(1882) Archives de neurologie [Tome 04, n° 10-12] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1882) Archives de neurologie [Tome 04, n° 10-12] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE '

NEUROLOGIE

RV11RUS, IMPRIMERIE DE CIlARLES HeRissry

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE

J.-M. CHARCOT

AVEC LA COLLABORATION DE

MM. ADAMKIEWICZ, AMIDON, BALLET, BERNARD, BITOT (P.-A.), BLAISE,

BLANCHARD, BONNAIRE (E.) , BOUCHEHEAU, BRIAND (M.), BRISSAUD (E.),

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TROISIER (E.), V1GOUROUX (R.), VOISIN (J.), WUILLAMIER

Rédacteur en chef : BOURNEVILLE

Secrétaire de la rédaction : Cil. FÉRÉ

Dessinateur : LEUDA.

Tome IV. - 4882

Avec 5 planches noires ou en couleur et 20 figures dans le texte.

PARIS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

6, rue des Écoles.

1882

Vol. IV. Juillet 1882. N" 10.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE

CLASSIFICATION DES FOLIES. - DISCUSSION A PROPOS

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE;

Par JI. D E L.1 S l A U V E , médecin honoraire des hôpitaux.

Nous avons établi, en aliénation mentale, une no-

menclature quia suscité beaucoup de défiance. Maiselle

a été plutôt condamnée que réfutée. On ne s'est point

donné la peine de la soumettre à une analyse compara-

tive. Chacun a préféré instituer la sienne ; ceux-ci,

comme i)iorel, en la basant sur les causes; ceux-là,

comme )I. Baillarger, la déduisant d'un double phéno-

mène pathologique, excitation, dépression; d'autres, s'en

tenant à la division, plus ou moins modifiée, d'Es-

quirol; tel Renaudin, notamment, qui, qualifiant d'im-

prudentes les critiques dont cette division avait été

l'objet de notre part, trouvait qu'elle avait puisé, dans

ces attaques mêmes, un nouveau caractère de certitude.

1 Lu à l'Académie de médecine en 1875, ce mémoire, destiné 1 une

autre publication, est resté inédit par des circonstances toutes particu-

lières, indépendantes de la volonté de l'auteur. D..

4

2 ' PATHOLOGIE MENTALE.

' Cependant les années s'écoulent. L'occasion s'est

offerte à nous bien des fois de vérifier et notre classi-

fication et la théorie sur laquelle elle repose. Or, nous

osons le déclarer, les faits et la controverse, loin de les

infirmer, ont, de plus en plus, manifesté à nos yeux

l'évidence de l'une et de l'autre. En ce moment, pour

un travail, délaissé depuis trente ans, et que nous nous

nous proposons de reprendre, nous sommes en quête

de documents bibliographiques. Dans ce parcours, le

hasard nous a permis de relire une observation des

plus curieuses, et qui, dans ses détails, implique la justi-

fication la plus complète de nos distinctions.

Peut-être nous saura-t-on gré de la produire et de

l'apprécier. Quelques mots, préalablement, en vue de

faciliter cette tâche. Pinel, on le sait, admettait quatre

genres principaux : manie ou délire général, mélan-

colie ou délire partiel, démence ou dégradation des

facultés, idiotisme congénial ou acquis, ce dernier ré-

pondant soit à la stupidité de Georget, de Ferrus et

d'Etoc Demazy, soit à l'imbécillité et à l'idiotie propre-

ment dite. Il a mentionné, en outre, une folie raison-

nante et une manie sans délire, dont la délimitation

est restée indécise.

Au fond, la classification d'Esquirol diffère peu de

celle de Pinel, si ce n'est qu'il forme deux catégories

du délire partiel, la monomanie ettatypémanie. L'idio-

tisme acquis devient pour lui la démence aiguë, à

laquelle il n'a consacré que deux pages seulement.

Non sans hésitation, il groupe, sous le nom très inap-

proprié de monomanie raisonnante, les exemples dispa-

rates que son prédécesseur comprenait parmi les

manies sans délire, et Prichard, parmi ses folies morales.

D'UNE prétendue MONOMANIE RELIGIEUSE.' 3

Il étudie séparément, il est vrai, les illusions et les

hallucinations, l'hypochondrie, le délire épileptique, la

démonomanie, etc.; mais, ce que nous allons fair.e

ressortir, ces manifestations, d'origine et de physiono-

mie variables, n'intéressent que secondairement le

classement psychologique.

M. Baillarger a débuté par transformer la stupidité

en mélancolie avec stupeur, sous ce prétexte contestable

que l'activité oppressive de l'imagination y jouait

le rôle prédominant. Plus tard, il a décrit une folie à

double forme, étudiée déjà et dénommée par Falpet père

folie circulaire. Alternant dans des phases successives,

cette affection, typique en effet, semble avoir suggéré à

notre éminent collègue l'idée de ranger toutes les vé-

sanies en un double cadre, selon qu'elles relèveraient

de X excitation ou de la dépression, lesquelles dominent,

tour à tour, dans la folie à double forme.

More ! a cédé à une illusion sensible dans l'établis-

sement de sa classification étiologique. Il s'en réfère à

l'hérédité, au délire épileptique, hystérique, ébrieux,

saturnin, etc. Mais ces causes sont connues; chacun en

tient compte. En revanche, combien d'aliénations,

pures névroses, n'offrent d'accessible à l'analyse que

l'ensemble et la marche des manifestations phénomé-

nales ? Dans les dernières années, notre regretté collègue

de Saint-Yon, sous le nom de délire émotif, qui n'en

indique exactement ni la source ni la nature cons-

tantes, a cru révéler une vérité nouvelle. Elle figure,

dès 1859, dans notre mémoire sur la pseudomono-

manie et, si nous ne nous trompons, le sous-titre

scientifique de délire partiel diffus qui l'exprime, lui

serait beaucoup mieux approprié.

z4 PATHOLOGIE MENTALE.

Quant à Renaudin, tout en approuvant fort la dicho-

tomie de M. Baillarger, qu'il utilise en ce qui concerne

le jeu de la pensée, des idées et des sentiments, il

adhère presque exclusivement à la division d'Esquirol,

pour lui irréprochable.

Pour peu que la méditation s'attache aux aspects que

reflète l'aperçu qui précède, on est frappé de l'absence

d'une loi qui en précise le cachet, les rapports et la

subordination. On a vu des types, on les a peints, sans

rechercher mentalement la raison de leurs similitudes

et de leurs différences. lI. Baillarger qui, plus parti-

culièrement, a visé un critérium doctrinal, s'est arrêté

lui-même au fait matériel. En quoi consistent l'excita-

tion et la dépression ? Où sont leurs limites respec-

tives ? Est-il sans exemple qu'une agitation plus ou

moins intense coïncide avec une atonie cérébrale ? VA,

réciproquement, une prostration apparente ne peut-

elle dissimuler une activité psychique véritable ? Doit-

on confondre, enfin, l'oppression avec la faiblesse ?

Evidemment, il y a là un point sérieux d'interrogation.

De bonne heure, flairant l'écueil, nous avons compris

la nécessité de ne pas nous en laisser imposer par les

impressions immédiates. Scrutant les faits dans leur inti-

mité, nous nous sommes appliquée remontera l'idéal.

Cette investigation, poursuivie sur un grand nombre z

d'insensés, nous a conduit à constater d'abord des ana-

logies ou des diversités là où un examen brut eût

suggéré des termes inverses. La classification, natu-

rellement, devait s'en imprégner. Mais ce résultat ne

fut pas le seul. Pour élucider les phénomènes, en dé-

voiler la formation, en fixer la valeur, il nous a fallu

pénétrer dans les mystères du fonctionnement mental.

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 5

En même temps que les conditions d'un classement

plus rationnel des folies, nous avons entrevu une

systématisation psychologique, susceptible de répandre

un jour tout nouveau sur l'horizon de notre science.

Issue de l'observation, elle en contient virtuellement

toutes les données, que, depuis, nous n'avons cessé de

rectifier et de compléter. En quelques mots, de quoi se

compose-t-elle ? Ce qui saillit immédiatement chez

l'homme, c'est la faculté de penser, de raisonner, de

vouloir et d'agir. Si quelque chose se dérange dans ce

mécanisme, la lésion, évidemment, à cause de l'inces-

sance du travail mental, aura pour signe la généralité

et la permanence. L'irrégularité ou l'insuffisance se

trahiront, à des degrés divers, sur tous les sujets. De là

un groupe d'aliénations générales, dans lequel sont

venus se ranger quatre genres principaux : l'excitation

maniaque, la manie, la démence, avec ou sans paraly-

sie progressive, et les innombrables variétés d'obtusions

psychiques, depuis la stupidité la plus profonde jusqu'aux

teintes affaiblies du simple embarras intellectuel.

Mais le pouvoir que nous avons appelé syllogistique

ne se crée pas de toutes pièces. Les idées qu'il conçoit,

les émotions qui l'impressionnent, les sentiments qu'il

éprouve, deviennent les matériaux et les mobiles de ses

opérations. Ces éléments lui sont extrinsèques, et, bien

que s'engendrant, se correspondant et s'influençant dans

des combinaisons infinies, ils ont néanmoins en soi

une indépendance respective. Le grain est distinct du

moulin qui le broie. Si l'engrenage pèche, la mouture

s'en ressentira. Quelque substance qu'on emploie, elle

sera inégale, grossière. Dans les cas opposés, le pro-

duit dépendra du grain lui-même : irréprochable

6 PATHOLOGIE MENTALE.

ou défectueux, selon que celui-ci sera sain ou avarié.

Par comparaison, ne serait-il pas présumable que

certains ordres d'aliénations mentales eussent ainsi

leur point de départ dans des impressions maladives,

des conceptions vicieuses, des sentiments altérés ? Elles

auraient, en conséquence, une évolution et des carac-

tères spéciaux. La logique, subsistante, fléchirait sous

l'ascendant des incitations pathologiques pour repren-

dre, non- parfois sans une résistance efficace, son empire

en dehors de leurs actions. C'est ce qui a lieu, en effet.

Les délires particuliers ont, sous ce rapport, un cachet

si saillant qu'on n'a pu échapper à leur constatation.

Mais le principe en a été méconnu, ce qu'atteste l'idée

comprise dans cette définition : lésion partielle de l'intel-

ligence. D'une séparation de fond, on n'a fait qu'une

distinction de degré. Les nuages, non éclaircis, ont nui

à la découverte d'une classification légitime.

Cette incertitude, dont la plupart n'ont qu'une cons-

cience imparfaite, se reflète, tangible, dans les auteurs.

Quoi de plus vague et de plus incomplet que la mélan-

colie de Pinel ? A quels signes précis reconnaître sa

manie sans délire et sa folie raisonnante ? Les genres

d'Esquirol ne sont guère mieux délimités. Sa mono-

manie n'a cessé d'être l'objet de vives controverses.

Pour les trois quarts, ses typémanies appartiennent aux

délires généraux. Dans ses faits disparates de mono-

manie raisonnante, il n'y a rien de systématisé qui

justifie la qualification. Ses autres descriptions, si bien

faites, portent sur des symptômes ou des formes secon-

daires que l'on serait fondé à multiplier à semblable

titre, sans compter la diversité des cadres dans lesquels

devraient entrer les observations. More), nous l'avons

-d'une prétendue monomanie RELIGIEUSE. 7

vu, de fait supprime les catégorisations psycholo-

giques. Dans un immense chapitre, consacré à la mono-

manie, Renaudin a rassemblé et commenté, avec un luxe

de considérations ingénieuses, une foule d'exemples,

sur l'interprétation desquels il y aurait beaucoup à dire.

L'idée qui s'impuse généralement, à travers ces diver-

gences, c'est que, dans le délire partiel, les malades,

dominés par des impulsions automatiques et des con-

ceptions imaginaires, peuvent, en dehors de la sphère

aberrative, raisonner et agir correctement. Des cas

attribués à cette forme, un grand nombre sont à retran-

cher. D'autre part, le cercle dans lequel on se l'est

figurée ne renferme pas, tant s'en faut, tous les types

qu'elle comprend. Nous en avions eu d'abord l'intui-

tion. Peu importe, répondions-nous aux objections, la

quantité des erreurs, si le raisonnement subsiste. L'ana-

lyse nous en fournit bientôt une explication plus claire,

qu'il nous eût été facile d'induire de la théorie.

La première observation d'où, pour nous, naquit la

lumière, fut celle du séminariste Raimbaud, condamné

à Aix, pour tentative de meurtre sur un de ses cama-

rades. D'accord sur l'irresponsabilité, les experts hési-

taient dans l'attribution du cas, ou au délire général, ou

à la monomanie. Raimbaud n'avait ni idée fixe ni

impulsions déterminées. Son affection se composait

d'une série de paroxysmes comparablesà la rêverie de la

veille, et où surgissaient, montant comme un flot et se

croisant dans son esprit, des sensations étranges, des

conceptions bizarres, des raisonnements fortuits. Les

sentiments erraient au gré des pensées. Sortant de ces

crises, il se voyait avec effroi, étonné, sur la pente du

crime ou de la folie.

8 . PATHOLOGIE MENTALE.

Ce n'était. point de la monomanie, mais une fasci-

nation oppressive, vague et incertaine. Les traits de la

folie générale ne s'y rencontraient pas d'avantage,

puisque, soustrait à son inertie, l'esprit recouvrait

aussitôt sa lucidité, même avait conscience des phéno-

mènes. Dans le délire partiel, auquel ce cas apparte-

nait évidemment, il y avait donc autre chose que de la

fixité et de la constance. Pourquoi certains spasmes

ne susciteraient-il pas des aberrations et des entraîne-

ments, mobiles et variables comme eux ? L'énigme était

dévoilée. Ce genre venait, dans notre nomenclature,

remplir une place vide. Il éveillait notre attention sur

des situations mentales analogues, que nous avions

observées. Nous y entrevîmes même la raison probable

de la plupart de ces cas nuageux, diversement qualifiés :

manie sans délire, manie ou folie raisonnante, folie

morale, monomanie raisonnante, délires impulsifs, mono-

manie homicide, suicide, etc. Pour ces dernières pro- ? ? ïae /M/ ? ! 2'c, 6' ? < ? 'CM/e, etc. Pour ces dernières pro-

pensions, en particulier, on juge uniquement l'acte, qui

souventn'est, comme on l'a vérifiédepuis, qu'une circons-

tance saillante d'un appareil symptomatique complexe.

Dans une première communication à la Société

médico-psychologique, en 1859, nous traçâmes une

esquisse du nouveau genre. Les traits qui le distinguent

de la monomanie sont nombreux, et présentent un con-

traste si frappant que, tout d'abord, la pensée nous vint

de lui donner, par antithèse, le nom de pseudomono-

manie, souligné, à dessein, par cet autre titre, plus

scientifique, ou délire partiel diffus. Partiel, n'étant

point général, diffus, c'est-à-dire opposé, par la for-

tuite de ses symptômes erratiques, à la systémati-

sation monomaniaque. De plus en plus, la vérité et

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 9

la portée de cette démarcation ont fini par apparaître.

Le fait qui a motivé les explications précédentes

n'est point, du reste, une pseudomonomanie. Notre

nomenclature l'éclairé; il l'éclairait à son tour et en

rendait l'exposition doublement nécessaire. Déjà,

d'après une observation recueillie par M. Baume, alors

interne à 31aréville, More ! l'avait cité dans le deuxième

volume de ses Etudes cliniques. Renaudin, qui a suivi

la maladie après eux, le range parmi ses monomanies

religieuses. Nous verrons en quoi il en diffère. Chose

singulière ! Cette différence qui, ici, lui échappe, l'émi-

nent aliéniste, comme on va le voir, s'en appuie pour

rejeter la démonomanie, à l'instar de Macario. « En

effet, dit-il, nous rencontrons l'idée du démon aussi

bien dans la monomanie que dans la lypémanie. »

Justine Z..., âgée de vingt-quatre ans, a la figure pâle

et les pupilles très dilatées. Son regard, immobile, est

constamment fixé vers le sol. Peau froide, pouls d'une

lenteur extrême, lèvres agitées de légers mouvements

choréiques. L'aspect donne l'idée de la chlorose et

d'une souffrance générale. Menstruation irrégulière.

Dès ses tendres années, Justine manifeste un pen-

chant décidé pour l'isolement et la lecture des livres

religieux. Entrée à quatorze ans aux Orphelines, elles'y

distingue par sa piété et ses succès dans l'étude. A

dix-sept ans, on l'envoie à Nancy faire son noviciat à

la doctrine chrétienne. Elle en sort à vingt ans, pour

aller à Strasbourg en qualité de soeur institutrice des

petites filles. Persévérant dans ses habitudes, elle

n'avait point cessé de s'absorber dans une vie contem-

plative. Elle était donc prédisposée.

Un sermon sur la damnation éternelle, prêché par

1 () PATHOLOGIE MENTALE.

un prédicateur fameux,jette immédiatement le trouble

dans son âme. De l'agitation, des terreurs, suggérées

par des hallucinations de la vue, la font renvoyer dans

-sa famille, où le docteur Ancelon reconnaît les phéno-

mènes de l'extase et de la catalepsie.^

Le frère aîné caractérise ainsi la marche de l'affec-

tion. Des méditations et des abstinences persistantes

s'opposent d'abord à toute médication suivie. Elle

tombe ensuite dans une léthargie voisine de la mort.

Insensibilité, mutisme invincible, qui cèdent peu à peu,

après un long temps, à des lavements antispasmodiques.

Toutefois, elle mange à peine et n'articule que de rares

paroles. A cetamendement très précaire, succède bientôt

une recrudescence moins intense, mais dans laquelle

la malade rend par la bouche un sang fétide.

Un soulagement plus marqué s'annonce. Justine

mange et s'occupe, n'ouvrant la bouche que pour

proférer quelques mots, et sans s'intéresser à ce qui

l'entoure. Puis les vomissements se renouvellent avec

violence, signal d'une divagation évidente.

A l'asile, où elle dut être placée, on ne tarde pas

à remarquer, dans la manifestation des symptômes, des

alternatives d'excitation légère etdedépressionextrême,

cette dernière phase formant pour ainsi dire l'état

permanent. Excitée, elle gesticule, fait des grimaces,

sautille dans un cercle, pousse des cris, pleure et rit

sans motif, et parfois se livre à des démonstrations

obscènes. L'accablement reprend vite le dessus. Accrou-

pie sur sa chaise, la tête inclinée sur le thorax, les

paupières à demi-baissées, Justine accumule sa salive,

qu'elle laisse échapper par jets sur son menton et surses

habits. Debout, l'immobilité persiste. A table, il faut

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 1 t

l'exciter sans cesse pour qu'elle avale ou la soupe ou la

viande, qu'elle tient dans sa cuiller ou sur sa fourchette.

Nécessairement, les fonctions générales se ressentent

de cette inertie. Règles suspendues depuis dix mois ;

digestions pénibles, ventre météorisé, vomissements,

gencives fuligineuses, etc.

Justine peut répondre, même dans ses plus mauvais

moments, mais elle le fait avec une laconicité extrême.

Souvenirs intacts et conservés. M. Baume observe

qu'on serait porté ci croire, d'après ses faibles explica-

tions, que la prostration tiendrait plus de l'extase et

de la catalepsie que de la stupidité, dont elle emprunte

toutefois les formes extérieures. Les hallucinations,

qu'elle ressent encore, ont trait à des faits et paroles

de l'Ecriture sainte. Le Paradis s'entr'ouvre à ses yeux ;

elle voit l'échelle de Jacob, échelonnée de créatures

divines. D'autres fois, les psaumes de David résonnent

à ses oreilles, avec tous les charmes d'une mélodie

céleste. Par contre aussi, les spectres de l'enfer l'épou-

vantent et la torturent. Dans une rêverie, elle s'est

crue transformée en un garçon appelé Théodore. Elle

en était aise, pour avoir le plaisir de'faire ses études

chez les Frères.

Renaudin a observé également les deux phases

indiquées par MM. Moret et Baume. Celle qui débute,

et qu'il nomme initiale, lui semble correspondre à

l'état d'anéantissement et de mort apparente. Quand

arrive la seconde, le pouls se relève, la face se colore,

la physionomie se ranime. C'est l'extase, où de nou-

veaux rapports s'établissent entre la malade et le

monde fantastique de ses hallucinations. Pour lui, l'ex-

tase pathologique est arrivée à ses dernières limites.

12 PATHOLOGIE MENTALE.

More), aussi peu précis, voit, dans l'espèce, un délire

religieux, compliqué d'anéantissement cataleptique.

En quoi consistent l'extase et la catalepsie ? Quelle

~ idée, d'autre part, implique le délire mouomaniaque ?

Cela ne ressort guère de l'observation, si on l'analyse.

En soi, l'extase est une sorte d'éréthisme nerveux, qui

se modifie suivant les causes, les degrés et les compli-

cations. Dans son vrai type, assimilable aux accès con-

vulsifs, elle surgit spontanément, ou eu vertu d'une

disposition morale. Il s'opère, à l'intérieur, un mouve-

ment fortuit de pensées, au préjudice de l'action

volontaire sur le dehors. Socrate s'arrêtait, immobile,

pour écouter les paroles de son démon familier. Cet

état, qui durait chez lui une demi-heure, cesse avec

le spasme. Chez le contemplatif, où tantôt l'habitude.

leramène àl'improviste, où d'autres fois il continue la

méditation, il persiste souvent très longtemps. Le sujet

alors ne s'appartient plus. Il assiste, plus ou moins pas-

sif, aux scènes fantastiques qui se jouent dans son

imagination. Ni régularité, ni cohésion logique. La

tension est-elle forte, s'accompagne-t-elle d'un afflux

sanguin vers l'encéphale, les sensations, les idées, les

sentiments, les aspirations prennent des proportions

insolites. On monte au septième ciel, comme saint Paul,

on est en proie à une céleste folie, comme sainte Thérèse.

Certaines rnonomanies peuvent conduire à l'extase

ou en naître,, sans qu'on soit autorisé à les confondre

avec elle. A plus juste titre, doit-on en distraire les

phases extatiques que l'on rencontre quelquefois dans

les diverses maladies mentales, notamment dans la

manie, l'obtusion hallucinatoire, les folies épileptique,

hystérique, etc. A Bicêtre, un de nos maniaques, sous-

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 13 3

officier de marine, tombait souvent dans une immobilité

de plusieurs heures. Le corps incliné, les yeux fixés

vers le ciel, on eût peint en lui un inspiré. Rien ne le

tirait de cette situation : ni secousses, ni paroles. Chez

deux de nos jeunes garçons, l'attitude était surtout

remarquable. L'un se tenait tantôt sur une jambe, tantôt

sur l'autre, les bras étendus ou élevés dans des direc-

tions variées, et regardant constamment le haut des

fenêtres. Par moments, attendri jusqu'aux larmes, il

était pris, d'heure en heure, d'un rire involontaire ou

laissait échapper quelques mots incohérents. Le second,

moins la suspension des jambes, affectait une pose

analogue. Il semblait agité de craintes religieuses; car,

à demi sorti de la crise, il réclamait un confesseur.

A eu juger d'après les réponses, l'essor psychique,

dans ces trois cas, était restreint, confus et sans rela-

tion avec une disposition mentale antérieure.

Quant à la catalepsie, où l'intensité du spasme ner-

veux enraye toute manifestation intellectuelle et téta-

nise les organes externes, l'idée d'en faire une dépen-

dance du délire mouomaniaque est au moins singulière.

Entre ce degré extrême de la rigidité cérébrale et celui

de la simple extase, il ya des intermédiaires nombreux.

Ces états mixtes, que j'ai décrits sous le nom d'extato-

cataleptiques, marquent bien les diversités proportion-

Ilelles de l'oppression. A mesure que la catalepsie

l'emporte, le champ de la pensée se rétrécit,' son jeu

devient moins facile. De plus en plus, le disparate des

conceptions et l'obtusion hallucinatoire s'accusent,

pour s'effacer et disparaître. Ce caractère, nous l'avons

pu constater parfaitement chez un aliéné, à Bicêtre.

A des intervalles d'un à deux mois. X... subit tout à

1 te PATHOLOGIE MENTALE.

coup la transformation suivante. Tous ses muscles se

raidissent. On est obligé de le coucher. Point de mou-

vements que ceux qu'on lui imprime, avec plus ou

moins de résistance. Seulement, les membres et le tronc,

incomplètement contractures, reprennent d'eux-mêmes

l'attitude du décubitus dorsal. Peau chaude, humide;

face vultueuse, yeux fixes, ouverts, animés. Par inter-

valles, sa physionomie, pétrifiée, s'empourpre ou se

rembrunit, sous l'influence apparente d'un travail de

concentration intérieure, qui, parfois aussi, se trahit

par un sourire sardonique. On le pince, on le pique,

on le secoue, sans éveiller une ombre de sensibilité.

Nous le faisons soulever, le dos appuyé sur le bras de

deux aides. Des jets rapides et réitérés d'eau très froide

dans cette pose ont seuls le don de rompre transitoi-

remeut le charme. On obtient de lui quelques réponses

monosyllabiques, puis, en moins d'une minute, il re-

tombe dans sa demi-catalepsie.

Cet état a duré de vingt-quatre à quarante-huit heures.

Nous l'avons vu persister quatre jours et davantage.

La détente s'opérait assez vite. Il ne lui restait qu'un

vague souvenir de bruits et de tableaux confus.

X...était comptable. En dehors des crises, on l'utilisait

dans les bureaux. Il conservait une manie bizarre,

une sorte de tic. Un contrôleur chimérique collaborait

mentalement avec lui. Il leur arrivait fréquemment de

ne pas se trouver d'accord sur le résultat d'un calcul.

L'un, par exemple, disait cinquante, l'autre quarante-

huit. Ou vérifiait, et si les chiffres différaient encore,

X..., posant le sien au crayon, passait outre, en

attendant, ce qui avait lieu toujours, que le mystique

conseiller reconnût son erreur.

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 15

Dans l'observation de Renaudin, les traits ne sont

point identiques. Justine Z..., d'une piété exemplaire,

avait un goût prononcé pour la méditation religieuse.

C'était, sans contredit, un sol propice. Un sermon terri-

fiant jette le désordre dans ses facultés. Mais quel est

le caractère des premiers troubles ? S'agit-il d'une mo-

nomanie ? Justine a des hallucinations de la vue; cela

présage plutôt un délire général qu'un délire particu-

lier. Elle rentre dans sa famille, et le docteur Ancelon,

appelé immédiatement à la visiter, reconnaît l'extase

et la catalepsie, c'est-à-dire, comme nous venons de le

démontrer, le contraire d'une systématisation franche.

Le frère déclare que, dans les commencements, elle

s'absorbait dans la méditation et refusait la nourriture.

Appartenant à des folies d'ordres divers, ces symptômes

n'ont ici qu'une valeur relative. On inclinerait de pré-

férence, eu égard à la longue léthargie qui leur suc-

cède, à les rattacher au délire général. Il y eut des

remittences, mais qu'elles furent précaires ! Justine

mangeait un peu et articulait quelques par vies.

A Afarévitte, la situation, peu modifiée, oscilla entre

une dépression habituelle, profonde, et de courtes

phases d'excitation et de lueurs raisonnables. L'obser-

vation dit bien que, même dans ses plus mauvais mo-

ments, Justine est capable de comprendre; mais les

signes qu'on en donne se bornent à quelques ré-

ponses d'une laconicité extrême et au plaisir que

paraît lui procurer la vue d'une parente. L'agitation,

vraie incohérence maniaque, est un mélange de gestes

bizarres, d'actes grotesques ou puérils, de démonstra-

tions érotiques et d'hallucinations religieuses ou autres,

sans lien, sans suite. Dans les rémissions, de l'inertie,

16 PATHOLOGIE MENTALE.

aucune initiative. « Justine, dit Renaudin, ne vient

point à vous, il faut aller à elle. »

Se représenter l'idéal d'un genre d'après ces données

serait difficile. Où le fait pourrait-il se ranger dans

notre cadre ? Tout d'abord, nous désintéresserons le

délire partiel. Nul indice de la conservation du fonc-

tionnement syllogistique. Le pseudomonomane, soumis

aux entraînements morbides, qu'il subit ou auxquels

il résiste, jouit de la vie commune, a conscience de son

trouble et souvent l'apprécie. Les convictions du mo-

nomane, quelle que soit leur origine, conceptive ou

hallucinatoire, sont particulièrement motivées. Elles

ont une logique fausse, grossière, qui, dans sa sphère,

suscite un langage et des déterminations conséquentes.

L'erreur commande le raisonnement et, sur les sujets

qui y sont étrangers, à moins qu'exclusivement domi-

natrice, elle n'absorbe l'attention tout entière, le ma-

lade cause et agit comme tout le monde.

Ce n'est certes point le cas de Justine. Son affection

rentre nécessairement dans la catégorie des délires

généraux. Serait-ce une excitation maniaque ou une

manie ? Elle n'en a, sauf les agitations fugitives qui

s'expliqueront tout à l'heure, ni l'exaltation ni la mo-

bilité incohérentes. Sa ressemblance n'est pas plus

exacte, soit avec la démence où se trahissent la débilité

de la mémoire, la stérilité de la pensée et l'impuissance

morale, soit avec la paralysie générale, si curieuse-

ment représentée par une confiance béate, des préten-

tions bouffonnes et une activité remuante.

Elle se case, au contraire, ostensiblement parmi ces

obtusions psycho-cérébrales, d'origine si diverse, mais

dont les degrés forment la base d'une sous-division

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 17

symptomatique commune. Cette division comprend,

pour nous, les stupidités profondes, moyennes et

légères. Les types ont cela de remarquable qu'ils

répondent à des modalités phénoménales analogues.

Au point culminant, la réaction est nulle ou réduite à

de vagues perceptions internes. Dans l'échelle descen-

dante, il y a deux courants, dont chacun a son effet;

car la pensée ici est surtout obscurcie; le lien n'en est

pas absolument brisé, comme dans le délire maniaque.

Par suite d'une association syllogistique pénible,

embarrassée, l'esprit, incapable de remonter à la

source du vrai et du faux, subit le mouvement fortuit

et des impressions, des sensations, des conceptions, des

sentiments, des impulsions qui l'obsèdent, etdes raison-

nements boiteux, informes, caducs, qu'ils lui suggèrent.

Ce rêve morbide s'empreint dans la physionomie,

l'attitude et le langage. Sombre le plus ordinairement,

il change parfois de caractère. Une de nos malades, ta-

citurne, étaitagitée par de vains scrupules et des craintes,

imaginaires. Un matin , nous la trouvons la figure

épanouie. « Je suis contente, moi, je suis guérie. » Elle

n'en dit pas davantage. Ce fut son refrain, pendant deux

ou trois jours. Les plus étranges conceptions se mêlent

ou se succèdent. On est ruiné; les parents sont morts,

on est mort soi-même. Des abîmes s'ouvrent sous vos

pas. L'enfer, la prison vous réclament ; on est jugé, con-

damné ; la police, la gendarmerie sontàvos trousses; on

a commis toutes les horreurs, le poisonvous menace, etc.

La douche est un excellent moyen derévélation. Sous

son impression, un aliéné de Bicêtre, qui refusait de

manger, s'écrie qu'il est indigne de la bonne nourriture

qu'on lui offre. Ce monstre a assassiné douze personnes.

2

18 PATHOLOGIE MENTALE.

Son ventre contient septenfauts, qu'il doit à un commerce

honteux avec son frère. Il a dans la tête une anguille

enroulée entre le cerveau et le crâne. Cédant, il avale

quelques cuillerées de soupe, se le reproche et s'arrête.

A ces insanités, les idées normales font concurrence,

surtout dans les formes moins accentuées. La raison,

la sensibilité, les sentiments naturels semblent renaître

avec des sensations positives et des souvenirs exacts.

On en est d'autant plus porté à supposer une fixité mono-

maniaque. Le trouble délirant est susceptible d'enrayer

l'essor des facultés. Mais, s'il contribue ici à cet échec,

il n'en estpas la cause principale. Il l'aggraveseulement.

Diminue-t-il d'intensité, cesset-il momentanément de

sévir, l'obtusion, primitive, et dont lui-même est le pro-

duit, persiste; la clairvoyance ne revient point complète;

circonstance patente dans les stupidités très légères.

Tanquerel (des Planches), à propos de la folie satur-

nine, M. Moreau (de Tours), dans son analyse des

symptômes étranges occasionnés par le haschisch, ont

pressenti ce mécanisme. L'un et l'autre, sans se l'expli-

quer, ont constaté la coexistence d'une lucidité appa-

rente avec un désordre mental, quelquefois très intense.

'Le sujet, selon notre collègue, se dédoublerait en

quelque sorte, appartenant par un côté au monde

réel, par l'autre au monde fantastique.

Cette dualité, dont notre nomenclature révèle le

caractère, mérite, dans l'appréciation pathogénique du

cas de Justine, une considération particulière. Elle en

fournit la solution. Prenons-le au début. L'effroi peut

amener la monomanie. Mais l'effet n'est point immé-

diat. A l'émotion apaisée, survit une impression qui

se répète, une idée qui s'impose, une croyance qui, peu

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 19 J

à peu, s'organise. Plus communément, la confusion

due à l'ébranlement continue, si même elle ne suit

une marche ascensionnelle. Chez Justine, on ne voit

aucune trace du premier état. Les hallucinations signa-

lées par le D' Ancelon marquent plutôt la phase ini-

tiale d'une stupidité assez prononcée. Les exemples en

abondent. Après juin 1848, nous recevons à Bicêtre un

homme d'une cinquantaine d'années. C'étaitle concierge

d'une maison envahie par des soldats, à la recherche

d'insurgés, qu'on croyait y avoir trouvé un refuge. A

peine on pouvait en arracher quelques paroles. Il ne sor-

tait de sa torpeur que pour se précipiteren avantvers des

fantômes ou, se tournant de côté et d'autre, répondre à

des voix imaginaires. Ce délire s'affaiblit et disparut, en

moins de quinze jours. Mais l'obscurité mentale ne fut

complètement' dissipée qu'au bout de six semaines.

L'absorption dans la méditation, l'opiniâtreté dans

l'abstinence ont, comme la plupart des symptômes

psychiques, une signification double, relative par con-

séquent aux conditions dans lesquelles on les observe.

Se rattachaient-elles à des idées fixes, à une passion

consciente, à quelque chose d'enchaîné et de logique ? 2

Le silence à cet égard ne permet point de les attribuer

à la monomanie. Loin de là. Une pareille concentra-

tion intérieure se rencontre fréquemment dans les stu-

pidités, produit d'un pur désordre automatique. La

folie consécutive à l'épilepsie nous en offre quotidien-

nement des spécimens.

Une autre preuve en ce sens résulte de la longue

léthargie subie dans la famille. Nul indice d'activité

mentale. Le D' Ancelon soupçonne l'extase ou la cata-

lepsie. Justine n'a ni de la première la pensée errant

20 PATHOLOGIE MENTALE.

dans les régions féeriques, ni de la seconde les fortes

et permanentes contractions musculaires. Sa torpeur

est exclusivement de l'inertie ou de l'oppression céré-

brale. A Maréville, ces phases presque constantes

d'accablement ont persévéré, passivement accidentées,

selon la nature des émotions internes, par des mani-

festations disparates, d'agitation maniaque, de crainte,

de désespoir, d'érotisme, etc.

Renaudin reconnaît lui-même que, dans ce qu'on

pourrait appeler des intervalles lucides, l'essor intel-

lectuel, très borné, n'aboutissait jamais à une détermi-

nation spontanée et voulue. La modification des aspects

se conçoit du reste. Elle dépend des repos et des pro-

portions de gêne de l'encéphale. L'absence d'impres-

sions maladives et de pseudo-perceptions laisse à l'in-

tuition tout son pouvoir. D'autre part, delà stupidité à

la manie (également comprises dans les aliénations

générales) il n'y a souvent de différence qu'un peu de

compression en moins et d'irritation en plus; ce qui

explique la transition facile de l'une à l'autre. Le pro-

nostic et le traitement doivent eux-mêmes à l'idiosyn-

crasie de l'affection des chances relatives. Dans des cas

où le cerveau semble entravé dans ses fonctions par'

les éléments étrangers plus qu'altéré dans sa substance,

les guérisons ne sont pas rares. On a vu, sous le coup

de secousses morales violentes, après des années,

s'opérer des résurrections inattendues. Les agents phy-

siques, unis aux agents moraux, contribuent ici effica-

cement à la cure.

La monomanie, sans contredit, affecte une allure

différente. Dans son chapitre consacré à l'espèce reli-

gieuse, Renaudin relate quelques observations qui en

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 21

présentent les traits incontestés. Il nous suffira d'en

résumer une pour faire saillir le contraste.

111 ? K..., après une vie éprouvée, perd son mari,

officier supérieur distingué, qui la laisse avec une

modique fortune. Elle avait toujours eu des sentiments

pieux. Abandonnée par un fils ingrat, elle cède, sans

réserve, à ses inclinations religieuses. Elle ne néglige

aucune pratique de dévotion, fait des livres saints son

étude favorite, se dévoue à des oeuvres de charité.

Secondée dans cette tâche par un ecclésiastique peu

digne de sa confiance, elle épuise ses ressources, em-

prunte, et, finalement, tombe dans Iedernierdénuement.

Dans la voie de déceptions où elle est entraînée, sa

raison elle-même fait naufrage. Elle se livre à des

extravagances qui motivent son placement à l'asile de

Fains. Son délire a l'empreinte religieuse. Sa conversa-

tion sur tout autre point ne trahit aucune aberration.

Entre-t-elle dans le cercle morbide, tout devient

étrange, conceptions et actes. Comme personne ne

marche à son unisson, Ill"" K... se persuade bientôt

qu'elle seule possède la vraie doctrine, et que la reli-

gion n'est bien entendue, ni par ceux qui l'enseignent,

ni par ceux qui la pratiquent. De là son dédain : « Ce

sont des fous ou des folles» . Le prêtre n'a pas le droit de

consacrer; les soeurs communient en blanc; toutes les

cérémonies dont elle est témoin dans la chapelle sont

ridicules et impies. Dans ses prières ardentes, elle arrive

à une douce extase, qui alimente et corrobore ses ten-

dances. Dieu communique avec elle, il la soutient,

elle le conserve dans son coeur et il lui accorde le don

de protéger en son nom. Aussi se rend-elle dispensatrice

de l'assistance divine, quitte à la retirer et à traiter de

22 PATHOLOGIE MENTALE.

folles les personnes qui, par leur dérogation à ses con-

seils, ne justifient pas un tel bienfait. La vue d'un

ecclésiastique l'indispose. Elle s'en détourne, le bras

incliné en arrière, comme pour conjurer un maléfice.

Son zèle de conversion est parfois intolérable. Les

offices divins ont dû lui être interdits. Elle interrompait

le célébrant, à qui elle reprochait de profaner les saints

mystères. Montait-il en chaire, elle voulait se substi-

tuer à lui et prêcher à sa place. Cet état, d'origine

ancienne, n'avait point varié.

Quels traits le rapprochent de celui de Justine ? Aucun

assurément : ni manie, ni démence, ni stupidité. Le

pouvoir syllogistique subsiste. Point de pseudo-mouo-

nanie non plus. Rien de diffus, de mobile, ni de sus-

pect à la malade. Son délire se renferme exclusivement

dans le cercle circonscrit et invariable de ses fausses

convictions. 11'"e K..., en un mot, subit l'atteinte d'une

monomanie ou, plus correctement, d'une folie systéma-

tisée ; car il n'est guère d'exemples de monomanies

limitées à une erreur unique.

Le champ, au contraire, en est quelquefois assez

étendu. Une idée appelle une preuve. Tout sentiment

se justifie. La défiance, la crainte, conduisent à des

suppositions de plus d'un genre qui se transforment

en réalités, et, chemin faisant, ces déviations en engen-

drent d'autres, très distantes souvent du mobile initial.

Pour être complexes, ces cas n'en gardent pas moins

leur caractère, qui est le logisme, s'exerçant simulta-

nément au profit des manifestations normales et déli-

rantes. Remarquons encore que les convictions morbides

ne sont pas toujours tellement assises que la perplexité

du doute n'ajoute au tourment qu'elles occasionnent.

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 23

Je fus consulté l'an passé, a plusieurs reprises, par

une vieille demoiselle de soixante-sept ans qui, sous

ce rapport, présente des particularités curieuses.

Employée dans une administration publique, elle venait

d'être mise à la retraite, moins en raison de son âge

que de certaines excentricités dans l'exercice de ses

fonctions. C'est une personne d'un esprit distingué,

d'une instruction solide et d'une trempe antique. Très

pieuse, elle voyait les prêtres et les religieuses. En

butte depuis trois ans à des persécutions imaginaires,

elle ne vit plus que d'une existence empoisonnée.

Les accidents débutèrent ainsi : elle avait pour con-

fesseur un ecclésiastique, âgé d'environ quarante-cinq

ans. Fascinée par son regard, elle se figure être, de sa

part, l'objet d'une attention peu séante. Là-dessus, mille

réflexions alarmantes. Elle l'évite; mais dans le milieu

qu'elle fréquente, elle retrouve partout son influence.

Celle-ci se propage au dehors. Dès lors s'ourdit, contre

son repos, une trame abominable. Les soeurs se con-

certent avec le curé pour la faire tomber dans le piège.

Ces gens-là sont captateurs de fortunes. Ils visent à

s'emparer du peu qu'elle possède. Elle ne veut plus

les voir. Sur son passage, elle entend des voix mo-

queuses. Elle lit sur les visages l'insulte ou la pitié

ironique, on devine ses pensées; on la suit dans tous

ses actes. Elle songe souvent à avertir l'autorité. Mais

où ses ennemis n'ont-ils pas des intelligences ? Forme-

t-elle un projet, ils en sont instruits et en empêchent

à point l'exécution. Ce qui les rend redoutables, c'est

qu'ils ont des secrets inconnus pour faire souffrir et

arriver à leur but. L'électricité, le magnétisme, d'autres

agents occultes, sont en leurs mains. Ils en jouent à

2t le PATHOLOGIE MENTALE.

distance ; on lui souffle des odeurs qui lui donnent la

fièvre. Son oreille est assourdie de bruits infernaux,

qui lui déchirent le tympan. Elle reçoit dans la tête

des chocs mortels. Des fusées traversent ses membres,

se répandent dans son corps et lui occasionnent, sur

différents points, des ébranlements pénibles. Les organes

sexuels ne sont pas eux-mêmes respectés. Ou exerce

des frottements sur la matrice; on y fait passer des

courants de feu, on y insinue des morceaux de caout-

chouc. On ne sait, en un mot, quelle forme prendre

pour perpétuer et renouveler son supplice.

Ses interprétations, toutefois, ne s'imposent pas sans

soulever des scrupules. La ménopause a eu ses orages.

Malgré l'apparence, la santé n'a jamais été parfaite.

111"e "` était sujette à la migraine. Dès le principe, elle

s'est demandé si, jouet de son imagination, elle ne

prendrait pas pour indice de malfaisance l'effet d'une

maladie nerveuse. D'autre part, ayant ouï que la folie

se caractérisait quelquefois par des phénomènes ana-

logues aux siens, elle lit avec avidité plusieurs traités de

médecine mentale, scrute et commente particulièrement 1

les observations qu'ils renferment. Elle est naturellement

frappée de certaines comparaisons. Elle en délibère,

longtemps indécise. Malheureusement, elle finit tou-

jours par conclure qu'elle est une exception à la règle.

Une circonstance récente', sur laquelle elle me

consulte dans sa dernière lettre, peint admirablement

ce levain d'opposition aux croyances. Au temps des

tables tournantes, M ? comme tout le monde, avait

entendu prononcer le nom de spiritisme. Sa mémoire

n'en avait conservé qu'un souvenir confus. Elle tombe

d'aventure sur deux journaux, où sont exaltées les

D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 25

merveilles de cette science mystique. Là gît, inévita-

blement, la solution du problème qu'elle poursuit avec

tant de sollicitude. En causant, elle apprend d'une

dame amie que l'abbé, son persécuteur, érudit pro-

fond, avait une connaissance parfaite du spiritisme.

Il était décédé depuis peu. La démonstration est donc

complète. L'électricité, le magnétisme, etc., etc., sont

relégués au second plan. Elle est victime de cette

science infernale, qu'elle suppose d'ailleurs originaire

de l'Indoustan, et avoir été importée, par des mission-

naires, en Europe et en France.

Ce fait, sans contredit, est un des types les plus accu-

sés du délire partiel systématisé. Chez la malade, pas le

moindre accablement ni la moindre incorrection de

langage, ni aucune de ces transitions de phénomènes

qui puissent faire soupçonner la stupidité, à un

degré quelconque. Sa raison, dans l'ordre physiolo-

gique, se manifestetout entière. Elle converse, elleécrit

avec sa distinction accoutumée. Quant aux erreurs, on

les a vues naître, se multiplier, s'enchaîner, s'enraci-

ner par un procédé logique. Leur domination même

n'a pas été immédiate, et, en dépit du temps, n'est pas

absolue encore. Un recul est peu vraisemblable. Mais

la santé corporelle, uon gravement détériorée, présage

une longévité commune. Dans dix ans, si M"° ? offre

les attributs d'une verte vieillesse, ses aberrations

auront chance de se retrouver, au fond, les mêmes

que nous les voyons aujourd'hui Cette similitude

1 L'an passé, nous avons pu constater la réalité de ce pronostic.

AI"0 ? vit avec une gouvernante ; celle-ci, pour des intérêts de famille,

ayant été obligée de se rendre à Paris, sa maîtresse l'accompagne et

s'empresse de me rendre visite pour me remercier de mes bons conseils.

Elle s'est résignée et elle se croit guérie. Sa conversation me prouve

26 CLINIQUE NERVEUSE.

importante a été vaguement constatée. On n'en a

point tenu compte, faute d'une conception doctrinale.

Nous venons d'en montrer le principe. Elle ressort,

.trait distinctif, des données de notre nomenclature.

CLINIQUE NERVEUSE

NOTE SUR L'ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES;

Par le Dr A. PITRES, -

Pmfesseur à la Faculté de médecine de Rordeaui. ,

Les troubles fonctionnels, qui se produisent dans les

membres, consécutivement à une lésion cérébrale, sont

beaucoup plus complexes qu'on ne le suppose géné-

ralement. Ils ne sout pas, ainsi qu'on serait tenté de

le croire d'après les descriptions classiques de l'hémi-

plégie, exclusivement limités à un côté du corps.

Ils portent en réalité sur les quatre membres, mais

d'une façon inégale et différente. En général, les

membres du côté correspondant à la lésion sont sim-

plement affaiblis. Ceux du côté opposé présentent en

outre une indifférence absolue, ou tout au moins une

résistance anormale aux incitations volontaires. Les

premiers sont faibles, les seconds seuls sont frappés de

qu'au fond, si les souffrances sont tolérables, les conceptions morbides

subsistent. Môme, je serais étonné si la crainte d'une solitude de quel-

ques jours ne l'a pas décidée à accompagner sa protectiiice. Physique-

ment, la santé est parfaite. 11 en est ainsi de beaucoup de monomanies;

on s'y résigne. Elles passent en habitude, mais guérissent très rarement.

ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 27 Î

paralysie. Or, un membre affaibli n'est pas, par cela

même, un membre paralysé. Nous voyons tous les

jours des hystériques dont les membres du côté anes-

thésié donnent une pression inférieure de 10 ou 15 kilo-

grammes à celle des membres du côté opposé. Cepen-

dant ces malades se servent de tous leurs membres

sans la moindre maladresse; elles marchent sans hési-

tation ; elles cousent ou brodent avec habileté et co

serait forcer les analogies que de les considérer comme

des hémiplégiques, malgré l'affaiblissement très réel et

relativementconsidérable des muscles d'un côté du corps.

Dans une communication récente à la Société de bio-

logie (séance du 21 janvier 1882), M. Browi)-Séquard a

attiré l'attention sur la distribution des troubles paraly-

tiques chez les malades atteints d'hémiplégie d'origine

cérébrale. Il résulte des observations du professeur du

Collège de France, qu'une lésion cérébrale unilatérale

ne produit pas exclusivement et invariablement une

paralysie des membres du côté opposé. En général, en

outre de la paralysie typique croisée, il existerait une

paralysie directe légère. Quelquefois aussi, la lésion

pourrait déterminer une paralysie limitée à trois mem-

bres (les deux membres inférieurs et le membre supé-

rieur du côté opposé) ou aux deux membres inférieurs

seulement. Les conclusions développées par M. Brown-

Séquard reposent la plupart sur des observations dyna-

mométriques exactes. Mais, exprimées sous la forme que

leur a donnée leur auteur, elles suggèrent une idée

inexacte sur l'état de la molilitéchez les hémiplégiques,

et cela, précisément, parce que M. Brown-Séquard n'a pas

tenu compte de la différence essentielle qui existe entre

l'affaiblissement musculaire et la véritable paralysie.

28 CLINIQUE NERVEUSE.

J'ai fait depuis quelques années de nombreuses recher-

ches comparatives sur l'état des forces et de la motilité

volontaire chez les malades atteints d'hémiplégie céré-

brale. Je me proposais en les commençant d'étudier

les signes cliniques des altérations bilatérales de la

moelle, qui, d'après desobservations antérieures, se pro-

duisent fréquemment a la suite des lésions unilatérales

du cerveau'. Bien que ces recherches soient encore

fort incomplètes à certains points de vue, elles m'ont

cependant fourni quelques résultats précis que j'indi-

querai très brièvement.

Pour apprécier la force des membres, je me suis tou-

jours servi du dynamomètre de pression ordinaire.

Pour le membre supérieur, l'instrument était serré

dans la main; pour le membre inférieur, il était placé

dans le jarret pendant que le sujet fléchissait de toutes

ses forces la jambe sur la cuisse. Il est certain que ce

mode d'exploration est imparfait, car il ne fournit

d'indication que sur l'état des forces de certains groupes

musculaires, mais il donne au moins des indications très

précises et comparables sur la force du groupe exploré.

A l'état normal, chez l'homme adulte, la force de pres-

sioiidéveloppée dans les conditions que je viens d'indi-

quer égale :

ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 29

Chez la femme, les chiffres sont notablement moins

élevés ; la moyenne est :

30 CLINIQUE NERVEUSE.

Hémiplégies, droites.

ÉTAT DES 1·'OKCGS CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 3t

Hémiplégies gauches .

32 CLINIQUE NERVEUSE.

Des observations résumées dans les tableaux précé-

dents on peut, si je ne me trompe, tirer un certain

nombre de conclusions. -

1. ÉTAT DES FORCES DANS LES MEMBRES DU COTÉ

OPPOSÉ A L'HÉMIPLÉGIE

1° Dans l'lcénziplégie d'origine cérébrale les membres

du côté opposé à F hémiplégie sont toujours plus faibles

zc'ci l'état normal. Il ne s'agit pas ici d'un phénomène

douteux, d'une appréciation difficile ou incertaine,

puisque, d'après les chiffres précités, la force de pres-

sion développée par les membres du côté non paralysé

est en moyenne de 40 à 45 p. 100 au-dessous de la

normale.

2° Dans l'hémiplégie droite, les membres du côté a«-

elle sont proportionnellement moins affaiblis que ne le

sont les membres du côté droit dans l'hémiplégie gauche.

Ainsi, dans l'hémiplégie droite, si l'on établit les

moyennes sans tenir compte des sexes, on trouve que

la perte des forces du côté gauche est de 41 p. 100,

tandis que dans l'hémiplégie gauche les membres du

côté droit perdent 49 p. 100.

3° D'ordinaire, du côté opposé à l'hémiplégie, la perle

des forces est proportionnellement plus grande dans le

membre inférieur que dans le membre supérieur corres-

pondant. En prenant pour base du calcul l'ensemble

des 40 observations rapportées plus haut, on trouve que

les membres supérieurs du côté opposé à l'hémiplégie

' ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HEMIPLEGIQUES. 33

ont perdu en moyenne 38,5 p. 100 de leur force et les

membres inférieurs 50 p. 100. Je n'ai jamais rencontré

d'exemple d'affaiblissement manifeste de l'un des

membres du côté opposé à l'hémiplégie, l'autre ayant

conservé sa force normale. Toujours les deux membres

supérieur et inférieur m'ont paru affaiblis. Mais il

arrive quelquefois, que, contrairement aux chiffres

fournis par les moyennes, le membre supérieur est

proportionnellement plus faible que l'inférieur. Ainsi,

chez Can... (n° 5), les membres supérieur et inférieur

du côté non paralysé donnent chacun 20 kilogr. de pres-

sion. Or, le- membre supérieur donnant à l'état normal

une pression notablement plus forte que le membre

inférieur, il résulte de l'égalité observée dans ce

cas, que le membre supérieur a été proportionnelle-

ment plus affaibli que le membre inférieur correspon-

dant. Chez Pin... (n° 24), le membre supérieur droit

non paralysé donne 20 kilogr. et le membre inférieur

21 kilogr. Le premier a donc perdu 59,3 p. 100 de ses

forces, le second seulement 32,4 p. 100. Mais les cas

de ce genre sont exceptionnels. Le plus souvent le

membre inférieur est proportionnellement plus affaibli

que le supérieur.

4° L'affaiblissement des membres du côté opposé à

l'hémiplégie est d'autant plus marqué que l'hémiplégie

est plus récente. Cette notion est importante à retenir.

Elle prouve que la perte des forces n'est pas un phé-

nomène banal résultant du repos forcé, du séjour au

lit, ou de la déchéance générale et progressive del'orga-

misme. Les choses se passent en général de la façon

suivante. Pendant la période apoplectique, toute

34 CLINIQUE NERVEUSE.

exploration dynamométrique est impossible. Quelques

jours après, quand le malade a repris ses facultés, la

force est très diminuée dans les membres du côté

opposé à l'hémiplégie et nulle dans ceux du côté para-

lysé. Les jours suivants, elle revient graduellement,

d'abord dans les membres non paralysés, puis dans les

membres paralysés. D'ordinaire, le membre inférieur

reprend quelque force avant le membre supérieur

correspondant, ainsi que l'ont indiqué Romberg et plus

tard Trousseau.

Ce retour graduel des forces est très intéressant à

étudier, et peut-être son étude pourra-t-elle fournir,

quand elle sera plus avancée, des indications pronos-

tiques utiles. En voici un exemple : Femme S...,

trente-huit ans, frappée d'apoplexie avec perte de con-

.naissance le 6 février 1882. Hémiplégie droite avec

aphasie. L'exploration dynamométrique fournit :

ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 35

fonctionnelle des deux membres inférieurs, de telle

sorte que les malades sont incapables de marcher.

L'analyse des cas de ce genre est très difficile. Si on

examine les malades au lit, le membre inférieur du

côté opposé à l'hémiplégie paraît normal : les malades

peuvent le fléchir, l'étendre, le porter dans toutes les

directions, atteindre un but déterminé; et cependant,

si on essaye de les faire lever, ils se tiennent à peine

debout, et la marche est tout à fait impossible. Il y a

bien évidemment dans ce cas une différence entre l'état

de la motilité des deux membres inférieurs, puisque

celui du côté paralysé ne peut exécuter aucun mouve-

ment volontaire, tandis que celui du côté opposé peut

accomplir presque tous les mouvements voulus par le

malade. Mais il semble que les synergies musculaires,

que met automatiquement en jeu l'acte de marcher,

soient seules troublées, et que l'impotence élective du

membre dépende de certaines modifications dans ses

rapports avec les centres de coordination médullaire, et

non pas de la rupture de ses relations avec l'organe de

la volonté.

Jamais aucun phénomène analogue ne se produit

dans les membres supérieurs : l'impotence fonctionnelle

est toujours exclusivement limitée à l'un d'eux, dans les

cas, bien entendu, où la lésion cérébrale est unilatérale.

II. ÉTAT DES FORCES DANS LES MEMBRES DU CÔTÉ

CORRESPONDANT A L'HÉMIPLÉGIE

L'état des forces dans les membres du côté hémi-

plégié est tellement variable qu'il n'y a aucun avantage

36 CLINIQUE NERVEUSE.

à établir des moyennes pour les comparer à celles de

l'état normal ou du côté non paralysé. Dans les hémi-

plégies complètes, les membres paralysés sont inca-

pables d'exercer, la plus légère pression sur le

dynamomètre; dans les paralysies incomplètes d'emblée

ou devenues incomplètes par le retour progressif des

forces, les muscles peuvent avoir recouvré une bonne

partie de leur énergie. Entre ces deux degrés extrêmes,

on trouve tous les intermédiaires.

La paralysie peut aussi être complète au membre

supérieur et incomplète au membre inférieur ou inver-

sement. Il est à peine besoin de rappeler ces variétés

qui sont connues de tout le monde et sur lesquelles

l'exploration dynamométrique ne peut rien apprendre

de nouveau.

Le dynamomètre permet en revanche d'étudier avec

une certaine précision le phénomène de l'associalion

des mouvements dans les membres similaires. On sait

que chez beaucoup d'hémiplégiques un effort exercé

avec la main du côté sain amène un mouvement

quelquefois très étendu dans le membre supérieur du

côté paralysé, sur lequel la volonté n'a plus son ac-

tion normale. Chez ces malades, la main paralysée

développe des pressions différentes selon qu'elle est

aidée ou non par la contraction synergique de la main

du côté opposé. Si on fait serrer le dynamomètre avec

la main paralysée, l'autre main restant ouverte, la pres-

sion atteindra un chiffre x; si alors, sans changer l'ins-

trument de place, on recommence l'expérience en disant

au malade de fermer en même temps fortement la main

du côté non paralysé, l'aiguille du dynamomètre

s'élèvera à x + n. Il semble qu'il y ait un entraînement

ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 37

dont la valeur se mesure par une augmentation de

force de plusieurs kilogr. Chez Ben... (n° 4), la main

droite se contractant isolément donne 7 kilogr ? entraî-

née par la contraction synergique de la main gauche,

elle donne 12 kilogr. Dans ce cas la différence est de

5 kilogr., c'est la plus forte que j'aie observée; le plus

souvent elle ne dépasse pas 3 à 4 kilogr.

Le même phénomène d'association se produit dans

les membres inférieurs, mais il est moins net et les

différences n'ont jam'ais, dans mes observations, dépassé

1 kilogr. Il n'est peut-être pas inutile d'ajouter que la

contraction volontaire du côté paralysé n'entraîne

pas, en général, de contractions synergiques dans le

côté non paralysé.

Le fait le plus important et peut-être le plus imprévu

que révèlent les recherches dynamométriques appli-

quées à l'étude de l'hémiplégie, c'est que, dans l'hémi-

plégie d'origine cérébrale, la force de pression mesurée

par le dynamomètre ne donne pas la mesure exacte de

l'impotence fonctionnelle des membres paralysés. Cette

proposition, en apparence -paradoxale, est cependant

appuyée sur un très grand nombre d'observations.

On peut voir dans les tableaux ci-dessus que chez

un certain nombre de malades, les chiffres fournis par

le dynamomètre sont égaux ou presque égaux pour

les deux membres symétriques. Les observations

n°" 8, 16, 28 et 30 en fournissent des exemples.

Malgré cette égalité complète ou presque complète

de la force de pression dans les membres symétriques,

les malades auxquels je fais allusion sont de vrais

hémiplégiques, c'est-à-dire que chez eux les membres

d'un côté du corps obéissent imparfaitement aux incita-

38 CLINIQUE NERVEUSE.

tions volontaires. Ils peuvent, il est vrai, exécuter avec

énergie, du côté paralysé, un mouvement simple comme

la flexion des doigts ou la flexion de la jambe sur la

cuisse, mais ils sont incapables d'accomplir avec adresse

et précision un mouvement volontaire plus compliqué.

On conçoit très bien qu'il en soit ainsi quand il existe

des contractures secondaires qui retardent ou gênent

l'exécution des mouvements. Mais cela se produit

également chez des sujets qui ne présentent pas de con-

tracture appréciable. La femme Mar... (n° 16) est dans

ce cas. Ses deux mains donnent chacune 18 kilogr.

de pression, et, malgré tout, elle sent que sa main droite

est moins habile que la gauche; elle ne peut exécuter

avec elle aucun ouvrage délicat; pour boire, elle tient

toujours son verre de la main gauche. Chez certains

malades, les membres du côté paralysé peuvent même

donner une pression plus forte que les membres symé-

triques du côté opposé (exemples : Can... n° 5 et Veg...

n° 27), bien que les mouvements volontaires ne soient

réellement compromis que du côté de l'hémiplégie.

La paralysie, ou pour employeruneexpression plns pré-

cise, l'impotence fonctionnelle, n'est doncpas en rapport

direct et nécessaire avec l'affaiblissement musculaire.

L'étude comparative des forces dans les membres

inférieurs chez les hémiplégiques qui peuvent marcher

et chezceux qui en sont incapables, confirme cette con-

clusion. La conservation ou la perte de la faculté de

marcher chez les hémiplégiques, n'est pas en rapport

avec l'état des forces dans les membres inférieurs.

Beaucoup de malades qui peuvent marcher seuls, avec

ou sans canne, n'ont qu'une force de pression très

modérée dans les membres inférieurs , tandis qu'au

ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 39

contraire d'autres malades qui ne peuvent faire un seul

pas donnent au dynamomètre des chiffres relative-

ment élevés. En voici des exemples : Boy... (n° 38),

hémiplégique gauche depuis quatre ans, sans contrac-

ture secondaire, se promène seul, sans canne, dans

l'hospice et dans la ville. La force de pression des

membres inférieurs est cependant relativement faible,

à droite 10 kilogr., à gauche 8 kilogr. And... (n° 9),

ne développe pas beaucoup plus de force : à droite

9 kilogr., à gauche 12 kilogr. ; cependant il marche seul

toute la journée et peut sans grande peine monter et

descendre les escaliers. Au contraire Ség... (n° 30)

el Lef... (n° 25) ne peuvent marcher, bien qu'ils aient

beaucoup plus de force. Seg..., dont les deux membres

inférieurs donnent chacun 15 kilogr., est incapable de

se tenir debout seul, et, même quand onlesoutient, il

lui est impossible de faire quelques pas. Lef...,

hémiplégique gauche depuis quatre ans, a plus de force

encore (M. I. D., 26 I : ilor.; M. I. G., 20 kilogr.). C'est

un homme actif dont l'intelligence est bien conservée;

mais il est obligé de rester assis toute la journée, inca-

pable qu'il est de faire quelques pas, même en s'appuyant

sur une béquille ou en se soutenant contre une table.

En résumé, la force de pression ne donne pas la

mesure de l'impotence fonctionnelle. Pour apprécier

exactement le degré de paralysie d'un membre, il ne

suffit pas de connaître l'énergie avec laquelle il peut

exécuter un mouvement simple; il faut lui faire

accomplir un mouvement délicat ou compliqué exi-

geant une certaine surveillance cérébrale. On verra

alors, non sans étonuement, que tel malade dont la

main droite paralysée fournit 20 ou 30 kilogr. de pres-

40 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

sion au dynamomètre, mange cependant sa soupe de la

main gauche et qu'il est incapable d'écrire, de coudre,

d'enfiler une aiguille , etc. , bien que ces actes

n'exigent qu'un très faible déploiement de forces. De

même pour les membres inférieurs qui peuvent avoir

la même valeur dynamométrique sans avoir pour cela

la même valeur fonctionnelle. J'ai vu plusieurs fois des

hémiplégiques dont les deux membres inférieurs déve-

loppaient exactement la même force de pression, et

cependant ces malades ne pouvaient ni se tenir en équi-

libre, ni sauter sur la jambe du côté paralysé, taudis

qu'ils le faisaient sanspeinesur lajambedu côté opposé.

En fait, l'état des forces est secondaire. Ce qui est

essentiel dans la paralysie cérébrale, c'est la perte

absolue ou relative de la motilité volontaire. Toute

lésion destructive des régions motrices du cerveau pro-

duit un affaiblissement musculaire dans les quatre

membres. Mais, en général , les membres du côté

opposé sont seuls le siège de l'impotence fonctionnelle

absolue ou relative qui caractérise la paralysie. Les

membres du côté correspondant à la lésion initiale ne

présentent, malgré leur affaiblissement, aucune incer-

titude, aucune maladresse dans l'exécution des mouve-

ments volontaires. Toutefois cette loi n'est rigoureuse-

ment exacte que pour les membres supérieurs. La

motilité des membres inférieurs paraît être sous la

dépendance moins immédiate et moins exclusive des

hémisphères cérébraux que celle des membres supé-

rieurs. Aussi observe-t-on quelquefois à la suite de

lésions unilatérales du cerveau des troubles bilatéraux

et permanents dans les associations synergiques qui

sont nécessaires au maintien de l'équilibre dans la

ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HEMIPLEGIQUES, 41

station verticale et dans la marche. Je me contente de

signaler pour le moment cette particularité dont

j'essaierai, dans un prochain travail, de fournir l'in-

terprétation anatomo-physiologique.

Fig. 1. Schéma destiné a montrer l'état des forces dans les quatre

membres dans un cas d'hémiplégie droite. (Début 7 février. -

A, état des forces le 17 février; B, le 2 mars; C. le 3 avril.)

PATHOLOGIE NERVEUSE

NOTE SUR L'ÉTAT DE LA PUPILLE CHEZ. LES ÉPILEPTIQUES

EN DEHORS DES ATTAQUES;

Par Pierre MARIE, interne des hôpitaux.

Dans un mémoire publié en février 1882 (American

Journal of Neurology aP/c/M ? jy, n° 1) M. Landon

Carter Gray (de Brooklyn) déclare, ainsi qu'il l'avait

déjà fait en octobre 1880 (Americ. Journ. med. Se.) que

chez les épileptiques la pupille présente en dehors des

attaques des caractères spéciaux.

Notre maître, M. le professeur Charcot, nous a en-

gagé à vérifier le fait sur les épileptiques de son service.

Nous donnons tout d'abord une analyse rapide du

mémoire de L. C. Gray.

Cet auteur a constaté qu'en dehors des attaques les

pupilles des épileptiques sont toujours plus ou moins

dilatées, même avec une lumière vive, et qu'elles éprou-

vent, sous l'influence des variations de lumière, des

changements de diamètre beaucoup plus rapides que

celles des individus sains. Sur les soixante-trois

épileptiques examinés par l'auteur deux seulement ne

présentaient pas ce symptôme, mais c'étaient des

vieillards de soixante-cinq à soixante-dix ans, dont les

pupilles étaient, par suite de leur âge même, beau-

coup moins mobiles.

DE LA PUPILLE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 43

L'auteur considère ce symptôme comme ayant une

valeur suffisante pour permettre en l'absence d'autres

signes de faire le diagnostic entre l'hystérie et l'épilep-

sie, ou de reconnaître l'existence du mal comitial

chez les individus dont on n'a pu observer les attaques.

Ainsi, dilatation manifeste, variations plus rapides,

tels sont les caractères attribués par L. C. Gray aux

pupilles des épileptiques.

Lorsque nous nous sommes mis en devoir de pro-

céder à la vérification du fait avancé par L...C. Gray,

nous avons été tout d'abord frappé d'une chose, c'est

que l'auteur n'indiquait ni l'intensité de lumière, ni le

procédé de mensuration employé dans ses recherches.

Désirant échapper nous-même à un reproche ana-

logue, nous avons cherché à faire nos mensurations

dans des conditions toujours comparables à elles-mêmes,

et faciles à reproduire.

Tout d'abord, pour ce qui concerne l'intensité de

.lumière employée, nous avons opéré de la façon sui-

vante : la malade est placée dans uue chambre noire

dans laquelle il n'y a, comme source de lumière, que

deux bougies stéariques ordinaires placées l'une à

droite, l'autre à gauche de la malade; chacune de ces

bougies est éloignée de quarante-cinq centimètres de

l'eeil correspondant et ses rayons tombent sur la cornée

suivant un angle de 45° par rapport à l'axe visuel.

Pour éviter le rétrécissement de la pupille, qui pourrait

être dû aux efforts d'accommodation, on engage lama-

lade regarder un point peu brillant situé a l'autre extré-

mité de la chambre noire. Mais en même temps que

nous examinions les pupilles par cette méthode, nous

recherchions aussi leur état à la lumière du jour. La

4Î ! , PATHOLOGIE NERVEUSE.

malade était dans une pièce éclairée par deux rangées

de fenêtres ; toutes les fenêtres sauf une étaient fermées

par des rideaux de toile écrue; la malade était placée à

trois mètres de la fenêtre laissée libre qui donnait sur

une cour plantée d'arbres encore peu garnis de

feuilles; temps clair, mais légèrement couvert;- les

mensurations ont eu lieu en trois jours différents.

Maintenant que nous avons exposé les conditions

d'intensité lumineuse dans lesquelles nous avons

opéré, il nous reste à indiquer par quel procédé nous

avQus fait les mensurations.

Ce procédé est celui recommandé par Hutchinson

(77 Brain, vol. 1). Il consiste à prendre comme échelle

des pupilles une filière de sondes, et à l'appliquer près

de l'oeil à examiner; on compare alors la pupille aux

différents trous qui composent la filière et on arrive

facilement à trouver celui dont les dimensions s'en

rapprochent le plus; on n'a plus qu'à lire le numéro

et à en déduire le diamètre ce qui est facile si on se sert

d'une filière graduée par tiers de millimètres comme

celle d'Aubry dont nous avons fait usage.

Voici les résultats auxquels noua sommes arrivé sur

cinquante-trois femmes épileptiques appartenant toutes

au type classique.

DE LA PUPILLE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 45

46 PATHOLOGIE NERVEUSE.

quer toutefois que, parmi nos malades, un certain

nombre sont âgées de plus de cinquante ans et ont

par cela même une tendance au rétrécissement de la

pupille, tandis que'c'est chez les malades jeunes que

nous avons rencontré les pupilles les plus larges.

C'est ainsi que, si nous prenons les dix malades dont

le, pupilles avaient dans la chambre noire un diamètre

de sept millimètres et au-dessus, nous constatons que

MÉDECINE LÉGALE. 4*7

dans deux cas elle allait jusqu'à 2/3 de millimètre,

nous nous bornons à signaler le fait, n'étant actuelle-

ment en état d'en tirer aucune conclusion.

MÉDECINE LÉGALE

EXTRAIT D'UN RAPPORT DE MM. LUN1ER, FOVILLE ET MAGNAN,

AYANT POUR OBJET : 4- DE DÉTERMINER LES CARACTÈRES

SPÉCIAUX DU DÉLIRE CHEZ UN MÉLANCOLIQUE, QUI DANS UN

- ACCÈS D'AGITATION A CAUSÉ LA MORT D'UN DE SES AMIS;

2° D'INDIQUER LES MESURES A PRENDRE A L'ÉGARD DE

CE MALADE SÉQUESTRÉ DEPUIS NEUF ANS;

Par V. MAGNAN.

G..., âgé de cinquante-trois ans, d'une santé phy-

sique robuste, d'une complexion un peu forte, d'un

tempérament sanguin, est père de deux garçons bien

portants et d'une fille mariée depuis huit ans et sans

enfants; ses parents, morts à un âge avancé, avaient

joui d'une bonne santé; toutefois, une tante paternelle

a été frappée pendant douze ans d'aliénation mentale.

Quanta lui, appelé le 4 eT décembre 1847 aux fonctions

d'instituteur public dans la commune de Brunvillers,

il s'était toujours bien acquitté de sa tâche et n'avait

rien présenté de particulier jusqu'en 1872. A cette

époque, il perd en trois mois, son père, une tante et

48 MÉDECINE LÉGALE.

sa femme; ces deuils successifs l'impressionnent vive-

ment ; son sommeil se trouble, le travail lui paraît plus

pénible et plus fatigant, et sentant ses forces diminuer,

il croit devoir recourir,' à titre de stimulant, à l'usage

de boissons spiritueuses; il prend de l'eau-de-vie tous

les matins et sans jamais arriver à la dose ébrieuse, il

se soumet à cette mauvaise hygiène qu'adoptent par-

fois des gens réputés sobres, qui n'est point assuré-

ment le propre de l'ivrogne, mais qui, néanmoins, de-

vient peu à peu un des modes d'empoisonnement

alcoolique des plus efficaces. Quoi qu'il en soit, la pré-

disposition maladive, jusque-là latente, trouve dans le

concours fâcheux de ces circonstances, chagrins répétés

et excès de boissons, des causes déterminantes suffi-

santes pour se traduire par un accès mélancolique avec

hallucinations pénibles, scrupules, craintes de damna-

tion et idées de suicide. Dès le commencement de

janvier, il se montre découragé, il n'a plus de forces, il

se croit incapable de continuer ses occupations, et

l'avenir pour ses enfants et pour lui s'offre sous les

apparences les plus lugubres. Peu à peu il s'imagine

être la cause de la mort de son père, de celle de sa

femme; il croit porter malheur à ceux qui l'entourent;

il se reproche tout événement fâcheux dont il entend

parler, et il croit avoir amené les désastres de la

France. Progressivement l'excitation augmente, il est

maudit, se dit le démon, l'Antéchrist; il sent sur son

corps et autour de lui des odeurs de soufre; il doit en

finir, dit-il, avec la vie, il se précipite sur le sol et se

contusionne le crâne et la face. Des périodes de calme

succèdent à l'agitation, mais il reste toujours sombre,

en proie aux mêmes préoccupations pénibles.

MÉDECINE LÉGALE. 49

Entré à l'asile de Clermont le 26 janvier 1873, les

phénomènes aigus disparaissent en quelques jours,

mais n'en laissent pas moins du malaise cérébral et

une certaine tristesse. Toutefois, au bout d'un mois,

très désireux de revenir chez lui, le convalescent

obtient sa sortie par l'entremise et sur les instances du

maire et de M. Lefèvre, curé de sa commune. Rentré

à Brunvillers, le 27 février 1873, il est logé au presbytère

où il prend également ses repas. L'amélioration s'af-

firme de plus en plus, et G..., au bout de quinze jours,

se sentant plus solide revient chez lui avec sa mère et

sa fille et essaye de s'occuper de la classe; mais les

idées sont moins nettes, le travail plus pénible et la

fatigue arrive plus vite. Le découragement ne tarde

pas à se produire de nouveau, l'insomnie revient, et

G..., vers la fin de mars, s'installe encore une fois au

presbytère auprès du curé qui, malgré ses soixante-seize

ans, veut lui donner des soins. Les troubles cérébraux

augmentent, le malade ne dort pas, et devient de plus

en plus inquiet. Dans la nuit du 5 au 6 avril,

l'agitation s'accuse davantage ; G... sort de sa chambre

en chemise, marche à grands pas dans le corridor,

parlant, criant, demandant de l'air, prétendant qu'il

étouffe et cherchant à ouvrir les portes. Le curé

accourt pour l'empêcher de sortir, et, probablement

poussé par le malade, tombe à l'extrémité du cou-

loir. ,

Au bout de quelques instants, suivant la déposition

de l'abbé P..., couché également au presbytère dans la

chambre voisine de celle du curé, G... se mit à gémir,

à se lamenter et vint près de l'abbé P..., s'écriant :

« J'ai tué mou rédempteur »; on accourt et l'on

4

50 MÉDECINE LÉGALE.

trouve, eu effet, le curé étendu sans vie, la face contre

terre, une plaie à la région frontale gauche, et les

narines remplies de sang coagulé; tout à côté une

large plaque de sang s'étale sur les dalles en briques du

corridor.

D'après le rapport de M. le docteur Bernard, con-

cordant du reste avec la déposition de M. l'abbé P...,

il ne semble pas y avoir eu de coups, ni de violences.

M. Bernard, dit en effet, dans ses conclusions : « Des

faits et observations qui précèdent, je crois pouvoir

conclure que la mort est le résultat du choc de la

tête sur l'angle de la première marche de l'escalier du

grenier déterminé par la chute du corps sur cette

partie. »

Et plus loin, M. Bernard ajoute : « L'absence de

lésions sur les autres parties du cadavre me fait sup-

poser qu'il n'y a pas eu de lutte ».

Tel est l'événement regrettable qui a précédé la

seconde séquestration du malade à l'asile de Clermont ;

comme après sa première entrée, les accidents aigus,

les lamentations, les angoisses, les terreurs, ont eu

peu de durée, mais le malade est longtemps resté sous

le coup d'une profonde tristesse, il se montrait sombre,

taciturne, méfiant; ses facultés paraissaient oblitérées

et ce n'est qu'à la longue, au bout de trois à quatre

mois, qu'il s'est rendu compte exactement de sa situa-

tion.

Depuis lors, jusqu'en 1879, les notes médicales le

constatent, il est survenu des phases dépressives

alternant parfois avec de l'excitation; mais ces accès

diminuant progressivement de durée et d'intensité

n'ont plus reparu depuis 1879, ainsi que le constate

MÉDECINE LÉGALE. 51

le docteur Frièse, à la date du 6 décembre 1880, dans

son rapport qui se termine par cette conclusion :

« Cependant, vu la longue rémission à laquelle nous

venons d'assister sans qu'il ait rien présenté d'anormal

dans sa raison, nous pensons qu'on peut acquiescer au

désir de ses enfants de le voirrevenir au milieu d'eux,

en les obligeant à surveiller leur père, à ne jamais

l'abandonner complètement à lui-même. Néanmoins,

nous ne voulons encourir aucune responsabilité pour

cette sortie. »

Depuis cette époque seize mois se sont écoulés et

l'état mental de G... n'a subi aucune atteinte; entré

au bureau d'admission le 1" mars 1882, rien dans sa

tenue, sa conduite, ses réponses, ses écrits, n'a révélé

de désordre dans les facultés intellectuelles morales

ou affectives; il nous a même été donné d'assister à

une sorte d'épreuve en faveur de la résistance des

forces mentales de G... Le 18 mars, en effet, il a été

pris d'embarras gastrique fébrile, et malgré une fièvre

intense, de la dépression physique, l'équilibre n'a

pas été rompu et l'intelligence n'a subi aucune

atteinte.

De ce qui précède, nous pensons devoir con-

clure :

1° Que G... a été atteint en janvier 1873 d'un accès

mélancolique auquel des causes accidentelles, la

mauvaise hygiène et les violents chagrins ont donné

une plus grande activité;

2° Que le malade, sorti à peine convalescent et rendu

au même milieu, a été promptement repris des mêmes

troubles intellectuels;

3' Que l'événement malheureux qui s'est produit

52 RECUEIL DE FAITS.

n'est qu'un accident dans le cours d'un accès vulgaire

de mélancolie, et non le résultat d'une impulsion liée à

une forme particulière de folie instinctive ;

4° Que G... soit rendu au tuteur, son frère, qui le

réclame, en attendant que l'interdiction prononcée par

le tribunal soit levée, ce que permettrait l'état

mental actuel de G..., s'il croyait devoir en faire la

demande.

RECUEIL DE FAITS

Notes et observations sur la 1111CROCÉPHALIE;

Par BOURNEVILLE et WUILLA11111;.

Notre but n'est pas d'entreprendre, quant à présent, une

monographie didactique sur la microcéphalie, mais de placer

sous les yeux de nos lecteurs plusieurs faits qui nous paraissent

propres à éclairer cet intéressant sujet. Toutefois, avant

d'aborder l'exposé du premier cas que nous avons observé, il

nous semble utile de rappeler deux des travaux les plus im-

portants, faits dans ces derniers temps sur la microcéphalie.

Le premier, dû à l'un des hommes les plus éminents de notre

époque, Charles Vogt, est intitulé : Mémoire sur les microcéphales

ou hommes singes1 ; l'autre, élaboré sous les yeux de Broca,

a pour auteur E. Ducatte et porte le titre suivant : La micro-

céplaalie au point de vue de l'atavisme*.

' Genève, 1867. In-4" de 210 pages et 26 planches noires.

* Thèse de Paris, 1880. In-4° de 96 pages.

RECUEIL DE FAITS. 53

ODSEI1VATIOY ? Père, oncle paternel et frère alcooliques. Mère :

pertes de connaissances anal caractérisées. G7,(tnd'indi-e matei-i2elle

carcinome. Autre frère : aliéné. Excès de boissons. P ? ,e-

mier accès d'épilepsie consécutif à une peur ci dix-huit ai2s ; délire

consécutif ; deuxième accès à quarante-sept ans. Troisième à

cinquante ans. Vertiges, hallucinations de la vue. Intelligence

médiocre. Microcéphalie. Suicide. - Poids de l'encéphale :

770 grammes. Simplicité des circonvolutions cérébrales.

Cher... (Philibert-Auguste), âgé de cinquante-neuf ans, bou-

langer, puis infirmier, est entré à Bicêtre le 2 mai 1872 (service

de M. Bourneville).

Antécédents. Père, boulanger, alcoolique (vin blanc), mort

d'un asthme symptomatique de bronchite chronique avec em-

physème à l'âge de soixante-quinze ans; il avait des varices consi-

dérables ; il n'aurait pas eu d'autre maladie. [Deux frères; le plus

jeune est mort prématurément, on ne sait de quoi. L'autre a suc-

combé à des excès de boisson (vin blanc). Aucun renseignement

sur les grands parents paternels.]

Mère : elle travaillait avec son mari ; elle était maladive.

Vers l'âge de quarante à quarante-cinq ans, elle fut, durant trois

ou quatre ans, sujette à des crises caractérisées de la façon sui-

vante : elle tombait n'importe où, devenait très rouge, mais n'écu-

mait ni ne se débattait. On prétend même qu'elle ne perdait pas

connaissance ( ? ). On attribuait ces accidents à la « force du sang » ;

ils cessèrent à la suite d'une couche. Très active, prompte à se

mettre en colère, elle n'avait cependant jamais été sujette à des

attaques de nerfs ; morte percluse de douleurs, aveugle et atteinte

d'anasarque ; on ignore les maladies qu'elle a pu faire ; elle avait

deux hernies, dont l'une s'étrangla à soixante ans et fut opérée

avec succès. maternelle morte d'un carcinome de la

cuisse; grand-père mort de vieillesse à quatre-vingt-huit ans et

demi. Deux soeurs, l'une bien portante, mère de sept enfants en

bonne santé; l'autre morte en couches à quarante-sept ans. Un

frère mort de fièvre typhoïde.]

Pas de consanguinité. Le mari n'avait qu'un an de plus que sa

femme.

Trois enfants. 1° Notre malade; 2" un garçon rhumatisant, qui

avait « une espèce dégoutte » ; il est mort à quarante ans à la suite

d'excès de boisson (absinthe,) ; ses enfants se portent bien ; 3° un

garçon très ii-lalidif « aii ? ,ttit iiz 2)ezt perdu 1(t tête » à un moment

donné, à la suite de chagrins de famille, mais cela « lui aurait

passé », au moment où il allait entrer à Charenton. On ne connaît

pas d'autre membre parmi les ascendants ou descendants ayant été

sujet à quelque maladie nerveuse.

5) RECUEIL DE FAITS.

Noire malade. Bonne santé habituelle, a eu la rougeole, la variole

et un abcès de l'oreille. Pas de convulsions ni de cauchemars, ni

d'incontinence nocturne d'urine dans son enfance; il n'était pas

non plus peureux et n'avait eu aucune espèce de manifestation

nerveuse. Caractère vif, etsuhant lui, courageux l'ouvrage. Il dit

que, pour son commerce, il étaiLoLliré de Loi·c Genucozrp (vin blanc),

mais qu'il ne se grisait pas. 11 n'a jamais été très porté pour les

femmes, partant pas d'excès vénérien; il fume pour 1 fr. ;i0 et prise

pour 2 centimes de tabac par semaine.

Le début de la maladie remonte à l'âge de dix-huit ans. C'est en

effet à cette époque que, sous l'impression d'une vive frayeur

(voleur caché dans la chambre à farine de son père), il eut sa

première crise : il tomba privé de connaissance, et se débattit beau-

coup pendant 7 à 10 minutes, puis il reprit connaissance, eut un peu

de délire pendant environ une heure et s'endormit (c'était à minuit).

Le lendemain il ne restait qu'une grande fatigue. Cela paraît avoir

été un accès d'épilepsie. Telle est l'origine du mal; quanta son

évolution, les renseignements fournis par le malade à son entrée

(l8î2), diffèrent un peu de ceux qu'il nous adonnés dernièrement.

En 1872, il disait a M. J. Falret, qu'à la suite de ce premier accès

il s'en serait reproduit d'autres tous les jours pendant un an; puis

tous les huit jours pendant six mois; puis de nouveau tous lesjours,

offrant ainsi une sorte d'intermittence. A nous, au contraire, il

déclare que son premier accès a été unique, et que ce n'est qu'a

l'âge de 46 ans, en 1869, qu'il a eu son deuxième accès. Nous

sommes porté à admettre de préférence cette dernière version : en effet

Cher... a été soldat durant quinze ans et il est probable qu'on ne

l'aurait pas gardé aussi longtemps s'il avait eu des crises nerveuses.

Un autre fait viendrait à l'appui de cette opinion : en 1863, il est

déjà venu à Bicêtre après avoir passé par la Préfecture de police ;

au bout de trois mois, il a été transféré à l'asile d'Armentières, et

aucun des certificats consignéssurfes divers registres ne mentionne

l'existence de crises convulsives observées à cette époque.

Ce serait donc en 1869 qu'il aurait eu son deuxième accès. Il était

infirmier à Saint-Antoine; en rentrant un soir, il se sentit tout à

coup mal à l'aise, et craignant quelque accident, il alla demander

dans un poste qu'on le reconduisit à l'hôpital. Il se tenait à peine

sur ses jambes et pourtant il n'avait pas bu. Arrivé à la grille, il

tomba privé de connaissance, assez brutalement pour casser un

banc et se meurtrir les jambes. Ce deuxième accès fut semblable

au premier, et suivi d'un délire de deux jours. Le troisième accès

urvint en 1872 alors qu'il retravaillait de son premier état, et fut

suivi d'un 4c quelques heures après. Celle fois pas de délire con-

sécutif. Il tut obligé de quittera place et entra comme infirmier à

la Pitié. A ce moment, la maladie prit une marche rapide, Cher...

tombait cinq à six fois par jour; il fut envu3éàt31cî;tre parlll. Féréol.

RECUEIL DE FAITS. 5 5

Durant les premiers mois de son séjour à l'liospice, on nota seule-

ment de nombreux vertiges (15 à 20 par jour) et des hallucinations

pendant la nuit : a la lumière de la salle lui apparaît comme une aile

de moulin qui tourne; il voit aussi le voleur, etc. » Il est encore fait

mention sur les registres auxquels nous empruntons ces détails, de

tremblement de la main, de fourmillements à la plante des pieds.

Si on faisait regarder à Cher... le plafond ou fermer les yeux, il tom-

bait. Quand il marchait, il jetait la jambe, ses bras lui faisaient l'effet

d'être de plomb ; il se plaignait enfin d'un affaiblissement de la

mémoire. - Les accès ont eu la marche suivante :

56 RECUEIL DE FAITS.

régulière, symétrique, assez profonde; voile, piliers, amygdales

réguliers; luette très longue. Cou normal. Thorax. L'épaule

droite est portée plus haute que la gauche. Les membres supérieurs

et inférieurs sont bien conformés; il y a une légère atrophie de la

jambe droite, qui, autrefois, a subi une triple fracture et que le

malade tient continuellement serrée par une bande circulaire

« pour la soutenir » : l'humérus aurait aussi été fracturé une fois; il

n'y a pas de cal manifeste. Au bras droit, cicatrice d'une halle

reçue en Afrique, laquelle aurait traversé le biceps.

Organes génitaux : verge très développée, testicules assez gros.

Hernie inguinale droite, maintenue par un bandage.

Digestiota. -Appétitbon, digestion facile, pas de vomissements,

pas de gastralgie, pas de diarrhée, selles régulières ; raie et foie

normaux. Respiration : quelques râles sous-crépitants fins aux

deux bases des poumons en arrière, sonorité normale.CM'cttMtOH :

peut-être un léger souffle au premier temps et à la pointe; batte-

ments du coeur réguliers.

Sensibilité générale normale et égale des deux côtés du corps.

Vue un peu basse depuis quelque temps, mais juste; ouïe, odorat,

goût, conservés et normaux. Force dynamométrique (Mathieu) :

main droite, 37 lui.; main gauche, 40 kil. Taille : 1 m. 61;

poids, 52 kil. 7.

Peau. - Cheveux grisonnants, jadis noirs, assez abondants;

sourcils et cils bien fournis, moustache et barbe grises, autrefois

châtains, poils roux au pubis; les jambes sont presque glabres.

Pas de trace d'adénite, ni de syphilis, de scrofule ou d'eczéma.

Intelligence. A première vue, Cliér... parait assez intelligent;

ses yeux sont vifs et parfois le regard est assez malin. Son instruction

a été un peu négligée, il sait pourtant lire, écrire et faire les quatres

règles. Il était adroit dans son métier; il prétend avoir été sergent

dans les chasseurs de Vincennes ( ? ). Actuellement il travaille avec

la plus grande assiduité au jardin, et gagne le maximum (40 cent.

par jour); il économise avec soin, presque avec avarice, l'argent

de son gain et passe pour avoir un petit pécule. Il est très sobre ici

et ne sort pas. Naturellement gai, il raconte à ses compagnons une

suite d'histoires drolatiques (moyen de faire des petits pains au

lait sans lait, etc.). Il est un peu hâbleur en ce sens que, quoi qu'il

entende raconter, il a toujours vu plus'fort, et bâtit de suite son

histoire, ce qui indique une imagination assez active. Il est de plus

très chiffonnier et ramasse tout dans ses poches. Il porte toujours

sur lui toutes ses richesses : une musette en toile pleine de

victuailles, de quatre ou cinq porte-monnaies, de tabatières, de

papiers, etc., etc. ; une grosse chaîne à laquelle sont appendus son

porte-monnaie de service, les clefs des jardinets, son couteau ; à la

boutonnière, son déboure-pipe. Toutes ses poches sont pleines. Il

RECUEIL DE FAITS. 57 Î

a toujours une canne à la main. On voit par ces détails, que ce

malade a réellement un cachet tout particulier.

23 août. On a trouvé hier, Cher... pendu à un clou dans la cave

d'un employé. Jamais on n'avait remarqué chez lui de tristesse ni

d'idée de suicide; au contraire, ces derniers jours il était tout

heureux de passer aux vieillards et de pouvoir, par la suite, sortir

librement pour allervoir ses amis.Peut-être était-il un pou soucieux

depuis deux jours (' ? ). Le matin, il avait remis son porte-monnaie

à son camarade Mong ? en lui recommandant de ne pas l'ouvrir,

ajoutant qu'il le reprendrait le soir. A onze heures, il n'avait pas

déjeuné et avait seulement bu son vin, il était retourné a5 son travail

à midi et demi jusqu'à deux heures et demie, mais paraissait pré-

occupé ; ensuite il est allé à la cantine de l'hospice avec des amis

et, a partir de la, on l'a perdu de vue; on le croyait retourné à son

travail. A quatre heures, heure de la rentrée dans le service, on a

remarqué son absence et les recherches n'ont fait découvrir que sa

veste et sa canne. Enfin, six heures, on l'a trouvé pendu dans une

cave au moyen d'un cordeau de jardinage, les pieds touchant terre,

un tréteau devant lui, le corps encore tiède, mais tout secours fut

inutile.

Autopsie le 24 août à 9 heures et demie du matin. Rigidité

cadavérique très prononcée aux quatre membres et également des

deux côtés. La/iice est pâle plutôt que congestionnée, les yeux

entr'ouverts, mais non saillants; la langue est un peu tuméfiée et

son extrémité fait saillie entre la moitié gauche des arcades den-

taires. Au cou, il y a un sillon correspondant en avant la partie supé-

rieure du cartilage thyroïde, montanttatératementà droite de façon

à atteindre à un centimètre au-dessous du cartilage de l'oreille, pour

reprendre ensuite une direction horizontale et joindre en arrière

la troisième vertèbre cervicale. Du côté gauche, il est horizontal et

rejoint directement la même verLèbre. Il est plus profond sur la

ligne médiane et latéralement qu'en arrière. 11 est limité par des

lèvres tuméfiées et violacées, la supérieure surtout et dans tout le

trajet, l'inférieure en arrière seulement. La peau correspondante

est brunâtre. Teint ecchymolique de la région cervicale postérieure

et du cuir chevelu, lequel est bouffi, oedématié. Au niveau du

sillon, le tissu est lardacé, nacré ; le sterno-mastoïdien est déprimé

et on nj trouve pas de sang extravasé et coagulé entre les muscles

de la région. Sur le corps aucune trace de violence. Pas de trace

d'éjaculation; verge semi-turgide.

Tcle. Cuir chevelu excessivement épais. -Crettae très petit.

Calotte osseuse dure et dense. peu épaisse; frontal, pariétaux, minces.

Pas d'asymétrie appréciable de la base du crâne. Dure-mère

très épaisse. -Poids total de l'encéphale : 770 gr. Pas d'injection

de la pie-mère. Artères de la base, chiasma, tubercules mamillaires,

pédoncules, réguliers, normaux et s\ métriques. Cervelet clislhme,

58 RECUEIL DE FAITS.

130 gr.; cervelet seul, 410 gr. Hémisphères cérébelleux égaux;

rien à la coupe. Protubérance, bulbe, quatrième ventricule, rien.

Hémisphères cérébraux. Le droit a 16 centimètres de longueur ;

le gauche, tout en paraissant plus court à la vue, donne le même

chiffre à la mensuration. il pèse 5 gr. de plus que le droit.

Hémisphère cérébral gauche. La s'enlève très facilement;

le ventricule latéral est petit dans toutes ses parties; rien à la corne

d'Ammon, ni à la coupe des corps opto-triés.

Foeee;B<e)'ne ? Lo& : (; de l'inszelca peu plissé; troisième circon-

volution frontale bien dessinée; première et seconde circonvolutions

frontales très courtes et presque confondues; frontale et pariétale

ascendantes régulières ainsi que le pli courbe; les trois circonvolutions

temporales sont nettes; le lobule du pli courbe, le lobule pariétal, le

lobe occipital sont très distincts, très simples et sans circonvolution

supplémentaire. D'une façon générale, les circonvolutions sont

fermes et remarquablement peu plissées.

Face interne. La scissure calloso-marginale, les sillons des

circonvolutions sont très profonds. La circonvolution du corps

calleux etla fnce inlerne de la première frontale sont très peu plissées;

de même le lobule pnrncezztral dont le sillon est reporté en avant;

rien de particulier au lobe carré, ni au coin, qui sont rudimentaires.

La quatrième et la cinquième circonvolutions frontales sont nette-

ment dessinées. Scissures perpendiculaire, externe et calcarine

régulières.

Hémisphère droit. Décortication facile, ventricule latéral très

petit; même disposition que du côté opposé, même simplicité des

circonvolutions. Pas de sillon au lobule paracentral ; rien à la corne

d'Ammon.

Moelle. Plusieurs coupes n'ont pas fait découvrir de sclérose des

cordons postérieurs.

Thorax. Quelques adhérences pleurales du côté droit ; pas

d'ecchymose sous-pleurale. Les poumons s'affaissent incomplète-

ment, ils sont un peu oedématiés. A la coupe, il s'échappe une

notable quantité de sang, surtout des lobes inférieurs. Pas d'em-

physèine évident. Les bronches sont rosées, un peu injectées; le larynx^

n'offre ni ecchymose, ni fracture. Le coeu)' pèse 3.'i0 gr.; pas d'ec-

chymoses péi-icardique ni sous-endocardique ; quelques plaques

laiteuses, surtout sur la face antérieure des ventricules; légère

surcharge graisseuse au niveau des sillons; tissu ferme; hyper-

trophie du ventricule gauche, dont le bord externe est tordu en S :

la cavité du ventricule gauche est légèrement rétrécie, et sa paroi

mesure trois centimètres d'épaisseur à sa base; légère opacité de la

valvule mitrale dont le bord libre est épaissi sur certains points,

sans toutefois présenter de nodosités. A l'insertion inférieure d'une

des valvules sigmoïdes de l'aorte, on trouve des nodosités calcaires :

RECUEIL DE FAITS. 59

Dans le coeur droit accumulation de caillots cruoriques. Sur l'aorte'

au-dessous de la carotide primitive gauche, quelques plaques

calcaires d'athérome. Rien aux carotides.

Abdomen. Aucune altération de l'oesophage; la muqueuse

stomacale offre de nombreuses et fines ecchymoses au niveau du petit

cul-de-sac, du grand cul-de-sac, et de la courbure; le foie pèse

4 Ikio gr ; pas d'ecchymoses, de kyste, ni de calcul; la rate pèse

90 gr.; pas d'ecchymoses, ni de périsplénite, normale à la coupe. Les

reins sont égaux, pèsent 175 gr. chacun, se décortiquent facilement

et n'offrent aucune lésion à l'eeil nu. Aucune altération de lai)essie

ni de la prostate. Dans le testicule gauche, petit kyste séreux entre

la tête de l'épididyine et la glande.

L'histoire de Cher... présente un certain nombre de particu-

larités qui méritent d'être mises en relief.

I. L'alcoolisme d'une part, l'existence d'accidents iîév2,opatlii-

ques de l'autre, nous paraissent avoir exercé une action sur la

condition cérébrale de notre malade. Cette hypothèse trouve

encore sa justification dans ce fait que son frère a été atteint

d'aliénation mentale.

II. L'épilepsie est survenue à 18 ans, sans aucun prodrome, à

la suite d'une peur; sa marche semble avoir été assez singu-

lière. Il y aurait eu une première période durant laquelle on

n'aurait observé qu'un accès, suivant une version, ou un cer-

tain nombre d'accès portant sur deux années environ d'après

une autre version. Ensuite, il se serait produit une rémission,

qui se serait prolongée jusque vers 46 ans. Peu après le retour

des accès, Cher... est entré à Bicêtre où l'on a noté d'abord de

nombreux vertiges, puis des accès multipliés (201 en 1873),

enfin une disparition complète des crises de 1877 à 1881.

III. L'étal intellectuel de ce malade n'offrait rien de bien sail-

lant tout d'abord ; mais un examen plus attentif montrait que

si Cher... était doué d'une imagination assez vive, avait une

élocution facile, les autres facultés intellectuelles étaient plutôt

au-dessous du degré moyen. Ses allures, son bizarre accoutre-

nient,sa manie de collectionner des objets disparates et de peu

de valeur, rappelaient ce qu'on observe souvent chez les

insuffisants, les imbéciles, etc.

IV. L'examen du cerveau est extrêmement curieux : il ne pe-

sait que G'40 grammes. Les circonvolutions étaient réduites aux

circonvolutions élémentaires : c'est, en quelque sorte, un cer-

60 RECUEIL DE FAITS.

veau d'étude, ainsi qu'on peut s'en rendre aisément compte sur

les Planches I et II. Toutes sont très distinctes, il n'y a pas de

plis de passage. Des sillons assez profonds les séparent nette-

ment les unes des autres. Notons aussi le développement assez

accusé des lobes paracentraux et des lobes carrés. Ces derniers,

ainsi que les lobes occipitaux, offraient d'assez nombreux sil-

lons superficiels et les circonvolutions, sans être indurées,

avaient dans une certaine mesure l'apparence de circonvolu-

tions atrophiées.

Nous publierons prochainement une autre observation de

microcéphalie et nous aurons sans doute l'occasion de revenir

sur divers points de l'histoire de Cher..., que, pour le moment,

nous crovons devoir laisser de côté.

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCUE I

Face convexe de l'hémisphère gauche.

FI, F2, F3, prpmiÈte, deuxième et troisième circonvolutions frontales.

F. a., frontale ascendante.

P. a., pariétale ascendante. ? llt, lobules pariétaux, supérieur et inférieur.

P3, pli courbe.

Tl, 7 ? 1'3, circonvolutions temporales.

L. 0., lobe occipital.

PLANCUE II

Face interne de l'hémisphère gauche.

C. < ? ., corps calleux.

C. c., circonvolution du corps calleux.

N1, première circonvolution frontale. ? circonvolution de l'hippocampe.

L.P., lol)ule paracentral.

L. C., lobe carré.

L. C., coin.

L. 0., lobe occipital.

T4, 7 ? quatrième et cinquième circonvolutions temporales.

RECUEIL DE faits. 61

Note sur un cas d'hémiplégie avec paraplégie spasmodique;

Par CH. Féré.

Les lésions du cerveau qui atteignent directement ou indi-

rectement le faisceau pyramidal, dans sa totalité ou dans sa

plus grande partie, déterminent une hémiplégie qui siège, dans

l'immense majorité des cas, du côté opposé à la lésion. Cepen-

dant on a pu observer quelquefois une hémiplégie, reconnais-

sant pour cause une lésion de l'hémisphère correspondant. Ce

sont ces cas exceptionnels qui ont pu faire croire qu'il, n'y

avait aucune relation entre la localisation anatomo-patholo-

gique et la localisation symptomatique. Mais ces cas excep-

tionnels s'expliquent par cette circonstance que, comme l'ont

montré M. Fleschsig, puis M. Pierret, l'entrecroisement des

pyramides peut faire complètement défaut. En outre, entre

l'entrecroisement complet considéré comme normal, et

l'absence totale d'entrecroisement, il existe des intermédiaires

nombreux ; il résulte de là que, chez un certain nombre de

sujets du moins, chaque moitié du corps se trouve en con-

nexion avec les deux hémisphères cérébraux, et que chaque

hémisphère a une action bilatérale sur les membres, l'action

croisée, toutefois, restant toujours de beaucoup la plus impor-

tante.

Les relations bilatérales de chaque hémisphère rendent

compte non seulement des phénomènes de parésie que l'on

observe quelquefois du côté du corps correspondant à la

lésion, mais aussi des mouvements associés qu'on peut voir du

côté paralysé à propos des mouvements voulus du côté sain.

Dans une récente communication à la Société de biologie',

M. Brown-Sequard dit que, depuis près de vingt ans, il a été

frappé de ce fait que les lésions cérébrales s'accompagnent en

général d'une hémiplégie croisée et d'une hémiparésie directe;

si l'hémiplégie est complète et considérable, il y a toujours un

1 Recherches ayant pour objet d'établir que les lésions encéphaliques

unilatérales, si elles déterminent une hémiplégie complète ou conszdé-

pi-oditiseiti aussi une parésie dans les autres membres surtout dans

l'inférieur. (I3ttll. de la Soc. de biol., 1882, p. 2S.) Faits montrant

combien sont variées et nombreuses les voies de communication entre les

zones motrices de la surface cérébrale et les membres. (l3ull. de la Soc.

de biol., 1882, p. 328.)

62 RECUEIL DE FAITS.

certain degré de paralysie du côté supposé sain, et cette para-

lysie est surtout marquée dans le membre inférieur. M. Charcot

a fait la même remarque.

Cette notion se trouve en rapport avec ce fait, déjà signalé

par M. Déjerine', de diffusion des phénomènes spasmodiques

du côté paralysé vers le côté supposé sain. Du côté opposé à

l'hémiplégie, on peut provoquer la trépidation spinale, soit en

la cherchant directement par les procédés ordinaires, soit en

l'excitant du côté paralysé.

Cette exagération des réflexes tendineux n'est autre chose

qu'une manifestation atténuée de la contracture, qui elle aussi

peut, après un temps plus ou moins long, s'étendre du côté

sain, comme M. Brissaud en rapporte un exemple

L'observation suivante appartient à ce dernier groupe de

faits; mais elle s'en distingue par plusieurs particularités inté-

ressantes.

Dans certains cas d'hémiparésie peu intense permettant la

plupart des fonctions, on peut observer, à la suite d'un trau-

matisme, d'une chute d'une certaine violence, l'apparition d'une

contracture 3 dans le membre paralysé qui a été soumis au

choc. Ici, il s'agit bien d'une contracture survenue à propos

d'une irritation périphérique chez une hémiplégique ; mais

cette contracture porte sur la jambe saine.

OusERvmoN. Hémiplégie droite <<'cf<me71'o)'ee;)')'n<(t<Mtt

périphérique et cltoc sur la jambe gauche ; ptti,(ii)légie spasi71o-

cliluc.

M. Lav..., de Jonzae, quarante-sept ans, d'une vigoureuse consti-

tution, pas de rhumatismes. Pas d'antécédents nerveux. Vers l'âge

de vingt-cinq ans, il aurait eu un chancre, à la suite duquel il au-

rait en des maux de gorge et des plaques sur le scrotum ; depuis

plus de vingt ans, il n'a plus eu rien de ce genre; il ne se rappelle

pas avoir jamais eu d'affection cutanée quelconque.

En 1868, à t'age de trente-trois ans, il fut pris deux fois, à huit

jours d'intervalle, de perte de connaissance, qui, la dernière fois,

aurait duré douze heures. Ces deux attaques, sur lesquelles le ma-

1 Comptes rendus de l'.1 cad. des Sciences, 1878.

Recherches analonzo-hatholoiques et physiologiques sur la contrac-

ture permanente des hémiplégiques, 1880, p. 188.

IBiss.wd, loc. cit., 1. IJ ? .

RECUEIL DE FAITS. ( ! 3

lade ne peut donner que des renseignements très vagues, n'ont été

suivies ni de paralysie, ni de vomissements, etc. Elles n'ont été pré-

cédées ni suivies de céphalalgie.

A quelque temps de ta, le malade se réveilla un matin avec une

hémiplégie droite complète, la face était prise. Il n'est pas sûr

qu'il y ait jamais eu aphasie complète, mais il y a eu un très grand

embarras de la parole qui laisse encore des traces.

L'hémiplégie motrice était complète; mais on ne peut savoir s'il

y eut des troubles de la sensibilité. Au bout de peu de jours, les

mouvements revinrent, d'abord dans le bras, puis dans la jambe;

mais tandis que le bras a repris à peu près complètement ses fonc-

tions, la jambe est toujours restée faible. Le malade pouvait cepen-

dant marcher assez pour remplir un service actif dans les chemins

de fer.

L'année dernière, vers le mois de mars, il commença à remarquer

que sa jambe droite s'affaiblissait un peu et que la jambe gauche

était un peu moins solide. Cet état s'accentua peu à peu; il rit une

saison à Néris. Quaud il revint, ses deux jambes étaient à peu près

aussi faibles l'une que l'autre ; mais il pouvait encore marcher assez

aisément. C'est alors qu'on lui donna le conseil de frictionner sa

jambe paralysée avec de la pommade stihiée (vers le mois de no-

vembre 1881). A partir de ce moment, la jambe droite se raidit,

et la jambe gauche s'affaiblit de plus en plus et prenait également

un certain degré de rigidité. La marche était devenue très difficile

mais il pouvait encore agir un peu dans son bureau, quand, au

mois de décembre 1881, il se laissa tomber sur le pied gauche une

presse à copier. La contusion assez violente le f rester au lit pen-

dant plusieurs jours; et quand il voulut se lever, les deux jambes

étaient tout à fait raides, dans l'adduction, les genoux rapprochés,

et ne s'écartant qu'avec-une certaine difficulté, et la marche était

devenue très pénible. C'est dans cet état qu'il est venu trouver

M. le professeur Charcot qui nous l'a confié.

Etat actuel, 2t janvier 1882. Le malade ne peut marcher qu'en

s'appuyant sur une canne et soutenu d'autre part par une personne.

Il s'avance les deux jambes serrées l'une contre l'autre, eu faisant

de petits pas et en traînant la pointe des pieds; c'est à peine si les

talons louchent le sol. Chaque fois que le malade avance un pied,

onvoitsoncorpss'incliner du côté opposé comme si le membre qui

entre en jeu était à la fois trop long et trop lourd. Quand il

s'arrête et qu'il reste debout, immobile, on le voit au bout d'un

instant prendre une expression d'inquiétude, et ses jambes se

incitent à trembler. Lorsqu'il est assis il reprend un peu de calme

et la trépidation cesse pour reparaître quand on lui fait croiser les

deux jambes l'une sur l'autre : on voit alors le pied qui sup-

porte le poids des deux membres se redresser sur la pointe et

s'animer de mouvements de trépidation d'amplitude progressive-

6t RECUEIL DE FAITS.

ment croissante. En redressant la pointe du pied,on provoque très

facilement la trépidation spinale, qui no s'épuise que très lente-

ment. La percussion du tendon rotulien détermine une trépidation

qui se prolonge et se généralise aux deux membres inférieurs et au

membre supérieur droit. '

La trépidation du pied et l'exagération du réflexe rotulien avec

la généralisation du tremblement se produisent avec la même

intensité, que l'on agisse sur la jambe droite ou sur lajambegauche.

Le malade affirme toutefois que la trépidation spontanée qui se

manifeste, soit lorsqu'il est couché, soit lorsqu'il est assis ou debout,

se produit plus fréquemment et avec plus d'intensité dans la jambe

gauche, qui lui semble aussi plus raide. Quand on veut imprimer

aux membres inférieurs des mouvements passifs, on éprouve une

résistance très manifestement anormale.

Les réflexes tendineux sont exagérés au bras droit ; mais ils

existent à peine au membre supérieur gauche qui parait complète-

ment intact.

La sensibilité au contact, à la douleur, à la température, sont

intacts sur toute l'étendue du corps. La sensibilité à la pression est

peut-être diminuée à droite. Les pièces de monnaie lui paraissent

moins lourdes dans la main droite; mais il n'y a guère qu'une

différence de dix à quinze grammes. Pas de troubles des sens

spéciaux, rien en particulier du côté de l'oeil (examen du champ

usuel et de l'acuité visuelle).

Quand le malade a prononcé deux ou trois plirases, il se met à

pleurer ou à rire avec une expression bêle, bien qu'il ait parfaite-

ment conscience qu'il n'y a matière ni à pleurer ni a rire. Sa mé-

moire est parfaitement intacte, et son intelligence suffisante pour

qu'il ait pu remplir successivement les fonctions de chef de gare et

d'inspecteur du matériel dans une compagnie de chemins de fer ;

mais depuis sa première attaque cette émotivité a subi quelques

alternatives d'amélioration et d'aggravation sans jamais cesser.

Léo fonctions organiques s'accomplissent parfaitement, l'appétit

est bon, les digestions sont faciles. Jamais de troubles de la défé-

cation. Le sommeil est seulement agité et le malade est souvent

réveillé par do brusques soubresauts de ses membres inférieurs. il

en résulte un état d'affaiblissement général.

Sur l'avis de M. Cliarcot, le traitement consiste en pointes de feu

révulsives le long de la colonne vertébrale. Hydrothérapie et poly-

bromure d'Yvon. Ce dernier médicament ne put être supporté et

fut remplacé par de faibles doses d'ergot de seigle, 0,20 contigr.

avant chaque repas pendant des périodes de quatre jours séparées

par des intervalles de trois jours.

Le traitement hydrothérapique, dirigé par M. Pascal, consista

en douches froides en jets brisés dirigés exclusivement sur le tronc

en épargnant particulièrement les membres inférieurs.

hémiplégie et paraplégie spasmodique. 65

Sous l'influence de ce traitement, l'état général s'améliora rapi-

dement, l'excitabilité réflexe des membres inférieurs s'amenda.

Quand il vint nous voir le 23 mars, l'état spasmodique avait subi

une recrudescence depuis la veille. Les deux jambes avaient repris

à peu près leur rigidité primitive, le malade marchait de nouveau

sur la pointe des pieds et sa démarche était fort incertaine. La

veille il était arrivé en retard à l'établissement hydrothérapique et

sa douche lui avait été donnée, non par le médecin, mais par un

doucheur qui, non prévenu, avait dirigé lejelsur les membres infé-

rieurs. Immédiatement après il s'était senti les jambes raides et il

était resté dix heures sans pouvoir uriner.

La rigidité des membres et la difficulté de la miction a persisté pen-

dant trois ou quatre jours, puis le mieux a continué às'acccentuer.

Quand le malade a quitté Paris au commencement de mars, le

membre inférieur droit (côté hémiplégique) était à peu près dans

le même état où il se trouvait avant l'accident, c'est-à-dire que la

rigidité y était à peu près nulle. Dans le membre inférieur gauche,

qui était le siège de réflexes patellaires bien plus exagérés encore

que le droit, la rigidité spasmodique était encore considérable, et

il existait encore de temps en temps de la trépidation spontanée,

mais il marchait et pouvait faire plus d'un kilomètre, aidé seule-

ment d'une canne.

Dans une lettre datée du 6 mai, le malade nous affirme que son

membre inférieur droit se maintient dans l'état où il était autrefois

quand il se considérait comme guéri de son hémiplégie; mais sa

jambe gauche est toujours un peu raide et tremble encore de

temps en temps spontanément.

Les phénomènes paraplégiques se sont manifestés sponta-

nément, sans choc spécial, sans réaction, dans le membre

inférieur sain, longtemps après l'apparition de la lésion céré-

brale ; puis à la suite d'une irritation cutanée portant sur le

membre inférieur droit, le plus anciennement et le plus grave-

ment atteint, il s'est produit dans ce membre un certain degré

de rigidité; et enfin, à propos d'un traumatisme atteignant le

membre inférieur gauche resté, sain longtemps après l'attaque,

il est survenu une rigidité beaucoup plus considérable de ce

dernier qui est resté en définitive le plus affecté.

