient d'accoucher n'a échappé qu'à une partie des dangers qui la menacent dans l'accomplissement de cette douloureuse fonction. Peu de femmes meurent par le fait même de l'accouchement; un nombre considérable succombe par ses suites. On concevra la fréquence et la gravité des maladies puerpérales, si l'on considère: i° les changemens organiques et vitaux qu'entraîne l'état de grossesse dans l'économie de la femme; i° ceux qu'amène l'accouchement; 3° ceux qui sont consécutifs à l'accouchement.

J'ai insisté ailleurs (i) sur l'hypertrophie du tissu de l'utérus qui suit l'imprégnation ; hypertrophie physiologique, il est vrai, mais qui confine l'état morbide; sur le dédoublement des ligaments larges employés dans l'état de grossesse à recouvrir l'utérus , et sur l'attraction qu'exerce l'utérus sur le péritoine qui recouvre les organes circonvoisins : le développement considérable des artères , le développement plus considérable encore des veines et des vaisseaux lymphatiques ont également fixé mon attention.

IL J'ai comparé la femme qui vient d'accoucher à un individu qui vient de recevoir une blessure grave ou de subir une opération chirurgicale. La femme en couches, comme l'amputé, est épuisée de fatigues, de douleurs, d'émotions de toute espèce. Le calme ou plutôt l'affaissement qui succède à l'opération laborieuse de l'accouchement, est la fidèle image de l'affaissement qui suit une grande blessure. Nous pouvons comparer la surface interne de l'utérus à une vaste solution de continuité : car l'œuf n'adhère pas seulement à l'utérus par ses parties placentaires, mais bien par toute sa surface : la muqueuse intérieure n'existe plus ou plutôt ses éléments se sont dissociés, modifiés par l'inflammation adhésive dont elle a été le siège. Si l'on examine la surface interne de l'utérus immédiatement après l'accouchement; et j'ai eu cette occasion plusieurs fois; on voit sur les cotylédons utérins des orifices veineux béants qui représentent les orifices veineux des membres amputés. On ne trouve de débris de muqueuse que sur la face interne du col utérin et quelquefois autour de l'orifice des trompes; partout ailleurs le tissu propre de l'utérus est à nu, et partout il doit être recouvert d'une cicatrice.

III. Pour réparer une si vaste solution de continuité, une fièvre traumatique est nécessaire : cette fièvre traumatique s'appelle fièvre de lait, parce que, en vertu de lois faciles à saisir dans leur but, impossibles à saisir dans leurs moyens, cette fièvre est accompagnée de la sécrétion du lait dans les mamelles. Cette fièvre traumatique de la femme nouvellement accouchée a son temps d'incubation, comme la fièvre traumatique du blessé : il est de trois, quatre, cinq jours, et présente d'ailleurs les mêmes caractères chez l'un et chez

(i) Journal universel et liehdomadaire, i83i, tome IV, page 217.

XIIl" LÏVf? h fSOV. 1

l'autre. La fièvre tombe au bout de vingt-quatre heures et est à peu près dissipée le troisième ou Je quatrième jour.

IV. Or, à la réunion par première intention de l'amputé, répond une guérison sans fièvre,sans lochies purulentes, de la femme en couches; mode de guérison qui est excessivement rare, car il faut que la muqueuse soit reproduite et que l'équilibre de circulation et de vitalité se rétablisse.

V. Le premier phénomène que présente la surface interne de l'utérus, c'est la sécrétion d'une fausse membrane ou couenne qui tapisse toute cette surface interne. C'est à l'aide de cette fausse membrane que s'opère la cicatrisation immédiate de l'utérus, et l'on sait que c'est également à l'aide d'une fausse membrane qu'a lieu la réunion par première intention des plaies.

VI. Mais, le plus ordinairement, cette fausse membrane est entraînée avec le pus dont la sécrétion suit la fièvre traumatique. Le pus de la surface interne de l'utérus s'appelle lochies. D'abord sanieuses ou mêlées de sans et d'une odeur très fétide, comme d'ailleurs le pus sanieux des plaies, elles deviennent bientôt purulentes et moins fétides, demoinsen moins abondantes, jusqu'à ce qu'enfin elles cessent complètement. Les lochies, comme le pus des plaies, sont par leur qualité et par leur quantité, le thermomètre de l'état général.

VIL Si l'on examine la surface interne de l'utérus pendant le travail de suppuration, on trouve que les cotylédons utérins sont pleins de concrétions sanguines qui remplissent leurs mailles; que la surface interne de l'utérus est enduite d'une couche pseudomembraneuse , purulente , sanguinolente , souvent hérissée de pinceaux vasculaires très longs, semblables à un gazon touffu, qui deviennent très apparents lorsqu'on plonge l'utérus dans un vase plein d'eau.

VIII. L'utérus revient peu à peu sur lui-même. Sa membrane interne s'organise par le rapprochement de tous les pinceaux vasculaires. Les cotylédons utérins ne sont plus que de très-petites végétations ou caroncules. Au bout de six semaines, deux mois, deux mois et demi, on reconnaît encore la trace des cotylédons. Cette donnée pourrait être d'une grande importance en médecine légale. L'utérus reste d'ailleurs long-temps plus volumineux qu'avant l'accouchement, et les couches les plus profondes de cet organe jouissent d'une notable fragilité.

IX. Voilà pour l'état régulier; mais combien d'accidents ne viennent-ils pas traverser ce travail de réparation et de restauration. On concevra la fréquence et la gravité de ces accidents, si l'on considère que ce travail ne consiste pas purement et simplement dans la cicatrisation de la surface interne de l'utérus, mais que l'utérus hyperthrophié qui était, pendant la durée de la gestation, un centre de fluxion si considérable, doit redevenir ce qu'il était primitivement, et que ses grosses artères,ses énormes vaisseaux lymphatiques et veineux doivent être réduits brusquement au vingtième, peut-être, de ce qu'ils étaient dans les derniers temps de la grossesse ; aussi l'hémorrhagie, les convulsions , le coma , la péritonite , l'inflammation du tissu cellulaire sous-péritonéal , l'inflammation des vaisseaux lymphatiques, la phlébite et tous les accidents qui accompagnent les plaies et les grandes opérations chirurgicales,la pleurésie, l'inflammation des synoviales et des muscles, l'entérite, l'œdème douloureux , l'érysypèle ambulant 5 une multitude d'affections aiguës et chroniques , à caractères spéciaux , viennent-ils compliquer les suites de l'accouchement.

X. De toutes les maladies qui peuvent attaquer la femme en couches, il n'en est aucune qui soit plus fréquente, plus grave, plus rariidement funeste que la péritonite dite puerpérale. Funeste à l'état sporadique, elle acquiert à l'état épidémique une gravité telle, qu'elle semble attaquer la vie dans sa source, et résiste à toutes les méthodes de traitements empiriques ou rationnelles connues jusqu'à ce jour. C'est cette péritonite épidé

inique qui règne tous les ans à l'hôpital de la Maternité, que j'ai cru devoir désigner sous le nom de typhus puerpéral, comme pour appeler toute l'attention sur son caractère éminemment miasmatique. Déjà Désormeaux et autres avaient exhumé le vieux nom de fièvre puerpérale, et par cet apparent anachronisme de langage, avaient voulu exprimer ce double fait important : i° que la péritonite n'est pas la seule lésion dont s'accompagne cette maladie; i° que les moyens thérapeutiques dirigés contre les phlegmasies ne sont pas tous dans ce genre de maladies.

XI. Le typhus puerpéral est donc une maladie produite par l'encombrement, une maladie par infection, une maladie contagieuse miasmatiquement, qui ravagera la Maternité, comme toutes les maisons d'accouchement, tout le temps que la population de ces maisons ne sera pas en harmonie avec la capacité des lieux, tout le temps que 3,ooo femmes enceintes seront reçues chaque année dans un espace qui ne permet d'en admettre que de 15oo à 2000; car une femme en couches a une puissance d'infection bien supérieure à celle d'un malade ordinaire. La question de l'encombrement est donc, pour les femmes en couches, une question de vie ou de mort. Le traitement préservatif est le seul qui soit applicable; car dans l'immense majorité des cas, il n'y a pas de traitement curatif, et c'est par une sorte d'exception qu'on parvient à sauver quelques malades affectées du véritable typhus puerpéral. Si la malade échappe à la péritonite, elle n'échappera pas à une inflammation du tissu cellulaire sous-péritonéal, à une double pleurésie, à l'érysypèleambulant qui attaque successivement toutes les régions du corps, et qui envahit quelquefois de nouveau les régions primitivement affectées, elle n'échappera pas enfin à l'inflammation des muscles et à celle des synoviales. Il semble qu'un levain sans cesse renaissant circule avec le sang ; et peut-être , dans beaucoup de cas, l'une des sources de ce levain est - elle dans l'inflammation des vaisseaux lymphatiques de l'utérus, ou plutôt dans la présence du pus dans cet ordre de vaisseaux.

La présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques, me paraissant un fait fondamental dans l'histoire du typhus puerpéral et de la péritonite puerpérale sporadique, j'ai cru faire une chose utile en publiant sur ce sujet des figures, où le talent accoutumé de M. Chazal brille de tout son éclat.

1° La planche I représente l'utérus d'une femme morte du typhus puerpéral, le 4e jour de l'invasion de la maladie et le 5e de l'accouchement. Cet utérus est vu par sa face antérieure.

Une tranche épaisse d'utérus est renversé de bas en haut, et montre la coupe des veines utérines, V U, V U, pleines pour la plupart de sang coagulé: cette portion si éminemment vasculaire de l'utérus répondait au placenta. Tout le système veineux de l'utérus était sain: la présence du sang coagulé dans les veines,n'est un caractère de l'inflammation, que lorsque ce sang est adhérent aux parois. Je me suis assuré que la coagulation du sang dans les sinus veineux qui répondent au placenta, est un phénomène à peu près constant après l'accouchement.

Le long des bords de l'utérus et dans l'épaisseur des ligaments larges, rampent un certain nombre de Vaisseaux lymphatiques VL, V L, de différentes dimensions. Ces vaisseaux lymphatiques se dessinent pour la plupart à travers la transparence du péritoine, qu'il suffit d'enlever avec précaution pour les mettre à découvert.

Une coupe faite à l'utérus, au voisinage de l'insertion du ligament rond droit L R, a montré l'orifice béant des vaisseaux lymphatiques pleins de pus et énormément dilatés: on eût dit de petits abcès.

Des vaisseaux lymphatiques d'inégale dimension, ici dilatés en grosses ampoules, là rétrécis, émergent du bord droit de l'utérus, immédiatement derrière le ligament rond et communiquent soit avec les vaisseaux lymphatiques de la face antérieure de l'utérus, soit avec ceux, plus nombreux encore, de la face postérieure.

Ces vaisseaux lymphatiques étaient immédiatement placés sous le péritoine. Ils së portent de bas en haut, le long du muscle psoas, au-devant de la veine ovarique et de l'uretère U. On voit les plus externes gagner l'extrémité inférieure du rein R, pour se recourber de dehors en dedans. Tous ces vaisseaux se rendent aux ganglions lymphatiques G L, GL, placés au-devant de la veine

cave VGetde l'aorte A A. Les ganglions lombaires sont complètement injectés de pus. Je me suis assuré qu'aucun vaisseau lymphatique, émergeant de ces glandes, ne contenait de pus. Cette remarque s'applique à la plupart des cas de ce genre que j'ai eu occasion d'observer.

2° La planche II représente l'utérus renversé d'arrière en avant et de haut en bas. Pour opérer ce renversement complet, il a fallu enlever la paroi antérieure du bassin à l'aide de deux sections faites en dedans des articulations coxo-fémorales. 11 en résulte que le fond de l'utérus F U est en bas, et que la face postérieure F PU et les ovaires OO regardent en avant. Je ferai remarquer, que les trompes utérines s'insèrent seules aux angles de l'utérus, et non point les ovaires, dont les ligaments s'attachent beaucoup plus bas.

Les reins, les veines rénales VR, VR, l'aorte A A, la veine cave VC, les artères iliaques primitives AIP, l'artère mésentérique inférieure AMI, le rectum R*qui sont dans leur situation naturelle, permettent de saisir parfaitement les rapports de toutes les parties représentées sur cette figure.

La partie latérale droite de la face postérieure de l'utérus présente un très grand nombre de vaisseaux lymphatiques pleins du pus. Ici, les ampoules sont encore plus considérables que dans la planche précédente. On dirait de petits foyers purulents, VL, VL, VL. Pour mettre ces vaisseaux à découvert, il a suffi d'enlever par arrachement le péritoine, et une lame subjacente très mince du tissu de l'utérus.

Tous les vaisseaux lymphatiques ne gagnent pas les ganglions lombaires GL, GL; mais ils se divisent en plusieurs séries. Les uns se portent de bas en haut, ce sont ceux qui sont représentés sur cette figure; les autres se dirigent du côté des ganglions sacrés et des ganglions pelviens antérieurs. Je dois signaler ici un ganglion constant qui occupe l'orifice interne de la gouttière sous-pubienne, et que j'ai souvent rencontré plein du pus apporté par un certain nombre de vaisseaux lymphatiques.

Les ovaires O, O , sont inégalement développés et présentent a leur surface des plaquesblanches pseu-membraneuses, PM, PM, qui témoignent de l'existence d'une péritonite pseudo-membraneuse.

On remarquait sur la face postérieure de Futérus une petite bosselure, VLD, parcourue par des vaisseaux sanguins. Cette bosselure était formée par une petite poche contenant un pus séreux j cette poche n'était elle-même qu'une ampoule formée par un vaisseau lymphatique.

5° Les deux planches précédentes ne nous ont montré du pus que dans les vaisseaux lymphatiques superficiels. La planche III nous offre ce liquide tout à la fois, et dans les vaisseaux lymphatiques superficiels, et dans les vaisseaux lymphatiques profonds. Je dois dire que la présence du pus dans ces derniers est assez rare, et que le nombre des vaisseaux lymphatiques profonds, que les anatomistes admettent plutôt par induction que par démonstration directe, ne m'a jamais paru considérable.

Sur la figure 1, l'utérus est vu par sa face postérieure : pour préparer les vaisseaux lymphatiques qui sont en évidence sur cette figure, le péritoine et une couche superficielle très-mince de l'utérus ont été. enlevés, moitié par arrachement^ moitié par dissection.

Les vaisseaux lymphatiques superficiels sont remarquables par leur développement et par leur disposition aréolaire; quelquefois les aréoles des vaisseaux lymphatiques purulens sont tellement pressées qu'il m'est arrivé de croire que le pus était infiltré dans le tissu cellulaire, au lieu d'être contenu dans des vaisseaux. L'infiltration du pus dans le tissu cellulaire sous-péritonéal de l'utérus s'observe d'ailleurs très souvent, et cette infiltration peut s'accompagner ou ne pas s'accompagner de la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques.

Dans un certain nombre de cas, le tissu de l'utérus est lui-même infiltré de pus, et cette infiltration doit être bien distinguée de la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques profonds, avec laquelle elle coïncide quelquefois. C'est sur-tout le col de l'utérus qui est le siège de cette infiltration.

La coupe verticale, CU, faite au col utérin est remarquable par deux ordres d'orifices, les uns pleins de pus, ce sont les orifices des vaisseaux lymphatiques, VL, V L ; les autres vides ou donnant du sang noir, ce sont les veines, V V, lesquelles étaient dans l'état le plus parfait d'intégrité.

Je ferai remarquer que le col utérin est presque toujours fortement ecchymose à la suite de l'accouchement; quelquefois même il y a des extravasations sanguines considérables, de véritables foyers sanguins dans l'épaisseur du col.

La même figure 1 représente les trompes et les ovaires, dans un état particulier.

Les trompes, TT, sont volumineuses, parcourues par des vaisseaux sanguins et longées par des vaisseaux lymphatiques; ce volume de la trompe tient moins à la distension de la trompe elle-même, qu'a l'infiltration du tissu cellulaire sous - péritonéal. Le pavillon delà trompe, P T P T, est comme racorni ; la coupe, CT, ver-

13e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DE L'UTÉRUS.

MALADIES DE L'UTERUS ET DES OVAIRES.

13e. Livraison. Pl. 3.

ticale CT, faite à la trompe, montre une gouttelette de pus qui s'e'çhappe de cette trompe: la cavité de de la trompe était en effet pleine de pus, si bien que par une pression légère, d'une part, on faisait pénétrer le pus dans la cavité utérine, d'une autre part., on le fesait suinter par l'orifice frangé de la trompe. La présence du pus dans la trompe, étant un phénomène extrêmement fréquent dans la péritonite, je me suis demandé s'il ne serait pas possible que la péritonite fût, dans quelques cas, le résultat du passage du pus de la cavité de la trompe dans la cavité du péritoine; si l'attraction capillaire ou la succion vitale exercées dans l'acte de la conception sur le sperme par la trompe ne pourrait pas s'exercer aussi bien sur le pus ou sur tout autre liquide contenu dans la cavité de Putérus.

Les ovaires sont remarquables par leur volume extrêmement considérable, qui est évidemment dû à l'inflammation de ces organes: l'ovarite accompagne très fréquemment la péritonite puerpérale, rarement existe-t-elle sans péritonite.

Les deux ovaires, 0, 0, étaient enveloppées par une fausse membrane mince, PM, PM, qui est en partie enlevée sur la figure. Leur coupe fig. 2, présente une disposition aréolaire et un aspect grisâtre. 11 y a évidemment infiltration et combinaison de pus dans le tissu de l'ovaire. Inférieurement se voit une petite masse jaunâtre, OE, qui me paraît le corpus luteum des auteurs. Au milieu du tissu de l'ovaire existent quelques petits kystes ou ovules.

Les ovaires représentés fig. 1 et 2, étaient très denses : il n'en était pas de même de l'ovaire représenté fig. 5 ; il était tellement ramolli que la traction légère que j'ai exercée sur lui pour le détacher, a lacéré sa coque, ordinairement si résistante; en sorte que, plongé immédiatement dans l'eau, il a présenté l'aspect de pinceaux vasculaires au milieu desquels se voyaient quelques ovules (fig. 3.) : ce ramollissement est bien certainement le résultat d'une inflammation.

Dans quelques cas, il m'est arrivé de rencontrer les ovaires ramollis déchirés indépendammentde toute traction préalable. Cette déchirure a-t-elle existé sur le vivant? cela est probable, à moins qu'on ne suppose qu'elle ait été produite par le seul fait du transport du cadavre. On conçoit que cette rupture puisse être une cause de péritonite.

La figure 4 représente un état de l'ovaire dans lequel le volume de cet organe est le résultat d'une fluxion séreuse. Son tissu est mou, spongieux et vasculaire, pénétré d'une assez grande quantité de sérosité, qu'on fait suinter par une pression légère dans son épaisseur se voient un grand nombre de Ces petits kystes séreux, à parois minces et transparentes, que l'on regarde comme des ovules.

Considérations générales sur la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques.

I. Au risque de paraître paradoxal, j'affirme que la phlébite utérine est rare, ou que si elle est fréquente , elle est facilement curable ; deux ans et demi de pratique à l'hôpital de la Maternité ,ne m'ont permis de constater autopsiquement que sept ou huit cas de cette maladie. Je rappellerai ici une considération thérapeutique sur laquelle j'ai beaucoup insisté ailleurs (i), c'est que la phlébite n'est grave que lorsqu'elle est passée à la période de suppuration. Or, c'est peut-être à des applications de sangsues, faites à temps, et répétées, à l'irrigation de l'utérus à l'aide d'une seringue foulante et aspirante, à des purgatifs légers, aux bains émollients prolongés trois ou quatre heures, moyens tous employés avec persévérance dès la première apparition de la douleur hypogastrique, que je dois d'avoir eu rarement à constater par l'autopsie l'existence de la phlébite utérine.

II. La présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques de l'utérus est aussi fréquente, que sa présence dans les veines est rare. Le plus grand nombre des sujets qui ont succombé à la Maternité, depuis le mois de juin i83o jusqu'en septembre i83s, m'ont présenté, à un degré plus ou moins considérable, l'altération dont les planches i, i, 3, XIIIe livraison offrent le type.

III. Tandis que la phlébite utérine s'observe presque toujours indépendamment de toute lésion, soit du péritoine, soit de ses annexes, la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques utérins, s'accompagne le plus ordinairement de péritonite, d'inflammation

(i) XIe Livraison, phlébite.

XJTl6 LIVRAISON. 2

large du tissu cellulaire sous-péritonéal, assez souvent d'inflammation des trompes et des ovaires.

IV. D'une autre part, les abcès dans le foie, dans les poumons, dans les muscles, la suppuration des synoviales, etc., qu'on observe si fréquemment d'après la phlébite , sont assez rares dans le cas de présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques. La pleurésie simple ou double, est au contraire très fréquente.

V. On conçoit qu'au milieu de cette multitude de lésions, il est bien difficile de faire la part du rôle que joue la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques, d'autant plus que toutes peuvent exister simultanément dans le typhus puerpéral, eu l'absence de toute espèce de lésion dans le système lymphatique. J'ai donc été forcé de renoncer au rapprochement entre les vaisseaux lymphatiques purulens et les veines charriant du pus et infectant l'économie tout entière : et ce rapprochement suggéré d'abord par quelques faits, a été repoussé par des faits bien plus nombreux encore.

VI. Je me contenterai de dire ici comme simple aperçu, que les péritonites accompagnées de la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques, m'ont paru plus fréquemment suivies de pleurésie que les péritonites simples. Je mentionnerai des cas dans lesquels les malades, convalescentes du typhus puerpéral, ont succombé les unes à une double pleurésie, les autres à lerysipèle ambulant puerpéral, qui résiste si souvent à tous les moyens de l'art. A l'examen de l'utérus, j'ai trouvé de petites collections de pus concret dans les vaisseaux lymphatiques qui longent les bords de cet organe et occupent ses angles supérieurs. Ne serait-il pas possible qu'il y eût quelque rapport entre la présence de ce pus concret et la double pleurésie, et lerysipèle ambulant.

VIL Voici, du reste, le résumé des caractères anatomiques avec lesquels se présentent les vaisseaux lymphatiques pleins de pus. On les trouve presque toujours superficiellement placés sous le péritoine , rarement dans l'épaisseur de l'utérus ; ils longent les bords de cet organe, occupent l'épaisseur des ligamens larges, marchent le long des veines ovariques, rampent et s'anastomosent sous le péritoine qui revêt la face antérieure et surtout la face postérieure de l'utérus : mais c'est principalement aux angles de cet organe qu'ils sont, et plus constants et plus volumineux; ils forment quelquefois des ampoules considérables qu'on pourrait prendre pour des abcès (voyez planches i, i, 3). Là , plusieurs ampoules se touchant, on dirait d'une multitude de petits abcès lesquels communiquent entr'eux , lorsque les ampoules appartiennent au même vaisseau, et sont indépendants les uns des autres lorsqu'elles appartiennent à des vaisseaux différents. Du reste, il est extrêmement facile de distinguer la surface interne d'un vaisseau lymphatique, de la surface interne d'un abcès à son aspect lisse et à ses brides circulaires bien distinctes des valvules. Il n'est pas moins facile de distinguer les veines d'avec les vaisseaux lymphatiques, et de constater l'intégrité des veines dans les cas de cette espèce. Le nombre des vaisseaux lymphatiques pleins de pus est extrêmement variable. Il m'est arrivé de ne rencontrer du pus que dans un seul vaisseau. Le pus ne m'a paru franchir que dans un seul cas les ganglions qui sont en général la limite# Le pus s'arrête quelquefois dans les vaisseaux lymphatiques à une certaine distance des ganglions; dans certains cas, il ne dépasse pas les ligaments larges, ou même il s'arrête dans l'épaisseur des parois de l'utérus. Quant aux qualités du pus, elles sont celles du pus phlegmoneux. Il est extrêmement probable que c'était dans les vaisseaux lymphatiques, et non dans les veines qu'existait ce liquide crémeux indiqué par Astruc et autres, et qu'ils ont cru être du lait ; car jamais dans les veines, le pus ne m'a présenté le même aspect et la même pureté, que dans les vaisseaux lymphatiques. Quelquefois on rencontre au milieu de ce pus, des concrétions fibrineuses incolores.

VITI. Ici se présente une question du premier ordre, aussi bien en physiologie qu'en pathologie. Le pus a-t-il été formé dans les vaisseaux lymphatiques par suite d'un travail inflammatoire, ou bien y a-t-il été apporté par voie d'absorption ? J'ai recueilli, en 1810,

dans le service de M. Dupuytren (i), un fait remarquable qui dans le temps, me parut mettre hors de doute l'absorption du pus : il a pour sujet une femme âgée de 55 ans, qui portait à la partie supérieure et interne de la cuisse, un lipome énorme qui simulait un second ventre. La malade ayant succombé, M. Dupuytren procéda à la dissection de la tumeur. A peine eût-il incisé la peau dans une certaine étendue, qu'on vit se former des points blancs sur l'une et l'autre lèvres de l'incision. Surpris de ce phénomène , il dissèque avec soin la peau qui recouvre la tumeur et le tissu cellulaire sous-cutané, parcouru par des lignes blanchâtres, dont quelques-unes avaient le volume d'une plume de corbeau. Ces lignes étaient évidemment des vaisseaux absorbans; en effet, lorsqu'on poussait le liquide depuis l'origine de ces vaisseaux jusqu'aux ganglions lymphatiques, on n'éprouvait aucun obstacle; mais le dirigeait-on en sens inverse, aussitôt se manifestaient des nodosités séparées par des enfoncemens circulaires qui répondaient aux valvules, et le liquide ne pouvait pas circuler. Les ganglions lymphatiques étaient aussi bien injectés par le pus, qu'ils l'auraient été par le mercure dans les préparations les plus délicates. On a poursuivi les vaisseaux lymphatiques au-dessus de la tumeur, jusque dans le bassin; ils étaient remplis de pus juqu'auprès des ganglions lymphatiques de la région lombaire : mais ces derniers, de même que le canal thoracique n'en présentaient aucune trace. Comme la peau qui recouvrait la partie interne de la tumeur avait été le siège d'un érysipèle phlegmoneux, nous pensâmes alors que le pus formé à la surface de la peau, et dans le tissu cellulaire sous-cutané avait été absorbé.

M. Magendie (2) qui rapporte ce fait, tout en admettant la probabilité de l'absorption du pus, observe avec raison que pour rendre la chose évidente, il aurait fallu que l'identité du pus et du liquide contenu dans les vaisseaux lymphatiques eût été bien constatée. S'est-on d'ailleurs assuré que le pus ne provenait pas des vaisseaux lymphatiques eux-mêmes qui auraient été enflammés, de même qu'on le voit pour les veines? Cette dernière objection résume toutes les difficultés de la question. Le pus a-t-il été formé dans les vaisseaux lymphatiques utérins et extra-utérins, ou bien a-t-il été porté dans ces vaisseaux lymphatiques par voie d'absorption ?

IX. Dans l'hypothèse de l'absorption du pus par les vaisseaux lymphatiques utérins, on ne saurait admettre que le pus vienne de la surface interne de l'utérus, car celte surface interne est tapissée dans le plus grand nombre des cas par un détritus sanguinolent, par une couche séro-sanguinolente où il serait bien difficile de trouver le pus blanc-jaunâtre que l'on rencontre dans ces vaisseaux (3). D'une autre part, il n'existe généralement aucune matière purulente dans l'épaisseur de l'organe. On est donc obligé de se rejeter sur l'absorption soit du pus contenu dans la cavité du péritoine, soit du pus infiltré dans le tissu cellulaire sous-péritonéal.

X. Un fait semblerait appuyer l'absorption du pus dans la cavité péritonéale, c'est la présence à peu près constante dans le petit bassin, d'un pus blanc, louable, ayant tous les caractères du pus phlegmoneux, alors même que dans le reste de l'abdomen il n'existe que de la sérosité. Il est vrai qu'on trouve égalemeut des vaisseaux lymphatiques pleins de pus dans la péritonite pseudo-membraneuse.

XL Relativement à l'absorption du pus dans le tissu cellulaire sous-péritonéal, la coïncidence de la présence du pus dans le tissu cellulaire et de sa présence dans les vaisseaux lymphatiques, est tellement fréquente , que j'ai cru pendant long-temps qu'il y avait rapport de dépendance : mais j'ai été dissuadé de cette manière de voir par un grand nombre de cas, dans lesquels j'ai rencontré, tantôt des vaisseaux lymphatiques pleins de

(1) Voyez Essai sur V' Analomie pathologique , Paris, 1816, pag. 199. (20 Précis élémentaire de Physiologie, t. 2, p. 218.

(3) On pourrait cependant admettre que les vaisseaux lymphatiques ont la faculté de s'emparer du pus, au milieu d'éléments hétérogènes , comme les vaisseaux chylifères puisent le chvle au milieu des matières alimentaires.

pus au milieu d'un tissu cellulaire sain, tantôt, au contraire, des vaisseaux lymphatiques sains au milieu d'un tissu cellulaire infiltré d'une gande quantité de pus.

XI. Si l'existence du pus dans les vaisseaux lymphatiques était un fait physiologique d'absorption, on devrait retrouver ce liquide toutes les fois que la matière à absorber et les vaisseaux qui absorbent sont en présence. Or, dans un grand nombre de péritonites puerpérales, les vaisseaux lymphatiques ne contiennent pas de pus.

XII. La transparence parfaite des vaisseaux lymphatiques intrà et extra-utérins pleins de pus, l'intégrité de leurs parois, l'absence complète de toute injection sanguine, de tout épaissisement, de toute infiltration séreuse soit dans ces parois elles-mêmes, soit dans le tissu cellulaire environnant , à tel point que ces vaisseaux s'effacent et disparaissent lorsqu'ils ont été vuidés par une ponction du pus qu'ils contenaient; toutes ces circonstances éloignent l'idée d'une inflammation dans cet ordre de vaisseaux.

XIII. La dilatation si considérable des vaisseaux lymphatiques qui atteignent quelquefois le volume du petit doigt et même un volume plus considérable encore dans leurs ampoules, ne saurait être invoquée comme preuve d'une altération quelconque dans leurs parois. Car une extensibilité presqu'illimitée est l'attribut de cet ordre de vaisseaux, et nous avons vu d'ailleurs que, dans l'état de grossesse, les vaisseaux lymphatiques ont participé d'une manière extraordinaire, je dirais presque exagérée, au développement de tous les élémens organiques de l'utérus.

XIV. L'inaltérabilité des vaisseaux lymphatiques est partagée par les ganglions injectés de pus auxquels ces vaisseaux aboutissent. Les ganglions injectés de pus ressemblent exactement aux ganglions mésentériques pendant le travail de la chylifîcation. Le tissu des ganglions ne présente ni ramollissement ni coloration sanguine insolite; comme il. n'est pas rare de rencontrer les ganglions lymphatiques pelviens enflammés dans ce genre de maladie, j'ai pu établir immédiatement le parallèle entre les ganglions gonflés par le pus dont la source vient d'ailleurs, et les ganglions pénétrés d'un pus formé au sein même de ces ganglions par l'effet d'un travail inflammatoire.

XV. Je regarde donc comme chose démontrée, la circulation du pus dans les vaisseaux et les ganglions lymphatiques sains. Mais il ne découle pas nécessairement de ce fait, que le pus y ait été introduit par voie d'absorption ; car n'est-il pas possible que ce pus ait été produit par inflammation dans une partie de ces vaisseaux antérieure dans l'ordre de la circulation, à celle qu'on observe.

XVI. Cette manière de voir, qui s'applique à tous les faits et qui concilie toutes les opinions, n'est pas seulement la plus probable, mais elle est appuyée sur les observations suivantes: i° Souvent autour des vaisseaux lymphatiques qui rampent à la surface de l'utérus, on trouve de la sérosité infiltrée, de petits vaisseaux injectés; en outre les parois de ces vaisseaux présentent une couleur opaline, un épaississement notable, et leur affaissement après l'évacuation du pus qu'ils contiennent est moins complète que dans l'état naturel. i° J'ai eu occasion d'ouvrir le corps d'un individu qui succomba dans l'état typhoïde, à un phlegmon érysipèlateux de la jambe. Plusieurs vaisseaux lymphatiques, superficiels et profonds du membre abdominal étaient remplis de pus dans toute leur étendue , et les ganglions inguinaux étaient injectés. Jusqu'au tiers moyen de la cuissse, ces vaisseaux étaient entourés d'un tissu cellulaire dense, infiltré et injecté. Au niveau des deux tiers supérieurs de la cuisse, aucune trace d'inflammation ou de fluxion quelconque dans le tissu cellulaire ambiant. Les ganglions inguinaux injectés de pus , étaient d'ailleurs parfaitement sains. 3° Comme derniers arguments en faveur de la formation du pus, au sein même des vaisseaux lymphatiques, j'invoquerai : i° une observation qu'on lira plus bas, dans laquelle je trouvai pour toute lésion du pus dans les vaisseaux lymphatiques, sans la moindre trace, soit de péritonite, soit d'altération du tissu propre de l'utérus ; i° j'invoquerai sur-tout cet autre fait qui est le résultat d'un grand nombre d'observations ,

savoir que dans le cas où les malades, ayant résisté aux accidents primitifs, ont succombé aux accidents consécutifs, on trouve aux angles supérieurs de l'utérus, le long de ses bords , en un mot dans les régions où se voit le plus habituellement du pus, de petits foyers remplis de pus demi-concret. Or, n'est-il pas évident que cette altération présuppose un état pathologique, et qu'un liquide pathologique physiologiquement absorbé, au lieu de former ainsi des foyers, circulerait purement et simplement dans les voies de la circulation lymphatique.

XVII. Si la question relative à la source du pus contenu dans les vaisseaux lymphatiques peut être considérée comme une question dont la solution intéresse bien davantage la théorie que la pratique, il n'en est pas de même de la question relative aux effets de la présence du pus dans cet ordre de vaisseaux. Nous l'avons dit (XIe livr.) à l'occasion de la phlébite, toutes les fois qu'une veine enflammée arrive à suppuration, ou plus généralement, toutes les fois qu'il existe du pus dans une veine, si l'oblitération du vaisseau au-dessus et au-dessous, si l'oblitération de toutes les voies collatérales n'interceptent pas complètement toute circulation du pus contenu dans ce vaisseau, il y a infection du sang; le pus arrêté dans telle ou telle partie du système capillaire, agit à la manière d'un corps étranger, et produit des phlébites secondaires, qui ont pour résultat ces abcès multipliés du foie, des poumons qui éludent tous les efforts de l'art. En serait-il de même de la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques ? Le sang serait-il infecté par le pus lymphatique, de même qu'il l'est par le pus veineux ?

XVIII. L'observation me parait répondre négativement. Les liquides en circulation dans le système lymphatique, n'arrivent pas en effet directement dans le sang: ils traversent nécessairement un ganglion lymphatique, ou même plusieurs ganglions lymphatiques, espèces de filtres vivants, où le liquide est en quelque sorte jugé et le plus souvent arrêté? lorsqu'il possède des qualités délétères. Voyez, en effet, ce qui arrive tous les jours, à la suite des piqûres envenimées, dans les amphithéâtres de dissection. Les vaisseaux lymphatiques qui répondent à la petite plaie, s'enflamment, mais rarement se déclare-t-il des symptômes généraux : le ganglion est une barrière à l'infection. Lorsqu'existent des symptômes généraux, rien ne prouve qu'ils aient été le produit de la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques.

XIX. Le fait indiqué plus haut, savoir : la présence d'un pus concret chez les malades qui ont résisté aux accidents primitifs , semblerait dénoter qu'il se passe dans les vaisseaux lymphatiques quelque chose de semblable à ce qui se passe dans la phlébite circonscrite, c'est-à-dire que le pus finit par être absorbé complètement. La concentration, la solidification du pus attestent en effet le phénomène de l'absorption. L'absorption s'opère donc dans les vaisseaux absorbants eux-mêmes.

XX. Il suit de cette discussion t que dans les cas où l'on rencontre du pus dans les vaisseaux lymphatiques, il est probable que ce pus a été formé au sein même des vaisseaux, dans un point plus ou moins rapproché de leur origine, par suite d'une phlébite lymphatique ; mais que le pus une fois formé peut circuler dans les vaisseaux sains, jusqu'à une distance plus ou moins considérable. Il serait d'ailleurs possible que dans la phlébite lymphatique, comme d'ailleurs dans la phlébite veineuse, le pus fût tantôt circonscrit par l'inflammation adhésive dans le lieu de son origine $ et tantôt libre, en circulation dans le vaisseau.

XXL Les questions de thérapeutique, relatives à la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques, sont encore prématurées, il faudrait, pour les résoudre d'une manière satisfaisante, que cette présence du pus fût constatée par des symptômes bien tranchés, susceptibles d'être démêlés au milieu des autres symptômes ; il faudrait sur-tout que la question de savoir si cette présence tient à l'inflammation ou à l'absorption eût été décidée d'une manière péremptoire.

XIIIe LIVRAISON. 3

Les observations suivantes donneront une idée de ce terrible typhus puerpéral, dans lequel on trouve si souvent l'altération représentée planches i, 2, 3, XIIIe livraison; elles seront suivies d'une observation, la seule de ce genre qu'il m'ait été donné de rencontrer , dans laquelle la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques était la seule altération cadavérique.

Observation de typhus puerpéral mortel en r/uarante-huit heures. Péritonite. Infiltration purulente du tissu cellulaire sous-péritonéal. Présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques.

Lanfray, 27 ans, d'une forte constitution, accouche le 21 février 1831, époque où régnait le typhus puerpéral dans toute son intensité: état satisfaisant les trois jours suivants. On me fait voir, pour la première fois, cette malade le 24. Elle accusait une douleur hypogastrique assez vive; pouls à 140, peu résistant; bouche amère; dévoiement; envies de vomir. Pronostic très-grave fondé en grande partie sur la fréquence du pouls.

Prescription : Trente sangsues sur l'épigastre9?£Kiv grains ipécacuaixha. Dans la journée, bain de siège qu'on animera, au bout d'une heure , avec de lafarine de moutarde ; frictions à la partie interne des cuisses et sur l'abdomen, avec une once d'onguent napolitain ; chiendent gommé pour boisson.

A la visite du soir, vomissements et selles répétées ; hypogastre moins sensible que le matin ; pouls grêle, très fréquent. Cette malade me paraît perdue.

Le 25. Abdomen tendu, excessivement et généralement douloureux -, respiration courte, anxieuse, arrêtée par la douleur abdominale. (( La poitrine se ferme, disait cette malheureuse, soulagez-moi ou je meurs faute d'air. » Facultés intellectuelles dans Pétat le plus parfait d'intégrité.

F'ésicatoires à la partie interne des cuisses. Synapismes. Frictions avec trois onces d'onguent napolitain. Mort pendant la nuit.

Ouverture du cadavre. Péritonite caractérisée par de la sérosité trouble et des flocons albumi-neux ; infiltration de pus dans le tissu cellulaire sous-péritonéal de la fosse iliaque gauche. L'infiltration se continuait, d'une part, le long de la veine ovarique gauche jusqu'au rein; d'une autre part, dans le tissu cellulaire qui recouvre le col de l'utérus, et particulièrement dans celui qui unit le vagin à la vessie. Les parois du vagin elles-mêmes étaient pénétrées de pus dans toute leur épaisseur et dans la moitié supérieure de la longueur de ce canal.

Les vaisseaux lymphatiques qui longent les côtés de l'utérus, ceux qui rampent dans l'épaisseur des ligaments larges, le long des trompes et des ovaires étant pleins de pus, on suivait le pus jusqu'aux ganglions lymphatiques lombaires qui étaient eux-mêmes injectés. En incisant Putérus au moyen de l'insertion des trompes, on voyait un très grand nombre d'orifices béants appartenant aux vaisseaux lymphatiques (voyez pl. I et III). Les veines utérines étaient parfaitement saines.

Réflexions. La fréquence considérable dans le pouls est un signe presque constamment mortel dans le typhus puerpéral. Tel est le caractère de gravité de cette maladie, que, malheureusement, je ne me suis jamais trompé dans un pronostic funeste; tandis que mes espérances ont été bien souvent déçues.

On conçoit combien, au milieu d'altérations aussi multipliées, il est difficile de déterminer le rôle qu'a pu jouer le pus contenu dans les vaisseaux lymphatiques.

Typhus puerpéral mortel en vingt-quatre heures. Péritonite. Inflammation du tissu cellulaire sous-péritonéal. Vaisseaux lymphatiques pleins de pus. Ramollissement d'un ovaire.

MmC....., d'une forte constitution, accouche heureusement dans la nuit du 7 au 8 janvier 1851.

(1) Cette femme appartient à une série de douze femmes accouchées le même jour, dont six sont mortes. Il arrive souvent dans le cours d'une épidémie, que toutes les malades qui accouchent le même jour et qui ont été soignées par la même série d'élèves, sont très gravement prises et succombent; tandis que le même jour toutes les malades accouchées par une autre série d'élèves, au milieu de circonstances absolument les mêmes, sont toutes respectées.

Le 8, sur le soir, après la visite, elle est prise de frisson et de douleur abdominale. On applique quarante sangsues sur Phypogastre, et plus tard quinze à la vulve.

Je ne la vis que le lendemain 9 : elle était à l'agonie. Extrémités froides ; lèvres violettes ; point de pouls; point de conscience de son état. L'abdomen était volumineux, mais la malade ne manifestait aucune douleur par la pression.

Je prescrivis, pour l'acquit de ma conscience, deux vésicatoires à la partie interne des cuisses, huit grains de kermès minéral dans une potion. Elle mourut dans la journée. D'après les renseignements cjue j'ai recueillis, l'évacuation du sang obtenue par les sangsues, avait été très-considérable, et on avait eu beaucoup de peine à l'arrêter.

Ouverture du corps, dix-huit heures après la mort.

Sérosité légèrement sanguinolente dans la cavité du péritoine; dans le bassin, au fond du cul-de-sac qui sépare Putérus du rectum, il y avait un peu de pus bien lié.

L'utérus était très volumineux, et s'élevait de beaucoup au-dessus du détroit supérieur.

Le tissu cellulaire sous-péritonéal, qui répond au cœcum et au colon ascendant, était infiltré de pus : on voyait, le long de la veine ovarique gauche, des vaisseaux lymphatiques d'un volume extrêmement considérable, moniliformes, pleins de pus, lequel n'arrivait pas jusqu'aux ganglions lombaires, et disparaissait brusquement au niveau de l'extrémité inférieure du rein droit, en sorte que les ganglions lombaires n'étaient nullement injectés.

Les ligaments larges étaient infiltrés d'une matière trouble, séro-purulente, au milieu de laquelle se voyaient une foule de vaisseaux lymphatiques pleins d'un pus jaunâtre. L'infiltration purulente occupait encore le tissu cellulaire sous-péritonéal du col de l'utérus, et se prolongeait entre la vessie, d'une part, le col de l'utérus et le vagin, de l'autre.

L'ovaire gauche, volumineux, était d'une mollesse telle que le moindre contact a suffi pour le déchirer.

Le canal thoracique était vide.

Dans l'observation précédente, le pus était parfaitement formé au bout de vingt-quatre heures de maladie. Dans celle qui suit, il l'était tout aussi bien, et cependant la maladie n'avait duré que quinze heures; mais il est probable que l'inflammation avait précédé l'accouchement. Ce n'est pas la première fois que j'ai pu m'assurer qu'on attribue souvent à une maladie postérieure à l'accouchement, une lésion qui lui est antérieure.

Typhus puerpéral mortel en quinze heures. Péritonite purulente. Vaisseaux lymphatiques pleins de pus. Ramollissement aigu avec mélanose du poumon.

Croisier? âgée de vingt ans environ, fille idiote, grosse de huit mois environ, entrée à la Maternité le 17 janvier 1831 ( au plus fort de l'épidémie) ; le 20, elle éprouve des douleurs abdominales qui s'accompagnent de fièvre. La douleur et la fièvre persistent jusqu'au 25 qu'elle accouche d'un enfant mort.

On me montre cette malade le 26 pour la première fois : elle est mourante; le pouls est insensible, les yeux sont largement ouverts ; elle n'a pas la conscience de son état et sourit en me regardant; je vais aux renseignements, on me donne ceux cpii précèdent.

Prescription : Cataplasmes synapisés ci la partie interne des cuisses. Potion avec camphre et éther.

Mort pendant le jour, quinze heures après l'accouchement. D'après les commémoratifs , j'avais annoncé que la péritonite était antérieure à l'accouchement.

Ouverture du cadavre. Le péritoine contient une grande quantité de pus blanc, aussi bien lié que celui qui sort de l'ouverture d'un abcès phlegmoneux.

Les vaisseaux lymphatiques qui longent les bords de l'utérus, ceux qui occupent l'épaisseur des ligaments larges, ceux qui émargent des angles supérieurs de l'utérus, sont pleins de pus.

Les poumons m'ont offert une altération singulière, que je n'ai vu décrite nulle part et qui figurera dans une prochaine livraison. Cette altération, qui régnait dans les trois quarts postérieurs du lobe inférieur du poumon gauche, consiste dans un ramollissement tel que le moindre contact déchire l'organe et le réduit en lambeaux. La couleur n'est pas moins remarquable : elle est d'un noir,'d'ardoise foncé, et une grande quantité de liquide de même couleur est infiltrée et même épanchée dans une cavité creusée au milieu de cette masse ramollie.

Il y a donc ramollissement et pulpe, couleur noire, et cependant ce n'est pas la gangrène; car il n'y a

pas d'odeur gangreneuse, pas de décomposition putride ; le poumon est imprégné, dans toute son étendue, de l'odeur du camphre. J'ai teint avec le liquide exprimé de ces poumons le mur de l'amphithéâtre ; la couleur ne s'est pas effacée : c'est un ramollissement aigu avec mélanose.

Dans l'observation suivante, la maladie a présenté une plus longue durée. La gravité qui se cachait derrière des symptômes d'une apparente bénignité, a été trahie par Tétât du pouls. Le traitement par l'ipécacuanha a échoué comme échouent tous les modes de traitement connus dans cette cruelle affection.

Typhus puerpéral. Mort au bout de cinquante heures. Péritonite purulente. Infiltration de pus dans le tissu cellulaire sous-péritonéal. Vaisseaux lymphatiques pleins de pus. Pus dans la trompe utérine. Ramollissement de Vun des ovaires. • *

v os

Michel (Adélaïde), 50 ans, bien constituée, grosse pour la troisième fois, entre à la Maternité le 9 février 1831. Sa grossesse a été rendue très pénible par des vomissemens opiniâtres et des douleurs dans les reins et l'hypochondre droit : accouchement naturel a terme le 11 février à cinq heures du matin, après un travail de onze heures ; le même jour, à onze heures du soir, frisson d'une heure après lequel la malade reposa parfaitement ; à cinq heures du matin, douleurs abdominales et sur-tout hypogastriques. Je vis la malade à huit heures; elle était dans l'état suivant :

Pouls extrêmement fréquent à 180, et dépressible ; face altérée; la malade n'accuse aucune douleur; cependant l'abdomen est médiocrement sensible à la pression ( l'utérus est incliné à gauche): trois selles en diarrhée ; soif vive; respiration bonne ; facultés intellectuelles dans l'état le plus parfait d'intégrité ; les lochies sanguinolentes coulent abondamment. Pronostic aussi fâcheux que possible. Je n'ai vu guérir aucune des malades dont le pouls a présenté immédiatement une fréquence aussi considérable et ce caractère de dépressibilité. Le mauvais effet ou l'inutilité des évacuations sanguines dans des cas analogues, et même généralement dans tout le cours de l'épidémie de typhus puerpéral, était un fait arrêté par moi ; j'étais à la recherche d'une autre méthode thérapeutique? l'ipécacuanha si prodigieusement vanté par Doulcet et Doublet, et depuis par bien d'autres praticiens, fut administré successivement à une nombreuse série de malades, et, comme la saignée, il échoua complètement toutes les fois que la maladie présenta un caractère de gravité bien prononcé. La malade qui fait le sujet de cette observation, vint grossir le nombre des cas malheureux.

Prescription -.Lpécacuanha, xxiv gr. Irrigations utérines pratiquées avec lblitresd'eau émolliente. Bain entier, de trois heures. Le soir, bain de siège ; on ajoutera une demi-livre de farine de graine de moutarde. Frictions avec axonge camphrée sur Vabdomen. Cataplasme renouvelé toutes les trois heures. Gomme édulcorée, trois pots.

L'ipécacuanha ne fît pas vomir, mais provoqua plusieurs selles noirâtres d'une grande fétidité ; les dou~ leurs abdominaless'éveillent et sont soulagées par le grand bain où la malade peut rester trois heures sans fatigue. Les injections utérines ont été faites avec grand soin et ont paru soulager; le soir, le pouls était toujours très fréquent, mais plus résistant; les douleurs abdominales presque nulles; plusieurs selles en diarrhée ; soif très vive.

La nuit, les douleurs abdominales s'étant réveillées, elles ont été calmées par le bain de siège syna-pisé qui n'avait pas été donné le soir.

Le 13, à la visite du matin, la malade paraît mieux; Pabdomen n'est presque plus sensible à la pression ; le pouls est à 140°, mais toujours dépressible; face rouge; langue rouge à son limbe, blanche à sa face supérieure : deux selles en diarrhée; lochies sanguinolentes moins abondantes.

Prescription : Lpécac. xxtv grains, en trois doses. Bain de trois heures. Lrrigations utérines avec quinze litres d'eau. Bain de siège synapisé le soir.

Point de vomissements ; mais plusieurs selles en diarrhée à la suite de l'ipécacuanha. La malade n'a pu rester qu'une demi-heure dans le bain, à cause de sa faiblesse, et au sortir du bain elle a eu une syncope. Immédiatement après les injections utérines, frisson très-intense qui dure une demi-heure et est suivi d'une transpiration abondante. Le bain de siège synapisé ne peut être administré. Le soir, soif ardente ; agitation; faiblesse et fréquence du pouls. La nuit, à 11 heures, frisson d'une demi-heure, suivi d'agitation et de délire. Moitié 14, à 8 heures du matin, cinquante heures environ après l'invasion, soixante-huit heures après l'accouchement.

Ouverture du corps au bout de vingt-quatre heures: Un litre de se'rosité purulente dans la cavité' du péritoine; pus bien lié dans la cavité pelvienne, entre la vessie et l'utérus d'une part, entre le rectum et l'utérus d'une autre part. Les intestins présentent à leur surface des lignes ponctuées de rouge, dirigées suivant leur longueur.

Les intestins ayant été renversés à droite et le péritoine détaché par lacération, nous avons vu du pus infiltré dans le tissu cellulaire du petit bassin : l'infiltration s'étendait au-devant de la région lombaire, jusque dans l'épaisseur du mésentère.

Au milieu de cette infiltration, on suivait avec peine des vaisseaux lymphatiques pleins de pus, le long des veines ovariques, droites et gauches. L'injection purulente des vaisseaux lymphatiques m'a paru plus rare du côté gauche, que du côté droit.

De chaque côté de la ligne médiane, la face postérieure de l'utérus était parcourue par des lignes saillantes noueuses, disposées en réseau. Ces lignes saillantes étaient formées par des vaisseaux lymphatiques pleins de pus qui soulevaient le péritoine et la couche la plus superficielle du tissu de l'utérus. La ligne médiane seule était respectée : les troncs lymphatiques les plus volumineux longeaient les bords de l'utérus ; un grand nombre émergeaient des angles supérieurs de cet organe pour suivre la direction de la trompe, et se réfléchir ensuite de bas en haut le long des veines ovariques. Cette disposition est exactement celle représentée pl. 2. L'injection purulente était bornée aux vaisseaux lymphatiques superficiels. Les veines utérines étaient dans l'état le plus parfait d'intégrité.

Un des ovaires était volumineux, infiltré de pus et de sérosité, extrêmement ramolli et se déchirant avec la plus grande facilité.

Les trompes contenaient une assez grande quantité de pus de même qualité que le pus de la cavité pelvienne, en sorte qu'on pouvait se demander si la péritonite n'avait pas été le résultat de l'épanchement du pus de la trompe dans la cavité péritonéale.

Dans les observations que je viens de citer, il est bien difficile de faire la part de l'influence que la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques a exercée sur les symptômes et sur la terminaison funeste de la maladie. Des faits plus nombreux présenteraient des combinaisons nouvelles de la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques avec la péritonite, avec l'inflammation du tissu cellulaire sous-péritonéal, avec une pleurésie simple ou double, avec l'inflammation des muscles et des synoviales, sans jeter un nouveau jour sur la question qui nous intéresse en ce moment.

Il n'y a pas le moindre parallèle à établir pour l'aspect entre les vaisseaux lymphatiques utérins pleins de pus, et les veines utérines pleines de pus. Dans les veines, il y a toujours également trace d'inflammation : la veine est épaissie, fragile, souvent tapissée par une couche blanchâtre ou grisâtre; la couche utérine qui l'environne est injectée; dans les vaisseaux lymphatiques, si vous évacuez le pus, vous diriez des vaisseaux parfaitement sains. Si vous en exceptez la dilatation, c'est en général la même transparence, la même absence d'injection que dans l'état naturel.

Ce sont sans doute des vaisseaux lymphatiques pleins de pus, et non point des veines, qu'avait vus mon ami le professeur Dugès (i) , lorsqu'il parle de ces veines pleines de pus, qui ne présentaient ni rougeur, ni épaississement, et lorsque, distinguant cette altération de celle qui est la suite d'une vraie phlébite, il admet que le pus est porté dans ces veines par une véritable absorption. Mais que devient le pus contenu dans les vaisseaux lymphatiques ? Les observations suivantes répondront à cette question.

Péritonite pseudo-membraneuse latente. Pus dans les vaisseaux lymphatiques. Double

pleurésie pseudo-membraneuse latente.

Briconne, âgée de 24 ans, accouche naturellement le 1er novembre 1851, de son second enfant; la montée du lait s'effectue. Son état ne paraît avoir aucune gravité; le 9 seulement, la malade présente des symptômes obscurs de péritonite : dix-huit grains d'ipécacuanha lui furent administrés.

Le 10, voyant cette malade pour la première fois (j'avais été forcé de m'absenter), je la trouvai au

(i) Voyez les excellents Mémoires sur la péritonite puerpérale , insères dans le Journal hebdomadaire, 1828, t. ier, eti83o,t. 6.

xine livraison. 4

plus mal* abdomen volumineux, médiocrement sensible à la pression; pouls petit, fréquent; respiration fréquente ; narines pulvérulentes. Je n'explorai pas le thorax.

Prescription : Trente sangsues sur l'hypogastre qui donnèrent toute la nuit. Injections utérines. Mains de siège. Cataplasmes émollients.

Le 11, la malade est dans un état désespéré. Face altérée; narines pulvérulentes; respiration fréquente ^ pouls petit, fréquent. M

Six grains tartre stibié, dans six onces d'eau, à prendre par cuillerées toutes les deux heures. Bain de siège émollient.

Point de vomissements. Agonie qui se prolonge jusqu'au 12, à 8 heures du matin.

Ouverture du cadavre : Péritonite pseudo-membraneuse; masses défausses membranes rassemblées comme par foyers entre les circonvolutions intestinales et entre les diverses parties du mésentère, entre le diaphragme et le foie et dans l'hypogastre. Zones d'injection le long des intestins.

Tissu cellulaire sous-péritonéal très-sain ; les vaisseaux lymphatiques qui répondentaux angles supérieurs de l'utérus étaient pleins de pus concret.

Le tissu de l'utérus est fragile ; l'ovaire droit est volumineux.

Poumons sains : double pleurésie pseudo-membraneuse.

La péritonite pseudo-membraneuse se manifeste très-souvent sous la forme latente: c'est le plus généralement la péritonite sans douleur. Elle est peut-être moins grave que la péritonite séreuse purulente ou séro-purulente.

La double pleurésie a été également pseudo-membraneuse et latente; elle a été consécutive. Il m'est arrivé bien souvent de voir une pleurésie simple ou double, enlever en vingt-quatre heures des malades qui avaient résisté à la péritonite. D'autres fois, le malade qui avait échappé à la péritonite, a succombé à une pleurésie chronique, au bout de 2, 3, 4 mois.

Le pus contenu dans les vaisseaux lymphatiques commençait à se concréter par l'absorption de sa partie la plus séreuse.

Dans d'autres cas, les femmes qui avaient résisté à la péritonite, ayant succombé au bout d'un temps plus ou moins long à d'autres maladies consécutives, j'ai rencontré le pus des vaisseaux lymphatiques, concret à la manière du mastic de vitrier, et tout annonce que plus tard l'absorption aurait été complète.

L'observation suivante établit que la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques, peut avoir lieu sans péritonite, sans inflammation du tissu cellulaire sous-péritonéal et même sans inflammation du tissu propre de l'utérus et des trompes.

Fièvre puerpérale. Mort le neuvième jour. Pour toute lésion cadavérique, pus dans les

vaisseaux lymphatiques.

Girardot (Marguerite) 56 ans, fortement constituée, entrée à la Maternité le 2 mai 1831, accouche le même jour après un travail de neuf heures (l'épidémie avait complètement cessé) ; état très satisfaisant le 5 et le 4, matin : le soir du 4, frisson qui dure une demi-heure et est suivi de sueur et de céphalalgie.

Le 5, à la visite, fréquence dans le pouls; la compression exercée à la région hypogastrique y développe une légère sensibilité.

Prescription : 50 sangsues. Cataplasmes émollients. Bain de siège; gomme édulcorée. Diète. Le soir, vomissements de matières verdâtres, plusieurs selles en diarrhée.

Le 6, pouls fréquent, développé; face rouge ; céphalalgie intense; hypogastre douloureux à la pression : la toux et les mouvements y développent delà sensibilité; soif; chaleur; sécrétion laiteuse.

Saignée au bras. Bain de siège émollient. Cataplasme émollient. 20 sangsues conditionnelles, qui furent appliquées.

Le 7, céphalalgie moindre; vomissements bilieux; douleur à l'hypogastre et à la fosse iliaque gauche; pouls fréquent à 128 : les nausées , les efforts de vomissements et les vomissements surviennent au moindre mouvement, à la moindre ingestion de boisson.

20 sangsues. Bain de siège émollient. Potion avec bi-carbonate de soude. Limonade citrique.

Les 8, 9, 10, point d'amélioration ; face altérée, jaunâtre, douleur légère et tuméfaction à la région

13e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DE L'UTÉRUS.

hypogastrique et sur-tout à gauche ; il faut une pression assez forte pour développer la sensibilité. Du reste, l'abdomen n'est nullement ballonné. Le pouls est faible et fréquent, à 128-Demi potion calmante pour la nuit. Bain de siège.

Le 11, la malade se croit très bien, demande instamment à manger; loquacité ; je suis obligé de lui imposer silence. Le pouls est petit, fréquent, à 128; Fabdomen est volumineux mais souple, indolent. Plus d'envies de vomir, trois selles en diarrhée.

Demi-potion calmante. Trois bouillons. Confitures. Bain de siège.

Le soir, pouls extrêmement petit et fréquent; agitation pendant la nuit; insomnie; une selle en diarrhée.

Le 12, le pouls est devenu misérable, il est d'ailleurs extrêmement fréquent ; abdomen insensible à la pression, léger délire.

Potion avec sulfate de quinine, 12 grains. Deux vésicatoires ci la partie interne des cuisses.

Le 13, délire violent qui oblige de fixer la malade dans son lit; ce délire est diminué à l'aide d'une potion calmante; mort à huit heures du soir, le onzième jour de l'accouchement et le neuvième de l'invasion.

Ouverture du cadavre le 14 matin, douze heures après la mort : Point de péritonite ; point d'inflammation du tissu cellulaire sous-péritonéal. Les vaisseaux lymphatiques superficiels de l'utérus forment des cordons noueux le long des faces et des bords de cet organe et le long de la veine ovarique du côté gauche. Le pus cesse brusquement dans cette veine au niveau du détroit supérieur et par conséquent n'atteint pas les ganglions lombaires. Ces vaisseaux ouverts donnent issue à un pus qui jouit d'une certaine consistance, et au milieu duquel se voient quelques concrétions blanchâtres élastiques, assez semblables au coagulum qu'on rencontre dans les veines. Plusieurs de ces vaisseaux lymphatiques aboutissaient aux ganglions qui occupent le trou sous-pubien. Les parois des vaisseaux étaient entourées d'un tissu cellulaire dense, et les orifices des coupes de ces vaisseaux ne s'affaissaient pas complètement.

En coupant l'utérus par couches minces successives, on voyait une multitude d'ouvertures pleines de pus ; ces ouvertures appartenaient, non à des veines, mais à des vaisseaux lymphatiques, lesquels formaient des aréoles entre les diverses couches de l'utérus. Les veines étaient dans l'état le plus parfait d'intégrité.

La face interne de l'utérus, les cotylédons utérins étaient recouverts d'une couche noirâtre pseudomembraneuse ; les veines de ces cotylédons étaient remplies de sang.

Les ovaires, les trompes, tous les organes de l'abdomen du thorax et le cerveau, étaient dans l'état le plus parfait d'intégrité.

L'observation qu'on vient de lire est le seul exemple que j'aie rencontré de maladie puerpérale mortelle, offrant pour toute lésion du pus dans les vaisseaux lymphatiques utérins; mais, quoique unique, cette observation n'en prouve pas moins : i° que le pus peut exister dans les vaisseaux lymphatiques utérins, indépendamment de la péritonite, de toute inflammation du tissu cellulaire sous-péritonéal, du tissu propre de l'utérus, des ovaires et des trompes; i° que la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques, doit être considérée comme la conséquence, non de l'absorption de ce liquide, mais de l'inflammation propre de ces vaisseaux.

Quant au diagnostic de cette maladie, il est bien difficile de l'établir d'après un seul fait. L'absence des signes de la péritonite, une douleur hypogastrique légère , des nausées , des vomissements; voilà des symptômes bien vagues. Cette maladie se confond par ses symptômes, soit avec la phlébite, soit avec la péritonite circonscrite. Le traitement applicable à l'une ou l'autre de ces lésions doit convenir d'ailleurs à l'inflammation des vaisseaux lymphatiques.

MALADIES DE L'UTÉRUS»

Tumeurs fibreuses avec kyste séreux de l'utérus coïncidant avec un renversement du vagin (i). Alongement remarquable avec hypertrophie de Vutérus, pl. IV, XIIIe livr.

Lorsqu'une tumeur fibreuse se développe dans l'utérus d'une femme préalablement affectée d'un renversement du vagin , il semble , au premier coup d'œil, qu'elle doive

[i) Pièce communiquée à la Société anatomique par M. Lenoir, aide d'anatomie de Ja Faculté.

exercer sur ce renversement la même influence que la grossesse, c'est-à-dire que dans son accroissement progressif, elle tendra à en opérer la réduction, excepté dans le cas où le prolapsus est complet. L'utérus figuré pl. IV, qui présente la coïncidence d'une tumeur fibreuse très - considérable, avec un renversement du vagin, est en opposition avec les prévisions du raisonnement, et cependant il n'existait aucune cause particulière qui parût s'opposer à la réduction du vagin renversé.

La surface du vagin renverse' V R , e'tait recouverte par un e'piderme épais qui se prolongeait manifestement sur le museau de tanche M où il se terminait par un bord dentelé. Des plaques irrégulières d'épiderme épaissi se voyaient sur la paroi postérieure du vagin.

Du museau de tanche part un long canal qui, au premier coup d'œil, représente la partie spongieuse de l'urètre, c'est le col utérin C U prodigieusement alongé, qui présente à sa face interne, des lacunes L,L,L, tout-à-fait semblables aux lacunes du canal de l'urètre chez l'homme. Les parois de ce col sont amincis et ramollis.

De la cavité du col, on arrivait sans intermédiaire dans la cavité du corps de l'utérus dont les parois épaissies, vasculaires, hyperthrophiées comme dans la grossesse, contenaient plusieurs tumeurs fibreuses d'inégal volume, qui se séparaient par une véritable énucléation.

La tumeur fibreuse principale TF, qui occupe le fond de l'utérus, est développée dans l'épaisseur de cet organe, elle lui adhère par des liens celluleux faciles à déchirer.

Un kyste se'reux considérable, RS, KS prolongeait en haut cette tumeur dont il quadruplait le volume. Ce kyste semblait formé dans l'épaisseur de la tumeur fibreuse, dont la substance ou trame était à nu dans l'intérieur du kyste. Les parois de ce kysle étaient formées de deux feuillets, l'un intérieur mince, d'apparence séreuse, l'autre extérieur fibreux, très-dense, se continuant avec le tissu propre de l'utérus dont il était peut-être une dêgénération.

Réflexions. i° Aucun tissu n'est plus extensible, plus malléable que le tissu de l'utérus, lorsqu'il a subi le ramollissement qui accompagne constamment son hypertrophie. Il s'alonge, s'étend dans tous les sens, et ce n'est que lorsque sa distension est portée outre mesure, qu'à l'hyperthrophie succède l'atrophie, et qu'on le voit se tranformer en une membrane fibreuse qui enveloppe les tumeurs fibreuses comme dans un kyste.

i° Une tumeur fibreuse s'accompagnant constamment de l'hyperthrophie du tissu de l'utérus, et se développant en outre avec beaucoup de lenteur, on conçoit dans ce cas l'alongement graduel et la non réduction de l'utérus.

3° La coexistence d'un kyste séreux et d'une tumeur fibreuse de l'utérus, l'un et l'autre occupant la même coque, est un fait remarquable. Il trouve son explication dans d'autres observations où les tumeurs fibreuses étaient infiltrées d'une quantité plus ou moins considérable de sérosité, et où cette sérosité faisait collection dans un ou plusieurs points.

Utérus cloisonné dans toute sa longueur ( Planche Ve, XIIIe livraison ).

L'utérus représenté appartenait à une femme qui a succombé au typhus puerpéral.

La figure 1 montre cet utérus vu à l'extérieur et par sa face postérieure. Le côté droit U' est beaucoup moins développé que le côté U, les deux orifices utérins OU, O' U' sont dans les mêmes proportions que les côtés correspondants de l'utérus.

La figure 2 représente le même utérus ouvert par sa face antérieure. Une cloison verticale C C sépare la cavité utérine en deux poches parfaitement distinctes, l'une droite plus petite, et l'autre gauche plus considérable. C'est dans cette dernière que s'était développé le produit de la conception, on voit des cotylédons utérins, dans le lieu d'insertion du placenta.

Réflexions. Les exemples d'utérus cloisonnés sont beaucoup plus rares que les exemples d'utérus bifides. La science n'en possédait peut-être qu'un seul cas, successivement figuré par Grauel, Eisenmann et M. Lauth fils, et que j'ai reproduit ( fîg. 5, pl. V, IVe livraison. ) Encore, dans ce cas, l'utérus était-il seulement cloisonné dans son corps.

On voit que la cavité utérine vide avait participé au développement de celle qui contenait le produit de la conception, et sous ce point de vue, les utérus cloisonnés diffèrent

MALADIES DE L'UTÉRUS.

( Utérus Cloisonné.)

13e. Livraison. Pl. 5.

13e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DE L'UTÉRUS

(Tumeurs Fibreuses)

essentiellement des utérus bifides; car nous avons vu, dans un cas d'utérus bifide observé quelques jours après l'accouchement (fig. a, même planche, même livraison), que la division vide avait conservé les caractères d'un utérus étranger au travail de la grossesse ; il n'y avait, dans l'un et l'autre cas, adÉun vestige de membrane caduque. Il n'est peut-être pas sans intérêt de rapprocher de ces faits deux cas de grossesse extra-utérine , avec absence complète de membrane caduque, que j'ai eu lieu d'observer dans la cavité de la matrice.

Tumeurs fibreuses, pl. VI, XIIIe livr.

La fig. I représente ouvert, par sa face antérieure, un utérus dont le volume égale celui d'une femme arrivée au troisième mois de la grossesse. Une tumeur fibreuse considérable , TF, remplit sa cavité; cette tumeur est recouverte par une membrane extrêmement mince , formée aux dépens de la couche la plus superficielle de la paroi postérieure de l'utérus, PP,PP. Cette membrane, divisée verticalement, a permis Fénucléation facile de la tumeur à laquelle elle n'adhérait que par un tissu cellulaire lâche.

D'autres tumeurs fibreuses, moins volumineuses, sont situées, l'une sous le péritoine T*F', l'autre sous le péritoine dont elle est séparée par une couche mince du tissu de l'utérus, T'F" ; d'autres, t f, t'f, se voient dans l'épaisseur même de l'utérus, dont le tissu est ramolli et vasculaire, au même degré qu'un utérus du même volume chargé du produit de la conception.

De petites tumeurs polypeuses pédiculées, P,P,P, naissaient du col utérin, non loin de son orifice : on voit que le développement de l'utérus s'est opéré non-seulement aux dépens de son corps, mais encore aux dépens de la partie supérieure de son col.

Fig. 2. L'utérus représenté fîg 2. m'a été adressé par M. le docteur Battaille, avec les renseignements suivants :

Une femme avait éprouvé, à l'âge de quarante-quatre ans, pendant la menstruation , une frayeur très vive qui supprima les règles sans retour. Un an après, on reconnut une tumeur qui faisait saillie au-dessus du pubis. A cette même époque, il se manifesta une perte considérable, précédée et accompagnée de douleurs hypogastriques et lombaires très vives. Depuis ce moment, la tumeur a continué de s'accroître; l'hémorrhagie et les douleurs se sont renouvelées à des intervalles variables, et ont menacé, à plusieurs reprises, les jours de la malade, qui a succombé, au bout de 48 heures, à une dernière hémorrhagie, accompagnée de douleurs excessives.

Le globe utérin présente, à peu de chose près , le volume qu'il a acquis chez une femme qui a atteint le neuvième mois de la grossesse.

Une coupe verticale, faite d'arrière en avant, comprend la paroi postérieure et la plus grande partie de l'épaisseur de la tumeur.

L'utérus, par l'épaisseur de ses parois, par la mollesse de son tissu, par le calibre des vaisseaux qui le traversent de toutes parts, représente , trait pour trait, l'utérus d'une femme à terme.

La cavité utérine était exactement remplie par la tumeur qui est développée dans l'épaisseur de la paroi antérieure, P A, et qui soulève une couche assez épaisse de cette paroi antérieure.

La coupe de la tumeur fibreuse, TF, présente un aspect particulier. On y voit çà et là des cavités, des espèces de géodes, C,C, remplies de sérosité; elle est traversée par des vaisseaux veineux très considérables, V, V, V, remplis de sang concret. Cette tumeur était ramollie ; les petites masses dont l'agglomération constitue les tumeurs fibreuses, étaient disjointes , et la sérosité remplissait leurs intervalles. La mollesse de la tumeur rendait son énucléation difficile ; cependant, on saisissait aisément la ligne de démarcation qui séparait le tissu utérin du tissu de la tumeur.

La source de l'hémorrhagie est évidemment dans les grands sinus utérins ouverts, VO, VO, qui occupent la partie inférieure de cette tumeur.

L Toute tumeur fibreuse qui se développe dans l'épaisseur de l'utérus, a pour résultat une hypertrophie et un ramollissement qui représentent exactement l'hyperthrophie et le ramollissement de cet organe pendant la grossesse.

IL Les tumeurs fibreuses qui se développent dans l'épaisseur de l'utérus, déforment diversement cet organe, au point qu'il est quelquefois difficile de se rendre compte de cette déformation et de retrouver la continuité du tissu de l'utérus. Les tumeurs fibreuses qui se développent sous le péritoine ou au voisinage du péritoine, soulèvent

Xllf LIVRAISON. 5

cette membrane, proéminent dans sa cavité, se détachent peu à peu de l'utérus, et deviennent pédiculées. De même, les tumeurs fibreuses qui se développent sous la membrane interne de l'utérus, ou au voisinage de cette membrane interne, proéminent dans la cavité utérine et tendent à se pédiculer. Si elles ne deviennent pas complètement pédiculées, cela tient à la résistance des parois de la cavité utérine qui se moule exactement sur elles et qui les maintient dans leurs rapports primitifs. Qu'on suppose un instant que la résistance du col utérin puisse être vaincue, le pédicule ne tardera pas à se former.

III. L'utérus dans lequel s'est développé un corps fibreux tend à s'en débarrasser; de là les douleurs lombaires et hypogastriques semblables à celles de l'enfantement, douleurs qui se renouvellent à des périodes plus ou moins considérables y et qui se calment par le repos et la saignée. Il y a sous le rapport des douleurs et par conséquent des contractions expultrices, des différences énormes entre les divers individus. Il n'est pas rare de rencontrer des cas de tumeurs fibreuses très-volumineuses, entièrement exemptes de semblables douleurs, tandis que, par opposition, de très-petites tumeurs sont la source des plus grandes incommodités. Il m'a paru que les tumeurs situées sous le péritoine, sont celles qui restent le plus ordinairement inaperçues, tandis que les tumeurs développées sous la muqueuse, et par conséquent qui prennent leur accroissement du côté de la cavité utérine, produisent les accidents les plus graves.

IV. On conçoit que la distension de l'espèce de coque qui recouvre le corps fibreux proéminent dans la cavité utérine, doive amener quelquefois l'inflammation, l'usure de cette coque et l'expulsion définitive de la tumeur. Il existe un assez grand nombre d'exemples de ces expulsions spontanées, qui sont toujours accompagnées d'accidents très-graves.

V. Un des cas les plus remarquables d'expulsion de corps fibreux que j'aie vus, a pour sujet une jeune femme qui fut prise , dix-neuf jours après un accouchement très-pénible , de douleurs absolument semblables à celles de l'enfantement, qui firent croire un instant aune superfétation. Après trois jours de phénomènes sympathiques, tellement graves qu'on désespérait de sa vie, la malade rendit trois corps assez consistants, aplatis, que l'on m'envoya pour avoir mon avis sur leur nature : il me fut facile de reconnaître des corps fibreux altérés. La malade s'est parfaitement rétablie.

VI. Les efforts d'expulsion peuvent avoir pour résultat le déchirement de la couche qui recouvre les tumeurs ; et si de gros vaisseaux se trouvent compris dans l'épaisseur de cette couche, une hémorrhagie mortelle peut en être la suite. Ces hémorrhagies peuvent se renouveler aussi souvent que se font les efforts d'expulsion, efforts qui, comme toutes les fonctions utérines, sont soumises à la loi de périodicité. J'ai donné mes soins à une femme de cinquante ans, dont la face et toute l'habitude du corps, à la suite d'hémorrhagies multipliées , présentaient cette teinte jaune-paille qu'on regarde comme caractéristique du cancer. Je fus assez heureux pour arrêter plusieurs fois par le tamponnement des hémorrhagies qui l'avaient réduite à la dernière extrémité. Prévenu trop tard, à une dernière crise, elle expira au moment où je me rendais auprès d'elle.

MALADIES DE L'ESTOMAC ET DES INTESTINS.

DU CHOLERA-MORBUS. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR CETTE MALADIE.

(xiVe LIVRAISON.)

I. Il serait difficile d'ajouter aux descriptions du choléra-morbus qui nous ont été données par les médecins de l'Inde. L'histoire de l'épidémie, l'irrégularité de sa marche géographique, les différences qu'elle a présentées dans les divers lieux et aux diverses époques où elle s'est manifestée, ses causes présumées, le tableau et la valeur clinique des symptômes et des différentes méthodes thérapeutiques ont été tracés avec tant de vérité, que les observations recueillies depuis à Moscow, à Varsovie, à Vienne, à Berlin, à Londres et à Paris, n'ont fait que confirmer et présenter sous des formes nouvelles les faits consignés dans les modestes bulletins des officiers de santé de Calcutta.

IL II ne saurait donc s'élever le plus léger doute sur l'identité absolue du choléra indien et du choléra européen : d'où la nécessité d'une cause commune grave, puissante, qui domine toutes les circonstances de race, de climats, de température, de saison et d'habitudes sociales; d'où l'opinion de l'importation de cette maladie en Europe par l'armée russe qui de l'Orient s'est précipitée sur la Pologne.

III. D'une autre part, l'identité du choléra épidémique qui désole encore une partie de l'ancien et du nouveau continent, i° avec le choléra signalé par Hippocrate et si bien décrit par Arétée , i° avec le choléra épidémique qui ravagea l'Europe en i534 sous le nom de trousse-galant, 3° avec le choléra épidémique de 1669 et 1676, dont Sydenham nous a tracé l'histoire, ne saurait être révoquée en doute. Le plus ou le moins de gravité dans les maladies n'établit pas de différences de nature ; et parfois le choléra sporadique de nos climats s'est élevé au degré d'intensité du choléra le plus manifestement épidémique (1). Il ne me paraît exister entre le choléra sporadique, que nous observons tous les ans dans les fortes chaleurs de l'été, et le choléra épidémique, d'autre différence que celle qui existe entre l'angine, la pneumonie sporadiques et l'angine et la pneumonie épidé-miques; différence qui est énorme sous le point de vue de la gravité, non moins que sous le point de vue thérapeutique.

IV. A côté de cette frappante uniformité dans les descriptions médicales, preuve irrécusable de la vérité de l'observation, il règne la plus grande divergence d'opinions sur les grandes questions, soit pratiques, soit scientifiques, relatives au choléra; parce que chacun cherche à faire rentrer cette maladie dans la doctrine qu'il s'est faite ou qu'il a adoptée, et même à la présenter, en raison de sa gravité, comme le critérium de cette doctrine.

V. Ainsi le choléra est-il épidémique? est-il contagieux? Quel rang doit-il occuper dans

(i) Il y a environ quatre ans, au mois d'août, j'ai été appelé en consultation par M. le docteur Jacob , auprès d'un malade logé rue de la Jussienne , que je trouvai dans l'état de choléra bleu, sans pouls, algide, et qui succomba quelques heures après notre réunion. Ce malade était venu à Paris pour se délasser de ses affaires. 11 avait pris le même jour une grande quantité de melon et une glace.

xive livraison. i

nos cadres nosologiques ? Est-ce un flux, une phlegmasie, un spasme, une névrose, une asphyxie, une fièvre pernicieuse algide ? Son siège est-il dans le sang, dans la membrane muqueuse gastro-intestinale, dans le plexus solaire, dans le centre cérébro-spinal, dans le cœur, dans le poumon? Le traitement antiphlogistique est-il la seule ancre de salut? est-ce, au contraire, le traitement stimulant ? Peut-on espérer d'arriver à un traitement spécifique ? ou bien le traitement du choléra se compose-t-il de l'application rationnelle et successive des moyens les plus opposés ? Voilà des questions fondamentales résolues bien diversement par les hommes de l'art. Et comme l'anatomie pathologique est invoquée à l'appui des opinions les plus divergentes, j'ai pensé qu'il serait utile de fixer par des figures exactes le tableau fugitif des altérations principales observées chez les cholériques. Les figures ont amené un texte qui se composera d'un certain nombre d'observations et de généralités qui en seront la conséquence immédiate. Les faits qui ont servi de base à ce travail ont été recueillis, pour la plupart, à l'ambulance de l'ancien Trésor, dont le service m'a été confié pendant tout le cours de l'épidémie.

On peut ranger sous trois chefs principaux toutes les maladies qui se rattachent au choléra, et qui ont été observées pendant l'épidémie.

i° Dévoiement cholérique et choléra léger.

i° Choléra moyen.

3° Choléra très grave asphyxique ou non asphyxique.

VI. Enfin, pour compléter ce tableau, il importe d'indiquer les divers phénomènes morbides observés chez un grand nombre d'individus qui, ayant échappé au choléra et même au dévoiement cholérique, n'en ont pas moins subi l'influence de la cause épidémique.

article ier De Vinfluence épidémique sur les individus non atteints de choléra.

I. Si nous n'avons vu échapper complètement à l'influence épidémique qu'un si petit nombre d'individus, cela tient peut-être en partie à une foule de circonstances étrangères au fond de la constitution médicale elle-même. Les affections morales de toute espèce, la frayeur, assurément trop motivée, qu'alimentait si bien la lecture quotidienne des journaux politiques, et pendant un temps la rencontre terrible de ces voitures tendues de noir, parcourant les rues et recevant dix, quinze, vingt, jusqu'à trente morts; les précautions exagérées, souvent niaises, presque toujours nuisibles, dont s'entouraient non-seulement les personnes aisées, mais encore toutes celles qui pouvaient dérober quelque chose à leurs besoins les plus pressants; tous ces moyens préservatifs exploités par le charlatanisme et accueillis par la crédulité; le régime exclusivement échauffant, officiellement proclamé, mis à l'ordre du jour, et employé dans toute sa rigueur, même parles individus soumis depuis longues années à un régime tout opposé ; voilà sans doute la raison suffisante de tous ces malaises poussés quelquefois jusqu'à la syncope, de tous ces dérangements de santé convertis par la peur en un danger pressant, pour lesquels on venait nous arracher pendant la nuit aux quelques heures de sommeil que nous permettaient nos occupations, ou nous enlever à des malades dont la situation grave aurait nécessité notre présence.

II. Une circonstance qui n'a pas peu contribué à multiplier les maladies, ce sont ces instructions populaires pour le traitement du choléra, répandues dans le public par milliers et sous toutes les formes, si bien que chaque famille, pourvue des drogues prescrites, se croyait en mesure d'appliquer les remèdes au moment de l'invasion. Je ne saurais raconter ici tous les cas où, à l'apparition du plus léger malaise, d'un spasme souvent causé par la frayeur, toute la famille en émoi entourait le prétendu malade de sacs de son brûlant, l'accablait de couvertures et provoquait des sueurs excessives par des vapeurs de vinaigre

versé sur une brique chaude ou rouge : en même temps la menthe poivrée, l'ammoniaque, l'éther simple ou camphré , le laudanum étaient employés à l'intérieur avec la témérité de l'ignorance; si bien que le médecin appelé éprouvait un moment d'hésitation pour distinguer cette maladie factice d'une maladie réelle. La suppression de tous ces moyens incendiaires ne suffisait pas toujours pour en dissiper les effets.

III. L'influence épidémique, secondée par tant d'autres influences, s'est manifestée diversement : tantôt par des symptômes nerveux, tels qu'étourdissements, vertiges, sentiment de lassitude, d'engourdissement, de fourmillement; crampes, inaptitude à toute espèce de travail manuel ou intellectuel; tantôt par un accès fébrile de vingt-quatre à quarante-huit heures, par une fièvre continue sans symptômes locaux prononcés, suivie d'un malaise , d'une anorexie, qui n'ont cédé qu'au régime le plus sévère. Le plus souvent les fonctions digestives ont été troublées : en aucun autre temps, on n'a vu un plus grand nombre de malaises épi gastriques, d'embarras , de spasmes pharyngien ou œsophagien, d'anorexie, de vomissements et de diarrhées bilieuses, de nausées, de borborygmes , de coliques. Obligé de donner, à la Maternité, des purgatifs dans certaines maladies puerpérales, je voyais demi-once d'huile douce de ricin provoquer des superpurgations. Beaucoup de gastrites, beaucoup d'entérites, peu graves en apparence, ont été remarquables par leur ténacité, par leur facilité à se reproduire à l'occasion de la plus simple erreur dans le régime. Plusieurs se sont terminées d'une manière fâcheuse.

IV. Irritation de Vestomac. J'ai vu plusieurs individus, avec ou sans fréquence dans le pouls, se plaindre d'un sentiment d'ardeur, de sensibilité, ou simplement d'embarras à l'épigastre, qu'augmentait une inspiration un peu profonde, en sorte qu'ils ne pouvaient pas respirer, en général, à fond : ils accusaient de la chaleur, de la douleur ou du malaise le long de l'œsophage et du pharynx. La soif était dirigée vers les boissons acides et froides. L'ingestion de la plus petite quantité de liquide leur faisait l'effet d'un morceau de plomb qui restait plusieurs heures sur l'estomac; en même temps, constipation, nausées, efforts de vomissements qui n'amenaient rien ou qui amenaient quelques mucosités. Une saignée générale, des sangsues à l'épigastre, des bains, l'abstinence de boissons, l'eau de Seltz à la glace, de petits morceaux de glace pris pour tout aliment et pour toute boisson, voilà les moyens qui m'ont le mieux réussi. Chez plusieurs, la langue qui était d'un rouge vif sur les bords et couverte d'un enduit saburral épais, à sa face dorsale, s'est complètement dépouillée par une sorte de desquamation. La convalescence a été longue et pénible.

V. Une forme plus intense de cette irritation gastrique est celle-ci. Angoisse continuelle dont le centre est l'épigastre, et qui tantôt se prolonge le long de l'œsophage, tantôt s'étend en cercle autour de la base du thorax; vomissements que provoquent le moindre mouvement, la moindre ingestion de liquide. La saignée, les sangsues à l'épigastre, les dérivatifs, soit à l'épigastre, soit aux extrémités inférieures, la glace, l'eau de Seltz à la glace par gorgées, et d'autres fois l'eau de poulet très chaude; dans certains cas, l'abstinence complète de boissons; dans d'autres cas, l'ingurgitation d'une très grande quantité de liquides pour opérer une sorte de lavage de l'estomac, ont été employés avec des résultats divers.

VI. Irritation de (intestin grêle. Chez d'autres, c'était sur l'intestin grêle qu'avait principalement frappé l'influence épidémique : coliques ombilicales et hypogastriques légères ou fortes, permanentes ou intermittentes, dégoût ou persistance de l'appétit, mais dépérissement, sentiment de tristesse, lassitude, constipation ou selles naturelles,point de fièvre ou seulement mouvement fébrile nocturne. Le traitement antiphlogistique, tel que sangsues répétées, bains prolongés, eau de poulet pour boisson, a quelquefois échoué, et après un, deux ou trois mois de langueur, de prétendues rechutes avec ou sans cause, l'estomac ou le gros intestin, qui avaient paru intacts jusque là, manifestaient leur participation à l'irritation de l'intestin grêle, soit par les vomissements, le hoquet, l'angoisse, soit par la diarrhée : le poids devenait fréquent, concentré, et les malades succombaient. A l'autopsie, rougeur de la muqueuse gastro-intestinale, remarquable par son étendue plus encore que par son

intensité II n'est peut-être aucune maladie plus insidieuse que cette inflammation subaiguë de l'intestin grêle; il n'en est pas qui exige plus de persévérance dans le traitement. Quelques praticiens m'ont assuré que l'ipécacuanba suivi de laxatifs leur avait parfaitement réussi dans des cas analogues. La stomatite survenant dans une période avancée, et résistant aux moyens accoutumés, m'a paru d'un très mauvais augure.

VIL Irritation du gros intestin. L'irritation du gros intestin, avec ou sans coliques, n'a pas été moins fréquente quç celle de l'estomac et de l'intestin grêle : elle s'est manifestée par un dévoiement bilieux, et m'a paru en général moins difficile à détruire que les précédentes. La diète, l'eau de riz, les bains, les lavements calmants, les potions calmantes et quelques sangsues à l'anus ont suffi dans l'immense majorité des cas.

VIII. Enfin, un grand nombre d'individus antérieurement affectés de ces nuances d'irritation, connues sous le nom de gastrites ou entérites chroniques , ont éprouvé dans les symptômes une recrudescence qu'il faut attribuer en grande partie aux modifications apportées dans leur régime habituel.

article i. Du dévoiement choléricjue et du choiera léger.

L Le dévoiement ne mérite le nom de cholérique que lorsqu'il est liquide, incolore, généralement inodore ou presque inodore, semblable pour l'aspect à du petit-lait trouble ou à de l'eau de riz dans laquelle nageraient des grains morcelés.

IL Les selles cholériques sont toujours précédées d'un nombre plus ou moins considérable de selles d'abord chargées de matières fécales ou d'aliments mal digérés, puis bilieuses.

III. L'absence complète de la matière colorante de la bile n'est pas nécessaire pour caractériser des selles cholériques : il suffit de selles aqueuses et floconneuses. Il est même des choléras dans lesquels la sécrétion biliaire paraît augmentée dans la même proportion que l'exhalation intestinale. Le mot de choléra qui veut dire flux de bile indique que les premiers observateurs n'ont vu que des cas de ce genre. Le docteur Good a récemment proposé, malgré le pléonasme, de caractériser l'espèce bilieuse par la dénomination de choléra bilieux. C'est la forme de choléra que provoque le plus habituellement les médicaments irritants; c'est celle que nous observons le plus souvent pendant les fortes chaleurs de l'été.

IV. Les selles cholériques sont quelquefois d'une abondance excessive; c'est une véritable sueur intestinale. Les malades remplissent de pleins vases de nuit, et le liquide s'échappe à la manière d'un lavement. L'émission du liquide peut se faire avec ou sans coliques, avec ou sans épreintes. Quelquefois aux selles cholériques succèdent des selles muqueuses, sanguL nolentes ou non sanguinolentes avec épreintes, comme dans la dyssenterie. Ce cas m'a paru grave; il exige de la part du médecin une surveillance très attentive.

V. Les selles cholériques présentent les caractères suivants : i° Les flocons qui nagent dans les selles et qui se précipitent au fond du vase, ne sont autre chose que des mucosités épaissies et altérées, analogues à celles que l'on observe dans certains dévoiements dyssentériques ; ic le liquide, quelquefois aussi limpide que l'eau distillée, plus souvent trouble, qui forme la presque totalité des selles cholériques, a présenté tous les caractères physiques ou chimiques du sérum du sang. Ce fait coïncidant avec la diminution ou l'absence presque complète du sérum dans le sang des cholériques, a suggéré l'idée d'administrer des sels dans le choléra, et même de les injecter directement dans les veines.

VI. Traitement par Vopium. Le traitement du dévoiement cholérique est spécifique, c'est le traitement par l'opium. J'ai rencontré bien peu de dévoiements cholériques qui aient résisté à ce moyen convenablement administré. J'ai coutume de prescrire, i° des lavements ou plutôt des injections dans le rectum, avec cinq ou six cuillerées de solution d'amidon, et quatre gouttes de laudanum de Rousseau, ou dix à douze gouttes de laudanum de Sydenham ; ces lavements sont renouvelés toutes les deux ou trois heures ; i° une potion

avec eau de cannelle orgée, de menthe poivrée, de fleurs d'oranger, sirop d'éther aa une once; laudan. liquide Sydenham xxv gouttes; à prendre par cuillerées toutes les heures; 3° pour boisson, eau de riz gommée en petite quantité, ou décoction blanche sans cannelle. J'ai observé qu'à moins d'idiosyncrasie, une combinaison, mélange de stimulants et de calmants opérait de biens meilleurs effets que les stimulants et les calmants isolés.

VII. Influence de la température des lavements et des boissons. La température des lavements et des boissons me paraît un point fondamental dans le traitement. Les lavements frais ou frappés de glace ont eu des succès qui m'ont souvent étonné. Le hasard m'avait conduit depuis long-temps à leur emploi. Dans un de ces cas de choléra sporadique que nous observons tous les ans aux mois de juillet et d'août, l'opium ayant échoué , le malade qui éprouvait un sentiment de chaleur bridante, toutes les fois qu'il prenait un lavement tiède,imagina de prendre un lavement avec de l'eau froide; le dévoiement s'arrêta à l'instant même.

VIII. Un fait non moins important et que je dois encore au hasard , est l'efficacité des lavements pris à une température élevée. Une de mes malades avait un dévoiement cholérique très prononcé ; plusieurs moyens avaient échoué. Elle prend par mégarde un lavement très chaud qui lui fait éprouver un sentiment de brûlure, le dévoiement est arrêté. On verra plus bas que j'ai utilisé ce fait dans le choléra algide,

IX. A l'opium, aux lavements frais, on associera avec succès, dans un grand nombre de cas, les sangsues à l'anus ou sur le trajet du colon, à la manière de M. Broussais, les bains émollients, les cataplasmes émollients, et quelquefois l'abstinence de toute boisson. Je n'ai employé la saignée générale que dans le cas d'indications particulières.

X. Le dévoiement cholérique a été funeste, i° en passant à l'état chronique et en dégénérant en entérite, i° en se transformant en choléra.

XL Le dévoiement cholérique passé à l'état chronique ou dégénéré en entérite , doit être combattu par les moyens dirigés contre la diarrhée et l'entérite dans toute autre constitution médicale, tels que sangsues, bains émollients, potions opiacées, lavements opiacés, lavements froids, thériaque ou diascordium, administrés soit par le haut, soit par le bas, synapismes promenés sur les extrémités inférieures et quelquefois sur l'abdomen , diète absolue, traitement par la soif, décoction blanche sans cannelle pour toute boisson et pour tout aliment, et sur-tout deux vésicatoires à la partie interne des cuisses : c'est à ce dernier moyen que je rapporte en grande partie la guérison dans des cas de dévoiements chroniques très graves. Plusieurs praticiens se louent beaucoup de l'ipécacuanha à dose vomitive ou nauséeuse, de pilules avec ipécacuanha et opium, dusimarouba, de l'extrait de ratanhia. Je n'ai pas eu besoin de recourir à ces moyens dont les avantages ne m'ont pas paru suffisamment démontrés dans ce cas.

XII. Le dévoiement cholérique peut être porté à son summum sans devenir choléra. Ainsi j'ai vu des dévoiements considérables avec soif vive, amaigrissement extraordinaire qui s'opérait en quelque sorte à vue d'œil, anéantissement des forces porté jusqu'à la syncope, engourdissement des membres et même crampes légères, qui se sont terminés spontanément ; tandis que par opposition, nous voyons tous les jours les choléras les plus foudroyants succéder à quelques selles cholériques. J'ai vu un cas très grave de dévoiement cholérique qui fut précédé, pendant quelques jours , de diarrhée bilieuse, et suivi d'une diarrhée également bilieuse, à laquelle succéda une stomatite rebelle. Les pseudomembranes de la cavité buccale se renouvelaient incessamment, malgré l'emploi des barbarismes animés d'alun. Dans ce cas, la soif était insatiable, la bouche aride. Ce n'est qu'au bout de six semaines que le mieux s'est prononcé.

XIII. On pourrait diviser les dévoiements cholériques, i° en ceux qui ne sont pas susceptibles de dégénérer en choléra, si bien que les erreurs dans le régime ne semblent exercer sur eux aucune influence ; i° en ceux qui paraissent n'être que les symptômes précurseurs du choléra qui se déclare malgré les soins thérapeutiques les mieux dirigés, (ces deux espèces très rares peuvent être rangées parmi les cas exceptionnels); 3° en ceux

XIVe LIVRAISON. 2

qui, susceptibles de guérir sous l'action de moyens thérapeutiques convenablement administrés , dégénèrent par l'effet d'erreurs dans le régime : cette dernière espèce est incomparablement la plus fréquente.

XIV. Lors donc qu'on a guéri un dévoiement cholérique, on peut en général se flatter d'avoir prévenu le choléra. Je n'ai pas vu un seul dévoiement cholérique, convenablement traité dès le moment de l'invasion, qui ait dégénéré en choléra. Tous les praticiens s'accordent sur ce point, que les secours de l'art doivent être administrés immédiatement. Les journaux politiques n'auraient dû retentir que de ce conseil : « il faut appeler un médecin aussitôt qu'on éprouve la moindre indisposition, le moindre dévoiement, le moindre trouble dans les fonctions digestives : il faut surveiller même de simples borborygmes ». Ce conseil, une formule de potion et de lavements opiacés, des règles d'hygiène adaptées à la constitution et aux habitudes individuelles, voilà à quoi se sont bornées mes instructions pour les personnes qui m'honorent de leur confiance.

Ci-joint quelques observations qui compléteront le tableau que je viens de tracer du dévoiement cholérique ou choléra léger.

Dévoiement cholérique sans crampes arrêté immédiatement. .

Femme Burgaud, 26 ans, porteuse de pain, est conduite à l'ambulance le 8 mai 1832, à dix heures du matin. Depuis trois heures du matin, selles continuelles liquides avec coliques. Le besoin d'aller est si pressant j que le liquide s'échappe malgré elle pendant la marche et inonde ses vêtemens. Les selles présentent tout-à-fait le caractère cholérique. Grande faiblesse dans les jambes, mais point de crampes: la soif n'est pas vive; elle n'est pas dirigée vers les boissons froides.

Cette femme avait été portée à l'ambulance, dix jours auparavant, dans un état de syncope qui l'avait surprise dans la rue. Cette syncope reconnaissait pour cause un dévoiement considérable qu'une potion et un lavement opiacés avaient arrêté immédiatement. Depuis cette époque, la malade qui avait pourtant continué sa pénible profession, était courbaturée.

Prescription : Diète absolue : potion gommeuse avec viij gouttes de laudanum de Rousseau (ci prendre par cuillerées d'heure en heure. Quart de lavement frais avec amidon et iv gouttes de laudanum de Rousseau, toutes les deux heures. Eau de riz gommée très chaude pour boisson. Réchauffer la malade ci l'aide de boules , et s'il est nécessaire ci l'aide de l'appareil et vapeur.

Les selles sont arrêtées immédiatement. La potion et les lavements ont été éloignés. La malade est sortie le troisième jour.

