ARCHIVES
DE '
NEUROLOGIE
RV11RUS, IMPRIMERIE DE CIlARLES HeRissry
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
J.-M. CHARCOT
AVEC LA COLLABORATION DE
MM. ADAMKIEWICZ, AMIDON, BALLET, BERNARD, BITOT (P.-A.), BLAISE,
BLANCHARD, BONNAIRE (E.) , BOUCHEHEAU, BRIAND (M.), BRISSAUD (E.),
BROUARDEL (P.), CHARPENTIER, COTARD, DEBOVE (M.), DELASIAUVE,
DREYFOUS, DURET, DUVAL (\uxmes), EIILITZKY, FÉRÉ (Cn.), FERRIER, GELLÉ,
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TROISIER (E.), V1GOUROUX (R.), VOISIN (J.), WUILLAMIER
Rédacteur en chef : BOURNEVILLE
Secrétaire de la rédaction : Cil. FÉRÉ
Dessinateur : LEUDA.
Tome IV. - 4882
Avec 5 planches noires ou en couleur et 20 figures dans le texte.
PARIS
BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
6, rue des Écoles.
1882
Vol. IV. Juillet 1882. N" 10.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE MENTALE
CLASSIFICATION DES FOLIES. - DISCUSSION A PROPOS
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE;
Par JI. D E L.1 S l A U V E , médecin honoraire des hôpitaux.
Nous avons établi, en aliénation mentale, une no-
menclature quia suscité beaucoup de défiance. Maiselle
a été plutôt condamnée que réfutée. On ne s'est point
donné la peine de la soumettre à une analyse compara-
tive. Chacun a préféré instituer la sienne ; ceux-ci,
comme i)iorel, en la basant sur les causes; ceux-là,
comme )I. Baillarger, la déduisant d'un double phéno-
mène pathologique, excitation, dépression; d'autres, s'en
tenant à la division, plus ou moins modifiée, d'Es-
quirol; tel Renaudin, notamment, qui, qualifiant d'im-
prudentes les critiques dont cette division avait été
l'objet de notre part, trouvait qu'elle avait puisé, dans
ces attaques mêmes, un nouveau caractère de certitude.
1 Lu à l'Académie de médecine en 1875, ce mémoire, destiné 1 une
autre publication, est resté inédit par des circonstances toutes particu-
lières, indépendantes de la volonté de l'auteur. D..
4
2 ' PATHOLOGIE MENTALE.
' Cependant les années s'écoulent. L'occasion s'est
offerte à nous bien des fois de vérifier et notre classi-
fication et la théorie sur laquelle elle repose. Or, nous
osons le déclarer, les faits et la controverse, loin de les
infirmer, ont, de plus en plus, manifesté à nos yeux
l'évidence de l'une et de l'autre. En ce moment, pour
un travail, délaissé depuis trente ans, et que nous nous
nous proposons de reprendre, nous sommes en quête
de documents bibliographiques. Dans ce parcours, le
hasard nous a permis de relire une observation des
plus curieuses, et qui, dans ses détails, implique la justi-
fication la plus complète de nos distinctions.
Peut-être nous saura-t-on gré de la produire et de
l'apprécier. Quelques mots, préalablement, en vue de
faciliter cette tâche. Pinel, on le sait, admettait quatre
genres principaux : manie ou délire général, mélan-
colie ou délire partiel, démence ou dégradation des
facultés, idiotisme congénial ou acquis, ce dernier ré-
pondant soit à la stupidité de Georget, de Ferrus et
d'Etoc Demazy, soit à l'imbécillité et à l'idiotie propre-
ment dite. Il a mentionné, en outre, une folie raison-
nante et une manie sans délire, dont la délimitation
est restée indécise.
Au fond, la classification d'Esquirol diffère peu de
celle de Pinel, si ce n'est qu'il forme deux catégories
du délire partiel, la monomanie ettatypémanie. L'idio-
tisme acquis devient pour lui la démence aiguë, à
laquelle il n'a consacré que deux pages seulement.
Non sans hésitation, il groupe, sous le nom très inap-
proprié de monomanie raisonnante, les exemples dispa-
rates que son prédécesseur comprenait parmi les
manies sans délire, et Prichard, parmi ses folies morales.