Ce fait est bien propre à montrer la relation bilatérale qui

existe entre chaque hémisphère cérébral et les deux côtés du

corps et surtout les deux membres inférieurs. Il met en outre en

lumière l'influence du traumatisme sur le développement de la

contracture, lorsqu'il existe dans la moelle épinière une lésion

capable de déterminer une exagération de l'excitabilité réflexe.

66 RECUEIL DE FAITS.

Un autre malade que nous avons observé récemment et qui

présentait, avec une certaine faiblesse intermittente des

jambes, divers troubles céphaliques permettant de faire recon-

naître une sclérose en plaques au début, a vu la contracture des

deux membres inférieurs se développer aussi rapidement, sous

l'influence d'une irritation cutanée ; il se plaignit un jour à

son médecin d'une douleur, peu intense d'ailleurs, mais persis-

tante, au niveau de la hanche droite : on appliqua un vésica-

toire, et le lendemain les deux membres inférieurs étaient

complètement rigides, appliqués l'un contre l'autre, agités de

temps en temps, quand la pointe du pied venait à toucher le

sol, d'une trépidation très intense ; la parésie des deux membres

s'étant transformée, pour ainsi dire, instantanément en une

paraplégie spasmodique.

Du reste, l'influence du traumatisme sur le développement

des phénomènes spasmodiques et de la contracture; est bien

mise en évidence par l'incident qui s'est produit à propos

d'une douche maladroitement appliquée pendant le cours du

traitement de notre premier malade.

D'ailleurs, le développement de ces phénomènes sous l'in-

fluence d'un traumatisme dans certaines lésions matérielles,

delà moelle épinière, peut-être rapproché de ce qu'on observe

quelquefois chez les hystériques, chez lesquelles il existe une

hyperexcitabilité réflexe analogue due à un simple trouble

fonctionnel. Il n'est pas très rare de voir chez ces sujets une

contracture se développer à la suite d'un traumatisme môme

léger, surtout s'il porte au voisinage d'une articulation'.

Il résulte de ces faits que dans les cas d'affections spinales à

tendances spasmodiques, il faut éviter les applications révul-

sives sur les membres, et en particulier au voisinage des arti-

culations ; les topiques irritants, inoffensifs en apparence, et

qu'on peut être tenté d'appliquer pour soutenir la patience du

malade, peuvent avoir les plus regrettables conséquences.

Dans ces affections les révulsifs et notamment les pointes

de feu légères sont souvent très utiles, mais on doit se borner

à les appliquer le long de la colonne vertébrale.

1 Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux. T. 1er, 4e édi-

tion, 1880. Appendice, p. 4'i6. Progrès médical 1882, p. 'il.3.

REVUE CRITIQUE

LE FAISCEAU SENSITIF ET LES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ

DANS LES CAS DE LÉSIONS CÉRÉBRALES;

Par Gilbert BALLET,

Chef de clinique à la Faculté de médecine.

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III. DES tiioubles DE la SENSIBILITÉ D1NS leurs rapports avec

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keiten. J. Grasset, Des localisations dans les maladies cérébrales.

Paris, 1880. Exner, Untersucleungezz ciber die localisation der

functionen in der Grossleirnrinde des 7rcezzsclcen. Wien, 1881.

Il s'agit ici moins d'une revue que d'une analyse, celle d'un

travail paru il y a déjà plus d'un an. Peut-ùtrela trouvera-t-on tar-

dive. Les circonstances ont voulu qu'elle le fût. D'ailleurs (pour-

quoi ne l'avouerions-nous pas ? ) il y a eu de notre part quelque

préméditation à ce retard. A mesure qu'une opinion vieillit, il

s'établit un contrôle qui permet d'en mieux apprécier la valeur,

et déjuger plus sainement de la portée des documents produits.

Avec le temps les idées mûrissent, si elles ne disparaissent ou-

bliées ; dans tous les cas, les angles, si angles il y a, s'émous-

sent, et de loin les problèmes soulevés apparaissent mieux sous

leur véritable point de vue.

La question des troubles de la sensibilité dans leurs rapports

avec les lésions du cerveau est une des plus complexes qui se

puissent présenter en pathologie, et les solutions auxquelles,

sur ce sujet, nous nous sommes arrêtés sont celles qui nous ont

semblé découler naturellement de l'interrogatoire attentif des

faits, interrogatoire que nous avons poursuivi sans parti pris

ni idée préconçue. Les observations nouvelles produites de-

puis le commencement de l'année dernière, et dont nous avons

recueilli les détails dans les diverses publications, ou à la So-

ciété anatomique, ne sont pas de nature à nous porter à modi-

fier, sur les points fondamentaux du moins, nos idées d'antan.

Toutes celles qui sont susceptibles d'être interprétées en vue

DU FAISCEAU SENSITIF. 69

du but qui nous a préoccupé, viennent au contraire à l'appui

des conclusions que nous avions cru devoir formuler et que

nous résumerons ici aussi brièvement que possible.

Lorsqu'il s'agit de déterminer le rôle d'un organe ou des di-

vers départements d'un organe, l'anatomie, la physiologie, la

pathologie, se prêtent un utile et mutuel concours : l'anatomie,

en nous initiant d'une façon plus ou moins précise aux détails

de la morphologie de cet organe, de sa structure intime, de la

disposition respective de ses parties élémentaires; la physiolo-

gie en réalisant des lésions artificielles dont on peut étudier

avec plus ou moins de facilité et d'exactitude les conséquences

fonctionnelles ; la pathologie enfin en créant spontanément ces

mêmes lésions, souvent plus délicates et mieux isolées que ne

saurait les faire l'expérimentateur le plus habile. La nécessite

qu'il y a à mener de pair ces trois méthodes d'étude ne saurait

plus être contestée et ce serait faire preuve de peu d'esprit phi-

losophique que de vouloir confisquer au profit de l'une d'entre

elles, de l'expérimentation par exemple, le privilège de concou-

rir à la détermination des fonctions organiques, quand toutes

trois se partagent ce privilège. ,

Aussi bien, lorsqu'on se propose d'envisager le cerveau au

point de vue de son rôle, en tant qu'organe de perception, l'a-

natomie, la physiologie, la pathologie doivent-elles être inter-

rogées tour à tour ? C'est là ce que nous avons cherché à faire

ailleurs.

Toutefois il sera exclusivement question, dans cette revue,

des renseignements que nous avons demandés à l'anatomie et à

la pathologie. Bien que dans le travail, dont nous donnons ici

l'analyse, nous nous soyons attaché à exposer aussi complète-

ment que possible les résultats qui découlent des recherches

expérimentales, comme nous n'avons sur ce terrain apporté

aucune vue personnelle, nous nous contenterons en ce qui y

afFère, de renvoyer le lecteur à la bibliographie assez détaillée

qui figure en tête de cet article.

I. °

ESSAI DE DÉTERMINATION ANATOMIQUH DU TRAJET INTRA-CÉRÉBRAL

DES FIBRES SENSITIVES.

Il n'est plus douteux que les circonvolutions cérébrales soient

le siège des organes de perception. Les idées émises il y a

70 REVUE CRITIQUE.

quelques années, par différents auteurs sur le rôle quejoue-

raient, à l'égard des fonctions de sensibilité, la protubérance

(Gordy, Longet, Vulpian) ou la couche optique (Carpenter,

Luys, Broadbent), ne sauraient plus être admises aujourd'hui.

Un fait d'observation anatomô-clinique vulgaire, suffit à les réfu-

ter : une lésion siégeant à la partie postérieure de la capsule

interne, sur un point que nous préciserons plus loin, bien au-

dessus de la protubérance par conséquent, et en dehors de la

couche optique, peut en interrompant la conductibilité centri-

pète amener l'abolition complète de la sensibilité dans le côté

du corps opposé. Ce qui revient à dire que les centres percep-

teurs sont situés au-dessus du point lésé, dans l'écorce du cer-

veau. A ce sujet il ne s'élève, que nous sachions, aucune con-

testation sérieuse. Si la protubérance est àbon droit considérée

comme un centre réflexe, nul ne songe plus à y placer le siège

des sensations conscientes. Quanta la couche optique, pas plus

la pathologie (Luys) que l'expérimentation physiologique

(Schrôder van der Kolk, Todd, Carpenter) n'autorise à y

localiser les centres de perception. Les noyaux qu'on y a minu-

tieusement décrits existent peut-être, moins individualisés

toutefois qu'on ne l'a dit, mais il ne jouent pas le rôle prépon-

dérant et bien déterminé qu'on leur avait départi. Cette ques-

tion des fonctions sensitives de la couche optique a d'ailleurs

été très longuement et fort bien traitée par notre ami 1,,tfForutie,

dont l'intéressant travail a puissamment contribué à faire dé-

finitivement justice d'une opinion contredite par les faits. Il

importe de remarquer toutefois qu'un certain nombre de

fibres nerveuses venues de la périphérie, fibres des nerfs opti-

ques et peut-être olfactifs, paraissent traverser la couche

optique avant de gagner la couronne rayonnante. 11 semble

que ce noyau gris soit pour' ces fibres une sorte de centre de

relai. C'est un point d'ailleurs sur lequel nous allons avoir à

revenir.

Il reste donc établi que les impressions sensitives sont per-

çues par les couches corticales du cerveau. De la périphérie à

l'écorce cérébrale ces impressions parcourent un chemin com-

pliqué, dont nous ne voulons étudier ici que la deuxième étape,

l'étape intracérébrale.

Rappelons en deux mots néanmoins quel est ce trajet, dans

sa première partie.

Les impressions recueillies à la périphérie par les nerfs de

· DU FAISCEAU SENSITIF. 71 1

sensibilité générale ou spéciale arrivent à la moelle par les

racines postérieures ou au bulbe par l'intermédiaire des nerfs

spéciaux. Puis elles suivent dans l'axe médullaire, dans le bulbe

et la protubérance, une voie souvent détournée et qui n'est

pas parfaitement définie. -

Certaines données cependant sont acquises : 1° le trajet des

sensations dans la moelle n'est ni régulier ni constamment le

même, la conductibilité centripète de l'organe est dans une

certaine mesure indifférente (expérience de M. Vulpian) ; 2°

les fibres des cordons postérieurs jouent le rôle de commis-

sures ; la substance grise est l'intermédiaire obligé entre ces

commissures, elle constitue à proprement parler l'axe conduc-

teur ; 3° certaines parties de cette substance grise (cornes posté-

rieures, surtout la base de ces cornes) paraissent spécialement

affectées à la conductibilité (Recherches de Brown-Séquard,

Mao-Donnell) ; 4° enfin les conducteurs sensitifs subissent une

décussation dans leur trajet- spino-bulbaire (entrecroisement

médullaire de Brown-Séquard, entrecroisement bulbaire de

Meynert, Duval et Sappey) si bien que ceux de droite occupent

le pédoncule cérébral gauche, et réciproquement.

Au niveau de ces pédoncules les fibres centripètes, jusque là

éparpillées, se réunissent, se groupent à la partie externe de

l'étage inférieur, en dehors des faisceaux moteurs (pyramidal

et autres). C'est là que commence, à proprement parler, le

faisceau sensitif1.

Telles sont en deux mots les voies parcourues par les

impressions sensitives de la périphérie à la base du cerveau :

nous avons maintenant à suivre dans l'intérieur de cet organe

le faisceau que nous venons de voir longer le bord externe du

pédoncule. C'est là ce que nous nous sommes efforcé de faire,

en mettant à profit un procédé de préparation qui nous paraît

appelé à rendre de réels services.

Quand nous avons abordé la question, on savait déjà par les

faits cliniques et expérimentaux que le faisceau sensitif occupe

1 Dans les descriptions de Meynert, auquel on peut attribuer la pater-

nité du mot : faisceau sensitif, ce terme sert à désigner seulement le

groupe de fibres qui, émanées de la partie postérieure de la capsule, se

rendent, d'après l'auteur, aux circonvolutions occipitales. Nous avons

élargi la signification de ce mot, et nous nous en sommes servi pour

désigner l'ensemble des voies de conduite centripètes dans leur trajet

medullo-cérébral, par opposition aux termes faisceau moteur, ou faisceau

pyramidal.

72 REVUE CRITIQUE.

la partie postérieure de la capsule interne, situé qu'il est

immédiatement en arrière du faisceau pyramidal. On possédait

d'autre part une intéressante description de Moynert où l'on

trouve esquissé le trajet des fibres sensitives -de la capsule

interne à l'écorce; Meynert-indique avec précision l'existence

d'un faisceau de fibres qui se détache du pédoncule cérébral,

derrière l'extrémité postérieure du noyau lenticulaire, pour se

diriger aussitôt après en arrière vers la pointe du lobe occipital,

et celle d'un autre tractus, déjà décrit par Gratiolet, sous le nom

d'expansions cérébrales optiques et dont les fibres émanées

des corps genouillés et de la couche optique côtoieraient celles

du premier faisceau, en dedans et au-dessous desquelles elles

sont situées, pour aboutir aux circonvolutions temporales.

Meynert, on le voit, a simplement envisagé le faisceau

sensitif sur des coupes horizontales ; de là la brièveté des

détails dans lesquels il entre, et l'insuffisance de sa description,

qui, quelque exacte qu'elle soit, aie défaut de ne rien nous

apprendre sur la façon dont ce faisceau se comporte en haut,

en bas, latéralement, en un mot sur la manière dont il s'épa-

nouit. Nous avons cherché à combler cette lacune, en nous

laissant guider par les précieuses indications que nous trouvions

dans les importants travaux de l'éminent professeur de Vienne.

Deux mots d'abord sur le procédé de préparation des

cerveaux dont nous nous sommes servi pour cette étude.

En lui-même, le procédé n'est pas nouveau ; il s'agit de la

macération prolongée dans le bichromate de potasse. Il y a

longtemps que ce liquide est utilisé pour le durcissement des

cerveaux dont on se propose de pratiquer des coupes microsco-

piques, ou qu'on a l'intention de conserver longtemps à l'abri

de la putréfaction'. Mais ce qui avait peut-être été insuffi-

samment indiqué, ce sont les détails de l'emploi du réactif

pourle butque nous poursuivions, elle parti qu'on pouvait tirer

des colorations imprimées par le liquide à la substance cérébrale

en vue de déterminer la direction des certains groupes de fibres

dans le centre ovale. M. Brissaud est le premier, croyons-nous,

qui ait, au moins en France, mis à profit les propriétés des

solutions concentrées de bichromate, pour l'étude macrosco-

i M. Variot, notamment (Luys. Procédé pour la conservation et la

momification des cerveaux à l'état sec. Journal l'Encéphale, n» 1)

s'est utilement servi dans ce dernier but, du bichromate associé à l'acide

phénique.

DU FAISCEAU SENSITIF. 73

pique des coupes du cerveau, et d'autre part, personne, que

nous sachions, n'avait relevé avant nous les modifications de

couleur que la solution communique aux fibres blanches,

suivant le sens dans lequel on les sectionne.

Lorsqu'en effet un cerveau a macéré pendant quelques

semaines. dans le bichromate en solution concentrée, la

substance du centre ovale qui, à la coupe, est uniformément

blanche sur un cerveau frais, présente des alternatives de

coloration jaune clair et brun foncé. La couleur brun foncé est

assez prononcée pour rappeler, à s'y méprendre, celle de la

substance grise des noyaux centraux ou des circonvolutions, si

bien que au premier aspect, on pourrait penser qu'on a affaire

à de la substance grise plus ou moins diffuse dans le centre

ovale, invisible à l'état frais, mais devenue appréciable

grâce à l'action du réactif.

Il est facile de se convaincre que la teinte gris brun corres-

pond aux faisceaux de fibres coupées perpendiculairement à

leur axe ; tandis que sur une section parallèle à la direction des

fibres, celles-ci affectent une coloration jaune clair.

On conçoit le parti qu'il était possible de tirer de cette

donnée, que nous nous sommes efforcé d'utiliser.

Nous n'entrerons pas dans les détails que nous avons men-

tionnés ailleurs ; une étude analytique des coupes qui nous

ont servi à suivre le faisceau sensitif serait ici déplacée.

Nous rappellerons seulement, en quelques mots, la méthode

générale à laquelle nous avons eu recours dans nos recherches

et les résultats auxquels cette méthode nous a conduits.

Nous avons étudié la disposition du faisceau sensitif

successivement sur une coupe horizontale ou plutôt obli-

que, la coupe de Flechsig, et sur trois coupes verticales. La

première nous a permis d'envisager le faisceau suivant sa

longueur depuis son origine au tiers postérieur de la cap-

sule interne jusqu'aux circonvolutions occipitales ; les

autres nous en ont révélé la forme, la hauteur, les dimen-

sions et les irradiations. Ces coupes verticales pourraient

être multipliées et même, en vue d'une étude très détail-

lée, il serait bon de les faire d'avant en arrière aussi

rapprochées que possible. Pour la commodité de la descrip-

tion, nous nous sommes arrêté aux trois suivantes : la pre-

mière, la plus antérieure, que nous appelons coupe verticale

t ? acaMM/a'e, est faite verticalement à la jonction du tiers

7 . REVUE CRITIQUE.

postérieur et des deux tiers antérieurs de la couche optique; en

examinant un hémisphère, on se convainct qu'elle tombe en

plein faisceau sensitif, sur le point même que, dans leurs

expériences, MM. Veyssière et Raymond se sont attachés à

détruire chez le chien, et dont la lésion, d'après les idées

admises, détermine chez l'homme l'hémianesthésie dite d'ori-

gine cérébrale. La seconde coupe, parallèle à la première, est

pratiquée à deux centimètres environ en arrière du thalamus,

et intéresse la partie la plus reculée du corps calleux ; le

faisceau sensitif, qui atteint là ses plus grandes dimensions, y

est situé à la partie latérale externe du prolongement occipital

du ventricule ; nous l'appelons , à cause de ce fait, coupe

latéro-venlriculaire. Enfin la troisième est située à un centi-

mètre ou à un centimètre et demi en avant de la pointe du

lobe occipital. Elle n'intéresse plus le ventricule qui est tout

entier compris en avant ; nous désignons cette coupe sous le

nom de rétro-venlriculaire.

D'après les caractères de la coloration communiquée par le

bichromate aux fibres nerveuses, on conçoit que sur les sec-

tions ainsi faites, il sera possible de distinguer celles des fibres

qui se dirigent horizontalement en arrière, de celles qui

gagnent verticalement ou latéralement les circonvolutions. Les

premières seront gris brun, les autres légèrement teintées en

jaune. C'est en tenant compte de ce fait que nous sommes ar-

rivé aux conclusions suivantes sur la disposition du faisceau

sensitif et sa distribution.

Ce faisceau situé sur le bord externe du pied du pédoncule céré-

bral, pénètre à travers la capsule interne, dont il occupe la par-

tie la plus reculée (tiers postérieur du segment postérieur). Il re-

çoit bientôt un certain nombre de fibres, qui lui viennent de la

couche optique et des corps genouillés, et qui sont la continua-

tion des fibres centripètes, émanées des nerfs optiques. Le fais-

ceau sensitifest alors constitué au complet; il renferme toutes les

fibres de la sensibilité générale ou spéciale. (Carrefour sen-

sitif.)

Mais à peine a-t-il abordé le seuil de l'hémisphère cérébral,

que ses éléments constitutifs commencent à diverger, pour se

diriger vers l'écorce. Les uns remontent directement et verti-

calement vers les circonvolutions fronto-pariétales. Les autres

fibres se recourbent en arrière et constituent un volumineux

faisceau, d'abord plus haut que large, dont les dimensions en

DU FAISCEAU SENSITIF. 75

hauteur diminuent à mesure qu'on approche de la pointe du

lobe occipital.

La forme du corps du faisceau peut être assez exactement

comparée à celle d'une pyramide quadrangulaire à base anté-

rieure, à sommet postérieur. Ce faisceau s'amoindrit en pro-

o-ressant, parce qu'il abandonne, chemin faisant, des fibres aux

circonvolutions avoisinantes. De son pourtour, en effet,

émanent des irradiations nombreuses qui forment la presque

totalité de la partie pariéto-occipitale et, probablement, tem-

poro-spliéiioïdale du centre ovale. (Fzj. 2.)

S'il est difficile de déterminer, avec une certitude absolue,

à l'aide de l'observation anatomique seule, quelles sont celles

des circonvolutions cérébrales auxquelles vont aboutir les fibres

émanées du faisceau sensitif (c'est la pathologie surtout qui

doit nous aider à le faire), il devient néanmoins très vraisem-

blable, en tenant compte des rapports et des connexions du

faisceau, et en restant sur le terrain de l'anatomie pure, que

les circonvolutions qui peuvent être considérées comme l'abou-

Fi ! l 2. - Schéma destiné à représenter la distribution générale du fais-

ceau sensitif et de ses irradiations. A, Faisceau pyramidal au

niveau de la capsule. B, Le même faisceau au voisinage (tescirconvo-

lutions motrices. - C, Faisceau sensitif au niveau de la capsule. -

D, Corps du faisceau sensitif dont les fibres se dirigent horizontalement

en arrière. E, Irradiations 'vers l'écorce des libres émanées du fais-

ceau. - 1, Circonvolutions.

76 REVUE CRITIQUE.

tissant des fibres centripètes, sont les suivantes : les frontale

et pariétale ascendantes, tout au moins dans leur partie supé-

rieure, celles du lobe pariétal, enfin les circonvolutions occipi-

tales et temporo-sphénoïdales.

Il ne sera peut-être pas inutile de faire remarquer que ces

conclusions avaient été formulées avant que nous ayons trouvé

dans les faits cliniques leur confirmation. Ceci dit, afin d'éviter

l'accusation d'avoir forcé les détails anatomiques pour les be-

soins de la cause.

II.

DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ CONSÉCUTIFS AUX DIVERSES

LÉSIONS DU FAISCEAU SENSITIF, DANS SON TRAJET INTRA-

CÉRÉBRAL.

La connaissance que nous possédons, d'après les détails qui

précèdent, de la distribution du faisceau sensitif dans son tra-

jet intra-cérébral, nous permet de jeter un coup d'oeil d'en-

semble sur les conséquences possibles des différentes lésions à

siège, à nature et à symptomatologie variables susceptibles

d'intéresser ce faisceau.

Ces lésions siègent, suivant les cas, au niveau : 1° du pied

de la couronne rayonnante (tiers postérieur de la capsule in-

terne) ; 2° des fibres du centre ovale, qui s.ont comme l'épa-

nouissement de la couronne ; 3° enfin de la couche grise des

circonvolutions, aboutissant ultime des fibres centripètes.

On conçoit que les phénomènes observés seront différents

suivant que la lésion aura assez d'étendue pour léser toutes les

fibres, ou ce qui revient au même, tous les centres percepteurs

d'un même hémisphère, ou, suivant qu'au contraire l'altéra-

tion portera seulement sur quelques-uns des conducteurs ou

sur une région limitée de l'écorce destinée à la perception des

impressions sensitives.

Les deux cas se présentent en pathologie.

Si l'on réfléchit aux conditions qui sont nécessaires à la réa-

lisation du premier, on comprendra qu'il se puisse produire

exclusivement lorsque la lésion occupera le pied de la cou-

ronne rayonnante, c'est-à-dire cette région où toutes les fibres

constitutives du faisceau sont réunies, condensées dans un

étroit espace, le carrefour sensitif. Un foyer de ramollissement

ou d'hémorrhagie même minime, suffit alors pour interrompre

DU FAISCEAU SENSITIF. 77 i

complètement les rapports normaux de continuité entre les

conducteurs de la périphérie et les centres de perception.

Il sera tout exceptionnel, au contraire, si tant est que la

chose soit possible, que la lésion ait assez d'étendue pour in-

téresser toutes les fibres centripètes de la couronne rayonnante

après leur sortie de la capsule, lorsqu'elles ont subi leur épa-

nouissement exceptionnel; aussi, pour les mêmes raisons, que

cette lésion porte à la fois sur toute l'étendue des régions sen-

sitives de l'écorce.

Mais si une altération matérielle ne se généralise que bien

difficilement à tout le système sensitif cortical, en revanche les

couches grises peuvent être le siège de troubles passagers, né-

vrolytiques ou dynamiques comme on dit, et leur fonction-

nement être, de ce fait, anéanti momentanément ou d'une-

façon durable, c'est ce qui se passe notamment dans l'hystérie

si du moins l'origine corticale de l'hémianesthésie hystérique

est positive, comme nous nous sommes efforcé de l'établir.

En somme la perte totale des fonctions de sensibilité, dévo-

lues à un hémisphère, ne saurait s'observer que dans deux

conditions : 1° lorsqu'il existe une lésion matérielle de la cap-

sule interne ou de son voisinage, intéressant directement ou

indirectement les fibres sensitives à leur passage au niveau du

carrefour; 20 quand, sous certaines influences (nerveuses et

peut-être aussi toxiques), les couches corticales sont momenta-

nément troublées dans leur fonctionnement.

Par opposition aux lésions ou désordres qui affectent tous les

éléments du faisceau sensitif intra-cérébral, il en est d'autres

qui se limitent à une partie du système : des abcès du centre

ovale, des foyers de ramollissement, des tumeurs comprimant

ou même détruisant un point de l'écorce, sont choses qui se

rencontrent communément. Il y a plus, les lésions de la cap-

sule interne et de son voisinage, comme nous avons cherché

à l'établir, peuvent n'intéresser qu'un certain nombre des

fibres sensitives qui la traversent.

Deux hypothèses peuvent être faites à priori relativement à

la symptomatologie de ces altérations limitées à quelques-uns

des conducteurs sensitifs ou à une partie du territoire cortical

préposé aux perceptions : ou bien il existe dans la substance

grise, des centres corticaux isolés, destinés chacun à recevoir

un groupe spécial de conducteurs, à élaborer une sensation

spéciale. (Dans cette hypothèse, il y aurait un centre pour la

78 REVUE CRITIQUE.

sensibilité tactile, un autre pour la vue, pour l'ouïe, etc.)

Ou bien les fibres nerveuses centripètes, après leur sortie de

la capsule (fibres des sensibilités communes et spéciales), s'en-

chevêtrent et viennent aboutir, sans ordre préétabli, à un terri-

toire plus ou moins étendu de l'écorce, dont les parties consti-

tutives ont une action commune, et sont par conséquent

susceptibles, le cas échéant, de se suppléer les unes les

autres. -

Bien des physiologistes et des plus autorisés admettent au-

jourd'hui la première de ces hypothèses, en se fondant sur les

faits d'expérimentation.

Nous avons cru, quant à nous, devoir nous rallier à la se-

conde, après l'étude attentive d'un assez grand nombre de cas

cliniques. Nouspensons, en effet, que la zone corticale sensitive,

dont nous avons essayé de déterminer les limites, n'est pas

divisible en centres distincts et isolés, dont la destruction abou-

tirait cliniquement à une variété spéciale d'anesthésie. Et si

l'homogénéité de cette zone n'est peut-être pas absolue, en ce

sens, que certains groupes de fibres émanant de tel ou tel nerf,

peuvent se rendre en plus grand nombre sur tel point que sur

tel autre, tout au moins, les diverses régions de la zone, se

suppléent-elles aisément au point de vue de la perception des

sensations, assez aisément pour qu'il ne soit pas permis d'ad-

mettre chez l'homme ces territoires nettement circonscrits, à

fonctions précises, que Ferrier, Munk et quelques autres ont

décrits chez les chiens et chez le singe.

Entrons dans quelques détails.

A. Des troubles de la sensibilité dans leurs rapports avec les

lésions de la capsule interne et de son voisinage

(Lésions du carrefour sensitif.)

L'hémianesthésie sensitivo-sensorielle, consécutive aux lé-

sions de la capsule interne, les caractères cliniques qu'elle af-

fecte, les conditions pathogéniques qui la déterminent sont

des; faits bien connus, grâce aux recherches de Turck (1859),

Charcot (187-2), Magnan (1873) dans le domaine de la clinique,

de Veyssière (1873), et de Raymond (1876) sur le terrain ex-

périmental.

Les cas nombreux réunis, depuis ces travaux, par divers ob-

DU FAISCEAU SENSITIF. 79

servateurs, par Veyssière et Raymond eux-mêmes, par Decau-

din, Pitres, de Boyer, etc., n'ont fait que confirmerles conclu-

sions de Turck et de M. Charcot.

On saitaujourd'huiquelalésioncapsulairequi déterminel'hé-

mianesthésie sensitivo-sensorielle intéresse le tiers posté-

rieur du segment postérieur delà capsule. Mais elle peut l'inté-

resserde différentes manières. Tantôt il y a destruction du faisceau

sensitif à son passage au niveau du carrefour. La conducti-

bilité, dans ce cas, est rendue impossible par la rupture du fil

conducteur, et l'on comprend que si toutes les fibres ont été

rompues, ce qui est fréquent, l'hémianestésie sera absolue, gé-

nérale et indéfiniment persistante. Tantôt, il y a simplement

compression du faisceau par une lésion de voisinage (couche

optique, noyau lenticulaire), et, comme une compression quel-

que marquée qu'elle soit, n'interrompt jamais la conductibilité

des fibres nerveuses d'une façon aussi complète et aussi dura-

ble que la destruction, les hémianesthésies par compression

seront le plus souvent incomplètes et passagères, comme l'é-

tablissent, par exemple, certains faits rapportés par M. Laf-

forgue.

C'est dans ce dernier groupe qu'on doit ranger les observa-

tions de lésions de la couche optique, considérées à tort par

quelques auteurs comme démonstratives des fonctions sensi-

tives de cet organe ; il faut très vraisemblablement y rattacher

aussi les cas d'anesthésie par altération organique, qu'on a pu

guérir à l'aide des aimants. On ne conçoit pas, en effet, la pos-

sibilité du rétablissement de la sensibilité, avec une destruction

complète des fibres sensitives, au niveau du carrefour. Il est né-

cessaire d'admettre, si la sensibilité reparait sous l'influence des

oesthésiogènes, ou que les fibres centripètes étaient simplement

comprimées, ou que quelques-unes d'entre elles seulement

avaient été atteintes par la lésion. On conçoit très bien, dans

cette hypothèse, que les agents en question puissent rendre

à des fibres simplement engourdies leur conductibilité pre-

mière.

Si le plus habituellement les lésions de la partie postérieure

de la capsule interne ou de son voisinage engendrent l'hémia-

nesthésie, à la fois sensitive et sensorielle, les choses peuvent

se passer autrement, et nous avons réuni un certain nombre

de cas dans lesquels on a noté d'une façon positive l'abolition

de la sensibilité commune, avec intégrité des sensibilités spé-

80 REVUE CRITIQUE.

ciales '. Trois de ces faits sont dus à MM. Pierret, Déjerine et

Raymond, le quatrième nous est personnel, le cinquième a été

publié par M. Dérignac.

Dans le cas de M. Pierret (Soc. auat., 1874) la lésion occu-

pait le noyau extra-ventriculaire du corps strié. La capsule ex-

terne n'était altérée qu'à sa partie postérieure, partout ailleurs

elle était comprimée.

Dans celui de M. Déjerine (Soc. aat.,1880), il s'agissait d'une

petite tumeur, dont la topographie faite sur une coupe verti-

cale et non sur la coupe de Flechsig, était trop indécise pour

qu'il fut possible de déterminer avec certitude les rapports

que la lésion affectait avec la partie intra-capsulaire du fais-

ceau.

Le fait de M. Raymond n'a pas été suivi d'autopsie. Mais

d'après la symptomatologie présentée par la malade et la coïn-

cidence avec les troubles de lasensibilité d'hémichoréeoud'hé-

miathétose, il y a tout lieu de penser que la situation de l'al-

tération dans ce cas, a dû être analogue à ce qu'elle était dans'

celui de M. Pierret, c'est-à-dire intéresserle noyau lenticulaire

et les fibres les plus externes de la partie postérieure de la

capsule.

Depuis la publication de notre travail, M. Dérignac a com-

muniqué à la Société anatomique (1881), une nouvelle obser-

vation qui est calquée tant au point de vue de la symptomato-

logie que du siège des lésions anatomiques sur celle de

M. Pierret; ces dernières ont été figurées sur des croquis qu'on

pourra consulter dans l'album de la Société.

1 Il est possible que dans ces faits, des procédés de mensuration pré-

cise, dont malheureusement nous manquons pour plusieurs sens,

eussent révélé une légère différence entre l'état des sensibilités spéciales

du côté sain et du côté malade. On comprendrait difficilement, en effet,

qu'il existât une intégrité absolue de la conductibilité spéciale en même

temps qu'une abolition complète ou à peu près complète de celle des

fibres de sensibilité commune, alors que tous les conducteurs centripètes

sont groupés dans un espace étroit. Notre ami Ch. Péré, en mesurant le

champ visuel de la malade dont l'observation nous est personnelle,

a notamment constaté un rétrécissement, bien que la vue des couleurs

fût intacte, comme nous l'avons rapporté, et qu'il n'existât aucun trouble

apparent des sens. Quoi qu'il en soit, le fait que nous mentionnions n'en

subsiste pas moins avec tout son intérêt, et, il y a lieu de fixer l'attention

sur le contraste singulier que fait, dans les casque nous avons rapportés,

la conservation, au moins apparente des sens, avec la perte de la sensi-

bilité générale.

DU FAISCEAU SENSITIF. 81

Quant au cas qui nous est personnel, la malade à laquelle

il se rapporte a succombé dans le courant de l'année dernière ;

l'autopsie en a été faite par M. Féré; mais les lésions observées

étaient trop étendues et trop complexes pour que nous soyons

en droit de rapprocher le fait, comme nous nous étions supposé

autorisé à le faire du vivant de la malade, de ceux qui précè-

dent.

Il n'en est pas moins établi par les faits dont il s'agit, qu'on,

peut constater une abolition complète de la sensibilité géné-

rale coïncidant avec une intégrité au moins relative des sensi-

bilités spéciales, dans les cas de lésion capsulaire. Et si l'on

envisage un de ces cas où les altérations étaient simples et

bien constatées, on voit qu'elles intéressaient les fibres anté-

rieures et surtout les fibres externes de la partie intra-capsu-

laire du faisceau sensitif.

Nous nous sommes demandé s'il ne serait pas possible de

s'expliquer cette association d'une symptomatologie anormale

avec des lésions de siège constant, en supposant que les con-

ducteurs des impressions de sensibilité commune cheminent

dans la partie externe de la capsule, tandis que les fibres qui

contiennent les nerfs spéciaux seraient situées en dedans

des premières. Cette hypothèse nous a paru d'autant plus

plausible que, en étudiant anatomiquement la disposition du

faisceau sensitif, au niveau de la capsule interne, nous avons

constaté et décrit, après Gratiolet et Meynert, un double

tractus, l'un formé évidemment par les fibres pédonculaires

directes, l'autre, plus interne, par celles des fibres de la sensi-

bilité spéciale qui proviennent de la couche optique et des

corps genouillés. Et nous avons montré que c'est seulement à

la partie la plus reculée de la capsule que les deux tractus se

fusionnent. En rapprochant ce détail anatomique des faits

anatomo-cliniqucs signalés plus haut, on arrive à cette con-

clusion que toutes les fibres préposées à la sensibilité spéciale

se rapprochent des expansions optiques pour constituer une

sorte de faisceau spécial qui serait difficilement touché par les

lésions n'intéressant que les parties externes de la capsule.

Ferricr, qui a constaté comme nous, sans y insister toutefois,

la possibilité de troubles profonds de la sensibilité générale,

sans altération de la sensibilité spéciale, dans le cas de lésion

capsulaire, invoque, pour rendre compte du fait, cette considé-

ration « qu'il y a moins de représentation bilatérale dans

6

82 REVUE CRITIQUE.

chaque hémisphère, pour la sensibilité tactile, qu'il n'y en a

pour les autres formes de sensibilité. La plus ou moins grande

facilité des suppléances corticales, nous parait rendre difficile-

ment compte des particularités d'un symptôme dont la cause

occasionnelle réside sur le trajet des conducteurs. Tout au

plus pourrait-on supposer que, en cas de simple compression

des fibres de la capsule, la résistance opposée par la lésion à la

conductibilité centripète est plus considérable pour arrêter les

. impressions émanées des sens spéciaux, que pour empêcher

l'arrivée aux centres des impressions tactiles. L'hypothèse

que nous avons formulée, et que nous donnons, il ne faut

pas l'oublier, comme une simple hypothèse, nous parait

rendre mieux compte des faits, en conciliant, comme nous

l'avons montré, les particularités cliniques avec les détails

anatomiques. Les observations ultérieures auront à en confir-

mer ou à en infirmer la valeur.

B.-Des troubles de la sensibilité dans leurs rapports avec les

lésions du centre ovale et de l'écorce cérébrale.

Cette question a été envisagée de façons bien différentes par

les physiologistes. Tandis que Ferrier, Munie, Luciani et

Tamburini affirment, d'après les résultats de leurs expériences,

qu'il existe dans l'écorce des centres isolés affectés à la per-

ception des diverses variétés de sensations (tactiles, visuelles,

olfactives, gustatives, auditives), d'autres, comme Goltz,

croient à l'homogénéité fonctionnelle de la substance grise.

L'année dernière, au Congrès médical international de

Londres, les deux doctrines ont été aux prises. Mais la brillante

discussion soutenue par Ferrier, d'une part, par Goltz, de

l'autre, a, il faut l'avouer, insuffisamment éclairé le sujet. C'est

assez dire que, sur le terrain expérimental, le problème n'est

pas près d'être résolu d'une façon définitive. D'ailleurs les idées

que défendent chez nous, avec une courageuse persévérance,

depuis plusieurs années, M. Brown-Séquard et quelques-uns

de ses élèves, ne sont pas de nature à nous laisser espérer

une prompte entente. Les lois qui, en matière de pathologie

cérébrale, semblaient les mieux assises, sont remises en ques-

tion : la forme et la localisation des symptômes ne dépendraient

plus du siège des lésions du cerveau ; elles seraient commandées

DU FAISCEAU SENSITIF. 83

directement par l'innervation spinale dont le jeu irrégulier,

presque arbitraire, jetterait dans la symptomatologie un dé-

sordre au milieu duquel il serait difficile de s'orienter.

En présence de ce conflit, ce qu'il y a de mieux à faire pour

le médecin, c'est d'observer le malade; et nous serions trop

heureux si cette méthode d'observation pour laquelle certains

esprits exclusifs affectent un dédain peu justifié, nous rendait

dans l'étude des troubles de la sensibilté d'origine cérébrale les

mêmes services que nous lui devons en matière de troubles du

mouvement.

Aussi est-ce à l'observation que nous avons surtout fait

appel, nous efforçant d'apporter notre contribution à la solu-

tion d'un problème qui réclame des recherches patientes, long-

temps répétées, et souvent contrôlées. '

Or, lorsqu'on interroge les faits on y cherche vainement des

arguments en faveur de l'existence des centres sensitifs corti-

caux. Ni Ferrier, ni Nothnagel n'ont pu produire de cas déci-

sifs qui démontrent la réalité de ces centres, admis sur la foi

des résultats expérimentaux. Les conclusions de Nothnagel

sont, à ce propos, instructives à relever : « Il n'existe pas

encore, dit-il, d'observations de troubles auditifs dans les

maladies cérébrales, principalement dans le ramollissement;...

pas d'observations d'agueusis dans les maladies du cerveau...

Les observations manquent encore, ajoute-t-il, pour établir

nettement quelle partie du cerveau doit être lésée pour produire

l'anosnie. » Et plus loin le même auteur rappelle l'ignorance

absolue dans laquelle nous nous trouvons relativement aux

relations cliniques entre les altérations de l'écorce et les

troubles de la vue.

Ferrier, il est vrai, a cru trouver la démonstration de ses

idées sur le siège des centres supposés de la vue et de l'ouïe ;

dans les faits d'aphasie sensorielle (cécité et surdité verbale)

publiés par Kusmaull, Kôhler et Pick, Wernicke, etc. Il semble

en effet, d'après les observations rapportées par les auteurs qui

précèdent et d'après d'autres analogues, qui ont paru en

France dans ces derniers temps, que la cécité et la surdité

verbale soient en relation avec des lésions occupant le pli

courbe ou la partie postérieure des circonvolutions tempo-

rales. Mais l'aphasie sensorielle est un trouble complexe bien

différent des simples altérations de la sensibilité spéciale. La

cécité et la. surdité des mots, ne sont pa plus la cécité et la

8t REVUE CRITIQUE.

surdité que l'aphasie ataxique n'est la paralysie. Il s'agit là de

la perte de l'une des facultés de l'intelligence, celle d'inter-

préter les signes lus ou entendus, qui est parfaitement compa-

tible (c'est même là ce qui la caractérise) avec l'intégrité de

l'ouïe et de la vue. Or, de ce qu'une lésion occupant la partie

postérieure des circonvolutions temporales s'accompagne de

surdité psychique, cela ne démontre en aucune façon que le

point lésé soit un centre de perception pour les impressions

auditives, c'est-à-dire un centre sensitif, mais simplement

qu'il sert à l'élaboration intellectuelle, à l'interprétation d'une

catégorie de signes abstraits, ce qui est fort différent. Donc les

faits de cécité et de surdité verbale suivis d'autopsie, ne prouvent

nullement, à notre avis du moins, l'existence de centres auditifs

ou visuels dans les points indiqués par Ferrier. Bien plus, ils

nous paraissent très propres à établir que le pli courbe n'est

pas plus le centre de la vue, que le tiers postérieur des tempo-

rales n'est le centre de l'ouïe, puisque dans tous ces faits on a

positivement constaté, avec une lésion des points précités, l'in-

tégrité des sensations auditives et visuelles.

On voit donc que sur le terrain de la clinique, les localisa-

teurs n'ont pu jusqu'à ce jour faire la démonstration de leurs

idées. Y arriveront-ils ? Nous ne le pensons pas. Et nous nous

fondons pour l'avancer sur les conclusions qui ressortent na-

turellement du rapprochement des cas que nous avons

compulsés ou recueillis personnellement. Or il résulte de l'en-

semble de ces cas que les lésions les plus diverses, intéressant

les différents points de l'écorce cérébrale, peuvent évoluer sans

s'accompagner de troubles, au moins marqués, de la sensibilité

spéciale, ce qui revient à dire qu'en cas de lésion circonscrite,

les parties de l'écorce restées intactes, suppléent celles qui

sont altérées, quel que soit le siège de ces dernières. On ne

saurait dès lors admettre l'existence des centres sensitif ? tels

que Ferrier les conçoit, l'abolition de la fonction devant être

la conséquence obligée de la destruction des centres préposés à

cette fonction, si centres il y a.

Les conclusions qui précèdent s'appliquent, dans notre pen-

sée, aussi bien à la sensibilité commune qu'aux sensibilités spé-

ciales. Munk et Schiff d'abord, R. Tripier après eux, avaient

admis que les parties motrices de l'écorce sont en môme temps

des centres destinés à percevoir les impressions émanées'

de la peau. Nous croyons avoir établi, en nous appuyant sur

DU FAISCEAU SENSITIF. 85

un assez grand nombre de faits, que la destruction de la zone

motrice est parfaitement compatible avec l'intégrité de la sen-

sibilité commune.

Il résulte donc pour nous de tout ce qui précède, qu'il n'existe

pas au cerveau de territoires circonscrits et isolés affectés à

l'élaboration des formes variées de la sensibilité.

Est-ce à dire que, au point de vue des perceptions, l'écorce

cérébrale soit fonctionnellement homogène, dans l'acception

rigoureuse du mot ? Non, sans doute.

Il semble par exemple, découler des observations récemment

compulsées par S. Exner, que les sensations visuelles sont per-

çues surtout par les circonvolutions occipitales. Il est possible

en effet, comme nous l'avons déjà dit, que les fibres émanées

des divers sens se rendent en plus grand nombre vers telle ou

telle autre partie de l'écorce, dont les lésions retentiraient par

conséquent d'une façon plus marquée sur les sens en question.

Nous-même, nous avons admis que la sensibilité tactile était plus

fréquemment troublée à la suite des altérations destructives

de la zone motrice que dans les cas de lésions occupant un

autre siège. Il y a là matière à des recherches ultérieures.

Mais le fait capital à retenir pour l'heure, c'est que les diffé-

rentes circonvolutions peuvent être, chacune isolément, dé-

truites, sans qu'il s'ensuive de troubles de la sensibilité géné-

rale et spéciale.

Les anesthésies tactiles ne sont pas exceptionnelles toute-

fois à la suite des lésions corticales récentes. Il s'agit la de

troubles inconstants, souvent peu marqués et toujours pas-

sagers, dont la pathogénie n'est pas parfaitement élucidée. Peut-

être la perturbation apportée dans le jeu de la moelle par le

retentissement de l'altération du cerveau, joue-t-elle quelque

rôle dans la genèse de ces anesthésies. La chose est possible.

Toujours est-il qu'en rapprochant les uns des autres les cas

dans lesquels ces troubles ont été observés, nous avons pu

légitimement, ce nous semble, dégager les propositions sui-

vantes :

A la suite des lésions du lobe frontral (la circonvolution fron-

tale ascendante exceptée), il n'y a pas de troubles de la sensi-

bilité ;

A la suite des lésions des circonvolutions motrices, l'anes-

thésie est habituelle mais peu marquée et passagère :

Dans les cas de lésions des circonvolutions occipito-sphénoï-

86 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

dales, l'anesthésie est possible mais. exceptionnelle, et, dans

tous les cas, légère et transitoire ;

Enfin si l'altération porte à la fois sur les circonvolutions mo-

trices et sur les occipito-sphénoïdales,l'anesthésieestbeaucoup

plus prononcée et probablement plus durable, d'autant plus

marquée en règle générale, que les lésions sont plus étendues.

Ces faits nous autorisent à conclure qu'il existe dans l'écorce

une vaste zone sensitive, qui vraisemblablement comprend

toutes les circonvolutions, sauf celles du lobe frontal.

Tous les détails qui précèdent se résument en somme dans

la proposition, légèrement modifiée, que M. Pitres émettait, il

y a cinq ans, comme une simple hypothèse : chez l'homme, les

fibres sensitives réunies, comme dans un carrefour, au niveau

du tiers postérieur de la capsule interne, au lieu d'aller se ter-

miner comme les fibres motrices, dans des territoires corticaux

physiologiquement distincts, se distribuent à peu près indiffé-

remment dans toute l'étendue des circonvolutions pariéto-

sphéno-occipitales. Telle est du moins la conclusion qui res-

sort pour nous de l'étude anatomique et clinique que nous

avons poursuivie.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. GOITRE exophthalmique ou maladie de BASEDOSV, nature

ET traitement de cette affection ; par F. Panas. (AT-

chives d'ophtalmologie, n° 2, janvier-février 1881.)

Après avoir rappelé les principaux travaux publiés sur ce

sujet et appelé l'attention sur la polyurie et la glycosurie,

signalées dans les plus récents , l'auteur, par l'analyse des

symptômes, l'étude de leur mode d'apparition, de leur ordre

de succession et de leurs causes, établit la pathogénie de la

maladie.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 87 Î

Les troubles cardiaques précédant l'engorgement du corps

thyroïde et l'exophthalmie ne sauraient dépendre de la dimi-

nution de la tension sanguine dans le système vasculaire de la

tête et du coil. Le manque d'action des vaso-constricteurs

cervico-céphaliques n'a pas pour cause la paralysie du sympa-

thique cervical comme on pourrait le croire d'abord. Cette para-

lysie ne s'accompagne ni d'pxorbitis, ni de goitre vasculaire, ni

de la dilatation des gros troncs artériels et veineux du cou,

mais bien de myosis, symptôme le plus constant et le plus per-

manent. Les yeux s'enfoncent, l'ouverture palpébrale se

rétrécit, la sclérotique disparaît sous la congestion de la con-

jonctive. Dans le goitre exophthalmique, seules sont turges-

centes les veines ciliaires antérieures.

L'exophthalmie n'a pas pour cause l'action du goitre sur les

vaisseaux du cou, sur la trachée et encore moins sur le grand

sympathique. Elle fait défaut dans le goitre 'suffocant même.

L'état du coeur non moins que les considérations précédentes,

oblige à placer le siège de la maladie de Graves dans le bulbe.

Mais s'agit-il d'un processus irritatif, d'une excitation des filets

sympathiques cardiaques et des vaso-dilatateurs provenant du

cordon cervical (Vulpian), ou au contraire d'une paralysie des

nerfs d'arrêt et des vaso-constricteurs ? Les deux opinions

peuvent se soutenir. L'auteur incline vers la dernière et cite à

l'appui l'observation d'une malade heureusement traitée par

des injections sous-cutanées d'ergotine. Elle avait eu déjà des

attaques épileptiformes, de l'aphasie, de l'hémianesthésie, de

l'hémiparésie, et enfin son exophthalmie se compliqua de

myopie, contrairement à l'opinion de von Graefe. D. B.

II. Remarques SUR LES accidents déterminés par DES

FRACTURES CHEZ LES FEMMES ÉPILEPTIQUES ; par F. TERRIER

et H. Luc. [Revue de chirurgie, janvier 1882.)

Les auteurs ont observé sur deux épileptiques une fracture

de la clavicule et une fracture complète de jambe. Dans le

premier cas, malgré l'absence de déplacement, douleurs locales

très vives, s'irradiant dans le thorax, le cou, la face, le membre

supérieur du côté répondant à la lésion ; hyperesthésie et con-

tracture du membre supérieur et du cou, contracture inter-

rompue par des crampes violentes. Après la levée de l'appareil,

qui les avait peu modifiées, la contracture et les crampes

88 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

s'exagérèrent à la suite d'une attaque d'épilepsie, puis d'une

attaque d'hystérie. Elles disparurent plus d'un an après, sous

l'influence variée des courants continus, de l'aimant et de

l'électricité statique.

On ne découvre la fracture de la seconde malade sans expres-

sion, par moments gâteuse, peu excitable, que par hasard dix

jours après l'accident. Elle mouvait en tous sens pied et jambe,

et ne voulut jamais croire à sa maladie, qui guérit fort bien

dans un appareil plâtré appliqué de force.

Ces observations ne disent malheureusement rien de précis

sur la sensibilité générale et spéciale des malades.

Rapprochant ces deux observations de celle d'une malade

simplement névropathe, atteinte de contracture de la main et

de l'avant-bras droit à la suite d'une contusion, puis d'une

affection semblable du côté gauche à la suite d'une fracture du

péroné gauche sans réaction dans le membre inférieur,

F. Terrier et II. Luc se demandent s'il n'y aurait pas une dif-

férence d'innervation entre les extrémités supérieure et infé-

rieure, et si ce fait probable n'expliquerait pas les accidents

différents observés sur leurs épileptiques. D. Bernard.

III. SUR LES températures inférieures des malades atteints

d'une lésion cérébrale; par SIiL01VSIiY. flTratscla, 1880,

n° 12.)

L'auteur a observé chez un paralytique une température de

31°, 9 - 33°, 3 sous l'aisselle, et de 32°, 3 dans le rectum. Cette

température a duré jusqu'à la mort, et l'autopsie a fait recon-

naître un ramollissement de la partie postéro-inférieure de

l'hémisphère droit du cervelet allant jusqu'au pédoncule céré-

belleux moyen. M. MENDELSSOHN.

IV. SUR un cas de basse température; par IASYREFF.

('acA, 1880, n° 12.)

L'auteur a observé pendant quatre jours une température

oscillant entre 30°, 1 et 26°, 5 chez un sujet atteint de commo-

tion du cerveau et présentant des symptômes paralytiques dans

les muscles du tronc et des extrémités. M. M.

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 89

V. La fonction bilatérale ET la SINAPISCOPIE; par ADA111-

kiewicz. (P·aeglad Leka·s71, 1880, n°$n.7 et 18.)

Adamkiowicz, trouvant dans le phénomène du « Transfert »

mis en évidence par les procédés métalloscopiques un nouvel

appui pour la théorie des fonctions bilatérales qu'il soutient

depuis 1877, a essayé de provoquer par les sinapismes la même

série de phénomènes que ceux dans lesquels les plaques métal-

liques n'agissent que comme agents irritants. Ayant en effet

constaté les mêmes effets après l'application des sinapismes, il

désigne la recherche de ces phénomènes sous le nom baroque de

sinapiscopie. Le retour delà sensibilité dans le côté anesthésique

sous l'influence de l'application du sinapisme a été dans ces

expériences un fait constant ; mais le degré et la persistance

de ce retour ont été, variables suivant les cas. Ainsi la sensi-

bilité douloureuse revenait toujours, mais jamais lia sensibilité

thermique. Ces recherches, faites avec le concours du Dr Adler

chez l'homme sain, ont démontré que les sensibilités tactile et

douloureuse s'exagèrent à l'endroit de l'application du sinapisme,

tandis qu'elles diminuent à l'endroit correspondant du côté

opposé qui n'a pas été irrité.

A la fin de son travail, l'auteur développe ses idées sur les

fonctions bilatérales, en les regardant comme l'expression des

fonctions appartenant à ses nerfs et à ses ganglions symétri-

quement disposés des deux côtés de l'organisme. M. M.

VI. SUR LES altérations anatomiques DU cerveau dans LES

maladies infectieuses; par A. Rosenthal. (Gazela lekarska,

n° 19, 1881.) .

L'auteur, examinant plusieurs cerveaux (surtout la circon-

volution frontale ascendante et la moelle allongée) de ma-

lades morts de fièvre typhoïde, récurrente ou puerpérale, de

pyohémie et de scarlatine, a constaté des altérations de ces

centres, et principalement dans les cellules pyramidales de

l'écorce. Ces dernières perdent leurs prolongements, devien-

nent rondes, subissent la transformation adipeuse et dégé-

nèrent. Dans quelques cas, Rosenthal a trouvé un nombre de

cellules plus considérable que dans l'état normal, ce qu'il

attribue ci la segmentation des cellules. Les cellules nouvelle-

ment formées contenaient un grand noyau et un protoplasma

90 revue de pathologie nerveuse.

très délicat. Il a constaté les mêmes altérations dans les cellullcs

nerveuses de la moelle allongée et surtout dans le noyau du

pneumogastrique et du spinal. Parfois il a eu l'occasion de

voir (sur le plancher du quatrième ventricule) un grand nombre

d'éléments lymphoïdes sous l'épithélium. L'auteur regarde ces

- altérations parenchymateuses du cerveau comme correspon-

dant à des altérations analogues d'autres organes survenant

dans les maladies infectieuses. M. M.

Vil. LEPTODZENINGITIS h^emorrhagica, présentant LES SYMP-

TOMES de .LA paralysie progressive; par BECHËTRÈW.

[Gazelle clinique hebdomadaire [russe), 1881, n°S 8-10.)

L'auteur rapporte l'histoire d'un malade de la clinique de

M. le professeur Mierzejewsky, qui présenta pendant la vie le

tableau clinique de la paralysie générale, avec quelques parti-

cularités : une trop longue durée, dix-neuf ans (à Pétersbourg,

ces malades meurent au bout de trois à cinq ans), et un affai-

blissement relativement faible des facultés psychiques. A l'au-

topsie, on releva, outre une thrombose des deux tiers du sinus

longitudinal supérieur, une inflammation bémorrbagique de

la pie-mère et une inflammation. analogue de la dure-mère.

L'auteur croit que, dans ce cas, la méningite a été la lésion pri-

mitive et que la thrombose du sinus s'est produite secondaire-

ment ; cela paraît ressortir de ce fait qu'on trouva dans les

bronches àpeine quelquestraces d'organisation. Dans la moelle,

on constata un fort développement d'éléments conjonctifs de

la névroalie. M. M.

VIII. Une famille atteinte d'ataxie locomotrice; par M. R.

GowERS. (7'<MM. o f tlae Clin. Soc. of London, vol. XIV, 1881,

p. 1.)

Le père est mort depuis deux ans, d'une maladie deBright;

il n'a pas eu d'affection nerveuse. Il avait deux frères, dont

l'un est mort aussi de maladie de Bright, et l'autre est aliéné.

Deux de ses cousins seraient aussi aliénés. La mère du père

était paralysée de la langue, quand elle est morte. La mère

est morte d'une tumeur abdominale, elle avait eu deux attaques

de chorée dans son enfance.

revue DE pathologie nerveuse. 9t 1

La famille se compose de neuf enfants. L'aîné a trente-neuf

ans, il a commencé à souffrir d'incoordination de la marche à

vingt et un ans, aujourd'hui l'ataxie a gagné les mains, il a

perdu ses réflexes tendineux, etc. Le deuxième enfant était une

fille qui est morte à dix ans d'une affection fébrile. Le troisième

est un fils, il a trente-cinq ans, bien portant; il a plusieurs

enfants aussi bien portants. Le quatrième est encore un fils,

qui a trente-trois ans et est bien portant. Le cinquième est une

fille qui à vingt-neuf ans, et qui a commencé à dix-huit ans à

avoir de la difficulté à marcher : les troubles tabétiques se sont

accentués depuis. Le sixième est un fils de vingt-six ans qui se

porte bien et a des enfants en bonne santé. Le septième est

un fils qui a vingt-quatre ans; il n'est plus capable de traverser

la chambre tout seul, il avait dix-neuf ans quand il a éprouvé

les premiers symptômes. Le huitième est un fils de vingt-deux

ans paraissant bien, mais il a des troubles de l'équilibration

dans l'obscurité, il a de temps en temps un peu d'incoordina-

tion ; il a perdu ses réflexes, sa parole est légèrement troublée,

etc. Le plus jeune fils, qui a dix-neuf ans, est aussi affecté :

parole scandée, un peu d'instabilité de la marche, perte des

réflexes. Ainsi sur huit enfants, qui ont atteint adulte,

cinq sont affectés. Carré, Duchenne, Carpenter, Dreschfeld ont

déjà rapporté des faits de ce genre ; Friedreich a noté dans ce

cas la fréquence des troubles du langage qui dans cette série

ont été presque toujours observés. Quelquefois, dans cette

forme d'ataxie; dite héréditaire, il existe du nystagmus, comme

le montre un cas de Seeligmùller. En ce qui regarde l'étiolo-

gie, il n'existait pas de traces de syphilis héréditaire ou acquise ;

il n'y avait pas non plus d'ataxie connue chez les ascendants,

mais du côté paternel, il existait plusieurs aliénés, et la mère

qui avait eu des attaques de chorée et avait évidemment une

disposition névropathique. Ces particularités de l'histoire de la

série de M. Gowers sont en rapport avec l'opinion que nous

avons souvent entendu exprimer par M. Charcot : à savoir que

ce qui joue le plus grand rôle dans l'étiologie de l'ataxie, ce

sont les états névropathiques des ascendants; et il ne manque

jamais d'interroger les malades, sur l'existence chez leurs parents

directs ou collatéraux, non seulement d'affections médullaires,

mais encore d'affections cérébrales ou de troubles psychiques.

Cn. F.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. Folie postépileptique ; par Wilhelm Sommer. (A ? ,ch.1.

l'sdcls. zc. Ncuen ? XI. 3.)

Sous ce titre, M. Sommer se propose d'étudier, à l'aide de

cent cinquante observations prises à l'asile d'Allenberg, la

démence persistante qu'amène l'épilcpsie à la longue et les

formes vésaniquespassagères,intervallairos, considérées comme

épiphénomènes de l'accès.

Relativement à la démence, l'auteur s'attache à mettre en

lumière les caractères qui distinguent cette impotence intellec-

tuelle, d'origine épileptique, d'avec les démences émanant de

toute autre affection. Telles sont sa non-continuité (du moins

au début, intervalles lucides) et les difficultés de perception

qui entraînent une difficulté de comprendre et de retenir (len-

teur de la lecture et de l'écriture) contrastant avec le souvenir

facile des anciennes sensations. Ainsi l'épileptique qui lira

péniblement une ligne, résoudra aisément des équations algé-

briques ; d'où son emphase, sa pédanterie. Bientôt l'amnésie

s'étend également au passé, mais elle est incomplète, inégale,

et nullement proportionnée à l'importance des événements ; en

essayant de suppléer aux lacunes de sa mémoire, l'épileptique

se crée un style maniéré, agrémenté de périphrases et de néolo-

gismes. C'est aussi cette déchéance intellectuelle qui, par

défaut de conception, entraîne le malade à devenir irascible,

susceptible, méchant, méfiant, en même temps qu'une certaine

conscience de sa faiblesse et de l'incurabilité de son affection

le rend pessimiste, misanthrope, bigot, obséquieux (hypocrisie).

Enfin quand il a épuisé son ancien bagage mnémonique, dans

l'impossibilité où il sè trouve d'enregistrer avec fruit de nouvelles

impressions, le malheureux est réduit à une idiotie muette par

suite des progrès des lésions bulbaires. Des lettres de malades

prises à diverses époques de la maladie font foi de cette pro-

gression. Notons ici, qu'à l'inverse de ce qui était admis

revue de pathologie mentale. 93

jusqu'alors, la statistique de M. Sommer fait remonter la plus

forte part de responsabilité dans la démence épileptique aux

grands accès et non au petit mal.

Les troubles de la connaissance en rapport avec l'épilepsie sont

de deux sortes. Les uns se montrent en l'absence de tout accès

convulsif et souvent sans qu'on puisse jamais saisir la moindre

trace de ce dernier; c'est l'épilepsie anormale : les autres sont

en relation d'origine et de temps évidente avec les convul-

sions épileptiques complètes. Psychoses absolument isolées de

l'accès et le remplaçant (équivalents), ou vésanies intervenant

à la suite d'accès antérieurs, toutes auraient même pathogénie.

L'accès complet ordinaire, dit M. Sommer, se compose de

plusieurs accès partiels dépendant chacun du département

nerveux qui lui donne naissance; adoptant l'opinion que l'épi

lepsie est corticale c'est-à-dire que la moelle allongée influence

d'abord les vasomoteurs cérébraux, et que l'attaque classique

est la résultante de l'accumulation de ces effets, il pense qu'il

s'agit précisément en tous les cas de la limitation des troubles

angioparalytiques ou anctospastiques à tel ou tel district de

l'écorce; cette localisation dépendrait de la variabilité de la moda-

lité réactionnelle propre à chacun des départements en question

ou de la lenteur de généralisation des effets vasomoteurs. Quoi

qu'il en soit, M. Sommer ne traite que des psychoses chez des épi-

/6/yMMaue ? 'M, à l'exclusion deséquivalents(épilepsie psychique)

isolés et de la combinaison de la névrose avec un des types

cliniques connus (mélancolie, folie systématique, paralysie gé-

nérale). Périodiques et souvent précédées d'aura, elles ont pour

. caractère principal et pour fondement l'insuffisance de percep-

tion et de raisonnement (rudiment du sopor de l'acmé paroxysti-

que) ; les autres perturbations de l'activité mentale qui s'y ajoutent

dérivent précisément de l'impossibilité, pour le malade hébété,

d'interpréter les sensations anormales dont il estl'objet (délire) :

ces sensations anormales seraient l'équivalent de la perte totale

de sensibilité du début de l'accès complet. Un premier degré

qualifié d'état d'obnubilation postépileptique embrasse trois

espèces de phénomènes : 10 l'obtusion intellectuelle accom-

pagnée de maussaderie, excitabilité, angoisse vague, qui pré-

cède ou suit un accès; illusions de la vue désagréables ou

fantastiques ; 2° l'accès maniaque précurseur d'une crise con-

vulsive ou d'un long sommeil; 3° des auras passagères psycho-

sensorielles proeparoxysmiques telles que -la double sensation

94 le revue de pathologie mentale.

auditive, les illusions et hallucinations spéciales et familières

au même malade ; à leur égard la statistique d'Allenberg indi-

que les mêmes proportions de fréquence qu'en ce qui a trait

aux troubles de la sensibilité postparoxystiques. Ce sont juste-

ment ces perturbations sensorielles qui, mal interprétées par

l'épileptique ahuri, fournissent, de concert avec le genre de

caractère du malade, les éléments du délire. Selon que domine-

ront en lui la préoccupation de son état, la méfiance, l'irrita-

bilité, les sentiments religieux, il sera en proie aux conceptions

délirantes dépressives, au délire des persécutions, à l'angoisse

accompagnée d'impulsions irrésistibles, à l'expansion extatique.

L'analyse détaillée de chacune de ces formes psychopathiques

n'ajouterait rien aux descriptions répandues partout ; on con-

sultera cependant avec fruit les cinq observations de délire

expansif. Il importe également de faire remarquer la rapidité

de systématisation de ces conceptions et leurnon moinsprompte

disparition. De plus greffées sur le fond premier d'obnubilation,

ces psychoses sont loin de se manifester isolées ; une d'elles

apparaît pour faire, après une durée indéterminée, brusque-

ment place à une autre entité. Quand l'épilepsie est invétérée,

l'intrication, la fusion est si étroite, que le délire perd sa cou-

leur ; de cette nuit obnubilatoire persistant des jours et

des semaines, se dégagent de temps à autre, comme autant de

météores, des accès psychopathiquesfugitifs durantdesminutes,

des heures au plus. Seul, le délire expansif conserve en toute

circonstance son autonomie, ne se mélangeant que très rare-

ment avec d'autres modalités. Que ces accidents précèdent,

suivent (majorité des cas) ou remplacent l'accès d'épilepsie (équi-

valents), ils sont toujours identiques à eux-mêmes et conservent

le moment qu'ils ont dès l'abord adopté pour leur manifes-

tation. Ce n'est d'ailleurs qu'après des années que l'épilepsie se

double de l'état d'obnubilation mentale continue, la psychose

augmentant d'abord de fréquence avec chaque accès, puis d'in-

tensité, de durée, et de variété quand les accès diminuent de

nombre jusqu'à ce que la démence apathique termine l'ensem-

ble pathologique. Guérison extrêmement rare : six cas nets.

Sur quatre-vingt-onze épileptiques morts en démence, la

durée moyenne du séjour dans l'établissement d'aliénés était

de sept années. M. Sommer complète au surplus sa description

par les résultats statistiques portant sur le sexe, l'hérédité,

l'âge et la cause de l'épilepsie, la fréquence des perturbations

REVUE DE pathologie mentale. 95

mentales et la durée de l'épilepsie avant qu'elles n'appa-

russent. P. K.

II. Côtes fracturées dans les asiles anglais; par Lauder

LINS1Y, médecin de l'institut royal de Murray, pour les

aliénés, à Perth, en Ecosse. (Bulletin de la Société de médecine

mentale de Belgique, année 1880, 2e fascicule, p. 31-53.)

Ce mémoire réfute l'assertion que toutes les fractures de

côtes ou d'autres os sont le résultat de mauvais traitements de

la part des gardiens. Ces lésions peuvent se montrer très

facilement en dehors de toute violence ou rudesse desservants;

beaucoup sont dues à l'abolition inopportune de la contrainte

mécanique. L'auteur est ennemi du système du no-restraint,

aussi dangereux pour les patients que pour les fonctionnaires

et les gardiens des asiles. -

Ces lésions peuvent s'expliquer par l'extrême fragilité du

tissu osseux chez les aliénés ; elles sont souvent produites par

l'aliéné lui-même, elles sont souvent dues à une violence très

légère. Ce mémoire est suivi de l'exposé : 1° d'un cas d'ostéo-

malacie ; 2,, de la relation de cas de fractures de côtes décou-

vertes seulement à l'autopsie; 3° de l'exposé de cas de frac-

tures de côtes découvertes à l'admission dans les asiles

d'aliénés. E. CH.

III. LE traitement médical rationnel DES maladies mentales

aiguës ET curables; par le Dr Wiltie 13URDIANN, médecin

en chef du « Wilts country lunatic asylum, Devizes. ), (7lie

Journal of mental science, octobre 1879 et janvier 1880)

(Bulletin de la Société de médecine mentale de Belgique, année

1880, 2° fascicule, p. 8,e-93.)

Le De Burmann demande comme Mundy, Lockowt, Robert-

son, Griesinger, lord Shaftesbury, la séparation des cas récents

et des cas curables et des cas qui ne laissent plus guère d'espoir

de guérison.

1 La proportion des cas curables étant de 7 à 7, 25 p. 100,

ceux-ci doivent être à l'hôpital bien moins grand que l'asile

destiné aux incurables;

2° Au point de vue économique, cette séparation est avan-

tageuse ;

96 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ,

3° Cette division déconsidérerait moins le malade placé à

l'hôpital et les familles, comprenant la différence d'avec l'asile,

hésiteraient moins à y placer leurs aliénés; la médecine y ferait

plus de progrès; les cas de suicide seraient plus rares; les

médecins spécialistes s'attacheraient davantage à l'étude des

malades de l'hôpital. L'auteur n'admet pas que son projet soit

impraticable à cause de la difficulté qu'il y aurait à distinguer

les curables des incurables; il n'admet pas que son projet en-

traine à trop de frais, tant s'en faut. On ne ferait pas d'écono-

mies sur les malades de l'asile au point de vue du traitement

et de l'entretien, mais on prélèverait une surtaxe sur les

malades de l'hôpital. L'auteur réclame un bureau d'admission

comme à Sainte-Aune, mais il insiste pour que l'hôpital et l'asile

soient connexes, enfin il réclame l'emploi plus que jamais de

l'hydro et de l'électrothérapie, de la lumière, de l'obscurité,

et de la lumière cobici, l'emploi du pneumatomètre, du stéto-

graphe, de l'apnographe, enfin de toute la thérapeutique pneu-

matique. Ces opinions ne peuvent être admises sans un

examen approfondi. E. CH.

IV. Sur l'aphasie ET SUR la chronicité ET l'hérédité dans

la détermination des types DE folie ; par M. le D BILLOD.

(Bulletin de la Société de médecine mentale de l3elgz jzce, année

1880, 21 fascicule. p. 9z4-10 ? )

En tenant compte de deux éléments qui chez l'aphasique

peuvent être conservés ensemble ou détruits chacun séparé-

ment, à savoir : 1° l'intelligence, 2° la force morale ou l'éner-

gie du caractère, M. Billod, en faisant ressortir combien

l'aphasique ressemble à l'enfant et au vieillard, pense que

l'aphasique, tout intelligent qu'il soit resté, n'en est pas moins

dépourvu d'une certaine force morale, devenu accessible à

certaines influences, désarmé devant le danger des captations.

« Si peu nombreux que soient les cas d'aphasie dans lesquels

l'intelligence reste intacte, il est impossible de ne pas les

admettre. Seulement il ne faut pas se croire autorisé à con-

clure toujours de l'intégrité de l'intelligence à celle delà force

morale, et par suite à la responsabilité entière. A l'opinion de

M. Billod, le Dr Cuylitz oppose la définition de M. Jules

Falret, qui signale comme caractère distinctif de l'aphasie,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 97

l'intégrité de l'intelligence et des organes de la phonation.

M. Cuylitz ne partage pas l'opinion de M. Billod qui, par la

théorie de la suppléance cérébrale, explique comment l'in-

telligence peut rester entière chez l'aphasique ; il n'est pas

besoin de cette théorie ; l'intelligence reste intacte parce que

les parties du cerveau réservées aux fonctions intellectuelles

ne sont pas atteintes. En admettant la suppléance, comment si

peu de malades en profitent-ils ? M. Cuylitz n'admet pas l'ap-

plication de la théorie de la suppléance pour le langage, car il

n'y a qu'un centre et non deux pour le langage. Par conséquent

il n'admet pas la conclusion de M. Billod relativement à son

cas d'aphasie chez un paralytique général à savoir que : si la

suppléance pour le langage n'a pu s'établir dans ce cas, c'est

vraisemblablement que les deux circonvolutions étaient symé-

triquement lésées.

Quant à la chronicité, elle constituerait un procédé à l'aide

duquel la folie héréditaire qui évolue par générations succes-

sives d'individus, développerait ses différents stades sur un

même individu, ce qui se réduit à une question de part et d'au-

tre. Les aliénés qui doivent à la chronicité leurs apparences

héréditaires sont rares. M. Billod n'en a observé que quinze cas

bien nets sur quinze mille aliénés. E. CH.

V. Le morphinisme ; par le D Frantz iVIuLLR; de Gratz,

( GVaéner zecla'a,izza'schen pwesse, t880,)

Lorsque Wood, l'inventeur des injections sous-cutanées,

créa par sa méthode un admirable moyen de soulagement

pour l'humanité souffrante, il ne se doutait guère qu'il allait

donner naissance à un mal aussi grave que l'opiophagie de

l'Orient, mal d'autant plus triste que ses victimes habituelles

sont des gens instruits et surtout des médecins. Cette maladie,

qui consiste dans l'usage continu des injections de morphine,

s'appelle le morphinisme.

Le tableau clinique du morphinisme est vaste, car, d'ordi-

naire, toutes les fonctions de l'organisme sont atteintes.

I. Au premier plan sont les troubles de la nutrition. Après

six, huit, douze mois de fortes doses de morphine injectée sans

interruption, les malades commencent à se plaindre d'ano-

rexie et de constipation opiniâtre ; puis, ils maigrissent rapide-

118 REVUE DE PAT)tOLO(J)Ë MENTALE.

ment. Le visage pâlit, devient cadavéreux, la peau se ride; les

yeux sont cerclés, les globes oculaires perdent leur éclat, le

regard n'a plus aucune expression. Les membres inférieurs

s'oedérnatient, la démarche devient chancelante. Plus tard, le

catarrhe de l'estomac, les vomissements, les pituites du matin

ne font jamais défaut.

II. Tout aussi importantes sont les altération * des sécrétions.

L'urine contient, dans les cas accentués, de l'albumine et

même du sucre. (Krage et Levinstein ont signalé ce fait chez

des chiens morphinisés.) On observe presque toujours chez

les femmes la cessation des règles et l'apparition des pertes

blanches, et chez l'homme l'absence des spermatozoïdes et

l'impuissance. La sécrétion sudorale est aussi profondément

troublée : les malades sont souvent baignés d'une sueur vis-

queuse, qui les oblige à changer de linge plusieurs fois par

jour.

III. Des troubles vaso-moteurs s'ajoutent aux précédents : le

pouls est ralenti, petit, souvent filiforme et irrégulier. - Plus

tard survient de l'angoisse précordiale : des crises douloureuses

éclatent, caractérisées par une sensation particulière de cons-

triction épigastrique et par de violentes palpitations; elles dé-

butent ordinairement par une douleur que le malade compare

à un coup de couteau dans le coeur.

IV. Les troubles de la motilité sont observés sans exception.

Ce sont de l'affaiblissement musculaire, du tremblement de la

langue et des mains, quelquefois môme de l'incoordination des

membres inférieurs. Les paralysies véritables manquent habi-

tuellement, et n'ont guère été observées que pour l'appareil de

la vision ; c'est ainsi qu'on a pu constater la parésie des mus-

cles de l'oeil (diplopie), et du muscle ciliaire (troubles de l'ac-

commodation) ; d'autre part, l'immobilité de la pupille et le

myosis sont caractéristiques.La vessie est contracturée, sou-

vent aussi paralysée, et il ya dysurie, rétention d'urine. -Les

réflexes cutanés sont augmentés, et les réflexes tendineux di-

minués ou même abolis; cet antagonisme entre les deux ordres

de réllexes est très net aux membres inférieurs, absolument

comme dans le tabes classique.

V. Du côté de la sensibilité, on observe les troubles les plus

variés, tels qu'engourdissements, fourmillements, démangeai-

sons, etc. ; et en même temps les malades souffrent de névral-

gies diverses, intercostales, viscérales.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. <j9

VI. Dans la sphère sensorielle, on a observé à plusieurs re-

prises l'amblyopie morphinique, des modifications du goût (sa-

veur amère des aliments), et plus rarement des troubles de

l'ouïe et de l'odorat (bourdonnements d'oreilles, odeur de cha-

rogne).

VII. Les symptômes cérébraux et psychiques sont très impor-

tants. Les plus constants sont une céphalalgie sourde, particu-

lière, des syncopes, des vertiges, des troubles de la respiration ;

et, dans l'ordre psychique, un changement fréquent du carac-

tère qui devient sombre, morose, timide, un dégoût prononcé

pour le travail, une indifférence qui va jusqu'à l'apathie com-

plète, et par dessus tout la disparition de toute énergie, de

toute volonté. La mémoire qui réagit encore promptement et

fidèlement dans les cas récents, s'affaiblit à la longue. Les

perceptions sont singulièrement ralenties. Les hallucinations

de la vue sont rares.

Ces troubles somatiques et psychiques conduisent fréquem-

ment les malades au dégoût de la vie et à des tentatives de suicide.

En dehors de ces symptômes, surviennent souvent, dans la

période ultime du morphinisme, des accès de fièvre qui mé-

ritent une mention spéciale : ils revêtent la forme intermit-

tente et sont caractérisés par des stades habituels de frisson,

de chaleur et de sueur. La température atteint de 38° à 'i.0°; la

rate est augmentée de volume. Le type tierce est le plus

fréquent; mais, parfois, l'intermittence est irrégulière. Au pa-

roxysme de la fièvre, survient souvent du délire. Parfois on

n'observe aucune intermittence, et la fièvre revêt l'apparence

d'une lièvre typhoïde ; les malades ont de la céphalalgie, des

bourdonnements d'oreilles, des vertiges, de la prostration ; ils

sont obligés de garderie lit plusieurs semaines (forme typhoïde

de Levinstein).

Le diagnostic ne présente ordinairement aucune difficulté,

bien que la séméiotique du tabes, surtout quand il n'existe pas

encore d'incoordination, soit assez semblable à celle du mor-

phinisme; rappelons en effet l'anesthésie, les douleurs fulgu-

rantes, la dysurie, la constipation, l'extinction du réflexe ten-

dineux, les vertiges. Mais c'est avec l'alcoolisme chronique que

le morphinisme a le plus de ressemblance et même d'analogie;

toutefois l'examen minutieux des circonstances étiologiques

établira facilement le diagnostic.

La marche est essentiellement chronique et fatalement pro-

100 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

gressive, les malades augmentant chaque jour la dose de mor-

phine pour obtenir les mêmes effets; ils tombent alors dans un

état cachectique qui les mène plus ou moins vite à la mort.

Les récidives sont fréquentes : un malheureux atteint de mor-

phinisme entre à l'hôpital; il est privé de morphine, il guérit,

et il sort jurant de considérer la seringue de Pravaz comme

un lYol ne ta7ge·e; mais, au plus prochain accès doulou-

reux, sa force de résistance est vaincue, et il a de nouveau re-

cours aux injections. Levinstein a compté soixante et une réci-

dives sur quatre-vingt-deux cas, dont trente-deux chez des

médecins.

Comme étiologie, il faut signaler d'abord l'existence d'une

affection douloureuse qui a nécessité l'emploi de la morphine

et qui, calmée d'abord par des doses faibles, ne l'est plus

tard que par des doses de plus en plus fortes, un, et même

deux grammes ! Le sexe masculin, la profession médicale,

pour des raisons faciles à comprendre, sont le plus souvent

atteints.

Le traitement-doit évidemment consister à priver les ma-

lades de morphine et à empêcher les récidives. On a beaucoup

discuté dans ces derniers temps la question de savoir si la

cessation de la morphine devait être brusque (Levinstein et

Boek) ou progressive (Gùntz). A priori, tout parle en faveur

de la cessation brusque; mais voyons les résultats de cette mé-

thode. Les premières heures qui suivent la dernière injection

s'écoulent dans le calme; puis surviennent des frissons, des

bâillements, des éternuements, de la céphalalgie et des névral-

gies pénibles; un peu plus tard, de la diarrhée, des vomisse-

ments, une insomnie persistante. A ces symptômes s'ajoute

une prostration profonde, de la dépression psychique, et une

anorexie complète. On peut réussir à combattre cet état

par des excitants et des analeptiques, parfois par une petite

dose de morphine; mais les symptômes peuvent aussi s'ag-

graver au point d'amener la mort. Ainsi mourut à l'hôpital

de Dresde une couturière, qui, privée de morphine, tomba dans

un collapsus dont on ne put la tirer. Un jeune médecin suc-

comba de même, malgré la précaution prise de lui injecter de

temps en temps une petite quantité de morphine. Au lieu de

ce collapsus redoutable, on peut voir apparaître un délire,

sur lequel Levinstein a le premier attiré l'attention, et qui est

très analogue au delirium tremens : délire, tremblement, in-

REVUE DE P.1TIIOLOGIr MENTALE. 101

somnie, hallucinations, terreur, tels sont les traits habituels '.

Plus rarement, on a vu, à la suppression subite de la mor-

phine, survenir des pneumonies.

Cette méthode n'est donc pas inoffensive. Le morphinisme

étant caractérisé surtout par un état d'épuisement du système

nerveux central, il n'est pas étonnant qu'un moyen qui prive

complètement et brusquement les centres nerveux de leur ir-

ritant accoutumé puisse entraîner les accidents les plus graves.

Il faut ne se faire aucune illusion sur les prétendus avantages

de la suppression brusque, et ne s'attendre nullement à un

résultat réel et durable- si le malade quitte l'hôpital au bout de

huit ou quinze jours; l'affaiblissement de sa volonté rend la

récidive tout aussi sûre que chez l'alcoolique qui, quelques

jours après un accès de delirium tremens, sort de la clinique

soi-disant guéri.

Seul, un traitement de longue durée et systématique et une

surveillance étroite du malade peuvent amener un soulage-

ment durable, et c'est vers ce but que le médecin doit diriger

tous ses efforts. La cessation graduelle doit être uniquement

employée.

Ici, l'auteur expose sa méthode. Elle consiste à substituer à

la morphine de petites doses d'opium, et à diminuer ensuite la

quantité d'opium jusqu'à sa suppression. L'opium unit à l'ac-

tion de la morphine une action tonique et trophique sur les

centres nerveux, et il calme les troubles gastriques. Le patient

reçoit encore un soir son injection accoutumée; puis, le len-

demain, au lieu de morphine on lui fait une injection d'opium

qui représente la moitié ou le tiers de l'alcaloïde habituel. En

même temps, on administre un peu d'extrait thébaïque et de

noix vomique sous forme de pilules qui auront pour avantage

de permettre de cesser un peu plus tôt les injections. On sous-

traira ensuite chaque jour un centigramme à la dose de l'injec-

tion, jusqu'à ce qu'on arrive à une quantité très peu élevée, à

laquelle on se tiendra plus longtemps, avant de la supprimer

elle-même peu à peu. Un régime fortifiant sera prescrit; et

comme les malades éprouvent tout d'abord une répulsion in-

vincible pour la viande, on leur fera prendre du jus de viande

1 11. Bourneville a rapporté dans Y Iconographie photographique de la

Salpêtrière (t. 111, p. 53) on cas très remarquable de morphinisme. Son

traitement a consisté en la diminution progressive de la morphine; en

injections de plus en plus faillies d'atropine; en douches, etc.

102 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

fraîchement exprimé, ou du « fluid méat», dans le potage. Le

premier jour de ce traitement, le malade est abattu; il a des

frissons, des bâillements, des sueurs, et surtout de l'insomnie;

on combattra facilement ces symptômes par l'administration,

le soir, d'un verre d'un vin généreux ou de Sherry. Le matin

on fera des frictions humides à 12° ou 160.

Par ce mode de traitement, l'auteur n'a jamais vu survenir

d'accidents .graves, tels que le collapsus. L'état général s'amé-

liore peu à peu; la langue se nettoie, la fétidité de l'haleine dis-

paraît, l'appétit renaît rapidement; les selles reprennent leur

régularité, le sommeil revient, le tremblement cesse, les pu-

pilles redeviennent normales, la vue s'améliore, la nutrition

enfin s'accomplit d'une manière satisfaisante,

Un point aussi important que la cessation de la morphine

est d'empêcher les récidives. Pour éviter les rechutes, il est

nécessaire, avant tout, de faire subir à la maladie qui avait né-

cessité primitivement l'emploi des injections, un traitement ra-

tionnel et d'essayer delà guérir.

Mais la prophylaxie la plus importante est placée entre les

mains des médecins et des pharmaciens, elle doit consister en

ceci : 1° jamais, en aucun cas, le médecin ne remettra au ma-

lade ou à son entourage ni seringue de Pravaz, ni liquide à

injecter. En faisant une pareille concession à ses clients, un

médecin les condamne à mort; 2° les pharmaciens ne délivre-

ront les solutions de morphine qu'aux médecins.

En face des commandes incessantes de seringues à injec-

tions sous-cutanées qui sont faites par le public aux fabricants

d'instruments deriiiruroie, la presse médicale a le devoir d'aver-

tir le public des suites terribles du morphinisme. L'auteur ré-

sume en terminant l'intéressante observation qui suit :

«Th. L..., trente-huit ans, célibataire, institutrice, mère névro-

pathe et tante hystérique. A vingt-trois ans (t8fi4), à la suite d'émo-

tions violentes, elle perdit le sommeil ; puis, céphalalgie, cardialgies,

et névralgie intercostale gauche. En 1 8 G 9 , après une fièvre typhoïde,

cet état s'aggrava tellement qu'on dut remplacer le traitement

interne par des injections de morphine. Ces injections produisaient

chaque fois un soulagement momentané, sans enrayer le mal. Au

commencement de 187 : i, la malade commença à se les faire elle-

même, et elle arriva rapidement à huit, neuf, dix seringues par jour.

Elle s'injectait par jour en moyenne quarante-cinq centigrammes

d'tlydroclilorate de morphine. Dans le courant de 1877, fort trem-

blement des extrémités, constipation opiniâtre, perte complète de

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 103

l'appétit, vomissements surtout le matin, cessation presque complète

des règles et flueurs blanches abondantes, affaiblissement de la

mémoire, apathie, diplopie, accès de fièvre intermittente. Elle pri

à diverses reprises la résolution de renoncer aux injections de mor-

phine, mais ne put y parvenir. En janvier 1889, elle alla consulter

le D'' Walser, qui me l'adressa.

Voici le résultat de mon examen : taille moyenne, amaigrisse-

ment considérable, état squelettique, aspect cadavéreux. La face

antérieure des deux cuisses est parsemée de nombreuses piqûres

et de petites cicatrices. P. 88, filiforme, lent. T. 38, myosis; langue

très chargée, fétidité de l'haleine; tremhlement de la langue, des

des mains, oscillations des paupières, névralgie intercostale

gauche. Extinction du réflexe tendineux; exagération des ré-

ilexes cutanés; - urines troubles, sédimenteuses, albumine appré-

ciable.

La malade reçut le soir même pour la dernière fois l'injection

habituelle. Le lendemain, 30 janvier, au lieu de la dose ordinaire

(quarante-cinq centigrammes) de morphine, on lui injecta à deux

heures de l'après-midi neuf centigrammes d'extrait aqueux d'o-

pium ; plus Lard, elle prit six pilules contenant chacune un centi-

gramme du même extrait; le soir, un verre de sherry. Puis, tous

les malins, frictions de '12° à 16°. Comme régime, du jus de viande,

des oeufs du vin; et, contre la névralgie intercostale, application

des courants constants.

Chacun des jours suivants, on injecta un centigramme d'o-

pium de moins jusqu'à ce qu'au 4 février la dose fut réduite à

quatre centigrammes; elle fut maintenue telle jusqu'au 20. Ace

jour, les règles qui avaient cessé depuis l'automne de 1877, réap-

parurent sans douleur. Le 20 février on injecta trois centigrammes,

et la malade prit quatre pilules; le 22 février, elle reçut une injec-

tion de un centigramme et trois pilules en tout quatre centigram-

mes d'extrait d'opium, c'est-à-dire quatre milligrammes. de mor-

phine. Depuis le 31 janvier, la malade eut par jour trois à quatre

évacuations alvines spontanées. Au 2 février, le myosis avait dis-

paru, et, le 10, il n'y avait plus que des traces d'albumine dans l'u-

rine. La patiente jouit aujourd'hui d'un bon appétit; sa langue

est tout à fait nettoyée, le tremblement a cessé. Les pupilles sont

moyennement dilatées et réagissent bien sous l'influence de la lu-

mière; la névralgie intercostale s'est dissipée, le réflexe tendineux

a reparu des deux côtés du corps, et l'état physique et psychique

s'est considérablement amélioré. »

L'auteur ajoute comme complément de son observation que

la malade ne prend plus depuis le 10r mars que trois centigram-

mes d'extrait d'opium, et qu'elle a engraissé de 3,700 grammes

du 30 janvier au 12 mars.

lot REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Elle n'a pris en secret aucune dose de morphine, ainsi quel'a

révélé l'examen des urines, qui a été fait depuis le mars, dans

le laboratoire du professeur Hoffmann, à l'aide du réactif de

Frôhde (solution de dix milligrammes de molybdate de sodium

dans dix centimètres cubes d'acide sulfurique pur concentré).

L'énergie de ce réactif est telle qu'il peut mettre en évidence

jusqu'à cinq dix-millièmes de grammes de morphine.

CII. MAYGRJER.

VI. Education des IDIOTS; par le D1' C.-H.-S. de

Meriden (Connecticut). (A)He ? '<cfM ! meect/ fri-hebdomadaire,

juin 1881.)

De même que le D' Berlin, il arrive aux conclusions suivantes

en ce qui concerne l'éducation des idiots : il les idiots et les

imbéciles doivent être traités d'une façon différente et séparé-

ment des autres malades; 2,° il n'y a aucun avantage à les pla-

cer dans les écoles avec les autres enfants; 3° il ne faut pas

les enfermer avec les fous dans les asiles; 4° on ne doit pas

les incarcérer dans les maisons de correction; 5° on ne les

réunira pas aux pauvres pensionnaires des maisons de charité ;

G0 dans la grande majorité des cas, le traitement sera beau-

coup meilleur s'il est bien organisé et fait à domicile. Toutes

ces conditions, sauf la dernière, paraissent bien fondées.

Il est en effet fort difficile, sauf pour les enfants riches, d'or-

ganiser à domicile un traitement et un enseignement conve-

nables.

VII. Aliénation mentale chez UN sujet atteint d'anémie et

DE cachexie palustres ; par ? IfI11L1S Mickle. ( ? a6'7/0-

ner, novembre 1881, p. 338.) z

Cas curieux d'aliénation mentale, chez un sujet qui ne

présentait ni antécédents personnels ou héréditaires, ni cause

prédisposante quelconque : quelque temps après le dernier

accès palustre, le malade devient incohérent et violent, sans

que l'on puisse toutefois constater chez lui ni hallucinations,

ni illusions ; pendant un certain temps il a été gâteux. En

même temps, on voit apparaître des signes d'anémie et de

revue de pathologie mentale. 105

cachexie avancées ; teinte jaune sale de la peau, oedème très

marqué des extrémités inférieures, troubles cardiaques, alté-

ration des globules sanguins, etc. Cet état physique et mental

dont le début remonte à environ six mois, n'a pas cessé de

s'aggraver d'une façon progressive. Le traitement par l'arsenic

ayant complètement échoué, le sulfate de quinine est admi-

nistré à la dose de 1 gramme environ par vingt-quatre heures,

et en deux jours on obtient une amélioration appréciable. Au

bout de cinquante jours de traitement quinique et martial, le

malade est presque guéri ; on suspend la quinine, et on main-

tient le fer (on avait graduellement abaissé la dose de quinine) ;

un mois après, quelques symptômes palustres ayant reparu,

on a de nouveau recours au sulfate de quinine, et six semaines

après, le malade sort parfaitement guéri, tant au point de vue

physique qu'au point de vue mental. R. de M.-C.

VIII. De l'influence des maladies aiguës sur la genèse des

maladies mentales ; par Emile KPGEPELIN. (f1 TCIt. f. Psych.

u. Il érvecalc., t. I, 2 et 3)'. 1.

B. Rhumatisme articulaire aigu. L'appréciation générale

des diverses opinions classiques dont l'auteur fait précéder ce

chapitre nous ramène, à peu de chose près, aux généralités

qui inaugurent le mémoire. M. Kroepelin se rattache pour cer-

tains cas à l'influence de la prédisposition individuelle ; pour

d'autres, à l'action de l'hyperthermie (directe ou chimique). Les

théories de la métastase, de la propagation inflammatoire, de

la dyscrasie hématochimique, doivent à son sens céder le pas

à l'étude des ferments infectieux. Le rôle psycliopathique des

complications disparait devant l'anémie, conséquence de la

dystrophie rhumatismale. Les variations énormes de la fré-

quence des psychoses en question, selon les diverses statis-

tiques (0,07 à 12, 3 p. 100), seraient favorables a l'interpréta-

tion spécifique de leur nature (transformation du génie

morbide). Un relevé de cent quatre-vingt-dix faits a fourni à

M. K... : Sexe : 1L, fil, 3 p. 100 ; F., 38, 7 p. 100 ; - âge : .-

moins de trente ans, G8 p. 100; prédisposition, constitution

nerveuse, anémie, puerpéralué, 31,5 p. 100; influences cn2c-

sales quelconques, 72 p. 100.

1 Voir Archifct de Neurologie, t. il. p. 203,

106 revue de pathologie mentale.

Aux termes des indications, ni l'alcoolisme, ni l'intensité

du rhumatisme, ni l'hérédité ne mériteraient les anathèmes

lancés contre eux,. tandis que l'importance des compli-

cations cardiaques serait représentée par la proportion de

57,3 p. 100. -

La classification repose également, ici, sur la phase de la

maladie à laquelle les vésanies se montrent.

I. Celles de l'acmé fébrile, les plus fréquentes, contribuent

aussi pour la plus forte part à la mortalité d'ensemble causée

par les complications mentales du rhumatisme (69 à 70 p. 100).

Atteignant surtout les hommes (55 hommes sur 95 cas), elles

sont anatomiquement constituées par l'hypérémie des centres,

ou la méningite. Celle-ci est, soit purulente (18 observations

de ce genre), et dérive alors de foyers pyémiques abarticulaires,

soit embolique d'origine cardiaque, soit vasculofibrineuse, et

mérite alors le nom de méningite rhumatismale vraie (10 obser-

vations à l'appui). Il n'y aurait d'ailleurs aucun signe clinique

différentiel entre ces formes nécroscopiques, l'ophthalmoscope

lui-même étant impuissant à déceler autre chose qu'une con-

gestion papillaire variable (Schreiber), même en ce qui con-

cerne la méningite rhumatismale proprement dite. Une agita-

. tion violente durant quelques heures pour faire place au

collapsus, tel en est le tableau habituel à la deuxième semaine

du rhumatisme, en l'absence de complications cardiaques.

Voici, au surplus, le résumé synoptique des distinctions

d'ordres divers établies par 11t. ICroepelin dans cette caté-

gorie.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 107

108 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

par le rhumatisme. Leur développement est évidemment

favorisé par toutes les causes d'adynamie (excès, etc.) que l'on

observe chez 30 p. JUO des malades, y compris les complica-

tions cardiaques graves (Il p. 100). Age toujours le même,

sexe indifférent. Durant-les unes moins, les autres plus de

quatre semaines , ce sont elles qui représentent l'aliénation

vraie. Leur symptomatologie polymorphe permet toutefois la

systématisation suivante :

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 109

en rapport avec les récidives du rhumatisme. Quant aux ma-

nifestations choréiformes, elles ne seraient pas spéciales aux

psychoses, d'autant qu'il est fréquent de voir les deux syn-

dromes évoluer différemment.

C. Pneumonie. La collation des statistiques des auteurs

prouve la fréquence des psychoses dans cette maladie. Les

cent cinquante cas réunis par M. K... ont trait à 83,8 p. 100

du sexe masculin ; 52,6 d'un âge inférieur à trente ans. Le

mésusage de l'alcool y joue un grand rôle. Marche très prompte.

Pronostic relativement favorable.

I. Cent sept cas appartiennent à la période fébrile. L'alcoo-

lisme étant établi comme terrain primigène, c'est à l'hyperther-

mie, qui dans 60 p. <00 dépasse 4n°, qu'il faut en attribuer le

développement. C'est pour cotte raison qu'on y note alors si

.fréquemment des pneumonies du sommet et que l'évolution,

suivant la marche de la température, ne dépasse pas quelques

jours. La mort ne se montre que dans 29 p. 100. La sympto-

matologie comporte deux catégories de types. Les premiers, en

majorité, ne dépassent pas l'ascension pyretiquo : ils se mon-

trent du quatrième au sixième jour de la pneumonie avec

l'élévation thermométrique de plus de 40°, par une agitation

nocturne dégénérant bientôt en un délire confus, calme, entre-

coupé parfois d'accès de manie ; les accidents marchent paral-

lèlement avec les ascensions et descentes, vespérales et mati-

nales, duthermomètre, lacontinuité échéante de l'hyperthermie

supprimant les rémissions psychiques. Mortalité 35,4 p. 100,

concernant principalement des buveurs : congestion méningo-

corticale. Le diagnostic repose sur la recherche des signes de la

pneumonie, l'examen thermométrique; la différenciation d'avec

ledélirium tremens n'est possible que pour lesformes accentuées,

la parenté étant si intime, que celui-ci leur succède souvent im-

médiatement. La seconde série d'observations (28) concerne les

accidents psychiques qui se proloii-en jusqu'à la convalescence;

l'hérédité et l'excitabilité nerveuse interviennent déjà dans l'étio-

logie. Ce sont, ou bien les formes du premier groupe, mais aux

derniers jours delà pneumonie, lors de la chute de la fièvre : 38°

à 39°, engendrés momentanément par la faiblesse du coeur

(hypérémie stasique des centres nerveux); ou bien du délire

avec agitation, soit mélancolique (angoisses, persécutions, vio-

lences), soit euphorique (mégalomanie exaltée, expansion

110 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

joyeuse exultante), soit circulaire, produit et entretenu par des

hallucinations visuelles auditives, tactiles, qui, apparu au qua-

trième ou cinquième jour de l'affection pulmonaire, se prolonge

des semaines, des mois après la maladie. Toutes bénignes, ces

psychopathies exigent la thérapeutique précédemment nom-

mée et la proscription absolue des actions antiphlogistiques

exagérées.

II. L'épuisement nerveux qui résulte de l'hyperthermie pneu-

monique entraine, comme à la suite de toute autre pyrexie,

des accidents cérébraux de nature asthénique au moment de la

convalescence chez des sujets prédisposés par l'hérédité

(60 p. 100), l'anémie, l'irritabilité du système nerveux. Aussi

les voit-on sévir au delà de trente ans, revêtant, quelque masque

clinique qu'ils assument, et ils les adoptent tous, une extrême

acuité, en même temps qu'apparaissent les signes de l'épuise-

ment somatique : T. 37° ou 36°,9; P. 60. Durée : générale-

ment moins de huit jours ; guérison rapide, grâce au rétablis-

sement de l'équilibre circulatoire par les reconstituants.

Pleurésie Bien moins aiguë que la pneumonie, cette ma-

ladie, qui d'ailleurs l'accompagne souvent, donne lieu bien

plus rarement à des troubles psychiques. M. Kroepelin n'a pu

en relever que huit cas dans lesquels l'hérédité exerçait une

influence indéniable. Ceux de la période fébrile, d'une durée de

quatre, douze jours à deux mois, seraient rattachables à la

lièvre ; légers ou graves selon le processus anatomique (hypé-

rémie ou inflammation'cérébroméningée), ils se présentent

sous la forme de la mélancolie anxieuse. Tel est aussi l'aspect

clinique de ceux de la convalescence en rapport avec l'anémie;

durée longue (un an et davantage), généralement guérison.

Coqueluche. Il s'agit de trois observations de Ferber concer-

nant deux filles et un garçon en proie à la mauvaise humeur,

à la crainte, à la sitophobie. Mort d'une des filles. Le garçon,

entaché d'hérédité, guérit au bout de quelques semaines. La

pathogénie échappe complètement.

D. Exanthèmes aigus et érysipèle. 1 Variole. Quelle que

soit la part réelle ou idéale prise par l'état fébrile, la conges-

tion encéphalique, l'infection du ferment morbide agissant ou

non par décomposition de l'albumine dans les pustules (Emmin-

ghaus), à la genèse des phénomènes nerveux, c'est encore à la

distinction clinique qu'il convient d'avoir recours alors que les

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 111 I

modalités du délire dépendent de la diversité des stades de

l'exanthème fébrile, et peuvent toutes être rattachées à l'exis-

tence de l'hyperthermie (stade initial et période de suppura-

tion) ou de l'asthénie (phase d'éruption et période terminale).

De là le maintien des deux catégories préalablement établies.

LesMyeA(MM/ë ? <M, relevant surtout de l'hyperthermie,

se montrent principalement pendant le stade initial c'est-à-dire

du troisième au cinquième jour de la maladie; leur évolution

dépend delà variabilité de l'ascension thermique : c'est ce qui

explique que dans plus de la moitié des cas elles se prolongent

sans interruption jusque pendant la suppuration ou môme

pendant la convalescence mais aussi en diminuant de violence.

Elles sont constituées par de la mélancolie avec agitation,

excitation psychique, confusion et précipitation dans les idées.

Durant en'moyenne moins d'une semaine, rarement plus d'une

année (hérédité, influences individuelles) elles admettent un

pronostic très favorable et la guérison. Le diagnostic ne peut

avoir à s'exercer que lorsque le délire précède l'invasion vario-

lique ; le thermomètre et la constitution épidémique jugent du

cas avant qu'il ne soit bien caractérisé. La vaccination, les

antipyrétiques locaux et les calmants, tel sera le traitement.

Les psychoses asthéniques se développent : les unes, avec la

chute,de la T. entre la période d'éruption et la fièvre de suppu-

ration ; les autres pendant la desquamation. Les premières,

caractérisées par un délire hallucinatoire (ouïe et vue) calme,

à part les crises occasionnées par la nature désagréable de

l'hallucination, seraient en rapport avec la théorie toxhémique

d'Emminghaus ; M. Kroepelin fait remarquer à ce propos qu'il

serait plus logique d'admettre une action zymotique se produi-

sant, dès les premiers jours, directement sur le système ner-

veux central. D'où cette conclusion d'avoir à réserver pareille

pathogénie pour les délires du début, et d'admettre plutôt dans

l'espèce un épuisement aigu du système nerveux succédant à

l'oscillation thermique considérable, ainsi qu'à la déperdition

séreuse centrale (pustulation périphérique). En effet, fréquentes

dans les varioles graves, confluentes, ces psychoses se montrent

du quatrième au cinquième jour plus ou moins tôt selon que

la T. s'abaisse plus ou moins vite, ne durent pas plus de trois

jours, excepté quand elles fusionnent avec les accidents céré-

braux de la suppuration (25 p. 100 des faits sur vingt observa-

tions) et sont mortelles dans le quart des cas. Les deux autop-

11 -) REVUE t) ! ! PATHOLOGIE MENTALE.

sies relevées ne jettent aucune lumière sur la nature des lésions

encéphaliques. L'hypothermie indique et le genre de la vésanie

et le traitement à mettre en oeuvre : fortifiants, opiacés. Les

psychoses asllaérziques de la desquamation se rapprochent bien

plus de l'aliénation mentale vraie ; elles en ont la lenteur gra-

duelle d'évolution, et la profondeur d'implantation. Répondant

à l'entité mélancolie anxieuse greffée sur des idées délirantes

dépressives avec hallucinations, accès d'agitation, tentatives de

suicide et sitophobie, elles commencent au début de la troi-

sième semaine par de l'insomnie ou une crise de manie, après

la fièvre de suppuration, pour se prolonger de un mois à un

an. Sur huit observations, cinq malades ont guéri; trois, au

bout de trois semaines à sept mois, sont simplement améliorés.

Toniques; fortifiants, nutritifs. Elles appartiennent assez sou-

vent à une variole très grave ayant déjà fourni un délire fébrile.

2° Scarlatine. Cette fièvre éruptive serait la cause essentielle

et non pas l'occasion des troubles nerveux, puisque \\ p. 100

des patients avaient une scarlatine grave à hyperthennie

excessive. Elle agirait ainsi particulièrement sur les adultes,

car 42 p. 100 des individus observés avaient dépassé l'âge de

vingt-cinq ans. Les psychoses fébriles y revêtent deux formes,

celle du collapsus succédant à une agitation initiale de courte

durée ou de la lypémamie avec excitation et obnubilation psy-

chique, hallucinations désagréables (angoisse, agitation, vio-

lences). L'exagération de l'ascension thermique et sa prompti-

tude (41°, 4) et la malignité de l'intoxication (cas foudroyants

de collapsus), voire la complication albuminuro-urémique (ici

pas d'hallucination, guérison) en sont les facteurs. Début du

quatrième au cinquième jour. Evolution en peu de jours. Deux

morts seulement sur seize cas : autopsie négative (infection).

Le diagnostic facile de l'urémie comporte le traitement que

l'on sait; sinon thérapeutique antiphlogistique et symptoma-

tiquo. Les vésanies de la convalescence groupées par Thomas

sous le nom de délire nerveux, résultat de l'épuisement, concer-

nent également un délire lypémaniaque confus à idées chan-

geantes, rarement exaltées, accompagné d'hallucinations. 11

apparaît du neuvième au onzième jour pendant la desquama-

tion : durée ordinaire, une semaine. Pronostic absolument

favorable.

3° Rougeole. Très rares, les troubles psychiques s'y mon-

trent pendant lej eune àge (faible résistancedii système nerveux).

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 113

Ceux qui accompagnent la fièvre se bornent, au moment de

l'acmé thermique, à de l'agitation, de l'insomnie, un léger

délire. Quand l'hyperthermie reste médiocre, c'est que l'infec-

tion agit seule. Les accidents prononcés devraient toujours

être rattachés à une atteinte cérébro-méningée. Marche courte;

pronostic favorable. Quatre cas concernent l'asthénie, ayant

tous guéri; ils ont trait à un délire furieux avec hallucinations

delà vue et de l'ouïe chez une fillette de treizeans; -à de l'agi-

tation avec mélancolie confuse chez une petite fille de huit ans ;

à de la manie confuse avec violences et sitophobie chez

le si ère de cette malade âgé de six ans (folie à deux); enfin

à un délire hallucinatoire chez un homme de vingt-sept ans. -

4° ? </9e/c. Il ne donne lieu a des manifestations psychi-

ques que lorsqu'il occupe ou envahit la tête et se transporte sur

l'aponévrose épicrànienne. C'est bien la localisation céphalique

(troubles de circulation) et l'hyperthermie, jointe à l'action

zymotique en certaines épidémies, qui engendrent un délire

furieux, une agitation extrêmement violente, pendant la fièvre

ainsi qu'en font foi deux autopsies : taches rosées dans l'écorce

du cerveau et obstructions emboliques des sinus. Dans les cas

favorables, les accidents cessent avec l'état fébrile, à moins

qu'une prédisposition ne les prolonge, transformés, jusque

pendant la convalescence. La même cause, du reste, paraît

donner la raison du délire asthénique qui peut se montrer à

celte seule période. En cette double occurrence, on a affaire à

une exaltation mentale caractérisée par de la mégalomanie,

de la loquacité incohérente, de l'insomnie, des hallucinations

de la vue et de l'ouïe gaies, rarement à de la mélancolie

anxieuse ou stupide. M. Kroepelin signale, chez une jeune fille

de vingt-deux ans, une espèce de démence à forme d'imbé-

cillité succédant pendant la convalescence à un délire gai

de la période fébrile. Durée habituelle : une semaine. Gué-

rison.

E. Fièvre typhoïde. C'est la maladie aiguë par excellence

du délire et des troubles psychiques. La division comporte les

manifestations du stade prodromique et des premiers jours

rassemblées sous le nom de délires initiaux : comme ils se mon-

trent avant l'hyperfhermieet les anomalies de circulation, ils

doivent être rattachés uniquement à la toxhémie typhique

(dyscrasie hématique), ainsi qu'à l'action directe du poison

sur le tissu nerveux. Ils affectent d'ime manière générale la

8

11 le '< REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

forme de la mélancolie active : ressemblant à certains types

de fièvre intermittente larvée ou au début d'une psychose

ordinaire, ils précèdent d'un peu ou de quelques jours l'évolu-

tion thermique classique, pour persister ordinairement jusqu'à

la convalescence. Sous le nom de psychoses fébriles, il convien-

drait de rassembler d'abord les délires de lapreniière semaine,

plus ou moins semblables aux délires initiaux (formes de pas-

sage) ; puis ceux de la période d'état de l'affection : c'est alors

qu'interviennent progressivementles éléments pathogénétiques :

fièvre, hyperthermie, troubles circulatoires, dégénérescences

parenchymateuses, consomption du tissu nerveux, complica-

tions agissant immédiatement ou médiatement sur le cerveau.

A ces psychopathies doit être réservée, toutes choses égales

d'ailleurs, la dénomination de manie; mais c'est une manie

polymorphe, protéique, combinée à des phénomènes d'excita-

tion et de dépression. On en rapprocherait la forme méningi-

tique (excitation cérébrale) de Liebermeister, survenant brus-

quement au cours de la deuxième semaine, en même temps

que la température baisse, accident d'ailleurs passager. L'évo-

lution de toutes ces modalités cliniques ne dépasse pas d'habi-

tude quelques heures à un mois. Un quart des observations

démontre leur prolongation au delà de la convalescence pendant

des mois, voire des années. Le pronostic des psychoses fébriles

est bien plus favorable que celui des délires initiaux. La mor-

talité de ceux-ci étant de 62, 5 p. 100 (infection intense), celle

des délires delà première sema"te n'atteint que 41 p. 100,

tandis qu'il ne meurt que 21,8 p. 100 malades en proie

aux accidents psychiques de la période d'état. Les symp-

tômes défavorables sont : les convulsions et le trismus qui

indiquent toujours l'intensité des processus cérébraux. Les

autopsies pratiquées décèlent del'liypérémiem6111n-o-cérébrale,

de la méningite de la base et de la pachyméningite ; ce sont la

courbe thermique et les manifestations somatiques qui déci-

deront du diagnostic. Les antithermiques, l'hydrothérapie et les

sédatifs habituels seront également mis en oeuvre. Aux psychoses

de la convalescence ou asthéniques appartiennent et les psychoses

des stades terminaux prolongées, et celles qui apparaissent sous

l'influence de l'épuisement général, et de la dénutrition de l'éco-

nomie. L'asthénie survenant chez des individus prédisposésexa-

gère leurs côtés faibles et produit des troubles profonds, voire

irréparables danslanutrition du systèmenerveux central. Aussi,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 115 5

malgré les 71,8 p. 100 de guérisonsde cette sorte de perturba-

tions, la marche est-elle plus longue que pour aucune des

vésanies antérieures : elle va de un mois à un an .et même

davantage en 38 p. 100 des faits. Les entités cliniques obser-

vées se ramènent aux quatre rubriques synthétique suivantes :

1 idées délirantes isolées ou hallucinatoires; - 2° agitations

plus ou moins aiguës; 3° mélancolie calme, parfois stupide

accompagnée d'idées délirantes ; 4° faiblesse mentale. Les

indications ressortissant à la communauté de la cause se résu-

ment à relever les forces, stimuler l'énergie cardiaque; l'amé-

lioration mentale une fois obtenue, on peut essayer de la

gymnastique psychique (Maresch). Quant aux vésanies qui se

manifestent longtemps après l'épuisement du poison typhique,

il en est d'elles comme de toute psychose née sur un terrain

prédisposé ; la fièvre typhoïde a simplement préparé le système

nerveux, elle n'est plus en cause. Les maladies voisines de

la fièvre typhoïde donnent bien plus rarement lieu qu'elle aux

psychopathies. M. Kroepelin en a réuni six exemples relatifs à

la. fièvre récurrente, dont cinq appartenant à la période fébrile

(manie furieuse) et un au stade apyrétique de la seconde reprise

(mégalomanie avec agitation); terminaison favorable.il renvoie

à Panthel, Delasiauve, Holthoff (Coî,7,espo ? deîzzblatt de Erlen-

meyer, XVIII, 8, 1872) pour les cas semblables concernant le

catarrhe gastrique et intestinal aigu.

F. Choléra asiatique. La diffusion et la brièveté dps docu-

ments bibliographiques sur cette question expliquentle peu de

connaissances acquises. Les recherches de M. Kroepelin lui ont

appris l'absence de psychoses pendant le stade prodromique,

leur rareté excessive malgré les troubles circulatoires (stases vei-

neuses) émanant de la déperdition aqueuse rapide delapériode

algide. L'excitabilité et l'insomnie, souvent même la violente

agitation que l'on observe pendant la phase de réaction,

seraient imputables aux congestions en retour (brusque reprise

de la tension normale), bien plus qu'à l'influence du ferment

cholérique. C'est le choléra typhoïde qui brille par la fré-

quence et l'accentuation des perturbations mentales : quelques

jours après l'évolution des premières manifestations somatiques

se développe soudain un délire aigu avec agitation violente,

loquacité, insomnie (observ. personnelles), ouunétatsoporeux,

comateux (observ. des auteurs). L'ignorance où l'on est de la

nature et des causes de cette forme clinique explique

116 G SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'impossibilité d'éclairer la pathogénie de ces psychoses, d'ori-

gine fébrile, congestive ou peut-être urémique. La conva-

lescence ou plutôt les oscillations considérables subies par la

constitution des humeurs chargées de la nutrition, en un mot

la dystrophie cholérique sont responsables des trois types : agi-

tation maniaque aiguë mélancolie avec idées délirantes et

hallucinations stupeur. Durée moyenne, un mois. Guérison.