XV. J'établis une très grande différence entre le dévoiement cholérique avec soif, et surtout avec soif dirigée vers les boissons froides, et le dévoiement cholérique sans soif ou avec indifférence sur la température des boissons. Dans ce dernier cas, la guérison est très rapide; dans le premier cas, elle annonce une irritation plus profonde et plus étendue.

Dévoiement cholérique très intense avec soif vive; crampes légères. Guérison par Vopium.

Madame....., rue Sainte-Anne, n° 27, voulant faire cesser une constipation opiniâtre, prend, le

20 avril 1832, trois pilules de Clérambourg, et le lendemain douze grains de rhubarbe. Depuis ce moment, dévoiement bilieux ; trois ou quatre selles par jour. Le 25, le dévoiement prend le caractère cholérique. Dix selles dans le jour, trois selles pendant la nuit du 25 au 26 : je suis appelé le 26. Aucun autre symptôme que des borborygmes, des selles cholériques, de la faiblesse dans les membres et de la soif.

Prescription : Un quart de lavement avec amidon et décoction de tète de pavots. Potion gommeuse avec viij gouttes de laudanum de Rousseau par cuillerées. Diète absolue.

Néanmoins, vingt selles cholériques d'une abondance extrême. Le soir, face amaigrie et altérée; pouls affaibli; crampes légères dans les membres; soif vive; sentiment de faiblesse porté jusqu'à la syncope lorsque la malade veut se mettre sur son séant.

Prescription : Nouvelle potion gommeuse laudanisée , à prendre en deux fois. Lavementfrais avec six cuillerées d'amidon et six gouttes de laudanum de Rousseau. Décoction blanche sans cannelle à orendre par cuillerées , pour boisson. Souffrir la soif. Deux synapismes aux pieds.

Le 27, diminution; le 28, suppression des selles. Amélioration rapide sous l'influence du traitement opiacé. Grande surveillance dans le régime, qui consiste en bouillon de poulet pour les premiers jours, puis en bouillon avec fécules. Guérison complète.

XVI. L'état typhoïde succède quelquefois au dévoiement cholérique et cède à un régime persévérant. Les plus remarquables cas de ce genre que j'aie en l'occasion d'observer, ont pour sujet deux femmes extrêmement âgées, mais d'une bonne constitution, qui furent portées à l'ambulance du trésor.

Dévoiement cholérique; état typhoïde. Guérison.

Gabrielle Valère, âgée de 82 ans, est prise de dévoiement cholérique et transportée le 15 avril 1832 à l'ambulance. La soif est vive et dirigée vers les boissons froides. Le pouls est naturel pour la force et pour la fréquence. J'espère que, malgré son grand âge, la malade pourra échapper à une terminaison funeste.

Prescription: Un quart de lavement ci la glace avec quatre gouttes de laudanum de Rousseau, toutes les trois heures. Thériaque , un demi-gros, matin et soir. Eau de Seltz à la glace par gorgées.

Le dévoiement résiste quelques jours, puis cède. Etat typhoïde, avec langue sèche et rouge, sans fréquence marquée dans le pouls : pour tout traitement, eau de Seltz, orangeade, eau de poulet; quelques synapismes promenés sur les extrémités inférieures. La lutte dura un mois, au bout duquel la malade sortit parfaitement guérie.

Dévoiement cholérique ; crampes ; vomissements ; état thyphoïde porté au plus haut degré.

Guérison.

Femme Lecomte (Françoise), 80 ans, marchande à la Halle, d'une forte santé, ne buvant jamais de vin, est portée à l'ambulance le 27 avril 1832, dans l'état suivant:

Faciès naturel langue sèche et rouge à la pointe ; soif vive dirigée vers les boissons froides; pouls fréquent, résistant; point de refroidissement; crampes rares et peu douloureuses aux pieds et aux jambes; évacuations très fréquentes de matières cholériques; parfois sentiment d'étouffement; abdomen insensible à la pression ; tendance à l'assoupissement.

Commémoratifs. Malade depuis deux jours : au début, selles d'abord bilieuses, puis semblables à du petit-lait, en même temps crampes aux pieds et aux jambes; nausées suivies de vomissements glaireux. Les selles sont devenues si fréquentes que la malade dit avoir eu quarante évacuations pendant la nuit.

Prescription : Eau de Seltz à la glace par gorgées. Un demi-lavement â"eau à la glace. Quinze sangsues à l'épigastre; on favorisera l'écoulement du sang.

Le 28, selles involontaires cholériques. Trois ou quatre vomissements. La malade ne se plaint d'aucune douleur autre que celle des crampes. Soif vive, toujours dirigée vers les boissons froides et abondantes. Les vomissements paraissent avoir été provoqués par des boissons prises en très grande quantité. Assoupissement.

Prescription : Un demi-lavement ci la glace matin et soir. Eau de Seltz à la glace, par gorgées. Deux synapismes en bottines autour des pieds et des jambes.

Le 29, la langue devient sèche et rouge; stupeur; la malade se plaint d'étouffer; expectoration de crachats visqueux et verdàtres. L'exploration du thorax me démontre l'intégrité des poumons. Il paraît, d'après les commémoratifs, que la malade tousse habituellement. Soif insatiable; selles involontaires. Les synapismes de la veille, laissés trop long-temps, ont enflammé la peau.

Prescription : Eau gommeuse glacée. Un demi-lavement d'eau glacée avec addition de x gouttes de laudanum de Sydenham.

Le 30, état typhoïde aussi prononcé que possible; selles involontaires, extrêmement fétides; plaintes toute la nuit.

Prescription : Deux vésicatoires ci La partie interne des cuisses. Décoction blanche. Un quart de lavement avec diascordium 1/2 gros.

Du 1er au 9 mai, la malade me paraît dans un état désespéré : face très altérée, typhoïde : langue sèche et noire; selles involontaires; attitude désordonnée ; refus des boissons; subdélirium; sons inarticulés.

Le traitement consiste en de nouveaux vésicatoires à La partie interne des cuisses. Décoction blanche. Synapismes promenés le long des extrémités supérieures et inférieures. Thériaque, matin et soir, 1/4 lav. avec thériaque ou diascordium. Potion avec sulfate de kinine, administrée par cuillerées.

Le 10 mai, un peu d'amélioration; la langue s'humecte; la soif est moindre et dirigée vers les boissons chaudes ; la malade demande à manger.

Le mieux continue si bien que, le 19, la malade peut être transportée à la Salpêtrière , où nous avions fait solliciter une place pour elle.

XVII. Les deux observations suivantes prouveront de la manière la plus péremptoire, que la fluxion qui, dans le dévoiement cholérique, se borne à une augmentation de sécrétion, revêt le mode inflammatoire dans les cas graves pour devenir une entérite , une gastro-entérite.

Dévoiement cholérique ; gastro-entérite. Mort.

Tel est le cas d'un étudiant en médecine , âgé de vingt-neuf à trente ans. Le 6 avril, il fut pris de dévoiement, auquel s'ajoutèrent quelques vomissements et des crampes légères : cet état persévéra jusqu'au 12 avril, jour où il entra à l'hôpital de la Pitié. Alors, il se trouvait mieux: la face n'était point altérée ; la peau était chaude ; le pouls résistant, Il y avait même de l'appétit.

Le 14 , malaise général ; douleur à l'épigastre qui augmentait par la pression ; langue rouge; soif; anorexie ; point d'évacuations ; les yeux s'enfoncent dans les orbites et se cernent. Le malade succombe, le 18, dans cet état adynamique, poussant des plaintes continuelles, et dans un délire sourd.

A l'ouverture, on trouva l'estomac revenu sur lui-même, ses parois extrêmement épaissies, sa face interne plissée, d'un rouge vif. C'est cet estomac qui est représenté Pl. I, fig. 2, xive livraison (1). La fin de l'intestin grêle était rouge, mais beaucoup moins que l'estomac.

Dans l'observation suivante, l'estomac, l'intestin grêle et le gros intestin étaient à la fois le siège d'une inflammation.

Dévoiement cholérique; état adynamique ; gastro-entérite. Mort.

Veuve Bâton (Geneviève), âgée de soixante ans, entra à l'ambulance du Trésor, le 14 avril, dans l'état suivant :

Face peu altérée ; soif vive dirigée vers les boissons froides ; coliques ombilicales suivies d'évacuations cholériques médiocrement abondantes ; nausées ; vomissements de bile verte, précédés de beaucoup d'efforts ; langue blanche , visqueuse ; crampes rares, bornées aux muscles du pied et de la jambe; refroidissement léger de la peau; point de teinte violacée; pouls petit, à 100 pulsations.

Commémoratifs. Depuis cinq jours dévoiement cholérique peu considérable, que la malade compare à du lait caillé; depuis deux jours coliques et crampes légères.

Prescription : Potion avec huit gouttes de laud. de Rousseau. Quart de lav. à la glace avec quatre gouttes. Eau de Seltz ci la glace par gorgées. Réchauffer avec V appareil à vapeurs alcooliques.

Le 15. Suppression des évacuations alvines; vomissements de bile verte plus fréquents; quelques crampes; refroidissement ; petitesse du pouls? malaise épigastrique; toujours appétence des boissons froides.

Prescription : Caléfaclion répétée. Dix sangsues ci L'épigastre, avec ventouses. Eau de Seltz ci la glace. Un quart de lavement ci la glace, avec quatre gouttes de laudanum de Rousseau.

(i) Je dois cette observation à l'obligeance de M. And rai.

Le 16. Voix altérée, vomissements moins fréquents que les jours précédents, mais hoquet ; quelques évacuations alvines; langue sèche et rouge ; sensibilité à l'épigastre; sentiment de constriction à la poitrine; pouls petit, fréquent; on essaie la décoction de quinquina en boisson.

Le 17. Angoisse, agitation, voix très altérée, cris plaintifs continuels, pouls peu sensible, langue toujours sèche. Potion avec 12 grains de sulfate de quinine; deux vésicatoires aux cuisses ; limonade édulcorée. L'angoisse, les cris, l'agitation se prolongent jusqu'au moment de la mort, qui eut lieu pendant la nuit.

Ouverture du cadavre, vingt-quatre heures après la mort. Rigidité cadavérique. A l'aspect du cadavre, on n'aurait pas pu deviner que la malade a succombé au choléra. Estomac extrêmement rétréci dans sa moitié pylorique seulement.

La surface externe du canal intestinal est très injectée ; l'injection a lieu par bandes longitudinales comme dans la péritonite. A l'intérieur, l'estomac présente du pointillé rouge dans Une grande partie de son étendue.

Les intestins grêles contiennent une assez grande abondance de mucosités épaisses , grumeleuses ; teintes de bile foncée en couleur. Dans le tiers inférieur de cet intestin , la membrane interne offre une rougeur vive par arborisation. Dans les deux tiers supérieurs la couleur est naturelle.

La membrane interne du gros intestin contient des matières fécales molles, et présente dans toute son étendue des plaques rouges disséminées.

La vésicule biliaire est distendue par une bile noire et poisseuse, au milieu de laquelle on compté quarante-sept petits calculs. Le foie est gorgé de sang.

Les deux poumons sont sains , sans engouement. L'un d'eux contient beaucoup de sang.

Les cavités droites et l'oreillette gauche du cœur sont distendues par du sang liquide et quelques caillots. Le ventricule gauche contracté sur lui-même n'en contenait qu'une très petite quantité.

Cerveau sain. Plexus solaire sain.

XVIII. Le dévoiement cholérique survenant chez des individus affaiblis par 1 age, par des maladies antérieures aiguës ou chroniques, par l'accouchement, a presque toujours été funeste. Les faits suivants mettront cette vérité dans tout son jour.

Dévoiement cholérique immédiatement suivi de prostration. Mort rapide.

Madame Leduc , âgée de soixante-trois ans , hémiplégique du côté gauche depuis six ans, habite les environs de Paris, à Dammartin, et vient tous les mois rendre visite à ses enfants à Paris. Elle était à Paris depuis trois jours ; depuis deux jours elle se plaignait de coliques habituelles auxquelles on ne donne aucune attention.

Le 1er août 1832, elle prend du lait le matin, va cinq fois à la garde-robe, et néanmoins fait un second déjeûner plus copieux que de coutume. A une heure, elle est prise d'envies d'aller à la selle qui se répètent vingt-cinq fois dans l'espace de quelques heures.

Je suis appelé à cinq heures ; déjà un autre médecin avait visité la malade. Il y avait tendance au refroidissement, affaiblissement de la voix ; le pouls était peu résistant, mais d'ailleurs assez développé : la malade n'accusait aucune douleur; point de soif ; point de vomissements: crampe légère à la jambe et aux doigts. Les selles sont abondantes et cholériques. Rien n'annonçait alors une terminaison immédiatement fâcheuse.

Prescription : Quatre sinapismes, potion avec eau distillée de menthe poivrée et cannelle orgée, de chaque une once; eau de laitue, deux onces ; sir. éther, une once ; Laudan. Syd., vingt-cinq gouttes ; à prendre par cuillerées. Un quart lav. avec jaune d'œuf, amidon et cinq à six gouttes de laudanum de Rousseau.

Une demi-heure s'étant écoulée entre le commencement et la fin de ma visite, je fus surpris de l'affaiblissement qu'avait subi le pouls dans ce court intervalle.

A dix heures du soir , prostration extrême ; immobilité ; la bouche et les yeux sont ouverts ; sueur visqueuse ; pouls misérable et lent ; respiration fréquente ; extinction complète de la voix : la malade qui paraît dans un coma profond , répond très bien aux questions ; elle ne se plaint de rien autre chose que de l'extinction de la voix et des efforts qu'il lui faut faire pour articuler quelques mots. Elle a le xive livraison. 3

sentiment de sa fin prochaine et fait toutes ses dispositions avec calme. L'abdomen est volumineux, consistant; la moindre pression,et sur-tout la moindre commotion de l'abdomen produit un gargouillement qui annonce la présence d'une grande quantité de liquides. Mort une demi-heure après ma visite.

Dévoiement cholérique; pneumonie pendant le cours de laquelle survient encore le dévoiement

cholérique. Mort.

Une femme qui était entrée à l'ambulance pour un dévoiement cholérique, fut prise, au moment où nous la croyions hors de danger, d'une pleuropneumonie, qui résista au traitement antiphlogistique et aux dérivatifs cutanés ; les crachats étaient semblables à une bouillie sanguinolente, nullement fétide. Cependant l'état général s'améliorait, la fièvre était tombée, lorsque tout-à-coup survint un dévoiement cholérique extrêmement intense, avec prostration extrême des forces , qui l'emporta au bout de quarante-huit heures.

A l'ouverture, nous trouvâmes une rougeur légère de la muqueuse du gros intestin et de l'intestin grêle, une induration rouge dans le lobe inférieur du poumon gauche, au centre de laquelle était une espèce de foyer rempli d'une bouillie sanguinolente non fétide, entièrement semblable àia matière expectorée.

Pleurésie ; accouchement ; dévoiement cholérique. Mort.

Madame M. P... fut prise, dans le huitième mois de sa grossesse, d'une pleurésie, sous l'action de laquelle elle accoucha prématurément le 15 avril 1852.

Le troisième jour des couches, un dévoiement cholérique, remarquable par le nombre et l'abondance des selles, se déclare et produit en quelques heures cette altération des traits et cette émaciation qui sont caractéristiques du dévoiement cholérique très intense; mais d'ailleurs point de cyanose, point de refroidissement, point de crampes, en un mot, aucun symptôme du choléra proprement dit. L'opium par le haut et par le bas diminue les évacuations sans les arrêter complètement ; les symptômes pleurétiques masqués un instant par ceux du dévoiement cholérique, reparaissent et sont remplacés par de nouvelles évacuations alvines qui emportent la malade dans un état de marasme aigu difficile à décrire. Il est extrêmement probable que la malade aurait résisté à l'une ou l'autre des maladies auxquelles elle a succombé. Elle eût peut-être résisté à toutes deux, sans la circonstance de l'accouchement qui imprime à l'économie une si profonde altération et lui enlève ses moyens de résistance.

Entérite chronique ; accouchement ; dévoiement cholérique. Mort.

Une femme grosse, à terme, était depuis six semaines sous l'influence d'un dévoiement qui avait été inutilement combattu. D'après le rapport de la malade, les matières rendues avaient, dans le principe, tous les caractères du dévoiement dysentérique ( raclure de boyaux sanguinolente). Depuis deux jours, il avait pris ceux du dévoiement cholérique , lorsque le 25 juin elle accouche naturellement d'un enfant mort. Refroidissement léger, faciès cholérique sans coloration bleue ; point de crampes ; affaiblissement du pouls. Potion et lavem. opiacés. Quinze sangsues sur l'épigastre.

Le lendemain, face d'un rouge foncé offrant l'aspect étonné des cholériques arrivés à la période de réaction; la peau est chaude, le pouls lent, large, mais peu résistant ; point de vomissements; pas de selles ; respiration haute : la malade accuse parfois de la difficulté à respirer. Tout semblait annoncer une terminaison favorable. Mais la circonstance d'un dévoiement de six semaines, jointe à la sécheresse et à l'aspect brunâtre insolite de la langue, me font craindre une ulcération chronique du gros intestin, et en effet, la malade s'éteignit lentement au bout de huit jours , malgré le traitement le plus rationnel.

A l'ouverture, on trouva un très grand nombre d'ulcérations anciennes dans le gros intestin et dans les deux derniers pieds de l'intestin grêle.

ARTICLE 1.

Choléra moyen.

I. Tous les choléras ne présentent pas ce degré de gravité qui attaque immédiatement le principe de la vie. Il en est qui s'annoncent par des symptômes moins formidables et qui se rapprochent beaucoup des choléras sporadiques de nos climats tempérés: c'est cette forme de choléra intermédiaire au choléra le plus grave et au dévoiement cholérique, qu'on peut appeler choléra moyen.

II. Or, parmi les choléras moyens, les uns tendent à s'amender par l'effet d'un traitement simple et rationnel ; les autres cachent un très grand danger sous une apparence de bénignité , et , dans leur marche ou rapidement ou progressivement croissante, se jouent de tous les efforts de l'art. Il semble qu'il y ait tendance à l'extinction.

III. Le choléra moyen doit donc être considéré tantôt comme une forme peu grave du choléra, tantôt comme la première période du choléra le plus grave.

IV. Le choléra moyen, comme d'ailleurs toutes les formes possibles de choléra, débute presque toujours par un dévoiement cholérique plus ou moins prolongé, plus ou moins considérable, qui s'aggrave tout-à-coup sous l'influence d'une alimentation de mauvaise qualité, ou par l'oubli de tout autre soin hygiénique. Je me rappellerai toujours le cas d'une cuisinière qui me fut envoyée par sa maîtresse pour un dévoiement qu'elle regardait comme un bénéfice de nature. J'insistai beaucoup sur les conséquences du défaut de soins; je lui prescrivis le traitement des dévoiements cholériques. Elle ne tint pas compte de mes avis. Quatre jours après, elle fut prise du choléra bleu et transportée à l'ambulance du Trésor où elle succomba au bout de quelques heures.

V. Le passage du dévoiement cholérique au choléra s'annonce par des vomissements^ des crampes douloureuses dans les extrémités, une soif vive, l'angoisse épigastrique, une altération profonde dans les traits, l'enfoncement des yeux dans les orbites, l'affaiblissement notable de la voix, la tendance au refroidissement , la dépression du pouls; tous symptômes qui annoncent que la maladie n'est plus locale et que tous les centres nerveux sont simultanément et profondément affectés.

VI. Au reste, il importe beaucoup, dans l'appréciation des symptômes, de faire la part de l'état spasmodique, qui joue presque toujours un si grand rôle au début de tous les choléras, et qui donne souvent une apparence fort grave à une maladie légère quant au fond et susceptible de céder sous l'action des premiers moyens thérapeutiques.

VIL Les symptômes ci-dessus énoncés ne se présentent pas tous avec le même degré d'intensité chez tous les individus. Presque toujours il y a prédominance de l'un ou de l'autre des symptômes ; souvent plusieurs manquent complètement.

VIII. La soif, l'angoisse épigastrique, la décomposition profonde des traits avec les yeux cernés et enfoncés, la petitesse du pouls, l'affaiblissement de la voix, la suppression de l'urine, la tendance au refroidissement : voilà les symptômes constants. Les selles, les vomissements et les crampes manquent au contraire dans quelques cas. Un mot sur chacun de ces symptômes.

IX. desselles manquent très rarement. Leur absence m'a toujours paru de mauvais augure , parce qu'elle dénote, non une suppression du flux, mais simplement un défaut d'excrétion des produits sécrétés. Il est d'ailleurs facile de s'assurer de la présence des liquides dans les intestins, en imprimant aux parois abdominales une commotion qui détermine un glouglou analogue à celui d'une barrique incomplètement remplie, ou bien en

percutant l'abdomen qui rend un son particulier annonçant la prédominance des liquides sur les gaz. Il y a souvent épreintes comme dans la dysenterie. Il n'est pas très rare de voir des selles sanguinolentes. Plusieurs de mes malades qui ont présenté ce dernier symptôme n'en ont pas moins parfaitement guéri.

X. Les vomissements avec efforts plus ou moins considérables, les nausées continuelles, sont quelquefois le symptôme dominant; rarement y a-t-il absence complète de vomissements. Je n'ai pas observé dans les matières rendues par le vomissement cette constance de caractère qui est propre aux matières rendues par le dévoiement : assez souvent le liquide est vert; rarement ressemble-t-il à de l'eau de riz; d'autres fois ce sont de simples mucosités;plus souvent des matières teintes en jaune; et la présence de la matière colorante de la bile dans les vomissements ne m'a pas paru d'un aussi bon augure que dans les selles. Les vomissements alternent presque toujours avec le hoquet. En général, les choléras avec prédominance du vomissement sont moins graves qu'on ne le croit ordinairement : le hoquet même persistant pendant plusieurs jours ne m'a jamais paru dénoter un grand danger.

XL La suppression d'urine est un phénomène constant dans le choléra. Elle est une conséquence et en quelque sorte l'exagération de cette loi physiologique en vertu de laquelle les sécrétions se suppléent mutuellement. Le rétablissement de la sécrétion d'urine est un signe non équivoque d'amélioration. Chez plusieurs de mes malades, la rétention d'urine a succédé à sa suppression. Presque toujours des besoins d'uriner fréquents précèdent de quelques heures et assez souvent d'un jour ou deux l'émission des urines.

XII. Les crampes sont peut-être le symptôme le moins constant dans le choléra quelquefois elles dominent, et cette prédominance constitue le caractère essentiel du choléra spasmodique. Je dirai des crampes ce que j'ai déjà dit des vomissements, c'est-à-dire que la gravité de la maladie ne m'a paru nullement mesurée sur ce symptôme. Les crampes débutent dans les muscles des pieds, et s'étendent plus ou moins rapidement à ceux des jambes, des cuisses, de l'extrémité supérieure, aux parois abdominales, thoraciques, et aux masséters : elles sont excessivement douloureuses, plus ou moins permanentes, à la fois toniques et (Ioniques, pour me servir des expressions de l'Ecole, se renouvellent à des intervalles plus ou moins considérables, persistent quelquefois j usqu'au dernier moment, et d'autres fois font bientôt place au collapsus.

XIII L'angoisse épigastrique est un des symptômes les plus constants. Quand on demande au malade ce qui lui fait mal, il porte la main sur l'épigastre ou sur le sternum et accuse un sentiment indéfinissable d'étouffement, de mal au cœur, d'anéantissement, quelquefois de chaleur brûlante. Un grand nombre me disait : « enlevez-moi ce que j'ai là, et je serai guéri ». Cette angoisse plus insupportable peut-être crue les crampes, a pour résultat des mouvements désordonnés, des soupirs, une indifférence sur son état, le sentiment et souvent le désir d'une fin prochaine.

XIV. Le faciès du cholérique est tellement caractéristique, qu'il suffit en général pour établir le diagnostic. Il se compose de l'enfoncement des yeux dans les orbites, de l'aspect terreux et plombé de la face lorsqu'elle n'est pas violette, de la tendance au bleuissement des lèvres et des joues, d'une rétraction douloureuse de tous les traits, comme dans le faciès abdominal dont le choléra présente l'exagération, d'un amaigrissement qui étonne par sa rapidité et qui n'est qu'incomplètement expliqué par l'abondance des matières rendues, soit par les selles, soit par le vomissement.

XV. L'ciffaiblis sèment de la voix, qui est rauque, cassée, indique l'altération profonde apportée aux forces de la vie : sous ce point de vue, il en est du choléra comme de la hernie étranglée. La constance de ce symptôme lui a fait donner le nom de voix cholérique.

XVI. La dépression du pouls est un phénomène constant et qui me paraît mesurer beaucoup plus exactement que tous les autres symptômes, le degré de gravité de

la maladie. Les crampes et les vomissements ont une influence très prononcée sur le pouls, et j'ai vu un pouls médiocrement développé, devenir filiforme et même se suspendre immédiatement après une crampe ou un vomissement, pour se relever au bout de quelques instants. L'état du cœur est le thermomètre le plus sûr de ces forces épigastriques si bien décrites par Lacaze et Bordeu, forces qui attestent elles-mêmes l'état des viscères. C'est par le pouls que commence à se manifester la réaction, de même que c'est par lui que s'est manifestée la concentration ; c'est le pouls qui fournit les indications thérapeutiques les plus importantes : lorsqu'il se supprime, non pour quelques instants, mais d'une manière permanente, le danger est imminent.

XVII. La respiration ne présente pas de caractère constant : elle est normale, ou précipitée; d'autres fois lente, suspirieuse, mais toujours incomplète, et n'imprime pas au sang une revivifieation pleine et entière : ce défaut de revivification du sang tient moins à la lésion de la respiration dans ses phénomènes mécaniques, qu'à sa lésion dans ses phénomènes vitaux.

XVIII. Le refroidissement ou la tendance au refroidissement est une conséquence de la concentration des forces à l'intérieur : son intensité est, en général, proportionnelle à la gravité de la maladie; dans aucune autre, il n'est porté aussi loin; c'est autre chose que le froid du cadavre : il s'accompagne ordinairement d'une sueur abondante, de lividité ou de cyanose. Le refroidissement n'atteint ses dernières limites que dans le choléra le plus grave.

XIX. Le choléra moyen, lorsqu'il ne dégénère pas en choléra asphyxique, présente deux périodes bien tranchées : i° la période de concentration , i° la période de réaction', celle-ci est toujours proportionnelle à la première sous le point de vue de l'intensité. Mal dirigée, la réaction peut être incomplète ou temporaire; elle peut devenir funeste. Le malade qui a triomphé de la période de concentration n'a échappé qu'à une partie des dangers de sa position.

XX. Souvent l'état adynamique ou typhoïde remplace l'état cholérique. Les malades peuvent encore résister à ces phénomènes consécutifs ; mais un certain nombre succombe , et à l'ouverture , on trouve des traces non équivoques d'inflammation dans la muqueuse gastro-intestinale. Cet état adynamique ou typhoïde qui a enlevé un si grand nombre de cholériques , prétendus convalescents, a été commun à toutes les formes, à tous les degrés du choléra, depuis le simple dévoiement jusqu'au choléra algide. Il a sur-tout été funeste aux vieillards, aux individus valétudinaires, à ceux qui étaient préalablement sous l'influence d'une gastrite et entérite chroniques. Il m'a paru également qu'une thérapeutique échauffante trop long-temps continuée, pouvait, après avoir paru ressusciter la vie, favoriser ce genre de terminaison.

Les observations suivantes fourniront des exemples des principales formes que le choiera moyen peut revêtir , et du traitement que j'ai suivi dans cette terrible maladie.

Choléra moyen suivi d'une irritation gastro-intestinale très prononcée. Guérison.

Mlle Thévenin , élève sage-femme, âgée de vingt ans, avait le dévoiement cholérique depuis trois jours, lorsqu'elle me demanda des conseils ; elle n'était point alitée et remplissait ses fonctions auprès des femmes en couche.

Prescription : Un quart de lavem. amidon, avec x gouttes de laudanum de Syd., matin et soir. Diète au bouillon. Eau de riz gommée. Les évacuations continuent.

Le lendemain 27 juin, à cinq heures du matin, syncope à la suite d'une évacuation cholérique très abondante. On administre une potion avec eau de menthe poivrée, de fleurs d'oranger, sirop d'éther, âa une once.

xivc livraison. 4

A la visite, altération de la face, pouls faible, refroidissement de la peau , soif vive.

Prescription : Eau de tilleul chaude pour boisson, jusqu'à ce que la malade soit réchauffée ; on la réchauffera par des moyens extérieurs. Un quart de lavem. froid , avec laud. xv gouttes, matin et soir. Douze sangsues à l'anus. Potion avec eau de cannelle orgée , de fleurs d'oranger, de sirop d'éther aa une once , laudanum de Syd. xxv gouttes , à prendre en deux fois.

Des vomissements se déclarent quelque temps après la prise de la première moitié de potion et immédiatement après la prise de la seconde. Ils persistent toute la journée et sont précédés d'efforts considérables. Des crampes surviennent dans les pieds et dans les jambes ; froid des extrémités ; soif ardente On crut la malade en grand danger.

Des briques et des sachets chauds , sans cesse renouvelés, provoquent la sueur de petits morceaux de glace permanents dans la bouche, calment la soif et arrêtent le vomissement.

Le 28 au matin, les vomissements, les selles et les crampes avaient cessé. Réaction ; face d'un rouge foncé et altérée ; langue jaunâtre, à peine humectée ; voix affaiblie ; pouls peu développera 110; nulle douleur.

Prescription : Morceaux de glace. Eau de tilleul à la glace ( la malade a un goût prononcé pour le tilleul ). Saignée au bras, de huit onces. Le 29, mieux sensible.

Le 50 , petite toux sèche , envies de vomir, malaise, agitation , soif vive, voix toujours affaiblie, pouls petit et fréquent, sensibilité à l'épigastre, point de selles. L'inflammation de l'estomac n'est pas équivoque. Bain émollient. Quinze sangsues à l'épigastre avec ventouses.

Les symptômes de gastrite persistent tout en s'amendant graduellement les jours suivants ; l'ingestion de la moindre quantité de boisson est lourde sur l'estomac ; il y a malaise, quelquefois douleur à l'épigastre j inappétence. L'emploi persévérant des bains et cataplasmes émollients, de l'eau de Seltz pour boisson, une ou deux applications de sangsues, l'abstinence complète de tout aliment, ont enlevé graduellement les symptômes d'irritation gastrique.

Le 15 juillet , je permets un verre de lait , le 20, un bouillon léger ; et le 26, la malade , quoique très affaiblie, put partir pour son pays.

Choléra moyen chez une femme grosse ; accouchement d'un enfant mort. Guérison.

F......., âgée de seize ans, au huitième mois de sa grossesse, est prise d'un dévoiement

qui offre immédiatement le caractère cholérique : au bout de cinq jours, au dévoiement s'ajoutent les vomissements cholériques et les crampes ? altération profonde des traits; yeux enfoncés et cernés; pouls grêle et fréquent.

Prescription :lpécacua.nha., xxiv grains en trois doses. Après quoi on donne un lavem. laudanisé, une potion laudanisée.

Les contractions utérines se déclarent. Accouchement naturel d'un enfant mort depuis quelques jours, il est probable que sa mort date de l'invasion du choléra. Cessation complète des symptômes cholériques après l'accouchement.

Guérison rapide.

L'avortement ou l'accouchement m'a paru le plus souvent exercer sur le choléra une influence avantageuse.

Peu de femmes prises d'un choléra grave dans le dernier mois de la grossesse, ont accouché. La plupart sont mortes sans la moindre trace de travail. L'opération césarienne, pratiquée immédiatement après le dernier soupir, a amené un enfant mort. Plusieurs femmes qui avaient résisté au dévoiement cholérique ou au choléra à une époque plus ou moins avancée de leur grossesse, arrivées à terme, ont mis au monde tantôt un enfant vivant, tantôt un enfant putréfié. Il me paraît bien difficile qu'un choléra intense qui suspend en grande partie la circulation de la mère, ne compromette pas la vie de l'enfant.

L'observation suivante est remarquable par l'abondance et la fréquence des selles et des vomissements.

Choléra moyen avec prédominance des selles et des vomissements; plusieurs rechutes. Guérison.

J. Desportes, âgée de vingt ans, entra à l'ambulance du Trésor le 23 février 1832 , sur le soir.

Commémoratifs. Depuis un mois , dévoiement variable. Depuis huit jours , dévoiement séreux considérable. Quinze selles environ dans les vingt-quatre heures; depuis trois jours, vomissements; quelques crampes dans les mollets : lorsque la malade est assise, les jambes sont agitées de mouvements involontaires.

A la visite , cinq heures après l'entrée de la malade , on me montra trois grands vases de nuit pleins de sérosité trouble, avec flocons membraneux. On venait d'appliquer quinze sangsues à l'hypogastre , à cause d'une douleur que la malade accusait dans cette région.

Le pouls est fort , plein , peu fréquent; la soif modérée. Oppression.

Prescription : Saignée de deux palettes. Un quart de lav.frais avec quatre gouttes de laudan. de Rousseau, qu'on renouvellera toutes les trois heures , s'il y a lieu. Potion gommeuse avec huit gouttes de laudanum de Rousseau ( la saignée a donné à peine trois onces de sang : on ne l'a ni répétée ni remplacée. Il y a autant de sérum que de coagulum ).

Le 24, à la visite du matin, l'état de la malade est de beaucoup plus grave. La face est profondément altérée, décolorée : le pouls est petit ; soif excessive, insatiable, et dirigée vers les boissons glacées, douloureux; quelques crampes; selles cholériques très fréquentes, bien que la malade ait pris trois lavements opiacés. Efforts de vomissements et vomissements continuels de liquide séreux. Je lui fais prendre six gouttes de laudanum de Rousseau dans une cuillerée d'eau de tilleul : cette boisson provoque immédiatement des vomissements séreux très abondants , avec des efforts violents.

Prescription : Quinze sangsues sur l'épigastre. Un quart de lavem. d'eau ci la glace avec huit gouttes de laud. de Rousseau. Toutes les deux heures , un quart de lav. ci la glace. Quatre sinapismes aux extrémités. Glace pour toute boisson.

A la visite du milieu du jour, les selles ont diminué , mais les vomissements persistent avec des efforts considérables. La soif est insatiable ; la malade se jette sur la glace qu'on lui présente avec une sorte de fureur, et en demande incessamment.

Prescription : Essayer la potion de Rivière. Essayer un bain , si la malade peut le supporter. Vésicatoires sur les régions dorsales.

A la visite du soir, les vomissements avec efforts n'ont pas cessé un seul instant. Point de selles. Pouls petit, fréquent.

Prescription : Glace à Vintérieur pour toute boisson. Vessie remplie de glace sur l'estomac.

25. Les vomissements ont été arrêtés comme par enchantement par la glace appliquée sur l'épigastre. Le pouls a pris un peu de corps ; sentiment de mieux être ; nulle douleur à l'épigastre; soif moins ardente.

Prescription : Bain. Application de glace sur l'épigastre pendant demi-heure ; on renouvellera cette application toutes les deux heures. Glace pour toute boisson.

26. Le mieux continue. L'appétit commence à s'éveiller. Les jours suivants , un potage imprudemment administré renouvelle les vomissements que des sangsues sur l'estomac et sur-tout la glace à l'intérieur et à l'extérieur calment encore. Une troisième rechute eut encore lieu par suite d'erreurs dans le régime. Ce fut la dernière, et la malade convalescente fut évacuée sur un hôpital lors de la clôture de l'ambulance.

Choléra moyen très intense; crampes abdominales et latérales du tronc; vomissements ;

hoquet. Guérison rapide.

Verger ( André ), garçon-tailleur , âgé de vingt-trois ans , constitution extrêmement débile , très grêle, travaillant rue Vivienne, n° 2, à Paris depuis six mois, est apporté à l'ambulance le 17 avril 1832, dans l'état suivant :

Face cholérique, mais non violette; narines pulvérulentes; peau froide; pouls à peine appréciable ; angoisse; sentiment d'étouffement; voix affaiblie ; hoquets très douloureux; respiration lente; point de crampes dans les jambes, mais douleurs extrêmement vives sous les fausses-côtes ; cette douleur

vient comme une crampe et provoque des cris, des mouvements désordonnés, brusques et violents. Le malade se plaint de bourdonnements d'oreille qui ne lui permettent pas de s'entendre parler.

Commémoratifs. Depuis quatre h cinq jours , coliques légères , avec évacuations alvines fréquentes, semblables à de l'eau claire ; crampes dans le poignet gauche. Hier soir, le malade a pris trois quarts de bouteille de vin chaud sucré. Point d'urine depuis hier.

Prescription : Réchauffer avec vapeurs alcooliques. Quelques gouttes d'éther camphré dans Veau de tilleul. Demi-lac. à 56°'. Ijzfusion de tilleul très-chaude. Cataplasmes sinapisés aux quatre extrémités. Bain que le malade ne peut supporter.

A la visite de midi, l'état du malade s'est aggravé. Vomissements répétés de liquide verdâtre; bâillements, hoquets; soif très vive; malaise inexprimable; face profondément altérée; yeux profonds et cernés ; lèvres violettes ; refroidissement plus grand ; crampes latérales du tronc qui le font renverser de coté.

Prescription : Boisson ce la glace. Lav.à la glace avec 6 gouttes de laud. de Rousseau. Application de glace sur le côté. Réchauffer toutes les deux heures avec impeurs alcooliques.

A la visite de neuf heures du soir, un peu de réaction. Peau fraîche et non froide; le pouls est moins misérable : deux selles cholériques; point d'urine; continuelles envies de vomir.

Prescription : Morceaux de glace dans la bouche. Demi-lav. glacé, avec quatre gouttes de laud. de Rousseau. Quinze sangsues sur l'épigastre. Aux sangsues on fera succéder la glace, si les vomissements se reproduisent, Renouveler les sinapismes aux extrémités.

Le 18. La nuit a été mauvaise; violents efforts pour vomir; hoquets continuels; traits décomposés exprimant une douleur profonde; étouffement; froid; douleur vive à l'hypochondre gauche; deux selles dans la nuit.

Prescription : Bain tiède oit il ne peut rester que dix minutes. Frictions alcooliques camphrées. Sinapismes sur le coté douloureux. Six gouttes éther camph. dans une cuillerée d'eau de tilleul. Eau de Seltz glacée pour boisson. Demi-lav. à la glace avec camphre 24 gr. Vésicatoire dorsal de huit pouces de long et trois pouces de large. Application constante de la glace sur le creux de l'estomac

Le 19. Mieux sensible. Les traits de la face sont moins tirés : un peu de chaleur à la peau ; pouls fréquent , un peu plus développé; nausées sans vomissement; bâillements et hoquets rares; disparition de la douleur et des crampes à l'hypochondre gauche ; la soif est toujours vive ; sensation de chaleur brûlante dans l'abdomen. Quelques envies d'uriner sans résultat.

Prescription: Eau de Seltz glacée. Demi-lav. glacé. Dix sangsues avec ventouses sur l'épigastre.

Le 20. L'amélioration continue. Moiteur. Pouls développé et fréquent. Point de selles.

Prescription : Eau de groseille froide. Demi-lavement glacé.

Le 21 et les jours suivants, le mieux a continué; le pouls a conservé delà fréquence pendant quelques jours. Le vésicatoire dorsal a cessé de donner au bout de huit jours. Des bains, des lavements émollients, l'eau de groseille ont suffi pour conduire à la guérison ce malade qui le 28 avait pu se faire transporter chez lui.

Dans le cas qu'on vient de lire, la rapidité de l'amélioration après la cessation des premiers accidents m'a paru remarquable. Souvent ce n'est qu'à travers une série d'accidents plus ou moins graves que la convalescence se décide. Telle est l'observation suivante qui peut servir de type à cet égard.

Choléra moyen très intense chez une femme débile ; réaction ; lutte pendant douze jours ; utilité de la méthode antiphlogistique a la suite de la réaction; convalescence pénible traversée par de nombreux accidents.

Mlle Hortense Emery , âgée de cinquante-quatre ans , rue Saint-Honoré , n° 266, d'une constitution débile, fait une course très fatigante le 11 juillet 1832 : elle est courbaturée le 12: coliques avec épreintes, le 13 ; elle rend avec beaucoup d'efforts quelques mucosités, semblables, dit-elle, à du blanc d'oeuf à moitié cuit. Lavement avec décoction de graine de lin et de tètes de pavot, qui supprime les selles sans enlever les coliques. Le 14, la malade se croit guérie.

Le 15, plusieurs selles liquides qui deviennent plus fréquentes après son déjeuner accoutumé, du café au lait; elle sort néanmoins, et peut rester plusieurs heures à l'église. A deux heures, aux selles s'ajoutent

des vomissements, des crampes qui commencent à la plante des pieds et s'étendent aux mollets, puis au côté externe des cuisses. Appelé à sept heures du soir, je trouvai la malade dans l'état suivant :

Face profondément altérée, cholérique ; yeux enfoncés, cernés; lèvres violettes; peu de refroidissement; voix éteinte ; et quand je lui demande ce qui l'empêche d'articuler les sons , elle me répond en rassemblant ses forces, que c'est la faiblesse d'estomac. Le pouls est petit, à 100 ; la respiration assez fréquente ; sentiment d'oppression , de malaise épigastrique, de mal au cœur.

Aussitôt qu'on cesse d'interroger la malade, ses yeux se ferment à moitié et inégalement, et pourtant elle se plaint de ne pouvoir pas dormir, bien qu'elle en ait un besoin démesuré; quelquefois elle s'assoupit pendant un instant, et au réveil, angoisse plus grande avec crampes et vomissements.

Du reste, selles cholériques très fréquentes et souvent involontaires ; soif ardente dirigée vers les boissons à la glace; sentiment de défaillance continuelle, auquel on cherche à remédier par la respiration de fort vinaigre que la malade ne trouve jamais assez excitant. Au moindre mouvement , crampes qui parcourent successivement les pieds, les jambes , les cuisses et les doigts. A la suite de ces crampes , le pouls est filiforme, la face s'altère plus profondement encore et devient bleuâtre.

Les facultés intellectuelles sont dans leur intégrité. La malade fait toutes ses dispositions et s'apprête à mourir, en manifestant la plus grande indifférence sur le résultat.

L'abdomen est d'un volume ordinaire, indolent, et ne résonne pas par la percussion.

Prescription : Quatre sinapismes. Un quart de lav. ci la glace avec vi gouttes de laud. de Rousseau, ci répéter toutes les deux ou trois heures. Potion avec eau de menthe poivrée, une once , de fleurs d'oranger, une once et xxv gouttes de laud. de Sydenh. Eau de Seltz frappée de glace pour boisson.

A dix heures du soir, le pouls filant sous le doigt, la tendance à l'extinction me paraissant imminente, je prescrivis deux onces de sirop d'éther, avec demi-gros ext.gomm. rés. de quinquina, ci prendre par cuillerées ci café toutes les heures.

Le 16 , mêmes symptômes: soif toujours ardente; extinction complète de la voix; selles un peu moins fréquentes.

Vésicatoire sur la région dorsale du rachis. Un sinapisme sur l'abdomen. Quart de lav. à la glace toutes les deux heures. Une seule fois on ajoutera demi-gros de diascordium. Continuation du sirop d'éther et de V extr. go mm. res. de quinquina qu'on alternera avec la potion laudanisée.

Le 17 , réaction ; mieux sensible ; face d'un rouge foncé; pouls plus développé; voix moins éteinte; soif moins insatiable quoique vive ; le sentiment d'angoisse est moindre. La malade parle avec action de sa reconnaissance , mais l'articulation des sons lui coûte beaucoup d'efforts : le hoquet en est la conséquence. Il n'y a pas eu d'urine depuis le 15.

Continuation de l'eau de Seltz pour boisson. Lavements froids. On donnera plus rarement lé sirop d'éther avec extrait de quinquina et la potion laudanisée.

Le 18 , face rouge vineuse : les yeux injectés et chassieux. Depuis la nuit , nausées, efforts continuels de vomissements, vomissements que provoque l'ingestion de la moindre quantité de liquide. 11 y a plutôt sécheresse de la bouche que soif réelle, et il suffit, à la malade, de promener un liquide frais dans cette cavité pour se soulager. La langue présente un fond extrêmement rouge, voilé par un enduit blanc, peu épais et adhérent. Grande difficulté à articuler les sons, le hoquet se déclare à chaque fois qu'elle parle; angoisse et sensibilité épigastriques; battements très violents et très incommodes à l'épigastre et à la région du cœur: ces battements augmentent sur-tout lorsque la malade se réveille; aussi fait-elle tous ses efforts pour s'empêcher de dormir. Le pouls est un peu fréquent, sans résistance : une selle depuis hier. Envies d'uriner très fréquentes que la malade ne peut satisfaire, ce que j'attribue au vésicatoire dorsal ( elle n'a pas uriné depuis l'invasion).

Persuadé que la réaction a amené une inflammation gastro-intestinale, je prescris douze sangsues à l'épigastre, un bain, de la glace sur l'épigastre , de l'eau de Seltz coupée avec de Veau de gomme pour toute boisson qui sera prise par gorgées : suppression de toute potion.

Le 19 , la malade accuse une grande chaleur à la face qui est toujours rouge-vineuse.

Tendance au refroidissement des extrémités ; pouls fréquent, large et mou; battements très forts à l'épigastre et au cœur , qui incommodent beaucoup la malade, et que la glace appliquée localement diminue. Soupirs ; respiration haute : nausées ; hoquets ; vomissements : cependant l'estomac supporte un peu mieux qu'hier les boissons : ce qui domine , c'est un sentiment d'anéantissement. Assoupissement léger, et au réveil, malaise, angoisse inexprimables.

xive livraison. 5

Prescription : Bain. Demi-lav. et la glace trois fois le jour. Eau de cerise pour boisson. Glace sur Vépigastre de temps en temps. Eau glacée sur le front.

Le 20, la face moins rouge porte l'empreinte de l'angoisse et de l'affaissement. Les yeux sont chassieux; sentiment d'anéantissement général; malaise inexprimable, et parfois battement à l'estomac. Les vomissements ont cessé, mais l'ingestion des boissons cause de la douleur. Respiration haute, lente et suspirieuse; voix toujours cassée; pouls fréquent et peu développé. Deux selles en diarrhée verte, urines abondantes.

Prescription. Huit sangsues sur l'épigastre. Le soir , une saignée de sept ci huit onces. ( Le sang coagulé présente un caillot vermeil et dense et de la sérosité dans les proportions ordinaires. ) Eau de poulet pour boisson.

Les 21, 22,23, 24, 25 et 26, état à peu près le même. Toujours la face est anxieuse, amaigrie et profondément altérée ; yeux chassieux et injectés, supination : immobilité. Toujours mal au cœur, sans envies de vomir; sentiment indéfinissable d'étouffement à l'épigastre; pouls petit, fréquent à 120: respiration suspirieuse; voix cassée; assoupissement continuel, et cependant la malade se plaint du défaut de sommeil; soif très vive.

Prescription. Un bain tous les jours. Cataplasmes émollients. Vésicatoire sur le creux déf estomac. Eau de poulet, de cerises et de groseilles pour boisson.

Le 27, un peu d'amélioration ; l'angoisse a diminué, il y a plus de vie , et la malade a conscience de son mieux être. Le pouls est un peu moins grêle, un peu moins fréquent. L'eau de poulet, les bains, les cataplasmes émollients, continués avec persévérance, ont fini par triompher de la maladie, que des erreurs répétées dans le régime ont considérablement prolongée. La malade n'est bien rétablie qu'à la fin de septembre.

ARTICLE 3.

o '

CHOLÉRA TRÈS GRAVE ASPHYXIQUE OU NON ASPHYXIQUE.

I. Le choléra très grave se présente sous deux formes bien distinctes; tantôt les malades offrent une coloration bleue comme dans la cyanose ou l'asphyxie par le gaz acide-carbonique, tantôt ils n'offrent pas cette coloration. La première forme, qui, d'ordinaire, emporte le malade avec une grande rapidité, porte le nom de choléra bleu^ de choléra asphyxique, ou celui du choléra algide, en raison du froid glacial que fait éprouver le contact du corps du malade. Dans la seconde forme, qui n'est pas moins grave, bien qu'elle ne soit pas aussi rapidement mortelle, il y a décomposition aussi profonde des traits, mais sans coloration bleue; les contractions du cœur projettent le sang jusqu'aux extrémités de l'arbre circulatoire. Les phénomènes chimiques de la respiration s'exécutent encore en partie; le froid n'est pas algide. Nous désignons cette dernière forme sous le nom de choléra très grave non asphyxique.

IL II est excessivement rare que la forme la plus grave du choléra débute sans antécédents. Je sais qu'un très grand nombre d'individus ont été surpris, par les symptômes les plus intenses, au milieu de leurs travaux habituels, dans un voyage, dans une promenade; qu'en général, c'est au milieu de la nuit ou de grand matin, à la suite d'un sommeil paisible, qu'apparaissent les premiers symptômes; mais en remontant à la source, j'ai presque toujours trouvé qu'un dérangement plus ou moins notable dans les fonctions digestives, avait précédé de plusieurs jours l'invasion du choléra.

III. Une remarque importante à faire ici, c'est que plus les prodromes ont été longs, lors même qu'ils auraient été légers, dans le cas sur-tout où il y a eu des alternatives d'augmentation et de diminution, plus l'invasion est brusque et la maladie foudroyante. On conçoit qu'une lésion préparée de longue main, doive, lorsqu'elle éclate, produire des effets bien plus graves qu'une lésion qui se déclare brusquement et sans antécédents.

IV. L'invasion du choléra asphyxique est presque toujours instantanée : tout-à-coup, à la suite de plusieurs selles, de vomissements, de crampes, ou bien en même temps que ces selles, ces vomissements, ces crampes, survient un froid glacial avec sueur visqueuse, une

coloration bleue de toute la surface du corps, et principalement de la face et des extrémités, c'est-à-dire des parties les plus riches en vaisseaux capillaires, une suppression complète ou presque complète du pouls, un assoupissement qui n'est qu'apparent et qu'interrompent des cris inarticulés arrachés par les crampes ou des soupirs exprimant l'angoisse épigastrique ; le faciès cholérique est porté au plus haut degré, on peut même dire que ce faciès cholérique s'étend à toute la surface du corps.

V. La voix se voile, le cholérique rassemble toutes ses forces pour pouvoir pousser quelques sons étouffés (voix cholérique)^ une soif ardente , insatiable, dirigée vers les boissons froides, et qui se concilie avec lliumidité de la langue, tourmente incessamment le malade; une angoisse inexprimable absorbe toutes ses facultés; quand on lui demande ce qui lui fait mal, il montre l'épigastre, la partie antérieure du thorax, et repousse les couvertures; la respiration est très variable, et présente tantôt le type normal, tantôt de l'accélération ou de la lenteur; l'air expiré est froid, la cavité buccale et la langue, en particulier, sont très froides. Les urines sont supprimées; les selles nulles ou abondantes, quelquefois involontaires; le pouls ne se sent plus qu'au voisinage du cœur; les veines sont vides; si on les ouvre, il ne sort que quelques gouttes de sang contenues dans le vaisseau; bien plus, la section de l'artère brachiale, pratiquée par plusieurs chirurgiens, n'a pas été suivie d'hémorrhagie.

VL Lorsque l'état cholérique est à son summum, le malade parait réduit à l'état de cadavre; les yeux, en partie découverts, s'affaissent, soit par l'absorption des humeurs, soit par l'effet d'une transsudation mécanique; la sclérotique se dessèche, se parcheminé au-dessous de la cornée, c'est-à-dire immédiatement au-dessus du bord libre de la paupière inférieure ,et dans les points où elle est en contact avec l'air extérieur; il y a immobilité absolue; le malade semble ne tenir à la vie que par un peu de circulation et par un peu de respiration qui s'exécute encore dans ses phénomènes mécaniques, mais qui est presque nulle, sous le point de vue de la revification du sang; la peau, livide, a perdu toute sa tonicité, si bien que lorsqu'on la pince, elle reste plissée absolument comme sur le cadavre.

VIL Et pourtant la vitalité est opprimée, mais non détruite; les sensations ne sont point affaiblies. Je me suis assuré qu'il n'y a jamais de surdité : si le cholérique ne répond pas à vos questions, c'est qu'il ne veut pas y répondre; l'intelligence subsiste tout entière; et si vous excitez fortement le malade, vous êtes surpris de la lucidité de ses idées. Il en est de même de ses forces musculaires. Que l'angoisse épigastrique augmente, que des crampes surviennent, qu'un besoin violent d'aller à la selle se manifeste, etc., des mouvements violents sont exécutés; le malade saute de son lit avec une vigueur qui étonne tous les assistants.

VIII. Cet état de mort apparente peut se prolonger plusieurs heures, un jour, deux ou trois jours, rarement davantage. La mort réelle le suit le plus habituellement; mais cette terminaison fatale n'est pas inévitable. La réaction vitale peut encore triompher; et nous avons vu bon nombre de cholériques revenir à la vie par une sorte de résurrection, après un jour, et même plusieurs jours d'un état désespéré.

IX. Chez un grand nombre, la réaction commence, mais elle s'éteint presqu'immédiate-ment; l'état asphyxique reprend le dessus. Chez d'autres, la réaction a lieu , elle est complète , salutaire ; puis succède un état typhoïde ou comateux auquel le malade succombe. Enfin à la suite de la réaction peut survenir une gastro-entérite chronique qui résiste à toute espèce de traitement.

X. Je n'ai jamais vu la convalescence succéder rapidement à un état cholérique très prononcé : tous les malades que j'ai observés ont eu à traverser une période plus ou moins orageuse. Il est donc probable que dans les cas de choléra algide, si rapidement guéris, mentionnés par quelques observateurs, les phénomènes spasmodiques donnaient à des choléras légers quant au fond, une apparence de gravité.

Xî. Il serait à peu près impossible d'exposer ici toutes les variétés, toutes les nuances que présente le choléra asphyxique, variétés qui tiennent tantôt à l'épidémie en elle-même, ou variétés épidémiques, tantôt à l'individu ou variétés individuelles; aussi les médecins de l'Inde ont-ils observé que dans certains lieux , dans certaines constitutions épidémiques, ici ce sont les vomissements qui dominent, là ce sont les déjections alvines; d'autres fois c'est le spasme ou l'angoisse épigastrique, un sentiment inexprimable de mal de cœur sans vomissement, de défaillance, d'étouffement, de barre ou bien de déchirement dans la poitrine. Chez certains sujets, ce sont les crampes qui constituent le principal symptôme. On voit des contractions excessivement douloureuses, d'une certaine durée, survenir au moindre mouvement, ou même sans mouvement, non seulement dans les muscles des extrémités, mais encore dans ceux du tronc, dans les muscles droits et obliques de l'abdomen, dans le diaphragme peut-être, dans le sterno-mastoïdien, les intercotaux, les masséters. Les malades poussent des cris de douleur, la crampe passe d'une partie du corps à une autre, et la mort peut les surprendre au milieu de ces contractions. On cite quelques exemples d'individus morts en deux ou trois heures, sans avoir éprouvé d'autres symptômes que des crampes excessivement douloureuses, passant successivement d'une région à une autre région.

XII. Nous avons pu noter nous-même des différences remarquables dans les diverses périodes de l'épidémie de Paris, autre chose était le choléra de l'invasion et de l'apogée5 autre chose était le choléra du déclin et des deux recrudescences. Une variété bien formidable, la plus formidable de toutes, est la suivante, dont j'ai observé quelques cas, chez des personnes affaiblies par des maladies antérieures, et que les médecins de l'Inde ont vue régner épidémiquement : le malade est pris immédiatement d'un froid algide : il n'y a nulle douleur, nul vomissement: à peine deux ou trois selles liquides; la mort arrive sans la moindre réaction. Il est rare que dans le cours d'une épidémie, cette forme présente une certaine durée, et ne soit pas bientôt remplacée par une forme moins indomptable.

XIII. Le choléra frès grave non asphyxique, porte moins immédiatement sur le principe de la vie et présente plus de prise aux agents thérapeutiques. La période de réaction si rare, au moins d'une manière franche, dans le choléra asphyxique, s'établit ici plus ou moins complètement. Les symptômes apparaissant successivement et non point simultanément comme dans le choléra asphyxique peuvent être portés jusqu'à la suppression complète du pouls , sans déterminer les phénomènes asphyxiques. Néanmoins la terminaison fatale pour être moins prompte, est à peu de choses près aussi fréquente que dans le choléra asphyxique. Dans Tune et l'autre formes de choléra, le malade ne peut échapper à la mort que par la réaction; or, il est des choléras tellement intenses, que la réaction ne saurait être provoquée par aucune espèce de moyens. La suppression complète du pouls aux radiales est regardée comme le signe certain d'une réaction impossible. Cette règle n'est pas sans exceptions : par opposition , on rencontre des cas où la réaction ne peut pas avoir lieu malgré la persistance du pouls.

Choléra asphyxique rapidement mortel; point de réaction ; pour toute lésion, quantité très considérable de liquides dans les intestins ; développement remarquable des follicules agminés et isolés (Pl. II, XIV, liv. L).

Adéoda (Louis ) quinze ans, vigoureusement constitué, garçon au café de Chartres, est apporté à Fambulance le 28 avril, à dix heures du matin ; il est mort à trois heures après midi, en sorte que je n'ai pu le voir. Voici les détails très circonstanciés qui m'ont été rapportés par le docteur Cartaux, mon adjoint à l'ambulance et par MM. Mas, Séron, Maffraud, de Clareuil, etc., attachés à la même ambulance en qualité d'élèves en médecine.

A son. entrée : lividité; froid ; faciès et voix cholériques? oppression; pouls misérable; selles cholériques. 11 peut marcher pour aller jusqu'à son lit.

Prescription : Réchauffer par la vapeur d'alcool chaude. Demi-lavement avec îv gouttes de laudanum de Rousseau. Infusion de tilleul chaude. Synapismes aux extrémités.

A une heure , le malade n'a pas encore pu être réchauffé. Ignorance complète de son état : il dit se trouver assez bien et espère sortir le soir.

A une heure trois quarts ; tout-à-coup , crampes dans les jambes et dans les cuisses : la respiration s'accélère; l'altération de la face devient plus profonde; la lividité se change en cyanose; la conjonctive s'injecte ; le froid devient algide; deux petites taches noires apparaissent sur la sclérotique au-dessous de la cornée.

Cet état résiste aux soins empressés que lui prodiguent les élèves et M. le docteur Canaux, qui n'ont pas quitté le malade un seul instant. Unfer chaud est promené sur la colonne vertébrale. Vésicatoire ci l'eau bouillante sur la région du cœur. Sueur glacée et visqueuse. Mort à trois heures cinquante minutes.

Ouverture du cadavre. Rigidité très prononcée; la teinte violacée persiste seulement aux extrémités inférieures, aux mains et aux lèvres; point d'emaciation notable; couche épaisse de graisse sous la peau.

L'estomac et les intestins offrent à l'extérieur un aspect blanc opaque que je ne puis mieux comparer qu'à celui qu'ils présentent chez les individus morts pendant le travail de la digestion.

L'estomac moyennement dilaté, présente à sa face interne une couleur hortensia qui fait ressortir la blancheur des follicules gastriques, lesquels sont en grand nombre et très marqués ; (voyez fig. III, pl. 1, 14e liv. ) ; dans le grand cul-de-sac est une petite plaque rouge pointillée.

U intestin grêle est distendu par une quantité considérable de liquide cholérique d'une odeur fade. Six vers lombrics nagent au milieu du liquide.

La face interne de fcet intestin est d'une couleur rose hortensia uniforme , qui a été parfaitement rendue sur la fîg. II, pl. 2. On y voit aussi le développement prodigieux des follicules isolés et agminés; les premiers F, F, F, ressemblent à de gros grains de petite vérole, les seconds F, P, F, P, F, P, à des plaques saillantes, gaufrées, sur plusieurs desquelles on trouvait des commencements d'érosion.

Le gros intestin contient une moindre quantité de liquide que l'intestin grêle, et ce liquide un peu plus consistant ressemble à du lait qui vient de se troubler. Même nuance de coloration dans la muqueuse du gros intestin que dans celle de l'intestin grêle; développement un peu moindre des follicules f, f, f.

Les autres appareils d'organes qui ont été examinés avec le plus grand soin, ne présentaient rien autre chose que ce qui se voit chez tous les cholériques.

Voici les commémoratifs qui ont été recueillis après la mort d'Adéodat. Depuis quelque temps, il prenait des vermifuges. Depuis trois ou quatre jours, il avait un dévoiement léger qui ne l'empêchait pas de faire son service de garçon de café* La veille de son entrée, il était allé à pied au bois de Boulogne ; et après avoir beaucoup joué, il s'était couché sur l'herbe. En rentrant le soir, il fut pris de vives coliques, suivies d'évacuations abondantes et de quelques vomissements qui se renouvelèrent toute la nuil.

XVL L'observation qu'on vient de lire peut servir de type pour un certain nombre de choléras, dans lesquels le phénomène dominant sous le point de vue de l'anatomie pathologique, a été une exhalation et une sécrétion folliculaire excessives de la muqueuse gastro-intestinale. La réaction n'a pas été possible. Chez Adéodat, la sécrétion avait lieu à la fois et dans le gros intestin et dans l'intestin grêle ; chez d'autres, la maladie a paru siéger tantôt dans le gros intestin seulement, tantôt dans l'intestin grêle. Quelques cholériques n'ont pas éprouvé une seule évacuation alvine, et pourtant leur gros intestin était rempli de liquide. C'est ce qu'on verra dans l'observation suivante.

Choléra asphyxique survenu dans le neuvième mois de la grossesse. Point de réaction. Mort de la mère, mort de Venfant. Grande quantité de liquide cholérique dans le gros intestin. Couleur hortensia de la muqueuse. Intégrité de Vintestin grêle.

Julien ( Elise ), vingt-un ans , dans le neuvième mois de sa grossesse , est apportée à la Maternité, le 6 avril, à midi , dans l'état suivant *

xive livraison. 6

Cyanose; froid déglace avec sueur froide aux extrémités; sueur chaude sur le tronc ; apparence d'état comateux , interrompu par des gémissements que provoquent des crampes fréquentes; faciès cholérique; yeux profondément excavés ; point d'urine ; point de selles; point de vomissements; langue froide et humide; intelligence parfaite, mais réponses difficiles à arracher; indifférence complète sur son état : crampes et coliques , voilà toutes les douleurs qu'elle accuse ; le pouls est misérable; la respiration qui est lente, se précipite parfois avec coloration bleue plus foncée de la face; envies d'uriner ; la sonde n'amène pas une goutte d'urine.

Commémoratifs. Depuis deux jours , dévoiement avec coliques et vomissements ; depuis le matin du jour de son entrée, crampes, refroidissement, cyanose.

Prescription : Potion avec sulfate kin. 15 grains, éther, demi-gros ; lavem. avec décoction de kin., et quinze gouttes de laud. Frictions ; briques chaudes ; synapismes.

A trois heures , même état; deux moxas ci la nuque, qui retirent ci peine la malade de l'état de stupeur dans lequel elle est plongée. Décoction de quinquina qu'on alterne avec limon, gazeuse. Calomel y quinze grains, sulfate de kin. 15 grains pour 5 pilules.

A quatre heures, on essaie un bain chaud ; à peine la malade y est-elle plongée, qu'elle se soulève et se débat pour en sortir ; la respiration s'accélère, la voix est forte. Au bout de quelques minutes, l'affaissement survenant, on est obligé de la retirer et on l'enveloppe de couvertures de laine bien chaudes.

La malade ne se réchauffe pas ; le pouls misérable bat 150 fois par minutes ; la respiration est accélérée à 50. Agitation ; soif; la face paraît moins profondement altérée.

A l'agitation succède la stupeur la plus profonde ; respiration accélérée, bruyante ; coloration noirâtre en demi-lune de la sclérotique : Mort à neuf heures et demie du soir. L'opération césarienne pratiquée immédiatement après le dernier soupir amène un enfant mort, dont les organes sont gorgés de sang.

Ouverture du cadavre. Estomac sain; intestin grêle sain tapissé par une couche épaisse de mucosités jaunâtres ; les follicules isolés et agminés sont dans l'état naturel : les gros intestins distendus par une énorme quantité de liquide inodore, semblable à de l'eau de riz ; couleur hortensia uniforme de la muqueuse de ces gros intestins, absolument comme dans le cas représenté fig. II, pl. 2.

Pûen de particulier dans les autres organes.

XVII. L'état de grossesse ne préserve pas du choléra : il est même probable que toutes choses égales d'ailleurs, le choléra est plus grave dans cette circonstance, la grossesse diminuant la force de réaction. La mort de l'enfant précède toujours celle de la mère. On cite l'exemple de quelques femmes grosses qui ayant résisté au choléra, sont accouchées d'un enfant mort; et il a paru que l'époque de la mort de l'enfant coïncidait avec l'époque du choléra. Par opposition, j'ai vu des femmes grosses qui avaient résisté au choléra, donner le jour à des enfans bienportans. On doit établir une très grande différence, sous le point de vue cle la gravité, entre le choléra survenant chez une femme grosse, et le choléra survenant chez une femme nouvellement accouchée; l'issue de toute maladie grave et du choléra, en particulier, ne se mesure pas seulement par l'intensité de la cause, mais à la fois par l'intensité de la cause et par la force de réaction ou d'insurrection de l'organisme. Or, cette force de réaction est en quelque sorte épuisée par le travail de l'accouchement; c'est ainsi que j'ai vu périr sans crampes, sans angoisses , sans la moindre réaction, avec tendance manifeste à l'extinction, une femme en couches, qui aurait probablement résisté dans toute autre condition de l'économie; d'un autre coté, un fait bien digne de remarque , c'est que le travail de l'accouchement survenant chez les femmes cholériques arrivées au terme de leur grossesse, influe avantageusement sur la terminaison. Trois femmes à terme qui paraissaient très gravement atteintes du choléra, ayant été prises de douleurs, accouchèrent heureusement; les symptômes bien loin de s'aggraver, s'amendèrent notablement; toutes trois ont guéri.

Une conséquence de ces faits , serait la provocation de l'accouchement chez les femmes cholériques parvenues au terme de leur grossesse; cependant le fait suivant semble prouver, entre autres choses, non-seulement que le travail de l'accouchement ne saurait s'établir chez une femme gravement affectée du choléra, mais encore

que ce travail est subitement arrêté par l'invasion d'un choléra violent. Le travail de l'accouchement suppose une réaction vitale; son absence suppose l'absence de toute réaction; par cela même qu'une cholérique éprouve des douleurs utérines, son état n'est pas désespéré; joignez à cela l'apparence de gravité qui résulte du spasme de l'accouchement ajouté au spasme de la maladie.

Choléra très-grave, non-asphyxique, chez une femme a terme, dont les eaux s'étaient écoulées. Evacuations alvines et vomissements teints de bile. Réaction vive mais passagère. Etat de bien-être inexprimable. Mort dans la stupeur. Travail complètement arrêté. Grande quantité de liquide cholérique dans l'intestin grêle. Intégrité de Vestomac et du gros intestin.

Moler, âgée de vingt-sept ans , troisième grossesse à terme , est apportée à la Maternité, le 7 avril 1852, neuf heures du matin*

Face cholérique; lividité ; pouls petit, fréquent ; crampes dans les jambes ? oppression épigastrique ; nausées ; refroidissement des extrémités ; les membranes sont rompues; il y a commencement de travail.

Commémoratifs. Il y a quinze jours, forte céphalalgie; paralysie de la langue ; fièvre; saignée. Il y a trois jours , diarrhée. Dans la nuit du 6 au 7, dix à douze selles , autant de vomissements ; les uns et les autres de couleur verte.

Prescription : Réchauffer avec un fer à repasser promené sur le rachis. Frictions avec alcool camphré, ammoniaque et laudanum. Quatre synapismes aux extrémités. Potion avec eau de mélisse, de menthe aa une once ; de tilleul, deux onces ; laudanum liq. de Sydenh., xxv gouttes. Un quart de lavement a,vec amidon et laudanum, xv gouttes\

2 heures. Réaction; la malade se réchauffe; le pouls devient fort, développé à 124; le moindre mouvement provoque des selles qui ont le caractère cholérique, mais qui sont teintes en jaune: quelques vomissements. La malade éprouve un sentiment de bien-être indicible; elle remercie avec effusion des soins qui lui sont prodigués. Je crains que cet état ne soit du narcotisme.

6 heures. La réaction n'a pas été de longue durée. Le pouls est faible, sans résistance; tendance au refroidissement; somnolence, pendant laquelle les yeux sont à demi-fermés et tournés en haut ; les selles sont toujours cholériques,, mais teintes en jaune.

9 heures du soir. Immobilité, stupeur interrompue par des cris causés par des crampes; pouls sans résistance ; froid de la face seulement.

Le lendemain à 8 heures. Etat comateux ; respiration inégale et comme convulsive ; demi-lune noire de la sclérotique au-dessous de la cornée. Mort à midi, sans refroidissement. L'opération césarienne , pratiquée immédiatement après la mort, amène un enfant mort.

Le travail de l'accouchement n'a pas avancé d'un pas depuis l'invasion de la maladie; il n'y a pas eu une seule contraction utérine.

Ouverture du cadavre. Estomac sain; intestin grêle distendu par une grande quantité de liquide cholérique teint en jaune. Les parois de cet intestin sont d'un rose pâle; point de développement des follicules isolés et agminés; gros intestin sain; vésicule du fiel distendue par une bile épaisse: les autres appareils sont dans l'état où on les trouve chez tous les cholériques.

XIX. Il n'est pas rare de voir les cholériques ne manifester aucune espèce de douleur; la douleur, qui est elle-même une expression de réaction, doit cesser lorsque cette réaction est épuisée ; c'est, comme on dit, le mieux de la mort. Mais le sentiment de bien être est un phénomène peu commun, dans le choléra je n'ai eu occasion de le rencontrer que dans un petit nombre de cas. Voici l'extrait d'un de ces cas : après les symptômes accoutumés de selles, de vomissements, de crampes et d'angoisses, un cholérique, âgé de trente-deux ans, fort, vigoureux, d'une exaltation d'idées qui allait jusqu'à l'enthousiasme, se trouva dans un état de bien être extraordinaire, qui fit croire aux assistans qu'il était sauvé; il était couvert d'une sueur visqueuse et chaude

qui paraissait de bon augure; mais la petitesse toujours croissante du pouls m'avertissait assez que ce mieux était trompeur; ce malheureux jeune homme offrait en même temps une exaltation excessive dans la sensibilité : le moindre bruit, le moindre déplacement dans ses couvertures lui causaient une sensation extrêmement pénible : la soif n'était pas pressante, et il prenait avec délices des boissons chaudes. Cet état de bien être était interrompu de temps à autre par des crises de crampes et d'angoisses. Il pria qu'on lui fit de la musique , et il s'éteignit en entendant quelques chants nationaux, qui lui rappelaient le lieu de sa naissance.

XX. Dans tous les cas précédens, nous n'avons trouvé aucune lésion qui puisse expliquer la mort; une couleur rose-pâle dans la muqueuse, soit de l'intestin grêle, soit du gros intestin, soit des intestins grêles et gros tout à la fois, ne saurait caractériser une inflammation ; remarquons, en outre, qu'il n'y avait nullement congestion sanguine ou stase dans les capillaires veineux. Les congestions sanguines intérieures ne sont donc pas un phénomène constant du choléra : l'état violacé ou la cyanose n'a donc pas nécessairement lieu dans les tissus intérieurs, alors qu'elle a lieu dans les tissus extérieurs. Que si on objecte que la mort a été trop rapide dans les cas précédents, pour que la congestion sanguine ait pû se maintenir; je répondrai par des faits qui constatent, d'une part, l'existence de lésions matérielles très prononcées, chez des individus qui ont succombé au bout de quelques heures, et d'une autre part, l'absence de ces mêmes lésions chez des individus qui ontvécu plusieurs jours; j'ai vu entre autres une cholérique qui était restée cinq jours dans un état d'agonie, et dont les intestins ne m'ont offert aucune lésion remarquable.

Les observations suivantes présenteront le tableau de quelques-unes des variétés que peut offrir le choléra.

Choléra mortel en sept heures, au milieu de crampes. Rougeur et plaques d injection de la muqueuse. Développement des plaques de Peyer. Emphysème sous-muqueux.

Tissard (Jean-François) 25 ans, savoyard, extrêmement vigoureux, demeurant rue Janisson, n° 1, (Palais-Royal), dans une petite chambrée, éprouve, le 23 avril, quelques légères coliques qui ne l'empêchent pas de continuer ses occupations.—A 6 heures du soir; nausées, coliques suivies de selles cholériques, crampes, étouffements, affaiblissement de la voix, refroidissement des extrémités.

Porté à l'ambulance à minuit, il présente l'état suivant : Faciès cholérique; cyanose; sueur froide; aphonie presque complète; crampes continuelles; respiration précipitée; point de pouls. On dit qu'il est allé cinq à six fois à la selle.

Quatre synapismes aux extrémités. Caléfaction à l'aide de vapeurs alcooliques. Friction avec le Uniment ammoniacal camphré. A. l'intérieur, quelques gouttes d'ammoniaque dans une infusion de camomille.

Le malade meurt une heure après son entrée, au milieu d'une crampe, pendant que les élèves et les infirmiers s'empressent autour de lui.

Ouverture du cadavre, 12 heures après la mort. Couleur bleue de tout le corps; rigidité dans les membres; flexion des jambes sur les cuisses, et de celles-ci sur le bassin; un peu d'écume sort de la bouche; les conjonctives sont noires d'injection, les yeux atrophiés. Aucun cadavre ne nous a présenté un aspect aussi hideux.

L%estomac contient des matières alimentaires non digérées. Emphysème sous-muqueux. Larges plaques rouges çà et là.

L'intestin grêle est rempli de liquide cholérique; emphysème sous-muqueux au commencement de l'intestin grêle; injection remarquable de la muqueuse; développement d'un nombre considérable de follicules agminés.

Gros intestin. La muqueuse injectée présente de larges plaques d'ecchymose ; les follicules sont très développés; les reins sont très petits; vessie contractée; tous les vaisseaux abdominaux*

artères et veines, sont remplis d'un sang noir. Les autres appareils sont dans le même état que chez tous les cholériques.

XX. Certes, aucun choléra n'a mieux mérité le nom de spasmodique ou d'as-phyxique que celui dont on vient de lire l'histoire. On conçoit, en effet, que les crampes puissent entraîner la mort, soit par leur continuité et l'excessive douleur qu'elles déterminent, soit par leur extension aux muscles de la respiration. L'emphysème sous-muqueux est-il l'indice d'un commencement d'altération cadavérique? je suis porté à le croire, bien que douze heures seulement se soient écoulées entre la mort et l'autopsie.

L'injection générale de la muqueuse, les plaques rouges, le développement des follicules agminés de l'intestin grêle et des follicules du gros intestin, attestent une fluxion aussi intense que rapide, dirigée sur la muqueuse de tout le canal intestinal : c'est ainsi qu'on a vu en Pologne et ailleurs, des choléras mortels en deux heures, au milieu de crampes générales, de cris perçants arrachés par la douleur, de déchirements inexprimables dans la poitrine; mais il serait peu rationnel de rapporter la mort à la lésion anatomique, si disproportionnée aux symptômes qu'on observe dans de pareilles circonstances.

Dans l'observation suivante, les altérations seront plus prononcées*

Choléra asphyxique mortel en seize heures. Injection et plaques d'ecchymose dans la muqueuse de l'intestin grêle et du gros intestin.

Capet ( Jean), 60 ans, demeurant rue des Ecouffes, n° 20, était très bien portant le 26 avril, au soir; il se couche immédiatement après souper, comme de coutume. Il est éveillé, au milieu de la nuit, par un sentiment de gêne, de tension abdominale, qu'il attribue à des vents, auxquels il est sujet. A quatre heures du matin, il est pris d'un besoin pressant d'aller à la selle, et rend, coup sur coup, plein quatre vases de nuit, d'un liquide d'abord safrané, ensuite blanc comme du petit-lait.

Néanmoins il se lève à six heures, prend son café, et se rend, à pied,, rue du Hazard-Richelieu, n°4, pour faire son service de garçon de caisse. A peine arrivé, il vomit plusieurs fois des matières alimentaires, et rend plusieurs selles cholériques: en même temps froid, face violacée, crampes des jambes, des cuisses et des poignets.Un médecin appelé prescrit des boissons chaudes, des synapismes aux genoux et sur la région du cœur. Les vomissements et les évacuations alvines deviennent plus rares.

Porté à l'ambulance, à deux heures après midi, il présente l'état suivant :

Froid algide; cyanose; langue violette et froide; les yeux profondément enfoncés; pupilles normalement dilatées; pouls à peine perceptible; voix éteinte; respiration suspirieuse ; air expiré très froid :1e malade dit qu'il étouffe, il demande de l'air et prie qu'on ouvre les fenêtres. Les crampes sont très rares. Assoupissement.Les paupières recouvrent l'œil complètement : on croit que le malade est sourd, mais cette surdité n'est qu'apparente, et il répond lorsqu'on l'excite fortement: intelligence parfaite; il ne se plaint de rien, ne demande rien, pas même à boire, et pourtant il est dévoré par la soif ; quand on approche un verre, il ne fait aucun mouvement ni de la tête ni des bras, mais il étend avidement ses lèvres pour le saisir. Prostration; immobilité.

Prescription : Caléfaction par l'appareil à -vapeur alcoolique. Lavement à 56°, avec six gouttes de laudanum de Rousseau, Respiration d'un air qui a traversé de l'eau chaude aromatisée avec Vessence de menthe. Infusion de tilleul très chaude. Quatre synapismes aux exfré-mités Vésicatoire le long du rachis.

La caléfaction est difficilement supportée. Le malade se plaint qu'on le brûle, et néanmoins la peau ne se réchauffe pas. Quelques larmes ont coulé de ses yeux pendant l'action des moyens caléfacteurs.

Le soir, à 8 heures. Les vomissements, les selles et les crampes ont cessé entièrement; le pouls ne se sent plus aux poignets; on le trouve aux carotides, lent, faible et inégal; la respiration est haute et fréquente. Il est impossible d'exciter le malade, soit par des questions brusques et vives, soit par des pincements aussi forts que possible ; l'insensibilité est complète. Cependant, l'instinct de la soif persiste,

XIVe LIVRAISON.

et il alonge ses lèvres sur le verre avec lequel on essaie de lui donner à boire. Un de nos confrères du bureau de secours tente quelques gouttes de teinture de gentiane phosphorée. Mort à 10 heures, au milieu d'une crampe.

Ouverture du cadavre, 11 heures après la mort. Aspect des individus morts asphyxiés par le charbon. Rigidité cadavérique très prononcée. Froid beaucoup moins prononcé que pendant la vie; il y a même de la chaleur à l'abdomen et au thorax. Couleur verdâtre de la peau au niveau de l'arcade fémorale et au-dessus. Estomac et intestins très injectés à leur surface extérieure, absolument comme dans la péritonite. Leur injection ponctuée a lieu par bandes, le long du bord convexe de l'intestin. Au reste, l'injection n'est pas uniforme , elle est beaucoup moindre dans la partie de l'intestin grêle contenue dans la cavité pelvienne, que dans celle contenue dans la cavité abdominale.

L'estomac renferme une grande quantité de liquide jaunâtre 3 au milieu duquel nagent des flocons muqueux de même couleur. La surface interne est rosée et comme excavée çà et là par de petites ulcérations, ou plutôt par des ramollissements circonscrits.Le long de la grande courbure, plaque noire qu'on a pu prendre, au premier abord, pour une plaque de gangrène ; autour d'elle est une légère ecchymose. Je pense que cette couleur est due à l'action de l'acide que contient le suc gastrique sur le sang infiltré dans l'épaisseur de la membrane muqueuse.

Surface interne de l'intestin grêle. Muqueuse à peine injectée dans la moitié supérieure de cet intestin. L'injection augmente peu à peu, à mesure qu'on approche de la valvule iléo-cœcale. Elle se compose, dans les trois derniers pieds de l'intestin, d'une arborisation très déliée, et de petites ecchymoses qui semblent tenir aux dernières ramifications vasculaires.

Un enduit muqueux, jaunâtre et cohérent, tapisse la première moitié supérieure de l'intestin grêle. Un enduit muqueux, plus liquide, légèrement coloré en rouge et semblable à de la lavure de chair, revêt la partie inférieure de ce même intestin.

Les follicules isolés et agminés de l'intestin grêle, sont très volumineux.

Le gros intestin présente des plaques ecchymosées plus considérables que celles de l'intestin grêle ; ces plaques sont irrégulières et entourées d'arborisations : elles ont été représentées ph II, fîg. 1. Cette altération ne s'observe que dans la moitié supérieure du gros intestin. Les follicules de cet intestin sont très développés.

La vésicule biliaire est remplacée par un kyste osseux, contenant une matière d'un blanc jaunâtre, brillante, de consistance crémeuse, au milieu de laquelle se voient quelques calculs de choleslérine.

Tous les autres organes sont dans l'état commun aux cholériques. Le plexus solaire et tous les ganglions abdominaux sont parfaitement sains.

XXI. Les symptômes d'inflammation sont encore bien plus prononcés dans l'observation suivante qui fait le sujet des planches.

Choléra asphyxique. Angoisse excessive. Selles sanglantes. Mort le deuxième jour de Ventrée, et le quatrième de l'invasion. Inflammation très-considérable de l'intestin grêle et du gros intestin (pl. i, pl. i, pl. 3).

J. Trimbalât, âgée de trente-huit ans , cuisinière, demeurant rue des Boucheries-Saint-Honoré., est portée à l'ambulance le vingt avril, à sept heures du soir, avec deux enfants, l'une âgée de vingt-un mois, qui, comme elle , était au dernier degré de choléra , et l'autre âgée de huit mois.

Etat actuel. Froid de cadavre; cyanose; voix cassée, très pénible et comme soufflée; point de pouls j les mouvements de la respiration ne sont pas sensibles à la vue; somnolence; attitudes désordonnées? mouvements brusques; soif vive ; la malade se plaint d'un sentiment d'étouffement, de chaleur brûlante dans toute la région du sternum ; les crampes ont cessé.

Commémoratifs. Depuis huit jours , époque du sevrage de son enfant , diarrhée abondante sans coliques qui lui permettait défaire son ouvrage. Depuis avant-hier, coliques, mal d'estomac, dévoiement cholérique, crampes, vomissements. Avant ma visite, on avait essayé de la saigner, mais à peine avait-on pu avoir trois cuillerées de sang. Vingt sangsues ¿1 l'anus. Quatre sinapismes aux extrémités, que la malade arrache à la première impression de douleur. Fumigations alcooliques toutes les

14e. Livraison. Pl. 1re

MALADIES DE L'ESTOMAC.

Choléra - morbus

14e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DES INTESTINS.

Choléra - morbus.

14e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DES INTESTINS.

Choléra-morbus.

deux heures. Respiration oVun air chaud, qui a traversé une infusion aromatisée avec F essence de menthe. Infusion de tilleul très-chaude. Quart lav. à 56° avec diascordium i gros. Thériaque, un demi-gros dans un peu de vin. Ventouses sèches sur le creux de Vestomac et sur les hypo-chondres.

Point de réaction. L'e'tat de cette femme reste presque identiquement le même pendant quarante huit heures. Insensibilité morale, telle qu'elle ne s'occupe point de son enfant qui meurt à côté d'elle, deux heures après son entrée. Toujours algidité ; insensibilité du pouls; somnolence interrompue par des mouvements désordonnés; elle arrache son bonnet, se découvre toute nue , se roule aux pieds de son lit, pousse des cris plaintifs, et ne répond qu'à force d'être tourmentée. Elle supporte impatiemment la caléfaction extérieure; elle ne veut pas se prêter à aspirer les vapeurs chaudes et aromatisées (ce fut à son occasion que j'eus l'idée de faire construire une espèce de masque, qui s'adaptait autour de la bouche et du nez et auquel venait s'aboucher le tuyau de la machine à vapeur); la soif est inextinguible-Angoisses; efforts de vomissement; vomissements; quelques selles cholériques; taches brunes sur la sclérotique. Sinapismes promenés sur toute la surface du corps. Vésicatoire le long du rachis et ci la partie interne des cuisses. Sangsues et ventouses à l'épigastre. Frictions avec le Uniment volatil camphré. Quart lav. ci 36° avec thériaque. Thériaque par la bouche. Quelques gouttes d'éther camphré. {La malade ne veut pas se soumettre à l emploi de plusieurs boutons de feu, qu'un médecin du bureau sanitaire (M. le docteur Pouget) me propose de lui laisser appliquer le long du rachis, assurant en avoir obtenu de bons effets dans des cas désespérés.) Eau de Seltz; infusion de tilleul froide ou chaude, au gré de la malade.

Le 22 , quelques heures avant la mort, la malade rendit plusieurs selles sanguinolentes : elle s'étei^-gnit sans agonie après avoir fait effort pour se lever et descendre sur le bassin.

Ouverture du cadavre. Rigidité de tout le corps ; lividité des extrémités seulement.

La sérosité du péritoine est visqueuse et file comme la synovie.

L'estomac, extrêmement contracté sur lui-même, est représenté fig. I. pl. 1 , 14e liv. ; sa face interne est tapissée d'une couche épaisse de mucosité très collante, très difficile à enlever, d'une couleur jaune brunâtre. Des plis longitudinaux, semblables à des valvules conniventes, occupent toute la longueur de ce viscère; la muqueuse est dans l'état naturel, excepté le long du bord libre de deux ou trois replis où elle est injectée.

La surface extérieure de l'intestin grêle est injectée dans les deux tiers inférieurs de sa longueur et présente des bandes ponctuées, comme dans la péritonite.

La surface interne de l'intestin grêle est tapissée d'une couche uniforme de mucosités blanches dans sa moitié supérieure. Sa moitié inférieure contient des mucosités sanglantes, semblables à la matière du dévoiement dysentérique.

Dépouillée de cette mucosité, la surface interne de l'intestin grêle est extrêmement injectée et présente çà et là des ecchymoses par points et par plaques rouges, pl. 5, fig. 1, cette injection qui n'est pas uniforme est si considérable, que l'intestin paraît avoir augmenté beaucoup d'épaisseur; et qu'examiné contre le jour, il présente une couleur rouge foncée, comme si toutes les tuniques étaient infiltrées de sang : aussi ce n'est que par une demi-dessiccation que nous pûmes voir une arborisation vasculaire extrêmement déliée. La fig. 2, pl. 3, représente une portion intestine demi-desséchée et vue contre le jour. Les follicules tant isolés qu'agminés n'offrent ni développement ni inflammation.

Le gros intestin contenait une grande quantité de mucosités sanguinolentes ; ses parois étaient le siège d'un désordre très considérable. Ce désordre consistait dans une coloration rouge-noire de la muqueuse, avec de larges plaques d'ecchymose ; le centre de l'altération était le rectum et l'S iliaque du colon ; là, elle occupait toute la circonférence ; plus haut , dans le colon descendant , elle n'occupait qu'une partie de la circonférence; au-dessus, étaient des portions d'intestin tout-à-fait saines, puis de petites plaques d'ecchymose de distance en distance : il y en avait une seule dans le cœcum. La planche 4, fig. 1, qui appartient cependant à un autre sujet, représente parfaitement l'état de cet intestin; les follicules n'étaient pas notablement développés ; les autres appareils examinés avec le plus grand soin n'ont offert rien de particulier*

XXII. On ne saurait méconnaître dans l'altération du gros intestin que je viens de décrire, les caractères inflammatoires de la dysenterie. Et en effet, on a vu que la malade avait rendu, dans les dernières heures de sa vie, des selles sanguinolentes.

J'ai eu plusieurs fois occasion d'observer des selles sanguinolentes avec épreintes, symptôme omis ou non, observé par la plupart des auteurs qui se sont occupés du choléra. Jamais je ne l'ai vu plus prononcé que chez le nommé Wendel qui fut apporté à l'ambulance dans l'état asphyxique. Ce malheureux, qui n'accusait d'autre symptôme qu'une angoisse épigastrique, était pressé par des besoins très-fréquents d'aller à la selle et rendait des selles sanguinolentes et même sanglantes. Plein de courage, il se levait seul et descendait de son lit pour se mettre sur la chaise percée. Il resta trois jours dans cet état de cadavérisation, qui se conciliait avec un courage et une énergie peu commune, et s'éteignit sans que nous ayons pu enrayer en rien la marche de la maladie. À l'ouverture, je trouvai le gros intestin parsemé de plaques d'un rouge-noir, comme dans l'observation précédente; l'intestin grêle était également le siège d'une très grande inflammation, caractérisée par une coloration d'un rouge-brun uniforme résultant de l'injection des plus petits vaisseaux : cette rougeur intense au voisinage de la valvule iléo-cœcale, et dans les derniers pieds de l'intestin grêle, allait en diminuant de bas en haut. C'est le gros intestin de cet individu qui a été représenté pl. IV, fig. i. Une rougeur interne et des plaques ecchymosées P, L, P, L, se voient çà et là dans toute la longueur du gros intestin.

De petites érosions E, E, E, entourées d'un cercle rouge, se voient au voisinage de la valvule iléo-cœcale.

Les selles muqueuses et sanguinolentes avec épreintes, qui sont étrangères au choléra et exclusivement propres à la dysenterie, attestent l'affinité qui existe entre le choléra et la dysenterie; et cette affinité qui n'était qu'une conjecture, est devenue pour moi une vérité démontrée depuis que j'observe la transformation qui s'opère dans l'épidémie cholérique, laquelle est insensiblement remplacée par la dysenterie. Cette transformation ne doit pas étonner, si l'on considère les traits d'analogie qui existent entre le choléra et la dysenterie, analogie dont voici les traits principaux :

i° Tous les ans, dans les fortes chaleurs de l'été, nous observons à la fois des dévoiemens cholériques, des choléras légers et la dysenterie.

i° Filtrez le dévoiement dysentérique, il restera sur le filtre, une matière tout-à-fait semblable à la dysenterie qu'on appelle blanche, en raison de la couleur des mucosités et de l'absence du sang.

3° Plusieurs cholériques ont éprouvé le ténesme , absolument comme dans la dysenterie.

4° Quelques-uns ont rendu des selles sanguinolentes, des mucosités teintes de sang; et dans le cas de mort, j'ai rencontré, dans le gros intestin, les mêmes lésions anatomiques que dans la dysenterie.

5° Enfin, quelle que soit la cause du choléra, on ne saurait révoquer en doute que cette cause ne porte plus spécialement son action sur la muqueuse gastro-intestinale, que sur les autres systèmes d'organes; et que la muqueuse du gros intestin ne soit, plus particulièrement encore que la muqueuse de l'intestin grêle, le siège de cette fluxion si rapide et si intense, qui me paraît le fait culminant de la maladie.

XXIII. J'avais entendu plusieurs de mes confrères parler d'eschares observées dans les intestins à la suite du choléra. N'ayant pas eu occasion de les rencontrer, je pouvais croire que des plaques noires ecchymosées, semblables à celles représentées fig. i, pl. IV, avaient pu être prises pour des eschares, lorsque M. le docteur Bouvier m'a adressé la pièce représentée pl. V, qui met hors de doute l'existence d'eschares considérables dans certains cas.

14e. Livraison. Pl. 4.

MAL AD I E S DES INTESTINS.

Choléra-morbus.

14e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DES INTESTINS.

Choléra - morbus.

Choléra non-algide. Mort le huitième jour. Eschares du gros intestin. Inflammation et

eschares de Vintestin grêle. (Pl. V, xive uv.)

M. le docteur Clarens est appelé le 18 juillet 1852 auprès de Louise Billot, âgée de quarante-trois ans , blanchisseuse ( impasse Coquenard , n° 23), qui éprouvait depuis deux jours un dévoiement auquel elle était assez sujette. Le cas parut si peu grave, que M. Clarens se borna à conseiller la diète et des boissons adoucissantes.

Le lendemain, 19. Face cholérique; refroidissement des extrémités; selles cholériques très nombreuses; vomissements; crampes dans les membres; douleurs vives à l'épigastre ; oppression; soif intense; langue rouge et sèche; suppression d'urine.

Prescription : Trente sangsues à l'épigastre. Potion antispasmodique. Glace à l'intérieur.

20. Diminution des selles ; cessation des vomissements.

21. Réaction; face colorée ; assoupissement; peau chaude; pouls fréquent; selles peu fréquentes. Vésicatoire ci la région lombaire. Erictions stimulantes aux extrémités et le long du dos. )

Délire; mouvements désordonnés pendant la nuit du 21 au 22.

22. 23 et 24. Affaissement extrême; coma profond. Toutefois, la malade donne quelques signes d'intelligence, lorsqu'elle est fortement excitée.

25. Coma plus profond; insensibilité complète ; face vu! tueuse; pouls fort et fréquent. La malade est transportée à l'Hôtel-Dieu, salle Saint-Joseph, n° 8, oii elle succomba dans la nuit du 25 au 26, à 1 heure du matin.

Ouverture du cadavre, 52 heures après la mort. Distension très considérable du gros intestin, et en particulier de l'arc du colon. Sa face interne est remarquable par des eschares de diverses dimensions, dont quelques-unes présentent la forme oblongue^ elliptique, comme dans le cas d'entérite folliculeuse avec gangrène. Plusieurs de ces eschares ont évidemment leur siège dans les follicules.

Rien de particulier dans l'estomac ni dans les deux tiers supérieurs de l'intestin grêle. La partie inférieure présente une plaque de Peyer énorme P,P. Un grand nombre de follicules f, f, f,) escharifiés et entourés d'une injection considérable.

XXIV. Dans le cas précédent, la malade a succombé après la période de réaction. Cette période est pleine de dangers, car il faut que l'équilibre se rétablisse, que la fluxion dirigée sur le canal intestinal cesse graduellement et ne se transforme pas en phleg-masie, soit aiguë, soit chronique. L'observation qu'on vient de lire prouve que l'inflammation, suite du choléra, survenant chez des sujets qui présentent certaines conditions , peut devenir gangreneuse.

XXV. Il semble donc que plus la maladie se sera prolongée après la période de réaction, et plus les traces de l'inflammation devront être intenses. Il est rare cependant qu'il en soit ainsi; et j'ai été étrangement surpris de ne trouver en pareille occurrence, chez des individus qui avaient survécu de dix, quinze, vingt jours, qu'une injection à peine marquée .de la muqueuse : tandis que lorsque la mort a été voisine de la période de réaction, les lésions anatomiques ont été très prononcées. Il semble, lorsque la maladie se prolonge, que la mort est le résultat de l'épuisement amené par la lutte, et que la réaction d'où dépend le retour à la santé, ne puisse se compléter. J'ai ouvert avec mon ami le docteur Vallerand, le corps d'un individu très vigoureux, qui ayant échappé aux accidents cholériques de concentration et de réaction, s'éteignit le septième jour : point d'altération notable, ni dans le tube digestif, ni dans aucun viscère; la muqueuse n'offrait pas d'injection remarquable: une bile jaune, verdâtre, assez analogue au méconium tapissait l'intestin grêle.

L'observation suivante peut être considérée comme le type des lésions de fonctions et d'organes, observées chez les individus qui succombent à la suite de la réaction.

xive livraison. 8

Cholera asphyxique. Mieux inespéré. Mort dans la stupeur

Opermann, âgée de 54 ans, cuisinière, demeurant passage Saint-Guillaume, n° 16, est portée à l'ambulance du Trésor, le 13 avril 1832, vers 4 henres du soir.

Depuis quelques jours, à la suite de fatigues, la malade éprouvait un sentiment de malaise et de brisement dans les membres. Depuis deux jours, coliques avec dévoiement d'abord jaunâtre, puis semblable à deTeau de riz.

Le 12 avril, sur le soir, vomissements ; crampes dans les jambes et dans les pieds ; froid. Les accidents ont marché en croissant toute la nuit. A son entrée, la malade nous présente l'état suivant :

Faciès cholérique porté au plus haut degré; algidité avec sueur visqueuse ; cyanose; altération profonde du timbre de la voix; soif inextinguible ; vomissements aqueux, à la moindre ingestion de liquide; attitude désordonnée; nausées; angoisse; étouffements ; respiration inégale, lente, parfois suspi-rieuse; selles sanglantes; pouls imperceptible. Du reste, facultés intellectuelles intactes. Je pense que la malade ne passera pas la nuit.

Prescription : Réchauffer par la vapeur alcoolique toutes les deux heures. Quart de lavem. chaud ci 36°, qu'on renouvellera toutes les trois heures. Infusion de tilleul très-chaude. Frictions avec Uniment ammoniacal camphré. Quatre grands sinapismes , deux aux pieds et aux jambes, deux aux mains et aux avant-bras ; ils seront suivis d'un sinapisme sur Vabdomen. Vésicatoire de trois pouces sur dix-huit le long du rachis. Ipécac. xij grains, opium gommeux ij grains, pour quatre pilules, ci prendre toutes les deux heures. Si les vomissements persistent, eau de Seltz ci la glace. Petits fragments de glace dans la bouche pour toute boisson.