D'UNE prétendue MONOMANIE RELIGIEUSE.' 3
Il étudie séparément, il est vrai, les illusions et les
hallucinations, l'hypochondrie, le délire épileptique, la
démonomanie, etc.; mais, ce que nous allons fair.e
ressortir, ces manifestations, d'origine et de physiono-
mie variables, n'intéressent que secondairement le
classement psychologique.
M. Baillarger a débuté par transformer la stupidité
en mélancolie avec stupeur, sous ce prétexte contestable
que l'activité oppressive de l'imagination y jouait
le rôle prédominant. Plus tard, il a décrit une folie à
double forme, étudiée déjà et dénommée par Falpet père
folie circulaire. Alternant dans des phases successives,
cette affection, typique en effet, semble avoir suggéré à
notre éminent collègue l'idée de ranger toutes les vé-
sanies en un double cadre, selon qu'elles relèveraient
de X excitation ou de la dépression, lesquelles dominent,
tour à tour, dans la folie à double forme.
More ! a cédé à une illusion sensible dans l'établis-
sement de sa classification étiologique. Il s'en réfère à
l'hérédité, au délire épileptique, hystérique, ébrieux,
saturnin, etc. Mais ces causes sont connues; chacun en
tient compte. En revanche, combien d'aliénations,
pures névroses, n'offrent d'accessible à l'analyse que
l'ensemble et la marche des manifestations phénomé-
nales ? Dans les dernières années, notre regretté collègue
de Saint-Yon, sous le nom de délire émotif, qui n'en
indique exactement ni la source ni la nature cons-
tantes, a cru révéler une vérité nouvelle. Elle figure,
dès 1859, dans notre mémoire sur la pseudomono-
manie et, si nous ne nous trompons, le sous-titre
scientifique de délire partiel diffus qui l'exprime, lui
serait beaucoup mieux approprié.
z4 PATHOLOGIE MENTALE.
Quant à Renaudin, tout en approuvant fort la dicho-
tomie de M. Baillarger, qu'il utilise en ce qui concerne
le jeu de la pensée, des idées et des sentiments, il
adhère presque exclusivement à la division d'Esquirol,
pour lui irréprochable.
Pour peu que la méditation s'attache aux aspects que
reflète l'aperçu qui précède, on est frappé de l'absence
d'une loi qui en précise le cachet, les rapports et la
subordination. On a vu des types, on les a peints, sans
rechercher mentalement la raison de leurs similitudes
et de leurs différences. lI. Baillarger qui, plus parti-
culièrement, a visé un critérium doctrinal, s'est arrêté
lui-même au fait matériel. En quoi consistent l'excita-
tion et la dépression ? Où sont leurs limites respec-
tives ? Est-il sans exemple qu'une agitation plus ou
moins intense coïncide avec une atonie cérébrale ? VA,
réciproquement, une prostration apparente ne peut-
elle dissimuler une activité psychique véritable ? Doit-
on confondre, enfin, l'oppression avec la faiblesse ?
Evidemment, il y a là un point sérieux d'interrogation.
De bonne heure, flairant l'écueil, nous avons compris
la nécessité de ne pas nous en laisser imposer par les
impressions immédiates. Scrutant les faits dans leur inti-
mité, nous nous sommes appliquée remontera l'idéal.
Cette investigation, poursuivie sur un grand nombre z
d'insensés, nous a conduit à constater d'abord des ana-
logies ou des diversités là où un examen brut eût
suggéré des termes inverses. La classification, natu-
rellement, devait s'en imprégner. Mais ce résultat ne
fut pas le seul. Pour élucider les phénomènes, en dé-
voiler la formation, en fixer la valeur, il nous a fallu
pénétrer dans les mystères du fonctionnement mental.
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 5
En même temps que les conditions d'un classement
plus rationnel des folies, nous avons entrevu une
systématisation psychologique, susceptible de répandre
un jour tout nouveau sur l'horizon de notre science.