Hydrothérapie, et, contre les accès épileptiformes, électricité

(van liolsbek).

L'impossibilité de réunir des matériaux sérieux, touchant la

genèse des psychoses par d'autres maladies aiguës, dut forcer

l'auteur à borner làses monographies.il signale la diphthérite

(Lombroso), la métrite et l'oophorite aiguë (Becquet), la péri-

tonite (Krafft-Ebing), la dysenterie (Moussaud), l'angine phleg-

moneuse (Thore, Weber, Chéron), la glossite suppurée (Acten

der Mûnchener IC·ea'szrena7stale), la néphrite, aiguë, l'ictère

grave, la pyémie, la puerpéralité et la lactation '. P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ AIÉDICO-PSYCOLOGIQUE

Séance du 27 mars 1882. PnÉSJDENCË de 11. D.LLY.

M. Motet, qui a entre les mains un projet de loi sur les aliénés

présenté au parlement italien, en développe devant la Société les

principales dispositions.

M. Billod. A mon dernier voyage à Rome, M. Depretis m'a mis

au courant de ce projet, et m'a fait l'honneur de me demander

mon avis sur certains points incomplets.

1 Voir Archives de Neurologie, t. I, p. 604.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 117 Î

M. Voisin. A l'occasion du malade de M. Bail présenté à notre der-

nièrerénnion comme atteint d'hallucination unilatérale consécu-

tive à une lésion de l'oreille, je tiens à faire remarquer que ces

faits ne sont pas nouveaux. J'ai déjà publié en 1868 des observations

analogues.

Prix Belhûm ? ne. M. LFGR.IND du SAULLE annonce à la Société

qu'il vientde recevoir de la famille Belliomme un titre de rente de

trois cents francs destiné à récompenser le meilleur travail présenté

à un concours dont les conditions seront réglées ultérieurement.

Auscultation des parois du crâne. M. P. M.\n41s'(de Tours) lit

une note sur un mémoire du docteur Roberto-Adriani. médecin

directeur du Manicôme de Pérouse. Ce médecin italien, se basant

sur ce fait qu'en appliquant la main sur la tête d'une personne qui

parle on perçoit une vibration, a recherché si certaines maladies

cérébrales ne pourraient pas modifierla transmission desparolesdu

sujet à l'oreille de l'observateur.

De la responsabilité des /'<f : 71/es d'esprit. M. Motet fait une sa-

vante communication sur les débiles héréditaires, sur ces êtres aux

apparences brillantes, facilement accueillis dans le monde qui se

laisse séduire par des dehors trompeurs. Quelques aptitudes, une

vaniteuse confiance en soi, suffisent bien souvent à masquer leur

insuffisance la plus complète.

Mais comme ces individus subissent des entraînements les plus

irréfléchis, si le hasard les a servis, ils peuvent avoir dans leur

passé des actions d'éclat qui leur donnent une réputation de cou-

rage, voire même d'héroïsme, que l'on serait malvenu à contester.

Etsi l'on puisaitplus avant dans leurvie, on y trouverait les plus sin-

gulières défaillances, l'instabilité dans l'esprit, le décousu dans les

actes, des lacunes profondes qui pour nous sont significatives. A

l'appui de sa thèse, M. Motet apporte plusieurs observations qu'il a

recueillies avec 11. Blanche. 11 suffit d'en citer une.

X... appartient à une famille dans laquelle on compte plusieurs

cas d'aliénation mentale et d'affections nerveuses. Son père a suc-

combé à une maladie pendant laquelle il a eu la raison profondé-

ment troublée ; un de ses proches parents est mort à la maison de

Charenton; son grand-père, sa grand'mère et une grand'tante,

ainsi qu'une cousine du côté de son père étaient connus par leur

originalité et leurs excentricités et présentaient des désordres du

système nerveux. ,

Dès sa première enfance, on remarqua chez X... des signes non

équivoques de ces mauvaises prédispositions héréditaires, et malgré

les soins affectueux dontil a toujours été l'objet, on n'a pas réussi à

détruire chez lui les effets du vice congénital. A peine âgé de quel-

ques mois, il avait déjà des colères inquiétantes par leur fréquence,

118 SOCIÉTÉS SAVANTES.

leur longueur et leur intensité ; il était dans un état constant de

surexcitation qui altérait sa santé générale, et on ne l'éleva que

grâce à des soins exceptionnels. Il était si délicat et si nerveux

qu'on le garda longtemps dans la maison paternelle et qu'on ne le

mit que très tard au collège :

D'une pétulance et d'une turbulence excessives, d'une intelligence

peu ouverte, incapable d'attention et d'application, il était rebelle

au travail et ne montrait d'aptitude que pour les exercices corpo-

rels. Lorsque la guerre éclata, il avait seize ans et demi ; il était

fort avancé dans ses classes. Sans écouter aucun conseil, il s'enga-

gea ; enfermé dans Paris pendant le siège, il se conduisit bravement.

La guerre terminée, il rentra au collège, reprit ses études, et par-

vint très difficilement à se faire recevoir bachelier.

Depuis il a été successivement auxiliaire au ministère des finan-

ces, attaché à la trésorerie d'Afrique, et enfin commis d'adminis-

tration centrale. Sa conduite dans ces divers emplois semble

avoir été plutôt régulière; mais dans sa vie privée, il a toujours té-

moigné d'une grande inconstance dans ses idées et d'un défaut

d'équilibre dans ses facultés.

Ainsi, nous l'avons déjà dit, X... n'est pas intelligent ; si l'on ne

peut le considérer comme un faible d'esprit, c'est au moins une

tête extrêmement légère; une idée lui traverse le cerveau, si étrange

qu'elle soit, il l'accepte sans réflexion, sans jugement ; ses désirs

sont lout aussi impérieux ; il ne peut leur ^opposer aucune résis-

tance, et ce n'est qu'après les avoir satisfaits qu'il en reconnaît les

dangers, alors qu'il n'y a plus qu'à en regretter les conséquences.

Au collège, il n'a jamais pu se mettre à la discipline, et ni les re-

montrances, ni les punitions, n'avaient d'effet sur son caractère

impétueux et désordonné. Dans sa famille, il a toujours été un sujet

de préoccupations et de soucis; la sollicitude la plus éveillée était

impuissante contre ce qu'on appelait ses coups de tête. Jamais avec

lui une heure de tranquillité et de confiance ; alors qu'il semblait

être le plus calme, il partait, disparaissait, et, lorsqu'au retour on

l'interrogeait, il répondait simplement qu'il ne pouvait s'expliquer

à lui-même ce qu'il avait fait, qu'il avait cédé à un entraînement

irrésistible : au milieu de la conversation la plus paisible, ses yeux

devenaient hagards, ses paroles incohérentes, et il perdait toute

conscience de lui-même. Souvent, pour les motifs les plus futiles, il

avait des colères terribles, proférant des menaces, brisant tout ce

qui lui tombait sous la main. En même temps, et bien qu'il n'ait

jamais eu devant les yeux que les meilleurs exemples, et que son

éducation ait été fondée sur les préceptes de la moralité la plus

scrupuleuse, X... donnait des preuves d'une absence complète de

sens moral, froissait sans s'en douter les sentiments les plus res-

pectables, ne craignant pas, par exemple, de demander à ses pa-

rents des meubles pour une femme avec laquelle il vivait, s'éton-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 119

nantque cette demande ne fût pas accueillie, et ne pouvant com-

prendre qu'on en fût froissé.

Ainsi qu'il arrive souvent, on espéra que le mariage serait un re-

mé3e a ce désordre d'esprit et de conduite, que l'affection d'une

femme dévouée, les devoirs d'abord d'époux, puis de père, contien-

draient cette effervescence et auraient un effet salutaire.

Cet espoir fut déçu. Depuis qu'il est marié, il n'est pas devenu

plus raisonnable; il continue d'être sujet aux mêmes emportements;

le prétexte le plus insignifiant provoque chez lui des colères folles,

il crie, il brise, il menace de se tuer, de se jeter par la fenêtre. Les

facultés affectives ne sont ni modifiées, ni améliorées ; il semble

toujours aussi étranger aux sentiments les plus naturels et les plus

respectables ; il n'a d'autre loi que ses goûts et ses désirs; le mal

aussitôt accompli, il le déplore, il en exprime un grand repentir,

non à la façon d'un homme qui mesure la gravité de sa conduite,

cette notion ne peut pénétrer dans son esprit, mais comme un en-

fant qui a été pris en faute. S'il a sur le moment môme l'intention

sincère de ne pas en commettre de nouvelles, ce bon mouvement

ne dure pas et le souvenir en est probablement effacé. 11 ne peut en

être autrement, parce que X..., quoique arrivé à l'âge adulte, est

encore un enfant, intellectuellement et moralement : il obéit à ses

instincts sans que sa débile raison puisse les contrôler et les répri-

mer ; ses facultés effectives et morales sont oblitérées, il a déjà fait

des actions qui eussent pu avoir pour lui de sérieuses conséquences;

il est légitime de craindre qu'il n'en fasse de plus graves encore;

mais on ne saurait lui en attribuer la responsabilité.

Un jour X... est arrêté au jardin d'acclimatation au moment où il

sortait emportant des oiseaux d'espèce rare qu'il avait tués, comp-

tant les manger avec sa maîtresse, et pendant l'instruction de son

affaire qui avait entraîné un rapport médico-fégaf de M. Blanche,

il se faisait arrêter de nouveau pour un outrage public à la pudeur

commis un soir sous les arcades de la rue de Rivoli.

Chez ce malade l'influence de l'hérédité s'accuse de la manière

la plus évidente, et il n'est pas besoin de faire ressortir l'inconsé-

quence de la conduite d'un homme qui, sous le coup de poursuites

judiciaires pour vol, au lendemain d'une intervention médicale, au

milieu des angoisses de sa famille, se laisse surprendre en flagrant

délit d'outrage public à la pudeur dans l'un des lieux les plus fré-

quentés de Paris.

M. Motet termine sa communication en faisant remarquer que

ces faits, d'une appréciation souvent si délicate, si difficile, ne sau-

raient être jugés sans la connaissance exacte de tout le passé. Il

n'est pas permis de présenter à leur sujet une formule générale,

avec la prétention qu'elle pourra s'appliquer à tous les cas. 11 faut

étudier chaque fait isolément, et, si cela est vrai dans toutes les

expertises médico-légales relatives à la folie, cela est vrai surtout

- SOCIÉTÉS SAVANTES.

dans l'examen des débilités mentales, où chaque individu, tout en

appartenant à un type classique, n'en a pas moins son caractère

propre. Et comme il s'agit là de degrés, quelquefois même de

nuances, c'est en s'entourant des renseignements les plus complets,

en procédant avec la plus prudente réserve, que le médecin don-

nera la solution d'un problème grave intéressant à la fois l'individu

dont la liberté peut être compromise, la société qui a le droit de

se défendre.

Le divorce pour cause d'aliénation mentale. M. B.\ll fait obser-

ver que le divorce, cette question palpitante d'actualité qui pas-

sionne l'opinion publique, s'impose d'elle-même à la discussion de

la Société médico-psychologique, et doit être inscrite d'urgence à

l'une des séances. Deux éminents aliénistes ' ont été invités par la

commission parlementaire a donner leur avis sur la curabilité de

la folie et l'opportunité d'inscrire dans la nouvelle loi, l'aliénation

mentale parmi les causes de divorce. La réponse faite par nos sa-

vants confrères, qui semblent vouloir repousser l'aliénation mentale

comme cause de divorce parce que, parait-il, ils ont vu guérir cer-

taines maladies chroniques sur la guérison desquelles on ne comp-

tait guère, ne laisse pas que de me surprendre un peu. Je me sens

poussé à leur demander s'ils sont eux-mêmes, en principe, parti-

sans déclarés du projet de loi qui va venir en discussion. Car s'ils

le repoussent d'une manière générale, je n'ai rien à ajouter; mais

si, au contraire, ils l'acceptent, je crains qu'ils ne se soient trop

laissé guider par des questions de sentiment. Il ne faut pas, en

1 MM. Charcot, Magnan et Blanche ont en effet été appelés il donner à

la commission parlementaire du divorce leur avis sur différentes ques-

tions laissées à leur appréciation.

Nous croyons savoir que les questions principales qui leur ont été po-

sées peuvent se résumer à peu près ainsi : Quelles sont les formes

mentales dont vous pouvez affirmer la constante incurabilité ?

La paralysie générale, qui par sa fréquence se présentait en première

ligne à l'esprit, a été écartée parce que le conjoint atteint de cette affec-

tion confirmée, serait mort dans la plupart de cas avant la fin des

démarches que nécessiterait la demande de divorce introduite par l'autre

conjoint.

Le délire chronique a été également repoussé par la commission, à

cause de certains cas assez nombreux de guérisons inespérées observées

par M. Magnan dans ces temps derniers.

L'épilepsie n'a pas non plus été acceptée comme cause de divorce,

parce que les futurs conjoints peuvent s'éclairer sur leur santé réciproque

avant le mariage, et, aussi parce que le nombre des épileptiques déjà

mariés est fort considérable.

Si la commission s'est montrée sévère, c'est surtout pour ne pas

surcharger la nouvelle loi et diminuer ainsi les chances de la voir

aboutir.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 121

effet, perdre de vue l'intérêt de la société en général, lequel prime

bien, ou en conviendra, celui des deux conjoints.

Or, si vous refusez la dissolution du mariage pour cause d'a-

liénation mentale, vous allez ainsi favoriser la procréation

d'individus entachés de la tare héréditaire et, partant, la diffusion

des cas de folie. De nos jours on prend pour habitude de concen-

trer à tel point sa sollicitude sur les faibles, qu'il n'en reste plus

pour les forts. Je regrette donc les tendances qui se sont fait jour

jusqu'à ce moment, et j'estime que dès l'instant qu'une occasion

s'offre à nous de réduire l'hérédité morbide, dont personne ne ten-

tera de contester le rôle si considérable, il faut s'empresser de la

saisir et admettre, en conséquence, l'aliénation mentale très nette-

ment caractérisée, au nombre des causes du divorce.

MARCEL 13RIAND.

Séance du 32 mai 1882. Présidence DE M. DILLY.

M. DALLY développe quelques considérations sur l'histoire d'un

homme gaucher, âgé d'une cinquantaine d'années, qui venu d'Amé-

rique à Paris pour se distraire, fut frappé, étant au théâtre, d'une

attaque apoplecliforme que rien ne faisait prévoir. A la suite de ce

choc, il est resté hémiplégique ci gauche, aphasique et agi-aphique avec

conservation assez complète des autres facultés intellectuelles.

Après quelques jours, l'aphasie disparut presque complètement,

mais l'agraphie persista et maintenant encore le malade, qui a re-

conquis le langage oral, est dans l'impossibilité absolue d'écrire son

nom, et de plus, malgré tous ses efforts, il n'est pas encore arrivé à

épeler un seul mot. Aujourd'hui le bras gaucho, autrefois paralysé,

peut lui rendre beaucoup de services, tandis qu'au contraire la

jambe correspondante s'est progressivement contracturée.

M. LuN ! En rapporte un cas à peu près analogue qu'il a observé

chez un chef de bureau bien connu d'une grande administration.

M. Voisin met sous les yeux de la Société une série de planches

représentant des cerveaux d'idiots.

M. Luys montre quelques cerveaux durcis par le procédé ordi-

naire : bichromate de potasse et à la glycérine phéniquée ; son in-

terne, M. Variot, les a recouverts de poudres métalliques de diverses

couleurs qui délimitent très nettement les différentes régions de l'en-

céphale. 111ARCCL 11R11ND.

122 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE 13EHLI-N.

Sé-ince du I o mars 1 88 1 1.

L'ouverture de la séance par M. le président LOEHR comporte des

communication d'ordre administratif. M. DORRENBEIIG occupe le

siège de secrétaire au lieu et place de M. SCIId : FER, empêché par la

maladie.

La première communication d'intérêt scientifique apaartient à

M. R. Schroeter, de Dalldorf. Elle a trait à la nécessité de donner

des congés hors de l'asile aux criminels psychopathes. Ce travail

concerne à la fois les aliénés criminels qui, vu leur état mental,

sont innocents de tout crime, à la fois les criminels aliénés c'est-à-

dire les malfaiteurs devenus fous pendant leur séquestration. Les

renvois auraient pour raisons générales l'encombrement produit par

les versements fréquents qu'opèrent les prisons dans les asiles et

l'organisation des asiles qui est loin de correspondre aux conditions

exigées pour la garde d'individus dangereux ; outre qu'ils dégrève-

raient le budget de l'établissement, voici les considérations humani-

taires et pénales qu'il importe de soupeser. Le licenciement serait

effectué par la direction centrale sous les auspices et indications du

médecin, faisant ou non reprendre le malade par ses parents, absolu-

ment comme les aliénés assez améliorés pour être rendus à titre d'es-

sai à leurs occupations. Quoique se plaçant au point de vue de la

santé, le psychiatre serait en règle avec le § 23 du Code pénal alle-

mandqui ordonne la remise de la peine aux condamnéss'étant bien

conduits pendant les trois quarts du temps de leur châtiment. Dans les

deux cas, il s'agit de fournir aux malheureux l'occasion de reprendre

une profession honorable, sauvegarde ultérieure d'une rechute men-

tale et morale, etsouvent de rendre un père de famille aux siens. Bien

plus, les établissements d'aliénés sont, par la vie de famille qu'on

y rencontre, bien plus propres à préparer le relèvement, le retour à

la vie sociale. D'ailleurs, le théâtre de l'essai sera le voisinage ; l'a-

mélioration suffira toujours pour que, la force morale étant reve-

nue, les conditions soient favorable anx habitudes d'honnêteté et

de raison : car le progrès à réaliser dans les maisons pénitenciaires

oj psychiatriques consiste précisément à ne pas oblitérer, chez les

sujets qui leur sont confiés, le sens de la vie sociale. Pour cher-

1 Voir Archives de Neurologie, t. II, p. 293. Séance du 15 décembre

1880.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 123

cher les indications individuelles qu'il faut interroger avant de

conseiller le congé du criminel aliéné, on doit examiner : 1° le côté

moral de l'individu, 2° l'acte accompli par lui, 3° les formes de la

psychose, 4° le degré d'empire mental qu'il a récupéré. Une longue

observation peut déceler le caractère normal, l'existence d'ano-

malies congénitales ou habituelles, le rapport exact qui lie l'action

à la folie, la fourberie du sujet et le degré de conscience, l'évolu-

tion morbide, la périodicité des manifestations (épilepsie), les im-

pulsions irrésistibles, les hallucinations dans leurs relations avec

l'acte, le poids de l'intelligence et de la volonté dans l'autorépres-

sion du délire, la nature alcoolique des phénomènes, l'état des

habitudes antérieures; tels sont les éléments dont on tiendra

compte avant de permettre le congé en supposant que le stade de

calme maximum de la psychose soit atteint. La récidive d'un

crime n'entraînera pas la détention à perpétuité s'il s'agit d'un

aliéné criminel dont la nocuité a récidivé avec un nouvel accès de

folie; la nature psychopathique étant patente, se montrer circons-

pect à l'avenir mais en étudiant le genre de crime commis, la fa-

çon dont il a été pratiqué, enfin les éléments psychologiques : on

se représentera le danger des hallucinés en proie au délire des

persécutions, des états impulsifs, des phénomènes d'angoisse,

d'une agitation violente périodique sous l'influence ou non de

l'alcoolisme, sans proscrire de la vie commune ceux qui régu-

liers et calmes depuis longtemps, ont l'intelligence affaiblie mais

inoffensive. Les mêmes formules éclairciront la décision du méde-

cin à l'égard des criminels aliénés; mais ici on se souviendra que

la continuation de la peine interrompue attend toujours. Cette dé-

cision aura pour objectif de procurer au malade un champ de tra-

vail ordinaire et de groupe autour de lui toutes les conditions

favorables à sa réhabilitation, tout en ne le perdant pas de vue.

Le moment du traitement qui conviendra au licenciement dépen-

dra de l'ancienneté de l'amélioration et de sa rapidité rapprochées

de la gravité du crime, pour les aliénés criminels. Le § 3 de la loi

oblige les aliénés criminels à une année au moins d'internement

quand on envisage les grandes pénalités. Si l'aliéné ne revenait

pas à l'expiration du congé, la loi aurait la môme action sur lui

que dans le cas de mise en liberté provisoire des gens tarés; seule-

ment généralement cette infraction résulterait chez nos malades

de la crainte qu'ils auraient de perdre une situation acquise en

chômant le temps nécessaire à leur voyage à l'asile, de fausses

idées sur une nouvelle décision possible du directeur à leur égard,

de temporisations imputables à leurs occupations. Aussi importe-t-il

d'engager la responsabilité des parents ou des patrons par des certi-

ficats d'embauchages ; on obtiendrait de la sorte des renseigne-

ments précis sur son malade. Les formalités que l'autorité rem-

plirait se bornant à ce qui a été mentionné plus haut, pour les

121 SOCIÉTÉS SAVANTES.

aliénés criminels ou les criminels aliénés de peu d'importance,

comporteraient, quand le congé devrait atteindre un temps assez

long, un certificat de légitimation délivré par le directeur de l'a-

sile, visé par la police au lieu d'habitation, les cas douteux pour la

mise en liberté à titre d'essai réclamant qu'on avertit directement

les autorités. Les autres criminels aliénés, les aliénés ayant commis

des crimes graves, les récidivistes pourraient rentrer dans la caté-

gorie des individus que l'autorité survente et pour qui elle exige

une demande spéciale d'élargissement de l'asile avant toute déci-

sion. De même la prolongation du congé qui prépare la réintégra-

tion totale dans la société imposerait l'avertissement de l'autorité,

ce fortiori quand celle-ci se réserve une restriction préalable. Le

congé définitif nécessiterait toujours la pose de cette question ù

l'autorité. La demande de grâce est un devoir pour ces malbeu-

reux suffisamment guéris pour gagner leur pain au dehors, mais

désormais impuisants à supporter la peine qu'ils avaient en-

courue.

Usiter pour tous ces malades le même mode de traitement qu'on

emploie vis-à-vis des autres aliénés, substituer la main secourable

de l'aliéniste à celle du geôlier, dispenser le congé sur des éléments

d'appréciation scientifiques qui en indiquent l'étendue, préparer la

rentrée honorable, déraciner ce préjugé que le criminel aliéné est

la combinaison d'un double danger : voilà le but. Pour l'atteindre

et convaincre de l'inanité des craintes, une observation longue,

attentive, spécialisée au côté moral et à l'élément dangereux du

malade, un traitement approprié et l'obligation d'une personne

responsable chargée du libéré sont suffisants. Au travail, et notam-

ment à celui de l'agriculture qui a déjà produit de bons effets, il

faut joindre le travail social par des mi·es en liberté provisoires

accordées de bonne heure. Elles produiront à leur tour un résultat

quand en môme temps que de toutes les causes d'excitation psy-

chique on aura débarrassé l'aliéné vivant en paix des tracasseries

administratives et policières.

L'auteur prie en conséquence l'assemblée de provoquer la nomi-

nation d'une commission chargée d'examiner son projet et parti-'

culièrement : le La question des congés à accorder aux criminels

aliénés pour les cas où le médecin aurait obtenu une transforma-

tiou intégrale des facultés morales sans la guérison complèle de

la psychose ; 2° celle de l'expiation de la peine après l'obtention

de la guérison à l'asile, en tenant compte de la durée du châtiment

et du séjourà l'asile, ainsi que de la nécessité de renvoyer des crimi-

nels aliénés qui, guéris, ne pourraient supporter néanmoins le far-

deau de leur punition ; 3° le mode de contrôle à exercer sur les

criminels aliénés, qu'ils soient en congé ou renvoyés définitive-

ment. '

Il demande que la commission se compose de juristes expéri-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 125

mentes et de médecins aliénistes pratiques qui veuillent bien assu-

rer la mise en oeuvre d'un fonctionnement compatible avec la sé-

curité des citoyens. Userait utile de former unesociété de prévoyance

s'occupant d'aider les malheureux en question à leur sortie, entre

celles qui se proposent isolément cet objectif soit pour les aliénés

soit pour les condamnés.

La discussion extemporanée à laquelle prennent part MM. Ideler,

Loeiir, Jastrowitz, EDEL, Relnhardt décèle une tendance favorable

à de telles conclusions. Mais à raison de l'importance des proposi-

tions émises et de leur nouveauté, pour faciliter d'ailleurs l'exposé

des conceptions contraires qui se sont fait jour au sein de l'assem-

blée, M. le président, d'accord avec la Société, nomme une commis-

sion chargée de formuler nettement les points à traiter dans la pro-

chaine séance. Cette commission se compose de \I11. J.\s'fn0wIT7,

Ideler, MENDEL, SCIInliT6lt, GII\.

Sous le titre de Contribution ci la casccisliyeeedes blessures de l'èwrce

du cerveau, le D Richter communique l'histoire d'un malade et son

autopsie. Il s'agit d'un aliéné offrant des phénomènes de démence

parai} tique tout àfait au début que l'on trouve un jour en proie, pro-

bablement à la suite d'une chute, à toutes les manifestations d'une

affection cérébrale grave. Comme le patient chancelle sans présen-

ter de symptômes de paralysie, on pense .a une de ces hémorrha-

gies qui rappellent les hématomes de la méningo-périencéphalite

chronique diffuse avec complication de méningite. Cinq à six jours

après l'accident, la sensibilité est extrême dans tous les membres et

au tronc : intégrité de la motilité; la tête qui auparavant était agitée

de tremblements par accès demeure immobile. Dilatation pupillaire;

pas de paralysie faciale. Parole précipitée mais obtusion intellec-

tuelle cédant bientôt à la somnolence. Mort dix jours après l'accident.

L'autopsie montre à droite et en avant trois déchirures dure-mé-

riennes. Une triple fracture s'étend : de l'extrémité de l'occipital au

sommet du temporal gauche, du milieu de l'occipital au trou dé-

chiré postérieur droit, et sur le tiers externe de la face antérieure du

rocher droit. Une hémorrhagie a détruit le pied de la troisième

circonvolution frontale, le sommet de la seconde frontale et le

gyrus rectus avec l'olfactif, du côté gauche; il en est de môme du

point de jonction de la frontale et de la pariétale ascendantes à

leur partie inférieure, du pied de la seconde frontale, de la surface

de la première temporale et de la totalité de la troisième temporale

à son bord supérieur. Hémisphère droit indemme.

Un épanchement sanguin occupe le corps calleux vers son tiers

postérieur au voisinage de la voûte à trois piliers. Les dépressions

de la base du crâne sont inondées de sang à gauche. L'existence

d'une suffusion sanguine dans l'aponévrose épicrânienne à la région

postérieure gauche prouve que le malade a reçu le choc sur l'occiput

126 S,OCIRTES SAVANTES.

de ce côté; de là les trois fractures et, la pression s'effectuant vers

les régions antérieures droites, les déchirures artérielles dans les

circonvolutions du côté gauche et sur une petite zone du côté droit,

accompagnées des dilacérationsde la dure-mère opposées. M. Rich-

ter explique l'absence d'aphasie malgré la lésion classique par

la conservation de la paroi externe de la troisième frontale, de

celle qui forme la limite de la branche ascendante de la scissure

de Sylvius; il rapproche de la destruction des circonvolutions tem-

porales du côté gauche la difficulté que le malade avait à fixer les

sons pour comprendre ce qu'on lui disait (aphasie sensorielle de

Wernicke), tandis que les altérations des circonvolutions motrices

à l'extrémité du sillon de Rolando ne furent pas suffisantes pour

produire la paralysie du facial et de l'hypoglosse. Le tremble-

ment de la tête serait dû, pour l'auteur, à l'excitation d'un récur-

rent par le processus encéphalique du côté gauche.

Discussion.

M Jastrowitz, prenant en considération les lésions des circonvolu-

tions temporales, inclinerait, si les résultats cliniques n'y contredi-

saient pas, à penser à un trouble dans la réception des sensations

sonores ; sur l'assertion de M. Richter que le malade, incapable de

répondre aux questions, ne réagissait que très peu, il croit que le

tableau symptomatique est impuissant à décider si l'aphasie fut

ataxique ou sensorielle.

Pour M. Schrôter la perception encore partielle au début dispa-

rut plus tard. M. Jastrowitz explique la confusion des phénomènes

malgré l'étendue des lésions par la conservation d'un certain

nombre d'éléments au milieu des extravasats. La modification et

l'incertitude des symptômes excluent toute conclusion.

M. Reinhardt, vu l'athéromasie des artères cérébrales, pense qu'une

série de poussées exsudatives ont succédé au premier épanchement

sanguin jetant le désarroi dans la symptomatologie, tandis que

M. Richter attribue les modifications séméiologiques à l'ascension

fébrile. Du reste, ajoute ce dernier, sur une question de M. Loelir,

la coloration était partout homogène excepté au pourtour de l'artère

sylvienne où l'on trouvait un début de suppuration et de décolora-

tion.

Une seconde communication du Dr RICHTER concerne un cas de

périencéphalite purulente consécutive à une infection septique. Le pa-

ralysé général dont il s'agit, arrivé à la période de démence, subit

pour une arthrite fongueuse une double désarticulation du pouce

droit et du petit orteil gauche. Il meurtau bout de quatre jours après

élévation thermique de 40° ; 40°,4; 43°, I . On trouve à l'autopsie une

leptoméningite purulente englobant lamoitié antérieure de l'écorce.

Absence d'autre foyer en aucune région du corps. M. Richter est

d'avis dans l'espèce que l'affection mentale, si elle peut retarder la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 137

guérison des plaies, n'a rien à voir avec la septicémie laquelle pé-

nètre l'organisme sous la forme d'un contagium vivum d'origine

extérieure. La sélection du foyer pour ce cerveau déjà enflammé

est loin d'être la iènle, témoin doux autres cas décrits par lui dans

lesquels des paralysés généraux infectés par la résorption septique

virent leur processus eucéphatitique s'améliorer nonobstant, té-

moin chez ce dernier aliéné les accidents du décubitus avec fièvre,

sans que la périeticéplialite prenne la marche aiguë : ces différen-

ces doivent tenir et à la malignité du principe infectieux et au

caractère de l'inflammation cérébrale chez tel ou tel individu.

L'auteur rappelle à ce propos le travail de M. Stenger, celui-ci

recommandant non de pratiquerdes frictions médicamenteuses sur

le crâne des paralytiques curables, mais d'exercer une dérivation

sur leurs extrémités inférieures par des avivements. Les deux der-

nières observations recueillies ici témoignent de la valeur du bien

fondé d'une telle méthode.

Avant de lever la séance, l'assemblée fixe comme date de sa

prochaine session le 15 juin de la même année. (Allg. Zeilsch.

f. l'sych. ii. psych. gerichtl. Medic, XXXVI11, 2 et 3.)

P. KEIIAVAL.

Séance du 5 5 juin 188 1.

A la suite des communications administratives de M. Loelir, pré-

sident, M. Schroeter vient soumettre à l'appréciation de la Société

quatre des conclusions adoptées par la commission dont il est le

rapporteur, relativement au Renvoi provisoire ou df ? t<t/'t<e6'cnmt-

nels et délinquants aliénés (Voir la séance du 15 mars dernier). La

discussion, à laquelle prennent part1111. Zinn et GuLtstadL,eilliallie

des modifications dans la rédaction des divers paragraphes exa-

minés. On s'arrête en définitive au texte des trois propositions

suivantes :

10 Les criminels et délinquants aliénés qui se trouvent dans les

asiles doivent être soumis, quand il s'agit de leur accorder un

congé temporaire ou définitif, aux mômes mesures que tout autre

psychopathe, à la condition que leur peine ait été subie ou que

l'examen prescrit parle paragraphe 51 du Code pénal allemand

ait été effectué. Il va de soi que les aliénés à tendances crimi-

nelles ne sauraient être libérés sans la plus extrême circonspection

préalable;

20 La sortie limitée ou décisive d'un criminel aliéné, actuelle-

ment dans un asile et qui n'aurait pas purgé sa condamnation,

incombe à la décision de l'autorité chargée de dispenser les mêmes

faveurs aux détenus de l'établissement pénitencier dont est sorti le

128 SOCIÉTÉS SAVANTES.

délinquant en question pour entrer dans l'asile. La réintégration

de tels aliénés de l'asile à l'établissement pénitencier dépend de la

direction de l'asile, voire de l'autorité préposée à l'établissement

psychiatrique;

3" L'installation de divisions réservées aux délinquants et crimi-

nels aliénés dans les grands établissements pénitenciers s'impose

.de toute nécessité; il serait surtout indiqué d'établir un service

spécial de cet ordre commun à plusieurs établissements correction-

nels, le service étant fixé dans l'un de ceux-ci.

M. Guttstadt complète la discussion par quelques chiffres concer-

nant la fréquence de la folie chez les délinquants; il les emprunte

à tous les établissements pénitenciers ou de détention qui ressor-

lissent au ministère de l'intérieur dans une période de dix années.

Tous les ans on compterait cinquante-huit hommes et treize femmes

devenus aliénés sur l'effectif d'ensemble des établissements, soit

0,08 p. 100 quant au sexe masculin, 0,07 chez le sexe féminin. La

proportion des psychopathes serait de 0,18 p. 100 pour les hommes

et 0,20 p.100 pour les femmes détenus dans les maisons de correc-

tion. Ces chiffres, qui pourraient bien être trop faibles (affirmation sur

ce point de M. Schroeter), sont complétés sur la demande de M. Zinn

par l'énoncé du temps qui s'est écoulé entre l'infraction à la loi et

l'admission dans l'asile d'aliénés. Sur les sept cent dix-neuf crimi-

nels et délinquants aliénés qu'observa M. Guttstadt dans la même

période z83 hommes, 136 femmes), il s'est écoulé moins de trois

mois de détention avant l'explosion de la folie chez 30,4 p. 100

des hommes et 10, 16 p. 100 chez les femmes.

M. ZINN affirme que le nombre des criminels aliénés que l'on

rencontre dans les asiles est bien au-dessous de la quantité relati-

vement grande des cas de psychoses qui existent en réalité dans les

établissements pénaux. 11 cite des cas de délinquants continuelle-

ment atteints par des peines disciplinaires à raison de leur muti-

nerie et qui incontestablement étaient sous l'empire d'une entité

psychique morbide passant inaperçue aux yeux du médecin de

l'établissement; d'autre part les médecins des prisons et établisse-

ments pénitenciers, redoutant l'habileté des simulateurs, ne se ren-

dent que trop tardivement à l'évidence de la folie. '

M. L.EHR comprend d'autant mieux la mise à exécution de l'ar-

ticle 3 dans le royaume de Prusse que la Saxe en a donné l'exemple.

C'est dans cet Etat, à Waldheim, qu'on a tenté pour la première

fois de combiner à un établissement pénitencier un asile hospita-

lier autonome confié à la direction d'un psychiatre.

M. DRRENBC11G lit un mémoire sur les examens de l'urine chez les

aliénés. Après avoir rappelé l'influence du système nerveux sur la

nutrition et les sécrétions, après avoir émis l'opinion que bien des

hallucinations du goût et de l'odorat peuvent être rattachées à des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 12

anomalies dans les sécrétions afférentes à ces organes, il se pro-

pose de déterminer les anomalies chimiques de l'urine dans leurs

rapports avec les formes des psychoses. L'auteur a analysé avec le

, plus grand soin la plus grande quantité des urines des aliénés à

des moments du jour identiques; ces recherches, pratiquées à

Solnveizerhof, ontportésur toutes les substance ? ., sur tous les groupes

chimiques que cette humeur renferme. Ce sont notamment les

urines de la nuit de dix aliénées en proie à des entités psychopa-

thiques diverses, examinées pendant longtemps par séries de trois

à quatre jours consécutifs, qui lui ont fourni les conclusions sui-

vantes. L'acide urique a été trouvé en plus forte proportion (J par

rapport à 2o d'urée) en un cas de catatonie et dans les divers états

d'agitation maniaque (1 : 22); la quantité en était considérable-

ment diminuée dans quatre observations dont trois avaient trait à

des modalités un peu différentes de la folie du doute, et la qua-

trième concernait une mélancolie récente teintée de délire des

persécutions. Les sulfates doubles avaient subi une augmentation

de 2u p. 100 chez les maniaques agités, de 16 à 18 p. l 00 dans la

mélancolie eu question, alors que leur proportion se trouvait

moindre de à à p. 100 dans les trois cas de folie de doute.

A la suite de quelques remarques présentées par Spoiiliolz,

Millier et Zinn, 11. Loelit- invite les jeunes médecins à poursuivre

leurs recherches en commun sur ce sujet dans les établissements

auxquels ils sont attachés en adoptant un plan uniforme et une

méthode d'examen déterminée.

Plusieurs communications inscrites à l'ordre du jour ayant été

retirées, M. Leur appelle l'attention sur un sujet dont bien des

points demeurent encore dans l'ombre, sur les folies périodiques.

Il en communique à la Société un fait remarquable par la régula-

rité des accès. La malade dont il s'agit, atteinte de perturbation

psychique secondaire, est en proie depuis plus de six mois à une

agitation périodique par époques régulières parfaitement délimi-

tées de trente-six heures; c'est-à-dire qu'à un laps de temps de

calme durant trente-six heures, caractérisé par de la faiblesse intel-

lectuelle, succède une hyperexcitabilité accompagnée d'une agita-

ion modérée, d'un mutisme prononcé. Cet état progresse modé-

rément; mais au bout de trente-six heures apparaît un accès de

violente agitation avec cris, promenade, sévices contre l'entourage,

malpropreté. Après trente-six heures de durée cet état cède la

place à une nouvelle période de moyenne agitation avec loquacité

qui dure un temps égal pour être remplacée à son tour par une

période de calme et ainsi de suite. La fin de chaque période est

marquée par la diminution de l'agitation au regard de l'hyperex-

citabilité du corps de chacune d'elles, mais le début de toute phase

nouvelle tranche nettement sur celle qui a précédé : les anomalies

dans la durée précitée ne dépassent jamais une demi-heure.

9

'130 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,

M. 13E,4,No communique un cas de paralysie progressive périodique.

Il concerne un homme de trente-neuf ans, qui, dès le 2 mars 1878,

était au stade initial de la paralysie générale ; on constatait en même

temps chez lui les troubles de la motilité appartenant au tabes, de

la blépharoptose du côté gauche et de la mydriase, ainsi qu'une

perforation tympanique (otite moyenne) du côté droit. Une courte

rémission fut bientôt suivie de deux accès épileptiformes à la fin

d'août. A ce moment tous les phénomènes mentionnés s'aggravent,

l'oreille témoigne d'une nouvelle poussée inflammatoire, et peu à

peu les bruits anormaux perçus comme tels par le malade se trans-

forment en hallucinations; en même temps, angoisse précordiale

intense, excitabilité psychomotrice prononcée. Telle est du moins

l'image de chaque paroxysme, les stades intermédiaires étant carac-

térisés par le calme, t'enjoument de l'humeur. C'est dans la pre-

mière semaine d'octobre que se produit l'alternance régulière à type

tierce des phases d'agitation; elle se continue jusqu'à la fin de dé-

cembre, l'agitation se montrant dans les heures tardives de l'après-

midi et du soir et affectant une violence d'autant plus grande que

les paroxysmes précédents ont été moins vifs et que la pause de

calme a duré plus longtemps. Les rémissions observées ne consti-

tuaient pas de simples périodes d'épuisement nerveux, car on re-

marquait pendant leur évolution l'animation psychique normale et

la participation du sujet aux occupations de la maison, aux conver-

sations et promenades de l'asile; il recevait avec plaisir les visites

de ses parents, lisait, jouait aux échecs, etc. En outre, alors que

durant les stades d'agitation il ajoutait foi sans critique aux hallu-

cinations et à leur teneur terrifiante (accès d'angoisse), il racontait

en riant pendant les rémissions que des voix stupides (sic) lui rap-

pelaient par exemple qu'il y a dix ans il avait été trouvé gisant

dans la rue en état d'ivresse.

M. Rock apporte à ce propos une observation également remar-

quable. La malade dont il s'agit, après n'avoir pendant dix jours

présenté d'autre symptôme qu'un défaut de discernement, tombait

tout à coup dans le calme et le mutisme; l'expression de la physio-

nomie devenait rigide et morose, et sans se soucier le moins du

monde des personnes de son entourage, elle allait et venait conti-

nuellement. L'impulsion motrice s'accroissant les jours suivants au

point de persister jour et nuit et de revêtir un caractère automa-

tique, on dut l'alimenter artificiellement : gâtisme. Jamais ou n'ob-

serva d'idées délirantes ni aucune manifestation de cet ordre. Cet

état durait treize ou quatorze jours, se terminant aussi brusque-

ment qu'il débutait. Puis les allures .presque normales notées plus

haut reparaissaient pendant dix à onze jours, sans que la patiente

se souvint de ce qui s'était passé au cours de la période d'agitation ;

elle savait simplement que quelques jours s'étaient écoulés, des-

quels elle n'avait aucune mémoire. La maladie ne concordait pas

SOCIÉTÉS SAVANTES. 131

avec les époques menstruelles, les règles venant régulièrement tant

lors de l'accès d'agitation qu'en dehors de lui. L'emploi du nitrite

d'amyle, qui semblait indiqué à raison de la pâleur du visage au

début de l'agitation, demeura sans résultats; le bromure de potas-

sium administré à la dose de douze grammes par jour dans l'inter-

valle des crises fit disparaître la régularité du type dans sa période

et dans sa durée. La séance est levée sur cette communication.

(Allg. Zeitsehr. f. Psycle. u. psych. <yertc/tM. Medi ? XXXIX, 1.) .)

P. K.

XIV CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'ALLEMAGNE

DU SUD-OUEST

SESSION DE CARLSRUHK

Séance du 1 5 octobre 1 88 1.

La séance est ouverte à trois heures de l'après-midi par AI. le

curateur Fischer, qui, après avoir exposé les questions d'ordre ad-

ministratif intéressant l'assemblée, propose de décerner la prési-

dence à M. de Rinecker. Celui-ci est élu par acclamation. Son

premier soin est de consacrer à la mémoire du Dr Fischer, con-

seiller intime aulique, décédé depuis la dernière séance, de

chaudes paroles de regret. L'assistance se lève en l'honneur du

collègue défunt.

àl. Kirn traite ensuite de l'importance médico-légale des ii7bpul-

sions sexuelles perverses. Cette définition embrasse toute impulsion

génitale qui se manifeste sous un mode différent des errements

naturels et cherche sa satisfactiou en des procédés anormaux.

1>I. Kirn distingue une impulsion sexuelle ayant trait à des indivi-

dus d'un sexe différent encore impubères et une perversion géni-

tale s'exerçant pour un môme sexe. A la première catégorie res-

sortit par exemple la recherche libidineuse des fillettes non adultes

par des vieillards ou des individus sénescents en apparence comme

au moral, (amnésie, déchéance morale); la démence sénile vraie

exige l'acquittement légal ; la constatation des symptômes de l'af-

faiblissement psychique devrait, dit l'auteur, comporter toujours

l'admission des circonstances atténuantes. Le.second groupe com-

prend, sous le nom de sensation sexuelle contraire (inversion du

sens génital de M. Charcot), l'amour de l'homme pour l'homme,

de la femme pour la femme Les observations de ce genre ont le

plus souvent à leur actif étiologique l'hérédité et le nervosisme : en

tenant compte en outre de la périodicité des manifestations chez

certains individus, M. Kirn se range à l'opinion de Westpbal pour

qui le cerveau de tels sujets a subi l'imprégnation morbide de In

transmission héréditaire ; M. Kirn en rapporte du reste deux nou-

veaux faits ayant entraîné condamnation pénale, malgré la cons-

tatation d'anomalies psychiques; c'est tout au plus si le tribunal

admit des circonstances atténuantes.

M. FUItSTriFR,sans méconnaître les lacunes législatives, fait remar-

quer que les impulsions sexuelles perverses se montrent également L

chez des paralysés généraux, des crétins, etc... et que, par consé-

quent, chaque cas doit mériter un examen individuel avant de sup-

porter une conclusion quelconque. Ainsi à côté de l'entité : inver-

sion du sens génital, il existe une forme morbide identique chez

l'onaniste auquel on ne saurait évidemment prodiguer aucune in-

dulgence. La prudence du médecin légiste doit êlre d'autant plus

grande que tout dernièrement, lors de la publication des mémoires

visés ici, On eut affaire à des cas de simulation, le criminel raffiné

empruntant aux résumés les éléments psychopathiques qui lui

étaient nécessaires. En ces trois dernières années, M. Furstner vit

neuf individus de cette sorte reconnus par lui comme simulateurs.

La constitution complète et définitive du type pathologique peut

seule servir le médecin; or il est encore à l'étude.

M. Kir réplique qu'il propose simplement d'éclairer juges et

jurés sur un cas particulier, le rapport médico-légal étant notoire-

ment incapable à lui seul d'atteindre ce but. Si, comme il le croit

lui-même, la sensation sexuelle perverse n'est qu'un symptôme, au

moins est-elle un symptôme important exigeant une attention sé-

rieuse.

Professeur JOLLY. De la capacité de tester des aphasiques. A propos

du testament d'un aphasique datant de 1682 (collection Pitaval) et

reconnu bon par le tribunal, l'auteur appelle l'attention sur les di-

verses opinions de la jurisprudence allemande en cette question à

l'égard des aphasiques simultanément agraphiques. Le noeud du su-

jet est le suivant. A quel point l'aphasique a-t-il ses facultés psy-

chiques oblitérées, que le symptôme observé provienne d'un

simple trouble fonctionnel ou d'une affection du cerveau ? A inten-

sité égale, l'aphasie par ammésie se rattache à une perturbation

mentale plus grave que l'aphasie par akinésie. La pathogénie ne

1 Voir les Archives de Neurologie, t. Iif, p. 53.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 133

permet pas encore d'asseoir un jugement précis sur l'une quel-

conque de ces formes; l'examen minutieux du malade incombe à

chaque cas particulier. En général, profanes et médecins tendent

à surtaxer ce qui reste d'intelligence à l'aphasique.

M. Freusberg. Disposition et aménagement de l'asile d'aliénés de la

Lorraine ti Sarre2tenzines. L'établissement nouvellement construit

a été livré pendant l'été de 1880 1. peut recevoir 430 malades et

comporte avec les services hospitaliers une superficie de sept hec-

tares. il réalise en somme le système des pavillons, chaque division

(des hommes ou des femmes) comprenant des corps de bâtiments

pour pensionnaires, aliénés calmes, demi-agités, paralysés géné-

raux, épileptiques; il existe en outre un baraquement-hôpital. Au

centre, entre les deux divisions, sont situés les bâtiments de l'ad-

ministration, l'église avec la salle des fêtes (non encore construite),

les locaux de la cuisine, le logis des machines, la buanderie, les

bains centraux, la salle des morts. Total : dix-huit édifices entre les-

quels il n'y a pas de voies de communication couvertes. Chacune

des constructions occupe le centre de cours qui les desservent, cours

par lesquelles il faut absolument passer pour atteindre le bâtiment.

Seules les cours des aliénés agités et des demi-agités sont entou-

rées de murs ; les autres sont ceintes de taquets en bois. Les huit

édifices réservés aux tranquilles, demi-tranquilles, gâteux paraly-

tiques et épileptiques, hommes et femmes, se décomposent en deux

segments n'ayant de commun que le réfectoire médian. Chaque

section consiste en une salle de réunion, un ou plusieurs dortoirs,

plusieurs chambres d'isolement et un cabinet d'aisance, le tout sans

corridors. La lumière et l'air sont versés à flots par des fenêtres dis-

posées sur les parois opposées. - Les cellules et les chambres d'iso-

lement sont constamment placées aux angles des constructions, de

sorte qu'il n'y ait nulle part adjacence de ces pièces. Le bâtiment

des agités embrasse, outre les quatre cellules des angles, quatre

autres pièces de môme sorte en saillie sur le front de la construc-

lion, qui sont pourvues d'une antichambre enclavée entre le lieu

d'habitation et le dortoir. Le chauffage s'effectue par des poêles

chez les agités, par la vapeur d'eau dans les autres divisions. Les

lieux d'aisance se composent de sièges se déversant deux à deux en

une même cuvette d'où une chasse d'eau conduit les matières dans

l'égout. M. Freusberg, après avoir critiqué au cours de sa des-

ctiption le mode de groupement des pavillons et leur seul accès

par les cours, fait remarquer que toutes les précautions prises dans

un but d'isolement n'étouffent pas complètement les cris percep-

tibles encore par les habitants des cellules du côté opposé. Il in-

siste par conséquent sur la nécessité de s'entourer de conseils mé-

dicaux quant aux détails de construction et d'installation des

1 Voir les Archives ilejN'eiiî,olo ? ic, t. 111, p. los,

13k SOCIÉTÉS SAVANTES.

nouveaux établissements. Sur le territoire de l'asile, qui est de

quarante-sept hectares, on trouve à quelques minutes de l'établisse-

ment un domaine disposé pour une colonie agricole.

M. Furstner s'enquiert du mode de transport qu'on a usité vis-à-

vis des malades de laréville. L'établissement, continue AI. Freus-

berg, possède un embarcadère à lui sur la voie. On a donc pu

transférer directement les aliénés par wagons. On n'eut à déplorer

aucune incartade, peut-être parce que le changement de conditions

plaisait aux sujets en question. Plusieurs d'entre eux durent sim-

plement s'abstenir de liaison amicale, le personnel ne parlant que

peu français. - A la demande de AI. de Rinecl;er,rl'orateur répond

que le coût total a été de 2,700,000 marks (3,3î5,000 francs).

M. SCnULE. Des incidents d'ordre chirurgical chez les aliénes. Sous

ce titre, l'auteur se propose exclusivement de passer en revue, pour

aiguillonner la surveillance préventive, les traumatismes et lésions

que se sont infligés les malades sous l'influence de leurs impul-

sions délirantes et de leurs sensations pathologiques. Il s'en tient

à ceux qui ont guéri, laissant dans l'ombre les lésions osseuses. Nous

relevons : l'arrachement des cheveux et de la barbe, un des aliénés

espérant que la place de chaque poil serait désormais occupée par

une plume comme il convient aux anges ; - trois cas de céphalhé-

matome; la perforation du tympan à l'aide de petits morceaux

de bois; -l'amputation totale de la langue par une jeune fille mo-

nomaniaque à l'aide d'une alêne ébréchée;-une section du pneu-

mo-gastriqne au cou (mort en huit jours) avec tous les symptômes

afférents que nous a appris la physiologie expérimentale; un

suicide dénotant la persistance et l'opiniâtreté énergique que l'on

connaît des monomanes de cette catégorie, le patient s'étant tran-

ché la gorge à l'aide d'un petit couteau caché par lui dans un espace

interdigital. A côté de l'ingestion d'animaux vivants et d'éclats de

verre, nous trouvons l'histoire d'un malade qui, après avoiravalé la

moitié de sa cuiller, n'eut des coliques et du méisena que trois mois

après; au bout d'un an et demi se forment des abcès dans la ré-

gion inguinale droite, abcès qui persistent jusqu'au jour où, dans la

profondeur de la poche (un mois de durée), on pêche le manche de

l'instrument. Un cas de phlegmon du cou à la suite de la déglu-

tition d'un paquet d'aiguilles. Deux femmes étaient tourmentées

du désir de s'enlever les mamelons. Les castrations, arrachements

et amputations volontaires du pénis, l'introduction de corps étran-

gers contondants ou tranchants dans le vagin, d'un crochet de fer

dans l'anus participent des histoires déjà connues.

Le Dl Rieger mentionne à cette occasion un cas dans lequel

l'aliéné s'était avec les doigts luxé le globe oculaire et déchiré le

nerf optique sous prétexe qu'une voix lui commandai^de s'arra-

cher l'eeil.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 135

Le Dl Gutscii demande quels sont les cas récents de guérison

des psychoses réflexes (sympathiques) par l'extirpation de la cica-

lrice pathogénétique. M. Furstner en rapporte un; mais il pense

qu'en somme il y a bien peu de faits de ce genre où l'on doive

manifestement attendre des résultats d'une opération.

Séance du 16 octobre.

L'assemblée décide d'abord de tenir le prochain congrès de nou-

veau à Carlsrube. MAL Schûle et Kirn sont élus comme organisa-

teurs. Le D Fischer prend l'engagement de communiquer à cette

époque son rapport sur les cellules capitonnées.

ili. LArîDFnFR. Douze thèses à l'appzti de la fondatiozadescolonies d'n-

liézzés : confirmation expérimentale par tinepi-atigtie de quinze années

a la colonie de Freihof. Les résultats objectifs apportés par l'auteur

en faveur du travail en liberté des malades émanent d'une obser-

vation de trois mille malades, le groupement colonial ressortissant

à environ quarante hommes sur un effectif général de trois cent

cinquante (population mêlée). Voici ses conclusions textuelles :

4° L'encombrement croissant des asiles d'aliénés joint aux pro-

grès constants de la dépense publique pour ces malades impose l'o-

bligation d'installer des établissements d'évacuation, réservés par

exemple à ceux d'entre eux devenus incurables. Il s'agirait qu'ils

pussent y trouver à meilleur compte un mode de traitement aussi

bon, voire meilleur, que dans les systèmes employés jusqu'à ce

jour.

2° Un grand nombre de psychopathes incurables peuvent parfai-

tement se passer des asiles modernes dont les services scindés en-

traînent bien des frais. Beaucoup n'ont besoin que d'un ensemble

de soins ressortissant à une commune organisation du traitement

et du travail, le fusionnement dégrevant le budget.

3° On pare bien mieux aux besoins actuels en utilisant, selon les

circonstances, des locaux déjà existants plutôt qu'en fondant ces

hospices d'infirmes connus sous le nom d'asiles d'aliénés dont les

sujets languissent dans l'incapacité et l'inertie somatique. Une

simple adaptation aux besoins spéciaux nous donne une colonie d'a-

liénés comme annexe aux asiles fermés.

4° Le traitement des aliénés dans les familles est impraticable,

vu les conditions de notre existence actuelle.

5° Vouloir organiser la colonie dans l'établissement ou construire

dos asiles d'aliénés agricoles en poursuivant l'espérance de faire

travailler le terrain, le sol par les malades, constituent autant d'il-

lusions erronées que l'expérience condamne, parce qu'on ne peut

compter que sur une fraction des aliénés pour le travail et que le re-

136 SOCIÉTÉS SAVANTES.

crutemenl d'une population de journaliers s'opère lentement. L'im-

plantation d'un asile doit précéder l'institution agricole; c'esl lui qui

doit enfanter la colonie. Les avantages financiers et thérapeutiques

imputés à l'organisation d'Alt-Scherbitz, comparés aux résultats des

modes en usage jusqu'ici, demandent, plus ample démonstration.

'60 Une colonie ne peut se développer que comme annexe immé-

diat à un établissement fermé. Elle ne saurait en être éloignée de

plus de quelques kilomètres1, vu que les soins émanent forcément

de l'asile. Toute distance plus considérable nécessite l'installation

dans la colonie même de services analogues à ceux de l'asile ; ce

qui vicie le caractère social du système et annihile les bénéfices

économiques par l'impossibilité du prompt emploi des déchets et

de l'adaptation ménagère proprement dite.

7° La colonie n'a pas besoin de médecin ; le personnel dirigeant

se résume en un agriculteur; les mêmes médecins fonctionnent à

la colonie et à l'asile.

8° La colonie et l'établissement dépendent d'une seule et même

direction économique et médicale.

9° C'est l'élève des bestiaux2 qui doit être l'objet d'une colonie

d'aliénés ; cette exploitation plus qu'aucune autre renfermant en

soi tous les avantages curatifs et pécuniaires des colonies au regard

des autres genres d'occupations.

10° Le nombre des aliénés capables de colonisation est moindre

qu'on ne le croit généralement; de plus, ils fournissent en somme

peu de travail. Il est impossible d'apprécier même approximative-

ment leur production laborieuse en nombres ou en fractions, en

prenant pour unité la capacité de travail des gens bien portants.

11" L'avenir de la colonie, son développement, ses avantages

thérapeutiques et financiers sur ceux des autres modalités cura-

tives dépendent de la rondeur du terrain et de la facilité avec la-

quelle son sol se laisse cultiver.

12" La culture horticole n'a nul avantage sur les autres formes

d'occupations champêtres, ni au point de vue médical ni au point

de vue économique; elle devient par suite insoutenable.

AI. regi-citant que M. Landerer ne puisse préciser ses imh-

cations. quant à la différence entre les prix du traitement à l'asile

et à la colonie, 11. Landerer réplique que l'économie gît justement

dans l'adjonction dn système agricole à une distance relativement

faible de l'asile, ainsi que dans la communauté d'administration,

de personnel.

AI. FunsTNER rappelle que lCoeppe comptait cinquante travailleurs

pour un effectif de deux cents aliénés. AI. Landerer répond que lui,

A A rreihof, la distance est d'un kilomètre.

1 On en exclut l'élevage des chevaux, qui exige une égalité d'humeur

impossible exiger dans l'espèce.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 137

sur trois cent cinquante malades obtient en moyenne trente à trente-

six journaliers qui se résument en dernière analyse en douze co-

lons solides. L'installation des repas à la colonie, dit ensuite

M. Landerer, pour répondre à une interrogation du même col-

lègue, comporte le transport des aliments le matin, à midi, le soir,

en des vases appropriés.

)1. Sciiule regrette de ne pas voir de médecin en permanence à

la colonie ; il lui paraît au moins indispensable que les travailleurs

aliénés soient visités de grand matin avant la besogne. Tel n'est

pas l'avis de AI. Landerer, qui en vingt ans n'a jamais eu à consta-

ter de cas urgent nécessitant un médecin résidant.

M. Freusberg. Combien y a-t-il de travailleurs bien portants sur

le nombre ? Dix. Que fait-on dans le cas d'une crise paroxystique

d'agitation se déchaînant soudain ? Le malade est immédiatement

réintégré à l'asile, la colonie ne renfermant rien pour parer à ces

éventualités.

M. Furstner. En dehors des colons habituels évalués environ à

trente, tire-t-on, selon le.' besoins, de l'asile d'autres travailleurs ?

Rarement. AI. Landerer fait en outre remarquer que les femmes ne

sont en général employées qu'aux temps des récoltes.

M. Rieger communique à l'assemblée les notes prises par lui à la

colonie française de Fitz-James à Clermont (Oise), lors de son séjour

à cet asile pendant quelques jours. Il les tient du directeur M. La-

bille.

M. Iinrrz. De l'hyoscy aminé. Les études ont été faites avec l'hyos-

cyamine de Merck, employée aux doses progressives de 5 mill. à

1, 2, 3 cent. par jour soit à l'intérieur en gouttes,poudres,etc., soit

en injections hypodermiques. Les principaux symptômes observés

sous cette influence furent : sensation de constriction thoracique,

dyspnée, asthénopie avec sensation de mouches volantes démangeai-

sons désagréables, sécheresse pharyngienne pulydipsie avec mouve-

iiients de déglutitioii forcés, nausées,sentiiiieiit de pression céplialique

avec étourdissements (oscillations et disparition du sol sous les pas);

la confirmation objective résulte de l'observation du ralentissement

respiratoire se transformant bientôt en une fréquence des mouve-

ments thor.'tciques, de la diminution du nombre des battements du

pouls faisant aussitôt place à leur exagération, enfin d'une mydriase

double égale et constante. L'auteur a également vu de la parésie

des membres inférieurs entraînant parfois une chute, mais il n'eut

à noter aucun phénomène univoque constant, du côté de la nutri-

tion, ni ces manifestations désagréables imputées au remède em-

ployé à petites doses telles que collapsus, pouls filiforme (impureté

de la préparation ? ) Cette substance ne s'accumule pas ; la durée de

ses effets n'a rien d'uniforme. Les altérations du coeur, la propension

138 SOCIÉTÉS SAVANTES.

aux fluxions et stages, les dégénérescences séniles imposent une ltru-.

dence spéciale dans son emploi. Conclusions :

I. L'hyoscyamine agit : 1° sur le sensorium. D'où un effet hypno-

tique pur et un effet calmant; 2° sur les centres moteurs; 3" sur les

nerfs moteurs et sensitifs. -

Il. 1,'hyoeyamnie convient : 1° dans lescas où d'autres narcotiques

y compris la morphine sont abandonnés; 2" quand domine l'élé-

ment moteur (manies chroniques à rémission ou folies circulaires);

3° lorsque la démence s'accompagne de l'excitation de certaines

sphères sensitives.

AI. Rieger. De l'albuminurie dans les maladies cérébrales. Ayant eu

l'occasion d'être consulté au sujet d'une des malades de NI. Hagen

(observation III du travail : les maladies des reins comme cause de

psychose'), malade auparavant observée par le professeur Jolly

(Berlii. lilin. Wochensch., 1873, 21), l'auteur a déduit de la suite de

l'histoire qu'il s'agit non d'une néphrite ayant causé la psychose,

mais d'une maladie cérébrale héréditaire, dont AI. Hagen n'avait vu

que le premier acte. ? (6 : <m : MU}'tee<fK< ! Ct symptôme de l'affection

mentale d'autant qu'il n'y avait pas d'oedème et qu'on nota de l'is-

churie. La patiente, qui avait complètement guéri de la totalité de

ses premiers accidents, a d'ailleurs été reprise de troubles mentaux

quelques années plus tard et se trouve aujourd'hui en état de dé-

mence avec agitation périodique... Ai. Rieger rapproche de ce fait

l'albuminurie expérimentale de Cl. Bernard, celle du delirium tre-

mens (Furstner), des épileptiques, des hystéro-épileptiques, de l'é-

clampsiepuerpérale (tantôt lésionsdes reins, tantôtreinsindenmes),

et fait ressortir que la fugacité du symptôme est une preuve de son

origine. « Certainement, ajoute-t-il, les observations d'albuminurie

nerveuse se multiplieront à mesure qu'on les recueillera sans préven-

tion etqu'on se préoccupera simplement de déterminer l'enchaîne-

ment étiologique des manifestations sans s'inquiéter de la question

de palhogénie. Toute décision sur son origine vasomotrice ou autre

est laissée à la recherche du physiologiste, de l'expérimentateur et

du clinicien. »

M. Jolly admet en principe la thèse de M. Rieger, mais dans le

cas considéré, l'intensité de la néphrite ressort de la durée de l'al-

buminurie (3 semaines) ; elle peut donc tout au moins avoir con-

tribué à la production des phénomènes cérébraux.

M. FURSTNER. L'albuminurie, au même titre que l'hyperthermie,

la glycosurie, l'excitabilité motrice, doit prendre rang parmi les

symptômes des affections cérébrales.

Bof. Rieger admet que l'on puisse considérer son observation comme

douteuse : il faut pour conclure définitivement des faits indiscutables

1 Voir aux Revues analytiques,

BIBLIOGRAPHIE. 139

avec autopsie. Alais il rappelle que le diagostic néphrite exige le

concours des oedèmes rapides, des douleurs, de l'état trouble carac-

téristique d'une urine fréquemment sanglante : L'ordre du jour

étant épuisé, le président clôt la séance en remerciant ses collègues

de leur active collaboration. (Allg. Zeitssehr. f. Psych. ii psych.

ymchtl. Medic, XXXIX. 1.) P. K.

BIBLIOGRAPHIE

De l'ataxie locomotrice d'origine syphilitique (tabes spécifique) ;

par A. FOURNIER. Masson édit. 1882.

Un certain nombre d'auteurs, et Duchenne tout le premier, avaient

signalé la syphilis dans les antécédents des ataxiques ; mais c'est

M. Fournier qui, dans ses leçons faites à Lourcine, a, le premier,

cherché iL établir une relation étiologique entre la vérole et le tabes

dorsal. Cette première tentative fut. froidement accueillie en France :

1111. Grasset et Vulpian furent à peu près les seuls à l'accepter et à

l'appuyer. À l'étranger, au contraire, de nombreuses publications

favorables virent le jour pour ainsi dire coup sur coup, et il convient

de signaler en particulier celles de M. Erb. Cependant on s'était

surtout livré sur cette question a1 une étude de détail et chaque ob-

servateur n'apportait qu'un nombre limité de faits. M. Fournier

rentre en campagne avec un total de plus de cent observations per-

sonnelles ; et de l'ensemble de ses recherches sur les faits où les

conditions étiologiques ont été notées d'une manière précise, il ré-

sulte que quatre-vingts ataxiques sur cent ont eu la vérole; la syphilis

semble jouer souvent le rôle de cause effective. L'ataxie est une

manifestation appartenant presque exclusivement à la période ter-

tiaire : elle peut apparaître à toutes les étapes de cette période,

mais elle est surtout fréquente de la sixième à la douzième année.

Les causes adjuvantes qui déterminent la localisation de la syphilis

sur les cordons postérieurs de la moelle épinière, sont personnels

ou héréditaires; parmi les premières, toujours les excès de tout

genre et surtout le surmenage nerveux ; parmi les secondes, l'exis-

tence chez les ascendants de maladies quelconques du système ner-

140 BIBLIOGRAPHIE.

veux cérébro-spinal. D'après les faits de .M. Fournier, l'âge au-

quel fait invasion l'ataxie d'origine spécifique est compris entre

vingt-quatre et cinquante-neuf ans. Elle est de beaucoup moins

fréquente chez la femme.

L'ataxie se produit de beaucoup le plus souvent à la suite do sy-

philis originairement bénignes, eu égard à la fois au petit nombre

des accidents, à leur peu d'intensité et de durée. Presque toujours

la syphilis a été insuffisamment traitée au début.

On ne peut pas s'attendre à voir l'ataxie d'origine syphilitique se

présenter avec des symptômes bien différents de ceux de l'ataxie

ordinaire : toutefois M. Fournier fait remarquer que si le tabès spé-

cifique débute le plus souventpardcs douleurs fulgurantes qui peu-

vent rester isolées pendant longtemps, ces douleurs offrent ce

caractère qu'elles sont souvent très peu intenses et très propres a

tromper l'attention du médecin qui doit mettre en oeuvre les mé-

dications spécifiques dès l'apparition de douleurs pouvant se rap-

procher des douleurs fulgurantes proprement dites. D'ailleurs, étant

donnée l'importance des indications thérapeutiques qu'on peut en ti-

rer, il est plus indispensable que jamais d'établir au plus tôt le diagnos-

tic du tabes spécifique ; aussi M. Fournier insiste-L-it avec soin sur la

symptomatologie de la période de début, préataxiquo du tabès; en

particulier sur les troubles oculaires etgénito-urinaires. Au début de

la période ataxique, l'incoordination motrice peut passer inaperçue

non seulement du malade, mais encore du médecin : M. Fournier

décrit cinq procédés pour découvrir l'ataxie naissante : 1" faire mar-

cher le malade au commandement : a) le malade étant assis le prier

de se lever et de se mettre en marche aussitôt levé; b) faire mar-

cher le malade en le priant de s'arrêter court, aussitôt qu'il en re-

cevra le signal ; c) lui faire faire un mouvement subit de volte-face;

2° signe de l'escalier, (gêne surtout pour descendre) : 3o signe four-

ni par l'occlusion des yeux (signe de Romberg), le malade appuyant

sur les deux pieds; 4° signe déduit de l'attitude à cloche-pied; ? station à cloche-pied avec occlusion des yeux, M. Fournier attache

une importance considérable à l'absence du réflexe rottilieii qu'il a

toujours constatée quand il l'a cherchée même au début de la pé-

riode préataxique.

Les troubles oculaires peuvent rester plusieurs années à l'étal

d'isolement ou du moins n'être accompagnés que de troubles fort

peu accentués; il en découle, dans l'ordre, de faits actuels, lanéces-

sité de rechercher avec soin le tabès sur tout sujet qui se plainl

d un affaiblissement visuel, et en outre d'analyser minutieusement

les troubles fonctionnels de l'oeil au point de vue de leurs caractères

et de leur évolution, puis de considérer l'état de la pupille. Très

souvent les troubles de la vision débutent par un seul oeil; ils ont

une évolution lente, continue, graduellement progressive. L'am-

blyopie s'accompagne d'un certain degré de dyschromatopsie et sur-

BIBLIOGRAPHIE. 1 le

tout d'un rétrécissement concentrique du champ visuel a\ec éclian-

crures en forme de secteurs.

AI. Fournier insiste sur les formes associées, mixtes et complexes

de l'ataxie, qui seraient particulièrement communes dans le tabès

spécifique en raison delà tendance que présente la syphilis à mul-

tiplier ses lésions et à les disséminer sur les divers départements

du système nerveux. Arrivant au traitement, AI. Fournier pose en

principe que les agents anti-spécifiques doivent être mis en usage

le plus tût possible et de la façon la plus énergique. Les résultats

de ce traitement diffèrent absolument suivant l'époque de la ma-

ladie où il intervient. Dans le tabès ancien et confirmé, on n'en

peut pas attendre la guérison, mais tout au plus un soulagement

éphémère de quelques symptômes. Dans le tabes moins ancien,

tantôt le traitement a une action isolée sur divers symptômes, qu'il

amende dans des proportions plus ou moins considérables; tantôt

il a une action temporaire sur l'ensemble de la maladie qu'il parait

arrêter dans sa marche au moins momentanément; tantôt enfin le

traitement a une action persistante sur le tabes qu'il immobilise en

l'état avec ou sans amendement de quelques-uns des symptômes

déjà développés. En somme, il serait certain, d'après les faits person-

nels de l'auteur, que le tabes, môme avancé, peut être modifié

dans ses symptômes et son évolution par le traitement spécifique.

Il est vraisemblable que cette influence serait beaucoup plus consi-

dérable encore sur le tabes récent. Un certain nombre d'observa-

tions appartenant à d'autres auteurs viennent d'ailleurs appuyer la

curabilité au moins relative du tabes spécifique.

Après avoir répondu aux diverses objections faites par ses adver-

saires, M. Fournier appuie la doctrine du tabès spécifique sur les

arguments suivants : Il fréquence extrême des accidents syphili-

tiques chez les ataxiques ; 2° développement du tabès presque exclu-

sivement dans la période tertiaire de la vérole ; 3" association

fréquente des phénomènes tabétiques avec divers symptômes com-

muns de la syphilis, les paralysies oculaires en particulier;

4° influence dans certains cas du traitement spécifique, quand il est

employé à temps; 5° coïncidence, au cours de l'ataxie de manifes-

tations d'autre siège, et de nature incontestablement syphilitique;

6° impossibilité absolue qu'on éprouve fréquemment à trouver à

l'ataxie une autre cause que la syphilis. Il en découle comme dé-

duction pratique la nécessité de traiter énergiquement et longtemps

la syphilis à ses débuts, en prévision de cette manifestation si re-

doutable. ' Cn.F.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés DE VAUCLUSE ET de VILLE-ÉVRARD. Dans sa

séance du 12 juin, le conseil général de la Seine, sur le rapport de

hl. Bourneville, a voté une augmentation de traitement de 300 fr.

aux internes des asiles de Vaucluse et Ville-Evrard, pour suppléer à

toute indemnité de déplacement.

Asile DE CLERlON1'. - Nous n'entrerons pas dans la polémique

soutenue dans les journaux pour ou contre le maintien des asiles

privés pour les aliénés. Nous rappellerons seulement que l'asile de

Clermont, qui recevait naguère à la fois des malades payants et

des malades entretenus par plusieurs départements, ne recevait

plus de nouveaux malades du département de la Seine depuis plu-

sieurs années. L'administration, complétant cette mesure, sur

l'avis du conseil général, va retirer tous ses malades transférables,

placés antérieurement dans cet asile.

NÉCROLOGIE. - Le Dl Firmin LAGAMELLE. médecin en chef de l'a-

sile d'aliénés et professeur chargé du cours clinique des maladies

mentales à la Faculté de médecine de Bordeaux, vient de succom-

ber à une longue et douloureuse maladie.

AI. Lagardellë est né à Verduu-sur-Garonne (Tarn-et-Garonne), le

30 mars 1838. Reçu docteur de la Faculté de médecine de Paris eu

l8li : i, il fut successivement directeur de la maison de santé d'Ivry,

médecin adjoint de l'asile d'aliénés de Dijon (1865), médecin ad-

joint de l'asile de Bordeaux (1866), médecin en chef à Niort, à Flou-

luls, à llarseille, à Lyon, puis enfin à Bordeaux (1879). L. Lagar-

delle avait inauguré à Niarseille des conférences cliniques sur les

maladies mentales.

Statue DE Pu. Pinel. Dans sa séance du 17 mai, le conseil mu-

nicipal a voté, sur le rapport de notre ami M. le Dr Dubois, un crédit

de 1.589 fr., destiné à la construction du piédestal qui doit soutenir

la statue de Philippe Pinel.

Société contre l'abus du ubac. -Prix. Parmi les questions qne

cette Société met au concours pour 1882, voici celle qui intéresse

plus particulièrement nos lecteurs : -

Prix de trois cents francs, fondé par 111. Decroix. Étudier l'in-

lluence du tabac sur la criminalité : faits judiciaires, contrebande,

FAITS DIVERS. 1 \'i

incendies, rixes, empoisonnements accidentels ou volontaires, etc.

(Ne pas confondre l'influence des liqueurs alcooliques avec celle du

tabac.) -

Tentative d'assassinat du Dl P. Gray par un aliéné. Le super-

intendant de l'asile des fous reçut, le 16 mars, un coup de pistolet

d'un aliéné nommé Remshaw. La balle (calibre 38) frappa un peu

en dehors de l'angle externe de l'oeil gauche, et, suivant une diago-

nale, passa en arrière du nez, traversa la joue droite, sortit au-des-

sous de l'angle externe de l'oell droit et franchit la fenêtre située

environ à cinq pas de l'endroit où le docteur était assis. Entendant

un homme s'approcher, celui-ci s'était retourné ainsi qu'il le faisait

en pareille circonstance. Ce mouvement lui sauva probablement la

vie, car autrement la balle aurait atteint le cerveau. L'assassin n'é-

tait pas interné dans l'asile, mais était employé aux bains turcs

d'Utique. Depuis dix-huit mois, il se considérait comme envoyé par

le ciel pour tuer le Dr Gray.

A la date présente, NI. Gray, malgré la gravité de la blessure, est

dans un état satisfaisant et nul doute que, dansquelque temps, il n'ait

complètement recouvré la santé. (LoMMt) : Heea ! .JV6u;s, 8 avril )882.)

Moins heureux que le Dl Gray, le Dl ADAMS, médecin à l'asile

de Kalamazo (\Iicbiâan), frappé d'un coup de couteau par un aliéné,

a succombé le lendemain. Le surveillant fut également blessé eu

essayant de désarmer l'aliéné.

Aliénés incurables et tranquilles. -Après avoir donné le mou-

vement de la population de l'asile d'aliénés de Danvers (Massachu-

rhet', The UtMH'st (ind Neurologist nous apprend que, dans son rap-

port, le Dr Goldsiiiilli regrette qu'on amène à l'asile beaucoup d'a-

liénés âgés et décrépits plutôt pour mourir que pour être traités.

Il dit que si les parents et les amis de ces malades avaient pour

eux suffisamment d'affection, ils pourraient les soigner à la maison.

Le Dr Goldsmith n'est pas le seul à formuler ces plaintes. A Dan-

vers on fait les plus louables efforts pour réaliser l'hôpitul ouvert

et le traitement des aliénés en dehors de l'asile, système qui est ap-

pliqué, par exemple à Woodilee, près de Glasgow. Nous estimons,

de notre côté, que si les administrateurs étaient bien imbus de ces

idées, il serait possible de retirer des asiles pour les rendre aux

familles un certain nombre d'aliénés chroniques, tranquilles, à

la condition d'allouer aux familles indigentes un secours mensuel.

Celte mesure contribuerait à resserrer les liens de la famille et

allégerait les dépenses que les départements s'imposent. Il va de

soi que cette mesure ne devrait être appliquée qu'aux malades dont

la situation est suffisamment bonne pour ne pas exiger, auprès de

lui, l'immobilisation d'un membre de la famille.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

BLAI9E (H.). - Contribution à l'élude des oscillations spontanées et

provoquées de la sensibilité dans Vhémiancslliésie. Brochure in-8" de

31 pages. Paris, librairie Lecrosnier, place de l'Ecole-de-Médecine.

13OUlt-,EVILLr et TEHTU"[En. Le Sabbat des sorciers. Plaquette grand

m-8" cane de 40 pages, avec 25 nguies dans le texte et une grande

planche hors texte, en vente aux bureaux des Archives de Neurologie.

Il a été tiré de cet ouvrage 300 exemplaires numérotés à la presse :

l 1 .i00 papier blanc vélu. Pin : broché, 3 fr. (pour nos

abonnés, 9 fi. 50); - Ns 301 à 450 papier parchemin. Prix : 4 fi-. (pour

nos abonnés, 3 fr. 5(l); Nos 451 à 500 papier Japon. Prix : 6 fi'. (puur

nos abonnés, fr.).

Buccoia (G.). - La riproduzione delta percezioni dt movimento nello

spazio latille. Brcerclri di psicologia sperimentale. Estrallo dalla Moula

Scuule, 11- 5.

KEUMAM (E.). Les appareils électro-médicaux a l'exposition d'electri-

cité. Brochure in-8° de 32 pages. Extrait de l'Union médicale. Paris,

fdjrairie Doin, 8, place de l'Odéon. '

Westpiial. Zur localisation fier hemianopsie und des ? MA'C/P/M ?

lezvz ilenschen. Extrait der rc. : t) sur jt)<ycAtM ? e, t. VI, 1879. Brochure

mu de 24 pages, avec 2 gra\ lires hors texte.

Wesiphal. ? 7;)'aH/fKay der hinterstrânge bei paralytisched geistes-

kranken. Extrait der 3TCltza sur psychiatrie, t. XII, n" 3. Brochure

n]-8''de8pages.

Westphal. Ueber CilIC fehlerquellc bei 17zieî,suchiiiq des kitiepliailo

viens ii71d ulei- dièses selbst. Extrait des Archiv fut psychiatrie, t. XII,

11- 3. Brochure in-8° de 15 pages.

Le réc(acteur-géraat, 130U11hEVILLE.

LW l17(. llLltlaa47, III : V. - ? SI

Vol. IV. Septembre 1882. N" 11.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

NOTE SUR L'ACTION DES COURANTS CONTINUS ÉTUDIÉE

AU DOUBLE POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE ET PATHO-

LOGIQUE ;

Par A. ESTORG, interne des hôpitaux de Montpellier.

I. En étudiant l'action physiologique des courants

continus, nous avons été frappé des variations consi-

dérables que présentait la résistance éprouvée par le

courant à son passage à travers les tissus. Elles se pro-

duisaient surtout d'un sujet à l'autre, ; mais existaient

aussi chez le même individu, électrisé à diverses re-

prises. Ce fait, nous l'avons vu plus tard, avait été déjà

signalé plusieurs années auparavant par M. le D' Vigou-

roux [Gazette médicale, 1879). Il est alors venu à l'es-

prit de notre maître, le professeur Grasset, sous la

direction duquel se faisaient nos recherches, d'exa-

miner ces variations de plus près, et de les analyser

avec quelque précision. Grâce au Dr Regimbeau, qui. a;

bien voulu mettre ses appareils à notre disposition, et;

10

1 le6 physiologie pathologique.

nous aider de ses conseils, il nous a été facile de réunir

à ce point de vue de nombreux documents.

Nous avons employé pour cela la méthode suivante :

Le pôle positif était placé sur le sternum et le pôle

négatif sur une partie quelconque, mais toujours la

même, de l'avant-bras. Nous faisions ensuite passer un

courant assez faible pour être longtemps supporté (dix

éléments par exemple). L'instant précis de la fermeture

une fois noté, nous relevions exactement le nombre de

divisions parcourues à chaque minute par l'aiguille

gatvanométrique, jusqu'au moment où celle-ci restait

définitivement immobile; le maximum d'intensité était

alors atteint et l'examen terminé.

Par ce procédé des expériences nombreuses ont été

faites, et nous avons constaté que, chez deux sujets

soumis à l'action d'un même courant, la résistance peut

varier de deux manières : tantôt, etc'est le cas le plus

ordinaire, le maximum de déviation est différent; élevé

pour l'un, il l'est moins pour l'autre, quelle que soit

la durée de l'application du courant. Tantôt, au con-

traire, le cas est moins fréquent, l'aiguille arrive au

même maximum, mais accomplit sa course, en des

temps inégaux; elle se déplace rapidement chez le

premier sujet, avec moins de vitesse chez le second.

. Ces éléments, déviations gatvanométriques d'une

part, temps employé à les parcourir de l'autre, nous

ont servi à dresser des courbes avec lesquelles on com-

pare aisément les résultats de plusieurs examens élec-

triques. La seule inspection de notre Planche III permet

de s'en rendre compte. Deux courbes y sont tracées :

l'une est un exemple remarquable de faible résistance;

le maximum est de 9 milliweber et se trouve atteint en

DE L'ACTION DES COURANTS CONTINUS. 147

cinq minutes; l'autre présente des caractères opposés :

l'aiguille arrive à peine à 3 milliweber en huit minutes.

Il suffit d'un simple coup d'oeil pour reconnaître ces

différences.

II. Cela posé en physiologie, il nous parut intéres-

sant, et même nécessaire d'étudier ces variations de

résistance au point de vue pathologique. M. Charcot

venait justement de rappeler [Société de biologie, 1882)

que le D' Romain Vigoureux avait constaté depuis long-

temps déjà chez des hystériques, atteintes d'hémianes-

thésie, une conductibilité moins grande du côté malade

que du côté sain. Nous résolûmes de commencer nos

expériences par la vérification de ce fait. C'est à la

Salpêtrière, sous les yeux pour ainsi dire de M. Charcot

et du D' R. Vigoureux, qu'ont eu lieu ces nouvelles

recherches.

Il ne s'agissait plus d'une simple comparaison entre

divers individus : il fallait rapprocher, comparer entre

eux les deux côtés d'un même malade. La première

condition à remplir était donc d'isoler le courant, de le

localiser à la moitié du corps, sur laquelle on opérait.

Son influence ne devait en rien se faire sentir du côté

opposé où la résistance eût été sans cela déjà dimi-

nuée, avant qu'il ne fût électrisé à son tour. Pour

arriver à ce résultat, nous avons légèrement modifié

notre méthode : au lieu de maintenir le pôle positif

sur le sternum comme précédemment, nous l'avons

porté vers les parties latérales et placé sous l'aisselle.

Le pôle négatif était fixé sur l'avant-bras correspon-

dant par un lien circulaire.

Les mêmes électrodes étaient employées à droite et

148 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

à gauche, sur des points exactement symétriques. Elles

présentaient une surface plane et peu étendue, afin

que le contact avec l'épiderme fût mieux assuré; enfin

les plus grandes précautions étaient prises pour que la

pression fût autant que possible toujours la même des

deux côtés.

Cinq hystériques ou hystéro-épiieptiques, toutes

atteintes d'hémianesthésie, ont été successivement exa-

minées. Le côté sain était d'abord électrisé, puis le

côté malade; nous revenions ensuite sur le premier

côté, pour passer de nouveau sur le second, et toujours

ainsi, la séance se prolongeant et les électrisations se

succédant autant qu'il était nécessaire pour arriver, de

part et d'autre, définitivement et d'emblée au maxi-

mum. Les tracés qui accompagnent cette note per-

mettent, il nous semble, de comprendre facilement la

marche que nous avons suivie; ils font connaître en

même temps les résultats obtenus. Nous allons d'ail-

leurs, pour en aider la lecture, ajouter quelques mots

sur chaque malade.

Disons d'abord d'une manière générale que sur nos

courbes les lignes pleines représentent constamment le

côté le plus sensible et les lignes ponctuées le côté le

moins sensible.

Kalm (Eva), examinée le 6 mars 1882. Hémianesthésie

gauche absolument complète (PL. IV). Un courant de douze

éléments, une première fois appliqué, donne à droite un maxi-

mum de 25° en une minute seulement, à gauche un maximum

de 18° en trois minutes; on voit sur la figure les deux lignes

toujours séparées par un intervalle assez considérable.

Une deuxième application les rapproche; le maximum de-

vient le môme, mais est atteint d'emblée du côté sain, en quatre

minutes du côté malade; enfin dans la troisième électrisation,

DE L'ACTION DES COURANTS CONTINUS. 149

les lignes se confondent, la résistance est devenue égale de

part et d'autre.

Georges (Louise), examinée le même jour, présente des ré-

sultats analogues, mais il faut quatre électrisations successives

de chaque côté pour les obtenir. En outre, l'anesthésie existant

chez elle à droite, c'est de ce côté que la résistance était d'abord

plus grande.

Les courbes de Blanch... et de Gall... sont encore

plus intéressantes.

Blanch... est soumise à un premier examen électrique le

1er mars 1882. Hémianesthésie gauche des plus complètes.

On obtient d'abord pour maximum : 50° en douze minutes à

droite (côté sain), 40° en neuf minutes à gauche (côté malade).

Une deuxième électrisation donne le même maximum 55° à

droite et à gauche, mais d'emblée à droite, en deux minutes à

gauche. La plus parfaite égalité existe enfin, sous tous les rap-

ports, entre les deux courbes, dans une dernière expérience.

Le 7 mars, deuxième examen. Un transfert s'est produit

depuis la veille; la sensibilité est revenue à gauche complète-

ment dans le membre supérieur et à la face, légèrement dans

le membre inférieur; du côté opposé anesthésie ou simple

diminution de sensibilité dans les points symétriques. Les

résultats fournis par l'électricité sont inverses des précédents.

Maximum : 50° en douze minutes du côté gauche devenu sain,

40° en onze minutes du côté droit devenu malade.

Les applications suivantes du courant modifient la vitesse

de l'aiguille galvanométrique, mais non la limite extrême de

sa déviation; les deux lignes finissent par arriver presque

d'emblée au maximum, mais sans jamais se confondre; la

ligne pleine s'élève toujours à 50°, la ligne ponctuée à 40°.

Les deux examens dont cette malade a été l'objet se

contrôlent mutuellement. Ils montrent nettement que

la résistance est encore dans ce cas plus grande au

côté de l'hémianesthésie que du côté sain.

Gall... est profondément insensible du côté gauche, quand

on l'électrise pour la première fois, le il, mars 1882. Seize

? )0 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

éléments produisent alors de part et d'autre une même dévia-

tion de 65o. mais en six minutes à droite, en huit minutes à

gauche. Ce maximum est atteint d'emblée des deux côtés à la

seconde application. Nouvel examen, huit jours après. L'anes-

thésie a cette fois disparu pour faire place à une hyperesthésie

des plus marquées; le courant produit à gauche une vive dou-

leur et peut à peine être supporté; le côté droit est resté

normal.

Maximum : 70° des deux côtés, en quatre minutes à gauche

(hyperesthésie), en neuf minutes à droite (état normal); la

différence entre les deux lignes diminue sensiblement dans

la deuxième électrisation et disparait à la troisième. La résis-

tance était donc, dans ce cas, plus grande à gauche avec l'anes-

thésie; elle devient au contraire plus faible de ce même côté,

quand on voit apparaître l'hyperesthésie.

Rien de contradictoire entre ces deux faits qu'on

doit plutôt considérer comme la réciproque l'un de

l'autre.

Notre dernière malade, Julie de la Mothe, n'a jamais pré-

senté de différence appréciable entre les deux côtés. Etudiée à

plusieurs reprises, la conductibilité électrique s'est montrée

chez elle, variable sans doute à diverses époques, mais toujours

la même à droite et à gauche. Il est vrai qu'il existait seule-

ment à gauche une légère diminution de sensibilité; sans

trouble visuel. En réalité, ce n'était pas à une véritable

hémianesthésie que nous avions à faire.

En résumé, nos deux premières hystériques n'ont

pu être examinées qu'une fois; elles confirment pleine-

ment l'opinion du D' R. Vigouroux. Grâce à un trans-

fert heureusement survenu, la troisième a été deux

fois observée; l'hémianesthésie, située primitivement à

gauche, est passée à droite et l'augmentation de résis-

tance a changé aussi parallèlement de côté. Chez la

quatrième, une vive hyperesthésie ayant succédé à

l'anesthésie la plus complète, nous avons vu du même

DE L'ACTION DES COURANTS CONTINUS. 1 ,") I

côté la résistance d'abord plus grande, devenir ensuite

plus faible que du côté opposé. Enfin la même con-

ductibilité a été partout constatée chez la dernière

malade dont la sensibilité était à peine diminuée du

côté gauche.

Tels sont les résultats de nos recherches; bien que

sommairement exposés, ils nous paraissent suffire à dé-

montrer l'importance qu'a la détermination de la cou-

ductibilité électrique chez tous les sujets. Cet élément

indispensable par l'électrothérapie et l'électrodiagnostic

doit même faire partie à l'avenir de la séméiologie de

beaucoup de maladies et spécialement de celles du

système nerveux. ,

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE Ht.

Résistance électrique des tissus chez deux individus sains.-Tracé 1 :

Faible résistance : le maximum de déviation est de 9 milliweber et est

atteint en 5 minutes. Tracé 2 : Forte résistance : le maximum de dé-

viation est de 3 milliweber et est atteint en S minutes.

PLANCHE IV.

Résistance électrique comparée des deux côtés du corps chez des hysté-

7')'<y ! <M atteintes d'héniianesthésie. indique le côté le plus sensible ;

- indique le moins sensible.

4^ Ta... (Eva). -Hémianesthésie gauche; résistance plus grande du

côté malade à une première application (tracé 1), s'atténuant progressi-

vement aux applications ultérieures (tracé 2), et finissant par devenir

égale a celle du côté sain (tracé 3).

2° Geor .. (Louise). Hémianesthésie droite : résultats analogues en

quatre électrisations successives.

3- BUnch... Hémianesthésie gauche : résultats analogues en trois

électrisations successives.

4^Blanch... Après transfert : résultats analogues renversés.

5° Gall... Hémianesthésie gauche : résultats analogues en deux élec-

trisations successives.

6- Gall... - Hyperesthésie gauche : résultats analogues renversés, en

trois électrisations successives.

CLINIQUE MENTALE

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS;

- . Par M. COTARD.

L'important mémoire dans lequel M. Lasègue, en

1852, a détaché des diverses formes de mélancolie le

délire des persécutions, a été le point de départ de tra-

vaux complémentaires qui ont fait de cette forme de

vésame l'une des mieux connues dans ses symptômes,

dans sa marche et ses terminaisons; il suffit de rappe-

ler, avec le nom de M. Lasègue, ceux de More ! , de

MM. Foville et Legrand du Saulle et en particulier

celui de M. J. Falret qui a exposé devant la Société

médico-psychologique le tableau aussi complet que pos-

sible des phases successives et de l'évolution de cette

maladie.

En ce qui concerne les autres variétés de délire

mélancolique, nos connaissances sont bien loin de

cette perfection relative. On a décrit avec soin la mé-

lancolie simple, la mélancolie avec stupeur, la mélanco-

lie anxieuse, on sait que ces formes sont souvent

intermittentes, que quelquefois elles deviennent con-

tinues et passent à la chronicité, mais les caractères

et les phases successives du délire qui aboutit à cette

chronicité n'ont pas, que je sache, été l'objet d'un tra-

vail équivalent à celui qui a été fait pour le délire des

persécutions.

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 153

Je me propose, dans ce mémoire, d'exposer une

évolution délirante spéciale, qui me paraît appartenir

à un assez grand nombre de ces mélancoliques non

persécutés, plus particulièrement aux anxieux, et

reposer surtout sur des dispositions négatives très

habituelles chez ces malades.

Généralement les aliénés sont négateurs; les, démons-

trations les plus claires, les affirmations les mieux

autorisées, les témoignagnes les plus affectueux les

laissent incrédules ou ironiques. La réalité leur est

devenue étrangère ou hostile. Mais cette disposition

négative est marquée surtout chez certains mélanco-

liques, comme l'a remarqué Griesiuger.

« Sous l'influence du malaise moral profond qui

constitue le trouble psychique essentiel de la mélan-

colie, dit cet auteur, l'humeur prend un caractère

tout à fait négatif... Cette confusion, dit-il plus

loin, que fait le malade entre le changement subjectif

des choses extérieures qui se produit en lui, et leur

changement objectif ou réel, est le commencement

d'un état de rêve dans lequel, lorsqu'il arrive à un

degré très élevé, il semble au malade que le monde

réel s'est complètement évanoui, a disparu ou est mort

et qu'il ne reste plus qu'un monde imaginaire au mi-

lieu duquel il est tourmenté de se trouver. »

Je hasarde le nom de délire de négations pour dési-

gner l'état des malades auxquels Griesinger fait allu-

sion dans ces dernières lignes et chez lesquels la dis-

position négative est portée au plus haut degré. Leur

demande-t-on leur nom ? ils n'ont pas de nom; leur

age ? ils n'ont pas d'âge; .où ils sont nés ? ils ne sont

pas nés; qui étaient leur père et leur mère ? ils n'ont

1 H Il CLINIQUE JIKNTALK.

ni père, ni mère, ni femme ni enfants; s'ils ont ma] à

la tête, mal à l'estomac, mal en quelque point de leur

corps ? ils n'ont pas de tête, pas d'estomac, quelques-

uns même n'ont point de corps; leur montre-t-on un

objet quelconque, une fleur, une rose, ils répondent :

Ce n'est point une fleur, ce n'est point une rose. Chez

quelques-uns la négation est universelle, rien n'existe

plus, eux-mêmes ne sont plus rien.

Ces mêmes malades qui nient tout, s'opposent atout,

résistent à tout ce qu'on veut leur faire faire. Certains

fous, dit Guislain, sont d'une opposition dont on ne

peut se faire une idée quand on ne les a pas vus de

près. Il faut les plus grands efforts pour les déterminer

à changer de linge, ils refusent de se coucher dans

leur lit, ils ne veulent pas se lever, ils sont opposés

à tout ce qu'on leur demande de faire. C'est la folie

d' opposition.

A cette folie d'opposition, Guislain rattache le mu-

tisme, le refus des aliments et cette singulière dispo-

sition de certains aliénés qui s'efforcent de retenir

leurs urines et leurs excréments. Mais il ne signale

pas le délire de négation dont la folie d'opposition

n'est pour ainsi dire que le côté moral. Il en est de

même de la plupart des auteurs et il paraît étrange

qu'une lésion intellectuelle aussi caractérisée n'ait pas

davantage attiré l'attention. Les cas même où le fait

est simplement signalé, sont rares. La forme hypochon-

driaque du délire des négations seule est devenue d'ob-

servation vulgaire depuis les travaux de M. Baillarger.

C'est dans les Fragments psychologiques de Leu-

ret que je trouve l'observation la plus caractéristique.

J'en résume l'interrogatoire.

DU DELIRE DES NEGATIONS. t 55

Comment vous portez-vous, madame ? La personne de

moi-même n'est pas une dame, appelez-moi mademoiselle, s'il

vous plaît. Je ne sais pas votre nom, veuillez me le dire ?

La personne de moi-même n'a.pas de nom : elle souhaite que

vous n'écriviez pas. Je voudrais pourtant bien savoir com-

ment on vous appelle, ou plutôt comment on vous appelait

autrefois. Je comprends ce que vous voulez dire. C'était Cathe-

rine X..., il ne faut plus parler de ce qui avait lieu. La per-

sonne de moi-même a perdu son nom, elle l'adonné en entrant

à la Salpêtrière. Quel âge avez-vous ? La personne de moi-

même n'a pas d'âge. Vos parents vivent-ils encore ? La per-

sonne de moi-même est seule et bien seule, elle n'a pas de

parents, elle n'en a jamais eu. Qu'avez-vous fait et que vous

est-il arrivé depuis que vous êtes la personne de vous-même ?

La personne de moi-même a demeuré dans la maison de santé

de..... On a fait sur elle et on fait encore des expériences phy-

siques et métaphysiques. Ce travail n'était pas connu d'elle

avant 1827. Voilà une invisible qui descend, elle vient mêler

sa voix à la mienne. ,

La malade de Leuret présentait, en outre du délire

de négation le mieux caractérisé, des hallucinations

nombreuses : elle était tourmentée par des invisibles,

par la physique et la métaphysique, en un mot, on

observait chez elle des symptômes de délire de persé-

cution. Les cas complexes où, comme dans celui-ci,

les deux délires coexistent, ne sont pas rares, j'en cite-

rai plus loin des exemples. Mais le plus souvent ces

deux formes de délire s'observent isolément chez des

malades différents.

Le vrai persécuté parcourt toutes les phases de son

délire, depuis l'hypochondrie du début jusqu'à la méga-

lomanie, sans que ses dispositions négatives dépassent

ce qu'on observe communément chez les aliénés; il nie

par méfiance, par crainte d'être dupe, ou bien parce

qu'il est complètement dominé par ses conceptions

délirantes et ses hallucinations, et qu'il en est arrivé à

156 CLINIQUE MENTALE.

vivre dans un monde imaginaire, mais ses dispositions

négatives sont bien différentes de la négation systéma-

tisée dont je veux parler ici.

En général les persécutés ne présentent ni la pro-

fonde dépression, ni l'anxiété gémissante des vrais

mélancoliques; il ne semble pas qu'il y ait en eux ce

trouble profond de la sensibilité morale que Griesin-

ger considère comme l'élément fondamental de la

mélancolie. C'est sur ce terrain, au contraire, que

parait se développer plus ou moins tardivement et après

une évolution délirante spéciale, la négation systéma-

tisée. Il n'est pas rare, toutefois, dans les états de

chronicité avancée, que le délire de négation survive

en quelque sorte aux troubles généraux du début et

que les malades, comme celle de Leuret, ne présentent

plus ni dépression ni agitation anxieuse manifestes.

Je viens d'assigner, comme double origine du délire

des négations, la mélancolie avec dépression ou stupeur

et la mélancolie agitée ou anxieuse. Quelque diffé-

rentes que soient, dons leurs manifestations externes,

ces deux formes de mélancolie, on ne peut se refuser

àreconnaître leurs analogies délirantes, analogies frap-

pantes surtout dans les cas où la dépression et l'agita-

tion anxieuse se succèdent ou allernent chez les mêmes

malades, sans que le délire soit sensiblement modifié.

Dans ces formes prédominent l'anxiété (une anxiété

intérieure effroyable constitue l'état fondamental de la

mélancolie avec stupeur, dit Griesinger), les craintes,

les terreurs imaginaires, les idées de culpabilité, de

perdition et de damnation; les malades s'accusent eux-

mêmes, ils sont incapables, indignes, ils font le

malheur et la honte de leurs familles ; on va les arrêter

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 157

les condamner à mort : on va les brûler ou les couper

par morceaux. Ces craintes de prison, de condamna-

tion et de supplices ne doivent pas, comme nous l'a

souvent fait remarquer M. J. Falret, être confondues

avec le véritable délire de persécution qui est relative-

ment rare chez les malades de cette espèce. Bien diffé-

rents des persécutés, ils s'accusent eux-mêmes ; si on

va les livrer au dernier supplice, ce n'est que justice,

ils ne l'ont que trop mérité par leurs crimes.

A ce point de vue, on peut distinguer deux grandes

classes de mélancoliques : ceux qui s'en prennent à

eux-mêmes et ceux qui accusent le monde extérieur

et surtout le milieu social. Ces derniers sont les persé-

cutés que Guislain avait déjà désignés du nom d'aliénés

accusateurs.

Cette division des mélancoliques correspond à peu

près à la division en mélancolie avec trouble général de

l'intelligence et en monomanie triste (Baillarger) et à la

division eu lypémanie générale et lypénzanie partielle

(Foville); on peut dire, d'une manière très [générale,

que les mélancoliques vrais s'accusent eux-mêmes,

tandis que les monomanes tristes accusent autrui. Mais

il n'est pas rare de voir, d'une part, les persécutés

prendre, pendant un paroxysme, les caractères de la

mélancolie générale, déprimée ou anxieuse, et, d'autre

part, les mélancoliques à idées de culpabilité, arrivés

à une période plus ou moins avancée de leur maladie,

revêtir la physionomie Jes monomanes tristes.

Il y a sans doute, derrière ces manifestations exté-

rieures, qui varient depuis la stupeur jusqu'à l'agita-

tion anxieuse, quasi-maniaque, des dispositions mala-

dives plus profondes où réside la différence essentielle

158 CLINIQUE MENTALE.

entre les persécutés et les autres mélancoliques. Peut-

être est-ce dans les tendances que j'ai indiquées tout à

l'heure et qui portent les malades soit à s'accuser eux-

-mêmes, soit à accuser les autres, qu'il faudrait chercher

la manifestation la plus immédiate de ces dispositions

intimes qui constituent le véritable fond de la maladie.

Ces tendances existent souvent pendant bien des

années avant l'apparition évidente du délire; à un

degré très atténué on les rencontre chez beaucoup

d'hommes sains d'esprit, parmi lesquels elles établis-

sent deux catégories tout n fait distinctes.

Longtemps avant d'être réellement aliénés, les per-

sécutés sont soupçonneux et méfiants, plus sévères

pour les autres que pour eux-mêmes; pendant long-

temps aussi certains anxieux, avant d'être frappés d'un

accès franchement vésanique, sont scrupuleux, timides,

toujours disposés à s'effacer, plus sévères pour eux-

mêmes que pour les autres.

J'insiste sur cette division des délires mélancoliques,

confondus par la plupart des auteurs. Marcé paraît

l'admettre implicitement; il ne signale, dans la véri-

table mélancolie, que les idées de ruine, de culpabi-

lité, etc., indique le délire hypochondriaque consécutif

et relègue dans la monomanie les idées de persécu-

tion; mais il n'insiste pas autrement sur cette distinc-

tion, qui du reste paraît trop absolue, puisque certains

persécutés présentent les caractères de la mélancolie

vraie et que d'autres malades à idées de ruine et de

culpabilité ressemblent à des monomanes.

Examinons maintenant par quelle évolution déli-

rante les mélancoliques qui s'accusent eux-mêmes

arrivent au délire des négations; résumons d'abord les

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 159

principaux caractères de leur état mental. Dans leur

forme la plus atténuée, ces caractères sont ceux de la

variété de mélancolie désignée sous les noms de mélan-

colie simple ou sans délire et plus exactement sous le

nom d'hyl)ochoj2(irie morale par AI. J. Falret, qui l'a

décrite avec une exactitude minutieuse.

Les mélancoliques, dits sans délire, sont eu effet

atteints d'un délire triste portant sur l'état de leurs

facultés morales et intellectuelles,' et présentant déjà

une forme négative évidente. « Ils ont honte ou même

horreur de leur propre personne et se désespèrent en

songeant qu'ils' ne pourront jamais retrouver leurs

facultés perdues... Ils regrettent leur intelligence éva-

nouie, leurs sentiments éteints, leur énergie disparue...

Ils prétendent qu'ils n'ont plus de coeur, plus d'affec-

tion pour leurs parents et leurs amis, ni même pour

leurs enfants..» »

Les idées de ruine apparaissent souvent, et semblent

être un délire négatif de même nature : en même

temps que ses richesses morales et intellectuelles, le

malade croit avoir perdu sa fortune matérielle; il n'a z

plus rien de ce qui fait l'orgueil de l'homme , ni intelli z

gence, ni énergie, ni fortune.

C'est l'envers du délire des grandeurs où les malades

s'attribuent d'immenses richesses en même temps que

tous les talents et toutes les capacités. Cette hypochon-

drie morale repose sur le fonds commun de la mélan-

colie et sur un état d'anxiété vague et indéterminée,

« les malades sentent que tout est changé en eux et

au dehors et se désolent de ne plus apercevoir les

choses -CI travers le même prisme qu'autrefois ». (J.

Falret.)

160 CLINIQUE MENTALE.

Dans ces cas légers, il existe déjà comme un voile à

travers lequel le malade ne perçoit plus la réalité que

d'une manière confuse; tout lui paraît transformé. A

- mesure que l'état maladif devient plus intense, ce voile

s'épaissit et, dans les cas de stupeur, finit par masquer

entièrement le monde réel. Le malade est alors, comme

le fait justement remarquer M. Baillarger, dans un état

voisin du rêve.

Non seulement à ce point de vue, mais à tous autres

égards, il semble n'y avoir qu'une différence de degré

entre ces états d'hypochondrie morale et les affections

mélancoliques avec idées de culpabilité, de ruine, de

damnation et négation systématisée. L'hypochondrie

morale est une ébauche dont il suffit d'accentuer les

traits et de forcer les ombres pour achever le tableau

de ces dernières formes de mélancolie.

Le dégoût de soi-même arrive au délire de culpabi-

lité et de damnation, les craintes deviennent des ter-

reurs ; la réalité extérieure transformée et confusé-

ment perçue finit par être niée. Certaines négations se

montrent même de très bonne heure chez les hypo-

chondriaques moraux; ils nient la possibilité de leur

guérison, d'un soulagement quelconque dans leur état

de souffrance; c'est une des premières négations de ces

malades dont quelques-uns iront plus tard jusqu'à nier

le monde extérieur et leur propre existence.

Il importe de bien distinguer cet état d'hypochondrie

morale de l'hypochondrie ordinaire.

Bien qu'on doive, dit M. Baillarger, admettre des

cas de mélancolie sans délire, néanmoins il importe

de se défier de certains hypochondriaques qui ont eu

apparence beaucoup de ressemblance avec les mélan-

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 161

coliques dont il est ici question. Le véritable mélanco-

lique est dans un état de dépression générale... Rien

de pareil n'a lieu chez l'hypochondriaque, qu'une dis-

traction peut momentanément faire sortir de sa pré-

tendue prostration, de sa nullité, de son impuis-

sance, etc.

L'hypochondrie ordinaire, dont parle ici M. Baillarger

se rapproche par plusieurs caractères du délire des

persécutions, dont elle n'est souvent que la première

période, et c'est surtout l'évolution diverse des deux

hypochondries qui justifie la distinction de M. Baillarger.

Ou peut dire d'une manière générale que l'hypochon-

drie morale est au délire de ruine, de culpabilité, de

perdition et de négation, ce que l'hypochondrie ordi-

naire est au délire des persécutions.

Lorsque le délire de négation est constitué, il porte

soit sur la personnalité même du malade, soit sur le

monde extérieur. Dans le premier cas, il prend une

forme hypochondriaque analogue au délire spécial

signalé par M. Baillarger chez les paralytiques : les

malades n'ont plus d'estomac, plus de cerveau, plus

de tête, ils ne mangent plus, ne digèrent plus, ne vont

plus à la garde-robe, et en fait ils refusent énergique-

ment les aliments et souvent retiennent leurs matières

fécales. Quelques-uns, comme je l'ai indiqué dans une

note présentée à la Société médico-psychologique,

s'imaginent qu'ils ne mourront jamais. Cette idée d'im-

mortalité se rencontre surtout dans les cas où l'agita-

tion anxieuse prédomine; dans la stupeur, les ma-

lades s'imaginent plutôt qu'ils sont morts. On en voit

même qui présentent alternativement l'idée d'être

morts ou l'idée de ne pouvoir mourir, suivant leurs

n

162 L> CLINIQUE MENTALE.

états alternatifs d'agitation anxieuse ou de dépression

stupide.

Le délire hypochondriaque, surtout moral au début,

devient, à une période plus avancée et surtout quand

la' maladie passe à l'état chronique, à la fois moral et

physique. Des malades qui commencent par n'avoir ni

coeur,ni intelligence, finissent par n'avoir plus de corps.

Quelques-uns, comme la malade de Leuret, ne par-

lent d'eux-mêmes qu'alla troisième personne. Chez les

persécutés, la marche est inverse. L'hypochondrie du

début est surtout physique; mais à une période plus

avancée, les malades se préoccupent de leurs facultés

intellectuelles, on les abêtit, on les empêche de penser,

on leur dit des bêtises, on leur soutire leur intelli-

gence, etc.

Ces deux hypochondries ne diffèrent pas, seulement

par leur marche; l'hypochondrie des anxieux porte le

cachet de l'humilité; ils n'ont rien et sont rien qui

vaille; ils sont pourris, atteints de maladies ignobles,

quelques-uns croient avoir la syphilis , et Fodéré

' avait déjà remarqué la connexion de cette der-

nière idée délirante avec ce qu'il appelle la damno-

manie. ! Tout autres sont les hypochondriaques persécutés. Ils

x ont en général fort bonne opinion d'eux-mêmes et de

leur organisation assez robuste pour supporter tant de

' maux; ils s'en prennent aux influences extérieures, à

l'air, à l'humidité, au froid, à la chaleur, aux aliments

'et surtout aux médicaments. S'il s'agit de syphilis, ce

n'est pas la syphilis, mais le mercure qui devient la

cause de toutes leurs souffrances. Ils finissent par

accuser le médecin et arrivent au délire de persécution

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 163

confirmé. (Legrand du Saulle, Gazette des hôpitaux,

décembre 1881.)

Ces influences nuisibles auxquelles le persécuté se

croit en butte et qui du dehors convergent vers sa

personne, l'anxieux s'imagine au contraire en être la

source et les répandre tout autour de lui; il se figure

qu'il porte malheur aux personnes qui l'approchent,

au médecin qui le soigne, aux domestiques qui le

servent; il va leur communiquer des maladies mortelles,

les compromettre ou les déshonorer; la maison où il

habite sera une maison maudite; en se promenant dans

le jardin, il fait périr les arbres et les fleurs.

Le délire hypochondriaque de négation est souvent

lié à des altérations de la sensibilité. L'anesthésie est

fréquente dans la stupeur où elle a été signalée par tous

les auteurs, on la rencontre aussi chez quelques mé-

lancoliques anxieux ; chez d'autres, il semble qu'il y ait

au contraire hyperesthésie, les malades ne veulent pas

se laisser approcher; ils crient dès qu'on les touche

et répètent sans cesse : « Ne me faites pas de mal ! »

Dans quelle mesure ces altérations de la sensibilité

concourent-elles au développement du délire hypochon-

driaque de négation, c'est là une question de pathogé-

nie que je ne veux point essayer d'élucider. Je me

borne à les signaler comme caractère différentiel des

deux détires hypochoudriaques; fréquentes chez les néga-

teurs, elles sont tout à fait rares chez les persécutés.

Lorsque le délire porte sur le monde extérieur, les

malades s'imaginent qu'ils n'ont plus de famille, plus

de pays, que Paris est détruit, que le monde n'existe

plus, etc. Les croyances religieuses, et en particulier la

croyance eu Dieu, disparaissent souvent, quelquefois

161 CLINIQUE MENTALE.

de très bonne heure. Griesinger a signalé les idées

lugubres, négatives, dont se sentent envahis les malades

que leur agitation inquiète rend incapables de recueille-

ment et de prière. '

Ce ne serait pas assez d'une rapide description du

délire des négations' et de ses diverses formes, pour

faire dé ce délire une espèce particulière de mélancolie.

Je voudrais montrer que, conjointement à ce délire,

il existe' de nombreux symptômes étroitement associés

entre eux, de'manière à constituer une véritable ma-

ladie, distincte par ses caractères et son évolution.

Le délire des persécutions peut nous servir de type.

C'est surtout en faisant ressortir les différences et les

contrastes qu'il présente avec le persécuté,' que. je cher-

che à dépeindre le négateur. '' si ' "' '' "' ' 1

J'ai déjà commencé ce paranèle'en'marquant la diffé-

rence entre l'hypochondrie morale ei' l'hypochondrie

ordinaire, entre le` mélancolique anxieux qui s'accuse

lui-même et le persécuté qui s'en prend au monde exté-

rieur. Lorsque la maladie devient plus intense, ou revêt

dès le début une formé plus grave, il s'ajoute aux

symptômes ébauchés dans l'hypochondrie' morale et

au délire vulgaire de ruine et de culpabilité, des phéno- ? n Li v 1 911 ''1rn n · . tf ' r '

menés nouveaux qui mentent de fixer 1 attention en

raison de leurs caractères spéciaux : ce sont les halluci-

nations. "L "" "a ' 1

Ces hallucinations sont fréquentes surtout dans les

états de stupeur, mais on les observe aussi dans la

y r ·; , |, ? y , . , ,, .

torme anxieuse. Les malades se croient entoures de

làl)'i lit ! 1.'·Ir 1 1 1... l t . ,

flammes, ils voient des précipices a leurs pieds, ils

,7 ..J..f1<l<Min ? ? r.r · , ! ii ? » f·r .i .

s imaginent que la terre va les engloutir ou que la mai-

son vas écrouler, ils voient les murs chanceler et croient t

. 1 1 , la , 1

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 165

que la maison est minée; ils entendent les préparatifs

de leur supplice, on dresse la guillotine; ils entendent

des roulements de tambour, des détonations d'armes

à feu, on va les fusiller; ils voient la corde destinée

aies pendre, ils entendent des voix qui leur reprochent .,

leurs crimes, leur lisent leur arrêt de mort ou qui leur

répètent qu'ils sont damnés. Quelques-uns ont des .