Le 14. La malade vit encore, mais point d'amélioration; l'angoisse est inexprimable ; efforts continuels de vomissements qui amènent des matières jaunâtres; sensation de chaleur brûlante le long du pharynx : la glace seule en fragments calme les vomissements ; pouls complètement supprimé; toujours algidité avec sueur visqueuse ; cyanose.

Prescription : Dix sangsues avec ventouses sur l'épigastre. Eau de Seltz. Fragments de glace pour toute boisson. Quart de lavem. à la, glace, avec solution d'amidon ; xn gouttes laud. Syd., qu'on renouvellera toutes les trois heures. Réchauffer de temps en temps avec les vapeurs alcooliques. Un praticien m'ayant vanté les bons effets de l'éther camphré, on essaie quelques gouttes qui sont impatiemment supportées par l'estomac.

Le 15. La face est moins livide; la peau n'est plus algide, mais seulement refroidie; plus de sueur visqueuse ; le pouls reparaît, mais extrêmement petit et lent; assoupissement interrompu par des soupirs, par des mouvements désordonnés, et par la soif, qui est toujours inextinguible. Toujours efforts de vomissements; vomissement de matières jaunâtres. La malade se plaint d'étouffer, d'avoir une barre sur la poitrine : point de selles. Lorsque la malade est assoupie, les yeux injectés, chassieux, renversés en haut, et inégalement recouverts, la face profondément altérée, donnent l'image de l'agonie; mais lorsqu'on l'excite, sa face s'anime et elle répond très bien à toutes nos questions. La malade, qui n'avait pas jusqu'alors senti les sinapismes, s'en plaint beaucoup. Un peu d'espérance. La malade n'éprouve pas le sentiment du mieux.

Prescription : Eau de Seltz ci la glace pour toute boisson. Quart de lavement d'amidon glacé toutes les trois heures. Thériaque un gros, matin et soir. Sinapismes sur l'abdomen. Ventouses sèches au creux de l'estomac.

Le 1 6. Réaction. La face n'est plus livide, mais rouge et foncée en couleur; chaleur générale sans sueur; le pouls est large, mais très dépressible; la voix est un peu moins altérée; sentiment de mieux. Mère de quatre enfants, pleine de courage, elle lutte, en quelque sorte, par sa force morale. Elle accuse une chaleur brûlante, qui existe profondément derrière et le long du sternum; la soif toujours ardente est calmée seulement par la glace; assoupissement continuel; les yeux sont inégalement découverts et injectés; la respiration est libre, régulière, à peu près naturelle pour la fréquence; selles cholériques fréquentes.

Prescription : Quinze sangsues ci l'épigastre avec ventouses. Quart de lavement glacé laudanisé. Compresses d'oxicrat sur la téte.

Le 17. L'assoupissement est devenu stupeur ; réponses lentes par monosyllabes : la malade parait n'avoir pas connaissance de son état. Altération profonde des traits; face colorée; les yeux sont injectés, noyés dans la chassie, et toujours inégalement recouverts; dents fuligineuses ; position désordonnée; difficulté très grande à se mouvoir. Un seul sentiment survit à tous les autres, c'est celui de la soif, qui est toujours inextinguible.

Prescription : Douze sangsues ci l'épigastre. Bouteille très-chaude aux pieds. Glace sur la tête. Eau de Seltz glacée pour boisson.

Le 18. Stupeur. Réponses tardives et incomplètes; supination; immobilité; soif ardente; hoquet; vomissements après l'ingestion des boissons ; langue sèche et brunâtre; respiration lente; étouffement; la malade repousse les couvertures; l'abdomen est sensible à la pression.

Dix sangsues aux apophyses mastoïdes. Glace sur la tête. Deux vésicatoires aux jambes.

Le 19. Altération profonde des traits; connaissance incomplète; enduit fuligineux des dents et de la langue; déglutition difficile. Mort à 2 heures du soir.

Ouverture du cadavre. Rigidité cadavérique. Le cadavre ne ressemble à ceux des individus morts du choléra que par les yeux, qui sont extrêmement caves.

U estomac est très ample; sa surface interne est piquetée de points rouges, comme d'ecchymoses : l'estomac représenté pl. 1, fîg. 2, en donne une idée fort exacte.

Les intestins grêles sont extrêmement injectés à leur surface extérieure; leurs parois sont tapissées par une couche épaisse de bouillie jaunâtre, qui devient sanguinolente, et même sanglante, à mesure qu'on approche de la partie inférieure de l'intestin grêle. La muqueuse est fortement injectée dans toute l'étendue de cet intestin. La rougeur va croissant de la partie supérieure à la partie inférieure.

Les gros intestins contiennent des matières fécales, qui ont à peu près la couleur et la consistance naturelles. Il n'y a de rougeur que dans le cœcum et dans la partie voisine du colon.

La vésicule du fiel est distendue.

La vessie urinaire contractée, ne contient que deux cuillerées de liquide.Le cerveau et les méninges ne présentent rien de particulier. Tous les autres organes sont sains. Le plexus solaire et les ganglions abdominaux ont été examinés avec beaucoup de soin.

XXVI. Lors donc qu'un cholérique a triomphé de la période asphyxique, il n'a échappé qu'à une partie des dangers de sa position ; ce n'est qu'à la suite d'une lutte longue, difficile, que la réaction que l'on a cherché à provoquer par toute sorte de moyens rationnels et empiriques, peut être maintenue dans de justes limites; et cette possibilité est souvent subordonnée au genre de moyens qui ont été mis en usage dans la période de concentration; d'où la nécessité d'une grande prudence dans l'emploi de ces moyens. Trois observations de choléras très graves, heureusement guéris, montreront quelle surveillance de tous les instants nécessite et quelle série d'indications présente cette période de réaction.

Choléra très-grave arrêté à la première période du froid et de la lividité. Assoupissement très considérable, suivi de phénomènes de chorée. Guérison.

Françoise Dudert, âgée de vingt-sept ans, domestique, d'une bonne santé' habituelle, est portée à l'ambulance le 18 avril 1852 , à huit heures du matin, trois heures après l'invasion.

Huit heures du matin. Face éminemment cholérique ; yeux enfoncés et cernés ; commencement de lividité ; refroidissement ; voix rauque ; soif vive ; crampes,, dans l'intervalle desquelles la malade paraît assoupie, mais cet assoupissement n'est qu'apparent ; le pouls est grêle, peu fréquent; du reste, intelligence parfaite ; la malade rend parfaitement compte de son état. Un besoin pressant d'aller à la selle se fait sentir en ma présence ; il a pour résultat un liquide cholérique.

Commémoratifs. Dévoiement peu considérable depuis trois jours. La veille du jour de son entrée, la malade avait travaillé comme de coutume; elle dormit toute la nuit du 17 au 18. A cinq heures du matin, elle a été réveillée par des besoins d'aller, des crampes et des vomissements, suivis de défaillances ; cinq ou six selles coup sur coup.

Prescription : Réchauffer toutes les deux heures, a l'aide de vapeurs alcooliques. Eau de Seltz ci la glace. Demi-lav. ci la glace avec dix gouttes laudan. deSyd. Potion avec eau de cannelle orgée, de menthe poivrée, de tilleul, de chaque une once; thériaque, demi-gros ; sirop d'éther, une once, à preizdre en deux fois.

Une heure. La maladie a marche' avec une très grande rapidité. La face est profondément altérée; assoupissement continuel ; froid algide. Je demande à la malade si elle a froid, elle me répond qu'elle n'en a pas le sentiment, et que si elle est froide au dehors , elle brûle au dedans ( c'est une des malades les plus intelligentes que j'aie soignées, et ce n'est pas la première fois que j'ai eu occasion d'observer que la force intellectuelle est liée à une force de résistance plus grande); le pouls est insensible ; la voix éteinte ; quatre selles depuis le matin; cinq ou six vomissements énormes pour la quantité; soif vive mais non exclusivement dirigée vers les boissons froides ; il semble à la malade qu'elle a faim.

Prescription : Réchauffer toutes les deux heures. [On lui donne, en ma présence, une fumigation alcoolique, qu?elle supporte avec beaucoup de peine). Thériaque, demi-gros dans du vin. Quart lav. à 56° avec huit gouttes de laudanum. Vésicatoire le long du rachis. Eau de Seltz pour boisson.

Le 19, au matin. Un peu de réaction ; chaleur naturelle; cependant la malade se plaint de chaleur excessive; sentiment d'étouffement; sueur; pouls très petit ; point de vomissements ; une seule selle ; voix éteinte ; et bien que la malade soit toujours assoupie, elle se plaint de ne pouvoir pas dormir.

Prescription : Dix sangsues avec ventouses sur l'épigastre. Thériaque demi-gros. Quart lav. à 36'! avec six gouttes laud. de Rousseau.

Le soir, même état ; plusieurs selles. Je reviens aux lavements glacés et aux boissons froides.

Le 20, la réaction est très prononcée ; le pouls a de l'ampleur et prend de la résistance; il est peu fréquent ; les urines qui avaient été supprimées jusqu'à ce moment ont reparu ; les selles ont cessé ainsi que les vomissements ; la face est rouge lie de vin ; les yeux sont à demi-ouverts, chassieux , renversés en haut, injectés dans la partie qui est à découvert; somnolence dont on retire très facilement la malade, mais dans laquelle elle retombe aussitôt qu'on a cessé de lui parler.

Le 21, assoupissement irrésistible; la malade répond cependant aux questions qui lui sont adressées avec force. Je lui dis d'opposer toute sa raison, tout son courage à ce besoin de sommeil ; elle me répond que cela lui est impossible. Cet état m'alarme et me rappelle des cas analogues dans lesquels la mort a suivi de près cet état comateux. Saignée au bras, de huit onces. Compresses froides sur la tête. Sinapismes aux pieds.

Le 22 , état à peu près le même ; expectation ; la malade ne va à la selle que par lavements ; elle urine depuis hier.

Le 25 , l'assoupissement est moindre ; la malade se plaint de coliques abdominales ; la pression sur l'abdomen est un peu douloureuse; la respiration suspirieuse; pouls de 90 à 100°; langue sèche et rouge ; grande soif. Quinze sangsues sur l'épigastre.

Le soir, la douleur étant manifeste à l'hypogastre. Quinze sangsues sur cette région. Bain durant la durée duquel la glace sera maintenue sur la tête. Lavements émollients. Cataplasmes émollients.

Le 24. Assoupissement beaucoup moindre , mais phénomènes de chorée ; mouvements désordonnés et brusques qui la font sauter hors de son lit ; elle demande à manger.

Le 25, diminution. Le 26 , cessation des phénomènes de chorée.

Convalescence assez rapide.

XXVII. C'est dans l'état comateux ou typhoïde qu'ont succombé le plus grand nombre des malades présumés convalescents; et cependant, à l'ouverture des cadavres, à peine trouve-t-on les vestiges d'une congestion cérébrale; à peine un peu de sérosité sous-arachnoïdienne ou dans les ventricules. L'usage immodéré de l'opium dans la période asphyxique a souvent entraîné ce fâcheux résultat : on ne doit jamais oublier qu'insensible aux médications les plus énergiques, dans cet état de mort apparente, l'économie, au moment du réveil, rentrera dans les lois habituelles de la vie, et répondra non-seulement aux agents actuels, mais encore aux agents antérieurement administrés. L'absence de toute lésion dans le cerveau, doit nous rendre circonspect sur la médication à apporter dans l'état comateux : gardons-nous d'une funeste précipitation dans l'emploi des moyens énergiques; n'oublions pas, qu'après une commotion

aussi profonde de l'économie, ce n'est que peu à peu, que l'équilibre peut se rétablir. Craignons que les moyens dirigés contre tel ou tel épiphénomène, ne détruise cette force synergique de résistance, celte tendance au retour à l'ordre, qui est une des lois de l'organisation. Les phénomènes choréiques succédant, dans l'observation précédente, à l'état comateux, attestent les lésions profondes portées sur le système nerveux. Je ferai remarquer que les secours ont été administrés trois heures après l'invasion, qu'ils ont été continués avec la plus grande persévérance, que la malade n'a pas été perdue de vue un seul instant pendant le temps du danger : promptitude et continuité des secours, voilà les conditions du succès dans le traitement d'une maladie aussi promptement mortelle.

Choléra asphyxique. Amélioration lente. Convalescence très pénible.

Serrurier ( Florentine ), âgée de vingt-un ans, lingère, rue des Filles-Saint-Thomas, est prise du choléra le 10 avril, et portée à l'ambulance le lendemain vers midi.

Faciès éminemment cholérique; froid; cyanose générale , plus prononcée à la face, aux pieds et aux mains qu'aux autres parties du corps ; absence du pouls ; voix presque éteinte ; soif ardente , exclusivement dirigée vers les boissons froides ; dégoût prononcé pour les boissons chaudes ; selles nombreuses, cholériques, légèrement jaunâtres; vomissements de matières jaunâtres; suppression d'urines; étouffements; sentiment d'un feu brûlant, d'une barre à l'épigastre ; facultés intellectuelles saines; pas de crampes.

Prescription : Caléfaction ci Vaide de vapeurs alcooliques. Friction avec le Uniment ammoniacal. Quatre sinapismes aux extrémités. Ether camphré , donné ci la dose de huit ci dix gouttes de temps en temps. Thériaque, demi-gros. Quart de lavement ci 36°.

Le 12. Diminution de la cyanose et du froid ; le pouls est encore insensible; sentiment de chaleur brûlante le long du sternum et d'une barre à l'épigastre; étouffements; vomissements verdàtres très considérables au moindre mouvement ; selles liquides jaunâtres, tenant en suspension des flocons albumineux.

Sinapisme sur l'abdomen. Quart de lavement ci 36° avec xv gouttes laudanum. Thériaque * demi-gros. Infusion de tilleul édulcorée très chaude.

Le 13. Point de changement notable : la malade demande à boire froid.

Le 14. Réaction depuis hier au soir ; face vultueuse; le pouls peut être perçu ; peau chaude ; étouffements ; vomissements et selles jaunâtres : assoupissement ; prostration.

Boisson et la glace. Bain entier. Deux vésicatoires à la partie interne des cuisses. Sinapisme sur V épigastre.

Du 14 au 16 , face toujours vultueuse; les vomissements reviennent par intervalles; le dévoiement persiste; agitation extrême; angoisse; étouffements; chaleur dans toute la longueur du sternum ; soif vive ; pouls fréquent; émission des urines, qui a commencé le 14.

Vingt sangsues sur l'épigastre. Bains. Lavements avec amidon et laudanum.

Du 16 au 22, même état. Plusieurs applications de sangsues. Plusieurs bains par jour. Glace sur la tête. Eau glacée pour boisson. Lavements glacés.

Le 22 , la malade s'est fait apporter du bouillon du dehors ; la fréquence dans le pouls a augmenté; la langue est devenue sèche et rouge; les vomissements ont augmenté.

Le 23 , selle abondante de matières demi-molles ; mais toujours somnolence ; fréquence dans le pouls.

La malade s'est rétablie lentement et à Faide du régime alimentaire le plus sévère. Elle a pu se laire transporter chez elle le 6 mai.

Choléra très grave. Promptitude des secours. Persistance du sentiment d'étouffement. Guérison.

Boïeldieu (Gilbert), âgé de vingt-ans, garçon boulanger, est pris le 5 mai 1832 , d'un dévoiement assez considérable, sans crampes et sans coliques , qui lui permet de continuer son travail. Il était si bien le soir qu'il put lutter très vigoureusement avec ses camarades.

xive livraison. 9

Il dort parfaitement toute la nuit : on le réveille à quatre heures du matin pour qu'il aille à son travail. Quelques instants après, cinq ou six selles; sentiment de de'faillance. On lui donne une infusion de camomille qui le fait vomir plusieurs fois. Il est transporte à l'ambulance à 9 heures.

À son entrée, face cholérique bleuissante; refroidissement; pouls faible; crampes continuelles, très fortes et très douloureuses, qui parcourent successivement les extrémités inférieures, les muscles droits de l'abdomen, le deltoïde. Je n'ai jamais vu de crampes aussi fortes que celles du muscle droit du côté gauche. Les intersections aponévrotiques se prononçaient à travers la peau par des dépressions transversales. Soif ardente; appétence de boissons froides ; selles répétées; efforts de vomissements ; raucité de la voix.

Prescription : Quatre sinapismes. Vingt sangsues sur Vépigastre, avec -ventouses. Quart de lav. avec vin gouttes de laud. de Rousseau. Potion avec eau de fontaine , sirop de gomme et v m gouttes laud. de Rousseau (le malade vomit la potion). Boisson à la glace. Morceaux de glace. Lavement frais toutes les deux heures.

On lui fit en outre, dans la journée, une petite saignée, qui amena trois onces de sang. Ce sang coagulé présente une petite quantité de sérosité, un caillot peu consistant et peu cohérent a la manière de la gelée de pommes.

Le soir, l'état du malade s'est beaucoup aggravé. Pouls extrêmement grêle ; face profondément altérée, inondée d'une sueur froide ; angoisse extrême ; étouffement ; position désordonnée ; assoupissement interrompu par des crampes, par la soif et par le besoin d'exécuter des mouvements. Le malade rapporte tout son mal à l'épigastre. Il se plaint d'un point très douloureux dans un espace intercostal. Selles cholériques fréquentes; efforts de vomissements.

Prescription : Une grosse clef qu'on plonge de temps en temps dans F eau bouillante, est promenée sur l'épigastre , sur Vespace intercostal douloureux. Un bain est prescrit ; le maJade ne peut y rester que quinze à vingt minutes. Sangsues sur l'épigastre. Glace sur l'épigastre de temps à autre. Vésicatoire le long du rachis.

Le 4 matin, état à peu près le même. Sangsues avec ventouses sur l'épigastre. Glace sur l'épigastre, qu'on laissera une demi-heure et qu'on renouvellera de temps à autre. (Le malade en prolonge l'application et prie qu'on la renouvelle plus souvent). Glace sur la tête.

Le 5, l'étouffement est le symptôme dominant. Respiration lente et suspirieuse; soif toujours vive. Sirop d'éther qui calme Baino qui otoxiffnt et qu'on ne pont sitppnrtp.r que quelques minutes. Glace sur l'épigastre , qui soulage , et que le malade demande avec instance.

Le 6, le 7. Même étouffement; même respiration. Le pouls est fréquent, petit, quelquefois grêle. Emission des urines, application de douze sangsues avec ventouses, qui enlèvent en partie l'étouffement.

La nuit du 7 au 8 se passe bien. Le 8, le mieux est sensible ; le pouls a pris un peu de développement et a perdu de sa fréquence. La soif est moins vive et dirigée vers les boissons chaudes. Le malade ne veut plus de bains. Les sinapismes, qui ont produit des vésicules, et le vésicatoire du rachis, donnent beaucoup.

Les jours suivants, le mieux s'est soutenu, et le malade a pu être transporté chez lui le 25.

ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE DU CHOLÉRA.

Il résulte des considérations générales et des faits exposés ci-dessus, que le choléra-morbus constitue une maladie spéciale, qui ne ressemble qu'à elle-même, et qui conséquemment doit occuper dans nos cadres, nosologiques, un rang proportionné à sa gravité et à son importance. Mais quel est ce rang ? quelle est la nature du choléra ? voilà les questions qui méritent de nous occuper.

En médecine, la nature d'une maladie est établie, autant que possible , lorsqu'on est parvenu à déterminer et son analogie et ses différences avec d'autres maladies mieux connues, ïl est des maladies dont la nature est connue lorsqu'on connaît d'une manière positive les lésions anatomiques qui la constituent ou qui l'accompagnent; telles sont les phlegmasies et les lésions organiques en général; il en est d'autres dont la nature est

établie par la détermination des causes; exemple : les maladies syphilitiques, pour lesquelles les questions de siège et de lésion ne sont que des questions secondaires : la nature des autres se déduit des effets du traitement : ainsi la nature des intermittentes pernicieuses ou autres est de céder aux préparations de quinquina; la nature de la variole est d'être prévenue par le vaccin.

Toute maladie se composant d'un grand nombre d'éléments divers, il importe de ne point s'attacher exclusivement à tel ou à tel de ces éléments, sous peine de tomber dans les plus graves erreurs. En appliquant ce principe au choléra, nous allons l'étudier successivement sous le rapport de son anatomie pathologique, de ses causes, de ses symptômes et de sa thérapeutique.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DU CHOLÉRA. i° Etat extérieur du cadavre.

-

L'aspect du cadavre des cholériques morts pendant la période bleue, diffère peu de celui que présentent les malades arrivés à cette période, où ils sont en quelque sorte cadavérisés, comme on l'a dit énergiquement. On raconte même que cette similitude a donné lieu à de déplorables erreurs.

Les muscles sont dans un état de rigidité, telle, que je l'ai comparée à celle du corps des suppliciés. On ne voit que rarement ces attitudes demi-fléchies et désordonnées, que l'on a figurées comme étant propres aux cholériques; une seule fois, la mort ayant surpris un cholérique pendant les crampes les plus violentes et les plus générales, les doigts restèrent convulsivement écartés et les extrémités supérieures et inférieures demi-fléchies.

Le faciès cholérique reste empreint sur le cadavre, si bien qu'il est ordinairement facile de diagnostiquer la maladie d'après la seule inspection du eorps. Le globe de l'œil, que nous avons vu rapetissé dans les derniers instants de la vie du malade, est affaissé et flétri, comme chez les sujets de nos amphithéâtres, qui ont plusieurs jours d'ancienneté : la dessiccation de la sclérotique, qui avait commencé sur le vivant se continue sur le cadavre, et occupe toute la portion du globe de l'œil qui est en contact avec l'air, d'où la demi-lune noire qui cerne la moitié inférieure de la cornée : c'est sans doute à la présence de l'humeur aqueuse, qui baigne sa face postérieure, que la cornée doit le privilège de ne pas participer à la dessiccation.

La teinte bleuâtre de la peau est moins foncée et moins générale que sur le vivant ; la face et les extrémités conservent seules la cyanose cholérique; on dirait d'un individu mort asphyxié par le gaz acide carbonique. Une lois j'ai vu les extrémités supérieures tellement livides, qu'un médecin, d'ailleurs instruit, crut d'abord que ces extrémités étaient gangrenées.

Le froid de la peau est moins intense sur le cadavre que sur le vivant, ce qui tient en grande partie à l'absence de cette sueur visqueuse qui inonde la peau pendant la dernière période du choléra : chez plusieurs sujets, au bout de dix-huit heures, la chaleur du tronc s'était maintenue à peu près, comme dans l'asphyxie.

La putréfaction du cadavre est lente, comme chez tous les sujets épuisés de sang, La putréfaction du canal alimentaire, est au contraire très rapide, comme dans tous les cas de congestion sanguine considérable sur les organes digestifs.

i° Du canal digestif dans le choléra.

Couleur légèrement violacée de la muqueuse buccale, pharyngienne et œsophagienne ; développement des follicules œsophagiens.

Péritoine. Sécheresse de la surface libre du péritoine; viscosité du liquide sécrété^ si bien, que lorsqu'on écarte les circonvolutions intestinales, on voit assez souvent se former des filaments, à la manière de la synovie, entre les doigts qu'on écarte.

Dans un grand nombre de cas, la surface extérieure de l'estomac et des intestins est remarquable par sa couleur violacée. 11 y a cyanose du péritoine aussi bien que de la peau : souvent j'ai vu le péritoine parcouru par des bandes d'injection ponctuée, dirigées suivant la longueur de l'intestin, absolument comme dans la péritonite, en sorte, que pour constituer tous les caractères anatomiques de la péritonite, il ne manquait que le liquide séro-purulent, purulent ou pseudo-membraneux. Ce fait m'a rendu moins inexplicable un cas de péritonite qui a été observé chez un cholérique, à l'Hôtel-Dieu, dans le service de M. Bailly.

Estomac. Je l'ai vu plusieurs fois fortement contracté sur lui-même, le grand cul-de-sac presque complètement effacé, comme chez un carnassier (voy. planche I, fig. i, XIV livr. ); dans d'autres cas, la contraction était bornée à la portion pylorique; d'autres fois enfin, l'estomac avait son ampleur accoutumée.

Le liquide contenu dans l'estomac était variable pour la quantité et pour la qualité : le plus souvent je l'ai trouvé limpide, jaunâtre ou verdâtre , mêlé de flocons albumineux, Dans les estomacs contractés, il n'y avait pas une goutte de liquide, mais leur face interne était enduite d'une couche épaisse très adhérente de mucosités.

La muqueuse gastrique m'a paru en général moins fréquemment et moins vivement affectée que la muqueuse intestinale; souvent elle était dans l'état le plus naturel. Dans d'autres cas, les follicules gastriques étaient très développés, et ce développement s'observait tantôt au voisinage du pylore , tantôt au voisinage de l'œsophage, quelquefois dans toute l'étendue de l'estomac: la disposition de ces follicules a été très bien rendue fig. 3, pl. I, XIV liv. Sous le rapport de la couleur, la muqueuse était quelquefois pâle (voyez même figure), d'autres fois rosée, uniformément injectée; chez quelques individus, c'était une rougeur ponctuée, disposée par plaques, par bandes, le long du bord libre des plis longitudinaux de la membrane muqueuse; quelquefois on trouvait des ecchymoses circonscrites ; enfin il est des estomacs qui présentaient dans une plus ou moins grande étendue, et quelquefois dans toute leur étendue (fig. i, pl. I.), des traces non équivoques de la plus vive inflammation. Je dois faire remarquer ici, que ces traces d'inflammation de l'estomac ont été le plus souvent observées chez des individus qui ont succombé aux accidents consécutifs du choléra.

Intestin grêle. Quelquefois fortement contracté sur lui-même, dans une étendue considérable; dans d'autres cas, étranglé de distance en distance. J'ai noté quelques cas d'invagination sans trace aucune d'inflammation.

Les liquides contenus, présentent des variétés non moins nombreuses, et pour la qualité et pour la quantité , que les liquides de l'estomac.

Chez un certain nombre d'individus morts dans la période bleue, j'ai trouvé l'intestin rempli et même distendu par une énorme quantité de liquide cholérique; plusieurs avaient eu ce qu'on appelle le choléra sec. La femme Breton, portière, qui perdit son mari du choléra le i5 avril, fut prise le 16, à midi, et mourut en douze heures: le liquide contenu dans l'intestin grêle avait une couleur rosée , évidemment due à la matière colorante du sang; la muqueuse était tapissée par une couche épaisse de mucosités rougeâtres. Lorsque le cholérique résiste à la période bleue et succombe plus ou moins long-temps après la réaction, on ne trouve plus de liquides, mais à leur place une matière pultacée, plus ou moins abondante, jaunâtre, verdâtre, que je ne puis mieux comparer qu'au méconium : nous avons vu que cette matière pultacée était rougeâtre à la fin de l'intestin grêle (liez Opermann, qui succomba à la suite de la réaction. La présence des ascarides

lombricoïdes, signalée par tous les observateurs, et que j'ai eu occasion d'observer plusieurs fois, ne peut être considérée que comme une simple coïncidence.

La muqueuse de l'intestin grêle présente des caractères fort variables : le développement des follicules, qui a plus spécialement fixé l'attention de quelques praticiens, n'est rien moins que constant. Le plus bel exemple, que j'aie eu occasion de rencontrer est celui qui a été figuré pl. II, XIVe liv.; il m'a été fourni par le jeune Adéodat, dont la mort a été si rapide: les follicules isolés et les follicules agminés sont également développés-les premiers se présentent sous l'aspect de gros grains sans orifice, offrant au premier abord les caractères d'une éruption; les seconds sous celui de plaques saillantes, gauffrées, dont plusieurs offraient une sorte d'ulcération ou mieux d'érosion. Un doute s'est élevé sur la question de savoir, si ces gros grains étaient bien des follicules isolés, ou s'ils n'étaient pas plutôt des productions nouvelles : la solution de ce doute se trouve dans l'étude de l'entérite folliculeuse (forme granuleuse) (i), qui présente si souvent les mêmes granulations imperforées, au moins en apparence.

Dans un certain nombre de cas, le développement a porté exclusivement sur les follicules isolés ; d'autres fois, il a porté exclusivement sur les follicules agminés. La fig. 2, pl. IV, représente la forme la plus habituelle de cette altération granuleuse qu'on rencontre dans le choléra (2) ; on y voit les follicules perforés du gros intestin à côté des follicules imperforés de la fin de l'intestin grêle. Les follicules isolés et agminés présentent rarement des traces d'inflammation : jamais je n'ai rencontré d'inflammation aussi prononcée, que dans le cas figuré pl. V, où un grand nombre de follicules étaient gangrenés*

La couleur de la muqueuse présente toutes les nuances possibles, depuis le rose tendre jusqu'au rouge-noir : souvent elle est uniformément rosée comme chez ces individus qui succombent pendant le travail de la digestion ; quelquefois ce n'est même pas du rose, c'est la nuance hortensia, ainsi qu'on l'a dit avec vérité. Tel était l'intestin du jeune Adéodat, représenté pl. IL

La coloration rouge de la muqueuse est Lieu différente de celle qui résulte de la stagnation du sang dans les vaisseaux veineux, à la suite d'obstacles à la circulation; il est rare qu'elle soit uniforme ; souvent on trouve çà et là des points, des plaques d'ecchymose. Si on examine contre le jour et appliquée sur une lame de verre une portion d'intestin colorée en rouge-brun, on voit l'arborisation vasculaire la plus déliée et la plus complète qu'il soit possible d'imaginer. L'épaisseur de l'intestin, augmentée par l'abondance des liquides, rend quelquefois nécessaire une demi-dessiccation : la figure 2 , planche III, a été faite d'après un intestin demi-desséché.

C'est presque toujours au voisinage de la valvule iléo-cœcale que les traces de congestion sanguine sont les plus prononcées : la rougeur va progressivement en diminuant à mesure qu'on s'éloigne de la valvule ; souvent limitée aux deux ou trois derniers pieds de l'intestin grêle, elle occupe quelquefois la moitié inférieure et même la totalité de la longueur de cet intestin : le duodénum lui-même n'en est pas toujours exempt. On peut dire, qu'en général, l'intensité de la rougeur est en raison inverse de son étendue.

Il m'a paru résulter de tous les faits soumis à mon observation, que c'est dans le gros intestin que les altérations cadavériques sont à la fois et les plus constantes et les plus considérables.

Gros intestin. Son volume varie beaucoup : il est tantôt distendu par les liquides qui remplissent sa cavité, tantôt resserré sur lui-même, à la manière d'un cordon coupé

(1) Voyez Livraison sur l'Entérite folliculeuse.

(2) Cette figure a été faite sur la même pièce que celle qu'on voit à la fin du Mémoire sur le choléra, publié par M. Ripault, élève interne de l'Hôtel-Dieu.

xive livraison. 10

de distance en distance par des dilatations circonscrites. C'est dans le gros intestin que j'ai rencontré, le plus habituellement, le liquide cholérique avec sa limpidité, et ses flocons muqueux, lesquels étaient déposés sur les parois de l'intestin : on dirait d'un intestin rempli jusqu'à distension par de l'eau de riz. Le liquide cholérique pur ne se rencontre que chez les individus morts rapidement : il n'existe en grande quantité, que lorsque les évacuations alvines ont été supprimées.

Lorsque le malade a résisté pendant deux ou trois jours, le liquide cholérique est moins pur et souvent on ne rencontre dans le gros intestin que des mucosités diversement teintes et même quelquefois un mucus sanguinolent. Chez la plupart des individus morts quelque temps après la période de réaction, j'ai trouvé une pulpe jaunâtre ou verdâtre, analogue pour la consistance au méconium.

La muqueuse du gros intestin présente de nombreuses variétés de coloration : ici, elle est dune couleur naturelle dans toute son étendue; là, elle est couleur hortensia: ailleurs, elle est injectée par arborisation, et présente des points d'ecchymose disséminés, de larges plaques noires, qui ne sont autre chose que le résultat d'une infiltration de sang dans le tissu cellulaire sous-muqueux ou dans le tissu même de la membrane (voyez pl. II, fig. ire et pl. IV, fig. i): cette altération peut être bornée au voisinage de la valvule iléo-cœcale (pl. II, fig. 2); ou bien occuper Lintestin rectum, l'S iliaque, l'arc du colon; enfin, dans quelques cas (voyez pl. IV, fig. 1) , la presque totalité du gros intestin est comme plaquée d'ecchymoses de diverses grandeurs : et ces plaques noires ont pu être prises par des observateurs inattentifs, pour des plaques de gangrène; je n'ai observé qu'une seule fois, dans le choléra, une véritable gangrène du gros intestin , c'est dans le cas figuré pl. V : la forme elliptique des plaques gangrenées est remarquable.

Les follicules du gros intestin sont le plus souvent très développés, sur-tout au voisinage de la valvule iléo-cœcale. Ils sont toujours perforés à leur centre et cette perforation est indiquée par un petit point noir (pl. IV, fig. 1). Dans un grand nombre de cas, ces follicules sont environnés comme par une espèce d'auréole rouge (pl. II, fig. 1), qui examinée à la loupe, n'est autre chose qu'une injection sanguine pénicillée.

La rate est en général petite, dense, beaucoup moins facile à déchirer que de coutume : on dirait que le sang en a été exprimé.

Le foie est gorgé de sang mais inégalement, ce qui lui donne un aspect marbré. La vésicule du fiel est généralement distendue par une bile très épaisse et comme poisseuse.

Les reins m'ont paru dans l'état naturel; la vessie est aussi contractée que possible et complètement vide, au moins chez les sujets morts dans la période asphyxique. Elle contient de l'urine chez les individus morts pendant la période de réaction.

Des organes de la circulation et de la respiration dans le choléra.

Cœur. J'ai quelquefois trouvé un peu de sérosité dans le péricarde. Le cœur est absolument dans l'état où se trouve cet organe chez les individus asphyxiés : les cavités droites et l'oreillette gauche sont distendues par une grande quantité de sang. Le ventricule gauche est tantôt médiocrement dilaté , tantôt tellement resserré sur lui-même , qu'il ne contient pas une seule goutte de sang : on dirait d'une hypertrophie concentrique porté au plus haut degré, car il y a effacement complet de la cavité. Les grosses artères sont pleines de sang liquide, les petites artères n'en contiennent pas du tout ; le système veineux tout entier, et plus particulièrement le système veineux abdominal, en est gorgé.

Les propriétés physiques du sang sont si remarquables qu'elles ont fixé l'attention de tous les observateurs. Ces propriétés m'ont paru à peu près les mêmes, et sur le cadavre,

et sur le sang retiré des vaisseaux par la saignée : l'absence de sérum, la consistance du sang, assez semblable à celle de la gelée de groseille trop cuite, et par conséquent moindre que dans l'état naturel, ont été signalées avec beaucoup de vérité; l'absence du sérum s'explique par la déperdition énorme et rapide que fait le sang pour fournir à la sécrétion de la muqueuse intestinale. Et il n'était pas besoin d'analyse chimique , pour établir que la sérosité rendue par les selles ou les vomissemens, présentait tous les caractères du sérum du sang. L'absence du sérum n'est pas un caractère spécifique dans le choléra ; car, d'une part , j'ai rencontré une certaine quantité de sérosité dans le sang retiré par la saignée, chez des cholériques bien prononcés; d'une autre part, il n'est pas fort rare, dans des maladies autres que le choléra, de voir le sang présenter les caractères physiques assignés au sang cholérique.

On a exagéré, lorsqu'on a dit que le caillot ne rougissait pas par l'effet du contact de l'air : on eût été dans le vrai, en se contentant de dire qu'il rougissait plus lentement et qu'il ne rougissait même pas du tout, dans le cas où la couche superficielle ou croûte vient à se dessécher. Plusieurs médecins, plaçant dans le sang la cause du choléra, ont soumis ce liquide à toute sorte d'expériences. La chimie a vainement été invoquée, et les résultats auxquels les chimistes sont arrivés, par rapport au sang dans le choléra, peuvent être comparés à ceux obtenus par l'analyse de l'air atmosphérique, pour y découvrir les causes morbides, miasmatiques ou autres productrices de cette maladie.

Les globules du sang des cholériques, soumis à l'inspection microscopique, ont paru aux uns identiquement les mêmes que ceux du sang le plus .naturel; aux autres, ils ont paru offrir une disposition un peu différente.

Enfin, des expériences physiologiques tentées sur les animaux vivants, avec le sang des cholériques, ont donné des résultats purement négatifs.

Les organes de la respiration sont dans l'état le plus parfait d'intégrité : les poumons, secs, non crépitants, ne sont jamais engoués de sérosité, comme dans les maladies avec agonie râleuse; les gros vaisseaux artériels et veineux contiennent une plus ou moins grande quantité de sang noir. La muqueuse bronchique présente une couleur violacée chez les individus morts dans la période d'asphyxie.

Appareil nerveux.

Cerveau et cervelet sains, mais injectés de sang, comme dans l'asphyxie; la pie-mère est plus ou moins injectée, quelquefois ecchymoses légères : peu de sérosité dans les ventricules et dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien.

Moelle épinière, saine ; ses diverses coupes sont sablées de rouge. Les ganglions semi-lunaires, les plexus solaires, les ganglions du grand sympathique, les ganglions inter-verté-braux, les nerfs pneumo-gastriques, le système nerveux tout entier m'a paru, dans les cas nombreux où je l'ai examiné, dans l'état le plus parfait d'intégrité. Et je ne puis concevoir, comment un grand chirurgien, le professeur Delpech (i), qu'un horrible assassinat vient d'enlever à la science, a pu trouver dans les ganglions semi-lunaires des traces d'inflammation.

Résumé de Vanatomie pathologique du choléra.

D'après ce qui précède sur l'anatomie pathologique du choléra, il est évident, i ° que cette maladie ne saurait être rangée parmi celles qui trouvent leur interprétation tout

(0 Étude du Choléra-Morbus, en Angleterre et en Ecosse, Paris, i83a, in-8°.

entière dans les lésions anatomiques, puisqu'il côté des cas où ces lésions ont été très prononcées, nous trouvons d'autres cas où elles étaient légères, douteuses et même nulles. Si donc on applique au choléra cet axiome fondamental en anatomie pathologique, savoir : que (i) toute altération organique qu'on ne rencontre pas constamment a la suite d'une maladie, ne peut pas être considérée comme faisant partie essentielle de cette maladie, on sera fondé à restreindre beaucoup l'importance de l'anatomie pathologique dans l'étude du choléra, et à chercher ailleurs les véritables caractères de cette maladie.

i° 11 n'est pas moins évident que les lésions anatomiques les plus remarquables ont leur siège dans le canal alimentaire et plus particulièrement dans le gros intestin et la partie inférieure de l'intestin grêle; que ces lésions consistent tantôt dans le développement des follicules isolés et agminés , tantôt dans la coloration plus ou moins foncée , dans des arborisations, des ecchymoses , et quelquefois même dans la gangrène de la muqueuse intestinale; mais qu'aucune de ces lésions n'est constante, et qu'il serait impossible à l'ana-tomiste le plus exercé, de déterminer à priori, dans le plus grand nombre des cas, si un canal intestinal qui lui serait présenté, a appartenu à un cholérique ou à tout autre individu; que les lésions anatomiques, bien loin d'être proportionnées à l'intensité des symptômes, sont souvent en raison inverse.

3° Que la présence du liquide cholérique dans le canal intestinal est le seul caractère constant, on pourrait même dire spécifique; qu'on le rencontre constamment chez les individus qui ont succombé dans la période asphyxique.

4° Que le sang présente un état particulier à peu près constant dans le choléra asphyxique, et que les appareils de la circulation et de la respiration offrent tous les caractères de l'asphyxie.

Plusieurs manières de voir sur la nature du choléra ont été fondées sur les données fournies par l'anatomie pathologique.

i ° L'absence de lésion matérielle, constante, uniforme, l'a fait ranger parmi les névroses.

i° Une erreur anatomique, la coloration rosée naturelle des ganglions semi-lunaires a pu faire croire à une inflammation de ces ganglions.

3° L'altération du sang que la plupart des observateurs regardent comme consécutive au flux séreux qui a lieu par les selles, est considérée par d'autres comme primitive et comme la source de tous les phénomènes. Suivant ces derniers, c'est par ses qualités délétères que le sang porte la mort dans tous les tissus. Suivant les premiers, l'altération du sang est un effet qui devient cause à son tour, le sang dépouillé du sérum devenant impropre à circuler en raison de sa consistance ; d'où la gêne progressivement croissante et la cessation presque complète de la circulation.

4° Le développement des follicules isolés ou agminés a fait placer dans cet élément anatomique le siège de la maladie. La forme arrondie des follicules de l'intestin grêle a pu faire croire que ces granulations n'étaient pas des follicules, mais bien une éruption particulière (psorentérie de M. Serres).

5° La rougeur, les ecchymoses et autres signes d'inflammation observés dans un certain nombre de cas, ont fait regarder par les uns le choléra-morbus comme une phlegmasie, tandis que les autres ont cru pouvoir expliquer l'injection de la muqueuse par le stase du sang veineux dans les capillaires.

6° L'absence de la bile dans les évacuations cholériques avait frappé les premiers observateurs qui attribuaient cette maladie à l'absence de la bile ; mais nous avons

(i) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, article anatomie pathologique, t. a , p. 370.

vu que la vésicule biliaire est constamment distendue par une grande quantité de bile. D'ailleurs, la présence de la bile, soit dans l'estomac, soit dans les intestins, après la réaction, coïncide souvent avec une terminaison fâcheuse. Enfin, les qualités particulières et l'abondance du liquide rendu par les selles, ont fait admettre que le choléra-morbus consistait essentiellement dans une irritation sécrétoire de la muqueuse gastro-intestinale.

Mais les lésions d'organes n'étant qu'un effet, et dans tous les cas ne pouvant être considérées que comme un élément dans l'histoire des maladies, cherchons dans l'observation clinique, c'est-à-dire dans l'analyse des symptômes, des causes, des effets du traitement, de nouvelles données à l'aide desquelles nous puissions parvenir à la solution du problème de la nature du choléra. C'est cette analyse qui va m'occuper sous le titre de physiologie pathologique du choléra.

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE DU CHOLÉRA.

i° Analyse des symptômes du choléra. Le choléra asphyxique semble, au premier abord, échapper à toute analyse : l'innervation, la circulation, la respiration sont simultanément et profondément affectées; la vie est menacée dans sa soruce, comme si le malade était sous l'influence d'un agent délétère; le malade présente tous les symptômes de l'empoisonnement; il meurt asphyxié.

Mais, si au lieu d'étudier tout d'abord le choléra dans sa forme la plus grave, on observe l'épidémie cholérique tout entière, si on passe successivement du dévoiement cholérique au choléra léger, au choléra moyen, et enfin au choléra asphyxique, on sera conduit, d'une manière insensible, à établir le point de départ le plus probable des symptômes, et leur filiation.

Or, l'affinité qui existe entre le dévoiement cholérique et le choléra, est un fait incontestable : nous avons vu en effet, que si un certaiu nombre d'individus étaien t pris d'emblée des symptômes les plus graves, plus souvent encore le choléra débutait par un dévoiement cholérique négligé ou mal traité.

Nous devons donc considérer le dévoiement cholérique comme le premier degré du choléra, comme le choléra dans sa forme la moins grave.

Or, le dévoiement cholérique est-il autre chose qu'un flux intestinal, flux séreux et muqueux, qui a beaucoup d'analogie avec celui qui résulte d'une superpurgation (i).

Ce flux, qu'accompagnent si souvent des épreintes et des coliques, amène presque immédiatement, lorsqu'il est très abondant, un amaigrissement considérable, une chute complète des forces, l'affaiblissement de la voix, la tendance au refroidissement, des crampes légères; tous symptômes qui sont une conséquence trop évidente de la concentration subite des forces de la vie sur le canal intestinal, et de la déperdition de substance qui a lieu par les évacuations alvines, pour qu'il soit nécessaire d'en établir la corrélation.

Dans le dévoiement cholérique, véritable sueur intestinale, la maladie est purement locale; soit que la cause ait agi avec peu d'intensité, soit que cette cause ait rencontré une constitution réfractaire.

Dans le choléra, au contraire, l'économie tout entière participe à la lésion, et on peut admettre l'une ou l'autre de ces manières de voir : ou bien que les phénomènes généraux sont sympathiques de la concentration de forces sur le canal alimentaire ;

(i) tl n'est pas rare de voir les flux séreux intestinaux, qui sont la suite de suppuration, à peine teints de bile.

XIVe TaVRAfSON. il

ou bien que ces phénomènes généraux sont des effets simultanés et non subordonnés d'une même cause, qui agirait sur l'organisme tout entier, et plus particulièrement sur les fonctions fondamentales, l'innervation et la circulation; en sorte que l'état syncopal algide, asphyxique, surviendrait en même temps que la fluxion intestinale.

L'étude des phénomènes qui ont lieu dans l'empoisonnement par l'arsenic, me paraît jeter le plus grand jour sur le choléra : à peine le poison a-t-il touché la muqueuse gastro-intestinale, qu'apparaissent et les symptômes locaux qui dénotent l'irritation violente de cette membrane, et les symptômes généraux, par lesquels se révèle l'atteinte profonde portée aux forces de la vie; or, ces symptômes locaux et généraux de l'empoisonnement ont la plus grande analogie avec ceux du choléra : dans l'un et l'autre cas, ce sont des crampes, l'angoisse épigastrique, l'étouffement, les hoquets, les vomissements, l'extinction de la voix, la petitesse, l'anéantissement du pouls, le refroidissement de la surface du corps porté quelquefois jusqu'à l'algidité. Appelé auprès d'un individu qui fut pris subitement des symptômes que je viens d'indiquer, et qui ne voulut faire aucun aveu, je fis prévenir le procureur du roi, que si le malade n'avait pas le choléra, il avait été empoisonné; il mourut en ma présence, trois heures environ, après l'invasion des accidents. A l'ouverture, nous trouvâmes dans l'estomac des fragments d'arsenic.

Voyez encore la hernie étranglée : un pouce de la circonférence de l'intestin est pincée, aussitôt surviennent hoquets, vomissements, dépression de pouls, extinction de voix_, tous symptômes qui dénotent une lésion profonde du système nerveux viscéral; et les malades succombent à ces accidents nerveux, alors que la lésion locale est très peu considérable.

Plus je réfléchis, d'une part, sur la succession des phénomènes dans le plus grand nombre des choléras, d'une autre part, sur les effets d'une concentration rapide d'innervation et de liquides sur une surface aussi sensible et aussi vasculaire que l'est la muqueuse intestinale, plus je suis fondé à voir dans cette concentration, clans le flux séreux et muqueux qui la suit, le fait le plus général auquel on puisse arriver par l'observation des symptômes et par l'anatomie pathologique ; et sans prétendre expliquer par elle tous les symptômes, ne nous suffit-il pas d'établir une corrélation entre cette fluxion et l'asphyxie incomplète et graduelle, la soif inextinguible, l'anxiété précordiale, les vomissements, les hoquets, les crampes, et enfin la diminution des battements du cœur dont la contraction, réduite à un simple frémissement, ne projette plus le sang que dans les gros vaisseaux. Dire quelle est la limite qui sépare les cas où la maladie est purement locale et se concilie avec l'état d'équilibre de toutes les fonctions, de ceux où l'équilibre rompu entraine tout cet appareil de symptômes formidables, cela me parait presque impossible. Il nous suffit de constater le fait de cette rupture d'équilibre de l'innervation, rupture que nous trouvons dans toutes les maladies graves, et qui doit varier prodigieusement suivant l'individualité et une foule de circonstances.

Dans le choléra le plus asphyxique, il y a un degré en deçà duquel la réaction est possible, et au-delà duquel elle est impossible. La réaction développée peut être incomplète ou complète, temporaire ou permanente. Dans les intermittences pernicieuses, soit cholériques, soit algides, soit asphyxiques, il est bien rare que la réaction

(i) Je rapprocherai encore le choléra de la Suette des Anglais,, de i483, dont Caïus nous a conservé l'histoire. Cette maladie, qui ravagea une grande partie de l'Europe, sous le titre de peste britannique, était accompagnée de symptômes généraux, tels que soif inextinguible, anxiété précordiale, oppression, somnolence, vomissements, petitesse du pouls, et se terminait par la mort au bout de quelques heures. A côté de ces cas si rapidement mortels, se voyaient des cas beaucoup moins graves, dans lesquels la maladie paraissait bornée à une sécrétion surabondante de la peau, et qui était à la Suette la plus intense, ce qu'est le dévoiement cholérique par rapport au choléra aspliyxique.

ne puisse pas être obtenue deux ou trois fois, et presque toujours elle a lieu spontanément. Dans le choléra épidémique, il y a oppression telle des forces de la vie, que la mort arrive souvent sans la moindre réaction, malgré tous les efforts de l'art.

Si la fluxion dirigée sur la muqueuse intestinale est le point de départ, le phénomène culminant de la maladie, on peut se demander si c'est la spécialité ou bien la rapidité et l'étendue de la fluxion qui rendent compte des phénomènes si spéciaux du choléra-morbus. A cela je répondrai que toute maladie spéciale reconnaît une cause spéciale; mais que la spécialité peut consister dans le degré, dans l'étendue, dans la rapidité de l'action morbide , non moins que dans la nature particulière de cette action.

Du reste, l'anatomie pathologique me paraît avoir amplement démontré que le choléra-morbus ne consiste pas essentiellement dans une fluxion inflammatoire ou phlegmasie de la muqueuse gastro-intestinale, à moins qu'on ne considère le liquide séro-muqueux, qui constitue les selles cholériques, comme suffisant pour caractériser l'inflammation, en l'absence de toute coloration, de toute injection de la muqueuse. Sans doute on pourrait invoquer à l'appui de cette opinion les membranes séreuses^ dont l'inflammation est caractérisée par la présence d'un produit de sécrétion séro-purulent, sans aucune coloration de ces membranes; mais la différence de texture et de vitalité qui existe entre les membranes séreuses et les membranes muqueuses, me paraît repousser toute analogie.

L'anatomie et la physiologie pathologiques se réunissent pour démontrer d'une manière non moins péremptoire la grande affinité qui existe entre le mode de fluxion intestinale, qui a pour résultat la sécrétion séro-muqueuse du choléra, et le mode de fluxion qui constitue l'inflammation; si bien qu'un grand nombre d'individus qui succombent au choléra après la réaction , présentent des traces non équivoques de l'inflammation. ( Voyez les planches. )

Le choléra, considéré sous le point de vue de l'anatomie pathologique et par rapport au canal digestif, devrait donc prendre place dans la grande classe des irritations.

Si le choléra de nos climats peut trouver sa raison suffisante dans des circonstances de saison , de température et de régime, il n'en est pas de même du choléra épidémique qui fait l'objet de ce travail. Les médecins européens, de même que les médecins de l'Inde, qui se sont occupés de ce sujet, ont vainement cherché les causes du choléra dans l'influence du sol, dans les modifications que le globe a subies par suite de tremblements de terre, dans des effluves particuliers, dans la température, dans les qualités chimiques de l'air, dans la diminution de l'électricité, dans des animalcules qui s'attacheraient à la peau, aux vêtements; dans les qualités du riz et autres céréales (d'où le nom de mordus orizeus, qui lui avait été donné par certains médecins de l'Inde), etc., etc. L'influence solaire et lunaire a été invoquée, et des tables très exactes ont été dressées à ce sujet par M. Orton. Tout notre système planétaire a été mis en jeu; et quelques épidémies ayant paru à la suite de la conjonction de plusieurs planètes, on a pensé que les conjonctions nombreuses qui ont eu lieu depuis le mois de janvier, pourraient bien avoir été pour quelque chose dans l'épidémie cholérique. Bien que de pareilles recherches aient été stériles jusqu'à ce jour, je ne saurais qu'y applaudir. On ne peut trop étendre en médecine le champ de l'observation.

Nous sommes donc dans l'ignorance la plus absolue sur la cause formelle du choléra, et cette ignorance n'est pas propre au choléra. Le to ôe/ov s'applique non seulement à ces grandes épidémies qui ont ravagé, à diverses époques, une partie du monde, mais encore à ces petites épidémies, à ces constitutions épidémiques qui sont l'objet

habituel de notre étude, et qui ne trouvent en aucune façon leur raison suffisante dans les conditions atmosphériques ou autres circonstances appréciables. Une épidémie de rougeole, de scarlatine, me parait tout aussi difficile à expliquer qu'une épidémie de choléra.

Le choléra, qui ravage en ce t moment l'ancien et le nouveau monde, a pour berceau le climat chaud de l'Inde. Là, il est endémique, là, depuis 1817, on le voit apparaître, puis cesser pour reparaître de nouveau, sans qu'il ait été possible jusqu'à ce jour de déterminer et les causes qui l'engendrent et les causes qui le font disparaître.

Son apparition en Europe n'a point été simultanée dans les divers points qu'il a envahis, mais bien successive; on a pu calculer sa marche. Nous savions six mois d'avance, que le fléau voyageur atteindrait Paris vers la fin de mars ou le commencement d'avril 183^.

Lorsque le choléra envahit une contrée, il s'empare d'un point comme d'un centre pour s'étendre de là dans diverses directions. Souvent, dans sa propagation, il a paru suivre la direction des vents, des grandes routes, des rivières, en un mot les grandes communications établies entre les divers pays. Quand il s'est déclaré dans une rue , presque toujours il a envahi successivement toutes les maisons de cette rue ; dans une maison, il est rare qu'il n'ait pas attaqué diverses familles et même plusieurs individus de la même famille. Mais, d'un autre coté, que de hiatus dans le mode d'extension ou plutôt dans le mode de développement du choléra '. sa marche est tantôt rapide, tantôt progressive, souvent rétrograde, irrégulière; apparaissant au nord, au midi, à l'orient; à l'occident, sautant à pieds joints des contrées mal saines pour aller sévir dans les lieux les plus salubres, circulant tout autour d'une province, d'une ville ; d'un village qu'il laisse intacts, traversant les mers, dépeuplant les hameaux et les petites villes dans une proportion incomparablement supérieure aux grandes villes. Ainsi, malgré les cordons sanitaires qui cernaient l'Autriche du côté de la Hongrie c'est par Vienne que le choléra a commence ses ravages dans l'empire. L'inutilité des cordons sanitaires, de l'isolement des villes, des maisons, des individus, a été si bien constatée, que les relations habituelles de la vie ont continué dans toutes les villes infectées, et qu'on s'en est tenu aux mesures générales de salubrité publique. Le moment n'est peut-être pas éloigné où ces mesures du moyen âge, qu'on appelle quarantaines mesures prises sous l'influence d'une terreur profonde, seront, sinon totalement supprimées, au moins notablement modifiées et en harmonie avec l'état actuel des lumières et de la civilisation.

La marche successive du choléra, en Europe, dans un royaume, dans une contrée, dans une ville, dans une rue, dans une maison, dans une même famille ; son développement qui n'est pas, comme celui de la fièvre jaune, circonscrit entre certaines latitudes, mais qui semble se jouer de toutes les circonstances de climat, de saison, de genre de vie, de salubrité ou d'insalubrité des lieux; la probabilité de son importation en Europe par l'armée russe venue de l'Orient, pour se précipiter sur la Pologne , ont fait admettre que le choléra-morbus était une maladie contagieuse.

Que le choléra soit contagieux d'individu à individu , par le contact, je crois pouvoir le nier; trop de faits viennent déposer en faveur de la non contagion; tous les médecins ont eu les mains humides de la sueur des cholériques, tous ont respiré leur haleine, flairé leurs matières fécales, plusieurs ont été blessés en faisant des ouvertures cadavériques ; or, peu de médecins ont été atteints, ou du moins ils ne l'ont pas été dans des proportions supérieurs aux autres classes de la société, malgré leurs fatigues excessives.

Que le choléra soit contagieux miasmatiquement, par infection, ou par foyers,

c'est-à-dire, qu'il soit le produit de circonstances locales, de la réunion d'un grand nombre d'individus cholériques ou autres; je crois encore pouvoir le nier : l'encombrement des hôpitaux ne nous ayant paru exercer aucune influence sur le développement du choléra, et les maisons des particuliers ayant été plus gravement atteintes que les maisons d'éducation et autres établissements publics.

Que le choléra puisse être transmis par l'air; qu'il existe une atmosphère cholérique, Susceptible de naître spontanément dans certaines contrées et d'être transportée par les vents d'un lieu dans un autre, d'être arrêtée par certains accidents de terrain, détournée par des bois, des montagnes, etc. ; voilà ce que l'observation me paraît avoir démontré. C'est en ce sens, mais en ce sens seulement, que je pourrais admettre la contagion. Il est vrai qu'une pareille contagion n'est autre chose que l'épidémie prise dans son acception la plus élevée toute maladie qui reconnaît pour cause une condition inconnue de l'atmosphère étant nécessairement épidémique.

Que si on objecte le développement successif de la maladie, je répondrai que les conditions dans lesquelles se trouvent les individus soumis à l'influence épidémique n'étant pas les mêmes, il n'est pas étonnant que les uns échappent complètement à cette influence, et que les autres soient pris plus tôt ou plus tard et à divers degrés d'intensité ; j'ajouterai que cette invasion successive s'observe d'ailleurs dans toutes les épidémies. N'avons-nous pas vu l'épidémie présenter son invasion, son augment, son apogée, sa recrudescence, sa terminaison, et céder le pas à la dysenterie (i).

Le choléra, maladie épidémique, peut-il dans certaines conditions, devenir contagieux, soit miasmatiquement, soit par contact? c'est une question trop problématique pour que je doive m'en occuper ici.

La question de la contagion serait-elle admise, qu'elle ne ferait que reculer la difficulté ; car, enfin, il faut bien que la maladie ait commencé quelque part.

Le choléra est donc une maladie épidémique. Sa cause formelle est inconnue , de même que la cause formelle des grandes épidémies. Importée de l'Orient, comme la petite-vérole, doit-elle disparaître à jamais de l'Europe comme le choléra de 1600, ou bien, à l'exemple de la petite-vérole, doit-elle s'acclimater parmi nous? Question grave que je n'essaierai même pas d'aborder, faute d'éléments pour la résoudre.

THÉRAPEUTIQUE DU CHOLÉRA.

Il en est de la thérapeutique du choléra comme de celle de toutes les maladies inconnues dans leurs causes • nous ne combattons que des effets ; semblables à ce praticien mal habile qui, ayant à traiter une ophthalmie très grave produite par un petit corps étranger fiché sur la conjonctive , attaque cette inflammation avec tout l'appareil des moyens antiphlogistiques, alors que l'ablation du corps étranger aurait suffi pour la guérison.

Traitement préservatif. Dans l'impossibilité où nous sommes de nous soustraire à l'influence épidémique, d'en neutraliser ou même d'en atténuer l'intensité, le traitement préservatif doit consister dans 1 eloignement de toutes les causes qui ont paru favoriser son action. Or, il est incontestable qu'en Europe comme dans l'Inde, c'est la classe la plus malheureuse de la société qui a fourni le plus grand nombre de victimes ; que le traitement préservatif le meilleur consiste dans une alimentation peu abondante et substantielle, dans des vêtements chauds, dans une habitation salubre, dans le courage, en un mot dans l'observance de toutes les règles hygiéniques propres à maintenir le système nerveux dans un bon état de réaction.

(1) Les cas de dysenterie observés a la suite du choléra n'ont pas été assez nombreux pour constituer une épidémie.

xive'livraison. 12

A la moindre apparence dn plus léger dévoiement, on aura de suite recours à la série de moyens indiqués plus haut contre le dévoiement cholérique.

Traitement curatif : i° Ranimer, ressusciter la vie pendant la période de concentration; i° diriger la période de réaction; 3° dissiper les désordres fluxionnaires qui succèdent à la terrible lutte des forces vitales contre la cause morbide; voilà la triple indication que présente le choléra; indications qui n'attaquent pas la maladie au cœur5 il est vrai, qui constituent ce qu'on appelle la médecine du symptôme, mais au-delà desquelles tout est vague et chimérique. Nous allons donc étudier, dans un résumé rapide : i° la thérapeutique de la période de concentration; i° la thérapeutique de la période de réaction; 3° la thérapeutique des accidents consécutifs.

Thérapeutique de la période asphyxique : Pendant cette période, où la vie est menacée dans sa source, il n'y a évidemment qu'une indication, c'est de ranimer, de soutenir la vie, de provoquer, par tous les moyens possibles, cet ensemble d'efforts conservateurs qui la constitue force de résistance vitale. Il faut, en un mot, faire battre le cœur, faire respirer les poumons.

Toutes les voies ouvertes à l'extérieur doivent être utilisées pour cet objet : on agira sur la peau, sur la muqueuse digestive, sur la muqueuse respiratoire ; on agira sur le cœur par la saignée veineuse et par la saignée artérielle. On a poussé la témérité jusqu'à l'injection directe de substances médicamenteuses et plus particulièrement de l'eau salée, dans le système veineux.

A. Moyens thérapeutiques dirigés sur la peau : i° Frictions. Des frictions sèches avec une brosse, des frictions avec le liniment hongrois, l'alcool camphré ou la teinture de kinkina animée par l'ammoniaque, m'ont paru remplir les principales indications à cet égard. On a usé et abusé des frictions dans les premiers temps; plus tard, on y a, peut-être à tort, complètement renoncé.

•2° Caléfaction. Le refroidissement de la peau, porté jusqu'à F algidité, a fait imaginer une foule de moyens caléfacteurs. Les plus simples sont les meilleurs; tels sont des sachets de son et de cendre chauffés au four, des boules d'eau chaude, la combustion de l'esprit-de-vin sous les couvertures, le vinaigre versé sur des briques incandescentes, etc. L'appareil dont je me suis servi à l'ambulance, se composait d'une lampe à esprit-de-vin, dont la vapeur était portée sous les couvertures à l'aide d'un tuyau flexible que l'on dirigeait à volonté vers telle ou telle partie du corps. Je dois dire que la caléfaction est impatiemment supportée par les malades, dont la peau reste glacée au milieu de vapeurs brûlantes, et résiste à la pénétration du calorique, à la manière de celle d'un animal à sang-froid. Si on insiste, l'oppression et l'angoisse augmentent, les malades se débattent et repoussent les couvertures. Aussi beaucoup de praticiens ont-ils renoncé à ce moyen de traitement.

3° Réfrigération. Le sentiment de chaleur brûlante à l'intérieur, et même à l'extérieur, qu'accusent souvent les cholériques algides, a sans doute suggéré l'idée d'appliquer la glace à l'extérieur. En conséquence, des frictions ont été faites avec des morceaux de glace sur tout le corps des cholériques; ce moyen serait précieux s'il pouvait développer la réaction, comme chez l'individu asphyxié par congélation; mais l'expérience n'a pas prononcé d'une manière positive. Je n'ai eu recours à la glace appliquée extérieurement, dans la période asphyxique, que partiellement, et pour remplir des indications particulières. Ainsi, la glace appliquée sur l'épigastre a quelquefois arrêté les vomissements et dissipé l'angoisse. Des frictions faites avec un morceau de glace sur des points saisis de crampes, ont quelquefois fait cesser la contraction douloureuse.

4° Irritants extérieurs. Les sinapismes, en raison de la douleur vive qu'ils provoquent et de la vive réaction qui suit presque immédiatement leur emploi, ont été mis en usage chez tous nos malades. De grands sinapismes couvraient les extrémités inférieures, depuis les genoux jusqu'aux pieds inclusivement, et depuis les coudes jusqu'aux

mains. Des extrémités, je faisais transporter les sinapismes sur l'abdomen; des compresses imbibées d'ammoniaque, étaient quelquefois appliquées sur diverses régions du corps, et plus particulièrement sur le rachis. Tous les excitants extérieurs, l'urtication, les moxas, les boutons de feu, un marteau chauffé à l'eau bouiUante promené le long du rachis, l'eau bouillante elle-même, etc., tout a été tenté, tout a été justifié par l'imminence du danger. Parmi ces moyens, je mentionnerai d'une manière particulière un vésicatoire de dix pouces de long sur deux de large, appliqué le long du rachis, moyen auquel j'ai cru devoir, au moins en partie, rapporter quelques succès.

5U Bains. Les bains entiers, simples, aromatiques, chlorurés ou autres, ne peuvent être supportés dans la période asphyxique. La pression qu'exerce le liquide sur les parois thoraciques, l'attitude que nécessite le bain, deviennent tellement insupportables, qu'on est obligé de retirer bien vite le malade si l'on ne veut s'exposer à le voir mourir d'asphyxie. On a essayé sans succès les bains frais et même froids, l'immersion dans l'eau froide, les affusions froides, les bains entiers sinapisés. Les bains de vapeur ont également échoué. Les douches de vapeur, dirigées sur diverses parties du corps, sont un moyen rationnel exempt de toute espèce d'inconvénient, et qu'on a pu utiliser dans quelques cas.

B. Moyens thérapeutiques dirigés sur la muqueuse intestinale : i° Stimulants. La première idée qui se présente à la vue d'un cholérique, c'est de ranimer, par des stimulants intérieurs de toute espèce la vie prête à s'éteindre. De là, est née la méthode par les stimulants, qui a ses partisans comme méthode générale de traitement, en Europe aussi bien que dans l'Inde. Le vin généreux, et plus particulièrement le vin de Malaga, le punch, l'acétate d'ammoniaque, l'éther simple ou camphré, l'infusion de menthe poivrée, de petite sauge, de camomille; voilà les moyens que préconisent presque exclusivement certains praticiens. Mais une expérience constante a prouvé que si les stimulants à petite dose sont utiles dans la période de concentration pour ressusciter la vie, leur usage, trop long-temps continué et à des doses trop considérables, peut être nuisible. On ne doit jamais oublier, dans l'administration des stimulants, que, dans le choléra, il y a fluxion sur la muqueuse digestive, et que l'inflammation est imminente dans la période de réaction.

Nous croyons aussi que les praticiens qui excluent positivement de leur pratique les stimulants, par crainte de l'inflammation, se privent d'une ressource puissante dans le traitement de cette maladie. N'oublions pas que la muqueuse gastrique a présenté moins souvent des traces d'inflammation à la suite de la période de réaction, que la muqueuse intestinale. La formule suivante m'a paru utile dans la période asphyxique:

Eau de cannelle orgée, de menthe poivrée, sirop d'éther, de chaque une once; acétate d'ammoniaque, un gros ; a prendre par cuillerées.

i° Kinkina. Les diverses préparations de kinkina, et plus particulièrement le sulfate de kinine, ont été administrés dans le choléra, comme tonique , comme spécifique, vu ses brillants succès dans les fièvres pernicieuses cholériques, et comme un des plus puissants modificateurs de l'économie. L'expérience n'a pas justifié les espérances qu'il avait d'abord fait concevoir.

3° Opium. Antispasmodiques. Astringents. L'opium, si efficace dans le dévoiement cholérique et le choléra léger, est contre-indiqué dans le choléra asphyxique, par la somnolence, l'état comateux au moins apparent dans lequel sont plongés les malades. Donné à fortes doses dans la période de concentration, il a paru s'opposer à la réaction , ou plonger les malades dans un état comateux dans lequel ils ont succombé. Néanmoins je n'en ai, dans aucun cas, négligé entièrement l'usage : mon but, en le maintenant, était de diminuer la sécrétion intestinale, dont j'admettais l'existence, bien que les produits n'en fussent pas toujours expulsés au-dehors. La thériaque ou le diascordium administrés, soit par le haut, soit par le bas, m'ont paru la préparation d'opium la plus convenable. Je n'ai

jamais eu recours à l'acétate ou à l'hydrochlorate de morphine par la méthode endermiquc.

U extrait de belladone , le nitrate de bismuth ont été vantés par quelques praticiens. On dit que l'association de l'extrait de belladone et du nitrate de bismuth a rendu de grands services en Angleterre, dans les cas de vomissements opiniâtres. Le musc, le camphre, le castoréum, ne paraissent pas avoir répondu à l'attente des praticiens,

U extrait de ratanhia , ce puissant astringent, a été employé avec un succès non contesté, soit par le haut, soit par le bas. Sur ce point, je ne saurais invoquer ma pratique particulière; mais je l'ai entendu vanter par des praticiens du plus grand mérite.

4° Vomitifs. Les vomitifs , et plus particulièrement l'ipécacuanha , sont un des moyens dont on a fait le plus fréquemment usage dans le choléra. Par les uns, ils ont été donnés comme moyens perturbateurs, par d'autres, en raison de leur action centrifuge ou sudorifique non contestée. Quelques praticiens ont eu pour but de faire cesser le spasme, l'angoisse épigastrique et même le vomissement, en vertu de l'aphorisme vomitus vomitu curatur. D'autres, plus méthodiques en apparence, consultent l'état de la langue, et restreignent l'emploi du vomitif aux cas où il y a quelque matière à évacuer ; or ils déterminent ces cas par la percussion de l'épigastre et des autres régions de l'abdomen : c'est là de la subtilité. Quant à la valeur thérapeutique réelle des vomitifs, ce que je sais, c'est que, s'ils ne jouissent pas d'une efficacité aussi grande qu'on a bien voulu le dire, ils n'ont pas les inconvénients qu'ils présenteraient si le choléra était une gastrite ; et je ne sache pas que les praticiens qui ont administré l'ipécacuanha chez tous les cholériques confiés à leurs soins, aient été remarquables, soit par leurs succès, soit par leurs revers.

L'association de l'ipécacuanha avec l'opium a été vantée comme maintenant l'effet sudorifique en supprimant l'effet nauséeux. La poudre de Dower, que constitue essentiellement ce mélange, a été employée sans avantages ni inconvénients bien marqués.

6° Purgatifs. Peu employés en Europe, ils ont été prodigués dans l'Inde. Le calomel, l'huile douce de ricin, f huile essentielle de térébenthine, la drogue amère, ont été regardés par beaucoup de praticiens comme la base du traitement. La drogue amère sur-tout, qui est un mélange de teinture d'aloës, teinture de myrrhe et teinture de benjoin, jouit dans l'Inde de la réputation la plus générale. J'avoue que dans une maladie caractérisée par une fluxion énorme dirigée sur la membrane muqueuse digestive, il me parait irrationnel d'agir dans le sens de cette fluxion ; et bien que le mode d'irritation du choléra soit tout autre que le mode d'irritation des purgatifs drastiques je crois prudent de s'en abstenir jusqu'à ce que des faits bien positifs aient établi leurs avantages d'une manière non équivoque.

Aux purgatifs, je dois rattacher les solutions salines qui ont été administrées, moins pour obtenir l'effet purgatif, que dans le but de remplacer les sels du sang trouvés dans les évacuations alvines: or l'hydrochlorate de soude, le carbonate de soude, le sulfate de potasse et autres, n'ont pas répondu aux espérances qu'ils avaient d'abord fait concevoir. L'administration des préparations salines a été convertie en méthode, et un médecin de Dublin administre toutes les demi-heures le mélange suivant : carbonate de soude, demi-gros; hydrochlorate de soude, vingt-quatre grains; hydrochlorate de potasse, six grains.

70 Température des boissons, leur quantité et leur qualité. Une soif ardente, inextinguible est un des principaux tourments des malades, et, dans l'immense majorité des cas, elle est dirigée vers les boissons froides. Leur figure mourante se ranime à la vue d'un liquide, et sur-tout d'un liquide frappé de glace. Ils dévorent les morceaux de glace qu'on leur dit de laisser fondre dans leur bouche, et nous ne saurions raconter tous les services qu'a rendus la glace dans cette terrible épidémie. Cependant, dans la période

asphyxique, j'ai eu recours aux boissons prises très-chaudes, à la manière du thé ou du café ; et il m'a paru que la réaction se faisait plus promptement que lorsqu'on administrait des boissons à la glace.

Faut-il permettre au malade de satisfaire sa soif ou convient-il de ne lui administrer les boissons que par gorgées ? cette question est encore en litige. En général des boissons trop abondantes m'ont paru favoriser le vomissement. Cependant, plusieurs praticiens ont élevé des doutes sur la nécessité de faire subir aux malades le supplice de la soif: ils espèrent par des boissons abondantes, réparer la déperdition excessive de liquides qui a lieu par les évacuations alvines. Cette idée mérite d'être suivie.

Quant à la qualité des boissons ; Peau de Seltz, l'orangeade, la limonade minérale, l'eau de poulet, la solution de gomme, la décoction d'orge, d'arrowroot, de salep, l'infusion de tilleul, de camomille, de menthe poivrée, etc.; voilà les boissons qui ont été le plus généralement employées ; on les variera suivant les indications et suivant le goût du malade : l'eau de Seltz frappée de glace convient éminemment dans le cas de vomissements opiniâtres.

Lavements. Si on se rappelle que la muqueuse du gros intestin est en général plus profondément affectée que la muqueuse de l'intestin grêle, et sur-tout que la muqueuse gastrique, on concevra de quelle importance doivent être les moyens portés directement sur cette muqueuse du gros intestin à l'aide des lavements. Or, il m'a paru que les lavements très chauds, à 36°, devaient être préférés aux lavements frais ou froids, pendant la période de concentration. Je les faisais renouveler toutes les demi-heures, toutes les heures, toutes les deux heures, suivant les cas. Les lavements à la glace ont été très-utiles dans le cas de selles excessives : souvent j'alternais les lavements chauds avec les lavements froids, et j'insistais sur les uns ou sur les autres suivant leurs effets. Presque toujours je faisais ajouter aux lavements quelques gouttes de laudanum, ou mieux encore de la thériaque ou du diascordium. Je n'ai administré en lavement, ni l'extrait de ratanhia, ni le sulfate de kinine, ni les purgatifs, ni le vin : je ne puis donc parler de leurs effets d'après ma propre expérience.

Moyens thérapeutiques dirigés sur la muqueuse des voies respiratoires.

Il est à regretter que l'attention des praticiens ne se soit pas dirigée d'une manière plus particulière sur ce grand département des membranes muqueuses qui tapisse les voies de la respiration. Quelques essais peu suivis ne peuvent pas servir de base à un jugement définitif. L'angoisse épigastrique et l'étouffement qui sont les symptômes dominants, permettent difficilement au malade d'emboucher le tube de verre et de respirer à travers le liquide contenu dans le flacon à double tubulure. C'est pour obvier à cet inconvénient, que j'ai fait adapter à l'extrémité libre d'un tube flexible ajusté à l'appareil ordinaire, une espèce de masque qui emboîtait le nez et la bouche. Le liquide contenu dans le flacon était animé avec le baume du Pérou, l'alcool de menthe ou l'éther. La suppression de l'ambulance ne m'a pas permis de recueillir un assez grand nombre de faits à cet égard pour en déduire des conséquences positives. On a eu l'idée de faire arriver dans les poumons du chlore, de l'oxygène, du gaz protoxyde d'azote , si remarquable par l'énergie qu'il donne à toutes les fonctions ; mais jusqu'à ce moment les résultats ont été purement négatifs.

De la saignée.

A l'aide de la respiration d'un air chargé de diverses substances aromatiques, on peut agir directement sur le poumon. On agira non moins directement sur l'organe central de

XTVe LIVRAISON. 13

la- circulation par les saignées générales ou locales, et par des injections directes dans le système veineux.

Il n'est, sans contredit, aucun moyen thérapeutique que les médecins de l'Inde aient plus universellement préconisé que la saignée générale; la plupart même la considèrent comme la base du traitement. M. Annesley assure que, bien loin de produire la syncope, la saignée améliore constamment l'état du pouls, et amène presque toujours la cessation du sentiment de défaillance et d'étouffement. Il dit avoir sauvé presque tous les malades chez lesquels il lui a été possible de la pratiquer. Tous les médecins de l'Inde admettent, en principe, qu'on ne peut échapper au collapsus que par l'émission d'une très grande quantité de sang; que les saignées timides, incomplètes, sont seules nuisibles, seules suivies de collapsus : tous citent des succès, même dans les cas où le pouls était misérable, presque insensible.

La saignée est un des moyens qui ont été le plus généralement employés en France ; les dissidences systématiques d'opinions ont fléchi devant l'évidence des faits. Les uns ont considéré la saignée comme propre à ranimer la circulation par la déplétion mécanique du cœur et des gros vaisseaux : ils ont saigné dans le choléra comme on saigne dans l'asphyxie. Les autres ont eu pour but de diminuer la fluxion inflammatoire ou autre, dirigée sur le canal digestif.

Il n'y a qu'une difficulté dans l'emploi de la saignée appliquée à la période de concentration ; c'est l'impossibilité d'obtenir du sang : vous piquez largement la veine; quelques gouttes s'en échappent; et vous avez beau faire, aussitôt que la veine est vidée, la source est tarie. Les cas où une grande quantité de saug a pu être retirée, sont donc des cas dans lesquels la circulation se faisait encore librement sous l'influence des contractions du cœur.

Il n'est peut-être pas un cas de choléra asphyxique dans lequel je n'aie eu recours à la saignée générale dans la période de concentration. Plusieurs veines ont été piquées: le bras, le pied ont été plongés dans un liquide chaud; des pressions exercées; des mouvements imprimés pour exprimer le sang des capillaires; et rarement ai-je pu obtenir au-delà de quelques cuillerées de sang.

Je n'ai jamais essayé de l'artériotomie ; mais j'ai connaissance de faits dans lesquels l'artère brachiale , coupée en travers , n'a donné que quelques gouttes de sang.

Après la saignée, j'employais constamment les sangsues sur l'épigastre, le long du sternum et sur les côtes ; et à leur chute, j'activais l'écoulement du sang à l'aide de ventouses répétées et laissées à demeure.

Enfin , en désespoir de cause, on a eu recours à des injections dans le système veineux, dans le double but et de stimuler directement le cœur et de rendre au sang les principes qu'il perd incessamment par les évacuations alvines, savoir : l'eau et les sels que la chimie a découverts dans ces évacuations. C'est en Ecosse que ces injections ont été pratiquées avec le plus de hardiesse, je dirais presque de témérité. Ainsi le docteur Makintosh a fait injecter chez un cholérique jusqu'à vingt-cinq livres d'une solution saline dans l'espace de vingt-quatre heures. Voici quelle est la proportion des sels et du véhicule : carbonate de potasse, vingt-quatre grains; muriate de soude, deux gros ; eau commune, cinq livres. On dit qu'à peine a-t-on injecté cinq ou six livres de cette solution dans les veines d'un cholérique bleu, sans pouls, et qui ne paraît pas avoir deux heures de vie, que le pouls se relève, les joues se colorent, que la face recouvre son état naturel, et que le malade se croit complètement guéri. Ce bien-être n'est que passager : on recommence aussi souvent que reparaissent les symptômes. On aurait guéri par cette méthode trois malades sur cinq.

L'état désespéré du malade me paraît seul justifier de pareilles tentatives qui ne prendront droit de cité dans la science que lorsque des faits nombreux et positifs auront

prouvé que les injections veineuses ne compromettent pas la vie des malades.

Réflexions générales sur le traitement de la période de concentration. Je ne saurais trop recommander la persévérance dans les soins administrés aux cholériques pendant cette période. Promptitude des secours, continuité de ces secours, voilà la double condition à laquelle sont attachés les succès dans le traitement du choléra ; voilà en grande partie la source de la différence qui existe sous le rapport de la mortalité entre la pratique particulière et la pratique des hôpitaux, entre la classe aisée et la classe indigente. On a parlé beaucoup de moyens administratifs à prendre dans une ville ravagée par le choléra; je n'en connais qu'un seul, c'est l'établissement d'ambulances dans tous les quartiers, dans toutes les rues, s'il est possible. Les hôpitaux sont funestes en ce sens qu'il faut un temps très considérable pour le transport du malade. S'il n'y a pas de place, on est obligé d'aller dans un autre hôpital ; à l'hôpital, le malade peut arriver dans l'intervalle des visites du médecin; combien de malheureux sont restés deux, trois, quatre heures en chemin, et ne sont arrivés à l'hôpital qu'à l'état de cadavre. Bien pénétré de cette vérité, je sollicitai et obtins de M. le maire du ie arrondissement, M. Berger, dont le zèle éclairé est au-dessus de tout éloge, l'établissement d'une ambulance à l'ancien Trésor (i). L'autorité supérieure enjoignit d'abord de la fermer; mieux informée, elle approuva cet établissement qui fut suivi de plusieurs autres.

A peine un malade était-il transporté dans nos salles, que tout le monde s'empressait autour de lui: la méthode générale de traitement était modifiée suivant les indications. On ne mettait dans l'emploi des moyens thérapeutiques, d'autre intervalle que celui nécessaire pour en observer des effets ; on réchauffait ; on donnait des stimulants intérieurs, on appliquait des stimulants extérieurs, on ouvrait la veine, on appliquait des sangsues; on frictionnait, on ranimait la vie de toutes les manières, et on n'abandonnait le malade que lorsque la réaction était opérée, ou lorsqu'on avait acquis la triste conviction qu'elle était impossible. Cette multiplicité de moyens si différents et même opposés en apparence ne paraitra contradictoire ou irrationnelle qu'à ceux qui ne jugent la question que d'un seul point de vue.

Thérapeutique dans la période de réaction.

La saignée que la plupart des praticiens tiennent en réserve pour la période de réaction, me parait formellement contre-indiquée au début de cette réaction. J'ai eu la douleur de voir plusieurs fois la réaction cesser immédiatement après une saignée intempestive, le malade redevenir bleu ou tomber dans un collapsus bientôt suivi de la mort. Je ne saurais trop insister sur ce point : la saignée ne convient que lorsque la réaction étant bien franche, bien complète, exempte de sueur, il existe des symptômes de congestion sur tel ou tel organe. Dans le cas où la saignée est indiquée, mieux vaut plusieurs petites saignées qu'une saignée trop abondante.

Les sangsues n'ont pas l'inconvénien^de la saignée, cependant il ne faut pas en abuser : la réaction, effort conservateur de la nature, doit être dirigée mais non enrayée. Elles conviennent à merveille sur l'épigastre , pour diminuer l'oppression, l'angoisse et aux malléoles ou aux apophyses mastoïdes pour débarrasser le cerveau congestionné.

Les bains que nous avons proscrits dans la période asphyxique sont ici de la plus grande utilité : quelquefois l'angoisse épigastrique augmente dans le bain; alors il faut en abréger la

(i) Je ne saurais donner assez d'éloges au zèle et au dévoûment de toutes les personnes qui ont été attachées à l'ambulance du trésor; de M. Meurice, agent comptable et directeur qui s'est établi à poste fixe et n'a pas quitté un seul instant la maison pendant le cours de l'épidémie , de M. le docteur Cartaux, qui a bien voulu être mon adjoint, de MM. Mas, Féron, Maffran, de Clareuil, élèves en médecine. Il n'est pas jusqu'aux infirmiers qui ne rivalisassent de zèle. Les médecins attachés au bureau de secours se fesaient un plaisir de nous seconder. Les malades étaient visités, soignés par leurs parents, qui témoins de nos efforts, ne pouvaient assez exprimer toute leur reconnaissance. J'ai compris combien de petits hôpitaux établis dans chaque quartier et affectés exclusivement aux malades de ce quartier, seraient utiles.

durée pour y revenir plus tard. Quelques affusions d'eau fraîche sur la tète diminuent le mouvement de congestion vers le cerveau. Le malheureux Dance, si déplorablement enlevé à la science et à l'humanité, ne se trouvait bien que dans le bain, et les affusions froides seules calmaient cette angoisse épigastrique, cet étouffement qui faisaient son supplice. Les stimulants intérieurs et extérieurs, les toniques, les opiacés doivent être complètement supprimés ; les boissons seront adoucissantes et variées au gré du malade ou suivant les indications. L'eau de Seltz, l'eau de tilleul, l'eau de poulet légère, la solution de gomme, la décoction de salep, d'avoine, d'arrowroot, etc., voilà celles dont j'ai fait le plus fréquemment usage. Elles seront administrées fraîches, dégourdies, rarement frappées de glace.

La face devient-elle d'un rouge vineux, enluminée ? on y remédie par l'application sur le front, de compresses imbibées d'oxicrat, d'une vessie d'eau froide, par des cataplasmes aux extrémités inférieures.

Très souvent un hoquet persévérant se manifeste ; des vomissements opiniâtres tourmentent les malades ; il ne faut pas s'en effrayer. Ces symptômes n'ont point ici la gravité qu'ils offrent dans d'autres cas; ils céderont tôt ou tard; souvent le hoquet se dissipera spontanément et s'usera en quelque sorte. Des morceaux de glace dans la bouche, ou l'eau frappée de glace,la glace sur l'épigastre, la pommade ammoniacale sur l'épigastre, ou bien des bains, quelques sangsues; voilà le traitement.

L'angoisse épigastrique, l'étouffement, le sentiment de barre, seront combattus par les mêmes moyens, par le vésicatoire dorsal, s'il n'a pas été encore employé, par des frictions calmantes sur les régions douloureuses et par des frictions stimulantes sur les régions éloignées. Le temps, la patience, une foule de petits moyens que le moment et quelquefois le cœur suggère, que les livres n'apprennent pas, amèneront à bon port un malade qui paraissait voué à une mort certaine.

Trop souvent, néanmoins, on ne saurait assez le redire, l'économie épuisée ne réagit qu'incomplètement; ou bien la réaction a déterminé sur divers points des inflammations qui peuvent amener la mort, soit dans l'état aigu, soit dans l'état chronique; d'où la nécessité de n'user qu'avec une grande modération des stimulants intérieurs et des vomitifs. D'autres fois le malade meurt dans la stupeur et l'état typhoïde, et plus d'un praticien s'est repenti d'avoir employé l'opium à trop forte dose pendant la période asphyxique. N'oublions jamais que l'économie insensible aux moyens thérapeutiques les plus énergiques lorsqu'existe un désordre considérable, subit leur influence au summum d'intensité alors que se manifestent les symptômes de réaction.

Thérapeutique dans la convalescence.

Le choléra-morbus est redoutable jusque dans la convalescence : combien de malades échappés au double danger de la période asphyxique et de la période de réaction, ont succombé convalescents, victimes d'erreurs dans*le régime !

On ne saurait se rendre compte de la différence qui existe entre les divers individus, sous le rapport de la rapidité plus ou moins grande du retour à la santé : les uns reprenant en peu de jours leurs forces, et même leur embonpoint; les autres traînant pendant plusieurs mois, rechutant à la moindre erreur dans le régime; sans cause connue, et quelques-uns mêmes finissant par succomber. L'idiosyncrasie, le degré de gravité de la fluxion primitive, le désordre qui suit la réaction, le traitement primitif, le traitement consécutif; que de causes propres à faire concevoir et même à expliquer les différences de résultats ! Il serait d'ailleurs superflu de tracer des règles de conduite pour chacun des cas particuliers qui peuvent se présenter : le traitement doit être le même que dans les états morbides du même ordre développés sous toute autre influence que celle du choléra.

15e. Livraison. Pl. 1ère

MALADIES DU CERVEAU

(Apoplexie des Enfants nouveaux nés)

MALADIES DU CERVEAU

Apoplexie des Enfants nouveautés (xve livraison, planche l)

EXPLICATION DES PLANCHES.

Fig, 1. Caillots de sang autour du cervelet et des lobes poste'rieurs du cerveau. Caillots de sang adhé-* rents à la dure-mère qui revêt le pariétal droit PD. Portion de dure-mère qui revêt le pariétal gauche PG, ecchymosée. Os du crâne très injectés; téguments du crâne et tissu cellulaire sous-jacent CC, très injectés. Sang liquide entourant la moelle épinière.

Fig. 2 et 3. Caillots de sang dans les ventricules du cerveau chez un fœtus de sept mois.

La hg. 2 représente les deux ventricules, ouverts par leur partie supérieure : le ventricule droit est distendu par un énorme caillot, très cohérent, au milieu duquel est comme enchevêtré le plexus choroïde. Le ventricule gauche ne contient que quelques petits caillots.

La fig. 5 représente la paroi inférieure du ventricule gauche, dont le caillot a été renversé d'avant en arrière : ce caillot se continue dans la partie inférieure ou réfléchie du même ventricule ; la source de l'hémorrhagie apparaît dans des vaisseaux veineux déchirés, V V V, qui rampent à la surface interne du ventricule, sur les corps striés, les couches optiques, et sur les autres points des parois ventricu-laires.

Considérations générales sur l'Apoplexie des Enfants nouveau-nés.

I. Il résulte des recherches que j'ai faites à la Maternité, sur la cause de la mort des enfants mort-nés (i) , que l'apoplexie est la cause de la mort d'un bon tiers des enfants qui, pleins de vie avant le travail, succombent pendant l'accouchement. Je l'ai observée dans presque tous les cas rapportés ordinairement à l'asphyxie ou à la faiblesse congéniale; et j'ai pu me convaincre combien sont dénués de fondement les signes que l'on donne généralement comme différentiels de l'asphyxie et de l'apoplexie.

IL L'apoplexie des enfants nouveau-nés a pour caractère anatomique constant, un épanchement de sang liquide dans la cavité de l'arachnoïde. Le plus souvent, l'épanchement est limité autour du cervelet; souvent il entoure en même temps les lobes postérieurs du cerveau ; enfin, dans certains cas, le cerveau et le cervelet sont couverts d'une couche de sang , dont il n'est pas toujours facile de découvrir la source dans les déchirures des veines superficielles. Rarement l'épanchement occupe la cavité des ventricules. Trois fois j'ai rencontré les ventricules distendus par des caillots sanguins. Je n'ai jamais vu d'épanchement dans la substance même, soit du cerveau, soit du cervelet, bien que dans certaines circonstances, la substance cérébrale tout entière fût tellement injectée, qu'elle présentait une couleur rouge-amarante. Dans tous les cas que j'ai observés, la dure-mère spinale était distendue par du sang liquide contenu à la fois et dans la cavité de l'arachnoïde, et dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien.

III. Ces épanchements sont souvent accompagnés de foyers sanguins sous le cuir chevelu, lesquels sont bien distincts de l'infiltration séro - sanguinolente que l'on observe tous les jours dans le cas de présentation du sommet de la tête. Très-souvent on

(i) Voyez procès-verbal de la distribution des prix aux élèves sages-femmes de la maison d'accouchement de Paris, le a3 juin i83i, où j'ai traité cette question : Des causes les plus fréquentes de la mort des enfants, soit pendant le travail de f accouchement, soit dans les premiers jours qui suivent la naissance.

xve livraison 1

rencontre des ecchymoses et des petits foyers sanguins plus ou moins considérables entre le périoste et les os du crâne. Une fois, j'ai vu du sang concret épanché tout le long du sinus longitudinal supérieur, entre la dure-mère et les os du crâne. Une autre fois, le péricrâne des deux pariétaux et de l'occipital était séparé des os par une couche épaisse de sang coagulé. Ce décollement, qui a quelquefois lieu indépendamment de l'apoplexie, peut servir à expliquer ces abcès occipitaux que l'on voit survenir dans les premiers jours qui suivent la naissance et au fond desquels on sent les os à nu. J'ai donné mes soins à un enfant dont la portion large de l'occipital se sépara en trois fragments qui furent successivement éliminés : l'enfant a très bien guéri.

IV. Tous les enfants apoplectiques ne sont pas mort-nés : chez un assez grand nombre, la respiration s'établit plus ou moins complètement, soit spontanément, soit à la suite de soins long-temps continués. Plusieurs vivent 24, 4°* heures, trois, quatre jours, dans un état de faiblesse, de torpeur, d'immobilité, de refroidissement plus ou moins grand, qu'on attribue ordinairement à la faiblesse. Il est infiniment probable que plusieurs survivent à l'apoplexie, lorsque l'épanchement est assez peu considérable pour pouvoir être résorbé. Je n'ai jamais observé de paralysie; ce qui n'étonnera pas, si l'on considère que l'apoplexie a lieu constamment, soit dans la cavité de l'arachnoïde, soit dans la cavité des ventricules, et qu'elle est toujours exempte de foyers sanguins et de déchirures de la substance cérébrale.

V. La cause de l'apoplexie des enfants pendant le travail de l'accouchement, est impossible à déterminer dans un grand nombre de cas. Ce n'est point l'application du forceps ; bien loin de là, je suis convaincu que le forceps prévient un grand nombre d'apoplexies. Est-ce la longueur du travail ? cela est probable pour la grande majorité des cas : toutefois , nous avons vu des enfants apoplectiques à la suite d'un travail ordinaire, même à la suite d'un travail très-prompt; tandis que, par opposition, des enfants qui ont séjourné vingt-quatre, quarante-huit heures, et même plus long-temps encore dans l'excavation du bassin, sont venus à bon port. La constriction exercée sur le col de l'enfant, soit par le cordon ombilical, soit par le col utérin et par les parties molles extérieures, après la sortie de la tête, dans le cas de présentation de l'extrémité céphalique, ou après la sortie du tronc , dans le cas de version ou de présentation par les pieds, cette constriction, dis-je , ne serait-elle pas, dans un certain nombre de cas , une cause d'apoplexie. La compression du cordon ombilical, dans le cas de présentation de ce cordon, a quelquefois causé l'apoplexie de la manière la plus manifeste. Il serait possible que , dans beaucoup de cas où la cause de l'apoplexie est impossible à déterminer,les eaux de l'amnios étant écoulées, des contractions utérines continues exerçassent une compression funeste sur le cordon ombilical encore contenu dans la cavité utérine.

VL Je regarde toutes les apoplexies des enfants nouveau-nés, comme des apoplexies par cause mécanique, qu'il sera possible de prévenir dans le plus grand nombre de cas, par une terminaison opportune de l'accouchement, tenant un juste milieu entre une temporisation indéfinie et une précipitation funeste dans l'emploi des moyens artificiels. La rétropulsion du cordon que j'ai vu pratiquer plusieurs fois avec tant de succès à la Maternité, pourra prévenir l'apoplexie qui tient à la compression du cordon. Dans le cas de présentation par les pieds, l'application hâtive du forceps, après la sortie du tronc, sur-tout dans un premier accouchement , préviendra la mort de l'enfant, si fréquente en pareil cas.

VIL L'apoplexie des enfants nouveau-nés s'accompagne quelquefois d'ecchymoses dans le poumon, dans le thymus; ecchymoses qui tiennent probablement à la même cause que l'apoplexie ; les vaisseaux de ces organes se déchireraient comme ceux du cerveau, si la résistance de leurs parois n'était pas plus considérable. Le foie, la rate, sont également gorgés de sang. La muqueuse gastro-intestinale est très injectée.

Quelques faits viendront à l'appui des considérations qui précèdent.

Premier fait. Enfant mort-né-venu en première position du sommet de la tête. Accouchement naturel qui a duré seize heures. A l'ouverture, grande quantité de sang noir autour du cerveau et du cervelet. Sang plus liquide et d'une couleur moins foncée dans le rachis. Aucune cause appréciable de compression du cordon.

Deuxième fait. Enfant mort-né -venupar le sommet de la tête. Suspension des douleurs après la sortie de la tête. Sortie tardive du tronc. Un accouchement qui se présentait sous les meilleurs auspices, fut confié à une élève peu intelligente. La tête étant sortie, les douleurs cessent ; les épaules ne viennent pas. On va chercher l'aidesage-femme, qui termine l'accouchement. L'enfant vient mort, Epanchement considérable de sang dans les ventricules du cerveau, dont les parois sont lacérées. Epanchement de sang sous l'arachnoïde qui entoure le bulbe raehidien. Sang liquide dans la cavité de l'arachnoïde spinale.

Troisième fait. Enfant mort-né à la suite d'un travail très long et de tentatives répétées de version. Un enfant présentait la troisième position de l'épaule droite, c'est-à-dire, celle dans laquelle la tête répond à la fosse iliaque gauche ; les eaux s'étaient écoulées depuis long-temps. Une première tentative de version faite par une personne peu instruite, ayant échoué, on fut obligé d'opérer une seconde fois. Lorsque le tronc fut sorti, la tête resta long-temps au passage, le col de l'utérus s'ètant contracté sur le col de l'enfant qui fut amené mort, bien qu'on eût senti des mouvements actifs peu d'instants auparavant. A l'ouverture, injection très considérable du cuir chevelu, du périoste et des os; la dure-mère rachidienne très distendue et bleuâtre; moelle nageant dans du sang liquide. Une couche mince de sang entourait le cerveau; une couche plus épaisse entourait le cervelet. Les poumons compacts présentaient-quelques cellules contenant de l'air. L'insufflation pulmonaire avait été pratiquée. La face interne de l'estomac tapissée de mucosités présentait une rougeur ponctuée, comme dans les gastrites.

Quatrième fait. Enfant mort-né venu par les fesses. Un enfant présentait les fesses et le bras droit. Son extraction fut laborieuse. La tête resta au passage. Ouverture. Sang liquide autour du cerveau, du cervelet et de la moelle. Grande quantité de sérosité sous l'arachnoïde. Humidité très grande du cerveau, qu'on aurait dit pénétré de sérosité.