Issue de l'observation, elle en contient virtuellement
toutes les données, que, depuis, nous n'avons cessé de
rectifier et de compléter. En quelques mots, de quoi se
compose-t-elle ? Ce qui saillit immédiatement chez
l'homme, c'est la faculté de penser, de raisonner, de
vouloir et d'agir. Si quelque chose se dérange dans ce
mécanisme, la lésion, évidemment, à cause de l'inces-
sance du travail mental, aura pour signe la généralité
et la permanence. L'irrégularité ou l'insuffisance se
trahiront, à des degrés divers, sur tous les sujets. De là
un groupe d'aliénations générales, dans lequel sont
venus se ranger quatre genres principaux : l'excitation
maniaque, la manie, la démence, avec ou sans paraly-
sie progressive, et les innombrables variétés d'obtusions
psychiques, depuis la stupidité la plus profonde jusqu'aux
teintes affaiblies du simple embarras intellectuel.
Mais le pouvoir que nous avons appelé syllogistique
ne se crée pas de toutes pièces. Les idées qu'il conçoit,
les émotions qui l'impressionnent, les sentiments qu'il
éprouve, deviennent les matériaux et les mobiles de ses
opérations. Ces éléments lui sont extrinsèques, et, bien
que s'engendrant, se correspondant et s'influençant dans
des combinaisons infinies, ils ont néanmoins en soi
une indépendance respective. Le grain est distinct du
moulin qui le broie. Si l'engrenage pèche, la mouture
s'en ressentira. Quelque substance qu'on emploie, elle
sera inégale, grossière. Dans les cas opposés, le pro-
duit dépendra du grain lui-même : irréprochable
6 PATHOLOGIE MENTALE.
ou défectueux, selon que celui-ci sera sain ou avarié.
Par comparaison, ne serait-il pas présumable que
certains ordres d'aliénations mentales eussent ainsi
leur point de départ dans des impressions maladives,
des conceptions vicieuses, des sentiments altérés ? Elles
auraient, en conséquence, une évolution et des carac-
tères spéciaux. La logique, subsistante, fléchirait sous
l'ascendant des incitations pathologiques pour repren-
dre, non- parfois sans une résistance efficace, son empire
en dehors de leurs actions. C'est ce qui a lieu, en effet.
Les délires particuliers ont, sous ce rapport, un cachet
si saillant qu'on n'a pu échapper à leur constatation.
Mais le principe en a été méconnu, ce qu'atteste l'idée
comprise dans cette définition : lésion partielle de l'intel-
ligence. D'une séparation de fond, on n'a fait qu'une
distinction de degré. Les nuages, non éclaircis, ont nui
à la découverte d'une classification légitime.
Cette incertitude, dont la plupart n'ont qu'une cons-
cience imparfaite, se reflète, tangible, dans les auteurs.
Quoi de plus vague et de plus incomplet que la mélan-
colie de Pinel ? A quels signes précis reconnaître sa
manie sans délire et sa folie raisonnante ? Les genres
d'Esquirol ne sont guère mieux délimités. Sa mono-
manie n'a cessé d'être l'objet de vives controverses.
Pour les trois quarts, ses typémanies appartiennent aux
délires généraux. Dans ses faits disparates de mono-
manie raisonnante, il n'y a rien de systématisé qui
justifie la qualification. Ses autres descriptions, si bien
faites, portent sur des symptômes ou des formes secon-
daires que l'on serait fondé à multiplier à semblable
titre, sans compter la diversité des cadres dans lesquels
devraient entrer les observations. More), nous l'avons
-d'une prétendue monomanie RELIGIEUSE. 7
vu, de fait supprime les catégorisations psycholo-
giques. Dans un immense chapitre, consacré à la mono-
manie, Renaudin a rassemblé et commenté, avec un luxe
de considérations ingénieuses, une foule d'exemples,
sur l'interprétation desquels il y aurait beaucoup à dire.
L'idée qui s'impuse généralement, à travers ces diver-
gences, c'est que, dans le délire partiel, les malades,
dominés par des impulsions automatiques et des con-
ceptions imaginaires, peuvent, en dehors de la sphère
aberrative, raisonner et agir correctement. Des cas
attribués à cette forme, un grand nombre sont à retran-
cher. D'autre part, le cercle dans lequel on se l'est
figurée ne renferme pas, tant s'en faut, tous les types
qu'elle comprend. Nous en avions eu d'abord l'intui-
tion. Peu importe, répondions-nous aux objections, la
quantité des erreurs, si le raisonnement subsiste. L'ana-
lyse nous en fournit bientôt une explication plus claire,
qu'il nous eût été facile d'induire de la théorie.