.1 Il,,

hallucinations du coût et de l'odorat et s'imaginent

qu'ils sont pourris, que leurs aliments sont transfor-

més, qu'on leur présente des ordures, des matières

fécales, de la chair humaine, etc. ,

En sénéra ! , les hallucinations, chez les malades à

En général,, les hallucinations, chez les malades à

a . ' Il 1.111, . 1 1. le .

idées de culpabilité, appartiennent à cette catégorie

d'hallucinations, établie par M. Baillarger, qui repro-

duisent les préoccupations actuelles des malades. Une

HM>1 | '1,111 '1^ -, ( i ,, ^ ,

mélancolique, dit cet auteur, qui s'accusait de crimes

imaginaires', était obsédée jour et nuit par une voix qui

lui lisait son arrêt de mort et décrivait les supplices,

t I l * «

qui lui étaient réservés. Une autre malade dont l'his-

toire est rapportée par Michéa, se croit coupable,

poursuivie par la police et menacée(de mort. Elle est

placée dans une maison de santé et quelques jours

après,, la lvpé ni aiiie étant à son comble, elle aperçoit

presque constamment à ses pieds la cordé qui doit ser-

' ' ' t'$r u ., 1 ? , Il i -)t) ?

vir à I étrangler et le cercueil prépare pour recevoir

son cadavre. 'tif

son cadavre. , ? ; ? . . ., ? ,

Des malades se croient damnés et ils voient les

flammes de l'enfer, ils entendent des coups de fusil

et croient qu'on va les fusiller. Guislain a fait remar-

4 'i Il ) '<)t< 1

quer l'étroite connexion entre la z

suicide et ce genre d'haHucInations où tes malades voient

i 'D Il - -et, i ... 1 , , ,> ,

partout des flammes, des incendies.

166 CLINIQUE MENTALE.

L'état hallucinatoire 'des mélancoliques anxieux,

stupides ou agités, est profondément distinct de celui

des persécutés, d'abord par les hallucinations de la

vue qui sont rares chez les persécutés et ensuite par le

caractère des hallucinations auditives. Comme les hallu-

cinations de la vue, celles-ci sont simplement confir-

matives des idées délirantes et il est quelquefois malaisé

de les en distinguer; chez les anxieux, le phénomène

hallucinatoire ne présente pas cette indépendance qui

lui donne, chez les persécutés une si grande netteté en

même temps qu'une évolution toute spéciale.

Le persécuté arrive peu à peu à un dialogue, on le

voit écouter, répondre avec impatience ou colère à ses

interlocuteurs imaginaires; rien de pareil chez l'anxieux :

s'il parle, c'est pour répéter sans cesse les mêmes mots,

les mêmes phrases, le même gémissement, sa loquacité

a le caractère d'un monologue, d' une . litanie , tandis

que celle du persécuté est dialbgante.

On n'observe pas non plus chez l'anxieux la répercu-

sion de la pensée, l'écho, ni ce vocabulaire spécial qui

permet de reconnaître au bout d'un instant de conver-

sation les persécutés chroniques.

J'ai indiqué, au commencement de ce travail, l'oppo-

sition et la résistante systématiques des délirants par

négation; on rencontre souvent chez eux une raideur

et une tension musculaires qui montrent que leur iner-

tie n'est qu'apparente et que leur résistance n'est pas

simplement passive. Dès qu'on veut changer leur atti-

tude, imprimer quelque mouvement à leurs membres,

ils contractent énergiquement leurs muscles pour ré-

sister et maintenir leur position ordinaire.

Je ne veux pas m.'arrêter sur les tremblements

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 167

signalés chez quelques anxieux, sur les accidents cata-

leptiformes des stupides, mais je ne puis passer sous

silence les impulsions suicides et les mutilations si fré-

quentes chez les anxieux, surtout quand ils sont domi-

nés par des idées religieuses, et qui établissent encore

une différence avec les persécutés chez lesquels le sui-

cide est beaucoup moins fréquent, et les mutilations

tout à fait rares.

Les anxieux à idées de damnation sont les malades

les plus disposés au suicide; alors même qu'ils se

croient morts, ou dans l'impossibilité de jamais mou-

rir, ils n'en cherchent pas moins à se détruire; les uns

veulent se brûler, le feu étant la seule solution', les

autres veulent être coupés par morceaux et cherchent

par tous les moyens possibles à satisfaire ce besoin

maladif de mutilations, de destruction et d'anéantisse-

ment total. Quelques-uns se montrent violents envers

les personnes qui les entourent; il semble qu'ils veuillent

démontrer qu'ils sont bien réellement les êtres les,plus

pervers et lés plus dépourvus de sentiments moraux;

souvent ils injurient, blasphèment; des damnés et des

diables ne peuvent faire autrement.

Le refus des aliments, si étroitement lié à la folie

d'opposition, présente aussi quelques caractères spé-

ciaux chez les négateurs. En général il est total et porte

indistinctement sur tous les aliments; les malades

refusent de manger parce qu'ils n'ont pas d'estomac,

que « la viande et autre nourriture leur tombe dans la

peau du. ventre », parce que les damnés ne mangent

point, parce qu'ils n'ont pas de quoi payer. Quelques-

uns cependant, dominés par un délire de culpabilité où

de ruine moins intense, choisissent dans leurs aliments :

168 CLINIQUE MENTALE.

ils ne mangent que du pain sec par pénitence ou se

privent de dessert.

Le persécuté au contraire examine soigneusement

ses aliments, cherche ce-qui lui paraît bon, rejette ce

qui lui semble suspect ; quand par hasard il rencontre

des aliments qu'il suppose indemnes de tout poison, il

mange avec voracité. En général, le refus des aliments

est partiel chez le persécuté.

J'arrive, pour terminer ce parallèle, à l'étude de la

marche de la maladie. Le délire des persécutions est

essentiellement rémittent ou, si l'on veut, continu avec

paroxysmes; la maladie débute en général de bonne

heure, se développe d'une manière lente et progressive

et dure toute la vie. Cette marche rémittente est déjà

manifeste dans l'hypochondrie du début; elle l'est aussi

dans le cas où le mal ne paraît pas évoluer au delà de

cette forme ébauchée.

La maladie a une toute autre allure chez les néga-

teurs : elle frappe brusquement, souvent vers la période

moyenne de la vie, des personnes dont la santé mo-

rale avait paru jusque-là correcte; quand elle gué-

rit, la guérison est brusque, comme le début; le

voile se déchire et le malade se réveille comme d'un

rêve.

Les formes les plus légères, il n'est pas besoin de le

dire, sont aussi les plus curables. La mélancolie dite

sans délire, l'hypochondrie morale, les états anxieux

avec idées de ruine, guérissent habituellement. Mais la

maladie est sujette à des retours, à des intervalles plus

ou moins éloignés et prend le caractère des vésanies

intermittentes. Ce caractère intermittent se manifeste

quelquefois, même dans des cas incurables, par des

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 169

réveils de courte durée et où il semble que le malade

ait retrouvé sa lucidité tout entière.

J'ai vu une fois, dit Griesinger, chez une malade

atteinte de mélancolie profonde (elle se figurait avoir

complètement perdu sa fortune et se croyait menacée

de mourir de faim) un intervalle parfaitement lucide

d'environ un quart d'heure, survenir saus motif appré-

ciable et disparaître de même brusquement.

Dans les formes où prédomine d'emblée la stupeur,

la guérison s'observe souvent malgré l'intensité du

délire et son absurdité. Mais il n'est pas rare qu'après

une agitation anxieuse intense et prolongée, avec hallu-

cinations, délire panophobique, etc., les malades tom-

bent dans une espèce de stupidité trop souvent con-

fondue avec la démence et qui se prolonge indéfiniment.

Ces malades présentent souvent la folie d'opposition au

plus haut degré, ils sont muets, quelques-uns répètent

seulement le mot « Non ».

Le pronostic est également fâcheux lorsqu'on voit

diminuer l'intensité du trouble mélancolique général,

tandis que les idées délirantes et les négations per-

sistent au même degré. Les malades arrivent au délire

négatif systématisé qui est rarement curable; ils pré-

sentent eux aussi dans la plupart des cas la folie d'op-

position, dont Guislain a signalé le fâcheux pronostic.

Par sa marche, par son début, par sa terminaison

brusque, quand elle guérit, la folie des négations se

rattache au groupe des vésanies d'accès ou intermit-

tentes et à la folie circulaire. Si même on réserve le

nom de délire des négations aux cas où ce délire est

arrivé au degré que j'ai indiqué au commencement de

ce travail, ou peut dire que le délire des négations est'

I 70 CLINIQUE MENTALE. DU DEHRb DES NÉGATIONS.

un état de chronicité spécial à certains mélancoliques

intermittents dont la maladie est devenue continue.

Je veux seulement signaler un point qui me paraît

établir une différence entre les négateurs et d'autres

intermittents qui se rapprochent plutôt des circulaires.

Lorsqu'on se renseigne sur les antécédents, le carac-

tère des malades, on apprend souvent qu'ils ont toujours

été un peu mélancoliques, taciturnes, scrupuleux, dé-

voués, charitables, toujours prêts à rendre service;

quelques-uns doués des qualités morales les plus distin-

gués. Leur état maladif, leur délire d'humilité ne con-

trastent pas d'une manière absolue avec leur manière

d'être antérieure et n'en sont que l'exagération mala-

dive. En un mot ces malades ne sont pas franchement

alternants comme les circulaires et comme certains

intermittents dont l'état considéré comme sain contraste

absolument avec les accès mélancoliques.

Ce caractère des négateurs permet aussi de les sé-

parer nettement de la plupart des héréditaires parmi

lesquels ils forment une catégorie spéciale; ils se dis-

tinguent, en effet, par un développement exagéré, s'il

est permis de le dire, de ces mêmes qualités morales

dont l'avortement chez les autres héréditaires explique

la vie désordonnée, le profond égoïsme, l'orgueil, le

caractère indisciplinable, les délits et les crimes.

Il suivre.)

PATHOLOGIE MENTALE

RECHERCHES CLINIQUES SUR LA FRÉQUENCE DES MALADIES

SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES;

Par le Dr S. DANILLO, médecin (le la Clinique de Samt-Pétershourg.

L'influence des affections génitales sur la production

et la marche de la folie et des maladies nerveuses

chez les femmes a déjà été traitée plusieurs fois; mais

cette question, fort intéressante, a rencontré des avis

différents. Les uns croyaient que la plupart des affec-

tions mentales et nerveuses de la femme étaient dues

exclusivement ou, du moins, principalement à l'in-

fluence prépondérante des anomalies, soit physiolo-

giques, soit anatomiques, du système générateur.

D'autres, au contraire, ou niaient presque absolument

cette influence, si marquée pour les premiers, ou même

ne l'abordaient pas du tout. Enfin, les auteurs anciens

rapportent un grand nombre d'observations d'après

lesquelles diverses anomalies fonctionnelles sexuelles

peuvent produire des accès de folie, observations notées

en grande partie dans le livre de Berthier'. Nous

avouerons, en passant, que, dans l'état actuel de la

science, ces faits ne peuvent présenter qu'un intérêt

exclusivement historique et que personne ne voudrait

eu déduire les moindres conclusions; ces faits, bien

1 Btrltiet'. Sur les névroses menstruelles, 1874.

172 PATHOLOGIE MENTALE.

que nombreux, ne présentent pas des données suffi-

santes pour être considérés comme certains.

Quoi qu'il en soit, les aliénistes continuent, dans

divers traités, à discuter de l'influence des maladies

sexuelles sur la folie chez la femme.

Ainsi, dans la bibliographie française, on trouve

certaines indications. Chez Esquirol ', ces indications

sont très générales. Guislain2 dit que, dans beaucoup

de femmes aliénées, la région des ovaires est le siège

de souffrances profondes. Morel croit que les maladies

primitives des organes génitaux chez les femmes ont

été les causes de la plupart des cas d'aliénation men-

tale. Fali,et' envisage aussi les anomalies fonction-

nelles de la sphère sexuelle chez la femme comme une

des causes prédisposantes occasionnelles et indirectes

de la folie (p. 66); et, en ce qui touche la fréquence

des maladies sexuelles chez les aliénées, il se borne à

noter que celles-ci, plus que les autres femmes, sont

exposées aux irrégularités et suppressions mens-

truelles, ce qui lui paraît toutefois trop exagéré (loc.

cit., p. 301). Marcé dit également que les fonctions

génitales et leurs anomalies peuvent être cause de la

folie chez la femme, sans,' toutefois, aborder, comme

les précédents auteurs, la question de la fréquence de

maladies sexuelles chez les aliénées. 1

Bail, Dagonet, Luys, ne touchent presque pas non

plus cette question. Mairet5 croit que la folie peut être

1 Esquirol. Traité des maladies mentales.

- Guislain. - Leçons orales sur les p/t;e'(0a</tte.s', 1880.

J. Falret. Leçons cliniques sur les maladies mentales, 18G4.

larcl. Sur la folie des femmes enceintes, 18o8.

)Iitirft. Maladies sexuelles et aliénation mentale. (oef/ïpr mé-

dical. Octol)re-iioveiiil)re 1881, janvier 1882.)

DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 173

provoquée et entretenue par des désordres du système

sexuel chez la femme, en se rangeant à l'opinion déjà

émise par Azam', qui décrit quarante cas d'autopsie

de femmes aliénées avec lésions sexuelles. Boussi ,

au contraire, ne croit pas à l'influence des maladies

sexuelles sur la folie. Enfin, Boyé 3, se fondant sur

les travaux des autres et sur ses propres observa-

tions, arrive à conclure que les maladies des organes

génitaux s'observent souvent chez les aliénées et

que ces maladies sont fréquemment la cause de la

folie.

Quant aux auteurs allemands : Griesinger', Leides-

dorf', Selilager', et Ammon7 émettent l'opinion que

quelquefois les anomalies fonctionnelles ou anato-

miques de la sphère sexuelle peuvent influer d'une

certaine façon chez la femme, soit dans le cours de la

maladie mentale ou d'une névrose déjà existantes, soit

même, dans certaines conditions, en provoquant un

accès de folie aiguë. Krafft-Ebbing8, Ripping9, et

1 Azam. Folie entretenue et pbuoquée par les lésions de l'utérus et de

ses (lll ? lexes,1858.

1 Boussi. Etude sur les troubles nerveux réflexes observés dans les

maladies utérines. Thèse de Paris, 1880.

3 Boyé. - Essai clinique sur les rapports des troubles génitaux à la folie

chez la femme. Thèse de Montpellier, 1880.

* Griesinger. Seelenkrankeitcn, 1866.

u Leidesdorf. Pathologie und Thérapie de;' psychischen Krankcilen,

1873.

» Sclilager. Zeitschrift sur Psychiatrie 1858. Bd. XV. Die Beziehiiiig

des 7 ? zeîtsti-tial-Pi-ocesïes und seirter drzomalien zur psychischen Stoerun-

ge7l, etc.

7 Ammon. Ueber Deziehuiigegb der Genital-Affeclionen zu Neurosen,

1874.

8 Krafft-Ebliing. - Archiv sur Psychiatrie. Bd. VIII, 1877. Urztersuchurz-

gen uber Irrensein zur Zeit der Menstruation.

9 Rippitig. Die Geistes-Stoerungen </e)' Sclawangererz, Woechitei,i ? aiten

uiidSoeugeiede7t, 1877.

1 i p PATHOLOGIE MENTALE.

plusieurs autres sont du même avis. Emminghaus ',

remarque brièvement que les anomalies de la mens-

truation peuvent quelquefois ne pas attaquer les fonc-

tions psychiques dans le cours d'une maladie mentale.

Schüle 9, au contraire, dit très nettement que dans nul

cas éthiologique les irritations physiques et les causes

prédisposantes morales ne sont liées comme les mala-

dies sexuelles et les maladies mentales chez la femme

(loc. cit., p. 306).

En somme, on le voit, si, d'après les données d'un

certain nombre d'auteurs, les troubles génitaux chez

la femme sont une des causes les plus essentielles de

la folie et ont une influence sérieuse sur l'affection

mentate(Marcé, Falret, Guislain, Mairet, Boyé, Grie-

singer, Schlager, Brierre de Boismotit, Ammon, Krafft-

Ebbing, Ripping, Schraeter, Schüle et autres), il en est

qui ne croient pas à cette influence ou n'abordent

presque pas cette question (Bail, Dagonet, Luys,

Boussi, Emminghaus, Leidesdorf, Hammond).

Les auteurs qui admettent aux maladies sexuelles

chez la femme une certaine influence soit sur l'évolu-

tion de la folie, soit sur son développement, l'abordent

chacun d'une façon différente. Ainsi, les uns, émettant

une opinion très sommaire (Morel, Falret, Guislain,

Griesinger, Schüle), se bornent à signaler le fait sans

aucune observation à l'appui de leur opinion. D'autres

envisagent cette question d'une manière toute parti-

culière. Leurs recherches ne portent que sur certaines

formes de folie liées à quelques états particuliers de la

femme, comme la grossesse, l'accouchement, l'allaite-

Emm inghaus. Allgenieine Psychopathologie, 1878.

% 11. Schule. GeM<<;ii ? aK/t/te : <e;t (Zicijzàseïtà IltutdGuch).

DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 175

ment (Marcé, Ripping, Schmidt', et la plupart des

auteurs des divers traités classiques sur l'aliénation

mentale). D'autres, enfin, traitant la question sur le

rapport des affections utérines, citent des faits positifs

qui indiqueraient que diverses affections sexuelles, soit

aiguës, soit chroniques, peuvent donner lieu à une

maladie mentale, même grave (Krafft-Ebbing, Boyé,

Seliroeter', 11W Iler, L. 31ayer', Mairet, Azam, etc.).

On trouve également, dans les Revues médicales, un

grand nombre d'observations isolées analogues.

Maintenant, il faut reconnaître que, si l'on se borne

à recueillir certaines données seulement positives, on

s'expose à laisser échapper à l'observation les autres

éléments nécessaires pour pouvoir arriver à une con-

clusion, qui doit être fondée non pas seulement sur un

symptôme, mais sur leur ensemble et dans certaines

conditions bien déterminées. Il est aussi évident, d'autre

part, que les auteurs qui contestent aux fonctions

sexuelles et à leurs anomalies une influence quelconque

sur le développement et l'évolution de la folie, sont

dans le même cas quant à une conclusion.

Dans une pareille dissidence, qui vient, on le voit,

de la méthode différente suivie par les auteurs qui se

sont occupés de la question du rapport des maladies

sexuelles chez la femme avec la folie, il restait à se

1 M. Schmidt. Ai,chiv sur Psychiatrie 1880. Bd. X. Beitrag zur

Ketint71ss dei-pize),pei-al Psychosen.

2 Schroeter. Zeitschrift sur Psilchiati-ie 1874. Bd. 31. Die llenslrua-

tion und ih)-e 13etelevng zur 7e/t0.<e't.

a 0. Millier. Zeitschi-ift ftir Psychiatrie, 1S6S. Chronische 3lelritis

und ! 7t)'e Beziehung zur 7e/toe;t.

* L. llayer. Die Beziehu7tgeîi der krankhaften Yorgoengen und Zit-

sattden ! dezt Sexual-Organen des Weibes, zur GeM<M-S<oe)'M ? t ? e ? t,

1870.

176 C) PATHOLOGIE MENTALE.

demander s'il n'y aurait pas à rechercher une autre

méthode pour arriver à résoudre la question qui se

posait avant tout, à savoir quelle est la fréquence, en

général, des maladies sexuelles chez la femme aliénée.

~En effet, si l'on pouvait établir d'une manière plus

nette le degré de la fréquence des maladies sexuelles,

en général, chez les aliénées et, en même temps, les

formes gynécologiques qui s'associent le plus souvent

aux troubles mentaux, on pourrait aussi, par cela

même, juger de leur gravité et de leur influence pro-

bable sur la maladie mentale déjà existante.

Seulement, en abordant cette question, on est obligé

de reconnaître que non seulement les indications biblio-

graphiques font presque entièrement défaut sur ce point

intéressant de la pathologie générale de la folie, mais

encore que celles qui existent diffèrent singulièrement

entre elles. Ainsi, II. Furke1 dit très brièvement que

la folie chez la femme est accompagnée de maladies

sexuelles daus dix cas sur cent. Les autres croient ces

maladies fréquentes, mais sans rien préciser. Krafft-

Ebbing (loc. cil.) trouva six cas de lésions génitales sur

dix-neuf, taudis que dans huit les organes génitaux

étaient à l'état normal et que dans cinq l'état était

inconnu. Skene2 compta, sur cent quatre-vingt-douze

malades, vingt sept seulement chez lesquelles la mens-

truation se faisait régulièrement; ce qui ferait que les

anomalies fonctionnelles s'observeraient presque dans

la mesure de 86 p. 100. En même temps, il note som-

Il. Fuke. .1(arzual o/' psychological medicine, 1862.

- .L-C. Skene. Rapport des affections utérines à la folie. Extrait

dans les Archives de Neurologie, 1881, 11- 4 (Arch. of. iiied. Netu-York,

1880 février.

DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 177

mairement que les affections utéro-ovariennes seraient

fréquentes chez les aliénées.

Malgré mes recherches bibliographiques, je n'ai pu

trouver d'autres données sur la fréquence des maladies

sexuelles chez les aliénées. On a pourtant encore sur

cette question certaines indications prises dans les

autopsies des femmes aliénées; mais elles sont très

peu explicites et diffèrent, d'autre part, beaucoup entre

elles. Ainsi, Keiser', sur dix autopsies de femmes

aliénées, dont sept mélancoliques et trois maniaques,

a trouvé des maladies de l'utérus et de l'ovaire dans

sept cas. J.-C. Howard2, sur cent vingt-sept autop-

sies, a constaté les affections de l'ovaire et de l'utérus

dans vingt-quatre cas, parmi lesquels : tumeurs fibreuses

de l'utérus, sept cas; cancer, deux cas; sarcome, un

cas; kystes des ligaments larges, trois cas; tumeurs de

l'ovaire, quatre cas; hystes de l'ovaire, quatre cas.

Hergt', au contraire, dit que, d'après ses observations,

prises à l'autopsie des aliénées pendant plusieurs années,

des lésions sexuelles se trouvaient dans les deux tiers,

c'est-à dire dans GG p. 100. En ce qui touche les formes

observées par ce dernier auteur, elles sont représen-

tées principalement par des anomalies de position de

l'utérus et diverses lésions de cet organe et de ses

annexes d'origine inflammatoire (métrites et périmé-

trites). Toutefois, en discutant cette question, Hergt

1 Kei'er. Seclio21s-Befzi ? id bei Geistes-Kranken. Schmidt's Jahresbu-

cher, Bd 111, p. gli. (Wurteinbergischen Korrcspondenz-Blalt, 1860.

iN-1 40.)

1 J-.C. Howard. Post mortenz ayhearezzces izz in,rance persozzes. Jour-

7zal of mentale science 1872, p. 93.

3 Hergt. Fi,aitei-Ki-a ? ? kheilei7z und Seeen-SoeArM'y. z sur

Psychiatrie, 1877, Bd. `17).

12

178 PATHOLOGIE MENTALE.

ne donne aucun détail ni sur l'âge, ni sur les formes

mentales des maladies observées dans les autopsies.

D'après mes propres recherches' à la Clinique des

maladies mentales de mon maître, M. le professeur

Mierzejewski, à Saint-Pétersbourg , l'examen gyné-

coiogique au spéculum et au toucher de ces malades,

parmi lesquelles quarante-deux aliénées et trois hysté-

riques,. de l'âge de dix-neuf à soixante-deux ans,

a donné les résultats suivants : six malades non réglées,

de )'âge de quarante-quatre à soixante-deux ans, ne

présentaient pas de symptômes de lésions génitales,

sauf l'atrophie de l'utérus sénile; quant aux autres

malades, au nombre de trente-neuf, diverses altéra-

tions sexuelles ont été notées chez trente-cinq. Enfin,

pour termiuer cet aperçu historique de la question,

L. Mayer5, sur mille vingt-cinq malades gynécolo-

giques, a noté quatre-vingt-dix cas associés à diverses

formes d'aliénation mentale plus ou moins prononcées.

En somme, en examinant les données numériques

qui précèdent, on voit que la question de la fréquence

des maladies sexuelles chez les aliénées est loin d'être

résolue définitivement.

Quoi qu'il en soit, si l'on compare les résultats de

mes recherches avec ceux des autres auteurs, on recon-

naît que la dissidence est très prononcée, surtout s'il

s'agit des données de H. Fuke (loc. cit.), par exemple,

ou de celles de Skene (loc. cit.), qui présentent aussi

une grande différence entre elles. Quant aux résultats

'S.DaniUo.SMfe rôle de la menstruation dans le cours des maladies

mentales. Medesinokaia Bibliotek(i 1881. ? 5 (journal russe) et Revue de

médecine, 1882.

IL. Mayer, Die Be ! C/tM ? t</e)te ? a7t/t/ta/'<e;t Vorgxngcn i,7&d Jilslaît-

den in den Sexual-Organeu des Weibes, zui- GeM<M-<as)'MHe;i, 1870.

DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 179

des données trouvées à l'autopsie par Howard, Keiser

et Hergt, il faut remarquer, sans même tenir compte

de la différence des résultats de leurs observations,

que leurs données ne peuvent avoir qu'une valeur très

relative, attendu que l'autopsie ne peut révéler que des

lésions d'un ordre purement anatomique et que les

anomalies fonctionnelles qui ne peuvent être observées

que pendant la vie, comme des phénomènes d'ovarie,

troubles de la menstruation, et aussi, les légères formes

d'endométrite, de vaginite, etc., doivent nécessaire-

ment échapper à l'observation et, par conséquent,

atténuer considérablement le véritable chiffre des com-

plications de,la folie par les altérations des organes

sexuels. , v "" -

Les recherches cliniques des autres auteurs sur, cette

question sont très peu nombreuses et très peu explicites.

Les déductions des faits obtenus par mes recherches

(loc. cit.), ne pouvant également être faites que sous

certaines réserves, vu le petit nombre des, malades

examinées, j'ai résolu d'augmenter le plus.possibletles

investigations au spéculum et au toucher, afin'de pou-

voir tâcher alors de faire quelques généralisations et

d'aborder plus systématiquement la question de la

fréquence des affections sexuelles chez la femme dans

le cours de la folie. Mes prédécesseurs n'ayant donné

dans cette question aucune ! indication sur la méthode

des recherches, j'ai fait les miennes,' comme' dans. mon

précédent travail, d'après le plan qui consiste prendre

chez chacune des malades examinées les données sui-

vantes : 1° âge; 2° forme de la maladie mentale; 30 état

physiologique du système sexuel (vierge ou non, nombre

découches et de fausses couches); 4° forme de la'mala-

180 PATHOLOGIE MENTALE.

die sexiielle. Le diagnostic de l'état de la sphère sexuelle

a toujours eu lieu au spéculum et au toucher vaginal.

La forme de la maladie mentale est définie par l'exa-

men clinique de la malade et les données des feuilles

d'observation que j'ai pu avoir à ma disposition, comme

les malades elles-mêmes, grâce à la bienveillance de

M. Magnan, chef de service à l'asile Sainte-Anne. Le

nombre de ces malades est de cent cinquante-cinq. En

y ajoutant les quarante-cinq de mon travail antérieur

(loc. cit.), les résultats actuels de mes recherches sont

fondés sur l'observation de deux cents malades; ce

qui peut permettre de faire certaines généralisations et

déductions.

L'âge des malades était de quinze à soixante-quinze

ans. Les malades réglées étaient au nombre de cent

quarante, de l'âge de quinze à quarante-deux ans.

Celles qui avaient perdu leurs règles étaient âgées de

quarante-deux à soixante-quinze ans, au nombre de

soixante. Les malades réglées, d'après l'état physiolo-

gique de leur sphère sexuelle, se divisaient comme

suit : vierges, trente-une; n'ayant pas eu de couches,

quarante-une; ayant eu des couches, soixante-huit (dans

ce nombre trente-huit étaient primipares et trente multi-

pares). Quant aux malades après la ménopause, il y

avait : vierges, deux; n'ayant pas eu de couches,

quatre; ayant eu plusieurs couches, quarante-quatre

(dans celles-ci, neuf avaient eu de huit à douze couches).

Les formes des maladies mentales dans le groupe

des malades réglées étaient représentées comme suit :

idiotie, un cas; épilepsie avec troubles mentaux, quinze;

hystérie avec aliénation mentale, onze; paralysie gêné-

rale, quatorze; délire chronique, trente-un; alcoolisme

DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. ist

chronique, deux; démence secondaire, dix; mélan-

colie, vingt-cinq; délire mélancolique, d'origine puer-

puérale, cinq; manie aiguë, dix-huit; manie aiguë

puerpuérale, huit.

Les malades après la ménopause se divisaient, d'après

la forme d'aliénation mentale, de la façon suivante :

démence consécutive, vingt-huit; paralysie générale,

dix; mélancolie, dix; délire chronique, neuf; alcoo-

lisme chronique, trois.

Dans le nombre des deux cents malades examinées,

on a pu constater diverses lésions de l'appareil géné-

rateur chez cent trente-huit. En réduisant ce chiffre à

l'expression centésimale,- on aurait la complication de

la folie en général chez la femme par les maladies

sexuelles, à peu près dans 69 p. 100.

Dans le groupe des aliénées en pleine vigueur de

leurs fonctions physiologiques sexuelles, les affections

gynécologiques étaient représentées comme suit, d'après

le degré de leur fréquence : les endométrites diffuses ou

alliées aux métrites chroniques du corps de l'utérus

ont été trouvées dans quarante cas. Sur ces quarante

cas, vingt-deux étaient accompagnées de l'endométrite

et métrite cervicale. Dans seize cas, on a pu constater

la métrite chronique diffuse du corps, associée dans

huit cas à celle du col. Dans douze cas, ces dernières

lésions étaient accompagnées d'ulcérations de diverses

nature du museau de tanche. Dans huit cas, on

constata la métrite diffuse chronique du corps et du col

de l'utérus et dans quatre cas la métrite diffuse chro-

nique du corps seulement.

Les désordres de la menstruation en général (c'est-

à-dire retard des règles, leur suppression pour un cer-

182 PATHOLOGIE MENTALE.

tain temps ou leur réapparition trop fréquente) ont été

notées dans vingt-huit cas. Sur ce point, je crois devoir

sa ire 'une certaine réserve; caries données sur les dé-

sordres de la menstruation n'ont été prises dans le plus

grand nombre des cas que sur les indications des ma-

lades, qui pouvaient, en raison de leur état psychique

particulier', donner'un renseignement inexact. Toute-

fois, le chiffre peut avoir, au moins, sa valeur relative.

Les anomalies de' la position de l'utérus (flexions et

versions nettement prononcées) ont été constatées dans

quarante-quatre cas, associées à des endométrites seu-

lement dans trente-huit' cas, et aggravées encore par

une métrite dans vingt cas. La- métrite chronique diffuse

à elle seule 'accompagnait les anomalies de position

de l'utérus' dans' seize cas. Six' cas'sur onze d'altéra-

tions'de la position'de l'utérus étaient accompagnes

de paramétrite, métrite et endométrite chroniques; les

cinq autres étaient accompagnés d'une oophorite chro-

nique. Des ruptures du périnée d'origine puerpuérale

et de récente provenance ont été constatées dans quatre

cas de folie puerpérale. Les vaginites et vulvites

i- (le i i 1 , i , . i

catarrhales prononcées ont'été trouvées dans onze cas

(sept cas de vaginite et 'quatre de vulvite). Enfin, un

cas de folie puerpérale était accompagné d'un kyste de

l'ovaire de grandes dimensions;'un cas de manie aiguë

"par un fibrome' de 'l'utérus de là grosseur de la tête

'd'diï'ho'iiiin6 adulte, 'ei'ùii'autre de papillomes dispo-

sées à l'O 1 Pific"uéthrhl,'âcco*iiifgtiC, encore de vulvite

catarrhale'; 1 hyperesthésie de la région ovarienne, sans

lé'sioii al)préciible*"àù 't6uelier, a' été notée dans huit

f'ff< ? * ,je .1 1, ...t i' ? . 1 \

.cas (six fois a droite et deux lois a gauche).

'e ? rCheYlêTmaladès7après 'la'ménopause, a' ! exception

DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 183

de l'atrophie de l'utérus sénile, ont été notés : six cas

de métrite chronique diffuse; trois cas d'anciennes

ruptures du périnée; neuf cas d'endométrite dite sénile.

Si l'on examine le degré de fréquence des affec-

tions sexuelles chez les aliénées accompagnant les

différentes formes d'aliénation mentale, en prenant les

chiffres à peu près égaux, on voit qu'il ne paraît pas

y avoir une tendance plus prononcée chez les aliénées

à être affectées des organes génitaux plutôt dans une

forme de maladie mentale que dans une autre.

Ainsi, dans quarante cas de mélancolie, dont cinq

d'origine puerpérale, on la trouve trente-deux fois

associée à diverses formes gynécologiques (comme

métrite chronique et endométrite du corps et du col

de l'utérus, avec ou sans anomalies de menstruation).

Dans le délire chronique, sur quarante cas, trente-

quatre sont aussi compliqués par des lésions sexuelles

du même caractère que chez les mélancoliques. Les

maniaques et les paralytiques générales présentent

presque également le même rapport. Sur vingt-six cas

de manie aiguë, dont huit d'origine puerpérale, on en

trouve dix-huit avec désordres sexuels, et sur vingt-

quatre cas de paralysie générale, vingt avec les mêmes

altérations. Au contraire, la démence, sur trente-huit

cas, n'en présente que douze, compliquées avec des

maladies sexuelles. Cette différence, il est vrai, tient

certainement à cela que, sur trente-huit cas de démence,

dix malades seulement étaient encore avant t'age cri-

tique, tandis que les vingt-huit autres l'avaient passé.

Sur onze hystériques, dix présentaient diverses ma-

ladies sexuelles, comme métrite, endométrite, anoma-

lies de menstruation; des symptômes d'ovarie ont aussi

18 le PATHOLOGIE MENTALE.

été notés dans huit cas (six fois à droite, deux fois à

gauche).

En examinant la complication de la folie par les

maladies sexuelles d'après t'âge, on voit qu'avant la

ménopause, de quinze à quarante-deux ans, sur cent

- quarante malades, on a pu constater chez cent vingt

diverses anomalies de l'appareil générateur, soit ana-

tomiques, soit fonctionnelles ; tandis que, sur soixante

aliénées après le retour d'âge, de quarante-deux à

soixante-quinze ans, on les trouve seulement dans dix-

huit cas.. ·

En réduisant pour les deux groupes des aliénées

(réglées et non réglées), les données numériques de la

fréquence des maladies sexuelles à l'expression centé-

simale, on trouverait qu'avant le retour d'âge, la folie

est compliquée par les troubles génitaux dans 84 p. 100

à peu près. Après la ménopause, au contraire, le degré

de la fréquence de ces complications baisse rapidement

et ne donne qu'environ 28 p. 100 sur le chiffre total.

Bien qu'on puisse objecter que les chiffres des malades

des deux catégories diffèrent considérablement entre

eux et que, par conséquent, la comparaison ne peut

être parfaitement exacte, je crois que les résultats

d'examens gynécologiques des malades après la méno-

pause étaient tellement uniformes dans la majorité des

cas, qu'on peut accepter le chiffre de soixante malades

sans crainte de commettre une erreur grave. D'un autre

côté, si l'on veut comparer le résultat des recherches,

en prenant à peu près le même nombre de malades et

les mêmes formes mentales avant la ménopause, on

trouve la complication non pas seulement dix-huit fois

sur soixante, comme chez les aliénées non réglées,

DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 185

mais quarante-deux fois sur cinquante-six, c'est-à-dire

que la démence, sur dix cas avant la ménopause, se

trouve compliquée de maladies sexuelles quatre fois,

taudis qu'après la ménopause, sur vingt-huit cas, on

n'en trouve que huit. Quanta la paralysie générale, sur

quatorze cas avant la ménopause, elle donne le même

nombre de complications (quatorze), tandis qu'après la

ménopause, sur dix cas, on n'en trouve que six asso-

ciées aux diverses lésions génitales. Enfin, sur vingt-

cinq cas de mélancolie (les formes puerpérales excluses)

avant la ménopause, vingt-quatre sont compliqués par

des lésions génitales, tandis que les dix autres cas

après le retour d'âge ne donnent que cinq compli-

cations.

L'influence de l'époque de la vie sexuelle reste, par

conséquent, un fait acquis.

En ce qui regarde les complications de la folie par

les formes des maladies sexuelles accompagnant diffé-

rents états physiologiques de la sphère sexuelle des

aliénées, on voit que, sur le nombre total de deux cents

malades (trente-trois vierges, cinquante-cinq femmes

qui n'ont pas eu de couches et cent douze qui en ont

eu (de une jusqu'à douze), quarante-deux sur quatre-

vingt-huit malades des deux premiers groupes, ont des

lésions de l'appareil générateur, qui se présentent prin-

cipalement sous la forme de troubles de la menstrua-

tion, de symptômes d'ovarie et de formes peu graves

d'endométrite, de vaginite, etc. Au contraire, dansée

groupe des femmes qui ont eu des couches, les formes

gynécologiques deviennent beaucoup plus sérieuses, et

l'on voit apparaître, en même tenlps, une.prédomi=

nance marquée de lésions plus compliquées ? Ainsi, les

186 PATHOLOGIE MENTALE.

métrites sont souvent associées à diverses autres affec-

tions, comme endométrites, paramétrites, ruptures du

périnée et altérations de la position de l'utérus. Sur

cent douze aliénées de cette catégorie, les lésions géni-

tales se trouvent notées dans quatre-vingt-seize cas, et

l'on observe cette prédominance chez les malades après

la ménopause. En effet, sur seize aliénées de la même

catégorie qui n'ont pas eu de couches, on rencontre les

affections génitales dans trois cas, tandis que sur qua-

rante-quatre autres qui en ont eu une ou plusieurs, les

lésions sexuelles sont constatées quinze fois, et c'est

chez celles qui ont eu plusieurs couches (de huit à

douze) qu'on voit les lésions sexuelles les plus pronon-

cées. Je dis les plus prononcées; car chez ces neuf

malades on a pu observer diverses lésions graves

(ruptures du périnée, métrite chronique avec endomé-

trite, etc.), d'une provenance évidemment puerpérale.

Il en résulte donc que les couches et leurs consé-

quences, de même que les autres conditions de la vie

sexuelle chez la femme, influent d'une façon manifeste

sur la complication de la folie par les maladies

sexuelles.

En résumé, les résultats de mes recherches me

paraissent être les suivants :

La complication de la folie par les maladies sexuelles

chez la femme doit être regardée comme très fréquente

pendant la persistance des fonctions physiologiques

sexuelles. Après la ménopause, cette complication de-

vient beaucoup plus rare. La grossesse et les couches

influent considérablement sur le. degré de fréquence

des maladies sexuelles, comme avant la ménopause

et après la cessation des règles. - > >. : .. -

DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 1 S7

Quant à l'influence des maladies sexuelles chez la

femme, sur la folie déjà existante, est-elle correspon-

dante à leur degré de fréquence ou non ?

Si l'on veut bien se rappeler ce fait admis de la rela-

tion anatomique et physiologique qui est si intime

entre l'appareil nerveux des organes génitaux chez la

femme et le système nerveux central, on reconnaîtra

que toute irritation périphérique émanant des organes

affectés, réagira fatalement sur l'encéphale, dont les

fonctions se trouvent déjà altérées par la folie. D'autre

part, si l'on se souvient que la physiologie expérimen-

tale a prouvé, dans ces derniers temps, que les irrita-

tions périphériques, très faibles, augmentent considé-

rablement l'excitabilité de la couche corticale du

cerveau, on sera nécessairement conduit à admettre sur

les fonctions du cerveau une influence sérieuse de l'irri-

tation périphérique causée par les affections sexuelles,

même peu prononcées, affections qui doivent toujours

produire un effet irritant par addition lente mais

continue.

En effet, la loi des causes infinitésimales émise par

Maupertuis au xvm' siècle, dit que la nature arrive à

certains résultats très prononcés par une série de

causes très minimes et peu appréciables à elles seules.

Aussi, là où il s'agit d'appréciation de phénomènes

aussi compliqués que ceux de la folie, faut-il d'abord

examiner en détail toutes les causes, si minimes qu'elles

paraissent. Or, c'est précisément dans cette série de

causes, qui s'enchaînent mutuellement, c'est-à-dire les

irritations périphériques dues à des lésions sexuelles,

même peu graves en apparence, à la longue et dans

certaines conditions spéciales, comme hérédité morbide

188 PATHOLOGIE MENTALE.

etautres causes prédisposantes, qu'elles peuvent influer

sérieusement sur l'évolution de la folie et sur ^on appari-

tion ; de sorte que, pour le plus grand nombre des cas

de folie chez la femme avant le retour d'âge, la compli-

cation de l'aliénation mentale parles maladies sexuelles

est un fait qui se rencontre plus souvent qu'on ne le

croit, en général, et que cette complication a sa gra-

vité dans la fréquence même et dans le rôle important

des organes affectés. '

En terminant mon travail, je remercie M. le pro-

fesseur Charcot et M. Magnan de leur aimable accueil

et de la gracieuseté qu'ils ont mise à me permettre

d'étudier les malades de la Salpêtrière et de l'asile

Sainte-Anne [asile clinique).

RECHERCHES CLINIQUES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE;

Par le D E. MARAXDON DE )IONTYEL,

Médecin en chef de l'asile public d'aliénés de )1,tiseille.

L'expression « folie avec conscience » est une des plus

vagues de la pathologie mentale. La faute, pourtant,

n'en est pas aux aliénistes; ce sont les psychologues

qui ont rendu la confusion inévitable par l'abus qu'ils

ont fait, du mot conscience. Aussi est-il indispensable,

pour être compris de s'entendre sur ses divers sens et

de bien spécifier celui dans lequel on l'emploie.

Ce mot n'a pas moins de cinq significations très

différentes les unes des autres. La première, la plus

populaire, est du domaine delà morale ; elle s'applique

RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 189

à cette voix intérieure qui parle à tous, ignorants ou

savants, petits ou grands, riches ou pauvres, pour con-

damner ou absoudre. La seconde a d'intimes et pro-

fondes relations avec la précédente, c'est la conscience

religieuse. Elle s'en distingue pourtant, et j'en veux

pour preuve les luttes qui parfois les divisent. N'y

a-t-il pas des religions qui ordonnent ou excusent des

choses sévèrement proscrites par leur rivale ? Si ce mot

a une signification particulière en morale et eu théo-

dicée, il en a une aussi en métaphysique et deux en

psychologie. En métaphysique, il s'applique à certaines

vérités de sens commun, universellement répandues,

comme le sentiment de l'existence. En psychologie, il

représente tout d'abord ce je ne sais quoi, guère sus-

ceptible de définition à mon avis, par lequel nous nous

sentons malheureusement souffrir, mais aussi heureu-

sement penser et jouir. Il a enfin une dernière signi-

fication : il désigne par abréviation la conscience ré/lé-

chie, celle qui se replie sur elle-même, qui s'étudie,

qui cherche à comprendre et à expliquer les phéno-

mènes qu'elle reflète. Si on se souvient de la discussion

à la Société médico-psychologique en 1875 et si on n'a

pas oublié comment elle s'est clôturée, on comprendra

le soin que je prends, dès le début de ces recherches,

de montrer le mot conscience dans ses diverses accep-

tions.

Le médecin ou le psychologue désireux d'étudier

dans tous leurs détails les états de conscience dans la

folie devrait donc, pour seconformeraux sens du motet à

la réalité des choses, rechercher ce que deviennent chez

l'aliéné la conscience morale, la conscience religieuse,

la conscience métaphysique, la conscience psychique, la

190 PATHOLOGIE MENTALE.

conscience réfléchie. Ce n'est pas ce gigantesque tra-

vail d'ensemble que nous avons entrepris. Aux grands

maîtres à remplir ce grand cadre, à nous le seul souci

et la seule ambition de borner nos recherches à un

pointparticulier, d'apporter quelques faits susceptibles,

s'ils ont été bien observés, de n'être pas sans quelque

utilité pour l'étude de la conscience réfléchie dans la

folie. En nous enfermant dans ces étroites limites, nous

nous conformons d'ailleurs au titre donné à ce travail,

car, en pathologie mentale, les mots folie avec cons-

cience s'appliquent aux seuls malades qui réfléchissent

sur les troubles semoriels et psychiques dont ils sont

frappés et qui, les analysant, en reconnaissent le carac-

tère morbide. Ceux qui nous feront l'honneur de nous

lire, voudront bien, pour nous comprendre et partant

nous juger en connaissance de cause, se rappeler dans

quel sens nous, employons les mots conscience et folie

avec conscience.

Ce travail ne sera ni une oeuvre, d'érudition, ni une

oeuvre de théorie. Je n'ai pas plus la prétention de

retracer l'historique des travaux publiés jusqu'à ce

jour sur la folie avec conscience que celle d'interpré-

ter ce point curieux de pathologie mentale. Je me

bornerai à relater quarante observations personnelles

et à les faire suivre ou précéder des réflexions cli-

niques qu'elles inspirent. Je n'ignore sans doute pas

les grands progrès accomplis à notre époque en psy-

chologie, je sais combien les travaux de l'école alle-

mande et de l'école anglaise ont jeté de lumière sur la

vie consciente et sur la vie inconsciente de l'esprit, je

crois même qu'il serait peut-être possible aujourd'hui

de tenter une généralisation et de formuler une théorie

RECHERCHES SUR LA POLIE AVEC CONSCIENCE. 191 I

scientifique des états de conscience dans la folie, mais

je ne veux pas pour le moment me livrer à de si hautes

études. Dans les discussions qui ont eu lieu à la Société

médico-psychologique en 1869 et en 1875, tandis que

presque tous les orateurs s'acharnaient à discuter sur

les facultés, la volonté et le libre arbitre, le jugement

et la raison, en vain les esprits pratiques demandaient

des faits, beaucoup de faits. Seuls, More) et M. Billod

sont restés cliniciens. A leur exemple, qu'il me soit

permis à mon tour d'apporter des faits et de réserver

pour l'avenir les considérations théoriques.

La folie n'est pas une de ces maladies soudaines,

accidentelles et passagères auxquelles chacun est exposé

à payer tribut. Elle prend racine dans les profondeurs

mêmes de l'organisation cérébrale. Quand elle fait

son apparition, le plus souvent, elle a été préparée de

longue date par toute une série de générations et elle

est l'expression d'une dégénérescence de l'espèce

(Morel). La maladie, au lieu d'avoir son origine dans

l'abâtardissement de la famille, naît-elle des excès ou

des misères du patient, ici encore pour se développer,

elle nécessite un terrain cérébral longtemps et profon-

dément remué, car il est faux que chaque homme ait

un grain de folie tout prêt à germer. Ainsi, que la folie

soit héréditaire ou acquise elle n'est pas l'oeuvre d'un

jour; or, cette chronicité des causes entraîne la chro-

nicité de l'invasion. L'aliénation, eu effet, ne surprend

pas comme un voleur de nuit; elle signale son approche,

son arrivée par des signes variés. Il résulte de cette

étiologie et de ce mode de début un état ordinaire de

conscience, à la naissance des vésanies. Les malades se

sentent devenir fous. Ils ont la notion claire d'un

192 PATHOLOGIE MENTALE.

bouleversement de leur esprit. Us voient leur carac-

tère s'aigrir, leur sensibilité et leurs instincts se per-

vertir, en même temps leurs facultés intellectuelles

s'obscurcir. Ils s'aperçoivent qu'ils n'ont plus les mêmes

aptitudes ni la même ardeur au travail. Ils rapprochent

ces modifications psychiques des maux de tête et des

insomnies dont ils souffrent, et ils en concluent qu'ils

sont sur la pente de la folie. Dans la forme sensorielle

elle-même, les hallucinations n'apparaissent pas tout

d'abord avec la netteté de l'état confirmé. Ce sont des

bruits vagues, des chuchotements confus, des ombres

qui intriguent le malade; puis les voix et les visions

deviennent plus distinctes, prennent corps et le patient

effrayé, s'interroge, se demande s'il n'est pas le jouet

de son imagination en délire. Au début, les états

d'excitation et de dépression viennent aussi se refléter

dans le sens interne. Les patients comprennent que

leur intellect s'engourdit ou s'exalte et sentent qu'ils

sont impuissants à réagir contre le mal qui les enlace

ou les agite. Puis la maladie progresse et la conscience

disparaît.

Si telle est l'évolution ordinaire, est-ce à dire que

jamais la folie n'a une éclosion soudaine et incons-

ciente ? Certainement non. Aux yeux du monde ce

début est même le plus ordinaire; aux yeux de l'alié-

niste, il ne saurait en être ainsi. L'éclosion subite,

incontestable, sans doute, est toutefois pour lui

l'exception, la grande exception ; elle ne se rencontre

guère que dans quelques cas de manie liée à l'hérédité.

Interrogez les malades après leur guérison, ils vous

apprendront presque tous, sinon tous, que pendant

longtemps le feu a couvé sous la cendre, qu'ils ont

RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 193

lutté, dissimulé le plus possible, et que la maladie

n'a apparu au dehors qu'après avoir vaincu leur résis-

tance. Ainsi, en réalité, c'est précisément cet état

de conscience à la naissance. des vésanies, état de

conscience permettant la lutte et la dissimulation qui,

masquant l'évolution lente de la maladie, simule une

brusque apparition.

Ce que nous venons de dire des folies vésaniques

s'applique aussi dans beaucoup de cas aux folies para-

lytiques, à celles surtout improprement nommées para-

lysie générale sans délire et qui psychiquement se

caractérisent par les symptômes de la démence. Pen-

dant une assez longue période, ces infortunés ont la

perception de leur état physique et intellectuel pour

lequel ils vont souvent consulter les médecins. II y a

un second groupe de paralytiques chez lesquels l'état

de conscience au début est un fait constant. La forme

expansive est toujours précédée, comme l'a établi

111. Doutrebente dans sa thèse, d'une période mélanco-

lique. Or, tandis que les malades ' n'apprécient point

leur exaltation cérébrale, dans le stade précédent ils

ont la notion claire de leur état* dépressif. Il est enfin

un troisième mode de début de cette affection qui peut

offrir la même particularité, c'est la forme congestive

d'emblée. Si la poussée sanguine du côté du cerveau

est assez violente pour amener l'ictus apoplectique, la

conscience fait défaut, car en revenant à la vie le malade

est sous le coup de troubles d'une acuité telle que toute

appréciation de son état lui est d'ordinaire impossible.

Mais il est une autre variété de congestion cérébrale,

la plus habituelle même, qui se manifeste par de la

céphalalgie, de l'insomnie, de l'anxiété, un besoin

13

194 PATHOLOGIE MENTALE.

violent de mouvement, et qui souvent laisse la cons-

cience intacte, même pendant un temps assez long,

comme le prouve le fait suivant :

Observation I. Hérédité congestive. Paralysie générale

progressive à la première période, datant de deux ans.

Conscience des troubles psychiques et physiques. Idées de

suicide.

M-e Adèle C..., quarante-quatre ans, mariée, sans profession,

instruction secondaire, entrée à l'asile de Marseille le 12 octobre

1881. La mère est morte à cinquante-six ans d'une attaque

d'apoplexie. Réglée à quatorze ans, la malade a toujours été

régulièrement menstruée. Mariée à vingt-quatre ans, elle a eu

quatre enfants, deux sont morts en bas âge, l'un de la

coqueluche, l'autre d'une fièvre cérébrale. Les troubles

intellectuels datent de deux ans. Mme C... a la conscience très

nette de son état; elle est dominée par une frayeur, une anxiété

non motivée qu'elle est impuissante à surmonter. Insomnie

persistante; souvent, la nuit M-0 C... est forcée de se lever, de

courir dans sa chambre et de pousser des cris. Désolée d'un tel

état, de ne pouvoir surtout surmonter ses craintes jugées

chimériques et morbides, cette dame a tenté de se suicider. Au

point de vue physique, elle a des maux de tête violents, de

l'insomnie, du tremblement des mains, du tremblement

fibrillaire des muscles de la face et de l'embarras de la parole.

Ces désordres physiques sont appréciés. La malade les rap-

proche de ses troubles psychiques et en conclut à un ramollisse-

ment cérébral. Elle consentirait volontiers, dit-elle, à souffrir

du corps la journée, si la nuit elle pouvait dormir un peu et se

débarrasser de ces frayeurs ridicules qui l'agitent en dépit

d'elle. N'ayant pu se tuer grâce à la surveillance exercée par

sa famille, 14lm° C... est venue d'elle-même à l'asile dans le but

de se guérir et ne plus incommoder les voisins par ses cris.

Cette dame est restée trois mois dans mon service; durant ce

laps de temps elle a eu du côté de la tête deux poussées conges-

tives assez fortes : la langue s'embarrassait alors davantage, les

jambes refusaient leur service, tandis que l'anxiété grandissait

et que la conscience restait toujours lucide. Les sentiments

affectifs étaient bien bien conservés, M ? C... réclamait souvent

RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 195

ses enfants et son mari dont la conduite pourtant était loin d'être

un modèle. Le bromure de potassium à hautes poses a procuré

un peu d'amélioration. Au bout de trois mois, la malade n'a plus

voulu demeurer parmi nous et, malgré mes conseils, le mari a

cédé à ses prières. A mon avis, M-1 C... a quitté l'établisse-

ment, où on ne la perdait pas de vue, pour se tuer dehors et pour

se tuer en connaissance de cause, non en aliénée, entrainée par

une impulsion irrésistible ou des conceptions délirantes, mais en

femme consciente de sa personnalité psychique et physique, et

préférant la mort à de telles tortures morales.

Après une période de début plus ou moins longue,

la folie progresse et passe à sa période d'état. D'ordi-

naire la conscience est vaincue à ce moment ; les

malades ont une confiance absolue dans leurs halluci-

nations, ne se doutent point des troubles de leur

intellect et cèdent avec conviction à tous les mouve-

ments désordonnés de leur esprit malade. Il n'en est

pas toujours ainsi : quelquefois la conscience, en dépit

de la violence du mal, conserve tout son contrôle,

permet à l'esprit de se reconnaître au milieu même de

ses plus grands écarts et ne s'éclipse jamais. Ces cas-

là relativement rares, qui sont plus particulièrement

l'objet de ce travail, seront étudiés bientôt dans tous

leurs détails. D'autres fois, il y a durant la période

d'état comme des éclaircies de raison ; la conscience

se fixe durant quelques instants, quelques heures; le

malade alors réfléchit sur ce qu'il éprouve, se sent

aliéné, déplore son malheur, puis est de nouveau

entraîné dans le tourbillon vésanique. Ces manifesta-

tions fugitives du sens intime se rencontrent surtout

dans la manie aiguë où elles sont d'un pronostic heu-

reux et annoncent le retour prochain de la raison,

quand elles augmentent en nombre et en durée. Plus

196 PATHOLOGIE MENTALE.

rares dans les délires dépressifs aigus, quoiqu'eucore

possibles, ils ne paraissent pas se montrer dans les

délires partiels, du moins je n'ai pas eu occasion de

les observer. Chez l'aliéné qui a basé sur ses troubles

sensoriels une systématisation délirante, leretourdela

conscience n'équivaudrait-il pas à la guérison ?

A ce point de vue la folie paralytique se rapproche

de la folie vésanique. Il n'est pas rare, écrivait der-

nièrement M. Dagonet, de voir chez des malades

atteints de paralysie générale des lueurs de conscience

et, à certains moments, l'appréciation de la maladie

dont ils sont affectés. Il semble alors, ajoute-t-il, que

les poussées congestives qui sont une des complications

de la paralysie générale diminuent à certains moments,

de manière à permettre à la conscience de se manifester

d'une façon plus ou moins intermittente. Quoi qu'il

en soit de l'explication, le fait est exact et les deux

observations qui suivent en sont une nouvelle preuve.

Observation II. Hérédité congeslive. Cxcis de travail.

Paralysie générale progressant sans rémission depuis six

mois. Conscience nette durant quelques heures des troubles

physiques et psychiques y compris le délire des grandeurs.

M. X..., quarante-huit ans, ingénieur, marié, entré comme

pensionnaire à l'asile de Toulouse en mai 1879. Hérédité con-

gestive, excès de travail, telles sont les causes de la maladie. A.

l'admission tous les symptômes physiques et psychiques de la

paralysie générale progressive à forme expansive, au premier

degré. Durant six mois la maladie évolue sans la moindre lueur

de raison ; les symptômes s'aggravent tant du côté de l'esprit

que du côté du corps. M. X... reçoit la visite d'un de ses amis,

visite qui sur le moment parait l'impressionner beaucoup. Le

lendemain matin nous trouvons le malade avec la conscience

nette de sa situation. Non seulement il se rend un compte

exact de ses troubles paralytiques, tels que tremblement des

RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 197

mains, embarras de la parole, non seulement il apprécie la

déchéance de ses facultés intellectuelles et morales, mais,

particularité curieuse, il juge sainement son délire expansif

des grandeurs. Il dit avoir la tète remplie d'idées de millions

et de milliards, la nuit voir en rêve des montagnes d'or et des

fleuves de pierres précieuses et que c'est trop absurde pour y

croire. Vivement affecté de son état, il priait en grâce de le

guérir. Le soir toute conscience avait disparu et la maladie

reprenait son cours.

Observation III. Habitudes alcooliques liées à la ménopause.

Paralysie générale avec dipsomanie et kleptomanie.

Rémission incomplète après dix-huit mois. Inconscience

à l'asile; conscience au dehors de l'affaiblissement intellectuel.

- Idées de suicide.- Retour des aeceHo'a ? Mes. In-

conscience absolue depuis deux ans.

Lydie B..., cinquante-trois ans, mariée, sans profession,

instruction supérieure, entrée comme pensionnaire àl'asile de

Marseille le 3 février 1880. Pas d'hérédité au dire de la famille.

La malade a toujours joui d'une bonne santé et jusqu'au re-

tour d'age, qui remonte à six ans, elle avait tenu une conduite

régulière. Avec la ménopause s'est montré le goût des liqueurs

fortes, goût qui s'est accru par la suite. La paralysie générale

a débuté en janvier 1879 par une violente congestion cérébrale.

Depuis lors marche progressive des accidents. Les habitudes

alcooliques sont devenues effrénées et des impulsions au vol

ont apparu. Dans l'établissement, jusqu'au mois d'avril, la

maladie resta stationnaire. La dipsomanie et la kleptomanie

exigeaient, au moment des repas, une surveillance continue.

Avec le printemps, une rémission incomplète se produisit. Les

troubles physiques s'amendèrent considérablement, les ten-

dances au vol et aux liqueurs fortes disparurent, seule l'intel-

ligence resta très affaiblie. L'inconscience était absolue.

L'amélioration s'étant encore accentuée, M°'e 8... fut retirée

par sa famille. De retour chez elle, elle voulut reprendre ses

occupations, s'occuper de ses affaires. Elle en fut incapable et

se reconnut telle. Elle s'aperçut qu'elle n'avait plus de mémoire,

plus de suite dans les idées et elle eut la conscience nette de sa

déchéance intellectuelle. A l'asile, où soumise à un régime et à

une discipline, elle ne prenait souci de rien, la conscience était

198 PATHOLOGIE MENTALE.

restée endormie ; mais elle se réveilla dès que la malade fut aux

prises avec les exigences de la vie libre. M-0 B... fut vivement

affectée de sa découverte; à peine un mois s'était-il écoulé que

son chagrin devenait du désespoir. Elle préféra la mort à une

telle décadence et fit des tentatives de suicide. Trop surveillée

/pour arriver à son but, elle se retourna vers l'alcool. La dipso-

manie reparut et avec elle arrivèrent des hallucinations terri-

fiantes de l'ouïe. La conscience, un moment indécise au début

des perversions sensorielles, sombra ; la malade refusa de manger

de peur d'être empoisonnée. On la reconduisit dans mon

service, conseil que j'avais donné dès la première tentative de

suicide. Depuis deux ans que M ? B... a été confiée pour la

seconde fois à mes soins, l'affection paralytique n'a plus offert

de rémission, et l'inconscience a été absolue.

Par contre, les états de conscience sont rares à la

terminaison des vésanies par guérison, sauf peut-être

pour la manie aiguë. Quand, dans le cours d'une lypé-

mànie simple ou d'une folie sensorielle, la bonne foi

du malade a été complètement surprise, la conscience

ne devance qu'à titre exceptionnel le retour complet

à la raison. Moins tristes, moins tourmentés, ces aliénés

en voie d'amélioration renaissent à la vie extérieure,

s'occupent, réclament leur famille, mais ils subissent

encore l'action du mal tout affaibli qu'il est et sans se

douter de sa nature. La lutte contre la folie que nous

avons vue pour ainsi dire caractéristique de la période

de début ne se retrouve plus ici. Entre ces deux

stades des affections mentales existe donc, à ce point

de vue, une différence radicale.

Il"est des cas, avons-nous dit plus haut,* où la

conscience, en dépit de la violence du mal, conserve

tout son contrôle, permet à l'esprit de se reconnaître

au milieu même de ses plus grands désordres et ne

s'éclipse jamais. Ce sont ces cas qui doivent désormais

nous occuper. , ,

RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 199

Tout d'abord, dirons-nous, il y a quatre variétés de

folie qui s'accompagnent constamment de conscience,

ce sont : l'hypochondrie morale de Fairet, l'agora-

phobie ou peur des espaces, la folie du doute avec

délire du toucher et les folies impulsives. La caracté-

ristique de ces aliénations mentales n'est pas, comme

le croit M. Ritti , la présence de la conscience liée à

l'irrésistibilité des actes, des sentiments ou des con-

ceptions délirantes, car nous aurons tout à l'heure à

faire connaître de nombreux cas de folie qui présentent

ce double caractère et qui incontestablement ne se

classent pas parmi elles. Ce qui les individualise et en

forme un groupe à part, c'est la présence constante,

indispensable de la conscience. Sans elle, elles n'exis-

teraient pas, particularité qui ne se retrouve point

pour les autres formes. Ces folies, contrairement à la

célèbre définition de M. Baillarger, sont des infortunes

qui se connaissent toujours. Ainsi, en aliénation men-

tale, tantôt la conscience est un élément coiislittitif,

tantôt un élément sur ajouté, et c'est la, à mon avis,

une distinction capitale sur laquelle j'appelle toute

l'attention.

Entre ces deux groupes à conscience constitutive et

à conscience surajoutée, existe toutefoisun lien curieux

d'étiologie, qu'il importe tout de suite de signaler : les

aliénés conscients, quels qu'ils soient, sont des héré-

ditaires et appartiennent pour le plus grand nombre

aux classes aisées et instruites de la société. Le fait

est accepté de tous les aliénistes pour les quatre formes

où la conscience est un élément constitutif. Mes ob-

servations prouveraient qu'il en est de même, quand elle

est un élément surajouté. Sur trente-quatre cas de ce

200 PATHOLOGIE MENTALE.

genre, vingt-sept fois l'hérédité a été constatée et les

malades se répartissaient comme il suit : indigents,

onze; pensionnaires, douze; clients instruits et aisés,

onze; soit onze indigents pour vingt-trois malades

appartenant aux classes riches et instruites. Cette sta-

tistique, quoique restreinte, acquiert une certaine valeur

si on tient compte que, médecin en chef d'un grand

service de près de cinq cents femmes indigentes, j'ai

eu sous les yeux beaucoup plus de celles-ci que de

celles-là. Parmi toutes ces infortunées .de la classe

pauvre et ignorante, en avoir trouvé si peu qui eussent

connaissance de leur état, n'est-ce pas la preuve que

dans cette catégorie l'inconscience est presque générale ?

Déplus, jusqu'à ce jour, sauf chez une femme, il ne m'a

pas été donné de voir l'état que nous étudions chez les

personnes à instruction nulle. L'exception signalée

prouve sans doute que savoir lire et écrire n'est pas

indispensable pour apprécier ses perturbations men-

tales, mais l'intelligence est souvent indépendante de

l'instruction, et il ne ressort pas moins de cette petite

statistique que la conservation de la conscience dans

la folie se rencontre de préférence chez ceux dont l'in-

telligence a été cultivée. Une nouvelle preuve à l'appui

de cette opinion se trouve dans la catégorie des héré-

dataires qui restent conscients. Il résulte des recherches

de M. Krafft-Ebing que les prédisposés se divisent en

trois classes. La première comprend les cas de prédis-

position latente. Rien, ni au point de vue physique, ni

au point de vue intellectuel et moral ne trahit la tare

vésanique. Dans la seconde se placent les héréditaires

qui, avant le début de l'aliénation, ont présenté des

accidents névropathiques ou des anomalies intellec-

RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 201

tuelles. Enfin, dans la troisième, se trouvent les dégé-

nérés de corps et d'esprit. Eh bien ! c'est dans le premier

groupe que se recrutent presque toujours les aliénés

conscients. Dans mes observations prises en général,

sur quarante malades, dix seulement dans leur jeunesse

avaient présenté des accidents névropathiques ou des

anomalies intellectuelles, et trente-deux fois l'hérédité

pourtant a été bien constatée.

Vigueur intellectuelle et hérédité vésanique sont donc

des conditions connexes qui favorisent la conservation

de la conscience. En ce qui concerne l'intelligence, il

est facile de comprendre son rôle. Au début de ce

travail, j'ai eu soin de spécifier que le mot conscience

est employé ici dans son acception réfléchie : il signifie

la conscience qui se replie sur elle-même, qui s'étudie,

cherche à comprendre et à expliquer les phénomènes

qu'elle reflète. Cette conscience n'est pas celle du vul-

gaire, c'est surtout la conscience du penseur, de ceux

habitués à scruter le pourquoi des choses et pour se con-

server au milieu des plus graves perturbations psychi-

ques, elle a le plus souvent besoin d'avoir été fortifiée

parl'étudeetl'observation. Voilà pourquoi, d'après mes

recherches, les aliénés conscients se recruteraient dans

la proportion de 67,6 p. 100 parmi l'élite de la société.

(A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

DESCRIPTION DE QUELQUES PIÈCES RELATIVES AUX LÉSIONS

OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES,

CONSERVÉES AU MUSÉE A ? AT01f0-P.lTÜOLOGI(UE DE LA SALPÊT1UÈRE ;

Par Cn. FÉRÉ. ·

Depuis que M. Charcot a appelé l'attention sur les affections

articulaires et osseuses développées chez les ataxiques, un

grand nombre de pièces de ce genre ont été recueillies à l'hospice

de la Salpêtrière. Plusieurs d'entre elles ont été déposées par

M. Charcot au musée Dupuytren, d'autres dans des musées de

l'étranger, notamment au musée Iluntérien et au musée de

l'hôpital Saint-Thomas de Londres, au musée de Manchester,

d'autres ont été égarées. Les spécimens actuellement conservés

au musée de la Salpêtrière proviennent de huit sujets, et elles

ont été réunies depuis 1876.

Les pièces provenant d'une nommée C... ont été décrites par

M. Charcot'. ( ? '7 7 et 8.)

Une autre pièce, une arthropathie du coude, qui a été donnée

au musée par M. Alph. Robert, est décrite en détail dans les

bulletins de la Société anatomique2, nous n'y reviendrons pas.

( ? 9.)

Nous nous arrêterons seulement sur les préparations qui

n'ont jamais été le sujet d'aucune description en règle.

I. La plus remarquable est le squelette de la nommée B...,

que M. Charcot a présenté avec le moule en cire de la malade

au Congrès de Londres' en 188t. C'est la première fois que le

1 J.-M. Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. II,

3p édit., 1880, p. 305. ,

Alpii. Robcrt. - Bull. Soc. anat., 1878, p. 512.

' A Report on the Conyî,ess Muséum, p. 20.

LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 203

squelette entier d'un ataxique a été examiné complètement;

et l'épreuve n'est pas sans intérêt, car elle a permis de découvrir

plusieurs lésions ignorées pendaut la vie, ce qui permet de sup-

poser que les lésions osseuses des ataxiques sont encore plus

fréquentes que les faits publiés semblent l'indiquer. (NI 10.)

Ce squelette présente des arthropathies temporo-maxillaires

scapulo-humérales, coxo-fémorales, fémoro-tibiales.eten outre

une fracture de l'os iliaque droit et du péroné gauche. Ces deux

dernières lésions avaient passé inaperçues sur le vivant.

1° Articulations temporo-maxillaires. Cavité articulaire du <cm-

pornl droit. La partie de la cavité glénoïde située en avant de la fissure

de Glaser est plus que doublée d'étendue par l'usure de la racine

transverse de l'apophyse zy-omitiqtte. Cette surface articulaire de

nouvelle formation, qui est assez régulière à distance, présente, à la

considérer de près, un aspect spongieux.

Cavité articulaire du temporal gauche. La racine transverse de

l'apophyse zygomatique est très légèrement usée à sa partie pos-

téro-inférieure. La mâchoire supérieure est absolument dépourvue

de dents et l'arcade alvéolaire à peu près complètement effacée.

Maxillaire inférieur (fit. 3). Le condyle

droit est tellement usé que sa partie la plus

élevée arrive presque au niveau du fond de

l'échancrure coronoidienne , ou plutôt on

peut dire que le condyle a complètement

disparu et que la surface articulaire actuelle

est constituée par le col du condyle légère-

ment renflé à son extrémité. Cette surface

est d'ailleurs rugueuse et ne présentait à

l'état frais aucune trace de fibro-cartiiago. Le condyle gauche est

seulement un peu usé à sa partie postérieure.

11 semble que ce soit le premier fait qui ait été observé

jusqu'ici d'arthropathie de l'articulation temporo-maxillaire.

Nous ne connaissons point d'autre exemple de lésions de la base

du crâne chez les ataxiques. Le maxillaire inférieur a aussi

rarement été trouvé atteint. Toutefois M. Vallin' a signalé

l'expulsion des dents et l'élimination du bord alvéolaire, et

M. P. Olivier (de Rouen) a observé une fracture spontanée du

maxillaire inférieur chez un ataxique 1.

1 Vallin. Des altérations trophiques des os maxillaires dans l'ataxie

locomotrice. {Union médicale, novembre 1879.)

1 Anceliii. Considérations sur les fractures sponfaîtées dans ataxie

locomotrice. Thèse de Paris, 1881, p. 38.

Fig. 3.-lfaaillaire

inférieur avec usure

du condyle droit.

SOt i RECUEIL DE FAITS.

2° Epaule gauche (Fig. 4). A. Omoplate. La surface articulaire, la

cavité glénoïde et le col ont complètement disparu. A leur place,

on ne voit plus qu'un prolongement du bord axillaire de l'omo-

plate, se terminant par une épine verti-

cale qui n'est autre que l'apophyse cora-

coide dont le crochet a disparu. Cette

espèce d'épine est lisse, quoique un peu

irrégulière.

13. Humérus. L'extrémité supérieure de

l'os ne constitue plus qu'une saillie conique

où on ne reconnaît plus ni surface arti-

culaire, ni tubérosités. Ces dernières ne

sont pas complètement détruites, mais ne

sont plus représentées que par des mame-

lons à peine saillants. La face externe a

conservé à peu près l'aspect du tissu osseux

normal, tandis qu'en dedans, à l'endroit

où existait autrefois le col, on trouve une

surface rugueuse, d'aspect spongieux. La

tête numérale était luxée en avant et fai-

sait saillie sous la peau comme on le voit

dans la figure 5.

L'extrémité inférieure de cet os est

saine; on y remarque seulement une per-

foration qui fait communiquer la cavité

oiécrânicnneavec la cavité coronoïdienne ;

c'est la une disposition fréquente chez la

femme.

3° Epaule droite. A. Omoplate. La cavité glénoïde est com-

plètement effacée. Le col et la surface articulaire sont tellement

amincis d'arrière en avant que cette partie de l'os n'a pas plus d'un

centimètre d'épaisseur. Il reste seulement à la partie inférieure de

ce moignon une surface d'un centimètre carré environ, encore

encroûtée de cartilage. La partie antérieure du col ne présente

aucune altération appréciable; c'est aux dépens de la face posté-

rieure que s'est faite l'usure. Cotte partie postérieure, aplatie et

déformée, est irrégulièrement anfraclueuse, spongieuse, percée

d'un grand nombre de petits trous. L'usure porte jusque sur le

bord axillaire de l'omoplate qui est devenu tranchant à sa partie

supérieure, jusqu'à ce qui reste do la surface articulaire. L'épine

de l'omoplate est épaissie, et paraît plus dense que celle du côté

opposé. Sa face supérieure, aulieu d'être concave, est devenue irré-

gulièrement convexe, et elle est creusée d'un grand nombre de

petites cellules. La face inférieure, au lieu d'être convexe, est

concave et forme une espèce d'arche; une grande partie de cette

surface est éburnée et lisse, sauf quelques petites érosions qu'on

Fig. 1,. - lspaule gau-

che, usure de la fiae de

l'humérus et de la cavité

glénoïde de l'omoplate.

LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 205

remarque surtout vers la base de l'épine. C'est la padio inféiieuro

de l'épine de l'o-

moplate où l'os est

éburné qui était

en rapport avec ce

qui reste de la tête

JiUfnerale.

13. Ilumérus.A la

partie antérieure

et interne du col

citirurgica], il

existe une dépres-

sion semblant ré-

suttord'uneusure.

Au dessous , au

contraire, l'épais-

seur de l'os est

plutôt exagérée ,

et on remarque en

ce point plusieurs

petites excavations

qui logeraient une

lentille. La tête

humérateestpro-

fondément défor-

mée ; le col anato-

ntiqueestapeine

appréciable , de

sorte que la tu-

hérosité externe

semble confondue

avec la tête. La

grosse tubérosité

semble d'ailleurs

diminuée de vo-

lunre; la petite est

presque elfucée, et

c'est à peine si on

trouve la trace de

la coulisse bicipi-

tale. La surface ar-

ticulaire est com-

plètement dépour-

vue de cartilage et

offre une surface

spongieuse, saut à la partie antérieure où on remarque un Ilot

Fiy. - Reproduction (le la photographie Lie

B..., montrant les déformations do l'épaule et du

genou gauches.

206 RECUEIL DE FAITS. '

irrégulier, lisse et dur, comme éburné. L'extrémité inférieure

de l'humérus ne présente aucune

particularité à noter.

4° Hanche gauche. A. Os iliaque.

Au pourtour de l'arrière-fond de

la cavité cotyluïde, il existe en ar-

rière et en dehors un petit bourre-

let rugueux. Le reste de l'os n'offre

rien d'anormal. Le ligament rond

était détruit et il ne restait qu'une

fongosilé violacée à la place des in-

sertions.

1;. Fémur (Fig. 9). Rien de parti-

culici- du côté des tubérosilés, ni du

col. La tête fémorale est à peu près

lisse dans toute son étendue, mais en

arrière et en haut, la limite de la

surface articulaire est marquée par

un petit bourrelet légèrement saillant

et - Un peu au-dessous

du petit trochanter, sur la face anté-

rieure et près du bord interne de

l'os, on remarque une petite dépres-

sion peu proioiicie, a surlace lisse, et semblant résulter d'une usure.

5° Hanche droite. A. Os iliaque.

Avant de décrire l'état de la surface

articulaire de cet os, nous dirons

quelques mots d'une autre lésion

qui n'avait point été soupçonnée

pcndant la vie.

Fracture de l'ilion. Sur la face ex-

terne de l'os (Fig. G) on trouve un

sillon profond, trace d'une fracture

non consolidée, qui se dirige un peu

obliquement de haut en bas et d'ar-

rière en avant, partant à peu près

de l'union du tiers moyen et du tiers

antérieur de la crêle iliaque et se

dirigeant vers le fond de l'échan-

crure du psoas. En avant de ce sil-

lon qui entoure presque toute son

étendue d'une profondeur égale à

l'épaisseur de l'os, on trouve sur la

fosse iliaque externe, des saillies ru-

gueuses; en arrière on trouve une crête également rugueuse d'en-

Fig. 6. - Face externe de

l'os iliaque droit montrant

l'absence de consolidation de

la fracture et l'usure de la ca-

vité cotyloide.

Fig. 7. - Face interne de

['o ? ii : u]ue droit ; consolida-

tion de la fracture par un cal

exubérant et dinoniie.

LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 207

viron 5 millimètres de hauteur au niveau de l'inversion du petit

fessier.

Du côté de la fosse iliaque interne (Fig. 7), on voit, suivant la

même direction que le sillon de la face externe, une production

osseuse irrégulière, un cal difforme, formant une saillie rugueuse

d'un centimètre d'épaisseur et de 4 centimètres de large en moyenne.

Cette production forme comme une espèce d'attelle accolée à l'os.

Cet aspect de la face interne de la fosse iliaque contraste avec celui

de la face externe où, au lieu d'un cal exubérant, on constate

l'absence complète de tout travail de consolidation.

La forme anatomique de cette fracture se rapproche de celle

qui a été décrite par Duverney sous le nom de fracture en tra-

vers de l'os des lies et dont, dans un autre travail', nous nous

sommes efforcé de démontrer le mode de production par choc

ou pression latérale agissant obliquement de bas en haut et de

dehors en dedans. Il est probable que la malade s'est fracturé

le bassin en se tournant brusquement dans son lit, car elle

n'avait subi aucun traumatisme grave, et d'ailleurs la lésion

n'avait pas été soupçonnée de son vivant. L'absence de conso-

lidation du côté externe peut s'expliquer par ce fait que la

malade n'ayant jamais été traitée, les fragments qui n'ont

jamais été rapprochés, tendaient toujours à s'écarter par de-

hors, tandis que, du côté interne où ils ne s'étaient jamais

abandonnés, le défaut d'immobilisation tendait à déformer le

cal à mesure qu'il se constituait.

A. La cavité cotyloicie est à peu près effacée, on ne trouve plus

trace de rebords; à la place qu'elle occupait, il n'y a plus qu'un

large méplat, interrompu par une petite dépression à peu près de

la largeur de la pulpe du' pouce. Sur la branche horizontale du

pubis, au niveau de la partie supérieure de l'ancienne cavité arti-

culaire, on trouve une petite dépression qui logerait une lentille,

et autour d'elle, l'os est un peu poreux. En arrière, vers la base de

l'épine sciatique, on trouve une petite dépression en forme de

cupule, qui se trouvait en rapport avec l'extrémité supérieure

déformée du fémur.

13. Fémur (Fig. 8). A l'union du quart supérieur avec les trois

quarts inférieurs del'oson trouve une dépression portant sur la demi-

circonférence externe de l'os, dépression irrégulière, semblant

résulter d'une usure comme si l'os avait été râpé. Le grand tro-

1 Ch. Féré. Étude expérimentale et clinique sur quelques fractures

du bassin. (Progrès médical, 1880, p. 3.) ,

1208 ' RKCUEIL DE FAITS.

chanter n'est plus représenté que par une épine ayant à peu près le

volume de 1 opine sciatique. Le petit trochan-

ter ne forme plus qu'une petite éminence ru-

gueuse à peine saillante. Le col et la tête du

fémur ont complètement disparu ; le moi-

gnon qui subsiste forme une saillie de 2 ou

3 millimètres sur le côté interne du corps de

l'os. La partie de ce moignon qui était en

contact avec l'os iliaque est recouverte d'une

couche de tissu fibreux rappelant le fibro-

carhlage.

L'extrémité inférieure de l'os est extrême-

ment poreuse, mais il n'y a pas de destruc-

tion de cartilage. '

6° Genou gauche. (Fig. 9). A. Fémur.

L'extrémité inférieure du fémur gauche pré-

sente une usure considérable du condyle

externe. Ce condyle parait avoir été coupé

obliquement de bas en haut et de dedans en

dehors, de sorte que l'extrémité externe de la

surface articulaire répond à la tubérosité

externe et est située à un peu plus de 4 cen-

timètres au-dessus du plan du condyle interne.

Le condyie interne est lui-môme rétréci dans

son diamètre transversal, car la partie externe

est aussi usée. Ce qui représente la surface

articulaire du condyle externe est lisse et

assez dense; quant au condyle'interne, il pré-

sente un aspect poreux. En avant, le contour

de la surface articulaire des deux condyles est

marqué par un bourrelet retroussé formant

une gouttière profonde ouverte en haut et

surtout marquée sur le condyle interne.

Quand on considère l'os par sa partie pos-

térieure, on ne trouve plus trace de condlo

externe; le condyle interne aminci présente

de nombreuses aspérités rugueuses. Toute

l'étendue de la surface poplilée présente une

usure formant une cavité de plus d'un centi-

mètre'de profondeur d'une forme générale

triangulaire et destinée à recevoir l'extrémité

supérieure déformée du tibia.

' B. Tibia (Fig. 10). La surface articulaire des

plateaux du tibia a à peu près complètement

disparu, il n'en reste qu'à peu près un cen-

timètre carré à la partie antérieure et interne

`l Fig. S.' - Membre

inférieur droit, usures

des saillies de l'extré-

mité supérieure du fé-

mur. (Les autres lé-

sions sont dues il la

macération.)

LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 209

du plateau interne. Cette partie offre une usure considérable

formant une concavité transversale, dont le fond descend à peu

près jusqu'au niveau de la tubérosité antérieure du tibia. Il résulte

de cette altération que la surface supérieure du tibia présente deux

saillies latérales simulant à peu près la forme des condyles du

fémur. 0

Cette même surface supérieure est en outre divisée par une crête

transversale qui la sépare en deux parties inégales ; l'antérieure

moins étendue, taillée obliquement de haut en bas et d'arrière en

avant; la postérieure, plus large, taillée en sens inverse, est plus

profondément échancrée, surtout vers le reste du plateau externe

«lui est fortement usé, tandis que le renflement qui représente le

plateau interne forme une saillie ovalaire de un centimètre et

demi de hauteur dont le grand axe antéro-postérieur a 45 millim.

et le petit axe transversal 30. Cette saillie était en contact avec la

concavité décrite au niveau de la surface poplitée du fémur.

A l'autopsie, nous avions constaté que l'extrémité supérieure du

14

Fig. 9. Fémur

gauche. Lésions peu

prononcées de l'extré-

mité supérieure. Usure

et déformation considé-

rable de l'extrémité in-

férieure.

Fig 10. Os de la jambe gauche. Usure et

déformation de la surface articulaire 'supé-

rieure du tibia, fracture consolidée du pé-

roné.

210 RECUEIL DE FAITS.

tibia était remontée en dehors et en arrière du condyle externe du

fémur, de sorte que ce qui reste du plateau interne du tibia se

trouvait être à 10 centimètres plus haut que le condyle interne du

fémur. La rotule se trouvait située entre la tubérosité du tibia dé-

placé et le bord externe du fémur tout à fait en dehors de l'axe de la

cuisse. Le tendon du biceps était» dévié à sa partie inférieure et se

dirigeait en dehors ainsi que le ligament rotulien qui étaitpresque

horizontal. Toute l'étendue de la synoviale présentait une teinte

ocreuse foncée se rapprochant de la couleur de terre de Sienne,

mais sans altérations appréciables à l'oeil nu de sa structure. Les

ligaments croisés n'étaient pas détruits, mais extrêmement allongés

et déviés en dehors puisque leur extrémité est un plan plus élevé

que l'insertion fémorale ; l'externe avait 6 centimètres de long,

l'interne 4. Les ligaments latéraux étaient également très allongés

et déviés dans le même sens. Quant aux cartilages semi-lunaires,

ils avaient complètement disparu. On peut du reste se rendre

compte en considérant la figure o de la position vicieuse des sur-

faces articulaires.

8° Le péroné gauche a été fracturé à sa partie moyenne et offre

un cal un peu volumineux, mais assez régulièrement fusiforme

(Fig. 10).

La cinquième côte gauche est bifurquée à sa partie antérieure',

et chaque branche de bifurcation se continuait par un cartilage

spécial.

IL Les pièces provenant de la nommée C... consistent en

deux arthropathies des hanches et une arthropathie du genou

droit.

4 Articulation'coo-fémoraled1'olle. A. Os iliaque (Fig. 11). La

cavité cotyloïde est effacée par l'usure de ses bords. Cette usure

d'ailleurs est beaucoup plus marquée en haut et en arrière qu'en

bas et en avant, ce qui est enrapport avec le déplacement du fémur.

Vers le haut, la cavité est éculée, de telle sorte qu'elle arrive très

près de l'éminence iléo-pectinée. En arrière et en haut la cavité

s'avance vers la base de l'épine iliaque antéro-inférieure. En arrière,

l'usure est encore beaucoup plus marquée et s'étend jusqu'à la base

de l'épine sciatique et jusqu'au boid antérieur delà grande échan-

1 Les fibres musculaires comprises dans l'espace losangique compris

entre les branches de bifurcation de la côte et les deux cartilages

offraient la même coloration que celles des autres muscles intercostaux.

C'est une remarque que nous avons déjà faite à propos d'une autre pièce

analogue, et qui est intéressante au point de vue de l'interprétation du

rôle physiologique de ces muscles. (Bull. Soc. anal., 1880, p. 290.)

LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 2li t

crurc. Il existe de ce côté, en arrière de l'ancienne cavité coty-

loïde, et à peine séparée d'elle par une crête peu saillante, une

large surface qui se trouvait en rapport avec ce qui reste de l'ex-

trémité supérieure du fémur. Cette surface où l'os est aminci,

s'étend depuis la base' de l'épine sciatique le long et jusqu'au

niveau du fond de la grande échancrure, et elle remonte à peu

près jusqu'au milieu de la partie antérieure de la fosse iliaque

externe.

En bas, l'usure du sourcil cotyloidien est beaucoup moins mar-

quée, et en avant l'échancrure cotyloïdienne est intacte. Cette

disposition de l'usure montre bien qu'elle est déterminée par le

frottement du fémur, tendant toujours à se porter en haut et en

arrière.

Le fond de la cavité n'est pas complètement déformé, l'arrière-

fond est encore reconnaissable.

Toutes les parties qui sont le siège de la déformation offrent

un aspect poreux tout spécial, indiquant une raréfaction de

l'os. '

B. Fémur (Fig. 12 La moitié inférieure de la tête fémorale est

coupée obliquement de haut en bas et de dedans en dehors, et

présente de ce côté une surface plane comme usée à la meule.

Cette usure, qui résulte du frottement du fémur contre la fosse

iliaque, peut servir à faire reconnaître la position occupée pendant

la vie.

Fig. Il. - Os iliaque droit, usure de la

cavité cotjloide.

Fig. 12. Fémur

droit, usure de la

moitié inférieure de

la tète.

212 - ' RECUEIL DE FAITS. '

- La partie antérieure' du col est dépolie et offre un aspect spon-

gieux, et sur quelques points il existe des rugosités saillantes

également spongieuses.

20 Articulation coxo-féi ? zorale gauche. A. Os iliaque (Fig. 13).

De ce côté il n'y a qu'un point de la cavité cot3loïde qui soit intact,

c'est l'échancrure antérieure. Le fond est complètementlisse, il n'y a

plus trace de l'arrière -cavité. Sur tout le pourtour, les bords sont

émoussés, et les limites de la cavité sont à peine distinctes sur

certains points. En' arrière de ,1'ancienne cavité, il existe une

large plaque d'usure à peu près lisse allant de la hase de l'ischion

et de l'épine sciatique au fond de l'échancrure sciatique, et, en

s'arrondissant à la base de l'épine iliaque antérieure et inférieure,

atteignant enfin l'échancrure comprise entre l'épine iliaque antéro-

inférieure et l'éminence iléo-pectinée.

B. Fémur (Fig. 14). La tête et le col ont complètement disparu, il

ne reste plus à la place de l'insertion du col sur le corps du fémur

qu'une surface rugueuse et poreuse. (N° 5.)

3° Genou droit. Les surfaces articulaires du fémur, du tibia

et de la rotule ne présentent pas de déformations très accentuées ;

elles offrent seulement sur toute l'étendue des parties en contact

un aspect spongieux, avec usure généralement peu marquée de la

surface, sauf pourtant sur les plateaux du tibia qui sont, surtout

l'interne, assez notablement effondrés. (N" 6).

Fig. 13. Os iliaque gauche. Usure de la

cavité cotyloïde et de la partie voisine.

Fig. Ki. Fémur

gauche, disparition

totale de la tête.

LÉSIONS OSSEUSLS ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 213

III. La nommée A... ne présentait que des fractures de l'hu-

mérus gauche de l'avant-bras droit, de la jambe gauche. (N° 11.)

1° Humérus gauche (Fig. 35). Cet

os présente vers son tiers inférieur

une fracture avec cal difforme. Le

fragment supérieur chevauche de

près de dix centimètres en avant de

l'inférieur, de sorte que sa pointe

arrive presque au niveau de la ca-

vité eoronoïdienne. Les deux frag-

ments éloignés de plus d'un centi-

mètre sont réunis par un cal volu-

mineux et irrégulier.

2° Avant-bras droit (Fig. 16). Les

deux os sont fracturés au-dessus de

leur extrémité inférieure.

Le cubitus a été fracturé à peu près

à quatre centimètres au-dessus du

niveau de la surface articulaire. Le

fragment supérieur a chevauché en

dedans et est réuni latéralement

à l'inférieur par un cal difforme,

volumineux et à surface poreuse. La

pointe du fragment supérieur forme

encore une saillie de plus d'un cen-

timètre dans l'espace interosseux.

Le radius a été rompu plus d'un

centimètre plus haut que le cubitus.

Les deux fragments qui étaient res-

tés mobiles présentent un renfle-

ment d'aspect poreux par places,

éburné sur d'autres points, mais ils

ne sont nulle part réunis par une

soudure osseuse, il y avait deux réu-

nions par du tissu fibreux.

3° Jambe gauche. (Fig. 17). Les

deux os sont fracturés, mais à des

hauteurs très différentes; mais tous

deux offrent une double déviation

analogue, en angle obtus ouvert en

dedans et en arrière.

Le péroné est rompu à huit centi-

mètres environ de son extrémité in-

férieure etlesdeux fragments sont. réunis par un cal peu volumineux.

1'iy. 15. - Fracture de l'humé-

rus gauche.

214 RECUEIL DE FAITS.

' Le tibia a étéfracturé plus de dix centimètres au dessus et il s'est

consolidé également par un cal peu volumineux. Sur sa demi-cir-

conférence externe au niveau du foyer de la fracture du péroné

avec lequel il était en contact, il existe une petite production osseuse

irrégulière.

IV. Sur la nommée X... il n'existait qu'une arthropathie de

la hanche.( ? 12.)

Hanche gauche (Fig. 18). A. Os iliaque. La cavité colyloide

n'est intacte qu'au niveau de l'échancrure antérieure; l'arrière-fond

est élargi, déformé, rugueux. En avant et en arrière, le sourcil

cotyloïdien fait une saillie exagérée et est déformé par des aspérités

rugueuses. Dans toute sa demi-circonférence postérieure au con-

traire il est complètement usé et remplacé par une plate-forme à

surface lisse, limitée en arrière par une crête saillante demi-cireu-

laire. Cette plate-forme est surtout large en haut et en arrière, du

côté de la fosse iliaque avec laquelle elle se confond. ·

' B. -Fémur. La tête et le col ont complètement disparu, la perte

Fig. 96. -- Fractures des deux os

de l'avant-bras droit (face posté-

rieure).

Fig. 17. - Fractures des deux

os de la jambe gauche (face pos-

térieure).

LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 215

de substance à surface irrégulière mais non rugueuse, forme

comme une section allant de la base du grand trochanter à la base

du petit trochanter qui n'est plus représenté que par une très

petite rugosité.

V. La nommée P... offrait une arthropathie de la hanche

droite et du genou droit. (N° 13.)

1 - Hanche droite (Fig. 19). A. Os iliaque. Toute la demi-circon-

férence postérieure du sourcil cotyloïdien est usée et constitue une

sorte de plate-forme semi-lunaire de un centimètre de largeur à

peu près. Sur certains points cette surface est lisse et comme

éburnée; sur d'autres elle est rugueuse et présente un aspect spon-

Fig. 18. Os de la hanche gauche. Usure de la cavité cotyloïde,

disparition de la tète fémorale.

. 1 RECUEIL DE FAITS. ' '

gieux. 11 n'existe plus de trace de cartilage articulaire sur la cavité

cotyloïde, qui offre un aspect rugueux sur toute son étendue, sauf

au niveau de l'échancrure cotyloïdienne, où l'os a conservé son

apparence normale. Le fond de la cavité cotyloïde est rempli par

une masse ovoïde qui lui est intimement soudée. Cette masse est

constituée par la tête fémorale sur une petite étendue, mais il n'y

reste aucune trace de cartilage. La partie du col qui reste adhé-

rente à la tête montre une surface irrégulière et spongieuse.

Sur la face interne de l'os iliaque entre la crête innominée, le

trou sous-pubien et la grande échancrure sciatique, on voit, une

saillie à peu près régulièrement hémisphérique et représentant à

peu près les dimensions du fond de la cavité cotyloïde à laquelle

elle correspond exactement. La surface de cette saillie est percée

d'une quantité considérable de petits trous; en arrière et en haut

tout près de la crête innominée, il existe une perte de substance

d'un centimètre carré environ comprenant toute l'épaisseur du fond

Fig. 19. Os de la hanche droite, déformation de la cavité cotyloïde

au fond de laquelle est la tête fémorale.

LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. l't7.

de la cavité cotyloïde qui à

ce niveau est très amincie.

Cette solution de conti-

nuité peimet d'apercevoir

la surface rugueuse de la

tête fémorale, qui vient

ainsi, en quelque sorte,

faire saillie dans ^le petit

bassin.

B. Fémur. Du côté du fé-

mur, nousvoyons que le col

a été comme coupé à son

insertion, obliquement de

haut en bas et de dehors en

dedans. Il ne reste plus à

sa place qu'une surface irré-

gulière, rugueuse et percée

de trous. Ce même aspect

se retrouve du reste sur la

partie postérieure de l'os

jusqu'à la bifurcation supé-

rieure de la ligne âpre.

2° A l'extrémité inférieure

du fémur on trouve sur la

partie inférieure du con-

dyle externe une évasion

antéro-postérieure du car-

tilage de deux centimètres

de long sur un de large, au

niveau de laquelle l'os est

détruit sur une petite épais-

seur. Il n'y a pas d'autre

lésion appréciable des sur-

faces articulaires du genou.

VI. La nommée B...,

ancienne atavique, con-

finée au lit depuis long-

temps, s'est fracturée le

fémur droit en se tour-

nant dans son lit sans

qu'on ait pu savoir au

juste par quelle combi-

naison de mouvements :

Le fragment supérieur

218 RECUEIL DE FAITS.

avait percé la peau et, malgré la résection de l'extrémité du

fragment, la réduction n'avait pu être maintenue et la ma-

lade mourut des suites de cette fracture exposée.

Les deux tiers supérieurs du corps du fémur forment un renfle-

ment fusiforme, dont la surface présente un aspect poreux sur

certains points, éburné sur d'autres. C'est un peu au-dessus de la

limite de cette altération que siège la fracture (Fig. 20).

Un peu au-dessus de l'union du tiers moyen avec le tiers inférieur

de l'os, à cinq à six millimètres en dehors du bord interne, sur la

face antérieure, on voit partir un trait de fracture qui se dirige obli-

quement en dehors dans la direction de la tubérosité externe du

fémur, mais la fracture s'arrête à 5 centimètres environ avant

d'arriver à cette tubérosité. Un autre trait parti du même point

contourne le bord interne, la face interne, puis la face externe pour

venir se terminer en bas en se réunissant avec le premier pour

former deux fragments aigus. La pointe du fragment supérieur a

été réséquée. 11 n'existe aucune fissure, pas plus à l'angle inférieur

qu'à l'angle supérieur. ( ? 14.)

Cette fracture rappelle celles que nous avons décrites sous le

nom de fractures par torsion de la partie du corps inférieure, du

fémur et reproduites expérimentalement ' ; mais elle en diffère

seulement parce que le trait spiral au lieu de parcourir la face

antérieure de l'os, contourne les faces interne et externe , et

que le trait rectiligne se trouve à peu près tout entier sur la face

antérieure. Il est probable que cette différence tient à la

différence de structure des deux tiers supérieurs de l'os où on

voit un renflement fusiforme d'un aspect éburné ; comme il est

de règle dans ces fractures que l'obliquité du fragment recti-

ligne indique le sens dans lequel l'extrémité inférieure de l'os

a tourné, il est probable qu'il s'agit ici d'une fracture par

torsion en dehors. Un autre cas de fracture du fémur observée

chez un ataxique par M. Heydenreich, peut peut-être à juste titre

être rapproché de celle-ci ; il est dit en effet que « les fragments

sont pointus, extrêmement obliques, disposés en spirale' ».

Ct. Féré. - Bull. Soc. aaat., 1880, p. 448.

2 Heydenreich. Bull. Soc. anat., 1874, p. 255.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

IX. NOTE SUR l'un DES « symptômes » de l'ataxie locomotrice ;

par J. \4oRTmER GRANVILLE. (Practitioner, novembre ISS 1,

p. 333.)

L'hypothèse de la dissolution, proposée par Herbert Spen-

cer, et appliquée par Huglilings Jackson à l'explication de cer-

tains phénomènes pathologiques, trouve son application dans

ce qu'on est convenu d'appeler le symptôme pathognomo-

nique de l'ataxie locomotrice, c'est-à-dire la perte de l'équili-

bration en l'absence du secours fourni par le sens de la vue.

L'auteur explique ainsi ce phénomène : la fonction auto-

matique qui consiste à équilibrer le corps et à le maintenir

dans la station droite, a le sort de toutes les fonctions qui s'ac-

complissent en vertu d'une coordination des mouvements mus-

culaires : elle est une fonction apprise à l'aide du sens de la

vue, avant de devenir une fonction semi-consciente et finale-

ment automatique ; et le sujet ataxique est ramené, parle pro-

cessus de la dissolution, à l'état d'un enfant qui apprend à se

tenir debout et à marcher.

Non seulement cette manière de voir donne du phénomène

en lui-même une explication nouvelle, mais l'auteur estime

qu'elle entr'ouve une voie nouvelle au traitement. Si bizarre

et si peu physiologique que puisse paraître au premier abord

une pareille idée, M. Mortimer Granville propose d'enrayer la

déchéance ou de réveiller l'activité du « sens musculaire »

par la rééducation des cellules nerveuses qui constituent les

sources de cette forme particulière d'énergie. Pratiquement,

le traitement qu'il propose est le suivant : faire tenir le malade

debout, les yeux fermés, dans un bain, après avoir versé le

long du rachis une petite quantité d'eau froide (dans quelques

cas, il a paru utile de sinapiser la colonne vertébrale dans toute

sa hauteur, tous les soirs, jusqu'à rubéfaction); faire persister

le malade dans ses efforts pour se tenir ferme et droit sur ses

220 REVUE de pathologie NERVEUSE.

jambes pendant un quart d'heure d'abord, puis une demi-heure

avec un point d'appui à sa portée, mais en lui recommandant de

ne l'utiliser que s'il se sent en danger imminent de tomber.

Pendant les deux ou trois premières semaines, on n'obtiendra

que des résultats très peu appréciables; mais après ce délai, et

en moins de trois mois, on verra s'amender non seulement le

symptôme ainsi combattu, mais tous les autres symptômes, en

même temps que l'état général du malade s'améliorera d'une

façon sensible. R. DE M. C.

X. NOTE SUR la maladie DE Menière et EN particulier SUR

SON traitement par la méthode DE M. CHtRco,r; par

Ch. Féré et Ach. Demars. (Revue de Médecine, 1881.)

Les auteurs débutent par une étude de la maladie d'après les

documents récents et l'observation de plusieurs malades de la

Salpêtrière. Des troubles auriculaires variés, la surdité,

quelquefois inaperçue, d'une oreille, une sensation passagère

de vertige précèdent les symptômes de la maladie de Ménière

confirmée. Elle se présente sous deux formes : l'une, grave, ne

laissant nulle trêve au patient; l'autre, moins fâcheuse, consti-

tuée par des vertiges revenant à de longs intervalles et pouvant

revêtir la forme des paroxsymes décrits plus loin. Dans les

cas les plus graves, la position horizontale calme seule la sen-

sation vertigineuse continue, l'état d'instabilité constante qu'é-

prouve le malade, malgré oreillers et coussins entassés autour

de lui. Le simple mouvement des yeux, l'approche d'une per-

sonne, un ébranlement du lit peuvent compromettre cette si-

tuation lamentable et jeter après une secousse violente le

malade dans les horribles sensations du paroxysme. D'autres

fois, l'état vertigineux est moins marqué et permet la vie ac-

tive. La démarche se fait alors comme d'une pièce, avec incli-

naison du corps d'un côté, les bras placés en balancier, et tra-

hit la préoccupation de se maintenir en équilibre. Des bruits

subjectifs variés en même temps dans les oreilles, bourdonne-

ments, bruits de la mer, et surtout sifflements aigus. Ils re-

doubleront à l'approche du paroxysme. A ce moment, si le sujet

ne peut quitter le lit, il se sent précipité dans un gouffre sans

fond, tournoyant, enlevé en l'air, suspendu par la tête ou les

pieds, projeté diversement. Au contraire peut-il marcher, il y a

tantôt sensation subjective de chute, tantôt chute véritable,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 221

Une force supérieure le pousse, le terrasse subitement on lui

permet de diriger et d'amortir sa chute, qui a lieu toujours du

même côté. La conscience demeure entière. Nausées et vomis-

sements terminent l'accès. En certains cas légers, il n'existe

que des vertiges séparés par un long intervalle et pouvant re-

vêtir la forme d'un véritable paroxysme. La maladie dure tant

que la surdité n'est pas complète.

L'autopsie n'a révélé aucune lésion constante. M. Pierret a

décrit parmi les symptômes céphaliques de l'ataxie locomotrice

des vertiges en tout pareils à ceux qui viennent d'être passés

en revue, dont on retrouve deux exemples dans ce travail.

Longtemps réputée incurable, la maladie de Méniëre ne fut

véritablement améliorée que par le traitement que M. Charcot

faisait connaître à ses auditeurs, à la Salpêtrière, en 1875,

par l'emploi prolongé, à dose élevée, du sulfate de quinine.

Des tracés indiquent exactement et parallèlement, et la dose

de sulfate de quinine donnée et l'état des symptômes chez les

malades observés par MM. Féré et Demars. La dose a varié [de

trente à quatre-vingts centigrammes. On l'administre pendant

quinze jours, on le suspend un temps égal, on lereprend quinze

jours encore et ainsi de suite jusqu'à ce que la guérisou soit

obtenue. Les bruits quiniques s'ajoutent au début aux bruits

morbides et l'état s'aggrave tant que, sans l'espoir de la gué-

risou, le malade préférerait revenir à son état ordinaire de

souffrance. Amélioration dès la première suspension du traite-

ment, exacerbation moindre à la première reprise et finalement

amélioration considérable ou guérison. Il ne faut pas oublier

que l'affection peut récidiver et que le traitement agit alors

aussi bien que la première fois '. D. BERNARD.

XI. Lésion grave du cerveau, GUÉRISON; par William Wood.

(77te american Journal o/' the médical Sciences, juillet 1881,

p. 168.) .

Voici le résumé de l'observation : il s'agit d'un homme sur

le corps duquel un tramway avait passé et qui portait à la tète

une plaie allant de l'angle interne de l'oeil jusqu'à l'occiput.

1 Depuis cette époque, M. Charcot a employé avec un certain succès,

le salicylate de soude dans les mêmes circonstances que le sulfate de

quinine. ' (Cu. I.)

222 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Le cerveau était mis à nu et l'on constatait sur sa portion an-

térieure un sillon long d'environ trois pouces. L'oeil gauche

était attiré en haut de telle façon que la pupille était cachée ;

de l'autre côté de la tète, il y avait une plaie du cuir chevelu

de trois pouces et demi de longueur. Le conducteur du tramway

fit savoir que le blessé avait été atteint à la tête par une pièce

saillante de la machine. M. Wood introduisit les doigts dans

le crâne pour en extraire des esquilles, des cheveux et des

fragments de substance cérébrale ; puis il ramena l'oeil en place

et lit plusieurs points de suture, en laissant une petite ouver-

ture vers l'augle interne de l'oeil ; puis il banda la tête en fai-

sant de son mieux la coaptation des os. Pendant tout ce temps

le blessé était sans connaissance. Quelques heures après, il

eut un vomissement de sang (ceci se passait le 29 mai). Le

lendemain miction involontaire, vomissements de sang, délire.

Le il, juin, le malade est plus tranquille. Du 2 au 4, la

conscience et la raison reviennent, on enlève les points de

suture ; la réunion se fait par première intention. Le dixième

jour, l'écoulement cesse, l'ouverture se ferme ; le malade se

lève un peu. Vingt-six jours après l'accident, le blessé, parfai-

tement guéri, reprend ses occupations (il est mécanicien dans

une manufacture de papier). Depuis ce moment, il a continué

à se bien porter, et son intelligence est parfaitement nette ; la

seule trace qui reste de l'accident consiste dans l'impossibilité

où il se trouve de regarder en bas (avec l'oeil qui a été atteint)

sans baisser la tète. Dans la moitié postérieure de la plaie, il

y a eu réunion osseuse ; mais dans la moitié antérieure, les

os demeurent séparés par un espace d'environ un quart de

pouce.

Au point de vue de la guérison, ce cas est intéressant ; mais

il est fâcheux que l'auteur n'ait pas indiqué d'une façon plus

précise la topographie de la lésion cérébrale, sa largeur, sa

profondeur, et les régions de l'écorce qu'elle intéressait.

R. DE M. C.

XII. DE L'HYST>rRO-PII,EPSIE ; par Charles-K. Mins. (The

american Journal of the médical Sciences, octobre 1881,

p. 392.)

L'auteur rapporte deux observations originales et très inté-

ressantes d'hystéro-épilepsie; ces observations sont accompa-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 223

gnées de dessins représentant les diverses attitudes prises par

les malades pendant les attaques. M. Mills fait ensuite l'histoire

de l'bystéro-éyilepsie, en mettant à profit les travaux de

MM. Charcot, Bourneville et lticller ; .son but, il le dit lui-

même au début de son travail, a été de donner à ses confrères

des Etats-Unis une description de 1'llystéro-épilepsie claire,

complète, et conforme à l'enseignement de l'école de la Sal-

pètrière. R. de M.-C.

XIII. Sur la pathogénie de l'épilepsie, lettre au professeur

Luciani; par le prol'esseur V. Chirone. (Il Morgagni, 1881,

fasc.VI.)

Le professeur Chirone affirme que l'écorce cérébrale n'est

pas le centre indispensable des mouvements épileptiques, ainsi

que le pense le professeur Luciani pour lequel l'excitation de

la moelle allongée n'est qu'un phénomène secondaire et non

nécessaire.

Pour le prouver, il a observé que certaines substances

donnent des convulsions épileptiques en agissant, les unes sur

l'écorce cérébrale, les autres directement sur la moelle sans

qu'il soit besoin de la substance corticale. - C'est ainsi qu'avec

la cinchonidine il a déterminé chez des pigeons des convul-

sions épileptiques généralisées ; mais, après leur avoir enlevé

un lobe cérébral, il n'a plus obtenu de convulsions épileptiques

que dans la moitié du corps correspondant au côté de la lésion ;

si on enlève les deux lobes cérébraux, on ne peut plus détermi-

ner du tout de convulsions.

Avec la picrotoxine, au contraire, l'auteur a pu voir réguliè-

rement se produire les manifestations épileptiques alors même

que les deux lobes cérébraux avaient été extirpés ; il ne saurait

donc dans ce cas être question de l'action épileptogène de l'é-

corce cérébrale.

L'auteur n'admet pas l'objection faite antérieurement par

Luciani : qu'on n'a pas affaire là à de l'épilepsie vraie, ni à des

phénomènes qui lui soient absolument comparables. Il pense

que si quelquefois l'épilepsie est produite par l'excitation de

l'écorce cérébrale, souvent aussi elle est due à l'excitation

d'autres régions des centres nerveux, telles que la moelle al-

longée. P. M.

le REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XIV. L'ALBUMINURIE comme symptôme DE l'accès épileptique ;

par le De Fiori. (Italia niedica, Genova 1881.)

M. Fiori constate que l'albuminurie est un phénomène très

fréquent, mais non constant de l'accès d'épilepsie; on l'observe

souvent lorsqu'on provoque des convulsions épileptiformes

chez les animaux; souvent aussi chez les hystériques à la suite

des convulsions. Il a de plus observé une hystérique qui, at-

teinte pendant ses accès d'aphasie et de rétention d'urine,

voyait disparaître l'aphasie quand on plaçait une plaque de zinc

au-devant du larynx, et la rétention d'urine quand on en pla-

çait une à l'hypogastre. De plus l'application des plaques de

zinc avait une influence sur l'excrétion même de l'urine.

Quand les plaques étaient retirées, l'urine devenait plus abon-

dante en quantité et plus pauvre en matériaux solides au point

de vue absolu et au point de vue relatif; quand les plaques

étaient appliquées la quantité de l'urine diminuait et se main-

tenait au-dessous de la moyenne des individus sains, mais sa

composition se rapprochait des urines normales.

L'auteur constaté aussi que, pendant l'application des plaques

de zinc, les différences entre la température centrale et les tem-

pératures périphériques étaient plus accentuées qu'en dehors

de l'application des plaques, et attribue ces différences dans

l'excrétion de l'urine à des variations dans la circulation san-

guine. P. M.

XV. CONTRIBUTION A l'étude DES phénomènes POST-IIÉMIPLÙ-

GIQUES (HÉ\iIA1'IxIE POSTH1 : r11fIPLÉGIQUE); par le Dr UGO BASSI.

(Lo SI)e2-iîiieiiiale, 1881, fasc. 7.)

Le De Bassi rapporte l'observation d'un homme de 57 ans

qui, après avoir été frappé d'hémiplégie gauche, avait vu les

mouvements se rétablir dans le côté paralysé assez pour per-

mettre la marche à l'aide d'une béquille; mais en même temps

la jambe du côté malade était prise d'une incoordination que

l'auteur ne peut mieux comparer qu'à celle de l'ataxie; rien

d'analogue ne se montrait au membre supérieur. L'autopsie

faite plus tard fit voir un foyer hémorrhagique situé dans le

noyau lenticulaire droit et dont une des parois attenait à la

capsule interne.

L'auteur rapproche ce fait de celui qui a été publié par Grasset

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 325

dans le Progrès Médical de 1880, n° 40. Il fait remarquer

que, contrairement à ce qui se passe dans l'ataxie, la ferme-

ture des yeux n'augmente pas l'incoordination, et pense que,

lorsqu'on aura un nombre suffisant de documents, on pourra

peut-être reconnaître comme génératrices de ces phénomènes

certaines lésions de la partie antérieure du corps strié et de la

capsule interne. P. M.

XVI. L'auscultation DE la parole A la surface DE la tète ;

par le U° Roberto ADRIANI. (Rivista sperimenlale di illedicina

légale, 1881.)

L'auteur rappelle que l'étude de l'auscultation céphalique

est loin d'être nouvelle. Mais elle n'a jamais été appliquée

au même but que celui qu'il poursuit : le diagnostic des mala-

dies mentales. Suit une description des modalités diverses

que prennent les sons suivant que le sujet parle à voix haute

ou basse et suivant le point du crâne où l'oreille est appliquée ;

l'auteur recommande de faire parler à voix basse la personne

en expérience et d'ausculter dans la région occipitale.

Dans ces conditions, il a trou\é le son de la voix chez

cent soixante-deux malades atteints d'affections mentales :

trente-neuf fois exagéré, trois fois amphorique, treize fois

affaibli, trois fois indistinct, ou nul; tandis que chez' cent

deux personnes saines, il ne l'a trouvé que quatre fois exagéré

et trois fois affaibli ; mais jamais amphorique, ni indistinct.

Il n'a pu saisir aucun lien entre les variations de diamètres

et de courbures et les données de l'auscultation ; non plus

qu'entre ces dernières et les différentes formes d'affections

mentales.

Il pense que la transmission de la voix se fait par l'intermé-

diaire des parois du crâne et non par le cerveau, qui, au con-

traire, amortit plutôt les sons; si la voix s'entend mieux au

niveau de l'occiput, cela tient à ce que l'apophyse basilaire étant

en rapport avec le pharynx entre plus facilement eu vibration.

Mais si le cerveau concourt peu à la transmission de la voix, il

est loin d'être sans influence sur elle ; c'est probablement aux

différences de densité du cerveau que sont dues les modalités

différentes de celle-ci ; et, depuis les recherches de Cricbton

Browne (B,aiie, 18/9), on sait que la densité du cerveau varie

dans les différentes formes de maladies mentales. Aussi le

la

229 REVUE DE pathologie nerveuse.

Dr Adriani, tout en reconnaissant qu'il n'est arrivé encore à

rien de précis, espère-t-il que, dans un avenir peu éloigné,

l'auscultation céphalique pourra être d'un grand secours dans

le diagnostic des affections mentales. P. M.