Cinquième fait. Enfant mort une heure après la naissance. L'enfant respire faiblement. Il succombe une heure après la naissance, malgré les secours les plus empressés. La tête était volumineuse, l'enfant énorme, le travail avait été très long; l'écoulement des eaux prématuré. La dilatation du col très lente. Ouverture. Crâne déformé. Le frontal et l'occipital rapprochés avaient refoulé sur les côtés les deux pariétaux. Une couche mince de sang était épanchée à la base du cerveau.

Sixième fait. Enfant ci terme mort par suite de l'issue du cordon. Présentation du cordon qui s'échappe au moment de l'écoulement des eaux. Rétropulsion du cordon. La femme accoucha naturellement vingt heures après. L'enfant vint mort; il était fortement constitué. Des caillots de sang concret sont placés tout le long des sutures : d'une part, entre le crâne et la dure-mère ; d'une autre part, entre le crâne et le périoste. Les os et les téguments sont très injectés. Cerveau très injecté. Couche mince de sang autour du cerveau et du cervelet. Poumons noirs de sang et compacts. Foie noir de sang et paraissant prêt à se rompre. Rate également gorgée de sang et très distendue. Le sang en ruisselle comme d'une éponge. Sérosité sanguinolente dans la cavité du péritoine.

Septième fait. Hydrocéphale mort-né. Accouchement naturel. Apoplexie. J'ouvre la colonne rachidienne pour voir si le liquide de l'hydrocéphale avait pénétré dans la cavité rachidienne. Il n'en était rien. Le tissu cellulaire sous-arachnoïdien spinal était d'une couleur vert sale. Je pratique une ponction au crâne; il sort un liquide sanguinolent. J'ouvre largement le crâne; des caillots très considérables étaient contenus dans sa cavité. Le cerveau était converti en une vaste poche très mince à parois grises et blanches. C'était dans les ventricules énormément dilatés qu'étaient contenus la sérosité et les caillots. Le tissu cellulaire sous-arachnoïdien du cervelet présentait la même couleur vert sale que celui de la moelle. J'ai pensé que la couleur vert sale était l'indice d'un épanchement sanguin antérieur à la naissance, ou plutôt d'un travail morbide inflammatoire ancien ; que les caillots de sang attestaient un épanchement produit, soit pendant l'accouchement, soit quelque temps auparavant.

15e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU POUMON, DU THYMUS ET DU PANCREAS.

(Maladies du Foetus.)

MALADIES DU POUMON, DU THYMUS ET DU PANCRÉAS CHEZ LE FOETUS,

(Pl. II, XVe livr.).

EXPLICATION DES FIGURES.

Fig. 1. Poumons d'un enfant nouveau-né, mort 24 heures après la naissance.

Ces poumons sont vus d'arrière en avant; ils présentent çà et là des lobules, des masses de lobules imperméables par infiltration sanguine. La coupe du poumon gauche montre cpi'il existe dans l'épaisseur de cet organe, de même qu'à la superficie, des lobules infiltrés.

Fig. 2. Thymus très volumineux, dense et d'apparence tuberculeuse, qui recouvrait le cœur, lorsque celui-ci était contenu dans le péricarde. Les poumons, très volumineux, sont complètement imperméables ; ils ont subi l'induration rouge*

Fig. 5. Elle représente ïe thymus, creusé de loges ou vacuoles qui contiennent des mucosités blanchâtres, et dont les parois sont infiltrées de pus concret.

Les fig. 7 et 8 appartiennent au même sujet. Dans la fig. 7 on voit la rate, R; la capsule surrénale, G S; le pancréas, D, qui est volumineux, induré et non granuleux. La fig. 8 présente une coupe du pancréas, qui a l'aspect squirrheux.

Fig. 4. Les deux poumons, P D, PG, sont infiltrés de sang et de sérosité, dans la presque totalité de leur étendue: ils ressemblent assez exactement au tissu de la rate. La coupe faite au poumon droit, PD, montre l'état de l'organe dans son épaisseur.

Fig. 5. Indurations sphéroïdes, grisâtres, demi-transparentes, de volumevariable, très denses, disséminées dans l'épaisseur du poumon : cet état semble tenir le milieu entre la pneumonie et les tubercules.

Fig. 6*. Les deux poumons très volumineux, sont complètement carnifiés. La forme lobulaire est parfaitement conservée: chaque lobule représente une granulation analogue pour l'aspect aux gros grains glanduleux du foie cyrrhose. Les granulations, G G, se séparent les unes des autres avec la plus grande facilité; elles tiennent au reste du poumon, à l'aide d'un pédicule vasculaire. PD, poumon droit, sur le lobe supérieur duquel on a détaché la plèvre. PG, poumon gauche sur lequel on voit une coupe qui présente la disposition granuleuse. T, thymus divisé en deux moitiés inégales dont la gauche est plus considérable que la droite.

Considérations générales sur tes maladies de l'œuf.

Pendant la gestation, l'œuf doit être considéré comme un organe nouveau surajouté aux organes de la mère, entrant dans cette grande communauté de vie et de fonctions, qui fait de tous nos organes une vaste chaîne circulaire, dont tous les anneaux se tiennent sans se confondre. On ne doit donc pas s'étonner si, dans quelques circonstances , les influences morbides, au lieu de s'exercer sur les organes de la mère, se portent sur l'oeuf, dont elles peuvent attaquer les diverses parties. Nous avons parlé ailleurs de l'apoplexie placentaire. Du pus liquide ou pseudo-membraneux peut être sécrété dans le tissu cellulaire sous-amniotique. Ce pus est le résultat d'une inflammation qui reconnaît elle-même pour causes toutes celles qui peuvent déterminer les phlegmasies séreuses. Ainsi, à la suite d'une suppression de transpiration éprouvée par la mère, la séreuse amniotique s'enflamme, et, de même que l'inflammation de l'arachnoïde a pour effet l'infiltration du pus dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, de même l'inflammation de l'amnios est constamment suivie de l'infiltration du pus dans le tissu cellulaire sous - amniotique ; or, l'inflammation de la séreuse amniotique est une cause de mort pour le fœtus.

Les causes morbides agissent bien plus souvent encore sur les organes du fœtus lui-même que sur les enveloppes. Il n'est aucun praticien qui n'ait eu la triste occasion de ¦voir le virus syphilitique abandonner en quelque sorte les organes de la mère, pour se concentrer sur le produit de la conception, et de malheureux enfants naître, soit à terme, soit avant terme, tout couverts de pustules.

Indépendamment des vices de conformation ou monstruosités qui ont été étudiés d'un point de vue si élevé , dans ces derniers temps, le fœtus peut éprouver dans le sein de sa mère tous les vices de nutrition, toutes les phlegmasies aiguës ou chroniques auxquelles il sera exposé après la naissance; il peut être affecté de pleurésie, de pneu-xve livraison. 1

monie, de péritonite, d'inflammation chronique des intestins? d'ascite, d'hydrothorax, de taches scorbutiques, etc., peut-être même d'affections squirrheuses. Les observations suivantes mettront cette vérité dans tout son jour.

ire observ. Double pleurésie, chez un enfant mort trente-six heures après sa naissance.

Une femme avait éprouvé, onze jours avant l'accouchement, une oppression considérable qui fut portée jusqu'à la suffocation, et nécessita une saignée et des synapismes ; l'oppression diminua, mais la fièvre se maintint jusqu'au moment de l'accouchement qui fut très naturel et à terme. L'enfant était bien constitué, quoique peu volumineux et faible; il resta languissant jusqu'au moment de sa mort qui eut lieu au bout de trente-six heures. Sur la feuille de décès on mit pour cause de mort : faiblesse congéniale.

Ouverture du cadavre. Double pleurésie caractérisée par un liquide lactescent pseudo-membraneux ; base des poumons indurée, ou plutôt dans l'étatoù se trouvent les poumons des enfants qui n'ont pas respiré.

ie observ. Péritonite et inflammation lobulaire des poumons, chez un enfant mort trois heures après la naissance '.pointillé rouge, et lignes rouges a la surface interne de V estomac.

Un enfant venu naturellement par la première position du sommet de la tête, mourut trois heures après sa naissance : l'abdomen volumineux contenait évidemment un liquide.

Ouverture du cadavre. Grande quantité de sérosité jaunâtre, avec quelques flocons pseudo-membraneux dans la cavité du péritoine; les intestins et l'estomac étaient extrêmement rétrécis ; l'estomac contenait un mucus épais et blanc, analogue à du blanc d'oeuf épaissi : au premier abord on eût dit du lait coagulé, bien que l'enfant n'en eût pas avalé une goutte. La surface interne de l'estomac présente un pointillé rouge très prononcé, ici irrégulier, là disposé par lignes. Les intestins grêles et gros contiennent du méconium.Le foie est volumineux, la rate volumineuse et noire. Le vésicule du fiel contient au lieu de bile un mucus incolore. Des ganglions lymphatiques , indurés et volumineux, entourent le canal hépatique. Les poumons présentent à l'extérieur un aspect truite : cet aspect est dû à de petites masses d'induration très multipliées, rouges, sphéroïdales, d'inégal volume, disséminées tant à la surface que dans l'épaisseur de l'organe : on aurait dit de gros tubercules.

Réflexions. Voilà un de ce» cas de léaiou» complexes dans lesquelles il est bien difficile d'assigner la corrélation qui existe entre les diverses altérations, et la part qu'a prise chacune d'elles à la terminaison funeste.

Le pointillé rouge de l'estomac soit par points isolés , soit par lignes, est-il un signe d'inflammation ? S'il en était ainsi, rien ne serait plus fréquent que l'inflammation de la muqueuse gastrique chez le fœtus. La couleur blanchâtre du mucus, analogue au blanc d'œuf épaissi, annonce-t-elle une inflammation? Cette coloration n'est pas moins fréquente que le pointillé rouge, et faute de données suffisantes , je m'abstiens de prononcer sur sa valeur.

3e observation. Arachnitis spinale chez un enfant mort le cinquième jour après sa naissance.

Un enfant qui ne paraît pas tout-à-fait à terme, après avoir pris le mamelon pendant trois jours, devient immobile et froid le quatrième jour*, on me le présente dans cet état; je crois qu'il est né faible, et je lui prescris un bain aromatique, moyen qui réussit en général assez bien dans des cas analogues en apparence. Il mourut le lendemain. A l'ouverture : arachnitis spinale ; le tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la moelle était infiltré de pus : le pus infiltré s'étendait autour de la protubérance, et le long des scissures du cerveau.

L'arachnitis avait elle été postérieure ou antérieure à la naissance? il est probable qu'elle était postérieure.

4e observation. Anasarque, ascite, hydro-thorax, purpura hemorrhagicum, chez un fœtus de sept mois, qui mourut douze heures après la naissance.

Un enfant de sept mois naît infiltré, avec ascite et taches pourprées sur toute la surface du corps et ijUr la muqueuse de la langue ; il mourut au bout de douze heures.

Infiltration du tissu cellulaire sous-cutané; sérosité dans l'abdomen; foie réduit à la moitié de ses dimensions accoutumées; intestins sains; quelques taches pourprées sur la muqueuse intestinale.

Hydro-thorax à droite : les muscles des extrémités inférieures, et en général tous les muscles étaient parsemés de taches de sang, qui contrastaient avec la décoloration des fibres musculaires ; nulle part ces macules n'étaient plus multipliées que dans l'épaisseur des muscles masséter et temporal.

Le péricrâne présentait des taches d'ecchymose très multipliées : on en trouvait aussi à la muqueuse pharyngienne.

Le cerveau était décoloré, demi-transparent, couleur de cire ; le tissu cellulaire sous-arachnoïdien était infiltré. Le canal thoracique était très distendu par une sérosité sanguinolente.

5e observation. Anasarque, ascite, hydro-péricarde, purpura hemorrhagicum, foie aVun vert-olive, chez un enfant qui mourut une heure après la naissance.

Une femme qui avait subi plusieurs traitements anti-syphilitiques, peu de temps avant sa grossesse, accouche heureusement d'un enfant infiltré, à terme, qui mourut au bout d'une heure de respiration assez complète. Ouverture du corps. Face infiltrée et monstrueuse, sang concret infiltré dans le tissu cellulaire subjacent au cuir chevelu; ecchymose sous le péricrâne. Cerveau très injecté.

Grande quantité de sérosité dans le péricarde; un peu de sérosité dans les plèvres.

Ascite; foie d'un vert-olive foncé, comme dans certaines maladies des adultes, et ayant, sous le rapport du volume, à peu près les mêmes proportions que chez ces derniers ; son tissu est très dense.

Canal alimentaire sain ; quelques ecchymoses dans l'épaisseur des muscles gastro-cnémiens ; elles sont en bien plus grand nombre dans le muscle masséter et sur-tout dans le muscle temporal.

Poumons sains.

Le placenta présente quelques portions décolorées et indurées, qui simulent des tubercules, mais qui ne sont autre chose que du sang incolore, coagulé et infiltré dans les mailles du tissu placentaire.

On ne saurait méconnaître le rapport qui existe entre les deux observations qu'on vient de lire. Dans le dernier cas, la femme était dans un état de cachexie, suite, à la fois, et de la syphilis et du traitement mercuriel. Dans le premier cas, la malade était depuis longtemps dans un état valétudinaire. Le peu de volume du foie? dans les deux observations, paraît une conséquence de la présence de la sérosité dans l'abdomen. L'anasarque, l'hydro-péricarde, l'hydro-thorax , l'ascite, le purpura hemorrhagicum, voilà des lésions dont l'affinité n'est point équivoque et qui tiennent sans doute à une cause identique.

6e observation. Inflammation chronique du thymus et du pancréas; induration et imperméabilité des poumons. (Pl. II, fig. i, xve livr.)

Enfant à terme venu vivant, par le sommet de la tête. Fieds dépouillés d'épiderme et livides. Mort après quelques minutes de respiration.

En enlevant le sternum, j'entame un foyer purulent : ce foyer occupait le thymus qui était très volumineux, remplissait le médiastin antérieur, et adhérait d'une part au péricarde, d'une autre part à la face postérieure du sternum. Le thymus TO (fîg. 3) est divisé en loges ou cellules de différente capacité, et pleines de pus visqueux ; les cellules de la partie inférieure sont plus considérables que celles du sommet, qui sont tuberculeuses ; les parois de cette poche multiloculaire, sont comme infiltrées de pus concret. C'est une affection tuberculeuse, ou si l'on veut, une inflammation chronique du thymus.

Les poumons (fig. 2) très volumineux, très pesants, ne sont perméables que dans un petit nombre de points; leur tissu est dense, d'une couleur rosée, et la distinction en lobules se dessine parfaitement, tant à la surface, que dans l'épaisseur de ces organes. La trachée, les bronches et leurs divisions sont remplies de mucosités opaques, comme dans le catarrhe chronique. Le foie est extrêmement petit, son poids est de quatre onces ; le fœtus pesait quatre livres et demie.

Le pancréas (fig. 7 et 8) était d'apparence lardacé, sans distinction de grains glanduleux, et représentait le tissu d'une mamelle squirrheuse; son diamètre antéro-postérieur est aussi considérable que son diamètre vertical. Le volume de l'extrémité, qu'on appelle la queue et qui touche la rate ''fîg. 7), est aussi considérable que celui de l'extrémité qu'on appelle la tête. Il adhère à la capsule surrénale et au rein droit, au-devant desquels il est situé.

Réflexions. Chez le fœtus, le thymus est un organe glanduleux, creusé d'une cavité centrale, dans laquelle viennent aboutir des cavités plus petites, creusées dans l'épaisseur de chaque lobule. Une matière blanchâtre, visqueuse, qui ressemble assez exactement au

lait imparfait ou collostrum, remplit cette cavité. Quelquefois il y a deux thymus parfaitement distincts sur la ligne médiane; dans d'autres cas, les deux thymus communiquent entre eux. Le thymus étant un organe propre au fœtus, c'est chez le fœtus qu'il faut étudier ses maladies. Il semblerait que dans quelques cas, il y ait, ou bien rétention du produit sécrété, ou bien super-sécrétion. Enfin, chez un enfant nouveau-né, âgé de six mois, qui mourut dans le marasme, j'ai rencontré un thymus doublé de volume, plein de tubercules et de foyers tuberculeux : les poumons étaient parfaitement sains.

L'induration du pancréas qui avait entièrement perdu l'aspect glanduleux , et qui présentait tous les caractères du tissu squirrheux, est un fait important, mais trop isolé pour qu'on puisse en tirer des inductions suffisamment motivées.

f Observation. Induration du pancréas, des poumons. Plaques blanchâtres et ulcérées dans

Vintestin grêle.

Les intestins, quoique inertes dans le fœtus, peuvent être le siège de plusieurs maladies; je ne connais aucune observation plus curieuse que celle d'un enfant qui mourut immédiatement après sa naissance , après avoir poussé deux cris; on sentit battre le cœur pendant sept minutes (1). Les intestins qui me furent présentés offraient des plaques blanchâtres, oblongues, elliptiques, avec épaississement considérable des parois. Ces plaques étaient parsemées de petites ulcérations , et dans quelques points l'épaississement était tel, que le calibre de l'intestin paraissait complètement effacé. Le pancréas induré avait tous les caractères du tissu squirrheux. Les poumons étaient indurés dans leur totalité, sauf quelques lobules delà base.

Anévrysme des cavités droites du cœur, chez un foetus, par suite de V oblitération de V orifice de 1 artère pulmonaire. Mort le cinquième jour de la naissance.

Un enfant naît à huit mois et demi dans un état de faiblesse excessive; la respiration ne s'établit qu'avec beaucoup de peine; elle resta incomplète, très gênée, presque convulsive. Il mourut au bout de cinq jours.

A l'ouverture : cœur énormément développé, remplissant plus de la moitié du thorax, refoulant en arrière les poumons qui étaient peu considérables.

Le grand volume du cœur tenait au développement très considérable des cavités droites, lesquelles formaient les sept huitièmes de l'organe ; les cavités gauches étaient extrêmement petites, et représentaient une sorte d'appendice.

La valvule de l'orifice auriculo-ventriculaire droit était appliquée d'une manière fixe, contre les parois ventriculaires, dont elle ne pouvait se détacher; en sorte que le sang passait tout aussi librement du ventricule dans l'oreillette, que de l'oreillette dans le ventricule. Des granulations flottantes occupaient le bord libre de la valvule.

L'orifice de l'artère pulmonaire était complètement oblitéré; l'artère pulmonaire et ses divisions étaient d'ailleurs dans leur état d'intégrité.

La fosse ovale était très considérable; il n'existait du trou de botai qu'une petite fente située à la partie supérieure de la fosse : un caillot était engagé dans cette fente. La valvule qui forme le fond de la fosse ovale était un peu éraillée.

Comment la vie a-t-elle pu se maintenir pendant cinq jours? il n'arrivait pas une goutte de sang aux poumons parle ventricule droit; je pense que l'abord du sang dans les poumons se faisait incomplètement par le canal artériel : il est probable que la vie se serait maintenue si le trou de Botal était resté libre.

Maladies des poumons chez le fœtus.

De toutes les maladies qui surviennent chez le fœtus et chez l'enfant nouveau-né, les plus fréquentes , sans contredit, sont celles qui affectent le tissu même du poumon. Souvent la maladie semble n'avoir précédé que de quelques jours le moment de la naissance , il se pourrait même qu'elle fût la conséquence immédiate des premiers mouvements de la respiration, lesquels placent les poumons dans des conditions toutes nouvelles. Le développement partiel des poumons ou l'infiltration pulmonaire qu'on observe chez les fœtus qui naissent avant terme et qui respirent pendant plusieurs heures et quelquefois pendant plusieurs jours, sont évidemment la suite de l'abord prématuré

(i) Voy. 10" bulletin de la Société anatomique, rédigé par M. Maréchal, secrétaire.

du sang et de l'air dans les poumons dont l'organisation n'était pas encore en harmonie avec l'établissement de la respiration.

Dans un plus grand nombre de cas, la maladie date de plusieurs jours et peut-être même de plusieurs mois ; alors les poumons se présentent sous différents aspects: tantôt ils offrent la pneumonie lobulaire. Des lobules ou des groupes de lobules indurés ou infiltrés sont disséminés çà et là au milieu d'un tissu sain : tantôt, les poumons sont pris en masse dans une grande étendue, il n'est même pas rare de voir les deux poumons envahis à la fois dans leur totalité. Le tissu malade ressemble assez souvent à celui de la pneumonie des enfants nouveau-nés, d'autres fois, il est complètement carnihé, granuleux, et les lobules représentent des grains glanduleux parfaitement distincts. La lésion des poumons est si fréquente chez le fœtus, que je ne crains pas d'avancer cette proposition, savoir : qu'il meurt autant d'enfants nouveau-nés que d'adultes, par les poumons.

Il faut donc conserver la cause de mort par asphyxie des accoucheurs , mais avec cette différence que l'asphyxie, telle que je l'entends, tient à une maladie des poumons antérieure à l'aeccouchement, tandis que pour les accoucheurs l'asphyxie résulte du fait même de l'accouchement. La plupart des enfants asphyxiés des accoucheurs, me paraissent des enfants apoplectiques. Une remarque importante, c'est que la vie de l'enfant nouveau-né peut se maintenir pendant quelque temps avec l'intégrité d'une très petite fraction de l'organe de la respiration : sous ce rapport la pneumonie du fœtus diffère essentiellement de celle de l'adulte. La respiration étant en effet, pour l'enfant naissant, une fonction nouvelle, si peu que le sang soit revivifié, la vie pourra se maintenir; tandis que chez l'adulte, la respiration est une fonction à laquelle sont coordonnées toutes les autres, et dont l'exercice ne peut être diminué d'un tiers, d'un quart, sans trouble funeste. Ce n'est que dans les maladies chroniques ou sub-aiguës des poumons, que l'économie peut s'habituer lentement à se passer de la plus grande partie de cet organe.

Une seconde remarque non moins importante, c'est que Imduration des poumons se concilie presque toujours avec l'embonpoint du fœtus , et toutes les apparences de la santé la plus parfaite; il n'est pas rare de voir les bronches pleines de mucosités épaisses, comme dans le catarrhe aigu.

Enfin, une dernière conséquence de l'inertie des poumons pendant la vie intrà-utérine, c'est que ces organes peuvent présenter des lésions beaucoup plus profondes que chez l'adulte.

Observation 1. Lobules pulmonaires infiltrés de sang, et disséminés (Fig. 1, pi II, XVelivr.). Enfant nouveau-né, venu naturellement : mort au bout de quarante-huit heures. Lobules et masses de lobules infiltrés de sang au milieu de lobules sains. îl serait possible que cette altération ne remontât pas à l'époque de la naissance seulement.

Observation 2. Poumons infiltrés de sang et imperméables dans les trois quarts de leur étendue. Mort. Enfaut nouveau-né, venu naturellement par les fesses^ il paraît faible, et reste faible jusqu'au moment de la mort qui eut lieu au bout de vingt heures.

Les poumons (fig. 4, pl. II) sont imperméables dans les deux tiers environ de leur étendue; cette imperméabilité s'observe sur-tout à la partie postérieure et à la base : elle consiste dans une induration rouge-noire, humide, qui paraît être une infiltration de sang et de sérosité; on voit çà et là, au milieu du reste du poumon, des noyaux d'infiltration. Je pense que cette lésion peut dater du moment de la naissance.

Observation 3. Poumons infiltrés de sang dans leur presque totalité. Cet enfant né faible, resta dans le même état de faiblesse pendant vingt-quatre heures ; il s'éteignit. Epanchement de sérosité sanguinolente dans les plèvres. Les deux poumons étaient indurés , infiltrés de sang qui découlait comme d'une éponge; un seul poumon offrait quelques lobules perméables. On ne conçoit pas que la vie ait pu se maintenir pendant vingt-quatre heures, avec une aussi petite portion de l'organe de la respiration. Du reste, je pense que cette lésion ne remonte pas avant l'époque de la naissance.

Observations 4 et 5. Chez deux enfants nouveau-nés, dont l'un, de sept mois, a respiré huit heures, et dont l'autre, à terme, a respiré vingt-quatre heures, j'ai trouvé les poumons imperméables, et se précipi-xve livraison. 2

tant en entier au fond de l'eau,- ils ne contiennent pas la plus petite bulle d'air; leur tissu est induré et dans l'état qu'on désigne sous le nom de pneumonie des enfants.

Observation 6. Induration grise du poumon dans les quatre cinquièmes de leur étendue. Un enfant vigoureusement constitué, mais faible, succombe quarante-huit heures après la naissance. Les poumons ont subi l'induration grise dans la majeure partie de leur étendue. Tous les autres organes sont parfaitement sains. Il est probable que la pneumonie datait de plusieurs jours.

Observation 7. Enfant né avec des phlyctènes aux pieds, aux mains et et la paupière supérieure. Mort au bout de trente-six heures. Quelques lobules joulmonaires sont imperméables. Catarrhe pulmonaire. Cet enfant qui paraissait vivace, présenta pour toute lésion, quelques lobules imperméables par infiltration séro-sanguinolenie : l'un de ces lobules était infiltré de sang pur ; la trachée, les bronches et leurs divisions étaient remplies de mucosités épaisses, semblables à celles d'un catarrhe arrivé à la période de coction. Les phlyctènes annoncent-elles constamment une maladie syphilitique constitutionnelle? C'est une question grave, qui me paraît trop légèrement résolue, dans le plus grand nombre des cas.

Observation . Mort par infiltration séreuse du tissu du poumon. Cet enfant est né après un travail fort court et presque après la rupture de la poche des eaux. Il respire quelques instants et meurt. Couleur vert-olive des poumons qui sont très volumineux et infiltrés de sérosité, mêlée d'un peu d'air; ils surnagent. Tous les autres organes étaient sains. La mort ne peut être attribuée qu'a l'état des poumons. La couleur vert-olive du sérum est un fait bien remarquable, mais qui ne doit pas e'tonner si l'on considère la multitude des nuances que peut revêtir la matière colorante du sang.

Un grand nombre d'enfants morts avec des pustules syphilitiques ont succombé à des pneumonies ou lésions des poumons, antérieures à la naissance.

Observation 9. Pustules cutanées. Poumons infiltrés çà et là de sang et de sérosité. Un enfant né avec des pustules syphilitiques, mourut au bout de quelques heures. Le tissu du poumon était infiltré de sang et de sérosité. Cette infiltration avait lieu par masses plus ou moins considérables, absolument comme dans le cas représenté fig. 1.

Observation 10- Pustules cutaneea. Jt?7zcumonie lobulaire insuppurée. Suppuration de la dure-mère. Un enfant à terme, peu développé, vient avec des pustules dans différentes parties du corps. L'épiderme de la plante des pieds et des orteils est détaché comme dans la brûlure.

Je trouvai dans les poumons une douzaine de petites masses indurées sphéroïdes et superficielles pour la plupart, dans lesquelles étaient compris plusieurs lobules pulmonaires. Au milieu de ces petites masses était du pus épais contenu dans des foyers ? dont les parois infiltrées de pus étaient traversées par des brides pénétrées du même liquide. On peut dire que ces masses de pneumonie lobulaire tiennent le milieu entre le tubercule et l'inflammation.

Le crâne ouvert, j'ai trouvé que la portion de dure-mère qui répond aux deux voûtes orbitaires, à l'angle de réunion de ces voûtes avec la portion verticale du frontal, était infiltrée d'un pus très bien lié qui en écartait les mailles. Les os dénudés étaient érodés dans une partie de leur épaisseur. Le périoste qui répondait à la dure-mère malade était épaissi. Un peu de pus était épanché entre l'os et son périoste, mais dans une petite étendue.

Observation 11. Pustules cutanées. Poumons complètement indurés. Catarrhe pulmonaire. Rate volumineuse. Enfant à terme né d'une mère siphylitique. Il fait quelques mo uvements et meurt. L'insufflation avec le tube laryngien est inutilement pratiquée. Le corps de cet enfant est couvert de pustules syphilitiques. Les poumons sont indurés dans toute leur étendue. L'induration est d'un blanc grisâtre. Les lobules peuvent être facilement séparés les uns des autres ; quelques points superficiels du poumon sont emphysémateux. Quelques cellules ont été rompues par l'insufflation. Le poids des poumons était de trois onces , tandis que dans l'état naturel, les poumons d'un enfant qui a respiré, ne pèsent jamais au-delà de deux onces. Les bronches sont engouées de mucosités semblables à celles d'un catarrhe pulmonaire aigu, il y avait un petit noyau cartilagineux dans l'épaisseur du poumon. Le thymus blafard présentait à son centre une grande cavité dans laquelle venaient aboutir des cavités secondaires. La cavité centrale, de même que les cavités secondaires , étaient remplies par une matière blanchâtre , lactescente et visqueuse. La rate avait de trois à quatre fois son volume naturel.

Observation 12. Un autre enfant très fortement constitué, né à ternie avec des vésicules pleins de pus, nous a présenté une induration complète des deux poumons qui pesaient trois onces et trois gros.

15e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DE LA BOUCHE, DE L'ŒSOPHAGE ET DE L'ESTOMAC

(Enfants nouveaux nés)

MALADIES DE LA BOUCHE, DU PHARYNX, DE L'OESOPHAGE ET DE L'ESTOMAC. {Enfants nouveau-nés.)

(Planche III, XVe livraison.)

EXPLICATION DES FIGURES.

Les figures 1, 2, 3, représentent trois cas d'inflammation pseudo-membraneuse de la bouche, du pharynx et de Fœsophage. Cette inflammation connue sous le nom de muguet, lorsqu'elle a lieu chez les enfants, souvent bornée à la muqueuse buccale, d'autres fois limitée à la bouche et au pharynx, envahit quelquefois l'œsophage, dans lequel elle pénètre plus ou moins profondément: les dentelures par lesquelles l'épiderme œsophagien se termine, sont pour cette affection, une barrière qu'elle ne franchit que dans des cas excessivement rares. L'exsudation pseudo-membraneuse, le plus habituellement d'un blanc de lait (fig. 1), est jaunâtre, verdâtre (fig. 2,3), lorsque des vomissements bilieux ayant existé, la matière colorante de la bile a coloré les pellicules : sous les fausses membranes qui sont plus ou moins confluentes, la muqueuse est revêtue de son épidémie, et ne présente d'autre altération qu'une rougeur, légère dans le cas de pseudo-membrane discrète (fig. 1); intense dans le cas de pseudo-membrane con-fluente (fig. 2 et 5).

Il est extrêmement rare de voir le muguet pénétrer dans les voies aériennes : souvent le pourtour de l'orifice supérieur du larynx est hérissé de fausses membranes, et néanmoins la muqueuse laryngée en est tout-t-faït exempte (fig. i'), tandis que, par opposition, nous voyons, dans le croup, l'inflammation pseudo-membraneuse du larynx, sans lésion aucune de la muqueuse pharyngienne. Cepeudant dans le cas représenté fig. 2 et 2', de fausses membranes remplissaient les ventricules du larynx.

La disposition linéaire et comme sillonnée des pseudo-membranes de l'œsophage, représentées fig. 5, s'explique par les replis longitudinaux de la muqueuse œsophagienne.

Réflexions. Le muguet n'est autre chose que l'inflammation pseudo-membraneuse de la muqueuse de la bouche.

Cette inflammation est bien loin d'être particulière à la première enfance. Tous les âges de la vie y sont exposés; mais chez l'adulte, elle est rarement primitive ou idiopa-thique. Presque toujours elle est consécutive ou symptomatique d'une lésion grave du canal intestinal, et se manifeste à une période plus ou moins avancée des maladies aiguës ou chroniques, quelquefois même pendant une fausse convalescence. Son apparition dénote bien souvent une terminaison funeste, qui est presque constante lorsque cette affection est rebelle aux moyens qui en triomphent le plus ordinairement. J'ai été appelé pour donner mes soins à un de nos confrères, chez lequel, pendant la constitution cholérique, l'influence épidémique se manifesta par une entérite latente. Je ne le vis qu'au bout de trois mois de maladie. Depuis quinze jours, il était sous l'influence d'une stomatite qui paraissait seule entraver son rétablissement; je lui conseillai successivement les lotions et les gargarismes alumineux ou animés avec l'eau de Rabel qu'on alternait avec les garga-rismes adoucissants et calmants. La sécrétion pseudo-membraneuse se reproduisit incessamment pendant deux mois encore, au bout desquels la phlegmasie intestinale, de latente qu'elle était, devint aiguë et emporta notre malade.

Chez l'adulte, de même que chez l'enfant nouveau-né, la stomatite peut s'étendre dans le pharynx et dans l'œsophage, que j'ai trouvés nombre de fois remplis par une matière pultacée blanchâtre ou brunâtre.

La stomatite des enfants nouveau-nés est souvent épidémique: elle est endémique dans certains hôpitaux où les salles destinées aux enfants nouveau-nés, sont froides, humides et mal aérées ; tel est en particulier l'hôpital de Limoges, où cette maladie faisait autrefois de'grands ravages. J'avoue que je n'ai jamais conçu le système des hôpitaux pour les enfants nouveau-nés. Le lait d'une bonne nourrice, un air pur, voilà tout ce dont a besoin un enfant nouveau-né; mais lui prescrire des médicaments m'a toujours paru un contre-sens.

xve livraison 1

Inflammation folliculeuse de Vestomac.

Les figures 4,5,6*, représentent l'estomac d'enfants nouveau-nés qui ont succombé, l'un au bout de huit jours, l'autre au bout de quinze jours, le troisième un mois après sa naissance. Dans tous, on voit des ulcérations plus ou moins multipliées, dont plusieurs (fîg. 4) se sont déjà réunies. Dans cette même figure les bords des ulcérations sont d'un rouge foncé. Dans le cas représenté fig. 6, des vomissements noirs avaient eu lieu; l'estomac contenait une matière noire : les bords noirs, la surface noirâtre des ulcérations attestaient assez que cette matière noire, qui n'était autre chose que du sang altéré, provenait de leur surface.

Réflexions. L'inflammation folliculeuse de l'estomac chez les enfants nouveau-nés a été signalée par M. Billard, dont la science doit déplorer la perte prématurée. Sur quinze cas qu'il a observés, huit avaient pour sujet des enfants de quatre à six jours; les autres des enfants de huit à douze jours; un seul était âgé de trois semaines. Il s'ensuivrait, d'après ces faits, trop peu nombreux, il est vrai, pour pouvoir en tirer quelque induction générale, que les enfants sont d'autant plus exposés à l'inflammation folliculeuse de l'estomac, qu'on les observe à une époque plus rapprochée de la naissance. Plusieurs des malades observés par M. Billard avaient en même temps des lésions graves dans d'autres organes; un seul, âgé de quatre jours, n'a présenté d'autre lésion que l'ulcération de l'estomac.

Quant au siège primitif de la maladie dans les follicules, s'il peut y avoir quelque incertitude à cet égard, lorsque l'ulcération est portée à un certain degré, il n'en est pas de même lorsque l'ulcération est commençante.

(Maladies du Foetus.)

Hydrocéphale.

HYDROCÉPHALIE DU FOETUS. (Planche IV, XVe livr. )

De £anence'phalie hydrocèphalique.

Si l'on considère la grande activité de développement que présente l'encéphale chez le foetus, on ne sera point étonné de la fréquence des lésions de développement auxquelles cet organe est exposé; et parmi ces lésions, l'hydrocéphalie ventriculaire tient sans contredit le premier rang.

L'hydrocéphalie présente de nombreuses différences, lesquelles sont relatives i° à la quantité de liquide et au volume du crâne, i° à l'état du cerveau.

Sous le premier point de vue , le crâne peut présenter, i° un volume plus considérable que dans l'état naturel, i° un volume égal, 3° un volume moindre.

L'hydrocéphalie avec augmentation de capacité du crâne peut être tellement volumineuse que l'accouchement soit impossible sans perforation du crâne, soit spontanée, soit artificielle, et j'ai vu deux fois cette perforation se faire spontanément; d'autres fois elle n'est pas assez considérable pour que le chevauchement des os, secondé ou non de l'application du forceps, ne puisse amener la sortie de la tête intacte.

L'état du cerveau dans l'hydrocéphalie n'est pas moins variable. Ainsi, il est des hydrocéphalies avec intégrité parfaite du cerveau : il est même des circonstances dans lesquelles la fluxion séreuse dirigée sur la membrane ventriculaire s'accompagne d'une hypertrophie plus ou moins considérable de la substance cérébrale. C'est dans des cas de cette espèce qu'on a vu des enfants hydrocéphales étonner parla précocité de leur intelligence; mais de ce développement si remarquable de l'intelligence à l'idiotie, le pas est glissant, et l'addition de quelques cuillerées de liquide suffit souvent pour opérer cette métamorphose.

Il est au contraire des hydrocéphalies qui s'accompagnent de destruction plus ou moins complète du cerveau, ou d'anencéphalie. Or, l'anencéphalie hydrocèphalique porte tantôt exclusivement et plus ou moins complètement sur la voûte des ventricules et sur toutes les circonvolutions supérieures, la base de cet organe étant intacte; tantôt elle porte à la fois sur la voûte et sur la base ; le plus souvent le cerveau reste intact; d'autres fois il est lui-même détruit avec ou sans vestige, et même sur deux enfants mort-nés que j'ai eu occasion de voir à la Maternité, il n'existait ni cerveau, ni cervelet, ni protubérance proprement dite, mais seulement un noyau induré et amorphe sur la gouttière basilaire. Ces enfants avaient un crâne extrêmement petit ; les membranes arachnoïde et pie-mère, tapissées par une couche pulpeuse et grisâtre très mince, revêtaient la surface interne des os du crâne.

Il y a donc deux espèces d'anencéphalies : l'anencéphalie hydrocèphalique et l'anencéphalie avec absence de la voûte crânienne, ou plutôt avec déjettement et déformation des os de la voûte. Dans l'un et l'autre cas, l'absence du cerveau doit être produite parla même cause, par une aberration de nutrition, par une fluxion séreuse ou inflammatoire dirigée sur la substance cérébrale ; et si des circonstances étrangères au cerveau lui-même, telles que des compressions mécaniques, ont pu être invoquées dans le cas d'anencéphalie avec ouverture du crâne, cette opinion n'est-elle pas refutée par l'anencéphalie hydrocèphalique.

Du reste, l'existence d'une fluxion inflammatoire sur le cerveau, plus ou moins considérable et plus ou moins persévérante, dans l'anencéphalie hydrocèphalique, est démontrée de la manière la plus péremptoire, i° par la coloration brun-marron, jaune orangé, qui atteste un travail morbide de réparation des débris du cerveau; coloration qui atteste un travail de cicatrisation analogue à celui qui s'opère dans les cavernes apoplectiques, i° par la densité quelquefois cartilagineuse de ces débris.

xve livraison. 1

L'Etude de l'anencéphalie hydrocèphalique montre d'ailleurs jusqu'à quel point l'organisme peut supporter, pendant la vie fœtale, la perte d'un organe important à la vie. Sans doute après la naissance, la vie est compatible avec des altérations organiques bien graves, pourvu qu'elles soient graduelles; mais aucune de ces altérations n'est comparable à celles que l'on observe, soit dans la masse encéphalique, soit dans les poumons du fœtus. Et si nous avons vu la vie persister après la naissance avec quelques lobules perméables des poumons, nous ne serons pas moins étonnés de voir des hydrocéphales (avec anencé-phalie) vivre plusieurs jours , et même plusieurs mois , avec des fractions minimes de masse encéphalique.

Du reste, l'altération de la substance cérébrale dans l'hydrocéphalie, n'est nullement en rapport avec la quantité de liquide que mesure en général assez exactement le volume de la tête ; on pourrait même dire cruelle est quelquefois en raison inverse ; car dans les observations que j'ai recueillies, ce sont les hydrocéphales à petite tête (micro-hydrocéphales ) qui ont présenté l'anencéphalie la plus complète.

Deux faits prouveront cette dernière proposition.

Anencéphalie hydrocèphalique chez un enfant a petite tête.

Sur un enfant mort-né, dont le crâne n'avait pas la moitié' du volume accoutume', et dont l'ossification par conséquent était très avancée, j'ai trouvé, au lieu du cerveau, une poche remplie de sérosité limpide. Dans la partie qui tapissait la voûte , cette poche était formée par une membrane vasculaire, tachetée de points d'une eotdeur brun orangé, comme dans certaines cavernes apoplectiques. Une membrane très dense et brunâtre recouvrait toute la portion de la base du cerveau qui restait encore ; cette base était réduite Io à des corps striés, indurés, colorés en brun et inégaux en volume ; 2° à peine, entre les corps striés, découvrait-on des couches optiques atrophiées: 3° quelques circonvolutions de la base du cerveau étaient indurées, cartilagineuses, et comme déposées çà et là par petites masses à la surface interne des membranes pie-mère et arachnoïde. Les nerfs olfactifs étaient atrophiés. A peine vestige de la commissure optique-Trace des pyramides antérieures, qu'on voyait sous l'aspect d'une traînée *risàtre s'enfoncer dans l'épaisseur de la moelle. Les olives avaient leur volume naturel. Tuber-cules quadrijumeaux naturels. Cervelet petit, mais sain; de même que la protubérance et les pédoncules cérébelleux.

Réflexions. Les enfants à petite tête ne sont pas tous hydrocéphales : j'ai vu un enfant qui a vécu dix-huit mois avec une tête extrêmement petite, qui représentait celle d'un animal : l'angle facial était extrêmement aigu comme chez le chien; les téguments du crâne étaient plissés en arrière; l'ossification était très avancée; les sutures réunies; l'occipital présentait une crête transversale très saillante, analogue à la crête occipitale des animaux; le diamètre vertical du crâne était d'un pouce. Cet enfant avait vécu dix-huit mois; il n'avait donné aucun signe d'intelligence: ses membres étaient continuellement en mouvement; il criait pour exprimer ses besoins ; de tems en tems, mouvements convulsifs : il succomba dans une convulsion. Le crâne était rempli par un cerveau qui ne différait d'un cerveau ordinaire que par ses petites dimensions.

Hydrocéphalie ventriculaire très considérable, avec intégrité du cerveau

Cet enfant pesait treize livres et demie. Son développement annonçait un enfant de cinq à six mois, et cependant il avait trois ans. La tête était énorme : désirant voir si l'hydrorachis accompagnait constamment l'hydrocéphalie, j'examinai d'abord le canal raehidien : le rachis ouvert, des pressions alternatives ont été exercées sur le crâne, et la dure-mère rachidienne n'a pas été soulevée: cette membrane incisée, nous avons vu qu'il y avait un peu de sérosité dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, mais la compression exercée sur le crâne n'a pas fait arriver une goutte de liquide dans le canal vertébral. Je dirigeai

alors mon attention sur l'ouverture indiquée par M. JVlagendie. L'arachnoïde spinale fut enlevée au moment où elle se porte de la moelle sur le cervelet; et en écartant avec précaution la portion de lobule médian du cervelet qui répond à la face postérieure du bulbe raehidien, je vis, au lieu d'une ouverture, une membrane demi-opaque, prolongement de la pie-mère rachidienne soulevée par de la sérosité. Le soulèvement de la membrane devint plus considérable, lorsque le sujet fut placé dans une position verticale. Une ponction ayant été faite à la membrane, aussitôt un flot de liquide s'est échappé.

Le cerveau et le cervelet étaient convertis en deux vastes poches à parois peu épaisses, qui contenaient au moins deux litres de sérosité. Dans le cerveau, les trois ventricules étaient réunis en une seule cavité. Point de septum lucidum ; le corps calleux soulevé et aminci était presqu'au niveau de la surface des hémisphères ; les couches optiques et les corps striés avaient acquis un grand développement d'avant en arrière, les uns et les autres étaient amincis et aplatis; l'aqueduc de Sylvius était tellement dilaté, que les tubercules quadrijumeaux ne présentaient pas leur saillie accoutumée ; ils s'étaient agrandis en tous sens pour constituer les parois de cet aqueduc.

La face interne de la poche cérébrale présentait des bosselures correspondantes aux anfractuosités, et des enfoncements au niveau des circonvolutions? la profondeur des anfractuosités était diminuée, mais il n'y avait pas déplissement.

Réflexions. Il résulte de cette observation, i° que l'hydrorachis n'accompagne pas toujours l'hydrocéphalie, même une l'hydrocéphalie très volumineuse ; que le seul obstacle qui s'opposait à l'hydrorachis, dans ce cas, était dans une lamelle fibreuse, prolongement de la pie-mère rachidienne, qui des bords du calamus scriptorius s'étend à la portion du lobe médian du cervelet, connue sous le nom de vermis inferior. Cette membrane est-elle constante ? et la communication indiquée par M. Magendie entre le quatrième ventricule et le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, est-elle accidentelle ? J'ai trouvé cette membrane constamment chez le mouton , chez le chien : je l'ai rencontrée quelquefois chez l'homme ; mais le plus souvent cette lamelle est plus ou moins complètement déchirée à sa partie moyenne? et la communication existe.

Observation d'hydrocéphalie avec disparition de la plus grande partie du cerveau et intégrité

du cervelet, de la protubérance et de la moelle (i).

Ancelin (Alphonse), âgé de neuf mois , est reçu à la crèche ( Enfants trouvés), le 29 janvier 1851, et le lendemain à l'infirmerie.

Le crâne (fig. 1 , pl. 4 ) a un volume très considérable; sa circonférence prise au niveau des bosses frontales et occipitales est de deux pieds. La fontanelle antérieure a un diamètre transverse de quatre pouces et demi. L'écartement des deux pariétaux est d'un pouce huit lignes.

La face de l'enfant exprimait l'idiotie la plus complète. Les pupilles se contractaient faiblement par l'action de la lumière. Les yeux toujours dirigés en bas ne suivaient aucun objet. L'enfant habituellement assoupi se réveillait en sursaut en poussant des cris. Le moindre bruit provoquait des cris d'effroi ; les membres étaient contractés.

Pendant plusieurs jours, aucun phénomène morbide. Le 12 février, déglutition gênée, rougeur de l'isthme du gosier. Chaleur à la peau (orge, sirop de gomme; lait coupé; cataplasmes sur la région cervicale ).

Le 13, même^état1; le 14, déglutition plus difficile encore; rougeur intense de l'arrière-bouche; toux sèche ; cris voilés (4 sangsues sur les parties latérales du col) ; le 15, même état ; mort le 16\ Ouverture du cadavre, vingt-quatre heures après la mort.

Hépatisation rouge à la partie postérieure du poumon droit. Petits noyaux hépatisés dispersés dans les poumons. Autour de ces noyaux, poumons parfaitement sains.

Dans le canal intestinal, plaques de Peyer très saillantes : quelques-unes rouges et ramollies.

(i) Observations et pièces anatomiques présentées par M. Cazalis ? membre de la société anatomique, interne dans le service de M. Baron.

Crâne. Dans la cavité crânienne, deux litres au moins de sérosité' limpide, sans aucun débris de substance cérébrale ; un seul flocon albumineux.

La fig. 1 représente le crâne, très largement ouvert par l'ablation du pariétal, du frontal droit et de la partie supérieure de l'occipital. La faux cérébrale, F, est énorme; sur elle est appliquée une membrane extrêmement ténue, M G, soulevée sur la figure avec le manche du scalpel : c'est une couche grisâtre , transparente, étendue sur les membranes pie-mère et arachnoïde. Cette couche est probablement le vestige du cerveau.

On voit les débris de l'hémisphère droit, DH, dans quelques circonvolutions appliquées contre la faux, et occupant les fosses occipitale et temporale; la surface interne de ce débris qui est brun jaunâtre, présente des saillies et des enfoncements, qui répondent, les premières au fond des anfractuosités , les enfoncements aux circonvolutions; la circonférence de ce débris de l'hémisphère est indurée, comme froncée, et est continuée par la membrane cérébrale extrêmement ténue qui tapissait la totalité de la voûte osseuse, et que nous avons montrée soulevée sur la faux.

A la base du crâne, se voient les corps striés, CS, C S , qui sont très volumineux; les nerfs olfactifs, NOL, NOL, qui en partent; les plexus choroïdes, PC; la voûte à trois piliers, V.

La fig. 2 représente la masse encéphalique vue par sa base ; le cervelet, CC, très développé, ainsi que la bulbe, B R ; et la protubérance, P ; les pédoncules, les éminences mamillaires, E M ; les nerfs optiques, NOP; les corps striés, CS ; les nerfs olfactifs, NOL, NOL, qui en partent; les membranes cérébrales.

La fig. 5 montre la masse encéphalique, vue d'arrière en avant : on voit manifestement ce qui reste des deux hémisphères cérébraux.

La fig. 4 reproduit la partie antérieure de la fig. 1, avec ses détails : la voûte à trois piliers et le plexus choroïde droit ont été enlevés; on voit les couches optiques , C O, CO, qui sont très peu développées, et les tubercules quadrijumeaux, TE, qui ont leur volume naturel.

15e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DU CERVEAU.

(Absence du Cervelet.)

MALADIES DU CERVEAU.

{Absence complète du cervelet, chez une jeune fille morte dans sa onzième année.)

(Planche V, XVe livraison.) (i) EXPLICATION DES FIGURES.

Fig. 1. Le cerveau vu par sa face inférieure est parfaitement sain. On ne trouve d'autre vestige du cervelet, qu'une petite masse, DC, DC, située derrière le bulbe. Point de protubérance, ou plutôt absence complète de toutes les fibres transversales de la protubérance, lesquelles sont la véritable commissure du cervelet. Point de pédoncules cérébelleux, qui ne sont autre chose que les fibres transversales de la protubérance, ramassées sur elles-mêmes. Le bulbe raehidien BR, se continue avec l'étage supérieur ou antéro-postérieur de la protubérance. La saillie des corps olivaires est à peine marquée.

Fig. 2. Le cerveau est également vu par sa base. Le bulbe raehidien a été renversé d'arrière en avant. On voit le bord postérieur épais du corps calleux, CC; les tubercules quadrijumeaux, TQ, qui sont dans l'état naturel; la face postérieure du bulbe raehidien, BR; les débris du cervelet, DC, DC.

Fig. 5. Base du crâne. Les fosses occipitales inférieures ont un peu moins de capacité que de coutume. Tous les nerfs avaient leur volume normal, et sortaient par les trous de la base du crâne.

Les détails suivants ont été donnés par M. Combette :

Alexandrine Labrosse naquit, en mai 1820, d'un père robuste et d'une mère affaiblie : bien conformée quoique grêle, cette enfant resta délicate et chétive;son intelligence était extrêmement bornée. M. le docteur Miquel qui la vit à l'âge de sept ans, observa une grande faiblesse dans les extrémités, un défaut d'intelligence, et l'impossibilité d'articuler nettement les sons ; ce qui lui fit soupçonner quelque lésion vers le cerveau. Il fut appelé plusieurs fois à lui donner des soins pour des irritations gastro-intestinales, et ne nota aucune particularité remarquable. L'ayant vue à l'âge de neuf ans et s'étant aperçu d'une grande dilatation dans les pupilles, il allait lui administrer des anthelmintiques, lorsque les parents lui firent observer que l'enfant portait sans cesse les mains aux parties génitales.

Elle fut admise le 12 janvier 1830 à l'hospice des orphelins: son bulletin porte qu'elle est paralysée des membres abdominaux, qu'elle parle difficilement, et que ce mal lui venait d'une frayeur que sa nourrice avait éprouvée. M. Miquel, dans la lettre adressée à l'administration pour demander son admission, dit « que cette petite fille, âgée de neuf ans et demi, est à peine développée comme un enfant de six ans, à cause de la mauvaise nourriture et du peu desoins qui l'entourent; ce qui a arrêté le développement de ses facultés physiques et morales. »

Lors de son entrée, elle était faible; son intelligence était extrêmement bornée. Quand on lui parlait , elle répondait difficilement et avec hésitation; elle témoignait de l'attachement et de la reconnaissance aux personnes qui lui donnaient des soins : ses jambes, quoique très faibles, lui permettaient encore de marcher, mais elle se laissait tomber souvent : les organes des sens remplissaient bien leurs fonctions: elle mangeait modérément.

Au mois de janvier 1851, époque où elle fut soumise à l'observation, elle était cachectique, scrofu-leuse, gardant le lit depuis trois mois, couchée sur le dos; à peine pouvait-elle remuer les jambes, qui d'ailleurs avaient conservé leur sensibilité; elle se servait des mains; du reste elle était stupide, ne parlant jamais, n'accusant ni plaisir ni douleur, répondant seulement oui ou non, aux diverses questions qui lui étaient adressées.

Vers le milieu de février, la petite malade fut prise de dévoiement, de stomatite pseudo-membraneuse; elle s'éteignit le 25 mars 1851.

Depuis sa mort, on apprit d'une manière positive, que cette enfant avait l'habitude de la masturbation , et qu'elle était sujette à des convulsions épileptifbrmes.

Ouverture du cadavre, trente heures après la mort.

État extérieur. Corps grêle, amaigri ; large escharre au sacrum ; trois orteils gangrenés; engorgements scrofuleux à la région cervicale.

(i) Pièce présentée à la Société anatomique, par M. Combette; l'observation a été publiée dans les bulletins de cette société. (Revue médicale, avril i83i.)

XVe LIVRAISON. 1

Tête. Le crâne ouvert, la dure-mère et la tente du cervelet incisées, la moelle coupée vers le trou occipital, la masse encéphalique enlevée et renversée, on remarque que les fosses occipitales inférieures sont remplies de sérosité. « A la place du cervelet, membrane gélatiniforme, de forme demi-circulaire, )) tenant à la moelle alongée par deux pédoncules membraneux et gélatineux, l'un d'eux, celui du côté )) droit, avait été déchiré; vers ces pédoncules, je trouvai deux petites masses de substance blanche, w isolées et comme détachées, ayant le volume d'un pois ; sur l'une d'elles, se trouvait un des nerfs de la » quatrième paire. Les tubercules quadrijumeaux étaient intacts; derrière et au-dessous on remarque » une sorte d'érosion, au milieu de laquelle on voyait l'orifice du canal de Sylvius; elle s'étendait un » peu sur la moelle, et altérait légèrement les corps restiformes, et très peu les corps olivaires. 11 n'y )) avait pas de 4e ventricule ; il n'existait aucune trace de pont de Varole, sans qu'il y eût apparence de » déperdition de substance; les pyramides antérieures se terminaient dans les pédoncules cérébraux.

)) Des nerfs cérébraux, on ne peut distinguer que les origines des première, deuxième et troisième )) paires (l'ablation du cerveau n'ayant pas été faite avec précaution, et l'ayant été par un autre que » M. Combette, l'origine des autres paires de nerfs n'a pas été déterminée). Les artères vertébrales exis-)) taient : la moelle épinière n'a rien présenté de particulier,

)) On pouvait facilement introduire le doigt dans le vagin; il n'existait pas de membrane hymen; les » grandes lèvres étaient d'un rouge vif, et paraissaient avoir été fréquemment irritées: les ovaires et » l'utérus existaient. )

Tubercules miliaires dans les poumons ; ulcérations de l'intestin grêle.

Réflexions. Plusieurs considérations du plus haut intérêt se présentent à l'occasion de ce fait qui a déjà si vivement fixé l'intérêt des physiologistes et de M. Magendie en particulier, qui en fit l'objet d'un rapport à l'Institut.

i° Y a-t-il eu absence congéniale du cervelet; ou bien le cervelet s'est-il atrophié , et cette atrophie a-t-eîle précédé ou suivi la naissance ?

Lies débris du cervelet, la membrane gélatiniforme, de forme demi-circulaire, tenant à la moelle alongée par deux pédoncules membraneux et gélatineux, l'existence des fosses occipitales inférieures, la présence de la sérosité dans ces fosses : voilà les arguments qui me paraissent militer en faveur de l'existence du cervelet et de son atrophie lente, graduelle. Ce qui me parait inexplicable dans cette hypothèse, c'est l'absence complète des fibres transversales de la protubérance et des pédoncules. Sans doute ces fibres transversales et ces pédoncules sont la commissure du cervelet, et d'après les lois généralement adoptées sur l'évolution du cerveau, la formation des commissures est subordonnée à l'existence des parties latérales; mais autre chose est ce qui se passe avant l'évolution, autre chose est ce qui se passe après l'évolution des organes. Et l'on verra dans le cours de cet ouvrage des cas de tubercules du cervelet tellement considérables, qu'il ne restait qu'un vestige de cet organe sans diminution sensible de volume de la protubérance annulaire et de ses pédoncules.

i° Il est à regretter que des détails plus circonstanciés n'aient pas été recueillis sur l'état antérieur de cette enfant. L'affaiblissement des extrémités inférieures, le défaut de développement de l'intelligence : voilà les phénomènes les plus remarquables qui aient été observés. Or le cervelet ne peut pas être regardé comme le principe du mouvement des extrémités inférieures. Et d'une autre part, les conditions d'organisation du cerveau proprement dit, paraissent avoir des rapports plus immédiats avec l'intelligence que celles du cervelet.

3° L'opinion de Gall sur le cervelet, comme organe de l'instinct de la reproduction, a fait attacher une grande importance à la circonstance de l'habitude de la masturbation. Si le fait était bien constaté, le cas actuel serait la réfutation la plus directe du système de Gall, déjà réfuté par bien d'autres faits tirés soit de la pathologie, soit de l'expérimentation.

15e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DES INTESTINS.

Hernies (Hernie par le trou Ovalaire)

HERNIE PAR LE TROU OVALAIRE.

( Planche VI, XVe livraison. )

Une indigente de la Salpêtrière, âge'e de 80 ans environ,, entre à l'infirmerie le 25 octobre 1832, pour une constipation opiniâtre, qui se conciliait d'ailleurs avec l'e'tat de santé le plus satisfaisant; un lavement de deux onces d'huile douce de ricin est administré le 27.Dans la nuit du 27 au 28, la malade est prise de tous les accidents de l'étranglement. M. Piédagnel ayant eu l'obligeance de me faire prévenir, je me rendis, auprès de cette malade , qui présentait en effet tous les symptômes de l'étranglement : pouls misérable; extrémités froides ; ventre volumineux, mais peu sensible à la pression; vomissements continuels : la malade vomit, en ma présence ce liquide provenant de l'intestin grêle, qu'on désigne improprement sous le nom de matières fécales.

Il existait deux hernies inguinales, dont la gauche plus considérable, qui se réduisaient avec la plus grande facilité, et ne pouvaient être considérées comme le point de départ des accidents.

La malade qui avait toute sa connaissance et qui ignorait néanmoins complètement sa fâcheuse position, mourut le même jour à une heure après midi.

Ouverture du cadavre. La hernie inguinale droite contenait de la sérosité et une anse intestinale. La hernie gauche n'était autre chose qu'un sac herniaire, dont l'orifice était froncé.

L'estomac était très ample, excepté vers le pylore, où il se rétrécissait brusquement, et était réduit dans l'espace d'un pouce aux dimensions de l'intestin grêle, il contenait beaucoup de gaz et un liquide trouble.

Une disposition insolite de l'intestin appela notre attention : quatre grandes circonvolutions se dirigeaient obliquement de haut en bas et de gauche à droite : je déployai l'intestin en partant du pylore, et je vis bientôt que la direction oblique que je viens de signaler était due à une anse d'intestin, qui s'engageait dans le canal sous-pubien du côté droit. La portion d'intestin déplacée était située à la réunion des deux tiers supérieurs avec le tiers inférieur de l'intestin grêle.

La fig. 3 représente la manière dont l'intestin était disposé derrière le trou sous-pubien : ÏGS , est le bout supérieur qui était distendu par une grande quantité de liquide ; IGI, est le bout inférieur qui était rétréci; M, le mésentère; SP, répond à la symphise pubienne; G G est une coupe de la cavité cotyloï-dienne : on voit le froncement du péritoine, P, au moment où il va s'engager dans l'anneau ; V, la vessie ; U, l'utérus. Les ovaires et les trompes qui ont été conservées sur la figure, permettent de saisir les rapports de toutes ces parties entre elles.

La fig. 1 représente la hernie sous-pubienne vue à l'extérieur. Pour la mettre à découvert, il a suffi d'enlever le muscle pectine : derrière ce muscle était une lame aponévrotique, très ténue, à travers la transparence de laquelle s'apercevait une tumeur de couleur rouge.

La lame aponévrotique enlevée, nous avons vu la tumeur herniaire qui était très petite. Le nerf et les vaisseaux sous-pubiens, IS V, étaient situés à son côté externe et antérieur, le nerf en avant, les vaisseaux en arrière: le muscle obturateur externe ayant été divisé, j'ai vu que la partie la plus considérable de la tumeur était située entre le muscle et l'aponévrose du trou sous-pubien. Une espèce d'étranglement très bien indiqué sur la figure, marque le point de réunion des deux portions de la tumeur*

Le sac, S, S, ayant été incisé, il s'est échappé une certaine quantité de sérosité sanguinolente; l'intestin, I, était rouge et injecté.

L'intestin (fig. 2) a pu être retiré sans beaucoup d'effort de l'anneau sous-pubien : il s'était alongé en doigt de gant ; il n'était ni épaissi ni altéré dans son organisation.

Réflexions. Les hernies ovalaires ou sous-pubiennes, dont Duverney a le premier autopsi-quement signalé l'existence, se font non par un anneau, mais par un canal, obliquement dirigé d'arrière en avant et de dehors en dedans, canal qui a son orifice interne, son trajet, son orifice externe, et que l'intestin franchit d'une manière graduelle. Il est probable que dans beaucoup de cas, comme dans celui qui précède, l'intestin doit s'engager entre la membrane obturatrice et le muscle obturateur externe avant de s'échapper par l'orifice externe du canal. Il serait même possible que, dans quelques circonstances, l'intestin déplacé se trouvât contenu en entier entre l'aponévrose et le muscle.

La lame aponévrotique qui recouvre la hernie et qui n'est autre chose que la lame postérieure de la gaine du muscle pectine, maintient la tumeur fortement appli-

XVe LIVRAISON. 1

quée contre le muscle obturateur externe, en sorte que cette tumeur doit tendre à prendre son accroissement par en bas.

La situation de la tumeur au-dessous du muscle pectine, ses rapports avec le nerf et les vaisseaux sous-pubiens qui ne se trouvent pas derrière le sac herniaire, comme on le dit généralement, mais qui occupent le côté externe et antérieur de la tumeur, fournissent les règles de conduite les plus importantes, soit pour le premier temps de l'opération, soit pour le débridement.

Dans le cas de hernie ovalaire étranglée , le procédé opératoire consisterait i ° à inciser les téguments, le tissu cellulaire et l'aponévrose fémorale , le long du bord interne du muscle pectine, dans la ligne celluleuse qui la sépare du bord externe de l'adducteur superficiel.

i° A soulever le muscle pectine , ce qui serait facile en maintenant la cuisse dans la demi-flexion.

3° A inciser la lame aponévrotique qui forme la paroi postérieure de la gaine du pectine.

4° A ouvrir le sac avec les mêmes précautions que dans toutes les hernies.

5° A débrider en bas et endedans pour éviter les vaisseaux qui se trouvent en dehors. Ce débridement devrait être fait en plusieurs temps; dans le premier temps, on inciserait le muscle obturateur externe, et on s'assurerait si une portion de la tumeur n'est pas logée entre le muscle et la membrane sous-pubienne ; dans un second temps, on inciserait la membrane sous-pubienne ; et dans un troisième; l'arcade aponévrotique du muscle obturateur interne.

16e. Livraison. Pl. Ière

MALADIES DU PLACENTA

MALADIES DU PLACENTA.

(Pl. ïre, XVIe livraison).

Le placenta, ce poumon physiologique du fœtus, suivant l'heureuse expression de Stein et de M. Lobstein, auquel sont confiées tout à la fois et la revivihcation du sang et la transmission des matériaux nutritifs; le placenta doit, en raison de ce double usage, influer d'une manière puissante et sur la vie et sur la santé du fœtus. Par lui, les causes morbides sont transmises directement au fœtus, dont l'organisation complexe est passible de toutes les maladies observées chez l'adulte (voy. XVe livr.); mais il peut lui-même subir l'influence de quelques-unes de ces causes, les arrêter en quelque sorte ; et les voies de transmission et de revivification des matériaux nutritifs étant interceptées en totalité ou en partie, l'enfant arrive mort ou prodigieusement affaibli. On peut dire que les maladies propres au fœtus n'influent que médiocrement sur sa nutrition, et que les maladies de la mère exercent sur cette nutrition une influence beaucoup moindre que celles du placenta lui-même.

Organe temporaire, espèce de pseudo-membrane organisée, le placenta n'est exposé qu'à un petit nombre de lésions, dont plusieurs ne paraissent pas avoir été bien interprétées. M. le docteur Murât a le mérite d'avoir le premier rassemblé les faits épars qui existaient sur ce sujet (Dictionnaire des Sciences médic, t. i\i). Désormeaux, dans son excellent article œuf (Dict. deMédec. en 11 vol.), a rapporté à l'hypertrophie les cas décrits par Morgagni, Iluisch et autres observateurs, cas dans lesquels le volume du placenta leur a paru hors de proportion avec celui du fœtus et la cause de la mort de ce dernier. Il croit aussi devoir considérer comme une hypertrophie du placenta, l'altération connue sous le nom de mole charnue, de faux germe, de germe dégénéré, altération qui s'accompagne le plus souvent de l'absence du fœtus, mais qui peut coexister avec sa présence, ainsi qu'on le voit dans la mole embryonée.

M. Brachet de Lyon (Journ. général de Méd., 1828), a publié sur ce sujet, dans un très bon mémoire, dix observations intéressantes qui lui sont propres, et dans lesquelles il cherche à établir la corrélation qui existe entre l'altération observée dans le placenta, l'état du fœtus et les symptômes éprouvés à une époque plus ou moins avancée de la grossesse. C'est à l'inflammation qu'il rapporte d'ailleurs toutes les altérations qu'il a observées , et qui se réduisent : i° à l'engorgement du placenta, qu'il compare à l'hépatisation des poumons ; i° à un état qu'il appelle avec la plupart des observateurs, état squirrheux, et qu'il regarde comme une suite de l'inflammation chronique ; 3° à la suppuration du placenta ; 4° à la dégénération tuberculeuse qu'il considère comme pouvant être le résultat de la terminaison par suppuration de plusieurs portions du placenta ; 5° à l'adhérence organique du placenta et de l'utérus, adhérence qu'il croit être le résultat de l'inflammation simultanée du placenta et de la surface correspondante de l'utérus.

Les lésions du placenta me paraissent devoir se rapporter aux chefs suivants :

i° Hypertrophie. Elle consiste quelquefois dans une infiltration séreuse, analogue à celle qu'on observe si souvent dans le cordon ombilical. Cet état coïncidait avec une infiltration pseudo-membraneuse dans l'observation suivante : Une femme accouche prématurément à huit mois d'un enfant mort. Le placenta énorme pesait deux livres moins un quart; il était infiltré de sérosité. Le sérum suivait la direction des vaisseaux et donnait au placenta un volume très considérable. Le tissu cellulaire extérieur au chorion était

XVIe LIVRAISON. 1

pénétré de fausses membranes, le tissu cellulaire intermédiaire au chorion et à l'amnios était infiltré.

i° Atrophie. Elle peut être générale ou partielle; l'atrophie partielle peut occuper un tiers, deux tiers, trois-quarts du placenta : elle peut envahir çà et là quelques cotylédons, en laissant intacts les cotylédons intermédiaires. La conséquence de cette atrophie est le dépérissement et même la mort du fœtus. Les caractères de cette atrophie sont : un amincissement considérable, une sorte de dessiccation du placenta qui devient dense , souvent granuleux, comme tuberculeux, décoloré ou plutôt d'une couleur blanc-jaunâtre. En un mot le placenta se trouve réduit à sa trame fibreuse. C'est cet état du placenta qu'on trouve décrit dans les auteurs, sous le titre de placenta squirrheux, tuberculeux. Je regarde cette altération comme le résultat du décollement du placenta ou d'un défaut de communication quelle qu'en soit la cause, entre l'utérus et le placenta dans les points atrophiés. Un petit nombre de cotylédons intacts peut suffire à maintenir la vie, lorsque l'atrophie des diverses parties du placenta a été successive.

3° Inflammation du placenta. Si on peut révoquer en doute cette inflammation, lorsqu'on rencontre le tissu du placenta dense, fragile ou friable, gorgé d'un sang noir, offrant tous les caractères de l'hépatisation rouge du poumon, il n'en est pas de même, lorsqu'on trouve, avec M. Brachet, du pus dans l'épaisseur de cet organe. Ainsi, dans la cinquième observation de son Mémoire, « le placenta était très volumineux, les trois-quarts de son » étendue étaient occupés par un vaste dépôt qui contenait plus d'une verrée d'une ma-» tière purulente mêlée de sang. Ce foyer occupait la face interne du placenta qu'il avait » détaché de ses membranes et sur laquelle se remarquaient les inégalités bourgeonneuses » d'une surface en suppuration ». On rjourrait à la rigueur admettre que dans ce cas ce n'est pas le tissu du placenta, mais bien les membranes qui ont fourni le pus; mais une pareille interprétation est impossible dans le cas suivant : en divisant le placenta, il trouva dans un certain nombre de points « tous les caractères de l'hépatisation rouge, » tendant à passer à l'hépatisation grise. Ils étaient en outre parsemés de plusieurs petits » foyers purulents , de grandeur variée, depuis le volume d'un petit pois jusqu'à celui » d'une noisette. Il en compta quatorze. Le pus qu'ils contenaient était épais et lié , sans » mauvaise odeur : il ressemblait assez au pus des tubercules suppures; mais la cavité dans » laquelle il était renfermé n'avait point de kyste : elle était formée par le simple écar-» tement des fibres de l'organe. »

4° Ossification du placenta. Toutes ou presque toutes ont lieu du côté de la face utérine du placenta; on peut en distinguer deux espèces. Dans l'une, c'est une coque osseuse ou plutôt pierreuse, ayant une, deux ou trois lignes d'épaisseur, recouvrant uniformément ou par larges plaques la face utérine du placenta,sans pénétrer dans son épaisseur. Dans l'autre, ce sont des espèces d'aiguilles osseuses qui pénètrent le placenta et le traversent dans tous les sens. Cette sorte de pétrification procède toujours de la face utérine vers la face fœtale. Le siège des premières parait être dans la membrane fibreuse mince qui recouvre chaque cotylédon. Dans un cas rapporté par le docteur Garin ( Journ. de médec., frimaire an x), chaque cotylédon avait sa plaque osseuse : et toutes ces plaques, qui avaient de trois à quatre lignes d'épaisseur , étaient liées aux autres par un tissu fibreux élastique, qui approchait beaucoup de la nature du cartilage. Ce tissu était comme sillonné et formait comme autant d'articulations qui permettaient aisément la sortie du placenta. Chaque plaque osseuse présentait des rayons divergents qui procédaient du centre à la circonférence. La femme qui fait le sujet de cette observation était accouchée heureusement et à terme d'un enfant vivant. Deux concrétions existaient sur la face fœtale en même temps qu'un grand nombre sur la face utérine, dans un cas rapporté par M. Carestia (voy. Dict. des Se. méd., tom. 4'^ )•

Le siège des concrétions par aiguilles ou par petites masses formant gravier est bien

évidemment dans les vaisseaux artériels. Rien de plus fréquent que cette espèce de concrétions. Le placenta, dont la vie ne doit durer que neuf mois , présente souvent cette pétrification sénile, qui n'exerce pas sur la santé et même sur la vie du fœtus une aussi grande influence qu'il le semblerait au premier abord.

5° Kystes hydatidiformes du placenta. C'est la plus fréquente des altérations de ce corps spongieux, je crois avoir démontré (Ire livr.) que ces kystes ne sont pas des hydatides, mais bien des kystes dont la cavité est traversée par des filaments celluleux, et que ces kystes sont le produit d'une dégénération des vaisseaux.

Apoplexie du placenta. On rencontre quelquefois dans l'épaisseur du placenta déchiré, des foyers de sang en plus ou moins grand nombre et à divers degrés d'ancienneté. Cette altération, quelquefois bornée à un petit nombre de cotylédons ou à un seul cotylédon , s'étend souvent au plus grand nombre et alors l'avortement est inévitable. J'ai pu suivre sur le même placenta et sur des placentas différents, la plupart des transformations que subissent les foyers sanguins placentaires. C'est ce mode d'altération qui fait le sujet de cette planche.

EXPLICATION DES FIGURES.

Les fig. 1 et i' représentent le placenta d'une femme qui est accouchée à la Maison royale de Santé, le 8 avril 1850 , d'un enfant mort depuis quinze jours environ.

La surface utérine du placenta, lisse et blanchâtre dans une assez grande étendue, dénotait l'existence d'un décollement ancien. Il existait dans l'épaisseur du placenta deux foyers sanguins volumineux, d'une date inégale (Fig. 1, fig. 1' F A , F'A').

La fig. 1' donne une idée exacte de la manière dont étaient disposées les différentes couches du sang coagulé et de la coloration de ces couches. Il y a là le double caractère et des foyers apoplectiques et des poches anévrismales.

La fîg. 2 représente la coupe d'un autre placenta qui m'a été donnée par M. Deneux.On y voit, comme dans la figure précédente, la succession des changements que présentent les foyers sanguins.

16e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU COEUR

Pericardite.

MALADIES DU COEUR

( PLANCHE II, XVIe LIVRAISON.)

Péricardite.

Les figures i et 2 représentent deux cas de péricardite hémorrhagique. Je n'ai aucun renseignement sur le sujet de la fig, 1 : à l'égard du sujet de la fig. 2, j'ai appris seulement qu'il n'avait présenté d'autres symptômes que la dyspnée et le délire, qu'on avait constaté le volume considérable du cœur, mais que la péricardite n'avait été nullement reconnue.

Fig. 1. Cœur de volume ordinaire. Le péricarde présente un excédant de capacité considérable. Une grande quantité de sérosité sanguinolente, mêlée de quelques caillots de sang, s'est écoulée à l'ouverture de cette membrane. Surface du cœur recouverte d'une fausse membrane couleur lie-de-vin, épaisse, rugueuse, aréolaire, peu cohérente dans sa couche superficielle, cohérente et granuleuse dans sa couche profonde, qui revêt immédiatement le feuillet séreux du cœur auquel elle est assez intimement unie, et qui ne présente ni augmentation d'épaisseur ni changement quelconque de coloration. Le tissu cellulaire sous-séreux n'est ni infiltré ni injecté.

Fig. 2. Cœur très volumineux : ce grand volume était dû, non à l'hypertrophie, mais à la dilatation de toutes ses cavités. Le cœur a été renversé de bas en haut pour montrer à découvert sa face postérieure. Le péricarde avait une capacité telle qu'il aurait pu contenir un cœur deux fois plus volumineux.

Toute la surface du cœur était enveloppée d'une pseudo-membrane couleur lie-de-vin, épaisse, aréolaire, comme hérissée de mamelons coniques inégaux en longueur, en volume et en forme. Ces mamelons occupent principalement le bord gauche du cœur, sa face postérieure et le voisinage delà base.

La disposition de ces mamelons, qui avaient depuis deux jusqu'à quatre lignes de longueur, et leur imbrication rappellent la forme de la pomme-de-pin ou du fruit de l'ananas auxquels le cœur ainsi enveloppé de fausses membranes a été comparé. Il est également probable que c'est à des cas de cette espèce que s'applique l'expression de cœurs velus qu'on rencontre dans les anciens observateurs.

La disposition aréolaire et moins distinctement mamelonnée du reste de la pseudo-membrane rappelle cette autre comparaison du cœur enveloppé par une fausse membrane au bonnet d'un ruminant. On voyait quelques filamens pseudo-membraneux extrêmement longs, grêles et élastiques naître des divers points de la surface de la pseudo-membrane.

Le péricarde était tapissé par une fausse membrane assez généralement lisse, mamelonnée seulement dans quelques points ; et ces points correspondaient en général aux mamelons de la surface du cœur.

Comme dans le cas représenté fig. 1., la pseudo^membrane était formée de deux couches bien distinctes: l'une superficielle, couenneuse, couleur lie-de-vin, aréolaire, peu cohérente, et comme élastique; l'autre profonde, comme tuberculeuse ou granuleuse,blanche, très cohérente, facile à séparer de la couche superficielle , mais assez intimement unie à la séreuse du cœur. Lorsqu'on sépare cette couche granuleuse de la membrane séreuse, on voit se déchirer des filamens déliés et courts. De petits points rouges apparaissent à toute la surface dans laquelle cette séparation a eu lieu : ces points rouges sont dus à la déchirure de vaisseaux sanguins extrêmement déliés et en quelque sorte microscopiques qui recouvrent et la surface du cœur et la pseudo-membrane. La séparation du feuillet séreux du cœur et de la pseudo-membrane était parfaitement nette ; et Ton aurait dit, après l'avoir effectuée, que la fausse membrane elle-même était revêtue du côté du cœur par un feuillet séreux qui lui donnait son aspect lisse.

La séparation de la fausse membrane granuleuse et compacte d'avec la fausse membrane molle et rouge était assez nette. A l'aide de la loupe, on découvrait des réseaux vasculaires extrêmement déliés dans les limites de la pseudo-membrane molle et de la pseudo-membrane dense.

La pseudo-membrane molle était élastique : examinée contre le jour elle présentait un réseau à mailles très déliées, parsemé de gouttelettes de sang.

Réflexions. — La forme de péricardite que je viens de décrire est assez fréquente et donne lieu à plusieurs réflexions. Mettant de côté tout ce qui est relatif à la pro-

xvie lvraison

duction des fausses membranes en général, je n'appellerai l'attention que sur ce qui a trait à la péricardite.

Or, la présence de deux couches pseudo-membraneuses d'aspect si dissemblable me parait dénoter deux périodes bien distinctes dans cette maladie; la couche granuleuse, compacte, adhérente ou vasculaire, doit évidemment remonter à une époque bien antérieure à la couche molle, élastique, sans cohérence, aréolaire, mamelonnée qui est d'une date toute récente.

Les granulations couenneuses des membranes séreuses doivent être bien distinguées des granulations tuberculeuses avec lesquelles elle n'ont aucune espèce de rapports. Elles ne parcourent jamais les périodes et ne déterminent jamais les accidens des tubercules. Elles se solidifient ou bien sont absorbées à la longue.

Toutefois de véritables tubercules peuvent se manifester dans l'épaisseur d'adhérences celluleuses anciennes ou même dans l'épaisseur des fausses membranes incomplètement organisées. Ainsi, sur un jeune sujet de io àia ans destiné à mes dissections, j'ai trouvé une adhérence complète du péricarde au cœur, à l'aide d'une fausse membrane. Des tubercules occupaient çà et là la face interne du péricarde et la surface du cœur. Ces tubercules étaient arrondis, très cohérens et entourés de vaisseaux. On voyait en outre à la face interne du lobe supérieur du poumon gauche une masse considérable de matière tuberculeuse.

Dans un autre cas, l'adhérence entre le péricarde et le cœur avait lieu à l'aide d'une cellulosité traversée par une foule de vaisseaux très flexueux et contournés : la surface interne du péricarde et la surface correspondante du cœur présentaient des tubercules très denses, demi transparens, desquels partaient comme d'un centre une foule de vaisseaux radiés. Ces tubercules paraissaient le résultat d'une agglomération de granulations.

La coloration rouge lie-de-vin de la pseudo-membrane coïncidant avec la présence d'une sérosité sanguinolente dans la cavité du péricarde est évidemment due à une sorte de teinture, d'imbibition.

La péricardite hémorrhagique ne doit pas étonner davantage que la pleurésie, que la péritonite hémorrhagiques. L'explication la plus naturelle est celle-ci : Parmi les phénomènes que présentent les fausses membranes qui tendent à s'organiser, le plus remarquable est la formation d'îles sanguines et quelquefois de foyers sanguins, de traînées de sang dans leur épaisseur. Or, on conçoit que, dans une fausse membrane peu cohérente, sans cesse agitée par les alternatives de dilatation et de contraction du cœur, la rupture des couches qui enveloppent le foyer doive se faire avec la plus grande facilité. D'après cette manière de voir, les péricardites hémorrhagiques devraient être plus fréquentes que les pleurésies et péritonites hémorrhagiques.

Les mamelons coniques, les espèces de végétations qui hérissent la fausse membrane sont le résultat de la rupture des adhérences établies entre la fausse membrane du péricarde et celle du cœur. Cette rupture peut être le résultat des mouvemens du cœur ou bien celui d'un épanchement qui s'interpose entre le péricarde et le cœur.

Les causes qui président aux différences d'aspect que présentent les pseudo-membranes dans la péricardite sont tout-à-fait mécaniques. Dans un cas de péricardite présenté à la Société anatomique la couche pseudo-membraneuse hérissée de végétations adhérait à la séreuse du cœur et présentait de la manière la plus manifeste la direction curviligne et spirale des fibres charnues superficielles des ventricules. Dans ce cas, la couleur de cette pseudo-membrane était lie-de-vin; le péricarde contenait à peine une once ou deux de sérosité sanguinolente.

Nous aurons ailleurs occasion de parler des autres formes de péricardite et plus particulièrement de son diagnostic sur lequel les travaux récens de MM. Louis et Bouillaud ont jeté un si grand jour.

16e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DU FOIE

( Phlébite )

MALADIES DU FOIE.

Abcès traumatiques consécutifs. Phlébite. (XVIe livr., pl. III.)

Les abcès multiples du foie sont une des suites les plus fréquentes et les plus graves des plaies et des opérations chirurgicales. Ces abcès ayant été sur-tout observés dans le cas de plaies de tête, on a cru pouvoir l'interpréter, soit par des rapports de circulation entre le cerveau et le foie (Pouteau, Bertrandi) , soit par des rapports sympathiques aussi réels qii inexplicables entre ces deux organes ( Desault et Bichat ) , soit par la simultanéité de lésions du foie et du cerveau (M. Richerand). L'antique théorie de la métastase ou transport du pus d'un lieu dans un autre, la théorie nouvelle des tubercules préexistants appliquée au foie, a été réfutée ailleurs. (Voy. Phlébite et Abcès viscéraux, XIe livr.)

La commotion du foie, les déchirures multiples auxquelles cet organe est exposé en raison de son poids et de sa fragilité, peuvent rendre compte d'un certain nombre de faits, mais ne s'appliquent nullement à la grande majorité des cas ; par exemple, à ceux où une tumeur blanche ayant nécessité l'amputation du membre, le malade n'a eu à subir aucun transport, aucune commotion; à ceux d'amputation des mamelles, d'excision d'hénior-rhoïdes, de polypes utérins , etc.

Le grand fait de la phlébite a rempli le vide immense qui semblait séparer une solution de continuité souvent légère des abcès viscéraux et de ceux du foie en particulier. De nombreuses observations ont prouvé que dans des cas où aucune veine libre ne paraissait enflammée, les veines des os, les veines du tissu adipeux médullaire étaient remplies de pus. Il résulte même des observations et des expériences que j'ai pu faire à cet égard, que la phlébite des os est plus inévitablement grave que l'inflammation des autres veines.

Les partisans de la phlébite se divisent entre deux opinions bien tranchées. Suivant les uns, le pus formé dans les veines enflammées, mêlé au sang, est déposé en nature dans le foie comme dans tout autre organe, en l'absence de toute inflammation. Suivant les autres , le pus de la phlébite mêlé au sang et retenu dans le système capillaire veineux du foie ou de tout autre organe, détermine l'inflammation de cet organe , non en sa qualité de pus, mais en sa qualité de corps irritant. Je crois avoir démontré ailleurs (XIe livr., phlébite ) par des expériences qui ont toute la valeur des démonstrations de la physique, que les abcès viscéraux sont le résultat d'une phlébite capillaire de ces viscères, consécutive à une autre phlébite siégeant dans un lieu plus ou moins éloigné, et à l'aide de laquelle le pus est versé directement et en nature dans le torrent de la circulation.

Le foie étant l'aboutissant d'un système veineux très considérable, hœmatopoieticum vi-sum, est, après les poumons, l'organe où l'on rencontre le plus fréquemment des abcès à la suite de plaies ou d'opérations chirurgicales (loc. citât., pag. 5 et 6).

Tantôt il est seul affecté ; tantôt il l'est concurremment avec les poumons, la rate et d'autres viscères. Dans quelques cas, les abcès de tous ces viscères semblent être contemporains ; le plus souvent ils présentent des traces manifestes de leur formation successive.

On conçoit d'ailleurs que dans les cas où la phlébite affecte quelqu'un des points du système veineux abdominal, le foie doive être primitivement et souvent exclusivement affecté, tandis que dans ceux où la phlébite porte sur le système veineux général, les poumons doivent recevoir les premiers l'influence du pus veineux mêlé au sang.

Le nombre des abcès du foie est plus ou moins considérable; quelquefois il n'existe qu'un, deux, trois petits foyers. Il est probable que dans ce cas le malade aurait résisté à la lésion du foie, si d'autres lésions plus graves n'étaient venues la compliquer. Chez un

XVIe LIVRAISON.

individu qui a succombe par suite d'inflammation gangreneuse du tissu cellulaire pelvien, suite elle-même d'infiltration d'urine, il n'y avait qu'un seul abcès dans le foie et cet abcès siégeait autour d'une des divisions de la veine-porte, dans le tissu cellulaire lâche qui l'entoure. D'autres fois, au contraire, le foie présente une multitude innombrable de petits foyers d'apparence tuberculeuse.

On peut d'ailleurs suivre la formation de ces abcès dans toutes leurs phases ou périodes : i° taches sanguines brunâtres, dont le siège paraît être dans les grains glanduleux eux-mêmes; i° infiltration de pus blanc concret qui donne au foie l'aspect du granit; coloration brune ardoisée tout autour, sans autre trace manifeste d'inflammation. Quelquefois une grande masse de granulations est affectée; d'autres fois, l'altération est bornée à un très petit nombre, circonstance qui jointe à celle de la densité du pus, à la multiplicité des foyers, à l'irrégularité des masses envahies, a pu faire croire à la nature tuberculeuse de cette altération. Toujours la couche du foie qui avoisine le foyer, présente une couleur brune ardoisée. Cette couleur est probablement cadavérique; 3° collection de pus ou abcès dont les dimensions sont mesurées par celles de la masse primitivement envahie.

Existe-t-il dans les plaies une période au-delà de laquelle les abcès consécutifs ne soient plus à redouter ? Je crois que tout le temps qu'existe la solution de continuité, on n'est pas à l'abri de cet accident. Le plus ordinairement c'est du dixième au vingtième jour que surviennent les symptômes de phlébite; il n'est pas rare de les voir naître au bout d'un mois, six semaines et même deux mois, lorsque des os ont été intéressés et baignent dans le pus.

Le diagnostic des abcès traumatiques du foie est extrêmement obscur. Quelquefois il y a douleur à l'hypochondre droit, à l'épaule du même côté; d'autres fois la pression la plus forte et la plus variée sur la région du foie ne provoque pas la plus légère sensibilité. L'ictère n'est rien moins que constant. La circonstance d'une plaie ou d'une opération chirurgicale, le frisson qui survient plusieurs jours après , l'état adynamique ou typhoïde porté au plus haut degré, l'absence de symptômes de lésion dans les autres organes, peuvent faire soupçonner, mais rarement diagnostiquer d'une manière positive l'existence de cette grave altération.

Le traitement préservatif est tout; le traitement curatif est bien peu de chose. Prévenir la phlébite; si elle existe, maintenir son inflammation dans les limites de l'inflammation adhésive , voilà le traitement préservatif. Lorsque la suppuration est déclarée, prévenir, s'il est possible, le mélange du pus au sang, par un bandage compressif, pour remplacer en quelque sorte les caillots sanguins qui si souvent établissent une limite infranchissable entre la portion de veine en suppuration et le reste du système veineux.

Lorsque l'infection du sang a lieu, soutenir la force de résistance à l'aide du quinquina, des acides et de l'ensemble des moyens dirigés contre l'infection miasmatique. L'état local, les lésions d'organes ne sont évidemment que des effets qui se reproduiront incessamment tout le temps que se reproduira l'infection.

L'inflammation des veines hémorrhoïdales peut donner lieu aux abcès du foie. Dans le cas suivant ces abcès ont été provoqués par des tentatives réitérées de réduction du rectum déplacé.

Un homme âgé de 60 ans environ, avait depuis longues années une chute du rectum ; l'intestin formait une tumeur grosse comme le poing, rouge foncée, indolente. D'après le rapport du malade, cette tumeur sortait au premier effort de défécation, mais rentrait immédiatement après : elle n'était pas rentrée depuis vingt-quatre heures. Des efforts réitérés et à mon avis beaucoup trop considérables et impatiemment supportés par le malade, furent pratiqués pour opérer la réduction. On finit par l'obtenir.

Mais le jour même, la face s'altère, le pouls devient petit, inégal; état de prostration; peau froide; vomissements, hoquets; ignorance complète de son état, stupeur; aucune douleur. Les jours suivants les symptômes vont croissant. Mort le cinquième jour.

A l'ouverture, on trouve dans le foie un très grand nombre de petits foyers, les uns superficiels , les autres profonds, irréguliers, d'un volume inégal, entourés d'une couche d'un brun ardoisé, fragiles. On voyait très bien le mécanisme de la formation de ces foyers; ici des points blancs étaient interposés à des points bruns ardoisés, là se voyait un pus demi-concret réuni faisant foyer. Quelques-uns de ces abcès, et ce cas est fort rare, étaient remplis par une matière assez semblable à du lait trouble.

Dans l'observation suivante, les abcès hépathiques furent la suite d'une contusion légère à la jambe.

Un homme vigoureux était depuis quelques jours à l'hôpital, pour une contusion à la jambe. Fièvre précédée de frisson ; saignée; le lendemain ictère, symptômes d'embarras gastrique ; 36 grains ipéca -cuanha : hoquets; le troisième jour, deuxième saignée; le quatrième, état typhoïde, prostration; langue sèche, pouls peu fréquent; le cinquième, diminution notable de l'ictère; pouls faible; supination; renversement de la tête en arrière; langue et dents sèches. Facultés intellectuelles dans leur intégrité. Mort.

A l'ouverture, plusieurs abcès dans l'épaisseur du foie; le principal occupait la partie de cet organe qui est situé immédiatement au-dessus de la vésicule biliaire. Cette poche contenait au lieu de bile un liquide muqueux et transparent.

Les abcès hépatiques sont souvent la suite d'une phlébite occasionée par la saignée.

Exemple : un homme fait une chute de huit pieds de haut sur la région occipitale ; forte contusion. Saignée. Symptômes de phlébite entre la saignée et le cœur. Large application de sangsues. Cessation de la phlébite. Symptômes de phlébite au-dessous de la saignée, même traitement; symptômes typhoïdes. Mort le huitième jour. Ouverture, huit abcès dans le foie. Phlébite suppurée de toutes les veines de l'avant-bras.

Toutes les inflammations locales peuvent être suivies d'abcès hépatiques, parce que toutes peuvent être accompagnées de phlébite. Je possède des observations de panaris, de phlegmons, infiltration des urines, qui ont été suivis d'abcès au foie mortels.

On a distingué une phlébite externe et une phlébite interne pour les veines libres; la même destination peut être appliquée au foie. Le fait suivant m'a offert l'exemple d'une suppuration qui occupait la gaine celluleuse de toutes les divisions de la veine-porte, la veine elle-même étant intacte. Le même fait tend à prouver qu'il existe des phlébites hépatiques spontanées, de même que des inflammations spontanées des veines libres.

Béatrix, artiste distingué pour la flûte, tempérament bilieux et nerveux, adonné aux excès, mélancolique, très irascible, éprouve, à la suite de longs chagrins, une extrême débilité et un mouvement fébrile, pour lequel il me fait appeler, le 18 décembre 1818. Je le trouvai dans l'état suivant : teint pâle, face amaigrie, dégoût général ; fièvre lente avec redoublement le soir. J'explorai le thorax et Fabdomen sans pouvoir y découvrir de cause de maladie. Diète, boissons adoucissantes. Plus tard, à la sollicitation réitérée du malade, purgatif léger qui console son moral sans influer en rien sur son état. Petite toux sèche qui cède à une potion calmante. La régularité des paroxysmes m/enhardit à tenter la décoction de quinquina, l'infusion de petite centaurée, mais sans le moindre succès.

Jusque-là je n'avais que des inquiétudes vagues; mais trois semaines, un mois s'étant [écoulés sans aucun soulagement, l'amaigrissement croissant, la sécheresse extrême de la langue avec tendance à la fuliginosité, la fièvre continue avec redoublement, m'annoncèrent que j'avais affaire à une maladie très grave, à une fièvre symptomatique, dont je ne pouvais déterminer le point de départ.

Un incident occasioné par l'impatience du malade précipita sa mort de quelques jours. Depuis ma première visite, le malade sollicitait un vomitif que je lui avais constamment refusé, en l'absence d'indication positive. Le 28 janvier, tourmenté par des envies de vomir et attendant beaucoup du vomissement, il envoie chercher deux grains d'émétique qui provoquèrent des efforts considérables de vomissement et plusieurs selles. Je vis le malade quelques heures après : son pouls était très précipité, sa faiblesse extrême il était cependant levé suivant sa coutume et se croyait mieux. Le soir, état très grave. Supination; face décomposée; langue noire; à peine put - il me reconnaître et articuler quelques

sons à voix basse. Les selles et les urines sont involontaires. Deux vésicatoires à la partie interne des cuisses ; décoction de cpiinquina.

Le lendemain, stupeur; il ne répond plus; les yeux sont agités de mouvements convulsifs. Cet état se prolonge pendant quatre jours, au bout desquels la poitrine se prend. Mort le 5 février.

A l'ouverture, foie volumineux, d'une couleur brun foncé ; en l'incisant, je vois, à mon grand étonneraient, s'échapper une grande quantité de pus blanc dontla couleur contraste avec celle du foie. Des incisions faites en divers sens me découvrent, à chaque fois, de nouveaux foyers plus ou moins profonds. Le petit lobe du foie était sur-tout pénétré de pus. En examinant avec attention le siège de ces foyers, je vis qu'ils communiquaient tous les uns avec les autres, et que le pus occupait tout le tissu cellulaire qui entoure les divisions de la veine-porte. Alors enlevant le foie, je constatai qu'il existait dans le sillon transversal du foie un foyer purulent à parois très denses qui entourait le tronc de la veine-porte; que de ce foyer comme d'un centre, partaient des canaux purulents excentriques aux divisions de la veine-porte, qui se divisaient et se subdivisaient comme cette veine, que la membrane cellulo-fibreuse qui constitue la capsule de Glisson était très épaissie, que le tissu propre du foie était parfaitement sain. Il existait en outre dans le méso-colon iliaque et dans le mésorectum, le long des vaisseaux, des petits foyers purulents.

La membrane interne de l'estomac qui était très ample, était ramollie et s'enlevait sous la forme de pulpe, par le frottement le plus léger.

EXPLICATION DES FIGURES.

Les figures 1 et 1' représentent une portion de foie appartenant à un blessé de juillet 1830, dont l'observation a été consignée dans la XIe livr. {Phlébite et Abcès viscéraux, page21) et dont les poumons farcis d'abcès ont été représentés fig. 2 et 3 , pl. III. La suppuration du tissu adipeux médullaire était chez cet individu la source de tous les accidents.

Fjg. 1. Lobe gauche du foie présentant de larges plaques blanches, irrégulières, de diverses"di-mensions AF,AF,AF,et dont plusieurs occupaient la circonférence de l'organe. Toutes ces plaques sont entourées d'un cercle brun ardoisé.

Fig. 1'. Coupe de ce même lobe. On voit que les plaques ne sont pas seulement superficielles, mais pénètrent â une très grande profondeur ; qu'il existe en outre des foyers profonds : le pus n'était pas encore ramassé en foyer, il était infiltré et solide, circonstance qui a pu faire croire dans des cas analogues aux tubercules préexistants. Chaque grain glanduleux du foie paraît isolément pénétré de pus et quelquefois une granulation purulente se trouve à coté d'une granulation saine. D'où l'aspect granitique de la coupe. Les veines hépatiques sont saines.

Cet état du foie est identiquement le même que celui que j'ai obtenu par l'injection directe du mercure dans l'une des divisions de la veine-porte du chien ; dans cette expérience un globule mercuriel occupait le centre de chaque petit foyer.

La figure 2 représente le foie d'un blessé de juin 1832 , dont je ne retrouve pas l'observation, qui était d'ailleurs le calque de toutes les autres.

Le travail de suppuration était plus avancé; le pus commençait à se réunir en foyer. On voit les vaisseaux qui tapissent les parois ou qui traversent les foyers ; car les vaisseaux sont généralement respectés par le pus qui les dissèque sans entamer leur continuité.

16e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DE LA MOELLE ÉPINI È R E.

Spina-Bifida

MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

Spina bifida (XVIe livr., pl. IV.) EXPLICATION DES FIGURES.

Les fig* 1, 2 et 3 représentent des tumeurs lombaires TL, TL, TL, observées sur trois enfants, qui ont succombé peu de jours après leur naissance. Les dessins ont été faits sur le vivant, et rendent avec la plus grande exactitude le siège , la forme et les nuances de coloration de la surface de ces tumeurs.