La première observation d'où, pour nous, naquit la
lumière, fut celle du séminariste Raimbaud, condamné
à Aix, pour tentative de meurtre sur un de ses cama-
rades. D'accord sur l'irresponsabilité, les experts hési-
taient dans l'attribution du cas, ou au délire général, ou
à la monomanie. Raimbaud n'avait ni idée fixe ni
impulsions déterminées. Son affection se composait
d'une série de paroxysmes comparablesà la rêverie de la
veille, et où surgissaient, montant comme un flot et se
croisant dans son esprit, des sensations étranges, des
conceptions bizarres, des raisonnements fortuits. Les
sentiments erraient au gré des pensées. Sortant de ces
crises, il se voyait avec effroi, étonné, sur la pente du
crime ou de la folie.
8 . PATHOLOGIE MENTALE.
Ce n'était. point de la monomanie, mais une fasci-
nation oppressive, vague et incertaine. Les traits de la
folie générale ne s'y rencontraient pas d'avantage,
puisque, soustrait à son inertie, l'esprit recouvrait
aussitôt sa lucidité, même avait conscience des phéno-
mènes. Dans le délire partiel, auquel ce cas apparte-
nait évidemment, il y avait donc autre chose que de la
fixité et de la constance. Pourquoi certains spasmes
ne susciteraient-il pas des aberrations et des entraîne-
ments, mobiles et variables comme eux ? L'énigme était
dévoilée. Ce genre venait, dans notre nomenclature,
remplir une place vide. Il éveillait notre attention sur
des situations mentales analogues, que nous avions
observées. Nous y entrevîmes même la raison probable
de la plupart de ces cas nuageux, diversement qualifiés :
manie sans délire, manie ou folie raisonnante, folie
morale, monomanie raisonnante, délires impulsifs, mono-
manie homicide, suicide, etc. Pour ces dernières pro- ? ? ïae /M/ ? ! 2'c, 6' ? < ? 'CM/e, etc. Pour ces dernières pro-
pensions, en particulier, on juge uniquement l'acte, qui
souventn'est, comme on l'a vérifiédepuis, qu'une circons-
tance saillante d'un appareil symptomatique complexe.
Dans une première communication à la Société
médico-psychologique, en 1859, nous traçâmes une
esquisse du nouveau genre. Les traits qui le distinguent
de la monomanie sont nombreux, et présentent un con-
traste si frappant que, tout d'abord, la pensée nous vint
de lui donner, par antithèse, le nom de pseudomono-
manie, souligné, à dessein, par cet autre titre, plus
scientifique, ou délire partiel diffus. Partiel, n'étant
point général, diffus, c'est-à-dire opposé, par la for-
tuite de ses symptômes erratiques, à la systémati-
sation monomaniaque. De plus en plus, la vérité et
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 9
la portée de cette démarcation ont fini par apparaître.
Le fait qui a motivé les explications précédentes
n'est point, du reste, une pseudomonomanie. Notre
nomenclature l'éclairé; il l'éclairait à son tour et en
rendait l'exposition doublement nécessaire. Déjà,
d'après une observation recueillie par M. Baume, alors
interne à 31aréville, More ! l'avait cité dans le deuxième
volume de ses Etudes cliniques. Renaudin, qui a suivi
la maladie après eux, le range parmi ses monomanies
religieuses. Nous verrons en quoi il en diffère. Chose
singulière ! Cette différence qui, ici, lui échappe, l'émi-
nent aliéniste, comme on va le voir, s'en appuie pour
rejeter la démonomanie, à l'instar de Macario. « En
effet, dit-il, nous rencontrons l'idée du démon aussi
bien dans la monomanie que dans la lypémanie. »
Justine Z..., âgée de vingt-quatre ans, a la figure pâle
et les pupilles très dilatées. Son regard, immobile, est
constamment fixé vers le sol. Peau froide, pouls d'une
lenteur extrême, lèvres agitées de légers mouvements
choréiques. L'aspect donne l'idée de la chlorose et
d'une souffrance générale. Menstruation irrégulière.