XVII. SUR LE centre cortical DE L'IRIS chez LES oiseaux ; par

OELH. (Rendiconti del R. Istituto Lombardo di scienze lettere,

vol. XII.) Rivista di Freniatria.

A la suite d'expériences sur les pigeons, les poules et les

dindons, l'auteur arrive aux conclusions suivantes :

1° Si, chez les volatiles, on applique les pôles d'un courant

induit sur la substance corticale de la partie postérieure des

hémisphères cérébraux, on observe ordinairement le resserre-

ment de la pupille dans l'oeil opposé à l'hémisphère excité;

2° Cet effet s'obtient mieux encore si on applique les pôles

sur l'angle postérieur et interne de l'hémisphère ;

3° Plus rarement, au lieu du resserrement, on observe de la

dilatation qui semble correspondre à une intensité moin-

dre du courant excitateur ;

4° Les effets du courant sur la pupille cessent quand on a

fait une section nette entre les hémisphères et les lobes opti-

ques. P. M.

XVIII. Tabès INCIPIENS ; par ERLENMEYER,. ( Bulletin de la

Société de médecine mentale de Belgique, année 1880, 2e fas-

cicule, p. 103-106.)

L'objet de cette brochure consiste surtout dans l'étude des

prodromes de la maladie dont le nom ataxie locomotrice induit

le médecin parfois en erreur, car bien souvent la maladie est

constituée alors que l'ataxie n'a pas encore apparu.

Un catarrhe stomacal, tenace, résistant aux moyens théra-

peutiques, sur lequel insiste Erlenmeyer, l'excitabilité véné-

rienne, avec pollutions plus nombreuses, malgré les abus véné-

riens, un besoin plus fréquent d'uriner, une facilité plus grande à

la fatigue des extrémités inférieures, les caractères de dicro-

tisme du pouls, des douleurs fulgurantes, sans les points dou-

loureux des névralgies, la douleur constrictive du cou et de la

poitrine, des symptômes résultant d'un commencement d'a-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 227

trophie du nerf optique, inégalité pupillaire, rétrécissement du

champ visuel, dyschromatopsie, diplopie, disparition du réflexe

du genou avant même l'apparition des douleurs fulgurantes :

tels sont les prodromes dignes d'attention pour Erlenmeyer, qui

met le dernier prodrome bien au-dessus du phénomène de

Romberg (la chute les yeux fermés), signe qui n'apparait qu'as-

sez tard et existe dans d'autres affections. E. CH.

XIX. ETUDE SUR LES HéMORRAGIES primitives, immédiates OU

directes des ventricules cérébraux (2e partie Sympto-

matologie ') ; par Edward Sanders. (77te American Journal of

the médical Sciences, juillet 1881.)

Après avoir indiqué dans un précédent mémoire l'existence,

l'étiologie, l'anatomie pathologique, le diagnostic et le pronos-

tic de ces hémorrhagies, l'auteur se propose actuellement d'étu-

dier leur syrnptomatologie. Il divise les symptômes en deux ca-

- tégories : 1° les symptômes prémonitoires; 2° les symptômes

de l'hémorrhagie.

A. Symptômes prémonitoires. Ils n'ont rien de caractéris-

tique et sont entièrement analogues à ceux de l'hémorrhagie

cérébrale ordinaire, dont il est impossible de les distinguer.

B. Symptômes de l'hémorrhagie. En ce qui concerne le

début, la ressemblance avec l'hémorrhagie cérébrale ordinaire

est, ici encore, complète. En effet, on peut observer dès le dé-

but : 1° la mort rapide; 2° les convulsions ; 3° la paralysie sans

perte de connaissance ; 4° la paralysie avec perte de connaissance

(mode fréquent); 5° la perte de connaissance partielle ou to-

tale sans paralysie. L'auteur constate qu'il lui a été à peu

près impossible d'établir une relation exacte entre le mode de

début d'une part, et d'autre part le siège ou l'importance de l'hé-

morrhagie; cette relation existe, eu revanche, entre le mode

de début et la rapidité plus ou moins grande de l'issue fatale.

Avant d'aborder l'étude des symptômes, M. Sanders croit

devoir rappeler qu'aucun d'eux n'est pathognomonique : puis

il passe en revue les divers groupes syrnptomatologiques.

1° Troubles intellectuels. -Fréquents et pouvant varier depuis

la confusion des idées et la somnolence jusqu'au délire, à la

stupeur, au collapsus, à la perte de toute conscience.

1 Voy. Arch. de Neurologie; n" 7, p. 100.

328 REVUE DE pathologie nerveuse.

2° Troubles moteurs. Contractures, convulsions, paralysies,

chacun de ces symptômes est étudié dans son époque d'ap-

parition, son siège, sa durée plus ou moins persistante, sa va-

leur diagnostique. -

- 3° Troubles de la sensibilité. Il peut y avoir intégrité des

sensations ou anesthésie : cette dernière est plus ou moins ac-

cusée, plus ou moins, tardive, et quelquefois variable chez le

même malade. Les actions réflexes sont presque toujourscon-

servées, mais généralement affaiblies. - Les étourdissements

sont fréquents au moment même où l'hémorrhagie va se pro-

duire : ils sont habituellement soudains. La céphalalgie est

assez fréquente et précoce.

4° Troubles de la sensibilité spéciale. Ouïe : on a constaté

une fois seulement des bourdonnements d'oreille. Vue : l'état

des pupilles est très variable : elles sont tantôt dilatées, tantôt

contractées; quelquefois (deuxième cas) l'une est dilatée, l'au-

tre contractée. Lorsqu'il y a contraction égale ou dilatation

égale des pupilles, on constate que, dans les ventricules, le sang

ou le sérum sont disposés de manière à provoquer une irrita-

tion ou une compression égale sur les deux côtés du cerveau.

Le strabisme parait rare (premier cas) et passager. Dans

deux cas, déviation de la tète, mais sans déviation des yeux.

- Langage : la perte du langage est partielle ou complète;

elle varie depuis l'impossibilité d'articuler nettement jusqu'à

l'aphasie complète.

5° Troubles de l 'appareil digestif - La présence de l'écume

à la bouche est assez fréquente; la déviation de la bouche a

été trouvée dans six cas seulement. La déviation de la

langue paraît rare. La difficulté ou l'impossibilité de la dé-

glutition parait également rare (quatrième cas) et passagère.

Malaise : fréquent et peu accusé. Nausées et vomisse-

ments : rencontrés dans douze cas. La constipation est la

rigle : elle est souvent opiniâtre.

6° Troubles circulatoires. Le pouls ne saurait être consi-

déré comme caractéristique; mais on peut constater qu'il est

habituellement lent, plein et dur au début; plus tard, l'épuise-

ment survient, et il devient rapide et faible; dans quelques cas

rares, il demeure normal.

7° Troubles de la respiration. La respiration stertoreuse

est fréquente et précoce.

Se Température. Le frisson, la sensation du froid sont des

revue de pathologie mentale. 229

phénomènes peu communs. La température a été notée

dans trop peu de cas pour que l'on puisse utiliser ces données

incomplètes.

9° Troubles des fonctions urinaires. Ils sont sans importance.

t.0° &/mp ? H& ! sM/jer/ ? c<e ? Expression delà physionomie :

elle revêt le caractère de l'apathie (dans les cas rares où elle a

été notée). Etat de la peau : la pâleur de la face est d'un

pronostic grave. Presque aussi souvent on trouve le visage

congestionné. -Dans un cas, on a observé la tache cérébrale.

11° Amélioration apparente. Elle a été observée dans dix

cas ; elle est probablement due à l'arrêt de l'hémorrhagie et à la

tolérance du cerveau à l'égard de la compression qu'il subit,

tolérance qui permet un fonctionnement plus ou moins com-

plet ; puis, une nouvelle hémorrhagie survient, et l'améliora-

tion disparait. Dans les dix cas observés, l'amélioration a été

purement transitoire et bientôt suivie de l'aggravation des

symptômes et de la mort, sans rémission nouvelle. , ;

R. 1) Ei. "C. ,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

IX. AVIS RELATIFS A L'ALIÉNATION, A L'USAGE DES GENS DU

MONDE; par KocH, médecin directeur de l'asile royal de

Zwiefalten (Wurtemberg). (Bulletin de la Société de

médecine mentale de Belgique, année 1880, 4e fascicule,-

p. 2t-8.)

Soixante pages consacrées à ces avis et l'oeuvre n'est pas'

terminée. C'est une lecture utile pour le médecin praticien

bien plus que pour les gens du monde, malgré son titre ; doit

être lu en entier, mais ne peut être résumé; l'auteur examine,

successivement les questions suivantes :

' Quelle idée doit-on se former des aliénés ? - A quoi peut-on'

reconnaître l'existence d'une maladie mentale ? Situations-

230 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

qui se rapprochent des maladies mentales ; comment faut-il

les envisager ? Quelles sont les causes de la folie ? - Coin-

ment doit-on se conduire vis-à-vis des aliénés ? Par quelles

considérations doit-on se laisser conduire quand il s'agit de la

collocation d'un aliéné dans un établissement ? E. CH.

X. Sur l'écriture dans la paralysie générale; par SCHÜLE.

(Allgemeine Zeitschrifl sur .Ps ? /e ! /ta< ? '/e ; Bulletin de la So-

ciété de médecine mentale de l3elga'que, année t880, 3e fascicule,

p. 87-88.)

L'écriture est d'abord « dysgrammatique », c'est-à-dire émail-

lée de fautes de sens et d'interversions, ou d'ellipses ; puis

« ataxique », c'est-à-dire altérée dans la forme des lettres. Les

fautes grammaticales se rencontrent tout à fait dès le début.

Erlenmeyer pense que les troubles dysgrammatiques de

l'écriture doivent être rattachés uniquement aux altérations

corticales organiques, à l'exclusion des troubles circulatoires

qui peuvent survenir. E. CH.

XI. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CONCEPTIONS IRRÉSISTIBLES;

par L. WILLE (Archiv. f. Psych. u. 7VerueM ? XII, 1.)

Ce mémoire admet en premier lieu l'identité des conceptions

irrésistibles et de l'entité décrite sous le nom de : 6' ? 'K&e/sM<;At

(manie des subtilités), folie du doute avec délire du toucher,

pseudomonomanie, délire partiel, folie avec conscience, délire

émotif, folie lucide, expressions auxquelles sont attachés les

noms de Griesinger, Westphal et des aliénistes français que

chacun connaît. Les seize observations nouvelles que l'auteur

apporte à l'appui ont en effet trait à la production subite de

pensées accablantes pour le patient, sous forme de crises;

elles s'imposent à ce dernier malgré ses efforts, malgré la cons-

cience qu'il a de la non réalité de leur teneur, et entraînent

une angoisse pénible qui finit par devenir le facteur presque

unique de la perturbation intellectuelle. Tel s'imagine, par

exemple, qu'il ne peut plus être heureux, qu'il est maudit, qu'il

est souillé, qu'il va mourir bientôt. Aprèsen avoir rapproché

les descriptions de Legrand du Saulle, NI. Wille fait remarquer

que le délire du toucher n'est que l'extension de cette anxiété.

Mais il croit que la distinction établie par Westphal entre la

revue DE pathologie mentale. 231

conception irrésistible (persistance de la conscience) et la con-

ception délirante (aberration totale), est trop absolue; car il est

des cas de folie systématique aiguë primaire dans lesquels

l'aliéné comprend l'absurdité de son délire, tandis qu'il n'est

pas rare d'observer des conceptions irrésistibles au rang de

symptômes dans les folies aiguës et chroniques. A l'encontre

de Westphal, il pense que la conception irrésistible peut dériver

d'une émotion ou d'afflictions morales chroniques (misère,

soucis, chagrins). Il adopte enrevanche la théorie duprofesseur

de Berlin, aux termes de laquelle l'intensité excessive du processus

conceptuel morbide arrête l'ébranlementidéogénique du reste du

cerveau, et ferme la connaissance aux autres pensées : delà

l'angoisse. Mais il s'inscrit contre l'allégation que le sujet des

conceptions irrésistibles est toujours absurde ou en contradic-

tion avec des conceptions antérieures. Ily aurait lieu, suivant

lui, de distinguer deux sortes de fonds sur lesquels roulent ces

conceptions : l'un absurde, à contre sens, tout à fait insensé ;

l'autre naturel, intelligible, simplement faux. Au point de

vue clinique, il admet trois formes, selon que les conceptions

irrésistibles se bornent au rôle passif, théorique, qu'elles sont

suivies d'actes, ou qu'elles entraînent des impulsions irré-

sistiblas, se rangeant à l'avis que quand la psychose a

duré un certain temps, les actions succèdent généralement aux

conceptions, mais pas régulièrement à chacune d'elles (périodes

dans lesquelles le malade peut résister). Le mécanisme ordi-

naire serait le suivant : le progrès dans l'intensité et la durée

des conceptions irrésistibles, en exagéranil'arrt de l'ensemble

du travail cérébral, augmente à ce point les tensions centrales

qu'il s'en fait une irradiation sur d'autres centres; l'angoisse se

complique alors de décharges motrices commençant aux actes

et aboutissant au délire, aux convulsions, suivant la résistance

apportée inlus et extra aux manifestations agies. Il faut en

exclure les cas relevant d'une simple prédisposition indivi-

duelle en vertu de laquelle, comme à l'état normal, toute

pensée donne rapidement naissance au fait (indépendance des

conceptions et des actes). Quanta l'impulsibilité immédiate, qui,

spontanément, sans cause, se manifeste dès le début de la

conception, elle constitue un degré de développement plus

grave et plus accentué, parce que l'excitation précède la con-

ception, le malade obéissant au sujet de ses conceptions, bien

qu'il le sente en contradiction avec ses conditions objectives :

232 REVUE de pathologie mentale.

ici, la personnalité disparait devant la folie systématique. Cette

impulsibilité apparaît en effet chez des individus présentant

une disposition originelle à de telles irritations qui glissent sur

le terrain des crises vaso-motrices spontanées et réflexes. Mais,

en somme, les trois groupes représentent trois étapes dans

l'évolution d'un seul et unique processus dont chaque phase

nouvelle appelle, par sa répétition, par l'habitude du même

mécanisme psychopathique, la soudaineté dans la production

et l'enchaînement des réactions, depuis la conception irrésis-

tible jusqu'à l'acte irrésistible et à l'impulsion spontanée. Un

pas encore, et la conception délirante émerge, c'est-à-dire la

folie proprement dite avec ses états émotils, ses altérations

morales profondes (Legrand du Saulle et Willej ; ainsi en est-

il de la mysophobie de Hammond avec ses trois stades ' à laquelle

l'auteur ajoute deux observations. Voici, à cet égard, ce que

M. Wille aurait le plus souvent noté. L'intensité des angoisses

consécutives aux troubles de la conception augmente de plus

en plus ; bientôt elles deviennent spontanées sans conception

irrésistible préalable, pour se prolonger entre les accès et pré-

dominer : l'arrêt psychique qui leur est lié finit par oblitérer la

connaissance et déterminer graduellement de la lypémanie

(délire d'antoaccusation, plaintes, etc.). Le tableau clinique

doit être complété par les symptômes nerveux ou somatiques

de l'anémie (stéatose ou émaciation) ; des sensations anormales

ou désagréables à l'épigastre, dans les régions céphaliques, arti-

culaires, musculaires; des excitations sexuelles en présence ou

en l'absence de causes (spermatorthées spontanées nocturnes

et même diurnes); de la constipation; des troubles de l'appareil

digestif, de l'insomnie, de la dyspnée. L'étude des malades

(sept hommes et neuf femmes) enseigne que ce genre d'affec-

tion évolue sur les constitutions neuro-psychopathiques, sui-

vant de préférence l'hérédité (dix faits). La marche de la

maladie est paroxystique (intermittences et rémissions); on

peut la faire remonter à l'enfance (habitudes déjà méticuleuses

de propreté, rangement, nettoyage), et la voir cesser brusque-

ment (guérison ou intermission très prolongée ? ). Le deuxième

stade (actes irrésistibles) exige une surveillance attentive ; à

fortioriletroisièmeet lafolie confirmée : celle-ci n'aboutit jamais

à la démence. La conscience, qui ne cesse jamais d'abandonner

1 Voir Archives de Neurologie, t. II, p. 266.

revue dE pathologie mentale. 233

le malade, assure aux conceptions irrésistibles, y compris les

sensations, perceptions, actes et impulsions de même source,

une place à part dans la nosographie sous le titre de fnr'e arec

conscience; à ce point de vue la folie systématique et la mélan-

colie terminales seraient plutôt de nouvelles maladies prenant

la place de la première qu'un degré plus avancé de l'entité

psychique en question. Traitement général Ionique et reconsti-

tuant. L'excitation des crises réclame l'administration du bro-

mure de potassium, exceptionnellement des narcotiques. P. K.

XII. Sur les invalider psychopathiquesde la GUERRE de 1870-

71; par SCIIWAAB (6° Congrès des aliénistes et neurologistes

de l'Allemagne du sud-ouest). Quelques remarques sur les

invalides psychopatiiiques de lv guerre de )870-7) ; par

Cari 1 RIILICH. - (1 rr.h. f. Psych. M. Il'ervenl ? lII, 1, 2.)

Schwaab apporte une observation. L'homme qu'elle con-

cerne, absolument bien portant jusqu'en 1870, indemne de

toute (liatlièse ou d'élément héréditaire, supporte admirable-

ment les fatigues de la campagne, y compris le service du siège

de Paris; ce n'est qu'à son retour (septembre 1871) que soudain,

sans prodromes, la face, le front, la tête, les oreilles deviennent

le siège d'une éruption purulente et accompagnée d'une énorme

tuméfaction laissant, après une durée de quelques semaines,

des ulcérations, puis des cicatrices irrégulières varioliformes

(calvitie commençante); en même temps, chaleur et douleurs

lancinantes très violentes dans la fête. Seconde poussée aussi

subite et sans plus de raisons pendant l'automne de 1873-73.

Des accès de céphalalgie fronto-bregmatique n'ont cessé de

visiter le patient durant l'intervalle. Parallèlement et. dès l'ap-

parition de l'exanthème, l'humeur s'assombrit; aux idées mé-

lancoliques se joignent de l'excitabilité, de la confusion et de

l'obtusion mentales, de la dipsomanie, des goûts d'aventures,

si bien que, le I mai 1879, on trouve le malade en plein champ

auprès d'Auerbach nu, mourant de froid et de faim, totalement

amnésique. Mégalomanie pendant doux mois; puis manifesta-

tions de la démence compliquées d'incertitude de la parole, de

tremblement fibrillaire de la langue, de parésie faciale faisant

bientôt place au rétablissement physique et psychique. Rechute

pendant l'été de t.S80. Cette fois à la lypémanie s'ajoutent des

crises à congestion céphalique : hyperthermie, excitation mo-

trice, démence, malpropreté, agitation, insomnie, paralysie de

23t revue DE pathologie mentale.

la parole et des mouvements volontaires. Une attaque apoplec-

tiforme avec convulsions de l'épaule et du bras gauche, (janvier

1881) se renouvelle le 13 avril et enlève le malade dans le coma.

On trouve à l'autopsie le cerveau entièrement enveloppé d'une

pseudomembrane d'un jaune terne, constituée par un exsu-

datfibrineux organisé en couches mesurant par place plusieurs

millimètres, qui présente plusieurs points adhérents, notamment

à l'extrémité postérieure des première et deuxième frontales.

M. Schwaah en conclut que les fatigues de la guerre ont

causé un ébranlement du système nerveux tel que progressive-

ment s'est développée cette affection cérébrale La manifesta-

tion d'un exanthème aussi violent à la suite d'une campagne

et sa relation chronologique, même à longue échéance, avec

une psychose sont, dit-il, des faits déjà constatés aux dernières

années à propos des affections rhumatoïdes ; les uns et les

autres témoignent du désordre causé dans l'économie par le

surmenage militaire. -M. hreelllich critique au fond cette ma-

nière de voir. Il admet un rapport étiologique évident entre

l'exanthème et la psychose, à l'exemple de Kroepelin ', mais

c'est précisément l'affection cutanée qui n'aurait rien à voir

avec la campagne; outre qu'on ignore quel était l'état des soldats

et des populations avec lesquels le malade venait d'être en con-

tact, l'incubation lui semble bien longue (rentrée des troupes

à Berlin le 6 juin) pour qu'on soit en droit de relier l'éruption

à l'époque de la guerre. P. K.

XIII. Les maladies DE la connaissance ; par J. WEISS, de

Vienne, (Allg. Zeitsch. f. Psych. u. psyclt. geîichil. Jle(le"cin,

XXXVIII, 1 ) )

En présence de l'incertitude nuageuse des définitions sur la

connaissance au regard du fait clinique précis que traduit

l'expression perdre connaissance, l'auteur se demande quel est

le processus physiologique en rapport avec la conscience. Un

acte cérébral complet se composant de deux éléments, l'un cen-

tripète qui est la sensation, l'autre centrifuge, qui, parle mou-

vement, en constitue la réponse, la connaissance n'est ni un

phénomène autonome du mécanisme cérébral, ni une fonction

d'un ordre élevé, ni une propriété fondamentale des processuspsy-

chiques.puisquelesactionslesplus promptes, les plus sûrement

exécutées sont celles immédiatementréfléchies par l'axe centri-

fuge. Or, dues à la faiblesse de l'incitation (Fechner) ou à la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 235

répétition fréquente des mêmes processus, elles mettent en jeu

les voies d'aller et de retour sans intéresser l'ensemble de la

masse nerveuse; tel l'automatisme de l'habitude. De sorte

que la connaissance résulte de la participation plus ou moins

complète des mille foyers d'élaboration du cerveau àl'évolution

du processus sensitivo-moteur; aussi le caractère de l'acte incons-

cientest-il d'échapper à la mémoire. Voilà pour la physiologie.

La pathologie de la connaissance est précisément basée sur

l'observation d'actes accomplis indépendamment de tout motif.

Nous pensons alors que des incitations ont pu se réfléchir sous

la forme motrice sans qu'elles soient entrées enrapport avec

l'ensemble fonctionnel du cerveau. Le type de l'affection à

perte de connaissance est 1't,ilepsie; qu'il s'agisse de l'accès

complet, du petit mal ou des troubles mentaux, l'amnésie absolue

des patients témoigne de leur inconscience. Par quel méca-

nisme celle-ci se produit-elle ? Comme, à raison de l'intensité

des réactions, il n'est guère permis de se rallier à la faiblesse

de l'incitation, M. Weiss pense qu'en ce cas c'est lasuracuïté

de l'excitation qui, dépassant la limite maxima, franchit brus-

quement le foyer de réflexion centrifuge sans rayonner sur les

départements voisins ; exemples : l'insensibilité des soldats

pendant la bataille, l'amnésie qui succède aux émotions vio-

lentes et subites. De là la brusquerie d'explosion et de cessation

du complexus symptomatique et la monotonie stéréotypée

des accidents chez le même malade, toujours aussi incapable de

se souvenir et d'analyser les périodes de l'évolution de sa crise,

de les reproduire mentalement. P. K.

XIV. Sur l'action DE l'hyoscyamine ET sa VALEUR THÉRAPEU-

tique dans les maladies mentales; par G. Riva. (Rivisla di

Freniatria, 1881, fasc. 1 et q.)

Voici les conclusions auxquelles sont arrivés les auteurs de

ce mémoire :

L'hyoscyamine possède indubitablement des propriétés sé-

datives et hypnotiques, mais celles-ci ne méritent pas de la

faire préférer à d'autres substances d'action analogue, si l'on

considère les accidents qui peuvent résulter de l'usage pro-

longé de l'hyoscyamine (perte de l'appétit, sécheresse de la

bouche, gêne de la déglutition; dans un cas hoquet rebelle ne

cessant qu'après la suppression du médicament; - mydriase

persistant un ou deux jours après l'injection d'hyoscyamine).

236 sociétés savantes.

Au point de vue de l'action physiologique, les auteurs ont

observé la fréquence plus grande du pouls, l'augmentation

d'énergie des battements cardiaques, une légère augmentation

de température, l'accélération des mouvements respiratoires.

De toutes les formes de maladies mentales, c'est dans la

manie récurrente que l'hyoscyamine peut offrir le plus d'avan-

ta-es; lorsqu'elle est donnée assez à temps, elle peut sinon em-

pêcher le retour des accès, du moins les atténuer beaucoup.

L'hyoscyamine diminue quelquefois l'intensité des accès

d'épilepsie et en retarde l'apparition.

On peut l'employer chez tous les malades à qui on ne peut

administrer le chloral ni par la bouche, ni parle rectum, ou

lorsqu'on veut calmer rapidement les malades trop agités.

Ils administrent l'hyoscyamine en injections sous-cutanées

à la dose de 5 milligrammes à 1 centigramme par jour, en

une ou deux injections, dans deux cas de manie chronique,

ils sont allés jusqu'à 3 centigrammes par jour en trois injections.

Ils recommandent de tàter au début la susceptibilité du malade.

Ils ont surtout fait usage d'hyoscyamine amorphe qu'ils ont

trouvée plus active et beaucoup moins chère que l'hyoscya-

mine cristallisée. P. M.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 24 avril 18821. Présidence de M. DALLY.

M. le Président fait part de la mort de M. Dagron, aux obsèques

duquel la Société a été représentée par M. Motet.

1 Un acculent de mise en piges a reculé la publication de cette séance

qui devait paraître dans le dernier numéro des Archives de Neurologie

(juillet 1882) entre la séance de mars et celle du mois de mai, (N. D. R,)

sociétés savantes. 37 7

Souscription pour un buste du D'' Marchant. - La Société décide

qu'une souscription sera ouverte parmi les membres et parmi les

médecins d'asile pour élever à Toulouse un buste du De Marchant,

tué par un de ses malades.

Prix Esquirol. M. Paul Garnie», au nom d'une Commission

composée de 11li. Buillurâer, Mitivié, Lunier et Blanche, lit un

rapport sur les mémoires envoyés prtur le prix Esquirol. Le rappor-

teur conclut à récompenser le mémoire portant pour épigraphe :

z Ce qui est vrai certaines fois le sera toujours dans des circonstances

semblables. » (Stuart Mil ! ).

M. le Président procède à l'ouverture du pli cacheté contenant

le nom de l'auteur et proclame, comme lauréat du prix Esquirol,

M. Paul Gérente, interne à Sainte-Anne dans le service de M. Ma-

gnan. -

Prix Aubanel M. Charpentier, au nom d'une Commission

composée de MM. Dajonet, Falret, Legrand du Saulle et Mesnet,

lit un rapport sur les mémoires présentés pour le priellubanel que

se disputaient sept concurrents, MM. Azam, professeur à Bordeaux,

Verkamf, Débâcher, Régis, iiergeron, professeur à Lille, Marcel

Bnand et un autre candidat dont le nom était sous pli cacheté.

La Société décide qu'une récompense de 600 francs sera

accordée à MM. Azam pour un mémoire sur les Troubles intellec-

tuels consécutifs aux traumatismes du crâne ; Briand pour une Etude

des altérations du sang dans le Délire aigu; Régis pour un travail

sur l'Eliolorlie de quelques formes de la Paralysie générale.

M. LASÈGuE demande qu'il soit attribué 1,000 francs, au lieu de

630 francs, à chacun des auteurs récompensés. « Si j'insiste, dit-il,

c'est à cause du nombre des concurrents, de l'importance de leurs

travaux et pour ne pas décourager les candidats qui se présenteront

dans deux ans pour le prix Aubanel. »

M. Legrand du Saulle pense qu'il vaut mieux conserver la somme

dont M. Lasègue voudrait disposer dès maintenant pour donner un

autre prix l'année prochaine.

M. Lasègue, qui se défend d'avoir voulu attaquer les décisions de

la Commission, retire sa proposition après une courte discussion.

Eloge de dlurcé. 11. RITTI, prenant ensuite la parole, prononce

en termes élevés un remarquable éloge de Marce. 11. G.

Séance du 26 juin 1882. Présidence de M. DALLY.

M. Motet fait pari à la Société des renseignements qu'il vient

de recevoir sur l'agression dont a été victime le D'' Orange, méde-

cin de l'asile de Broadmoor : a Ce confrère avait fait appeler dans

238 sociétés savante^.

son cabinet un de ses malades, qui lui lança en arrivant une

énorme pierre dont il s'était muni. Le projectile atteignit M. Orange

à la tempe et lui fit une blessure assez sérieuse.

M. Voisin, à propos de cet acccident, énumère les noms des sur-

veillantes et des gardiennes de son service qui ont été maltraitées

par des aliénées : c'est un hommage rendu aux surveillantes laïques.

Suite de la discussion sur les aliénés criminels. M. Ritti donne

lecture d'une communication de M. Brunet, qui a eu autrefois dans

son service, à Evreux, un certain nombre de criminels devenus alié-

nés après leur condamnation, et, arrivant de Gaillon, où ils avaient

été séquestres pendant la durée de leur peine. Ces condamnés sont

une cause de graves désordres dans les services; ils se font surtout

remarquer par des réclamations incessantes, leur insubordination

habituelle, leurs dénonciations calomnieuses contre tout le monde,

enfin par les menaces d'incendie et de meurtre qu'ils profèrent à

chaque instant, et parfois même par les actes de violences auxquels

ils se livrent. Leurs instincts pervers, loin d'être atténués par la

folie, comme l'a dit M. Christian, sont au contraire exaltés. Il en

résulte que ces aliénés criminels, qui demandent une grande

surveillance, constituent un élément de désordre au milieu des

autres malades, et qu'on est obligé de les placer tous dans des sec-

tions d'agités qu'ils encombrent. La construction d'un asile spécial

serait un bienfait pour ces individus. On pourrait y mettre aussi

certains aliénés évadwrs, dont la surveillance est difficile. Un nou-

veau quartier annexé aux principaux asiles ne remplirait pas le

même but.

M. CHRISTIAN se défend d'avoir émis l'opinion que les instincts

pervers, qui ont rendu les individus criminels, étaient le plus sou-

vent modifiés par la folie : il n'a jamais été si affirmatif dans son

dire. La communication de M. Brunet. ajoute-t-il, me fournit un

excellent argument contre la création d'un asile spécial puisque

jusqu'à ce jour, sans qu'il ait été nécessaire de rien changer au

mode d'internement, les prisonniers al.énés de Gaillon ont été en-

voyés à Evreux, où on les a placés dans la section des agités. Ces

malades peuvent donc continuer à être traités dans les asiles ordi-

naires.

M. Motet insiste, de nouveau, sur la nécessité de construire en

France un établissement analogue à ceux qui existent déjà en An-

gleterre, pour soigner les malades dont l'état d'aliénation dure

encore après l'expiration 'de la peine, et qu'on ne peut considérer

comme des malades ordinaires.

M. LnsLCUE demande que la discussion soit mise à l'ordre du

jour d'une des plus prochaines séances, pour qu'elle puisse servir à

éclairer l'opinion des membres de la Commission extra-parlemen-

taire qui étudie en ce moment la législation des aliénés.

sociétés savantes. 239

MM. Lasègue, Dagonet, Legrand du Saulle , Faire sont charges

d'élaborer cette question et de formuler ensuite des conclusions

que discutera la Société.

Prix Aubanel et prix l3cllvomnze. -1111. Lasu;;ue, DaConet, Legrand

du Saulle, Motet et Christian sont nommés membres de la Com-

mission qui proposera les questions que les candidats devront

traiter pour le prix Aubanel et le prix Belhomme.

Suite de la discussion sur le divorce pour cause d'aliénation men-

tale. M. Voisin s'étonne que la Société médico-ps3-cliolo"ique

n'ait pas été consultée par la Commission parlementaire chargée

d'examiner la nouvelle proposition de loi sur le divorce. 11 regrette

que les deux collègues qui ont été appelés à donner leur avis

n'aient point obtenu qu'elle fut entendue par cette Commission.

M. Voisin pense, qu'en principe, le divorce ne devrait pas être ac-

cordé pour cause d'aliénation mentale, quelle que soit la durée de

la maladie. Il ne fait exception que pour les cas où, par superche-

rie, l'un des conjoints atteint d'épilepsie, de folie intermittente, de

dipsomanie, ou d'imbécillité, n'aura pas averti l'autre conjoint.

Le divorce pourrait encore être accordé si l'un des époux prouve

par une enquête que l'autre époux est un de ces ivrognes chez qui

les excès alcooliques déterminent la folie.

En tout cas, le divorce, pour l'une de ces causes, ne devrait pas

être prononcé sans une enquête et une consultation de cinq méde-

cins, qui ne rédigeraient leur rapport qu'après trois examens au

moins de l'aliéné, en mettant quatre mois d'intervalle entre chaque

examen. Une semblable Commission ne peut être composée que d'un

nombre impair de membres pour qu'une majorité soit toujours cer-

taliie : trois médecins n'offriraient pas de garanties d'incorruptibi-

lité suffisantes. Cette dernière proposition soulève des protestations

de la part de quelques membres. M. li.

Séance du 17 juillet 1881. Présidence de M. DALLY.

M. Legrand du Saulle annonce qu'une somme do 5,000 fr. vient

d'être mise, par le ministère des Beaux-Aits, à la disposition de

la Société pour décoration du piédestal de la statue de Pinel.

L'architecte a présenté un devis, qui ne dépasse pas cette somme,

pour une magnifique ornementation. On y voit en emblème la

Science et la Charité.

Suite de la discussion sur les Asiles spéciaux pour les aliénés dits

criminels. M. Faliiet, rapporteur de la Commission chargée

d'étudier cette importante question si souvent mise sur le tapis et

si loin encore d'être résolue, avoue son embarras pour formuler

des conclusions. La Société, dit-il, compte dans son sein des par-

2'(l) sociétés savantes.

tisans et dub adversaire^ du système anglais qu'on veut introduire

en France, et cependant la Commission n'est composée que de ceux

des membres qui déjà ont repoussé la construction de ces asiles.

11 nous est donc difficile d'exprimer une opinion qui reflète les

sentiments de la Société; nous avons pensé qu'il valait mieux

discuter en séance publique chaque point se rattachant à l'organisa-

tion de ces établissements, et, pour faciliter votre travail, nous avons

formulé sous forme interrogative quatre questions principales sur

lesquelles chacun pourra donner son avis. Mais cette étude devrait

il me semble, être précédée d'une question préalable : Y a-t-il lieu,

oui ou non, de créer des asiles pour les aliénés criminels ?

M. Moïcr estime qu'il conviendrait tout d'abord d'examiner les

types d'aliénés auxquels sont destinés ces asiles. Existe-t-il des

individus ayant commis un crime dont ils sont irresponsables, et

susceptibles d'en commettre un second, quand ils sont en liberté ?

Ces gens une catégorie spéciale d'aliénés ? Si cette caté-

gorie existe, faut-il un asile spécial pour les recevoir ? Tels sont les

points que la discussion éclairera de suite.

M. FALRET. Supposons, si vous le voulez, acquise à la discus-

sion, la nécessité de créer des asiles d'État, il faut alors étudier les

mesures législatives particulièress'appliquantà ces nouveaux établis-

sements. et la Commission vous propose de résoudre les questions

suivantes qui faciliteront votre travail.

Première question. A quelle catégorie d'aliénés cet asile serait-

il applicable ? 1° Aux condamnés seulement ? 2° Aux aliénés

homicides seulement, ou bien à tous les genres de crimes (vol

incendie, outrage aux moeurs) ? 3" A tous aliénés ayant passé

devant les tribunaux ou à certaines catégories seulement ? Avant,

pendant ou après le procès ? 4° A tous les aliénés dangereux venant

des autres asiles ?

Deuxième t/MestM't. Quelles seraient les dispositions spéciales

de localités ou de règlements à recommander pour la sécurité in-

térieure de cet asile spécial ?

Troisième question. Quelles mesures législatives devrait-on

proposer pour l'administration, le séjour ou la sortie des malades de

cet asile spécial ?

Quatrième question. Quelle serait l'autorité chargée de pro-

noncer sur l'entrée, le séjour ou la sortie de ces malades ?

Serait-ce la magistrature, une Commission exclusivement mé-

dicale ou une Commission mixte ? Comment cette Commission

serait-elle composée, et par qui serait-elle nommée ?

M. Motet. Une réponse aux différentes questions soulevées par

M. Falret exige une étude approfondie; je ne peux donc la faire en

ce moment.je resterai sur le terrain des généralités, me réservant de

vous apporter plus tard les faits nouveaux qui pourront se présenter

sociétés savantes. 241

et affirmer mes convictions déjà anciennes sur ce sujet. Je ne saurais

trop le répéter, la sécurité sociale doit passer avant l'intérêt in-

dividuel : aliéné ou non, tout criminel doit être placé dans des

conditions telles qu'il ne puisse pas recommencer à nuire. L'étude

des mesures légales et administratives prises actuellement vis-à-vis

des aliénés criminels va nous servir à éclairer la discussion.

J'ai été commis récemment à Bicêtre à l'effet d'examiner un

individu, qui, d'un coup de sabre, avait blessé un sergent de ville;

et quand je me présentai, le malade guéri allait être remis en liberté

par le chef de service qui ignorait l'acte commis par l'aliéné ; il n'y

avait m dossier, ni note du commissaire de police, et l'individu

venait de Sainte-Anne où il était arrivé, du reste, sansrenseignements

commémora tifs, avec un simple certificat médical indiquant son

état mental, mais ne faisant nullement mention du crime qu'il avait

commis. Son état était si peu douteux qu'il n'y avait même pas eu

comparution devant le juge d'instruction, et le chef de service de

Bicêtre le rendait à la liberté quand je me suis présenté, parce qu'il

était guéri. -J demande si descommémoratifs de cette importance

ne devraient pas toujours être communiqués au médecin chargé

du malade ? C'est pour éviter que de pareils faits ne se renouvellent

que nous demandons que les aliénés criminels soient administrés

par des règlements spéciaux'.

M. Legrand du Saulle. Sans qu'il me soit nécessaire d'une loi

spéciale, j'ai toujours établi dans mes certificats de la Préfecture de

police tous les renseignements détaillés sur les malades que j'ai eu

à examiner.

M. Motet. Des questions financières s'opposent, en province, à ce

que toutes les précautions soient prises contre de tels sujets ; ils ne

doivent pas rester à la merci du Conseil général m du Préfet; c'est

l'État seul qui doit en prendre la charge. Je voudrais encore

vous montrer les aliénés dans leurs rapports avec la magistrature

puur vous prouver la nécessité de réformer la loi qui les régit. Ainsi,

par exemple, un homme commet un vol de 25,000 fr. à l'aide

d'un chèque falsilié, s'enfuit à Alger avec une maîtresse et se fait

arrêter pour une nouvelle escroquerie. Pendant l'instruction, on

apprend par hasard qu'il avait été renfermé trois fois à Sainte-

Anne ; c'était un persécuté. Lorsque je l'ai interrogé, il me lit des

réponses caractéristiques : on elierellaità l'empoisonner, mais des

Il Il s'agit d'uu malade de notre service, atteint d'alcoolisme, et qui ue

présente plus aucun trouble intellectuel. 11 s'est emparé du sabre d'un

sergent de Mlle qui venait pour l'arrêter. Hu ce qui concerne l'absence

de lenseignonients de la Prélecture de police, elle est très regrettable.

Comme rapporteur du service des aliénés au Conseil général, nous avons

demandé que ces renseignements fussent toujours communiqués aux mé-

decms. Nuus n'avons nen obtenu jusqu'ici : c'est econnnencer. B.

43 sociétés savantes.

gens qui lui voulaient du bien, lui avaient remis les ? i,000 fr. pour

faire de très importantes recherches en Algérie. MM. Blanche et

Lasègue, qui l'ont vu en même temps que moi, l'ont déclaré

irresponsahle; mais avant qu'on ne connût complètement son his-

toire, l'individu était passé devant la chambre des mises en accusa-

tion qui avait conclu à son envoi en cour d'assises. Comme, avec

la législation actuelle, la chambre des mises en accusation ne peut

se déjuger, que va-t-on faire ? Enverra-t-on en cour d'assises cet

homme irresponsable ? Vous le voyez, dans certains cas, l'aliéné

n'est pas suffisamment protégé par la loi actuelle; il faut la modi-

fier et ce malade pourra alors passer de nouveau devant la chambre

des mises en accusation qui, cette fois, rendra une ordonnance de

non-lieu. '

M. Lunier connaît un idiot qui attend depuis trente-deux ans sa

comparution devant la chambre des mises en accusation.

M. DAGONET n'admet pas qu'en aucune circonstance la magistra-

ture ou une Commission judiciaire quelconque puisse décider s'il y

a lieu d'envoyer un aliéné dans un asile. C'est au médecin à

statuer, que l'aliéné soit criminel ou non. D'ailleurs presque tous

les fous sont susceptibles de commettre des crimes ou des délits si

les circonstances s'y prêtent; il n'y a donc pas lieu à régir par une

nouvelle législation ceux qu'un concours de circonstances aura

rendus criminels. Je ne suis pas, en principe, dit-il, absolument hos-

tile à la création d'un asile spécial, mais je juge celte création

inutile. En tout cas, je demande que la Commission qui aura à

pourvoir d'aliénés ce nouvel asile soit exclusivement composée de

médecins. Il peut arriver que pendant un accès délirant consécutif

à une fièvre typhoïde ou quelqu'autre maladie aiguë, un malade

commette un acte criminel. L'enverrez-vous dans votre asile ? -

Evidemment non.

M. DELASIAUVF. Un asile spécial n'aurait sa raison d'être que

pour les criminels qui, pendant l'expiration de leur peine, deviennent

aliénés; ce sont ceux-là qu'il faut isoler des autres aliénés, qui

pourraient se plaindre de la promiscuité. Nous avons déjà Gaillon

qui suffit amplement pour eux.

M. Lunier. M. Motet nous a parlé de criminels acquittés comme

irresponsables et remisa à l'administration, qui peut du jour au len-

demain les rendre à la société; il en existe aussi qui n'ont même pas

été séquestrés. L'eussent-ils été, leur sortie n'est pas entourée de

garanties suffisantes, car tous les médecins n'ont pas la sévérité d'Au-

banel et d'Esquirol qui demandaient la séquestration perpétuelle

de tout aliéné criminel. La déclaration d'une Commission exclusi-

vement médicale ne suffit pas; je lui préfère l'avis d'une Commis-

sion médicale en majorité, mais aussi administrative et judiciaire.

M. DALLY fait remarquer à M. Lunier que la question n'est pas là.

sociétés savantes. 343

M. Lumen insiste pour la création de l'asile spécial, en tirant son

principal argument de la promiscuité pénible pour certains malades.

Cette promiscuité se fait surtout sentir en province.

M. DAGONGT. J'ai dans mon service un paralytique général en

démence, condamné trois mois de prison pourvoi d'un chandelier.

Croyez-vous que les autres malades aient beaucoup à souffrir de

son voisinage ? L'enverrez-vous dans un asile spécial ?

M. DALLY demande à la Société de décider s'il y a lieu de conti-

nuer à discuter les mesures administratives et judiciaires qu'il con-

viendrait d'adopter dans le cas où l'on créerait des établissements

particuliers pour les aliénés dits criminels. La Société répond

affirmativement par dix oui sur dix-huit votants. La discussion por-

tera sur le questionnaire propose par M. Falret. M. B.

Séance du 31 juillet 188 : . PnKSmEKCE de M. DaLLY.

Sur le rapport de M. Christian, la Société décide de proposer pour

le concours de l'année prochaine les deux questions suivantes :

Prix Aubanel. Existe-t-il des signes ou des indices qui per-

mettent de reconnaître qu'une maladie mentale est héréditaire, en

l'absence de notions sur les antécédents ? Exposer ces caractères.

Prix Belhomme. - Des moyens propres à développer la faculté du

langage chez les idiots.

Suite de la discussion sur les Asiles spéciaux pour aliénés crimi-

nels. M. BILLOD expose les réflexions suivantes que lui ont suggé-

rées les questions posées par M. Faire ! à la dernière séance. Ce

n'est pas suffisant, dit-il, de créer des asiles spéciaux pour les aliénés

criminels, il faut encore pouvoir les maintenir dans ces asiles sans

illégalité; la nécessité de réformer la loi découle de cette proposi-

tion. J'estime en outre que les familles et même certains malades

atteints d'un délire partiel, leur laissant assez d'intégrité intellec-

tuelle pour comprendre leur situation, soutirent de la promiscuité

fâcheuse dans laquelle vivent les aliénés ordinaires et les criminels.

J'ai connu un persécuté qu'on dut changer d'asile à cause du voisi-

nage d'un autre malade enfermé avec lui à la suite d'un crime. Le

malheureux menaçait de se suicider. L'ILîlie a du reste construit

trois asiles destinés uniquement à cette catégorie d'individus. Il ne

faudrait cependant pas confondre avec eux les malades dangereux

qui n'ont commis aucun crime. Leur place me parait indiquée

dans l'établissement ordinaire et non ailleurs. L'asile central de

l'État doit être exclusivement réservé aux criminels, qu'ils aient

été condamnés ou non. Ce serait un abus que d'y renfermer les

voleurs à l'étalage et autres simples délictueux irresponsables par

le fait de. leur état intellectuel.

2 le le sociétés savantes. '

M. BILLOD passe ensuite en revue les modifications qu'il con-

viendrait d'apporter à la loi ; on peut les résumer par cette formule :

l'autorité judiciaire décidera seule de l'admission ou de la sortie

des malades de l'asile central.

111. DA&oET. Nous avons déjà en France l'établissement de Gaillon,

qui répondit peuplés à l'asile que les Anglais ont créé à l3roadmoor;

ces deux institutions sont en ellet destinées à recevoir des condamnés

devenus aliénés, des aliénés non condamnés, mais prévenus de

crimes, enfin quelques individus atteints d'aliénation mentale qui

n'ont subi ni ne subiront aucune condamnation, mais qui peuvent

être considérés comme dangereux. Tous ces aliénés sont soumis a

un régime et à des règlements administratifs particuliers. Je ne par-

tage pas l'opinion des médecins qui désirent donner une extension

plus grande à une semblable institution, et je me demande même

si la mesure qu'ils proposent suffirait à garantir la société aussi

efficacement qu'ils le supposent. Je suis plus porté à considérer

cette modification de la loi comme une chose contraire à l'équité et

sans profit pour personne.

11 est un principe à poser tout d'abord, et dont nous ne devons pas

nous écarter, c'est que « t'individu atteint d'aliénation mentale,

qu'il subisse ou lieu une condamnation, est avant tout un malade

au même titre que ceux recueillis dans les hôpitaux ordinaires et

auquel on doit appliquer les meilleurs moyens de traitement ·.

L'asile de criminels dans lequel ou l'enverrait, pourrait-il, avec

ses règlements d'administration et de claustration, oilur des con-

ditions favorables au traitement de l'aliénation mentale ? C'est

au moins fort douteux !

De plus, on se heurterait constamment à des difficultés de pratique,

car on n'enverrait dans cet établissement qu'une catégorie de

malades dont le choix sera très délicat. Si l'on ne faisait aucune

distinction ni classement entre tous les aliénés dits criminels, une

institution comme celle de Broadmuor risquerait de contenir une

foule d'individus atteints de démence, de paralysie, d'imbécillité,

de malheureux tombés dans une sorte d'enfance, gâteux, absolument

inoffensifs quoique criminels au point de vue de la lui, et d'autres

dont le délire a subi une transformation qui ne peut plus les laisser

considérer comme dangereux. Pourquoi enfermer dans une maison

soumise à un régime spécial tous ces individus qui ne gênent per-

sonne dans nos asiles ?

Est-on bien d'accord, d'ailleurs, sur ce que l'on doit entendre sous

le nom d'aliénés criminels ? Le fait d'avoir commis un acte nuisible

fera-t-il considérer le malade comme devant être toujours dan-

gereux ? Et d'un autre coté, que d aliénés n'ont pas commis d'actes

regrettables par cela seul que des circonstances indépendantes de

de leur volonté les en ont empêchés ! M'est-il pas aussi des faibles

d'esprit que la surveillance la plus insignifiante suffit a rendre

sociétés savantes. 1 5

inoffensifs ? Tous ces casontbesoin d'être examinés, et il appartient

seulement à une Commission compétente, c'est-à-dire exclusivement

médicale, de prendre les renseignements désirables et de faire la

destinction qui deviendra nécessaire si l'on établit des asiles d'État.

Pendant dix-sept ans, il n'a été envoyé à l'asile de Stephansfeld

.(Bas-Rhin) que dix-sept aliénés hommes et femmes venant de prisons

voisines- qui peuvent contenir environ deux mille prisonniers : la

plupart de ces malades étaient tout à fait inoffensifs.

Il est encore deux points dont on ne saurait méconnaître

l'importance. Le premier, c'est qu'il existe des individus profondé-

ment pervertis qui côtoient sans cesse la limite entre le crime et la

folie et auxquels le régime de la prison semble seul couvenir, car

leur promiscuité avec les habitants d'un asile quel qu'il soit devient

une source de désordre, de danger ou d'antipathie profonde. Le

second point, c'est qu'il existe réellement quelques malades que la

forme particulière et heureusement exceptionnelle de leur délire

rend véritablement dangereux. Un quartier de sûreté semble

indiqué pour, ces deux catégories d'individus. Ce quartier existe

déjà à Bicêtre.

Je pense, en résumé, qu'il n'y a pas lieu de créer un asile spécial

d'aliénés criminels, etqu'il serait préférable de seborner à adjoindre

à trois ou quatre des plus importants asiles un quartier de sûreté.

Ces quartiers pourraient recevoir chacun une douzaine d'aliénés

réputés dangereux. Ils auraient l'avantage de ne pas accumuler un

trop grand nombre d'individus nuisibles dans un même établisse-

ment; ils permettraient d'en suivre plus facilement l'observation

et de faire passer le malade dont l'affection aurait subi une trans-

formation du quartier de sûreté dans une autre division; le

médecin restant libre sous ce rapport d'agir comme il le jugerait a

propos. La seule autorité compétente pour prononcer sur l'entrée

comme sur la sortie du malade ne devrait en tout cas être qu'une

Commission médicale; un délégué de la magistrature pourrait à la

rigueur en faire partie. Une semblable Commission ne devrait être

elle-même qu'un délégation d'une Commission supérieure dite des

aliénés, nommée à l'élection, devant laquelle viendraient se porter

toutes les questions ayant trait à l'aliénation mentale, aux malades

qui en sont atteints, à l'organisation des asiles et à l'intérêt pro-

fessionnel.

M. Legrand du Saulle n'avait pas l'intention d'intervenir : il vient

simplement rappeler qu'en 1863, alors qu'il était jeune médecin, il

avait adressé au Sénat une pétition pour demander la création

d'un asile spécial destiné aux aliénés dits criminels.

Aujourd'hui, ajoute-t-il, que je ne suis plus comme alors ic alié-

niste en chambre », j'ai une opinion tout opposée. Un jour,

alors que je partageais avec M. Falret le service de la Sûreté de

Bicêtre, je me pris à penser, qu'après tout, les malheureux enfermés

2K) sociétés savantes.

derrière les grilles n'étaient peut-être pas aussi dangereux qu'on leur

en donnait l'air; je me décidai à en laisser sortir un, puis deux

puis trois, etc., et j'ai ainsi peu à peu vidé la Sûreté, au grand

étonnement de l'administration. Il n'est jamais arrivé d'accidents.

Or, savez-vous par qui j'ai remplacé ces malades ? Par les épilep-

tiques indisciplinables des services voisins. MARCEL 13nLIND.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES

DE BERLIN.

Séance du 9 ? ? ! «< 18R1.-PuGamvcie de M. \1'ssrmn..

Avant de s'occuper de l'ordre du jour, le Président consacre à la

mémoire du professeur Waldenburg quelques paroles de regret.

M. Westphal présente un cas de maladie de Thomsen. Il s'agit de

cette affection consistant en l'apparition d'une raideur avec cour-

bature généralisée en même temps que l'ensemble des muscles

striés s'hypertrophient. Dans la discussion que ce fait soulève,

M. BEIINHIIDT appelle l'attention sur l'observation de Peters

(Detitsclie m ! V(f;)'-ot' : t'H7te ZeIsch ? -, 1, 1879). Il annonce que l'exa-

men microscopique du tissu musculaire enlevé à son malade pen-

dant la vie a pu être pratiqué par MM. Jacusiel et Grawitz, qui

n'auraient rien trouvé d'anormal (communication personnelle).

M. Moeli, ayant vu à Rostock le cas de Thomscn, confirme les

descriptions ultérieures des autres écrivains quant à l'excitabilité

électrique. Le grand droit de l'abdomen notamment devenait le

siège, sous l'influence du courant faradique, de contractions qui

duraient jusqu'à trente secondes ; les mouvements passifs, lasimple

insufflation à la surface des téguments, le contact superficiel de

l'éponge excitaient aussitôt la contractilité musculaire.-

M. Binpwanger présente le cerveau d'un homme de vingt-cinq ans,

dément et epileptiqzie dès l'enfance, dont le développement soma-

tique n'avait présenté aucune anomalie. Les deux tiers supérieurs

des circonvolutions ascendantes ainsi que le pied de la première et

de la deuxième frontales dans les deux hémisphères sont transfor-

més en portions dures qui présentent à la surface l'éclat du ten-

don et l'aspect aplati, tandis que les coupes en démontrent la texture

fibreuse caractérisée par des rayures indurées. Au microscope, on

sociétés savantes. 2t7

constate une couche de tissu conjonctif dont les libres résistantes

enlacent en un feutrage complexe des cellules de genres les plus

divers parmi lesquelles il est permis de reconnaître en toute évi-

dence les éléments parenchymateux, appartenant à l'espèce des

petites cellules pyramidales; en somme, peu de conclusions for-

melles et nulle autre altération dans le reste de l'organe. Rappro-

chant ces renseignements des relevés anamnestiques et des résul-

tats de l'examen actuel, on peut formuler le diagnostic suivant :

Processus encéphalitique survenu au début delà première enfance

ou dans le cours de la vie intra-utérine, ayant atteint symétrique-

ment les circonvolutions ascendantes des deux hémisphères et

s'étant terminé par la sclérose des parties en question. Confir-

mation de l'examen nécroscopique à l'état frais, par M. Birch-

Hirschfeld, qui a pratiqué l'autopsie. La soeur de cet idiot pré-

sente depuis l'âge de deux ans une parésie de la jambe gauche, et

des accès convulsifs datant de sa onzième année. Elle a actuellement

vingt-quatre ans. On relève chez elle de l'hyperexcitabilité réflexe,

se manifestant par exemple au moindre bruit imprévu par tous

les signes de la crainte, accompagnés de crise convulsive incom-

lilète et de torsion de la tête.

M. Westphal appelle l'attention, au cours du débat, sur les

allérations delà pie-mère : elle est modérément injectée et ferme

au niveau des circonvolutions lésées. Ce sont bien là les modifica-

tions qui ressortissent aux processus inflammatoires et permettent

de conclure à leur existence ; opinion à laquelle M. Binswanger se

rallie également.

Séance du 13 juin. Présidence de M. Wt'.STi'mL.

M. Westphvl procède à la communication annoncée sur un cas de

sclérose latérale primitive à issue insolite, avec pièces à l'appui. Il s'agit

d'une lésion des cordons latéraux (faisceau latéral dans les pyramides

et le cervelet) ayant déterminé le syndrome de la paralysie spinale

spasmodique, jusqu'au moment où une complication du côté d'un

des hémisphères cérébraux (ramollissement) entraînait des mani-

festations aiguës. Les cordons postérieurs de la moelle n'avaient

participé au processus que d'une façon rudimentaire. La publica-

tion de cette communication sera d'ailleurs effectuée in extenso '.

Des demandes de MAL WERMME et Bernhardt fournissent à l'o-

rateur l'occasion de mettre en relief la disparition des cellules

parenchymateuses dans les colonnes de Clarke, et son opinion

relative à l'indépendance des lésions des cordons postérieurs et du

' On en trouvera le résumé aux Remues analytiques.

248 SOCIÉTÉS savantes.

ramollissement de la région du corps calleux, au moins dans l'es-

pèce.

M. SENATOR désire qu'on insiste désormais davantage sur les

troubles vésicaux, constants en toutes ses observations de para-

lysie spinale spasmodique.

M. Wkrnicke rappelle que de vieux auteurs, Roustan, Durand-

Fardel, ont décrit déjà des ramollissements du cerveau sans altéra-

tions vasculaires.

M. 131NSwnrrcclt, qui a examiné les pièces l'état frais, a ren-

contré des cellules granuleuses, mais les vaisseaux étaient intacts.

Cette intégrité vasculaire est rare. car bien des cas jadis désignés

sous le nom de ramollissement blanc doivent être, en l'absence

d'examen microscopique, considérés comme le résultat de phéno-

mènes cadavériques.

M. Westphal pense également que le ramollissement peut être

indépendant d'affections vasculaires, les Français l'ayant admis

comme tel.

M. BEI,,HARD présente un cerveau d'idiote. Une fillette de quatre

ans, indemne de prédisposition héréditaire ou autre, convalescente

de rougeole, est frappée à ce moment d'apoplexie cérébrale :

hémiplégie droite totale, convulsions éIlCtll'01'InCS, aphasie, sur-

dité droite, déchéance intellectuelle. L'électrisation faradique

semble déterminer quelque amélioration, mais l'infirmité progresse

à nouveau, si bien qu'en somme l'impotence est complète, même

pour la station debout; mobilité des membres supérieurs limitée

surtout à droite, phénomènes spasmodiques, rares et peu accusés,

atrophie de la moitié gaucho de la face, aplatissement dtrgnlhe

crânien du même côté. On rencontre à l'autopsie une complète

adhérence de la dure-mère à la face interne de la calotte crânienne,

une atrophie considérable de l'hémisphère gauche, surtout dans les

lobes temporaux etoccipitaux : le cervelet du côté droitestégaiemeut

notablement atropliié. A gauche, induration et coloration ambrée de

l'extrémité antérieure de la circonvolution de l'hippocampe et

d'une grande partie du lobe temporal, moins prononcées d.ms

l'insula ; toute la première circonvolution temporale violette, mol-

lasse, forme une bourse dont la cavité communique avec le ven-

tricule latéral dilaté et n'est, par places, fermée que par la pie-mère ;

disparition absolue en cette circonvolution de la substance blanche.

11 s'agit par conséquent d'une lésion ayant atteint un cerveau déjà

parvenu à son type normal complet. L'asymétrie faciale doit être

rapportée à l'ossification prématurée des sutures du côté gauche

du sphénoïde (analogue de la sténokrotophie de Virchow). L'apha-

sie ; évidemment due aux lésions de l'insula du côté gauche, rétro-

cédait plus tard, à raison, soit de l'incomplète altération de la

région, soit de la suppléance fonctionnelle de l'organe homonyme

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249 9

du côté droit. Peut-être la perte de l'oreille droite tient-elle à la

lésion du lobe temporal gauche, puisqu'il n'existe ni otite, ni

catarrhe de la trompe. Le peu d'atrophie des circonvolutions ascen-

dantes explique l'absence de dégénérescence descendante et de

contractures permanentes. Quant à la nature de la lésion, la colo-

ration jaunâtre du lobe temporal démontre qu'il s'était effectué

une hémorrhagie.

Au cours de la discussion qui s'engage, discussion à laquelle

prennent surtout part MM. Wernicke, Reinhard, W. Sander,

M. Wernicke constate l'ennlobement du lobe occipital dans la zone

d'atrophie ; cependant, MM. Heinhard et Sander nient qu'il y ait

eu liéiniopie. En revanche, l'existence d'une surdité du côté droit,

en relation avec une altération du lobe temporal gauche, confirme

les toutes récentes recherches de Munk.

Séance du 11 juillet. Présidence D; : M. Westphal.

11. Rrvah préscnte zttt znalarle atteint d'une affection de la protu-

bérance. L'homme de quarante-six ans, dont il s'agit, offre une

complète paralysie de l'oculo-moteur externe du côté gauche, en

même temps que le droit interne du côté opposé est en état du

parésie, symptômes dont la réunion, aux termes des décisions

antérieures de la Société sur ce sujet (séances des 7 février 1876,

et 1'2juillet 1880), serait pathognomonique d'une lésion liomolatérale

du noyau de l'oculo-moteur externe dans le pont de Varole. N stag-

mus. M. Remak ajoute que, dans l'espèce, la parésie du muscle

.droit-interne est bien moindre que les troubles de la motilité qui

ressortissent à gauche à l'atteinte de l'oculo-moteur externe; il ne

saurait être question non plus d'une paralysie conjuguée et encore

bien moins de la déviation conjuguée de la tête et des yeux. Inté-

grité dufacia) à gauche ; parésie de sa branche buccale adroite ;

paralysie du muscle élévateur du voile du palais du même côté. A

part l'exagération du phénomène du genou dans la jambe droite

contrastant avec l'absence du phénomène du pied des deux côtés,

c'est la tout ce qu'il est permis de constater d'anormal. L'orateur

conclut à l'existence d'un foyer de ramollissement (sorte d'ictus

initial) dans la moitié delà protubérance, siégeant, vu l'intégrité du

facial du même côté, un peu plus haut que dans les observations

communiquée* jusqu'ici. La syphilis étant possible, le malade sera

soumis aux injections hypodeimiques de préparations hydrar-

gyriques. ,

M. Richter (de Dalldorf) fournit la démonstration de sa.méthode

de conservation du cerveau par dessiccation. Après avoir minutieuse-

ment dépouillé l'organe de la pie-mère, il le place dans'de l'alcool

plus ou moins concentré selon l'état du tissu nerveux, changeant

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ce liquide pour une même quantité fraîche au bout de vingt-quatre

heures. Le cerveau est alors lavé à grande eau de façon à ce qu'il

ne conserve qu'une consistance moyenne. Après une série d'im-

mersions semblables en rapport avec l'effet que l'on désire obtenir,

^on plonge la masse dans du vinaigre de bois brut une ou deux fois

par jour pendant deux ou trois semaines, l'abandonnant ainsi im-

prégné à la température de la chambre. L'acide pyroligneux se

substitue graduellement dans l'intimité du parenchyme à l'alcool;

dès le second jour, le cerveau commence à brunir et à se dessécher

dans les zones les plus extérieures jusqu'à ce que, finalement, il

acquière une coloration brun foncé et même noire. L'action se

continue d'ailleurs durant quelques semaines sans qu'il faille

renouveler le bain; la dureté s'accentue à mesure de l'intensité de

la coloration. Ce système est également applicable aux cerveaux

qui ont séjourné dans le liquide de Millier, dans les solutions de

bichromate, à la condition qu'on les lave auparavant à grande eau.

A ce propos, M. MENDHL décrit son procédé. Les cerveaux qu'il

enlève subissent un premier séjour de douze jours dans une solu-

tion concentrée (1 ? ) d'acide nitrique et d'eau; ils demeurent ensuite

vingt-cinq jours dans une solution semblable étendue (1/10) pour

être enfin exposés à l'air sec pendant deux mois. A l'instigation de

M. Westphal, M. Mendel conuent que cette méthode a été employée

et décrite par les Français.

M. vol DEN Sieinen fait sa communication inscrite à l'ordre du

jour intitulée : Notes de voyage sur ptclques asiles d'aliénés de

l'Australie et de l'Asie. L'orateur ne s'est pas contenté de visiter

les asiles qui y existent; pendant son voyage autour du monde,

d'un an et demi, il a en outre recueilli des renseignements sur le

bilan psychiatrique et psychopathique des pays qu'il a étudiés. Une

première question s'impose : La civilisation < : t-<-ce COEO'ce une influence

directe sur la genèse des psychoses ! M. V. D. Steinen ne croitpasque

les blancs aient apporté aux nègres ou aux hommes de couleur

l'aliénation mentale. Il suffit à qui possède les éléments d'iwestiga-

tion scientifiques de chercher résolument pour la constater parmi

ces derniers. On entend souvent dire en Amérique que les nègres

ne fournissaient pas d'aliénés avant leur émancipation ; or, on devrait

plutôt penser qu'à cette époque, d'ailleurs barbare, on ne s'est pas

soucié de cette affection. Aminci, à Cuba, où il reste un assez grand

nombre de vieux ménages d'esclaves et où les nègres n'ont que

très superficielernent subi l'impression de la civilisation, on trouve

actuellement pas mal d'aliénés parmi eux. En Chine, l'inves-

tigation sur ce sujet est aujourd'hui encore peu soignée, car, à

Canton un médecin qui voit à la policlinique chaque année six

mille malades n'a rien appris sur les aliénés chinois, tandis qu'à

Sydney où les fils du Céleste-Empire sont soumis aux mêmes con-

ditions qu'en leur pays (même genre d'existence, difficultés de la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 25 t

vie identiques), on a trouvé dans les asiles d'aliénés deux fois plus

de Chinois que d'Européens. En revanche, l'aliénation semble être

aussi la conséquence naturelle des conditions extérieures. En effet,

alors que dans l'archipel de Samoa on a peine à rencontrer des

déments et des monomaniaques, cette même race polynésienne,

dans la Nouvette-Xétande, où, peu accessible à la civilisation. elle

vit en districts séparés, a donné quinze aliénés aux asiles au cours

de l'année 189. Ce nombre prouve incontestablement qu'il y en

a eu davantage.

M. voix DËN Steinen a visité les établissements psychiatriques de la

Nouvelle-Zélaiiie, de la Nouvelle Galles du Sud, de Java, des Indes,

du Japon. Voici sa division. Les uns renferment exclusivement ou

en majorité des Européens émigrés ou leurs descendants (asiles

australiens). Les autres contiennent surtout des indigènes (asiles

asiatiques).

A. Les établissements australiens constituent autant de modifi-

cations des asiles de la mère-patrie imposées par les exigences du

pays et reflètent admirablement le développement des jeunes États.

On y suit, par la statistique, les influences patbogénétiques. Au

début, par exemple, prédominent les plus fâcheuses disproportions

dans la condition des hommes et des femmes, des gens mariés et

des célibataires, dans la répartition des âges, des occupations, tous

désavantages qui graduellement finissent par être compensés;

l'alcoolisme joue de bonne heure un rôle prépondérant. Les détails

d'administration sont passibles des mêmes critiques qu'en Europe.

La même incertitude règne sur les particularités étiologiques et

nosographiques qui relèvent du climat et du genre de vie. En

somme, si renseigné que l'on soit d'avance, on est étonné de la

rapidité avec laquelle les rivages des mers du Sud ont vu naître

une organisation qui ne diffère en rien de celb de l'Europe, au

moins dans ses linéaments généraux ; c'est aux médecins anglais

qu'il faut en aUribuer l'importation. La proportion entre l'ensemble

de la population et l'effectif des asiles est la même en Nouvelle-

Zélande que sur le continent. Les établissements de Sydney sup-

portent toute comparaison avec les nôtres. Heureux les peuples

qui, dénués de traditions historiques, sont libres d'entreprendre

constamment sans être obligés de modifier des vieux débris !

A Java, le progrès est patent; on a construit à Buitenzorg, près

Batavia, un établissement dont le plan moderne contraste avec les

construction primitives et malsaines usitées jusque là.

B. Etablissements pour les indigènes des Indes Britanniques. Le

nombre d'aliénés à la charge de l'Etat a considérablement baissé

depuis un décret du gouvernement en vertu duquel il n'accepte

désormais que les criminels aliénés , les indigents, les psychopathes

dangereux ou incurables. Ainsi, pour les six établissements de la

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.

province du Benrale, on notait en1877 un effectif moyen de 1,416;

il descendait en 1879 à 890, soit simplement 0,0137 pour mille de

la population totale. La guérison ou l'amélioration porte sur plus

de 80 p. 100 de ceux que l'on admet. De tels résultats doivent être

attribués, selon les médecins anglais, à la prédominance de psy-

choses par abus du chanvre indien (manies d'un pronostic favorable).

Sur 1,187 malades en traitement, l'étiologie concerne la consomma-

lion du chanvre pour 327, les spiritueux pour 40, l'opium pour 10.

Les bâtiments se bornent, en dehors de quelques récents édifices

pour bains et latrines, à une série de baraques qui servent de dor-

toirs et fournissent un abri la nuit, de l'ombre et de la fraîcheur

durant quelques heures le jour. La sobriété et le peu de toi-

lette de l'Indien facilitent le fonctionnement administratif et

budgétaire. A Bombay, M. V. D. Steinen compta dans une cour

destinée aux agités30 individus vivant et travaillant sans contrainte,

absolument nus. Un peu de tabac, quelques douceurs, une séance

chorégraphique tous les quinze jours suffisent à leur bonheur.

L'asile de Dullunda, près Calcutta, est un modèle de travail ; on y

tresse, tisse, martelle, pile, moud ; quelques bambous et des cordes

servent à monter une machine immédiatement utilisée. Aussi,

84 p. 100 des malades sont-ils perpétuellement occupés et chaque

travailleur produit-il la valeur de 30 à 36 marks. Quant à tirer un

parti scientifique des matériaux d'observation que l'on a chaque

jour sous les yeux, cette besogne exigerait, en dehors des connais-

sances spéciales, des relations intimes avec les aliénés; or, on ne

parle pas moins de vingt-trois langues aux Indes et les innombrables

castes sociales qu'on y côtoie soulèvent au sein du peuple même

des obstacles plus infranchissabcs que les différences de nationalités.

Au Japon même, on n'a pu rassembler que bien peu de documents

psychiatriques intéressants. Les confrères allemands qui y sont

fixés ont une très faible expérience a cet égard; les opinions des

uns et des autres sont de plus diamétralement opposées sur les plus

simples questions ; telles les formes de l'hystérie, de l'épilepsie, la

genèse de la manie, du delirium tremens (excès d'cau-de-vie de riz).

Kioto possède un établissement de quatre-vingt-un malades cons-

truit d'après un plan européen et dirigé par des médecins japonais;

on y perçoit ici le charme, la simplicité, la propreté; là, l'incurie

et l'infection de la négligence de sorte qu'il semble être un mélange

des excellentes intentions européennes et de l'indolence enracinée

des Asiatiques.

M. Westphal interroge le voyageur sur l'existence de la paralysie

générale dans les pays visités par lui. M. V. D. Steinen répond que

cette maladie, peu connue à Java, aurait été observée parmi les

nègres.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253

Séance du 14 4 novembre. Présidence de l. *WESTPIJAL.

M. REMAK ramène à la Société le malade présenté par lui dans la

séance de juillet dernier. Le traitement mercuriel sous forme de

friction a en trois mois déterminé la guérison des accidents ocu-

laires ; il ne reste plus que de la parésie dans le domaine du facial,

à droite, ainsi que la paralysie de l'élévateur du voile du palais de

ce côté. L'exagération du réflexe rotulien a également persisté.

M. BERINHARDT ne veut pas laisser passer ce fait sans appeler

l'attention sur l'observation tout récemment publiée par Hunnius,

et de laquelle il résulte que la paralysie combinée des muscles de

1'oeil ne signifie pas nécessairement qu'il y ait lésion du noyau

de l'oculo-moteur externe; un foyer peut exister dans la protubé-

rance, à cette place, sans que le noyau du nerf en question soit

directement atteint.

M. le Secrétaire soumet à l'assemblée une brochure que lui

envoie à titre de don 111. Hwschfeld, de Dautzig. Elle est intitulée :

Ophélie... ci la lumière de la science médicale...

M. Wesphal présente de nouveau le malade que M. Remak mon-

trait à la séance du 8 mars 188J. On en trouve l'observation dans

le u° 22 du Berlin. Klin. Vocheii5chi-, 1 880, sous ce titre : « Un cas

d'ataxie locale des extrémités supérieures avec éphidrose unilatérale

du même côté ». M. Remak avait diagnostiqué uue sclérose d'origine

syphilitique (le malade avait eu cette affection jadis), siégeant dans

la moitié postérieure droite du renflement cervical de la moelle,

plus tard compliquée de dégénérescence secondaire dans les deux

cordons postérieurs. Aujourd'hui, on est évidemment en présence

d'un tabéuque (démarche caractéristique, ataxie, etc.) et en même

temps on observe dans la région du nerf cubital gauche l'expan-

sion des troubles de la sensibilité auparavant limités à droite.

Inanité du traitement anti-syphilitique.

M. Remak rehausse encore les particularités d'une telle évolution

en insistant sur cette ataxie très prononcée du membre supérieur

droit, qui persiste plus de cinq ans et se montre en quelque sorte

indépendante des autres manifestations.

M. Wernicke présente à la Société une modification des rhéostats

à manivelle coudée ordinaires. Ce nouvel appareil permet, sans grande

perte de temps, quelle que soit l'installation instrumentale, de

passer des unités aux dizaines, voire aux centaines titi libitiiiii et

vice versa. 11 comble une lacune qui se faisait du reste principale-

ment sentir pour le traitement des bourdonnements d'oreilles et

des névralgies de la cinquième paire. C'est M. W.-A. Hirschmann,

de Berlin, qui l'a construit.

: 25'< il SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Westphal communique un cas de lésion corticale avec lténtiu-

nopsie. M. Wernicke fait ressortir la description qu'il a donnée de

ces formes morbides et dans son Traité des maladies du cerveau et

dans le fait présenté par lui à la Société médicale de Berlin ; il

s'agissait notamment dans l'espèce d'une lésion de l'écorce avec les

troubles caractéristiques de sensibilité et de motilité du côté

opposé. Il a, de plus, eu l'occasion tout nouvellement d'observer

quoique chose de semblable chez un malade atteint d'un abcès dans

le lobe occipital gauche. Cet abcès avait pénétré jusqu'à la subs-

tance blanche du lobe pariétal et de la pariétale ascendante du

munie côté.

M. Westphal insiste sur l'autopsie de son malade qui, pour la pre-

ntière fois, démontre que les altérations des régions de l'écorce peuvent

entraîner semblable s mptomatologie et particulièrement une hémia-

nopsie ltomo-lalérule.

'l'elle est aussi l'opinion de M. Ilirschberg, qui fait remarquer que,

dans les cas connus jusqu'à ce jour, on avait toujours trouvé la

substance blanche concurremment lésée. Aux questions que lui

adresseM. Sander,M. Westphal répond que l'hémisphère droit était

intact, que le malade n'avait eu aucune hallucination de la vue,

mais que longtemps avant sa dernière affection il se pourrait qu'il

eut été atteint de dclirium tremens.

Séance du 12 décembre. Présidence de M. Wesiphal.

Avant qu'on ne s'occupe des communications inscrites à l'ordre

du jour, M. Bernhardt montre à ses collègues le maniement d'une

batterie portative à courants continus, construite par M. Reiniger,

d'Erlangen.

M. Richter, de Dalldorf, procède ensuite à sa communication

annoncée : Des -caractères propres aux lésions de l'écorce du cerveau.

Le malade, qu'il eut l'occasion de suivre à l'asile de Dalldorf, pré-

senta successivement : en 1878, des douleurs dans le membre

inférieur gauche; au mois d'avril 188l, du myosis du même côté,

de la fréquence du pouls contrastant singulièrement avec une

faible élévation thermique ; au mois de mai de la même année, des

troubles dans l'innervation du facial également à gauche. On notait

en juin des convulsions cloniques dans les deux extrémités gauches

avec contractions dans le domaine du facial homologue et torsion

de la fête à droite, qui cédaient bientôt la place d'abord à de la

raideur, enfin à une complète paralysie de la motilité et de la sen-

sibilité de tout ce côté. Intégrité absolue du côté droit. Hyper-

thermie et fréquence du pouls exagérée. Le patient meurt trois

jours et demi après l'attaque. L'autopsie décèle simplement deux

zones nettement limitées d'infiltration (syphilitique) siégeant à la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

convexité, du côté gauche. L'une d'elles occupe la région supérieure

de la scissure parallèle frontale (sulcusproecentralis) du côté gauche;

la seconde se trouve au milieu de la circonvolution de l'ourlet du

même côté. 11 était indiqué de rechercher avec soin le mode d'en-

trecroisement des fibres nerveuses; malheureusement la substance

blanche du cerveau ivait été trop maltraitée par le couteau pour

que l'examen pût, dans l'espèce, fournir des résultats.

M. \'1%envtcR> : fait remarquer l'exsudat gélatineux de la pie-mère.

d'ailleurs noté par M. Richter. Celui-ci exclut néanmoins l'idée

d'une méningite, à raison de la non-adhérence de cette membrane

au cerveau. Or, les manifestations relatées témoignent d'une irrita-

tion cérébrale avec laquelle les lésions décrites n'ont rien avoir.

M. 13r.van rappelle que des phénomènes semblables ont été décrits

par Fiirstner à la suite de la pachyméningite hémorrhagique.

M. BINSWAN(-,F.11 se range à l'opinion d'une paralysie générale. Il est

facile d'expliquer en un cas de démence paralytique les convulsions

qui se montrent à la fin de la vie. La méningite chronique accom-

pagne du reste, comme on sait, souvent la paralysie générale.

M. Richter insiste sur l'absence d'inflammation méningée de la

base, de tubercules dans la pie-mère, d'hémorrhagics méningées,

de pachyméningite. L'entrecroisement des pyramides ne présen-

tait rien d'anormal à la région médullaire ; une recherche plus

approfondie ne put toutefois en être faite. L'impression générale

que le malade laissa sur son esprit fut celle, non de la paralysie

générale, mais d'une tumeur cérébrale. I'oor 11. VEaYtcne, la s3 mp-

tomatologie aussi bien que l'anatomie pathologique mettent hors

de doute en l'espèce une lésion généralisée.

M. Richter (de Pankow) communique son travail sur la Produc-

tiotz des conceptions délirantes par les réves. Il y rapporte l'exemple

d'un homme chez lequel, bien qu'il fut intellectuellement bien

développé et qu'il jouit de toute sa raison, l'impression d'un songe

qu'il fit développa une conception délirante inébranlable. Un tel

accident n'avait été jusqu'alors signalé que chez des faibles d'es-

prit. Ici, au contraire, les facultés intellectuelles étaient et demeu-

rèrent intactes. La publication du fait sera effectuée '.

M. GNAUCK considère cette observation comme un cas de concep-

tion irrésistible dont la répétition a fini par greffer à demeure

l'état pathologique en question.

Il s'agit, pour M. 'VcsrmvL d'une folie systématique primitive qui

s'est développée sous la forme aiguë en rêve ou pendant l'état de

veille (Arch. f. Psych. u. Neraezali., 1111. 1.) P. K.

1 On en trouvera l'analyse minutieuse aux Revues analytiques.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE LÉGALE

DE VIENNE

Séance du 12 janvier 1881. 1.

Cette séance est tout entière consacrée à la communication du

docteurpoar,,surl'ezzsemGle des phénomènes qui concourent à l'h,tllu-

cination (processus hallucinatoire). On en trouve la substance dans

le Jahrbûcher fier Psychiatrie (III, 2 '.) Sur la proposition de AI. le

président Meynert, la discussion que ce mémoire appelle est remise,

à cause de l'heure avancée, à un autre jour (séance du 23 février).

Séance du 26 janvier.

M. Hollender traite de I'oedèine cérébral circonscrit coinïlz, cause

de symptômes des lésions en foyer.

La discussion qui s'engage à son sujet met d'abord en lumière

deux observations communiquées par le docteur DnozDA. En l'une

d'elles, il s'agissait d'un individu apporté sans connaissance à l'Iiu-

pital et chez lequel on trouva : myosis pupillaire double complet,

hémiplégie droite, hoquet incessant, rétention d'urine, glycosurie.

Après trente-six heures de coma, ce malade succombait à 1'liépaLi-

sation dulohe inférieur gauche, et l'autopsie ne décelait, outre les

lésions pulmonaires, qu'une transsudation séreuse avec atrophie du

cerveau. Les renseignements recueillis ultérieurement démontrèrent

que le patient était épileptique. Le second fait concerne une hémi-

plégie droite, survenue soudain, avec perte de connaissance; mort

en six heures ; simple atrophie cérébrale à l'autopsie.

51. MEYXERT insiste à ce propos sur les signes cadavériques

permettant de conclure à l'épilepsie. Qu'une hyperémie insolite du Li

cerveau, telle qu'en peut produire l'ectasie vasoparalytique consé-

cutive au spasme des vaisseaux cérébraux, s'accompagne d'une

atrophie de la corne d'Ammon, et l'observateur est en droit de

1 Le JahrGûclzer sur Psychiatrie (de Vienne) est un journal publié par

la Société dont il ust l'organe. Aussi, tous les travaux dont on ne trou-

vera pas l'analyse à l'article Société, parce qu'ils sont imprimes in exteuio

dans le corps de ce recueil, seront-ils l'objet de notre attention dans les

Remues analytiques.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 257

conclure à la mort du sujet pendant un accès d'épilepsie. Mais l'on

peut également rencontrer l'inverse, c'est-à-dire une anémie consi-

dérable, parce qu'il est rare qu'un épileptique possède une irriga-

tion cérébrale moyenne ; les oscillations extrêmes dans l'afflux

sanguin encéphalique sont l'apanage de ces névropathes M. Meynert

rapporte aussi un cas d'oedème vrai d'un pédoncule cérébral dans

lequel les symptômes notés trois jours avant la mort (paralysie

de l'oculo-moteur, paralysie opposée du facial et des extrémités)

permirent de diagnostiquer le lieu de la lésion ; ce qui n'implique

pas d'ailleurs le diagnostic de l'oedème, personne n'étant en

mesure d'affirmer qu'il n'y a pas un rapport nécessaire, impérieux,

entre la transsudation et l'inflammation. Quand, par exemple, le

cerveau d'un paralytique général nous présente à côté de l'encé-

phalite chronique (adhérence des méninges à l'écorce) des foyers

aigus, il s'agit d'un seul et même processus se montrant à divers

stades, et, bien que la périphérie des régions ramollies n'ait pas

toujours complètement perdu sa coloration de par l'oedème, on ne

saurait exclure la parenté de l'oedème et de l'inflammation. Le

diagnostic différentiel de semblables états repose : anatomique-

ment, sur l'adhérence des méninges à la base ; cliniquement, sur la

promptitude avec laquelle apparaissent les phénomènes paralytiques

et l'évolution brève qu'ils affectent, tous caractères qui éliminent

l'hypothèse d'une tumeur.

M. lisraenx présente en outre à la Société le cerveau d'un

typhique ayant été en proie, dans les derniers jours qui précédèrent

sa mort, à plusieurs attaques apoplectiformes. La partie antérieure

des hémisphères est revêtue d'une sorte d'enveloppe gélatiniforme

remplie de coagula sanguins. Cette pseudo-membrane repose non

sur la dure-mère mais sur l'arachnoïde. Il ne s'agit pas là, du reste,

d'une pachyméningite, c'est-à-dire d'un processus inflammatoire,

mais d'une de ces hémorrhagies marastiques attribuées à l'anémie

et à la friabilité vasculaire.

M. le Président clôt la séance en communiquant à l'assemblée

la lettre de retraite du Dr Kapsamer et en consacrant à la mémoire

du D, Ludwig Schlesinger quelques paroles d'adieu.

Séance du 23 février. Présidence de M. Meynert.

Sur la proposition du Président, l'assemblée décide de transférer

la bibliothèque de la Société dans la salle de cours de la clinique

psychiatrique de l'hôpital général, de la rendre accessible aux

membres de la Société pendant les heures de jour, enfin de per-

mettre le prêt de livres à domicile. Les fonctions de bibliothécaire

sont confiées au Dr Griinherg (interne).

17

258 * - SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. FRITSCII se déclare prêt à collaborer au Tcthr6tccleer (annales)

de la Société : acquiescement de l'assemblée.

M. Pohl est choisi comme membre du conseil d'administration

en remplacement du D EFFËN,13ERGER, l'élection du vice-président

étant ajournée à la réunion générale.

Le reste de la séance est consacré à la discussion sur le travail

de M. Pohl, lu à la séance du 12 janvier.

Séance du 27 avril.

M. HOLLENDCR fait sa communication annoncée sur la stupeur, à

la lumière d'une observation recueillie à la clinique de MEYNERT.

La publication en sera effectuée in extenso dans l'organe de la

Société.

La discussion soulevée à cette occasion a trait aux entités psyclio-

pathiques dans leurs rapports avec la stupeur. Celle-ci, pour

M. MEYNERT, peut émaner des conceptions délirantes, se montrer

au milieu de l'immobilité, du mutisme le plus complet et le plus

prolongé ; en ces cas, les malades accordent une certaine attention

aux mouvements passifs qu'on leur imprime, sans être en état de

prendre ou de conserver des poses pénibles. La stupeur pure

relèverait d'une suractivité des centres d'adaptation sous-corticaux,

l'équilibre étant anormalement maintenu alors que décroit

l'activité des hémisphères.

M. MEYNERT présente à ses collègues une femme de trente-deux ans,

célibataire ; il s'agit de décider dans l'espèce s'il y a ozi non psychose,

la personne en question ayant essayé de se tuer. En dépit de toutes

les apparences de la mélancolie notées au premier abord, un

examen approfondi ne permettait de consigner aucun symptôme

morbide proprement dit; évidemment cette humeur noire est

physiologique. Le professeur fait remarquer qu'un internement

prolongé à l'asile eût pu favoriser sur un pareil terrain la produc-

tion d'hallucinations et devenir la cause occasionnelle d'une psychose

consécutive, dont l'aspect lypémaniaque eût été considéré comme le

prodrome. Par conséquent, le placement de semblables sujets dans

un asile est absolument contre-indiqué.

M. Pohl fait remarquer à cet égard comment, en des conditions

spéciales d'un léger trouble dans la circulation, s'opèrent les

transformations de la douleur psychique ou même physiologique

en des états mentaux tout différents. Telles ces formes d'aboulie en

quelque sorte parétique, ces transitions à la gaieté vraie, ressortis-

sant en somme à la douleur morale ? Il demande en outre au

Dl Hollaender si l'on est en droit d'admettre une stupeur primi-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

tive alors que, selon sa conviction, la mélancolie stupide repré;

sente un type morbide fixe et bien délimité.

Pour M. IIoLr.wuca, Lamélancolie stupide n'existe pas; on désigne

actuellement sous ce nom des formes de monomanie essentielle-

ment différentes de la stupeur.

M. Meynert ajoute qu'on a écarté la mélancolie avec stupeur

par cette raison fondamentale que les malades qu'elle concerne

sont aussi bien enclins à sourire ; l'explication du fait gît et dans

la nature de leurs hallucinations et dans l'anémie considérable que

l'on observe généralement chez eux. Quant à la dépression mentale,

il ne faut point oublier que sa forme hypochondriaque précède,

comme stade prodromique pur, la monomanie non moins que les

sensations d'angoisses qui appartiennent et à l'hypochondrie et à

l'hystérie. Toutefois, il importe, dans l'intéretdu diagnostic, d'établir

une différenciation tranchée entre l'hypochondrie et la mélancolie.

L'association de la stupeur à la mélancolie vraie est d'autant moins

surprenante que cette dernière en renferme toujours quelque

élément de par les phénomènes d'arrêt qui la caractérisent; si les

nuances varient, la parenté est intime entre les deux types nosogra-

phiques. La distinction fondamentale réside dans la pathogénie; les

hallucinations et la stupeur en général se développent sur un fonds

d'anémie, tandis que la mélancolie résulte certainement de pro-

cessus hyperhémiques.

Séance générale du 25 niai. Présidence de M. MEYXEM.

La situation financière, présentée par le D' FIOLLER, trésorier-

économe, pour l'année 1880-81, se traduit, tous frais payés, par un

avoir en caisse de 250 florins 79 kreutzers. ·

M. Fritsch, secrétaire, produit son rapport annuel sur les travaux

de la Société pendant l'année 1580-81. Les six séances tenues par

elle ont été presque exclusivement consacrées à des questions

scientifiques. Voici les communications dont elle a pris connaissance :

M. MEYNERT. Sur les fonctions de l'écorce du cerveau.

M. Fritsch. De l'influence des maladies fébriles sur les psychoses.

M. Pohl. Du processus hallucinatoire.

M. HoLLOEXDER. De fcedeme circonscrit du cerveau comme cause de

symptômes des lésions en foyer. De la stupeur.

Quelques-uns de ces mémoires ont été publiés dans les Annales

de la Société, qui ont en outre ouvert leurs colonnes aux travaux

suivants, pendant l'année qui vient de s'écouler :

M. 1·ICYNCRT. Contributions cndaziolodiques à l'étude de la prédispo-

t<topi)/cAopat/ti'Me; Fragments tirés des corollaires anatomiques

260 BIBLIOGRAPHIE.

et de la physiologie du cerveau antérieur; Les formes hallucina-

toires aiguës de la monomanie exaltée et leur évolution; Nouvelles

recherches sur les ganglions du cerveau et la base de cet organe.

.M. Krafft-Ebing. De l'utilité de la surveillance des autorités dans

les asiles d'aliénés de 1'.Iziti-iche; errements et moyens ci employer.

M. Fritsch. De l'aliénation mentale. Des diverses formes de l'aphasie

dans leurs rapports avec les perturbations psychiques.

M. Plce. Contribution à l'étude des hallucinations.

M. Lf.chner. Apport à la pathogénie des hémorrhagies cérébrales

dans les formes syphilitiques précoces.

M. PASTERNATZ6Y. La structure de l'étage inférieur du pédoncule

cérébral et de la lamelle du noyau lenticulaire. (Analyse, t. lit, p. 346.)

La question des centres corticaux moteurs.

M. SCHLANCENHAUSEN. Contribution à l'étude de l'aliénation pseudo-

aphasique. ·

M. RÜDINGER. Le poids du cerveau humain.

Membres reçus par la Société pendant l'année précédente :

MM. Alois Grüiiberg; Robert de Pfungen; Max Weïss; Alfred

Studeny; Arthur Schwarz.

Le Bureau est ainsi constitué pour l'année 1881-1882. Président :

M. le professeur Meynert ; Vice-président : Dr Gauster, Tré-

sorier : D' Holler; Secrétaires : D*' Fritsch et Hollaender.

Membres du conseil' d'administration : Professeur Ilofimann; -

Drs Piluger, Pohl, Wimmer.

MM. Pohl et Schwaab sont chargés de la vérification des comptes.

La séance est terminée par la lecture du travail de M. le pro-

fesseur Meynert intitulé : Des sensations et des passions.

(Jahrbùcher f. Psychiatrie, III, 3.) P. K.

BIBLIOGRAPHIE

Il. Traité des Névroses, par A. AXENFFLD, deuxième édition, aug-

mentée de 700 pages, par Henri HUCHARD. Paris, 1882. Germer-Bail-

lière et Ci,, éditeurs.

A l'occasion d'une seconde édition du Traité des Névroses, d'Axen-

feld, M. Henri Huchard vient de faire paraître une oeuvre personnelle

importante. C'est le sort des ouvrages scientifiques médicaux de

BIBLIOGRAPHIE. 261

vieillir vite. Or, la publication du Traité des Névroses date de près de

vingt ans. Les progrès des sciences médicales et particulièrement

de la branche qui traite des maladies du système nerveux ont été

considérables depuis cette époque, et la tâche confiée à M. Huchard

par le professeur éminent, si prématurément ravi à la science, toute

pleine d'honneur, était aussi hérissée de difficultés. Il y avait sur-

tout deux écueils à éviter, celui d'étouffer l'oeuvre du maître sous

des additions considérables imposées parle progrès de la science,

et celui de faire une oeuvre incomplète en consacrant aux récentes

conquêtes de la neuropathologie une place trop restreinte. Pour

échapper au premier, M. H. Huchard a pris le parti de conserver au

texte d'Axenfeld son intégrité. « Nous avons pensé, dit-il, que le

devoir nous commandait de conserver à ce livre toute son originalité,

de ne rien changer à ces pages souvent éloquentes et toujours em-

preintes d'un profond esprit clinique; et dans les additions consi-

dérables que les progrès de la science nous ont imposées, nous

avons cru qu'il était utile et convenable d'indiquer par un signe

facile à reconnaître tous les développements qui nous appartiennent,

que nous revendiquons comme notre propriété, dont nous voulons

subir et réclamer la responsabilité entière, puisque, pour notre mal-

heur, la collaboration et les conseils de notre maître vénéré nous

ont fait absolument défaut.» Le docteur H. Huchard n'a également

pas modifié le plan général de l'ouvrage primitif et les anciennes

divisions ont été conservées la plupart du temps. Il en résulte bien

un peu de confusion; quelques chapitres gagneraient à être fondus

ensemble ; l'unité de l'oeuvre en a un peu souffert. Mais ce sont là

des défauts inhérents à la nature même de la tâche entreprise par

le D, II. Huchard, et nous devons reconnaître qu'il les a palliés au-

tant qu'il était possible. Ils sont même largement compensés par

l'extension considérable que ce respect de l'oeuvre du maître

lui a permis de donner à son oeuvre personnelle. Nous ne pensons

pas que les exigences du lecteur, qui demande à un livre nou-

vellement paru de n'ignorer aucune des récentes acquisitions

de la science, puissent être plus pleinement satisfaites. M. Hu-

chard n'a négligé aucune des ressources que les travaux ré-

cemment parus aussi bien à l'étranger qu'en France pouvaient lui

fournir. Toutes les observations cliniques, toutes les théories

physiologiques, toutes les découvertes anatomiques, qui, de près ou

de loin, se rattachent aux névroses, y sont rapportées et discutées

à la place qui convient. Chacun des chapitres forme ainsi une

sorte de revue critique du sujet- en question, une monographie

rapide mais complète. M. Huchard, en outre, s'est astreint à faire

suivre son texte d'un nombre considérable d'indications bibliogra-

phiques. En même temps qu'un hommage rendu aux travaux du

passé, c'est toujours une lâche ingrate dont les travailleurs devront

lui savoir gré.

263 BIBLIOGRAPHIE.

Je ne saurais donner ici un analyse détaillée d'une ouvrage de

cette nature. Il suffit d'en avoir indiqué l'esprit général. Je dois ce-

pendant signaler les principales additions.

Les chapitres complètement inédits sont ceux des anesthésies sous

le rapport de la pathogénie, de la névralgie diaphragmatique, des

tremblements en général, do la maladie de Parkinson, des paralysies

d'origine viscérale et périphérique, du nervosisme chronique ou

neurasthénie, etc. Parmi les sujets qui ont reçu des développements

considérables, il faut citer : les névralgies en général et en particulier,

la migraine, l'angine de poitrine, le vertige, les spasmes fonctionnels,

les contractures, l'épilepsie, lachorée et l'hystérie. L'histoire de cette

dernière névrose a été plus particulièrement refondue. On y trouvera

analysés les plus récents travaux de l'École de la Salpêtrière sur les

grandes et les petites attaques convulsives de l'hystérie. S'appuyant

sur ses propres observations, l'auteur ajoute un certain nombre de

chapitres relatifs à l'hystérie viscérale, aux rapports de l'hystérie en

général avec divers états morbides, aux troubles vaso-moteurs et sécré-

toircs de la névrose, à sa thérapeutique, aux troubles intellectuels, au

caractère, aux mceurs et à l'état mental des hystériques. Cette dernière

étude si intéressante a été publiée dans un des derniers numéros

des Archives, à titre d'extrait'.

Au sujet de l'hystéro-épiiepsie, M. IL Huchard propose de n'ap-

pliquer cette' dénomination qu'aux cas seulement dans lesquels

les deux névroses coexistent réellement chez le même sujet, ré-

servant le nom d'épilepto-hystérie à ceux dans lesquels l'hystérie

est seule en cause.

Enfin, le Traité des Névroses, en outre de ses] richesses au point

de vue scientifique, se distingue par ses qualités essentiellement

pratiques. Le chercheur et le clinicien y trouveront également leui

compte. La thérapeutique y occupe une place importante et le soin

qu'a apporté l'auteur de la seconde édition à la révision et au

développement de cette partie de l'ouvrage montre assez qu'il n'a

pas failli à l'esprit du maître regretté dont il vient si heureusement

de continuer l'oeuvre prématurément interrompue. PAUL Ricuer.

111. Des lésions du lobule de l'insula; par A. Perdrier. Thèse de

Paris, 1882.

L'auteur conclut de ses recherches cliniques et expérimentales

que les lésions absolument localisées au lobule de l'insula se tra-

duisent cliniquement par une hémiplégie portant à la fois sur le

bras et sur la jambe. Dans cette hémiplégie, le tronc ainsi que la

face ne sont pas intéressés, le bras est beaucoup plus pris que la

jambe. Elle ne s'accompagne pas de troubles de la sensibilité.

Cn. F.

1 Arclt. de Netcrol.; t. III, p. 187. · .

BIBLIOGRAPHIE. 263

IV. Essai sur une forme rhumatismale de la paralysie agitante ;

par VRSSELLE. Thèse de Lyon, 1882.

M Vesselle, développant les idées de son maître M. Pierre), cherche

à établir que la paralysie agitante peut avoir des origines variables,

qu'il existe des paralysies agitantes à pathogénies différentes. La

variété des formes symptomatiques et des lésions pathologiques

montre qu'il existe des formes différentes de la maladie de

Parkinson. L'étude des prodromes et des fonctions musculaires,

jointe à celle de l'étiologie, permet de croire qu'il est un certain

nombre de cas de paralysie agitante d'origine nettement rhuma-

tismale ; chez quelques malades en effet, le tremblement a été

précédé des circonstances qui déterminent ordinairement les affec-

tions rhumatismales, et il a existé des douleurs rhumatoïdes plus

ou moins nettes. Cette forme de paralysie agitante est susceptible

d'être améliorée ou même guérie par le traitement rationnel

s'adressant à la diathèse rhumatismale; et le succès du traitement

montre bien la nature diathésique des symptômes observés. Les

muscles offrent quelquefois une dégénérescence fibreuse plus ou

moins avancée ou des indurations plus ou moins marquées.

Cn. F.

V. Etude clinique sur l'absinthisme chronique; par L. Gautier.

Thèse de Paris, 1882.

Le travail de M. Gautier est basé sur de nombreuses observations

recueillies par M. Lancereaux ou dans son service. Il en ressort

que l'absinthe provoque une série de désordres qui, tantôt ressem-

blent à ceux de l'alcoolisme, tantôt en diffèrent soit par leur inten-

sité, soit même par leur nature. La plupart des malades d'hôpital

prennent l'habitude de l'absinthe à Paris ou en Algérie, et les indi-

vidus originaires des départements du Nord y sont plus sujets.

Tous les symptômes de l'absinthisme sont plus ou moins directe-

ment sous l'influence du système nerveux. Le caractère des absin-

thiques offre une remarquable impressionnabilité et une grande

variabilité. Ils sont sujets à des rêves analogues à ceux des alcoo-

liques, ou même plus effrayants encore ; ils ont plus souvent

que les alcooliques des hallucinations de la vue et de l'ouïe. Le

délire absinthique ne diffère pas du délire alcoolique. Les symp-

tômes les plus caractéristiques de l'absinthisme sont les phéno-

mènes douloureux soit spontanés, soit provoqués. L'hyperesthésie

occupe particulièrement les extrémités, la région ovarienne, le

raehis; le plus souvent les douleurs périphériques sont symétriques.

Plus souvent que l'alcoolisme, l'absinthisme détermine un affai-

blissement des membres, pouvant aller jusqu'à une véritable para-

261 se BIBLIOGRAPHIE.

lysie. Les troubles moteurs et sensitifs des extrémités sont remar-

quables par leur symétrie et leur marche ascendante vers la racine

des membres. Les convulsions généralisées sont un symptôme de

l'absinthisme aigu; on ne les~observe dans l'absinthisme chronique

que sous l'influence d'un épisode aigu, ou en conséquence d'une

lésion cérébrale. Les troubles digestifs sont analogues à ceux de

l'alcoolisme, mais moins prononcés. Les désirs et la puissance

génitale sont, chez l'homme, rapidement et profondément con-

promis. Chez la femme, l'absinthisme paraît rendre la ménopause

plus précoce et prédisposer à l'avortement et à la mort des enfants

en bas âge. Les absinthiques meurent presque fatalement de tuber-

culose pulmonaire; il est absolument exceptionnel de les voir

arriver à soixante ans. Les lésions anatomiques encore peu connues

de l'absinthisme ne diffèrent pas de celles de l'alcoolisme; elles sont

caractérisées par une sénilité précoce de tous les organes; dans

aucune autopsie il n'existait de cirrhose hépatique, ni d'athérome

artériel. Cil. F.

VI. Considérations sur l'hygiène des aliénés; par L.-A. Pomponne.

Thèse de Paris, 1882.

L'auteur condamne l'institution des asiles de ville telle que l'a

préconisée Griesinger. L'isolement qui est la base du traitement

de la folie ne peut produire de bons résultats que dans les asiles

de campagne, où les malades se trouvent en même temps dans

des conditions hygiéniques meilleures. Il conclut à la suppression

des quartiers d'hospice pour les mêmes raisons. Il préfère, pour

la construction des asiles, le système des pavillons' isolés où l'air

et la lumière pénètrent plus facilement : cette disposition est

d'ailleurs meilleure au point de vue de l'isolement. Les constructions

constituées par un rez-de-chaussée et un étage conviennent le

mieux aux asiles, parce que les aliénés y jouissent le jour des

bienfaits de la liberté au grand air et la nuit d'une habitation

salubre. Les cours doivent toujours être à l'extérieur des bâtiments,

elles doivent être plantées d'arb res, mesurer une superficie de

1.200 mètres carrés pour une moyenne de 30 malades; elles seront

disposées en plan incliné pour faciliter l'écoulement des eaux et

ne seront point entourées de murs élevés, mais seulement de sauts-

de-loup, qui ont l'avantage de permettre aux malades de jouir de

la vue de la campagne environnante. Le rez-de-chaussée doit être

uniquement affecté aux divers services de jour. Les dortoirs seront

toujours au premier, ils offriront une capacité moyenne de 32 mètres

cubes d'air respirable par malade, pour une durée de séjour évaluée

à 10 heures; ils ne doivent pas contenir plus de 10 à le lits; un

cabinet d'aisances sera annexé à chaque dortoir, ce qui permettra

BIBLIOGRAPHIE. 1265

de supprimer les vases de nuit. Les dortoirs seront éclairés par

des appareils enchâssés dans le plafond, de sorte que les malades

ne pourront pas les atteindre, et les résidus de la combustion s'é-

chapperont par des tuyaux de dégagement. L'infirmerie sera située,

comme les dortoirs, au premier étage ; les précautions hygiéniques

y seront multipliées. On soignera la ventilation ; le chauffage se

fera au moyen de bouches de chaleur ou de calorifères. Elle sera

entourée d'une galerie couverte qui servira de promenoir aux ma-

lades. Il y aura une annexe réservée aux convalescents. Aux lits

plus ou moins compliqués inventés pour les gâteux, l'auteur pré-

fère la caisse remplie de paille, qui est d'un prix peu élevé, se trouve

partout et est facilement renouvelable.

M. Pomponne considère le uo-restraint appliqué d'une manière

absolue comme une utopie. Les moyens de contention que l'on

doit préférer sont le fauteuil et la camisole ; le manchon et les en-

traves sont inutiles et dangereux. On ne doit se servir de la cami-

sole pour maintenir le malade dans le décubitus dorsal forcé que

dans les cas extrêmes; il vaut mieux camisoler un malade et le

laisser aller au grand air que de l'enfermer dans une cellule, même

matelassée. Enfin, l'alimentation doit être surveillée avec la plus

grande sollicitude, car l'état de la nutrition est de la plus haute

importance pour le traitement. CH. F.

VII. Recherches sur les zones hystérogènes; par R. GaunH : , 1882.

Thèse de Bordeaux, 1882. 0. Doin, éditeur.

Ce travail, fait sous la direction de M. le professeur Pitres, de

Bordeaux, et basé sur des observations prises par lui ou dans *on

service, comble une grande partie des lacunes laissées dans l'Iris-

toire des zones bystérogenes. 111\I. 13ourneville et Rennard, dans

V Iconographie photographique de la Salpêtrière et M. Riche dans ses

Eludes cliniques de /ti/s<ët'o-] ! 7epSM n'avaient observé ces zones

4lui'à la tête et au tronc, et M. Charcot, dans une récente leçon sur

l'hystérie chez les jeunes garçons, publiée par nous dans la Gazzcta

degli ospilali (nos 9 et 60, 188 ? ), disait qu'on n'en avait point

encore observé sur les membres : les observations très circonstan-

ciées de MAI. Pitres et Gaube montrent qu'on peut en rencontrer

de nettement caractérisées, aussi bien aux membres inférieurs qu'aux

supérieurs. D'une manière générale, les zones hystérogènes sont

fréquemment, mais non constamment, symétriques. Leur forme,

leur étendue et leur nombre varient avec l'intensité de l'affection.

Leur température est la même que celle des régions voisines.

L'état de la sensibilité à leur niveau n'est pas constant; chez une

même malade, on trouve des zones anesthésiques et d'autres qui

sont sensibles. Elles n'ont pas de rapport fixe avec l'liémianeslliésie,

266 BIBLIOGRAPHIE.

sauf pourtant en général quand elles sont unilatérales. La douleur

spontanée qui n'est pas constante se montre surtout pendant les

prodromes des crises. Quelques malades présentent en même

temps que des zones hysiérogènes des zones qui sentie siège d'une

douleur vague et qui peuvent devenir hystérogenes.

Certaines zones peuvent disparaître et d'autres apparaissent.

Une zone exclusivement excito-motrice peut devenir, suivant le

degré de la compression, excito-motrice ou frénalrice. Une zone

exclusivement motrice peut devenir, selon le degré de la compres-

sion, cataleplogène ou excito-motrice, ou encore cataleptogène

seulement.

Sous l'influence du froid excessif (pulvérisations d'éther), les zones

hystérogenes des membres et des seins ne se conduisent pas de la

même façon ; tandis que les premières ne sont pas mises eu jeu,

les secondes donnent lieu à attaques. Ni les unes ni les autres ne

disparaissent sous l'action du froid; après comme avant l'action du

froid, la compression détermine une attaque. La chaleur ne met

pas en jeu l'action des zones et ne les influence en aucune façon.

Les piqûres et les frictions cutanées ne déterminent pas non plus

l'attaque; la sensibilité spéciale des zones hystérogenes siège pro-

fondément ; il n'y a que la pression qui la révèle.

Les zones hystérogenes des membres ont pour siège les irradia-

tions nerveuses périphériques. La compression des troncs nerveux

qui innervent ces zones provoque l'attaque, tout comme la compres-

sion de ces zones elles-mêmes. Les zones mammaires comme les

zones ovariennes (Charcot. Féré, Baraduc) siègent dans la glande

elle-même.

La ligature circulaire qui produit la pléthore veineuse, la bande

d'Iamarch, qui amène l'ischémie, font disparaître progressivement

les zones hystérogenes ; mais, au-dessus du territoire ischémie, le

nerf garde son excitabilité. Tout rentre dans l'ordre avec le réta-

blissement de la circulation.

Souvent l'application d'un sinapisme fait disparaître la zone;

mais, au dessus, le nerf garde son excitabilité. Quand une zone est

unilatérale, l'application d'un sinapisme sur le côté sain la fait

disparaître sans transfert. Quelquefois le sinapisme appliqué sur

une zone hystérogène fait disparaître la zone symétrique. Une

injection sous-cutanée d'eau distillée au niveau d'une zone la fait

disparaître ; mais, au dessus, le nerf a conservé son action hysté-

rogène. L'électrisation locale (courants voltaïques ou faradiques)

d'une zone l'eu'ace pour un temps, tandis que le nerf conserve au-

dessous de la zone son excitabilité. (Des courants faradiques

semblent avoir une action plus rapide et plus durable.) Il n'y a que

le métal ou le bois aestbesiogène (variable pour chaque malade),

dont l'application puisse faire disparaître la zone hystérogène, sans

toutefois influencer l'action du nerf. Quand on a produit la réso-

BIBLIOGRAPHIE. 267

lution par l'éthérisation, l'excitabilité des zones et du nerf dis-

parait.

Les courants agissant sur la moelle (ascendants ou descendants)

et sur le cerveau, font disparaître toutes les zones hystérogenes et

l'excitabilité des troncs nerveux qui s'y rendent. Les zones h3stero-

gènes effacées par des actions locales ou générales reparaissent

après un temps variable, mais toujours plus long après les actions

sur les centres cérébro-spinaux. La fréquence des modifications

influe sur la persistance des zones. Cn. F.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

Tuberculose de la voûte crânienne et tuberculose osseuse; par

Coupard. Thèse de Paris, 1882.

Des périostoses crâniennes dans la période secondaire de la syphilis ;

pat' N,UDET. Thèse de Paris, 1882.

Etudes sur l'épilepsie jacksonienne; par GIRARD. Thèse de

Paris, 1882.

Des crises gastriques dans l'ataxie locomotrice; par HREL. Thèse

de Paris, 1882. ,

La maladie et le système nerveux; par Cartier. Thèse de Paris, 1882.

Des névralgies saturnines; par Rostan. Thèse de Paris, 1882.

Etude sur l'épilepsie partielle; par Greffier. Thèse de Paris, 1882.

Essai sur les tumeurs du nerf optique; par Hue. Thèse de

Paris, 1882.

Contribution à l'étude de l'anesthésie saturnine; par Sigarroa.

Thèse de Paris. 1882.

Contribution ci l'étude de la névrite ascendante et des paralysies

ré/fees; par OLLIGn. Tlièse de Paris, 1882.

Etude clinique sur les troubles intellectuels dans l'ataxie locomo-

trice proyressive; par GRur.T. Thèse de Paris, 1882.

On f allure of l3rnizz power; by J. ALTHAUs, London, 1882,

20 édit.

Contribution ci l'étude de quelques troubles trophiques dans l'ataxie

locomotrice ; par 13 : co.no. Thèse de Paris, 1882.

Etude sur le poids de l'encéphale dans les maladies mentales ; par

Bn ? Thèse de Paris, 1882.

Du fractionnement des opérations cérébrales et en particulier de

leur dédoublement dans les psychopathies; par DESCOURTIS. Thèse de

Paris, 1882.

Cliniske Fored)'<7(jr over nervesygdomme ; af A. Freidenreich.

Copenhague, 1882.

Elude sur la congestion rachidienne de cause menstruelle; par

Oudiné. Thèse de Paris, 1882.

268 FAITS DIVERS.

Des moyens c7zirzergicazzx employés comme traitement de la névralgie

faciale rebelle; par AliciioN. Thèse de Paris, 1882.

Du cancer au point de vue de ses rapports avec l'aliénation mentale ;

par Ch. Bessière. Thèse de Paris, 1881.

~ De la surdi-mzetité; par LEScn. Thèse de Paris, 1881.

Contribution à l'étzided21 délire ambitieux; par Bvchelot. Thèse de

Paris, 1881.

On concussion of the spine, zzervous shocla a ? zd othe7 obscure injuries

of the zzervozcs system, in their clinical and iiiedico-leqttl aspects ; h3

J.-E. ERICIISFN. A new and revised édition, London. 1882.

Des hémorrhagies cutanées liées à des affections du système nerveux,

et en particulier du purpura i-ityélopathique - par L. rasANS. Thèse

de Paris, 1882.

Contribution à l'étude de 1*hémori,h(igie i ? iéninqée expéi,ime ? îtale avec

déductions cliniques; par P.-N. BoNNOT. Thèse de Paris, 1882.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. M. le D Fabre de Parrel, médecin-adjoint à

l'asile de Quatremares (Seine-Inférieure), vient de donner sa démis-

sion. M. le D1' Rousselin, directeur-médecin à l'asile Saint-Yon

(Seine-Inférieure), est admis à faire valoir ses droits à la retraite.

- hi. le Dr E. Cortyl, directeur médecin de Quatremares, rempla-

cera AI. Rousselin à l'asile de Saint-Yon. M. le Dr Cortyl est

remplacé à l'asile de Quatremares par M. le Dr Delaporte, de

l'asile de Rennes. M. le Dr Homery passe de l'asile de Saint-

Dizier à l'asile de Rennes. - M. G. Cortyl, médecin-adjoint à

l'asile de Saint-Yon, est nommé directeur médecin à l'asile de

Saint-Venant. M. Bestière est nommé médecin adjoint de l'asile

d'Evreux, en remplacement de M. Lisle, décédé. M. Martinencq

est nommé médecin adjoint à l'asile de Saint-Yon, en remplace-

ment de M. Seliils, nommé à Ville-Evrard. M. Febvré est nommé

médecin adjoint de l'asile de Mont-de-Vergues (Vaucluse), en

remplacement de M. Lonpeaud, nommé directeur-médecin à

Rodez. Notre ami le D' Kéraval est nommé médecin-adjoint de

l'asile de Saint-Yon. M. A. Guyot, interne de l'asile de Mare-

ville, est nommé médecin adjoint de l'asile de Quatremares, en

remplacement de M. Fabre de Parrel, démissionnaire.