La tumeur lombaire (fig. 1 ) est sphéroïdale, non ouverte, mais ulcérée superficiellement dans la plus grande partie de son étendue. Elle occupe le niveau des deux dernières vertèbres lombaires.

La tumeur lombaire (fig. 2) a la forme d'un cœur de carte à jouer; elle est recouverte par une peau très fine, de couleur rosacée à sa circonférence, ulcérée en U , et perforée à sa partie inférieure P.

La tumeur lombaire (fig. 3 ) occupe la région sacrée ; elle est très considérable, sphéroïdale ; mais affaissée, plissée sur elle-même. Recouverte par une peau fine à sa circonférence, cette tumeur est ulcérée à son centre dans une assez grande étendue, perforée en P, au fond d'un pli ou froncement transversal.

La fîg. 5 ' représente les détails qui résultent de la dissection de la tumeur ( fig. 5 ). Cette tumeur T L est renversée à gauche. La moelle M , M s'enfonce dans l'épaisseur des parois de cette tumeur où elle se perd. De cette même tumeur partent les racines nerveuses R N qui vont constituer les ganglions et nerfs sacrés.

La fig. 4' offre les mêmes détails, mais beaucoup plus circonstanciés que la fig. 3' : elle a pour sujet un enfant affecté de spina bifida dont le corps fut envoyé de province à M. Cayol qui voulut bien me l'adresser.

Cette tumeur TL a la forme d'un ovale oblong, dont la petite extrémité regarde en bas. Elle s'étend depuis la troisième vertèbre lombaire jusqu'au coccyx : la fin de la moelle vient se perdre dans la tumeur comme dans le cas représenté fig. 3' : de cette tumeur naissent les filets d'origine des derniers nerfs lombaires et des nerfs sacrés, filets d'origine qui se rendent à des ganglions lombaires et sacrés très développés GL,GL,GS, GS, desquels partent et les branches postérieures et les branches antérieures des nerfs correspondants.

La fig. 4 représente la moelle et une coupe du cerveau chez le même sujet : la moelle est en-gain ée dans une pseudo-membrane ou pus concret jaunâtre P, P, qui occupe le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, et se prolonge autour de la protubérance annulaire et sur la face inférieure du cervelet C, lequel est remarquable par son peu de développement.

Considérations générales sur le spina bifida.

Cinq enfants affectés de spina bifida sont nés à la Maternité pendant que j'ai rempli les fonctions de médecin de cet Hôpital. Un sixième cas est représenté pl. III, VIe livraison. Un septième m'a été fourni par M. Cayol; voici le résumé succinct de ces observations.

L'histoire de ces enfants est presque identique; tous sont venus parfaitement constitués; tous jouissaient d'une locomotion facile, même dans les extrémités inférieures, à l'exception d'un seul qui avait une semi-paralysie de ces extrémités.

Chez aucun, il n'y avait ni imperforation de l'anus, ni exstrophie, ni déviation des membres, lésions qu'on a vues quelquefois coïncider avec le spina bifida. Les mères interrogées ne m'ont fourni aucun renseignement qui ait pu m'éclairer sur la cause probable du vice de conformation observé sur ces enfants.

Sur les cinq enfants observés à la Maternité, deux présentaient une perforation de la tumeur au moment de la naissance; chez les trois autres la tumeur était intacte: j'ai tout lieu de croire que, chez les deux premiers, la perforation a eu lieu au moment de la naissance, car elle présentait des signes non équivoques de récence, et le liquide qui s'écoulait par l'ouverture était parfaitement limpide. Les deux tumeurs qui se sont rom-

xvie livraison. 1

pues étaient (fig. 2 et 3) beaucoup plus volumineuses que celles qui sont restées intactes (fig. 1). On conçoit en effet qu'un bien petit nombre de tumeurs, pour peu qu'elles soient volumineuses et proéminentes, pourra résister à la compression exercée sur elles dans le travail de l'accouchement. Joignez à cela que les parois des tumeurs volumineuses sont bien moins résistantes que celles des petites tumeurs; que souvent même elles sont demi-transparentes, tant est grande la ténuité de ces parois.

L'ouverture de la tumeur peut-elle précéder le travail de l'accouchement ?

La solution de cette question ne saurait être douteuse si l'on considère, d'une part, la ténuité des parois de la poche, ténuité qui est en raison directe du volume de la tumeur; d'une autre part, les érosions et les ulcérations que présente sa surface, dans une étendue plus ou moins considérable. Or il est infiniment probable que le travail d'ulcération pourra, dans quelques cas, envahir toute l'épaisseur des parois de la poche aqueuse.

Une remarque importante à faire à ce sujet, c'est que la surface ulcérée de la tumeur, présente souvent des traces non équivoques de cicatrisation commençante. Or une perforation récente située au centre de cette partie à demi-cicatrisée, peut en imposer pour une ouverture ancienne. Une pareille méprise aurait été facile dans le cas représenté fig. 3.

Dans les sept cas que j'ai observés, la tumeur occupait l'espace compris entre la première vertèbre lombaire et le coccyx ; c'est là en effet le siège le plus commun du spina bifida, qui d'ailleurs a été observé dans tous les points de la longueur de la colonne vertébrale. L'ostégénie en montrant que le développement des lames ou de l'arc vertébral se fait successivement de haut en bas, explique ce siège bien mieux que la position déclive, qui ne saurait en aucune manière s'appliquer au fœtus.

La coexistence constante du spina bifida et de l'hydrorachis, a fait établir une relation de cause à effet entre ces deux phénomènes, savoir l'écartement des lames vertébrales, et la présence du liquide dans le rachis; si bien que l'une ou l'autre de ces dénominations est employée presque indifféremment pour désigner la maladie qui nous occupe. Il semble en effet naturel d'admettre que l'eau s accumulant dans le canal vertébral doive distendre ce canal encore cartilagineux dans les points qui lui offriront le moins de résistance, et que la distension étant portée outre mesure, les membranes de la moelle feront hernie à travers les lames cartilagineuses déjetées. L'écartement des os du crâne dans l'hydrocéphalie prouve en effet quelle puissance de distension exerce sur les enveloppes l'accumulation progressive d'un liquide. Cependant, en raisonnant par induction^ il est évident que les effets de cette accumulation de liquide par rapport au rachis devraient se borner à une distension sans hernie des membranes et des os du rachis, si le canal raehidien ne se trouvait pas dans des conditions toutes particulières. Or, ces conditions particulières seraient-elles le défaut de continuité du canal osseux, les interruptions qu'il présente entre les vertèbres? Les enveloppes de la moelle, distendues par le liquide, feraient-elles d'abord hernie dans l'intervalle de deux vertèbres, et l'effort de distension s'exer-çant ensuite sur l'arc encore cartilagineux de la vertèbre, les deux lames seraient-elles par suite déjetées de droite et de gauche ?

Après avoir bien réfléchi aux particularités que présente la dissection des tumeurs lombaires, je suis resté convaincu qu'on ne saurait expliquer et la formation de ces tumeurs, et sur-tout la disposition de la moelle et des nerfs à leur niveau, sans admettre une adhérence préalable de la moelle et de ses enveloppes avec les téguments; adhérence antérieure à la cartilaginificationdes lames,qui maintiendrait la moelle hors du canal vertébral et s'opposerait par conséquent à la formation de ces lames dans la région correspondante. Il y a même plus : je ne crois pas à la nécessité d'une augmentation dans la quantité du liquide raehidien pour se rendre compte du spina bifida. L'adhérence une fois établie, le canal osseux étant imparfait, il est tout simple que le liquide céphalo-rachidien se porte dans le point qui lui offre le moins de résistance.

II est d'autant plus probable que la présence du liquide dans le canal vertébral n'est pas tout pour l'explication du spina bifida, que la tumeur lombaire est quelquefois peu considérable, à tel point qu'on réduit complètement le liquide par la pression, sans que des accidents notables soient le résultat de cette réduction ; la compressibilité du cerveau et de la moelle permet de se rendre compte de ce phénomène.

On a dit non-seulement que le spina bifida était produit par l'hydrorachis, mais encore que l'hydrorachis était produite par l'hydrocéphale. En effet, chez le plus grand nombre des enfants soumis à mon observation, j'ai trouvé les ventricules cérébraux distendus par une certaine quantité de sérosité ; chez un sujet, les ventricules n'étaient pas plus dilatés que de coutume, mais la sérosité occupait le tissu cellulaire sous-arachnoïdien ; l'ossification des os du crâne était retardée ; ces os étaient minces, comme membraneux, et même perforés dans un grand nombre de points. Mais on trouve tous les jours une bien plus grande quantité de sérosité dans le cerveau d'enfans nés sans hy-drorachis, sans spina bifida; et d'ailleurs j'ai vu deux cas de spina bifida, dans lesquels le cerveau présentait l'état le plus normal.

Dans l'observation que j'ai publiée 3e livraison, je n'avais pu me rendre compte ni de cette cloison médiane qui divisait incomplètement la tumeur en deux moitiés latérales , ni de ces filets nerveux qui, partant des enveloppes de la tumeur, allaient gagner les trous de conjugaison, en se distribuant d'ailleurs comme de coutume. La dissection la plus attentive de quatre sujets m'a démontré : i° que cette disposition était constante, i° que chez tous, la moelle avec ses enveloppes, allait se perdre dans l'épaisseur des parois de la tumeur, et que de cette portion de moelle quelquefois saine, d'autres fois atrophiée ou ramollie , et devenue partie constituante de la tumeur , naissaient les nerfs, que j'ai trouvés quelquefois plus développés que de coutume.

Un fait qui m'avait également frappé, c'est que dans le spina bifida qui occupe la région sacrée, ce n'étaient pas les nerfs sacrés ou la queue de cheval qui allaient se confondre avec la tumeur, mais bien la moelle elle-même.

La plupart de ces dispositions anatomiques ont été déjà signalées par plusieurs observateurs. La disposition des nerfs avait été notée par Tulpius , le créateur du mot spina bifida , qui raconte que les nerfs dispersés dans la paroi de la tumeur, avaient changé de direction; par Burgius (Mise, curios , décemb. II, an 6, obs. 58.) qui compare avec beaucoup de justesse, l'aspect delà tumeur ouverte à celui des ventricules du cœur, en raison des colonnes nerveuses et vasculaires qui la traversent. Le déplacement de la moelle et son adhérence aux parois de la tumeur, ont été indiqués d'une manière plus ou moins explicite par Brew, et sur-tout par Morgagni (i) dont voici les propres expressions. Medullœ ipsum corpus non ad primas lumborum subsistens vertebras, sed ad os usque sacrum propèmodum. Morgagni, avec cette sagacité profonde qui lui fait pressentir la vérité alors même qu'il ne la découvre point tout entière , se demande si cet alongement de la moelle ne tiendrait pas à ce que des adhérences insolites unissant la moelle aux parois de la tumeur, et celle-ci s étant accrue, la moelle aura dû la suivre dans son développement.

La véritable explication de ce fait, c'est que chez le fœtus , dans les premiers mois de la conception, la moelle occupe toute la longueur du canal vertébro-sacré; or, ne suit-il pas de la présence du corps de la moelle dans la tumeur , lors même que cette tumeur occupe la région sacro-coccygienne, i° que cette tumeur s'est formée dans les premiers temps de la conception , i° qu'à cette même époque, des adhérences se sont établies.

L'adhérence de la moelle avec la tumeur, l'altération qu'a subie son extrémité inférieure, expliquent encore pourquoi plusieurs enfans affectés de spina bifida, ont présenté un affaiblissement des extrémités inférieures, et quelques-uns même une paraplégie.

L'histoire clinique de tous 1 es enfans que j'ai observés se réduit à ceci. La tumeur lombaire était fluctuante et demi-transparente : lorsqu'on la comprimait légèrement et par

(i) Epist. 17., sect. 56, pag. 6^8.

degrés, l'enfant ne poussait aucun cri; mais si on la comprimait brusquement, l'enfant manifestait de la douleur : quelle est la cause de cette douleur ? Vient-elle des téguments? Vient-elle de l'irritation qu'exerce sur la moelle le liquide refoulé? Quoi qu'il en soit, l'influence de la respiration, des cris de l'enfant sur la distension de la tumeur était facile à constater, et même en examinant la tumeur sous un certain jour j'ai reconnu qu'elle était agitée par des mouvements légers isochrones à ceux du pouls.

Tout le temps que la tumeur n'est pas ouverte, l'enfant présente en général tous les attributs de la santé : mais la tumeur une fois ouverte, au bout de quelques heures, d'un, deux, trois, cinq, six jours, l'enfant est pris de fièvre, de mouvements spasmodiques, convulsifs; survient la paraplégie, puis l'immobilité générale et la mort.

A l'ouverture, on trouve du pus, tantôt séreux, tantôt pseudo-membraneux, dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, et cette pseudo-membrane ou cette couche purulente est quelquefois assez épaisse pour distendre fortement la dure-mère. Dans le cas représenté fig. 4, une fausse membrane verdâtre environnait la moelle dans toute salongueur: elle occupaitle tissu cellulaire sous-arachnoïdien. Dans d'autres cas, lorsque la mort a été rapide, on trouve les vaisseaux spinaux fortement injectés, le tissu cellulaire sous-arachnoïdien infiltré de sérosité opaque, mais point de pus.

L'inflammation s'étend le plus ordinairement au tissu cellulaire sous-arachnoïdien de la base du cerveau et à la membrane qui revêt les ventricules.

Un fait qui m'a paru constant, c'est la présence, au niveau de la première vertèbre cervicale, d'un bourrelet formé par l'arachnoïde spinale alongée en poche, laquelle est remplie de sérosité ou de pus. Cette tumeur, dont on s'explique très bien la formation, si l'on considère la laxité de l'arachnoïde de la moelle au moment où elle se réfléchit sur le cervelet; cette tumeur, dis-je, refoule en avant le bulbe raehidien, et doit exercer sur lui une certaine compression.

Ruysh parle d'altération considérable de la moelle qu'il aurait observée dans un cas de spina bifida; mais il est probable qu'il s'en est laissé imposer par l'infiltration purulente ou pseudo-membraneuse du tissu cellulaire sous-arachnoïdien. Jai toujours trouvé lamoelle intacte dans toute sa longueur, excepté dans le cas représenté fig. 3 ' , où sa partie inférieure était ramollie dans l'espace de quelques lignes. Un caillot gros comme la tête d'une épingle occupait le centre de ce ramollissement.

Dans plusieurs cas, le pus occupait à la fois et la cavité de l'arachnoïde spinale et crânienne, et le tissu cellulaire sous-arachnoïdien.

Les conséquences funestes de la rupture spontanée ou accidentelle de la poche, les effets non moins rapidement funestes de la ponction toutes les fois qu'elle a été pratiquée, doivent la faire repousser à jamais. Le fait contradictoire désir A. Cooper, qui a obtenu une guérison par des ponctions répétées, pratiquées avec une aiguille, ne peut être considéré que comme une heureuse exception. Le séton proposé par Desault, la ligature pratiquée dans un seul cas où elle a été suivie de mort rapide, doivent également être rejetés.

Le seul moyen rationnel, c'est la compression méthodiquement exercée ; la compression qui, d'une part facilitera l'absorption du liquide, et qui, d'une autre part, en permettant aux enveloppes de la tumeur de revenir sur elles-mêmes, augmentera leur résistance et préviendra leur rupture; en outre les lames des vertèbres dont le développement avait été empêché par la présence de la tumeur, tendront à se développer, à se rapprocher et à remplir, au moins en partie, la perte de substance.

On ne saurait trop se rappeler que le spina bifida n'est pas une affection mortelle par elle-même, qu'il ne le devient qu'à la suite de la rupture de la tumeur et de la pénétration de l'air dans la cavité séreuse, pénétration presque inévitablement suivie d'à-raclmitis.

16e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DE L'UTÉRUS.

(Déplacement)

MALADIES DE L'UTÉRUS.

Déplacements ( Pl. V, XVIe livraison)*

Cette planche a pour objet un cas de chute ou prolapsus de l'ute'rus que j'ai observé à la Salpêtrièré sur une femme âgée de 75 ans.

Fig. 1. Tumeur vue de face formée par le vagin renversé VR. Cette tumeur, qui est cylindrique, présente à son extrémité inférieure la fente transversale MT du museau de tanche. Cette fente est déprimée à sa partie moyenne par une petite tumeur qui n'est autre chose qu'un follicule très développé : en arrière du museau de tanche se voit une escarre superficielle : la surface de la tumeur était sèche, d'une couleur blanc rosé, recouverte d'un épiderme uniformément épais, et nullement disposé par plaques irrégulières.

L'extrémité supérieure de la tumeur se continue sans rainure circulaire avec la face interne des grandes et des petites lèvres, etc.; le renversement du vagin est donc aussi complet que possible.

A la partie supérieure et antérieure de la tumeur, méat urinaire MU, infundibuliforme, disposition que nous verrons s'expliquer par le déplacement du bas-fond de la vessie et le tiraillement qu'a dû subir le canal de l'urètre.

Un stylet introduit dans cet orifice s'est dirigé en bas ; son extrémité a soulevé la paroi antérieure de la tumeur, en sorte qu'on aurait pu penser que la vessie tout entière était contenue dans l'épaisseur de cette tumeur.

Au-dessous du méat urinaire, tubercules disposés régulièrement, suivant des lignes parallèles. Ces tubercules appartiennent à l'entrée du vagin.

Fig. 2. La fig. 2 représente la vessie, le rectum, l'utérus et ses annexes vus par l'intérieur du bassin. Le corps du pubis et la branche ascendante de l'ischion ont été sciés de chaque coté de la symphyse.

La vessie volumineuse déborde le détroit supérieur.

Son bas-fond, et peut-être une partie de sa paroi postérieure, ont été entraînés par l'utérus et le vagin déplacés, et forment un cul-de-sac très profond qui se trouve faire partie de la tumeur.

L'orificevésicalOV n'occupe pas, comme de coutume, la partie inférieure de la paroi antérieure delà vessie, mais se trouve placé à la réunion des deux tiers supérieurs avec le tiers inférieur de cette paroi.

Les orifices des uretères OU, OU l'avoisinent. Le trigone vésical est donc effacé.

Le rectum R, distendu par des matières fécales , n'avait subi aucun déplacement.

Entre la vessie et le rectum , on voyait les deux angles supérieurs de l'utérus U, U disposés à la manière des cornes d'un utérus bifide. Cet aspect bifide tient à ce que cet organe était reployé sur lui-même suivant sa longueur d'avant en arrière ; les trompes T,T naissent de ces angles ; en avant se voient les ligaments ronds L R, LR; en arrière les ovaires O, O.

L'utérus et le bas-fond de la vessie étaient logés dans une grande cavité formée par le vagin renversé et tapissée par le péritoine. La partie de cette cavité comprise entre l'utérus et la vessie était moins profonde que celle comprise entre la vessie et le rectum. L'orifice de communication entre cette cavité de nouvelle formation et le péritoine était éminemment dilatable; plusieurs doigts pouvaient y être introduits facilement. La cavité elle-même était susceptible d'une grande dilatation. On ne conçoit pas comment les intestins n'entrent pas plus souvent dans la formation de pareilles tumeurs.

Fig. 3. La fig. 3 représente l'utérus réduit et vu par sa face postérieure : le vagin est ouvert par sa paroi postérieure.

L'utérus est remarquable, 1° par l'étendue de son diamètre vertical; 2° par le rétrécissement ou étranglement de sa partie moyenne? 3° par le développement de son corps et de la partie inférieure de son col; 4° par l'échancrure que présente son bord supérieur ou fond, échancrure qui est le résultat du plissement que ce fond avait subi.

Le tissu de l'utérus était ramolli, comme dans tous les cas où il est le siège d'une fluxion quelconque.

xvie livraison. i

Le développement considérable de la partie du col proéminente dans le vagin MTT, qui, comme on le conçoit, occupait la partie inférieure de la tumeur, est dû à son ramollissement et à une grande quantité de sang qui pénétrait son tissu devenu spongieux.

C'est sur ce col qu'existait l'escarre superficielle dont j'ai parlé.

On doit s'étonner que le col utérin qui est si souvent le siège de dégénération cancéreuse, alors qu'il occupe sa situation normale, devienne si rarement malade dans le cas de prolapsus.

Réflexions. I. Pour donner une idée exacte du prolapsus de l'utérus et du mécanisme de sa formation , on peut supposer un fil attaché aux lèvres du museau de tanche et attiré fortement en bas. Par l'effet de cette traction, le vagin se renverse peu à peu sur lui-même à la manière d'un doigt de gant. Le prolapsus suppose donc une force qui pousse, un utérus qui cède, un vagin qui se prête au renversement. Or, dans aucune autre circonstance, ces conditions ne se trouvent réunies à un plus haut degré que dans les premiers jours qui suivent l'accouchement : l'utérus volumineux pèse de tout son poids sur l'orifice supérieur du vagin ; les ligaments utérins distendus n'imposent aucune limite au déplacement. L'extrémité supérieure du vagin forme un vaste cul-de-sac dans lequel peut aisément plonger l'utérus, et enfin les parois de ce canal ramollies et moins solidement unies aux parties voisines se laissent déprimer et renverser avec la plus grande facilité. Aussi est-ce dans ces circonstances qu'a lieu, quoique bien souvent inaperçu, le principe du prolapsus utérin; et une fois qu'a commencé le renversement du vagin, il suffit des causes les plus légères pour l'augmenter et le compléter. Les limites du renversement du vagin sont établies par l'aponévrose pelvienne, qui assujettit d'une manière fixe l'extrémité inférieure de ce conduit. Sans cette aponévrose, les grandes et les petites lèvres se dédoubleraient à la suite du vagin, au renversement duquel elles ne participent jamais.

IL Une des circonstances les plus remarquables du prolapsus utérin , c'est l'alongement que subit cet organe. Je l'ai constamment observé; il est parfaitement indiqué dans une figure publiée sur le même sujet par M. J. Cloquet (i).

Cet alongement porte principalement sur le point de réunion du corps avec le col; il est accompagné d'un rétrécissement très prononcé et même quelquefois plus considérable que dans le cas que j'ai fait représenter (voy. fig. 3). Il était si grand dans un autre cas de prolapsus, qu'attirant fortement l'utérus en haut, je le divisai en croyant empiéter sur le vagin. Quel ne fut pas mon étonnement en voyant que la section avait porté au bas d'une portion très rétrécie, et que le museau de tanche était à un pouce au-dessous.

L'alongement de l'utérus ne peut s'effectuer sans un ramollissement préalable, à l'aide duquel cet organe devient en quelque sorte ductile ; ce ramollissement peut être purement et simplement le résultat du tiraillement léger exercé sur l'utérus.

Quant aux limites de l'alongement, elles sont établies par celles du tiraillement auquel l'utérus est soumis. Ainsi, supposez que, d'une part, le corps de l'utérus soit retenu au-dessus du bassin, soit par une adhérence insurmontable, soit par une tumeur fibreuse trop volumineuse pour permettre son abaissement, et que, d'une autre part, les causes de prolapsus continuent à agir, vous aurez un alongement de six à sept pouces, ainsi qu'on le voit (XIIIe livr., pl. IV).

III. Le déplacement du bas-fond de la vessie est une conséquence nécessaire de l'intimité des adhérences qui unissent la vessie et le vagin. L'étendue de ce déplacement doit être proportionnelle à l'intimité de ces adhérences. On conçoit combien la rapidité ou la lenteur avec laquelle s'effectue le prolapsus, doit influer sur cette étendue : un prolapsus lentement opéré permet au tissu cellulaire qui unit le vagin et la vessie de s'alonger graduellement , tandis qu'un prolapsus rapide surprend la vessie avec ses adhérences intimes.

(i) Pathologie chirurgicale ; Plan et Métliode qu'il convient de suivre dans l'enseignement de cette science; Thèse du Concours. Paris, i83i , in - 4°, pl. VIII, fig. 3.

Dans un cas où le bas-fond de la vessie avait été entraîné tout entier avec le vagin, j'ai trouvé dans la portion déplacée un calcul volumineux taillé à facettes avec plusieurs petits graviers. Dans le fait rapporté par M. J. Cloquet, il y avait deux calculs urinaires.

IV. La déviation si remarquable que subit le canal de l'urètre dans le prolapsus, est moins la suite du déplacement de la vessie que celle du déplacement de la paroi antérieure du vagin. Cette déviation peut avoir pour résultat la rétention d'urine. Le développement très considérable de la vessie , dans tous les cas que j'ai observés, prouve avec quelle difficulté l'émission des urines a lieu. La déviation du canal de l'urètre rend quelquefois le cathétérisme très difficile. On voit en effet, dans ce cas, le stylet ou la sonde introduits dans le méat urinaire se diriger en bas dans l'épaisseur delà tumeur, et se prolonger plus ou moins dans cette épaisseur, suivant l'étendue du déplacement. Cette disposition a été parfaitement indiquée dans la planche X de la belle publication sur les Maladies de l'Utérus, faite par madame Boivin et le professeur Dugès (i).

V. Le rectum moins adhérent au vagin que la vessie, ue se déplace presque jamais, et s'il se déplace, c'est dans une très petite étendue. Dans un cas où il y avait incontinence des matières fécales, le rectum dilaté et plein de matières avait été attiré en avant un peu au-dessus de son extrémité inférieure et constituait une sorte de prolongement infundi* buliforme. Dans le cas représenté par M. Cloquet, le rectum fort dilaté envoyait en avant un prolongement considérable digité, qui allait s'introduire dans la partie postérieure et inférieure du sac formé par le vagin renversé. Je ferai observer à ce sujet qu'il existe des incontinences de matières fécales par regorgement, de même que des incontinences d'urine. Le sphincter long-temps distendu finit par n'opposer aucun obstacle à la sortie des boules fécales qui se détachent de la masse et s'échappent avec plus ou moins de facilité.

VI. J'ai déjà dit que la poche formée par le vagin renversé devait fréquemment admettre l'intestin. Je n'ai pas eu occasion de voir cette disposition sur le cadavre, mais j'ai la certitude d'avoir observé un cas de ce genre sur le vivant. Je fus appelé, en 1816, auprès d'une pauvre femme qui avait une incontinence d'urine. Elle portait entre les cuisses une tumeur sphéroïdale , du volume de la tête d'un adulte ; je procédai à la réduction de cette tumeur, mais n'ayant pu y parvenir, je maintins la malade au lit pendant quelque temps, et ayant renouvelé mes tentatives, je vis la tumeur diminuer peu à peu par la rentrée graduelle de l'intestin : du moins un bruit de gargouillement se fit entendre pendant la réduction. Lorsqu'il ne resta plus que l'utérus contenu dans le vagin flasque et comme flétri, la réduction se fit en bloc par l'effet d'une pression légère exercée de bas en haut;mais bientôt des coliques vives se déclarèrent pour ne cesser qu'après la réapparition de la tumeur. Cette femme n'avait pas été mariée : elle m'assura qu'elle n'avait eu de communications avec aucun homme : elle était domestique depuis quarante ans dans la même maison, où elle avait les invalides. Ses maîtres m'ont assuré que je pouvais ajouter foi à ce qu'elle me disait.

VIL L'irritation continuelle exercée sur le vagin renversé, détermine, i° la transformation du tissu muqueux en tissu cutané, transformation toutefois qui n'est jamais complète ; i° des escarres plus ou moins profondes à la partie la plus déclive de la tumeur; or, cette partie la plus déclive, est formée par le col utérin. Si l'escarre occupait le vagin et venait à envahir toute l'épaisseur de ses parois avec le feuillet péritonéal qui les revêt, on conçoit qu'il pourrait y avoir pénétration de l'air dans la cavité péritonéale, sortie de l'utérus, et même sortie des intestins, si les intestins étaient contenus dans l'épaisseur de la tumeur. On conçoit encore qu'une péritonite partielle ou générale pourrait en être la conséquence ; 3° l'oblitération complète du museau de tanche s'observe encore quelquefois par

(1) Traité pratique des Maladies de l'Utérus et de ses annexes, fonde sur un grand nombre d* Observations cliniques ; accompagné d'un Atlas de 4i planches in-folio, gravées et coloriées, représentant les principales altérations morbides des organes génitaux de la Femme. Paris, i833, 2 vol. in-8° ; Atlas in-fol.

suite du déplacement de l'utérus et de l'irritation exercée sur la muqueuse qui le revêt; 4° on a lieu d'être étonné que la dégénération cancéreuse du col utérin ne soit pas plus fréquemment la suite du prolapsus. J'ai eu occasion de l'observer une seule fois.

VIII. Comme conséquences pratiques des nouveaux rapports qu'affectent les parties dans le prolapsus, nous pouvons noter: i° la possibilité d'extraire des calculs urinaires contenus dans la vessie par une incision pratiquée à la paroi antérieure de la tumeur, sur une sonde cannelée introduite par le canal de l'urètre, ainsi que l'a pratiqué Ruysch-i° la possibilité ou peut-être l'opportunité de l'extirpation de l'utérus dans le cas de dégénération cancéreuse de cet organe. J'ai été témoin de l'opération de ce genre qui a été pratiquée par MM. Récamier et Marjolin sur une femme du faubourg Saint-Martin Cette ablation fut faite, comme celle de Rousset, à l'aide de la ligature portée sur la base de la tumeur : elle eut un plein succès. La malade succomba à une circonstance complètement étrangère à l'opération. Une méthode plus convenable que la méthode aveugle de la ligature, laquelle, portée sur la base de la tumeur, comprendra presque nécessairement la vessie, consisterait dans l'incision de la paroi postérieure du vagin; on arriverait ainsi dans le grand cul-de-sac péritonéal qui existe entre l'utérus et le rectum; on attirerait l'utérus en dehors; et les adhérences celluleuses qui l'unissent à la vessie étant détruites, rien ne serait plus facile que son extirpation; 3° le traitement du prolapsus par le pessaire étant long, incommode et presque toujours seulement palliatif, on a eu l'idée d'obtenir une cure radicale par des procédés particuliers : la dilatation de la partie supérieure du vagin, son relâchement, son défaut de résistance étant les causes formelles de la production du prolapsus, on a proposé l'oblitération du vagin par l'adhésion de ses parois. Cette oblitération que j'ai rencontrée plusieurs fois sur le cadavre et même sur le vivant, ne saurait être adoptée comme méthode de traitement, non à cause de la difficulté de l'obtenir, mais en raison de ses conséquences , la malade étant d'une part condamnée à la stérilité, et d'une autre part exposée aux accidents qui résultent de la rétention des liquides contenus dans la cavité utérine.

Tels ne seraient pas les inconvénients du rétrécissement du vagin et plus particulièrement du rétrécissement de sa partie supérieure, qu'on pourrait obtenir par une cautérisation superficielle, soit avec le nitrate d'argent, soit avec un acide.

M. Marschall a eu l'idée ingénieuse d'obtenir le rétrécissement du vagin, à l'aide d'une perte de substance faite aux parois de ce canal. Une lanière d'un pouce et demi de largeur a été enlevée à la membrane muqueuse dans toute la longueur du canal et la plaie réunie par première intention. L'opération a été couronnée d'un plein succès comme opération ; nous ignorons si la guérison a été durable. On pourrait modifier ce procédé ainsi qu'il suit: trois, quatre, cinq excisions de la muqueuse et même d'une partie de l'épaisseur des parois du vagin, seraient pratiquées en long sur le vagin au voisinage du col utérin. Le froncement circulaire qui serait le résultat de cette petite opération remplirait peut-être encore mieux et avec moins d'inconvénients le but que l'on se propose. Je n'ai pas besoin de dire que cette idée serait une application au prolapsus utérin de la méthode dé M. Dupuytren pour la guérison des chutes du rectum.

16e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DES VEINES.

(Varices)

MALADIES DES VEINES

(XVIe livr., pl. VL)

Dilatation des Veines sous-cutanées abdominales ; large communication de ces Veines avec la Veine porte par Vintermédiaire de la Veine ombilicale, qui avait conservé le calibre qu'elle présente chez le fœtus, (i)

Bressoles (Joseph), âgé de 48 ans, ancien militaire, entré à l'Hôpital Saint-Antoine pour une maladie qui offrait tous les signes rationnels et sensibles d'un squirrhe au pylore, présenta sous les tégumens de l'abdomen une dilatation veineuse bien digne de fixer l'attention.

Sous la peau (pl. VI.) rampaient, en zig-zags, de grosses veines semblables à de grosses sangsues contournées sur elles-mêmes à la manière des circonvolutions du cerveau.

Cette disposition s'étendait depuis le pubis et les arcades fémorales jusqu'à Fombilic oii existait un renflement du volume d'une orange de moyenne grosseur, surmontée d'une sorte d'appendice et représentant assez bien une hernie ombilicale : de ce renflement partaient deux veines un peu moins flexueuses et moins volumineuses que les précédentes ; ces veines pouvaient être suivies jusqu'à l'appendice xyphoïde où elles se perdaient en devenant profondes.

La tumeur formée par cette réunion de veines dilatées représentait la tête de Méduse dont parle M. A. Séverin; sa teinte était violacée, sa consistance molle ; elle s'affaissait par la compression et n'avait jamais fait éprouver aucune douleur. Lorsqu'on faisait tousser le malade, on voyait la tumeur de l'ombilic (cirsomphale ou varicomphale ) éprouver une dilatation notable. Le stéthoscope appliqué sur cette tumeur faisait entendre un bruissement léger.

Voici les renseignements qui ont été recueillis sur le développement de cette tumeur: en 1813, Bressoles fut fait prisonnier par des Hongrois, qui, pour venger la mort d'un de leurs camarades qu'il venait de tuer, lui donnèrent des coups de crosse de fusil dans le ventre et le laissèrent pour mort. Transporté dans un hôpital, il ressentit long-temps des douleurs à l'abdomen et sortit assez bien portant au bout de six mois de séjour.

Ce ne fut qu'en 1814, après sa rentrée en France, qu'il s'aperçut pour la première fois en promenant sa main sur le ventre, de l'existence de veines bleuâtres très volumineuses, mais molles et indolentes : il attribua leur formation à la fatigue du long voyage qu'il venait de faire ( 300 lieues à pied)*

Rentré dans la vie privée, il se livra à une industrie commerciale et perdit tout son avoir. En 1818 , il fut obligé pour gagner sa vie de tourner une manivelle pendant toute la journée, genre d'occupation extrêmement fatigant, et sous l'influence duquel les veines dilatées s'accrurent d'une manière notable. Un médecin consulté lui ayant dit de ne rien faire, mais de changer d'état, il entra dans une maison de roulage où il fut employé à faire des courses. Depuis 1826, il paraît que les varices sont restées stationnaires ; en 1827 se manifestèrent les premiers accidents du côté de l'estomac. Le malade mourut le 14 janvier 1833 avec tous les symptômes du squirrhe au pylore.

Ouverture du cadavre. Hypertrophie des membranes muqueuse, fibreuse et musculeuse du pylore et de la portion voisine de l'estomac. Rétrécissement très considérable de l'orifice pylorique ; rien de cancéreux dans cette altération.

Les veines sous-cutanées abdominales ont été injectées de gélatine colorée, à l'aide d'un tube introduit dans l'une d'elles. L'injection n'a pas pénétré dans la portion de veines dilatées , qui s'étendait de l'ombilic au sternum.

Les veines iliaques et pelviennes, la veine cave ascendante étaient dans l'état naturel : les veines des extrémités inférieures n'étaient ni dilatées, ni variqueuses.

La veine ombilicale VO, et la veine porte VPH, VPV avaient reçu l'injection; le tronc de la veine porte était très volumineux : le canal veineux était complètement oblitéré. Le foie était très petit,

(i) Observations et pièces pathologicpies recueillies à l'hôpital Saint-Antoine, dans le service de M. Kapeler et présentées à la Société Anatomique par M. Sicaud.

XVIe LIVRAISON. 1

mais sain; la rate presque aussi volumineuse que le foie, avait éprouvé cet état d'hypertrophie avec induration qui est ordinairement la suite des fièvres intermittentes ; sa surface était parsemée de plaques cartilagineuses.

Les parois abdominales et le foie adhérent à l'ombilic, à l'aide de la veine ombilicale, ayant été détachés pour être présentés à la Société Anatomique, j'ai examiné avec beaucoup de soin cette pièce pathologique qui m'a présenté la disposition figurée planche VI, XVIe livraison.

Les veines dilatées étaient situées entre la peau et une lame fibreuse très mince qui les séparait de la gaine des muscles droits. Cette lame était évidemment le fascia superficiel de l'abdomen. La peau était soulevée et amincie au niveau de chaque circonvolution veineuse. Elle constituait une sorte de kyste glissant librement sans adhérence sur la veine,comme s'il y avait eu une membrane séreuse interposée à la veine et à la peau. Quelques circonvolutions seules adhéraient à la peau à l'aide d'un tissu cellulaire extrêmement délié. Des prolongements fibreux et indurés de la peau au fascia superficiel séparaient les circonvolutions vasculaires.

Du reste, ces veines, prodigieusement contournées , dont les longs et nombreux replis, situés les uns au-dessous des autres, forment une série non interrompue, représentent une tête de Méduse. Il y a épaississement de la veine au niveau de la concavité de chaque circonvolution, et amincissement au niveau de la convexité. Du tissu fibreux très-dense situé dans le premier sens, maintient les deux moitiés de chaque circonvolution, appliquées l'une contre l'autre, même après la dissection.

Il y a deux systèmes bien distincts de circonvolutions veineuses, l'un droit, l'autre gauche. Le droit est constitué par une seule veine ; le gauche est constitué par deux veines qui vont aboutir en bas à un seul tronc.

Je n'ai point vu de communication entre les circonvolutions veineuses du côté droit et celles du côté gauche.

Les unes et les autres communiquaient avec les veines épigastriques à travers le muscle droit. J'ai trouvé une très large communication dans un point, et cependant la veine épigastrique présentait son calibre naturel ; une autre particularité, c'est que l'injection n'avait pas pénétré dans les veines épi-gastriques. 11 est vrai que l'injection a été faite avec une mauvaise seringue.

Alarégion ombilicale existaient deux grosses tumeurs d'apparence variqueuse, juxta-posées, extrêmement saillantes, VV,VV, et qui soulevaient la peau très mince qui revêt cette région. Ces tumeurs étaient situées immédiatement au-dessous de la cicatrice ombilicale O. Chacune de ces tumeurs était constituée par une veine prodigieusement dilatée, repliée sur elle-même.

Derrière ces circonvolutions proéminentes de l'ombilic en existaient d'autres un peu moins considérables qui représentaient de vastes poches sphéroïdales et oblongues. Une sorte d'étranglement les séparait des premières.

Considérations sur les dilatations des Veines en général, et sur celles des Veines sous-cutanées abdominales en particulier.

L'observation qui précède est un exemple extrêmement remarquable de dilatation, ou mieux d'hypertrophie veineuse bien distincte de la varice proprement dite ou de la dilatation latérale.

L'hypertrophie des veines s'observe dans tous les cas où un grand mouvement nutritif normal ou morbide a lieu dans un organe; telles sont les veines utérines dans la grossesse , dans le cas de tumeurs considérables, fibreuses, encéphaloïdes et autres développées au sein de cet organe.

Une autre cause d'hypertrophie, c'est un obstacle au cours du sang dans les veines auxquelles est principalement confiée la circulation de la région de l'organe correspondant.

Quelle qu'en soit la cause, l'hypertrophie veineuse est caractérisée non-seulement par une dilatation des veines, mais encore par une augmentation de ces vaisseaux dans le sens de leur longueur ; si bien que des veines rectilignes deviennent flexueuses d'abord, puis si singulièrement contournées sur elles-mêmes, qu'elles acquièrent une longueur quadruple, décuple même de l'état naturel, et deviennent méconnaissables. Ce phéno

mène d'élongation n'est pas d'ailleurs exclusivement propre aux veines; on l'observe encore dans les petites artères hypertrophiées.

Lorsque la dilatation a lieu uniformément dans tous les points de la circonférence du vaisseau , le sang circule librement, il n'y a pas de varice; mais si un point de la circonférence des vaisseaux s'altère dans sa structure, s'il cède, alors le sang y est retenu; une petite poche sphéroïdale se forme, à parois minces, plus ou moins altérées. Le sang s'y coagule, devient adhérent aux parois, se décolore, et au centre de la fiqrine décolorée, se développent des concrétions ossiformes. Quelquefois les parois de la poche variqueuse s'enflamment, s'ouvrent et donnent lieu à des hémorrhagies toujours faciles à arrêter, mais qui pourraient devenir funestes.

Il y a donc cette grande différence entre la dilatation et la varice, que dans l'une, il y a intégrité, et que dans l'autre il y a altération des parois veineuses; que dans l'une le vaisseau remplit toutes ses fonctions relatives à la circulation, que dans l'autre il y a stase du sang, maladie.

Il suit de ces considérations, que dans le cas représenté pl. VI, 16e livr. , il y avait dilatation et non varice des veines. Les tumeurs ombilicales elles-mêmes, si volumineuses , de forme sphéroïdale, étaient formées par une veine dilatée, repliée sur elle-même et nullement par une veine variqueuse.

Cefait d'ailleurs présenteà considérer deux phénomènes bien distincts: i°la dilatation des veines sous-cutanées abdominales, i° la communication de ces veines avec la veine ombilicale.

i°Ces veines sont bien les veines sous-cutanées abdominales, veines extrêmement petites dans l'état ordinaire, qui commencent dans le tissu cellulaire sous-cutané par deux ordres de racines , lesquelles se réunissent en deux rameaux distincts, l'un interne plus petit , qui longe de chaque côté la ligne médiane, l'autre externe, plus considérable, que l'on peut suivre jusque sur les côtés du thorax et même quelquefois jusqu'à la veine axiilaire. Ces deux rameaux se réunissent au niveau de l'arcade crurale pour aller se jeter dans la saphène interne au moment où celle-ci s'abouche avec la veine fémorale. Du reste , ces veines occupent le tissu cellulaire sous-cutané et sont séparées du muscle droit par les couches les plus profondes d'une lame aponévrotique, qu'on appelle fascia superficialis.

Le développement de ces veines a lieu dans tous les cas d'obstacle à la circulation dans les veines profondes, et a pour but le rétablissement du cours du sang ; aussi n'est-il pas rare de voir ces veines acquérir, dans l'état de grossesse, un développement considérable.

M. Reynaud (1) rapporte l'exemple d'une femme affectée d'une maladie de l'articulation de la hanche, dont la veine tégument euse abdominale lui présenta la disposition suivante: une grosse veine très volumineuse, partant de l'une des veines crurales parcourait, en formant divers contours, la paroi abdominale jusqu'à l'ombilic , puis se recourbait pour aller se rendre dans la veine crurale de l'autre côté. Unique à son origine, elle se divisait en trois branches qui bientôt se réunissaient elles-mêmes pour se confondre en une seule vers sa terminaison. Pour cause de ce développement, on trouva à Pautopsie la veine iliaque externe entièrement oblitérée.

J'ai cité ailleurs (1) l'observation d'une vieille femme, morte dans mon service à la Sal-pêtrière, qui portait dans l'abdomen une tumeur très volumineuse, bosselée, dont le siège me parut être l'ovaire ou l'utérus. La peau des parois abdominales était soulevée par de grosses veines, dont le tronc commun se jetait dans la veine crurale, à quelques lignes au-dessous de l'arcade. Ce tronc se divisait presque immédiatement en deux branches, i° lune externe qui se dirigeait d'abord obliquement en haut et en dehors pour gagner la partie latérale de l'abdomen, puis verticalement sur la partie latérale du thorax pour aller se jeter dans la veine axiilaire; cette branche n'était pas flexueuse, i° l'autre interne

(1) Journal hebdomadaire de Médecine, 1829, tom. 2% pag. 85.

(2) Dictionnaire de Médecine et de Chirurgie pratiques, tom. 10e, art. Hypertrophie.

qui se portail fïexueuse en dedans et se subdivisait en deux rameaux, l'un interne, qui s'anastomosait avec les rameaux semblables du coté opposé au-dessous de l'ombilic, l'autre externe qui remontait jusque sur les cotés de l'appendice xyphoïde où elle cessait brusquement, sans doute parce qu'elle se continuait avec une veine profonde. Ces branches étaient grosses au moins comme une plume à écrire et toutes parfaitement semblables. Les extrémités inférieures de cette malade étaient infiltrées. Il ne me fut pas difficile de diagnostiquer une oblitération de quelque grosse veine, soit de la veine iliaque primitive, soit de la veine cave ascendante ; et en effet cette malade ayant succombé, nous avons trouvé les veines iliaques primitives oblitérées par suite de la compression exercée sur elles par la tumeur. Cette tumeur était formée aux dépens de l'ovaire et constituée par une matière gélatineuse infiltrée dans une trame aréolaire à mailles fibreuses très serrées.

Dans le cas représenté pl. V, il y avait non-seulement dilatation, mais encore élonga-tion considérable des veines, dont les longs replis recouvraient tout l'abdomen. N'est-ce pas une disposition semblable qu'a décrite M. A. Séverin, lorsqu'il parle (de Absc. recoud., cap. IX , § i 3) d'une tumeur variqueuse située à l'hypogastre et accompagnée de varices considérables à la cuisse. La tumeur abdominale était formée, dit-il, par des veines variqueuses entrelacées de manière, dit-il, que le bas-ventre ressemblait à une tête de Méduse. M. Boyer (Mal. chirurg., tom, i, pag. 280 ) qui rapporte ce fait, dit qu'il a observé un cas de ce genre. La tumeur occupait l'hypogastre, était formée par les veines sous-cutanées de cette région et s'étendait jusqu'aux aines et à l'ombilic; elle était fort volumineuse inégale, noirâtre, mais ne causait aucune incommodité.

i° Le fait de la continuité des veines sous-cutanées abdominales dilatées avec la veine ombilicale perméable comme chez le fœtus, mérite de fixer toute notre attention.

L'étude des anomalies du svstème artériel conduisant à ce résultat général, que les troncs vasculaires remplacent souvent de petites branches et même des rameaux déliés , je me suis demandé s'il n'existerait pas dans l'état normal entre les veines sous-cutanées et la veine ombilicale quelque voie de communication trop petite pour avoir fixé l'attention. Or^ l'étude de ces veines, soit dans l'état normal, soit dans le cas de dilatation rapporté plus haut, m'a convaincu que cette communication était tout-à-fait anormale.

Mais cette communication anormale est-elle congéniale , est-elle accidentelle ? D'après les commémoratifs, le développement de ces veines serait consécutif à des coups violents reçus sur l'abdomen , à un long voyage à pied, à un genre de vie extrêmement pénible ; mais on sait combien peu de valeur il faut donner aux commémoratifs. Il est probable que la communication est congéniale. Il ne serait cependant pas impossible qu'une veine oblitérée devînt de nouveau perméable. On peut acquérir la conviction que l'adhérence des parois de la veine ombilicale réunies à l'aide d'une inflammation adhésive, n'est pas intime, sur-tout chez quelques individus, et il serait possible que l'effort du sang qui vient frapper incessamment contre les limites de l'adhésion finît par en triompher.

Une manière de voir plus probable encore est celle-ci. Savoir que la veine cave reste perméable, lorsqu'indépendamment de sa communication avec la veine porte, elle reçoit, comme dans le cas précédent, une veine des parois abdominales.

Quoi qu'il en soit de ces explications, bien que les chirurgiens n'oublient jamais, depuis l'observation célèbre de Fabrice de Hilden, de donner le précepte d'éviter la veine ombilicale dans le débridement de la hernie ombilicale, les cas de perméabilité de cette veine après la naissance, sont rares. Haller a consigné dans un paragraphe intitulé de la Veine ombilicale chez Vadulte (Elem.physiol. , tom. VI, pag. 483), tous les faits connus avant lui sur ce sujet. Les plus remarquables sont ceux de Duverney ( OEuvr. posthum., tom. II, pag. i38), qui l'a vue réduite à la moitié de ses dimensions, mais perméable et pleine de sang , chez un enfant de 7 ans et chez un homme de 10 ; celui de Coïter qui l'a vue perméable à 35 ans, et sur-tout ceux de Hildens (Ant. III, obs. 3j , et Ant. \,obs. 53), qui a vu une fois une hémorrhagie spontanée, une autre fois une hémor

rhagie par lésion de l'ombilic, qui devint funeste. Le cas d'hémorrhagie par biessure de la veine ombilicale rapporté par Cabrol, et enfin le cas de Coschwitz qui a vu cette veine pleine de sang chez une femme de 96 ans.

Un fait de persistance de la veine ombilicale, chez l'adulte, a été publié en 1826 par M. Ménière (Archiv. de Me'd.) : il a pour sujet un individu âgé de 25 ans, qui succomba à une méningite. A l'ouverture, il trouva une veine du volume de l'index, qui se détachait à angle droit, de la partie inférieure et interne delà veine iliaque externe, derrière l'arcade crurale. Cette veine suivait la direction du bord supérieur du pubis jusqu'à la symphyse ; de là se portait verticalement en haut, derrière la ligne blanche; arrivée à l'ombilic , elle gagnait le bord postérieur du ligament falciforme du foie dans l'épaisseur duquel elle était contenue, pour s'ouvrir dans le sinus de la veine-porte hépatique largement distendue. Cette veine présentait des valvules disposées de manière à favoriser le cours du sang vers le foie. La portion supérieure à l'ombilic était plus épaisse, jaunâtre et opaque, et paraissait être la veine ombilicale elle-même.

Un second fait observé à peu près dans le même temps par M. Manec (1) présente des particularités remarquables. Une veine naissant par une double origine de la partie inférieure et interne de la veine iliaque externe, se dirigeait vers l'ombilic en décrivant quelques flexuosités; là elle sortait de l'abdomen par un éraillement de la ligne blanche formait sous la peau une anse de trois à quatre pouces de longueur^ pour rentrer dans la cavité abdominale par la même ouverture : là elle se plaçait au côté gauche du cordon fibreux, qui est le vestige de la veine ombilicale, s'identifiait avec le cordon dans le sillon horizontal du foie, pour s'ouvrir dans le sinus de la veine-porte.

Cette communication du système de la veine-porte avec le système veineux général représente, ainsi que La fait observer judicieusement M. Ménière, une disposition veineuse décrite par Jacobson dans les ophidiens, les sauriens et les batraciens (2). Chez ces animaux, en effet, les veines des extrémités postérieures, les veines caudales et rénales se réunissent en un seul tronc qui va se jeter dans la veine-porte hépatique.

Les deux cas que je viens de citer ne ressemblent à celui qui fait le sujet de la planche VI, que sous le point de vue de la communication entre le système veineux particulier et le système veineux général à l'aide d'une veine accidentelle. L'observation de M. Manec indique de la manière la plus explicite, que la veine était située au côté gauche du cordon fibreux qui est le vestige de la veine ombilicale. Il est douteux que, dans le cas de M. Ménière, la veine contenue dans l'épaisseur du repli falciforme du foie, soit la veine ombilicale elle-même; tandis que dans celui figuré pl. VI, la persistance de la veine ombilicale est un fait au-dessus de toute contestation.

Mais, s'il est excessivement rare de rencontrer chez l'homme cette communication entre les gros troncs veineux appartenant aux deux systèmes, il ne l'est nullement de la rencontrer entre les petites branches : les veines pelviennes hémorrhoïdales, honteuses internes, obturatrices, fessières, s'anastomosent largement dans un grand nombre de points, ainsi qu'il m'a été donné de le constater sur plusieurs injections poussées, soit dans le système de la veine-porte, soit dans le système veineux du bassin.

Une dernière considération, c'est la petitesse du foie, dans le cas représenté pl. VL L'existence de la veine ombilicale dans le fœtus n'est donc pas la source du grand volume que le foie présente à cet âge de la vie. Il est vrai que la perméabilité de la veine ombilicale chez l'adulte ne peut pas être comparée à celle du fœtus. Car, chez le fœtus cette

(j) Recherches anatomico-pathologiques sur la hernie crurale. Paris ; 1826 , in-4* fig. (2) Bulletin Sociétéphilomalique, jarr\f. 1813.

XVIe LIVRAISON. 2

veine charrie un sang vivifiant puisé dans le placenta, tandis que chez l'adulte, la veine ombilicale perméable charrie un sang venu de l'individu lui-même. 11 pourrait se faire que cette perméabilité fût une cause d'atrophie du foie, en ce sens que ce vaisseau serait bien plus apte à porter le sang du foie vers d'autres organes que de le transporter des autres organes vers le foie. De nouvelles observations pourront seules confirmer ou infirmer cette explication.

17e. Livraison. Pl. Ire.

MALADIES DU CERVEAU.

Atrophie des Circonvolutions

MALADIES DU CERVEAU CHEZ LE FOETUS

(XVIIe livr., pl. I.)

Atrophie des circonvolutions.

Les lésions des circonvolutions cérébrales et cérébelleuses constituent un point très intéressant de l'histoire pathologique du cerveau. Ces lésions beaucoup plus fréquentes qu'on ne le croit ordinairement, échappent, dans un grand nombre de cas, à celui qui se contente d'étudier le cerveau enveloppé de ses membranes, et de le soumettre à quelques coupes qui, dans leur uniformité, ne peuvent faire connaître qu'un certain nombre de ces lésions.

Le soin avec lequel je fais enlever les méninges, puis laver la surface du cerveau, m'a permis d'apprécier toutes les circonstances de forme, de consistance et de couleur des circonvolutions, et de noter les différences que présentent les cerveaux sous ce rapport. Je n'anticiperai point ici sur ce que je dois dire plus tard sur le ramollissement rouge de la substance grise des circonvolutions, sur la destruction de cette substance grise, sur l'apoplexie des circonvolutions, sur les cicatrices si remarquables et si variées, qui sont la suite de ces lésions; je ne m'occuperai, pour le moment, que de l'atrophie des circonvolutions.

U atrophie des circonvolutions peut être générale ou partielle, congéniale ou postérieure à la naissance.

Lorsque l'atrophie a lieu avant le développement complet de l'ossification , et qu'en même temps le déficit du cerveau n'est pas remplacé par du liquide , les os éprouvent un retrait proportionné à l'atrophie. Si au contraire l'ossification des os du crâne est terminée, ou si l'ossification, n'étant point terminée, la sérosité remplace la portion de cerveau qui manque, alors le crâne peut présenter son volume naturel ou même dépasser de beaucoup le volume, comme dans certaines hydrocéphalies congeniales, en l'absence de la presque totalité du cerveau. Dans un certain nombre de cas, le retrait des os du crâne se fait aux dépens de la table interne seulement, et alors les parois des os du crâne peuvent acquérir une très grande épaisseur.

L'atrophie des circonvolutions se présente sous plusieurs formes: i° souvent elle consiste dans une diminution pure et simple du volume ; Io dans d'autres cas, c'est une sorte de ratatinement de ces circonvolutions, qui offrent une surface inégale et comme granuleuse. Ce ratatinement s'accompagne quelquefois de diverses nuances de coloration qui dénotent manifestement un épanchement de sang antérieur. Dans l'un et l'autre cas, la sérosité remplit les vides qui existent entre les os du crâne et la surface du cerveau. Cette sérosité occupe le tissu cellulaire sous-arachnoïdien, et lorsque l'atrophie est très circonscrite, le liquide remplissant l'intervalle qui sépare deux circonvolutions flétries et déprimées, soulève l'arachnoïde dans un espace circonscrit à la manière d'un kyste séreux.

Ces deux ordres d'atrophies s'observent souvent chez les vieillards dont les facultés intellectuelles sont affaiblies ; chez les vieilles femmes, connues à la Salpêtrière sous le nom de gâteuses, parce qu'elles rendent sous elles leurs urines et leurs matières fécales, réduites à une vie végétative, immobiles dans leur lit, et qui meurent pour la plupart, par suite des escharres gangreneuses, que les soins les plus empressés ne peuvent ni arrêter ni guérir.

11 est bon d'observer que le ratatinement granuleux des circonvolutions coïncide très

XVIIe LIVRAISON. 1

souvent avec l'atrophie apoplectique de ces mêmes circonvolutions, et occupe le voisinage des cicatrices celluleuses. Dans ce cas, la surface des circonvolutions présente le plus souvent une coloration jaunâtre ou couleur de bistre, qui atteste la présence antérieure d'un foyer sanguin au voisinage.

Ce ratatinement coïncide encore avec la présence de points jaunâtres, de couleur de bistre, petits comme des grains de sable, et de petites cicatrices linéaires qui coupent les circonvolutions, soit en long, soit en travers. Ces points sont si petits, ces lignes si étroites, qu'elles échappent même à une observation attentive, et que sans le lavage auquel j'ai coutume de soumettre la surface du cerveau, il m'aurait été impossible de les apercevoir.

3° Il est un troisième ordre d'atrophies des circonvolutions, qui consiste dans leur transformation celluleuse avec coloration brunâtre ou jaune-serin; mais cette atrophie étant la suite d'une attaque d'apoplexie , sa description sera mieux placée à la suite des altérations qui suivent les foyers d'apoplexie.

4° Il est une atrophie des circonvolutions avec induration du tissu cérébral qui quelquefois devient aussi dense qu'un cartilage: cette induration est la suite d'une inflammation chronique.

5° Une cinquième espèce d'atrophie est celle qui résulte de la perte de substance subie par les circonvolutions à la suite du ramollissement rouge, ou apoplexie capillaire. L'une ou l'autre face des circonvolutions, souvent toutes les deux, sont dépourvues de substance grise dans une étendue plus ou moins considérable. Les limites de la perte de substance sont marquées par une ligne irrégulière coupée à pic, comme les ulcérations intestinales. La surface de la circonvolution ainsi dénudée, est tapissée par une membrane celluleuse, jaunâtre, jaune-serin, plus ou moins vasculaire.

6° Une sixième espèce d'atrophie consiste dans la transformation d'une portion d'hémisphère, de la totalité ou de la presque totalité d'un hémisphère, des deux hémisphères en une membrane extrêmement ténue. Souvent alors il ne reste du cerveau qu'un noyau représenté par la couche optique et le corps strié plus ou moins altéré. Cette lésion est le plus souvent congéniale. Je possède quelques observations qui semblent dénoter qu'une atrophie semblable, étendue à la presque totalité d'un hémisphère, a été postérieure à la naissance.

7° Dans une septième espèce d'atrophie, chaque circonvolution est convertie en un kyste séreux, à parois transparentes, qui donne au premier abord l'idée d'un kyste hydatique. C'est cette sixième espèce qui fait le sujet de la figure représentée pl. 1, 17e liv. (1)

Idiotie, Demi-flexion permanente avec rigidité des membres thoraciques et abdominaux.

Immobilité. Mort par suite de pneumonie.

Vibert François, âgé de 15 mois, est mis en dépôt à l'Hospice des Enfants-trouvés le 22 novembre 1832 ; il est bien constitué et a acquis le développement propre à son âge; seulement on n'aperçoit aucune dent à l'une et à l'autre mâchoires. On n'a pu se procurer aucuns détails sur son état antérieur.

Voici les symptômes qu'il a présentés.

Flexion des avant-bras à angle droit sur les bras ; les pouces des deux mains sont étendus de toute leur longueur dans la paume de la main et maintenus par les autres doigts fortement fléchis. Pour les étendre, il faut employer une certaine force, et aussitôt qu'on les abandonne , ils reprennent la même position. Les téguments de la face palmaire des mains sont rouges au niveau des sillons et sécrètent un liquide d'une odeur désagréable. Les cuisses sont à demi-fléchies sur l'abdomen, les jambes sur les cuisses, et les orteils sont manifestement inclinés vers la région plantaire. Veut-on étendre les membres, on éprouve une grande résistance et l'on arrache des cris au malade.

Dureté et tension de l'abdomen, manifestement dues à la contraction de tous les muscles.

Renversement du tronc et delà tète en arrière. Rien de particulier dans l'état des muscles de la face

(1) Observation et pièce pathologique recueillies par M. Oliviéri, élève interne des hôpitaux.

et des yeux. Le pincement des membres détermine des mouvements. Les pupilles ont la largeur ordinaire, mais on n'a pas pu constater la mobilité des iris. La tète paraît bien conformée, avec cette différence que le coronal est déprimé, d'avant en arrière, dans toute son étendue. Cette particularité est d'autant plus remarquable, que la dépression cesse brusquement à l'articulation des pariétaux. L'enfant est dans un état complet d'idiotisme : rien de ce qui se passe autour de lui ne paraît l'occuper. Cet état contraste singulièrement avec celui des autres enfants de son âge , qui s'agitent et qui sourient à la vue des personnes qui leur donnent des soins.

Quand on remue le malade, et le plus souvent sans cause appréciable, il pousse des cris perçants; la face devient rouge, les mouvements d'inspiration sont accompagnés de sifflements, les mouvements d'expiration sont prolongés et saccadés: on dirait qu'il fait de violents efforts de défécation. Du reste,pendant tout ce temps, les membres conservent la même position. Ces accès durent plusieurs minutes et cessent brusquement. Alors la face devient pâle, et le petit malade tombe dans l'assoupissement. Ces accès reparaissent spontanément plusieurs fois dans la journée et se terminent de la même manière. Pendant les cinq derniers jours qui ont précédé la mort, les accès ont été moins fréquents et l'assoupissement plus permanent; la toux est survenue. L'auscultation n'a pu être pratiquée que le dernier jour, parce que ce jour-là seulement on a pu retourner l'enfant sans le faire crier. Râle crépitant en arrière, et râle muqueux en avant du côté droit.

Tous les symptômes énumérés ci-dessus ont été constatés de nouveau et en détail, le jour de la mort à huit heures.

L'enfant a succombé le quatre décembre à trois heures du soir, sans convulsion et sans autres phénomènes particuliers.

La contracture des membres a été permanente jusqu'au dernier moment.

Autopsie cadavérique, dix-sept heures après la mort. Etat des membres et du tronc, comme pendant la vie ; raideur extrême des articulations : en saisissant le cadavre par les deux pieds on le soulève comme un morceau de bois ; décoloration générale du corps.

Poumons. Dans le poumon droit ; pneumonie lobulaire disséminée, caractérisée, soit par des noyaux d'engouement, soit par des points d'hépatisation rouge. Cœur vide. Ventricule droit flasque, aminci et dilaté.

Estomac. La membrane muqueuse présente çà et là différents points rouges où elle est amincie et ramollie. Intestins sains contenant peu de matières. Vessie contractée, renfermant peu d'urine.

Crâne. Le volume du crâne est normal. La fontanelle antérieure est plus considérable qu'elle n'aurait dû l'être chez un enfant de cet âge. De nombreux filaments celluleux unissent le feuillet arachnoïdien qui revêt la dure-mère, au feuillet arachnoïdien qui revêt le cerveau, sur-tout au niveau des fosses antérieures et moyennes de la base du crâne, et de la convexité des lobes antérieurs.

EXPLICATION DES FIGURES.

Les lobes antérieurs sont transformés en des kystes, à parois excessivement minces, transparentes, contenant une sérosité limpide : on dirait autant de kystes séreux et hydatiques ( CA , C A). Tous ces kystes communiquaient entre eux si bien, que l'ouverture de l'un deux fut suivie de l'évacuation de la totalité du liquide.

La fig. 1 représente le cerveau vu du côté gauche.

La fig. 2 représente la face externe de l'hémisphère droit HD, après l'évacuation du liquide.

Les parois des kystes affaissées, plissées sur elles-mêmes représentent assez bien l'aspect d'une dentelle. On voit que l'atrophie s'étend beaucoup plus en arrière de ce côté que du côté gauche (voyez fig. 1). Les circonvolutions adjacentes sont atrophiées, déformées et indurées. On voit çà et là une coloration brun-jaunâtre, semblable à celles qu'on observe autour des foyers apoplectiques anciens.

La fig. 3 représente l'hémisphère gauche H G vu par sa face interne. On voit le ventricule latéral VL, la face interne de la couche optique CO, le corps strié CS , la coupe du corps calleux qui est très mince antérieurement, les circonvolutions antérieures réduites aune lamelle très mince M C, d'inégale épaisseur, transparente dans quelques points. Cette membrane, soulevée à l'aide d'une pince, présente des lignes radiées qui sont peut-être quelques fibres cérébrales qui ont échappé à l'atrophie. Les circonvolutions adjacentes sont atrophiées, déformées et indurées comme celles de l'hémisphère droit. La substance grise godronnée, qui est située au-dessous de la corne d'Ammon B G, était indurée et jaunâtre.

Réflexions. Ce cas d'atrophie des circonvolutions, dans lequel chaque circonvolution constitue une petite poche à parois celluleuses communiquant avec les circonvolutions voisines, doit être rapproché des cas d'hydrocéphalie, dans lesquels chaque hémisphère est converti en une poche uniloculaire à parois excessivement ténues, transparentes, et doit tenir aux mêmes causes : cette cause, est-ce une inflammation? est-ce une fluxion séreuse ? L'induration qui occupe le voisinage des circonvolutions atrophiées, la couleur jaune-brun de quelques parties du cerveau , sembleraient dénoter un mouvement fluxionnaire plus intense que celui qui a pour résultat une simple sécrétion de sérosité, et l'analogie me porte à admettre que cette altération est un des nombreux effets de cet état si complexe, qu'on est convenu d'appeler inflammation.

Ce que j'ai dit ailleurs [voy. XVe livr.) sur les maladies du foetus, prouve, de la manière la plus péremptoire, que le cerveau, comme d'ailleurs tous les organes, peut éprouver pendant la vie fœtale, les mêmes lésions que pendant la vie extra-utérine, et que généralement chez le fœtus ces lésions peuvent être portées, sans occasioner la mort, à un degré d'intensité beaucoup plus considérable.

Les fibres nerveuses observées dans l'épaisseur de la dentelle que présentent les circonvolutions atrophiées, prouvent que les lamelles cérébrales peuvent se résoudre en fibres, ainsi que le prouve la planche 45 Ve liv., où ces fibres pouvaient être suivies de la manière la plus évidente , depuis le noyau central médullaire jusqu'à la surface du cerveau.

L'état d'idiotie complète auquel était réduit cet enfant , prouve l'importance des circonvolutions antérieures, relativement à l'exercice des facultés intellectuelles. Mais cette importance est-elle particulière à ces circonvolutions ? une lésion aussi considérable qui siégerait dans les circonvolutions postérieures, aurait-elle ou n'aurait-elle pas les mêmes effets sur l'intelligence ? Cette question trouvera tôt ou tard sa solution dans de nouveaux faits. Il est malheureux que cet enfant ait succombé par suite de pneumonie lobulaire. S'il était parvenu à l'âge adulte, on conçoit combien l'influence des lobes antérieurs sur le développement physique et intellectuel, aurait été plus facile à constater. L'enfant poussait des cris inarticulés : le défaut d'articulation des sons coïncidant avec l'absence de toute espèce de manifestation intellectuelle, il est évident qu'on ne peut rien en conclure en faveur de l'opinion qui établit un rapport de causalité entre l'articulation des sons et les lobes antérieurs.

L'état de flexion forcée des membres thoraciques et abdominaux ne me parait nullement prouver l'influence des lobes antérieurs sur les muscles extenseurs, lesquels ne contrebalanceraient plus l'action des fléchisseurs; car nous savons que l'attitude demi-fléchie est celle des idiots , des individus en démence, de tous les individus en un mot qui restent long-temps dans l'immobilité. La difficulté qu'on éprouvait pour étendre les membres, les cris qui accompagnaient les efforts d'extension, s'expliquent par la résistance qu'opposaient et les ligaments articulaires et les muscles fléchisseurs rétractés.

17e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DE LA VESSIE ET DE LA PROSTATE

MALADIES DE LA VESSIE ET DE LA PROSTATE

(XVIIe livr., pl. II.)

Considérations générales sur l'hypertrophie partielle ou générale de la prostate.

L'hypertrophie de la prostate est une des lésions les plus graves des voies urinaires (i)î Cette hypertrophie peut être partielle ou générale; partielle, elle peut affecter, i° cette portion moyenne de la prostate, connue improprement, depuis Everard Home, sous le nom de lobe moyen; i° le lobe gauche, 3° le lobe droit, 4° ia portion moyenne et l'un des lobes, l'autre lobe étant intact, 5° enfin les deux lobes latéraux, la portion moyenne conservant son volume naturel. Le développement général peut être uniforme ou inégal, avec ou sans tumeur proéminente dans l'intérieur de la vessie.

Un bon nombre d'observations rapportées par Bonet (y), un plus grand nombre recueillies par Morgagni (3), avaient établi que les rétentions d'urine reconnaissent quelquefois pour cause l'engorgement de la prostate ; qu'on rencontre assez souvent chez les vieillards une sorte de végétation qui nait de la paroi inférieure de la portion prostatique du canal uréthral, au niveau de l'orifice de la vessie; que cette végétation proemine dans l'intérieur de cet organe à la manière d'une soupape et oblitère plus ou moins complètement son orifice.

Morgagni réfute péremptoirement l'assertion d'un auteur contemporain sur l'existence de la luette vésicale , qu'il prouve n'être autre chose que cette végétation commençante et par conséquent un état anormal; et je m'étonne qu'après une argumentation aussi victorieuse , il soit encore question dans nos livres élémentaires d'anatomie de cette luette vésicale que Lieutaud a introduite dans la science.

Enfin, Morgagni, Valsalva, Pohl, Fantoni, Santorini, etc., avaient parfaitement établi que cette végétation était formée aux dépens du tissu propre de la prostate, dont elle n'est qu'un prolongement. Voici comment s'exprime Vallisniéri à ce sujet (Ep. XLI, 19). « La prostate tuméfiée se trouvait en outre augmentée d'une sorte de lobe provenant » de sa propre substance glanduleuse, ayant la forme et le volume d'une noix, et se portant » dans l'intérieur de la vessie, non point par la partie antérieure, mais par celle qui » répond au rectum. »

Ces observations si exactes, si précises de Morgagni et autres, ont été répétées parHunter, Desault, puis reprises par Everard Home, qui, dans un mémoire lu à la Société royale de Londres en 1806, leur a donné un nouvel intérêt, et se les est en quelque sorte appropriées en admettant que les végétations de la prostate étaient le résultat du développement d'un lobe particulier de cette glandequ'il a désigné sous le nom de lobe moyen.

Or, voici ce que la dissection la plus attentive démontre par rapport à ce lobe moyen. Si onexaminela circonférence postérieure ou vésicale de la prostate, on voit que les canaux éjaculateurs , les conduits excréteurs des vésicules séminales et la fin du canal déférent, sont reçus dans une espèce de canal infundibuliforme creusé dans l'épaisseur de la glande dont ils sont complètement isolés, que les canaux éjaculateurs se portent en convergeant d'arrière en avant et un peu de bas en haut, pour aller s'ouvrir isolément sur les côtés de l'extrémité antérieure du véru-montanum. Or, Home appelle lobe moyen, toute la

(1) Dict. de médecine et de chirurgie pratiques, tome 10, article Hypertrohpie.

(0.) Sepulclì return an atomicwii , sect. i4 '5, 25.

(3) Epist. anatomica*., XLI, 17 ; ALTI, 1 1 ; LXVI, 5, 11 5 LXX.

xviie livraison. 1

portion de prostaste qui est située au-dessus des conduits éjaculateurs , portion dont l'épaisseur , variable suivant les sujets, va en diminuant d'arrière en avant. Mais, comme il est positif qu'aucune ligne de démarcation ne sépare cette portion moyenne des parties latérales, la dénomination de lobe moyen, admise par Home, me paraît propre k donner une fausse idée de la disposition anatomique, et devoir être remplacée par celle de portion moyenne.

Le développement de la partie moyenne de la prostate peut coïncider avec l'engorgement de la prostate tout entière ; il peut avoir lieu indépendamment de cet engorgement. Le plus souvent pédiculées, ces tumeurs peuvent se continuer avec le tissu prostatique par une large base.

Ce développement de la partie moyenne de la prostate est quelquefois considérable: Hunter a vu un cas dans lequel il avait acquis le volume d'un œuf de poule. Cette tumeur proéminant dans l'intérieur de la vessie , faisait l'office d'une valvule ou soupape qui intercepta d'abord incomplètement, puis complètement , le cours des urines.

La difficulté que cette disposition apporte à l'émission des urines favorise singulièrement la formation de la pierre dans la vessie. Dans la XXVe observation de Home, le malade fut sondé pour la maladie de la protaste, en 1802. On ne reconnut la présence d'une pierre qu'en 1806; il fut taillé et guéri: une nouvelle pierre se forma en 1809; deuxième opération à laquelle le malade succomba presque immédiatement. A l'ouverture, on trouva que le lobe moyen et le lobe gauche proéminaient dans la vessie. Il est probable, ajoute Home, que si ce malade avait résisté à la seconde opération, une troisième pierre n'aurait pas tardé à se former.

On conçoit d'ailleurs la difficulté qu'une végétation considérable de la partie moyenne de la prostate peut apporter au diagnostic de la pierre vésicale en soulevant le bec de la sonde qui sera incessamment dirigée au-dessus du bas-fond de la vessie. M. Bérard aîné rapporte, dans sa dissertation inaugurale, un cas de ce genre. Sur le cadavre d'un homme qui avait éprouvé plusieurs rétentions d'urine, et qui avait souvent été sondé sans qu'on eut jamais soupçonné l'existence de la pierre, il trouva sur la partie inférieure du contour de l'urètre une excroissance presque aussi volumineuse qu'un œuf de poule.

Par le fait du développement de la partie moyenne de la prostate, le cathétérisme devient d'une difficulté quelquefois extrême : à raison de l'espèce de cul-de-sac que présente dans ce cas la portion prostatique du canal de l'urètre, le bec de la sonde butte contre le cul-de-sac , derrière la végétation, et ce n'est qu'en variant de toutes les manières la direction de l'instrument, qu'en l'inclinant latéralement, qu'en introduisant une sonde de gomme élastique, tantôt sans mandrin, tantôt avec un mandrin, d'après le conseil de Home, qu'on parvient à tourner l'obstacle. Il n'est pas besoin de dire que l'introduction du doigt dans le rectum facilite beaucoup ces diverses tentatives. Du reste , et cette remarque n'a point échappé à Home, il arrive souvent qu'un second, un troisième cathétérisme sont plus difficiles que le premier; et c'est quelquefois par un hasard heureux qu'on parvient à pénétrer dans la vessie.

Dans certains cas, ce n'est pas la partie moyenne de la prostate, mais bien les parties latérales ou lobes latéraux qui proéminent dans l'intérieur de la vessie; je possède un cas de ce genre. L'orifice vesical se trouve transformé en une fente antéro-postérieure.

Bartholin dit avoir trouvé à Padoue, sur le cadavre d'un homme de 49 ans, mort de rétention d'urine, deux tubercules placés de chaque côté de l'orifice de la vessie, et qui étaient du volume et de la forme des testicules. Leur substance était blanche et granuleuse. Ils étaient mobiles et couvraient l'orifice de la vessie. Ils cédaient à l'introduction de la sonde, mais ils retombaient sur l'orifice aussitôt qu'on la retirait.

Home rapporte une observation dans laquelle les trois portions de la prostate proémi

liaient à la fois dans l'intérieur de la vessie sous la forme de trois végétations arrondies par leurs faces correspondantes, et interceptant un espace triangulaire par lequel s'écoulait le liquide.

Voici, du reste, la description anatomique d'une prostate hypertrophiée, qui avait de quatre à cinq fois son volume naturel. Elle a pour sujet un individu taillé par la méthode sus-pubienne. La partie moyenne était proportionnellement plus volumineuse que les parties latérales.

Cette prostate entourait de toutes parts le canal de l'urètre, la partie supérieure de cette glande était, relativement, aussi développée que la partie inférieure, en sorte que l'incision faite à la partie antérieure de la vessie arrivait jusqu'à la prostate. Dans ce cas, comme de coutume, cette glande avait acquis une partie de son développement du coté de la vessie ; elle s'étendait sur le bas-fond de cet organe.

Le tissu de la glande se déchirait avec facilité et pouvait se séparer en sphéroïdes irréguliers dont les plus gros avaient le volume d'une noisette de moyen volume. Une coupe de la glande présentait des surfaces circulaires dont chacune appartenait à un sphéroïde.

Chacun de ces sphéroïdes était évidemment un grain glanduleux hypertrophié. Le tissu de chaque grain présentait une texture aréolaire ; les aréoles, d'inégales dimensions, étaient remplies de suc prostatique. Quelques granulations plus volumineuses étaient converties en cellules, communiquant toutes les unes avec les autres , et contenant une matière jaunâtre, épaisse, comme puriforme.

Ces gros grains glanduleux , parfaitement distincts, étaient réunis par une trame évidemment de nature musculeuse , et que je ne puis mieux comparer qu'au tissu de l'utérus chargé du produit de la conception. L'enveloppe prostatique bien facile à isoler des fibres musculeuses de la vessie, était constituée, par un plan musculeux blanchâtre, assez épais.

La prostate était d'ailleurs traversée par des canaux sinueux, pleins de liquide, offrant des dilatations et des rétrécissements alternatifs, et dont la face interne présentait un aspect réticulé comme les canaux hépatiques; ces canaux sont les conduits excréteurs de la prostate.

Ainsi, la prostate était constituée par de gros grains disséminés au milieu d'une trame musculaire qui lui fournissait une enveloppe épaisse. Chaque grain glanduleux était aréolaire.

L'hypertrophie de la prostate est généralement une maladie des vieillards. Sa gravité tient à Fobstacle qu'elle apporte à l'émission des urines, et nullement à la lésion organique elle-même. La difficulté d'uriner dont elle s'accompagne , devient une nouvelle cause d'hypertrophie qui ne tarde pas à amener la rétention d'urine.

La présence long-temps continuée d'une grosse sonde, en dilatant le col de la vessie, en écartant, en changeant la forme delà végétation prostatique proéminente, peut rétablir, pour un temps plus ou moins long, le cours des urines, et je crois avoir vu dans ma pratique plusieurs exemples de ce genre. M. Leroy a proposé, dans ces derniers temps, un moyen fort ingénieux, qui consisterait dans une sonde courbe, susceptible d'être ramenée à la direction rectiligne après son introduction. Il se propose par là de comprimer, de refouler en arrière la portion proéminente de la prostate, de l'atrophier en quelque sorte, ou du moins de rétablir temporairement le cours des urines. Attendons pour la juger que cette méthode ait été mise à exécution.

Dans le cas où l'obstacle au cours des urines ne pourrait être ni écarté ni détruit, si cet obstacle, et c'est le cas le plus fréquent, consistait dans une végétation de la portion moyenne, ne pourrait-on pas, au lieu de la ponction de vessie proposée dans ce cas par les chirurgiens les plus distingués, transformer en méthode un accident arrivé à plus d'un praticien ? savoir la perforation de la base de cette végétation. C'est le fait qu'on va lire qui m'a suggéré cette idée, que je soumets bien volontiers à la méditation des hommes de l'art

qui se sont occupés avec un si grand succès dans ces derniers temps des maladies des voies urinaires (i).

Dysurie, puis rétention complète d'urine. Difficulté du cathétérisme. Ecoulement d'une grande quantité de sang. Guérison temporaire. Symptômes de pierre et de catarrhe de vessie. Dépérissement. Mort. Pierre ayant pour noyau un caillot de sang. Perforation de la végétation prostatique par la sonde. Oi^ifice vésical artificiel donnant très librement passage aux urines^

M. D. éprouvait depuis longues années un sentiment de pesanteur sur le rectum, des besoins fréquents d'uriner et une difficulté dans l'émission des urines qu'il rapportait à des hémorrhoides, et pour lesquels il n'avait jamais réclamé de conseils.

Survint une rétention complète d'urine. Je fus appelé: la rétention d'urine datait de 18 heures; le malade s'épuisait en efforts d'expulsion ; je sondai. La sonde (c'était une sonde d'argent) pénétra très librement jusqu'au col de la vessie, mais là, le bec reçu dans un cul-de-sac éprouvait une résistance que je ne cherchai pas à surmonter, mais à tourner, en imprimant au pavillon un mouvement de bascule très considérable et en l'inclinant, soit à droite, soit à gauche. Je réussis. La sonde fut retirée immédiatement après l'évacuation de la vessie. Il fallut sonder le soir, le lendemain et les jours suivants : au lieu de diminuer, la difficulté sembla s'accroître à chaque cathétérisme. Le 4e jour, ne pouvant réussir, malgré l'introduction du doigt dans le rectum, et sûr que j'étais dans une bonne direction, j'exerçai un léger effort de pression : un obstacle fut surmonté, l'urine coula librement. Pour éviter de nouveaux tâtonnements, je me décidai à laisser la sonde à demeure pendant 24 heures (c'était toujours la sonde d'argent).

Un écoulement de sang peu considérable eut lieu dans le premier moment ; il augmenta beaucoup pendant la nuit; le sang coulait en partie par la sonde, en partie entre la sonde et le canal. Des caillots obstruaient la sonde : des injections furent faites avec succès pour la désobstruction. Le lendemain je substituai sans difficulté une sonde de gomme élastique à la sonde d'argent. Un écoulement de sang très abondant continua pendant huit jours.

Je me demandais à quelle maladie j'avais affaire : j'avais reconnu que l'obstacle était au col de la vessie; la prostate explorée par le rectum m'avait paru volumineuse. Il était donc probable que l'obstacle que j'avais surmonté n'était autre chose que la partie moyenne de cette glande considérablement développée. D'une autre part, la grande quantité de sang qui s'écoulait, présentait trop d'analogie avec le fait suivant, pour ne pas me donner de vives inquiétudes.

Un malade, sujet depuis cinq ansà une hématurie plus ou moins abondante, fut pris de rétention d'urine. L'introduction de la sonde qui pourtant eut lieu sans difficulté, fut suivie d'une hémorrhagie considérable; les caillots obstruaient la sonde et s'opposaient à l'issue de l'urine. J'introduisis la sonde la plus volumineuse que je pus me procurer ; mêmes accidents : je supprimai la sonde; nouvelle rétention d'urine, efforts d'expulsion extrêmement douloureux et presque continuels. Je fus obligé d'essayer encore de la sonde, mais les caillots de sangla remplissaient presque immédiatement; et l'aspiration de ce sang, les injections d'eau tiède ne pouvant rien pour l'évacuation des urines, les efforts d'expulsion restèrent aussi violents.

Ce fut au milieu de ces cruelles alternatives, que ce malheureux expira, moitié par douleur et par efforts d'expulsion semblables à ceux d'une femme en travail, moitié par hémorrhagie. A l'ouverture, je trouvai deux petites tumeurs careinomateuses dont une pédiculéeavoisinaitle col de la vessie : c'était cette tumeur molle, encéphaloïde, extrêmement vasculaire que la sonde avait entamée à sa surface et qui était la source de l'hémorrhagie; c'était cette même tumeur qui, à chaque contraction de la vessie, venait s'appliquer contre le col de la vessie et produisait la rétention d'urine.

Je reviens à notre malade. M. Dupuytren appelé en consultation, explora la vessie avec beaucoup de soin sans trouver aucun corps étranger, aucun indice appréciable de tumeur. Force était de laisser la

(i) Cette idée avait déjà été mise à exécution, Lafaye ( Chopart, traité des maladies des voies urinaires) appelé auprès d'Astruc , affecté de rétention d'urine, ne put jamais parvenir à introduire la sonde j le doigt introduit dans le rectum , joint au siège de l'obstacle vers le col de la vessie, lui ayant fait juger que cet obstacle consistait dans une tumeur située dans cette région, il se décida à perforer la tumeur à l'aide d'une sonde à dard ; ce qu'il exécuta avec beaucoup de bonheur : ayant retiré le dard, et l'urine s'étant écoulée, il introduisit l'algalie par la route qu'il venait de pratiquer. L'instrument fut maintenu pendant quinze jours. Une autre algalie plus volumineuse fût substituée à la première. Astruc vécut encore 10 ans, sujet à des rétentions d'urine auxquelles Lafaye seul pouvait remédier. A l'ouverture , Lafaye trouva un fongus sarcomateux, très dur , de la grosseur du poing, dont les deux tiers se voyaient dans la cavité de la vessie , et l'autre tiers s'étendait dans le col vers le veru-motanum. Il vit la route qu'il avait faite dans l'épaisseur de la partie latérale gauche de la tumeur.

sonde à demeure malgré l'écoulement de sang auquel elle donnait lieu, car sa suppression que j'avais tentée plusieurs fois était toujours suivie de rétention d'urine.

Cependant le sang cessa bientôt de couler; la sonde fut maintenue pendant un mois et demi à deux mois, puis supprimée; le malade put uriner spontanément et même beaucoup plus librement qu'avant la rétention d'urine.

Six mois se passèrent dans l'état le plus satisfaisant. Les forces et l'embonpoint étaient revenus : alors se manifestèrent des besoins fréquents et impérieux d'uriner, avec contraction douloureuse de la vessie et douleur à l'extrémité de la verge. Les urines devinrent catarrhales. Le malade présenta tous les symptômes de la pierre ou du catarrhe vésical.

Fondé sur l'absence de pierre dans la vessie, dont j'avais acquis la certitude par les nombreuses explorations que j'avais pu faire, je crus à un catarrhe vésical. Le malade avait tellement en horreur le cathétérisme, qu'il refusa constamment de s'y soumettre. M. Pasquier fils, qu'il fit appeler, ne put triompher de sa résistance.

Pendant un an, la santé générale du malade ne fut pas sensiblement compromise. Au bout de ce temps, les douleurs devinrent tellement vives ettellement rapprochées, qu'il lui fut impossible de quitter la chambre: il fut pris d'accès de fièvre pernicieuse comateuse. MM. Marjolin, Jolly et Vallerand furent appelés pendant le second accès. Nous crûmes tous qu'il allait périr. Le sulfate de kinine pris à haute dose prévint l'accès suivant qui aurait été probablement le dernier : le malade survécut trois mois à cette lièvre pernicieuse : ce furent trois mois d'agonie ; besoins d'uriner fréquents, pressants, douloureux, contraction violente de toutes les puissances expulsatrices, tellement que la défécation accompagnait souvent l'émission des urines. Urines catarrhales. Les derniers jours de la vie on sentait à l'hypogastre une tumeur très dure qui paraissait formée par la vessie. Le malade s'éteignit.

Ouverture du cadavre. Une pierre volumineuse était contenue dans la vessie»

La fig. 1 représente la vessie ouverte par sa face postérieure ; la paroi antérieure P A V, qui est en évidence dans toute son étendue, présente à considérer 1° la couleur bleue ardoisée de la muqueuse vésicale mode de coloration qu'on observe assez généralement dans le cas d'irritation chronique de cette membrane ; 2° l'épaisseur des parois de la vessie, épaisseur due exclusivement, comme dans tous les cas de même nature, à la membrane musculeuse hypertrophiée, laquelle est disposée en faisceaux ou colonnes qui se coupent à angles divers et interceptent des aréoles. 3° Dans l'épaisseur de ces parois se voient de petites poches ou kystes C G , qui communiquent avec la cavité de la vessie par une ouverture plus étroite que le fond. OU, OU, sont les orifices obliques des uretères dont le gauche est dilaté. Au bas de la paroi antérieure, au niveau de l'orifice de la vessie, se voit Une tumeur L M, qui proémine dans l'intérieur de la vessie. Au-dessus de cette tumeur, est une ouverture OV, c'est l'orifice vésical du canal de l'urètre ; au-dessous est une autre ouverture FR , c'est l'orifice d'une fausse route qui communique également avec le canal de l'urètre.

La fig-2 représente!0 la vessie vue par sa face postérieure F P, 2° l'extrémité vésicale des uretères UU, dont le droit est dilaté; 3° les canaux déférents CD, CD; 4° les vésicules séminales VS, VS; 5° la prostate vue par sa face inférieure. Cette glande est remarquable par son volume : des veines rampent à sa surfaces; de petite concrétions ossiformes (phlébolites) occupent les parties latérales. Everard Home avait noté le développement des veines dans les engorgements de la prostate : bien plus il considérait ce développement comme une des causes productrices les plus actives de l'hyperthrophie prostatique. Je suis plus porté à le regarder comme un effet ; 6° la portion membraneuse du canal de l'urètre P M ; 7° le bulbe B, remarquable par son volume,, tel qu'il recouvrait en bas la portion membraneuse et atteignait la circonférence antérieure de la prostate.

Dans la fig. 3, on voit la paroi antérieure de la vessie divisée jusqu'à l'orifice vésical inclusivement, le bas-fond de la vessie B F, la tumeur prostatique LM P, les orifices des uretères OU, OU, la portion prostatique du canal de l'urètre ouverte par sa paroi supérieure, l'épaisseur de la coupe de la prostate CP, CP, le véru-montanum VM, la bride B M constituant la partie inférieure de l'orifice vésical. Une sonde indique le trajet de la fausse route F R, FR; on voit, en procédant d'avant en arrière, qu'elle passe 1° sous une bride mince qui répond à la paroi inférieure de la région prostatique, 2° au-dessous de la bride transversale B M et de la tumeur prostatique LMP.

La fig. 4 représente une coupe perpendiculaire de la prostate CP,CP, dirigée transversalement. On peut apprécier 1° les diamètres de cette glande , soit dans le sens vertical, soit dans le sens transversal ; 2° sa disposition granuleuse extrêmement prononcée, la bride BM qui a été dépouillée de sa membrane xvnc livraison. 2

interne et qui paraît de nature musculeuse. De cette bride partait une sorte de pédicule également d'apparence musculeuse,qui s'enfonçait dans la tumeur LMP. Au-dessous de la bride BM est l'orifice de la vessie dont on peut apprécier le diamètre.

La fig. 5 représente le calcul vésical vu par sa face externe. Sa couleur est celle des calculs d'acide urique. Son poids est de deux onces deux gros.

La fig. 6 représente une coupe de ce même calcul, faite suivant son plus grand diamètre. Au centre était un caillot sanguin décoloré, quiest figuré à part en 6'. Les couches concentriques de ce calcul, leurs différents tons de coloration, l'aspect poreux d'un certain nombre de couches, ont été très exactement rendus. Les reins et les autres organes n'ont pu être examinés.

Réflexions. Toutes les circonstances relatives à l'observation qu'on vient de lire, rentrent parfaitement dans les généralités par lesquelles j'ai commencé cet article.

La dysurie qui tourmentait le malade depuis si long-temps, et qu'il attribuait aux hémorrhoïdes, était due à la présence de la végétation prostatique qui obstruait incomplètement l'orifice de la vessie. Par suite de son développement, cette végétation ayant intercepté le passage de l'urine, la rétention d'urine a été complète. La difficulté du cathétérisme est suffisamment expliquée par la présence de cette tumeur, au-devant de laquelle la portion prostatique formait un véritable cul-de-sac. L'hémorrhagie est évidemment due à la déchirure de la base de la tumeur par le bec de la sonde. Cette déchirure s'étant cicatrisée est devenue un orifice nouveau pour le canal de l'urètre; orifice circulaire, lisse, qui a probablement servi ultérieurement à l'évacuation des urines; car l'orifice naturel de la vessie était couvert par la partie la plus volumineuse de la tumeur.

La bride mince qui existe dans le trajet de la fausse route (voyez fig. 3 et 4), au-devant du col de la vessie est au niveau de la prostate; je la regarde comme formée par une de ces grandes lacunes si fréquentes dans le canal de l'urètre. Le bec de la sonde se sera engagé dans sa cavité et aura déchiré son fond. Cette explication est rendue plus que probable par la présence d'une lacune très considérable qui existe au-devant de cette bride sur les cotés du veru-montanum (fig. 3 et 4)-

A l'aide de cet orifice vésical artificiel, le malade était guéri de la rétention d'urine. Un caillot resté dans la vessie est devenu le noyau d'un calcul; d'où la nouvelle série d'accidents auxquels le malade a succombé.

Au moment oii je rédige la dernière épreuve de cet article, 5 juin 1833, l'application du cathétérisme forcé aux maladies de la prostate, vient en quelque sorte d'acquérir la sanction de l'expérience.

Je donnais mes soins depuis un an à M. L... âgé de 66 ans, pour des accidents des voies urinaires, qui consistaient 1° dans des besoins assez fréquents d'uriner, quelquefois incomplètement satisfaits, et avec diminution du jet du liquide, 2°dans une hématurie plus ou moins considérable, intermittente, quisuivait presque immédiatement un effort, la marche, la secousse en voiture: du reste, point de douleur à proprement parler. Pour commémoratifs, je recueillis que vingt ans auparavant, sans cause connue et sans douleur, M. L... a vu s'écouler une très grande quantité de sang par le canal de l'urètre, écoulement tout-à-fait indépendant de l'émission des urines qui étaient parfaitement limpides; que cet accident s'était renouvelé quatre fois dans le même mois; que depuis, il ne s'était plus reproduit, mais qu'à dater de ce moment, l'émission des urines avait été moins libre qu'auparavant; que de très petits graviers étaient rendus à de longs intervalles.

Interrogé sur la cause de l'hématurie et sur ses conséquences, je répondis que le cathétérisme était le seul moyen de le déterminer; mais le malade s'y étant constamment refusé, je me contentai de lui prescrire des boissons de graine de lin, une solution de bicarbonate de soude, des bains, et le régime le plus adoucissant possible.

M. L... fut affecté de la grippe, il y a environ un mois; la toux avec expectoration ayant survécu à cette affection légère, je lui prescrivis un verre ou deux d'eau de Bonnes tous les matins.

Cependant les urines devinrent plus sanguinolentes et furent renduesavec plus de peine, ce que le malade put attribuer aux eaux de Bonnes, et ce qui dépendait plus probablement des quintes de toux, ou peut-être de l'accroissement delà maladie. Un petit gravier d'acide urique très inégal fut rendu sans dou

leur , le lendemain 3 juin , à la suite d'une émission pénible d'urines teintes de sang: rétention complète d'urine.

J'arrive à 9 heures du soir, la rétention datait de 12 heures, la vessie proéminente atteignait presque l'ombilic; un bain prolongé, des boissons abondantes n'avaient eu d'autre effet que d'augmenter les efforts d'expulsion en augmentant la quantité des urines.

Je sonde, et j'arrive, après quelques difficultés que j'attribuai au spasme, jusqu'au-dessous des pubis; le mouvement de bascule s'exécute avec facilité, et au moment où le bec de la sonde devait pénétrer dans la vessie, il est arrêté par un obstacle. Je cherche à le tourner ; vains efforts. Un peu de sang paraît. Le doigt introduit dans le rectum reconnaît une prostate extrêmement volumineuse, si bien que ce doigt est de nul secours pour le cathétérisme. J'avais introduit une algalie moyenne à cause de l'étroitesse du méat urinaire ; j'en introduisis une seconde d'un gros calibre; même résultat. Après dix minutes de tentatives, je prévins M. Parent-du-Ghâtelet, parent du malade, qui m'assistait dans cette opération , que M. L... avait une hypertrophie de la prostate ; que la rétention était produite par le développement de la portion moyenne et peut-être des trois portions de cette glande; que je ne connaissais qu'un moyen, c'était de forcer l'obstacle ; que le cas étant insolile et grave, il me paraissait convenable d'avoir un consultant. M. Dupuytren appelé reconnut le développement de la prostate, l'obstacle qui arrêtait le bec de la sonde. Il répéta les tentatives avec une patience, une longanimité au-dessus de toute éloge ; elles furent vaines, bien qu'il les ait variées de mille manières différentes et qu'il les ait continuées pendant au moins une demi-heure. Nous nous retirâmes un instant pour délibérer.

Je fis part à M. Dupuytren de ma manière de voir dans le cas actuel et de la nécessité du cathétérisme forcé. U n'y avait que deux partis à prendre, ou faire la ponction, ou arriver par violence dans la vessie. Il était évident qu'aucune fausse route n'avait été pratiquée, que le mouvement de bascule s'opérait très-bien, que la sonde franchissait la portion membraneuse, et même peut-être la portion prostatique, pour s'arrêter à l'orifice même de la vessie. La nécessité du cathétérisme forcé étant démontrée, le malade fut placésur le bord de son lit comme dans l'opération de la taille, la sonde fut introduite; de nouvelles tentatives de cathétérisme sans violence ayant été aussi infructueuses dans cette position, que dans les positions précédentes , une pression modérée mais progressive fut exercée ; l'obstacle fut surmonté et l'urine coula immédiatement. La sonde d'argent a été laissée à demeure ; et elle ne sera remplacée par une sonde de gomme élastique que dans quelques jours.

17e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DES MUSCLES.

MALADIES DES MUSCLES.

(XVIIe livr., pl. III.)

Apoplexie musculaire.