Dès ses tendres années, Justine manifeste un pen-
chant décidé pour l'isolement et la lecture des livres
religieux. Entrée à quatorze ans aux Orphelines, elles'y
distingue par sa piété et ses succès dans l'étude. A
dix-sept ans, on l'envoie à Nancy faire son noviciat à
la doctrine chrétienne. Elle en sort à vingt ans, pour
aller à Strasbourg en qualité de soeur institutrice des
petites filles. Persévérant dans ses habitudes, elle
n'avait point cessé de s'absorber dans une vie contem-
plative. Elle était donc prédisposée.
Un sermon sur la damnation éternelle, prêché par
1 () PATHOLOGIE MENTALE.
un prédicateur fameux,jette immédiatement le trouble
dans son âme. De l'agitation, des terreurs, suggérées
par des hallucinations de la vue, la font renvoyer dans
-sa famille, où le docteur Ancelon reconnaît les phéno-
mènes de l'extase et de la catalepsie.^
Le frère aîné caractérise ainsi la marche de l'affec-
tion. Des méditations et des abstinences persistantes
s'opposent d'abord à toute médication suivie. Elle
tombe ensuite dans une léthargie voisine de la mort.
Insensibilité, mutisme invincible, qui cèdent peu à peu,
après un long temps, à des lavements antispasmodiques.
Toutefois, elle mange à peine et n'articule que de rares
paroles. A cetamendement très précaire, succède bientôt
une recrudescence moins intense, mais dans laquelle
la malade rend par la bouche un sang fétide.
Un soulagement plus marqué s'annonce. Justine
mange et s'occupe, n'ouvrant la bouche que pour
proférer quelques mots, et sans s'intéresser à ce qui
l'entoure. Puis les vomissements se renouvellent avec
violence, signal d'une divagation évidente.
A l'asile, où elle dut être placée, on ne tarde pas
à remarquer, dans la manifestation des symptômes, des
alternatives d'excitation légère etdedépressionextrême,
cette dernière phase formant pour ainsi dire l'état
permanent. Excitée, elle gesticule, fait des grimaces,
sautille dans un cercle, pousse des cris, pleure et rit
sans motif, et parfois se livre à des démonstrations
obscènes. L'accablement reprend vite le dessus. Accrou-
pie sur sa chaise, la tête inclinée sur le thorax, les
paupières à demi-baissées, Justine accumule sa salive,
qu'elle laisse échapper par jets sur son menton et surses
habits. Debout, l'immobilité persiste. A table, il faut
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 1 t
l'exciter sans cesse pour qu'elle avale ou la soupe ou la
viande, qu'elle tient dans sa cuiller ou sur sa fourchette.
Nécessairement, les fonctions générales se ressentent
de cette inertie. Règles suspendues depuis dix mois ;
digestions pénibles, ventre météorisé, vomissements,
gencives fuligineuses, etc.
Justine peut répondre, même dans ses plus mauvais
moments, mais elle le fait avec une laconicité extrême.
Souvenirs intacts et conservés. M. Baume observe
qu'on serait porté ci croire, d'après ses faibles explica-
tions, que la prostration tiendrait plus de l'extase et
de la catalepsie que de la stupidité, dont elle emprunte
toutefois les formes extérieures. Les hallucinations,
qu'elle ressent encore, ont trait à des faits et paroles
de l'Ecriture sainte. Le Paradis s'entr'ouvre à ses yeux ;
elle voit l'échelle de Jacob, échelonnée de créatures
divines. D'autres fois, les psaumes de David résonnent
à ses oreilles, avec tous les charmes d'une mélodie
céleste. Par contre aussi, les spectres de l'enfer l'épou-
vantent et la torturent. Dans une rêverie, elle s'est
crue transformée en un garçon appelé Théodore. Elle
en était aise, pour avoir le plaisir de'faire ses études
chez les Frères.
Renaudin a observé également les deux phases
indiquées par MM. Moret et Baume. Celle qui débute,
et qu'il nomme initiale, lui semble correspondre à
l'état d'anéantissement et de mort apparente. Quand
arrive la seconde, le pouls se relève, la face se colore,
la physionomie se ranime. C'est l'extase, où de nou-
veaux rapports s'établissent entre la malade et le
monde fantastique de ses hallucinations. Pour lui, l'ex-
tase pathologique est arrivée à ses dernières limites.
12 PATHOLOGIE MENTALE.
More), aussi peu précis, voit, dans l'espèce, un délire
religieux, compliqué d'anéantissement cataleptique.