FAITS DIVERS. 2H')

ASILE-HO',3PICLe DL VILLLeJUlF. - Un arrêté du préfet de la Seine

vient de prescrire une enquête sur l'avant-projet de l'établissement

d'un cimetière spécial pour l'asile-hospice de Villejuif. On nous

a assuré que les travaux de cet asile étaient actuellement poussés

avec la plus grande activité.

Asile Sainte-Anne. Les installations balnéaires et hydrottié-

rapiques de l'asile des aliénés de Sainte-Anne sont terminées et

vont pouvoir fonctionner prochainement. Elles sont destinées à

donner des bains et des douches aux malades du dehors qui vont a

la consultation de l'asile clinique (asile Sainte-Anne) et de l'hôpi-

tal Cochin, ainsi qu'aux malades des Bureaux de bienfaisance et

aux enfants pauvres des écoles voisines.

Asile d'aliénés du V\n. Le préfet du Var donne avis que : un

concours est ouvert entre les architectes français pour la confection

d'un projet d'asile mixte d'aliénés, à construire dans le départe-

ment du Var. -

Le coût de l'établissement (mobilier non compris) pouvant conte-

nir 600 aliénés assistés ne devra pas dépasser la somme de 1, ? 00,000

francs. Le prix d'un pensionnat pour 60 malades payants n'est pas

compris dans le chiffre ci-dessus. Les projets devront être déposés

le 30 novembre 1882. Le concours sera jugé par un jury spécial

dont la composition est fixée en principe dans la délibération sus-

visée du Conseil Général. Les auteurs des trois projets classés les

premiers recevront chacun une prime, savoir :

270 FAITS DIVERS.

Les bains dans les hôpitaux Er les asiles. Le 26 juin dernier,

dit le Droit, Marie Coût..., fille de salle à la Salpêtrière, était char-

gée de faire un bain à une aliénée agitée, Georges. Après avoir

placé cette femme dans une baignoire recouverte du couvercle

en cuivre ordinairement employé pour les malades agitées,

et après avoir ouvert le robinet d'eau chaude, elle se rendit

dans une pièce voisine en oubliant de refermer le robinet. Peu

d'instants après, on trouvait la malade morte : elle avait buc-

combé à une congestion pulmonaire produite par l'action de

la vapeur et de l'eau brûlante. Marie C... fut immédiatement

arrêtée. Elle a comparu le 8 août devant la 9e chambre. M. le Dl Mo-

reau (de Tours), médecin de la Salpêtrière, atteste que la prévenue,

attachée à son service, a toujours rempli ses fonctions de la façon

« la plus irréprochable » ; il ajoute qu'elle était « soigneuse, bonne

et douce envers les malades. » Prenant en considération ces excel-

lents renseignements, et ayant surtout à égard à la longue durée

de la détention, le tribunal condamneMarieC...asix jours de

prison.

Plusieurs journaux ont fait beaucoup de bruit au sujet de ce

triste accident et ont essayé de faire croire qu'il était dû à ce que

la baigneuse était une laïque. Ils ont abusé de l'ignorance de leurs

lecteurs, car, dans tous les hôpitaux confiés aux religieuses, les bai-

gneuses sont des laïques. Malheureusement, les accidents de ce genre

sont beaucoup plus fréquents qu'on le suppose en dépit de la plus

grande surveillance, et tout récemment nous avons entendu l'un

des inspecteurs généraux déclarer qu'il y en avait environ chaque

année une dizaine dans les asiles. C'est pour cela qu'on ne saurait

trop prendre de précautions dans l'organisation des services des

bains. Jusqu'ici, on n'a encore rien trouvé qui donnât une parfaite

sécurité.

Mutilation chez UN mystique. Un curieux cas de mysticisme

est signalé dans la ville d'Aumale (Algérie), par les journaux poli-

tiques : « Un nommé Chave, tailleur, obsédé depuis longtemps de

monomanie religieuse, assistait à la messe lorsque, vers dix heures,

il se dirigea vers un confessionnal. Effrayée de son air exalté, une

soeur qui se trouvait là était allée chercher un prêtre. Malheureu-

sement, quand celui-ci arriva, il était trop tard. Chave sortait du

confessionnal, pâle, défaillant, les mains ensanglantées.

« Le pauvre fou venait de s'infliger le plus cruel supplice. Avec

l'énergie que peut seule donner l'exaltation religieuse, il avait pra-

tiqué sur lui-même, sans autre instrument que ses ongles, l'opération

rendue fameuse par l'infortune d'Abeilard. Chose assez surprenante,

Chave n'est point mort, malgré lagravité de ses blessures; il parait

même satisfait de sa résolution. Il espère, dit-il, avoir gagné le

ciel en s'affranchissant de ses iniquités ».

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 271 (

UN monument A Darwin. Dans une séance du Comité exécutif

du monument de Darwin, tenue le 30 juin, à la Société royale, Bur-

tington-House, on a annoncé que la souscription totale tant annon-

cée que promise s'élevait à 62, 175 fr. Il a été décidé qu'on élèverait

une statue en marbre ; et on a nommé un sous-comité chargé

d'étudier la question. On demandera au Britisli-Museum la permis-

sion de placer la statue dans la grande salle de la section d'histoire

naturelle, South Kensington. Le sous-comité est ainsi constitué :

M. W. Bowman, Sir J.-D. Hooker, professeur Huxley, M. C.-T.

Newton et Sir H. Pollock. Président, M. W. Spottiswoode, président

de la Société royale ; secrétaires honoraires, le professeur Bonney

et M. P. Edward Dove. (British. med..loutz. 8 juillet, 1882.)

L'assassin GUITEAU. Les journaux médicaux américains ont

discuté longuement sur la question de savoir si l'assassin du prési-

dent Garfield devait être considéré comme sain d'esprit ou comme

un aliéné, s'il était ou non responsable. On trouvera à ce sujet des

articles particulièrement intéressants de MM. Hammond et Beard

dans le Journal of nervous and mental diseuses ; de MM. Falsom et

Channinp, dans Boston médical and surgicnl journal; de M. Brown,

dans le Journal of psycltological mediciae; de M. Stearnes, dans le

Journal of mental science; de M. Gray, dans le Journal of iczsazzitg,

etc. Il faut dire d'ailleurs que l'autopsie rapportée par le Pi-og2és îizé-

dical (1882, p. 624), d'après le Médical Record, n'apporte guère de

preuve en faveur de l'une ou de l'autre opinion.

Nouveau Journal. Nous venons de recevoir le premier numéro de

c The dnaericae journal o/ 1\'eurologyandPstchiatry>, publication trimes-

trielle paraissant sous la direction de MM. les docteurs M'Bride, Gray et

Spitzka, à New-York, chez l'éditeur Westermann.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Bwcor (P). Du traitement de l'épilepsie. (Hydrothérapie. - .9rséni-

cct ? Magnétisme minerai. -Sels de pilocarpine). Un volume 111-8° de

263 pages, avec 23 figures dans le texte. En vente aux Bureaux des dr-

chives de Neurologie. Prix : 5 fr. (Pour nos abonnés, 3 fr. 50.)

Buzzard (T.). Cliiiical lectures on diseases of the ne7,vous silsteii. Un

vol. in-8° de 44G page, 1882. London, J. et A. Churchill, 11, New Burlington

street.

272 2 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

CmvALLO (D.). lie)-idas de la cabeza. Su relacion con las lesioner lo-

calizadas que suelen ncouzpauarlas. Historia de un caso de histerico-

cataleptifornze i oltro de conlestion cérébral co;t coninlsio tes i afnsza-

Brochure in-18 de 110 pages, 1882. Conception, lmpreuta de « Li Libertad

catolica ».

Flechsig (P.). Die kôrperlicheu tgrrzndlagen der geistesstôrurzgen,

Brochure in-8° de 36 pages. Leipzig. Verlag Von Veil et compagnie.

Howard (H). Tlze philosophy of insanity crime and )'e0 ! t ! a& : h'<y.

In-80 cartonné de US pages avec 2 planches hors texte. 1882, Montréal

Imp. Dawson brothers.

Huches (C.-II.). Moral (affective) insanity. (A plea for its rétention

in médical nomenclature). Brochure in-8° de 14 pages. Presented to the

International Congress at London, August. 188t.

JonissEN,çE (G.). Les mouvements de l'iris chez l'homme à l'état pli y-

siologique. Brochure m-8° de 52 pages, Paris, librairie A. Delahaye et

E. Lecrosnier. Prix : 2 fr. -

Mickle (J.). Aphasia ; some of its varieties. Heprint /)'ont the (ilienist

and rzeurologist (Ap),tl 1882). Brochure m-8" de 16 pages. London.

D, Julius llickle.

Mortox (J.).-A contribution to the subject of nervozcs.stretchinq. Extrait

du Journal of Nervous and mental discase (janvier 1882). Brochure in-8"

de 31 pages. New-York.

Pnevosr (J.-L.). Du rôle de la srlphilis comme cause de l'ataxie loco-

motrice progressive (Revue critique). Brochure in-8" de 22 pages. Genève,

librairie Georg.

lions. Traitement de l'épilepsie et de la manie par le bromure

d'ethijle. In-8° de 54 pages. En vente aux Bureaux des Archives de

Neurologie. Prix : fr. (Pour nos abonnés, 1 fr. 3;.)

Secum (E. C). The efficient dosage of certain remédies usediii the

treatment of nervous diseases. Brochure in-8° de 20 pages. 1882. Truair,

Smith and Bruce. Syracuse. (N. Y.)

TAmBuniNi (A.) et SEPPELLI (L.). -.4llo studio sperimentale dell' ! p7tO<Mmo

nelle isterzche. Communicazione preventiva. Brochure in-8° de 10 pages.

Reggio-Enutia. Tipi di Calderiui e hinlio.

Wcillamier (T). De l'épilepsie dans l'hémiplégie spasmodique in-

fantile. Un volume in-8° de 192 pages, avec 5 ligures dans le texte et

2 planches lithographiées hors texte. En vente aux Bureaux des Archives

de Neurologie. Prix : 3 fr. 50. (Pour nos abonnés, 2 fr. 50.)

Letters and facts, not eretofore published, louching the mental condition

of Ch. Guiteau, since 1865. Brochure in-8° de 32 pages, 1882. Was-

hington, United States Jail.

Thirly-ninth annual report o; the managers of the state lunatic asylum

Utica for the year, 1882. Librairie Weed, Parsons and C°.

Le rédacteur-gérant, Bouuneville.

Eymux Ch HERISSEY, imp. - 982

^Archives de Neurologie. T. IV, Pt. III.

Vol. IV. Novembre 1882. N" 12.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

ÉTUDE CLINIQUE DU VERTIGE DE àlÉNIÈRE DANS SES

RAPPORTS AVEC LES LÉSIONS DES FENÊTRES OVALE ET

RONDE ; .

Par le Dr GELLÉ.

Un individu bien portant s'affaisse subitement dans

la rue, ou bien il se sent pris soudain de vertige, de

tournoiement tels qu'il n'ose quitter le mur auquel il

s'appuie, l'objet auquel il s'est cramponné. Ses jambes

se dérobent ; le sol s'enfonce sous ses pas ; une sueur

froide inonde son visage. Chaque fois qu'il tente

d'avancer, ou bien il se sent entraîné sur le côté, ou

lancé en avant, ou renversé en arrière. Il assiste effaré,

terrifié, à cette lamentable anarchie des mouvements

et des efforts d'équilibration. Cet état vertigineux

cruel aboutit à la chute ou bien lui succède. Si l'accès

est subit et terrasse le malade, un état nauséeux, demi-

syncopal, précède souvent de longue date l'accès de

vertige. Le patient se rend parfaitement compte de ce

qui se passe en lui et de son incapacité de se tenir

en équilibre. Il ne perd pas connaissance; à peine

Archives, L IV. 18

- 27' CLINIQUE NERVEUSE.

t-il quelques secondes de surprise et d'émoi. Ses

oreilles sifflent, bourdonnent violemment; enfin, la

crise passée, il s'aperçoit qu'il est devenu sourd.

C'est le vertige de Ménière, ou'la surdité apoplec-

tiforme des auteurs allemands. C'est un appareil symp-

tomatique d'allure positivement cérébrale, et qui a

pu maintes fois causer des erreurs de diagnostic. Les

auteurs et de Troeltsch entre autres en citent des plus

curieuses. C'est un accident morbide plus fréquent

qu'on ne pense, et a-mesure qu'on sait mieux le re-

connaître les exemples s'en multiplient.

Depuis le travail de Ménière, après les expériences

de Flourens et de ses successeurs, les leçons de M. le

professeur Charcot, les travaux des élèves de la Salpê-

trière, ont beaucoup fait pour en vulgariser la

connaissance dans le corps médical.

Les thèses de Voury, de Bonnenfarit, de Lhuissier et

de Léo, les cliniques de M. Charcot; l'éludé récente de

MM. Féré et Demars ; les leçons professées par Trous-

seau, Hardy, G. Sée, ont appelé l'attention des méde-

cin sur cette symptomatologie curieuse, éclairé ce

diagnostic délicat et pressant, et montré surtout les

applications thérapeutiques recommdndables dans. le

vertige. Tout dernièrement encore M. le professeur

Charcot a montré' tout le parti qu'on peut tirer de

l'emploi des., agents médicamenteux qui possédelle

une sorte . d'action,,élective, sur l'organe auditif, et

il' a institué un traitement précieux de cette cruelle

affection. Au point de- vue nosologique, il a égale-

ment prouvé que l'accès apoplectiforme, la. forme

la plus connue aujourd'hui, n'est point la seule mani-

festation symptomatique du vertige, auriculaire. En

DU ? El'l'IGE DE )rLNiLRr. 275 J

effet, l'état vertigineux durable, l'état nauséeux cons-

tant, bien que d'aspect beaucoup moins grave et sur-

tout d'allure moins terrifiante que la forine par attaque,

peuvent être des manifestations incontestables d'états

anatomo-pathologiques auriculaires identiques ou ana-

logues à ceux qui déterminent l'accès brusque avec ou

sans chute sur le sol.

Ménière, Saissy, et après eux Moos, Politzer, puis

Voltolini, ont trouvé à l'autopsie de sujets qui avaient

été atteints de phénomènes prononcés de vertige avec

surdité,' des lésions du labyrinthe et surtout.des ca-

naux semi-circulaires. C'est le plus souvent à la suite

de la méningite cérébro-spinale que ces lésions ont été

observés. Ces cas mortels et si nets ne sont point de

ceux que j'ai montrés dans ce travail.

En général nos malades, à part les accidents d'équi-

libration et leurs troubles auditifs, jouissaient d'une

santé parfaite. La surdité même ne les préoccupait que

tardivement.

Ma thèse pourrait aussi bien s'intituler : « Des lé-

sions de l'oreille moyenne que l'on constate clinique-

ment en même temps que le vertige de Ménière. » Mais

un pareil titre semblerait annoncer des autopsies, des

descriptions de pièces et j'ai dit que ce travail est abso-

. Jument clinique. On sait au reste combien sont incom-

plètes et insuffisantes les rares autopsies connues de

vertige de Ménière. Mais c'est bien pis si l'on veut

savoir quelle lésion correspond au vertige qui guérit,

.celle qui caractérise le vertige apoplectiforme, ou au

contraire ce qui cause le vertige durable aux formes

multiples et méconnues. Voici par avance une preuve

de la multiplicité et de Fa différence des lésions

276 ô . CLINIQUE NERVEUSE.

étiologiques dans ces cas qui n'entraînent pas la mort.

II s'agit d'un sujet mort par accident (apoplexie pul-

monaire) dans le service de M. Charcot. Il était atteint

de vertige de Ménière, dont les accès purent être étudiés

pendant assez longtemps par M. Féré. Un énorme bou-

chon de cérumen solide remplissait le méat; le tympan,

enfoncé extrêmement, était méconnaissable; les trompes

étaient imperméables ; les mouvements de l'étrier

étaient nuls, la caisse scléreuse ; le labyrinthe d'ap-

parence normale ; la fenêtre ronde parut bombée en

dehors. Ce court aperçu montre des lésions bien dif-

férentes de celles qu'a trouvées Ménière le premier.

Le fait qui doit frapper tout d'abord, c'est l'immobili-

sation de l'étrier, qu'il faut associer dans l'esprit à l'en-

fonçure extrême de la cloison du tympan et à l'oblité-

ration de la trompe, ses deux causes indiscutables. Le

vertige apparaît dès lors comme une manifestation

labyrinthique, mais quia été provoquée par une lésion

siégeant hors du labyrinthe.

En face d'un malade atteint de vertige ou tombé

étourdi à terre, mais qui se relève en pleine possession

de ses facultés, le médecin est actuellement conduit à

placer, sinon dans les centres nerveux, que la conser-

vation de la connaissance permet jusqu'à un certain

point d'éliminer, mais dans la partie nerveuse de l'or-

gane de l'ouïe que la surdité et les bourdonnemenis

signalent à l'attention, la source du mal et le siège de

la lésion qui le produit. L'observateur appuie sa con-

clusion sur les données de la physiologie expérimen-

tale. Aujourd'hui, la trilogie symptomatique de Ménière

indiquerait toujours un état pathologique des canaux

semi-circulaires. On sait que le limaçon tout entier a pu

DU VERTIGE DE MÉNIÈRE. 277 7

être atteint de nécrose et éliminé, sans qu'on ait observé

de troubles d'équilibration. J'ai montré à la Société de

biologie que la destruction du limaçon chez le cobaye

ne cause aucune altération des mouvements ni de

l'équilibre. D'un autre côté, j'ai pu voir complètement

guéris du vertige des pigeons sur lesquels on avait, par

des lésion des canaux semi-circul aires , provoqué

les accidents de déséquilibration, et qui plus tard

entendaient parfaitement.

L'expérimentation isole donc bien les fonctions spé-

ciales aux diverses portions de l'appareil labyrinthique.

Il ne semble pas que le vertige de Ménière, dans sa

constitution ternaire, nous offre une séparation sem-

blable. Aux troubles de l'équilibre s'ajoutent le bour-

donnement d'oreille et la surdité; la lésion des canaux

semi-circulaires ne saurait à'elle seule tout expliquer.

Si le sujet devient sourd, à coup sûr, c'est qu'il a autre

chose qu'une altération des canaux semi-circulaires.

Mais la probabilité se, change en certitude, si l'on

voit le vertige guérir pendant que le sujet reste sourd.

Or, c'est un fait d'observation que la surdité est sou-

vent, très souvent la suite et la terminaison du vertige

de Ménière, à tel point qu'un moment on a pu croire

que le traitement si excellent de M. Charcot n'agissait

qu'en hâtant la terminaison par surdité.

Dans l'hypothèse d'une lésion exclusive des canaux,

il faudra donc admettre que cette affection a guéri

juste au moment où le reste du labyrinthe s'est trouvé

privé du fonctionnement. Il y a donc là autre chose

qu'une lésion de ces canaux membraneux. z

La surdité terminale a frappé quelques bons obser-

vateurs, et ils ont conclu qu'il fallait chercher ailleurs

27 CLINIQUE NERVEUSE,

la solution de la* question, à moins de faire de tout

cela le symptôme d'une labyrinthite. Mais cette opinion

est inadmissible, car si la surdité persiste, l'accident

vertigineux a disparu : si les canaux sont guéris, com-

ment expliquer que le reste du labyrinthe puisse être.

envahi par le processus et se trouver détruit ?

C'est donc en dehors de l'oreille interne qu'on est

conduit à placer le siège de la lésion principale dans

le vertige de Ménière, si l'on veut aussi avoir la patho-

génie de la surdité et des bourdonnements d'oreilles si

caractéristiques que M. Charcot en fait un signe de

l'affection" et que les malades le reconnaissent comme

avant-coureur de leur accès apoplectiforme.

La marche de la maladie de Ménière est bien faite

aussi pour donner des doutes. Souvent, l'accès de ver-

tige'passe comme un éclair; souvent,' il apparaît à de

longs intervalles, pendant lesquels le médecin n'est

point consulté. Dans les formes les plus graves, où le

vertige se répète fréquemment, et se termine par la

chute, il existe des périodes franches de calme dans

lesquelles l'affection de l'oreille moyenne se trahit sou-

vent et'peut être suivie. Dans les otites subaiguës ou

chroniques, d'origine pharyngée, l'envahissement de

l'organe auditif s'est fait par la paroi labyrinthique d'a-

bord,- loin des regards; il n'est pas étonnant que le

vertige soit un signe précoce de ces maladies longtemps

méconnues, parce' que les signes objectifs font alors le

plus souvent défaut.

Je ne rappelle que pour souvenir qu'on a pu pro-

voquer le vertige avec chute par de simples injec-

tions` auriculaires chez l'homme. On sait les expé-

riences dé P. Bert sur les lapins. La clinique montre

DU .VERTIGE DE 111L\I);RE. 279

les conditions anatomo-pathologiques dans lesquelles

la production du vertige est à redouter; de plus, elle

permet de constater l'existence du vertige dans des

affections auriculaires manifestes et de tout ordre, dans

lesquelles l'oreille moyenne est seule envahie, et d'as-

sister à la disparition du symptôme vertigineux, en

même temps qu'à la guérison de l'otite ou de toute

autre manifestation pathologique de la caisse du tym-

pan. Il y a plus, le vertige a pu être provoqué chez cer-

tains individus,- qui n'en avaient jamais eu spontané-

ment, bien que l'examen fît découvrir une lésion de la

caisse. C'est là un trait de lumière ! Il est possible, en

effet, de faire naître chez l'homme des troubles ana-

logues au vertige, et jusqu'à des troubles de l'équilibre,

comme on les a produits sur les pigeons.

Il n'est donc pas nécessaire d'admettre l'existence

d'une affection préexistante du labyrinthe pour que la

production du vertige ait lieu.

Comment expliquer cet accident subit, l'accès de

vertige ? quelle excitation soudaine du contenu de

l'oreille interne, et par quoi est-elle amenée brusque-

ment ? Si l'on se guide sur les données de l'expérimenta-

tion sur les animaux, on trouve qu'en définitive il suffit

d'une commotion du contenu du labyrinthe, pour que

le vertige naisse; et qu'il n'est pas indispensable à sa

production qu'une augmentation de la pression intra-.

labyrinthique existe auparavant, comme le pensa Po-

litzer. Dans certaines conditions de relâchement des

tissus, cet accroissement de la pression se produit subi-

tement, par un déplacement en dedans de la platine

de l'étrier ou de la fenêtre ronde. C'est ainsi que, au

moyen d'une poire à air, en poussant le tympan et,

280 CLINIQUE NERVEUSE.

tout l'appareil conducteur du son vers la paroi labyrin-

thique, on peut provoquer le vertige expérimental chez

l'homme, par une légère commotion du labyrinthe. Il

est très admissible qu'un état névrosique particulier,

préexistant, est nécessaire pour expliquer la réaction

plus énergique, et le trouble plus général. Mais c'est,

en définitive, l'intensité, l'ampleur du mouvement im-

primé à la platine de l'étrier, qui provoquent aussitôt les

phénomènes de déséquilibration. Il y a loin en effet de

l'action du choc de l'onde sonore, seul excitant physio-

logique de l'organe auditif, à l'ébranlement causé par le

traumatisme, soit dans les expériences sur les pigeons,

soit dans le cas de choc, de coups, etc., reçus surl'oreille.

(Vertige traumatique.)

Mais il est cependant des cas, où l'on voit le bruit

seul provoquer le vertige ; où il suffit par conséquent

de l'effort d'accommodation, et de protection de

l'oreille, et de l'action de son appareil tympanique,

pour que la commotion labyrinthique ait lieu. Peut-

être, la platine de l'étrier se meut-elle alors en dedans,

d'une façon exagérée ; peut-être y a-t-il plutôt un obs-

tacle au déplacement consécutif du liquide labyrin-

thique ? Et il serait logique d'admettre, avec Duplay,

une lésion de la fenêtre ronde, ou près d'elle, l'empê-

chant de se porter vers la caisse, et concentrant ainsi

toute la pression dans la cavité du labyrinthe. Excès

de mobilité de l'étrier ou immobilité de la fenêtre ronde,

les deux conditions aboutissent à rendre inévitable

la commotion des canaux semi-circulaires. (Vertige

d'accommodation.)

Cette théorie du vertige de Ménière est satisfaisante,

car il existe un- trop grand nombre de faits cliniques

DU VERTIGE DE MÉNIÈRE. 281

où l'on n'a pu avoir la preuve qu'il existât des lésions

quelconques de l'oreille interne, bien que les carac-

tères du vertige dit labyrinthique eussent été observés ;

et par contre, on a vu ce syndrome survenir au milieu

de l'évolution d'affections catarrhales de la, caisse, et

même des cellules mastoïdiennes (Guy, d'Amsterdam), et

il n'est pas jusqu'aux affections les plus communes de

l'oreille externe, dans lesquelles des observateurs de

mérite n'aient rencontré cette symptorpatolo-ie. (Fera et

Demars : Note sur la maladie de Ménière, Rev. de,M, é,,d.,

1884). ,J C'est le vertige réflexe. 1, ('fez d

Le médecin qui observe le vertige de lflénière ? t qui

ne découvre rien par l'exploration la plus minutieuse

de l'oreille moyenne, et de ses annexes, conclut à, une

affection de l'organe labyrinthique. Mais , prouver

qu'une surdité existe, sans lésion de la caisse, n'est, pas

chose facile actuellement, et, de l'aveu de tous les otolo-

gistes, c'est cependant la clé du diagnostic. ? i

La difficulté est de reconnaître si ce qu'on observe

n'est pas le résultat d'une affection des fenêtres ovale

et ronde. Divers signes différentiels ont été pro-

posés par les otologistes, pour explorer.le. labyrinthe.

Depuis Bonnafont, les auteurs français (pu allemapds,

setservent pour cela du diapason posé sur le crâne du

sujet. Cette expérience est basée sur cette opinion

accréditée,. que le son du diapason se transmet directe-

nzent par les os au contenu labyrinthique;, or, cela

est une erreur. J'ai démontré, il y a longtemps,,que ce

mode de transport du son est inadmissible; et j'ai expé-

rimentalement prouvé en effet que, le son solidien,

comme les sons, est susceptible d'être,modifié, dans

son intensité, quand on, change l'état;, de tension, par

282 CLINIQUE NERVEUSE.

influence, de l'appareil de transmission. Savart et Wol-

laston l'ont montré pour les sons aériens; je l'ai

établi pour les sous crâniens ou solidiens.

Les expériences au moyen de pressions centripètes

-opérées sur le'tympan, ne laissent aucun doute à ce

sujet, et contredisent formellement l'opinion émise par

Bonnafont, Triquet, Lucae, Politzer, Urbantschistch,

etc., que la diminution de la perception osseuse est un

bon signe différentiel, entre un affaiblissement de l'ouïe,

et un obstacle à l'accès des ondes sonores, (Urbants-

chistch. Traité des nîal. de l'oreille, trad. franc., p, 418.)

J'espère modifier l'interprétation de cette expérience,

et prouver qu'il est plus exact de dire que la diminu-

tion de la perception osseuse, est un signe qu'il existe

un obstacle à l'accès des ondes sonores, et que cet

obstacle siège au niveau des fenêtres ovale et ronde.

J'ai employé, à l'étude des cas de vertige de Ménière,

que je cite dans ce travail, deux nouveaux procédés

d'investigation, au moyen desquels je pense rendre

possible l'examen des fenêtres ovale et ronde et de la

platine de l'étrier. (A suivre.)

CLINIQUE MENTALE

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS (Suite)1;

ParM.COTARD.

Si le délire des négations paraît se rattacher, dans

bien des cas, aux vésanies intermittentes, je dois ajouter

1 Voir le nez 11, p. 132.

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 83-

qu'il n'est pas rare de le voir se développer sur un

fonds hystérique ; il n'est pas rare non plus de le

rencontrer comme symptôme de la périencéphalite

diffuse. Le délire des petitesses signalé dans cette

maladie par le D' Materne paraît fort voisin du

délire des négations et peut coexister avec lui; on en

verra un exemple dans les observations qui suivent.

Je divise ces observations en trois catégories : dans

la première je range les cas où le délire des négations

se présente à l'état de simplicité; dans la seconde, un

cas où il est symptomatique de paralysie générale;

dans la troisième, les cas où, associé au délire des

persécutions, il constitue ces formes d'aliénation com-

plexes qui nous expliquent comment presque tous les

auteurs ont confondu dans la même description du

délire mélancolique les idées de ruine, de culpabilité,

de méfiance et de persécution.

Ces cas mixtes mériteraient une étude spéciale; ils

présentent, je crois, en outre des deux ordres de symp-

tômes, quelques caractères particuliers. Les malades

se croient plutôt possédés que damnés, se figurent avoir

des bêtes ou des diables dans le corps. Esquirol a rap-

porté des cas de ce genre au chapitre de la Démono-

manie; Fodéré distinguait du délire de culpabilité et de

damnation ou danznomanie, la démonomanie ou posses-

sion démoniaque. Cette dernière forme me semble

établir une sorte de transition entre le délire de culpa-

bilité et le délire des persécutions.

Première ' catégorie.

Observation I. NI ? E..., âgée de cinquante-quatre ans ,

mariée, mère de famille, est placée le 12 juin 18G3 à la maison

38t CLINIQUE MENTALE.

de santé de Vanves, après avoir fait plusieurs tentatives de

suicide.

Mnle E... est dans un état d'agitation anxieuse avec des idées

de culpabilité et délire hypochondriaque ; elle s'imagine qu'elle

a la gorge rétrécie et le coeur déplacé. Pendant les paroxysmes

d'agitation, elle pousse des cris et se lamente à haute voix en ré-

pétant toujours les mêmes paroles : Tous ses organes sont dépla-

cés, elle ne peut plus rien faire, elle est perdue, elle est damnée.

- 1864. Même délire, mêmes paroxysmes anxieux avec

répétition continuelle des mêmes phrases stéréotypées. Mnle E...

est perdue, elle n'a plus de tète, plus de corps; elle est morte.

Mmo E... pousse des cris perçants, répète les mômes mots avec

rage et dit elle-même qu'elle est enragée; elle s'accroche avec

les mains, comme convulsivement, aux objets extérieurs, et,

une fois qu'elle les tient, elle ne veut plus les lâcher.

Mmc E... voit des fantômes dans les murailles, elle résiste à

see besoins naturels, sous prétexte que ce serait sa mort d'y

satisfaire, pousse des cris et se livre à des actes violents pour

lutter contre la fatalité de sa situation à laquelle personne ne

peut la soustraire; les idées de suicide persistent toujours.

Le'délire de négation s'accentue de plus en plus, Mm' E... n'a

ni bras ni jambes, toutes les parties de son corps sont métamor-

phosées ; elle répète que tout est perdu, qu'elle ne peut plus bou-

ger sans s'exposer à tomber en morceaux et elle se raidit convulsi-

vementdans la position assise où elle se trouve habituellement.

La folie d'opposition est à son comble, 11 ? E... refuse de

manger parce qu'elle ne peut avaler, de marcher, parce qu'elle

n'a pas de jambes;.elle ne veut ni se rêver, ni se coucher, ni

s'habiller, ni manger, ni marcher, ni aller à la garde-robe;

elle se raidit comme une barre de fer pour résister à tous les

actes qu'onveutluifaire accomplir, elle pousse des cris dès qu'on

veut latouclier et prétend qu'on vala briser comme du verre.

Les années se passent sans apporter aucune modification à

ce délire. M-0 E... en est arrivée à un état de démence avec

grognements, cris inarticulés, et paroxysmes d'agitation ; elle

conserve toujours la même raideur musculaire et oppose la

même résistance à tout ce qu'on veut lui faire faire.

M-0 E... a une chute de la matrice et du rectum qu'il est

impossible de maintenir à cause des violents efforts d'expulsion

qu'elle fait dès qu'on a procédé à la réduction.

Elle succombe en 1878 dans un état de cachexie générale.

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 285

Observation II.MË... âgée de soixante-trois ans, placée

à Vanves en mai 1868, est dans un état de grande agitation

anxieuse; elle s'imagine qu'elle n'a plus rien, qu'elle a ruiné

sa famille et qu'on va la mettre en prison. Mme E... est cons-

tamment en mouvement, ne peut tenir en place ; elle ne cesse

de gémir en répétant qu'elle est perdue, ruinée, qu'elle est

cause que ses enfants vont mourir de faim.

Elle refuse les aliments sous prétexte qu'elle ne peut les

payer; elle se croit atteinte d'une -maladie contagieuse et

s'imagine qu'elle répand une odeur infecte ; elle ne veut se

laisser approcher de personne et croit que son contact est

mortel : elle s'imagine aussi qu'il y a du poison et des saletés

dans ses aliments. M-e E... dit qu'elle ne peut ni manger ni

marcher, qu'elle est absolument incurable; elle résiste à tous

les soins qu'il faut prendre de sa personne, il faut lutter pour

l'habiller, pour la lever, pour la faire promener, pour la

nourrir. l ? E... reste habituellement blottie dans un coin,

tantôt muette, tantôt poussant un gémissement monotone et

répétant qu'elle est un monstre.

Par humilité, M-0 E... ne consent à manger qu'à la table des

domestiques.

Elle meurt en 1876 sans que le délire ait subi la moindre

modification.

- OBSERVATION III. Mme S..., âgée de cinquante-trois ans,

a déjà eu un accès de mélancolie à forme dépressive et qui n'a

pas nécessité son placement. Elle est reprise de délire mélan-

colique et est amenée à Vanves, à la fin de l'année 1876.

M-0 S... est dans un état d'agitation anxieuse extrême; elle

se croit coupable et perdue; on va la conduire en prison et elle

cherche par tous les moyens possibles à faire des tentatives de

suicide. lm° 5... entend des voix qui lui disent qu'elle est

coupable, qu'elle va être condamnée et conduite en prison ; elle

croit entendre la voix de son mari et de sa fille qui sont en

prison à cause d'elle ; elle se lamente sans cesse et refuse les

aliments.

1880. MI' S... est toujours dominée par les mêmes idées

mélancoliques ; elle reste le plus souvent muette et immobile

et ne répond pas quand on lui adresse la parole ; par moments

elle exprime des conceptions négatives tout à fait absurdes.

M"° S... prétend que personne ne meurt plus, que personne

286 CLINIQUE MENTALE.

ne se marie plus, que personne ne nait plus. Il n'y a plus de

médecins, il n'y a plus de préfets, il n'y a plus de notaires, il

n'y a plus de tribunaux ; autrefois M"" S... priait, mais au-

jourd'hui c'est inutile, puisque Dieu n'existe pas. 1\I"" 5... ré-

siste à tous les soins qu'il faut prendre de sa personne, elle

est toujours disposée à refuser les aliments et prétend qu'il y a

- de la chaux, de la potasse dans tout ce qu'on lui présente.

Mmo E... passe toutes ses journées dans le mutisme et l'im-

mobilité. Actuellement (mai 1883) son état reste absolument

stationnaire. -

Observation IV. Mm0 M..., âgée de cinquante et un ans,

mariée, mère de famille, paraît avoir toujours été bien portante

jusqu'à l'année 1878. Elle fut alors prise d'un accès anxieux

avec terreurs; 11-1 M... voyait du feu, des incendies, se croyait

ruinée et s'imaginait qu'on allait la torturer. Au bout de deux

mois, elle guérit subitement; mais après quelques semaines

elle fut reprise des mêmes accidents et amenée à Vanves dans

un état d'agitation anxieuse intense avec gémissements et

terreurs continuelles relatives surtout au feu et aux incendies.

M-0 M... s'imagine qu'elle est ruinée, qu'on va la torturer,

que ses aliments sont empoisonnés, qu'elle est ensorcelée. Elle

parait avoir des hallucinations de l'ouïe et de la. vue, prétend

qu'il se passe toutes les nuits des choses effroyables dans sa

chambre, qu'il y vient des personnages qu'elle ne connaît pas.

11° i\L.. ne veut pas reconnaître son mari ni ses enfants qui

viennent la visiter; elle prétend qu'elle n'a jamais été mariée,

qu'elle n'a ni père, ni mère, ni mari, ni enfants. A..., sa ville

natale n'existe plus, Paris n'existe plus, rien n'existe plus, sa

fille est un diable déguisé. 11-e, iM... ne se laisse approcher de

personne, se recule avec terreur dès qu'on veut la toucher ou

lui prendre la main et répète incessamment : « Ne me faites pas

de mal ». Elle nie tout et résiste atout, il faut lutter pour

l'habiller, la déshabiller, la nourrir, etc., et Mm° 11L.. déploie

une force de résistance étonnante.

Au mois d'août 1881, 1\Z ? 1... est frappée subitement d'hé-

miplégie gauche ; le délire n'est nullement modifié. Le membre

inférieur reprend incomplètement ses fonctions, mais le membre

supérieur se contracture. \1 ? 11Z... répète constamment les

mêmes négations, dit à tout instant : «Ne me fuites pas dc mal »

et résiste opiniâtrement à tout ce qu'on veut lui faire faire.

DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 287

Actuellement (mai 1882) la situation reste la même à tous

égards. ,

.Observation V. nI ? J..., âgée de cinquante-huit ans,

placée à Vanves au mois d'août 1879, est dans un état de

mélancolie anxieuse qui date déjà de plusieurs mois.

V1 ? J... s'imagine qu'on va lui couper les nerfs, la rendre

sourde, muette et aveugle et lui faire subir toutes sortes de

tortures; elle passe des journées entières à gémir et à implorer

la Vierge et les saints. '

Paroxysmes d'agitation très intenses avec tentatives de sui-

cide. 12 ? J... refuse les aliments, elle est perdue, damnée;

elle est « bourrée de pétrole », on va lui faire subir les plus

affreux supplices et cependant elle ne pourra jamais mourir.

Fréquents paroxysmes pendant lesquels Mmc J... se roule par

terre et fait toutes sortes de grimaces et de contorsions. : 11 ? J.. répète constamment les mêmes phrases,.souvent tout

à fait absurdes et inintelligibles, mais se rapportant à des idées

de transformation et d'anéantissement de sa personne et de

tout ce qui l'entoure. M ? J... répète : « Il n'y a plus rien, rien

n'existe plus, tout est en fer, etc. » ; elle est elle-même trans-

formée, elle est un petit poulet, une mouche, elle est un

chiffon de laine qui parle, elle n'est plus rien, elle ne mange

jamais, elle n'a plus de corps ; les personnes qui l'entourent ne

sont que des ombres.

Vl° J... résiste à tout, retient ses matières fécales et ses

urines, il faut lutter pour l'habiller, pour la déshabiller, etc.,

et dans ces luttes M"10 J... déploie une énergie et une vigueur

musculaire incroyables. Actuellement (mai 1882), la situation

de M"10 J... est toujours la même, son délire ne s'est nullement

modifié.

Observation VI. M ? C..., âgée de quarante-trois ans,

mariée, mère de famille, est entrée à la maison de santé de

Vanves en novembre -1880. En 1875, à la suite .de la mort

subite de son père et de l'opération du strabisme faite à son

fils, cette dame avait déjà été atteinte d'un léger accès anxieux

avec insomnie etbuillements continuels, obsédée par la crainte

que son père n'ait été enterré vivant et que son fils ne devint

aveugle par suite de l'opération du strabisme.

Cet état anxieux se dissipa au bout d'un mois. A la fin de

mars 1880, nouvel accès, début assez rapide, préoccupations;

288 CLINIQUE MENTALE.

relatives à des questions d'argent, perplexité et indécision

continuelles, insomnie. M-1 C... s'accuse et se croit coupable.

Au bout de quelques mois, délire hypochondriaque.

M ? C... croit qu'elle n'a plus d'estomac, que ses organes

sont détruits et elle attribue cette destruction à un vomitif qui

lui a été en effet administré.

A son arrivée à la maison de santé, M-e C... est dans un

état de mélancolie anxieuse avec paroxysmes d'agitation ma-

niaque pendant lesquels M"1 C... fait des contorsions, des

grimaces, se roule par terre et pousse des gémissements. Ces

paroxysmes alternent avec des périodes d'immobilité et de

mutisme. 1-0 C... prétend qu'elle a le gosier 'retiré, qu'elle

n'a plus d'estomac, qu'elle n'a plus de sang; elle ne mourra

jamais, elle n'est ni morte ni vivante, elle est une personne

surnaturelle,' sa place n'est ni parmi les vivants, ni parmi les

morts; elle n'est plus rien, elle supplie qu'on lui ouvre les

veines, qu'on'lui coupe les bras et les jambes, qu'on lui ouvre

le corps pour s'assurer qu'elle n'a plus de sang et que ses or-

ganes n'existent plus.

Cette malade a quitté la maison de santé après deux mois de

séjour et est sortie non guérie; j'ignore ce qu'elle est devenue.

Observation VII. M. A..., âgé de cinquante-trois ans,

placé en juillet 1877, à la maison de santé de Vanves, a été

frappé de mélancolie après avoir éprouvé de grandes douleurs

morales; il a perdu presque en même temps sa femme et un

fils.

M. A... s'accuse d'avoir causé la mort de sa femme et de son

fils, il est pourri, il a la syphilis, il est perdu, il est damné, il

est le plus grand criminel qui ait jamais existé, il est l'Anté-

christ, il doit être brûlé en place publique; M. A... est plongé

dans une profonde tristesse, il pleure et gémit; il voudrait être

mort et fait des tentatives de suicide.

1880. M. A... exprime toujours les mêmes idées mélanco-

liques de culpabilité, il est l'homme damné destiné à brûler

éternellement. M. A... dit que tout son corps est pourri, qu'il

n'a pas de sang, qu'il n'a pas de pouls, que son coeur ne bat

plus, que sa tête est vide, qu'il n'a pas figure humaine. Il attend

la fin du monde, qui est proche.

Actuellement, en mai 1882, la situation est toujours la même,

le délire n'est nullement modifié.

DU DÉLIRE DES vliGA'1'10\a. 289

Observation VIII. M. A..., âge de quarante-huit ans,

placé à la maison de santé de Vanves au mois de mars 1879, à

la suite d'une tentative de suicide, est dans un état d'agitation

anxieuse intense. Il cherche par tous les moyens à se frapper,

à se mutiler, à se crever les yeux, à se donner la mort ; il ne

veut ni manger, ni prendre de médicaments, ni recevoir aucune

espèce de soins, parce qu'il se considère comme indigne. Il ne

pense qu'à expier ses crimes imaginaires ; c'est pour cela qu'il

veut se frapper et se tuer ; il dit qu'il est tombé dans un abîme

d'infamie et qu'il s'y enfonce chaque jour davantage ; il supplie

qu'on lui donne une corde pour se pendre ou une forte dose de

poison.

M. A... ne parait pas avoir d'hallucinations auditives, mais

il a de nombreuses illusions de la vue, il donne un sens mys-

tique aux formes des objets extérieurs, il croit voir des figures

d'animaux dans les formes des arbres, etc.

1880. M. A... s'imagine qu'on va le torturer, le plonger dans

l'eau glacée, le nourrir d'ordures et d'excréments, il supplie

qu'on en finisse en lui donnant de l'acide prussique. Son cer-

veau est ramolli, sa tête est comme une noisette creuse, il n'a

pas de sexe, pas de testicules, il n'a plus rien, il n'est lui-même

qu'une « charogne » et demande qu'on creuse un trou pour

l'enterrer comme un chien ; il n'a pas d'àme ; Dieu n'existe pas ;

par moments M. A... dit qu'il n'a ni femme ni enfants; dans

d'autres instants, il demande à les voir et à retourner auprès

d'eux. M. A... répète constamment les mêmes phrases et les

mêmes supplications : «Tuez-moi, tuez-moi; ne me donnez pas

de bain froid, ne me donnez pas de bain froid », etc., qu'il redit

pendant des heures entières. Il cherche par tous les moyens

possibles à se tuer et à se mutiler; il veut se crever les yeux,

s'arracher les testicules, etc. Il se montre également violent et

injurieux envers les personnes qui l'entourent. Par moments,

M. A... peut parler avec lucidité; il raconte volontiers différents

événements de sa vie passée.

En mai 1882, la situation est toujours la même, M. A...

répète incessamment qu'il est indigne , ignoble, il veut

se faire cireur de bottes, il n'a pas de testicules, il faut le

tuer.

Aucun e*, L IV. l'.l

290 CLINIQUE MENTALE.

Deuxième catégorie. i ,

Observation IX. M. C..., âgé de quarante-cinq ans, de

constitution robuste, marié, père de famille, ayant toujours

mené une existence régulière et laborieuse,' n'a fait d'autres

excès, dit-on, que des excès de travail. Il restait chaque jour

à son bureau jusqu'à deux heures du matin et était levé à sept

heures.

Depuis plusieurs années il souffrait' de migraines violentes

avec vomissements. En 1879, il se plaignit de troubles de la

vue, de brouillards devant les yeux; il alla consulter un ocu-

liste, qui, après avoir examiné le fond de l'oeil, aurait demandé

à M. C... de se tenir en équilibre sur un pied, ce qui fut

impossible.

Vers cette époque M. C ? commença à faire des chutes

fréquentes ; souvent il rentrait chez lui en disant à sa femme

qu'il avait failli se tuer, qu'il était tombé et qu'on l'avait aidé à

se relever. En même temps son caractère commença à s'altérer,

il devint sombre, irritable, et parut s'absorber dans une pro-

fonde tristesse. Il exprimait de funèbres pressentiments, don-

nait des conseils à sa femme et lui faisait de minutieuses recom-

mandations au sujet de leurs enfants, comme s'il s'était senti

menacé d'une mort prochaine.

Au commencement dé décembre 1879, il fit une nouvelle

chute dans la rue, rentra chez lui glacé et fut pris d'un tremble-

ment intense avec claquements des dents. Le médecin appelé ne

constata, dit-on, aucun mouvement fébrile à la suite de ce frisson.

Des frissonnements analogues se seraient reproduits irrégulière-

ment tous les jours pendant cinq ou six heures. M. C... restait

constamment au lit, couvert d'énormes couvertures, et, dès

qu'on le découvrait un peu, il était repris de tremblements avec

claquement de dents; le sommeil avait complètement disparu.

Après quelques semaines, M. C... quitta le lit, mais il lui fut

impossible de reprendre ses occupations. Il restait constamment

dans son bureau, muet, inoccupé, immobile, 'ne recevant per-

sonne et' renvoyant brusquement sa femme quand elle venait

le voir. Par moments; il répétait : « Je suis un crétin », disait à

sa femme : « Tu ne veux donc pas me rendre ma vie d'autre-

fois ? » ou encore : « Je devrais me tirer un coup de pistolet.

Je demanderais bien à Dieu de me faire mourir, mais Dieu

DU DÉLIRE DES NEGATIONS. 291

n'existe pas ». Une nuit il répéta pendant des heures entières

une même série de syllabes incompréhensibles.

Vers le mois de mars 1880, il commença à exprimer des idées

négatives tout à fait absurdes ; il disait qu'il n'y avait plus de

nuit et refusait de se coucher; il passait des nuits entières dans

son bureau et répondait à sa femme qu'il ne pouvait se coucher

puisqu'il faisait encore jour. Il disait qu'il ne mangeait plus, et

quelque abondants que fussent les repas, il se mettait en fureur

en disant qu'il n'y avait rien sur la table.

13lacé à Vanves au mois d'avril 1880, on constate chez M. C...

un trouble mental profond. M. C... ne se rend compte ni de

l'endroit où il se trouve, ni du temps qui s'est écoulé depuis

qu'il a quitté son domicile. ,

Il est ordinairement calme, silencieux; par moments il pré-

tend que les gens qui l'entourent sont des assassins qui vont

l'égorger et il est pris de paroxysmes anxieux pendant lesquels

il répète continuellement les mêmes mots d'une voix lamen-

table. M. C... déclare qu'il ne sait ni où il est, ni qui il est; il

assure qu'il n'est pas marié, qu'il n'a pas d'enfants, qu'il n'a ni

père, ni mère, qu'il n'a pas de nom. Il prétend qu'il ne mange

jamais et cependant il mange énormément. Il est dans un

désert où il n'y a personne, et dont on ne peut sortir, car il

n'y a plus de voitures, ni de chevaux. Si on lui montre un

cheval, il dit : « Ce n'est pas un cheval, ce n'est rien du tout. »

M. C... résiste à tous les soins qu'il faut prendre de sa per-

sonne ; il refuse de se laisser mettre ses habits parce que tout

son corps n'est pas plus gros qu'une noisette; il refuse de

manger, parce qu'il n'a pas de bouche, de marcher, parce qu'il

n'a pas de jambes. M. C... tire ses oreilles et dit qu'il n'a pas

d'oreilles, il tire son nez et dit qu'il n'a pas de nez. Souvent

M. C... dit qu'il est mort, mais pendant des paroxysmes anxieux,

M. C... dit qu'il est à moitié mort et qu'il ne pourra jamais

achever de mourir; il prend son bras, sa jambe, son mollet en

disant : « Cela ne se décrochera jamais ».

Par moments, Z. C... parait avoir des hallucinations de la

vue ; il voit des personnages, des femmes vêtus de blanc, des-

cendre du plafond de sa chambre ; d'autres fois.il voit, des

petits cavaliers hauts de quelques centimètres traverser ,sa

chambre par régiments. ,/ j , . ,, ,

Embarras do la parole, incertitude de la démarche,inégalité

pupillaire.. , ? y ,rsn,l

229 CLINIQUE MENTALE.

Ces symptômes de paralysie générait ! deviennent de plus en

plus marqués pendant le cours de l'année 1881. Il s'y joint des

idées de grandeur que le malade reporte dans le passé.

M. G... raconte qu'autrefois, il était immensément riche,

qu'il était le premier avocat de Paris, qu'il était membre de

l'Académie française, président de la République; aujourd'hui

- il n'est plus qu'un petit crétin et du reste il va mourir.

En mai 1882, M. C... en est réduit à un état de démence paraly-

tique ; il peutàpeinemarcher,laparo]eestpresque inintelligible.

Troisième catégorie.

Observation X. «1-0 G..., âgée de quarante-deux ans,

mariée, mère de famille,' eu il y a plusieurs années de vio-

lentes attaques d'hystérie.

Placée une première fois à Vanves, à la fin de l'année 18riz,

elle est à cette époque atteinte de délire mélancolique avec

idées de culpabilité, idées mystiques et paroxysmes d'agitation

furieuse. \1 ? G... se croit possédée du diable, damnée; elle

croit qu'elle est -enceinte du fait de sa bonne, qu'elle prend

pour un homme déguisé.

Mm0 G... se figure qu'elle doit être transformée en une bête

immonde, en scorpion, et dans ses paroxysmes, elle sa 'met à

plat-ventre, se livre à toutes sortes de contorsions pour imiter

les mouvements du scorpion. \I ? G... refuse les aliments, se

livre à toutes sortes d'actes désordonnés et de violences envers

elle-même et les personnes qui l'entourent; elle entend le diable

qui lui parle et elle doit lui obéir.

Dans le courant de l'année 1876, il se produit une améliora-

tion très notable. M™ G... est calme, s'occupe à des travaux

d'aiguille, cause volontiers ; mais elle est toujours dominée par

des idées de culpabilité, se croit adultère, indigne de retourner

près de son mari et de ses enfants, et veut faire une confession

publique de ses péchés. Elle sort dans cet état de rémission à

la fin de l'année 1876.

L'année suivante on est obligé de replacer Mmo G..., qui veut

absolument faire une confession publique de ses péchés et de

ses crimes, dans les rues et dans les églises; 11 ? G... se consi-

dère toujours comme coupable, indigne; elle désire se placer

comme domestique et gagner sa vie, car elle ne mérite pas

DU DELIRE DES NÉGATIONS. 293

qu'on dépense de l'argent pour elle; mais de nouvelles idées

délirantes viennent compliquer ce délire de culpabilité.

Mm, G... se croit magnétisée, s'imagine qu'on peut lire dans

ses pensées et que ses pensées peuvent être la cause des plus

grands malheurs ; elle attribue à sa bonne un pouvoir surna-

turel : cette fille, au moyen de procédés magiques et de malé-

fices, fera entrer son fils dans la maison de santé où il subira

des tortures et des mutilations génitale ? . 11-1 G... quitte une

seconde fois la maison de santé en juin 1879, et est replacée

en août 1880; elle s'imagine qu'elle est persécutée par des gens

qui ont le pouvoir de lire dans la pensée et qu'elle appelle des

r(ii-igafieî,s; ces gens sont acharnés contre elle et contre ses

enfants, et ne cessent de répéter les plus affreuses calomnies.

Ils vont jusqu'à lui faire dire, à elle, des sottises qui sont ensuite

répétées dans tout Paris et dans le monde entier, et qui peu-

vent faire le plus grand mal à sa famille.

En même temps qu'elle accuse ses persécuteurs et les per-

sonnes qui l'entourent, 11-e G... s'accuse elle-même ; elle est

nn monstre, elle est damnée; elle a trois perce-oreilles dans le

corps et finira par être changée en scorpion ; elle n'a déjà plus

rien d'humain et est comme une bête immonde. M ? G... vou-

dra) être morte, elle gémit et fait des tentatives de suicide,

mais il est trop tard : maintenant elle est immortelle, on pour-

rait la hacher en petits morceaux sans la faire mourir.

En mai 1882, la situation est toujours la même; cependant

les idées de persécution paraissent prédominer de plus en plus,

M ? G... accuse les domestiques qui clabaudent et calomnient

continuellement; elle est damnée, il est vrai, mais ce sont les

médecins qui en sont cause.

Observation xi Mmo H..., âgée de cinquante et un ans,

est placée au mois d'août 1880.

Il y a quinze ans environ, à la suite d'une dysenterie grave,

Il... a éprouvé une sensation de craquement dans le dos,

« son dos s'est décroché ». Depuis cette époque, à quatre ou

cinq reprises au moins, Mmo H... a gardé le lit pendant neuf à

dix mois, une fois plus d'un an. 11 ? IL.. prétendait qu'elle ne

pouvait se lever, que son dos descendait dans son ventre. Vers

le commencement de l'année 1880, 11-8 H... a commencé à se

plaindre que tout le monde lui en voulait, et ces idées de per-

sécution se concentrèrent sur la personne de son gendre ; elle

j 1.. . CLINIQUE MENTALE.

répétait pendant des heures entières : « Pourquoi ma fille

a-t-elle donc épousé X... ? » Placée à Vanves au mois d'août

1880, Mmo H... raconte qu'on lui ajeté un sort; elle est damnée,

elle a des animaux dans le ventre, des singes, des chiens, etc.;

elle, entend des voix qui la poussent malgré elle à des actes

-violents; elle demande la mort, et cependant elle sait qu'elle

ne pourra jamais mourir. Au mois de septembre de la môme

année, Mme IL.. quitte la maison de santé dans le mémo état

d'aliénation chronique, pour être transférée dans un autre

asile.

J'aurais pu; en outre de ces quelques cas, citer, de

seconde main, un assez grand nombre d'observations

éparses ça et là et dans lesquelles le délire de négation

est signalé, au moins dans sa forme hypochondriaque.

Je nie 'borne à donner les indications bibliogra-

pbiques* suivantes

]< ? 3QUIROL. Dt'M ! 0 ! : oma ! : i'C.

Fodéré. Traité du délire, t. I, p. 345.

LRUBFT. Fli-(ignie71ts psychologiqiies, p. 121, 407 et stiiv. Traite-

ment moral, p. 274, 281.

Mobel. Etudes cliniques, t. II, p. 37 et M 8.

> Macario. Annales ? ndico -2)s ! lcho log iqztes, t. I.

l3an ? né.n. De l'état clésiné sous le nom de stupidité, 4843.

La théorie de l'automatisme ianîi. znéd.-psycle., ')8oC). Note sur le

délire hypochondriaque {Académie des sciences, -18G0).

Aitcii.mi3.iULT. Annales ? KedtCO-psyc/t0o ? y : fes, 8o2, t. IV, p. 1 46.

' Petit. Archives cliniques, p. 59.

Miciiéa. Du délire /t ? /poc/t07td<' ! nMe(A ? m. rné(I.-psych.), 1864.

MATERNE. Th. de'Paris', 1869.

Rnar.rx-);mNa. Lelerbzccle der Psychiatrie, 0))S. II et VII.

COTARD. Du délire hypochondriaque dans une forme grave de la mé-

laiîcolie anxieuse (4 ? in. méd.-psy,ch., 1880).

liq 'Je termine ce travail par un tableau synoptique ré-

sumalit·'le parallèle entre le délire des négations et le

délire des persécutions.

DU DELIRE DES NEGATIONS.

295

DELIRE DE PERSECUTIONS.

Le : malade ne présente ordinai-

rement pas .le facies mélanco-

Hqne.

Hypochondrie surtout physique

au début.

Le malade s'en prend au monde

'L des iiiflueiices uni-

extérieur, a. des influences nui-

sibles venant des divers milieux

et surtout du milieu social. Il ne

s'accuse pas lui-même, il se

vante plutôt de sa force physique

et morale et de l'excellence de sa

constitution qui lui permet de

supporter tant de maux.

Suicide relativement rare.

Homicide plus fréquent.

Troubles de la 'sensibilité très

rares.

Hallucinations auditives cons-

tantes et présentant l'évolution

spéciale que l'on connaît.

Hallucinations de la vue très

rares.

Hypochondrie morale consécu-

tive; les persécuteurs attaquent

les facultés morales, les malades

disent qu'on les rend idiots.

DÉLIRE DE NÉGATIONS.

Anxiété, gémissements, an-

,-oisse précor(liile, etc. ; les ma-

lades sont des types de mélancolie

anxieuse.

D'autres tombent dans la stu-

peur. Quelques-uns présentent

des alternatives de stupeur et

d'agitation mélancolique.

Hypochondrie surtout morale

au début.

Le malade s'accuse lui-même :

il est incapable, indigne, cou-

pable, damné. Si la police ou les

gendarmes vont venir l'arrêter et

le conduire à l'échafaud, il ne l'a

que trop mérité par ses crimes.

Suicide et mutilations très fré-

quents.

Homicide plus rare.

Troubles de la sensibilité.

Anesthésie.

Hallucinations manquent sou-

vent. Quand elles existent, elles

sont simplement confirmatives des

idées délirantes. Conséquemment

pas d'antagonisme entre le ma-

lade et les voix qui lui parlent,

pas de dialogue. Quand les ma-

lades parlent seuls, c'est pour ré-

péter en forme de litanies les

mêmes mots ou les mêmes

phrases, adressées aux personnes

réelles qui les entourent.

Hallucinations de la vue assez

fréquentes. '

Hypocllondrle pliy sillue cunsécu-

tive. Lesmalades n'ont plus de cer-

ve.iu,ptusd'estomac,piusdecoeur,

etc. Ils sont morts ou bien ne

mourront jamais. Transformation

de la personnalité. Quelques-uns

partentd'eux-memesaiatroisieme

personne.

296 a PATHOLOGIE MENTALE.

DÉLIRE DE PERSÉCUTIONS.

Délire des grandeurs.

Refus des aliments partiel, par

crainte du poison. Les malades

choisissent parmi leurs aliments

et mangent avec voracité ceux

qu'ils ne croient pas empoisonnés.

Marche de la maladie, rémit-

lente ou continue avec pa-

roxysmes.

DÉLIRE DE LÉGATIONS.

Délire de négation et d'anéan-

tissement. Les malades nient tout,

ils n'ont ni parents, ni famille ;

tout est détruit, rien n'existe plus,

ils ne sont plus rien, ils n'ont pas

d'âme, Dieu n'existe plus.

Folie d'opposition.

Refus des aliments total. Les

négateurs refusent parce qu'ils

sont indignes, parce qu'ils ne

peuvent payer, parce qu'ils n'ont

pas d'estomac, etc.

Marche, d'abord franchement

intermittente, puis continue.

PATHOLOGIE MENTAL

INVERSION DU SENS GÉNITAL (Coiîti,(Ii,e SexiicilenI)fti ? diiiig.

Weslphal). Pcrvertcd sexuel Iî2stiiiets. Jul ius Krueg). Inver-

sione (tell' instinto sessuule. Tomassia Aripgio) ET AUTRES^ PER-

VERSIONS SEXUELLES;

Par lltitl. CIIAllC01' et MAGNAN (Suite) '.

Si, dans l'observation qui précède, ne tenant compte

que des faits relatifs à l'inversion du sens génital, nous

négligeons les autres phénomènes neuro-psychopa-

thiques, nous nous trouvons en face de ce que certains

auteurs .appellent une monomanie instinctive; mais

ce n'est point là une entité morbide, ce n'est qu'un

'Voir Archives de Neurologie, iln 7, janvier-lévrier 1882.

INVERSION DU SENS GÉNITAL.. 297

épisode d'une maladie plus profonde. C'est un syn-

drome, une des nombreuses manifestations qu'offrent

les sujets désignés par Morel du nom de dégénérés.

Les dégénérés, dèsl'enfance, portent la marque d'une

tare cérébrale qui, chez quelques-uns, peut simplement

se traduire par un défaut d'équilibration intellectuelle

compatible d'ailleurs, comme chez notre malade, avec

l'existence de facultés brillantes.

En résumant l'observation nous trouvons, dès le

premier âge, la voluptueuse curiosité pour les nudités

masculines, la recherche des occupations féminines,

le désir de ressembler à la femme, de plaire à l'homme,

l'idée obsédante de l'homme nu s'imposant plus tard

à l'esprit au milieu des études les plus sérieuses;

l'onanisme et l'exaltation de l'imagination amenant à

la fois un tel état de faiblesse et d'éréthisme génital

que l'érection et l'éjaculation se produisent à la vue

des organes virils de l'homme, à la vue d'une statue,

à la seule idée du pénis de l'homme. Par contre,

indifférence absolue pour la femme dont les attouche-

ments, les provocations de toute nature ne peuvent

venir à bout d'une invincible frigidité. Tout cela avec

une entière conscience de l'état maladif. Telle est cette

anomalie sexuelle bien singulière, sans doute, mais

dont la bizarrerie peut encore être dépassée dans cer-

tains cas, puisque l'instinct sexuel prend pour objectif

tantôt le tablier blanc, devenu ainsi pour le patient une

amante adorée, tantôt les clous de la semelle d'un

soulier de femme, tantôt le bonnet de nuit coiffant un

homme ou la tête ridée d'une vieille femme ;'le bonnet

jï t fy,

de nuit, nous le verrons, acquiert des droits' tellement

souverains que toute approche conjugale est interdite

298 , , PATHOLOGIE MENTALE.

au malheureux.mari, s'il n'évoque dans son esprit cette,

grotesque image. Toutes ces obsessions, dont la clinique,

fournit des exemples si variés, ne sont après tout que;

des, modalités symptomatiques d'un même fonds patho-

logique, et nous devons le répéter, ce serait une

étrange erreur d'en faire des états morbides distincts.

Du reste, chez quelques maniaques, on peut parfois

observer passagèrement des phénomènes analogues, et

nous avons, en ce moment, sous les yeux une femme

âgée de trente-trois ans, qui, a plusieurs reprises et

pendant des journées entières, voulait faire, disait-

elle, comme l'homme ; cherchait à retrousser la robe "

des surveillantes, les suppliant de cohabiter avec elle ;

se montrant, ' d'autre part, indifférente à l'égard des

hommes venus à côté d'elle. Westphal et Krafft-Ebing

ont déjà cité des cas de manie et de mélancolie où cette

perversion de l'instinct sexuel survenait passagèrement.

Si les antécédents héréditaires ne révèlent pas de folie

proprement dite chez les ascendants, il n'en reste pas

moins des conditions fâcheuses; l'àge disproportionné

du père et de la mère, les bizarreries et les extrava-

gances du grand-père maternel, l'émotivité et les goûts

singuliers de la mère, se traduisant de bonne heure,

chez le patient, par des impulsions au vol, et plus tard,

sans compter l'inversion de l'instinct sexuel, par cer-

taines dispositions d'esprit maladives, par le désir de

compter et de recompter plusieurs fois de suite les

fleurs, les lignes, les clous, les carrés, les petits détails,

en un mot, d'une tapisserie, d'un écran, d'un plafond,

d'une décoration quelconque. En outre, dès ]'âge de

quinze ans, les tendances névropathiques s'affirment

par des crises convulsives qui semblent tenir de l'hys-

INVERSION DU SENS GENITAL. 299

térie, quoique très favorablement amendées.par le bro-,

mure de potassium. On le voit, la perversion instinc-

tive qui nous occupe n'est qu'une manifestation saillante

d'un état psychopathique beaucoup plus profond.

Pour compléter les renseignements sur cette intéres-

sante observation, nous ajouterons que, depuis un an,

une amélioration très sensible s'est produite ; les atta-

ques, dont le retour se faisait rarement attendre un

mois, ont laissé entre elles un long espace de six mois,

du 22 janvier au 22 juillet 1882, et depuis cette der-

nière date il n'y a pas eu de nouvelle crise.

Une amélioration non moins remarquable a été obte-

nue pour les symptômes intellectuels. Après de nom-

breux efforts, M. X... est parvenu, non seulement à

substituer, par moments, l'image de la femme à celle

de l'homme, mais ses nuits ont été traversées par des

rêves voluptueux, ayant la femme pour objet, et, à

plusieurs reprises, il a pu tenter avec succès des appro-

ches sexuelles. L'obsession, elle-même, est devenue

plus rare, et M. X... en est arrivé aujourd'hui à former

des projets de mariage. Le traitement hydrothérapique

a été continué et, la médication polybromurée,

nous avons depuis six mois ajouté le lactate de zinc.

Dans les écrits de Casper, nous voyons signalée cette

anomalie de l'instinct sexuel, sans que l'auteur lui

attribue l'importance qu'elle mérite; toutefois, il fait

remarquer que cette disposition est innée'. Ce fait, sur

lequel Griesinger2 avait aussi attiré l'attention, est

' Csper. Uebsr Not)attcltt uttd p< ! e)'as<;e. (Casper's Vierteljahrs-

e/fr, 1, 1832). il

e Griesinger. Ueber eiîteii wenig Ge7.atuten 1)s ! jchopathischen zits-

1(iîi(l. (Arrti. fiir. psclt., 1, p. 651. Berlin, 1868).

300 PATHOLOGIE MENTALE.

capital, car une disposition native qui enchaîne la

volonté, poussant l'individu à des actes qu'il est im-

puissant à réprimer, doit nécessairement entraîner

l'irresponsabilité. Cette donnée est d'autant plus impor-

tante à vulgariser, quelles magistrats, les médecins

légistes qui ont eu à s'occuper d'attentats aux moeurs,

et sous les yeux desquels ont passé des individus

essentiellement vicieux, ont paru jusqu'ici peu disposés à

attribuer à la maladie la part qui lui en revient. Ainsi,

Tardieu, consacrant plus de cent pages aux affaires de

pédérastie et de sodomie, effleure à peine la question

de folie, et, à la fin de son travail, après avoir montré

le peu de valeur des excuses émanant des pédérastes :

« Il y aurait, dit-il, une attention plus sérieuse à don-

ner à l'état mental de certains individus convaincus de

pédérastie, et chez lesquels la perversion morale pour-

rait atteindre jusqu'à la folie. J'ai dit que l'affaiblisse-

ment des fonctions intellectuelles et des facultés affec-

tives pouvait être le dernier terme des habitudes

honteuses des pédérastes. Mais il ne faut pas confondre

cet état, en quelque sorte secondaire, avec les excès

de la débauche et les entraînements de la dépravation.

Quoique incompréhensibles, quelque contraires à la

nature et à la raison que puissent paraître les actes de

pédérastie, ils ne sauraient échapper ni à la responsa-

bilité de la conscience, ni à la juste sévérité des lois,

ni surtout au mépris des honnêtes gens'. »

On le voit, pour Tardieu la pédérastie tient du vice;

c'est avec une certaine hésitation que cet auteur dis-

tingué laisse une porte entre-baillée à la folie. Et

4

' Tardieu. Elude médico-légale sur les attentats aux zzzmtsrs, p. 2j9.

Pans 1873.

INVERSION DU SENS : loi

cependant, sans sortir de la question qui nous occupe,

nos dégénérés avec inversion de l'instinct sexuel, en

dehors des attouchements et de l'onanisme réciproque,

en arrivent parfois à la pédérastie.

L'étude de ces faits ne saurait donc être négligée,

puisque en dehors de l'intérêt clinique il s'agit d'éclai-

rer la justice et de défendre des irresponsables. Aussi,

est-ce avec la plus grande attention que devrait être

examiné l'état mental des inculpés, dès qu'apparaîtrait

quelque chose d'insolite dans les procès de ce genre.

Cet examen doit être fait avec d'autant plus de soin

que les aliénés, poussés à de tels actes, sont habituel-

lement des fous lucides, des individus mal équilibrés

chez lesquels les appétits et les instincts, dominant la

volonté, poussent irrésistiblement à la satisfaction des

besoins maladifs.

Casper', dans le procès du comte Cayus, n'avait pas,

ainsi que le fait remarquer Westphal, apprécié exac-

tement l'état mental du héros de cette affaire qui,

d'après l'observation même et les détails du procès,

était un faible d'esprit, un dégénéré. Mais il n'est pas

toujours facile de se rendre compte de l'état mental,

à en juger par le fameux Karl Heinrich Ulrichs, qui

avait écrit tout d'abord sous le pseudonyme de Numa

Numantius; on sait, en effet, qu'il a été longtemps

substitut, qu'il était très érudit, qu'il n'offrait aucune

apparence de désordre intellectuel. En dehors, en effet,

de sa perversion instinctive, qui, pour lui, était physio-

logique et non maladive, l'âme d'une femme se trou-

vant, disait-il, enveloppée dans le corps d'un homme,

Casper. llaiidbuch der gerichll naeclic., l3crlm, 1858. l31olog. l'heil,

p. 182..

302 PATHOLOGIE MENTALE.

rien dans ses relations ordinaires ne trahissait son

trouble mental '.

Pour notre malade également, dont on ne saurait

contester l'état névro-psychopathique, est-ce qu'il ne

passe pas aux yeux de tous pour un homme parfaite-

ment sain d'esprit ? L'on serait certainement mal venu

de dire à ses auditeurs que le professeur distingué

dont ils admirent chaque jour l'éloquence, la logique,

le jugement, n'est autre qu'un malade dont le cerveau

est torturé par les idées les plus étranges; qui, d'un

instant à l'autre, malgré lui, malgré tous ses efforts,

peut être poussé à la plus honteuse promiscuité. Au-

jourd'hui, il est amélioré, il est plus maître de lui;

mais ne peut-il pas encore survenir une aggravation,

sans que rien au dehors vienne trahir ce trouble inté-

rieur ?

Westphal, dans son excellent Mémoire sur cette

perversion instinctive, qu'il désigne du nom de sens

sexuel contraire ou contre nature (contrcire sexualemp-

findzlm), met en relief les principaux caractères de

cette disposition maladive'. Profitant des documents

fournis par Casper, Tardieu et Ulrichs, il rapproche les

récits, les écrits et les actes des hommes affectés d'in-

version de l'instinct sexuel, des observations qu'il a

faites auprès d'une fille de trente-cinq ans, dont il

donne l'histoire détaillée. Dans les deux sexes, les phé-

' Karl Heîuricli Ulriélts â puLliW une série de brochures, la première

eu 186't. Inclusa, sous le pseudonyme de Numa Numautius ; Formatrii-

Vinclkta et Ara spei, 1865; Glacliets fureus et Memmon, 1868; Incubus,

1869. '

' Westphal. - Die coutrtlre .seeualenzlynttlttztg. (Arch. f. psrlclt., lI,

p. 73 à 108. 1870.) 7ttr coalmircn icxualempfinduitg. Arch. f. psy,,h;

lid \'1. p. G30 t G21, 187G.) - OLsc·rvaUon d'un jcuue ltomme e viugt-

yuaVe ans tluntla perversion setuellc s'est nmntrée 1 lant ans.

INVERSION DU SENS GÉNITAL. 303

nomènes sont identiques et se déroulent de la même

manière.

Des cas assez nombreux ont déjà été publiés chez

'l'homme', les observations relatives à la femme sont

rares peut-être à cause de la facilité plus grande avec

laquelle celles-ci parviennent à cacher ce trouble ins-

tinctif. Toutefois, nous avons deux observations, celle

de Westphal et un cas de Gock chez une jeune fille de

vingt-huit ans, qui suffisent à donner une idée de cette

perversion sexuelle chez la femme ?

Dans les deux cas, nous voyons se développer de

très bonne heure l'inclination pour les 'filles : à huit

ans chez la malade de Westphal,- à douze ans chez

l'autre. M. X..., rappelons-le, avait eu, à six ans déjà,

une voluptueuse satisfaction à contempler l'homme nu.

Pour la plupart des malades, c'est une sorte de révé-

lation dès l'enfance ; ils se surprennent à avoir des sen-

1 Scbmiukc. EirttFall von contrarer sexualcmpftndung. (Arch. f.

psych.; l3tl. III, 1). 2 : i à 1872.)

Scltoltz. Bekeutnisse entes an perrerser ec/t/<'cAA'7';c/fMH/ /ce/

den. (1'terteljsclv. f. 13(1 XIX, p. 321 a 328, 1873.)

Servaes. Ziii- heiiitiltiss voit der cotttmtrer sexualempfindung (1'c/t.

psych., Bd. VI, p. 484 à 4J5, 1876.) Observation d'un homme de

trente-cinq ans et l'observation peu concluante d'une fille de seize ans

qui, ayant eu trois accès maniaques suivis de stupeur, ne conservait

aucun souvenir de la période d'excitation.

Vidal et Legrand du Saulle. (Aîi7z. me(, ! «'o-/Mvc/to ? V" série, t. XV,

li. 446, z Jeune homme de vingt ans, surpris un jour dans un urinoir

avec un vieillard, exhibant toutes leurs parties génitales.

Staïk. Ue6e, contrdre sexualempfttidung. (dlly. zlsch. f. psych.) Bd.

XXXIII, 209 à,2oG, 1877.) ... ' , ....

Tomassia Ariggio. Suit' irtcersione dell' titstlrtto sessitale. (Itiv. Syeint.

p. 97 a 3S7, 1878.) '

Julius Krur-'g. Peroerted sexuel mtstincts. (Braizt, p. 368 à 370,

octobre 1881. ])Ctlx observations, l'une d'un homme avec des détails

intéressants; l'autre très incomplète d'une femme de chambre de vingt-

cinq ans. ;| ^ , ' . j , i

' Gock.Bei7)'a : M<' Kenntniss der contrarer sexualempfindung. (AI-eh.

f. Bd. V ? 1) : i(i a 'i7li, 187 ? ) 1 .

30 re PATHOLOGIE MENTALE.

timents qu'ils ne comprennent pas : l'homme est porté

vers l'homme, la femme vers la femme, avant même

qu'ils aient pu subir l'influence d'une éducation vicieuse.

C'est là, comme dit Ulrichs, l'énigme de l'amour de

l'homme pour l'homme ; ce sont des sentiments per-

vers innés. Les deux filles aimaient également, dès

leurs premières années, les jeux des garçons; elles dési-

raient s'habiller en garçon, elles auraient voulu être

homme. Les regards de certaines filles les impression-

naient vivement; elles leur faisaient la cour, rougis-

saient auprès d'elles, éprouvaient une vive passion, et

aussi un sentiment de jalousie, si l'amie choisie prêtait

attention à une autre personne. Les caresses provo-

quaient chez elles une grande excitation qui s'accom-

pagnait de spasmes, de sécrétion des parties génitales.

Toutes deux avaient des rêves voluptueux rappelant

les jeunes filles aimées. '

Quand les désirs ne pouvaient pas être satisfaits,

quand il survenait des résistances ou des obstacles,

elles entraient dans de véritables accès de fureur, et

toutes deux étaient portées au suicide. Les hommes

n'avaient aucun attrait pour elles; l'une d'elles a refusé

plusieurs mariages; l'hymen existait chez l'une d'elles,

et probablement les deux n'avaient jamais eu de rela-

tions sexuelles. Dans les deux cas, le souvenir de la

jeune fille aimée poussait à l'onanisme. Le niveau

intellectuel était peu élevé chez les deux; elles appre-

naient difficilement à l'école, et plus tard elles étaient

chargées d'emplois subalternes. L'une d'elles avait

un bec-de-lièvre. Chez l'une, existaient des périodes

d'excitation et de dépression ; chez l'autre, des accès

mélancoliques. Ici encore, l'inversion de l'instinct

INVERSION DU SENS GENITAL. 305

sexuel est un syndrome enté sur un état psychopathique

plus étendu.

Krafft-Ebing, dans une étude fort intéressante sur

certaines perversions de l'instinct sexuel et sur les

actes dont elles s'accompagnent, passe en revue une

série de faits impulsifs qui, pour se présenter sous des

aspects différents, n'en ont pas moins les mêmes carac-

tères fondamentaux 1.

L'auteur arrive ensuite au sens sexuel contraire,

dont il fournit quelques observations et qu'il regarde

comme un symptôme lié à un degré plus ou moins

élevé de dégénérescence. Ayant, du reste, fait un relevé

des faits observés jusqu'à lui, il note que, treize fois

sur dix-sept cas, se montraient des troubles névro ou

psychopathiques ; c'est, on le voit, l'idée générale qui

ressort de toutes ces recherches.

A notre tour, pour compléter cette étude clinique et

pour bien montrer que la forme des obsessions ou des

impulsions ne modifie pas le fond même de la maladie,

nous allons présenter quelques observations de per-

versions sexuelles différentes de l'inversion du sens

génital. Ces faits mettront en saillie des phénomènes

tellement tranchés, qu'on pourrait croire à des formes

particulières de maladies mentales, tandis qu'ils cons-

tituent simplement quelques-unes des variétés séméiolo-

giques sous lesquelles peuvent se présenter les dégé-

nérés . ..

1 Krafft-Ebing. Ueber gestisse Anomalien des geschlcchtstriebs und

die K'h'HMe/t ? 0)'<')Me/<e Verwerthung derselben als eines wahrscheinlicla

functionellen degencrationszeichens des cecalralen nervensystems. (Arch. ? psych ; VU, 1877 : Coiiii,(Ii,e sexualempfindung, p. 305.)

Anctoves, t. IV. 20

306 PATHOLOGIE MENTALE.

Observation IL Mère hystérique ; migraine chez Le frère.

Habitudes d onanisme. A dix ans impulsions à laisser tomber

les objets des mains ; plus tard, il est poussé à regarder les

fesses des femmes, des petites filles et aitssi'l'aiiiis d un garçon

habillé, le garçon nu le laisse indifférent. Les tableaux repré-

sentant des femmes nues et des statues l'excitent. Tendances

mélancoliques. Idées de suicide.

- M. X..., médecin, âgé de trente-trois ans, en proie à une

profonde tristesse, vient, au mois d'octobre 1881, demander con-

seil à l'un de nous pour les phénomènes étranges qu'il éprouve.

Sa mère, atteinte d'hystérie, présente des attaques et despériodes

de vive excitation intellectuelle ; son père, mort à soixante-qua-

torze ans, était asthmatique; un de ses frères est migraineux ;

quant à lui, dès l'âge de dix ans, il a été l'obj et d'obsessions aux-

quelles il avait beaucoup de peine à résister ; c'est ainsi que

tenant un objet à la main, une assiette par exemple, il se sen-

tait poussé à la laisser tomber à terre. Pendant deux ans, il a

dû résister à cette disposition maladive qui, d'ailleurs, a fini

par disparaître. Il s'est de tout temps adonné à l'onanisme ; il

a fait des études médicales avec beaucoup de peine, non point

qu'il fût dénué d'intelligence, mais parce que le travail le fati-

guait promptement. Depuis huit ans surtout, il avait beaucoup

de difficulté à suivre une idée, à appliquer son esprit à l'étude ;

il lui semblait qu'il comprenait plus difficilement et que ses

conceptions étaient plus lentes. Vers cette époque, il a commencé

à éprouver des phénomènes étranges : quand il voyait une

femme, sa pensée se portait vers la région fessière et il ne

pouvait s'empêcher de regarder les fesses. Cette obsession

devenait plus pressante dès qu'il s'agissait de petites filles. Dans

les foules il se frottait contre les fesses des femmes; mais dès

que l'érection survenait, il s'empressait de s'éloigner et d'éviter

les groupes. Il fuyait et évitait les tableaux et les statues repré-

sentant les femmes nues, parce qu'ils réveillaient en lui les

idées obscènes qui lui sont désagréables.

Pendant toute l'année 1880, il ne pouvait voir un petit gar-

çon sans que ses yeux se portassent sur la partie inférieure

du dos et que l'idée de l'anus vint s'implanter dans son

esprit. Il en était très malheureux, car il n'a jamais eu de

tendance à la pédérastie, et ses rapports sexuels ont toujours

été normaux. Il est bon dénoter que l'enfant t l'état de nudité

INVERSION DU SENS GENITAL. 307 ï

le laisse indifférent et qu'à l'amphithéâtre et dans les salles de

dissection, il n'avait aucune idée bizarre. Depuis un an, il offre

des alternatives d'excitation et de dépression, et parfois sur-

viennent des idées de suicide ; il voudrait, dit-il, se brûler la

cervelle.

Le fait saillant est assurément l'obsession singulière

qui dirige le regard du patient vers la région fessière

des femmes, et qui le pousse à la recherche de l'anus

d'un petit garçon habillé, le garçon nu ne l'impres-

sionnant pas. Ici encore ce syndrome n'est qu'un épi-

sode d'un état maladif qui prend sa source dans l'hé-

rédité, et qui offre d'autres impulsions, une émotivité

extrême, des tendances mélancoliques et des idées de

suicide, disposition dépressive qui persiste en dehors

des idées obsédantes. C'est donc toujours le même

état psychopathique avec des couleurs différentes dans

les manifestations.

Nous devons l'observation suivante à l'obligeance

de notre excellent confrère M. Blanche, qui a bien

voulu la détacher de sa riche collection pour nous

permettre de la joindre à notre étude.

Observation III. Hérédité névropalhique. Convulsions

dans l'enfance ; à six ans obsession pour la recherche des clous

des souliers des femmes ; exaltation ; création d'histoires fait-

lastiques ayant pour objet des clous; spasmes, érection et

éjaculalion au souvenir de ces histoires et aussi au contact

des clous. Accidents hystériques; idées hypochondria-

ques ; hallucinations. Phimosis et conformation vicieuse de

la verge.

M. X..., âgé de trente-quatre ans, marié, est né d'un père et

d'une mère qui avaient tous deux un tempérament excessive-

ment nerveux; sa mère principalement, qui vit encore, et qui

est âgée de soixante-douze ans, a toujours été et est encore,

308 PATHOLOGIE MENTALE.

aujourd'hui, dans un état presque permanent de surexcitation

nerveuse et mentale. *

Dans sa première enfance, M. X... a eu des convulsions très

violentes auxquelles il a failli succomber. D'une intelligence

extrêmement précoce, il savait lire à trois ans ; mais d'un autre

côté, il ne marchait pas encore, et ses forces physiques étaient

bien en retard sur ses facultés intellectuelles.

Il avait aussi déjà une grande exaltation cérébrale, et c'est à

cette époque que remonte le début de la névrose dont il est

atteint, et dont il n'a jamais cessé, depuis, d'être tour-

menté.

Vers l'âge de six ou sept ans, M. X... était déjà poussé par

un instinct irrésistible à regarder les pieds des femmes pour

voir s'il n'y avait pas de clous à leurs souliers ; lorsqu'il y en

avait, la vue de ces clous lui produisait dans tout son être

un bonheur indéfinissable. Deux jeunes filles, ses parentes,

logeaient dans sa famille; il se rendait dans l'endroit où leurs

souliers étaient déposés ; il s'en emparait d'une main fiévreuse

et frissonnante; il touchait les clous, il les comptait, il ne pou-

vait pas en détacher ses regards, et le soir, dans son lit, il

reportait sa pensée, alternativement, sur l'une ou l'autre de

ces jeunes filles, et il lui faisait jouer un rôle fantastique qu'il

imaginait; il voyait sa mère la conduire chez le cordonnier, il

l'entendait commander de garnir de clous les souliers de sa

fille, il voyait le cordonnier poser les clous et remettre les

souliers à la jeune fille; puis, il cherchait à se rendre compte

des sensations que celle-ci éprouvait en marchant avec ses

souliers à clous; enfin, il infligeait à la jeune fille les tortures

les plus cruelles, il lui clouait des fers sous les pieds, comme

l'on fait aux chevaux, ou bien il lui coupait les pieds, et en

même temps il se masturbait ; mais ce n'était pas seulement

pour se procurer la jouissance matérielle qu'on y trouve ;

c'était plutôt pour servir d'accompagnement à l'histoire fantas-

tique qui charmait son imagination.

Ces faits se reproduisaient assez fréquemment. M. X... ne

tentait aucun effort pour les empêcher ou les éloigner; il savou-

rait, sans remords, le plaisir sensuel qu'il en retirait; il était

encore un enfant, et il ne comprenait pas la portée des actes

auxquels il se livrait.

On le mit de bonne heure en pension ; ne voyant que très

peu de femmes, il y fut moins surexcité; il réfléchit, il s'exa a

INVERSION DU SENS GÉNITAL. 309.

mina, et il pensa, par intuition, qu'il pouvait y avoir là un

mal moral et une habitude dangereuse.

Il résolut alors énergiquement d'y mettre un terme; la lutte

fut opiniâtre, mais elle n'aboutit qu'à rendre les crises plus

rares ; il avait à soutenir des assauts terribles : la tête en feu,

les membres raidis, les dents serrées, les poings fermés, il

cherchait tous les moyens de calmer ses sens ; puis, à cet état

violent succédait, tout à coup, une prostration complète, il

était comme anéanti, et il n'avait plus ni volonté, ni résis-

tance.

Survint une nouvelle aggravation. Les accidents, qui ne se

manifestaient que la nuit et dans le lit, se produisirent pen-

dant le jour; alors qu'il était le plus appliqué au travail, et

qu'il espérait y trouver une diversion salutaire, il se sentait

envahi par une force supérieure à sa volonté ; une de ces his-

toires fantastiques dont il a été déjà question, lui revenait à

l'esprit, malgré lui, phrase par phrase; et en même temps,

arrivait une érection, qui aboutissait bientôt à une éjaculation,

sans qu'il portât la main à la verge pour y aider, car, au con-

traire, il aurait voulu que l'éjaculation n'eût pas lieu, parce

'qu'elle l'empêchait de continuer et de finir son histoire, et

qu'il préférait de beaucoup le plaisir qu'il ressentait de l'his-

toire, à celui que l'éjaculation lui procurait.

Cet état ne subit pas de variations notables pendant que

M. X... fut en pension.

Pendant les vacances, le mal augmentait, parce que M. X...

se retrouvait nécessairement en compagnie de femmes, et il

augmenta plus encore pendant un séjour de quinze mois que

M. X... fit à la campagne, chez une de ses parentes, après

avoir terminé ses études : il voyait souvent deux jeunes filles,

ses cousines, qui habitaient dans le voisinage, et il passa ces

quinze mois dans un état incessant de surexcitation : lorsqu'il

était seul dans le jardin, assis sur un banc, il se racontait à

lui-même une de ces histoires fantastiques, dont les deux

jeunes filles étaient naturellement devenues les héroïnes du

moment; en même temps qu'il se racontait une histoire, iL

pressait sur sa verge à travers son pantalon, et il éjaculait, si

l'histoire durait assez de temps pour que le but de la mastur-

bation fût atteint ; mais si son histoire était finie avant que

l'éjaculation ait eu lieu, il s'en tenait là, et cessait de se mas-

turber; le lendemain et les jours suivants, il recommençait,

310 PATHOLOGIE MENTALE.

en ayant soin de s'arrêter dès qu'il sentait que l'écoulement du

sperme allait arriver. D'un autre côté, quand il était avec les

jeunes filles, il cherchait à voir les clous de leurs souliers. Une

d'elles s'en étant aperçue, et sans que M. X... lui eût rien dit,

ne manquait jamais, surtout lorsqu'elle avait des souliers

neufs, de passer son pied sur le sien, en appuyant légèrement,

de manière à lui faire sentir les clous. Ce contact amenait

immédiatement une éjaculation occasionnée non pas par l'im-

pression de la femme, mais par celle des clous. Plusieurs fois

même, il lui est arrivé de prendre les souliers des jeunes filles

dans l'endroit où ils étaient déposés, et il lui suffisait de poser

l'extrémité de sa verge sur les clous, pour que, sans aucune

pression de la main, l'éjaculation eût lieu 'aussitôt.

A l'âge de dix-huit ans, M. X... vint à Paris pour y étudier

le droit; il vivait chez ses parents. Pendant son séjour à la

campagne, il n'avait pas fait d'efforts pour résister à ses en-

traînements, mais dès son arrivée à Paris, il avait pris la réso-

lution de recommencer la lutte qu'il avait déjà entreprise

vainement, à l'époque où il avait été mis en pension. Il ne

réussit qu'à éloigner les accès; il s'estimait heureux quand il y

échappait pendant deux semaines ; mais la résistance n'était'

jamais plus longue, et quand elle s'affaiblissait, il se retournait

instinctivement dans la rue pour écouter marcher les femmes;

il avait acquis sur ce point une telle finesse d'ouïe, qu'il se

trompait rarement sur celles qui avaient des clous à leurs

souliers; alors, tout son corps était agité par un frémissement

voluptueux, de même que lorsqu'en passant devant des bou-

tiques de cordonniers, il voyait mettre des clous à des chaus-

sures de femmes, ou même qu'il voyait exposées des chaus-

sures de femmes, garnies de clous.

M. X... n'eut de trêve que deux fois : à l'époque où il était

amoureux déjeunes filles qu'il voulait épouser. Quoique éper-

dument amoureux, et prenant même certaines privautés qui

n'étaient pas repoussées, il était maître de lui, et ne satisfai-

sait pas ses désirs ; mais l'amour ayant disparu en même temps

que les projets de mariage qui n'avaient pas eu de suite, il

retomba sous l'empire de ses idées; il se remit à se raconter

ses histoires, dans lesquelles les deux jeunes filles avaient le

principal rôle, et il se livra, de nouveau avec fureur, à ses

pratiques de masturbation.

Plusieurs années se passèrent ainsi. Cependant et peut-être

INVERSION DU SENS GÉNITAL. 311 i

avec quelque espoir de soulagement à ses souffrances, M. X...

se maria, et durant les premiers mois qui suivirent son ma-

riage, il y eut pour la troisième fois une trêve dans les acci-

dents, mais elle fut de courte durée.

Vers 1868, des modifications notables se produisirent dans

son état et, depuis, cet état est resté à peu près le même.

A la vue des objets qui les provoquaient autrefois, les érec-

tions n'existent presque plus; et, par contre, les spasmes ner-

veux qui lui donnent, sans l'aide de la masturbation, le plaisir

qu'il recherche, ont accru d'intensité. M. X... éprouve, en tout

temps, une douleur vague au sommet de la tête ; il lui semble

que cette partie du crâne est moins épaisse que le reste, et

qu'elle n'a que la consistance d'un cartilage ; cependant, c'est

précisément cette portion de la paroi crânienne qui lui parait

exercer une compression sur son cerveau, et il lui arrive sou-

vent de saisir-ses cheveux et de les tirer de toutes ses forces à

cet endroit pour soulever cette région du crâne, et faire cesser

la compression ; la douleur y est, par moments, très violente.

C'est là que commence le spasme, lorsque M. X... est en pré-

sence des objets qui le produisent : son cerveau semble entrer

en ébullition et vouloir soulever le crâne ; de là, la sensation

descend par la nuque, suit la colonne vertébrale, et se répand

dans les bras et dans les jambes, semblable à une secousse

électrique; en même temps, sa gorge se serre, sa poitrine se

contracte et d'après ce qu'on lui a dit, son visage s'anime, ses

regards s'allument d'un l'eu étrange, et sa physionomie prend

une expression de stupidité sensuelle. Il éprouve un frémisse-

ment intérieur dans la verge, mais il n'y a pas d'érection, et

s'il appuie sa main sur son bas-ventre, il arrive, par une légère

pression, à augmenter l'intensité du spasme, et à en prolonger

la durée. Cette intensité n'est d'ailleurs pas toujours la même,

elle varie suivant les circonstances : elle est moindre, par

exemple, si M. X..., causant avec un cordonnier, celui-ci lui

parle, d'une manière générale, des clous que l'on met aux

chaussures de femmes ; elle est plus forte s'il est question de

femmes qu'il connaît, ou, si au lieu de dire : mettre des clous

ci des bottines de femmes, le cordonnier dit : ferrer des bottines

de femmes, et mieux encore ferrer des femmes; l'intensité

augmente aussi graduellement si M. X..., après avoir vu les

chaussures dans la boutique du cordonnier, les voit aux pieds

d'une femme, s'il y a beaucoup de clous, et si les clous sont

319 PATHOLOGIE MENTALE.

gros, s'ils sont posés à des souliers, plutôt qu'à des bottines, et

si la femme qui les porte est jeune, jolie et élégante. L'im-

pression est parfois telle, qu'il est sur le point de s'évanouir,

ou bien il est pris d'un rire nerveux et incoercible, qui dure

plusieurs minutes.

M. X... se procure encore ses spasmes en se faisant mettre

à ses propres chaussures des clous qu'il garde pendant quelques

heures, et qu'il enlève ensuite pour les poser sur des morceaux

de carton qu'il découpe, en leur donnant la forme de la semelle

d'une bottine de femme, et surtout d'une femme qu'il a remar-

quée ; il lui est arrivé aussi d'acheter des souliers de femmes,

d'y faire mettre des clous devant lui, et de les emporter; puis,

quand il était seul, il touchait ces clous, il écoutait le bruit

qu'ils faisaient, en les posant par terre; enfin, il les approchait

de l'extrémité de sa verge, ce qui déterminait presque toujours

une éjaculation.

En dehors de ces crises spasmodiques, M. X... est sujet à

d'autres accidents, qui se rapprochent de ceux déjà connus;

c'est surtout quand il est plongé dans un travail absorbant, la

tête dans les mains, méditant profondément sur une affaire :

tout à coup, ses idées se présentent à son imagination ; il tâche

de les chasser; elles le harcellent comme des furies; alors, il

sent comme un voile s'étendre sur son intelligence et y faire

la nuit; ses yeux s'appesantissent, il se raconte à demi-voix

une de ces histoires fantastiques, et en même temps, il se livre

à la masturbation, soit directement avec la main, soit en ser-

rant sa verge entre ses cuisses, ou en la renversant sur sa

chaise, et en la comprimant de tout le poids de son corps.

La santé générale de M. X... a longtemps résisté, mais depuis

un an, elle s'est affaiblie et altérée. Après chaque crise, M. X...

est le plus souvent envahi par un sommeil irrésistible; et d'un

autre côté, il dort mal la nuit; il a de fréquentes et longues

insomnies; il est sujet à des douleurs très violentes à la nuque,

surtout à la suite d'un spasme avec ou sans masturbation ; il

sent comme des marteaux frappant à coups redoublés pour

repousser le crâne, de dedans et de dehors ; ces douleurs durent t

quelques heures ; rien n'a encore pu les calmer; sa tête est

entraînée en arrière, et il a besoin de l'appuyer pour la sou-

tenir. Depuis quoique temps, il a des engourdissements et des

fourmillements dans les membres inférieurs; les jambes lui

semblent lourdes ; il est encore bon marcheur, mais il a de la

INVERSION DU SENS GENITAL. 313

peine à monter; il est souvent tourmenté par la soif, il doit

boire de grandes quantités d'eau ; il souffre aussi de granu-

lations pharyngiennes. Les accidents qu'éprouve M. X... sont

plus ou moins intenses, suivant les saisons : les mois de juin,

juillet et août lui sont habituellement funestes ; il est plus

calme pendant les saisons tempérées, et aussi pendant l'hiver,

sauf les jours où les clous de chaussures de femmes laissent

leur empreinte sur la neige, ou sur la terre détrempée par de

grandes pluies.

Pour compléter ce tableau, il reste à faire connaître M. X...

au point de vue psychologique : M. X... est non seulement un

homme intelligent, mais de plus il est très instruit en toute

sorte de matières; il a la passion de l'étude; dans l'adminis-

tration à laquelle il est attaché, il est considéré comme un em-

ployé très capable, très assidu, et il est chargé de rapports très

importants et très délicats dont il s'acquitte d'une façon remar-

quable ; aussi ses services sont-ils très appréciés. En même

temps qu'il a une grande puissance de travail, il a une imagi-

nation très exaltée ; il ressent très vivement les peines et les

contrariétés, comme aussi les joies et les plaisirs. La surexci-

tation cérébrale va même parfois jusqu'à produire des illusions

des sens, et presque des hallucinations. C'est surtout dans les

moments où i) lutte contre ses pensées, et contre les entraînements

qui les accompagnent ; il lui semble alors qu'un second être

lui est juxtaposé et lui fait entendre, par des paroles qui lui

retentissent dans le cerveau, que la résistance est inutile.

Quand il a succombé, et que, désespéré, il prend la résolution

énergique de ne plus céder, il croit entendre, toujours dans

son cerveau, comme une voix qui lui fixe le jour où il cédera

de nouveau. Cette voix, qui lui semble être celle d'un être qui

lui est étranger, et non l'écho de sa pensée à lui-même, il l'a

entendue aussi pendant les intervalles les plus longs de calme

qu'il ait eus, lorsqu'il était amoureux et avait le projet de se

marier ; et plus tard, pendant les trois premiers mois de son

mariage, et c'était aussi pour lui indiquer le jour où il

succomberait. Lorsque ce jour approche, M. X... redouble de

précaution pour éviter tout ce qui pourrait aider à sa chute; il

y met de l'amour-propre ; c'est comme un duel entre l'être

étranger et lui ; mais le jour arrivé, une sensation de langueur

s'empare de toute sa personne, son intelligence s'obscurcit, et

la crise ne peut être évitée.

3 I · PATHOLOGIE MENTALE.

lI. 1... est affecté de phimosis ; chez lui, le prépuce dépasse

de plusieurs centimètres le gland, qui n'est jamais, même

partiellement découvert ; la verge est courte et très renflée

vers sa racine, ce qui est encore un autre défaut de conformation.

La turgescence de la verge n'a pas lieu sous la forme habituelle

de l'érection ; la verge ne s'allonge pas et se renfle seulement

- du côté de la racine; d'où il résulte que le coït est impossible

à pratiquer dans les conditions normales.

Cet individu, fasciné par les clous d'une semelle de

soulier de femme, s'était masturbé à la porte d'un cor-

donnier, et avait été mis en prison sous l'inculpation

d'outrage public à la pudeur. Le rapport de M. Bilan-

che a été suivi d'une ordonnance de non-lieu.

L'étrange perversion sexuelle qui a débuté à six

ans, est le phénomène saillant de cette observation ;

mais ce n'est là qu'un épisode d'un état maladif, que

démontrent les antécédents héréditaires, les accidents

hystériques, les idées hypochondriaques, les hallucina-

tions et les signes physiques de dégénérescence.

Observation IV. Famille d'excentriques : père halluciné,

s'essuye le visage avec une peau de lapin; soeur refusant

longtemps le mariage, veut un jour épouser un comédien vieux

et laid; frère mal équilibre. L..., à cinq ans, érection

devant un bonnet de nuit, une coiffe. Plus lard éjaculalion au

contact du bonnet de nuit. Frigidité ci la première nuit

des noces; devoirs conjugaux remplis à l'évocation de l'i-

mage d'une tête de vieille femme ridée couverte d'un bonnet

de nuit. no</<;e; crainte des lieux élevés, idées znélm7co-

liques, tendance au suicide.

M. L..., âgé de trente-sept ans, d'une bonne constitution,

est issu d'une famille d'excentriques. Le père, fort original, très

extravagant, très irrégulier dans ses habitudes, mange à toute

heure du jour, fait jusqu'à cinq repas, passe souvent ses. nuits

à lire des romans ou des journaux; parle avec vivacité, crie

dans ses discussions, et se fait souvent remarquer par des sin-

INVERSION DU SENS GÉNITAL. 313

gularités, c'est ainsi qu'il s'essuye la figure avec une peau de

lapin. A plusieurs reprises et à des époques différentes, il a eu

des hallucinations pénibles la nuit, sans que l'on ait pu les

attribuer à l'alcoolisme. La soeur du malade, âgée de trente-

huit ans, demeure avec le père, elle n'a jamais eu de disposi-

tion pour le mariage, elle a refusé deux partis fort convenables,

et un jour étant allée au théâtre, elle a témoigné le désir

d'épouser un acteur vieux et très laid qu'elle avait vu jouer,

mais qu'elle ne connaissait pas autrement. Un frère, âgé de

trente-deux ans, d'une santé physique excellente, est resté

rebelle à toute discipline, a fait des études très incomplètes,

après avoir essayé vainement de plusieurs métiers, a fini par

se faire cocher et a épousé la cuisinière. M. L... était studieux,

mais il apprenait avec difficulté. N'ayant pas acquis l'instruc-

tion suffisante pour embrasser une profession libérale, il se fit

d'abord tapissier, puis imprimeur, plus tard coiffeur, pour

devenir enfin clerc d'huissier, clerc de notaire et commis dans

une maison de commerce. De tout temps, il a eu la fantaisie

d'acheter des bibelots, des objets d'art, et pour satisfaire ses

goûts, il se privait des choses les plus indispensables et faisait

des économies sur la nourriture et sur les vêtements. Il est

d'une timidité extrême, il se trouble et balbutie devant les

clients, il est incapable d'écrire devant ses parents ; dès qu'on

l'observe, il ne peut plus former les lettres et trace des carac-

tères illisibles. A l'âge de cinq ans, ayant couché pendant cinq

mois dans le même lit qu'un parent âgé d'une trentaine d'an-

nées, il éprouva pour la première fois un phénomène singu-

lier, c'était une excitation génitale et l'érection, dès qu'il aper-

cevait son compagnon de lit se coiffer d'un bonnet de nuit.

Vers cette même époque, il avait l'occasion de voir se désha-

biller une vieille servante, et dès que celle-ci mettait sur sa

tête une coiffe de nuit, il se sentait très excité et l'érection se

produisait immédiatement. Plus tard l'idée seule d'une tète do

vieille femme ridée et laide, mais coiffée d'un bonnet de nuit,

provoquait l'orgasme génital. La vue du bonnet de nuit seul

n'exerce que peu d'influence, mais le contact d'un bonnet de

nuit provoque l'érection et parfois l'éjaculation. Par contre, il

se souvient qu'à sept ans il était resté absolument réfractairc

aux tentatives de masturbation faites sur lui par un de ses

camarades d'école. Il n'a,jamais recherché les rapports anor-

maux ; il affirme que la vue d'un homme ou d'une femme nus

3111 G PATHOLOGIE MENTALE.

le laisse absolument froid. Jusqu'à trente-deux ans, époque de

son mariage, il n'aurait pas eu de relations sexuelles; il épouse

une demoiselle de vingt-quatre ans, jolie et pour laquelle il

éprouvait une vive affection. La première nuit des noces, il reste

impuissant à côté de sa jeune femme; le lendemain la situa-

tion était la même lorsque, désespéré, il évoque l'image de la

vieille femme ridée, couverte du bonnet de nuit; le résultat ne

se fait pas attendre, il peut immédiatement remplir ses devoirs

conjugaux. Depuis cinq ans qu'il est marié, il en est réduit au

même expédient, il reste impuissant jusqu'au moment où le

souvenir rappelle l'image favorite. Il déplore cette singulière

situation qui le force, dit-il, à la profanation de sa femme.

Quelquefois, mais à de très rares intervalles, il a des halluci-

nations la nuit, celles-ci ont déjà fait leur apparition à l'âge de

dix ans et il en a eu encore l'année dernière : il voit plus habi-

tuellement une bête noire qui veut le saisir au cou. Dès son

enfance, il a eu également/les accès passagers de profonde tris-

tesse avec des idées de suicide, plus particulièrement de sub-

mersion et de pendaison ; il a songé aussi quelquefois à s'em-

poisonner ; mais il n'a pas le courage, dit-il, de le faire; il

hésite aussi à cause de l'affection qu'il éprouve pour sa femme.

Il éprouve également des craintes vives quand il monte sur

l'impériale d'un omnibus ; il est pris de vertiges et de nausées,

il se voit très élevé, il s'imagine n'avoir rien pour se soutenir

et il lui semble qu'il va tomber. Il ne peut, sans de grandes

appréhensions, regarder par la fenêtre d'un troisième ou d'un

quatrième étage. (En passant à côté d'une maison élevée, il

craint qu'elle ne s'écroule sur lui.

Chez ce malade, véritable héréditaire, les troubles

psychopathiques sont nombreux. Dès l'âge de cinq

ans, sans nulle préparation, passivement en quelque

sorte, L... est envahi par l'idée maladive et devient

l'esclave de l'obsession la plus étrange; le bonnet de

nuit à partir de ce jour, va peser sur toute son exis-

tence. Qui peut se douter d'une situation aussi pro-

fondément triste, en dehors du malade et du médecin,

à qui il fait ses confidences ? Et cependant que de

symptômes révèlent chez cet homme la prédisposition

INVERSION DU SENS GÉNITAL. 317

morbide qu'il tient de ses parents : hallucinations, ob-

sessions de toute nature, impulsions, craintes imagi-

naires, émotivité extrême, tendances mélancoliques,

idées de suicide ; rien n'y manque. A un examen super-

ficiel, cet homme ressemble à tous les autres, il vit de

la vie commune, tandis qu'au contraire tout est chez

lui lutte, artifice et contrainte; chaque minute voit

naître un motif nouveau d'angoisse et de perplexité.

Voilà l'état maladif. Comment pourrait-on le soup-

çonner si, partant de l'étude des facultés de l'âme, on

s'en tenait aux simples spéculations psychologiques ?

Observation V. /A'' ? 'e'6e morbide coizvei-ge7îte.- Intelligence

mal équilibrée; conformation vicieuse du crâne ; à quinze ans

obsession impulsive le poussant ci voler des tabliers blancs pour

se masturber ; rêves de tabliers blancs ; quelquefois couche avec

le tablier blanc ; trois condamnations pour vol de tabliers

blancs ; ordonnance de non-lieu pour le dernier vol. Dé-

pression mélancolique; tendances au suicide.

C... (Auguste), journalier, àgéde trente sept-ans, entrepour

la seconde fois à Sainte-Anne le 3t novembre 1881. Il offre

une double hérédité morbide, son père alcoolique est mort

d'une cirrhose hépatique; son oncle paternel est mort aliéné

à l'asile de Pontorson. La mère et la soeur nerveuses, irritables,

sont toutes deux portées à la mélancolie. Un frère faible d'es-

prit a eu à vingt ans un accès maniaque. Lui-même, dont le

niveau intellectuel est peu élevé ctles facultés mal équilibrées,

présente des signes physiques de dégénérescence; son crâne

est mal conformé; la bosse frontale droite et la bosse tempo-

rale gauche sont plus saillantes, le front est fuyant, et l'en-

semble présente un notable degré de plagiocéphalie. A treize

ans et demi, il aurait eu une fièvre typhoïde; il est allé à l'é-

cole, il a appris à lire et à écrire, mais il a été peu appliqué et

toujours irrégulier dans son travail et sa conduite. A quinze

ans, il aperçoit flottant au soleil, un tablier qui séchait,

éblouissant de blancheur, il approche, s'en empare, serre les

cordons autour de sa taille et s'éloigne pour aller se masturber

au contact du tablier derrière une haie.

318 PATHOLOGIE MENTAL) ?

Depuis ce jour, les tabliers l'attirent, il ne peut s'empêcher

de les prendre, s'en sert pour pratiqucrl'onanisme, puis le re-

place dans le lieu où il l'a pris, ou bien il le jette ou le laisse

chez lui dans un coin. Quand il aperçoit un homme ou une

femme avec un tablier blanc, il les suit, ne tenant aucun compte

du sexe, le tablier seul offrant tout l'attrait.

En 1861, les parents voulant mettre un terme aux vols de

tabliers, le font engager dans la marine ; il avait alors seize

ans. A bord du navire, ne voyant plus de tabliers, il se calme

et son esprit reste en repos : « Je n'y pensais pas, dit-il, je n'en

voyais pas. » Rentré en France en 18GN, il passe deux mois de

congé à Pontorson; la vue des tabliers le pousse de nouveau

à s'en emparer et à se livrer à l'onanisme. Souvent il ferme les

yeux et éprouve une très vive satisfaction à se représenter le

tablier blanc, flottant, tel qu'il lui était apparu la première

fois. La nuit il rêve aux tabliers blancs. Il est poussé à prendre

les tabliers et non autre chose ; il y aurait eu, dit-il, cent francs,

mille francs, à côté du tablier qu'il se serait uniquement em-

paré de celui-ci et non de l'argent.

En 18G5, pendant un congé de quinze jours, il est arrêté par

la police pour vol d'un tablier blanc. Devant le tribunal, il ra-

conte ses obsessions, ses impulsions, mais on rit, il n'est pas

écouté et se voit condamner à huit jours de prison. Quelques

années après, à Cherbourg, étant sur le cuirassé ? Ua/<7c,

pendant une permission de vingt-quatre heures, il vole un

tablier qui sèche au soleil; surpris en flagrant délit, il s'enfuit,

se cache, ne rentre à bord qu'au bout de neuf jours. Il raconte

ce qui lui est arrivé, il insiste en affirmant que c'est la vérité,

le conseil de guerre se montre, dit-il, indulgent, laisse de côté

la désertion et ne le condamne qu'à un mois de prison. A lto-

chefort, étant sur la canonière la Comète, en 1870, il obtient

une permission de vingt-quatre heures. Il flânait dans les rues,

lorsque passant devant la porte d'un pâtissier, il aperçoit dans

une armoire une pile de tabliers blancs, très propres et bien

pliés. La boutique étant surveillée, il n'ose pas y entrer. Il

guette dans la rue, sombre, triste, attentif à ce qui se passe,

ne perdant pas l'armoire de vue et poursuivi par l'ardent désir

de s'emparer de ces tabliers. Les heures s'écoulent, la nuit

arrive, il ne quitte point son poste; enfin la boutique se ferme;

lorsque les lumières sont éteintes, que tout bruit a cessé, il

escalade un mur, descend dans une cour, pénètre dans la bou-

INVERSION DU SENS UHMTAL. 319

tique, met la main sur les tabliers et au moment où il se retire

il renverse un meuble, dont le bruit attire l'attention ; on

accourt, on l'arrête tenant son tablier.

Devant le conseil de guerre, l'avocat réclame une enquête

médico-légale, on refuse, il est condamné à un an de prison.

Après avoir subi sa peine, il veut fuir les tabliers et s'engage

sur un transatlantique, où il passe près de deux ans. Au retour

il est triste, découragé, se sent impuissant à résister aux obses-

sions et pour échapper à de nouveaux malheurs, il forme le

projet d'entrer au couvent de la Trappe. On l'admet après de

pressantes démarches. Très fervent au début, il embrasse avec

joie la vie monastique : il se lève à deux heures du matin;

s'inflige la discipline, se frotte le corps avec des orties, s'en-

fonce des épines sous la peau, et malgré ce dur régime, jouit

d'un repos relatif, n'étant plus obligé de lutter contre ses

obsessions. Cependant au bout de trois ans, son zèle religieux

commençant à fléchir, il quitte le couvent et pendant quatre

ans, de 1876 à 1880, il se place dans des pensions ou des col-

lèges, comme garçon de table ou de dortoir, et peu à peu re-

prend ses anciennes habitudes, dérobant tantôt un tablier

blanc, d'autres fois en achetant et reprenant avec eux ses pra-

tiques d'onanisme ; il couchait même quelquefois avec un

tablier blanc. En avril 1880, il quitte sa place, passe sa jour-

née au cabaret, et le soir il est arrêté à Bercy escaladant un

mur pour s'introduire dans une maison. Une perquisition faite

chez lui amène la découverte d'une collection de tabliers

blancs maculés de sperme. Cette fois une enquête médico-

légale est suivie d'une ordonnance do non-lieu et il entre à

Sainte-Anne le 23 mai 1880.

Au bout d'un an de séjour, il est rendu à la liberté; mais il

est triste, sombre, découragé, devient irritable, et forme par-

fois des projets de suicide. Eu six mois, il fait cinq places, et

après une période de dépression avec idées mélancoliques il

est ramené à l'asile. Il raconte qu'il n'a plus dérobé de tabliers,

mais qu'ayant eu des relations avec une femme, il avait eu

recours au souvenir du tablier blanc et qu'il l'avait évoqué

aussi en se livrant à l'onanisme.

L'obsession chez ce malade atteint un tel degré d'in-

tensité que non seulement il se soumet volontairement

à une faction des plus prolongées, mais ne craint pas

320 PATHOLOGIE MENTALE.

dc's'exposer à de' grands'dangers pour aboutir à quoi ?