Les muscles sont exposés à toutes les altérations de tissu qu'on observe dans les autres organes. On y rencontre: i° l'atrophie dont une des formes consiste dans la dégénération graisseuse de ces organes; i° l'hypertrophie; 3° l'inflammation et toutes ses conséquences ; 4° toutes les transformations et productions organiques; la conversion de la fibre musculaire en tissu cellulaire, en tissus fibreux, cartilagineux, osseux; la formation dans leur épaisseur, des kystes de divers ordres; 5° les dégénérations tuberculeuse, cancéreuse, etc. ; 6° ils peuvent en outre devenir le siège de foyers sanguins spontanés qui ont tous les caractères des foyers apoplectiques ; en sorte qu'en prenant pour base de la nomenclature la lésion organique, on peut admettre une apoplexie musculaire, (i)

A la tête de Fapoplexie musculaire, à raison de sa gravité non moins que de son importance, je dois placer l'apoplexie du cœur, à laquelle je crois devoir rapporter le plus grand nombre des ruptures de cet organe. Un foyer sanguin formé dans l'épaisseur de ses parois , affaiblit la résistance de la partie correspondante, et amène sa déchirure. Joignez à cela qu'au voisinage du foyer sanguin, les libres musculaires sont d'une fragilité extrêmement remarquable.

Les muscles de la vie de relation ne sont pas à l'abri de semblables lésions. Dans le scorbut parvenu à sa dernière période, on trouve quelquefois, dans l'épaisseur de ces organes, des foyers sanguins extrêmement considérables. J'ai vu un scorbutique qui éprouvait au plus haut degré le sentiment de prostration propre à cette maladie; depuis un mois il n'avait pas quitté le lit; je l'engageai à faire un effort pour se lever, dans l'espérance qu'un peu d'exercice influerait avantageusement sur son état général : le lendemain , à la visite, ce malheureux me montra la région postérieure de la jambe, très volumineuse, tendue, dure, violacée. Il y avait évidemment déchirure musculaire avec foyer sanguin considérable.

Il n'est pas rare de voir, dans des circonstances autres que celles qui produisent le scorbut, des foyers sanguins se former spontanément au milieu des muscles déchirés. Les muscles grands droits de l'abdomen m'ont paru sur-tout exposés à cette altération , que j'ai rencontrée cinq ou six fois. Jamais je n'ai vu de cas plus remarquable de cette déchirure, que celui d'une femme du dépôt de mendicité' de Limoges, affectée d'une fièvre quarte rebelle qui plusieurs fois coupée, avait aussi souvent reparu. Tout-à-coup elle est prise d'une douleur très vive à l'abdomen ; le moindre contact l'augmente. Je crus à une péritonite ; un grand nombre de sangsues furent appliquées : la malade succomba. A l'ouverture, je trouvai les deux muscles droits remplacés par des caillots sanguins, excepté dans la portion de ces muscles qui répond au thorax :1a gaine aponévrotique était distendue outre mesure par des caillots au milieu desquels on découvrait les débris des fibres musculaires. Tout récemment j'ai observé cette déchirure chez un individu affecté de delirium tremens. On trouve dans une bonne thèse de M. Rousset, aujourd'hui médecin distingué à Marseille [Recherches anatomiques sur les hé-morrhagies) , l'observation d'un homme qui mourut le douzième jour de l'invasion d'un érysipèle phlegmoneux. Vingt-neuf tumeurs sanguines furent trouvées dans l'épaisseur des muscles, les unes formées par du sang noir en partie coagulé, d'autres par du sang lie devin, d'autres par un pus phlegmoneux encore mêlé de caillots de sang; quelques-uns

(i) Dictionnaire de i Médecine et rie Chirurgie -pratiques, article Apopi.exif..

xviie livraison. 1

ration du rhumatisme puerpéral. L'état puerpéral imprime à toutes les maladies un caractère de gravité aussi réel qu'inexplicable ; ce caractère de gravité est porté à son summum dans les hôpitaux où l'influence miasmatique vient s'ajouter à toutes les influences qui naissent de l'état puerpéral lui-même. La suppuration est déjà formée, qu'on hésite encore à reconnaître cette maladie : on croit en avoir triomphé dans un point lorsqu'elle apparaît dans un autre ou dans plusieurs autres à la fois, et à l'ouverture du corps, on trouve des muscles infiltrés de pus et décollés, les synoviales articulaires et tendineuses remplies de pus , les surfaces articulaires privées de leurs cartilages et érodées.

Quelques observations viendront à l'appui des considérations précédentes.

Péritonite puerpérale latente. Douleur excessive du pied. Etat ataxique. Pus et pseudo-membranes dans la cavité du péritoine. Vaisseaux lymphatiques utérins pleins de pus. Ramollissement gélatiniforme de Vestomac et du diaphragme. Articulation tibio-tarsienne et gaines synoviales tendineuses remplies de pus.

Boulet; 31 ans; 5e accouchement naturel le 4 septembre 1850. Le lendemain au soir, frisson, douleur abdominale légère, qu'on combat par un cataplasme et des lavemenls huileux bien constitués.

Soumise à mon observation le 6 septembre , elle présente : douleur hypogastrique légère, fréquence du pouls à 120. Je diagnostique une péritonite commençante. Saignée de 12 onces ; potion laxative avec une once et demie huile aV amandes douces et demi-once d'huile douce de ricin ; cataplasmes ; bains de siège émollients. Le soir, la malade accuse une vive douleur dans le membre abdominal gauche. 40 sangsues sur l'hypogastre.

Le 7, la malade ne se plaint que de la jambe gauche, où elle éprouve des élancements ; une pression, même légère, augmente la douleur. L'abdomen est ballonné, mais indolent. Du reste , soif très vive , pouls à 120; point d'oppression ; point d'envie de vomir. Cet état m'alarme, parce qu'il me fait redouter des accidents consécutifs. La péritonite est latente. Saignée de huit onces ; potion avec six grains de kermès minéral ; cataplasme saupoudré de muriate d'ammoniaque ; bain entier de plusieurs heures.

Le 8, soulagement sensible. Dix évacuations alvines ont eu lieu; l'abdomen est moins tendu et nullement douloureux ; 104 pulsations. La malade ne souffre plus que dans le pied gauche, qui pourtant n'offre aucune tuméfaction. Une potion calmante atténue cette douleur. La soif est toujours très vive.

Le 9 , la maladie semble circonscrite au pied, dont pourtant le volume est naturel. Parfois, contractions spasmodiques extrêmement douloureuses dans le membre inférieur du même côté ; l'abdomen est toujours ballonné, indolent. Cet état semble meilleur, mais je ne me fais pas illusion, il est toujours très grave. Expectation.

La journée du 9 se passe bien; mais la nuit, délire et agitation qui cessent le matin.

Le 10 matin, la malade se trouve très bien, cause à merveille, et ne se plaint que d'une douleur au pied. Le pouls est à 100 pulsations et moins grêle ; l'abdomen est volumineux, mais indolent : la face est un peu altérée ; la langue très sèche ; quelques selles involontaires.

Le 11, pouls petit, à 110; délire léger. La malade répond très bien aux questions, et se croit en voie de guérison; narines pulvérulentes. Cet état me paraît excessivement grave. Sinapismes ; potion avec sulfate de quinine et étlwr\ lavement avec sulfate de quinine.

Le 12, face altérée dans la coloration et l'expression¦ délire vague; aucune conscience de son état. La malade demande à manger. Vomissements; douleurs à l'épigastre. Potion avec 12 gr. de camphre ; lavement camphré.

Le 13, état ataxique , oppression , pouls plus fréquent; abdomen ballonné, toujours indolent. Potion avec sulfate de quinine ; lavement camphré. Mort le soir, 9e jour de l'accouchement. Ouverture du cadavre, faite 18 heures après la mort.

Abdomen volumineux. Une couche pseudo-membraneuse fort mince, à peine adhérente , unissait les parois abdominales aux circonvolutions intestinales, et les circonvolutions intestinales entre elles. Une couche mince de pus existait entre le diaphragme et le foie. Du pus bien lié occupait la cavité pelvienne, entre la vessie et l'utérus, entre l'utérus et le rectum.

Le 9 , le gros intestin était tellement flexueux et ballonné , qu'il cachait entièrement les circonvolutions de l'intestin grêle, lesquelles étaient refoulées en arrière et sur les côtés. L'S iliaque du colon

contenaient du pus crémeux. Trois petits foyers sanguins , du volume d'un pois , existaient dans l'épaisseur du cœur. Il est plus que probable que ces foyers sanguins et purulens, avaient une connexion manifeste avec l'érysipèle phlegmoneux, et étaient le résultat d'une phlébite.

Je crois avoir démontré jusqu'à l'évidence cette proposition, que les foyers sanguins des muscles sont dus a une phlébite à l'aide d'injections irritantes faites dans les veines de plusieurs animaux. Voici le résumé de quelques-unes de ces expériences. J'ai introduit une seringue d'Anel remplie d'encre étendue d'eau dans la veine fémorale d'un grand nombre de chiens. L'injection a été faite du cœur vers les extrémités. Un stylet très fin, préalablement introduit, avait déchiré les valvules qui s'opposaient à l'injection dans ce sens: chez les animaux qui ont succombé dans les premiers jours, j'ai trouvé tous les muscles du membre inférieur parsemés de foyers sanguins formés par des caillots déposés au milieu des fibres musculaires déchirées. Chez ceux de ces animauxqui ont survécu, j'ai trouvé, au bout d'un mois, deux mois, dans l'épaisseur de ces muscles, des cicatrices tout-à-fait semblables à celles qu'on rencontre dans le cerveau : les muscles qui avaient été seulement infiltrés de sang et non déchirés, présentaient eux-mêmes cette couleur ocrée qui atteste un épanchement sanguin antérieur et qui me parait indélébile.

Ces faits et ces expériences me paraissent jeter le plus grand jour sur une maladie aiguë que j'ai eu occasion d'observer plusieurs fois et qui consiste dans une fièvre inflammatoire très intense avec formation d'ecchymoses, de foyers sanguins dans la plupart des organes et en particulier dans le système musculaire. Aucun cas ne m'a paru plus frappant que celui que M. Guéneau de Mussy, médecin de l'Hôtel-Dieu, m'a montré dans ses salles où nous avait appelés un concours pour une place de médecin du bureau central. Un jeune homme bien constitué n'ayant été exposé à aucune des causes présumées du scorbut, présentait de larges ecchymoses avec tuméfaction considérable de la face comme dans une très forte contusion. Il existait une tumeur sanguine considérable au niveau du grand pectoral, une autre au niveau du deltoïde; d'autres existaient aux membres inférieurs. Ces tumeurs, qui ne permettaient pas le plus léger mouvement du membre sans de vives douleurs, étaient molles au centre et très dures à la circonférence, comme dans le cas de tumeur sanguine considérable du cuir chevelu. Je communiquai à mon honorable confrère les idées que j'avais sur cette maladie : nous convînmes que ce malade serait saigné et soumis à un régime antiphlogistique extrêmement sévère. La résorption du sang épanché se fit rapidement, il ne se forma point de nouveaux foyers et le malade marcha à une guérison rapide.

EXPLICATION DE LA FIGURE lre.

G P,grand pectoral d'un individu, dans les muscles duquel on trouve un grand nombre de foyers sanguins survenus spontanément, F A, F' A', fa , fa, fa. Des traces de résorption se décèlent par la couleur ocrée des parois de quelques-unes de ces figures F A , F'A'.

MALADIES DES MUSCLES

( XVIIe livr., pl. III. )

Inflammation puerpérale des Muscles et des Synoviales, ou Rhumatisme puerpéral.

On désigne généralement sous le nom de rhumatisme, toutes les douleurs, toutes les inflammations des muscles et des articulations qui surviennent spontanément, c'est-à-dire indépendamment de toute violence extérieure.

La mobilité, voilà le caractère fondamental des douleurs rhumatismales : la délitescence avec métastase, pour parler le langage de l'école, voilà le caractère de l'inflammation du même ordre.

Le siège de la douleur paraît être, soit dans les gros cordons nerveux libres (névralgie rhumatismale proprement dite), soit dans les nerfs musculaires, lorsque la douleur occupe les muscles eux-mêmes (névralgie musculaire), soit dans les nerfs cutanés, ou sensoriaux, ou viscéraux, quand la douleur occupe la peau, les organes des sens ou les viscères. (Névralgie cutanée; névralgie gastrique, hépatique, colique, etc. ).

Le siège de l'inflammation rhumatismale musculaire est dans le tissu cellulaire séreux qui entoure les muscles comme dans une gaine, et dans celui qui les pénètre et qui forme autour des faisceaux de divers ordres des gaines qui facilitent leur contraction et leur glissement. Le siège de l'inflammation rhumatismale articulaire est dans la synoviale.

Le rhumatisme puerpéral mérite une description toute particulière, i° à raison de sa tendance à la suppuration; i° à raison de sa tendance à la diffusion ou plutôt à la multiplication presque indéfinie, en sorte qu'il envahit successivement un grand nombre de parties sans abandonner les premières; double caractère qui fait du rhumatisme une des affections les plus graves dont les femmes en couche puissent être affectées.

Le rhumatisme puerpéral se déclare à diverses époques : il succède quelquefois immédiatement à l'accouchement, et survient avant, pendant ou après la fièvre de lait. Il peut se manifester tantôt en l'absence de toute autre lésion, tantôt dans le cours d'une péritonite puerpérale aiguë ou chronique, plus souvent peut-être dans le cours d'une pleurésie puerpérale aiguë ou chronique; ou pendant la convalescence de ces maladies. J'ai noté dans plusieurs observations la coïncidence des suppurations musculaire et articulaire avec la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques utérins , ou avec des pleurésies aigries ou chroniques, et j'ai cru pouvoir établir dans quelques cas une liaison entre ces deux phénomènes.

Nous devons considérer comme appartenant au rhumatisme puerpéral le rhumatisme des femmes grosses, qui m'a toujours paru plus rebelle que celui qui survient hors l'état de grossesse, mais beaucoup moins grave que celui qui survient après l'accouchement.

Un fait que j'ai souvent eu occasion de vérifier, c'est que, lorsque l'accouchement venait à surprendre une femme affectée de rhumatisme , cette maladie s'aggravait immédiatement après, se terminait par suppuration dans le point primitivement affecté, et envahissait presque toujours des points nouveaux où elle suivait la même marche et la même terminaison.

Le rhumatisme puerpéral étant souvent accompagné d'œdème, on confond le plus ordinairement ce rhumatisme avec l'œdème douloureux des femmes en couches, lequel m'a toujours paru l'effet de la phlébite.

Une triste expérience m'a appris que rien n'était plus difficile que de prévenir la suppu-

XVIIe LIVRAISON. f

occupait toute la région hypogastrique et une partie de la région ombilicale. L'arc du colon flexueux occupait le reste de la région ombilicale et les hypochondres.

On trouvait sur les côtés de l'utérus, dans l'épaisseur des ligaments larges , et le long de la trompe, des vaisseaux lymphatiques pleins de pus.

Les veines utérines étaient saines. Le tissu de l'utérus, sain, mais très injecté.

En ouvrant le thorax, j'ai trouvé dans la cavité gauche une grande quantité de liquide noirâtre, huileux, qui ne ressemblait nullement à la sérosité de la plèvre. Le diaphragme était perforé au niveau du grand cubde-sac. Le pourtour de la perforation était ramolli et comme frangé. La grosse extrémité de l'estomac était également perforée, lacérée, comme corrodée. Une petite quantité d'un liquide noirâtre était épanchée dans l'hypochondre gauche.

Le tissu cell ulaire sous-cutané de la jambe gauche était infiltré de sérosité jaunâtre. Les articulations tibio-tarsiennes, toutes les articulations tarsiennes étaient remplies de pus. Les gaines tendineuses des muscles fléchisseur commun, fléchisseur propre et jambier postérieur en étaient également remplies.

Je ferai remarquer que, pendant la vie comme après la mort, aucun gonflement extérieur n'annonçait la présence du pus, soit dans les articulations, soit dans les gaines tendineuses.

Résumé. Trois lésions bien distinctes existaient chez ce sujet: i° une péritonite avec inflammation des vaisseux lymphatiques, i° une inflammation des synoviales articulaires et tendineuses du pied; 3° un ramollissement gélatiniforme de l'estomac et du diaphragme. La péritonite était latente et ne s'est manifestée que parle ballonnement de l'abdomen : l'inflammation des synoviales a débuté en même temps que la péritonite. Le ramollissement gélatiniforme n'a dû se manifester que dans les derniers temps de la vie, et la perforation du diaphragme milite en faveur de l'opinion de ceux qui admettent que cette altération est purement chimique et postérieure à la mort. Un fait important qui ressort de cette observation et de plusieurs autres, c'est que, dans les maladies articulaires, tout le temps que l'inflammation est bornée à la synoviale, l'articulation n'est nullement tuméfiée.

Dans l'observation qui précède, le rhumatisme s'est manifesté en même temps que la péritonite et ne paraît avoir eu qu'une faible part dans la maladie et dans sa terminaison funeste. Dans les observations suivantes, c'est l'inflammation articulaire et musculaire qui a joué le principal rôle.

Foyers de pus dans Varticulation du genou et dans le tissu cellulaire libre de la cuisse et de la jambe. Inflammation des vaisseaux lymphatiques utérins passée a ïétat chronique. Inflammation communicante des veines iliaques externe et fémorale. Pneumonie circonscrite. Catarrhe pulmonaire.

Rousselle, 25 ans , accoucha naturellement, pour la seconde fois , le 3 mars 1832. Un mois et demi environ avant l'accouchement, elle avait été prise d'une toux catarrhale avec fièvre, pour laquelle je l'avais fait saigner.

Tout va bien pendant les premiers jours qui suivent l'accouchement. On ne me fait voir la malade que le 12 mars, 9e jour après l'accouchement, à cause d'une tuméfaction considérable du genou gauche, dont la malade ne s'était plainte que la veille: la malade accuse d'ailleurs peu de douleurs dans ce genou, qui est œdémateux plutôt qu'enflammé et supporte la pression sans la moindre douleur. Lesdeux genoux mesurés, donnent deux pouces de circonférence en plus pour le genou malade. D'ailleurs, la fièvre était intense : toux avec expectoration ; l'exploration du thorax donne, à droite et en arrière, tous les signes du catarrhe pulmonaire ; l'abdomen assez consistant n'est nullement sensible à la pression ; le pouls est petit et fréquent. Je regarde le genou comme le point de départ de tous les symptômes. L'œdème sous-cutané m'apprend d'ailleurs que l'inflammation n'est pas bornée à la synoviale articulaire.

Le 14 mars, l'œdème gagne tout le membre abdominal gauche : les parties tuméfiées sont douloureuses. Comme il existait en même temps plusieurs œdèmes douloureux dans l'hôpital, j'aurais pu penser que nous avions affaire à un œdème douloureux, sans le mode de développement de l'œdème qui, dans le cas actuel, avait débuté par l'articulation du genou au lieu d'envahir en même temps la totalité du membre, comme dans le cas d'oedème, proprement dit. D'une autre part, l'absence de douleur à l'articu

lation du genou semblait repousser toute idée d'inflammation des synoviales. Au reste, l'état général annonce une maladie fort grave. La face est jaunâtre, altérée; la respiration est fréquente; on entend un peu de crépitation à droite et en arrière ; le pouls est toujours fréquent et petit. —Prescription : 15 sangsues à Vaine y qui donnent beaucoup ; frictions avec axonge une once, onguent napolitain un gros.

Même état jusqu'au 20 mars. L'oedème commence à diminuer; le genou devient plus douloureux à la . pression ainsi que le membre abdominal tout entier et plus particulièrement la jambe. La respiration est plus libre, mais l'état de la face et la fréquence du pouls, qui est parfois intermittent, dénotent toujours l'excessive gravité de la maladie.

Le 22 mars, des douleurs plus vives se prononcent au genou ; de petites phlyctènes se remarquent à la face postérieure de la jambe et delà cuisse. La malade se plaint de la gorge : une couche pseudo-membraneuse existe en effet sur les piliers du voile du palais. Les gencives sont d'ailleurs très saines , en sorte qu'on ne saurait attribuer cette angine couenneuse à l'onguent mercuriel, dont Pusage a été continué à la dose d'un gros depuis le commencement de la maladie.

L'état général est toujours très grave et toujours le même. Le genou et le membre inférieur me paraissent le point de départ. La difficulté de faire mettre la malade sur son séant ne me permet pas d'explorer le thorax. — 15 sangsues autour de Varticulation du genou.

Les jours suivants, des excoriations qui existaient déjà sur la région coccygienne, se convertissent en escharres profondes ; les phlyctènes se multiplient le long de la région postérieure du membre abdominal; fluctuation manifeste autour du genou; la peau est à peine de couleur rosée. La toux provoque des douleurs dans la partie latérale droite du thorax. Dépérissement, malaise, fréquence très grande dans le pouls.

Le 29 mars , application de potasse caustique sur le genou au centre de la fluctuation.

Le30, incision de l'escharre; issue d'une très grande quantité de pus bien lié; anxiété; envies de vomir; vomissements; pouls grêle, intermittent. Même état le 31. Mort, dans la nuit du 31 mars au 1er avril.

Ouverture du cadavre. Avant l'ouverture, je pensais que nous trouverions une collection de pus dans l'épaisseur de la cuisse et delà jambe, entre les muscles et l'os ; mais je n'avais pas la certitude que l'articulation fût elle-même compromise. Il y avait en effet une vaste collection entre les muscles et le fémur qui était encore revêtu de son périoste. Cette collection communiquait largement en arrière avec l'articulation du genou. Elle se prolongeait dans l'épaisseur de la jambe, qui présentait également deux vastes collections, l'une entre les jumeaux et le soléaire, l'autre sous le muscle soléaire. Ce pus était épais, un peu fétide, parsemé de lambeaux de tissu cellulaire gangrené.

Thorax. A la base du poumon droit, pneumonie circonscrite, du volume d'une noix. Infiltration séreuse d'une grande partie des poumons. Bronchite.

Abdomen. Dans l'épaisseur de l'ovaire, petites collections de pus concret. Il existait des collections un peu plus considérables de pus concret dans l'épaisseur des ligaments larges à droite. Ces collections avaient leur siège dans les vaisseaux lymphatiques. Des collections purulentes plus considérables se voyaient, 1° derrière la 3e portion du duodénum, à côté du rein; 2° le long du psoas, sur le trajet des vaisseaux lymphatiques ; derrière le trou obturateur. La lere avait évidemment son siège dans les ganglions lombaires ; la 2e dans les vaisseaux lymphatiques eux-mêmes ; la 3e dans les ganglions lymphatiques situés au niveau du trou obturateur.

La partie inférieure de la veine iliaque externe et toute la veine crurale étaient distendues par des concrétions sanguines très cohérentes et adhérentes aux parois.

Réflexions. L'inflammation des synoviales peut être latente , comme l'inflammation des plèvres, du péritoine.

L'œdème sous-cutané existait ici, parce que l'inflammation occupait non-seulement la synoviale, mais encore le tissu cellulaire sous-aponévrotique.

Le rhumatisme puerpéral, comme d'ailleurs le rhumatisme inflammatoire provenant de toute autre cause, peut affecter exclusivement le tissu cellulaire qui constitue autour de chaque muscle comme une atmosphère celluleuse, les muscles étant parfaitement intacts. Je me rappellerai toujours l'observation d'un malheureux jeune homme qui étant allé patiner sur le canal de l'Ourcq eut un besoin au retour; il se mit en devoir d'y satisfaire dans une rue écartée. Saisi par le froid, il éprouve une douleur vive dans toute la cuisse :

on crut à une simple douleur rhumatismale. Bientôt des traces non équivoques d'inflammation se manifestèrent; le malade dépérit rapidement: fréquence extrême du pouls; mort un mois après l'invasion, A l'ouverture , on trouva que le tissu cellulaire de toute la cuisse avait été envahi par la suppuration: les muscles avaient été comme disséqués : le fémur privé de son périoste était au centre de cette vaste dénudation.

L'œdème douloureux des femmes en couches n'est pas une maladie primitive, mais bien le symptôme, soit d'une phlébite, soit d'une inflammation sous-aponévrotique; dans le cas actuel, il y avait à la fois phlébite et inflammation sous-aponévrotique.

Je ferai remarquer la coïncidence de l'inflammation des vaisseaux lymphatiques utérins et ovariques et des ganglions correspondants avec celle de la synoviale du genou et du tissu cellulaire libre du membre inférieur. Ces deux altérations sont-elles simultanées ? sont-elles indépendantes l'une de l'autre ? y a-t-il entre elles relation de cause à effet ?

Plusieurs faits me portent à croire que l'inflammation des vaisseaux lymphatiques est primitive et que celle des synoviales pourrait bien n'en être que la conséquence.

J'appellerai encore l'attention sur le pus contenu dans les vaisseaux,lymphatiques. Ce pus était épais, consistant, presque semblable à du mastic de vitrier. Il n'est pas douteux, d'après ce que nous avons dit ailleurs, 14e livraison, que ce pus a été préalablement liquide, et le résultat de l'inflammation des vaisseaux lymphatiques. Ce fait prouve encore i° la possibilité de la guérison de l'inflammation des vaisseaux lymphatiques , en même temps qu'il établit le mécanisme de cette guérison; il prouve encore i° que le pus peut exister impunément dans le système lymphatique ou du moins y exister avec beaucoup moins de danger que dans le système veineux. 3° Que l'inflammation des vaisseaux lym* phatiques, ou la présence du pus dans cet ordre de vaisseaux, peut avoir lieu indépendamment de la péritonite*

Péritonite hypogastrique. Inflammation des vaisseaux lymphatiques utérins. Suppuration dans Varticulation du poignet et dans les articulations tarsiennes. Deux abcès dans Vépaisseur de la jambe. Un abcès dans l'épaisseur du muscle extenseur commun des doigts.

Benoit (Esther) blanchisseuse, 25 ans, accouche pour la troisième fois à la Maternité le 19 janvier* 1852; l'accouchement est naturel. Quelques heures après, douleur hypogastrique très vive : 40 sangsues-Soulagement.

Le lendemain: région hypogastrique et iliaque, très sensibles à la pression; fréquence du pouls. Je reconnais une péritonite qui est comme circonscrite au voisinage de l'utérus.—Prescription. Saignée de 12 onces, potion avec huile d'amande douce, huile de ricin et sirop de violette de chaque 1 once, qui provoquent plusieurs selles. Bain de trois heures. Friction sur Vabdomen avec axonge camphrée. Cataplasmes émollients.

Le 21, la douleur de l'abdomen s'est dissipée ; elle se reproduit dans la journée; mais cède à un bain prolongé. Le ventre est resté volumineux. Eruption labiale. La fréquence du pouls est considérable. La malade étant excessivement nerveuse, je prescris une potion calmante.

Le 22, même état; un peu de désordre dans les idées ; les mamelles durcissent.

Les 23, 24, la sécrétion du lait continue. Ballonnement du ventre; fréquence considérable du pouls. léger dévoiement ; appétit. ¦— Prescription. Cataplasmes émollients, friction avec axonge camphrée. Bains de siège; 12 sangsues ¿1 la partie interne des cuisses, potion calmante.

Le 25, pour la première fois, la malade accuse une douleur extrêmement vive à l'articulation du poignet : la tuméfaction n'est pas en rapport avec la douleur ; fréquence toujours considérable du pouls ; plaintes continuelles; agitation. L'abdomen est un peu moins ballonné.

Le 26, même état : 20 sangsues autour du poignet. Onction avec axonge camphrée et laudanum. Bain d'avant-bras dans une infusion de fleur de sureau.

Les 27, 28, 29, l'état de l'abdomen va s'améliorant, l'état du poignet va s'aggravant; 20 sangsues sont appliquées de nouveau autour du poignet , le 29.

Les jours suivants, la tuméfaction de l'articulation radio-carpienne augmente et s'étend à la main et à xv[ic livraison. 2

l'avant-bras. La malade y ressent des élancements douloureux ; l'abdomen paraît en très bon état, et cependant le mouvement fébrile persiste. L'appétit étant très considérable, je prescris quelques aliments.

Dès le 5 février, une fluctuation manifeste existe autour du poignet.

Le 10, je pratique une ouverture qui donne issue à une grande quantité de pus.

Depuis quelques jours, la malade accusait une douleur à la partie inférieure de la jambe et au pied : mais l'examen le plus attentif n'y faisait découvrir aucune tuméfaction. Le 14 février, deux abcès sous-cutanés se manifestent l'un en dedans, l'autre en dehors de la jambe. Un autre abcès se développe dans l'épaisseur des muscles de la région postérieure de l'avant-bras. D'une autre part, l'état général est bien peu satisfaisant: sueurs; mouvement fébrile ; oppression, angoisse; toux; expectoration catarrhale.

Ce fut au milieu de la plus cruelle angoisse, de cris de désespoir, d'une sorte de lutte contre la suffocation et la mort, que la malade succomba, le 18 février, 31e jour des couches.

Ouverture du cadavre. Il y avait du pus dans l'articulation radio-carpienne, ainsi que dans les articulations du carpe : les cartilages de la plupart de ces articulations avaient disparu sans laisser le moindre résidu. Le pus avait fusé en avant le long des tendons et des muscles de l'avant-bras. Plusieurs abcès existaient dans l'épaisseur des muscles des éminences thénar et hypothénar.

La fluctuation manifeste que j'avais observée à la partie supérieure et postérieure de l'avant-bras était due à un abcès qui occupait l'épaisseur du muscle extenseur commun des doigts. C'est cet abcès bien circonscrit qui a été représenté figures 5 et 3'.

Les abcès observés à la jambe avaient leur siège dans le tissu cellulaire sous-cutané.

Abdomen. L'utérus était revenu sur lui-même; l'ovaire et la trompe du côté droit, occupaient la fosse iliaque correspondante derrière le cœcum auquel ils adhéraient par des filaments celluleux ; le cœcum adhère à toutes les parties voisines par des brides celluleuses.

Le long du bord droit de l'utérus et un peu en avant, se voit un petit foyer de pus à demi concret-Les parois de ce petit foyer ne sont évidemment qu'un vaisseau lymphatique très dilaté.

La muqueuse des voies aériennes est très injectée. Le tissu des poumons est fragile dans quelques points, mais incomplètement induré.

Résumé. Ainsi, dans les premiers jours qui ont suivi l'accouchement: péritonite hypogastrique ; inflammation des vaisseaux lymphatiques utérins combattus avec succès ; le sixième jour, rhumatisme puerpéral de l'articulation radio-carpienne terminé par suppuration ; le 21e jour, abcès à la jambe: voilà le résumé de cette observation. Quel rapport y a-t-il entre le rhumatisme et la présence du pus dans les vaisseaux lymphatiques ?

EXPLICATION ues FIGURES 2, 3, 5'et 4.

La fig. 2 représente le muscle soléaire d'une femme qui a succombé au rhumatisme puerpéral. L'inflammation datait de deux jours, les nuances de coloration que présente le muscle depuis sa partie supérieure, qui est infiltrée de pus, PI, jusqu'à sa partie inférieure, qui est dans l'état naturel, indiquent les degrés divers auxquels les différentes portions de ce muscle ont participé à l'inflammation.

La couche de tissu cellulaire interposée au jumeau J, et au soléaire était également infiltrée de pus.

Les fig. 3, et 3', représentent le muscle extenseur des doigts de la malade qui fait le sujet de la dernière observation. F P, est un foyer purulent ; la fig. 5', représente les parois du foyer vidées de pus.

La fig. 4 a été prise sur un sujet destiné à mon cours, et sur le compte duquel je n'ai aucun renseignement. C'est une portion du grand pectoral qui présente une coloration d'un rouge foncé avec petits foyers purulents oblongs interposés aux faisceaux charnus.

17e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DU CŒUR ET DE L'AORTE.

Anévrisme.

MALADIES DU COEUR ET DE LA CROSSE DE L AORTE.

(XVIIe LIVRAISON, PLANCHE 4)

Anévrysme.

Les figures i et 2 représentent le cœur et l'aorte d'un individu sur lequel je n'ai aucun renseignement.

Fig. i. Le ventricule droit atrophié, VD A, semble n'être autre chose qu'un appendice du ventricule gauche qui est dilaté et hypertrophié (anévrysme actif).On a peine, au premier abord, à concevoir cette disposition du ventricule droit par rapport au ventricule gauche. Mais il faut se rappeler que de la base du ventricule droit part,en avant, un prolongement infundibuliforme qui donne naissance à l'artère pulmonaire. (1)

La crosse de l'aorte présente dans sa partie ascendante, c'est-à-dire en deçà de la naissance du tronc bra-chio-céphaîique, trois tumeurs anévrysmales, nos 1, 2, 3. La tumeur n° 1, qui est ouverte, présente dans son intérieur cette disposition stratifiée qu'il est commun de rencontrer dans les poches anévrysmales. Cette même tumeur proémine dans l'intérieur de l'artère pulmonaire A P, immédiatement au-dessus des valvules sigmoïdes de cette artère V S, V S. D'après cette disposition, on conçoit la possibilité de l'ouverture de la tumeur anévrysmale dans la cavité de l'artère pulmonaire.

La fig. 2 représente la partie ascendante de la crosse de l'aorte ouverte, on voit : i° la dilatation de cette partie ascendante ; 20 les plaques crétacées jaunâtres dont elle est parsemée ; 3° l'origine de l'aorte O A, les valvules sigmoïdes saines V S G et les sinus de l'aorte correspondans.

Sur cette 2efigure, des trois tumeurs anévrysmales, deux sont ouvertes: ce sont les nos 2, 3,len°i ne l'est pas.

La tumeur n° 1 communique par deux orifices inégaux avec la cavité de l'aorte. Ces deux orifices sont indiqués par deux stylets. Un de ces stylets va de l'un à l'autre orifice.

La tumeur n° 2 est ouverte et vide : l'une des moitiés de la poche occupe la lèvre gauche, l'autre moitié occupe la lèvre droite de l'incision faite à la tumeur.

La tumeur n° 3, largement ouverte, communique avec la cavité de l'aorte par trois ouvertures indiquées par autant de stylets : elles sont d'inégales dimensions. La cavité de cette tumeur présente une couche stratifiée peu épaisse et cohérente, et au centre des caillots pultacés, sans cohérence.

Réflexions. — Les circonstances les plus remarquables du fait qui précède sont les suivantes :

i° L'anévrysme actif (dilatation avec hypertrophie) du ventricule gauche coïncidant avec l'atrophie du ventricule droit :

Cette coïncidence fréquente établit l'indépendance du cœur droit et du cœur gauche, indépendance que démontre d'ailleurs de la manière la plus évidente une préparation qui consiste à séparer, après la section de la couche des fibres communes, les cavités droites des cavités gauches. (2)

L'anévrysme hypertrophique du ventricule gauche fait ses progrès tantôt suivant l'axe, tantôt suivant la circonférence de cet organe. Dans le premier cas, le ventricule droit, bien qu'il s'allonge considérablement, n'atteint pas à beaucoup près le sommet du cœur. En outre le ventricule droit est considérablement rétréci par la saillie que forme la cloison du ventricule dans sa cavité. Dans le second cas, comme dans la fîg. 1, le ventricule droit n'atteint pas davantage le sommet du cœur, qui ne représente plus le sommet d'un cône, mais bien une surface convexe, appartenant à un sphéroïde plus ou moins considérable : en outre le ventricule droit semble se contourner autour du ventricule gauche, disposition qui tient d'une part à la convexité de la cloison

(1) Anatomie descriptive, tom. m. Voyez aussi J. Bouillaud, Traité clinique des maladies du cœur. Paris, i835, 2 vol. in-8°.

(2) Voyez Anatomie descriptive, tom. nr, pag. 3i. Séparation du cœur droit et du cœur gauche. xviie livraison.

du coté du ventricule droit, et d'une autre part à l'allongement de linfundibulum de ce dernier ventricule. Dans les deux cas, les deux ventricules représentent assez bien les bourses d'un individu affecté d'hydrocèle dont le testicule du côté sain figurerait le ventricule droit.

i° La coïncidence de l'anévrysme hypertrophique du ventricule gauche et de l'altération de la portion ascendante de la crosse aortique est un fait trop fréquent, le lien qui unit les deux phénomènes est trop facile à saisir pour que j'insiste sur ce point. La dilatation de l'aorte, la formation des plaques ossiformes dont elle est parsemée sont les conséquences ordinaires d'un choc trop impétueux du sang contre les parois artérielles, attendu que les artères n'augmentent pas de résistance en proportion de l'hypertrophie des parois du ventricule.

3° Non-seulement l'impulsion trop énergique communiquée au sang par le ventricule gauche a déterminé la dilatation de l'aorte avec formation de plaques crétacées; mais encore les parois artérielles sont devenues le siège de tumeurs anévrysmales qui présentent des caractères particuliers. Généralement les tumeurs anévrysmales circonscrites qui s'observent sur une crosse aortique dilatée communiquent largement avec la cavité de l'artère; le mécanisme de leur formation ne présente aucune difficulté. Supposons que, sur les parois de cette artère dilatée, il se rencontre un, deux points moins résis-tans, ces points céderont sous l'influence du choc du sang qui agit d'une manière égale sur tous les points de la circonférence du vaisseau. Ces points soulevés peu-à-peu constituent une poche dans laquelle le sang se coagule et qui communique avec l'aorte dilatée, par une large ouverture.

Tel n'est pas le mécanisme de la formation des trois tumeurs anévrysmales que présente le cas actuel. Ces tumeurs ne communiquent pas avec la cavité de l'aorte dilatée par une large ouverture, mais par un ou plusieurs pertuis irréguliers : Ici la tumeur ou petite poche préexiste à l'abord du sang dans sa cavité : les points correspondans aux tumeurs n'ont pas cédé à l'action du sang, de manière à être soulevés en poche à large ouverture; mais, sous l'influence d'une cause d'irritation, un travail s'est établi dans l'épaisseur des parois artérielles, ce travail a été suivi de la sécrétion d'une matière plâtreuse ou puriforme, qui s'est fait jour dans la cavité du vaisseau par une ou plusieurs ouvertures; le sang a rempli la poche qui s'est progressivement agrandie et dans laquelle ce liquide a pris les caractères que nous avons indiqués.

17e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DES INTESTINS.

Hernie diaphragmatique

MALADIES DES INTESTINS.

(XVIIe livr., pl. V.)

Hemie diaphragmatique.

Une lemme de la Salpêtrière, rachitique, àge'e de 75 ans environ, sujette depuis plusieurs années à des coliques très vives mais passagères, est portée à l'infirmerie dans l'état suivant : froid algide; cyanose; absence du pouls; vomissements continuels : il ne manquait pour compléter le tableau du choléra, que des évacuations alvines abondantes ; elles étaient nulles : l'abdomen est volumineux, sensible à la pression. Quelques personnes crurent au choléra; je crus à un étranglement: l'absence de tumeur herniaire me fit diagnostiquer un étranglement interne. La malade qui n'éprouvait aucune douleur et ne soupçonnait nullement la gravité de sa position , succomba deux heures après la visite.

Ouverture du cadavre. La paroi antérieure du thorax et de l'abdomen ayant été enlevée, apparut une tumeur considérable HD (fig. 1) occupant le thorax dont elle remplit en presque totalité la cavité gauche. Le poumon du même côté refoulé en haut n'avait pas le quart de sa hauteur et de son volume accoutumés. Le cœur G avait été fortement déjeté à gauche , de telle sorte que si on avait exploré le thorax pendant la vie , on aurait pu croire à une transposition de ce viscère.

Il était facile de reconnaître dans la tumeur HD une hernie diaphragmatique. A travers la transparence du sac herniaire, on distinguait un grand nombre de circonvolutions intestinales, dont les unes avaient leur couleur naturelle, dont les autres offraient une couleur noirâtre. Dans l'épaisseur de l'enveloppe transparente se voyaient des lignes blanches N, n n9 n3 qu'une dissection attentive m'a démontrées n'être autre chose que des nerfs diaphragmatiques gauches.

Les intestins contenus dans la cavité abdominale présentaient les mêmes nuances décoloration que ceux contenus dans la hernie; les uns tels que l'estomac E, quelques anses d'intestin grêle IG, le gros intestin G O (fig 2), étaient dans l'état naturel; les autres offraient une couleur lie de vin, ici foncée, là claire.

Il était évident, d'après ce premier aperçu : 1° qu'il existait une hernie diaphragmatique, 2° qu'il y avait étranglement de l'intestin : je crus d'abord que cet étranglement existait au collet du sac herniaire, mais le doigt introduit dans l'orifice ou collet du sac ne rencontrait aucun obstacle. Je réfléchis qu'il devait en être ainsi, puisqu'une bonne portion des circonvolutions intestinales contenues dans le sac herniaire, ne présentait aucune trace d'altération. Je présumai alors que la cause de l'étranglement devait se trouver dans l'intérieur du sac lui-même ; que cet étranglement devait être partiel, ainsi qu'il arrive si souvent dans les hernies volumineuses ombilicales ou autres: j'ouvris donc le sac, mais j'eus beaudéployer successivement toutes les circonvolutions qui y étaient contenues, je ne trouvai aucune bride, aucune cause quelconque d'où pût résulter la constriction de l'intestin.

La cause de l'étranglement devait donc être dans l'abdomen. Je la cherchai d'abord aux divers anneaux de la paroi antérieure et de la paroi inférieure de cette cavité, et je la découvris enfin dans un renversement ou torsion du mésentère sur lui-même ET (fig. 2), torsion en vertu de laquelle le mésentère se trouvait transformé en une bride extrêmement résistante qui, appliquée sur l'intestin, interceptait complètement le cours des matières.

La fig. 2 représente 1° le collet circulaire du sac G S , 2° les deux feuillets séreux qui le constituent, savoir un inférieur PR, formé par le péritoine, un supérieur P V formé par la plèvre. Ces deux feuillets accolés étaient faciles à séparer. Les branches nerveuses N, n, n, n, représentées fig. 1, étaient interposées à ces deux feuillets.

Le collet du sac était peu résistant, dilatable, ne présentant d'organisation fibreuse qu'en dedans où il répondait au centre phrénique. Le diaphragme avait subi une perte de substance correspondante au collet du sac ; partout ailleurs il était dans l'état le plus parfait d'intégrité.

Réflexions. Cette observation offre la coïncidence singulière d'une hernie très considérable et d'un étranglement auquel la hernie était complètement étrangère.

Il serait possible néanmoins que le déplacement des viscères eût favorisé cette torsion du mésentère cause de l'étranglement et de la mort : la même coïncidence n'est pas en

XVIIe LIVRAISON. i

effet sans exemple dans les hernies extérieures; ce qui jette sur la diagnostic et par conséquent sur le traitement, une obscurité qu'il est souvent bien difficile de dissiper.

Les hernies diaphragmatiques sont rares et leur théorie encore mal établie. On comprend généralement sous ce nom, tous les déplacements des viscères abdominaux à travers le diaphragme , quelle qu'en soit la cause ; mais en adoptant pour ces déplacements la sévérité de langage qui préside à la classification des déplacements qui ont lieu à travers la paroi antérieure de l'abdomen, nous devrons éliminer du nombrcî des hernies les déplacements à travers le diaphragme, qui sont la suite d'une solution de continuité de cette cloison membraneuse.

Un des cas de hernie thoracique rapporté par J. L. Petit (OEnvr. posthum.) doit être, suivant la remarque judicieuse de Béclard, rapporté aux éventrations ; car la tumeur à base large et terminée en cône mousse qui contenait l'estomac, une grande partie du colon et presque tout l'épiploon, avait pour sac hernaire: i° le péritoine, i° le diaphragme aminci, 3° la plèvre. Il n'existait pas le plus léger éraillement des fibres musculaires et aponévrotiques du diaphragme.

Les hernies diaphragmatiques proprement dites, sont les unes congéniales, les autres accidentelles. Je regarde l'observation qui fait le sujet de la planche V, comme un exemple de hernie diaphragmatique congéniale.

Les hernies diaphragmatiques accidentelles sont extrêmement rares, et pourtant combien est mince et peu résistante cette cloison musculaire qui présente toujours en avant un petit espace triangulaire, et très souvent dans divers points de son étendue et sur-tout en arrière, des interstices très considérables entre les faisceaux musculaires.

Mais si l'on considère que les organes qui répondent au diaphragme dans la plus grande partie de son étendue sont le foie, l'estomac, la rate, les reins ; que l'effet de la contraction des parois abdominales se porte entièrement en avant et en bas; que d'une autre part, pendant la contraction du diaphragme, les poumons sont remplis d'air, et exercent une certaine pression sur le muscle, on concevra la rareté des hernies à travers le diaphragme.

Un grand nombre de faits m'autorisent à n'admettre qu'un seul mode de formation pour les hernies diaphragmatiques accidentelles. Une masse adipeuse se forme entre le péritoine et le diaphragme, derrière l'appendice xyphoïde; cette masse graduellement accrue écarte les fibres à la manière d'un coin et pénètre dans le médiastin; bientôt le péritoine la suit, entraîné qu'il est par cette tumeur. Un sac herniaire se forme et ce n'est que plus tard, et souvent d'une manière temporaire , que les viscères s'insinuent dans le sac herniaire qui est par conséquent préexistant à la hernie.

Souvent un sac herniaire diaphragmatique existe depuis long-temps, sans qu'aucun viscère se soit introduit dans sa cavité, ce qui s'explique aisément, si l'on considère que c'est au niveau du foie que correspond presque toujours ce sac herniaire; que si au contraire l'épiploon est renversé sur l'estomac ou sur le foie, il pénètre dans le sac avec la plus grande facilité. Je suis persuadé que les hernies diaphragmatiques accidentelles seraient beaucoup plus fréquentes qu'elles ne le sont en effet, si le diaphragme était en rapport immédiat avec des parties aussi mobiles et aussi susceptibles de s'insinuer dans tous les espaces vides, quelque petits qu'ils soient, que l'épiploon et l'intestin grêle.

Une observation de hernie diaphragmatique épiploïque rapportée par Béclard, vient à l'appui de ce qui précède. Dans ce cas, il y avait deux sacs herniaires : l'un petit, vide, ayant l'aspect d'un dé à coudre, semblait formé dans l'épaisseur de la base d'un des appendices graisseux du médiastin : il n'y avait rien dans ce sac; l'autre, tubuleux, situé à droite du précédent derrière l'appendice xyphoïde, long de trois pouces , un peu plus gros que l'intestin grêle, s'était enfoncé dans le médiastin dont il avait soulevé la lame droite qui faisait saillie dans la cavité correspondante du thorax. Les deux membranes, qui constituaient le sac herniaire, savoir : la plèvre et le péritoine, étaient si intimement unis, qu'on ne pouvaitlesséparer.Ce sac contenait seulement de l'épiploon qui était compacte et graisseux.

18e. Livraison. Pl. Ière

MALADIES DES REINS

ET DES CAPSULES SURRÉNALES (CANCER).

(XVIIIe livr., pl. I. )

Le rein qui fait le sujet de cette planche a été' trouvé chez un vieil invalide, par M. Ribes fils qui n'a pu recueillir sur lui aucuns renseignements.

La fig. 1 représente le rein droit et la capsule surrénale C S, qui ont acquis un volume extraordinaire.

La surface du rein qui est bosselée et celle de la capsule, sont parcourues par un grand nombre de veines flexueuses, et le bassin B est en rapport avec le volume du rein.

La veine cave inférieure VCD contient une matière pultacée adhérente aux parois de ce vaisseau et identique avec celle que nous trouverons dans l'intérieur du rein.

La fig, 2 représente une coupe du rein et de la capsule surrénale. La substance de l'un et de l'autre organe paraît transformée en une bouillie diversement colorée. Le rein est divisé en vastes cellules d'inégale capacité, dont la disposition est devenue évidente après l'ablation de la bouillie : cette ablation a été faite ici à la partie inférieure de l'organe.

Les parois des cellules P,P,P, sont réticulées, à mailles plus ou moins larges, et présentent çà et là une couleur jaune-serin, à la manière des anciens foyers apoplectiques. A la surface interne de ces cellules, sont encore attachés des lambeaux de matière encéphaloïde : les cloisons qui les séparent sont extrêmement denses, presque cartilagineuses.

La partie supérieure du rein présentait une matière encéphaloïde, au milieu de laquelle se voyait une espèce de boue couleur lie de vin plus ou moins foncée.

La capsule surrénale était également infiltrée de matière encéphaloïde et d'une matière boueuse.

Le bassinet B et le commencement de l'uretère, contenaient une matière de même couleur et de même aspect. On retrouvait encore cette matière dans la veine rénale VR, qu'il était impossible de suivre dans l'épaisseur du rein, et qui semblait coupée brusquement à l'entrée de cet organe.

On ne découvrait de traces du tissu du rein que dans quelques points de la superficie de cet organe et dans quelques-unes des cloisons de séparation des cellules en lesquelles il était divisé.

Considérations générales.

L'altération si profonde dont la description précède, est un exemple de cancer encéphaloïde du rein qui a subi lui-même des altérations secondaires, tels qu'épanchement de sang, suppuration, décomposition d'une partie des liquides épanchés-Dans le cas représenté pl.IV, ire livraison, l'altération était limitée à un seul lobule: la portion de rein respectée par la maladie avait été refoulée vers la partie supérieure de la tumeur : ici la totalité des lobules qui entrent dans la composition du rein, avait été simultanément affectée. Chacun de ces lobules était converti en une vaste poche à parois réticulées dans laquelle il était impossible de reconnaître le tissu propre de l'organe. Quelques points seulement ont présenté des traces de leur texture normale.

Le fait sur lequel j'appellerai sur-tout l'attention, c'est la présence de la matière cancéreuse dans la veine rénale. Après le foie^ le rein cancéreux est de tous les organes celui dont les veines présentent le plus souvent de la matière cancéreuse dans leur cavité. Plusieurs observateurs en ont rapporté des exemples pleins d'intérêt. L'observation suivante (i) vient encore corroborer les idées que j'ai si souvent émises sur la part que prennent les veines dans la production des maladies cancéreuses.

Bonin (Nie. Charles), 49 ans, se présente, le 13 mars 1833, dans l'état suivant : altération et pâleur des traits, infiltration des membres abdominaux et du scrotum ; ascite ; dyspnée extrême; toux fréquente et sèche; étourdissements; une hémoptysie avait eu lieu quelques mois auparavant : l'œdème datait de cette époque : forte impulsion des battements du cœur : matité de la région précordiale dans l'étendue de

(i) Pièce anatomique et observation présentées à la Société anatomique. par M. Peltier, l'un de ses membres.

XVIIIe LIVRAISON. 1

la paume de la main : douleur de rein que l'on attribue au décubitus dorsal : la respiration s'entendait partout, elle était même bruyante : en arrière et en bas un peu de râle muqueux.

Commémoratifs : bonne santé jusqu'à l'époque du Choléra dont le malade fut atteint en avril 1832 ; la convalescence fut longue et pénible. En septembre, il ressentit de violentes douleurs dans le rein droit, douleur que son médecin avait rapportée à une néphrite. Celle-ci parut céder complètement au traitement qui fut mis en usage.

Diagnostic. Hypertrophie excentrique des ventricules ; pariétaire nitrée, teinture de digitale: l'infiltration fait des progrès ; mort le 2 avril, 19e jour de l'entrée du malade.

Ouverture. Cœur d'un tiers plus volumineux que de coutume: hypertrophie excentrique peu considérable du ventricule gauche. Les poumons présentaient une trentaine de masses encéphaloïdes qui occupaient toute leur surface et qui étaient disséminées dans les divers points de leur hauteur. Le tissu pulmonaire était d'ailleurs parfaitement sain.

Le rein droit avait acquis un volume considérable (cinq pouces de long sur trois de largeur). Sa surface était bosselée. Divisé par son bord convexe il présenta une masse encéphaloïde volumineuse qui avait refoulé en bas le tissu du rein. La veine rénale était gonflée comme après une injection : cette veine (tronc, branches, rameaux), était remplie par une matière encéphaloïde tout-à-fait semblable à celle contenue dans l'épaisseur du rein ; il en était de même du tronc de la veine cave depuis son origine à la réunion des deux veines iliaques primitives jusqu'au niveau du bord postérieur du foie. Les calices et le bassinet étaient remplis par la même matière. L'artère rénale et ses divisions étaient vides et dans l'état naturel. L'uretère était sain, de même que la vessie; le rein gauche avait augmenté de volume , mais il était sain; le foie était volumineux, la rate petite , le pancréas normal. L'aorte abdominale rétrécie était entourée par une masse squirrheuse qui s'étendait depuis l'orifice aortique du diaphragme jusqu'à l'angle sacro-vértébral. La veine cave longeait, sans y adhérer, le côté droit de cette tumeur.

Réflexions. Que de causes se réunissaient ici pour rendre le diagnostic de la maladie du rein presque impossible. L'infiltration coïncidant avec les symptômes d'une affection du cœur , légère il est vrai , ne devait-elle pas appeler toute l'attention vers le centre de la circulation. L'ascite ne permettait pas l'exploration du rein, au moins par la région antérieure de l'abdomen. Le commémoratif de la néphrite passa inaperçu, ainsi que la douleur de rein qu'accusait assez constamment le malade, et qui fut rapportée an décubitus dorsal obligé. Le malade ne parla pas d'hématurie antérieure, symptôme que j'ai vu manquer rarement, et qui , coïncidant avec une douleur rénale, avec une tumeur appréciable par la région lombaire bien mieux encore que par la région antérieure de l'abdomen, me paraît permettre d'établir assez positivement le diagnostic de la maladie. L'affection du cœur était trop peu considérable pour rendre compte de l'infiltration qui reconnaissait ici pour cause l'oblitération de la veine cave et aussi cette masse cancéreuse qui entourait l'aorte.

La veine cave ascendante, la veine rénale dans son tronc et jusque dans ses plus petites divisions étaient remplies de matière encéphaloïde adhérente aux parois: dans ce cas, où l'altération était beaucoup moins avancée que dans celui représenté pl. I, il m'a été facile de constater que la matière encéphaloïde avait été formée dans la veine elle-même, qu'elle n'y avait pas pénétré du dehors à travers une perte de substance ; et j'ai pu me rendre compte pourquoi l'injection tentée par M. Bérard aîné, dans un cas de cancer du corps thyroïde a eu ce résultat , que la matière de l'injection poussée par les veines n'a pénétré dans aucun point de la tumeur: il nf a pas eu une seule veine injectée, tandis que cette tumeur a été pénétrée de toutes parts par l'injection artérielle. Certes, si chez le sujet dont il s'agit, on avait voulu injecter la veine rénale, ou la veine cave inférieure, il aurait été impossible que la moindre quantité du liquide injecté arrivât jusque dans le tissu propre du rein. Au lieu de conclure, que cette injection prouve que le système veineux n'est pour rien dans les maladies cancéreuses, tandis que le système artériel paraissait y prendre une part importante, on aurait dû tirer une conséquence opposée.

Les masses encéphaloïdes des poumons, niasses qui occupent la surface de ces organes, comme les abcès multiples dans le cas de phlébite, attestent l'infection générale et me paraissent s'expliquer par la même théorie que les abcès du poumon dans la phlébite traumatique on autre, c'est-à-dire par une maladie des veines du poumon consécutive à une maladie des veines du rein.

MALADIES DU CERVELET

ET DE LA PROTUBÉRANCE ANNULAIRE (MASSES TUBERCULEUSES).

( XVIIIe livr., pl. IL )

EXPLICATION DES FIGURES.

La fig. 1 représente la face supérieure du cervelet d'un enfant de 9 à 10 ans. Deux masses tuberculeuses sphéroïdales TO,TO, sont logées dans l'épaisseur de cet organe. Subjacentes aux membranes, elles ont déprimé la partie correspondante du cervelet qui n'a point subi d'altération dans son tissu , et dont il est facile de les séparer par énucléation. La couleur de ces tubercules, comme d'ailleurs celle de tous les tubercules de la masse encéphalique, est d'un jaune verdâtre.

Fig. 2. Masses tuberculeuses TO, TO occupant la face inférieure du cervelet qui appartenait à un adolescent de 14 ans. Le tubercule du lobe gauche LGG est, comme ceux représentés fig. 1, parfaitement circonscrit, logé dans l'épaisseur du cervelet et susceptible d'énucléation. Il n'en est pas de même de la masse tuberculeuse du lobe droit LDG qui paraît formée par la substance même du cervelet, dont il ne reste que des débris.

Fig. 3 et 3'. Tubercule sphéroïdal T, d'aspect mural, contenu dans l'épaisseur de la protubérance annulaire. La coupe de ce tubercule GT (fig. 3') présente les couches concentriques qui lui donnent l'apparence d'un calcul urinaire. La substance médullaire qui environne le tubercule est ramollie.

Je n'ai pu avoir sur les sujets de ces observations que des renseignements extrêmement vagues. Les observations ci-jointes pourront y suppléer.

L'observation suivante communiquée à la Société anatomique par M. Sédillot, l'un de ses membres, répond parfaitement aux cas représentés fig. 1 et 2.

Deux masses tuberculeuses dans le lobe gauche du cervelet. Aucun phénomène de paralysie. Aucun phénomène du côté des organes génitaux. Mort par suite de tubercules pulmonaires.

Pasquier (Joseph), 21 ans, soldat au 52e régiment de ligne, entre à l'hôpital militaire du Val-de-Gràce le 10 décembre 1827. Il venait de la prison de Montaigu, où il avait été renfermé depuis deux ans pour un vol de peu d'importance : c'est de cette époque que datent les renseignements qui manquent totalement sur son état antérieur.

Pendant les deux années de réclusion qu'il subit, il fut triste, irritable, restant habituellement couché, parlant peu; ses camarades le jugeaient idiot et le négligeaient entièrement. 11 parut toujours étranger aux désirs vénériens. Son appétit était très grand, quelquefois excessif, la soif n'était pas vive, bien qu'il eût presque continuellement la diarrhée.

A son entrée au Val-de-Grâce, son intelligence était très affaiblie : il répondait rarement juste aux questions qui lui étaient adressées, gardait le silence, ou articulait quelques paroles brusques et incohérentes. Ses demandes cependant étaient précises, impérieuses : le chirurgien l'ayant menacé de le renvoyer à Montaigu , il lui lança son pot d'étain à la tête. Il avait la singulière manie de se mettre volontairement à la diète et de faire des provisions afin de pouvoir prendre, en un seul repas, les aliments de plusieurs jours.

On diagnostiqua une encéphalite chronique.

Peu de jours avant sa mort on s'aperçut d'une émaciation rapide. Les forces étaient singulièrement diminuées, bien qu'il continuât à se lever et à se promener solitairement. On reconnut alors une maladie de poitrine fort avancée. Le malade s'éteignit avec toute sa connaissance, le 2 mars 1828 , 3 mois après son entrée dans l'hôpital.

Aottopsie. Tête. Infiltration sous-arachnoïdienne d'une matière gélatineuse.

xviiie livraison. 1

Dans l'hémisphère gauche du cervelet se voient deux masses tuberculeuses dont chacune a le volume d'un œuf de pigeon: toutes deux occupent la face supérieure de l'organe; l'une est située en dehors et en avant, Fautre en arrière près de la ligne médiane. Leur forme était irrégulière. D'une part, elles faisaient une légère saillie à la surface de l'organe, et d'une autre part, elles semblaient formées aux dépens des lamelles du cervelet. La substance du cervelet environnante n'était ni injectée ni ramollie.

Le poumon gauche était converti en une masse tuberculeuse infiltrée au milieu d'un tissu hépatisé en gris. Le poumon droit présentait une altération moins profonde.

Réflexions. Ainsi , morosité , irritabilité , diminution des facultés intellectuelles, tels sont les seuls symptômes qu'ait éprouvés ce malade.

Il y avait absence de paralysie , absence de douleur crânienne , et le malade a succombé par suite de la phthisie pulmonaire. Le défaut complet de désirs vénériens est en opposition avec les idées admises par quelques physiologistes sur les rapports qui existent entre le cervelet et les fonctions génératrices : on pourrait cependant invoquer à l'appui de leur opinion cette absence elle-même ; car il y avait compression du cervelet , par conséquent il devait y avoir diminution de son influence.

L'observation suivante communiquée à la Société anatomique par M. Bell, interne de l'Hôpital des enfants , suppléera aux détails qui me manquent sur le sujet des figures 5 et 3'.

Céphalalgie occipitale. Paralysie du mouvement de la moitié gauche du corps : diminution notable de la sensibilité du même coté. Perte presque complète de la vision. Mort. Tubercules du cervelet et de la protubérance annulaire.

Mourgue (Jean), il ans, forte constitution, avait joui d'une bonne santé jusqu'au mois de février 1835. A cette époque, par suite d'une vive frayeur , il fut pris , disent les parents, d'une fièvre cérébrale qui dura plusieurs semaines. Pendant la convalescence les membres inférieurs s'œdématisèrent et un épanchement se forma dans le ventre. Au mois d'août, il vint à Paris. La paracentèse fut pratiquée 5 fois à un mois de distance et donna issue à plusieurs litres de sérosité limpide. Une 4e ponction fut faite vers le milieu de novembre : il y eut écoulement d'environ 4 litres de sérosité trouble. Quelque temps avant cette dernière opération , le malade , qui se plaignait depuis long-temps d'une douleur vive, lancinante intermittente, à la région occipitale , fut pris tout-à-coup de strabisme. La vue s'affaiblit notablement, et par moments elle était complètement perdue. L'articulation des sons devint très difficile : le malade bredouillait; la bouche se dévia à gauche ; les membres droits s'engourdirent.

Aubout de six semaines, le strabisme et la difficulté d'articuler des sons disparurent. Le malade eut plusieurs fois des vertiges, desétourdissements , mais sans perte complète de connaissance, sans contracture des membres et sans écume à la bouche. Cependant la vue restait faible et la déviation de la bouche devenait de plus en plus marquée. La myotilité était presque abolie dans les membres droits qui étaient froids et infiltrés.

Le 21 décembre, l'enfant entra à l'hôpital dans l'état suivant : maigreur générale ; pâleur de la face et de toute la peau. Céphalalgie occipitale ; déviation de la bouche à gauche, et abaissement de la commissure de ce côté. Paralysie incomplète des membres droits.

$j Le jeune malade peut faire exécuter des mouvements à ses doigts, mais il lui est impossible de soulever le bras ou de le maintenir élevé. La sensibilité de ce côté est très obtuse , les réponses sont justes, Varticulation des sons difficile, la myotilité et la sensibilité des membres gauches sont intactes-La vue est également affaiblie des deux côtés. La pupille droite est très dilatée : la gauche au contraire contractée. La langue est large , humide , sans déviation ou lésion de sensibilité ; point de gêne dans la déglutition , soif assez vive. Il y a de l'appétit ; ventre saillant sur les parties latérales : sa paroi antérieure molle , flasque , ridée. Pression douloureuse sur-tout à l'épigastre et au flanc droit. Diarrhée abondante Selles involontaires. Emission libre et facile des urines. Peau sèche et chaude ; pouls petit, régulier , 124 pulsations par minute. A la région du cœur, son mat dans une assez grande étendue ; l'auscultation n'y fait reconnaître aucun bruit anormal ; toux fréquente; pas d'expectoration ; gêne très légère de la respiration ; un peu de râle muqueux des deux côtés ; urines briquetées, bourbeuses, rares.

Les jours suivants, affaiblissement progressif des membres droits ; déviation plus grande de la bouche; intelligence nette ; état très variable des pupilles. Céphalalgie occipitale ne revenant qu'à des intervalles éloignés.

Dans la nuit du 30 au 51 décembre, délire violent ; cris aigus, auxquels succède un collapsus profond. Le 1er janvier, face pâle, traits altérés ; le malade prononce quelques mots d'une voix affaiblie. La vue n'est pas entièrement abolie; pupilles non modifiées par la lumière; pouls petit, filiforme. Le ventre parait diminué de volume. Du 1er au 5 janvier , le malade s'affaiblit graduellement et s'éteint sans convulsions et sans agonie dans la nuit du 5 au 6 janvier.

Ouverture du cadavre. Le cerveau et ses membranes sont dans l'état le plus parfait d'intégrité, sérosité gélatiniforme infiltrée sous l'arachnoïde.

Protubérance annulaire. Au centre, masse tuberculeuse spl îeroi'dale du volume d'une noix, ayant l'apparence mamelonnée d'un calcul mural, représentant trait pour trait la tumeur, pl. II, fig. 3. Cette tumeur empiétait un peu à gauche, de telle manière qu'elle envoyait un petit prolongement dans le pédoncule cérébelleux de ce côté. Le pédoncule cérébelleux droit est occupé par une autre masse tuberculeuse bien distincte de la précédente, ayant le volume d'une noisette. Un 3e tubercule arrondi occupe la paroi antérieure du 4e ventricule; son volume est celui d'une balle de pistolet.

En incisant la protubérance et la queue de la moelle alongée, on voit un 4e tubercule qui soulevait la valvule de Vieussens et comprimait de bas en haut les tubercules quadrijumeaux.

Cervelet. Une petite masse tuberculeuse, irrégulière occupait le côté externe de chaque lobe cérébelleux. Les membranes étaient soulevées, la surface correspondante du cervelet déprimée.

Un 3e tubercule considérable, du volume d'une noix aplatie, occupait la partie médiane du cervelet, et se voyait dans le 4e ventricule, dont il soulevait la paroi postérieure.

Poumons. Granulations miliaires très multipliées. Un seul tubercule, du volume d'un pois, au sommet du poumon gauche. Glande bronchique tuberculeuse.

Péricardite chronique, caractérisée par une couche épaisse de fausses membranes denses qui revêtent et qui tapissent le péricarde.

Abdomen. Adhérence récente des intestins entre eux , teinte noirâtre du péritoine dans quelques points. Nombreuses ulcérations à la fin de l'intestin grêle. Ulcérations plus nombreuses et plus étendues du gros intestin. Tuméfaction des ganglions mésentériques, mais point de tubercules.

Considérations sur les tubercules de l'encéphale.

La sécrétion de la matière dite tuberculeuse, peut avoir lieu dans l'encéphale, comme d'ailleurs dans tous les antres organes.

Les tubercules peuvent occuper le cerveau, le cervelet, la protubérance annulaire et la moelle épinière : il n'est aucun point de l'étendue de chacun de ces organes où ils n'aient été observés. Daus un cas présenté à la Société anatomique, par M. Nélaton , un de ses membres, la matière tuberculeuse était déposée autour de l'origine de la plupart des nerfs crâniens. Dans ce cas, l'encéphale était parfaitement sain.

C'est dans les premiers âges de la vie, depuis la naissance jusqu'à la puberté, qu'on rencontre le plus habituellement des tubercules dans l'encéphale : il est rare d'en observer chez l'adulte. Je n'en ai jamais vu chez les vieillards, dont le cerveau est sujet à un si grand nombre d'autres lésions.

Il résulterait des faits que j'ai eu occasion d'observer, que le cervelet est plus fréquemment que le cerveau, le siège de le maladie tuberculeuse.

C'est dans le tissu cellulaire de la pie-mère que se rencontrent le plus habituellement les tubercules, lesquels dépriment la surface correspondante du cerveau et s'y creusent en quelque sorte une cavité. Lorsque ces tubercules sont peu considérables et logés dans les anfractuosités du cerveau , on dirait au premier abord qu'ils occupent l'épaisseur même de la substance cérébrale. Ces tubercules peuvent être libres de toute adhérence et ne tenir au cerveau qu'à l'aide d'un tissu cellulaire séreux qui permet une énucléation facile. D'autres fois ils adhèrent à la substance cérébrale presque toujours altérée, ramollie, et dont on emporte une couche plus ou moins épaisse en enlevant le tubercule. Il est assez rare de voir des tubercules occuper primitivement la substance blanche du cerveau.

Les cas d'adhérence des tubercules à la substance cérébrale, doivent être bien distingués

«3

de ceux où la matière tuberculeuse est infiltrée dans la substance cérébrale elle-même.

Dans le cas d'infiltration, la matière tuberculeuse forme une masse imparfaitement limitée et parcourue par des vaisseaux qui la traversent en divers sens.

Que les tubercules soient formés par une matière infiltrée dans les mailles du tissu cérébral ou simplement déposée au sein de ce tissu, leurs caractères anatomiques sont toujours les mêmes. Leur couleur est d'un vert jaunâtre, leur densité assez grande; ils sont tantôt pleins, tantôt ramollis à leur partie centrale où ils présentent une multitude de cavités plus ou moins considérables, que j'ai vues dans plusieurs cas remplies d'un pus ayant tous les caractères du pus phlegmoneux. La surface de ces tubercules est presque toujours parcourue par des vaisseaux extrêmement déliés. Ils sont tantôt enkystés, tantôt non enkystés. La masse tuberculeuse est quelquefois disposée par couches concentriques bien distinctes, dont plusieurs sont demi-transparentes.

La maladie tuberculeuse du cerveau et du cervelet se présente rarement, comme dans les poumons , sous la forme d'une multitude de petits tubercules pisiformes disséminés : souvent on ne rencontre qu'une seule masse tuberculeuse , plus souvent deux ou trois. Ces masses constituent ordinairement des tumeurs sphéroïdales, du volume d'une noix, d'un œuf de poule, dont la surface est tantôt unie, tantôt inégale et comme mamelonnée. On voit quelquefois la matière tuberculeuse constituer une tumeur irrégulière plus étendue en largeur et en longueur qu'en épaisseur, sans adhérence aucune avec le cerveau et s'enlever avec la pie-mère. Quelquefois on trouve des groupes de tubercules fortement pressés les uns contre les autres.

L'observation que Reil a publiée sous le titre de Scrophulœ encephali ( Memorabilia CUnie a, fasc. 11), est une des plus remarquables qui existe sous le point de vue du nombre des tubercules qui dépassaient deux cents: ces tubercules occupaient à la fois le cerveau et le cervelet, mais ils étaient beaucoup plus multipliés dans le premier de ces organes. Il y en avait au moins 5o chez un enfant dont le cerveau et le cervelet ont été présentés à la Société anatomique par M. Bell. Ces tubercules pisiformes dont un certain nombre était aggloméré à la manière de grains de raisin, co-existaient avec un certain nombre de tubercules, du volume d'une noix. La plupart occupaient la surface du cerveau et du cervelet; il y en avait un dans l'épaisseur de chaque couche optique. Un de ces tubercules, du volume et de la forme d'une bille de moyen calibre , occupait le lobule médian du cervelet, et faisait saillie dans le quatrième ventricule ; un autre également volumineux qui était logé dans la scissure de Sylvius, tenait à la pie-mère, et ne s'était pas enfoncé dans l'épaisseur du cerveau.

Les tubercules de l'encéphale coïncident le plus souvent avec la présence de tubercules dans d'autres parties du corps, sur-tout dans les poumons ou les ganglions mésentériques: ils peuvent cependant en être indépendants. Dans deux cas soumis à mon observation, les poumons et les ganglions mésentériques étaient parfaitement sains.

Des tubercules cérébraux, même très considérables, peuvent exister sans donner aucun indice de leur présence, et ce n'est qu'à l'apparition des symptômes d'encéphalite, d'arachni-tis ou d'hydrocéphale ventriculaire aigùe , que l'attention est appelée du côté de l'encéphale. D'autres fois un praticien exercé peut soupçonner leur présence à l'aide d'un ensemble de symptômes vagues, incohérents, intermittents, ou d'un symptôme qui appelle l'attention sur l'encéphale. Ainsi l'on voit les enfants devenir tristes, irritables, impatients, capricieux; les facultés intellectuelles semblent quelquefois exaltées, d'autres fois affaiblies, et même dans certains cas perverties: l'épilepsie, les convulsions, des vomissements fréquents, une céphalalgie intense ou légère, vague ou fixe, permanente ou intermittente; la surdité, l'amaurose, le strabisme , la paralysie partielle temporaire ou permanente, l'hémiplégie avec ou sans rigidité, la rigidité du tronc ou des membres; tels sont les symptômes qui ont été le plus habituellement observés. Mais un des caractères les plus importants,

c'est l'irrégularité, l'ataxie que l'on observe non-seulement dans les symptômes, niais encore dans la marche de la maladie. Ainsi il n'est pas rare de voir le retour apparent à une santé complète, succéder brusquement à un état qui donnait les plus vives inquiétudes; de même que l'on voit l'enfant passer subitement de la santé la plus florissante à un état désespéré. Dans presque tous les cas, les tubercules ne déterminent d'accidents que lorsque l'irritation qui les accompagne se propage à la substance cérébrale, ou lorsque par son accroissement la tumeur agit à la manière d'un corps étranger. Il n'est pas extrêmement rare de voir la mort survenir par une cause étrangère aux tubercules de l'encéphale: la lésion encéphalique n'est souvent révélée que par l'autopsie.

Si les tubercules de l'encéphale sont quelquefois primitifs, ils sont le plus souvent consécutifs : c'est ce qu'on observe dans les hôpitaux destinés aux enfants malades, où la formation des tubercules dans le cerveau succède presque toujours aux tubercules des poumons, des ganglions lymphatiques externes et internes.

Dans l'un et l'autre cas, l'art est réduit à une médecine purement symptomatique, qui consiste le plus souvent à combattre les phénomènes fluxionnaires dirigés sur le cerveau. Les évacuations sanguines doivent être modérées, et les dérivatifs, soit cutanés , soit intestinaux, employés avec mesure : la mort est presque inévitable, et le ramollissement de la substance cérébrale environnante en est la cause la plus habituelle. Peut-être cependant que si la source de la matière tuberculeuse venait à tarir, la résorption de celle déjà épanchée ne serait pas impossible.

Si l'étude superficielle des lésions morbides semble condamner l'art au rôle de simple spectateur, une fois que la lésion morbide est établie , l'étude approfondie de ces lésions apprend à ne désespérer jamais en faisant connaître les immenses ressources de la nature pour la restauration des désordres survenus dans l'organisation; et ces ressources sont quelquefois l'élimination de parties nuisibles, dans d'autres cas la substitution d'une partie à une autre : cette étude peut encore profiter à la thérapeutique en mettant sur la voie du travail morbide qui engendre telle ou telle altération. On conçoit combien il importe dans le traitement, d'avoir égard à l'état des autres organes et en particulier à cette diathèse tuberculeuse, que nous avons dit co-exister le plus habituellement avec les tubercules cérébraux.

La marche insidieuse de la maladie est bien dessinée dans l'observation suivante.

Coup reçu sur la tête. Au bout de six mois , hémiplégie apparente pendant quatre mois 3 Nouvelle hémiplégie. Mort. Deux tubercules dans la pie-mère cérébrale. Ramollissèment de toutes les parties centrales de Vhémisphère correspondant.

Je suis appelé en consultation auprès d'un petit garçon de 4 ans, parfaitement constitué, appartenant à une famille riche dont il faisait tout le bonheur: il avait été pris, la veille, d'une hémiphlégie droite, laquelle avait été précédée de beaucoup d'agitation: la commissure droite était abaissée, l'articulation des sons impossible. La paralysie était bornée au mouvement. Le sentiment avait conservé toute son intégrité et paraissait même exalté; irritabilité très grande, impatience , cris, strabisme. Pour commémoratifs, je recueillis que 4 mois auparavant, l'enfant avait été pris de mouvements convulsifs, suivis d'une hémiplégie qui n'avait été que momentanée et qui avait cédé à l'application de quelques sangsues; que jusque là sa santé n'avait pas donné la plus légère inquiétude; que, pendant les 4 mois intermédiaires, l'enfant n'avait pas paru aussi bien portant que par le passé ; qu'on avait remarqué des inégalités d'humeur qui ne lui étaient pas habituelles : que cependant ne voyant en lui aucune apparence de maladie, ses parents toujours prêts, d'ailleurs à s'alarmer, n'eurent pas l'idée de consulter sur son état.

Quinze jours avant l'apparition de l'hémiplégie, l'enfant s'était plaint dans la jambe droite d'une faiblesse qui le faisait chanceler dans la marche, et l'articulation tibio-tarsienne devint tuméfiée. Un empirique consulté avait considéré la chose comme une entorse, appliqué un bandage fortement serré, et prescrit le repos.

L'enfant avait fait une chute sur la tête 6 mois avant l'invasion des premiers accidents, 10 mois avant l'invasion des nouveaux. Mais le coup qu'il s'était donné parut trop léger pour en tenir compte et on ne fit rien.

xvme livraison. 2

Le traitement employé par le médecin ordinaire avait consisté dans des sangsues, des bains, deux vésicatoires aux cuisses , deux sinapismes.

Diagnostic. En rapprochant les commémoratifs de Fétat actuel, je crus à Pexistence d'un abcès enkysté du cerveau , suite du coup reçu 10 mois auparavant. Les accidents actuels, de même que ceux moins graves observés 4 mois auparavant, me parurent le résultat de l'inflammation des couches cérébrales adjacentes. L'entorse avait été le résultat de l'affaiblissement dè la jambe dont les ligaments actifs (les muscles) ne jouissant plus de leur contractilité n'avaient par conséquent pu s'opposer à la déviation du pied et à la distension des ligaments.

Une saignée'au bras fut pratiquée; une seconde eut lieu le surlendemain de la consultation. Une amélioration notable s'étant prononcée, je ne fus mandéquel5 joursaprès : le strabisme avait disparu. La face était naturelle ; la parole libre et même beaucoup plus facile qu'avant la maladie. L'intelligence avait pris un accroissement extraordinaire; la paralysie avait peut-être un peu diminué. L'irritabilité, l'impatience étaient excessives, sur-tout pendant les nuits qui étaient en général très agitées. La nuit qui précéda le jour où je vis l'enfant avait été très orageuse. U se plaignait des jambes , des bras, de tout le corps, et attribuait en grande partie ses douleurs à des vésicatoires appliqués la veille à la partie interne des cuisses.

La persistance des accidents, le tableau des commémoratifs, tout nous indiquait une lésion fort grave du cerveau (je penchais pour un abcès enkysté avec ramollissement tout autour): des frictions, des purgatifs, des demi-bains gélatineux , la suppression des vésicatoires aux cuisses qui seraient remplacés par un vésicatoire à la nuque et plus tard par un séton, tel fut le résultat de notre consultation.

Le surlendemain, après une nuit très agitée, l'enfant mourut sans agonie.

A Vouverture9 que je fis avec mon ami le docteur Vallerand, médecin ordinaire du malade, nous trouvâmes l'hémisphère gauche du cerveau (l'hémiplégie était à droite) déprimé, fluctuant, d'où je conclus que sa partie centrale était ramollie. Et en effet, cet hémisphère divisé par une section verticale, nous a présenté la presque totalité de sa substance médullaire convertie en une bouillie opaque, demi-transparente, parcourue par des vaisseaux et analogue au blanc-manger. Sur la partie latérale gauche de l'hémisphère, au niveau de la région temporale; masse tuberculeuse, blanc jaunâtre, à surface granulée naissant de la face profonde de la pie-mère et ayant acquis tout son développement du coté du cerveau. Une masse tuberculeuse , plus petite, existait au-dessus de la précédente. Les ventricules étaient parfaitement sains , ainsi que tous les organes contenus dans le thorax et l'abdomen.

18e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DES OVAIRES

Kistes Pileux.

18e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DES OVAIRES.

Kistes Pileux.

MALADIES DES OVAIRES.

Kystes pileux. (XVIIP livr., Pl. III, IV, V.)

EXPLICATION DES FIGURES.

Planche III. La fig. 1 représente un kyste pileux, RP, dont le siège est évidemment l'ovaire droit. Dans ce kyste est contenue une matière graisseuse jaunâtre, au milieu de laquelle se voient quelques poils : le kyste tient à l'utérus par la trompe U dont le pavillon P T répond à l'extrémité interne de ce kyste et par les artères ovariques A O, qui sont très flexueuses.

L'utérus U est remarquable par sa forme, par l'étranglement qu'il présente à la réunion du corps avec le col, par le phosphate calcaire qui pénètre tous les vaisseaux artériels si prodigieusement flexueux.

Il n'y a plus de museau de tanche, disposition extrêmement fréquente chez les vieilles femmes; beaucoup plus fréquente que l'alongement de ce col, généralement indiqué comme l'état normal : le petit pertuis O M T que présente le museau de tanche., se termine immédiatement en cul-de-sac, ainsi qu'on le voit fig. 2.

La fîg. 2 montre l'utérus ouvert. L'orifice vaginal du col utérin OMT était oblitéré : la cavité utérine dilatée contenait une mucosité sanguinolente. L'injection rouge que présente la face interne du corps de l'utérus s'observe souvent dans le cas d'oblitération du col et par suite de rétention du mucus utérin.

La fîg. 5 représente la masse de poils qui était contenue dans le kyste KP, fig. 1, au milieu d'une matière graisseuse dont il a été facile de la débarrasser à l'aide de l'immersion dans l'huile essentielle de térébenthine. Ges poils ont une éouleur châtain fonce'.

La fig. 4 représente le fragment le plus intéressant des parois du kyste qui sont fibreuses, et de la face interne desquelles naissent çà et là quelques poils de même couleur que ceux qui sont contenus au milieu de la matière graisseuse. Ce fragment présente 1° une plaque osseuse PO, 2° une petite tumeur pédiculée TC criblée le trous, et de laquelle naissent des poils. Cette petite tumeur examinée avec le plus grand soin m'a présenté tous les caractères du tissu cutané. Dans l'épaisseur de cette petite tumeur était un noyau osseux amorphe; mais nulle part je n'ai trouvé de traces de dents.

Fig. V. La fig. 5 représente un double kyste pileux (1) observé chez une femme morte un mois après l'accouchement. L'utérus offre encore un développement considérable; le ligament rond droit LR, est également très volumineux.

Des deux kystes KP, R P, le postérieur plus considérable fait suite au ligament ovarique LO, et con-séquement est formé, suivant toutes les probabilités, aux dépens de l'ovaire.

Le kyste antérieur, très petit, fait suite à la trompe et paraît formé aux dépens du pavillon de cette trompe. Ce kyste ne contient rien autre chose que des poils enchevêtrés au milieu d'une matière adipeuse

Les parois de ce kyste sont formées par un tissu fibreux dans lequel sont implantés par une de leurs extrémités un grand nombre de poils.

Le grand kyste qui a été débarrassé de la matière grasse qu'il contenait, présente une bridefibreuse que soulève une sonde. De l'une des extrémités de cette bride naissent deux dents qu'il m'a été facile de reconnaître pour une dent incisive et une dent canine. Toutes deux sont implantées dans un os contenu dans l'épaisseur des parois du kyste et dont la forme est représentée fig. 6. La fig. 7 montre que les deux dents étaient soudées, que la racine de la dent canine très développée était seule reçue dans l'alvéole A.

La fig. 8 représente les deux dents sous une autre face.

Planche IV. La fig. 1 représente un kyste pileux ovarique (je n'ai pas noté de quel côté) très volumineux : on voit la masse adipeuse et pileuse MP, des plaques ossifiées PO,PO, une bride fibreuse B, à l'extrémité postérieure de laquelle se voient deux dents , une canine D G, une molaire DM, qui appartiennent bien évidemment à la première dentition : l'une et l'autre dent sont supportées par un os percé d'un trou DO; cet os était enveloppé de tissu fibreux. La fig. 2 et la fig. 3 représentent les deux dents et l'os qui les soutient. Il est probable que cet os est le débris d'un os maxillaire supérieur. Le trou DO pourrait bien représenter le trou sous-orbitaire.

(i) Pièce pathologique donnée par M. Gaffe, membre de la Société anatomique.

xviiie livraison. 1

Fig. 2. Elle représente un kyste pileux R accolé à l'utérus. La pièce avait été détachée sans aucun soin, en sorte que je n'ai pas pu déterminer aux dépens de quelle partie le kyste était formé; mais il est probable que c'était aux dépens de l'ovaire. Un kyste pileux à parois très épaisses RO, existait de l'autre côté.

Dans l'intérieur du kyste se voit une bride fibreuse B, à l'une des extrémités de laquelle sont deux dents que j'ai reconnues pour être une incisive et une canine. A côté de ces deux dents et de la bride se voit un tissu criblé de trous qui est bien évidemment un fragment de peau.

La fig. 5 représente la portion osseuse qui soutient les dents : il est probable que cette portion osseuse appartenait à l'os maxillaire supérieur ; l'échancrure DO paraît être le trou sous-orbitaire. Les deux dents sont appliquées l'une au-devant de l'autre et soudées dans cette position.

La fig. 6 représente des kystes qui tenaient à l'ovaire gauche OG. De ces deux kystes qui n'avaient aucune communication entre eux, l'un contenait une masse pileuse M P, l'autre ne contenait qu'une matière grasse sans poils. Dans l'épaisseur de la cloison intermédiaire se voyait une masse informe de dents soudées entre elles et soutenues par quelques fragments osseux; ces dents faisaient saillie dans le kyste pileux.

Planche V. Elle représente un kyste pileux ovarique du côté gauche, que je dois à l'obligeance accoutumée de M. Blandin. Ce kyste qui était du volume de la tête d'un enfant d'un an a été trouvé chez une femme morte à l'Hôpital Beaujon en 1831, par suite d'un ramollissement de l'estomac, et sur laquelle on n'a pu se procurer aucun renseignement.

La tumeur qui occupait le fond de l'excavation pelvienne avait déjeté en avant l'utérus et comprimait tous les organes contenus dans l'excavation. Cette tumeur était un kyste rempli par une matière grasse de la couleur et de la consistance du beurre fondu, entourant de toutes parts un peloton de poils qu'on a débarrassés de la matière grasse à l'aide de l'alcool.

Cette masse pileuse MP, fig. 1, ovoïde, qui était formée par des cheveux intriqués et comme feutrés, d'un roux cendré, mais d'une longueur extraordinaire, tenait aux parois du kyste à l'aide d'une mèche bien peignée dont la couleur était d'un châtain foncé.

La partie du kyste d'où naît la mèche TC, TC, et le voisinage de ce point, présentent une disposition tout-à-fait étrangère au reste des parois, 1° elle est convexe et forme deux tumeurs TC, TC , séparées l'une de l'autre par un sillon vertical; 2° elle est criblée de trous; 5° une partie de cette surface est dégarnie de poils; mais sur la partie qui en est pourvue, on les voit sortir du fond de ces trous ou pores. Il ne m'a pas été difficile de reconnaître l'aspect du tissu cutané décrit fîg. 4, pl. III. En outre celle des tumeurs TC, qui est plus à droite, est bifurquéeà son extrémité inférieure et présente deux petits étuis cornés SC,SC, qui revêtent les extrémités de cette bifurcation : à gauche de la mèche est la bride B, sur laquelle se prolonge le tissu cutané.

Dans l'épaisseur des parois du kyste, se voit enO, un tissu aréolaire contenant une matière gélatineuse.

Cette disposition rappelle celle d'un grand nombre de kystes ovariques uniloculaires qui présentent sur l'un des points de leurs parois l'ovaire aplati et transformé en tissu aréolaire.

La fig. 2 représente la bride B et la mèche de cheveux C, vues sous un autre aspect. On aperçoit deux dents dont l'une est à découvert et l'autre est enveloppée par le tissu cutané jusqu'à son extrémité libre qui seule déborde et qui est pointue.

La fig. 3 représente, disséquée ,1a partie delà tumeur d'où naissait la mèche de cheveux, le kyste étant dans la même position que dans la fîg. 1. Une incision longitudinale pratiquée à côté de la mèche , a démontré 1° que la peau était doublée par une couche assez épaisse de tissu adipeux; qu'au milieu de ce tissu adipeux était une charpente osseuse DO, DO, de forme fort irrégulière, dont toutes les parties sont continues et soudées entre elles, et au milieu de laquelle il est impossible de déterminer non-seulement un os , mais encore la plus petite partie d'un os.

La substance cornée S C , S C, emboîte une petite avance osseuse.

La fig. 4 représente le petit squelette vu sous un autre point de vue, La position a été choisie de manière à mettre en évidence les deux dents déjà mentionnées. De ces dents, l'une est une molaire DM, l'autre est une canine DC; c'est celte dernière qui était enveloppée par le tissu cutané : les dents étaient implantées dans deux alvéoles bien distinctes qui paraissent avoir appartenu au maxillaire supérieur.

Considérations sur les kystes pileux en général, et sur ceux des ovaires en particulier (i).

Les kystes pileux sont incomparablement plus fréquents dans les ovaires que dans toutes les autres parties du corps réunies. Après l'ovaire, c'est dans le tissu cellulaire sous-cutané qu'ils ont été le plus souvent observés.

(i) Voyez le Mémoire de Mecltel, qui a réuni la plupart des faits connus sur ce sujet {Journal complémentaire, tom. 4).

18e. Livraison. Pl. 5.

MALADIES DES OVAIRES

Kistes pileux.

Aux faits de kystes sous-cutanés déjà connus et dont j'ai consigné ailleurs plusieurs exemples (voyez Essai sur VAnat.pathol., tom. II, p. 186), j'ajouterai le suivant : une petite fille , âgée de 9 ans, portait, sur la partie moyenne du nez une croûte du volume de la tête d'une épingle à friser ; j'enlève cette croûte ; je porte un stylet dans le pertuis qu'elle eache : quel n'est pas mon étonnement de voir l'instrument pénétrer à un pouce et demi de profondeur, et se diriger d'abord sous la peau, puis plus profondément du côté des sinus frontaux. Une pression exercée de haut en bas , détermine la sortie de plusieurs poils noirs de 6 lignes de longueur. Comme je manifestais ma surprise , les parents me dirent que souvent pareil phénomène avait eu lieu; qu'il leur était même arrivé parfois d'entraîner de petites masses de poils qui se présentaient à l'ouverture fistule use. Du reste, je m'assurai par une injection qu'il n'existait aucune communication entre ce trajet fistuleux et les fosses nasales. Avant d'en venir à l'incision de la partie sous-cutanée du trajet fistuleux, je conseillai une injection irritante pour dénaturer les parois du foyer et obtenir plus tard leur recollement. Je n'ai pas revu la petite malade qui habitait dans un département voisin, et j'ai lieu de croire qu'elle a été guérie parle seul fait de l'injection.

L'analyse de tous les cas authentiques de pili-mixtion consignés dans les auteurs , conduit à cette conséquence, que tous ces cas doivent être rapportés à l'ouverture d'un kyste ovarique dans l'intérieur de la vessie. On conçoit cependant, à la rigueur, l'introduction directe d'une mèche de cheveux dans la vessie par le canal de l'urèthre, surtout chez les femmes. Les poils rendus par l'anus, ceux trouvés dans les voies digestives et les intestins en particulier, peuvent, dans quelques circonstances, être arrivés dans ces organes par la même voie; le plus souvent ils ont été ingérés par la bouche.

Ordinairement uniques, les kystes pileux des ovaires sont quelquefois doubles et juxta-posés, l'un plus grand, l'autre plus petit. Quelquefois le même ovaire présente un kyste pileux et un kyste ou deux remplis de matière grasse , mais non pileux.

Le volume des kystes pileux ovariques présente beaucoup de variétés. A côté de ces cas dans lesquels l'ovaire énormément dilaté, égalait en volume la tête d'un adulte, nous en trouvons d'autres dans lesquels il ne dépassait pas celui d'un œuf de poule , d'un œuf de pigeon et même d'un ovaire ordinaire.Tout récemment, en incisant un ovaire qui présentait , à peu de chose près , son volume ordinaire, mais dont la mollesse inaccoutumée et la consistance pâteuse éveillèrent mon attention, je fus étrangement surpris de voir qu'il était converti en un kyste pileux.

On rencontre constamment dans les kystes pileux des ovaires, en même temps que des poils, une matière grasse semblable pour la consistance et l'aspect à de l'axonge, au milieu de laquelle les poils sont enchevêtrés. Cette matière grasse, ordinairement inodore, peut subir une sorte de décomposition putride et devenir brunâtre et fétide. Cette altération qui peut n'être que partielle paraît tenir , non à la matière grasse elle-même, mais à une sécrétion morbide , fournie par les parois du kyste qui sont quelquefois le siège d'un travail de suppuration et d'élimination.

Les poils sont adhérents ou libres. Les poils libres sont disséminés au milieu de la matière grasse à la manière de la bourre dans du mortier. Les poils adhérents tiennent au kyste : i° par une de leurs extrémités, ce cas est le plus rare; i° par un des points de leur longueur. Les premiers sont pourvus d'un bulbe pileux ; les seconds en sont dépourvus

Dans ce dernier cas, les poils peuvent être maintenus, i° à l'aide d'un anneau on d'un cylindre fibreux, dans lequel ils sont libres et glissent avec la plus grande facilité; i° dans une plus ou moins grande partie de leur longueur, à l'aide d'une couche très ténue et comme transparente, formée par les parois du kyste. Il n'est même pas rare de voir des poils très courts contenus en entier dans l'épaisseur de ces parois. Les poils sont quelquefois adhérents aux parois du kyste à l'aide de plaques crétacées qui les retiennent immobiles ; et dans cette dernière circonstance , ils sont presque toujours réunis , groupés en plus ou moins grand nombre.

Il est facile de confondre l'adhérence par plaques crétacées des poils dans un des points de leur longueur, avec l'implantation de ces mêmes poils par une de leurs extrémités. Le ramollissement par l'acide nitrique, et même la simple inspection de ces plaques qui permet de suivre les poils à leur surface et dans leur épaisseur, ou enfin le brisement de ces mêmes plaques permettra d'éviter toute espèce d'erreur à cet égard.

La couleur des poils enkystés est en général rousse, blonde : il n'est pas rare cependant d'en voir d'une couleur châtain clair on foncé, et même noire. Le même poil peut affecter diverses nuances de coloration dans les différents points de sa longueur.

Les poils présentent de très grandes différences de longueur, depuis quelques lignes jusqu'à plusieurs pieds. Il en est qui ne le cèdent pas aux cheveux les plus longs.

En général, les poils des kystes pileux ont beaucoup plus de rapports avec les cheveux qu'avec les poils proprement dits : je ne les ai jamais vus crépus et frisés , comme ceux des pubis, par exemple ; ce qui réfute l'opinion de Bauhin , qui ayant noté des poils blancs fixés à la tunique interne d'un kyste de l'ovaire chez une femme dont le pubis en était dépourvu, crut que la présence de ces poils était le fait d'une transposition.

Pour débarrasser les poils de la matière grasse, au milieu de laquelle ils sont disséminés, il suffit de plonger la masse enkystée dans l'huile essentielle de térébenthine. Alors les poils se présentent sous l'aspect d'un feutre assez analogue, sauf la consistance, à ces boules de poils connues sous le nom d'égagropiles.

Les parois des kystes pileux sont très denses, épaisses, et peuvent généralement être divisées en plusieurs lames superposées. Leur structure est fibreuse, leur surface interne est quelquefois lisse, et le plus souvent inégale , rugueuse, parsemée de plaques cartilagineuses et crétacées. À cette surface interne sont attachés un plus ou moins grand nombre de poils, tantôt isolés, tantôt groupés en petites mèches. Il est rare de trouver des kystes pileux sans quelques poils adhérents.

Ces kystes sont quelquefois altérés dans leur organisation , et alors tantôt ils sont usés par un travail d'élimination , tantôt ils sont le siège d'une altération stéatomateuse analogue à celle que subissent les parois artérielles et les poches des anévrysmes.

Le plus grand nombre des kystes pileux ovariques ne renferment que des poils. Il eu est d'autres qui contiennent des dents en même temps que des poils. Je ne connais pas d'exemple authentique de kyste ovarique avec dents qui fût dépourvu de poils.

Dans tous les cas soumis à mon observation, les dents ressemblaient exactement à celles de la première dentition ; leur couronne libre proéminait dans l'intérieur du kyste ; leurs racines parfaitement développées, quelquefois infléchies, ou contournées, ou soudées entre elles, étaient contenues dans des alvéoles; les alvéoles étaient supportées par un fragment osseux plus ou moins considérable , caché dans l'épaisseur des parois du kyste; et ce fragment osseux, m'a paru, dans quelques cas, appartenir à l'os maxillaire supérieur. Il existe quelques exemples où des dents semblables à celles de la deuxième dentition, existaient en même temps que des dents semblables à celles de la première : tel est le cas rapporté par Anderson. Deux dents de lait étaient libres dans la cavité du kyste, tandis qu'une troisième dent, semblable aux dents permanentes, adhérait aux parois. On trouve dans les kystes pileux les trois espèces de dents. Lorsqu'il n'y a que deux dents , ce sont toujours deux dents voisines, telles qu'une incisive et une canine , une canine et une molaire.

Le nombre des dents trouvées dans les kystes pileux varie beaucoup. Le plus souvent elles sont au nombre de deux, quelquefois l'on n'en rencontre qu'une seule; il en existe d'autres fois trois, cinq , six, et même bien davantage.

Cleghorn , cité par Meckel, a trouvé 44 dents, dont plusieurs étaient des dents de lait et d'autres des dents permanentes. Enfin Ploucquet et Autenrieth parlent d'une jeune femme de 11 ans, stérile, dont l'ovaire, qui pesait plus de 20 livres, renfermait 3oo dents, outre une multitude d'os informes^ dentelés et disséminés, les uns dans des

noyaux cartilagineux, les autres dans des membranes vasculaires. J'avoue qu'il faut toute l'autorité de ces observateurs pour que je ne rejette pas un fait aussi extraordinaire, que je crois devoir reléguer provisoirement parmi ces observations douteuses, qui ont besoin d'être vérifiées par d'autres observateurs.