En quoi consistent l'extase et la catalepsie ? Quelle
~ idée, d'autre part, implique le délire mouomaniaque ?
Cela ne ressort guère de l'observation, si on l'analyse.
En soi, l'extase est une sorte d'éréthisme nerveux, qui
se modifie suivant les causes, les degrés et les compli-
cations. Dans son vrai type, assimilable aux accès con-
vulsifs, elle surgit spontanément, ou eu vertu d'une
disposition morale. Il s'opère, à l'intérieur, un mouve-
ment fortuit de pensées, au préjudice de l'action
volontaire sur le dehors. Socrate s'arrêtait, immobile,
pour écouter les paroles de son démon familier. Cet
état, qui durait chez lui une demi-heure, cesse avec
le spasme. Chez le contemplatif, où tantôt l'habitude.
leramène àl'improviste, où d'autres fois il continue la
méditation, il persiste souvent très longtemps. Le sujet
alors ne s'appartient plus. Il assiste, plus ou moins pas-
sif, aux scènes fantastiques qui se jouent dans son
imagination. Ni régularité, ni cohésion logique. La
tension est-elle forte, s'accompagne-t-elle d'un afflux
sanguin vers l'encéphale, les sensations, les idées, les
sentiments, les aspirations prennent des proportions
insolites. On monte au septième ciel, comme saint Paul,
on est en proie à une céleste folie, comme sainte Thérèse.
Certaines rnonomanies peuvent conduire à l'extase
ou en naître,, sans qu'on soit autorisé à les confondre
avec elle. A plus juste titre, doit-on en distraire les
phases extatiques que l'on rencontre quelquefois dans
les diverses maladies mentales, notamment dans la
manie, l'obtusion hallucinatoire, les folies épileptique,
hystérique, etc. A Bicêtre, un de nos maniaques, sous-
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 13 3
officier de marine, tombait souvent dans une immobilité
de plusieurs heures. Le corps incliné, les yeux fixés
vers le ciel, on eût peint en lui un inspiré. Rien ne le
tirait de cette situation : ni secousses, ni paroles. Chez
deux de nos jeunes garçons, l'attitude était surtout
remarquable. L'un se tenait tantôt sur une jambe, tantôt
sur l'autre, les bras étendus ou élevés dans des direc-
tions variées, et regardant constamment le haut des
fenêtres. Par moments, attendri jusqu'aux larmes, il
était pris, d'heure en heure, d'un rire involontaire ou
laissait échapper quelques mots incohérents. Le second,
moins la suspension des jambes, affectait une pose
analogue. Il semblait agité de craintes religieuses; car,
à demi sorti de la crise, il réclamait un confesseur.
A eu juger d'après les réponses, l'essor psychique,
dans ces trois cas, était restreint, confus et sans rela-
tion avec une disposition mentale antérieure.
Quant à la catalepsie, où l'intensité du spasme ner-
veux enraye toute manifestation intellectuelle et téta-
nise les organes externes, l'idée d'en faire une dépen-
dance du délire mouomaniaque est au moins singulière.
Entre ce degré extrême de la rigidité cérébrale et celui
de la simple extase, il ya des intermédiaires nombreux.
Ces états mixtes, que j'ai décrits sous le nom d'extato-
cataleptiques, marquent bien les diversités proportion-
Ilelles de l'oppression. A mesure que la catalepsie
l'emporte, le champ de la pensée se rétrécit,' son jeu
devient moins facile. De plus en plus, le disparate des
conceptions et l'obtusion hallucinatoire s'accusent,
pour s'effacer et disparaître. Ce caractère, nous l'avons
pu constater parfaitement chez un aliéné, à Bicêtre.
A des intervalles d'un à deux mois. X... subit tout à
1 te PATHOLOGIE MENTALE.
coup la transformation suivante. Tous ses muscles se
raidissent. On est obligé de le coucher. Point de mou-
vements que ceux qu'on lui imprime, avec plus ou
moins de résistance. Seulement, les membres et le tronc,
incomplètement contractures, reprennent d'eux-mêmes
l'attitude du décubitus dorsal. Peau chaude, humide;
face vultueuse, yeux fixes, ouverts, animés. Par inter-
valles, sa physionomie, pétrifiée, s'empourpre ou se
rembrunit, sous l'influence apparente d'un travail de
concentration intérieure, qui, parfois aussi, se trahit
par un sourire sardonique. On le pince, on le pique,
on le secoue, sans éveiller une ombre de sensibilité.