àjlaiiconquôte) dunntablier ? blanc'.t`'Il subit plusieurs

condamnations;, mais impuissant'à dominer ses désirs,

il.essayeoc>,esmoyens' héroïqites : voyages en mer, puis

refuge», dans ? un couvent`llais à- 'peine touChe=t=ill à

ter,re,'>qu'.il .recommence1 ; .à'peine' est-il sorti ''du cloître

qu ? ts;empresse,la'ach'eternou de' voter des" 'tabliers

bjancs, C'es)j)à. ! une fatalité poursuivant ce malheureux

et) pesant .de toute sa force sur'son existence. Ici, ce'

n'est encore qu'un phénomène morbide saillant, s'asso-

mélancoliques sur'un sujet enta-

ché de dégénérescence. ,,

i m .nOi i iln I ')' '

Ces i quatre cas "de perversion de l'instinct génital sont

suffisants pour/démontrer que ces délires multiples

ne sont que des épisodes variés de la même maladie ;

chez-tous ces malades l'hérédité fait sentir son in-

fluence'. ,

tn. i .,(. ')'' nlrt ! . . ''

t,\o4 ^appelons encore les deux observations suivantes de perversion

]le; 1 gIl it ? Dans le premier- cas, il s'agit d'une fille de vingt-

]ici] mct'p .est hysléro-épileptique, et dont le père metancu-

1. [(Ill(" çs n).0t't, : i la suite d'accidents cérébraux aigus. Laissant de coté

les autres tlésprdre$I2scliopatl,iclues, arrêtons-nous aux troubles sexuels.

i^pçpuisjiuit ans, elle est sous le coup d'impulsions nymphomaniaqucs

(1,11 Il particulière : elle éprouve un besoin irrésistible de cohabi-

,ai oli anïc c uy de ses jeunes neveux. Elle a cinq neveux dont l'aîné est : li;yçIwizq,lys.,C'est"Ini qui a été l'objet de ses premiers désirs, sa

vue, . lailt lait ( 1 Il,), état d'excitation extrême, elle éprouvait des sensa-

tions voluptueuses qu'elle était impuissante à réprimer, qui s'accompa-

gndient (Je,.soupirs, d'inclinaisons de tète, de déviations des jeux, de

rougeur dc'ja lace, quelquefois de spasme et de sécrétions vaginales ; elle

se sentait poussée il le suivre et à l'approcher d'elle. Plus tard, quand

il acrandi et L la naissance du second frère, c'est ce dernier qui est de-

venu l'objet fia ses, convoitises maladives, puis enfin le troisième, le

quatrième ^et actuellement c'est le dernier venu âge de trois ans dont

son,esyltsttpr,uccupH. Elle se sent poussée à l'attirer près d'elle.

Parfois 'eue le voit un debout, elle croit même l'entendre ; parfois elle

croi6'iiiyjpdtiy,yctS;accoynlil ; à table, en public, elle se voit décou-

verte,* é;fyV ,4,1 ? 1, lwsur, elle ; dans cette hallucination, elle n'aperçoit

pas' 1 inuigC ! eiitiej^,^ l'enfant, le tronc seul est visible avec les organes

INVERSION DU SENS GENITAL. 321

De très bonne heure, avant même qu'une éducation

vicieuse, comme nous l'avons déjà dit, ait eu le temps

de modifier l'individu, l'impulsion se montre pressante,

impérieuse, avec tous les caractères d'irresponsabilité

qui la font distinguer. Mais qu'à la place desclousde sou-

liers, de bonnets de nuit, ou de tablier blanc on considère

que l'obsession ait l'homme pour objet, les phénomènes

se dérouleront de la même manière ; et, il faut bien le

génitaux appliqués sur les siens. Très émue, elle adresse de pressantes

questions 1 ses voisins, leur demandant s'ils ne voient rien, et n'ont rien

ti.

« Cette malade est très lucide, elle est désolée et honteuse de ces

singuliers désirs, elle est tranquille, travaille et s'occupe toute la journée ;

elle sort de temps à autre, et va dans sa famille pour essayer en quelque

sorte ses forces; mais encore la vue de son neveu l'impressionne vive-

ment ; à table, dans sa famille, elle se place loin de lui, mais pendant

toute la durée du repas,' elle éprouve des spasmes, du malaise à l'es-

tomac, une constriction à la gorge, et la lutte lui devient des plus

pénibles. Elle n'a jamais cédé à cette perversion instinctive et elle a

toujours évité le contact des petits garçons.»

Dans la seconde observation il est question d'un peintre en bâtiments

âgé de quarante-quatre ans.

« Il avait depuis longtemps contracté des habitudes d'onanisme qui ont

presque entièrement cessé depuis un an ; il faisait souvent des dessins

obscènes qu'il distribuait ses camarades. s'est habillé aussi deux fois

en femme étant seul dans sa chambre. Depuis deux ans, il n'a plus

d'érection, ne peut plus avoir de rapports sexuels, mais il a parfois des

pertes séminales. Depuis cette époque, dit-il, il se sent poussé à des

actes contre nature. A la tombée de la nuit, il se dirige vers les rassem-

blements, aux stations d'omnibus, auprès des bateleurs, il s'approche

et se place derrière une femme, cherchant de préférence la plus grosse;

puis il retire sa verge qui reste fiasque et se frotte contre les fesses de

sa voisine. C'est pendant qu'il se livre à cet exercice, à la station d'om-

nibus de la place Clichy, qu'il est arrêté par un agent des moeurs. Il

a été, dit-il, pour le frottage, condamné à quatre mois de prison,

ce qui est exact.

« Sa femme est crémière, et c'est lui qui ouvrait la boutique tous les

matins, plaçait le lait sur le feu et servait les premiers clients. A plu-

sieurs reprises, il n'a pu s'empêcher, dit-il, de tremper ses organes

génitaux dans la boite au lait, il s'essuyait tout aussitôt ; le contact du

lait lui donnait une sensation de velours. Il n'hésitait pas à distribuer

ce lait aux clients et il puisait sans répugance à cette même boîte pour

son déjeuner. " (Magnan. Etude clinique sur les impulsions et les actes

des aliénés. Leçon faite à l'asile Sainte-Anne, le 23 janvier 1881, Tribune

médicale, mars 1881.)

Archives, t. IV. 21

322 PATHOLOGIE MENTALE.

reconnaître, l'histoire de tous ces malades offre beau-

coup de parenté. Ils sont, pour ainsi dire, coulés dans

le même.moule,,11ls/n$diffèrepjl eurl$ICies autres que

par le degré plus ou moins accusé de dégénérescence

intellectuelle.

Si, quittant le domaine de la sphère génitale, nous

observons' ce qui' se passe dans les autres étatsflimpui-

sifdqda's'là'dipso" 1 i nie par e emp e 'où' 1 irrésistible

.I : 1111'lIlJ.f· Il il. \fîi // 1. ll^/. I··n 1 rl'n ? p,·,l

besoin de boire s empare du sujet, nous voyons dans

',le ? mêmes luttes, les''mêmes résistances,

j'iini/ rib mou ii, m ,.\|. ? .... i j, i .<l -f m , ) il. ? es,g, ajigvp]ssesçt h·âlüuelémeiit, coîte,qilécôtl,g,

lai satisfaction 'finale'du besoin' maladif. Chez quelques-

'IJIIh'1 fil) ' i 1 il 1 I

ln 4,.Mc ? rppùlsifs'Ùiême, comme 'dans la dipsoma-

nie, on observe une certaine intermittence, et c'est par

âcces"cue se présentent' les excitations impulsives : c'est

là un caractère de plus de la folie héréditaire. ,

1'D'4 opès 1 ce qui précëde, nous n'avons pas besoin

c ? çzlste,sux,a au de ces diffe-

rents1 'phénomènes. Ces obsessions, ces impulsions qui,

le malade, en a conscience, 'affectent

-certaines', allures de bénignité, sont, au contraire, les

,3nâ ? festiôs l >,n état, toujours grave. 'Il faut dés ! terrains' de i choix, i (prédisposition héréditaire, dégéné-

,jHë^eriëë)l1J j[)dW Vfue'pareille^ floraison' puisse se pro-

U I W n 11 i.m 11 m C..) j ? , n IJ -n. n (m ,

duire. } ..aussi, vient7on, à, fouiller daps.Ia vie,, pàtholo-

ilidileidus on 'ne manqué pas, à moins de

l' ) flf 1fl'y ry n·y 1 · h .u,n.L - - uinl^,/ ?

irejt)cenceSideu^aJparjlJldip./njal,a1de ouu de, la tamille, de

"dé'c'6uvrir"ù'n 'étatûnévra' ouJpschopathique des' plus

rnolyt li·1;1 ll,.b llllnuul l nu nui'ii'i' ii lliin .r.i., t I m i

iiPrj°IPiWt^'j ii'))JpU ! nt oi|i.i(,'i.i 'ib , 1 ? 1 i ]j ! (, ! - ,1, ? 1, h. i

- lifta flfl2 ftiDft ni ,'J'IJ,flil'1 1111'11 ! ) allfl lub-n il ? 1 t v mll· ni

nli ·nnnlrnt.1 n -3rtJ inii| il* iib -I nu ,1 ." I '.ii|i minium'i

l'O ^ u i r 1 1 1 1 . 1 1 1 "i 1 1 ii.iu - , i 011,.l ., ? I tg el 1 - , , r "' es, 1 " , Il i-

RECUEIL DE' FIAIS ? La mu, entra, , clans le, ffli'ywe.m.eQLCftiJap |L jiqpuaj

Saint-Lazare, un jeune homme âge de seize ans du nom de André

Héat ? n'nous''d6nna''cmmë'nseigemenq'ue'lem ?

très inquiet et peu'raix 6epuisquelqite jo lie dormait; pa £

et ne pouvait plus prendre aucune nourriture, ni boisson, à cause

j. ' j 1. 1 'iiiiid-' ? iin- .u , ii->ryp.(i| PfiM vi)j ? iili

des crampes du pharynx qui se manifestaient au moment de la

déglutition. 11, ,t))')h ! )li'i.),i'i,> tIIII 0'1981u fI0 tout

Le malade, robuste^ (le faille moyenn,e,et. si^ ,fat>Jp Glg ? gt

sauvage, que nous ne parvînmes à l'examiner qu'avec beaucoup

de difficulté. '' ' '< ni n 1,1 --l cil fil; ni

Cet examen nous. démontra queues.,organes internesetttient

intacts et que les organes des sens fonctionnaient normalement. t

Lés actifs et dés

Les mouvements actifs et pasifs'UeS'Leti%i 1

tionncment des muscles par groupe et

moindre dL',s 'ordre. 1 »b -,1,, 1 ,,f , t t | ^5 as : r

' Par contre, l'état psychique du malade étaiï keW

il était surexcité, ne pouvait rdster- en place) tpur)rMntaitl69,a)iJ.t)6s

malades et l'infirmier, à.tel point qu'on dutle transporter-dans la ? \ ? <* "ftiu. ? {< n\l11

division des aliénés."A ce moment apparut un vrai délire furieux.

Le patient courait à travers \éà corridbrs ! <<{ria4ïfe.e{'huriuntlîfjJappaIt

et mordait les infirmie^s^^^nSjrr^'oii^paijynt à Je lllêlltu

après l'administration de fortes doses de'chloral' hydraté. 'Des

hallucinations apparurent 'àssi ti 19 tüal'adt : itifij' £ it<lstrir`tèt'e ? 7éllûit

qu'ort,voulaitla Jtattre·etl,q.lnur ? t P ? t oun lepi·gia4 ? iççs

accès maniaques violents succédait un état de repos, pendant lequel

le patient répondait avec ealmaux'quest)d&s''quh ti

r insistait beaucoup sur, les. douleurs qu'il §PF QUiX ? ^ 4ftus'iivlï'3fi'/mi Au

cou. Lorsqu'on pareille occasion on le touchait dans ecite i,.é-ion

il était pris, dans tout le corps, de crampes toniques eelgft litidii

môme temps, en faisant une horrible grimace, la main à son cou,

1 Communiqué dans la séance du 20 juin 1882 à l'Académie des

sciences de Cracovie, section des sciences mathématiques et naturelles.

324 RECUEIL DE FAITS.

comme si on voulait l'étrangler. Ces accès se renouvelaient fré-

quemment et tout attouchement volontaire ou involontaire les

provoquait. Il éprouvait une impression pénible quand on lui

présentait une tasse de café par exemple, ou du pain. Le regard

anxieux, la bouche ouverte, il prenait la tasse, puis la laissait

retomber,' en proie aux crampes du pharynx provoquées par la vue

de ces aliments. Les bains chauds apportaient quelque soulagement, L,

mais lorsqu'il fallait le sortir du bain, les crampes le reprenaient

de nouveau.

A tous ces symptômes s'ajoutèrent de la salivation et de la

faiblesse des 'membres inférieurs. Le malade toussait souvent, se

mouchait beaucoup et crachait autour de lui. S'il, essayait de se

lever de son lit pour s'enfuir, il avait de la peine à se tenir debout,

' fléchissait et finalement retombait sur son matelas. Le troisième

jour après son admission à l'hôpital, les symptômes prirent un

caractère menaçant. La faiblesse des membres inférieurs se trans-

forma en une paraplégie complète,qui débuta par la jambe gauche,

puis prit la jambe droite. L'irritation réflexe était tellement accrue,

que le plus léger souffle suffisait à provoquer les crampes. Le malade

délirait constamment, il voyait sa mère murée, qu'on voulait brûler

dans un. four, des cheveux et des vers qui l'accablaient partout

et' qu'il retirait continuellement de son café. Ces manifestations

n'étaient accompagnées ni d'un accroissement de la température,

ni d'une plus grande fréquence du pouls. '

i, Vers le milieu du troisième jour la scène changea tout à coup;

la peau du malade devint rouge et moite, couverte de sueur, le

pouls-atteignit 120, le délire continua sans ordre, les pupilles se

dilatèrent d'abord et se contractèrent ensuite ; suivit une légère

blépharoptose de l'oeil droit. Finalement la respiration devint irré-

gulière, l'oedème du poumon survint et le malade mourut.

D'après la marche de la maladie, il n'était pas douteux que le

malade avait été atteint de la rage et y avait succombé.

Ses.antécédents avaient d'ailleurs contribué à la certitude du

diagnostic. Peu de temps avant sa mort, ce garçon jouissait d'une

santé parfaite, il était employé chez un boucher qui l'avait chargé

de transporter la viande aux clients dans une voiture attelée d'un

chien; le contact continuel avait familiarisé les chiens avec le

idéfunt qui passait tous ses loisirs à s'amuser avec eux.

. ' Or, il paraît que deux mois auparavant, on avait tué le chien

. d'un (Voisin, atteint de rage, qui en avait déjà mordu d'autres, et

c'était, .précisément, ce chien, qu'on disait avoir vu le plus souvent

dans)aisoci4te du jeune homme. De l'aveu du malade ainsi que

des renseignements obtenus, il résultait que celui-ci n'avait pas été

. rxtAcçju ? d'dilleurs,pn n'a pu trouver sur le cadavre aucune cicatrice

. provenant, de morsure ? , , 1 m, ,, l ,,

-n -Ai I'autopsie les altérations pathologiques tétaient les suivantes :

SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 325

OEdème du poumon, hyperhémie très prononcée' de la pie-mère et

une apparition tout à fait inattendue et intéressante du. côté, de la

moelle épinière.. . il . t;..., z ., 1 ., 1

La partie 'intérieure de la moelle cervicale et particulièrement le

segment inférieur du renflement brachial était le. siège, d'un gon-

flement de la nature d'une tumeur : A la formation de cette tumeur

prenait part surtout la face antérieure et, latéiialci dalla, moelle

PL.'V, fi. 1, 2, 4 et 5). La proéminence avait la forme diune,ellipse,

elle comprenait toute la moitié gauche de la moelle et pénétrait

dans la moitié droite de telle manière que la scissure longitudinale

antérieure décrivait un arc. de cercle'autour d'elle. La)tumeur

s'étendait du cinquième jusqu'au 'septième nerf cervicaLet,avait

une étendue d'à peu près trois centimètres, son axei longitudinal

se confondait avec .celui de la moelle.. Juste au milieu ? cest-i,rdiue

sur le point culminant de la tumeur, reposait la racine antérieure

du sixième nerf cervical. - il' 1 .-11. 1..1 .11 .1 l'.

Je veux immédiatement faire observer que cette, racine, ainsi, que

les racines antérieures et postérieures des cinquième et' septième

nerfs étaient absolument normales au point de vue de leun.rapport

avec la substance médullaire et du nombre de leurs fibrilles, i,

La tumeur était lisse à sa surface, elle se présentait à l'oeil comme

une projection en fuseau de la moelle; la couche superficielle était

composée de substance médullaire qui se confondait, et 'se,con tir

nuait sans interruption avec la moelle environnante. i-1-1 ? r h !

Sur une coupe transversale pratiquée au milieu de la tumeur/ on

voyait une substance néoplasique, blanche, durcj'circulaire;1 qui se

distinguait par un contour très accentué du reste de- là' substance

médullaire normale. C'était donc cette néoplasie qui, pér sapré-

sence dans l'intérieur de la moelle épinière, avait occasi0nnécetté

difformité. L'idée que les symptômes observés 'chez notre, malade

pouvaient avoir quelques rapports de causalité avec cette néoplasie,

pouvait être réfutée d'avance. Les symptômes et particulièrement

ceux qui auraient indiqué une lésion de la moelle à la 'naissance

du plexus brachial n'ayant pas été'constatés,'iUfaut conclur2qtie

cette néoplasie a pu prendre ces dimensions relativcmenf considé-

rables et se développer avec une force extraordinaire aux'dépehs

de la moelle, sans provoquer aucun trouble de ce côté : ' 1,tiri

Le fait était trop important et intéressant pour quoi in'egà ? it

pas d'en déterminer l'origine. Je fis 'durcir,' à 'cet efletj'lla1 n1b'elle

malade dans du sulfate de picrine, solution préférable-'à 'l'acide

chromique'et à ses sels dont on se sert habituellem'ent'pour'dûrCir

le tissu nerveux, et je divisai la ! tumbur et le tissu ambiant lerïlulie

série de coupes transversales ? ' '' Il .1(1 ' ? m'tan'r) - - -il

La première particularité qui' attirait ! l'3'ttemti6'n ? h regardant

la tumeur par en haut, c'était l'asymétrie

quée des colonnes grises des deux moitiés de lalmoelle épinière.

, £ ? , ? l : l·71J1" · · · i. i,

326 RECUEIL DE FAITS.

mll- nl 1· O( n·i n Iwmlrl · 1 ·. ni,. I ? ?

Pendant que la.substance gnse de la partie saine, z de

la moitié droite de la' moelle, conservait sa configuration naturelle,

la corne antérieure de celle du côté gauche grossissait rapidement

, ? ,

,. La V, coine,anterieure Il' 1). auche épaissie n'offrait tout d'abord rien

dé particuliérFig. 1); oii pouvait .vdnetli,e;due cet accroissement

de volume était dû, à une simple hyperptasie de la substance grise.

Ce .n'est que plus bas (Fin. 2) que cette masse néoplasique prenait ? 'jr ? ? "' «' ? il . ? '

un, caractère dînèrent ? ( , , ,

' 0 1 ,t j Il ,il 1111 11.1 1 . épâissie une tachè foncée'(Fig. )

On voyait au milieu de la corne épaissie une taché foncée'(Iï7(/. 2)

qui se distinguait du reste de la moelle par une plus grande'épais-

si, ji- 111311,/ liti./i.. )- "1111111 , un iir , ° , 1.. ,

seur de son tissu et une moindre transparence. En descendant plus

. .1. , , , i , , 1- tli' -1, 1 ·.

bas encore', cette tache s accentuait de plus en plus par un contour ·

très net, et finalement la tumeur apparaissait, séparée du reste'de

la moelle, par une capsule. fresi fine de tissu conjonctif (Pl. \,fig. 3).

Sur la coupe transversale cette,' tumeur avait là' forme d'une

W nl r yin

P),ltsçllQuFiéet,Jn1 i,a·ers 4Fig. 3 Son bord antérieur était tran-

chant,, lisse, arrondi et étroitement lié, par l'intermédiaire de la

capsule, au tissu de la moelle; son bord postérieur était, au con-

capslle, tissu Jii'Hi s'o-n bord h était, au cou-

traire, festonné, sinueux et ne formait pas avec le reste du tissu

'»; '"Jp ? I : >i11.r> -. '.un .11 1 . 11 il r

mçdp4airenuner couclje continue. , ·'

- Des, deux pôles dé cette ellipse,' l'interne s'enfonçait profondé-

nient. dans. la niasse de la colonne grise, 1 externe avait comprimé

l^.iSUjbstai^ç'é bjan'che a tel j point '.qu'il n'en restait plus qu'une

mince couche.. ,1 ? ?

Pins bas la tumeur prenait une forme circulaire (Fin. 4) et conti-

inivîf 1.1 -171^1.111 m . i'i ? tij" m 1 ii , sur la substance grise,

n^it^.enipiétjer de pb|s en plusçp dedans sur la substance grise,

en dehors, vers le bord de la' moelle.' Enfin ne' trouvant plus assez

4 ? ilP'ftrfîiien'riP ces £ 4eux substances, elle les refoulait complètement

li e rs iiites1 partir de ce point, la tumeur di-

minuait et se terminait' par une forme arrondie un peu au-dessous

iv . ,imi-< ftifr. 1 ^ii.iip.r. ll . j> un , . ? 1. r

do.Ia egi-vicale, tranchant toujours nettement sur

,1e reste à là, moelle' et séparée 'd'elle par'là capsule de tissu con-

e reste.Ë.mp'ejlë et séparée'd'eHo par'Ia capsule de tissu con-

`1T1 I `J , -oll n I n n néoplasie avait la forme d'une

1>ale;·T>;>I1>fzfL ? soi e ? ule sotait dé'lâ'snlistance grise, en bas,

elle pénétrait dans la substance médullaire en comprimant ses ? >"n«'.i"1, t'i,i > ! L'iiT'ij ? , .1, 1, ...... i ? 1 -

éléments 1. ÿrlayère céja décrit plus haut. ?

,1 m : ! 1 1 i ( 111 111 I rit il Jl la- 1 in . à

Au point de vue de la structure histologique, la- tumeur,' vue a

un 1 ? é[' ossls$einelïyy ·Ifrâlt l'âs(] ect ·d'én ensém111e d'è pelotes

v111n rn W Wj 1n. IIUII ,1 I PJ /n;'lll I TI 1 nll de pelote§

entremêlées les unes dans les autres (Pi. V, fig. 4)..

11 li r 1 Î .,IJ JirilliJ'l . 'JJU.ttU'th ? ' i , - ! ' 7 rn ? Ji...

, Pour,mieux, l'econnaitre.les éléments histploglques qui or ieii

Ce' J ss 1 t p 1. ilo.f rlh·· à i ioelle. "'Je sers

ces-pelotas, ie colorai quelques coupes de la nioelle. Je me sers

'.\llt< ? r1' i"f8ri'i/i m/'i'j'ii, *' i ' / 1 ,. ? ? i J .. , T ,

de préférence pour colorer les coupes de la moelle cptmere du brun

de Bismarck et du violet de gentiane. L'aniline qui y est contenue

d\)rAê'*kuk^k6 ! yS^^uriôip8Ulcln,, plus 'frappante et plus'élégante que

le carmin; tic f lii ? , "ïé'VîoIet ile,'èehtiànb%à1 l'avantage' tout laaoticû-

SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 327

' ' ' OJ-

lier de teindre en violet la.substance blanche et en bleu la subs-

tance grise, (les fibres radiées qui traversent la' substance blanche'

ainsi que les vaisseaux, et le tissu conjonctif de la moelle ? J0'" 1 t

Sur la coupe je trouvai la substance grise, 'lés' rayons blancs'

ainsi que le tissu de la tumeur colorés en bleu, la substance blanche

seule avait la couleur violette. Lii'figilre 4 donne 'un" dessin'exact

de cette coupe vue, un faible grossissement. 1 N.i mu.mnJ n 1 la, 'fi

, Je me propose de revenir plus tard sur le fait, intéressant de la

coloration identique de la tumeur, du tissu conjonctif, de la subs-'

tance grise et des stries radiées de la substance blanche par le violet'

j- ' ,. '" '' 'I ' U l inllil i J, *iU mv illi

de gentiane.. '" " t , ."T ?

Je dois avant tout mentionner ici qu'ayant examiné,' sur' des s

coupes colorées, les pelotes à un fort grossissement, elles avaient t

coupas colorées, les pelotes à un fort grossissement, elles avaient

l'aspect d'un filet sans mailles compo édg·lyamepts olidtiléiiaj'et ? 1 ? 1 n Il ,'h li 1411, il, Il 1-1 In, ,- ?

riches en noyaux, parcouru de grands et nombreux vaisseaux 5 en-

trecroisant dans tous les sens. Sur cliaq'ue'4cfo'up'èl,' ôn Wôÿiait'$es

parties tantôt plus riches, tantôt plus pauvres en cioÿux, corime

l'indique la figure 6..Cette différence tenâit'simpleméné'â;'dés'éî><-

constances optiques. Sur tes'niam'ents qui 'c'ouraient'paraHelement

à la surface de la coupe, les noyaux paraissaient plus rares'parce

qu'ils étaient disséminés'le long de ces filaments, tan3M,quë'su

ceux coupés horizontalement ou obliquement,'les n'6'yaux'se'pr'é

saient sur la couplet paraissaient plus nombreux, faute d'é perspec-

live ? Tous ces noyaux étaient arrondis, légèrement 'ovalairb's et'res1

semblaient aux fuseaux étirés en fibrilles du tisLt'èonjondtif1ftl5rii'-

1 aire , disposition nettement appréciable sur des dissociatidrisT""1"

Notre tumeur 'était' donc une néoplasie' composée dé' jeunes

cellules de tissu conjonctif, un fibrome à l'état jeune bà'tin'Sdi-

corne vrai. , Il.. , ' i 11·W 1 y 1- : , il.,

,En divisant la tumeur, le couteau fut arrête par un pdin't dur'

osseux (Fig. 5). Ce 'point était situé au niv'éau de la plus'grande

circonférence de la tumeur et 'un peu en delibrs de son '-dfltre;'Il

paraissait blanc a la lumière incidente et noir la lSjtto'èté réflé=

chie. Il était composé de petites boules opaques'de granaeur'ët de

forme irrégulières. On voyait à travers un fort grossissement une

structure concentrique contenant des concrétions cristallines." Ces

dépôts, insolubles dans l'eau,' l'alcool, l'éther, le' ch)or6 ! '6rme''et

l'ammoniaque, disparaissaient facilement sous l'influence 3e'l'acidè

chlorbplrique,gt devaient être naturellement"a Rase inorganique.

Les modifications que. la tumeur avait 'fait subir à la" substance

blanche, et, grise de la,moelle érïmrôi nanié ecuent`tivs` éiii)3r-

quables. Elle s était tellement étendue dans la moitié. gauche de la

.moelle', aux .dépens de ? , ces ciux - -j ? e ? 1 - 1 ? il Il P6) 4

i ' ' "i1' ..i i.jiit i ..)...,f ? , lu-, 'iiuiq ih'i'i'iljVii t,

ni ,lon t·1 ,up uiiliin ..uJi ? 2 t ,iy LL 15 : fosmrifl I

1 DieRlufgefQse des, oitya.s·klpche2r"RicJtealEfrkesrlrl'f ? q.S eySlerl1 L

zif,ill iqn, -, ? ? ,i a= 1 is s,s , . il ' ·1 ! ·

328 RECUEIL DE FAITS.

et 5) qu'il n'en restait plus qu'une mince couche qui recouvrait, à

peu près, les deux tiers internes de sa périphérie.

Cette couche avait la forme d'une faux, étroite au milieu, large

à ses deux extrémités. La largeur de la partie étroite de la faux

correspondait à peu près à la moitié de la largeur de la commis z

sure (PL. V, fig. 4 et 5). Tout ce que la tumeur, par son envahisse-

ment, avait laissé de substance blanche et grise, était contenu dans

cette faux. La néoplasie avait donc réduit à une fraction minime

le tissu médullaire par la compression.

Les deux substances avaient en même temps souffert de cette

réduction. De la substance blanche c'est le cordon latéral qui avait

le plus souffert. 11 paraissait réduit à un mince filet logé entre la

tumeur et la corne postérieure (PL. V, fig. 4 et 5). Les cordons anté-

rieur et postérieur avaient aussi subi une diminution semblable

dans leur dimension normale.

Je donne ici les résultats de la mensuration micrométrique com-

parative de ces cordons des deux côtés de la moelle épinière.

Substance blanche. (PL. V, i,g. 5.)

* 1° Cordons antérieurs des pyramides.

SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 329

qui ne rappelait plus que par sa position, son origine et sa nature.

Le tableau comparatif suivant donnera une idée' des perturba-

tions que cette substance avait subies. . , Il . 1 il .1 i i /u- 1 - 1

Substance grise (PL. V,t fi; 5); .1 1 . .1 l, ji

330 RECUEIL DE FAITS.

La plupart de ses fibres et surtout celles qui composaient ce qui

restait du cordon latéral considérablement diminué, étaient deve-

nues étroites et minces. Sur la coupe colorée les cellules nerveuses

et les tubes nerveux avec leur cylindre-axe-avaient considérable^

ment diminué de volume, comparés à ceux de la moitié' droite de;

la moelle. ! ' i

Les modifications de la substance grise étaient encore bien plus

curieuses que celles de la substance blanche. J )

Dans les conditions normales les fibres de 1,% colonne grise von

en divergeant de leurs pointes vers l'intérieur et s'entrecroisent !

entre elles. - j ' '

Dans notre cas, la substance grise s'était transformée,' sous l'in-,

fluence de la pression exercée par la tumeur, en un simple faisceau)

de fibres parallèles dont la direction était la même que celle de la

surface de la coupe. j

Pour mieux faire comprendre ces modifications.j'ai ajouté deux

figures (8 et 9) représentant le dessin exact de deux coupes

transversales des colonnes grises antérieures faites sur un' même

plan.

La figure 8 représente une portion de la colonne grise antérieure

du côté droit, la figure 9 une portion de celle du côté gauche. En

comparant ces deux côtés, on voit la direction toute différente des

fibres grises autour de la tumeur.

Ces dessins nous montrent en même temps la transformation des

ganglions nerveux.

Sur la figure 8 nous voyous les ganglions du côté sain avec leurs

cellules multipolaires radiés et leurs noyaux ronds pour la plupart.

Sur la figure 9 les ganglions sont transformés en fuseaux bipo-

laires, allongés, pointus, dont l'axe longitudinal suit la même direc-

tion que celui des fibres transformées de la substance grise et dont

les noyaux ont, sans exception, la forme ovalaire. f

La plupart de ces ganglions transformés avaient la forme de

navettes de tisserand, d'autres ressemblaient aux cellules fusiformes

du tissu conjonctif ou à des cellules de tissu musculaire lisse, et ce

n'est que leur situation qui rendait la confusion impossible avec

ces'divers éléments. 1,1 il..1.

'C'est,la compression lente et progressive de la tumeur qui avait

produit cette métamorphose des ganglions et leur diminution de

volume.1, v " ' ? v ' ' Il

i » - . » i , ..... ,»

Je donne dans le tableau suivant, les résultats de la mensuration

micrométrique en largeur et longueur des ganglions des deux

moitiés de la moelle, d'après les coupes transversales citées plus

liant ? ,,) ? ? n vl 1 , y "" t , r . ! ! · il, ' !

u : il s-'j|> 'ilfll'i/ .l'il u i . u t i' 1, 1 .1

SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 331

(' , NC.LION- '.

332 RECUEIL DE FAITS.

Nous entendons souvent reprocher aux expériences faites sur

les animaux vivants, qu'elles créent des conditions anormales,,

qu'elles dépendent des circonstances fortuites qu'on ne peut

pas prévoir et qu'elles ne sauraient, par conséquent,' 'être repor-

tées sur l'homme.

Tout en accordant que la valeur de ces expériences dépend

des particularités individuelles de l'expérimentateur, qu'elles

peuvent franchir certaines limites, on doit Être d'avis que pour

connaître les phénomènes qui se produisent chez l'/<om ? M, 'on

doitsurtoutfairedesobservations sur lui, des observations clini-

ques dans lesquelles on peut établir d'une manière précise et

scientifique les rapports avec les causes naturelles fondâmes

tales. Car un phénomène pathologique est le résultat d'une

expérience faite par la nature sur l'homme, et une telle expé-

rience ne trompe certainement pas, car elle est l'expression

réelle d'une fonction humaine dérangée, et doit nous montrer

clairement et nettement la fonction naturelle d'un organe

malade, dans le cas où on aurait constaté que la lésion maté-

rielle d'un organe est la cause de cet état pathologique. Pour

le clinicien qui doit interpréter la nature humaine, l'expérience

sur les animaux ne doit pas être le seul, ni le plus préféré des

moyens pour ses recherches, mais bien un moyen indispensable

pour compléter ses observations cliniques, contrôler l'interpré-

tation des phénomènes pathologiques, et remplir les lacunes

qui existeraient dans ses déductions forcément restreintes par

les limites naturelles de l'observation'chez l'homme. C'est pour

cela que toute modification matérielle survenue dans le système

nerveux central chez l'homme, dont la marche a été suivie

attentivement et contrôlée pour l'autopsie, a l'avantage, sur une

expérience analogue faite sur un animal, de nous apprendre

des faits certains et ne permettant pas l'équivoque, et dont

on peut sûrement tirer des conclusions absolues.

Ainsi le cas décrit plus haut nous donne quelques aperçus

intéressants et inconnus jusqu'à présent sur la nature et sur

certainespropriétés des éléments de la moelle épinière, d'autant

plus précieux qu'il seraient difficilement réalisables par voie

expérimentale.

Nous voyons d'abord la grande faculté d'adaptation à une

pression lente et croissante, dont jouissent les tissus de la

moelle. Si on connaissait déjà par la voie expérimentale qu'un

nerf périphérique peut être comprimé jusqu'à changer complè-

SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 333

tement de forme, sans pour cela perdre sa conductibilité, on

ignorait pourtant ce fait, que non seulement les nerfs, mais les

ganglions aussi pouvaient être modifiés dans leur forme. sans

subir aucune altération fonctionnelle. Nerfs et ganglions réduits

à une petite fraction de leur volume naturel ne perdent rien de

leurs facultés fonctionnelles.

J'évite à dessein de me laisser entraîner dans des considéra-

tions auxquelles les faits cités plus haut donneraient facilement

lieu, mais je dois cependant insister sur un point de la question.

Nous sommes disposés aujourd'hui à considérer comme un

devoir de chercher une explication matérielle aux phénomènes

vitaux, et nous usons de ce procédé dans les limites du possible

pour expliquer différentes fonctions nerveuses.

Une proposition fondamentale de. mécanique nous enseigne

que la force est une propriété inhérente à la matière et que sa

grandeur est en rapport direct avec le volume de la matière que

contient cette force.

En physiologie, beaucoup de faits démontrent que cette pro-

position peut s'appliquer à des phénomènes vitaux. Un exemple

suffit pour en donner la preuve. La hauteur à laquelle un

muscle peut élever un poids donné dépend de la longueur des

libres de ce muscle et sa force est déterminée par le nombre

de fibres qui entrent dans sa composition. La longueur et le

diamètre du muscle déterminent la masse.

Dans notre cas, le malade avait le bras gauche aussi fort et

bien nourri que le bras droit, nous ne pouvions avoir le moindre

doute sur sa capacité fonctionnelle, et pourtant la plus grande

partie des ganglions do la corne antérieure, qui innervent le

bras, avaient subi une réduction d'une 30e partie de leur volume.

Ce fait bien évident nous conduit à cette conclusion que la

loi fondamentale des rapports de la force à la masse souffre une

exception pour la substance des ganglions.

A cette exception nous pouvons en ajouter une autre, l'intel-

ligence, qui est une fonction du cerveau, varie dans la race

humaine dans des proportions, énormes, tandis que la masse

cérébrale subit des variations très limitées.

Notre cas offre encore quelque intérêt sous le rapport histo-

logique.

D'après Klebs, la plupart des tumeurs du cerveau et de la

moelle sont des neurogliomes, c'est-à dire des hyperplasies des

tissus normaux du cerveau et de la moelle. Les tumeurs plus

334 'RECUEIL DE FAITS.

rares qu'on rencontre' encore'dans l'axe cérébro-spinal rentrent

dans la catégorie des tumeurs de tissu conjonctif.1 Parmi celles-

ci ; il distingue celles dont les éléments cellulaires; liés'cntr'eux

par une substance interstitielle, se rapprochent le plus du tissu

conjonctif normal comme le sarcome; et, celles 'qui 'sont consti-

tuées par des cellules indépendantes comme l'épithélion.i Il faut

encore, dit'Klebs, distinguer les vrais sarcomes de ceux, qu'on

appelle faux sarcomes. Les vrais sarcomes sont''ceuxqui sont

composés de tissu conjonctif 'jeune; 'primitif;' tous '.Mes

autres, qu'on; distingue généralement'sous ce nom;lsont des

neurogliomes.' ' m ' . · · ·'1 ' < !

''Plus loin Klebs indique les différences" qui existent entré les

sarcomes et les neurogliomes sous le rapportée l'oriâine et d'es

fonctions. " ' ' ' » ' 0. 1 'l i'

Les sarcomes naissent de la surface'endothéliale de'ta pie-

mère ou des vaisseaux', tandis que les neurogliomes surgissent

du système nerveux lui-même. Les sarcomes forment des

masses de tissus hétérogènes qui ne se confondent jamais avec

le tissu nerveux et s'étendent à ses dépens en le comprimant;

les neurogliomes, au contraire, sont des excroissances du tissu

nerveux qui se développent à côté d'éléments de même nature

et qui s'épanouissent sans limites dans le tissu nerveux normal.

Là où surgissent les sarcomes, le tissu nerveux périt; où les

neurogliomes se développent, là les éléments du système ner-

veux augmentent. Il s'en suit que les sarcomes provoquent de

bonne heure des troubles fonctionnels, tandis que les neuroglio-

mes ne les provoquent que fort tard ou pas du tout. Enfin

Klebs conclut que, les neurogliomes ne se distinguent pas his-

tologiquement entre eux, qu'ils sortent de la névroglie ou''du

tissu nerveux lui-même.

Il considère, par conséquent, la névroglie elle-même comme

un tissu d'origine et de caractère nerveux, et propose dé donner

de préférence le nom de'neurobliome'bu gliome do Virchow.

Malheureusement notre cas ne peut pas servir de soutien aux

conclusions de Klebs. La structure de notre tumeur ne laisse

aucun doute à cet égard; d'après Klebs lui-même, c'est un vrai

sarcome. Et pourtant, d'après les rapports microscopiques de

la tumeur, elle ne provenait ni delà surface de la moelle, ni de

lapie-mère, ni des vaisseaux, mais très vraisemblablementde la

névroglie de la substance grise. La .tumour,sne tenait à la,pie-

mère que par un petit faisceau de tissu conjonctif parcburu' de

SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 335

quelques vaisseaux. Quoique la. tumeur possédât les pro-

priétés des'sarcomes cités par Klebs, c'est-à-dire de se dévelop-

peraux dépens du tissu, nerveux et de ne pas; se confondre avec

celui-ci,- il ! n'y avait aucune altération fonctionnelle dans notre

cas; fait contraire,aux conclusions de l'auteur..n , 1 il,

m Notre cas est important- avant tout, parce qu'il donne des

.éclaircissements.définitifs sur la nature histologique du tissu

de la.névroglie.. - - t, I m. <) ' t

Il Quand un .vrai sarcome surgit de la substance grise,, si riche

en névroglie, cette/ névroglie. ne peut être, d'origine, nerveuse,

mais bien, comme la tumeur elle-même, procéderdutissu con-

joiçtif. Etnêmedans lec,asoù.onne trouverait pas encoredans

lai desçrition qqj ? jlconr;¢e. 7ne preuve suffisante de la genèse

du sarcome et de la névroglie, la réaction par le viole,t de

gentiane, que J'ai très minutieusement décrite plus haut,

prouveque cette dernière substance appartient au tissu conjonc-

tif. En effet le violet de gentiane a coloré la substance blan-

che,,en,violet,tle tissu.du sarcome et la substance grise, en

bleu.t" , ,

résulte donc que la névroglie a les propriétés du tissu con-

jonctif., , . , , 1

Ce fait nous conduit à une conclusion intéressante et nou-

velle.

Dans mon travail sur « les vaisseaux de la moelle épinière

chez l'homme » '.publié récemment, j'ai fait constater que les

travées de la substance blanche accompagnent les plus grandes

ramifications des vaisseaux de la moelle etque la substance grise

est le siège des capillaires. Or, les travées delà substanceblan-

,che sont composées], de tissu conjonctif .ordinaire fibrillaires,

tandis que la substance grise contient , surtout des névro-

glies.

Il résulte que le système nerveux central se distingue des

autres organes par la pression de deux sortes de tissus conjonc-

tifs. Il possède : 1° un tissu conjonctif ordinaire, fibrillaire,

comme les autres organes, qui accompagne les gros vaisseaux,

et, 2° une espèce particulière de substance do soutien dans le

domaine des capillaires, c'est la névroglie. ' : . ,'n .. 111 I' ' ' | ,n 1 I ' , t

. I Mil li I ' \k\l II - " , I > r.,l'I '.

1 Sitzungber.i der li.li. : Akad : (/e)'tMS. : M IVitit. 31alh. uaturwiss.

C/<ws.c1,LXXX.iy' 1883,1, n ... - ,j ? j ,p ,j `

336 REVUE CRITIQUE.

PLANCHE V

Les cinq premières figures représentent des coupes successives (de haut en

bas) de la moelle au niveau de la tumeur.

Fig. 1. Augmentation du volume de la moelle antérieure de la corne

antérieure gauche sans altération de structure.

Fig. 2. La coine antérieure gauche offre une densité plus grande et

une moindre transparence.

Fig. 3. Tumeur de la corne antérieure, entourée d'une fine capsule

de tissu conjonctif.

Fig. 4. - Développement complet de la tumeur constituée par des pe-

lotons entremêlés (coloration au violet de gentiane).

Fig. 5. Noyau de consistance osseuse constitué par des concrétions

cristallines.

Fig. 6. Grossissement de la tumeur (fig. 4).

Fig. 7. Concrétions cristallines v couches concentriques (de la fiq. 5).

Fig. 8.- Représentant une portion de la colonne grise antérieure du

côté droit.

Fig. 9. Représentant une portion de la colonne grise antérieure du

côté gauche. ,

REVUE CRITIQUE

DES TROUBLES NERVEUX OBSERVÉS CHEZ LES DIABÉTIQUES;

Par D. BERNARD etCn. FÉRÉ.

Marchai (de Calvi), qui a appelé l'attention sur les accidents

cérébro-spinaux dans le cours du diabète, a émis le premier

l'opinion qu'ils devaient être secondaires. « La physiologie

expérimentale, dit-il, ayant démontré que les lésions variées

de l'axe cérébro spinal peuvent occasionner le diabète, du moins

la glycosurie, on a observé sous cette prévention, et toutes les

fois que des lésions de ce genre se sont présentées chez des

diabétiques, on les a regardées comme primitives sans même

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. : ;37

se demander si, au contraire, elles ne pouvaient pas être con-

sécutives et produites par la maladie sucrée '. »

A la même époque, On-le rapportait aussi au diabète cer-

tains troubles nerveux observés pendant le cours de cette

maladie. La discussion de cette question présente certainement

un grand intérêt; mais l'étude épisodique des divers troubles

nerveux que l'on rencontre, on peut dire si fréquemment, chez

les diabétiques, est surtout utile en clinique. C'est sur leur des-

cription que nous nous arrêterons, sans insister sur les condi-

tions encore mal connues dans lesquelles ils se produisent.

Disons toutefois que M. Bouchardat pense que ces accidents

« s'observent surtout chez les glycosuriques qui mangent plus

de viande et prennent plus d'alcooliques qu'il ne faudrait= ».

Pour M. Bouchard, « de tels symptômes ne s'observent pas

plus spécialement dans telle ou telle forme de la maladie...

bien que leur pathogénie soit encore fort obscure, il parait

vraisemblable qu'ils peuvent s'expliquer, soit par des altérations

humorales, et par le trouble de la nutrition cérébrale qui peut

en être la conséquence, soit par les altérations vasculaires

capables de modifier l'irrigation des centres nerveux. Dans

l'état actuel de nos connaissances, on serait tenté de les rap-

porter soit à l'hyperglycémie, ou à l'hydrémie, ouàl'acétoiiéiiiie,

soit à la prolifération conjonctive des vaisseaux qui chez les

diabétiques ont été constatées dans différents viscères ».

La plupart de ces symptômes semblent, non pas tant, sous

la dépendance du diabète lui-même que sous celle du trouble

général de la nutrition que détermine la glycosurie. D'ailleurs

des accidents très analogues se rencontrent assez fréquemment

chez des sujets atteints de la diathèse urique qui a une parenté

si étroite avec le diabète. Ce qui montre bien que la présence

du sucre dans les urines n'est pas la condition indispensable à

la production des accidents, c'est qu'ils se manifestent souvent

quand le sucre a diminué ; et il n'est pas rare de voir des dia-

bétiques succomber à des accidents cérébraux précisément au

moment où ils ne sont plus glycosuriques.

Ces troubles sont du reste très divers et peuvent atteindre la

'.Marchai (de Calvi). liecleerclees sur les accidents diabétiques et essai

d'une théorie générale du diabète; ISG4, p. 3'i'J.

2 Bouctmrdat. De la glycosurie ou diabète sucré, etc., 1875, p. 79.

Boucliard. Maladies par ralentissement de la nutrition , 1882

p. lst.

Archives, t. IV. 22 .

338 REVUE CRITIQUE.

motilité, la sensibilité générale et spéciale, les fonctions intel-

lectuelles, la nutrition. Ils ont pour caractère commun de se

présenter la plupart du temps d'une manière tout à fait impré-

vu.

A. Troubles de la )M07<<e. Il n'est guère de troubles du

mouvement qu'on n'ait observés dans le cours du diabète.

Le plus précoce, le plus fréquent et aussi le plus important

pour le diagnostic est cette sensation de fatigue, de brisement,

de lassitude, ce dépérissement de l'énergie musculaire'dont

Marchai (de Calvi) a le premier montré toute la valeur clinique.

Elle ne dépend pas de l'amaigrissement musculaire, complica-

tion tardive de la maladie qui nous occupe. Elle se montre avant L

tous les autres symptômes soit aux membres inférieurs, soit

aux lombes, simulant ici le lumbago. Elle peut être poussée

assez loin pour éveiller l'idée d'une affection médullaire

(Lasègue). La marche s'embarrasse, les mouvements sont

lents,, pénibles, sans vigueur (Compendium de médecine). Elle

est plus ou moins marquée, elle disparait, elle revient sponta-

nément ou suivant les variations de la glycosurie, l'observation

du régime approprié. Divers phénomènes l'accompagnent,

troubles de l'intelligence et des facultés affectives, etc.

M. Lécorché assigne pour cause à cette lassitude la nutrition

vicieuse du muscle parle sang chargé de sucre, ce qui n'explique

pas ses localisations habituelles.

Une circonstance intéresssante à noter, c'est que ce dépérisse-

ment des forces peut apparaître subitement à l'occasion d'un

traumatisme même léger.

Quant aux parais/M proprement dites, elles sont loin d'être

rares. Elles sont souvent localisées, partielles et incomplètes;

il n'est pas exccptioncl, toutefois, qu'elles se présentent sous la

forme d'une hémiplégie totale. Il arrive souvent que ces para-

.ysies coïncident avec d'autres accidents qui sont en relation

évidente avec le diabète et qui, par conséquent, peuvent en

indiquer l'origine.

. Elles peuvent débuter subitement par une attaque d'apo-

plexie, comme on le voit dans un cas, rapporté par M. Lasègue2,

d'un jeune homme qui fut frappé d'apoplexie avec coma

1 Soegeu. Der diabètes nzelliltts auf grundlage zahlreicher GeuGa-

chlungeii, p. 115.

2 Journal de médecine et de chirurgie pratiques, lévrier 1882. ' '

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LLS DIABETIQUES. 33J

complet, qui laissa après elle une hémiplégie qui guérit, et les

accidents se reproduisirent l'année suivante, avec une intensité

moindre il est vrai.

Il peut arriver d'ailleurs que le malade ne se relève pas du

choc : Watson'. CopIand,A.itken ? etc., ont observé des cas de

mort par apoplexie. D'autres fois, on observe une perle de

connaissance subite, dont le malade se tire sans paralysie, ou

encore tout se borne à un vertige.

Plus souvent peut-être, la paralysie se produit sans chue, ni

perte do connaissance. Quelquefois elle est précédée par une

sorte d'état vertigineux.

Ces hémiplégies peuvent présenter des associations bizarres,

dont l'origine est exactement contemporaine; un malade

observé par M. Charcot fut pris une nuit, sans perte de connais-

sance, d'une hémiplégie gaucho respectant la face, mais accom-

pagnée d'une chute de la paupière supérieure droite. U s'agit là

d'une hémiplégie combinée avec une monoplégie du côté opposé.

Les monoplégies sont, en effet, très fréquentes dans le cours

du diabète, assez fréquentes même pour qu'on doive toujours,

dans un cas de paralysie limitée, rechercher s'il n'existe pas de

sucre dans les urines.

Ces paralysies peuvent être bornées à un membre ou même

à un segment de membre ; souvent elles sont limitées à la

face où elles peuvent n'occuper qu'un seul muscle, ou un petit

groupe de muscles; elles atteignent fréquemment la langue ou

les muscles moteurs de l'oeil. Ces faits sont nombreux dans les

divers auteurs qui ont traité du diabète et de ses accidents;

nous en trouvons plusieurs encore dans; les notes qui nous ont

été communiquées par notre maître M. le professeur Charcot.

Plusieurs sont particulièrement intéressantes en ce qu'on voit

les paralysies partielles s'ajouter les unes aux autres.

Ousl : nc.m'tov I. M ? X..., diabétique; névralgie faciale, puis

diplopie et chute de la paupière supérieure droite. Quelques mois

après, déviation de la commissure labiale gauche, avec embarras

de la parole et de la déglutition. Quelque temps après, tout à coup,

embarras plus considérable de la parole, qui n'est jamais redevenue

normale.

1 Lectures on the l'rinciples ant'ac'ceo ? x'/c., 18j7, t. Il, 1). 6')0.

2 Diclionary ospract. naed., 18QC, p. 19S.

3 Science aît(I Pi-(ICI ! ce Of ize(lieille, t. II, p. 1 1,3.

340 REVUE CRITIQUE.

Ousenv.·rtov II. M. C..., diabétique; parésie des extenseurs de

la cuisse gauche. Puis, après une autre attaque, embarras de la pa-

role et déviation de la bouche à gauche.

Observation 111. M. de B..., diabétique. Aphasie totale avec

paralysie faciale droite. Quelques jours après, l'index de la main

droite ne peut plus être étendu, il est le siège d'engourdissement

et d'un peu d'analgésie (bruit de galop, myocardite scléreuse de

M. Rigal).

Ouskuvvtion IV. M. P..., diabétique, sans troubles fonctionnels

bien marqués, s'affaiblit tout à coup et considérablement à la suite

d'un traumatisme léger. Une nuit il est pris subitement, sans perte

de connaissance, d'une paralysie du bras gauche avec engourdisse-

ment du membre et un peu d'embarras de la parole. Le membre

inférieur est resté indemne.

Mais un des faits les plus remarquables de ces monoplégies

combinées est celui qui est rapporté par M. Ogle1.

-Observation V. Paralysie du bras droit et du côté droit de la

face (coïncidant avec la disparition du sucre dans l'urine; difficulté

de l'articulation des mots. Paralysie du bras gaucho; difficulté

pour ouvrir la bouche; application défectueuse des mots. Stra-

bisme, ptosis, dilatation de la pupille droite, etc.

Ces monoplégies, qu'elles soient isolées ou combinées, peuvent

être tout à fait transitoires, ne durer que quelques heures par

exemple; il en est de môme des hémiplégies. Un autre carac-

tère de ces paralysies, c'est qu'elles sont souvent incomplètes.

Dans sa Clinique de 1'llôtel-,Oieit de liouen, M. Leudet cite un

diabétique, qui, au milieu d'un délire calme, accuse des four-

millements, plus un affaiblissement tel du membre inférieur

gauche que, sans abolition des mouvements volontaires, il ne

peut se tenir debout. D'autres fois, la paralysie est à la fois

incomplète et tout à fait éphémère comme chez un malade de

M. Charcot.

' Observation VI. Le D IL ? diabétique. Faiblesse des membres

inférieurs, douleurs en ceinture; anesthésie des membres inférieurs

du scrotum du bas-ventre; engourdissements, fourmillements dans

les mains. Plusieurs chutes subites par suite d'alfaiblissenlent ins-

tantané de la jambe gauche.

1 On diseuses of tltc bi-(iiii as (i resutt of diabètes mellitils. (Saint Georges

Ao.spatal Hcpurls, L. 1, 18G, [. 1G0.)

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 3 'il 1

Les troubles de la parole que l'on observe dans le cours du

diabète sont loin d'être toujours dus à une paralysie motrice ;

ils reconnaissent souvent pour cause l'affaiblissement général

combiné à la sécheresse de la langue. Il n'est pas très rare non

plus qu'il existe une perte plus ou moins complète de la

mémoire des mots.

Certaines aphonies passagères sont peut-être susceptibles

d'être attribuées à une paralysie temporaire des muscles du

larynx.

Quant aux paralysies des muscles de 1'oeil, il n'en existe pas

d'observations assez concluantes, même dans la thèse de

Kiwatkowski, qui attribue au diabète une paralysie du pathé-

tique. L'un de nous a observé une paralysie du droit externe

survenue dans les mêmes conditions.

Ces paralysies à forme hémiplégique générale, ou partielle,

doivent être rapportées à des lésions d'origine encéphalique.

Il en existe d'autres à forme paraplégique qui sont attribuablcs

à des lésions médullaires. Marchai (de Calvi) , rapportant

l'observation d'un malade amaurotique et paraplégique, de-

puis longtemps, ajoute : « Il serait possible que le diabète

produisit la paraplégie comme il produit l'amauroso ».

On peut même observer dans les mêmes conditions la para-

plégie cervicale. Un malade de Lecadre est pris d'une vive

douleur dans le cou, douleur qui s'étend le long du rachis et

est suivie d'une immobilité complète. Les organes thoraciques

sont paralysés à leur tour, Les poumons s'embarrassent et la

mort arrive par la cessation de l'acte respiratoire.

Un autre trouble moteur fort intéressant au point de vue

séméiologique consiste en une sorte de paralysie du sens mus-

culaire, caractérisée par un manque d'assurance dans la marche,

surtout dans l'obscurité. Ce symptôme peut s'associer à une

sensation de picotement dans les membres inférieurs, comme

nous le trouvons mentionné dans une note adressée à

M. Charcot par M. le Dl Stokvis (d'Amsterdam), à propos d'une

malade qu'il lui envoyait et qui d'ailleurs fut guérie par le

régime. Ces cas sont très importants à connaître parce qu'ils

peuvent faire penser à tort à des phénomènes tabétiques.

Parmi les troubles des organes de la locomotion, on- doit

encore ranger les crampes et les convulsions. '

Cité par Marchai (le Cal·i), loc. cil., p. 207 et 3 ? 1. ' '

3 ltq REVUE CRITIQUE.

Le phénomène si douloureux et si mal connu de la crampe,

peut être rapproché de la sensation de lassitude pour l'époque

d'apparition, la fréquence et la valeur clinique. On les observe

surtout aux membres inférieurs, et durant la nuit; non moins

que la polydipsie et les mictions nocturnes, contribuent avec les

sensations subjectives diverses fourmillements, picotements,

sensations de froid, etc., à provoquer Y insomnie qui se manifeste

assez souvent d'ailleurs chez les diabétiques en dehors de tout

besoin et de toute sensation spéciale, et doit appeler notre

attention sur l'état des urines. Nous avons souvent entendu

notre maître, le professeur Fabre (de Marseille), insister sur

cette insomnie fatigante qui semble le premier indice des

troubles de la circulation cérébrale et peut être l'avant-courcur

de phénomènes plus graves.

Les convulsions peuvent se montrer isolément ou associées

au coma diabétique, ou encore en connexion avec des phéno-

mènes paralytiques. Duncan rapporte le cas du docteur Peter

Shee, diabétique, qui fut affecté d'accidents convulsifs et para-

lytiques du côté droit; M. Leudet' rapporte un fait du même

genre, et on en pourrait citer d'autres. Cette association de

phénomènes convulsifs et paralytiques, peut faire admettre

l'origine corticale de la lésion, d'autant mieux que quelquefois

les convulsions présentent très nettement les caractères de

l'épilepsie partielle monoplégique et alternent avec une para-

lysie transitoire de même siège, comme le montre le fait

suivant de M. Charcot.

Observation VU. M. M..., diabétique. Épilepsie partielle du

côté gauche occupant surtout le bras; de temps en temps, parésie

du côté gauche, douleurs fulgurantes dans les bras et les jambes.

Les vertiges que l'on observe quelquefois- peuvent peut-être

être rapprochés de ces phénomènes épileptiformes.

Une circonstance importante à noter au point de vue de

la pathogénie, c'est que ces paralysies peuvent se développer

quelque temps avant que le diabète n'apparaisse comme dans

le fait de Pavy, ou bien précisément au moment où le sucre

disparaît, comme chez le malade de 0--le, ou bien encore quand

il a complètement disparu depuis plusieurs mois, comme chez

une malade que nous avons eu récemment l'occasion d'observer,

1 Loo, cil., p. 283.

1 LécorchG et Tfttamon. Etudes médicales, etc., 1881, p. 27, '

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 343 3

Ces troubles moteurs, comme du reste les troubles sensitifs

que nous allons étudier ensuite, sont sujets à des rémissions

fréquentes; c'est ce qui avait fait penser à Marchai (de Calvi)

qu'ils étaient d'origine congestive, mais la plupart des accidents

localisés qui guérissent peuvent tout aussi bien s'expliquer, par

des destructions limitées qui se trouvent suppléées par les

parties similaires. Dickinson' a d'ailleurs décrit dans le

système nerveux des diabétiques des lésions qu'il croit à tort,

il nous semble, développées primitivement et qui sont de nature

à expliquer tous les troubles limités. Ce sont des excavations

miliaires qui se rencontrent le long des vaisseaux et dans les-

quelles on trouve du sang extravasé ou des cristaux d'hématine

indiquant leur origine hémorrhagique, et des foyers de sclérose

miliaire qui peuvent se rencontrer aussi bien dans le cerveau

que dans la moelle. Rappelons toutefois que Mùller, Kulz,

Taylor et Goodliart n'ont point retrouvé ces lésions.

B. Troubles de la sensibilité. L'aaesthésie complète est

rarement notée dans les cas de diabète, surtout à l'état isolé.

Une large plaque d'anesthésie se voyait sur la cuisse d'un jeune

diabétique hémiplégique observé par M. Lasègue. Un maladede

Dionis offrait, sur les deux gros orteils, une anesthésie à la

chaleur et une sensation de froid persistante dont il s'aperçut

dans le bain ; un an plus tard, gangrène de ces parties. M. Lé-

corché a étudié l'anesthésie avec le compas de Weber, il est

arrivé aux mêmes résultats que Laycock, résultats peu inté-

ressants, dit-il lui-même. D'après les auteurs du Compendium

de médecine, la sensibilité de la peau devient obtuse ou s'efface

complètement, si bien que Naumann a pu arracher les poils

on certains points sans causer de douleurs au patient.

Souvent, au contraire, ces diabétiques accusent des fourmille-

ments, des sensations de compression, de refroidissement, de

chaleur, de l'engourdissement des extrémités ou d'une extré-

mité isolée. C'est plus souvent sur les membres inférieurs

qu'on trouve cette anesthésie. Quelquefois elle se montre par

plaques sur diverses parties du corps, sur les organes génitaux,

par exemple. Une femme de soixante ans accuse du côté droit

des douleurs constantes, tiraillements, crampes, s'exaspérant

1 Dickinson. Diabètes, Lontlou'157, p. 30.

t On the nervous systeni iii Diabètes. (Guy's hosp. Rep. 1877, t. XXII,

p. 'il 3.)

: 3'i.'4 - REVUE CRITIQUE.

par moments, ne lui laissant nul répit. Le toucher, parfois le

simple contact des vêtements exagère ses souffrances, jamais

la pression violente. Ces phénomènes peuvent exister sans

nulle diminution de force, avec bonne santé et aucun autre

symptôme diabétique que la glycosurie. L'état de cette der-

nière n'a jamais influé sur ces symptômes (Trousseau).

Le diabétique est très sensible au froid extérieur (Trous-

.seau). La sensation du froid peut être générale (Fritz), alter-

ner avec celle de chaleur, états à distinguer des véritables fris-

sons de la période de consomption (Trousseau).

La sensibilité tactile disparaît et le diabétique ne peut tenir

un objet fin, une épingle, dans ses doigts, sans la fixer des

yeux (Lecorché), ou bien elle est pervertie. Une malade de

M. Lecorclié ne sentait plus ses pieds. Celui de Dionis 2 croyait

.marcher sur des filets de corde à larges mailles. Il n'y a pas que

ces troubles de la sensibilité, nous le verrons plus loin, qui

rappellent ceux du tabès dorsal.

D'autres phénomènes douloureux que les crampes affectent

- le diabétique.

Ce sont des douleurs vagues, articulaires, se combinant alors

avec la sensation de lassitude. Souvent elles se localisent dans

les lombes, les hanches (Marchai de Cali), ou la région dor-

sale. Beaucoup plus importante, selon Leudet', est la douleur

de la nuque qu'il a rencontrée dans près de la moitié des cas

observés par lui (six fois sur treize). Les malades la comparent

à une brûlure, à la morsure d'un chien. Avec elle, on constate

de la raideur du cou. Elle s'étend depuis l'occipital jusqu'aux

fesses dans les efforts faits par le malade. Leudet la croit liée

à l'amllyopie. Chez un malade de Marchai (de Calvi)4, le coït

provoquait, avec de la congestion cérébrale, une douleur atroce

et subite à la nuque, une chaleur brûlante au front.

La douleur peut se localiser à la tête. Le malade la compare

à une calotte de plomb pesant sur son crâne (Leudet 5).

Bien souvent, la douleur revêt la forme névralgique. Un

malade de M. Charcot fut atteint d'une névralgie faciale

1 LécorcliéetTalanioii. A ? médicale ? faites à la Maison de santé, p. 31.

- Dionis. Monit. des ht'ip., 1S."i7.

' Leudet. - Clire, ntérl., y. 31. ,

*M : n'ch ! d(()cC.t)yi),/oe. < ? ? p. 3 : ,3.

' Loiidel. Clin, mi'/l. ]i. 279. ,

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 3)5 5

rebelle ; mais les troubles de ce genre, dans le cours du dia-

bète, sur lesquels on a le plus insisté, sont les névralgies symé-

triques et de longue durée, parmi lesquelles les sciatiques,

étudiées tout d'abord par M. Worms ', semblent les plus fré-

quentes. (Buzzard2, Drasche3.) .

M. Huchard'* pense que ces névralgies ont pour cause l'ar-

thritis. Marchai (de Calvi) incriminait déjà la diatbèse urique,

qui tenait sous sa dépendance la névralgie et le diabète, en

sorte « qu'il en vint à penser que, pour conjurer la sciatique, il

fallait laisser subsister un peu de diabète ». Cette idée a été

reprise à propos du coma diabétique. *

M. Lecorché, signalant la névralgie intercostale, pense que

celle qui siège à droite, coïncidant avec une sensibilité doulou-

reuse du foie, pourrait bien dépendre de la congestion hépa-

tique.

A côté des névralgies, il faut citer les douleurs fulgurantes

sur lesquelles M. Charcot a appelé l'attention à plusieurs

reprises dans ses leçons et que nous retrouvons dans plusieurs

de ses observations. M. Raymond5 a eu aussi l'occasion d'ob-

server un fait semblable et du même caractère, « des douleurs

sous forme d'éclairs allant de la fesse aux orteils, en suivant le

trajet du sciatique, par crises de deux ou trois heures se répé-

tant plusieurs fois dans les vingt-quatre heures et spontané-

ment ». C'est là un fait très intéressant à connaître, car ces dou-

leurs dont on peut concevoir la combinaison avec des troubles

de la station, l'anesthésie plantaire, ou des hyperesthésies tran-

sitoires et en plaques comme nous en connaissons un exemple,

pourraient amener la confusion, à un examen superficiel, avec

le tabes ataxique.

Les organes des sens, les viscères même offrent des troubles

de leur sensibilité spéciale.

Pour la fréquence et l'importance, il faut avant tout citer la

frigidité. Bouchardat a pu dire que « les troubles de la vue et

l'impuissance sont les deux thermomètres qu'il interroge le plus

Worms. - Bulletin de l'Académie de médecine, 2e s(rie, t. IX.

5 Buzzard. The Gancet, t. 1, 18S2.

. ' Drasche. Diabetis che neuralgien (It'iener. ? 21ed. Woc/t.) 18S2.

· Axenfelcï et Huchard. Traite des névroses, 18S2, p. 8S2 (en note).

" Gaz. méd. 1881, p. si ? 7.

3'EG REVUE CRITIQUE.

fréquemment pour mesurer l'intensité et l'ancienneté de la

glycosurie'.)) »

Il y a perte de l'appétit génésique et de l'aptitude a remplir

la fonction (Lasègue). Chez la femme, il peut même exister de

la répugnance (Lasèjue). Ce symptôme capital a d'ailleurs été

bien indiqué par tous les auteurs.

Faut-il croire avec M. Lcgrand du Saulle, qu'à l'inverse de ce

qui arrive quand la frigidité est l'effet de l'âge, le diabétique

accepte avec résignation et indifférence la perte de ses aptitudes

viriles ; ou bien au contraire, avec Durand-Fardel, que.

l'anaphrodisie est bien souvent la cause des vésanies observées

dans le cours du diabète ?

Leroux2 signale d'après Niedergesass, chez une malade de

douze ans, de violentes démangeaisons de la peau, et par suite

de grattages, des excoriations sur le dos et les extrémités.

M Peter3 a observé un fait analogue chez un sujet de soixante-

quatre ans.

Certaines névroses comme l'astleme, l'angine de poitrine, le

goitre exophthalmique '' peuvent être liées à la glycosurie.

Bien que l'ouïe soit le sens le plus épargne par le diabète,

selon Bouchardat, la surdité est plus fréquente chez les diabé-

tiques que chez le commun des hommes. Tantôt légère et

passagère (Lécorclié), tantôt complète (Dreysig), est-elle un

phénomène purement nerveux (Prout3) ou bien relève-t-elle

d'une lésion de l'oreille ? M. Raynaud6 a décrit l'otite moyenne

survenant à la période ultime de la phthisurie.

Chez une malade de Trousseau, une otalgie violente de

l'oreille gauche précéda une hémiplégie droite et le coma final.

Dupuy de Fronsac observa chez le même sujet la cophoso et

l'amblyopie, et Leudet l'anosmie du même côté. La perversion

de l'odorat est mentionnée par Lécorcfé.

Quant aux troubles gustatifs, le même auteur n'y voit qu'un

effet de l'altération des sécrétions buccales. Une malade de

Jordao ne sentait plus le poivre.

Boucliardat. - Loc. cit., p. 49.

= Leroux.77t. Paris, 1881.

3 Peter. Clin, medic, t. II. p. 7G0. '

1 Panas. ? c/t. d'ophthalmologie, 1881.

MI. Prout.- On tlce nature and treatment of slonaae and rénal elisea.

ses, 3o bdit., Lonaon 1848, p. 3 ? . ·

0 Annales des maladies de l'oreille et du larynx, 1882.

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 3 li 7

Troubles oculaires. Ils ont la plus grande importance pour

le diagnostic et le pronostic. De plus, la connaissance exacte

des lésions rétiniennes diabétiques pourra sans doute aider à

pénétrer la nature des accidents cérébraux de même ori-

gine.

Nous ne parlerons pas de la cataracte diabétique. Peut-on

parfois rattacher la kératite, l'iritis, l'irido-choroïditeau diabète

et même aux troubles ou aux lésions concomitantes du syst( me

nerveux ? Les observations ne permettent pas de conclure.

Celle de la femme Taupin publiée par Leudet, montre combien

la question est complexe. Bien avant Galezowsky et Kiwat-

]owsli 1, son élève, Marchai (de Calvi)2, avait attiré l'attention

sur ces faits et rappelé les suppurations oculaires observées par

Magendie sur des chiens soumis à un régime excessivement

sucré. M. le professeur Panas insiste souvent sur la nécessité

de réviser la pathogénie des kératites graves et rapides dont la

cause échappe et d'analyser fréquemment en pareil cas les

urines.

C'est dans l'ouvrage célèbre de Rollo 1 que l'on trouve la

première mention des troubles oculaires chez les diabétiques,

mention due à Willan.

Ileyl 4 donne la priorité 1131anlcaart d' : lmsterdam (IG88) ; il

s'agissait d'une tumeur cérébrale et il y avait pure coïncidence,

comme le montre la lecture de l'observation.

Depuis le commencement du siècle, il n'est pas d'auteurs

qui ne les aient signalés et la plupart ont insisté sur leur fré-

quence et leur importance. A Desmares revient l'honneur

d'avoir le premier décrit et figuré les lésions de la rétine

observées dans le cours du diabète, d'avoir établi leur affinité

avec celles qu'on rencontre dans l'albuminurie.

La proportion des cas de diabète où se montrent les troubles

oculaires est considérable. Poueliardat l'évalue à ', ou '4.

lauconneau\2. Dufresneà ? ou . Selon Lecorché, le premier

serait le plus près de la vérité. Voici à cet égard, la statistique

de la clinique de Galozowsky, d'après Kiwatkowski.

i Kiwatkowski. Thèse de Paris, IS79.

s Marchât (de Calvi). Loc. cit., p..3G ? 361.

a Rollo. Traité du diabète, trad. franc., nu VI.

ll(,.Yl. Philadelphie, nies. Tinles, t. X, 1879-1880, p. 318.

«Desinnrres. Maladies des yeux, 2e édit., t. III, p. 521.

3rs REVUE CRITIQUE.

Sur ! 2,000 maladies de la vision, 18 cas ainsi répartis

relèvent du diabète :

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 3 le ! )

place à la seconde forme, soit spontanément, soit sous l'in-

Iluence de la médication. En général, les deux yeux sont iné-

galement atteints.

Le professeur Panas ' a le mieux décrit cette forme d'amblyo-

pie et démontré sa nature. La plupart du temps, il ne s'agit que

de parésies accommodatives. Avec le muscle ciliaire, souvent le

constricteur de l'iris est pris et l'atropine exagère l'amblyopie.

A ce moment les muscles moteurs n'ont jamais offert de para-

lysie. Le muscle ciliaire peut être complètement paralysé et le

malade privé de toute accommodation passerait pourun véritable

amblyope si l'examen ophthalmoscopiquc ne montrait la par-

faite intégrité du fond de l'oeil ou tout au plus une légère

congestion de la papille. Les verres convexes, une fente sténop-

cique, un trou d'épingle la corrigeront.

Au cas de paralysie incomplète, on conslate tous les troubles

caractéristiques de l'asthénopie accommodativc, variables avec

l'état de la réfraction de l'aeil, plus marqués chez l'hyper-

métrope que chez l'emmétrope, chez celui-ci que chez le

myope.

Bien que cette amblyopie se montre dans les cas de glyco-

surie faible, quand les troubles de la santé générale sont peu

marqués, selon M. Panas, le diabète n'agirait sur l'appareil

accommodatcur de l'oeil, que comme cause d'épuisement général

de l'organisme.

Cette pathogénie, indiquée d'abord par de Grscfo, ne semble

pas à M. Lecorché2, applicabledans tous les cas. Parfois, il fau-

drait incriminer la rétine, un trouble fonctionnel ou circula-

toire de cette membrane, et même du centre optique ; car ces

troubles de la vision s'observent également dans les hémor-

rhagies, les flux séreux abondants'.

On a fait jouer un rôle à l'état chimique des milieux de l'mil.

Leur appauvrissement en urée, en chlorure de sodium change-

rait la direction des rayons visuels. (.Millier4). « C'est à la lac-

tescence du sang (insuffisamment alcalin), s'opposant à la

transparence des humeurs de l'oeil, qu'il convient de rapporter

l'affaiblissement de la vision si fréquent dans l'albuminurie et

1 Panas. In Bouchardat, p. SS.

' Lccorchu. Traité dit diabète, p. 3jf : .

a Lecorché. Gazette hebdomadaire, 186 1.

* Millier. Beischi,cib. der liaru. Francfort 1810.

350 REVUE CRITIQUE.

le diabète. (Mialhe '). » Les glycosuriques vieillissent vite,

selon Bouchardat 1. C'est l'appareil qui reçoit les premières

atteintes de l'âge qui doit être le plus éprouvé chez eux, la

vision, comme aussi l'appareil génital. La présence du sucre

dans l'humeur aqueuse suffirait à expliquer l'amblyopie, idée

que Hepp (de Strasbourg) avait ruinée par l'analyse chimique

- et qu'un fait récent de Lober' pourrait permettre de soutenir

encore.

Avec cette amblyopie peuvent coïncider des vertiges. Mar-

chai (de Calvi)' voit dans l'union de ces deux symptômes le

signe principal do l'influence du diabète sur l'axe cérébro-

spinal.

E. Wickcrsheimer3 rapporte un cas d'amblyopie diabétique,

sans lésion du fond de l'oeil, qui, améliorée par le régime,

n'empira pas avec l'affection, fait qui contredit bien des opi-

nions admises, et pas plus que ce qu'on observe à la période

terminale de la plitllisie pulmonaire, n'est favorable à l'hypo-

thèse de M. Lécorché, la nutrition défectueuse de la rétine.

Les faits que leur persistance ou leur aggravation continue,

I leur apparition à la fin de la maladie ont permis d'embrasser

sous le nom d'amblyopie gra.e, sont plus nombreux et beau-

coup plus complexes.

La cataracte diabétique est regardée comme l'une de ses

formes. Elle peut coexister avec les lésions qui nous restent à

énumérer et les masquer, ce que le chirurgien ne saurait

oublier.

Tantôt le début de l'amblyopie grave est insidieux, tantôt au

contraire brusque. Elle succède ordinairement à l'amblyopie

légère. Rares sont les amendements qu'on peut observer dans

son cours. L'état de la vue va s'aggravant sans cesse, jusqu'à

la cécité complète, si la vie se prolonge assez longtemps. L'am-

blyopie grave peut être le premier signe du diabète, c'est-à-dire

apparaître quand tous les signes de l'affection font encore

défaut, la glycosurie même. Rarement myodésopsie. Parfois

s'observe de la dyschromatopsie, signe d'une atrophie du nerf

1 Mialhe. Chimie appliquée ci la physiologie, p. 16'i

Boueliii-dat. Diabète, lS7u, p. 'il. i.

3 Louer. .l'-e/i. sur opltlh., 187.

* Marchai (de Calvi). - Lue. cil., p. 2oS.

Wickerslieiiner. Thèse de l',ma; 187 '

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 351

optique. Le champ visuel est rétréci, offre des échancrures, dos

scotomes. Enfin, depuis longtemps, on a signalé l'hémiopie.

(bouchardant', von Grsefe, Bellouard2.)

Ces symptômes dépendent de lésions diverses de la rétine,

du nerf optique ou de ses origines.

La rétinite glycosurique s'observe dans les cas graves, alors

que les troubles nutritil's et l'amaigrissement général ont fait

de rapides progrès. Les symptômes objectifs et subjectifs de

cette rétinite ne diffèrent pas de ceux de la rétinite albuminu-

riquc.

Leber', dans le travail déjà cité, a pu réunir dix-neuf obser-

vations, dont plusieurs manquent de détails et d'analyses d'u-

rines suffisants. Le professeur Panas4 pense, avec la plupart

des autours, que les caractères objectifs, non moins que les

conditions étiologiquos, font relever cette rétinite de l'albumi-

nurie qui survient à cette période du diabète. Il ne croit pas

cependant la chose nécessaire. A Desmares, il oppose deux de

ses propres observations dont les analyses d'urine ont été four-

nies par Bouchardat et Mialhe, un troisième cas de Noyés et

un 'quatrième de Haltenhof. Les analyses d'urine ont été faites

si exactement et si souvent, qu'on ne saurait, comme Des-

marres, songer à de l'albuminurie intermittente, qui aurait

échappé.

Fond d'oeil .pâle et gris. Apoplexies et plaques blanches de

la rétine, affectant le voisinage de la macula surtout ; telles

sont les lésions du fond de l'oeil, en tout pareilles àcellcs de la

rétinite albuminurique. D'après Lober, les plaques blanches

auraient moins de tendance à se confondre dans la rétinite diabé-

tique, distinction bien subtile. Kiwatkowski a a en vain tenté de

dresser un tableau de ces différences. L'examen de l'urine peut

seul trancher le diagnostic. Des hémorrhagies dans le vitreum

et, même d'après Galezowsky, le glaucome hémorrhagique,

peuvent compliquer cet état.

IIeyl publiait récemment une observation des plus intércs-

1 Bouchardat. Loc. cit , et Auad. hcienrcs, t8S3.

3 Bellouard. Thèse, de Patis, 1880.

J Leher. Loc. cil.

i Lcrons sur lesrctiniles, 1S7S. Dictionnaire de Jacuud, art. Reliuiles.

0 Kiwatkowski. -Luc. cil.

' Ilevl. Loc. cit.

35li RKVUE CRITIQUE.

santés de lipéinie rétinienne chez un sujet atteint déjà de

cataracte nucléaire. L'ophthalmoscope lui mon traies vaisseaux,

veines et artères d'une teinte fort claire, différant fort peu de

celle du fond de l'oeil, si bien que l'on pouvait à peine suivre les

artères, et un peu mieux les veines larges, mais non flexueuses.

Aucune trace de rétinite, ni d'hémorrhagie.

Qu'il y ait ou non albuminurie concomitante, les altérations

du sang, celles des vaisseaux, avec l'aide peut-être d'une aifec-

tion cardiaque, et par suite une hémorrhagie du système vas-

culaire, ou même une simple diapédèse (Leber), telle serait

l'origine des hémorrhagies rétiniennes.

Diabète, albuminurie et rétinite ne dépendraient-ils pas

également d'une lésion bulbaire ou protubérantielle (Panas) Y

La forme de la rétinite glycosurique n'est pas en rapport avec

l'idée d'une lésion encéphalique, qui se traduit sur l'oeil par

une névrite ou une névro-rétinite. N'oublions pas que Leber,

Galezowskv, et avant eux Lécorché, avaient observé la névrite

et la neuro-rétinite dans le diabète.

Pour M. Lécorclié, l'hémorrhagio rétinienne n'est pas compa-

tible avec le diabète, mais fort naturelle dans l'amblyopie

albuminurique. Chez un de ses malades, elle survint en même

temps qu'une hématurie, et s'accompagna de mouches vo-

lantes, de points fixes, de photopsies. Le malade voyait les

objets brisés.

Leber pense que des hémorrhagies capillaires pareilles

peuvent se produire dans le nerf optique, le chiasma, les

bandelettes optiques, de même que dans la rétine et le cer-

veau, et qu'ainsi s'expliqueraient non seulement l'hémiopio,

l'atrophie du nerf optique, mais encore les amblyopics graves

du diabète sans lésions appréciables, la dégénération n'ayant

pu s'étendre assez loin. C'est là une pure hypothèse que les

faits connus d'hémiopie relatés et analysés par Bellouard1

n'ont encore que contredite. D'après cet auteur, en ces cas, la

glycosurie serait purement symptomatique, et probablement

d'un syphilome comprimant le mésocéphale.

D'après Desmarres, l'hémorrhagio rétinienne serait le pré-

lude d'une hémorrbagie cérébrale.

Des troubles oculaires pareils ont été décrits dans la plios-

pbaturie, l'hippuric, l'oxalurie, la benzourie, les pertes sémi-

1 Bellouard. Loc. cit.

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 353

nales (Desmarres.) et dans un grand nombre d'états cachec-

tiques (saturnisme, alcoolisme, nicotinisme, chlorose...)1.

Les troubles de la vue sont rares chez les enfants. Leroux'

ne les relève que trois fois sur cent cinquante observations. C'est

l'opinion professée par M. Lécorclié, dès son premier mémoire.

C. Les facultés intellectuelles se dérangent, la mémoire s'affai-

blit ; le malade tombe dans la tristesse, l'abattement, une apathie

profonde, un assoupissementinterrompupar des rêves effrayants,

des hallucinations, des terreurs qui peuvent conduire au sui-

cide. D'autres fois, sans trouble mental caractérisé, le malade

se trouve dans un état de défaillance morale, redoutant l'ac-

tion ; il recherche le repos et l'immobilité, ou encore il reste

dans une sorte d'apathie béate'. L'excitation morale est beau-

coup plus rare. La plupart du temps ces troubles mentaux doi-

vent être rattachés à l'affaiblissement général. (Durand-Fardel.)

A la suite de troubles nerveux divers, on peut voir survenir

chez des diabétiques un affaiblissement intellectuel plus ou

moins considérable, coïncidant avec un affaiblissement graduel

de tous les membres, grâce auxquels le malade offre les appa-

rences de la paralysie générale.

D'ailleurs Delpech a fourni à Marchai (de Calvi') un cas de

paralysie générale véritable, survenu chez un glycosurique pré-

cédemment affecté d'un anthrax ; mais, en présence d'un cas

isolé, on doit croire qu'il s'agit d'une simple coïncidence. Quant

aux véritables vésanies diabétiques (Monneret et Fleury, Mar-

chai (de Calvi), de los Santos) 6, ce sont probablement de

simples coïncidences ° qui s'expliquent par les rapports fré-

quents que l'on constate par l'hérédité entre le diabète et

l'aliénation mentale ou l'épilepsie (Seegen, Westphal, Grie-

singer, Lockart-Glarke, etc., etc.). Toutefois, lorsque chez un

aliéné diabétique on voit survenir, sous l'influence du traite-

ment, une amélioration portant à la fois sur l'état physique et

sur l'état mental (Legrand du Saulle), il faut bien admettre une

relation entre les deux ordres de troubles.

1 Wickersheimer. Paris, 1874.

- Legrand du Saulle. -Gazette des hôpitaux, décembre 1877.

Loc. cit., p. 217.

Il. Leroux. - 1'lt. l'arts, 1881.

5 De l'état mental chez certains diabétiques, 1878.

a Cotard. Archives générales de médecine, 1877.

AitcuivEs, L. IV. 23 .

3j ! 1, REVUE CRITIQUE.

D. Troubles trophiques. Certains diabétiques offrent des

lésions qui présentent une certaine analogie avec les troubles

trophiques que l'on observe dans des affections spinales.,On a

noté, par exemple, le mal perforant' avec des. caractères par-

ticuliers, tels que : conservation de la sensibilité de la peau au

pourtour, apparition d'escarres et d'hémorrhagies abondantes.

Ces lésions nous paraissent devoir être rapprochées des gan-

grènes localisées, dont la relation avec leur altération du sys-

tème nerveux, n'-est rien moins que démontrée.

' Cependant, on a quelquefois observé dans le diabète des

sueurs localisées, qui montrent bien que l'appareil vaso-moteur

peut être partiellement atteint dans certains cas.

On a rencontré aussi des atrophies localisées de la peau

(Leudet) et de ses organes accessoires, que l'on peut rappro-

cher de certaines lésions cutanées notées dans plusieurs affec-

tions du système nerveux Il est possible que ces troubles

trophiques localisés reconnaissent pour cause une lésion

médullaire très limitée.

Enfin certains cas d'alroplaie musculaire peuvent être plus

sûrement encore rattachés à des lésions des cornes antérieures,

de la nature de celles qui ont été signalées par Dickinson.

OBSERVATION VU. M. X..., de Besançon, est atteint d'une atro-

phie musculaire prédominant dans le membre inférieur gauche.

L'exploration électiique a donné à M. H. Vigoureux, les résultats

suivants : le tibial antérieur, l'extenseur commun des orteils, le

long et le court péroniers latéraux, le vaste interne, sont inexci-

fables faradiquement, mais avec prédominance de l'anode. Le

premier, interosseux dorsal de la main gauche donne les mêmes

réactions. L'excitabilité mécanique des muscles est exagérée dos

deux côtés où l'on voit des contractions fibrillaires. Réflexes nor-

maux. Ce n'est qu'après le développement de l'atrophie d'ougine

spinale que l'on découvrit le diabète.

Si le cas était isolé, on pourrait se demander s'il ne s'agit pas

d'une simple coïncidence, mais nous avons eu récemment

l'occasion d'en observer un autre presque identique.

1 Ct6ment. Considérations sur le mal perforant chez les diabétiques ,

thèse 1881. ' *

2 Caiitaili. Un caso eliiiico di atrofia culanca Progressiua (morgua-

giii, 1881.). Féré et Quermonue : Sur des vergetures de la peau obser-

uces chez des névropathes. (7roy)M ! t : edica/, 1881.)

DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 355

OBSERVATION IX. M. J..., du Havre, cinquante-quatre ans,

maladie du foie avec jaunisse, en 1866. 11 y a deux ans, rhumatisme

localisé dans le genou droit. Quelque temps après, soif; le malade

était obligé de se lever la nuit trois ou quatre fois pour boire.

Dans l'espace de six mois environ, les urines, examinées à trois

reprises, contenaient 31, `28, 2j grammes de sucre par litre. Aujour-

d'hui (7 septembre l 882), il y a encore un précipité très abondant.

Au mois d'avril 1881, le malade en montant un escalier sentit

fléchir son genou droit, et tomba; il est tombé souvent depuis

surtout en descendant. li ne peut pas monter l'escalier sans moitié e

les deux pieds ensemble sur la même marche, tant la faiblesse du

genou droit est grande. Il a une sensation de pesanteur; à chaque

moment, il sent sa jambe fléchir et marche timidement. Il a souvent

des crampes localisées surtout, mais non exclusivement sur la

jambe droite. Jamais de douleurs spontanées, pas de fourmille-

ments, ni d'engourdissements. La sensibilité au froid est plus

grande sur le membre inférieur droit, elle y est plus douloureuse,

le contact parait bien moins senti sur le membre inférieur gauche;

sens musculaire intact. Mensurations : mollet droit, trente-quatre

centimètres, mollet gauche, trente-huit; au-dessus de la rotule,

trente-huit centimètres adroite, trente-neuf à gauche; tour du

pli fessier, cinquante-deux à droite, cinquante-quatre à gauche. Il

existe une atrophie unifoime de, tout le membre inférieur sans

prédominance sur aucun groupe de muscles, excitabilité mécanique

du muscle normale. Excitabilité faradique faible de deux côtés,

excitabilité galvanique un peu plus faible at la jambe droite (les

muscles répondent mieux au poiu positif;.

E. Le Coma diabétique observé par von Stosh et Prout a

surtout été bien décrit par Kussmaul ; il n'a guère été étudié

en France que depuis le travail de r1111. Bourneville et Teintu-

rier C'est un accident qui s'annonce par une céphalalgie

frontale intense, avec vertiges, anorexie, pyrosis, vomissements,

diarrhée profuse; puis le malade, en proie à une agitation

incessante, souffre d'une oppression croissante, avec angoisse

extrêmement pénible ; les mouvements respiratoires s'accélèrent

tout d'abord, puis se ralentissent, deviennent de plus en plus

profonds. Le malade s'assoupit, tombe dans le collapsus, la

température s'abaisse, les extrémités se refroidissent et enfin

la mort arrive dans le coma sans convulsions. Quelquefois, au

bout d'une heure ou deux2 ou même moins, le sujet exhalo

uuo odeur fade de pomme de reinette ou ehloroformiquo tout à

1 Progrès médical, 1875, 1). 1) Î.

' H. Lcpiue. Lyon médical, 1880, u" lu.

356 . REVUE CRITIQUE.

l'ait caractéristique. L'existence de cette forme spéciale de coma

dyspnéique, déterminant assez fréquemment la, mort chez les

diabétiques, ne fait aujourd'hui aucun doute ; mais on est loin

d'être fixé sur la pathogénie de ces accidents. C'est là un point

qui a été étudié récemment en France, dans deux articles

remarquables, par MM.'Brissaud' et Drcyfus-Brisac2, et il nous

sera permis d'être bref sur les théories. On a invoqué la sur-

charge graisseuse, du sang (Becquerel et Rodier, Sanders et

Hamilton, Iüssmaul; lllüller, Simon, etc.) d'où peuvent prove-

nir des embolies pulmonaires ; mais si cette hypothèse peut

rendre compte des accidents dyspnéiques, elle explique moins

bien les autres phénomènes du coma.- L'urémie a aussi été in-

criminée en raison des lésions rénales,'(Dickinson, Griesinger)

rencontrées chez des diabétiques ; mais les mêmes altérations

ont été observées dans le diabète insipide qui ne se termine

point par le coma dyspnéique. La présence de l'acétone dans

le sang, soupçonnée par Pctters et confirmée par Kaulich, a été

accusée par Ki*t5smaul; mais, comme le fait remarquer Ebstein,

si la présence de l'acétone semble pouvoir déterminer le coma

dyspnéique, elle ne le provoque pas nécessairement ; pour que

l'acétonémie fut efficace, il faudrait, d'après Ebstein, que l'éli-

mination du produit fût empêchée par une lésion rénale spé-

ciale, une dégénération hyaline qui aurait pour cause la per-

manence de l'hydropisie épithéliale (Cantani, Ebstein). Enfin,

la théorie la plus simple et la plus vraisemblable est fournie

par la' déshydratation des tissus reconnue dans la plupart des

autppsies ; le dessèchement des tissus'et en particulier delà

substance nerveuse (Ranke 3) peut le mieux expliquer les phé-

nomènes du coma et les conditions dans lesquelles il se produit

ordinairement, fatigues, efforts, sudations, etc. 4. On peut se de-

mander toutefois si la glycosurie n'a pas une influence spé-

ciale, car le coma dyspnéique ne s'obsprve pas dans d'autres

états, où la déshydratation du sang est également très manifeste.

Du. dépouillement de cent cinquante observations, Leroux

1 Progrès médical, 188 p. 967.

°- Gazette hebdomadaire, 18S1, n" zou. '

3 Bouchard. Maladies par ralentissement de la· nutriliot,1882, p. 19 i.

' Lnchsingcr plonge des grenouilles dans une solution sucrée à

)0'p. 100, et détermine le coma et la respiration de.Cjhcynes-St.okM qui

disparaissent, par l'immersion dans l'eau fraîche; i ! en conclut que c'est

,)a'déperdition d'eau qui est la'cause'des'accidents. (Arch. J'iir die ge-

saîanate Ylejt; 1880.)' ' ' " '

, revue d'anatomie. 357

conclut que le diabète chez les enfants se termine assez sou-

vent par des accidents cérébraux, quelquefois par des phéno-

mènes d'intoxication désignés sous le terme d'acétonémie. ,

REVUE D'ANATOMIE

I. Sur les vaisseaux DE la moelle épinière (Analyse et critique

du mémoire de M. Adamkiewicz); par H. DuRET, chirurgien

des hôpitaux.

Le travail remarquable et digne d'intérêt de \1. Adamkiewicz,

eût pu être l'objet d'une juste appréciation de la part de ses

lecteurs, si l'auteur eût donné à nos recherches sur la circula-

lion de la moelle épinière la place qu'elles méritent, et qui leur

est attribuée partout. Il se borne, en effet, dans le cours de son

mémoire, à cette simple mention, que nous croyons devoir re-

produire en entier : « Enfin il nous faut signaler un travail

méritant de Duret sur la circulation des centres nerveux, et en

extraire ce qu'il dit sur la vascularisation de la moelle : Il y a

une harmonie complète dans toute la vascularisation de l'axe

cérébro-rachidien. Dans notre mémoire sur le bulbe, nous avons

divisé les artères nourricières en artères médianes ou artères

des noyaux bulbaires, et en artères radiculaires. Les premières

occupent le sillon médian, les autres pénétrent dans le bulbe

en suivant les racines : elles arrivent ainsi jusqu'aux noyaux.

Il en est de même pour les artères nourricières de la moelle :

les unes sont médianes, les autres radiculaires... Il y a dans la

moelle des artères médianes antérieures et postérieures et des

artères radiculaires antérieures et postérieures. »

M. Adamkiewicz parait ignorer que nous avons publié une

note très complète sur la circulation des vaisseaux nourriciers

de la moelle épinière. Il y a bientôt neuf ans. (Voy.,yVo/e' les

artères nourricières et sur les vaisseaux capillaires de la moelle

épinière, in Progrès médical, 23 novembre 1873, n" 24)., Il est

encore fait mention de ce travail, avec l'indication bibliogra-

phique exacte dans, notre mémoirèdesA ? ,chz'vesdePhys2'ologle,

1874, dont M. Adamkiewicz a extrait les lignes précédentes. Il

358 revue D ANATOMIE.

est reproduit en entier dans le Dictionnaire encyclopédique des

sciences médicales; art. Moelle et dans plusieurs ouvrages

français et étrangers. Depuis plusieurs années, M. le professeur

Charcot a introduit ces recherches sur la circulation de la moelle

épinière dans son enseignement public à la Faculté : des dessins

demi-schématiques figurent nos préparations et nos injections

qui ont été montrées dans nombre de ses leçons. Ces- études

sont aussi l'objet de l'enseignement vulgaire à l'École pratique.

La priorité de nos recherches ne saurait donc être récusée. Leur

valeur pourra facilement être appréciée par ceux qui voudront

bien parcourir la note du Progrès médical. Nous décrivons en

effet d'une manière succincte, mais pourtant complète, l'origine

et la distribution des artères nourricières de la moelle épinière

c'est-à-dire des vaisseaux artériels qui pénètrent dans la

substance nerveuse : nous signalions pour la première fois,

croyons-nous, le trajet et les ramifications des artères médianes

antérieures et postérieures, des artères radiculaires, des artères

périphériques ; nous indiquions la configuration des réseaux

capillaires dans la substance grise et dans la substance blanche.

Tels sont sommairement les résultats principaux de nos recher-

ches sur la circulation delà moelle épinière. Si leur originalité

reste entière, et si, selon nous, M. Adamkiewicz ne leur a pas

rendu une justice suffisante, nous aurions mauvaise grâce à

ne pas reconnaître que le travail de l'auteur allemand ren-

erme plusieurs détails complètement personnels, et que, dans

son ensemble, il est conduit d'une façon remarquable. Nous

croyons qu'il mérite d'être l'objet d'une analyse complète. - Il

comprend deux parties : la première est relative aux vaisseaux

artériels et veineux dans l'épaisseur de la moelle épinière ; la

seconde, sur l'originalité de laquelle nous n'avons aucune

revendication personnelle à établir, s'occupe de leur étude à

la surface de la moelle'.

Première partie. -Les injections ont été faites à l'aide de gé-

latine colorée au bleu de Thiersh, ou du carmin selon les pro-

cédés de Gerlach. L'auteur étudie la distribution géographique

des vaisseaux sur des coupes horizontales faites à différentes

hauteurs dans la moelle épinière, sur des coupes transversales

ou frontales, et enfin sur des coupes antéro-postérieures ou

1 Die l3lulyc ? lse des Menschen nitokeîp ? ia2k, von lnof. A. Adamkiewicz.

- I. Theil in (LXXXIV Bande der SitsG, der K. Aha(l. d. 1T'isseusul ?

III, Abth, nov. heft. jahr. 1881). II, Theif ans dem LXXXV, t88Q.

revue d'anatomie. 359

sagittales. Des dessins très finement exécutés représentent ces

injections, et deux schémas résument les conceptions de l'auteur.

Sur ces coupes l'aspect général de l'appareil vasculaire est le

suivant : 1° dans la substance blanche, les rameaux artériels ou

veineux, sur des coupes frontales et sagittales, apparaissent entre

les faisceaux nerveux sous les formes suivantes ; tantôt ils sont

rencontrés par le rasoir perpendiculairement à leur direction,

et on aperçoit leur lumière centrale, et lesrameauxcollatéraux

qui en partent en divergeant ; tantôt ils sont coupés oblique-

ment, et on n'a sous les yeux qu'une portion du vaisseau avec

ses branches collatérales (Fig. XI V et fig. 7.Y de l'auteur)

Sur des sections horizontales, on ne peut suivre les artérioles

intramédullaires : elles apparaissent comme des rameaux, ra-

diants incomplets, (voy. IP2*.q. II, IV et F de l'auteur).- L'as-

pect général de la substance grise est le suivant. Sur des coupes

horizontales on remarque que le réseau capillaire de la subs-

tance grise est surtout riche et dense aux endroits où existent

des groupes de cellules nerveuses (yaaylia), au niveau, des

cornes antérieures/c'est-à-dire selon le langage de l'auteur

allemand dans la colonne grise antérieure (G2,a21eîi 17oîdeî,-

saulen). La commissure est pauvre en vaisseaux ; ils sont

parallèles à ses faisceaux nerveux ; la substance gélatineuse

centrale en est tout à fait dépourvue (voy. ? 7F), ainsi

que le canal central, qu'on peut sans doute considérer avec

Roudanowsky comme un espace lymphatique. L'extrême

richesse du réseau capillaire au niveau delà colonne cellulaire

de Clarke mérite d'attirer plus particulièrement l'attention

(voy. 7'Y<y. IV. a). L'auteur ajoute que, dans un certain nombre

de cas, il a réussi par des injections très pénétrantes, à voir

tenu les mailles de ce réseau capillaire un autre réseau plus

dense encore et qu'il désigne sous le'nom de réseau inter-

capillaire (voy. Fi ig. VII vue avec un grossissement de 1 45).

- Dans la corne postérieure, on'voit un réseau, allongé de

sa pointe ou extrémité radiculaire vers son col ? ce qui; lui

donne cet aspect, c'est une branche de la racine .postérieure

dont les rameaux affectent la disposition d'une touffe vasculaire

coniforme. (Voy. rig Il. p. art. Radie. postez Nous.- devons

rappeler que la richesse et la disposition' générale de ce réseau

de la substance grise avait déjà été signalée par nous lorsque

nous disions : « Un mot maintenant relativement ,à>la» disposi-

tion des réseaux capillaires dans la moelle épinière : Un réseau

1 " ' 4

360 REVUE d'anatomie.

à mailles très fines et quadrangulaires dessine très exactement

la forme de la corne antérieure suivant les régions. Les cellules

disparaissent au milieu de ces mailles; c'est à peine si elles

peuvent y trouver place. On sait que ce réseau est alimenté en

avant et en dedans par les artères médianes ; en avant, par les

artères radiculaires ; en dehors par des artères périphériques ;

et en arrière par les artères radiculaires postérieures. La corne

postérieure offre au niveau de sa substance gélatineuse un beau

réseau capillaire allongé d'avant en arrière. La commissure

blanche présente un réseau transversal, etc.. » Nous aurons

encore l'occasion de montrer combien nos descriptions quoique

succinctes sont précises, et ne diffèrent en rien quant au fond

de celles de Al. Adamkiewicz. Mais poursuivons l'étude du

réseau capillaire de la substance grise. Sur des coupes sagittales

passant par la substance grise des cornes postérieures on voit

facilement la série des artères qui entrent dans la corne pos-

térieure ; elles se rencontrent au nombre de cinq à sept dans

une hauteur d'un centimètre. Ces pinceaux vasculaires se ter-

minent dans le col de la corne postérieure en un réseau

capillaire qui occupe toute sa largeur (voy. 1%ig. X, II et V).

A la région lombaire, le réseau capillaire s'élargit comme la

corne postérieure.

Après cette description de l'aspect général du réseau capillaire

des vaisseaux de la moelle épinière, M. Adamkiewicz s'occupe

de l'étude des artères qui contribuent à sa formation. Il distingue

dans cet organe deux systèmes vasculaires : 1° Le système des

vaisseaux centrifuges ou de l'artère du sillon, 2° le système des

vaisseaux centripètes dans lequel il place l'artère médiane pos-

térieure ou (artère de la scissure, arteraa fissurai, comme il

l'appelle) et tous les vaisseaux périphériques. Pour justifier

cette division, il suppose que l'artère du sillon antérieur, quand

elle a atteint le voisinage du canal central de la moelle épinière,

se divise en une multitude de rameaux divergents qui s'é-

loignent de l'axe de l'organe, tandis que tous lesautresvaisseaux

périphériques forment un second système dont toutes les

branches vasculaires convergent vers l'axe médian. Cette

conception paraît d'adord séduisante : mais elle est spécieuse,

selon nous. Elle repose, en effet, sur une compréhension de la

distribution anatomique un peu trop schématique : les rameaux

de l'artère du sillon n'irradient pas autour de l'axe central

dans tous les sens ; son tronc principal est centripète comme

revue d'anatomie. 361

celui des artères périphériques. Enfin, on devrait comprendre

aussi dans ce système centrifuge les rameaux de l'artère de la

fissure (artère médiane postérieure) qui, quoique ténus quand

ils atteignent la commissure postérieure, s'éloignent de l'axe

central. Elle a malheureusement conduit l'auteur à une nomen-

clature spéciale et difficultueuse : ainsi l'artère du sillon médian

antérieur s'appelle pour lui artère du sillon (arteria sulci) ;

tandis que l'artère du sillon médian postérieur porte le nom

d'artère de la fissure (arteria fissuroe). Ces deux noms différents

sont inutiles : nos dénominations d'ancré médiane antérieure

.et X artère médiane postérieure sont plus simples, plus en rap-

port avec les habitudes anatomiques. Elles correspondent à la

nomenclature que nous avons adoptée pour le cerveau et pour

le bulbe où existent aussi des artères médianes ayant une dis-

tribution géographique analogue. Ainsi que nous avons pris

soin de le faire remarquer déjà, dans nos travaux, cette

disposition des artères médianes répond à une loi générale.

L'artère du sillon (ai,leza stilci), selon l'auteur allemand,est

une des plus grosses 'de la moelle, son diamètre varie de 0 m. 135

à 1 m. 270 mm. de huit à vingt fois plus grand que celui

des capillaires (0 m. 015 à 0 m. 018). - Elle suit le sillon mé-

dian dans toute sa longueur et se divise en deux branches au

moment où elle arrive au contact de la commissure. Sur des

coupes sag ittates, passant par les commissures, on voit les artères

- après avoir abandonné l'artère spinale s'échelonner les unes au-

dessus des autres. (Cette disposition en échelon pour les artères

médianes a déjà été signalée par nous et figurée dans notre

mémoire sur la circulation du bulbe). Elles sont accompagnées

d'une veine. On en trouve sept environ par centimètre de hau-

teur ; de sorte que sur une moelle d'adulte qui mesure environ

0 m. 36 à 0 m. 38 de long, on en compte deux cent soixante.

La description de la distribution des rameaux de l'artère

du sillon ne diffère pas essentiellement de la nôtre, quoiqu'elle

paraisse entrer dans des détails plus nombreux. Nous disions,

en effet : « Les artères médianes antérieures parcourent un tra z

jet assez court. Elles fournissent quelques rameaux collatéraux

à la partie la plus interne des cordons antérieurs et se terminent

en pinceaux dans les commissures antérieures et dans les

parties voisines de la corne antérieure. » L'autour allemand

suit dans leur formation et leur distribution périphérique les

branches de l'artère du sillon. Il donne le nom aux deux

362 revue d'anatomie.

branches qui en naissent immédiatement d'artères sulco-commr's-

surales. Au moment où les vaisseaux sulco-commissuraux tra-

versent chaque moitié de la commissure pour se rendre dans la

substance grise, iisparcourent une sorte de canal, où leurs veines

les accompagnent : ce canal, sur des coupes horizontales, apparaît

comme un prolongement (processus sulci) du sillon médian, qui

semble se bifurquer. Parmi les branches collatérales fournies

par l'artère sulco-commissurale, deux surtout sont intéres-

santes : les artères de la colonne de Clarlce, et les branches

ascendantes et descendantes qui forment ce que l'auteur ap-

pelle les anastomoses longitudinales centrales (ou plus simple-

ment, proposons-nous, les artères longues anastomotiques cen-

li,ales.) Les artères de la colonne de Clarke ne se voient que

dans la partie inférieure de la moelle dorsale et dans la partie

supérieure de la moelle lombaire, où existe seulement la

colonne de Clarke. Ces branches se détachent de chaque côté

des artères commissurales et vont par le trajet le plus court se

jeter dans la substance grise de cette colonne qu'elles rem-

plissent d'un riche réseau anastomotique. Les branches longues

anastomotiques de l'artère sulco-commissurale montent et des-

cendent verticalement dans la substance grise de la moelle de

chaque côté du canal central, à quelque distance de celui-ci

et s'anastomosent entre elles. On ne peut voir ces anastomoses

que sur des coupes vertico-sagittales (antéro-postérieures),

faites dans la substance grise à quelque distance du canal

central. (Voy. /'7</. XII l. s. c.) Sur des coupes horizontales,

on les voit sous la forme de deux lumières vasculaires situées

de chaque côté du canal central, car elles ont été rencontrées

perpendiculairement à leur direction. (Voy. 1%ig. IV.) Quelque-

fois même, si l'artère sulco-commissurale a aussi été coupée

perpendiculairement, on observe quatre lumières vasculaires

au voisinage du canal central, deux de chaque côté. Par les

artères longues anastomotiques découvertes par l'auteur alle-

mand, les différentes régions vasculaires inter-médullaires

situées à des hauteurs différentes sont unies entre elles. Après

avoir fourni les longues anastomotiques et les artères de Clarke,

les artères sulco-commissurales se divisent en branches termi-

nales au nombre de deux ou trois qu'on peut voir sur des

coupes horizontales : une de ces branches se dirige directement

en avant, récurrente pour ainsi dire, vers la substance grise

des cornes antérieures, où elle se distribue ; une autre se

revue d'anatomie. 363

rend dans un point diamétralement opposé, dans la substance

grise des cornes postérieures ; la troisième branche est inter-

médiaire. « En résumé, dit M. Adamkiewicz, voici quel est

le champ de distribution des artères commissurales : elles

fournissent du sang à la partie grise centrale de la moelle épi-

nière, en occupent symétriquement les deux tiers environ de

chaque côté du canal central ; mais, laissant à la périphérie

une zone qui est fournie par d'autres vaisseaux. » (Voy. les

Figures schématiques VIII et A'F7.) C'est aussi ce territoire de

distribution que nous avions assigné d'une façon sommaire à

l'artère médiane.

La distribution des veines est semblable à celle des artères :

les veines du sillon ou veines médianes sont en nombre égal

aux artères. Elles sont formées par la confluence de veines

sulco-commissurales, de veines longues anastomotiques, et de

veines terminales convergentes qui viennent des capillaires de

la substance grise.

Le deuxième système des vaisseaux de la moelle épinière,

d'après M. Adamkiewicz, est le système centripète ou des vais-

seaux de la couronne et comprend tous les autres vaisseaux

de la moelle épinière. La description qu'il en donne ne diffère

en rien de celle que nous-»avons fournie neuf ans avant lui.

Il emploie seulement une nomenclature différente. C'est ainsi

qu'il décrit : 1° sous le nom d'artère de la fissure (arieîia

fissurai), notre artère médiane postérieure ; 2° d'arlerl z·ada'cum

î)osieî,io2,u)2z, d'arlez·i commun postica OS ? 0/'MM ! latérales,

nos artères radiculaires postérieures : 3o il ne paraît pas com-

prendre l'importance des artères radiculaires antérieures,

car il ne les dénomme pas, et il les englobe sous la dénomina-

tion générale : artères périphériques.

Quoique d'une brièveté sommaire, notre description des

artères radiculaires, comparée à celle de l'auteur allemand,

paraîtra d'ze7e plus grande clarté : «Les artères radiculaires an-

térieures accompagnent chacun des faisceaux des racines anté-

rieures, et se portent en droite ligne dans la corne antérieure

où elles se résolvent en mailles capillaires. » Et pour la corne

postérieure : « Les artères radiculaires postérieures sont situées

les unes au milieu des faisceaux radiculaires, les autres en de-

dans, les autres en dehors de la racine postérieure. Les artères

moyennes sont surtout destinées à la corno postérieure et à la

substance gélatineuse. Les artères externes passent entre les

3C I· REVUE d'anatomie.

faisceaux blancs pour se ramifier un peu plus haut jusque dans.

la partie postérieure et externe de la corne antérieure. Les

artères internes, plus importantes, accompagnent constamment

cette partie de la racine postérieure que M. Pierret a désignée

sous le nom de faisceau radiculaire interne. » C'est à ces trois

artères (moyenne, interne et externe A.) de la corne posté-

rieure, queM. Adamkiewicz donneles noms nouveaux de arterise

radicum poslorcbrune, arlerioe commun posleriorum posticae,

arterioe cornuum posteî,ia2,um latérales. Sa description est

semblable à la nôtre; il a remplacé nos dénominations seu-

lement.. Toutefois nous accordons une importance plus

grande que lui au faisceau radiculaire interne qu'il appelle

arteriw cornuum posteriarum posticai. (Voy. c. p. p. fig. 11 et

IV). Il signale encore la présence constante d'une petite arté-

riolo postérieure entre le cordon de Goll et le cordon de

Burdach, qu'il appelle artère 121te2,11111é'cizlaiî,e. Ce nom est à

conserver : mais, nous aussi, nous avions décrit ce vaisseau :

« A la partie postérieure, il convient de signaler deux groupes

d'artérioles coexistantes qui passent entre les cordons de Goll

et le faisceau externe des cordons postérieurs. c

Parmi les artères périphériques des faisceaux blancs, nous

distinguions comme l'auteur allemand des artères courtes et

des artères longues, lorsque nous disions : « Les artères péri-

phériques sont nombreuses, elles pénètrent dans les travées les

plus épaisses de la pie-mère entre les principaux faisceaux

nerveux. Les plus externes atteignent la partie externe des

cornes antérieures, elles sont en général de huit à dix. Enfin,

nous avons aussi indiqué la disposition du réseau vasculaire

dans la substance blanche : « Les capillaires des cordons blancs

forment des réseaux beaucoup plus larges que ceux de la subs-

tance grise, et se disposent suivant leur direction. La commis-

sure blanche présente un réseau transversal. Les racines ont des

réseaux capillaires qui s'étendent dans le sens des principaux

faisceaux. » Nous nous empressons de reconnaître d'ailleurs

que les planches de M. Adamkiewicz, faites d'après des injec-

tions bien réussies, figurent tous ces détails avec une grande

fidélité. En résumé, d'après cette étude critique : alité de

notre travail publié il y a dix ans reste intacte : deux branches

artérielles seules ont échappé à notre examen, les artères de la

colonne de Clarke, et les artères longues anastomotiques internes ;

mais, il convient d'avouer que la beauté des injections de

REVUE d'anatomie. 365

M. Adamkiewicz et des dessins- qui les représentent en séries

de coupes longitudinales, apportent une précision remarqua-

ble à nos connaissances sur la vascularisation de la moelle

épinière. Une dernière coïncidence entre les travaux des deux

auteurs frappera encore l'esprit des lecteurs. M. Adamkiewicz,

comme déduction pathologique à la fin de son travail, établit

que les lésions de l'ataxie locomotrice, dans leurs phases du dé-

but, suivent dans leur développement le champ de vasculir-isa-

tion des cordons postérieurs. Ce fait ne nous avait pas échappé,

car avant lui nous disions : « On sait que M. Pierret a indiqué

le faisceau radiculaire interne comme étant la plupart du temps

le siège du début de la sclérose ataxique. Il a aussi cherché

à établir que les douleurs dites fulgurantes se rattachent à

cette lésion. La présence de vaisseaux abondants dans la ré-

gion (artères radiculaires internes) vient apporter un nouveau

point d'appui à cette opinion. (A suivre.)

II. Note sur LE développement du cerveau considéré dans

ses rapports avec LE crâne; par Cn. Féré. (Revue d'an-

thropologie, 2° série, t. II.)

Les travaux de M. Féré ont contribué pour une part consi-

dérable à faire connaître les rapports exacts des diverses par-

ties de la boite crânienne et du cerveau, des circonvolutions

et des sillons non moins que des noyaux gris centraux. Par

des mensurations nombreuses et précises, il a établi chez

l'adulte la position fixe du sillon de Rolando par rapport à la

suture coronale, du ptérion et du cap de la circonvolution de

Broca, de la branche postérieure de la suture de Sylvius et

de la suture pariéto-squammeuse, du lambda et de la scissure

perpendiculaire externe. Les lobes occipital et temporo-sphé-

noïdalont les mêmes limites que les os qui les recouvrent, et

l'on pourrait croire qu'il existe un parallélisme parfait entre

le développement d'une région déterminée du cerveau et la

région correspondante du crâne.

Dans le but de s'édifier à cet égard, M. Féré a examiné les

rapports du cerveau et du crâne de soixante enfants ou foetus,

ayant dépassé le cinquième mois de la vie intra-utérine. L'au-

teur est parvenu à démontrer que ce parallélisme n'existe pas.