La présence des dents suppose toujours la présence d'un os d'implantation ; cet os d'implantation est ordinairement tellement déformé, qu'il est bien difficile d'y reconnaître un fragment d'os maxillaire. Je n'ai jamais rencontré une portion de squelette aussi considérable que dans le cas représenté pl. V; mais au milieu de cette masse osseuse dont toutes les parties étaient soudées entre elles, il m'a été impossible de déterminer un seul os.

Le fait représenté pl. V , prouve qu'indépendamment des poils, des dents et des os, on peut rencontrer des ongles, et par conséquent toutes les productions cornées ou calcaires de l'espèce humaine L'anatomie pathologique comparée a permis de voir que les kystes analogues observés chez les animaux, contiennent de la laine chez la brebis, des plumes chez les oiseaux, de la bourre chez le bœuf.

Tous les kystes pileux pourvus de dents m'ont présenté une bride fort remarquable, à l'une des extrémités de laquelle répondent les dents et les os d'implantation. Cette bride n'existait dans aucun des cas de kyste simplement pileux que j'ai observés.

Dans un certain nombre de kystes pileux pourvus de dents, j'ai trouvé la surface interne du kyste formée dans un espace limité par un tissu cutané parfaitement distinct. Dans un cas, le tissu cutané formait une sorte de tumeur pédiculée.

Dans le cas représenté planche IV, le tissu cutané tapissait une surface assez étendue du kyste ; il était doublé par du tissu adipeux et recouvrait le squelette.

La peau des kystes pileux est remarquable par le développement de trous ou pores, desquels on voit naître les poils. Le cuir chevelu est la seule partie de la peau où cette disposition soit aussi prononcée : par-tout où existe du tissu cutané, les poils sont implantés par une de leurs extrémités et pourvus de bulbes piïifères.

La présence du tissu cutané dans plusieurs kystes pileux étant une fois démontrée, celle des poils n'a rien qui doive nous surprendre ; et bien que le plus grand nombre des kystes pileux soit dépourvu de tissu cutané, n'est-on pas en droit de conclure, par analogie, que ce tissu cutané a existé, mais qu'il a été transformé en tissu fibreux par suite du développement de la tumeur ?

La présence constante d'une matière grasse à laquelle on pourrait trouver quelque analogie avec l'enduit qui recouvre le corps du fœtus, ne serait-elle pas le produit de la sécrétion des follicules ou cryptes de la peau ? Cette opinion pourrait être soutenue à quelques égards.

Considérés sous le point de vue clinique , les kystes pileux ovariques peuvent rester stationnaires pendant trente, quarante ans , sans manifester leur présence : et à l'exception des cas où par leur volume considérable ils ont fixé l'attention du médecin et de la malade, c'est presque toujours le hasard qui les a fait découvrir chez des femmes qui, pendant leur vie, n'avaient accusé ni gêne ni douleur du côté de ces organes.

Lorsque les kystes sont volumineux, ils peuvent exercer sur les organes environnants une compression qui entrave plus ou moins leurs fonctions, mais d'une manière purement mécanique.

Les parois du kyste peuvent être le siège d'un travail inflammatoire : des adhérences peuvent s'établir entre elles et les parties environnantes; et, suivant q ne l'adhérence aura lieu avec le rectum, avec la vessie, avec le vagin , avec l'utérus, ces kytes s'ouvrir dans l'une ou dans l'autre de ces cavités , ou bien se faire jour à l'extérieur, si la tumeur s'est dirigée du côté des parois abdominales. Alors seulement l'art pourra intervenir pour faciliter la sortie des parties contenues dans la poche et obtenir l'adhésion des parois.

Comment expliquer la formation des kystes pileux ?

Dans l'état sain , les poils sont une production épidermique , exclusivement propre au tissu cutané. Les petits poils trouvés à l'origine des muqueuses, telles que sur la caroncule lacrymale, à la face interne des grandes lèvres, n'infirment pas cette règle générale. xvine livraison. 2

Or, dans les kystes pileux, tantôt les poils sont implantés dans un tissu cutané qui tapisse la poche, tantôt libres, ils se trouvent mêlés à une matière grasse et dépourvus de bulbes. Dirons-nous que les poils se sont formés de toute pièce au milieu de cette matière grasse ? N'est-il pas plus rationnel d'admettre, que les poils libres ont été produits par un tissu cutané, lequel aura été détruit ou plutôt transformé en tissu fibreux , par suite du travail morbide qui a lieu incessamment dans ces poches accidentelles.

La production des poils dans les kystes pileux pourrait donc s'expliquer par la présence d'un tissu cutané de nouvelle formation. Les kystes pileux sous-cutanés viennent à l'appui de cette manière de voir. Dans ces kystes, c'est la peau qui se prolonge pour tapisser la poche ou si l'on veut la présence des poils est due à des bulbes de plus retournés dont le fond regarde la surface de la peau, et l'orifice le tissu cellulaire sous-cutané. Resterait maintenant la question de savoir si un tissu aussi composé que celui de la peau peut se former accidentellement avec toutes ses dépendances, cryptes et bulbes pileux. Resterait à concilier ce fait avec la simplicité de structure des cicatrices cutanées qui ne présentent qu'une peau imparfaite toujours dépourvue de cet ordre d'appendices. Mais comment avec cette théorie se rendre compte ; i° de la présence des dents , i° de la présence des os dans les kystes ovariques et de ce squelette osseux si compliqué , représenté pl. V»

La production des dents, suppose la présence de bulbes dentaires. Ces dents sont maintenues dans des alvéoles: ces alvéoles sont soutennes par des débris osseux. Les débris osseux varient, le nombre des dents varie ; ces dents ressemblent si exactement à des dents de première dentition extraites de la mâchoire d'un enfant nouveau-né, qu'il serait impossible de les distinguer les unes des autres. Admettrons-nous que des fragments d'os maxillaires, que des dents soient une production accidentelle qui puisse naître de la surface interne d'un kyste fibreux, à la manière d'une végétation fibreuse ou autre. Une pareille interprétation répugnerait à toutes les lois qui président aux transformations organiques, lesquelles ne dépassent pas le cercle des tissus celluleux, fibreux, cartilagineux et osseux. Jamais un nerf, un muscle , et à plus forte raison un bulbe dentaire ne se produisent de toute pièce.

Les conceptions extra-utérines me paraissent seules répondre pleinement à tous les faits connus à cet égard, bien entendu que je fais ici abstraction des kystes pileux sous-cutanés, et voici comment je pense que les choses doivent se passer :une conception extra-utériné a lieu ; une adhérence s'établit dans les premiers temps de la conception entre les parois du kyste et l'embryon. Cette adhérence qui suppose un grand désordre est accompagnée de la destruction plus ou moins complète de l'embryon lui-même; or, tantôt il ne reste de l'embryon que la peau qui entre dans la structure des parois du kyste et qui se transforme bientôt plus ou moins complètement elle-même en tissu fibreux, et alors le kyste est simplement pileux, tantôt une portion plus ou moins considérable de la peau, quelques portions de mâchoires, ou d'autres portions du squelette ont échappé à la destruction et alors on trouve des dents, des parties osseuses du tissu cellulaire, sous-cutané, des ongles.

Cette explication rend parfaitement compte des kystes pileux qui occupent les ovaires, les trompes, l'épaisseur des parois de l'utérus, la cavité abdominale chez les femmes en âge d'avoir des enfants. Mais elle est un défaut chez les jeunes filles pubères et chez les hommes: elle ne saurait non plus s'appliquer aux cas où le kyste pileux occupe l'épaisseur du foie, de l'épiploon ; alors on est obligé d'admettre que le kyste pileux est le débris d'un fœtus contemporain de l'individu qui le porte ; et les mêmes arguments qui établissent la pénétration d'un germe par un autre dans le cas de présence congéniale d'un fœtus plus ou moins complet dans l'intérieur d'un autre individu, sont applicables aux kystes pileux.

Meckel pense que les kystes pileux peuvent être le résultat d'une excitation contre nature des organes génitaux, indépendante de la copulation, ou d'une conception incomplète : lucina sine concubitu, qu'ils constituent une ébauche bien imparfaite d'un organisme nouveau : cette théorie ingénieuse est purement hypothétique, et ne repose sur aucun fait positif.

18ème. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DES OVAIRE S

Foetus Pétrifié

MALADIES DES OVAIRES

(XVIIIe livr., pl. VI. )

Kyste ovarique (présumé) contenant un fœtus encroûté de phosphate calcaire et momifié, chez une femme de 77 ans, morte 47 ans après une grossesse extra-utérine.

Je dois à l'obligeance de mon ve'ne'rable collègue le professeur Laliemand, chirurgien en chef de la Salpêtrière, le fœtus momifié et encroûté de phosphate calcaire, représenté Pl.VI, 18e livraison. Ce fœtus a été trouvé chez une vieille femme morte à l'âge de 77 ans , qui le portait depuis sa 35e année.

Voici l'histoire de cette malade, telle qu'elle est consignée dans la dissertation inaugurale de M. le docteur Daynac , ancien élève interne de la Salpêtrière (1).

Madame Lemiro, âgée de 77 ans, reçue comme indigente à la Salpêtrière, fut transportée à l'infirmerie, le 13 août 1823 t pour un étranglement de hernie qui nécessita l'opération; mariée deux fois elle eut d'un premier mari deux enfans dont elle accoucha fort heureusement. Elle eut de son second mari un premier enfant qui vint à bon port. Quelque temps après (elle était pour lors âgée de 35 à 36 ans ), elle éprouva tous les symptômes d'une seconde grossesse. Comme elle ressentait des douleurs assez vives dans la région hypogastrique et qu'elle croyait y reconnaître la présence d'un corps étranger, elle consulta une sage-femme qui la rassura en lui disant que ces symptômes étaient communs à la plupart des femmes grosses. Du 4e au 5e mois de cette grossesse présumée , les douleurs furent plus vives et les mouvements eurent lieu dans ce qu'elle appelait le corps étranger. Un accoucheur consulté dissipa ses inquiétudes. Cependant les douleurs et les mouvements furent plus violents jusqu'à la fin du sixième mois ; mais à dater de cette époque tous les symptômes disparurent, l'abdomen s'affaissa, les règles se manifestèrent ; la malade eut depuis deux enfants et jouit de la meilleure santé. Seulement elle éprouva toute la vie la sensation d'un corps lourd dans l'abdomen.

L'opération delà hernie ayant eu une issue malheureuse, on trouva à l'autopsie le fœtus représenté planche VI,contenu dans un kyste cartilagineux. D'après M. Daynac, ce fœtus était contenu , à l'extrémité de la trompe droite : une masse comme plâtreuse, du volume du poing, se voyait vers le milieu de la trompe, entre le fœtus et la matrice. L'ovaire de ce côté avait contracté des adhérences avec la tête de Venfant. Du reste, la matrice ainsi que l'ovaire et la trompe du côté gauche étaient dans l'état naturel, ce qui explique la possibilité des deux grossesses postérieures.

EXPLICATION DES FIGURES.

Les figures 1 et 2 représentent le fœtus momifié sous deux aspects qui donnent l'idée la plus exacte de sa forme et de sa situation. Son attitude est celle du fœtus dans la cavité utérine; le sexe n'a pas pu être déterminé. Il n'y avait pas vestige du cordon ombilical : toute la surface du corps, dont les diverses parties sont parfaitement distinctes, est recouverte d'une croûte calcaire qui présente çà et là des pertes de substance plus ou moins considérables. Sous cette croûte calcaire épaisse, très compacte, très fragile et qui ne présentait aucune trace d'organisation, se voyait un fœtus desséché, momifié, comme s'il avait été soumis à l'action d'une température assez élevée pour absorber toute l'humidité, mais point assez pour altérer sa consistance et sa couleur.

Aux membres, la peau distincte recouvrait des muscles distincts, au centre desquels se voyaient les os. Dans les cavités splanchniques il était facile de reconnaître des vestiges de tous les viscères.

La coupe verticale et antéro-postérieure du fœtus représenté fig. 3 permet d'embrasser d'un coup d'œil l'ensemble de tous les organes.

Ainsi, au crâne, on voit les téguments du crâne (n°l), bien distincts des os du crâne et ceux-ci bien distincts de la dure-mère représentée parle n° 3 ; la faux du cerveau n° 2, la tente, la coupe du sinus

(1) Dissertation delà grossesse extra-utérine. (Avril 1825.)

XVIIIe LIVRAISON. 1

latéral n° 5 ; les fosses de la base du crâue , les cornets et les méats des fosses .nasales n° 9. Dans le crâne e'tait une matière sèche, friable, divisée en fragments qui se morcelaient eux-mêmes avec la plus grande facilité, et présentaient une cassure brillante à la manière des calculs biliaires. Quelques fragments ont été représentés fig. 4, 4' et 5 ; ils étaient évidemment formés aux dépens de la masse encéphalique desséchée.

La coupe delà colonne vertébrale présente le corps des vertèbres nos 11, 11, il, des fragments desséchés de moelle n° 12, contenus dans la gaine fibreuse formée par la dure-mère.

La partie supérieure de la colonne vertébrale est très fortement recourbée sur elle-même.

Au tronc, on distingue la cavité thoracique delà cavité abdominale à l'aide du diaphragme n° 16 , qui est conservé. La cavité thoracique est très déformée, à cause de la courbure de la colonne vertébrale. Il est difficile de reconnaître le cœur réduit à une lame mince et les poumons également lamelleux. Le n° 14 représente les diverses pièces du sternum.

Dans la cavité abdominale se voient, 1° le foie qui est desséché et converti en une masse celluleuse, 2° les coupes du canal intestinal qui ayant été divisé par la scie, soit perpendiculairement, soit obliquement , soit enfin parallèlement à son axe, donne à la cavité abdominale Faspect de compartiments bien distincts. Les nos 25 et 26 représentent la coupe de la jambe. On voit le tibia et le péroné au centre des parties molles desséchées.

Considérations générales sur les fœtus encroûtés de phosphate calcaire et momifiés.

Les grossesses extrà-utérines ovariques ou autres, présentent quatre terminaisons bien distinctes: i° la terminaison par la mort, par suite de la rupture du kyste, qui peut avoir lieu à une époque plus ou moins avancée de la grossesse, mais qu'on observe ordinairement du 3e au 4e mois. Dans ce cas, la mort est presque toujours produite par hémorrhagie : elle est subite lorsque l'hémorrhagie est considérable, lente lorsque l'hémorrhagie se fait d'une manière graduelle. Dans un cas que j'ai observé à l'hôpital de la Maternité avec MM. Paul Dubois et Moreau, la mort a été la suite d'une péritonite chronique : le fœtus à terme était contenu dans la cavité du péritoine, au milieu d'une grande quantité de pus; il tenait, à l'aide du cordon ombilical, à une tumeur sphéroïdale, volumineuse, formée par un kyste ovarique renversé, et dont la couche extérieure était constituée par le placenta. Dans ce cas, une grossesse ovarique étant parvenue à une période avancée, le kyste , les membranes de l'œuf s'étaient ouvertes sans hémorrhagie, le fœtus avait pénétré dans la cavité abdominale où il avait continué à vivre pendant un temps assez long au milieu du pus dont sa présence avait provoqué la sécrétion, le péritoine était revêtu par une pseudo-membrane épaisse et très dense.

i° Dans d'autres cas, le fœtus devient adhérent aux parois du kyste ovarique ou tubaire, et il en résulte des kystes pileux que nous avons vu présenter des débris plus ou moins considérables de fœtus (voyez XVIIIe liv., pl. 3,4, 5).Cette terminaison qui est fréquente, et qui s'accompagne de la destruction plus ou moins complète du fœtus, ne me paraît possible que dans les premiers temps de la conception.

3° Dans une 3e terminaison, le fœtus mort agit à la manière d'un corps étranger et provoque, au milieu d'accidents plus ou moins graves et souvent mortels, une inflammation qui a pour objet l'élimination des débris du fœtus à travers les parois de l'abdomen, la vessie, le rectum, etc.

4° Une 4e terminaison consiste dans la momification du fœtus qui, contenu dans un kyste inerte, séjourne jusqu'à la mort de l'individu sans donner signe de sa présence.

Les cas de fœtus momifiés qui ont séjourné plus ou moins long-temps dans l'utérus sont rares. Mais le petit nombre de ceux que nous possédons (et j'ai pu en trouver une douzaine dans les divers recueils) sont tellement identiques, qu'ils sembleraient n'être que la même observation présentée sous diverses formes. Dans toutes ces observations, les femmes, après avoir éprouvé tous les symptômes d'une vraie grossesse , ont été prises , au terme ordinaire, de tous les symptômes précurseurs d'un accouchement prochain. Les

douleurs se sont dissipées au bout d'un temps plus ou moins long, et souvent après s'être reproduites plusieurs fois à des intervalles plus ou moins considérables. La tumeur a diminué progressivement de volume : de molle qu'elle était d'abord, elle est devenue d'une dureté pierreuse , et est restée indolente et stationnaire jusqu'à l'époque de la mort à laquelle la présence du fœtus n'a pris aucune part. Dans un cas observé à Leinzel en Souabe, en 1720, de même que dans le cas que j'ai rapporté , la malade devint grosse et accoucha heureusement deux fois malgré la présence d'un kyste contenant un fœtus pétrifié. La malade assurait qu'elle était toujours demeurée grosse de son premier enfant.

Le siège précis des kystes contenant des fœtus pétrifiés, n'est pas en général exposé avec des détails assez circonstanciés pour qu'on puisse l'établir d'une matière positive. Mais l'analogie nous dit assez que ce siège doit être celui de toutes les grossesses extrà-utérines. Ainsi, les fœtus momifiés doivent résider le plus habituellement dans les ovaires, d'autres fois dans les trompes, dans la portion des trompes qui traverse les parois de l'utérus, dans la cavité du péritoine,

Le fœtus pétrifié de Sens (1) dont Albosius nous a tracé l'histoire, a été trouvé sur une femme de 70 ans qui paraissait grosse depuis 18 au s. L'observateur dit que le fœtus était contenu dans la cavité de la matrice. Mais, à l'époque où écrivait cet auteur, l'anatomie n'était pas assez cultivée pour qu'il ne soit pas permis d'élever des doutes à ce sujet.

C'est dans l'utérus qu'on fixe le siège du fœtus momifié dans l'observation suivante, d'ailleurs très détaillée fi).

Une femme devient enceinte deux ans après un 1er accouchement. A dater du milieu de la grossesse f les mouvements du fœtus devinrent repétés mais très faibles : la malade avait en outre la sensation d'un corps grave qui changeait de place, suivant les attitudes.

Au onzième mois de sa grossesse présumée survinrent des douleurs, mais légères, courtes et séparées par de longs intervalles. Mùhlbeek appelé, ne trouvant aucun indice de travail, prescrivit le repos. Les douleurs cessèrent. La malade vécut encore 14 ans et demi, alerte, vaquant à toutes les occupations domestiques et n'éprouvant aucune douleur : les menstrues n'avaient pas reparu. Elle succomba à une fièvre putride en 1786, à l'âge de 46 ans.

A V ouverture, on trouva Y utérus dans la cavité du bassin entre la vessie et le rectum : il est assez volumineux , très dur, comme ridé et moulé sur le corps du fœtus, il avait quatre lignes d'épaisseur. Gene-ratim ovaria tubœ Fallopianœ discerni non poterant, ità omnia corrugata erant.

Point de vestiges de placenta. Le tissu de l'utérus et les membranes de l'œuf (le kyste) étaient tellement confondus entre eux et avec les téguments du fœtus, qu'on découvrit avec peine trois pieds, et deux bras dans ee fœtus. Les téguments, les muscles, tous les membres, en un mot toutes les parties extérieures étaient ossifiés, la tête qui était monstrueuse et déformée, ne présentait aucun vestige des yeux, des oreilles, du nez, de la bouche : point de cerveau, de cervelet, ni de moelle; la langue pouvait être reconnue. Point de vestige de cavité thoracique. Le cœur situé au-devant de l'épine diversement infléchie était contenu dans une petite boîte osseuse. La cavité abdominale était remplie par les viscères, au milieu desquels l'estomac pouvait seul être reconnu.

C'est dans l'utérus que l'auteur de l'observation précédente place le siège du fœtus ; mais rien dans l'exposé du fait n'établit ce siège. Serait-ce la situation de la poche entre la vessie et le rectum? Mais l'ovaire dilaté présente la même situation. On n'a pu reconnaître les trompes et les ovaires.

Le cas rapporté et figuré par Denman d'après Hamilton, est trop peu circonstancié pour qu'on puisse l'invoquer. Il est relaté sous le titre de fœtus extrà-utérin.

La femme qui fait le sujet de cette observation , après plusieurs fausses couches, se crut grosse; elle éprouva, au 9e mois, des douleurs qui se dissipèrent. L'abdomen diminua de volume, mais sans revenir à son état naturel. Son mari étant mort, elle se remaria, et bien qu'elle fût très bien réglée, elle ne devint pas grosse. Elle mourut 32 ans après la conception.

Le fœtus était couvert d'une couche mince de substance calcaire : il pesait 7 livres. Il ne restait rien du placenta ; on reconnaissait 6 pouces du cordon ombilical. L'auteur se demande aux dépens de quelle

(1) Litopedium portentosum seuembrion petrefactum urbis Senonensis., in utero per 28 annos contentuni , i582. (a) Acta Academiae Josephinae , tome i , p. 201, avec figures.

partie le kyste s'était formé; et, s'il y avait eu rupture de l'utérus, à quelle période de la grossesse avait eu lieu cette rupture ? Evidemment l'utérus n'était pas le siège de la tumeur, car la malade était réglée.

Dans le cas adressé à l'Académie royale des Sciences par MM. Bourdon et Ghomereau, médecins à Joigny (1), l'utérus était bien évidemment étranger au kyste qui contenait le fœtus pétrifié.

Une pauvre femme de la ville de Troyes, mariée depuis 4 ans, devint grosse pour la seconde fois (elle avait fait une fausse couche la première année de son mariage). Les signes ordinaires de l'accouchement se manifestèrent; ils continuèrent pendant deux jours. On toucha la femme ; l'utérus était vide, quoique l'enfant exécutât des mouvements extrêmement forts. On propose à la malade l'opération césarienne: elle s'y refuse. Après huit mois de douleurs vives, mais passagères, et d'un épuisement qui fit craindre pour sa vie, elle se rétablit parfaitement et mourut à l'âge de 61 ans d'une fluxion de poitrine.

.A l'ouverture, on trouva une masse ovoïde du volume de la tète d'un homme « attachée à l'épiploon , » au péritoine, au mésentère, au fond de la matrice, et qui semblait partir de la trompe droite : en ouvrant » cette masse qui pesait près de huit livres, on y découvrit un enfant mâle parfaitement conservé, sans )) être environné d'aucune liqueur. La peau de cet enfant était fort épaisse : il avait des cheveux et deux » dents incisives prêtes à percer à chaque mâchoire.

)) L'enveloppe était en partie osseuse et en partie cartilagineuse; elle avait presque par-tout deux lignes )) d'épaisseur et quatre dans la partie contiguè à l'arrière-faix, lequel avait la même consistance. La sur-» face externe était garnie de petites éminences graveleuses et inégales : la surface interne était comme )) moulée sur les parties de l'enfant qu'elle embrassait étroitement ; une ouverture dans l'arrière-faix » semblait désigner l'insertion du cordon ombilical, qui était desséché à un travers de doigt du nombril, )) comme si on y eût fait une ligature. D'ailleurs, toutes les parties de la mère, et notamment la matrice, » étaient très saines et dans leur état naturel. »

Je crois qu'indépendamment des faits, dont quelques-uns établissent positivement que le fœtus momifié siégeait ailleurs que dans l'utérus, et dont aucun n'établit le siège dans l'utérus lui-même, les considérations suivantes prouveront que les kystes contenant des fœtus momifiés, kystes fibreux, cartilagineux , osseux, ne pouvaient pas être formés par le tissu même de l'utérus. En effet, la présence d'un corps étranger dans l'épaisseur des parois de l'utérus et à plus forte raison dans la cavité utérine a pour effet constant, non la conversion du tissu de l'utérus en kyste fibreux, cartilagineux et osseux, mais bien sa transformation en un tissu d'apparence musculaire, et doué, comme les muscles, de la con-tractilité. Que si on m'objecte que la présence permanente du fœtus pétrifié doit à la longue faire succéder à cette mollesse et à cette suractivité du tissu de l'utérus la transformation fibreuse, je répondrai par les cas de tumeurs fibreuses pétrifiées qui existent depuis longues années dans le tissu de l'utérus sans que ce tissu ait rien perdu de sa mollesse et de son aptitude à la contractilité : or, toutes les observations mentionnent expressément la densité de structure fibreuse, cartilagineuse, osseuse des kystes où ont séjourné les fœtus momifiés.

Quant à ce qu'on appelle pétrification du fœtus, elle ne doit s'entendre que d'une croûte calcaire plus ou moins épaisse qui enveloppe le fœtus en totalité ou en partie. Tous les tissus, tous les organes sont desséchés, momifiés, absolument comme si le fœtus avait été conservé sous un sable brûlant qui, en absorbant toute l'humidité, aurait soustrait la cause active de la putréfaction. Comment s'opère cette dessiccation du fœtus au milieu de l'humidité du corps de la mère ? Il faut admettre dans les parois de la poche une force d'absorption qui, survivant à l'exhalation, détermine non-seulement l'absorption de l'eau au milieu de laquelle nageait le fœtus, mais encore celle du liquide qui pénétrait le corps du fœtus lui-même. On conçoit d'ailleurs que l'époque de la mort du fœtus peut être , dans quelques cas, postérieure au terme naturel de la grossesse : ainsi, la plupart des fœtus momifiés semblent appartenir à des fœtus à terme. Dans un cas rapporté plus haut, le fœtus avait deux incisives à chaque mâchoire.

(i) Hist. de l'Académie royale des Sciences, 1748.

19 Livraison. Pl. 1.

MALADIES DU FOIE, DE LA RATE ET DU GRAND EPIPLOON.

(Acéphalocistes)

MALADIES DU FOIE, DE LA RATE, ET DU GRAND ÉPIPLOON.

(ACÉPHALOCYSTES , pl. I et IL XIXe livr.)

EXPLICATION DES FIGURES» Planche ire.

La fîg. 1 (1/2 grandeur) représente une masse de kystes acéphalocystes qui remplissait l'abdomen d'un individu sur lequel je n'ai aucun renseignement.

Le foie était d'une couleur ardoisée très foncée, mais d'ailleurs sain dans son tissu; celte coloration bien distincte de la couleur noirâtre qui résulte du dégagement de l'hydrogène sulfuré au voisinage du gros intestin occupait toute l'épaisseur de l'organe; elle n'était point cadavérique, car il n'existait aucun signe de putréfaction ; et d'ailleurs la coloration ardoisée est une des nombreuses nuances de coloration morbide auxquelles le foie est exposé. Dans l'épaisseur du foie, à sa partie antérieure et gauche, était un kyste assez considérable, que remplissait une membrane jaune MH, plissée sur elle-même, qu'il n'était pas difficile de reconnaître pour la membrane d'une acéphalocyste.

Cette membrane présentait une couleur jaune diversement nuancée (fig. 1, 2). Sa surface interne était parsemée de vésicules ou ovules de différents volumes, qu'on pourrait considérer comme des acéphalocystes à l'état naissant.

Cette membrane était régulièrement plissée sur elle-même : déployée, elle avait une étendue trois à quatre fois plus considérable qu'il ne le fallait pour tapisser le kyste dans lequel elle était contenue, sans adhérence ; disposition qui établissait de la manière la plus positive que le kyste avait été primitivement beaucoup plus considérable, et que le liquide contenu ayant été absorbé graduellement, la membrane était rentrée en dedans d'elle-même.

Du reste , cette membrane présentait tous les caractères des membranes acéphalocystes : elle était très épaisse, frangible, comme élastique, albuminiforme, et pouvait se diviser en lamelles extrêmement ténues; c'était de la plus profonde seulement que naissaient les vésicules ou granulations indiquées.

Le kyste qui contenait cette membrane présentait également tous les caractères des kystes acéphalocystes anciens. U était fibreux, épais, mais d'une épaisseur inégale dans les divers points de son étendue. Sa surface interne était rugueuse, plaquée d'une matière jaune doré, jaune brunâtre. Ce kyste pouvait être énuclé : des vaisseaux hépatiques de divers ordres étaient appliqués, sans y adhérer, à sa surface externe. Un canal biliaire s'ouvrait dans sa cavité.

Ce kyste était en rapport par les trois quarts de sa surface extérieure, avec le foie excavé pour le recevoir ; par l'autre quart , il se confondait avec les parois du kyste de l'épiploon.

Trois autres kystes acéphalocystes non altérés se voient le long du bord droit du foie et sont en partie logés dans son épaisseur.

La rate R présente quelques kystes acéphalocystes superficiels.

G'est entre le foie et la rate et au-dessous de ces organes qu'existe la masse très considérable, globuleuse, terminée en pointe inférieurement, qui descendait jusque dans l'excavation du bassin; l'incision de cette masse nous a présenté une foule de kystes remplis d'acéphalocystes H, H, H de diverses dimensions.

Ces kystes communiquaient entre eux par des ouvertures circulaires faites comme avec un emporte-pièce, dont les unes étaient extrêmement petites et dont les autres étaient très considérables. Il y avait en quelque sorte plusieurs systèmes de kystes. Les kystes de chaque système communiquaient entre eux, sans communiquer avec les kystes des autres systèmes.

La fig. 2 (grandeur naturelle) représente une coupe de la partie supérieure de la tumeur. On voit 1° la couleur ardoisée de la substance du foie F, 2° la membrane acéphalocyste jaune, 5° les parois du kyste qui la contenait, les espèces de compartiments en lesquels était divisée la tumeur. Tous ces kystes avaient une structure fibreuse. Leur surface interne se présentait sous deux états bien différents. xixe livraison. 1

Généralement elle était extrêmement rugueuse et comme mamelonnée : Dans un certain nombre de kystes cette surface interne était lisse : les kystes à parois rugueuses et comme mamelonnés, avaient en général beaucoup d'épaisseur. Ceux à surface interne lisse étaient extrêmement minces- Il y avait des kystes qui formaient des sphéroïdes réguliers, d'autres qui présentaient des anfractuosités.

Les acéphalocystes remplissaient très exactement le kyste correspondant, tellement qu'il fallait de grandes précautions pour éviter de les entamer en pénétrant dans la cavité. Du reste, il y avait contiguité pure et simple entre le kyste et l'acéphalocyste elle-même.

En général, chaque kyste ne contenait qu'une acéphalocyste, mais on en trouvait souvent deux, quelquefois cinq, six, huit : dans le cas d'acéphalocystes multiples, tantôt toutes les acéphalocystes étaient pleines, et alors le kyste était anfractueux; tantôt c'était une seule acéphalocyste pleine, et les autres vides et flétries étaient appliquées et comme moulées sur l'acéphalocyste pleine. Ces diverses dispositions se voient très bien fig. 2, pl. 1.

Pl. II.

La fig. 1 (i/2 grandeur) représente la masse formée par le foie, la rate et la tumeur, vus par la face postérieure. L'estomac E avait été refoulé en arrière ; plusieurs acéphalocystes formaient sur sa face postérieure une espèce de demi-anneau qui venait se continuer avec la masse qui appuyait sur la face antérieure de cet organe. L'œsophage passait par une espèce de détroit que formait la tumeur autour de la partie sous-diaphragmatique de ce canal.

L'aspect général de la masse, vue postérieurement, n'est pas exactement le même que celui qu'elle présente antérieurement. Les kystes ou groupes de kystes sont plus isolés les uns des autres et liés entre eux par des brides fibreuses extrêmement résistantes.

La forme des acéphalocystes était généralement sphéroïdale ou ovoïde (fig. 2, pl. II). Un grand nombre offrait un aspect très irrégulier (Voyez fig. 1, 3, 4, 5, 6, 7). Cette forme irrégulière était déterminée par celle des kystes dans lesquels ils étaient contenus. Les espèces de têtes supportées par un pédicule que présentent plusieurs de ces acéphalocystes sont dues aux communications que j'ai dit exister entre plusieurs kystes ,* la tête était reçue dans le kyste voisin et le col ou étranglement répondait à l'ouverture circulaire de communication. Lorsqu'un même kyste communiquait avec deux ou trois kystes, il existait autant de têtes ou prolongements de l'acéphalocyste dans les kystes voisins, qu'il y avait d'ouvertures de communication. L'acéphalocyste représentée fig. 7 remplissait un kyste étranglé à sa partie moyenne : les trois têtes sphêroïdales de son extrémité gauche étaient reçues dans trois kystes différents qui communiquaient avec le premier. Lorsque cette ouverture de communication était considérable, le prolongement était considérable aussi (Ployez fig.'o et 5). Lorsqu'elle consistait dans un simple pertuis, le prolongement avait la forme d'un mamelon : on eût dit d'un cysticerque avec sa vessie caudale. On peut juger par l'irrégularité de la forme de l'acéphalocyste représentée fig. 4, que ces productions sont essentiellement amorphes.

La régularité de la forme, qui est généralement donnée comme un des caractères de leur vitalité, doit être rapportée non à ces corps eux-mêmes, mais aux kystes dans lesquels ils sont contenus. J'ai traité ailleurs avec quelque développpement cet intéressant sujet et j'y renvoie pour les considérations générales (1).

(i) Voyez art. Acéphalocystes du Dictionnaire de Médecine et de Chirurgie pratiques, t. i«, page 193.

19e. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU FOIE ET DU PERITOINE.

19e. Livraison. Pl. 4.

MALADIES DU COEUR

Cancer mélanique.

19e. Livraison. Pl. 3.

MALADIES DES EXTRÉMITÉS.

Cancer mélanique de la main.

CANCER AVEC MELANOSE

(XIXe livr., pl. III et IV. )

EXPLICATION DES FIGURES.

Pl. III. Fig. 1. Main amputée par M. Blandin. Cancer mélanique T M, occupant la paumé de la main, au niveau des 2° 3e et 4e métacarpiens.

On voit sa forme circulaire, sa disposition lobuleuse et comme crevassée, la coloration inégale de sa surface, des lobules violacés à côté de lobules noirâtres et noirs.

La Fig. 2 représente le cancer mélanique disséqué, isolé des parties voisines, et divisé par une coupe verticale antéro-postérieure qui montre les tendons fléchisseurs TF, et le nerf médian N intacts et libres au milieu de la dégénération.

Fig. 3. Cancer mélanique de même nature TM, occupant la face dorsale du 1er espace interosseux.

Fig. 4. Tumeur mélanique T' M', occupant la peau delà région calcanéenne de la plante du pied. (Cette tumeur appartient à un autre sujet).

Fig. 4'. Coupe de la même tumeur qui était limitée à la péau.

Pl. IV .Fig. 1. Le cœur parsemé de tubercules mélaniques, qui est représenté fîg. i et 2, appartient au même sujet que la main représentée pl. 5. Dans la fîg. 1, on voit un certain nombre de tubercules cancéreux mélaniques disséminés à la surface du cœur. Le plus considérable T M, occupe le niveau de la cloison du cœur : il est remarquable par sa division en lobules. Le tubercule f m\ qui a voisine le sommet du cœur est à peine coloré. On voit deux tubercules sur l'auricule droite et un au niveau de l'auricule gauche. Une tumeur sanguine T S, qui occupe le niveau de la base du ventricule droit, est remplie de caillots sanguins concentriques.

Fig. 2. Le cœur, vu par sa face postérieure et largement ouvert, présente 1° des tumeurs mélaniques superficielles tm, tm, au niveau de l'oreillette gauche ; 2° quelques tumeurs mélaniques tm, tm, tm, proéminentes à la surface interne de Poreillette et des ventricules : leplus grand nombre occupe le ventricule droite et proémine entre les colonnes et à leur niveau, à la manière des baies du cassis.

Les fîg. 3 et 4 appartiennent à un autre sujet mort par suite d'un cancer mélanique aux grandes et aux petites lèvres. La fig. 3 représente l'extrémité postérieure d'une côte qui a subi la dégénération cancéreuse mélanique. La tumeur est traversée par des lamelles fibreuses qui la divisent en lobules.

La fig. 4 représente les ganglions inguinaux profonds qui entourent l'artère crurale AC et la veine crurale VC. Ces ganglions présentent tous la disposition lobuleuse propre au cancer mélanique: on sera frappé de l'identité qui existe entre l'aspect de ces ganglions lymphatiques et celui des tubercules du cœur, bien que ces deux ordres d'altération appartiennent à deux sujets et à des organes différents.

Ire Observation (1). Cancer mélanique à la paume et au dos de la main. Traitement par les caustiques : récidive. Amputation dans Varticulation radio-carpienne. Guérison de la plaie. Appa* rition d'une multitude de tumeurs cutanées. Mort dans le marasme. Tumeurs mélaniques dans les poumons, le cœur, l'estomac, etc.

Fossé (Charles Thomas), 46 ans, forte constitution, tempérament sanguin, commis négociant, entra à l'Hôpital Beaujon, le 28 mars 1829, pour les tumeurs de la paume et du dos de la main représentées fîg. 1 et 2, pl. 3. Les mouvements de flexion de la main étaient libres. L'état générai était excellent.

Les commémoratifs apprirent que la tumeur avait paru 7 à 8 ans auparavant et sans cause connue : elle avait débuté par une tache noirâtre semblable à une ecchymose, qui ne fit aucun progrès pendant un an environ. A cette époque, elle se couvrit d'une phlyctène ; plusieurs phlyctènes semblables survinrent : un médecin consulté cautérisa avec le nitrate d'argent. Plusieurs cautérisations furent faites sans succès jusqu'en 1828, époque à laquelle le malade commença à ressentir des douleurs lancinantes très vives. Plusieurs praticiens conseillèrent alors l'extirpation de la tumeur : le malade s'y étant refusé , on le soumit à un traitement antisyphilitique , en même temps qu'on fit sur la tumeur une application de pâte arsenicale. Sous l'influence de ce traitement, la tumeur disparut j une cicatrice, en apparence de bonne

(i) Je dois cette observation à l'obligeance accoutumée de M. Blandin.

XIXe LIVRAISON, 1

nature , s'établit. Survint une tumeur do même caractère sur la lace dorsale de la main dans le premier espace interosseux. La cicatrice de la lere tumeur s'ouvrit; des douleurs lancinantes très vives se manifestèrent : une nouvelle application de pâte arsenicale ne lit qu'accroître l'intensité du développement de la maladie. Ce fut alors qu'il se décida à entrer à l'Hôpital Beaujon. MM. Marjoliu et Blandin décidèrent que l'amputation de la main était le seul moyen de salut pour le malade, vu la difficulté et sur-tout les dangers d'une double extirpation, et l'impossibilité de déterminer à quelle profondeur s'étendait un cancer aussi ancien. L'amputation fut pratiquée avec un plein succès comme opération, et le malade sortit guéri le 23 avril 1828.

M. Fossé rentra à l'Hôpital Beaujon dans le mois d'avril 1830. La presque totalité de la surface du corps et plus particulièrement la région postérieure du tronc était couverte d'une innombrable quantité de tumeurs mélaniques, dont quelques-unes avaient le volume d'un œuf de poule, dont le plus grand nombre avait celui d'une noisette ou d'un pois. Ces tumeurs paraissaient formées aux dépens de la peau. Plusieurs étaient lobulées ; l'une d'elles occupait la région temporale droite et présentait une couleur beaucoup plus foncée que les autres.

Etat général : teint naturel; digestions faciles; tranquillité morale ; toux; dyspnée; sueurs nocturnes, amaigrissement. Bientôt, mouvement fébrile, hémoptysie, sueurs abondantes, dévoiement; mort, dans le marasme le 18 juin 1830.

Ouverture du cadavre. Indépendamment des tubercules anciens mélaniques de la peau , on trouva un grand nombre de tumeurs de la même nature dans plusieurs organes importants à la vie.

Cavité thoracique. Les poumons et plus particulièrement les lobes inférieurs , présentaient un certain nombre de tumeurs mélaniques dont le plus grand nombre occupait la surface de l'organe, et dont quelques-uns occupaient son épaisseur. Les tumeurs superficielles étaient aplaties et comme pédiculées»

Le cœur(Voy. pl. IV, fig. 1 et 2) présentait Io des tubercules mélaniques superficiels subjacents au feuillet séreux: 2° d'autres tubercules mélaniques occupaient la surface interne du cœur et soulevaient la membrane interne : 3° quelques-uns se voyaient dans l'épaisseur de cet organe.

Plusieurs tumeurs mélaniques occupaient le tissu cellulaire du médiastin antérieur.

Cavité abdominale. La muqueuse gastrique était soulevée par un assez grand nombre de tumeurs mélaniques, du volume d'une aveline. Elles étaient pédiculées. Plusieurs paraissaient prête à se détacher. Quelques tubercules occupaient îa tunique fibreuse du canal intestinal.

Le foie, la rate, les reins, la vessie, en étaient exempts. Il n'en était pas de même du pancréas , qui offrait quelques tubercules dans son épaisseur, et d'autres à sa surface :

Le testicule droit en contenait un très petit, le gauche en contenait un du volume d'une noisette.

Le corps caverneux renfermait une tumeur mélanique du volume d'un œuf de pigeon, occupant la moitié gauche de ce corps.

Cavité crcinienne. Méninges saines. Dans le cerveau, deux petits épancliements sanguins : l'un à droite, du volume d'un haricot, en dehors des corps striés ; l'autre à gauche, un peu plus volumineux en dehors de la couche optique. Ce dernier fo\^er communiquait avec le ventricule latéral correspondant.

2e Orservation. Cancer mélanique des grandes et petites lèvres. Développement des ganglions inguinaux superficiels et profonds. Mort dans le marasme. Multitude de cancers mélaniques dans le pancréas , F estomac, le duodénum, la valvule iléo-cœcale, le poumon et les cotes.

Une femme de 60 ans environ, hémiplégique, fut reçue à la Salpêtrière^ dans le service des incurables, pour un cancer des petites lèvres qui rendait l'émission des urines extrêmement douloureuse. Le doigt ne put pas être introduit dans le vagin, pour explorer l'état de ce conduit et celui du col utérin. Les ganglions inguinaux des deux côtés s'engorgèrent bientôt : infiltration des membres abdominaux ; la malade s'épuisa graduellement et mourut dans le marasme sans avoir présenté aucun symptôme du côté des organes thora-ciques et abdominaux.

Ouverture du cadavre. La tumeur des petites lèvres était squirrheuse et criait sous le scalpel, à la manière d'un tissu fibreux très dur : elle ne contenait pas dans ses mailles de suc cancéreux; sa surface ne présentait nullement la couleur noire des tissus mélaniques. Seulement quelques taches noires étaient disséminées dans son épaisseur.

Les ganglions inguinaux présentaient tous les caractères du cancer mélanique (Voy pl. IV fig. 5).

Un certain nombre de tumeurs, dont plusieurs pédiculées, soulevaient la portion du péritoine qui revêt les parois abdominales. Plusieurs de ces tumeurs adhéraient au gros intestin.

Le foie et la rate étaient sains. Huit à neuf tumeurs mélaniques existaient dans l'épaisseur àupancréas.

Dans Vestomac, tumeur sphéroïdale, du volume d'un œuf de poule, pédiculée, formée dans le tissu cellulaire sous-muqueux. La muqueuse pouvait être facilement disséquée sur la circonférence de la tumeur, mais au centre la tumeur et la muqueuse étaient confondues. Cette tumeur divisée présente le

même aspect que celle des petites lèvres; elle est d'une densité fibreuse, sans suc cancéreux, et marbrée de noir. On trouve dans l'estomac deux autres petites tumeurs aplaties , formées aux dépens de la muqueuse. Enlin au niveau du bord libre d'un repli muqueux, se voit une tache noire, lenticulaire, répondant à une érosion,

A l'entrée du duodénum, deux petites tumeurs sphéroïdales squirrheuses, dont une noire.

Le repli inférieur de la valvule iléo-cœcale avait été envahi par une tumeur de même nature, du volume d'une noix / son tissu était très dense, d'apparence fibreuse, dépourvu de suc cancéreux et marbré de quelques points noirs. La muqueuse était soulevée et saine, à la circonférence et participait à l'altération au centre.

Thorax. "Lepoumon présentait quelques tumeurs mélaniques peu considérables ; les ganglions bronchiques avaient évidemment subi la même altération. Le cœur était sain.

\J extrémité postérieure d'un grand nombre de côtes était le siège du cancer mélanique (pl. IV, fig. 5). La matière cancéreuse noire déposée dans les cellules du tissu spongieux , avait détruit en grande partie la cote dont il ne restait que des vestiges. Une seule côte avait subi la même altération dans la partie moyenne de sa longueur. Les vertèbres étaient saines.

Crâne. Une tumeur encéphaloïde ordinaire pénétrée de sang occupait la convexitéda cerveau, du côté opposé à la paralysie. Elle était logée dans l'épaisseur du cerveau, mais ne paraissait pas formée aux dépens de sa substance. Cette tumeur qui était pénétrée de suc cancéreux ne présentait pas vestige la coloration mélanique.

5e Observation (1). Cancer mélanique sous-cutané extirpé. Apparition d'une multitude de tumeurs de même nature. Epuisement. Mort. Cancer mélanique dans un grand nombre d'organes.

Un homme, âgé de 45 ans environ, entra à l'Hôpital Beaujon portant un grand nombre de tumeurs noires superficielles, d'un volume variable, depuis celui du pouce jusqu'à celui d'une noisette. De ces tumeurs , les unes formées aux dépens de la peau , présentaient une coloration noire qui révélait leur caractère mélanique • les autres plus profondes faisaient saillie à l'extérieur , sans changement de couleur à la peau; la surface de toutes ces tumeurs était inégale et bosselée.

Ces tumeurs étaient survenues à la suite de l'extirpation d'une tumeur de même nature faite 18 mois auparavant au niveau de l'attache du deltoïde à l'humérus. Ce fut six mois après cette extirpation qu'elles commencèrent à paraître. Le malade accusait des douleurs lancinantes dans ces tumeurs : des douleurs de même nature étaient également accusées dans l'intérieur du thorax. Constipation opiniâtre. Bientôt les me membres inférieurs s'infiltrent.L'abdomen devient très douloureux à la pression qui permef de reconnaître la présence de tumeurs dans cette cavité. Le malade succomba dans un épuisement complet après plusieurs mois de douleurs très vives.

Ouverture du cadavre. Les tumeurs sous-cutanécs, parfaitement circonscrites, offraient une consistance lardacée et une couleur noire qui teignait le linge à la manière de l'encre de la Chine. Leur couleur , et leur forme irrégulière et bosselée leur donnait l'aspect de truffes.

Thorax. Plusieurs tumeurs cancéreuses mélaniques s'étaient développées sous la plèvre costale et entouraient de toutes parts les côtes considérablement amincies et fragiles au niveau de ces tumeurs.

Les ganglions bronchiques étaient volumineux et noirs ? il est douteux qu'ils fussent cancéreux.

La surface des poumons présentait Un grand nombre de tumeurs mélaniques. Aucune n'occupait son épaisseur. Plusieurs naissaient du péricarde.

Abdomen. Quatre à cinq tumeurs mélaniques, du volume d'un œuf de pigeon, occupaient la surface convexe du foie et étaient en partie logées dans son épaissseur.

Un grand nombre de ganglions mésentériques ; plusieurs ganglions lombaires avaient subi la même dégénération. Ces derniers qui comprimaient la veine cave pouvaient servir à expliquer l'infiltration des membres inférieurs.

Les intestins présentaient quelques tumeurs mélaniques à leur surface extérieure. Un grand nombre occupaient leur surface interne. Ces tumeurs s'étant développées entre la tunique musculeuse et la tunique muqueuse, étaient enveloppées comme par un kyste, de cette dernière membrane qui, tiraillée par le poids de la tumeur s'était alongée en pédicule. Plusieurs de ces tumeurs étaient assez volumineuses pour intercepter en partie le cours des matières, et avaient déterminé l'invagination de la partie d'intestin sur laquelle elles prenaient naissance, dans la partie d'intestin placée immé-daitement au-dessous.

Considérations générales sur la mélanose. Laennec considère la mélanose comme un tissu accidentel sans analogue dans

(i) Recueillie par M. Lescroël-Desprez. Dissertation sur la mélanose. Collect, des thèses de la Faculté. Juillet i83r.

[économie, qu'il classe parmi les dégénérations cancéreuses, et pour laquelle il admet deux périodes, une période de crudité et une période de ramollissement , et quatre formes : i° celle de masses enkystées; i° celle de masses non-enkystées; 3° celle de matière infiltrée dans les tissus ; 4° celle de matière déposée à la surface d'un organe.

En traçant l'histoire de la mélanose (Auscult. médiate}. Laennec ne me paraît avoir eu sous les yeux que le cancer noir ou mélanique, et nullement la mélanose prise dans toute l'étendue de Pacception étymologique du mot , c'est-à-dire dans un sens aussi large que la coloration noire accidentelle.

L'histoire de la mélanose embrasse i° les colorations noires qui doivent être examinées dans les liquides, dans les tissus normaux, et dans les tissus accidentels ; i° un tissu mélanique bien distinct de toutes les autres formes de lésions avec lesquelles il peut d'ailleurs se combiner. C'est sous ce dernier point de vue seulement que la mélanose constitue une altération organique. Sous les deux premiers points de vue, elle ne doit être considérée que comme une espèce de pigmentum diversement nuancé.

A. Du tissu mélanique proprement dit.— D'après cette manière d'envisager la mélanose, cette altération présente deux choses à étudier : 1° le pigmentum, i° le tissu dans lequel le pigmentum est déposé.

io Le pigmentum de la mélanose peut s'offrir avec diverses nuances; la plus normale? si je puis m'exprimer ainsi, est celle de la sépia, qui n'est elle-même qu'un liquide mélanique existant naturellement chez la sèche, ou mieux celle (pour ne pas sortir de l'espèce humaine) du pigmentum de la choroïde ou de la peau du Nègre. Ses caractères microscopiques sont identiquement les mêmes que ceux du pigmentum choroïdien et de la matière colorante du sang-.

Son caractère chimique essentiel est de contenir une très forte proportion 3i/iooe (i) d'une matière colorante , que M.Thénard regarde comme du carbone , que M. Barruel regarde comme étant la matière colorante du sang. On trouve d'ailleurs dans le pigmentum mélanique, d'après MM. Clarion etLassaigne, de l'albumine, de la fibrine, tous les sels du sang, c'est-à-dire les mêmes matériaux que dans la plupart des autres produits morbides. M. Breschet, fondé sur l'analyse de M. Barruel, a émis le premier Pidée que la mélanose n'était autre chose que du sang épanché et modifié , avec une grande proportion de matière colorante ; et cette opinion qui doit s'appliquer, non au tissu de la mélanose proprement dit, mais au pigmentum , n'a pas trouvé de contradicteurs.

Le pigmentum forme le plus souvent une boue noire; quelquefois il est à l'état liquide; d'autres fois enfin , il se présente sous l'aspect d'une concrétion plus ou moins dure.

i° Tissu de la mélanose. Le tissu mélanique est un tissu fibreux aréolaire dont l'aspect nacré tranche avec la couleur noire du pigmentum. Lorsque le pigmentum est liquide ou boueux, on l'exprime comme d'une éponge; et si on soumet à l'action d'un jet d'eau continu un fragment de mélanose , on éprouve beaucoup de peine à le débarrasser de toute la matière noire ; la trame qui reste, présente un aspect aréolaire et fibreux tout-à-fait semblable à un fragment de rate soumis à la même opération.

Lorsque le pigmentum à l'état liquide est sécrété en quantité très considérable, la distension, peut être telle, que les mailles les plus profondes soient déchirées et refoulées contre les mailles les plus extérieures ; d'où résulte une disposition enkystée, qui peut être primitive dans d'autres cas.

Lorsque le pigmentum est à l'état concret, les mailles fibreuses qui le traversent à la manière de stries plus ou moins épaisses et toujours d'aspect nacré, donnent à sa coupe l'aspect d'une truffe plus ou moins noire. Je possède un foie converti en une espèce de granit ou mieux de mica noir, formant de petites masses concrètes peu régulières moulées les unes sur les autres. Ce cas dans lequel il y a transformation du grain glanduleux lui-même, doit être bien distingué de celui dans lequel le foie est farci de tumeurs marronnées noirâtres interposées à sa substance.

(i) Analyse de M. Foy , dans le mémoire de MM. Trousseau et Leblanc, sur la mélanose. (Archives de Médecine).

De ce qui précède, il suit que les deux périodes de crudité et de ramollissement admises dans la mélanose, doivent être remplacées par deux états, celui de mélanose avec pigmentum liquide , et celui de mélanose avec pigmentum solide : on voit que l'état de mélanose avec pigmentum solide ne suit pas nécessairement celui de mélanose avec pigmentum liquide; que l'un et l'autre de ces états peuvent exister primitivement ; que dans le cas où l'un vient à succéder à l'autre , l'état de pigmentum liquide qui répond à la période de ramollissement de quelques auteurs peut précéder l'état de pigmentum solide qui répond à la période de crudité. J'ai émis ailleurs une opinion semblable pour le tubercule, et je crois avoir prouvé, au moins pour un certain nombre de cas, que le tubercule dit à l'état de ramollissement pouvait précéder le tubercule dit à l'état de crudité.

B. Des colorations mélaniques.— i° Coloration des liquides. Le liquide de l'hématémèse peut être considéré comme un liquide mélanique. La coloration noire, couleur de bistre, des matières vomies, est bien évidemment due à du sang versé dans l'estomac et altéré par l'action des acides gastriques. On produit artificiellement cette couleur de bistre en mêlant un acide au sang.

J'ai rencontré plusieurs fois des kystes ovariques dont le liquide offrait tous les caractères des liquides mélaniques. J'ai vu une bydrocèle dont le liquide était couleur de bistre. L'impossibilité d'acquérir le signe pathognomonique de l'hydrocèle, la transparence, la forme particulière de la tumeur qui plongeait dans l'anneau, joints à des symptômes d'étranglement, jetèrent beaucoup d'incertitude sur le diagnostic.

J'ai fait représenter (ire liv.) une rate dont la boue offrait une couleur brun-marron foncé, qui a beaucoup d'analogie avec celle du liquide mélanique. Il faut bien distinguer cette coloration morbide de la coloration noire ardoisée cadavérique, que présente si souvent la couche superficielle de la rate et du foie, coloration qui est due au dégagement du gaz hydrogène sulfuré.

Les crachats bronchiques dans certains catarrhes présentent souvent des points noirs, qui ont été à tort considérés comme le résultat de la pénétration avec l'air inspiré du noir de fumée qui résulte de la combustion des lampes.

i° Coloration des tissus normaux. Dans cette catégorie , je classe la coloration par plaques ou par points irréguliers de la surface du poumon, la coloration noire de tout le tissu du poumon qu'infiltre la matière mélanique sans nuire à la crépitation, et la coloration des ganglions bronchiques qui se concilie avec l'état d'intégrité de ces organes. Les vaisseaux lymphatiques qui aboutissent à ces ganglions, ou qui en émergent, sont quelquefois teints de la même manière.

C'est à tort qu'on a considéré comme affectés de mélanose les ganglions bronchiques noirs : car leur tissu est presque toujours alors dans l'état d'intégrité. Seulement ils sont pénétrés d'une quantité plus ou moins considérable de liquide mélanique. Il n'est pas douteux que la fréquence de ces dépôts de liquide mélanique, dans les ganglions bronchiques , ne soit en rapport avec les fonctions des poumons relatives à l'hématose. J'ai rencontré quelquefois les ganglions lymphatiques lombaires d'une couleur aussi complètement noire que les ganglions bronchiques.

Ala coloration mélanique des tissus normaux, se rapporte le pointillé noir des membranes muqueuses qu'où observe si fréquemment dans l'estomac, le duodénum, et quelquefois dans toute l'étendue de l'intestin grêle et du gros intestin des individus avancés en âge. Dans ce cas, chaque papille est colorée en noir à sa pointe ou dans toute sa longueur. Les dépressions multiples des follicules agminés présentent quelquefois une couleur noire, qui donne à la surface correspondante de l'intestin, ainsi qu'on l'a dit avec justesse, l'aspect d'une barbe récemment faite. Il n'est pas fort rare de voir la muqueuse gastrique toute entière présenter une couleur d'un noir de jais ou ardoisée très foncée. Cet état, que j'ai si souvent occasion devoir chez les vieilles femmes de la Salpêtrière, n'estliéàaucun état morbide des organes digestifs, et se concilie avec l'exercice le plus régulier des facultés digestives.

J'ai vu fréquemment la surface interne de l'estomac parsemée de plaques, de points noirs

qui lui donnaient un aspect tigré. Ce morbus maculosus de l'estomac est constitué par xixe livrarsoN.

la matière colorante du sang qui est, tantôt simplement déposée ou infiltrée à la surface de la membrane saine,, tantôt reçue dans une érosion très superficielle. Il faut bien distinguer cette coloration noire de la muqueuse gastrique, de celle qui résulte d'une escarrhe.

J'ai fait dessiner l'estomac et les intestins d'un individu qui avait probablement éprouvé, autrefois, une entérite folliculeuse aiguë; cbaque cicatrice était indiquée par une grande tache mélanique fort irrégulière qu'on voyait très bien à travers la transparence de l'intestin.

M. Andral a trouvé, chez un individu affecté de diarrhée chronique, la surface interne du gros intestin aussi noire que Fencre de la Chine , depuis la valvule iléo-ccecale jusqu'au rectum. Cette couleur résidait dans la membrane interne qui n'offrait d'autre altération qu'un remarquable développement de ses follicules

Les membranes séreuses ne sont pas exemptes de ces colorations mélaniques. Ainsi le péritoine est quelquefois piqueté de noir; d'autres fois cette coloration a lieu par plaques ; enfin il n'est pas rare de voir le péritoine offrir la même couleur, dans une très grande étendue. Je l'ai rencontrée dans la tunique vaginale de l'hydrocèle, dans la plèvre et même sous l'arachnoïde à la base du cerveau.

Le pigmentum de la peau du Blanc devient noir, soit partiellement, soit dans toute la surface de la peau, par l'effet de causes impossibles à apprécier. Le morbus maculosus delà peau, qui n'est autre chose que le dépôt sous-épidermique de taches de sang, est bien distinct de la couleur mélanique proprement dite. La peau devient noire autour d'un vésicatoire, d'un vieil ulcère , au niveau d'un érythème chronique.

Les colorations mélaniques se rattachent à toutes les nuances de colorations accidentelles qu'on rencontre dans l'économie et, comme elles, y supposent la présence de la matière colorante du sang modifiée. Les colorations jaune-serin , jaune orangé ou brun orangé , attestent l'existence d'un foyer sanguin antérieur. Par-tout où existe cette coloration , que ce soit dans le cerveau, dans le foie, dans les muscles, on peut affirmer qu'il y a eu préalablement foyer sanguin dans le lieu correspondant : la coloration noire ne se manifeste jamais dans les mêmes circonstances; et sans pouvoir préciser le mode de travail organique qui amène cette coloration, il est certain qu'il s'accompagne le plus souvent de tous les symptômes d'une irritation chronique. On ne saurait méconnaître cette irritation dansla coloration noire des villosités ou papilles intestinales, dans celle des membranes séreuses, dans celle des ganglions bronchiques. Les cicatrices du sommet des poumons que l'on rencontre si souvent chez les vieillards, sont noires : quelquefois cette matière noire jointe à une matière crétacée, est déposée ou infiltrée dans le sommet du lobe supérieur du poumon, et nous révèle la puissance conservatrice de la nature dans les maladies tuberculeuses de cet organe. Ce serait à tort que l'on admettrait que ces cicatrices noires ou ces cavernes à parois noires^ ont succédé à des mélanoses ou constituent elles-mêmes une mélanose.

3° Coloration mélanique des tissus accidentels. Les diverses formes de cancer, la matière tuberculeuse peuvent présenter la couleur noire, en conservant leurs caractères spécifiques.

Les tubercules pulmonaires mélaniques constituent la phthisie avec mélanose de Bayle : il faut bien distinguer les tubercules mélaniques du poumon, d'ailleurs fort rares, d'avec le dépôt de matière noire concrète dans de petites cavernes cicatrisées, ou avec l'infiltration de cette matière noire dans le tissu du poumon; dépôt et infiltration qu'on peut considérer comme appartenant aux cicatrices pulmonaires des individus avancés en âge.

L'infiltration mélanique des diverses espèces de cancer, est beaucoup plus commune que celle des tubercules. Je l'ai rencontrée dans le cancer squirrheux non moins que dans l'encépha-loïde. Quelquefois il y a simple infiltration mélanique; d'autres fois il y a une sorte de combinaison du tissu mélanique et du tissu cancéreux. Un caractère du tissu cancéreux mélanique, c'est d'être presque toujours lié à un état d'infection générale, soit qu'il y ait simple coexistence, soit qu'il y ait développement successif des tumeurs C'est sous la forme tuberculeuse que le cancer mélanique se manifeste le plus ordinairement. Les tubercules peuvent être plus ou moins considérables, depuis le volume d'un grain de mil, jusqu'à celui d'un oeuf. C'est à la forme tuberculeuse du cancer mélanique que Laennec me paraît avoir donné le nom de mélanose enkystée.

19 Livraison. Pl. 5.

MALADIES DU FŒTUS

Monstruosité

MALADIES DU FOETUS. «

MONSTRUOSITÉS. XIXe livr., Pl. V et VI.

Spina bifida occipital et cervical antérieur. Hernie cervicale du poumon. Hernie ihoracique des intestins, d'une partie du foie et de Vestomac lequel était situé dans Vépaisseur du mé-diastin vostérieur. Brièveté et invagination de Vœsophage.

EXPLICATION DES FIGURES.

Pl. V.

Fig. 1. Elle représente un fœtus féminin (1/2 grandeur) vu de profil et du cote' droit. Sa tête fortement renversée en arrière, présente dans ce dernier sens deux tumeurs ou bosses superposées 1rc T, 2e T. Il y a absence de col, le menton se continuant avec la poitrine : la bouche est largement fendue , le nez déprimé, l'oreille déformée.

La fig. 2 représente le même fœtus, vu de profil et du côté gauche. Les deux tumeurs lre T, 2e T, sont plus apparentes et plus distinctes l'une de l'autre dans ce dernier sens que dans le premier. La peau qui revêt la tumeur supérieure est parsemée de quelques poils. On y voit, en outre, une sorte de-cicatrice E assez analogue à celle qui succéderait à une brûlure superficielle.

Fig. 3. Même enfant vu de face. Sa bouche largement ouverte permet de voir, 1° au niveau des commissures, une dépression qui prolonge de chaque côté l'ouverture de la bouche; cette dépression semblerait le résultat de l'application d'un cordon qui ayant porté transversalement sur la bouche, aurait enfoncé dans la cavité buccale les commissures et la partie voisine des joues. Les joues déprimées se continuaient avec le voile du palais, dont le bord inférieur était renversé d'arrière en avant et appliqué contre la voûte palatine qui présentait une échancrure triangulaire pour loger la luette. L'isthme du gosier extrêmement étroit se présentait sous l'aspect d'une fente transversale circonscrite en bas par la base de la Langue L, en haut par le bord adhérent du voile du palais.

Fig. 4. Grandeur naturelle. Tête vue par la région supérieure, et par derrière. Les téguments M C, MC, MC, ont été disséqués et renversés. Les deux tumeurs lre TO, 2e TO, ouvertes, permettent d'apprécier leur situation à la région occipitale et leur position relative, l'une lre TO occupant la ligne médiane immédiatement derrière la suture sagittale, l'autre 2e T O, située à droite et un peu au-dessous du niveau de la lre : séparées à l'aide d'une bride fibreuse verticales ces tumeurs communiquent largement avec la cavité du crâne : elles contenaient un liquide sanglant et quelques caillots = une membrane mince , formée par l'arachnoïde et la pie-mère réunies x\P, tapissait la coque fibreuse et contenait le liquide sanguinolent dans sa cavité. La coque fibreuse se continuait à la fois avec la dure-mère, le péricràne et les os du crâne. Dans le crâne était un cerveau et un cervelet qui ne remplissaient qu'une partie de la cavité : une sérosité sanglante occupait le reste.

La fig. 5, grandeur naturelle, représente les os il u crâne et de la colonne vertébrale préparés, la boite

(i) Ce fœtus monstrueux a été adressé à la Faculté de médecine par M. Caboche-Roger, officier de santé à Pierrefond.

« Le 7 janvier, Madame T.. . âgée de 35 ans, d'une constitution ordinaire, avait déjà eu plusieurs enfans , dont un , a-t-elle dit, revêtait « une forme extraordinaire: les derniers mois de la grossesse furent pénibles ; vint enfin le travail de la parturition.

« Une sage-femme appelée ne peut point reconnaître la position de l'enfant, la femme s'opposant à l'introduction entière de la main , ce « qui était indispensable pour bien opérer le toucher. Les douleurs augmentant toujours sans que rien ne se présente, on me fit appeler et « après quelques instances , je parvins à loucher la femme.

« Après l'introduction delà main, qui se fit avec beaucoup de peine, je trouvai la tête dans le grand bassin, dans la position occipito-cotv-« loïdienne droite, offrant à son sommet la sensation d'un corps élastique, je parcourus la face; je reconnus à la partie moyenne, un tubercule « que je pins pour le nez, puis un peu plus haut la bouche; allant encore plus loin, je ne pus reconnaître le cou; c'est là que je prononçai « qu'il y avait anomalie.

« Saisissant alors la tête de l'enfant à pleine main et un doigt introduit dans la bouche, je la fis descendre dans l'excavacation du bassin, « là j'abandonnai l'accouchement à la nature, croyant qu'elle ferait le reste: point du tout, les dou'em-s se ralentirent et diminuèrent « d'intensité. Je fus forcé de recourir à un moyen qui a beaucoup d'antagonistes, et qui cependant offre presque toujours un succès a complet. Je veux parler du seigle ergoté que j'ai employé pour la troisième fois chez cette femme, sans le moindre accident. Deux « doses de i5 grains chacune suffirent pour faire terminer l'accouchement dans l'espace d'une heure .-l'enfant est venu vivant ; ilayàit a des contractions : la tète se renversait en arrière : il n'a vécu que cinq minutes. »

XLXe LIVRAISON. j

osseuse ouverte par sa paroi supérieure, les pariétaux P coupés près de leur bord inférieur et déjetés en arrière, les frontaux déjelés en avant : on chercherait vainement la portion postérieure ou écaille de l'occipital : il n'en existe pas de traces.

L'ouverture ou perforation que présente la base du crâne et qu'on prendrait au premier abord pour le trou occipital, est constitué, par toutes les vertèbres de la région ecrvicale et par les quatre premières vertèbres dorsales. Le corps de ces vertèbres est divisé en deux moitiés latérales. On reconnaît très bien, de chaque côté des trous, la moitié des corps des vertèbres , les arcs latéraux et les trous de conjonction par lesquels passent les nerfs cervicaux, à ces traits : on reconnaît un spina bifida cervical antérieur : du reste , le sphénoïde antérieur S , le sphénoïde postérieur ST , les portions pierreuses du temporal RR, présentent leur disposition accoutumée. Derrière le rocher se voit un os OL, qui lui est parallèle; c'est l'occipital latéral, facile à reconnaître au trou condylien antérieur dont if est percé. J'ai vainement cherché l'os basilaire ; à moins qu'on ne considère comme vestige un petit fragment osseux O B? situé derrière l'occipital latéral droit OL et rejeté en arrière.

Je ferai remarquer que trois demi-corps de vertèbres sont soudés à gauche.

Pl. VI.

La fig. ire (grande naturelle) représente la base du crâne vue à l'extérieur et le thorax ouvert. On voit le trou cervical ovalaire, constitué par l'écartement des deux moitiés des corps de toutes les vertèbres cervicales et des quatre premières dorsales; les deux premières côtes gauches, 1 2 G sont soudées. On reconnaît aisément les roches R R, les occipitaux latéraux OL, OL, les arcs latéraux des vertèbres cervicales, lesquels représentent de petites côtes.

Fig. 2. Elle représente le fœtus de grandeur naturelle dont les cavités thoracique et abdominales sont largement ouvertes.

Tous les intestins grêles et la partie du gros intestin qui l'avoisine sont contenus dans la cavité gauche du thorax; on y voit également une portion du foie HF qui est distincte du reste du foie par une espèce de rétrécissement correspondant au diaphragme. L'appendice vermiculaire AV est remarquable par son développement. Le foie très volumineux reçoit la veine ombilicale VO dans un canal creusé à son centre, et non dans un sillon.

Le poumon droit P s'élève au-dessus de la clavicule jusqu'au niveau de la partie supérieure du larynx en dehors delà glande thyroïde TD: le thym us TM occupe la partie inférieure de la région cervicale.

Le diaphragme D manque à gauche; ses limites sont établies dans ce sens par la hernie du foie.

L'abdomen ne contenait rien autre chose que le foie et le gros intestin, à l'exception du cœcum et du colon lombaire ascendant, lesquels occupaient la cavité thoracique.

J'ai vainement cherché la rate dans l'abdomen et j'ai cru la reconnaître dans un petit corps arrondi R, attaché au poumon gauche P à l'aide d'un pédicule vasculaire : ce corps offrait en effet tous les caractères du tissu de la rate. Je n'ai point trouvé de pancréas,

Fig. 3. La mâchoire inférieure a été sciée et ses deux moitiés écartées. On voit les joues divisées par un sillon profond transversal, renversées en dedans de la bouche sur le bord alvéolaire de la voûte palatine et se continuant avec le voile du palais renversé d'arrière en avant V P; la luette repose sur la voûte palatine, échancrée à son niveau. Une petite excroissance pédiculée se voit sur la joue gauche.

O-P, sont les orifices postérieurs rétrécis des fosses nasales. Le cœur C, le poumon droit P, l'aorte A la langue LG, et le larynx L, ont été renversés à gauche. Le pharynx et l'œsophage étaient interrompus au niveau de l'ouverture SB A. Ce dernier , invaginésur lui-même, avait seulement un demi-pouce de hauteur. On pouvait aisément, en faisant cesser l'invagination , lui donner un pouce et demi de longueur. E est l'estomac qui occupait le médiastin postérieur, D le duodénum, HF une portion du foie contenue dans la cavité droite du thorax et cachée derrière le poumon droit, en sorte qu'elle n'a pas pu être aperçue fig. 2. Il y avait donc deux portions du foie déplacées, l'uneet l'autre ne tenaient au reste du foie que par un pédicule grêle. On voit sur cette figure, d'une manière très nette, la portion du diaphragme D qui restait encore; et l'espèce de demi-anneau que formait son bord libre P, est le péricarde qui adhérait au diaphragme de la manière accoutumée.

Par l'ouverture S B A qui est celle du spina bifida cervical, ouverture par laquelle s'engageaient les méninges. Mais y avait-il hernie de ces membranes? Cette région ayant été étudiée après l'extraction du cerveau , je ne saurais prononcer à cet égard !

Réflexions. L'observation qui précède est remarquable par l'existence simultanée de déplacements dans les trois cavités splancbniques.

Ainsi nous trouvons : i° déplacement ou hernie de la cavité crânienne', hernie occi-

19 Livraison. Pl. 6.

MALADIES DU FŒTUS

Monstruosité

pitale ; hernie cervicale antérieure : ces hernies étaient formées par les méninges soulevées par un liquide.

i° Déplacement ou hernie thoracique ; savoir la hernie cervicale du poumon qui occupe la région cervicale.

3° Hernie abdominale diaphragmatique. Déplacement des intestins grêles, d'une portion du gros intestin et de deux portions du foie. L'intestin grêle , le gros intestin et une portion du foie occupaient la cavité gauche de la plèvre. Une autre portion du foie occupait la cavité de la plèvre droite.

Hernie médiastine. L'estomac et le duodénum occupaient le médiastin postérieur.

Enfin, invagination de l'œsophage au-dedans de lui-même.

Une question ressort immédiatement de la coexistence de lésions aussi multipliées et du même ordre. Y a-t-il simple coïncidence de toutes ces lésions ? Y a-t-il entre elles relation de cause à effet? Enfin toutes ces lésions reconnaissent-elles une cause commune?

Il me semble que le renversement de la tête en arrière domine en quelque sorte ces diverses altérations et peut les expliquer toutes de la manière la plus satisfaisante. Ainsi, supposons que dans le premier mois ou les deux premiers mois de la vie utérine, une cause quelconque ait opéré ce renversement , les pariétaux arrivant pour ainsi dire en contact avec la région supérieure du dos, la partie postérieure ou écaille use de l'occipital ne pourra se développer : le cerveau comprimé dans une cavité crânienne rétrécie, tendra à s'échapper en arrière : une encéphalocèle s'établira ; et si le cerveau ne prend pas son accroissement, s'il existe du liquide dans la cavité crânienne, ce liquide remplacera le cerveau. Dans tous les cas , il y aura spina bifida occipital. Le renversement de la tête en arrière n'explique pas moins la situation de la région cervicale qui est devenue en quelque sorte partie intégrante de la base du crâne : on conçoit que le cerveau comprimé ne pouvant se développer dans la cavité crânienne, fait effort à la région cervicale antérieure devenue base du crâne, comme il fait effort à la région occipitale; d'où la division des corps de vertèbres cervicales, ou spina bifida antérieur.

Les mêmes raisons, c'est-à-dire le renversement de la tête en arrière, expliquent le mouvement d'ascension et du poumon et du thymus qui occupaient la région cervicale.

Enfin ce renversement explique le mouvement d'ascension des intestins et l'absence du diaphragme à gauche. Le foie seul a résisté, ou plutôt il n'a été entraîné que dans sa portion gauche. C'est encore en vertu de ce mouvement d'ascension , que l'estomac et le duodénum se sont trouvés placés dans l'épaisseur du médiastin postérieur.

Il est donc plus que probable que les déplacements ou hernies opérés dans les trois cavités splanchniques, sont une conséquence du renversement de la tête en arrière.

Mais quelle est la cause de ce renversement ? Si l'on considère la disposition de la bouche, la dépression des commissures et de la partie voisine des joues, l'adhérence des joues avec le voile du palais, le renversement du palais en avant, le rétrécissement dans le sens vertical des narines postérieures, ne sera-t-on pas porté à se demander si le cordon ombilical, reçu dans la bouche à la manière d'une corde, n'a pas pu opérer ce renversement ?

L'étude des influences mécaniques auxquelles le fœtus peut être exposé dans l'utérus , éclaircit beaucoup l'histoire des monstruosités. Nous avons vu (2e livraison) le pied-bot, la main-bot, déterminés par l'attitude du fœtus et parla déviation qui résulte de cette attitude. Nous avons vu que le fœtus pouvait être par lui-même, la cause de cette déviation et que dans un cas de pied-bot, les pieds étaient arc-boutés sous la mâchoire inférieure. Un fait consigné dans les Bulletins de la Société anatomique est venu confirmer cette théorie. Dans un cas de grossesse extra utérine , le fœtus à terme était ployé en double , et ses pieds étaient arc-boutés contre la paroi supérieure de la poche. Les deux pieds présentaient au plus haut degré le vice de conformation connu sous le nom de pieds-bots : physica physicè demonstranda.

20. Livraison. Pl. 1.

MALADIES DES OS

Cancers.

CANCER DES OS.

(Planche i, xxe livraison.)

Les os sont sujets à toutes les formes de cancer qui peuvent affecter les parties molles. Les dénominations de spina ventosa, d'ostéo-sarcôme, ôiexostose désignent quelques-unes de ces formes.

Les figures de la planche i sont destinées à représenter une forme de cancer peu étudiée jusqua ce jour, et qui consiste dans des masses ou gros tubercules cancéreux disséminés dans l'épaisseur des os à la manière du cancer marronne du foie.

De même que dans le foie, le cancer par masses disséminées des os se présente dans deux conditions bien différentes; tantôt il est primitif, tantôt et le plus souvent il est consécutif à un cancer siégeant dans les parties molles.

C'est surtout dans le cas de cancer mammaire non opéré ou opéré avec récidive, et même quelquefois à la suite de cancer mammaire opéré sans récidive, que j'ai eu occasinod'observer le cancer par masses disséminées des os. A cette occasion je ferai remarquer, que les exemples d'infection cancéreuse générale par développement de tubercules cancéreux, sont aussi communs à la suite du cancer mammaire, qu'ils sont rares à la suite du cancer utérin.

Le cancer des os, par masses disséminées, s'observe dans la cavité médullaire des os longs et dans le tissu spongieux des os courts et des os larges. Le tissu compacte ne m'a pas paru susceptible de cette altération en tant que tissu compacte; mais sa transformation facile en tissu spongieux, rend compte du petit nombre de cas dans lesquels il a été envahi. Ainsi chez un individu qui mourut avec une exostose douloureuse siégeant au tiers supérieur de la face interne du tibia, je trouvai la tumeur formée parla matière encéphaloïde infiltrée dans une trame osseuse aréolaire : le cylindre médullaire était rétréci à ce niveau, et la moelle pénétrée de sérosité.

Dans le cancer par masses disséminées des os, ce n'est point le tissu osseux proprement dit qui est envahi, mais bien le tissu adipeux médullaire contenu, soit dans les cellules du tissu spongieux,soit dans la cavité centrale des os longs. D'après ma manière de voir, ce serait dans les capillaires veineux si abondans dans ce qu'on appelle la membrane médullaire des os que siégerait cette altération.

Le cancer par masses disséminées des os se présente sous l'aspect de tumeurs dont les formes variées et peu régulières sont déterminées par les conditions mécaniques des parties au milieu desquelles elles se développent. Ainsi les tubercules cancéreux des os du crâne représentent des tampons circulaires plus ou moins réguliers. Ainsi dans la cavité cylindrique des os longs, le cancer se moule en cylindre. Quant aux masses cancéreuses du tissu spongieux des os courts ou des extrémités des os longs, elles n'affectent pas de forme déterminée.

Les tumeurs cancéreuses des os présententtantôtle caractère de l'encéphaloïde, tantôtle caractère du tissu squirrheux : les tumeurs squirrheuses des os qui sont beaucoup plus fréquentes que les tumeurs encéphaloïdes, ont identiquement les mêmes caractères que les tumeurs marronnées également squirrheuses du foie, avec lesquelles d'ailleurs elles coïncident très fréquemment; on prendrait ces cancers squirrheux pour des tumeurs fibreuses, tant est grande leur résistance , mais ils en diffèrent par le suc cancéreux dont ils sont pénétrés, et qu'on rend manifeste à l'aide de la pression la plus légère.

La présence du suc cancéreux est en effet le seul caractère différentiel entre le cancer squirrheux des os et les tumeurs fibreuses qui se développent si fréquemment dans l'épaisseur de certains os, et plus particulièrement dans les os maxillaires où elles paraissent avoir leur siège dans le tissu gingival intra-alvéolaire.

Les cancers, par masses disséminées desos, ne sont point accompagnés du développement

i

clu tissu osseux qui constitue la spina ventosa; bien au contraire, les os qui sont le siège de cette maladie sont usés molécule par molécule, et se fracturent spontanément dans le plus léger effort : souvent même la fracture spontanée des os est le premier et l'unique symptôme de la présence des tumeurs cancéreuses dans leur épaisseur : dans quelques cas, des douleurs ostéocopes très vives accompagnent leur développement. Un malade, âgé de vingt-sept ans, opéré d'un sarcocèle (voyez Anatomie pathologique, pl. vi, m6 livraison), fut pris six mois après l'opération d'une douleur très vive dans les parois de la poitrine, de difficulté plus ou moins grande à lever les bras, puis de douleurs aux épaules et de paralysie aux extrémités inférieures. A l'ouverture, je trouvai des tumeurs encéphaloïdes développées aux dépens de la 7e vertèbre cervicale, laquelle avait été complètement détruite, delà partie inférieure de la 6e (le disque intervertébral avait résisté), et des extrémités postérieures des deux premières côtes. Cette tumeur soulevait en avant la partie inférieure des muscles longs du col, et en arrière la partie correspondante des muscles spinaux du côté gauche; une semblable tumeur commençait à se manifester aux dépens de la 5e vertèbre dorsale et de l'extrémité postérieure de la 4e côte : la moelle épinière était comprimée. Tous les autres organes étaient sains. Les ganglions lombaires, le canal déférent du côté opéré étaient dans l'état le plus parfait d'intégrité.

Le cancer, par masses disséminées des os, mérite d'être distingué du cancer des os non circonscrit qui en général est limité à une partie d'os ou à un seul os. Il y a, entre ces deux formes de cancer, la même différence qu'entre la pneumonie tabulaire et la pneumonie ordinaire.

Le cancer, par masses disséminées des os, porte exclusivement sur le tissu médullaire adipeux; le cancer non circonscrit porte tantôt exclusivement sur Fun ou sur l'autre des trois parties constituantes des os, périoste, tissu osseux, tissu adipeux médullaire, tantôt sur ces trois élémens à-la-fois, et enfin sur deux de ces élémens; ces diverses variétés de siège s'observent souvent chez le même individu, circonstance qui établit positivement l'identité de nature.

Comme exemple : i° du cancer exclusivement borné au périoste; i° du cancer intéressant à-la-fois le périoste, le tissu osseux et le tissu médullaire, je citerai l'observation d'une malade de la Salpêtrière, âgée de cinquante ans environ, qui deux ou trois ans après l'ablation de la mamelle gauche cancéreuse, vit se former à la partie supérieure du sternum, une tumeur qui augmenta progressivement de volume, au point d'égaler celui du poing, et se prolongea le long de la clavicule droite. Dans les derniers temps, la surface de cette tumeur devint mamelonnée et s'ulcéra dans quelques points. Des tumeurs marronnées se développèrent dans le foie et purent être senties à travers les parois abdominales. Infiltration; mort. La clavicule droite présenta tous les caractères du cancer périostique; elle était très volumineuse èt fusiforme dans ses deux tiers internes, grêle dans son tiers externe. Une section de cet os ayant été pratiquée, j'ai vu que son tissu était sain, que toute l'altération était bornée au périoste qui formait à la clavicule un cylindre très dense, très résistant, constitué par du tissu fibreux, pénétré de suc cancéreux. La surface de la clavicule était corrodée plus ou moins superficiellement, mais d'ailleurs son tissu était parfaitement sain : la membrane médullaire était dense et comme infiltrée de sérosité au niveau de l'altération.

Le sternum était carnifié, et se laissait diviser à la manière des parties molles. Sa trame était fibreuse, et le suc cancéreux infiltrait ses mailles; la partie du grand pectoral qui revêt le sternum et la peau correspondante avaient été envahies. Ainsi dans ce cas, le périoste, le tissu adipeux médullaire et la substance osseuse elle-même, avaient été envahis.

Ce fait prouve en outre que le cancer des os se propage aux parties environnantes lorsqu'il a franchi le périoste, de même que dans certains cas il se propage des parties molles aux os.

Comme exemple d'altération simultanée de la membrane médullaire et du tissu osseux, avec intégrité du périoste, je citerai l'observation d'une autre femme de la Salpêtrière autrefois opérée d'un cancer à la mamelle qui n'avait point récidivé, et qui fut prise de douleurs très

vives dans tout te bassin, avec impossibilité de se soutenir sur les jambes : bien que les os du bassin ne fussent le siège d'aucune déformation apparente, je soupçonnai le ramollissement cancéreux de ces os : la malade mourut épuisée de douleurs. A l'ouverture je trouvai les deux os coxaux incomplètement carnifiés. Leur périoste était parfaitement sain.

Enfin le cancer des os peut envahir un très grand nombre d'os à-la-fois, ou bien être limité à un seul os, à une seule région du squelette, au sternum, aux os du crâne, aux os du bassin, à l'humérus, au fémur, aux côtes. Les cas de cancer du tibia, de cancer des os du bassin, de cancer des vertèbres, que j'ai mentionnés précédemment, en sont des exemples remarquables.

EXPLICATION DES FIGURES.

Les fig. i, i et 4 appartiennent au même sujet : l'observation a été recueillie dans le service de M. Sanson, par M. Diday, élève interne, et les pièces d'anatomie pathologique présentées à la Société anatomique, par M. Teissier.

(Jancer de la mamelle gauche. Rupture spontanée des deux fémurs. Cancer par masses disséminées dans

les os, le foie, le tissu cellulaire sous-pleural et sous-péritonéal.

Macé (Claudine), âgée de quarante ans, entra à l'Hôtel-Dieu le Ier octobre i833, pour un cancer volumineux de la mamelle gauche. L'état général de la malade, qui présentait tous les attributs de la cachexie cancéreuse, la diarrhée, l'augmentation de volume du foie, qui parut affecté de dégénération cancéreuse, éloignèrent de l'idée de toute opération; et la malade, qui n'avait d'autre but, en venant à l'hôpital, que de se faire opérer, demanda sa sortie. Il n'est pas sans importance de remarquer que la malade, qui était venue à pied à l'Hôtel-Dieu, s'en retourna de même, et qu'elle n'accusait alors aucune douleur dans les membres. Le 10 février i834, la malade fut apportée à l'hôpital et couchée salle Saint-Jean, n° 19 : elle était dans un grand état de prostration, et donna pour motif de son entrée à l'hôpital une fracture de la cuisse gauche qu'elle s'était faite en voulant se lever de dessus sa chaise. On reconnut en effet au tiers inférieur de la cuisse, de ce côté, une fracture avec saillie en dehors et en avant du fragment supérieur. Comme on se disposait à lui appliquer l'appareil des fractures de cuisse, on sentit une crépitation manifeste à la partie supérieure du fémur gauche. En même temps la malade accusa une vive douleur, en sorte qu'il est probable que cette nouvelle fracture fut produite pendant un mouvement qu'on lui faisait exécuter pour l'application de l'appareil ; la mamelle non ulcérée offrait une couleur violacée. La malade mourut dans la soirée.

Ouverture du cadavre. Les deux fémurs étaient fracturés, le droit à l'union du tiers inférieur avec les deux tiers supérieurs, le gauche au-dessous du grand trochanter. Du reste, les fragmens et les parties molles environnantes étaient identiquement dans le même état du côté droit et du côté gauche ; une assez grande quantité de sang était épanchée autour des fragmens : le périoste, décollé dans l'étendue de sept à huit lignes, pouvait encore se détacher avec facilité jusqu'à une certaine distance de la fracture. Les deux fémurs ayant été sciés dans le sens de la longueur, on vit qu'ils contenaient un nombre considérable de masses d'apparence fibreuse, de volume variable , irrégulièrement disséminées dans le canal médullaire et dans le tissu spongieux de ces os. Dans quelques points, on voyait deux masses placées à côté l'une de l'autre.

La figure 4 représente une coupe du fémur gauche; on voit qu'au niveau de la fracture, le fémur avait été usé, corrodé par une tumeur très volumineuse qui l'avait réduit à sa couche la plus externe, en sorte qu'il n'est pas difficile de comprendre que le moindre mouvement ait pu déterminer une fracture. L'une de ces tumeurs TC était contenue dans l'épaisseur du grand trochanter; une autre T C dans l'épaisseur du col du fémur; une troisième, plus petite, dans l'épaisseur de la tête de cet os. Elle a été enlevée sur la figure pour montrer la cavité dans laquelle elle était contenue.

Les vertèbres (fig. 2) contenaient aussi dans leur épaisseur un grand nombre de ces tumeurs qui s'étaient creusé des cavités aux dépens du tissu spongieux. Les deux tumeurs TC, T'C présentent absolument les mêmes caractères que les tumeurs contenues dans l'épaisseur du fémur. Des tumeurs tout-à-fait semblables remplissaient les cavités irrégulières que présente la coupe de la colonne vertébrale. Plusieurs de ces cavités E, E, E ont atteint la surface de la vertèbre dont le tissu compacte a été usé, corrodé.

On avait, pendant la vie, reconnu sur la région frontale une tumeur du volume d'une petite noix; tumeur indolente, sans adhérence avec la peau, et sur laquelle la malade n'avait point appelé l'attention. La voûte du crâne enlevée, on vit que cette tumeur consistait dans un tampon d'apparence fibreuse T'C, qui remplissait une perte de substance circulaire des os du crâne, que cette tumeur soulevait en dehors le périoste, et en dedans la dure-mère, qui lui formaient une enveloppe fibreuse. Plusieurs masses fibreuses se voyaient encore dans d'autres points. Aucune n'avait usé la table externe; plusieurs avaient usé la table

interne; un certain nombre était encore contenu dans l'épaisseur du diploé des os, et ne put être reconnu qu'à la coupe des os du crâne.

Ces tumeurs avaient partout le même caractère : elles étaient parfaitement circonscrites, et paraissaient contenues, sans y adhérer, dans une espèce de coque osseuse irrégtilière à parois rugueuses dont elles remplissaient toute la capacité. Leur couleur était blanche, leur tissu très résistant, mais pénétré d'une grande quantité de sucs cancéreux. Elles avaient usé, corrodé le tissu osseux à la manière d'un anévrysme; aucune végétation osseuse n'attestait un travail morbide développé dans l'épaisseur du tissu osseux.

Le foie, qui avait triplé de volume, était farci d'une multitude de tumeurs de consistance et de volumes différens ; aucune de ces tumeurs n'avait subi de ramollissement complet. Le tissu du foie intermédiaire était dans l'état le plus parfait d'intégrité.

Des tumeurs de même nature, mais plus petites, s'observaient sur la plèvre et sur le péritoine, et occupaient le tissu cellulaire sous-séreux. Le cerveau, les poumons, la rate, les reins, l'utérus, etc., étaient parfaitement sains.

Ainsi, dans l'infection cancéreuse générale, les masses ou tubercules cancéreux peuvent se développer dans l'épaisseur des os comme d'ailleurs dans tous les organes, et revêtir toutes les formes qu'ils affectent dans les parties molles.

Le fait suivant que j'ai observé à la Salpêtrière, en février i833, a beaucoup d'analogie avec le précédent.

Cancer dur à la mamelle. Infection générale. Cancer dans les os, le foie et la rate.

Une femme contrefaite, âgée de soixante-sept ans, portait à l'une des mamelles un cancer avec atrophie de l'organe. Il était dur, bosselé, superficiellement ulcéré et cicatrisé par places. La malade se plaignait beaucoup de douleurs dorsales, que j'avais combattues plusieurs fois avec succès par les vésica toires. Elle s'éteignit.

Ouverture du cadavre. Cancer squirrheux adhérent au grand pectoral formé par une trame fibreuse pénétrée de sucs cancéreux : coloration jaune-orangé au centre de la tumeur; quelques taches noires çà et là; épaississement considérable de la peau, qui revêt la mamelle, mais sans sucs cancéreux.

Les côtes sont infiltrées de suc encéphaloïde. Le tissu spongieux en est pénétré; le tissu compacte est réduit à une lame mince et même détruit dans quelques points où le périoste épaissi oppose seul une barrière.

Bien que la malade n'eût accusé aucune douleur aux os du crâne, éclairé par un fait récent, je fus Curieux de l'examiner, et je trouvai à la voûte une centaine de cancers squirrheux à divers degrés de développement. Ceux qui commençaient étaient limités au diploé, les tables externe et interne des os du crâne étaient intactes; ceux qui étaient un peu plus avancés avaient perforé la table interne, qui présentait soit l'aspect d'une dentelle, soit un trou plus ou moins irrégulier. A un degré plus avancé, la table externe était détruite. Le périoste et la dure-mère servaient de barrière aux progrès du mal. Aucune tumeur ne dépassait le niveau des parois du crâne. Le développement de ces tumeurs paraissait surtout se faire du centre à la circonférence. Les autres os n'ont pas été examinés.

Le foie présentait un petit nombre de masses cancéreuses blanches offrant absolument le même aspect que les cancers des os.

La rate était farcie d'une multitude innombrable de tubercules cancéreux, de volume variable depuis celui d'un grain de mil jusqu'à celui d'une noix.

L'observation suivante, qui est due à M. le professeur Dubrueil, qui l'a publiée sous le titre de cancer fibreux de l'organe médullaire, a trop de rapports avec les observations qui précèdent pour que je ne doive pas la mentionner ici : chez ce malade, la maladie cancéreuse avait envahi les os et le foie; point de cancer mammaire qui puisse être regardé comme le point de départ de l'altération. Pourquoi la maladie cancéreuse n'affecterait-elle pas primitivement les os comme les autres organes? ou bien pourquoi le point de départ de l'infection cancéreuse des os serait-il la mamelle plutôt que le foie, l'estomac ou tout autre organe?

Cancer des os. (i)

François Ruas, âgé de quarante ans, menuisier. Chute de neuf pieds de hauteur à trente-huit ans, et depuis lors douleurs vagues dans diverses parties du corps. A trente-neuf ans, efforts violens et inutiles pour charger un tonneau qui heurta violemment le côté droit du crâne. Le même jour, il fut surpris

(i) Journal hebdomadaire des Progrès de i835, tom. 1er, 8e année.

par une pluie battante. Douleurs vives dans le tronc et le bras droit. Plus tard, douleurs névralgiques dans le côté gauche de la téte et de la face.

Trois mois avant sa mort, ce malade voulant appliquer un coup de poing, entendit un craquement dans le bras droit, et perdit la faculté de le mouvoir. A la même époque, parurent plusieurs tumeurs, deux sur les parties latérales et supérieures du crâne ; une troisième à la partie moyenne de la clavicule droite, une quatrième au bras gauche et deux autres à la partie antérieure droite de la poitrine, sur les septième et dixième côtes.

A son entrée à l'hôpital, le 26 juillet i834, douleurs névralgiques qui occupent le trajet des nerfs temporaux, sous-orbitaire, dentaire et facial du côté gauche. Paupières abaissées et soustraites à l'empire de la volonté: les tumeurs n'étaient pas douloureuses, à l'exception de celle du bras. Le foie volumineux était le siège de tumeurs qui se dessinaient à travers les parois de l'abdomen. Ictère. Le malade , en tombant de son lit, se fractura le bras droit. Dépérissement, mort.

Ouverture du cadavre.—Deux tumeurs arrondies, excédant le volume d'une grosse noix, faisaient saillie sur les régions pariétales, ce Une masse fibreuse, partout de même organisation, mais d'apparence diffé-« rente, suivant qu'on examine les tumeurs à l'extérieur ou à l'intérieur, les composait entièrement. « Dans le premier sens, le tissu offrait comme une enveloppe corticale compacte et partout homogène. ce La couche extérieure divisée, on trouvait des cellules disposées symétriquement, et paraissant, à leur « capacité près, qui, ici, se trouvait accrue, n'être que celle de la substance diploïque. Les cellules conte-ce naient tantôt une matière adipeuse, consistante, tantôt de la fibrine ou du sang liquéfié. Les coupes ce pratiquées dans la tumeur offraient l'image assez exacte de l'intérieur d'une orange dans un état de putré-cc faction commençant : les lamines qui cloisonnaient les cellules étaient le siège de nombreuses arborisa-ce tions vasculaires : on rencontrait çà et là quelques molécules osseuses ayant appartenu au diploé. »

Une tumeur fibreuse développée dans la fosse orbitaire droite avait pénétré dans le crâne par la fente sphénoïdale, et comprimait les nerfs maxillaires supérieur et inférieur de la cinquième paire, et la partie correspondante du cœur qui était ramollie dans l'épaisseur de deux lignes. Une tumeur fibreuse , moins considérable, s'était développée dans la fosse orbitaire gauche.

La tumeur de la clavicule était formée par un tissu analogue à celui des os du crâne. Le centre de l'os n'existait plus.

La tumeur du bras droit avait cinq pouces et demi de longueur et dix de circonférence. On ne trouvait pour vestige de l'os que quelques parcelles osseuses rares. Les cellules que présentait l'épaisseur de la tumeur avaient beaucoup de capacité. Cette tumeur se continuait en haut et en bas avec la membrane médullaire de l'intérieur de l'humérus.

Les septième et douzième côtes, la plupart des autres os, et surtout les fémurs et les tibias, bien qu'ils parussent sains à l'extérieur, présentaient à l'intérieur une masse fibreuse qui remplaçait la moelle de ces os.

Le foie était occupé par une multitude de masses consistantes, sans vaisseaux apparens, et criant sous le scalpel : plusieurs de ces tumeurs comprimaient le col de la vésicule biliaire distendue et gênaient la circulation de la bile.

Il me parait résulter de la description très circonstanciée qui précède, description que j'ai textuellement transcrite, de peur de l'affaiblir ou de l'altérer, que les tumeurs du crâne différaient à quelques égards de celles que j'ai fait représenter (pl. 1, xxe livraison), et en particulier par leur saillie à l'intérieur et à l'extérieur du crâne, par leur structure cellu-leuse qui représentait la disposition du diploé, et par la matière contenue dans les cellules qui n'offre aucune analogie avec le suc cancéreux. Cette lésion rentrerait-elle dans la catégorie des cancers des os qui envahissent la membrane médullaire et le tissu osseux tout à-la-fois; tandis que dans les cas que j'ai décrits et figurés, la lésion serait limitée à la membrane médullaire; je serais porté à le croire. M. Dubrueil n'ayant pas cru devoir résoudre cette question, j'imiterai la réserve de cet excellent observateur.

Cancer de l'estomac. Fracture spontanée de l'humérus. Tumeurs cancéreuses dans le canal médullaire de cet os. Une tumeur caiicéreuse (*) dans l'épaisseur du sternum (fig. 5).

Saint-Marcel (Louise), âgée de soixante-six ans, entre le 3 avril, dans un état de maigreur porté jusqu'au dépérissement. Depuis l'époque du choléra, digestion laborieuse.

Depuis quelques mois, sentiment de pesanteur au creux de l'estomae, quelquefois même nausées. La

(*) Observation recueillie et pièces pathologiques présentées à la Société anatomique par M. Marotte, interne des hôpitaux. XXe livraison. 2.

présence des alimens était pénible, et de temps en temps, quelques heures après le repas, la malade était prise de coliques et dune diarrhée légère.

Depuis une quinzaine de jours, l'appétit avait diminué d'une manière plus notable encore; la malade avait été prise de toux avec expectoration muqueuse; mais elle était surtout tourmentée par une douleur qu'elle éprouvait dans le bras droit. Il n'y avait en cet endroit ni rougeur, ni tuméfaction, ni chaleur, et la douleur n'augmentait pas à la pression ; de sorte qu'elle fut jugée de nature rhumatismale.

Diagnostic. — Gastrite chronique ; bronchite légère ; douleur rhumatismale.

-Prescription. — Boissons émollientes; lavemens huileux pour vaincre la constipation qui dure depuis huit à dix jours; frictions avec un liniment opiacé; puis douches de vapeurs sur le bras malade.

Le 22 avril, la malade dit qu'elle avait ressenti, deux jours auparavant un léger craquement dans son bras, en voulant prendre le pot de tisane placé sur la tablette de son lit, et que depuis ce temps la douleur numérale était plus vive. Dans la persuasion où l'on était du caractère rhumatismal de la douleur, on était bien éloigné de penser qu'une cause aussi légère pût avoir produit une fracture; ajoutez à cela que la malade, en désignant la partie interne du membre comme le point le plus douloureux, écartait un peu le bras du corps, sans qu'il y eût déformation ou mobilité sensibles.

Une dizaine de jours après, elle se plaignit de nouveau de sa douleur, qui, loin de s'apaiser sous l'influence des cataplasmes laudanisés, n'avait fait que prendre de l'accroissement, et rendait tout mouvement impossible.

Un examen attentif fit diagnostiquer une fracture reconnaissable à la mobilité dans le lieu douloureux et à la crépitation. Cependant ce dernier signe n'était pas franc comme celui que donne une fracture récente. Mais comme la fracture datait de quelques jours, on expliquait par le commencement du travail de consolidation, le défaut de netteté de la crépitation.

Application de l'appareil ordinaire des fractures. Tout-à-coup, le g mai, prostration, face grippée, pouls misérable ; mort le 12 mai, trente-neuf jours après son entrée.

Ouverture du cadavre. — Dans l'abdomen , sérosité noirâtre, fétide, logée en grande partiedans l'excavation du bassin. Le péritoine présentait dans quelques points un peu de rougeur et des traces de fausses membranes. L'estomac était caché par le foie dans sa moitié droite; ses parois sont considérablement épaissies. La portion cachée sous le foie était le siège d'une escarrhe noire, évidemment gangreneuse, ramollie et perforée dans plusieurs points. Ces perforations avaient sans doute donné passage au liquide noirâtre rencontré dans l'abdomen. Les parois de l'estomac avaient six à sept lignes d'épaisseur; la face postérieure de cet organe se confondait avec le pancréas, devenu cancéreux lui-même, et était parsemée de masses encéphaloïdes solides ou ramollies. Tous les autres viscères de l'abdomen, du thorax étaient sains.

La fracture FR (fig. v, pl. 1, xxe livr.) était située au-dessous de la partie moyenne de l'humérus H. Les bouts des fragmens étaient comme dentelés et excessivement minces au niveau de la fracture et dans ses deux tiers supérieurs. Le canal médullaire de l'os était rempli par des masses cancéreuses superposées M, mais sans adhérence les unes aux autres. La plus supérieure s'enfonçait dans l'épaisseur de la tête de l'os TC. Les parois du cylindre étaient également amincies; et leur diminution d'épaisseur provenait évidemment de la pression exercée sur eux par la tumeur. La masse la plus volumineuse répondait bien évidemment à la fracture indiquée. Ces masses étaient de consistance inégale : celle qui répondait à la fracture offrait tous les caractères de l'eneéphaloïde. Une autre fracture, mais sans solution de continuité du périoste, existait au-dessus du col anatomique de l'humérus H. Il est possible que cette fracture fût postérieure à la mort de la malade.

La moelle, dans l'intervalle des tumeurs et au-dessous, était jaunâtre et comme infiltrée de sérosité.

A l'union de la première avec la deuxième partie du sternum, on a trouvé une tumeur cancéreuse circonscrite de même nature T'C.

La plupart des autres os du squelette ont été examinés, et n'ont offert aucune altération.

La figure 3, xxe livraison, représente la coupe d'un fémur appartenant à un individu sur lequel je n'ai aucun renseignement. Le tissu adipeux médullaire est remplacé par une matière encéphaloide infiltrée dans les cellules. Les parois du cylindre médullaire sont réduites à une lame très mince. L'altération occupe non-seulement le corps de l'os, mais même encore son extrémité supérieure GT.

20me. Livraison. Pl. 2.

MALADIES DU CŒUR

Rupture.

MALADIES DU COEUR.

( XXe LIVRAISON, PLANCHE 1. )

explication des figures.

La fig. i représente le péricarde plein de sang d'une vieille femme de la Salpêtrière qui mourut subitement dans son emploi. On voit la couleur violacée de cette membrane, et une petite hernie HP, formée par la séreuse du péricarde, à travers un éraillement de la tunique fibreuse.

La fig. 2 représente le péricarde ouvert et contenant encore des caillots.

Le cœur, graisseux à sa surface, est d'un volume ordinaire. Une rupture verticale existe au niveau de la cloison ventriculaire. Cette rupture est divisée en deux parties inégales R, R par une petite languette charnue. Une ecchymose sous-séreuse E se voit au-dessous de la rupture, au voisinage de la pointe du cœur.

La fig. 3 représente la coupe du ventricule gauche, dont l'épaisseur est considérable. Des caillots CS occupent et masquent l'orifice interne de la rupture.

La fig. 4 représente une coupe du ventricule gauche pratiquée au niveau de la rupture, perpendiculairement à l'axe du cœur. On y remarque la direction oblique et comme en zigzag de cette rupture.

Rupture spontanée du cœur.

J'ai déjà fait représenter ( 111e livraison, pl. i ) un cas de rupture du cœur. Je crois devoir rappeler ici et discuter trois circonstances de ce fait, qui sont en opposition avec ceux du même ordre que j'ai eu occasion de rencontrer depuis.

i° La première est relative au genre de mort : il est dit dans la note qui ma été remise que la malade présentait depuis plusieurs années tous les symptômes d'une maladie du cœur et qu'elle mourut à la manière des individus affectés de dilatation avec hypertrophie : il n'est nullement question de mort subite. Or, tous les cas de rupture du cœur que j'ai eu occasion d'observer depuis cette époque sont des cas de mort subite. Il est vrai que chez un individu déjà gravement malade, la mort, inopinément survenue mais dès long-temps prévue, a pu en imposer pour une mort ordinaire. On conçoit en outre que de même qu'on a vu des blessés survivre plusieurs jours à une perforation du cœur qui ne livrait passage qu'aune très petite quantité de sang, de même une très petite perforation spontanée pourrait, en amenant une hémorrhagie graduelle, produire le même résultat. Il y a toutefois cette grande différence entre les perforations traumatiquesdu cœur et les perforations spontanées du même organe, que, dans le premier cas, le tissu du cœur est sain au pourtour de la blessure, tandis que dans le second, le tissu du cœur, plus ou moins altéré, se lacérerait presque nécessairement dans une étendue plus ou moins considérable, si le malade ne succombait pas immédiatement.

i° La seconde circonstance, sur laquelle je rappellerai l'attention, est relative aux détails de l'autopsie cadavérique. Il existait plusieurs petits foyers de sang placés immédiatement sous le feuillet séreux du péricarde. L'un d'eux présentait une perforation ou déchirure qui était évidemment la source de l'hémorrhagie du péricarde : il est dit qu'un stylet enfoncé dans celte ouverture pénétra facilement dans la cavité du ventricule gauche, mais l'examen attentif des parois du cœur me convainquit que la perforation était purement accidentelle et que le stylet avait traversé la couche musculaire peu épaisse qui formait le fond du foyer sanguin. Eh bien! plusieurs faits me portent àpenserque la perforation du cœur était complète dans ce cas comme dans tous les faits du même ordre, mais que son obliquité, sa disposition sinueuse, son étroitesse du côté du cœur, sa situation entre les colonnes charnues au fond d'un tissu aréolaire m'ont induit en erreur, et l'erreur est parfois très facile.

Une malade dont je n'ai pas noté l'âge, mais qui devait avoir de 4° à 5o ans, entre à la maison royale de santé pour une amaurose complète. Elle rend parfaitement compte de son état, n'accuse aucune espèce de douleur et meurt immédiatement après la visite. Bien que cette malade n'eût accusé aucune douleur de tête, aucun affaiblissement des membres et n'eût présenté en un mot aucun symptôme de compression cérébrale, je présumai que l'amaurose était symptomatique de quelque tumeur fongueuse de la dure-mère, et que la mort, comme il arrive quelquefois, aurait eu lieu subitement par l'effet d'un changement survenu dans cette tumeur jusqu'alors inaperçue. A l'ouverture, je trouvai que la cause de la mort était un épanchement de

xxe livraison.

sang dans le péricarde, et la source de cette hémorrhagie était dans une perforation du cœur qui occupait la face antérieure du ventricule droit. Le stylet introduit, ne pénétra pas d'abord dans l'intérieur de ce ventricule, c'est pourquoi je crus à une perforation incomplète; mais avec un peu plus d'attention, je reconnus que les parois étaient traversées par une rupture oblique très étroite du côté du ventricule.

Dans un autre cas de mort subite recueilli sur un homme de 78 ans, par M. Padieu, interne à Bicêtre, dans le service de M. Prus, le péricarde, fortement distendu, contenait huit onces de sang liquide et quatre onces de sang en caillots; le cœur avait son volume ordinaire ; il était recouvert de graisse sur toute sa surface, et présentait en arrière deux ecchymoses circulaires, dont l'une offrait à son centre une petite ouverture. Ces ecchymoses occupaient la partie supérieure du sillon postérieur du cœur, un peu à droite de ce sillon. On aurait pu croire, au premier abord, qu'il y avait rupture du ventricule droit, mais un stylet introduit par l'ouverture extérieure conduisit dans le ventricule gauche, et une incision pratiquée dans un point opposé à la rupture, mit à découvert l'orifice interne de la perforation qui était large d'une ligne, et à bords frangés. Cet orifice avait son siège sur la paroi postérieure du ventricule gauche, au niveau delà partie moyenne de cette paroi, en sorte qu'avant de s'épancher dans le péricarde, le sang avait dû parcourir un trajet oblique de bas en haut et de gauche à droite. Ce trajet, qui avait deux pouces environ de longueur était rempli par de petits caillots. L'épaisseur des parois des différentes cavités du cœur était un peu au-dessous de l'état normal. Le tissu de cet organe était fragile, mais cette fragilité était uniforme. Il y avait quelques concrétions calcaires aux valvulves sigmoides de l'aorte.

3° Dans le cas que j'ai rapporté (111e livr., pl. i),j ai cru devoir considérer la perforation du cœur comme une apoplexie de cet organe. Ici en effet, comme dans l'apoplexie, il y a foyer sanguin par suite de déchirure spontanément opérée : mais de nouvelles observations m'ont démontré que cette apoplexie du cœur reconnaît le plus souvent pour cause première une fragilité remarquable du tissu de l'organe ; si bien que dans tous les cas que j'ai eu occasion d'observer ce tissu se morcelait à l'aide d'une pression ou d'une traction légère. Cette fragilité présente de notables variétés. Elle peut être générale, c'est-à-dire occuper la totalité du cœur, elle peut être circonscrite. Dans quelques cas, le cœur, si vous en exceptez la fragilité, n'offre pas d'altération manifeste dans son tissu qui est seulement d'un rouge plus obscur que de coutume; dans d'autres cas, le tissu du cœur est remarquablement altéré. Ainsi, une fois, j'ai trouvé le tissu du cœur gris-blanchâtre comme si un peu de pus concret avait été infiltré dans son épaisseur ; une autre fois il semblait au premier abord qu'un commencement de transformation graisseuse avait lieu dans l'épaisseur de l'organe au voisinage de la rupture; mais l'état graisseux, admis par quelques-unes des personnes qui virent la pièce, ne me parut nullement constaté; d'ailleurs l'état graisseux du cœur ne favorise pas la rupture de cet organe. Lorsque le tissu du cœur est devenu fragile (et il est probable qu'il existe un assez grand nombre de causes de cette fragilité), on conçoit que la moindre contraction insolite pourra amener la déchirure de l'organe à la manière des muscles des membres inférieurs des scorbutiques qui se rompent par le seul fait des mouvemens de progression.

La rupture spontanée du cœur est en général une maladie de la vieillesse. Elle occupe presque toujours le ventricule gauche, bien que l'orifice extérieur de la rupture corresponde quelquefois à la cloison, et paraisse même parfois empiéter un peu sur le ventricule droit. Je l'ai rencontrée le plus souvent sur des cœurs hypertrophiés. Les cœurs non hypertrophiés n'en sont pas exempts. Il est rare qu'il y ait foyer sanguin proprement dit dans l'épaisseur du cœur au voisinage de la rupture. Cependant, dans un cas de perforation qui avait lieu au voisinage du sommet du ventricule gauche, l'ouverture occupait la partie inférieure d'un foyer sanguin creusé dans l'épaisseur des parois du cœur. Quelques fibres musculaires incomplètement déchirées formaient la paroi interne du foyer qui occupait du tiers au quart inférieur du ventricule gauche.

La mort subite dans la rupture spontanée du cœur ne tient nullement à l'hémorrhagie qui n'est jamais bien considérable, car elle ne dépasse guère 11 à 16 onces; la mort est la conséquence nécessaire de l'impossibilité où se trouve le cœur de se dilater, vu l'inexten-sibilité du péricarde, lorsque l'intervalle qui existe naturellement entre la surface du cœur et la surface interne du péricarde a été rempli par le sang. (1)

(1) D'après mes observations, l'intervalle qui sépare le péricarde de la surface du cœur mesure exactement le volume du cœur dans sa plus grande distension possible.

20 Livraison. Pl. 3.

Apoplexie et Atrophie des Circonvolutions

MALADIES DU CERVEAU.

(Planche 3, xxe livraison.) Apoplexie des circonvolutions. Cicatrices du cerveau. Atrophie avec ratatinement des circonvolutions.

(Fig. i et i'.)

Les fig. i et i' représentent l'hémisphère droit du cerveau d'une femme âgée, hémiplégique du côté gauche, morte à la Maison royale de santé. La cause de sa mort fut une gangrène spontanée qui se déclara à la partie antérieure et supérieure de la cuisse, et qui, d'abord circonscrite, s'étendit bientôt en largeur et en profondeur. Cette femme avait toute son intelligence, jouissait de toute sa sensibilité : la paralysie était bornée au mouvement.

La fig. i représente la convexité de l'hémisphère droit du cerveau. La surface du cerveau est notablement déprimée au niveau des circonvolutions postérieures. Des vaisseaux nombreux rampent à la surface de l'organe. Au niveau et au pourtour de cette dépression, les os du crâne étaient très épais.

La fig. 2 représente la coupe d'avant en arrière de cet hémisphère, et permet d'apprécier la profondeur de la perte de substance : on voit que la substance cérébrale est remplacée par une cellulosité jaune-sale, parcourue par quelques vaisseaux ; cette trame celluleuse était peu cohérente, et s'est affaissée, après l'écoulement d'une certaine quantité de liquide trouble jaunâtre qui la pénétrait. La substance cérébrale qui environnait cette perte de substance était très saine. L'altération était parfaitement limitée. En examinant avec attention la coupe de cette cellulosité, on voit que sa surface est ondulée et représente assez bien la disposition sinueuse des circonvolutions.

Réflexions. — Plusieurs faits m'autorisent à admettre que cette forme de cicatrice du cerveau est la suite du ramollissement de cet organe et non d'un foyer apoplectique proprement dit : souvent au lieu de sérosité trouble on trouve la trame celluleuse remplie par une bouillie plus ou moins claire, tout-à-fait semblable à un lait de chaux, qui s'écoule comme un liquide des coupes pratiquées au niveau de l'altération.

Apoplexie des circonvolutions. Atrophie avec ratatinement des circonvolutions, fig. i et 3.

La fig. 3 représente une altération que je rencontre très souvent à la Salpètrière, et que tout porte à considérer comme la suite de foyers apoplectiques limités aux circonvolutions. Dans l'épaisseur des circonvolutions malades se voit, à la place de la substance blanche, une cellulosité très dense, d'un jaune brun diversement nuancé, contenu entre deux lames de substance corticale indurée, et presque toujours altérée dans sa couleur qui est d'un jaune serin.

Dans un certain nombre de cas, l'altération est exactement limitée à la substance blanche. La substance grise est intacte. D'autres fois la substance grise est plus ou moins altérée et dans sa couleur et dans sa consistance; enfin elle peut être détruite comme la substance blanche.

Ce ne sont pas là les seules lésions dont les circonvolutions soient susceptibles. On les trouve quelquefois flétries, ratatinées (fig. 2, CA, CA, CA); et ce ratatinement, qui s'accompagne toujours d'induration, peut être borné à quelques circonvolutions ou étendu à un très grand nombre. Les circonvolutions occipitales sont celles qui m'ont paru les plus susceptibles de ce ratatinement atrophique.

Le ratatinement des circonvolutions peut exister indépendamment de toute coloration; plus souvent il est accompagné de coloration jaune ou jaunâtre, ou cette coloration peut se manifester par points isolés, comme si des grains de sable plus ou moins jaunes avaient été déposés sur le cerveau ou enfoncés dans son épaisseur. Ces points jaunes, semblables à des grains de mil, et qu'on peut enlever par une espèce d'énucléation, seraient-ils la trace de cette espèce d'apoplexie capillaire qui consiste dans des gouttelettes sanguines concrètes, grosses comme la tête d'une épingle, que j'ai vu quelquefois coexister avec ces points jaunes?

XXe LIVRAISON. I

Dans quelques cas, la substance grise des circonvolutions primitivement détruite est remplacée par une pellicule jaunâtre, vasculaire et celluleuse. Sous elle, la substance blanche peut être intacte, ou bien convertie en cellulosité infiltrée de bouillie lait de chaux. Quelquefois il semble que les circonvolutions n'aient pas été entamées, tant la coloration jaune est superficielle, et cette coloration peut s'étendre à la pie-mère.

Dans d'autres cas, la surface du cerveau (circonvolutions et anfractuosités) est crevassée, comme si des gouttes d'acide nitrique étaient tombées çà et là sur cette surface (fig. 2), et l'avaient sillonnée de la manière la plus irrégulière : on voit en effet (CIC, CIC, CIC) des pertes de substance tantôt irrégulièrement circulaires, tantôt sous la forme de stries longues et anguleuses. Le pourtour de ces pertes de substance est comme froncé, festonné et coupé à pic. La couleur de la cicatrice est d'un jaune serin plus ou moins brunâtre. On croirait voir, sauf la couleur, la cicatrice d'un ulcère intestinal. Une lame celluleuse et fibreuse jaune-serin recouvre la perte de substance. Quelquefois, la circonvolution tout entière est remplacée par une lame jaunâtre. Il est à remarquer que les circonvolutions occipitales sont celles qui présentent le plus souvent ces cicatrices, de même que l'atrophie avec ratatinement des circonvolutions.

J'ai vu une moitié de circonvolution manquer dans une assez grande étendue, et la moitié restante être recouverte par une toile celluleuse jaunâtre fort mince. La perte de substance est tellement nette, qu'on dirait qu'elle a été faite avec un emporte - pièce. Dans d'autres cas, les deux moitiés d'une circonvolution sont séparées l'une de l'autre par une cellulosité jaunâtre.

La coloration jaune, jaune-brun, jaune-orangé, me parait la trace indélébile d'un épanche-ment sanguin antérieur. Je considère donc toutes ces altérations des circonvolutions comme la suite soit de petits foyers sanguins circonscrits, soit d'une apoplexie capillaire. L'apoplexie capillaire affectant une grande prédilection pour la substance grise des circonvolutions, et respectant souvent la couche blanche subjacente, me parait rendre un compte satisfaisant de la plupart de ces altérations.

Le cervelet est sujet aux mêmes altérations que le cerveau, et les réflexions qui précèdent lui sont également applicables.

Quant à la symptomatologie de cette altération, jusqu'à ce jour il m'a été impossible de l'établir d'une manière positive. La plupart des malades qui l'ont présentée appartiennent à la division de la Salpêtrière dite des gâteuses y malades qui rendent involontairement leurs urines et leurs matières fécales. Leur intelligence affaiblie permet difficilement de recueillir des renseignemens antérieurs. Plusieurs sont hémiplégiques, et présentent des foyers apoplectiques anciens; d'autres n'ont qu'un affaiblissement général et de l'intelligence et de la faculté locomotrice. Quelques-unes ont éprouvé de temps à autre de petites attaques; d'autres n'en ont pas présenté d'une manière manifeste. Ces malades succombent presque toujours par suite d'apoplexie capillaire ou d'un ramollissement qui a lieu tantôt autour de la cicatrice, tantôt dans une autre partie du cerveau.

Quelques observations viendront à l'appui des considérations précédentes.

Coloration jaune de la surface du cerveau et du cervelet ; cicatrices avec perte de substance des

circonvolutions du cerveau et des lamelles du cervelet.

Chez une femme en démence, dont le cerveau et le cervelet avaient le volume ordinaire, nous avons trouvé une coloration jaunâtre à la surface du cerveau et du cervelet, et cela dans une assez grande étendue. La coloration ne dépassait pas la couche la plus superficielle de ces organes. La pie-mère, qui ne participe presque jamais à cette coloration, y participait ici, mais seulement dans quelques points.

Le cervelet n'offrait d'autre altération que cette coloration jaune qui occupait sa circonférence et sa face inférieure.

Le cerveau présentait, avec cette coloration jaune, des cicatrices qui occupaient les circonvolutions antérieures et les circonvolutions inférieures de la base du cerveau. Elles méritent une description particulière.

Circonvolutions antérieures de la base.—La plupart de ces circonvolutions étaient divisées en deux moitiés parfaitement distinctes, présentant une coloration jaune-brunâtre dans toute leur épaisseur, et réunies à

l'aide d'un tissu celluleux de même couleur. Il n'y avait donc plus ni substance blanche, ni substance grise, mais une substance jaune.

Il a été bien manifeste que l'apoplexie occupait le centre des circonvolutions; car dans plusieurs une substance cellulaire, d'un brun d'ocre, s'avançant jusqu'au bord adhérent de la circonvolution, était recouverte par des lames de substance blanche.

Dans quelques circonvolutions, c'était seulement à son centre que la circonvolution présentait une ligne jaunâtre.

Les circonvolutions qui répondaient aux rubans olfactifs étaient plus profondément affectées que les autres. Le bulbe olfactif gauche surtout était teint en jaune, mais d'ailleurs sans altération dans sa consistance.

Circonvolutions postérieures de la base.—Plus profondément altérées que les précédentes. A leur place, toile celluleuse très dense, d'un jaune brunâtre foncé. La substance blanche des circonvolutions détruites était à nu, et n'était séparée de la pie-mère que par cette toile celluleuse. La paroi inférieure de la portion réfléchie du ventricule latéral était en grande partie remplacée par cette toile celluleuse.

Cicatrices colorées avec perte de substance des circonvolutions du cerveau et des lamelles du cervelet. — Conversion en bouillie jaunâtre du corps strié gauche, avec cavités pisiformes dans le corps strié droit.

Bailly (Ve Chevillion) , âgée de quatre-vingt-deux ans, couchée au n° 16, salle Saint-Gabriel de la Salpê-trière, hémiplégique à droite, avec conservation de la sensibilité et intégrité des facultés intellectuelles, meurt le i3 avril i833, par suite d'une pneumonie œdémateuse. Pour tout renseignement, nous recueillîmes qu'elle était hémiplégique depuis six mois.

Ouverture du cadavre. — Cerveau.—A la réunion des deux tiers antérieurs avec le tiers postérieur de l'hémisphère droit, une circonvolution transversale de la convexité présente, à côté de la grande scissure médiane, une perte considérable de substance. On dirait que la moitié postérieure de cette circonvolution vient d'être enlevée irrégulièrement par un instrument tranchant. Une couche celluleuse très fine, colorée en jaune, atteste l'ancienneté de la lésion qui pénètre dans l'anfractuosité correspondante. Les bords sont irréguliers, coupés à pic, comme dans les ulcérations intestinales cicatrisées. La substance corticale est seule détruite.

A droite , au centre médullaire de l'hémisphère, au niveau de la réunion du tiers antérieur avec les deux tiers postérieurs du corps calleux, au voisinage du lobule de la scissure de Sylvius, se voit une petite cavité à parois non colorées, traversée par du tissu cellulaire rempli de sérosité; la substance blanche environnante est intacte. Deux petites cavités non colorées, en forme de kystes se voient dans le corps strié et tout près de la surface ventriculaire.

A gauche, la circonvolution correspondante et les circonvolutions qui l'avoisinent présentent des espèces de cicatrices irrégulières également jaunâtres, disposées soit par stries irrégulières, soit par excavations. Cette lésion se remarque aussi dans plusieurs anfractuosités. Sur le lobule de la scissure de Sylvius, la surface du cerveau présente une teinte jaunâtre ; cette coloration est due à une membrane formée aux dépens de la substance grise, sous laquelle existe une couche mince de bouillie jaunâtre. La substance blanche est intacte. Une circonvolution qui avoisine l'extrémité supérieure de la scissure de Sylvius, et qui appartient à la convexité de l'hémisphère, présente la même altération.

Corps strié. — La substance grise, soit au dessus, soit au dessous des radiations blanches, est convertie en une espèce de bouillie jaunâtre, traversée par des vaisseaux sanguins et du tissu cellulaire lâche.

Cervelet.- - A la partie postérieure de l'hémisphère droit existe une perte de substance visible à travers les membranes, qui se présente sous la forme d'un sillon jaunâtre. Une section perpendiculaire montre qu'il y a destruction de la substance grise d'un grand nombre de lamelles; la substance blanche de quelques-unes paraît avoir subi la même altération.

Poumons.—Tout le lobe inférieur droit est hépatisé au premier degré : la pression fait suinter des bronches un liquide grisâtre abondant : engouement du lobe inférieur du poumon gauche. Replis muqueux arythéno-épiglottiques infiltrés de sérosité ; membrane muqueuse de la trachée et des bronches rouge, épaissie et recouverte d'un mucus épais, filant, rougeâtre; épanchement de sérosité dans l'une des plèvres.

( PLANCHE IV, XXe LIVRAISON.)

Apoplexie capillaire. Ramollis s emens du cerveau.

Inflammation du sinus longitudinal supérieur et des veines qui y aboutissent; apoplexie capillaire de la substance grise et d'une partie de la substance planche, (i) (Fig. i.)

Une jeune fille, âgée de vingt ans, domestique, entre à l'Hôtel-Dieu le 10 avril i833, se disant malade depuis huit jours : elle présente tous les symptômes de l'entérite folliculeuse commençante avec dévoie-ment, rougeur et sécheresse de la langue; réponses brèves et tardives ( sangsues à l'anus à deux reprises ; diète sévère; boisson adoucissante). Le 1 mai, on crut reconnaître une pleuro-pneumonie du côté droit.

Les jours suivans, morosité, indifférence complète sur son état et sur tous les objets extérieurs. Douleur à l'épaule droite; la tête est souvent tournée à droite ou à gauche, et si on essaie de la redresser, on cause beaucoup de douleurs.

Le 9 mai : morosité portée à l'extrême; décubitus sur le côté gauche; le tronc courbé en avant; les cuisses fléchies sous le ventre; tous les muscles sont dans un état de contraction tonique. Si l'on essaie de faire asseoir la malade, le corps est raide et comme d'une seule pièce. On soupçonne une affection de la moelle, et on applique un sinapisme le long de la colonne vertébrale.

Le 10 mai : cris plaintifs continuels, inarticulation des sons ; tête tournée à gauche, yeux tournés en haut et à droite et immobiles; pupilles très dilatées. Mouvemens convulsifs épileptiformes dans la moitié gauche du corps, surtout dans le membre supérieur : le pouce de la main gauche reste très fortement appliqué contre la paume de la main pendant toute la durée du spasme, qui est de cinq à dix minutes, et auquel succède la résolution complète des parties. Le côté droit du corps reste étranger à ces alternatives de contraction et de résolution. Si on pince la malade soit à droite soit à gauche, la malade n'exécute aucun mouvement, mais ses cris plaintifs augmentent. (Dix sangsues le long des jugulaires, sinapismes aux jambes.)

11 mai : état comateux. Cris plaintifs continuels; respiration fréquente; pouls très fréquent, assez développé. La tête est revenue à sa rectitude naturelle; paupières abaissées ; pupilles dilatées; les membres du côté gauche sont dans un état de rigidité permanente, mais ils ne sont point agités convulsivement. On soupçonne une encéphalite dans l'hémisphère droit. (Vessie remplie de glace sur la tête.)

12 mai : état toujours comateux. La malade essaie, sans le pouvoir, de porter la langue hors de la bouche. Les pupilles sont moins dilatées que la veille. Le bras gauche, à demi contracté, tend à être rapproché du tronc par saccades convulsives, qui font bientôt place à la résolution (Dix sangsues aux jugulaires; vésicatoires aux cuisses; glace sur la tête; tisane de tamarin avec addition d'un grain de tartre stibié).—Le soir, résolution et insensibilité générales; respiration très accélérée et suspirieuse; pouls très petit et très fréquent. Mort pendant la nuit.

Ouverture du cadavre.—Abdomen. — Trois ulcérations circulaires de la muqueuse de l'intestin grêle, à un pied environ de la valvule ilio-cœcale; ganglions du mésentère tuméfiés, d'un rouge livide, mais non ramollis.

Thorax. — Hépatisation au deuxième degré du lobe inférieur du poumon droit.

Téte. — Le sinus longitudinal supérieur (fig. 1, SL) est rempli par un caillot très dense adhérent à ses parois. Quelques foyers purulens étaient contenus dans son épaisseur : toutes les veines qui viennent s'aboucher dans ce sinus sont dures et remplies de sang noir, décoloré seulement dans quelques points, et adhérent à leurs parois. Les sinus latéraux contiennent aussi du sang couenneux et adhérent.

Les méninges enlevées, on voit sur quelques-unes des circonvolutions et des anfractuosités de l'hémisphère gauche qui avoisinent le sinus médian plusieurs foyers d'apoplexie capillaire caractérisés par une pulpe couleur lie-de-vin foncée AC, AC, qui tenait la place de la substance grise de ces circonvolutions, et qui s'étendait même à la couche adjacente de substance blanche. Dans l'hémisphère droit, il y avait un ramollissement rouge, moins étendu et moins complet. On voyait en outre çà et là de petites extra-vasations sanguines miliaires tantôt groupées, tantôt irrégulièrement disséminées.

Les autres parties du cerveau sont saines. La moelle n'a pas été examinée.

Reflexions. — Cette observation établit un fait important, savoir la coexistence de l'inflammation des sinus de la dure-mère et de celle des veines cérébrales avec un ramollissement apoplectique. Il n'est pas sans intérêt de rappeler ici que l'induction et l'expérimentation

(1) Observation et pièces pathologiques présentées à la Société anatomique par M. le Dr. Montault, l'un de ses membres honoraires.

20me. Livraison, Pl. 4.

Apoplexis Capillaires ; ramollissemens.

étaient allées dans ce cas au-devant des faits cliniques, et que mes recherches sur le siège immédiat de l'inflammation (Bibl. me'd., 1826) ayant établi que toute injection irritante faite dans les veines du cœur vers les extrémités déterminait la formation de foyers sanguins dans les parties correspondantes, j'en avais conclu que la même chose devait avoir lieu pour le cerveau, et que s'il était possible de déterminer expérimentalement une inflammation dans les sinus cérébraux et dans les veines cérébrales, 011 obtiendrait les mêmes résultats. Les belles observations consignées dans le travail de M. Tonnelle sur l'inflammation des sinus de la dure-mère (1), plusieurs faits recueillis depuis la publication de son travail, sont venus confirmer m es prévisions, et prouver que, dans l'inflammation des sinus de la dure-mère et des veines collatérales, il y avait tantôt exhalation de sérosité (œdème cérébral et sous-arachnoïdien), tantôt exhalation de sang dans la cavité de l'arachnoïde, quelquefois de larges ecchymoses, un épanchement sous l'arachnoïde avec ramollissement de la substance grise ou blanche des circonvolutions, des apoplexies capillaires, des foyers apoplectiques. Toutes ces différences dans les effets de la phlébite (2) proviennent sans doute de différences dans le siège, dans l'étendue de la lésion, et plus encore peut-être dans la rapidité de l'oblitération des sinus.

J'ai cité ailleurs (vme livr., pl. 4)? à- l'occasion d'un cas d'inflammation du sinus de la dure-mère deux observations de M. Burnet (3), qui ont beaucoup d'analogie avec celle qui fait le sujet de la fig. 1, pl. 4? xxC Hvr- Dans Fun de ces cas, le sinus longitudinal supérieur, le sinus latéral gauche et les veines cérébrales supérieures étaient distendus par un sang noir et adhérent; et on trouva dans l'épaisseur des substances grise et blanche, une foule de petits caillots, dont les plus gros égalaient à peine en volume un pois de senteur. Tout autour, la substance cérébrale était très légèrement ramollie, et pi'ésenlait une belle couleur orangée. De semblables petits foyers existaient dans le corps strié droit et dans la couche optique gauche.

Dans l'autre cas, le sinus longitudinal supérieur et la veine cérébrale supérieure étaient distendues par du sang coagulé et adhérent. En même temps existaient une foule de petits foyers apoplectiques dans la substance des hémisphères.

Cette observation, considérée sous le point de vue de l'anatomie pathologique et de la nosologie, établit la connexité qui existe entre l'inflammation des veines et l'apoplexie capillaire : et comme, dans d'autres cas, on trouve un ramollissement du cerveau tout-à-fait semblable sans inflammation des veines et des sinus (comparez la fig. 1 et la fig. 2), ne doit-on pas conclure que, dans l'un et l'autre cas, le siège immédiat de l'altération et le mode de cette altération sont parfaitement identiques? Or, l'apoplexie capillaire coïncidant avec l'inflammation des veines, peut-elle résider ailleurs que dans les veines capillaires?

Cette observation établit en outre la connexité qui existe entre l'apoplexie capillaire et l'inflammation; et comme, d'une autre part, d'autres faits établissent la connexité de l'apoplexie capillaire et de l'apoplexie avec foyers, on peut saisir la filiation de toutes ces lésions anatomiques : savoir, apoplexie avec foyers, apoplexie capillaire, ramollissement inflammation, phlébite des sinus et des veines cérébrales, lésions que semblait d'abord séparer un intervalle considérable.

Sous le point de vue clinique, l'observation précédente ne peut être que d'un faible secours pour le diagnostic. Toutefois l'invasion des symptômes cérébraux, l'incurvation du tronc en avant, les mouvemens convulsifs de la moitié gauche du tronc, les alternatives de contraction et de résolution annonçaient assez bien une apoplexie capillaire dans la moitié opposée du cerveau.

Ramollissement lie-de-vin du cerveau. ( figure 1. )

La figure 1 représente le plus haut degré du ramollissement du cerveau, dont la substance est convertie en une bouillie lie-de-vin.

Voici l'observation qui est relative à cette altération.

(1) Mémoire sur les sinus veineux de la dure-mère. Paris, 1829. m_8°.

(2) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. xn, art. phlébite, inflammation des sinus de la dure-mère, pag. 668.

(3) Journal hebdomadaire de médecine, avril i83o, pag. 52.

XXe LIVRAISON. 2

Invasion subite de paralysie de la langue et de rigidité du bras. — Marche progressive des symptômes; peinte de connaissance ; mort au bout de 48 heures; ramollissement lie-de-vin de la substance grise; ramollissement blanc de la substance blanche; ancienne cicatrice dans une circonvolution, (i)

M....., âgée de 76 ans, est prise subitement, le 23 août i833, de paralysie de la langue : en même temps

la bouche paraît déviée à gauche; le bras droit est dans un état de rigidité, et n'exécute aucun mouvement, tandis que le gauche n'a reçu aucune atteinte : la malade peut marcher, et les deux membres inférieurs paraissent ne présenter aucune différence sous le rapport de la locomotion. Sensibilité intacte; pouls extrêmement petit; température du corps abaissée. lia malade jouit de son intelligence, fait effort pour répondre aux questions qui lui sont adressées sans pouvoir y parvenir.

Pour commémoratifs, on recueille que la malade marchait en tremblant; qu'elle se servait également bien de ses membres supérieurs. Peu d'heures avant l'accident, elle avait mangé sa soupe sans secours étranger, et n'avait jamais accusé ni douleur ni malaise. (Sangsues; sulfate de soude, 2 onces.)

Le lendemain, la malade est prise tout-à-coup de perte de connaissance; respiration râleuse alternativement lente et fréquente : le bras droit est rigide et immobile. Mouvemens automatiques du bras gauche ; sensibilité au pincement; pouls irrégulier, très faible et très fréquent. Le soir, contraction et relâchement alternatifs des muscles des membres ; roulement des yeux dans leurs orbites ; teinte violacée de la face.

Mort le troisième jour, à dix heures du matin, avec un râle bruyant.

Ouverture du cadavre.—Ramollissement de la substance grise de plusieurs circonvolutions et anfractuo-sités (fig. 2) appartenant à l'hémisphère gauche. Ce ramollissement en bouillie R, R est couleur lie-de-vin, ou rouge-violet foncé, semblable à des fraises écrasées; la substance grise ramollie s'enlève avec les membranes, et reste attachée à la surface du cerveau. La substance blanche subjacente a été respectée dans quelques points; dans d'autres, elle a subi un ramollissement blanc qui s'étendait dans plusieurs points jusqu'au centre du lobe antérieur.

Ce lobe antérieur lui-même était remarquable par un aspect poreux, sur lequel j'aurai occasion de revenir ailleurs, et par le développement de quelques vaisseaux capillaires.

Dans l'hémisphère droit, l'une des circonvolutions qui avoisinent la grande scissure médiane présentait une perte de substance analogue à celle représentée pl. m, fig. 2. Cette perte de substance avait laissé à nu la substance blanche de cette circonvolution que recouvrait une toile celluleuse d'un jaune clair. Cette cicatrice, qui était très ancienne, remontait probablement à l'époque où cette malade avait été dans l'impossibilité de garder ses urines.

Ramollissement amaranthe et hortensia du cerveau. ( Fig. 3. )

La fig. 3 représente la nuance rouge amaranthe qui conduit du ramollissement rouge lie-de-vin au ramollissement lilas ou hortensia. Le ramollissement R est exactement limité à la substance grise; et on voit qu'il y a en quelque sorte pénétration du sang et de cette substance.

N'ayant pas pu retrouver l'observation relative au sujet qui a servi à cette figure, j'y suppléerai par l'observation suivante. Cette observation est remarquable par l'étendue du ramollissement, bien que la nuance de la couleur des parties ramollies ne fût pas exactement la même que celle représentée fig. 3.

y4Jfaiblissement ancien dans la moitié gauche du corps. Fourmillemens douloureux. Dépérissement. Tout-a-coup perte complète de la connaissance et du sentiment. Résolution des membres droits. Rigidité des membres gauches. Ramollissement hortensia d'un grand nombre de circonvolutions.

Ory (2), âgée de soixante-neuf ans, surveillante à la Salpêtrière : forte constitution. Il y a six ans, perte de connaissance, à la suite de laquelle elle resta affaiblie du bras et de la jambe gauches. Ses facultés intellectuelles s'affaiblirent en même temps, de sorte qu'elle fut obligée de renoncer à ses fonctions de surveillante.

Elle marchait assez bien avec le secours d'une canne ; son appétit était bon, et sa santé bonne en apparence. Depuis un an, elle se plaignait de picotemens ou fourmillemens douloureux dans les membres affaiblis (côté gauche). Parfois ils augmentaient d'intensité, s'accompagnaient de fièvre, et obligeaient la malade à observer la diète et à garder le lit. Une fois, elle avait été obligée de se faire saigner : elle croyait remarquer que chaque indisposition amenait un affaiblissement plus prononcé dans la moitié gauche du corps.

Ce fut à l'occasion d'une de ces indispositions habituelles qu'elle entra à l'infirmerie le 6 décembre i834;

(1) Observation recueillie par M. Olivieri, interne à la Salpêtrière.

(2) Observation recueillie par M. Diday, interne à la Salpêtrière.

les picoteniens étaient plus incommodes et plus fréquens, la fièvre plus vive; la paralysie plus prononcée : pour la première fois depuis l'attaque, la malade ne pouvait ni marcher ni se servir de la main gauche, bien qu'elle pût encore la soulever; et pour la première fois aussi, les fourmillemens douloureux s'étaient étendus au bras du côté droit, qui jusqu'alors en avait été exempt. Ce bras ne présentait d'ailleurs aucun affaiblissement.

Le pouls était plein et fréquent, la langue saburrale, l'appétit nul : céphalalgie; intelligence parfaite.

Une saignée fut pratiquée : point d'amélioration; le lendemain, deux onces d'huile de ricin, dont l'effet purgatif soulagea beaucoup la malade. Appétit, mais point de changement dans l'état des membres. Pesanteur de tête; céphalalgie.

Seconde saignée le 10 janvier. Le lendemain, nouvelle prescription d'huile douce de ricin. Diminution des douleurs et de la céphalalgie. Le 24 janvier, la malade est assoupie; cependant elle mange à deux heures comme de coutume.

Tout-à-coup, à trois heures et demie, perte complète de connaissance, respiration précipitée et ster-toreuse, écume à la bouche; face violette à droite, pâle à gauche; les yeux injectés; point de déviation dans la commissure des lèvres. Le membre supérieur droit est dans un état complet de résolution : soulevé, il retombe comme une masse inerte; le membre supérieur gauche est rigide et ne tombe que lentement. Les membres inférieurs étaient respectivement dans le même état que les supérieures : de temps en temps, quelques contractions spontanées du côté gauche.

Perte complète de sentiment; insensibilité aux pincemens les plus forts. La malade a uriné involontairement.

Le pouls est fréquent, plein et très dur. (Saignée 20 onces, bien que la prescription ne portât que 10 à 12 onces; 16 sangsues aux apophyses mastoïdes, petit lait avec émétique, 2 grains; 2 sinapismes.)

Après la saignée, la respiration parut moins gênée, les raidissemens convulsifs des membres gauches furent moins fréquens. Néanmoins, les dents sont serrées, en sorte que la malade n'avale que quelques cuillerées de petit lait.

Le 25^ à la visite, je constatai l'état suivant : perte complète de connaissance, râle, inspiration avec mouvement en dedans des ailes du nez : tête inclinée à gauche. Les yeux à demi découverts roulent lentement et continuellement dans leurs orbites de dedans en dehors et de dehors en dedans. Face injectée à droite, pâle à gauche. Perte complète du sentiment. — Rigidité rémittente du membre supérieur gauche; extension avec rigidité du membre inférieur du même côté. Flaccidité des membres droits ; pouls naturel. Pendant la période de rigidité, la respiration et la circulation s'accélèrent.

Mort à trois heures du matin, trente-six heures après l'invasion.

Ouverture du cadavre trente-six heures après la mort. — J'avais hésité entre un ramollissement très étendu du cerveau et un foyer apoplectique avec pénétration du sang dans les ventricules. J'inclinais cependant pour le ramollissement, et je me prononçai positivement avant l'ouverture du cadavre. La substance grise de toutes les circonvolutions et anfractuosités occipitales, la convexité de l'hémisphère gauche, à l'exception des circonvolutions, présentent la couleur hortensia violacée, mais inégalement violacée. Cette même substance grise a subi un ramollissement mou, qui toutefois n'est pas porté jusqu'à la diffluence : aussi les méninges ont-elles pu être enlevées sans déchirement de la substance cérébrale ; mais le moindre contact, l'immersion dans l'eau ont suffi pour détacher la couche superficielle ramollie. La substance grise du corps strié du même côté avait également subi le ramollissement violacé.

La substance grise de trois ou quatre circonvolutions appartenant à la convexité de l'hémisphère droit, avait éprouvé la même altération : la substance blanche qui est subjacente à la substance grise ramollie, est plus abondamment pénétrée de sucs, comme œdémateuse et d'un œil jaunâtre.

Je n'ai pas trouvé de cicatrice appartenant à un foyer ancien : peut-être n'y ai-je pas apporté tous les soins convenables, pressé que j'étais par le temps.

Réflexions. —Dans la plupart des cas de perte de connaissance, du sentiment et du mouvement sans phénomènes hémiphlégiques obscurs ou manifestes, on ne trouve ni ramollissement ni apoplexie.

Quelque obscurs que soient les phénomènes hémiphlégiques, ils doivent être recueillis avec une grande attention; eux seuls, dans le cas qui précède, m'ont permis de diagnostiquer soit un foyer apoplectique, soit un ramollissement.

Les phénomènes précurseurs, qui sont presque toujours nuls dans l'apoplexie, pouvaient seuls faire soupçonner le ramollissement; ou plutôt, en m'en rapportant aux signes diagnostics établis par M. Lallemand entre l'apoplexie et le ramollissement, il devait y avoir apoplexie à gauche pour expliquer l'hémiphlégie droite avec flaccidité, et ramollissement à droite pour expliquer la rigidité rémittente des membres du côté gauche.

Mais la différence qui existait quant aux symptômes entre le côté droit et le côté gauche, tenait uniquement à des différences dans l'étendue de la lésion. Si les deux hémisphères avaient été également affectés, à supposer que la vie eut pu se concilier avec un pareil désordre, les deux côtés du corps auraient présenté le même état de flaccidité.

Des nuances insensibles dans les altérations cadavériques, de même que dans les symptômes, conduisent des grands foyers apoplectiques au ramollissement rouge lie-de-vin, et du ramollissement rouge-noir au ramollissement blanc pultacé.

Il y a deux choses à considérer dans la lésion connue sous le nom de ramollissement du cerveau : i° la coloration ; i° la consistance.

i° On peut réduire à cinq les nuances principales de coloration du cerveau : ce sont les couleurs lie-de-vin, amaranthe, hortensia, blanc-lilas et blanc.

Ces diverses nuances de coloration sont tantôt primitives, c'est-à-dire le résultat de différences dans la quantité de sang épanché; tantôt consécutives, c'est-à-dire le résultat des changemens qui s'opèrent dans les parties ramollies par suite d'un travail de résorption ou d'inflammation.

Les nuances ou différences de coloration primitives s'observent dans tous les cas où la mort a lieu promptement après l'invasion des accidens. Les nuances ou différences de coloration consécutives s'observent dans les cas où la mort n'arrive qu'après un temps plus ou moins long.

La dénomination d'apoplexie capillaire ne convient qu'à cette nuance de ramollissement dans laquelle la substance cérébrale se trouve combinée avec une certaine quantité de sang.

2i° Sous le point de vue de la consistance, l'altération que je décris offre également des nuances ou degrés très prononcés : le ramollissement lie-de-vin se présente en général sous l'aspect d'une pulpe molle qui s'enlève avec les membranes, comme si la substance cérébrale avait été broyée avec du sang noir. Le ramollissement blanc se présente sous l'aspect d'une bouillie. Les ramollissemens intermédiaires sont plus ou moins cohérens ; et lorsqu'à un léger changement de couleur se joint une diminution légère de consistance, on conçoit avec quelle facilité l'un et l'autre doivent échapper à un observateur qui n'est point sur ses gardes. Il est nécessaire de laver le cerveau après l'ablation des membranes pour pouvoir apprécier les nuances de coloration.

Le ramollissement rouge occupe le plus souvent la substance grise, et plus particulièrement celle des circonvolutions : il n'est pas rare de le rencontrer dans la substance grise des corps striés; sous elle, la substance blanche se présente avec tous ses caractères de consistance et de couleur accoutumés. Le ramollissement rouge peut être limité à une ou deux circonvolutions; il peut envahir le plus grand nombre des circonvolutions d'un hémisphère et même des deux hémisphères. Dans certains cas, le ramollissement occupe à-la-fois la substance blanche et la substance grise et, alors, à côté du ramollissement rouge diversement nuancé de la substance grise, se voit le ramollissement blanc lilas ou blanc de la substance blanche.

Dans quelques circonstances, la substance grise des circonvolutions ou des corps striés est uniformément ramollie dans toute son épaisseur et dans toute son étendue ; d'autres fois, le ramollissement n'envahit que la couche la plus superficielle; d'autres fois, il attaque d'une manière très inégale les divers points de l'épaisseur de la substance grise, ce qui lui donne un aspect marbré.

Quant à l'étendue du ramollissement, elle peut être très considérable. Ainsi, j'ai vu un cas dans lequel toutes les circonvolutions antérieures d'un hémisphère et toute la substance blanche du lobe antérieur jusqu'à la membrane du ventricule étaient converties en bouillie; dans un autre cas la substance grise du plus grand nombre des circonvolutions de la convexité d'un hémisphère et d'un certain nombre de circonvolutions de l'hémisphère opposé étaient ramollies.

Sous le rapport de la symptomatologie, les phénomènes apoplectiques qui caractérisent le ramollissement ont presque toujours lieu d'une manière graduelle; presque toujours

aussi il y a rigidité des membres paralysés, ou plutôt alternative de rigidité et de flaccidité, lésion du sentiment beaucoup plus profonde que dans les paralysies apoplectiques ordinaires, une certaine irrégularité dans les symptômes qui fait que l'on trouve dans un instant le membre complètement paralysé, dans un autre instant le membre susceptible de quelques mouvemens; presque toujours encore le ramollissement est précédé d'engourdissement, de céphalalgie plus ou moins vive; cependant dans certains cas, l'hémiplégie est instantanée, sans antécédens dignes de fixer l'attention, comme dans l'apoplexie ordinaire; d'une autre part la rigidité peut manquer ou être si fugace qu'elle échappe à l'observateur, si bien que dans la première année de mes fonctions à la Salpètrière, je fus étrangement surpris de voir des ramollissemens du cerveau dans la plupart des cas où j'avais noté tous les phénomènes de l'apoplexie.

J'ai pu constater combien le ramollissement est plus fréquent chez les vieillards que l'apoplexie. Dans le courant d'une année, j'ai vu à peine trois cas d'apoplexie avec foyer, sur une vingtaine de cas de ramollissement.

Onpeut guérir d'un ramollissement. Mais un ramollissement antérieurement éprouvé en amène presque toujours un second, un troisième. Comme la possibilité de la guérisondes ramollissemens de cerveau a été contestée, je crois devoir citer un fait bien positif à l'appui de cette proposition.

Ramollissement du cerveau ou apoplexie capillaire. Guérison inespérée avec idiotisme. Mort trois mois et

demi après, par suite d'un ramollissement nouveau.

Bertrand, âgée de quatre-vingts ans, entre à l'infirmerie le i5 novembre 183a, avec un engourdissement des membres supérieur et inférieur du côté droit : cet engourdissement fut bientôt porté jusqu'à l'hémi-phlégie qui resta incomplète et qui fut accompagnée de rigidité. En outre, hébétude telle que la malade, interrogée, répète les derniers mots des questions qui lui sont adressées. Evacuations alvines spontanées. (Saignée; purgatif.)

Les jours suivaris, sous l'influence de deux nouvelles saignées, de deux applications de sangsues et de purgatifs, le mouvement revient dans les membres paralysés, qui restent rigides.

Le 5 décembre, mouvemens volontaires assez énergiques. J'essaie de lui faire prendre la corde de son lit; mais la malade ne peut exécuter que très incomplètement les mouvemens d'extension : lorsqu'on lui a accroché la main à la corde, elle la serre avec assez de force. Le mouvement fébrile et surtout la dureté du pouls, la sécheresse de la langue ont disparu.

Le 26 décembre, les mouvemens sont plus étendus : la malade peut marcher à l'aide d'une béquille; mais elle est dans l'état d'hébétude le plus complet : les urines et les matières fécales sont rendues involontairement. Voracité. On est obligé de la faire manger.

La malade a été plus tard transférée dans la division dite des gâteuses. Elle est restée dans un état d'idiotisme.

Elle est rapporté à l'infirmerie dans les premiers jours de mars, et meurt au moment où on s'y attendait le moins.

Ouverture du cadavre. — Hémisphère gauche du cerveau. A côté delà scissure médiane, les circonvolutions qui répondent à la partie la plus élevée du cerveau ont été en partie détruites. Couleur jaune-serin de la cicatrice qui est formée par du tissu cellulaire infiltré de sérosité.

Les circonvolutions voisines de celles qui ont été détruites présentent à leur surface des lignes, des points jaunâtres qui occupent soit le bord libre des circonvolutions, soit leurs faces, soit le fond des anfrac-tuosités. Il y a perte de substance dans tous les points jaunes : les circonvolutions postérieures à celles que je viens de décrire présentent un ramollissement amaranthe très superficiel : la substance' grise n'est point altérée dans toute son épaisseur, mais seulement dans sa couche la plus superficielle.

Les circonvolutions en partie détruites et cicatrisées appartenaient à un vaste foyer de ramollissement qui, d'une part, s'étendait dans l'épaisseur de la substance blanche jusqu'à la voiite du ventricule latéral, et, qui d'une autre part, avait deux pouces dans le sens antéro-postérieur, et se prolongeait en avant autour du foyer. Ce foyer de ramollissement était constitué par une bouillie ou plutôt par une sorte de lait de chaux infiltrée dans une trame celluleuse.

Dans l'épaisseur du corps strié, du même côté, était un foyer à parois jaunâtres et très denses, traversé par une cellulosité qu'infiltrait un liquide séreux. Une dépression sensible dans le ventricule latéral répondait à ce foyer.

xxe livraison. 3

Hémisphère droit.—Couleur rouge-amaranthe de la substance grise des circonvolutions postérieures.

Poumon gauche parfaitement sain, exempt d'infiltration même cadavérique. — Poumon droit infiltré dune grande quantité de sérosité, mais sans induration dans une certaine étendue, infiltré avec induration ou hépatisation dans une autre partie de son étendue.

Reflexions.—La mort dans ce cas doit être attribuée autant à l'altération des poumons qu'au ramollissement amaranthe observé dans les circonvolutions postérieures de l'hémisphère droit : rien de plus fréquent que de voir les individus affectés de ramollissement du cerveau ou d'apoplexie mourir par les poumons.

L'observation qui précède établit : i° Que l'on peut guérir d'un ramollissement même très considérable ; i° que l'idiotisme ou la démence sénile peut être une des conséquences de ce ramollissement ; 3° que le mode de cicatrisation de la substance blanche ramollie consiste quelquefois dans de la cellulosité infiltrée d'une bouillie claire à la manière du lait de chaux; que le mode de cicatrisation de la substance grise ramollie consiste dans des pertes de substance avec cicatrice jaunâtre.

Il me parait probable que les cicatrices des circonvolutions si fréquentes chez les vieillards, que les petits foyers pisiformes presque toujours sans coloration manifeste que l'on rencontre si souvent au milieu delà substance blanche, sont la suite du ramollissement du cerveau. Nous voyons souvent, à la Salpêtrière, des femmes qui éprouvent de temps à autre des étour-dissemens, la perte momentanée de la parole, un engourdissement temporaire de telle ou telle partie du corps, dont les facultés s'affaiblissent à chaque attaque jusqu'à ce qu'enfin elles tombent dans l'idiotie, et qui finissent par succomber à un ramollissement considérable ou aune attaque d'apoplexie: on trouve, à l'ouverture, une multitude de cicatrices ou cica-tricules avec perte de substance des circonvolutions avec coloration jaunâtre, brun-jaunâtre, peau de chamois, dont chacune répond probablement à une petite attaque, laquelle ne serait autre chose qu'un ramollissement très circonscrit.

L'observation suivante vient à l'appui de ces réflexions.

Grand nombre d'étourdissemens. Hémiplégie droite. Ramollissement pultacé sans changement de couleur des substances grise et blanche du lobe antérieur de l'hémisphère gauche. Cicatrices nombreuses avec perte de substance des circonvolutions, (i)

Benoît, âgée de quatre-vingt-un ans, était très sujette aux étourdissemens avec douleur de tête et perte de connaissance. Deux fois dans le courant de i834, savoir le 6 mai et le 16 novembre, elle fut reçue à l'infirmerie pour des contusions, suites de chutes faites au moment de la perte de connaissance. Son intelligence était obtuse, son air hébété, ses réponses lentes; il y avait affaiblissement général, mais point de paralysie. Il paraît que, dans son dortoir, on était obligé de la traîner dans un fauteuil.

Le 3 février au matin, elle fut trouvée sans connaissance. Portée à l'infirmerie, salle Saint-Antoine, n° 4, elle présenta l'état suivant : paralysie du membre supérieur droit; soulevé, ce membre ne tombe pas à la manière d'un membre inerte; il présente une certaine rigidité. Le grand pectoral est habituellement contracté. Le pincement du bras ne détermine aucun mouvement; la figure n'exprime aucune douleur, mais la malade retire en haut l'épaule du côté opposé. Perte complète de connaissance , elle ne répond à aucune question;, elle ne sort pas la langue; les yeux sont fermés; la face pâle; la respiration est facile; le pouls lent, urines involontaires. (4o sangsues aux apophyses mastoïdes; lavement purgatif.)

Le lendemain, coma plus profond : sinapismes ; petit lait émétisé.

Le 5, coma; pupilles également contractées; paralysie incomplète du membre abdominal droit, complète du membre thoracique. Il est douteux que le sentiment soit conservé. La déglutition se fait bien; la respiration est haute et lente; le pouls est naturel. La malade remue de temps en temps les membres gauches. (20 sangsues aux jugulaires; lavement purgatif; petit lait émétisé.) — Mort la nuit suivante.

Ouverture du cadavre, vingt-six heures après la mort.—Ramollissement en bouillie pultacée sans changement notable de couleur du lobe antérieur gauche. La substance cérébrale est difïluente. L'altération s'étend jusqu'à la membrane du ventricule latéral correspondant.

Un très grand nombre de circonvolutions et d'anfractuosités appartenant aux deux hémisphères présentent à leur surface des cicatrices couleur peau de daim plus ou moins étendues, avec perte de substances plus ou moins considérable.

( 1) Observation recueillie par M. Diday, interne de la Salpêtrière.

Réflexions. — Cette observation prouve : Qu'il est des lésions de la substance cérébrale trop circonscrites pour déterminer une paralysie appréciable, mais qui se manifestent par des étour-dissemens avec perte de connaissance; que ces altérations occupent le plus ordinairement la substance grise des circonvolutions : nous verrons ailleurs qu'elles occupent quelquefois la substance grise des corps striés, et dans d'autres cas la substance blanche: il est cependant une paralysie qui peut être déterminée par ces petits foyers, c'est la paralysie de la face; je ferai observer à ce sujet que depuis les belles observations de Charles Bell on s'attache beaucoup trop à trouver dans le nerf facial lui-même les causes des hémiplégies faciales.

Je pourrais invoquer à l'appui de cette proposition le résultat de l'autopsie de M. Dupuytren qui fut pris, au commencement de i834, en faisant sa leçon, d'une hémiplégie faciale gauche, et qui eut le courage de continuer en soutenant avec le doigt la commissure des lèvres du côté paralysé ; il avait éprouvé un étourdissement à une époque antérieure, et plus tard, dans son voyage d'Italie, il éprouva un second étourdissement. L'autopsie du cerveau nous a présenté : i° une cicatrice jaune-serin à la surface interne du ventricule latéral droit, au moment où ce ventricule se réfléchit pour devenir postéro-antérieur, d'an-téro-postérieur qu'il était jusque-là, derrière la couche optique, à l'entrée delà cavité digitale; i° un petit foyer rempli de cellulosité brunâtre dans l'épaisseur de la substance grise du corps strié droit, au niveau de la partie moyenne de la couche optique; 3° un petit foyer également rempli de cellulosité brunâtre dans la substance grise du corps strié gauche, et au même niveau que le précédent.

Je suis porté à regarder la cicatrice du ventricule qui évidemment avait porté sur les radiations blanches les plus superficielles de la paroi de ce ventricule comme la cause de l'hémiplégie faciale. Les deux autres foyers étaient formés au dépens de la substance grise et n'avaient intéressé aucune radiation blanche.

Le ramollissement pultacé sans changement de couleur me parait important à noter, car on ne peut dire ici que l'absence de coloration rougè tienne à la présence d'une certaine quantité de pus qui aurait remplacé le sang. La maladie datant de trois jours, l'altération observée était évidemment primitive.

La paralysie avait porté principalement sur le membre supérieur; le membre inférieur était très imcomplètement paralysé, et toutes les circonvolutions antérieures, tout le centre médullaire du lobe antérieur étaient réduits en bouillie. D'après cela, on serait porté à conclure que le lobe antérieur préside aux mouvemens des membres supérieurs.

J'avais diagnostiqué un ramollissement du cerveau et je m'étais fondé sur l'abolition presque complète du sentiment et sur la rigidité légère du grand pectoral et des muscles des membres thoraciques. Je me fondais aussi sur ce que la paralysie du membre inférieur parut nulle le premier jour, circonstance qui paraissait établir une sorte de progression dans les symptômes.

Ramollissement hortensia de la substance grise d'un très grand nombre de circonvolutions extérieures. Ramollissement pultacé de la substance grise et de la substance blanche des circonvolutions antérieures. Cicatrices anciennes des circonvolutions inférieures avec atrophie de la corne d'ammon et de la voûte à trois piliers du même coté.

M***, vieille femme de la Salpêtrière; dans la section des gâteuses depuis trois mois. A cette époque, et à la suite d'une attaque dont on ne peut assigner l'époque, elle devint très faible du côté gauche, ne marchait que très difficilement, et se plaignait de piquotemens habituels dans les membres affaiblis.

Trois semaines avant son entrée à l'infirmerie, perte de connaissance. Saignée : la malade revient à elle. On s'aperçoit que les membres gauches étaient plus affaiblis qu'avant cet accident. Elle garde le lit, se servant encore de la main gauche pour quelques légers mouvemens. Son intelligence est libre et ordinaire.

Le 16 janvier i835, à midi, après avoir déjeuné comme de coutume, perte subite de connaissance; résolution complète et insensibilité de la moitié gauche du corps : point de mouvemens convulsifs; point de rigidité. Elle revient un peu à elle et paraît entendre les questions; elle porte la langue hors delà bouche.

Je la vis le 17 janvier dans l'état suivant : abolition complète de l'intelligence; pupilles contractées; pâleur de la face : abolition complète de la sensibilité des deux côtés du corps.

Point de myotilité, avec cette différence que les membres du coté droit sont résistans et presque passifs,

tandis que ceux du coté gauche ont la flaccidité du cadavre, d'où je conclus que les membres gauches sont paralysés, tandis que la paralysie du membre droit paraît tenir à l'absence de volonté. La déglutition est très difficile; la respiration haute, fréquente, mais râleuse.

L'exploration des poumons me fait reconnaître une respiration et une voix tubaires à la base du poumon gauche. Le pouls est presque naturel pour la fréquence.

Au milieu de cet état, je reconnais quelque chose d'hémiplégique. Je diagnostique un foyer apoplectique considérable ou un ramollissement très étendu ; et comme il y a eu quelque accroissement dans les symptômes depuis la veille, je me prononce pour un ramollissement. Je diagnostique en outre, d'après les commémora tifs, i° une cicatrice considérable soit de ramollissement, soit d'apoplexie antérieure à l'entrée de la malade dans la division des gâteuses ; a° un foyer de ramollissement datant de trois semaines.

Ouverture du cadavre.— i° Dans Y hémisphère gauche du cerveau, ramollissement hortensia de toutes les circonvolutions et anfractuosités qui occupent la moitié postérieure de la surface convexe de cet hémisphère et du lobule de la scissure de Sylvius.

Ce ramollissement présente deux états bien distincts : il est exclusivement limité à la substance grise; il n'est, pas diffluenl; il n'est pas uniforme. Dans toutes les circonvolutions qui avoisinent la scissure de Sylvius et dans le lobule de cette scissure, on peut enlever les membranes sans intéresser la substance du cerveau. a° Les circonvolutions les plus postérieures sont beaucoup plus ramollies. La substance blanche et la substance grise ont également subi un ramollissement pultacé couleur blanc-lilas, et les couches superficielles s'enlèvent avec les membranes.

3° Les circonvolutions de la base du même lobe postérieur gauche sont converties en une membrane cel-luleuse d'un jaune-serin très dense qui conserve encore la forme des circonvolutions. Cette altération s'étend jusqu'au ventricule latéral, et occupe toutes les circonvolutions qui répondent au plancher de la portion réfléchie de ce ventricule.

La corne d'Ammon est atrophiée, grise, très dense, de même que'la bandelette frangée et le pilier de la voûte à trois piliers qui lui font suite : l'altération de la voûte à trois piliers est exactement limitée à la moitié de la voûte correspondante au ventricule latéral gauche. L'autre moitié est parfaitement intacte. Le pilier gauche antérieur est seul respecté.

Réflexions. — L'invasion subite de la maladie semblait annoncer un foyer apoplectique ; mais un grand nombre de faits établissent que l'invasion du ramollissement peut être tout aussi instantanée. J'attache beaucoup plus d'importance dans le diagnostic différentiel de l'apoplexie et du ramollissement à la progression des symptômes qu'à l'instantanéité de l'invasion. Dans le foyer apoplectique, la paralysie, la perte de connaissance, si elle a lieu, sont à leur apogée dès le moment de leur apparition : les phénomènes apoplectiques vont en diminuant à mesure qu'ils s'éloignent du premier moment, car le cerveau s'habitue à la compression, le sang est résorbé, il se dissémine. Dans le ramollissement, les accidens augmentent comme le ramollissement lui-même, qui, à l'exception d'un très petit nombre de cas, n'arrive à son apogée qu'au bout de quelques jours, ou semble quelquefois suspendre sa marche pour la précipiter ensuite: de là ces alternatives d'amélioration, d'état stationnaire et d'exacerbation. En outre, le foyer apoplectique porte bien rarement sur le sentiment à moins que i'épanchement ne soit assez considérable pour porter en même temps sur l'intelligence : encore l'abolition de l'intelligence précède-t-elle quelquefois l'abolition du sentiment. Dans le ramollissement, on observe quelquefois l'abolition du sentiment sans abolition du mouvement. J'ai vu des malades chez lesquels la perte du sentiment alternait avec celle du mouvement, et qui dans un instant paraissaient complètement hémiplégiques ou paralysés partiellement, et qui dans un autre instant avaient à-peu-près recouvré la myotilité.

Notre malade a offert trois ordres d'altérations correspondantes aux trois attaques qu'elle avait éprouvées. La plus ancienne était représentée par la lame celluleuse qui remplaçait les circonvolutions de la base du cerveau. La corne d'Ammon et la partie gauche de la voûte à trois piliers étaient atrophiées comme les circonvolutions avec lesquelles elles ont des connexions si intimes.

La dernière attaque est représentée par le ramollissement hortensia; et la moyenne, celle qui datait de trois semaines avant la mort, est probablement représentée par le ramollissement pultacé blanc-lilas. Je dis probablement car plusieurs faits m'autorisent à conclure que cette nuance de ramollissement peut avoir lieu primitivement.

MALADIES DE L ESTOMAC.

Ulcère chronique de Vestomac.

( PLANCHE V et VI, XXe LIVRAISON.)

Les faits consignés dans la xe livraison, Pl. v et vi, ont établi : i° l'existence de l'ulcère chronique de Vestomac comme maladie essentiellement différente de l'ulcère cancéreux de cet organe, avec lequel il est presque toujours confondu sous le point de vue pratique, et même sous le point de vue de l'anatomie pathologique ; i° que bien qu'il n'existe à proprement parler aucun signe pathognomonique qui puisse différencier au lit du malade, l'ulcère chronique de l'estomac de certaines formes de gastrite et de l'ulcère cancéreux de cet organe, cependant, cette maladie peut être en général soupçonnée et même dans quelques cas positivement diagnostiquée; 3° qu'en opposition avec l'ulcère cancéreux, qui suit toujours sa marche envahissante et destructive, nonobstant le régime le plus sévère, l'ulcère chronique tend à la cicatrisation qui s'effectue sous l'influence de la soustraction de tous les irritans, je dirais presque par une diète à-peu-près absolue, qu'il faut modifier suivant les exigences de l'estomac ; 4° que cette maladie est la cause la plus fréquente de l'hématémèse et de la perforation de l'estomac.

Les observations qui suivent, et les figures annexées qui représentent aussi fidèlement que possible l'état des organes, sont pleinement confirmatives des faits consignés dans la xe livraison, en même temps qu'elles me paraissent jeter un nouveau jour sur les questions pratiques relatives à cette maladie, laquelle est beaucoup plus fréquente que je ne l'avais cru d'abord.

Les cicatrices de l'ulcère de l'estomac sont toutes fibreuses, très résistantes, et par conséquent fragiles; on a dit à tort que les pertes de substance des membranes muqueuses étaient toujours remplacées par un tissu muqueux accidentel. Les membranes muqueuses sont trop compliquées pour se produire de toutes pièces; un tissu,fibreux non recouvert d'une couche muqueuse remplace la portion d'estomac détruite.

Un point de vue fort important, sous lequel l'ulcère chronique de l'estomac doit être envisagé, c'est celui de sa gravité qui survit en quelque sorte à la maladie elle-même ; car la cicatrisation de l'ulcère une fois obtenue, le malade n'en est moins exposé à la perforation et à l'hémorrhagie : la cicatrisation des pertes de substance de l'estomac, de même que celle des pertes de substances de la peau, se fait de deux manières : i° par le rapprochement des bords de la plaie; i° par la production d'un tissu fibreux : les pertes de substance peu considérables se guérissent exclusivement par le premier mécanisme , et alors la cicatrice de l'estomac est représentée par un trait linéaire ou par un petit godet, avec froncement circulaire et plis radiés. Les pertes de substance considérables laissent une dépression circulaire faite comme avec un emporte-pièce, à fond fibreux , limitée par un bourrelet muqueux plus ou moins saillant.

La perforation et l'hémorrhagie peuvent avoir lieu pendant plusieurs temps de la durée de l'ulcère et dans plusieurs conditions qu'il convient d'examiner.

La perforation peut survenir : dans la période d'accroissement de l'ulcère lorsque des adhérences salutaires ne se sont pas établies ; après la cicatrisation, et alors elle peut être le résultat i° d'une ulcération nouvelle qui s'établit sur le fond même de la cicatrice ou sur un

i

point de sa circonférence; ri° du défaut d'extensibilité, de la fragilité de la cicatrice qui se rompt par suite de la distension de l'estomac soit par des gaz soit des alimens ou par suite de forts vomissemens.

Ylhémorrhagie peut survenir : pendant la période d'accroissement de l'ulcère, elle est alors le résultat de l'érosion des parois artérielles; après la cicatrisation et alors, tantôt elle est produite par la chute d'un caillot obturateur; tantôt elle est la suite d'une ulcération qui s'empare d'un point de la cicatrice ou d'un travail d'érosion limité au vaisseau.

La mort est la conséquence aussi prompte qu'inévitable de la perforation de l'estomac,

L'hémorrhagie peut être très rapidement mortelle, ou bien le malade peut succomber à une succession d'hémorrhagies : le sang épanché dans l'estomac est habituellement rendu par le vomissement : souvent il est rendu tout à-la-fois et par les vomissemens et par les selles; dans quelques cas il est rendu exclusivement par les selles qui ont la couleur de l'encre; il est probable qu'alors le sang fourni en petite quantité est en quelque sorte digéré.

Les malades qui ont guéri d'un ulcère chronique de l'estomac, sont sous l'imminence de la recrudescence de la maladie par l'action des causes les plus légères. J'ai eu occasion de voir la maladie se reproduire trois fois sur le même sujet à des intervalles de 2, 4 ans.

La circonstance commémorative d'un ulcère de l'estomac antérieurement éprouvé doit rendre très circonspect dans l'emploi des médicamens irritans. Une malade, Mme la comtesse de V... avait guéri en i83o, d'un ulcère chronique de l'estomac avec vomissement noir ( c'est la malade dont j'ai fait mention (xe livr. ) comme d'un exemple de guérison) elle était remarquable depuis cette époque par son insatiable appétit, je dirais presque par sa voracité; l'embonpoint était devenu énorme; une attaque d'apoplexie étant survenue en juin i834, des saignées furent pratiquées, et à la suite quelques laxatifs furent administrés : ils furent légers : une once d'huile douce de ricin, une once de manne, quelques cuillerées d'infusion de rhubarbe suffisaient pour déterminer des évacuations alvines très abondantes. Sous l'action de ces moyens, l'hémiplégie diminuait graduellement, lorsque mon attention fut éveillée par un dégoût absolu pour toute sorte d'alimens, un malaise, un ennui profond que rien ne pouvait surmonter; il y avait un mouvement fébrile irrégulier : la région épigastrique n'était nullement sensible à la pression : le point rachidien qui avait si cruellement tourmenté la malade autrefois n'existait pas; néanmoins je pensai que l'estomac était le point de départ des symptômes tout-à-fait étrangers à l'état du cerveau et je mis la malade au régime le plus sévère. Le ier octobre i834, après une nuit paisible, elle éprouve tout-à-coup une sensation extraordinaire dans l'épigastre; son corps se couvre d'une sueur froide; syncope, douleurs excessives dans l'abdomen. J'arrive; à la décomposition de la face, à la tension excessivement douloureuse de l'abdomen, à la sueur froide, à la petitesse du pouls, je reconnais une perforation : tout est inutile et la malade succombe au bout de 24 heures. Les parens se sont refusés à l'ouverture du cadavre; mais il ne reste pas le moindre doute dans mon esprit, sur l'existence d'un ulcère chronique de l'estomac cicatrisé, et sur la perforation de l'estomac. Je me suis demandé si les laxatifs réitérés n'avaient pas eu quelque part à la recrudescence de la maladie et de la perforation. J'ai dû me reprocher l'emploi du vomitif dans le cas suivant que j'ai eu occasion d'observer à la Salpêtrière, en même temps que j'observais en ville celui qu'on vient de lire.

20e. Livraison. Pl. 5.

Perforation spontanée de l'estomac, qui présentait à coté d'un ulcère récent qui a été le siège de la perforation , la cicatrice d'un ulcère ancien, if)

\ PLANCHE vi , fig. 3 et 4- )

La nommée B..., âgée de soixante ans environ, entre à 1 Infirmerie le 23 septembre 1834 pour un renversement de la muqueuse du rectum. Elle n'appela mon attention que sur ce point; je lui donnai le conseil d'éviter toute espèce d'efforts, d'user tous les jours de lavemens, et d'avoir soin de réduire la muqueuse intestinale chaque fois qu'elle allait à la garde-robe.

Quelques jours après, comme cette malade se plaignait d'anorexie, de mauvaise bouche et de constipation habituelle, je lui prescrivis 24 grains d'ipécacuanha qui amenèrent des vomissemens bilieux : soulagement le jour même. Dès le lendemain, la malade nous dit que les alimens et les boissons produisaient une sensation très douloureuse à l'épigastre ; ce fut alors qu'elle me fit l'histoire de sa maladie. Elle avait été prise dix-huit mois auparavant de vomissemens, de douleurs à l'estomac et de fièvre. Les vomissemens étaient provoqués par l'ingestion des alimens. Ils cessèrent pour être remplacés de temps à autre, par des régurgitations d'eaux claires que la malade appelait des flumes : les douleurs épigastriques revenaient de temps en temps : elles étaient tellement vives, qu'elles lui donnaient la sensation d'un animal qui rongerait l'estomac.

Ces douleurs rongeantes, depuis long-temps assoupies, furent réveillées par le vomitif et accompagnées de hoquets, d'éructations et de vomissemens dont la saveur était désagréable.

La pression de la région épigastrique déterminait une douleur assez vive, mais on n'y sentait aucune tumeur (lait pour toute nourriture : cataplasmes). Quelques cuillerées de potion éthérée sont administrées et calment l'angoisse épigastrique.

Le 4 octobre, à 10 heures de soir, tout-à-coup vive douleur abdominale qui arrache des cris; agitation, angoisses : le lendemain matin, décomposition de la face qui est décolorée, pouls misérable ; sueur froide; sensibilité très vive à l'abdomen, surtout à l'épigastre et à l'hypochondre gauche; nausées, hoquets. Je diagnostique une perforation d'estomac (i5 sangsues, cataplasmes sur l'abdomen). Le soir, la douleur semble diminuer avec les forces ; mort pendant la nuit.

Ouverture du cadavre. —L'abdomen est à peine ballonné. Les intestins sont injectés, couverts d'une fausse membrane jaune mêlée de bile et de matières alimentaires. Le petit bassin contient plusieurs onces de sérosité trouble, dans laquelle nagent des pépins et des enveloppes de grains de raisin. Les circonvolutions intestinales sont unies entre elles par de fausses membranes mélangées de pus.

L'estomac présente en avant, tout près de la grande courbure, non loin du pylore, une perforation arrondie, P ( Pl. vi, fig. 4)i de deux lignes de diamètre.

L'estomac ouvert (fig. 3), présente au niveau de cette perforation une ulcération ovalaire récente, rugueuse et comme coupée à pic ; indépendamment de cette ulcération récente, il existe sur la face postérieure de l'estomac, au niveau du pancréas, une cicatrice UC, formée par ce dernier organe, que recouvre une couche de tissu fibreux lisse. La muqueuse forme tout autour un bourrelet circulaire, mais ne se continue en aucune manière avec le tissu de la cicatrice.

Gastrite chro lue ulcéreuse par suite d'un choléra léger ; hématémèse; déjections alvines sanglantes;

mort dans le marasme; cicatrice très considérable de l'estomac.

( XXe livr. planche v, fig. i et 2.) (**)

La fig. i, pi. v, représente la plus vaste cicatrice de l'estomac que j'aie eu occasion d'examiner. Le malade auquel il appartenait, a succombé dans le marasme à la suite de plusieurs bématémèses.

Un journalier, âgé de trente-six ans, d'une forte constitution, ayant toujours joui d'une bonne santé,fut pris au mois de mai i832, d'un choléra léger, caractérisé par des vomissemens et des selles cholériques.

(*) Observation recueillie par M. Reignier, interne à la Salpêtrière.

(**) Observation et pièce pathologique recueillies à l'hôpital Beaujon (service de M. Martin-Solon), et communiqués à la Société anatomique par M. Reignier, alors interne de cet hôpital.

La convalescence fut difficile, incomplète : il ne put reprendre ses travaux pénibles qu'au bout de plusieurs mois : mais il fut bientôt obligé de les suspendre par suite d'un sentiment de faiblesse générale et de malaise qui le rendait impropre à la fatigue. Ses digestions étaient longues et laborieuses : la moindre surcharge de l'estomac déterminait un sentiment de plénitude et d'étouffement. Point de vomissemens.

Entré à l'hôpital Beaujon en avril i833, il se plaint d'une douleur obtuse à l'épigastre et de battemens dans la même région. Appétit presque nul ; point de fièvre : constipation; l'exploration des diverses régions de l'abdomen ne fait découvrir aucune tumeur, aucune lésion appréciables; face pâle, bouffie.

Au mois de mai, le malade est pris, sans cause connue, d'un vomissement de sang noir cailleboté qui se renouvelle plusieurs jours de suite et le jette dans un grand état de faiblesse : en même temps, selles sanglantes avec coliques qui persistent pendant plusieurs jours : l'épigastre est tendu et sensible à la pression : décoloration de la face: oedème général (potions acidulées , lavemens, crème de riz pour toute nourriture).

L'amaigrissement va toujours croissant: sentiment de pesanteur et de chaleur à l'épigastre; digestion très laborieuse, dévoiement, dépérissement: mort.

Ouverture du cadavre. — L'estomac, d'une assez grande dimension, adhère en haut au foie, en arrière au pancréas, et par la grande courbure à l'arc du colon; la face antérieure seule était libre d'adhérences;

Ouvert par sa face antérieure, cet organe présente (fig. i, Pl. v) une perte de substance ovalaire ou plutôt une excavation en forme de zone, intermédiaire au cardia et au pylore, de 5 pouces dans son plus grand diamètre qui est presque perpendiculaire au grand axe de l'estomac, de 2 pouces et demi dans la plus grande largeur de son petit diamètre : la surface de cette vaste perte de substance est blanchâtre, lisse, d'apparence fibreuse et nullement muqueuse. Elle est circonscrite par un bord saillant, comme tranchant, au dessous duquel est une rainure ou rigole circulaire de plusieurs lignes de profondeur qui le détache complètement des parties voisines.

Au milieu de cette cicatrice, les parois de l'estomac ont complètement disparu et sont remplacées en haut par le foie dont la couleur apparaît à travers la cicatrice, en arrière par le pancréas reconnaissable à sa disposition granulée; en bas et en avant par l'arc du colon qui est plissé sur lui-même et comme racorni dans le sens transversal, en sorte que vu à l'intérieur cet intestin présentait une disposition val vuleuse à la manière de l'intestin grêle, et qu'au premier abord je pus le prendre pour le duodénum.

La veine et l'artère spléniques étaient situées immédiatement au dessous de la cicatrice ; l'artère splénique avait été érodée et c'est à cette érosion qu'est due l'hématémèse observée sur ce malade : un caillot obturateur que la cause la plus légère aurait pu détacher, avait prévenu toute hémorrhagie nouvelle. Sur la figure, l'artère splénique AO, est représentée ouverte dans toute la partie de son trajet qui était subjacente à la cicatrice.

La fig. 1, pl. v, nous montre un vaste ulcère chronique de l'estomac non cicatrisé* Cet ulcère avait envahi les deux faces de l'estomac, sa petite courbure au voisinage du pylore, et le pylore lui-même : sa surface est rugueuse. Il n'était pas même en voie de cicatrisation ; je n'ai aucun renseignement sur le sujet auquel avait appartenu cet estomac.

Hématémèse quia persisté pendant 20 ans; coliques épigastriques extrêmement violentes depuis 4 ans; voracité; mort par perforation de l'estomac. Cicatrice très considérable à coté du pylore; grand cul-de-sac de nouvelle formation ou plutôt second estomac occupant la région du pylore; orifice pylorique double.

( planche vi, fîg. 1 et 2.)

Lanier, âgée de cinquante-et-un ans, demoiselle, est restée pendant un an dans mes salles, dans l'état suivant : douleurs épigastriques extrêmement violentes qui lui arrachent des cris aigus : elle se tient fortement courbée sur elle-même, les genoux appliqués contre l'épigastre ; point raehidien correspondant : pendant les crises de douleurs, la malade ne supportait pas la moindre pression sur l'abdomen, qui est quelquefois tendu et comme tympanisé : ces douleurs surviennent par crises de 10, 12 heures, et quelquefois de 24 heures. L'exploration de l'abdomen, à laquelle la malade ne se prête qu'avec répugnance, ne fait découvrir aucune tumeur dans l'abdomen, qui est tantôt affaissé et tantôt tympanisé; la malade est

20e. Livraison. Pl. 6.

MALADIES DE L'ESTOMAC.

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME.

(LIVRAISONS I A XX.)

Ava?tt-propos.-«-Considérations généi^des* sur l'anatomie pathologique. De l'utilité â(* Hgurvn en anatomie pathologique. Mode d'exécution.

LÉSIONS BJE L'AFPÂREII de la locomotion.

Vices de confd t 311. Déplacement congéniaux. Mains et pieds-bots. Luxation congéniale d: 'à, rectum ouvert dans la vessie. Examen anatomique des muscles, des ligai, 5, dès aponévroses, des cartilages et des os dans le pied-bot. Examen anatonùque des os dans les pieds-bots chez des individus de différens âges. Considérations générales sur les pieds-bots et sur les autr-déplacemens congéniaux, sur lemv causes, leurs caractères anatomiques. .

Maladies de la colonne vertébrale; déviation ntéro-postérieure à angle très aigu, ankylose avec fusion de cinq vertèbres. Fracture de la colonne vertébrale avec luxation consécutive suivie de guérison. Observations........

m—- des articulations, luxations de la main sur l'avant-bras, du poignet, du i udé. Considérations générales. Ankylose de la mâchoire inférieure. Usure des cartilages articulaires; corps étrangers articulaires..........

--Goutte, bbf rvations, analyse chimique, réflexions générales sur cette

' maladie. \ ... j'. ï .. |. .... #. ... .......

Maladies des os, cancers..................

Maladies des muscles, apoplexie musculaire. Considérations et observations.

—¦— inflammation puerpérale des muscles et des synoviales, ou rhumatisme puerpéral. Réfexions et observations.............

Maladies des extrémités, cicatrices des solutions de continuité, soit accidentelles, soit produites iar l'art; cicatrice à la suite de l'amputation dans l'articulation scapulo-humérale....................

— — Cancer m« ique de la main. Observations et considérations générales.

£*, ab.eie de la digestion et de ses dépendances.

LtSIONS D

1 l'esomac, ulcère chronique. Considérations et observations.

Maladies de , . ' * I- ? 1/ •

chronique, perforation, gastrite chronique.........

——» — — ulcère '

* gélatiniforme de l'estomac. Considérations et observations. —rrt- Cancr. , j

_ . issement du pylore, cancers..............

--Rétréc

* issement gélatiniforme et pultacé. Considérations et observations sur

--RamoL. 5 r

lie. . . . ,...............

cette mala., . . . . . . , . . _ „

, estomac et des intestins. Amincissement ou atrophie aiguë dune

Maladies de . . , , . . - . „.

parois de 1 arc du colon. Péritonite, perforation , ramollissement portzon des , . , . , , „ \5, . ,n .

,, . le de — sse extrémité de 1 estomac. Observations et réflexions gelatmiforn , . n , .. . , w

, -morbus influence épidémique , dévoiement ; choiera léger ,

---Cho m . ' .,, : • i! • i •

moyen tl'ave ou a xique. Considérations anatomiques, physiologiques, pa-

tl ,).osriques et thérapeutiques...............

Mala«li i^t«stifi grêle'; Entérite folliculeuse primitive aiguë. Considérations

sur les fermes anatomiques et cliniques de cette affection, et sur les méthodes

de traitement. Observations et réflexions........... . .

TABLl.

NUMÉRO de la livraison.

NOMBRE de pages.

NUMÉROS des planches.

I.

:

«• !

!

IV.

IX.

IV.

XX. XVII.

XVII.

VI. XIX.

X XX.

X. XII.

X. IV.

XlVetXIV bis. VIL

i—VII

1—15

1

i—m i— $

1— 6 1— 2

1— 6

1— 2 1— 6

1— 8

1- 6

1— 6

1— 4

1— 8 1— 4 1—52 1—24

2-3-4

4

2-3-4-5-6

3 i

3

i 3

1 8

\ ':

5-6 5-6 3-4 6

1-2

2

1-2-3-4-5

1-2-3-4 i

Maladies de l'estomac. Cancers , vomissemens muqueux indomptables, hématémèse, végétations encéphaloïdes de l'eslomac et du duodénum, dont l'une obstruait le pylore. Observations et réflexions. — Cancer gangreneux latent. .

Maladies des intestins. Hernie par le trou ovalaire..........

--Hernie diaphragmatique................

--Hernie, étranglemens.................

--Muguet, ulcérations de l'estomac des enfans nouveau «nés. Observations

et réflexions......... ............

Maladies du foie et de l'appareil excréteur de la bile.........

— — Granulations, cyrrhose.................

--- Cancers par masses disséminées ; variétés dure et molle. Considérations

générales et observations..................

--Abcès traumatiques consécutifs anx plaies et aux grandes opérations.

Phlébite. Considérations et observations........«

—— Kyste acéphalocyste; ascite, anasarejue, ictère. Observations, réflexions.

--de la rate et du grand épiploon. Acéphalocystes. ... ....

Maladies de la rate. Splénite, pus concret combiné. Ramollissement, aigu et chronique de la rate. Observations et considérations générales . . . .

Jr . if "

3° JCiÉSîOBîS SE I'AFPAEIIl SE LA RESPIRATION.

Maladies du larynx. Laryngites sous-muqueuses de la région sus et sous-glottique;

laryngite chronique ulcéreuse. Considérations et observations......

Maladies du poumon. Gangrène diffuse.............

--Gangrène; plusieurshémoptysies; fétidité des matières expectorées; foyers

gangreneux; hémorrhagie. Observations et considérations générales. . —— du thymus et du pancréas chez le fœtus. Considérations. Observations. . --Apoplexie pizlmonaire; foyers sanguins; rétrécissement de l'orifice auriculo-

ventriculaire gauche avec hypertrophie du cœur ; pneumonie circonscrite. Or

servations. Considérations sur l'apoplexie pulmonaire en général. .

4". LÉSIONS SE X.'APPAREIL SE IA CIRCULATION

Maladies du cœur. Rupture........,...... .

---Péricardite.....................

—.—. et de l'aorte. Anévrysme...............

—— Cancer mélanique. Considérations et observations........

Maladies des artères. Anévrysme de la crosse de l'aorte saillant au dehors à travers le stenum perforé; poches anévrysmales; interruption du nerf pneumogastrique ¿auche; rupture de l'aorte. Observations et réflexions......

--Vices de conformation. Artère pulmonaire à l'état de vestige; plusieurs

artères sí rendent de l'aorte aux poumons ; système veineux pulmonaire particulier ; imperforation du rectum avec trajet fistuleux congenial s'ouvrant à la face infirieur de la verge chez un enfant qui a vécu neuf jours. Observations et considérations générales.................

Maladies des veines. Dilatation des veines sous-cutanées abdominales. Observations et considérations sur cette affection............

-Phlébite et abcès viscéraux , à la suite des grandes opérations chirurgicales

et de l'accouchement. Observations et considérations générales. . . ,

Maladies des vaisseaux lymphatiques. Matière tuberculeuse dans les vaisseaux lactés; origine de ces vaisseaux dans les papilles intestinales; leur trajet dans l'épaisseur des valvules conniventeset desparoisde l'intestin. Observations et réflexions.

S: LÉSIONS SE L'APPAREIL SES SENSATIONS ET SE L'INNERVATION.

Maladies de la peau. Productions cornées.............

Maladies des nerfs ganglionnaires. Transformation fibreuse et développement énorme des ganglions cervicaux du grand sympathique et du tronc nerveux de communication entre ces ganglions.............

Maladies de la moelle épinière. Apoplexie. Observations et considérations générales sur cette maladie..................

--Spina bifida; méningite sous-arachnoïdienne spinale et ventriculaire.

--Spina bifida. Considérations et observations..........

NUMÉR. de la livrai; m

de pages.

NUMÉROS des planches.

IV. XV. XVII. VII.

XV. XII. XII.

XII.

XVI.

III.

XIX.

II.

V. XI.

III.

XV.

III.

4%

XX. XVL XVII. XIX.

III. I.

XVÏ. XI.

II.

VII.

I. III.

VI. XVI.

1— 4 t- 2 1— 2

1—- 2

1— 2 1— U J

1 — 10

1— 4

1— 4 l— 2

1—20

1— 6 1— 2

1— 8 1— 6

1— 6

1— 2

1— 2

1— 2

1— 6

1— 6

1-4

\

' - bj

1— 4 1— 2

î—.o 1— 2 1— 4

1

6 5 5

- 3 4-5 1

2- 3

3 5

2 4

2 2

1

2 2 4 4

3- 4

6 | 6 | 1.2-3 j

1

!

6

b' 3

- ;

Maladies du fœtus. Monstruosité spina bifida occipital et cervical antérieur; hernie cervicale du poumon , hernie thoracique, du foie, etc. .....

Maladies dj cerveau. Méningite sous-arachnoïdienne aiguë de toute la surface du cerv«au et du cervelet.................

—— Méningites sous-arachnoïdiennes. Observations et considérations générales. : \. . ..................

--Tuneurs, d'apparence perlée, formées par de la matière grasse et de la

cholestérine, déposéesd ans le cerveau.Observations et considérations générales

sur crtte affection...................

--Timeurs cancéreuses des méninges et de la dure-mère. Considérations

générales et observations.................

--Inflammation des sinus de la dure-mère. Observations et réflexions. . .

--Hydrocéphalie du fœtus. Observations et réflexions........

--— Hémiplégie ; atrophie.................

— Apoplexie. Observations et considérations générales. . . . .

--Apoplexie des enfans nouveau-nés. Observations et réflexions......

—~ — Apoplexie capillaire et atrophie des circonvolutions. Ramollissement. ——-cihezle fœtus. Atrophie des circonvolutions. Observations et réflexions. .

" ¦ Idutie * ongéniale par défaut de développement.........

.—-— Il aiale. Observations et considérations générales.....

--j Absence d i cervelet chez une jeune fille, morte dans sa onzième année.

Maladies du 'cervelet et de la protubérance annulaire. Masses tuberculeuses. Observations et considérations générales..............

6° LÉSIONS DES ORGANES GÉNITO-URINAIRES.

Maladies d u rein. Transformations et productions enkystées. Observations.

- Néphrite aiguë terminée par un ramollissement; inflammation du tissu

adipeux- qui environne le bassinet et l'uretère ; abcès autour du bassinet ouvert da ns sa cavité. — Néphrite terminée par suppuration infiltrée. Observations et considérations générales..............

--Cancer. Observations et réflexions.........*

Maladies des reins et des capsules surrénales. Cancer. Observations.....

Maladies de ia vessie et de la prostate. Considérations et observations sur l'hypertrophie partielle ou générale de la prostate...........

M.w.dïes du testicule. Sarcocèle; cancer alvéolaire avec matière perlée; tumeur

fibreuse ; sarcocèle tuberculeux. Observations et réflexions.......

——. Sarcocèle; infiltration tuberculeuse de l'épididyme. Considérations générales et observations....................

Mdadies de l'utérus. Vices de conformation. Utérus bifides et cloisonnés. Observations et réflexions..................j

--Utérus cloisonné dans toute sa longueur.......... .

----• Déplacemens. Considérations et observations........

„w— Phlébite utérine...................

— et des ovaires. Considérations et observations sur les maladies des femmes en couches en général et sur le typhus puerpéral en particulier.

— Tumeurs fibreuses avec kyste séreux de l'utérus.........

- —— Tumeurs fibreuses coïncidant avec la grossesse.........

--Polypes et déchirure de l'utérus..............

Ldies des ovaires. Kystes ovariques. Considérations générales et observations sur des fœtus encroûtés de phosphate calcaire et momifiés.......

--Kystes. Réflexions et observations..............

--Kystes pileux. Observations et considérations générales sur ces affections .

Maladies du placenta. Foyers sanguins..............

---Atrophie; défaut de développement et dessiccation du fœtus correspondant dans un cas de grossesse double..............

--Transformations en vésicules hydatidiformes (kystes séreux et multiloculai-.

res). Observations et considérations générales sur cette altération.....

FIN DE LA TABLE DU PREMIER VOLUME.

NUMÉRO do ki livraison.

NOMBRE de pages.

NUMÉROS des planches.

XIX. VIII. VI.

II.

VIII. VIII. XV.

vm. v.

XV. XX. XVII. VIII.

v.

XV. XVIII.

VI.

I. I.

XVIII. XVII. V. IX.

IV. XIII. XVI.

IV.

XIII. XIII. XI.

XI.

XVIII.

V. XVIII.

XVI.

VI.

I.

1— 4 1— 2 1—10

1— 6

1—12 1- 4 l~ 4 1— 2 1— 6 1— 4 1—12 1— 4 1— 4 1— 6

1— 2 1— 6

1— 2

1— 6 1— 4 1— 2

1— 8

1— 4

1— 6

1— 4 16—17 1— 4 1— 4

15—18 1— 2 1— 2

ï— 4 l— 4 1— 6 1— 4

1— 2

1— 6 5-6

4

1-2

6

1-2-3 4 4 ö 6 1

3- 4 1 6

4- 5 5

2 4

5 4 1

2

1

1

5 5 5 6

1-2-3 4

5 6

6 3

3-4-5 1

6

1-2

AVIS AU RELIEUR.

Ce premier volume sera relié dans l'ordre suivant: i» Le titre.

20 La liste des souscripteurs.

3° Les livraisons I à XX dans leur ordre en faisant suivre chaque article des planches qui le concernent.

4° La table des matières.