S'il n'a pu, dans l'état actuel, établir les lois du développement t

réciproque de ces parties, il a posé d'importants jalons, pour

la solution définitive de cette question.

366 revue d'anatomie.

Le peu de consistance du cerveau de l'enfant et surtout du

foetus l'a obligé à changer les procédés précédemment em-

ployés par lui et le nombre des sujets examinés à renoncer à

la congélation du cerveau. Par les fontanelles de chaque côté

de la ligne médiane, des chevilles sont enfoncées, destinées

seulement à fixer le cerveau et sa faux. L'incision des mem-

branes interpariétales et inter-occipito-pariétales, une troisième

incision le long de la suture coronale permettent, en écartant

les pariétaux de découvrir, la région pariétale du cerveau, de

voir ses rapports avec les sutures du crâne.

Sur quelques foetus examinés avant le cinquième mois, la

scissure perpendiculaire externe, ou à son défaut l'interne, a

toujours été trouvée en avant du lambda, de plusieurs milli-

mètres. Pour le reste des observations, nous ne pouvons que

donner les conclusions de l'auteur et citer quelques chiffres

plus intéressants.

Les chiffres qui indiquent les rapports cranio-cérébraux

semblent varier avec l'indice céphalique, mais il y a de nom-

breuses exceptions à cette règle, qu'il s'agisse de sujets du

même âge ou d'âges différents. Chez un garçon et une fille

d'un an, ayant des diamètres presque égaux, les distances

rolando-coronales étaient chez l'un de quarante-trois et vingt-

sept millimètres, chez l'autre do trente-un et quatorze milli-

mètres seulement, les autres distances étant égales d'ailleurs.

Une fois même, il n'y avait presque pas de différence entre le

cerveau de l'enfant et celui de l'adulte.

Un point donné du crâne peut changer de position avec

l'âge par rapport au reste de la boite osseuse, comme il arrive

pour le bregmabien antérieur d'abord à la ligne bi-auriculaire.

Quoi qu'on ait dit, le sillon de Rolando est toujours posté-

rieur à la suture coronale. M. Féré n'a pu déterminer chez

l'enfant s'il était plus ou moins éloigné de cette suture, plus

ou moins oblique suivant l'âge. Le ptérion lui a paru toutefois,

quant à ses rapports avec les circonvolutions, plus postérieur

que chez l'adulte, il répond au pied de la circonvolution de

Broca, au siège même de l'aphasie. Cela dépendrait du mode

de développement de cette circonvolution qui, rectiligne

d'abord, puis en fer à cheval, se contourne enfin en M, quand

apparaît, puis se bifurque la branche antérieure delà scissure de

Sylvius. La branche postérieure de cette scissure est constam-

ment d'abord supérieure à l'écaillé du temporal et s'abaisse peu

REVUE d'anatomie. 367

à peu vers elle à mesure qu'approche l'adolescence, tandis qu'en

même temps la scissure parallèle s'abaisse aussi pour atteindre

finalement le lambda.

Les régions postérieures du cerveau, végétatives et sensi-

tives, semblent donc prédominer comme les régions posté-

rieures de la moelle chez le foetus, prédominance retrouvée

par Broca sur un singe adulte. Cet état est transitoire chez

l'enfant, car après la naissance, parallèlement à l'appa-

rition de certaines fonctions, se développent les régions psycho-

motrices. A partir du développement complet, à quelque âge

qu'on les examine, sutures et sillons demeurent en rapports

invariables.

Au cas de plagiocéphalie, qu'elle dépende du décubitus et

de l'athrepsie, ou du développement anormal très rare de l'un

des pariétaux par deux points d'ossification, l'extrémité supé-

rieure du sillon de Rolando et de la scissure perpendiculaire

externe sont, l'un plus rapproché de la suture coronale, l'autre

plus éloignée du bregma du côté où la bosse frontale proémine

davantage, proportionnellement aux différences de longueur

des diamètres obliques. D. BERNARD.

III. Recherches concernant quelques modifications ANATO-

MIQUES RENCONTRÉES DANS LES GANGLIONS PÉRIPHÉRIQUES;

par H.-J.-A. Niermeyer. (Arch. f. Psych. M. 1\'ervenk, II,

1880.)

Les examens que l'auteur a fait de ganglions périphériques

et de nerfs chez le lapin, les études auxquelles il s'est livré sur

les ganglions cseliaques de cadavres humains pris au hasard

ne lui permettent pas d'admettre la réalité des assertions de

Brigidi. (La Sperimenlale, <878,p. t)6t). La prolifération nu-

cléaire et la dégénérescence pigmontaire qu'accepte d'ailleurs

Eulenburg dans son traité sous le nom d'infiltration lympha-

tique ne seraient pas anormales; on rencontre, en effet, dans les

ganglions coeliaques d'individus quelconque vieux ou jeunes,

ou dans les ganglions spineux des lapins, des proliférations cel-

lulaires interstitielles et des granulations de pigment à l'inté-

rieur ou en dehors des cellules nerveuses, quelle qu'ait été la

cause de la mort. P. K.

368 REVUE d'anatomie.

IV. Des granulations de PACCHIONI; par HANS LRHR (Allg.

Zcitsch. f. Phys., psych. M. gerichtl medicin, XXXVIII, 1 `

Prenant leur origine dans l'arachnoïde viscéral, aux termes

des injections de KoyetRetzius et des expériences de Quincke,

ces organes faisaient communiquer les deux espaces sous-dure-

mérien et sous-arachnoïdien avec les sinus veineux de la dure-

mère, en sorte qu'ils constitueraient des voies de dérivation im-

portantes et normales pour les liquides sous-archnoïdiens et

sous-duemériens. Cependant, tout en tenant compte de leur

constance chez l'homme, le chat, le chien, le mouton, il im-

porte de se demander pourquoi le nouveau-né et souvent même

l'adulte en possède un si petit nombre, pourquoi certaines es-

pèces animales en manquent absolument, pourquoi, enfin,

l'arachnoïde au pourtour de leurs touffes, est si fréquemment

le siège d'altérations, troubles et d'épaississements ? C'est, dit

M. Loehr, qu'il existe deux espèces de granulations ; les petites,

purement physiologiques, et les grosses, qui représentent des

granulations hyperplasiées, dont la prolifération est parfois telle

qu'elles pénètrent comme on sait dans les os du crâne. Ce tra-

vail anatomo-pathologique, essentiellement développé chez les

aliénés, se rencontre généralement à un âge très avancé; les

observations de M. Loehr lui ont fait constater concurremment

des altérations inflammatoires et des anomalies vasculaires

dans la pie-mère, sans que la forme de la vésanie exerçât une

inlluence spéciale sur le processus des granulations. Leur hy-

pertrophie serait en rapport avec les congestions céphaliques.

Répétées, elles servent de voies dérivatives aux hypérémics

artérielles suivant la formule : la fonction fait l'organe. Que si,

comme chez le nouveau-né, l'équilibre des pressions peut se

rétablir par l'expansion des sutures et fontamelles, leur pré-

sence devient inutile ; leur genèse, et plus tard leur volume

exagéré, résulte de l'excitation incessante déterminée par le

frottement l'une sur l'autre de l'arachnoïde et de la dure-

mère, alors que la prédisposition (besoin fonctionnel) existe.

Ces explications physiologiques, toutes satisfaisantes qu'elles

paraissent, ont néanmoins, comme le fait remarquer l'auteur,

leurs contradictions avec lesquelles elles sont incompatibles ;

telles la série des dégénérescences anatomiques dont les gra-

nulations de Pacchioni sont souvent le siège (imperméabilité),

1 Voir Archives de Neurologie, t. il, p. 297.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 369

et leur participation à la partie du revêtement encéphalique

dont elles émanent, les compressions qu'elles peuvent exercer

par leur accroissement énorme sur des organes voisins

(Luschka, Mendel, Kcy et Retzius). P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XX. Lésion unilatérale DE la moelle ; par le Dur Richard

SCHULZ (de Brunswick). (Central ! ), /. Nei,v., n° 15, 1er août

1880.)

Un homme de vingt-neuf ans fut frappé de plusieurs coups

de couteau, dont un pénétra entre les apophyses épineuses des

cinquième et sixième vertèbres dorsales dans une direction

légèrement inclinée vers la droite. Le couteau resté dans la

blessure n'avait été retiré qu'avec effort ; la sonde pénétrait

dans la plaie jusqu'à la profondeur de cinq centimètres, en

haut et en dehors, sans rencontrer de surfaces osseuses dénu-

dées. Dès son entrée à l'hôpital, le blessé présenta : anesthésie

du membre inférieur gauche, hyperesthésie et parésie légère du

membre droit; en outre, dès le premier jour, selles involontaires,

etrétention d'urine qui nécessita le cathétérisme. Trois semaines

après son entrée, qui avait eu lieu le 8 novembre 1879, le ma-

lade était guéri de ses blessures et quittait l'hôpital.

Le 25 mai, il présentait l'état suivant :

Systèmes osseux et musculaire bien développés ; faiblesse

paralytique dans le membre inférieur droit, avec tendance au

tremblement, sensibilité douloureuse de la peau de ce membre

et de la moitié droite du tronc ; sensation de fourmillement et

d'engourdissement du -pied et de la jambe gauches. En mar-

chant le malade traîne un peu la jambe droite.

Les extrémités supérieures sont normales ; l'extrémité infé-

rieure droite a environ un centimètre de pourtour de moins

que la gauche.

Archives, t. IV. 21

370 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Pas de différence de température ou de coloration aux mem-

bres inférieurs. Sensibilité et sens musculaire, normaux à

gauche ; diminués à droite. Le malade, lorsqu'il a les yeux

fermés, n'apprécie pas exactement les changements de posi-

tion du membre droit. La force du membre droit est un peu

diminuée, la motilité imparfaite, les mouvements sont pé-

nibles et incertains. A gauche il n'y a rien de semblable. Il

n'existe ni ataxie, ni raideur musculaire. Le tégument du

membre inférieur droit et de la moitié droite du tronc, jusqu'à

la ligne médiane, est fortement hypercsthésié. La limite

supérieure de cette hyperesthésie est constituée par une ligne

circulaire passant au niveau de la septième vertèbre dorsale.

Au-dessus de cette ligne se trouve, toujours à droite, une

zone d'anesthésie qui atteint la sixième vertèbre dorsale.

Plus haut la sensibilité parait normale.

A droite, la sensation de fourmillement est très vive, le sens

du toucher plus fin, celui de la douleur notablement augmenté,

celui de la température normale. La sensibilité de la peau au

courant galvanique ou faradique énormément augmentée, tan-

dis qu'à gauche elle est normale ou même un peu diminuée.

A gauche, sur le membre inférieur et sur le tronc, les attou-

chements légers sont perçus et localisés assez rapidement et

exactement. La pointe et la tête d'une aiguille sont distinguées ;

mais une piqûre profonde n'occasionne pas la douleur. En un

mot, augmentation des sensations tactiles et analgésie (jus-

qu'à la sixième vertèbre dorsale). Au-dessus de cette région

analgésique existe, à gauche une petite zone d'hyperesthésie,

correspondant à la zone d'anesthésie du côté droit. Le sens

de la température est normal à gauche.

Les réflexes tendineux, normaux à gauche, sont très aug-

mentés à droite. Le plus léger choc sur le tendon rotulien dé-

termine un clonus dorsal, soudain et énergique du pied droit;

les autres réflexes de la jambe n'ont pas lieu.

L'excitabilité faradique et galvanique est la même des deux

côtés. Pas de réaction de dégénérescence dans les muscles

émaciés de la jambe'droite. Evacuations alvinc eturinaire nor-

males ; fonction génitale conservée.

Il s'agit ici évidemment d'une lésion hémilatérale delà moelle.

L'instrument a atteint la moitié droite, entre la cinquième et

la sixième vertèbre dorsale, par suite hyperesthésie et parésie cl

droite, analgésie à gauche. Il y a eu seulement analgésie, avec

REVUE DE PATHOLOGIE. NERVEUSE.' 371 1

conservation de la sensation tactile, parce que là partie posté-

rieure des cordons latéraux a été sans doute seule atteinte, tan-

dis que le cordon postérieur qui transmet les sensations tactiles,

a été respecté.

Il est à remarquer que le sens musculaire est diminué à

droite, preuve à l'appui de l'assertion de Brown-Séquard que

les voies de transmission du sens musculaire ne s'entrecroisent

pas. Il faut noter aussi l'exagération des réflexes tendineux du

côté parésié et la conservation de l'excitabilité électrique nor-

male. Quant à l'hyperesthésie cutanée du côté correspondant à

la lésion médullaire, l'explication physiologique est encore à

chercher. D'après l'auteur ce fait se rattache à celui du trans-

fert dans les expériences métalloscopiques et lorsque ce der-

nier sera expliqué on comprendra du même coup la raison de

l'hyperesthésie dans la lésion hémilatérale. R. V.

XXI. UNE application pratique du transfert ; par le

D" H. Kaiser (de Dieburg). (Centrabl. f. aeno., etc., ne 15,

1" août 1880). ,

Longtemps avant que le transfert ait été étudié scientifique-

ment, l'auteur avait fréquemment appliqué avec succès sur

lui-même un procédé qui relève évidemment du transfert.

Voici en quoi il consiste : si l'on éprouve une douleur en

un point quelconque, on porte toute son attention sur l'état

de la sensibilité du point symétrique de l'autre côté du corps

et l'on cherche à se figurer qu'il est le véritable siège de

la sensation douloureuse. Pour rendre plus facile cette

illusion, on excite les nerfs cutanés de ce point,' par des

frottements, des pincements légers, etc. En même temps, on

s'efforce de se maintenir dans une tranquillité parfaite de corps

et d'esprit, et l'on facilite la circulation du sang par une respi-

ration méthodique, notamment en se servant de la portion

supérieure du thorax. Lorsqu'on a réussi à percevoir la dou-

leur comme provenant de ce point symétrique (subsidiaire),

elle cesse dans le point primitivement affecté ; mais le plus

souvent elle y revient, atténuée pourtant; après quoi elle

peut être déplacée de nouveau. Ces alternatives se répètent

d'ordinaire plusieurs fois et avec une intensité décroissante.

Mémo lorsqu'il s'agit de névralgies non plus commençantes,

mais liées à un état pathologique déjà établi, tel par exemple

372 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

qu'une carie dentaire, le procédé procure au moins un soulage-

ment momentané. On pourrait l'essayer même dans certaines

inflammations où la douleur est le premier symptôme. R. V.

, ? XXII. « Nerveux H ; par le Dl SIG11UND Franck (d'Iéna.)

, (Ce7ztraGl. f. zeru., etc., 1880, no 16, 111 août.)

L'auteur insiste sur le rôle prépondérant de l'appareil génital

dans la pathogénie des affections nerveuses de la femme. Il

est d'avis, non seulement que l'on doit, dans les désordres

de toute espèce, rechercher avec soin et traiter les moindres

affections locales de l'appareil utérin, mais il est convaincu

que, même lorsqu'il n'y a pas de symptômes du côté de l'uté-

rus, un traitement préventif (spéculum, cathétérisme uté-

rin, etc.), a une influence psychique des plus utiles. R. V.

XXIII. Sur la contraction paradoxale; parle Dl ALPRECHT

ERLENI4fEYER (d8 Bendorf.) (Cenlrabl. f. 7te7'v., etc., 1880,

n° 17, 1er sept.)

Le phénomène décrit sous ce nom par Westphal, consiste

essentiellement en ceci : si l'on porte fortement dans la

flexion dorsale le pied d'un malade couché, il arrive parfois

qu'après un instant, le tibial antérieur se contracte d'une façon

plus ou, moins durable, produisant l'adduction du pied qui lui

est propre. Cette contraction peut durer de une jusqu'à vingt

minutes et plus, après quoi elle disparait graduellement. Dans

aucun cas de ce genre, on ne réussit à provoquer la contrac-

tion du. tibial par la percussion de son tendon. En dehors de

ce muscle; le même phénomène a été observé pour le long

extenseur du gros, orteil, l'extenseur commun des orteils, et

une fois pour les fléchissants du genou. On voit qu'il s'agit là

d'une contraction provoquée par le relâchement passif du

muscle, ce qui justifie la désignation donnée par Westphal.

Erlenmeyer a constaté que cette contraction paradoxale

écliapp6,ç,omplètement au contrôle de la volonté, même chez

les malades dont les muscles du pied avaient conservé toute

leur mobilité. Ce fait, ainsi que la longue durée delà contrac-

tion, qu'il a'vue atteindre trois quarts d'heure, le portent à

croire qu'il s'agit en réalité d'une contrtzctccresuivant la défini-

tion deMM.Ch.Richet et l3rissaud : contraction de plus ou moins

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 373

longue durée d'un muscle, dont la volonté ne peut pas amener

le relâchement '. ,.

' Or, cette contracture du tibial antérieur est-elle produite

par le raccourcissement passif du muscle, comme l'admet

Westphal, ou bien plutôt par l'allongement du muscle anta-

goniste, le gastrocnémien ? Cette seconde hypothèse peut être

justifiée par l'expérience : si pendant la contraction paradoxale

du tibial antérieur, le pied étant par conséquent dans laflexion

dorsale, on fléchit le genou du malade, et saisissant dans la

main la masse du trijumeau, on la tire fortement dans la di-

rection du talon, on voit le pied reprendre immédiatement sa

position normale; le relâchement est instantané. Il est à re-

marquer que dans cette manière de procéder on 'évite absolu-

ment toute traction sur le tendon d'Achille et par suite tout

réflexe tendineux.

On peut encore, le membre étant placé de la même façon,

saisir le mollet à sa partie supérieure et le tirer de telle ma-

nière que la flexion dorsale du pied puisse se faire sans la

moindre résistance. 'Dans les deux cas, il est tout ci fait impos-

si )le d'obtenir la contraction paradoxale.

Westphal était parti de la supposition que la contraction

paradoxale 'est déterminée par le raccourcissement passif du

tibial, le relâchement jouant le rôle d'une excitation et il l'avait

mise en contraste avec le phénomène du pied (réflexe du

tendon de Erb) qui consiste dans la contraction du trijumeau

provoquée par l'allongement de ce muscle. D'où l'épithète de

paradoxale. '

Abstraction faite du mode différent de contraction, clonique

pour le phénomène du pied, tonique pour la contraction para-

doxale, Erlenmeyer pense qu'il y a là deux choses tout à fait

distinctes et non opposées. Dans les phénomènes du pied : lexci-

tation d'un muscle par son allongement et réaction du même

muscle par des contractions cloniques; dans la contraotion

paradoxale : excitation d'un muscle par allongement de son

antagoniste et réaction par une contraction tonique ou contrac-

ture. ? ' t 1

La désignation de contraction paradoxale ne peut'' donc pas

être conservée. Erlenmeyer propose celle de contracture par

distension des antagonistes ; et pour la distinguer de la contrac-

1 Brissaud et Ch. Richet. ' Faits pour servir à l'histoire des conlrac-,

Izcres. (Prog·ès uéclical, 1880.) , 1 , CI

37t 1· .REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ture chirurgicale par allongement passif des antagonistes et

par paralysie, enfin pour exprimer la relation, avec les affec-

tions du système nerveux central, et spécialement l'exagéra-

tion des réflexes spinaux, il conviendrait d'ajouter les désigna-

tions de active et spinale. On aurait donc la contracture spinale

active par allongement des antagonistes. Mais ce serait un peu

long. Finalement Erlenmeyer propose le mot de phénomène du

muscle (Muskel phanomen) qui prendrait naturellement place

à la suite des phénomènes du pied et du genou de Westphal.

Il faut se rappeler d'ailleurs que, d'après les observations de

Brissaud et Richet sur les hystériques, la distension d'un mus-

cle produit parfois la contracture de son antagoniste parce que

tout allongement passif d'un muscle est accompagné d'une

contraction inconsciente de l'antagoniste, ce qui leur fait sup-

poser une excitation, d'une certaine durée, du centre spinal,

' R. V.

XXIV. Aphasie traumatique ; par G. ALLEN. (New-York

médical Times, janvier 1882.)

G. N..., enfant de huit ans, vigoureux et bien portant, tomba

d'un arbre élevé de trente-cinq pieds, sur le côté droit de la

tète et du corps, et perdit connaissance. Il resta dans cet état

pendant soixante-douze heures ; néanmoins, on pouvait le tirer

de cette somnolence pour lui faire prendre ses remèdes et l'ali-

menter, de même que parfois il répondait directement aux

questions qu'on lui posait en élevant la voix. D'abord, il fut

inquiet, s'agita continuellement et délira même par instants.

Les pupilles étaient contractées et paresseuses, mais revinrent

à l'état normal à mesure que la réaction se prononça. Il n'y

eut jamais de respiration stertoreuse. Dix-huit heures après la

chute, le malade parut posséder la faculté d'articuler nettement

les mots, ainsi qu'on put s'en rendre compte, soit pendant le

délire, soit à un autre moment. Mais cette période passée, il

sembla totalement aphasique, et, même après le retour com-

plet de la connaissance, il parut avoir complètement perdu la

faculté de traduire ses actes par la parole, et être devenu inca-

pable de se servir en aucune sorte du langage articulé. Il n'y

avait pas d'aphonie, car lorsqu'il criait sa voix était naturelle.

Lui faisait-on directement une question, il remuait la tête,

mais ne parlait pas. Lorsqu'on le priait d'articuler un mot

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 375

donné, il prêtait attention, mais semblait n'avoir aucune idée

du moyen par lequel il pourrait accomplir cet acte,'et se met-

tait alors à pleurer. La langue et les lèvres jouissaient de leurs

mouvements normaux, la déglutition s'accomplissait parfais

tement, et il n'y avait pas de paralysie des organes de la parole.

Avec cette aphasie coexistait une légère hémiplégie droite.

Pendant vingt-cinq jours, il y eut une hématurie considérable

qui disparut promptement après l'administration de la téré-

benthine. Il y avait quelques contusions de la tête, l'une por-

tant sur l'occipital gauche, et une autre plus étendue sur la

région temporo-frontale droite. L'aphasie persista quatre jours

et disparut graduellement, le malade commençant par des

réponses simples et enrichissant peu à peu son vocabulaire, de

telle sorte qu'à la fin de la deuxième semaine le langage arti-

culé était redevenu normal. Il n'avait pas souvenir de l'accident ;

et, bien qu'il se rappelle quelques circonstances, il ignore

la presque totalité des détails encore aujourd'hui, et cela depuis

plus de quatre mois. L'hémiplégie disparut graduellement avec

l'aphasie. Pendant-environ un mois, et comme dernier symp-

tôme, il fut fort émotionnable et criait et pleurait sans motifs,

à la moindre excitation. L'auteur pense qu'il s'est agi là d'une

contusion cérébrale portant sur la partie postérieure du lobe

antérieur gauche, et intéressant une portion de la troisième

frontale ainsi que son voisinage immédiat. G. DE la T.

XXV. Des métastases des inflammations DE L'OREILLE sur

LE cerveau ; par J.-A. ANDREws. (Neio-York médical Jour-

nal, 1881, p. 160.)

Contrairement à l'opinion de Fallope, qui voyait dans l'écou-

lement de pus par l'oreille un effort de la nature pour déverser

au dehors la matière morbide accumulée dans la tète, la nature

des inflammations du conduit auditif est aujourd'hui un fait

bien connu. Le professeur Troltsch rappelle à ce propos la

phrase digne de remarque d'un médecin américain, le docteur

Clarke : « C'est un fait d'une telle importance d'avoir toujours

l'attention dirigée vers l'oreille, dans le cours ou à la suite dés

fièvres éruptives, que le médecin qui négligerait ce soin ne peut

être considéré comme ayant rempli son devoir envers son ma-

lade. » Tout le monde sait avec quelle rapidité, à la suite d'un

refroidissement ou d'une angine; l'inflammation s'étend de la

376 -revue DE pathologie nerveuse.

muqueuse pharyngienne à la muqueuse de l'oreille. On con-

naît aussi la fréquence des otites dans le cours de la grippe, de

la diphthérie, de la coqueluche, de la scarlatine, de la rougeole,

de la variole, de la fièvre typhoïde, de la tuberculose pulmo-

naire. La scrofule et la syphilis jouent aussi un rôle important

dans l'étiologie des affections de l'oreille. Si on rapproche de

cette fréquence de l'otite la parité et le nombre des complica-

tions qu'elle peut déterminer, on reconnaîtra l'importance

méritée attribuée à cette affection.

Ce sont ces complications qui font l'objet du mémoire du

D Andrews. L'auteur est plus au courant des recherches

publiées en Allemagne que des travaux français. Il ne cite pas

et ne parait pas connaître le mémoire, classique en France,

du professeur Brouardel, inséré dans les Bulletins de la Société

anatomique, et où se trouvent étudiées toutes ces complica-

tions : méningite purulente, abcès du cerveau, phlébite ou

thrombose des sinus ou de la veine jugulaire interne, hémorrha-

gie mortelle par perforation du canal carotidien, avec érosion

de l'artère carotide, de la méningée moyenne, des grands

sinus veineux, ou de la jugulaire.

A propos de l'abcès cérébral, l'auteur rappelle que, d'après

une statistique de Meyer (de Zurich), les lésions de l'oreille

tiennent à peu près le même rang que le traumatisme dans

l'étiologie de l'encéphalite suppurée.

Toynbee a essayé d'établir le siège de ces abcès d'après la

cavité de l'oreille lésée. Ainsi, l'inflammation du conduit audi-

tif externe s'étendrait au sinus latéral et au cervelet ; l'inflam-

mation de la caisse, au cerveau ; celle du labyrinthe, à la

moelle allongée. Gull a modifié cette loi trop absolue de

Toynbee ; d'après lui, le cervelet et le sinus latéral souffrent

des lésions de l'apophyse mastoïde, tandis que le cerveau est

menacé par les caries de la voûte de la caisse.

La marche de l'encéphalite suppurée varie suivant qu'elle

est aiguë ou chronique. Dans la forme chronique, l'abcès

s'enkyste, ce qui n'a pas lieu dans la forme aiguë. Dans le pre-

mier cas, la mort survient par rupture de l'abcès dans les ven-

tricules ou sous les méninges, ou par un oedème aigu; dans le

second, par extension de la suppuration et destruction de la

substance cérébrale.

Dans l'abcès aigu, la maladie évolue vers la mort en huit à

douze jours ; .parfois, elle se prolonge pendant trois à six

REVUE DE pathologie NERVEUSE. 377

semaines. L'abcès chronique est caractérisé par une période

latente prolongée, interrompue parfois par des accès de cé-

phalalgie. Dans quelques cas, l'abcès évolue sans que lien ait

pu faire soupçonner son existence. La durée de cette période

latente varie de quelques semaines à plusieurs mois. Dans un

cas de Harlin, le traumatisme, cause de l'abcès, datait de vingt-

six ans.

D'après Schwartz, la thrombose ou la phlébite des sinus ne

pourrait être diagnostiquée que lorsqu'il existe des signes de

pyohémie. Les observations d'un grand nombre d'auteurs

prouvent cependant que le signe indiqué par Gehrardt et Grie-

singer comme pathognomonique de cette lésion, l'oedème dou-

loureux de la région mastoïdienne, a une grande valeur dans

le diagnostic de la phlébite du sinus latéral. C. T.

XXVI. L'ATAXIE locomotrice différenciée des troubles

fonctionnels qui la simulent; par A.-D. ROCIi\VELL. ( ? eZC'-

l'oîk. ? 2ede'eal Jottï,nal, 1881, p. 546.)

L'auteur pense qu'un certain nombre de cas, traités comme

ataxie locomotrice, ne sont autre chose que des exemples d'ir-

ritation spinale. « Les étonnantes assertions, dit-il, concer-

nant la curabilité de la sclérose spinale, qui avaient cours en

Allemagne il y a quelques années, n'ont pas été confirmées par

l'expérience ultérieure. » Il croit que dans ces prétendus faits

d'ataxie guérie, il n'existait pas de lésion des cordons posté-

rieurs.

Il rapporte quatorze observations résumées : onze ont trait

à des ataxies vraies qui ont résisté atout traitement; trois sont

des exemples d'incoordination motrice avec anesthésie et trou-

bles nerveux divers par simple irritation spinale. Voici une de

ces dernières observations :

R..., âge de vingt-huit ans, souffre d'une incoordination marquée

des mouvements avec insomnie, impuissance génitale, névralgies

généralisées plutôt que localisées, et présente en même temps une

grande dépression physique et intellectuelle, ces symptômes existent

depuis un an et sont survenus à la suite d'une vie très dissipée.

U n'accuse aucune anesthésie et touche sans hésitation à un point

donné de la face par un mouvement rapide de la main. Les réflexes

tendineux et pupillaires sont normaux. Sous l'influence de la fara-

disation générale et de la galvanisation centrale, le malade guérit

en six semaines.

378 s REVUE DE pathologie nerveuse.

L'auteur attribue une grande importance dans le diagnostic

de l'ataxie vraie aux signes suivants : l'impuissance à toucher

un point donné à la face, le nez ou l'oreille, par un

rapide mouvement de la main ; difficulté à apprécier de faibles

différences de poids ; abolition du réflexe pupillaire et des

réflexes tendineux. C. T.

XXVII. Importance DU diagnostic précoce DE l'épilepsie;

par E.-C. SEGUIN. (Themeda'calllecool 11'eao-I'ooh, août 1881.) .)

La répétition des attaques d'épilepsie crée une condition

particulière du système nerveux (epilectic centre), une habi-

tude épileptique que l'on peut éviter par un traitement pré-

coce. Il importe de reconnaître l'épilepsie le plus tôt possible.

Dans les deux premières années, l'axe spinal est excessivement

irritable, et de nombreuses causes périphériques peuvent

provoquer des convulsions qui n'ont rien à faire avec l'épilep-

sie ; mais passé cet âge, l'irritabilité décroît, et on a beaucoup

exagéré la fréquence des convulsions réflexes. Chez les enfants

au-dessous de trois ans, en dehors des traumatismes du crâne,

des maladies organiques du cerveau, de la microcéphalie, les

convulsions sont presque toujours d'origine réflexe; surtout si

elles se répètent dans un court espace de temps; une attaque

isolée doit faire craindre l'épilepsie. Chez les sujets de trois à

quinze ans, en dehors des affections rénales, les convulsions

sont presque toujours épileptiques, il est excessivement rare

qu'elles soient déterminées par une irritation des organes

digestifs ou sexuels. Chez les adolescents et les adultes, en

dehors de la syphilis et des néphrites, les convulsions, surtout

si elles constituent une attaque isolée, sont presque certaine-

ment épileptiques. Dans tous ces cas, indépendamment de

l'hygiène et du traitement spécial de chaque maladie, il faut,

suivant l'auteur, donner le bromure et le continuer pendant

plusieurs mois. CH. F.

XXVIII. CONTRIBUTION A l'étude DE l'épilepsie gastrique ET

DES RELATIONS EXISTANT ENTRE CETTE ÉPILEPSIE ET CERTAINES

névroses DU nerf vague ; par II. Pommay. (Revue de méde-

cine, juin 1881.)

L'auteur, se basant sur deux observations personnelles et

sur quelques faits empruntés à la littérature médicale, admet

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 379

que les troubles de la digestion, et en particulier ceux qui

résultent de la surcharge stomacale, peuvent produire des

symptômes nerveux divers dus à la paralysie ou à l'excitation

du nerf vague. Ces phénomènes sont d'origine réflexe et se

passent tout entiers dans la sphère du nerf vague (irritation de

ses rameaux sensitifs, ou paralysie réflexe de ses rameaux car-

diaques). Les phénomènes d'excitation se traduisent par des

attaques épileptiques, les phénomènes paralytiques, par des

crises cardiaques (battements précipités du cobut et arythmie).

L'âge et la condition de santé habituelle des malades paraissent

être pour quelque chose dans le mode de réponse à l'excitation :

les attaques d'épilepsie se rencontreraient principalement chez

les jeunes gens -vigoureux, bien portants d'habitude, tandis

que les autres troubles atteindraient les sujets d'un âge mûr.

anémiés et débilités. L'épilepsie 'gastrique diffère des autres

épilepsies en ce qu'elle reconnaît pour cause des écarts do

régime, par les vomissements alimentaires qui s'ajoutent aux

autres symptômes de l'attaque, par l'embarras gastrique qu'elle

laisse à sa suite. - 0 eu. P.

XXIX. Ataxie locomotrice, suite DE variole; par IIENDEITSON.

' (Louisville med. Me/M, 1 février 1882).

Dans une réunion générale de la société ilarvéienne de

Londres, le Dr C.-G. Henderson a lu l'observation d'un cas de

variole confluente suivie d'ataxie. Le malade, M. George A...,

âgé de vingt ans, fut reçu, le 27 mai 1881, au 6'a ! /H ? HC ? 'as

Tent /«7a/. Sa température, qui était de 100 à 103°, s'éleva

subitement le 31 mai, en quelques heures, à 1070,8. 11 fut

alors plongé dans un bain à 68° pendant quinze minutes. La

température tomba à 9(>^, mais s'éleva dans les dix-huit

heures qui suivirent à 10V> ? on donna un nouveau bain.

11 ne survint ni hyperpyrexie, ni aucune autre complication ;

mais la convalescence fut longue, de larges bulles étant ap-

parues sous la plante des pieds et ayant laissé des croûtes qui

se détachèrent très lentement. Le 18 juillet, alors qu'il com-

mençait à se lever, le malade ressentit des engourdissements

et des fourmillements dans les pieds, les mains et les jambes.

Les réflexes du tendon rotulien et de la peau faisaient défaut,

et il ne pouvait se tenir debout lorsque les yeux étaient fer-

més. Pas de myosis. Après avoir quitté Tent laospital, il se fit

380 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

soigner comme malade externe à University Collège Aos ?

Il recouvra lentement la force dans les jambes, mais la der-

nière fois qu'on le vit, le réflexe tendineux faisait encore dé-

faut. Le Dr IIenderson rapprocha ce cas des observations ana-

logues rapportées par Landouzy et d'autres auteurs, et consi-

déra les lésions causales des symptômes observés, comme

probablement analogues à celles trouvées dans la paralysie

diphthéritiquo et les autres formes de paralysie mentionnées

après les maladies aiguës. Les symptômes différaient, par la

marche favorable qu'ils prirent, finissant, dans la grande ma-

jorité des cas, par la guérison, de ceux qu'on observe dans

l'ataxie locomotrice vraie. G GII,I,FS DE 1,A ToURr'I'TL.

XXX. Paraplégie hystérique chez un enfant; par A.-G.

B,RRs. (7lie l3't(isl med. journal, 1883, 5 février.)

Joseph A..., âgé de douze ans, fut admis le 23 novembre

1881. Avant son admission, il était resté quelques mois dans

la section des malades externes, souffrant d'une incontinence

nocturne d'urine pour laquelle le galvanisme, le bromure de

potassium et beaucoup d'autres remèdes avaient été employés

sans résultat. Il avait été circoncis, dans son enfance, suivant

la coutume juive. Sept jours avant son admission, étant alors

dans son état de santé habituel, et pendant qu'il se promenait,

sa jambe gauche fléchit subitement sous lui, et en quelques

minutes il devint complètement paraplégique. Ni douleurs

dans les membres, ni convulsions. C'était au moment de son

entrée un garçon parfaitement bien portant en apparence,

mais gardant le lit. Légèrement émotionnable, les pupilles

largement dilatées, il ne présentait rien de particulier du côté

des bras et des mains, mais ne pouvant, disait-il, remuer les

jambes en aucune façon. Celles-ci paraissaient du reste com-

plètement normales : la peau avait son aspect habituel, les

muscles possédaient leur volume normal et il n'y avait aucune

apparence de troubles trophiques du côté de la peau, des os ou

des jointures. Les membres inférieurs étaient dans l'extension

complète. Il n'y avait pas, à proprement parler, de contracture,

mais la flexion passive du genou s'obtenait avec difficulté.

L'anesthésie et l'analgésie de toute la circonférence des

membres était complète à partir de la rotule jusqu'au niveau

de la racine des orteils : les limites supérieures et inférieures

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 381

du territoire anesthésié étant parfaitement définies. Les réflexes

plantaires, patellaires et crémastériques étaient normaux.

Le pouvoir volontaire était totalement perdu, et depuis le début

de la paraplégie, l'incontinence nocturne avait, disparu.

Le 25 novembre, disparition presque complète de l'anesthésie

et retour de quelques mouvements dans les jambes. Le 16, il

peut se lever et marcher, soutenu, et le 6 décembre il quitte

l'hôpital bien portant et pour le moment débarrassé de son in-

continence urinaire. G. G. DE la T.

CONTRIBUTION A L1 localisation, des tumeurs DE L'É-

CORCE du cerveau; par C. VON Monakow. (Arch. ? Psych. u.

Nérvenk, XI. 3.)

L'observation concerne une femme de 35 ans entachée

d'hérédité psychopathique souffrant depuis 18 ans environ de

mélancolie chronique et d'hystérie chez qui, consécutivement à

un sarcome mammaire opéré, se développaient dans les divers

organes des nodosités de même nature. Quatre mois après

l'opération, on assistait à des manifestations permettant de con-

clure à une lésion centrale. Telles des douleurs névralgiques

dans le bras droit et l'articulation de l'épaule de ce côté (inté-

grité des modes de la sensibilité ordinaire) ; bientôt tuméfaction

de la région pariétale gauche dont lapression détermine des ver-

tiges, des céphalalgies, des hyperalgies du membre supérieur en

question. Puis céphalagie permanente, malaise général, dépres-

sion prononcée. Enfin, au bout de dix semaines, parésie de la

jambe gauche qui présente les mêmes troubles de la sensibi-

lité que le bras droit. Quelques semaines avantl'issuc mortelle,

somnolence et coma dont on faisait aisément sortir la malade

par le simple contact des membres atteints. L'autopsie

montre dans la cavité crânienne la présence de trois nodosités

sarcomateuses. L'une d'elles, de la grosseur d'un pruneau,

développée presque exclusivement aux dépens du feuillet externe

de la dure-mère, a perforé le crâne (siège de la tuméfaction

gauche) et comprimé à la fois le lobule pariétal supérieur

auclle(circonvul.pariét.sup. d'l : clcer);encet endroit, atrophie

de l'écorce, prolifération nucléaire de l'épendyme, intégrité de

la substance blanche. Les deux autres néoplasmes, du volume

d'un haricot et d'un pois, siègent, l'un dans la faux de la dure-

mère au niveau de la circonvolution de l'ourlet sur la gauche,

382 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'autre, dans cette membrane, à la région moyenne de la cir-

convolution supra-marginale droite; intégrité de la pie-mère

etde l'écorccen ces régions. Intégrité absolue de la moelle et des.

gros troncs nerveux. Généralisation sarcomateuse dans les

poumons, lemédiastin, la plèvre, lescôtes, l'utérus, les ovaires,

la paupière supérieure gauche, enfin la tète de l'humérus droit :

à l'égard de cet os, l'intégrité des troncs nerveux du bras et de

la cavité articulaire permettrait, selon M. Monakow, de rendre la

tumeur numérale irresponsable des accidents nerveux constatés.

- Latrès faible atteinte de l'écorce, là où elle est lésée, rappro-

chée des progrès des symptômes psychiques parallèles au déve-

loppement des tumeurs, indique pour l'auteur une relation de

cause à effet directe entre l'excitation corticale etles phénomènes.

Lodéfaut d'altérations dans les parties sous-jacentes aux petits

sarcomes dure-mériens permet d'éliminer, à son sens, leur in-

fluence. Il s'agirait donc de relier l'ensemble des manifestations

croisées et alternes ci l'altération du lobule pariétal supérieur

avec l'excitation de l'écorce gauche; peut-être s'agit-il d'un

entrecroisement partiel des pyramides ? Quant aux rapports

des sensations douloureuses de cette région, de nombreux faits

cliniques les constatent tant que la destruction n'a pas fait son

oeuvre; peut-être l'explication pourrait-elle en être cherchée

dans le voisinage de la partie postérieure de la capsule interne

et des circonvolutions pariétales, celles-ci recevant probable-

ment des fibres sensitives issues de celle-là. P. K.

DEUX cas DE myélite; par G. MOELI. (A)'671/i;. f.

Psych. u. 11'ervezla. XI. 3.)

Observation L-l3rusque atteinte d'analgésie et de faiblesse

motrice dans les extrémités inférieures. Symptômes prédomi-

nants d'une affection médullaire unilatérale. Ultérieurement

paralysie croissantes'étendant à l'autre jambe; rigidité, contrac-

tures en flexion, parésie vésicale. Phénomènes tendineux pro-

noncés. Myélite (transverse) de la moelle dorsale inférieure

avec dépôt pigmentaire abondant : dégénérescence ascendante

et descendante.

Cette pigmentation, trouvée dans les foyers scléreux, serait

pour l'auteur en rapport avec l'intensité de l'affection (dilata-

tions vasculaires, liémorrbagies). Il conseille de rapprocher ce

fait des observations deleydoii et Strümpell dans lesquelles

\

REVUE DE PATkûLOGIE NERVEUSE. 383

sont notées des lésions scléreuses consécutives à une myélite

aiguë ou subaiguë, et des expériences de Leyden qui, à la suite

de foyers myélitiques artificiels, trouva plus tard des processus

scléreux.

Observation II. Raideur et affaiblissements de la jambe

droite développés graduellement en six ans, puis s'étendant ra-

pidement à la jambe gauche. Parésie vésicale.,Faibles manifes-

tations du côté de la sensibilité. Au moment de l'admission,

paralysie de la jambe avec rigidité/Phénomènes tendineux ac-

cusés. Troubles modérés de la sensibilité. Cystite ; contracture.

Accidents du décubitus. Mort. Foyers scléreux à travers la région

dorsale inférieure et lombaire de la moelle. Lésions des cordons

de Goll dans la moelle dorsale et cervicale; lésions du faisceau

pyramidal dans la moelle lombaire.

Le processus devrait être considéré comme une combinaison

de dégénérescences pseudo-secondaires et de dégénérescences

asystématiques, mais sous la forme purement spinale. P. K.

XXXIII. Dégénérescence I'UNIb'OR : 11E DES CORDONS postérieurs

DE LA MOELLE ACCOMPAGNÉE DE 91LNIGODIYLITE EN FOYERS ;

par JULIUS Wolff. (Archiv. f. Psch. u. 1)'ei,veizk, XII, 1.)

Le processus de la dégénérescence grise des cordons posté-

rieurs (tabès dorsal) est-il primitivement interstitiel ou paren-

chymateux ? Que doit-on penser de l'opinion qui le fait émaner

de la propagation d'une méningite pie-mérienne chronique

à travers les tractus conjonctifs qu'elle envoie dans la moelle

(prolifération interstitielle et atrophie consécutive des fibres

nerveuses) ? Faut-il, de préférence, croire que les éléments ner-

veux primitivement altérés, entraînent l'hypergenèse du tissu

connectif ? Enfin est-ce bien là une affection systématique ne

portant que sur certains faisceaux de fibres ?

Voici le résumé de l'observation, base de ce travail. Début

de la maladie en 1866 à la suite d'un travail manuel exagéré,

par des douleurs lancinantes dans les extrémités inférieures.

Quelques semaines après, tremblements à l'occasion des mouve-

ments intentionnels dans les extrémités supérieures. Pendant

l'été de 1867, ataxie, paresthésie. En 1876, admission à l'hos-

pice : à ce moment, élancements le long de la colonne verté-

brale, avec sensation de froid dans cette région. Dysacousie de

l'oreille droite. Ataxie des extrémités inférieures. Disparition

3J 4 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

des réflexes tendineux. Troubles de sensibilité ( ? ) dans les

extrémités inférieures. En 1878, bruit systolique au coeur. En

1880, nul trouble de la sensibilité ; de temps à autre, tensions

musculaires dans les quatre extrémités. Incontinence d'urine

et des matières ; accidents du décubitus. Mort le 15 mai 1880.

L'autopsie décèle l'existence d'une méningite médullaire avec

épaississement de la pie-mère au niveau des cordons posté-

rieurs, la dégénérescence grise des cordons postérieurs et celle

des cordons antérieurs immédiatement au-dessous du renfle-

ment cervical. Le microscope localise ces lésions dans les cor-

dons postérieurs, les cordons antérieurs, une partie des cordons

latéraux et les cornes antérieures entre le point d'émergence

de la huitième paire cervicale et de la première paire thora-

cique (dorsale). Foyer circonscrit gagnant de la périphérie à

l'un des cordons latéraux à la hauteur de la troisième paire

cervicale. Atteinte des cordons de Goll dans la moelle allon-

gée. Faible lésion des faisceaux cunéiformes. Altérations mar-

ginées en toute la moitié postérieure de la moelle allongée, et

çà et là, le long des cordons postérieurs de lamoelle. Lésions des

racines postérieures,'par places des cornes postérieures. L'épais-

sissement de la pie-mère apparaît dans l'ensemble des coupes

à la périphérie : il en est de même pour l'épendyme du

quatrième ventricule. On trouve des corpuscules amylacés

et des éléments colloïdes dans la pie-mère et au sein des

lésions. En somme, lésion luzi'lbi-me des cordons postérieurs

avec un gros foyer au-deisous du renflement cervical, et un petit

foyer dans cette région.

Dans l'espèce. M. Wolff parait incliner à l'idée d'une méningite

ayant déterminé une lésion interstitielle, à raison de l'accentua-

tion des phénomènes inflammatoires de la pie-mère tout autour

de la portion inférieure de la moelle allongée et de la coexis-

tence en cet endroit d'altérations marginées étendues, du

moins en arrière (sans sélection systématique) ; de l'épaississe-

ment considérable de l'épendyme à la région supérieure de la

moelle, au-dessous de la protubérance, sans dégénérescence;

des mêmes manifestations du côté de la pie-mère lombaire

accompagnées de dégénérescences marginées, malgré la bénig-

nité et la faible étendue des lésions de la méninge; on peut

suivre à ce niveau un tractus conjonctif depuis les racines pos-

térieures jusqu'au milieu des cordons de Goll. L'apparition

tardive de la raideur et des douleurs vertébrales (dixième

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 385

année de la maladie) devrait dépendre de la nature sponta-

nément chronique de l'inflammation méningée.

Le mécanisme des douleurs qui ont ouvert la scène (douleurs

des membres inférieurs) suscite, selon l'explication qu'on leur

applique, une conception différente de l'évolution générale

des lésions anatomiques, dans leurs rapports réciproques. L'idée

de la pression exercée par la pie-mère enflammée sur les racines

à leur émergence, indiquerait une méningite primitive dont le

premier foyer serait, vu l'âge et l'allure des altérations, celui

que l'on constate au-dessous du renflement cervical, la forte

participation des cordons antéro-latéraux expliquant en même

temps le tremblement intentionnel des extrémités supérieures

concomitant. Une seconde hypothèse concernant ces manifes-

tations a trait à la lésion des fibres radiculaires intra-médul-

laires, l'inflammation gagnant en profondeur d'abord dans les

cordons postérieurs delà moelle lombaire, puis dans la région

thoracique supérieure. Enfin une troisième pathogénie, égale--

ment possible, relève de la production concurrente d'un foyer

de méningo-myélite dans la région thoracique supérieure

comprenant les cordons antéro-latéraux de la moelle cervicale

et d'un loyer parenchymateux dans les cordons postérieurs. ,

Sur le chapitre de la systématisation et de l'existence de

lésions parenchymateuses, l'auteur ne croit pas pouvoir tirer

de ce fait des conclusions. Il se borne à constater la confirma-

tion de l'allégation de Pierret, que la dégénérescence des cor-

dons de Goll, dans la région cervicale, n'a rien à voir avec

l'ataxie brachiale, et de l'opinion de Westphal que l'ataxie

des membres inférieurs dépend de la dégénérescence des rubans

externes des cordons postérieurs, comme l'absence de réflexes

patellaires. Les tremblements à l'occasion de mouvements

voulus dans les membres supérieurs, évidemment d'origine

centrale (les nerfs périphériques n'ont malheureusement pas

été examinés), survenant avant les tensions musculaires chez

une personne jusqu'alors bien portante; parmi les symptômes

caractéristiques d'une maladie de la moelle, ne sauraient

dépendre que du foyer qui siège au-dessous du renflement cer-

vical (intégrité des régions) ; l'extension transverse, à cette.

hauteur, des lésions de la moelle aux deux cordons antérieurs,

(expériences de Brown-Séquard), à une portion des cordons

latéraux et des cornes antérieures, est plus que nécessaire pour

rendre compte de ce phénomène : Iiatliblogique. P. K.

Archives, t. IV. an

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XV. Procédé pour COUPER LES accès d'agitation chez LES

MALADES ATTEINTS DE PSYCHOPATHIES CHRONIQUES, A L'AIDE

DES INJECTIONS DE QUININE ET DU BROMURE DE POTASSIUM ;

par Richard KoHN (Arch. f'. Psych. n. lYeî,veî ? le., XI. 3.)

Ces accès, qui se montrent de temps à autre, sont précédés

de prodromes extrêmement fugaces qui, à raison de leur valeur,

variable suivant les cas, échappent à une description fondamen-

tale d'autant que, l'évolution étant rapide, ils indiquent sou-

vent moins l'approche que le début de l'accès. Citons la con-

gestion, l'hyperémie céphalique, les battements carotidiens,

l'agitation, l'anxiété, le marmottement; un pouls petit, dépres-

sible et des convulsions fibrillaires à la langue, accompagnées

d'état sabural et de tremblement des doigts en ce qui concerne

les exacerbations de la folie systématique (Meyer). Souvent,

ajoute M. Kohn, avant même qu'aucun signe psychique se soit

montré,' la pupille change, témoignant d'un trouble de circula-

tion précédant ceux de l'innervation (manie périodique, folie sys-

tématique, hystérie) : il en est de même du changement dans les

habitudes (Reimer). Quoi qu'il en soit, c'est au moindre symp-

tôme suspect qu'on agira. L'auteur relate une observation,

qu'il considère comme manie simple, datant déjà de treize ans

dans laquelle des agitations périodiques croissaient en durée :

sous l'influence de quatre, cinq, six grammes de K Br, répété

jusqu'à trois fois par jour, ces accès ont disparu au bout d'un

an de traitement. Un second succès a trait à une lypéîna)iz«e ? 'e-

ligieuse : deux et trois grammes matin et soir arrêtèrent deux

accès envoie d'évolution.

Les résultats heureux à l'aide de la quinine furent obtenus

grâce à des injections hypodermiques de quatre seringues de

la solution suivante au début de l'accès :

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 387

Les quatre seringues représentent 80 centigrammes de la

substance active, équivalent à lui, et 5 grammes de quinine en

ingestion buccale. L'absorption en est très active et rapide,

l'auteur n'ayant jamais eu à noter, ni nausées, ni vomisse-

ments, ni aucun phénomène d'irritation locale, quand il eut

soin d'employer la solution chaude et bien divisée. Très forts

bourdonnements d'oreilles : deux observations à l'appui. Dans

l'une il s'agissait d'une hystérique ovarienne dont les accès me-

naçaient d'antralner le suicide : disparition complète des crises

sous l'influence de l'injection. Dans l'autre qui concerne une

maniaque ayant déjà eu de longs accès, chaque dose de 0,80

calme la malade ; en même temps, abaissement de sa tempéra-

ture de 38 à 37°, et du pouls de 136 à 100 : une série de douze

injections, soit 3 gr. 20, décidèrent de la persistance de l'amé-

lioration.

M. Kohn croit que la quinine agit simplement sur le coeur

parce que le pouls présente une réduction plus forte que la

température, et qu'en aucun cas il n'eut à noter de phéno-

mènes cérébraux. Le bromure agirait plutôt sur les cellules

corticales. P. K.

XVI. LE RÉFLEXE TENDINEUX DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE DES

aliénés ; par J.-C. Shaw. (Archives o f nechzite. New-Yorh,

août 1881).

M. Shaw a étudié le réflexe tendineux, sur soixante et onze

hommes et sur onze femmes. Chez les soixante et onze hommes,

il était normal dans vingt-huit cas, diminué dans huit, absent

dans treize, exagéré dans vingt-deux. Chez les onze femmes,

il était normal sept fois, une seule fois il était absent, et dans

trois cas il était exagéré. La moelle a été examinée dans dix-

huit cas ; quand les réflexes étaient normaux, la moelle n'of-

frait aucune lésion ; quand ils étaient exagérés, il existait une

dégénération secondaire, symétrique des cordons latéraux. Dans

quelques cas d'abolition complète, il y avait en même temps

une contracture marquée, qui ne dépendait pas de la sclérose

latérale, mais d'une sclérose périphérique due à une ménin-

gite chronique.

Dans les cas d'abolition, il y avait soit une sclérose fasciculée

postérieure, soit une sclérose corticale peu marquée dans la

même région. Quelques observations montrent que l'exagéra-

388. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tion du réflexe' correspond à une difficulté marquée de la parole

et à des attaques hémi-parétiques. Cette connexion est suscep-

tible d'une démonstration, anatomique sur, laquelle l'auteur

reviendra... , Cn. F. ' t '

.... ' z

XVII. Sur la folie morale; par J.-Il. GASQuET. 7 ? e Journal

- ! of Mental Science, avril 1882, p. 1.)

' M.- Gasquet pense que si l'on éprouve quelque difficulté à

concevoir une folie morale distincte de la folie intellectuelle,

cela provient surtout de ce que l'on ne tient pas suffisamment

compte de la' complexité des processus mentaux qu'implique le

plus simple des actes ! moraux ; il se propose de rechercher à

quel point.de ces processus mentaux que l'on désigne sous le

nom de' moraux, la folie peut intervenir pour les priver de leur

caractère normal. L'auteur écarte tout d'abord, comme n'ap-

partenant pas au domaine de la folie morale, les actes accom-

plis, soit sous l'influence d'une impulsion irrésistible, soit sous

l'influence d'une passion violente.

Ce qui -constitue essentiellement un acte volontaire, c'est

d'abord une délibération, et ensuite une détermination : l'au-

teur examine successivement ces deux processus.- En ce qui

touche la délibération, il est clair qu'elle devient impossible

lorsqu'un ou plusieurs des faits nécessaires pour former un

jugement sont inconnus ; elle est non moins impossible

lorsque des illusions ou des hallucinations font entrer en ligne

de compte des faits qui n'ont rien de réel. Ce que les per-

sonnes étrangères à l'étude de la folie conçoivent moins facile-

ment, c'est que les faits puissent être exactement connus sans

que leur valeur morale et leurs rapports soient sainement

appréciés. C'est pourtant ce qui arrive, et l'on trouve de ce fait

un exemple, sans conséquences sociales fâcheuses,, dans la

mélancolie sans hallucinations, où les malades ont une con-

naissance très correcte des divers événements de la vie, et

voient cependant dans tous ces événements, sans distinction,

des motifs de tristesse. Il résulte des études qui ont été, faites

sur la folie morale que cet état se rencontre surtout dans deux

cas : tantôt, en effet, il précède ou suit un état démolie plus

manifeste, tantôt il constitue un héritage reçu de parents né-

vropathes. Dans le premier cas, les jugements moraux d'ordre

général demeurent- intacts ; c'est leur application aux cas par-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 389

ticuliers qui devient impossible : c'est alors que l'on voit les

malades changer brusquement de sentiments à l'égard de

leurs proches, changer, sans motifs, de religion, d'occupation,

d'habitudes, et perdre la juste notion de leur équilibre budgé-'

taire. Le second cas est encore plus grave : là, tous les

jalons moraux sont déplacés, le critérium des actions indivi-

duelles fait totalement défaut, la notion du bien et du mal est

troublée, ou, ce qui est plus ' fâcheux encore, complètement

retournée.

La physiologie peut nous rendre compte de tous ces symp-

tômes ; prenons par exemple le dernier cas examiné : Il est'

évident que, quelle que soit l'hypothèse adoptée relativement

aux rapports qui existent entre le corps et l'esprit, tous les

centres corticaux doivent être capables d'agir ensemble, et que-

quelques-uns d'entre eux doivent être ordinairement associés,

(soit d'une façon congénitale, soit par habitude) et qu'il y a là

une condition indispensable de l'activité normale nécessaire à

l'esprit pour découvrir les rapports mutuels des idées. Suppo-

sons maintenant que quelques-uns de ces centres soient dis-

sociés, ou que, par malformation congénitale, certaines cel-

lules corticales, qui normalement doivent être séparées, se

soient reliées les unes aux autres, et nous concevons facile-

ment le mécanisme suivant lequel peuvent se produire, soit

des associations d'idées anormales, soit un état d'insensibilité

morale. »

L'étude des lésions somatiques, pouvant influer sur la déte ? -

mination morale, est plus difficile, et fait intervenir la ques-

tion du libre arbitre. On se trouve alors en présence de deux

théories : suivant l'une, la volonté agirait à la façon d'une

force prépondérante indépendante ; son rôle serait analogue à

celui de la main qui pèse sur l'un des plateaux d'une balance ;

suivant l'autre, et pour continuer la comparaison, le rôle de

la volonté consisterait à augmenter pour ainsi dire les poids'

placés dans l'un des plateaux par l'importance particulière

attachée à la valeur des motifs que ces poids représentent,

tandis qu'en refusant toute attention à la valeur des motifs

opposés; elle diminuerait au contraire cette valeur. Dans cette

dernière hypothèse, qui paraît à M. Gasquet beaucoup plus

vraisemblable que la première, on voit que le processus

mental; tant dans sa partie positive que dans sa partie négative,

se réduit purement et simplement à un phénomène d'attention.

390 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

« Or, il est généralement admis par les physiologistes que la

fonction cérébrale nécessaire à l'attention consiste en un pro-

cessus d'inhibition s'exerçant sur les centres corticaux (ana-

logue à celui qui gouverne les régions inférieures du système

nerveux) et que Ferrier localise dans les lobes antérieurs du

cerveau. » Il n'est donc pas étonnant, lorsqu'une lésion

- cérébrale affecte dans une mesure plus ou moins considérable

les centres cérébraux les plus élevés et ceux qui sont le siège

du pouvoir d'inhibition, que l'esprit devienne incapable d'exa-

miner, au moment de prendre une détermination, les deux

côtés de la question. « Telle est, il me semble, dit M. Gasquet,

l'explication de cette perte complète de puissance sur soi-même,

de cette entière sujétion aux passions, et spécialement aux

passions les plus impérieuses, que l'on voit se manifester sou-

dainement à la suite d'une insolation, d'une lésion de la tête,

d'une affection fébrile aiguë, ainsi qu'à la première période de

la paralysie générale. » ' R. DE M.-C.

XVIII. De l'emploi DE l'atropine comme agent sédatif ; par

J.-R. GASQuET. (7%e Journal of Mental Science, n° d'avril

1882.)

L'importance que M. S. Ringer attribue à l'atropine comme

sédatif et comme hypnotique a conduit M. Gasquet à essayer

cet alcaloïde dans les cas où jusqu'ici il avait obtenu de bons ré-

sultats de l'hyoscyamine; il l'a employé dans deux cas de ma-

nie chronique avec' idées de violence et de destruction, et dans

un cas de folie chronique avec hallucinations terrifiantes de

l'ouïe; il regrette de n'avoir pu jusqu'ici l'expérimenter dans

des cas aigus. Il a paru à l'auteur que l'action de l'atropine était

moins puissante que celle de l'hyoscyamine ; les malades sont

maîtrisés par le médicament d'une façon moins complète, et

les tentatives de violence, quoique très atténuées, reparaissent

par intervalles. Les effets de l'atropine sont aussi moins pro-

longés, et il est souvent nécessaire d'y avoir recours deux ou

trois fois dans les -)le heures. En revanche, on constate chez les

malades moins de stupeur et d'accablement que sous l'influence

de l'hyoscyamine. En somme, si incomplets que soient ces pre-

miers essais, leurs résultats sont encourageants ; l'atropine au-

rait en outre, si sa valeur thérapeutique était reconnue égale à

celle de l'hyoscyamine, l'avantage de coûter environ quinze

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 391

fois moins cher que cette dernière, et cette considération n'est

pas à dédaigner dans les grands établissements. R. DE

XIX. GUÉRISON, AU BOUT DE TROIS ANS ENVIRON, D'UN ACCÈS DE

MANIE AVEC PRÉDOMINANCE DES HALLUCINATIONS DE L'OUÏE ;

par Bacon. (The Joztr ? ial of JIeîzlal Scz*e2,tce, n° d'avril 1882.)

L'observation peut se résumer ainsi : Femme de trente-trois

ans, mariée, entrée à l'asile en mai 1874. Manie aiguë avec

tendance à la violence et à la destruction. Pendant 13 mois, on

ne constate que des améliorations courtes, passagères et insi-

gnifiantes ; la malade est sale et méchante. En juin 1875, elle

est plus propre, plus calme et dort bien ; mais les hallucinations

persistent sans modification. En août 1875, abattement

marqué. En décembre 1875, rechute ; elle retombe aussi bas

quejamais. En 1876, amélioration générale, coupée cepen-

dant de quelques- rechutes : la conduite reste un peu bizarre,

les hallucinations persistent. En février 1877, elle est assez

bien pour qu'on la laisse sortir un mois, à l'essai : au

bout du mois la sortie est maintenue, la malade paraissant

guérie. Le docteur Bacon avait beaucoup hésité à la laisser

sortir; mais, vers la fin de 1881, il a su par le mari de la ma-

lade que la guérison était demeurée complète, et qu'il ne restait

d'autre trace de la maladie mentale passée qu'un peu d'irrita-

bilité dans le caractère. En général, ou considère les hallu-

cinations de l'ouïe comme caractéristiques de l'incurabilité des

affections mentales ; c'est pourquoi l'auteur a pensé que l'ob-

servation qui précède méritait d'être publiée. R. DE M. C.

XX. DE l'éducation DES aliénés ET DU système scolaire EN

vigueur A l'asile d'aliénés du district DE Richmond (Du-

blin) ; par John Fox. (The Journal o ? VeH/a science, n° d'avril

1882.) ..

M. John Fox est directeur de l'école de l'asile de Richmond,

et les renseignements que renferme son travail sur le fonc-

tionnement de cette institution sont du plus'haut intérêt; c'est

avec beaucoup de regret que nous serons forcés de les abréger,

et de n'en retenir que les grandes lignes, ou en quelque sorte

les idées directrices. Par une comparaison qui ne manque ni

d'ingéniosité, ni de justesse, il fait remarquer que le médecin

qui soigne une maladie d'estomac se garde bien de refuser les

392 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

aliments à son malade ; il se borne à les choisir, à les appro-

prier à l'état de l'organe, cherchant surtout à utiliser les fonc-

tions demeurées indemnes ; en agissant ainsi on guérit parfois

le malade; en tous cas on ne le laisse pas mourir de faim. Pour-

quoi donc n'agirait-on pas de même lorsqu'il s'agit du cerveau ?

Si les personnes qui s'étonnent de voir créer une école dans

- un asile d'aliénés comprenaient qu'il ne s'agit pas d'instruire

des fous, mais d'assurer, par une méthode graduée et appropriée

le fonctionnement cérébral de ces malades, leur surprise, née

d'une erreur, se dissiperait rapidement.

Le premier point qui frappe dans l'étude de M. Fox, c'est le

grand nombre des aliénés qui prennent part aux exercices sco-

laires : toutes les divisions de l'asile (à l'exception bien entendu

de l'infirmerie) envoient à l'école leur contingent presque

complet ; les travailleurs de la ferme et des ateliers suivent le

soir des exercices scolaires moins longs, mais réguliers; c'est à

peine, en somme, si dans chaque division on rencontre quelques

malades qui, par mauvaise volonté ou par déchéance intellec-

tuelle absolue demeurent réfractaires à l'école. Les malades

sont divisés en six classes, suivant leur instruction acquise ou

suivant le plus ou moins de conservation de leurs facultés men-

tales : cette division en classes se base principalement sur les

connaissances en lecture, en arithmétique et en géographie.

Les principales matières de l'enseignement, que l'on s'est pro-

posé de faire correspondre aux diverses facultés de l'esprit,

sont : l'instruction religieuse, les lectures morales avec déduc-

tions pratiques, les leçons de choses, la lecture, la géographie

et l'arithmétique, l'écriture, le dessin, la musique, la marche

au pas et les exercices militaires. En outre tous les jeux de

jardin et d'appartement, depuis le criketetles quilles jusqu'au

billard et aux échecs sont enseignés et encouragés. Enfin l'a-

sile renferme une bibliothèque de 200 volumes, destinés aux

malades, et dont la distribution, aussi bien que la responsabi-

lité est confiée aux chefs de quartier. Des journaux quotidiens,

des périodiques illustrés et plusieurs recueils mensuels complè-

tent les ressources intellectuelles mises à la portée des malades

et utilisées avec plaisir parle plus grand nombre d'entre eux.

Nous passons ici sous silence un grand nombre de détails,

d'une application plus ou moins utile, plus ou moins facile ;

nous souhaiterions que le travail de M. Fox fût lu et médité

par tous les directeurs d'asile ; nous avons la conviction qu'ils

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 393

ne tarderaient pas à instituer, dans la mesure des ressources

dont ils disposent, un système scolaire dont M. Fox, qui l'ap-

plique avec un dévouement digne d'éloges, résume ainsi les

avantages : 1° Fournir une occupation à un'grand nombre de

malades qui sans cela resteraient oisifs ; 20 varier les occupa-

tions de tous ces malades ; 3° appliquer la méthode de l'éduca-

tion à l'amélioration ou au soulagement de l'état des malades

atteints d'affections mentales; 4° rompre la monotonie de la

vie de l'asile et contribuer ainsi au bien-être de ceux qui y

sont internés 1. R. de M.-C.

XXI. Folie associée A la chorée; deux observations; par

Joseph WiGLESwopTH. (llie journ. of Ment. Science, avril

1882.)

Voici le résumé de ces deux observations :

1° Femme de vingt-un ans, mariée, d'une bonne santé ha-

bituelle, ne comptant pas d'aliénés dans sa famille ; un mois

avant son entrée à l'asile, elle a eu une attaque de rhumatisme

articulaire qui paraît avoir été subaigu; les troubles mentaux

datent de ce moment ; ils étaient caractérisés par des halluci-

nations de la vue; trois semaines plus tard, c'est-à-dire huit

jours avant son entrée à l'asile, elle a présenté des mouvements

choréiformes limités au bras droit et à la jambe droite ; ces

mêmes mouvements existent et sont très intenses au moment

de son entrée. En même temps, manie sans violence, agitation,

incohérence. Elle donne son nom et son adresse, mais ce sont

là les seules questions auxquelles elle répond d'une façon rai-

sonnable ; elle a des hallucinations manifestes du toucher.

Trois jours après l'entrée, retour de quelques symptômes de

rhumatisme. Coeur : pas de matité anormale, bruit systolique

court à la pointe, entendu également à la base ; le second

bruit est clair. Au bout de huit jours, disparition des mouve-

ments choréiformes, amélioration de l'état mental. Pendant

plus de dix mois reste à l'asile, présentant les signes d'une

amélioration progressive, mais lente ; elle a une grande diffi-

culté à parler, qui paraît due à un défaut de coordination des

muscles qui servent à l'articulation du langage. Au bout d'un

1 Leuret avait organisé à Bicetre, dans le même but, une école, une

bibliothèque et des jeux; mais l'administration impériale a tout fait dis-

paraître.' (B.) '

394 le REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

an environ, elle est en pleine convalescence : elle parle rai-

sonnablement, sa mémoire est bonne ; elle n'a toutefois pas

encore entièrement recouvré la direction volontaire de sa

langue. Coeur : pas de matité, bruit doux à la pointe, ne se

propageant pas dans l'aisselle. La santé générale est excel-

lente.

- 2° Fille de quinze ans, mère épileptique, un oncle aliéné;

les renseignements sont peu explicites; cependant elle aurait

été choréique depuis un mois, et aurait présenté des troubles

intellectuels depuis une semaine; on n'aurait pas constaté de

rhumatisme. Lors de son entrée à l'asile : pas de matité car-

diaque anormale; bruit systolique un peu musical à la pointe,

s'entendant dans l'aisselle. Mouvements choréiformes généra-

lisés, d'intensité moyenne. Parole indistincte à force d'être sac-

cadée ; délire tranquille ; incohérence dans les idées. Cette

incohérence cesse quand on pose à la malade des questions

simples, auxquelles elle répond d'une façon assez raisonnable;

elle reparaît dès qu'on ne sollicite plus son attention. Du-

rant un mois, persistance, avec alternatives légères d'amé-

lioration et d'aggravation, des mouvements choréiformes.

Hallucinations de l'ouïe et du goût. Après six semaines de

séjour, amélioration générale, physique et mentale.-Les mou-

vements choréiformes ont disparu ; plus d'hallucinations ; ce-

pendant la malade croit encore à la réalité des hallucinations

de l'ouïe : elle se souvient d'avoir entendu la voix de son père

bien qu'elle ne l'entende plus. Elle sort au bout de trois

mois et demi; sa santé générale est bonne; au point de vue

mental, elle est tout à fait convalescente.

L'auteur rappelle que M. Clouston a publié en 1870 (The

Journal of Mental Science, n° de juillet) deux cas de folie rhu-

matismale : dans les deux cas qui viennent d'être résumés, le

rhumatisme n'a été constaté que chez une seule des malades;

mais l'absence de renseignements suffisants ne permet pas

d'affirmer qu'il n'existait pas chez l'autre. Quoiqu'il en soit la

présence simultanée de la chorée et de l'endocardite permet de

rapprocher ces deux cas de ceux de M. Clouston. On remar-

quera ici le caractère très accentué des troubles de la sensibi-

lité spéciale, qui se sont montrés plus rebelles que les troubles

qui affectaient ou détruisaient momentanément des fonctions

intellectuelles plus élevées, telles que l'attention et la mémoire,

R. de M. C

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 395

XXII. Localisation SPINALE.- lésions destructives DE L'EN-

céphale. AFFECTION DE LA MOELLE; par W. JULIUS

Mickle. (Tlce Journal of Mental science, n" d'avril 1882.)

Nous ne pouvons donner ici les détails de l'observation et de

l'autopsie ; mais les réflexions de l'auteur, que nous reprodui-

sons, font parfaitement ressortir les particularités de ce cas

intéressant. « 1° Dans ce cas, en même temps qu'une hémiplé-

gie gauche, il existait des lésions destructives affectant à la

fois le corps strié du côté droit et le lobule paracentral droit ;

la première de ces lésions avait probablement joué le princi-

pal rôle dans la production de la paralysie ainsi que de la lésion

descendante secondaire. 2° Il y avait des contractures rigi-

des des membres du côté gauche (le bras étant dans la flexion

et la jambe dans l'extension), une diminution du réflexe ten-

dineux du genou, une absence du clonus de la cheville, et

d'autre part on ne constatait qu'une sclérose descendante très

peu marquée, tandis qu'il existait une atrophie de la corne

grise postérieure correspondante. Il est possible que la lésion

des éléments sensitife ait neutralisé, et au delà, à cet égard,

la lésion descendante des éléments moteurs. 3° La lésion

qui avait détruit la surface inférieure de l'écorce occipito-tem-

porale gauche, ainsi que la lésion partielle de la couche op-

tique gauche (pour ne rien dire de la lésion protubérantielle),

sont intéressantes et quelque peu embarrassantes, si on les

rapproche de l'anesthésie incomplète que présentait la jambe

gauche, et d'un certain degré d'hyperesthésie qui avait paru

exister sur les membres du côté droit. L'état de la moelle tou-

tefois fournit quelques explications sur ces symptômes, à la

production desquels la lésion protubérantielle peut d'ailleurs

avoir contribué; ces mêmes lésions, d'autre part, sont in-

téressantes au point de vue de la diminution de la perception

visuelle que présentait le malade à l'égard des. objets placés à

sa droite; les lésions occipitales surtout sont à rapprocher des

résultats récemment publiés par Munck. 4° Au, point de vue

de la comparaison des lésions observées dans ce cas avec celles

que l'on rencontre dans des cas cliniquement analogues, il y

. a lieu de noter qu'aucune dégénérescence morale n'accompa-

gnait ici l'extrême abaissement de l'intelligence (surtout en ce

qui touchait la mémoire), (le M.-C.

396 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXIII. LES hallucinations dans la paralysie générale DES

ALIÉNÉS, CONSIDÉRÉES SPÉCIALEMENT DANS LEURS RAPEORTS

AVEC LA LOCALISATION DES FONCTIONS CÉRÉBRALES ; par

W. Julius Mickle. (Tlie ./OM ? 'H<.o ? t7eH<a;/ Science, nos de

janvier et d'avril 1882.)

~ On sait avec quel soin et quelle persévérance M. J. Mie-Icle

s'est adonné à l'étude de la paralysie générale des 'aliénés ; le

mémoire dont il s'agit ici ne le cède point en intérêt aux tra-

vaux précédents du même auteur ; mais, composé presque

entièrement d'observations, déjà très condensées, il échappe à

l'analyse, ou plutôt ne comporte d'autre analyse que la repro-

duction des conclusions de l'auteur, qui sont les suivantes :

Les hallucinations et les illusions ont dans la paralysie géné-

rale plus de fréquence et d'importance qu'on ne leur en recon-

naît' généralement. Il est probable, et cela pour les raisons

indiquées, que les chiffres indiqués dans ce travail comme

étant les chiffres (p. 100) des paralytiques généraux chez

lesquels on a observé des hallucinations des divers sens, sont

des chiffres minimum. Contrairement à ce que l'on admet

généralement, les hallucinations de la vue ne sont guère plus

fréquentes d'une façon absolue, dans la paralysie générale que

les hallucinations de l'ouïe. Mais, chez les soldats paraly-

tiques, les hallucinations de la vue se rencontrent dans une

proportion plus élevée par rapport aux hallucinations de l'ouïe

que chez les autres soldats aliénés. Chez ces derniers, ou

d'une façon plus précise, chez les soldats atteints de folie

non aiguë, la paralysie ' générale étant exclue, les hallu-

cinations de l'ouïe l'emportent en fréquence sur celles de la

vue ; elles l'emportent également sur les hallucinations de

la vue dans la paralysie générale. Chez les aliénés, en géné-

ral, les hallucinations de la paralysie générale sont souvent

de courte durée; elles récidivent, sont variables, non systéma-

tisées, nombreuses, absurdes, grossières, quelquefois sans lien

aucun entre elles, contradictoires les unes à l'égard des autres,

et très agréables ou très pénibles. La plupart des hallucina-

tions de la paralysie générale sont liées d'une façon intime à

des lésions des centres sensoriels corticaux du cerveau.

Lorsqu'on étudie les hallucinations de la paralysie générale au

point de vue des localisations cérébrales, on peut tirer un

parti utile de la distribution des adhérences cérébro-méningées

REVUE DE PATHOLOGE MENTALE. 397

et des modifications de la couche corticale qui accompagnent

les adhérences. Dans les cas d'hallucinations de la vue chez

les paralytiques généraux, le pli courbe n'est pas affecté d'une

façon aussi marquée que tendrait à le faire prévoir la théorie

suivant laquelle il constituerait le seul centre cortical de la

vue ; on peut en dire autant de la première circonvolution

temporo-sphénoïdale, si on la considère comme le seul centre

cortical de l'audition dans les cas où il existerait des hallucina-

tions de l'ouïe. Ainsi l'anatomie pathologique de la para-

lysie générale ne vient pas à l'appui de l'opinion exclusive

suivant laquelle ces circonvolutions constitueraient ou contien-

draient respectivement les centres corticaux uniques de la

vision et de l'audition. En considérant l'ensemble des cas,

on constate que la circonvolution supra-marginale est' plus

atteinte que le pli courbe dans les cas qui s'accompagnent

d'hallucinations de la vue, et que les adhérences sont souvent

très accusées sur le lobule postéro-pariétal. On constate

également que la deuxième circonvolution temporo-sphénoïdale

paraît être plus atteinte que la première dans les cas qui s'ac-

compagnent d'hallucinations de l'ouïe, ces cas étant pris dans

leur ensemble. R. DE M.-C.

XXIV. LES experts aliénistes ET la responsabilité CRIME-

NELLE ; par D. HAciç. TUKE. (The Journal of Mental Science,

n° d'avril 1882.)

Le travail de M. Ilack Tuke est une critique, très modérée

dans la forme, très amère dans le fond, de la législation, ou

manque de législation en Angleterre en ce qui touche l'exa-

men de la responsabilité criminelle devant les tribunaux.

Nous ne pouvons suivre l'auteur dans tous les détails de cette

importante étude : il conduit tour à tour le lecteur devant les

diverses juridictions, et lui montre l'accusé constamment

dépourvu des garanties les plus élémentaires relativement à

l'étude de son état mental. Sans doute, il arrive parfois;

souvent môme, M. Hack Tuke se plaît à le reconnaître,

que le bon sens et l'équité du juge suppléent au silence de

la'loi; encore faut-il que le magistrat, pour s'éclairer sur

le degré de responsabilité de l'accusé, prenne des biais et

tourne pour ainsi dire, la loi, afin d'obtenir, malgré elle,' ce

que le sens commun voudrait qu'elle prescrivit. Ce que

398 bibliographie.

M. Hack Tuke réclame, et nul, on le reconnaîtra, n'est plus

compétent que lui en pareille matière, c'est que la législation

commande ce qu'aujourd'hui elle tolère à grand peine, et que

le soin d'ordonner une expertise ne soit pas laissé au caprice

de magistrats dont quelques-uns n'admettent en aucun cas la

doctrine de l'irresponsabilité. C'est avec l'ironie du patriotisme

'humilié que l'auteur constate que, dans les autres pays, on

étudie, lorsqu'il y a lieu, l'état mental de l'accusé avant les

débats, tandis qu'en Angleterre on l'examine après. M. Yack

Tuke indique en terminant la réforme qu'il propose, mais il

est aisé de voir qu'il s'accommoderait volontiers d'une procé-

dure quelconque en pareille matière, pourvu qu'elle ne

retardât pas d'un siècle sur les progrès de la science et de

l'humanité. Il faut souhaiter que la voix autorisée du savant

aliéniste anglais soit entendue, et que la réforme qu'il réclame

avec un énergique bon sens n'aille pas grossir le nombre des

réformes qui s'imposent toujours et ne s'accomplissent jamais.

R. de M.-C.

BIBLIOGRAPHIE

De la paralysie générale et du traumatisme dans leurs rapports

réciproques; par Vallon. (Thèse de Paris, 1882.)

Ce travail comprend' deux parties : dans la première, l'auteur

cherche à déterminer l'influence des traumatismes du crâne sur le

développement de la paralysie générale; dans la seconde il étudie

les affections chirurgicales traumatiques ou spontanées qui peuvent

survenir chez les paralytiques généraux, et considère l'évolution des

traumatismes chirurgicaux et leur influence sur la marche de la

maladie. Nous ne pouvons faire mieux que de résumer les con-

clusions de cet intéressant travail. '

I. En dehors de toute prédisposition héréditaire ou acquise, les

traumatismes du crâne peuvent provoquer le développement de la

paralysie générale. La maladie peut débuter peu de temps après

bibliographie. 399

l'accident, mais ordinairement elle n'apparaît que des mois ou des

années plus tard, sans affecter d'ailleurs une forme particulière qui

permette de reconnaître la cause. La paralysie générale, d'origine

traumatique, dont la pathogénie est complexe, se montre à l'âge

où se développe ordinairement cette affection; une certaine prépa-

ration de l'organisme semble donc nécessaire. Il est du reste avéré

que chez les sujets prédisposés, les traumatismes du crâne jouent

le rôle de cause déterminante; ils précipitent la marche de la ma-

ladie déjà en évolution. Le pronostic doit toujours être réservé dans

les cas de plaies de tête ; et chez les paralytiques généraux il faut

éviter les chocs même les plus légers. M. Vallon considère même

comme dangereux le choc de la douche descendante. Si on pouvait

reconnaître sûrement l'origine traumatique dans un cas donné de

paralysie générale, on pourrait porter un pronostic favorable sur

les enfants nés avant l'accident.

II. Dans la paralysie générale on rencontre souvent une raréfac-

tien du tissu osseux qui prédispose aux fractures dont la consolida-

tion peut être lente et incomplète, sans que cependant la guérison

soit rare. Les traumatismes des parties molles donnent souvent lieu

à une suppuration abondante. Les traumatismes suivis ou non de

suppuration exercent souvent une influence heureuse sur la para-

lysie générale, dont elles arrêtent l'évolution pendant un temps

plus ou moins long. De là l'indication des sétons et autres moyens

du même ordre dans le traitement de la paralysie générale. La

maladie, même à la dernière période, n'est pas une contre-indica-

tion à l'anesthésie et aux opérations chirurgicales. Les plaies opé-

ratoires guérissent souvent simplement, quelquefois même par

première intention. Cu. F.

Des maladies mentales et nerveuses; par Ai. 13u,lod, médecin en chef,

directeur honoraire des asiles de la Seine, 2 vol. in-8 (Mas.'on.

édit., 1882).

Sous ce titre, l'auteur a réuni en deux volumes de 600 pages

chacun toutes ses productions antérieures, éparses dans des jour-

naux spéciaux; n'y sont pas compris ses travaux si appréciés sur la

pellagre. Ces deux volumes constituent, comme l'a dit l'auteur,

son testament scientifique. Plusieurs de ces articles et peut-être

ceux auxquels M. Billod attache le plus d'intérêt, ont vieilli soit

par le progrès ou la modification dans la marche des idées sur les

questions qu'il a étudiées, soit parce que, par la valeur même des

idées et des vues qu'ils contiennent, ces articles très justement

appréciés sont tombés dans le domaine public scientifique et

maintenant connus de tous.

De telles considérations expliquent les difficultés d'analyse de

ces deux volumes, dont les chapitres les plus intéressants ont été

400 BIBLIOGRAPHIE.

publiés il y a vingt ou trente ans. C'est un ouvrage dont ou aura

une idée bien plus nette à la lecture que par une analyse qui ne

peut mentionner les idées nombreuses propres à l'auteur, jetées

incidemment çà et là, et constituant néanmoins un des principaux

attraits à la lecture de l'ouvrage.

Le psychologue se retrouve tout entier dans les chapitres sur les

lésions de la volonté, sur celles de l'association des idées, sur les

diverses formes de fypémanie, sur les intervalles lucides, sur la

chronicité et l'hérédité comparées dans leurs effets.

Le clinicien se révèle dans le chapitre sur la symptomatologie

de l'épilepsie, dans ses recherches sur la paralysie générale et sur

l'aphasie. '

Dans un autre ordre d'idées, les chapitres sur le traitement de la

folie, la colonisation des aliénés, les aliénés dangereux, une élude

très sérieuse sur la réorganisation des services d'aliénés et une

autre plus récente sur des établissements d'aliénés en Hollande,

font très apprécier les idées de l'auteur sur le traitement et l'admi-

nistration. Enfin la collection des rapports médico-légaux de l'au-

teur, qui forment la moitié du second volume, prouve que M. Billod

ne s'est désintéressé d'aucune des questions concernant l'aliénation

mentale. Charpentier.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

Recherches d'anatomie comparative et d'anatomie philosophique sur

les caractères du.cmine et du cerveau; par L. Manouvrier. Thèse de

Paris, 1882.

Contribution à l'élude de l'atrophie cérébrale infantile ; par Des-

homme. Thèse de Paris, 1882.

Du traitement de l'épilepsie; par Boy £ Thèse de Paris, 1882.

Sur l'angine de poitrine; par Auury. Thèse de Paris, 1882.

' Des crises douloureuses qui peuvent se montrer sur les voies

urinaires et dans les organes génitaux au cours de l'ataxie locomo-

trice; par Queudot. Thèse de Paris, 1882.

Essai sur abcès spontanés du cerveau; par GUILLE'ic. Thèse de

Paris, 1882.

De la chute des ongles dans les affections nerveuses et en particulier

dans l'ataxie locomotrice; par Poucr : r. Thèse de Paris, 1882.

Observations de mal perforant annonçant le début d'une affection

spinale; par DLANCHAM. Thèse de Paris, 1882.

De la tétanie; par DELcnoix. Thèse de Paris, 1882.

Considérations sur les attaques apoplectifornzes et épileptiformes de

la paralysie générale; par A. Broquerre. Thèse de Paris, 1882.

Contribution à l'étude pathogénique du saturnisme cei-éb ro -spin($1;

par Charlier. Thèse de Paris, 1882. '

Névralgie par Parmilleux. Thèse de Paris, 1882. z

FAITS DIVERS. 401

De la névralgie circonflexe ou axillaire; par HÉOa. Thèse de Paris,

1882.

Des diverses hémorrhagies consécutives aux lésions des centres ? le ? ,-

veux; par Langlois. Thèse de Paris, 1882.

Elude sur la méningite aiguë des buveurs et en particulier sur la

méningite dans le deliriuan tremens ; par RAB.)EAu.Thèse de Paris, 188-2.

Schiideli2zessiiiig ; kranio und lceplealonzetrie; von BeNEDI6T. (Sep.

abd. a. d. Beal-eucyclopâdie des gesammten heilkunde.)

Contribution a l'étittie des hallucinations de la sensibilité; par

H. AnNAL. Thèse de Lyon, 1882.

Du délire ambitieux; par Paris. Thèse de Nancy, 1882.

De la lèpre; par Iianv. Thèse de Nancy, 1882.

Essai sur la lypémanie et le délire de persécution chez les tabétiques ;

par ROUGIER. Thèse de Lyon, 1882.

Des indications du trépan dans les épaazcleemcnts H : ()'a-ct'(i) : <6) ! S

consécutifs aux traumatismes ; par JoinE. Thèse de Lille, 1882.

Contribution à l'élude des formes frustes de l'ataxie locomotrice ; par

11-nTrr. Thèse de Bordeaux, 1882.

Contribution d l'étude de la crête auditive chez les vertébrés ; par

Ferré. Thèse de Bordeaux, 1882.

Contribution à l'étude de l'abcès cérébral idiopcithiqzie; par STAHL.

Thèse de Nancy, 1882.

Des 7eémilremblenaents pi,oe et postparalytiques ; par Ricoux. Thèse

de Nancy, 1882.

FAITS DIVERS

Asile public d'aliénés de M.1RÉ\'ILLE. Le mode de recrute-

ment des internes de l'asile vient d'être modifié. Jusqu'à ce jour,

les élèves étaient nommés directement par le Préfet. Le concours

vient d'être établi. Un arrêté préfectoral règle comme suit le

nouveau mode de recrutement des internes de cet asile : les élèves

internes sont nommés par le Préfet, sur une liste dressée d'après

les résultats du concours, et comprenant un nombre de candidats

triple de celui des vacances à remplir. L'ouverture de chaque con-

cours, autant que le permettront les nécessites du service, sera an-

noncée deux mois à l'avance.

Sont admis à concourir : les étudiants en médecine français et

Archives, t. IV. 2G

402 FAITS DIVERS.

justifiant d'au moins douze inscriptions de doctorat. Les candidats

déposeront leur demande à la Préfecture dix jours au moins avant

l'ouverture du concours et devront joindre : 1° leur acte de nais-

sance ; 2° un certificat du maire de leur domicile établissant leur

qualité de Français; 3° un certificat constatant qu'ils possèdent au

moins douze inscriptions de doctorat ; 4° un certificat de bonne vie

et moeurs. La liste des candidats, arrêtée par le préfet, sera

transmise au doyen de la Faculté de médecine.

Les épreuves du concours seront les suivantes : 1° une composi-

tion écrite sur un sujet d'anatomie et de physiologie (trois heures

seront accordées pour cette rédaction) ; 2° une épreuve clinique

consistant dans l'examen de deux malades, choisis l'un dans un ser-

vice de médecine, l'autre dans un service de chirurgie (quinze mi-

nutes seront accordées pour l'examen de chaque malade, et dix mi-

nutes pour chaque compte-rendu oral, après cinq minutes de ré-

flexion) ; 3° une épreuve de petite chirurgie, saignée, cathété-

risme, bandages et appareils. Le jury déterminerala durée de cette

épreuve. Les concours ont lieu au siège de la Faculté de médecine,

comme pour les concours d'internat des hospices civils de Nancy.

Les juges du concours sont trois professeurs désignés par la Fa-

culté. Le concours terminé, la liste des candidats classés par ordre

de mérite, avec les propositions du jury sera adressée au Préfet

par le Doyen de la Faculté. - C'est avec plaisir que nous enregis-

trons cette réforme, réclamée depuis longtemps. 11 est vivement à

désirer qu'elle se généralise. '

Asile d'aliénés DE Ville-Evrard. M. le Dr Espiau de la Maëstre,

médecin directeur de l'asile de Ville-Evrard, a été victime, le 11 oc-

tobre dernier, d'un accident qui aurait pu avoir les plus tristes con-

séquences. Un malade, B..., atteint du délire de persécution, l'a

saisi par derrière et a essayé de lui crever les yeux avec les doigts.

L'oeil droit a été le plus fortement atteint. Bien que le traumatisme

offre une certaine gravité, on espère qu'il n'aura pas de consé-

quences sérieuses. Nous faisons les voeux les plus sincères pour le

prompt rétablissement de M. le Dr Espiau de la Maëstre, un des

médecins les plus dévoués de nos asiles d'aliénés.

Congrès international d'électricité. Un second congrès inter-

national d'électricité sera tenu à Paris à partir du la novembre. Le

gouvernement a alloué, pour son organisation, une somme de

90,000 fr. Les principaux objets du congrès sont, grâce à de nom-

breuses expériences, de déterminer des unités électriques, de se

fixer sur les méthodes d'observation de l'électricité de l'atmos-

phère, et de réunir les statistiques relatives aux conducteurs de la

lumière.

Société MÉDICO-PSYCIIOLOG1QUE.- Cette société, dans sa séance du

31 juillet 1882, a décidé de mettre au concours pour l'année pro-

FAITS DIVERS. 403

chaîne les deux questions suivantes. P)'i'OEAt<6aMe : Existe-t-il des

signes ou des indices qui permettent de reconnaitre qu'une maladie

mentale est héréditaire, en l'absence de notions sur les antécé-

dents ? Exposer ces caractères. Pria; Belhomme : Des moyens

propres à développer la faculté du langage chez les idiots.

Faculté DE médecine ET DE pharmacie de LT01. - Au mois de no-

vembre 1882, il sera ouvert à cette faculté un concours pour une

place de chef de clinique des maladies mentales.

Concours POUR l'internat EN médecine dans LES asiles PUBLICS

d'aliénés DE la seine. Un concours pour la nomination à deux

emplois d'interne en médecine dans les asiles publics d'aliénés de

la Seine (Sainte-Anne, à Paris; Ville-Evrard et Vaucluse, dans

Seine-et-Oise) sera ouvert le lundi 4 décembre 1882, à midis précis.

Pourront prendre part à ce concours tous les étudiants en médecine,

âgés de moins de trente ans et pourvus de douze inscriptions. Les

candidats devront se faire inscrire à Paris, au secrétariat général

de la préfecture de la Seine (bureau du personnel), du 2 au

48 novembre 1882 inclusivement.

Chaque candidat devra produire les pièces ci-après : 1° un acte

de naissance ; 2° un extrait du casier judiciaire ; 3° un certificat de

vaccine ; 4° un certificat de bonnes vie et moeurs; S" un certificat

constatant qu'il est pourvu de douze inscriptions en médecine.

Le concours porte sur l'anatomie et la physiologie. La durée

des fonctions d'interne est de trois ans. La répartition des in-

ternes dans les divers services d'aliénés se fait dans l'ordre déclas-

sement établi par le jury d'examen. Les avantages attachés à la

situation d'interne dans les asiles publics d'aliénés de la Seine,

comportent le logement, le chauffage, l'éclairage, la nourriture et

un traitement fixe et annuel de 800 fr. à l'asile Sainte-Anne et de

l,100 fr. aux asiles de Ville-Evrard et de Vaucluse.

Concours POUR l'internat EN pharmacie dans LES asiles PUBLICS

d'aliénés DE la seine. TJn concours pour la nomination à deux

emplois d'interne en pharmacie dans les asiles publics d'aliénés de

la Seine (Sainte-Anne à Paris; Ville-Evrard et Vaucluse dans Seine-

et-Oise), sera ouvert le lundi 11 1 décembre 1882, à une heure pré-

cise. Pourront prendre part à ce concours tous les étudiants eu

pharmacie âgés de vingt ans au moins et de vingt-sept ans au plus.

Les candidats devront se faire inscrire à Paris, au siège général de

la préfecture de la Seine (bureau du personnel), du 9 au 25 novem-

bre 1882 inclusivement.

Chaque candidat devra produire les pièces ci-après : 1 ° un acte

de naissance ; 2° un extrait du casier judiciaire ; 3° un certificat de

vaccine ; 4° un certificat de bonne vie et moeurs ; 5° des certificats

constatant trois années d'exercice dans des pharmacies dont une

dans la même maison.

404 FAITS DIVERS.

Le concours porte sur la chimie, la pharmacie et l'histoire natu-

relle. La durée des fonctions d'interne est de trois ans. La réparti-

tion des internes dans les divers services d'aliénés se fait dans

l'ordre de classement établi par le jury d'examen.

Les avantages attachés a la situation d'interne dans les asiles

publics d'aliénés de la Seine comportent le logement, le chauffage,

l'éclairage, lanourritute et un traitement fixe et annuel de 800 fr.,

à l'asile Sainte-Anne, et de l,100 fr. aux asiles de Ville-Evrard et do

Vaucluse.

Quartier d'aliénés DE l'hospice saint-jacques, A N.11\T);S. Il

possède en tout 800 malades, dont 450 femmes environ. 11 y a

aussi quelques enfants arriérés ou idiots, disséminés dans les ser-

vices : neuf garçons et quatre filles actuellement. Aucune instruc-

tion ne leur est donnée.

Les malades sont employés à des travaux de culture, de jardi-

nage. Comme moyens de coercition, on emploie la camisole de

force, le système cellulaire, les douches, les bains prolongés, géné-

ralement pendant trois heures, quelquefois quatre heures. Les

bains sont installés d'unefaçontiès précaire. La thérapeutique est

assez réduite. Le service médical comprend six internes en médecine

(aucun en pharmacie), dont trois sont nommés au concours des

hôpitaux de Nantes, et sont alors affectés aux sections de vieillards

et de médecine proprement dite (infirmerie). Il existe un service de

varioleux, avec un interne des hôpitaux; ce service est presque

toujours vide. Les trois autres internes, dits internes abénistes,

sont nommés directement par le ministre de l'intérieur, sans con-

cours. L'asile va prochainement être agrandi, et l'on en profitera

pour apporter quelques perfectionnements dans les sections.

Ecole départementale d'infirmiers et infirmières de l'asile

sainte-anni : . Les cours ont commencé le mardi 24 octobre 1882,

à 8 heures du soir, dans l'amphithéâtre de l'Admission, et se

continueront les mardis et vendredis suivants, à la même heure.

Programme pour l'année 1882 : hygiène, administration, panse-

ments, petite chirurgie et applications hydrothérapiques, physio-

logie, anatomie, rapports de l'infirmier avec l'aliéné dans les diffé-

rentes formes mentales, petite pharmacie.

Ces cours se font sous la direction de MM. Houchereau, Dago-

net, Magnan, médecins en chef, et Quesneville, pharmacien en

chef de l'asile Sainte-Anne. - Les personnes étrangères à l'éta-

blissement qui désirent suivre ces cours gratuits doivent se faire

inscrire tous les jours, de 10 heures à 4 heures, à la direction de

l'asile.

TABLE DES MATIERES

Absinthisme chronique (études cli-

niques sur 1'), par Gautier, 263.

Albuminurie dans les maladies cé-

rébrales, 138; - comme synp-

tôme de l'accès d'épilepsie, par

Z

Aliénation, 229.

Aliénation mentale chez un sujet

atteint d'anémie et de cachexie

palustre, par J. Mickle, 10 il.

Aliénés criminels, 122, 97, `335,

239.

Aliénés (considération sur l'ly-

giène des), par Pomponne, 26 'i .

Aliénées (recherches cliniques sur

la fréquence des maladies sexuel-

les chez les), par Danillo, 171.

Aliénés incurables et tranquilles,

I n 3,

Aliénés (incidents z

cal chez les), 1311. `

Aliénés (éducation des), 391.

Aphasie, 96.

Aphasie traumatique, 374.

Aphasiques (capacité de tester des),

132.

Asiles d'aliénés (aménagement et

disposition), 133.

Asiles d'aliénés d'Australie et d'A-

six 1250.

Asiles d'aliénés, nominations, 968.

Asiles d'aliénés de Vaucluse et de

Ville-crard,l4 ? ,40 ? ; - de Cler-

mont, 1 2 ; de Maréulle, 401 ;

de Saint-Jacques, à Nantes,

.On ; - Concours pour l'internat

dans les, 403.

Assassin (1') Guiteau, 271. 1.

Assassinats par des aliénés, 143.

Ataxie locomotrice (note sur l'un

des symptômes de l'), par Mor-

timer Granville, 219.

Ataxie locomotrice (une famille

atteinte il'), par Gowcrs, 90.

Ataxie locomotrice d'origine S\Plli-

litique (tabès] spécifique),'par

Fournier, 139.

Ataxie locomotrice différenciée des

troubles fonctionnels qui la si-

mulent, 377.

Ataxie locomotrice suite de variole,

379.

Ataxie locale des extrémités supé-

rieures a\ec éphidrose, 233.

Ata\if)ucs (description de quelques

pièces relatives aux lésions os-

seuses et articulaires z

servées an musée anatomo-pa

Lliologitltie de la Sa 1pètrière, par

Ch. Féré, 202.

,ti 01)ille comme agent sédatif, 390.

Auscultation des parois du crâne,

517.

Auscultation de la parole à la sur-

face de la tête, par Adriani, 925.

nains dans les hôpitaux et les

asiles, 270.

Bilatérale (la fonction), et la sina-

piscopie, par Adamlciewicz, S9.

Cerveau (Lésion grave du -

rison), parNVootl, 221.

Cerveau d'un typhique, 257,

Cerveau (caractères propres aux

lésions de l'écorce du), 254.

Cerveau (des métastases des iutlam-

mations de l'oreille sur le), 375.

Cerveau (localisation des tumeurs

de l'écorce du), 351.

Cerveau (casuistique des blessures

du), 123.

Cerveau (températures inférieures

des malades atteints d'une lésion

du), 88.

Cerveau (altérations anatomiques

du dans les maladies infec-

tieusesl, par Itosenthal, 89.

'<06 TABLE DES MATIÈRES.

Cerveau (note sur le développement

du considéré dans ses rapports

avec le crâne), par Féré, 365.

Chorée (folie associée à la), 393.

Conceptions délirantes, 255.

Conceptions irrésistibles, par Wille,

230.

Colonies d'aliénés, 135.

Congrès des aliénistes de l'Alle-

magne du Sud-Ouest, 131.

Connaissance (maladies de la), par

Weiss, 234.

Contraction paradoxale, 372.

Côtes fracturées dans les asiles an-

glais, par Linsay, 95.

Courants continus (note sur l'action

des; au point vue physiologique

et pathologique, par Estorc, 145.

Délire mélancolique (rapport mé-

dico-légal sur un cas de), par

Magnan, 47.

Délire des négations, par Cotard,

152, 282.

Dessiccation du cerveau, 249.

Diabétiques (Des troubles nerveux

observés chez les), par Bernard

et Féré, 336.

Divorce et aliénation mentale, 120,

239,243.

Ecriture dans la paralysie générale,

par Schule, 230.

Epilepsie (Importance du diagnostic

précoce de l'), 378.

Epilepsie gastrique, 378.

Epilepsie (Pathogénie de 1", par

Chirone, 223 :

Epilepsie (albuminurie comme sym-

tôme de l'accès d'), 224.

Epileptiques (note sur l'état de la

pupille chez les en dehors des

attaques), par Marie, 42.

Epileptique (cerveau d'). ).

Epileptiques (accidents déterminés

par les fractures chezles femmes),

par Terrier et Luc, 87.

Experts aliénistes et responsabilité

criminelle, 397.

Folie, 96.

Folie associée à la chorée, 393.

Folie morale, 388.

Folie postépileptique, par Som-

mer, 92.

Folies périodiques, 129.

Folie avec conscience (recherches

sur la), par Marandon de Mon-

tyel, 188.

Folies (classificaton des), par Dela-

- siauve, 1.

Forces (état des) chez les hémiplé-

giques, par Pitres, 26.

Ganglions périphériques, 367.

Gaucher aphasique, 121.

Goitre exophthalmique, par Panas,

86.

Hallucinations unilatérales, 117.

Hallucinations dans la paralysie

générale, considérées spéciale-

ment dans leurs rapports avec

les localisations cérébrales, 396.

Hemiataxie posthémiplégique, par

Ugo Bassi, 224.

Hémianopsie, 254.

Hémiplégie (note sur un cas d')

avec paraplégie spasmodique, par

Féré, 61, 1,

Hémiplégiques (état des forces chez

les), par Pitres,26.

Hyoscyamine, 137, 235,

Hystérique (paraplégie chez un

enfant), 380.

Hystéro-épilepsie, par llills, 222.

Idiote (cerveau d'), par Beinhard,

248.

Idiots (éducation des), par Davis,

10t.

Impulsions sexuelles perverties (im-

portance médico-légale des), 131. t.

Infectieuses (altérations anato-

miques du cerveau dans les ma-

ladies ), 89.

Insula (les lésions du lobule de l')

par Perdrier, 262.

Invalides psychopathiques de la

guerre de 1870-11, par Schwaab

et Frmhlich, ! 33.

Iris (centre cortical de 1') chez les

oiseaux, par 0);lt, 226.

Leptomémiugitis hémorrhagica,pré-

sentant les symptômes de la

paralysie progressive, par Be-

chetrew, 90. n

Maladie de Méniere (note sur la

et en particulier sur son traite-

ment par la méthode de M. Char-

cot), par Féré et Demars, ? ? 0; -

par Gellé, 273.

Maladies mentales aiguës et cu-

rables (traitement des), par Bur-

mann, 95.

TABLE DES MATIÈRES.. 407

Maladies mentales et nerveuses par

Billod (bibliographie), 399.

Maladies mentales (influence des

maladies aiguës sur la genèse

des), par Krrepelin, 105.

Manie avec prédominance des' hal-

lucinations de l'ouïe (guérison

au bout de trois ans d'un accès de

- ). 391.

llénière (Etude clinique du vertige

de dans ses rapports avec les

lésions des fenêtres ovale et

ronde), par Gellé, 73.

Microcéphale (notes et observa-

tions surIa),parBoarneyd)e

et Wuillamié, 52.

Moelle (lésions unilatérales de la),

369.

Moelle (affections de la), localisa-

tion, 395.

Moelle (dégénérescence funiforme

des cordons postérieurs de la)

accompagnée de méningo-myé-

tite en foyers). 383.

Moelle épiniere (sarcome de la), à

marche latente siégeant au point

d'émergence du plexus brachial,

par Adamkiewicz, 323.

Moelle épiniere (sur les vaisseaux

de la), par Adamkiewicz, critique

par Duret, 357.

Monomanie religiense (discussion

à propos d'une prétendue) - par

Delasiauve, 1.

Monument à Darwin, 2-il.

Morphinisme, par Fr. Muiier, 97.

Mutilation chez un mystique, 270.

Myélite (deux cas de ), 382.

Nécrologie : Lagardelle, 143.

Négations (délire des), 152, 282.

Nerveux. 372.

Nerveux (troubles - observés chez

les diabétiques), par Bernard et

Féré, 336.

Névroses (traité des), par Axenfeld

et Huchard, 260.

Nominations, 268.

OEdème cérébral circonscrit comme

cause de symptômes de lésions

en foyer, 256.

Oreille (des métastases des inflam-

mations de l'-sur le cerveau) , 375 .

Pacchioni (granulations de), 368.

Paralysie agitante (essai sur une

forme rhumatismale de la), par

Vesselle, 263.

Paralysie générale (réflexe tendi-

neux dans la), 387.

Paralysie générale et traumatisme,

dans leurs rapports réciproques,

par Vallon, 398.

Paralysie progressive périodique,

130.

Paralysie spasmodique (note sur un

cas d'hémiplégie avec), par Féré,

61.

Périencéphalite purulente consécu-

tive à une infection septique,

126.

Prix Esquirol, 237; Aubanel,

237; Belhomme, 117.

Protubérance (affection de la), par

Resali, 249.

Psychopathies chroniques (procédé

pour couper les accès d'agitation

chez les malades atteints de - à

l'aide des injections de quinine et

de bromure de potassium), 386.

Pupille (note sur l'état de la), chez

les épileptiques en dehors des

attaques), par Marie, 42.

Réflexe tendineux dans la paralysie

générale.387.

Responsabilité criminelle, 397.

Responsabilité des faibles d'esprit,

117.

Rhéostats à manivelle, 253.

Sarcome de la moelle épinière, par

Adamkiewicz, 323.

Sclérose latérale primitive a issue

insolite, par Westphal, 247.

Sens génital (inversion du), et

autres perversions sexuelles, par

Charcot et Magnan, 296.

Sensitif (le faisceau), et les troubles

de la sensibilité dans les cas de

lésions cérébrales, par Ballet,

67.

Sexuelles (recherches cliniques sur

la fréquence des maladies

chez les aliénées), par Danillo,

171.

Sexuelles (perversions), 296.

Sinapiscopie, 89.

Société de psychiatrie et psycho-

logie légales de Vienne, 256 ;

Société médico-psychologique, 116

236; Société psychiatrique de

Berlin, 12 ? Sociétédé psychia-

trie et des maladies nerveuses

de Berlin, 246.

Statue de Ph. Pinel, 142.

Stupeur, 258.

408 TABLE DES MATIÈRES.

Tabac (société contre l'abus du),

142.

Tabes incipiens, par Erlenmever,

,t36.

Températures inférieures des ma-

lades atteints d'une lésion céré-

brale, par Sklowsky, 88.

Température (basse), par Kasyreff,-

88.

Thomsen (Maladie de), par West-

phal, 246.

Transfert (une application pratique

du), 371.

Tumeurs du cerveau (localisation

des), 38).

Ventricules cérébraux (études sur

les hémorrhagies primitives,

immédiates ou directes, des), par

Sanders, 237.

Zones Ilystérogencs (recherches sur

les), par Gaube, 265.

TABLE

DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Adaml : iewicz, 89, 323, 357.

Adriaiii, 225.

AUen,371.

Andrews, 376.

Axenfeld, 260.

Bacon, 391.

Bail, 120.

Ballet, 67.

Barrs, 380.

Bassi (Ugo), ? ? 4.

Bechetrew, 90.

Benno, 130.

Bernard (D.), 87, 88, 221, 336, 367.

Billod, 96, 116, 243, 399.

Binswanger, 246.

Bouriieville, 52.

Briand, 121, 246.

Burmam, 95.

Charcot, 296.

Charpentier, 93, 96, 97, 227, 230,

400.

Cliiroiie, 223.

Cotard, 152, 282.

Daily, 121.

Duntllo, 171.

Davis, 104.

Delasiauve, 1.

Demars, 220.

Duret,337.

Eilenineyer, 226, 372.

Estorc, 145.

Falret, 230.

Féré (Cli.), 61, 91, l'il, 203,230,

262, 263. 26 ? 965,267, 336, 365,

378, 379, 388, 399.

Fion, 224.

Fournier, 139.

Fox (J.),391.

Franck (S.), 3 î2.

Frensberg, 133.

23 3.

Gasquet, 388, 390.

Gaube -265.

Gautier, 263.

Gellé, 273.

Gilles de la Tourelle, 373,380, 38t,

Gowers, 90.

Granville (llortimer), 219.

Henderson, 379.

llollrender, ? 5G, ? iS.

ltucliard, 260.

Jolly, 132.

Kaiser, 371.

Z

liéraval (P.), 9 ? 116, 127, 131, 139,

933, 234, i, 35, 3.`i, 260, 367, 369,

35, 3S3, 385, 387.

Kirn, 131.

Koch, 229.

ICohn; 38fi.

Kretz, 137.

lirrelCliu, 10.

Landerer, 133.

Liusay, 95.

Loelir, 139, 318.

Luc, 87.

Magnan, 47, 296.

Marais, 117.

1\larandou de Montycl, lss.

Marie, q'2, 223, 225, 233, 236.

Maygrier, 104.

Mendelssolm, 88, 89, 90.

410 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Meynert, 237.

Mickle, 104, 295, 296.

Mills, 222.

Moèli, 382.

Monakow, 38 t.

Motet, 41G, 117.

Dlüller, 97.

Afusôrave-Clay(R.de),10G,R20,2 ?

223, 229, 390, 391, 393, 394, 395,

397, 398.

Niermeyer, 367.

0)rlh, QG,

Panas, 86.

Perdrier, 262.

Pitres, 26.

Pommay, 378.

Pomponne, 264.

Reinhard, 248.

Remak. 249.

Ricliei, (P.), 961-).

Richter (de Dalldorf), 125, 126,

254.

Richter (de Pankow), 55.

Rieger, 138.

Ritti, 238.

Riva, 235.

Rockwell, 377.

Rosenthal, 89.

Sanders, 227.

Schrceter,l2, 127.

Seliule, 134, 230.

Schulz, 309.

Schwaab, 223.

Seguin, 378.

Shaw, 387.

Skluvsky,88.

Sommer, 92.

Steinen(vonden),2at.

Talamon (C.), 377, 378.

Terrier, 87.

Tul,p (Hack-), 397.

Vallon, 398.

Vesselle, 363.

Vigoureux (Romain), 37),37.374.

Voisin, 117.

Weiss (J.), 93n. 4.

Werniclce, 933.

Westphal, ? 46, 947, v34.

Wiglesworth, 393.

Wille, 230.

Wood (W.), 221.

WolfT (Y.), 383.

Wuillamié, 52.

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE PREMIÈRE

Face convexe de l'hémisphère gauche.

Fi, F', F3, première, deuxième et troisième circonvolutions frontales.

F. a., frontale ascendante.

P. a., pariétale ascendante.

Pl, Pc, lobules pariétaux, supérieur et inférieur.

Pa, pli courbe. -

y, T-, 1'3, circonvolutions temporales.

L. 0., lobe occipital.

- H2 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE Il

Face interne de l'hémisphère gauclee.

C. c., corps calleux.

C. c., circonvolution du corps calleux.

F1, première circonvolution frontale. ? circonvolution de l'hippocampe.

L. P., lobule paracentral.

L. C ., lobe carré.

L. C., coin.

L. 0., lobe occipital.

Tà, Ts, quatrième et cinquième circonvolutions temporales.

EXPLICATION DES PLANCHES. 413

PLANCHE lit

Résistance électrique des tissus chez deux individus sat ? M. T)'f<cf 1 :

Faible résistance : le maximum de déviation est de 9 milliweber et est

atteint en 5 minutes. Tracé 2 : Forte résistance : le maximum de dé-

viation est de 3 milliweber et est atteint en 8 minutes.

41.4 ' EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE IV

Résistance électrique comparée des deux côtés du coips chez des hysté-

riques atteintes ditéffiianesthésie. indique le côté le plus sensible ;

- indique le moins sensible.

1 Ra... (Eva). - Hémianesthésie gauche; résistance plus grande du

côté malade à une première application (tracé 1), s'atténuant progressi-

vement aux applications ultérieures [tracé 2), et finissant par devenir

égale à celle du côté sain (tracé 3).

2o Geor... (Louise). Hémianesthésie droite : résultats analogues en

quatre électrisations successives.

3° Blanch... Hémianesthésie gauche : résultats analogues en trois

électrisations successives.

4Blanch... Après transfert : résultats analogues renversés.

5° Gall... - Hémianesthésie gauche : résultats analogues en deux élec-

trisations successives.

6° Gall... - Hyperesthésie gauche : résultats analogues renversés, en

trois électrisations successives.

EXPLICATION DES PLANCHES. 415

PLANCHE V

Les cinq premières figures représentent des coupes successives (de haut en

bas) de la moelle au niveau de la tumeur.

Fig. 1. Augmentation du volume de la moelle antérieure de la corne

antérieure gauche sans altération de structure.

Fig. 2. La coine antérieure gauche offre une densité plus grande et

une moindre transparence.

Fig. 3. Tumeur de la corne antérieure, entourée d'une fine capsule

de tissu conjonctif.

Fig. 4. Développement complet de la tumeur constituée par des pe-

lotons entremêlés (coloration au violet de gentiane).

Fig. 5. Noyau de consistance osseuse constitué par des concrétions

cristallines.

Fig. 6. Grossissement de la tumeur (fig. 4).

. Fig.7. - Concrétions cristallines à couches concentriques (de la fig. 5).

Fig. 8.-Représentant une portion de la colonne grise antérieure du

côté droit.

Fig. 9. Représentant une portion de la colonne grise antérieure du

côté gauche.

gvreux. limssev. nnp. 1182