Nous le faisons soulever, le dos appuyé sur le bras de
deux aides. Des jets rapides et réitérés d'eau très froide
dans cette pose ont seuls le don de rompre transitoi-
remeut le charme. On obtient de lui quelques réponses
monosyllabiques, puis, en moins d'une minute, il re-
tombe dans sa demi-catalepsie.
Cet état a duré de vingt-quatre à quarante-huit heures.
Nous l'avons vu persister quatre jours et davantage.
La détente s'opérait assez vite. Il ne lui restait qu'un
vague souvenir de bruits et de tableaux confus.
X...était comptable. En dehors des crises, on l'utilisait
dans les bureaux. Il conservait une manie bizarre,
une sorte de tic. Un contrôleur chimérique collaborait
mentalement avec lui. Il leur arrivait fréquemment de
ne pas se trouver d'accord sur le résultat d'un calcul.
L'un, par exemple, disait cinquante, l'autre quarante-
huit. Ou vérifiait, et si les chiffres différaient encore,
X..., posant le sien au crayon, passait outre, en
attendant, ce qui avait lieu toujours, que le mystique
conseiller reconnût son erreur.
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 15
Dans l'observation de Renaudin, les traits ne sont
point identiques. Justine Z..., d'une piété exemplaire,
avait un goût prononcé pour la méditation religieuse.
C'était, sans contredit, un sol propice. Un sermon terri-
fiant jette le désordre dans ses facultés. Mais quel est
le caractère des premiers troubles ? S'agit-il d'une mo-
nomanie ? Justine a des hallucinations de la vue; cela
présage plutôt un délire général qu'un délire particu-
lier. Elle rentre dans sa famille, et le docteur Ancelon,
appelé immédiatement à la visiter, reconnaît l'extase
et la catalepsie, c'est-à-dire, comme nous venons de le
démontrer, le contraire d'une systématisation franche.
Le frère déclare que, dans les commencements, elle
s'absorbait dans la méditation et refusait la nourriture.
Appartenant à des folies d'ordres divers, ces symptômes
n'ont ici qu'une valeur relative. On inclinerait de pré-
férence, eu égard à la longue léthargie qui leur suc-
cède, à les rattacher au délire général. Il y eut des
remittences, mais qu'elles furent précaires ! Justine
mangeait un peu et articulait quelques par vies.
A Afarévitte, la situation, peu modifiée, oscilla entre
une dépression habituelle, profonde, et de courtes
phases d'excitation et de lueurs raisonnables. L'obser-
vation dit bien que, même dans ses plus mauvais mo-
ments, Justine est capable de comprendre; mais les
signes qu'on en donne se bornent à quelques ré-
ponses d'une laconicité extrême et au plaisir que
paraît lui procurer la vue d'une parente. L'agitation,
vraie incohérence maniaque, est un mélange de gestes
bizarres, d'actes grotesques ou puérils, de démonstra-
tions érotiques et d'hallucinations religieuses ou autres,
sans lien, sans suite. Dans les rémissions, de l'inertie,
16 PATHOLOGIE MENTALE.
aucune initiative. « Justine, dit Renaudin, ne vient
point à vous, il faut aller à elle. »
Se représenter l'idéal d'un genre d'après ces données
serait difficile. Où le fait pourrait-il se ranger dans
notre cadre ? Tout d'abord, nous désintéresserons le
délire partiel. Nul indice de la conservation du fonc-
tionnement syllogistique. Le pseudomonomane, soumis
aux entraînements morbides, qu'il subit ou auxquels
il résiste, jouit de la vie commune, a conscience de son
trouble et souvent l'apprécie. Les convictions du mo-
nomane, quelle que soit leur origine, conceptive ou
hallucinatoire, sont particulièrement motivées. Elles
ont une logique fausse, grossière, qui, dans sa sphère,
suscite un langage et des déterminations conséquentes.
L'erreur commande le raisonnement et, sur les sujets
qui y sont étrangers, à moins qu'exclusivement domi-
natrice, elle n'absorbe l'attention tout entière, le ma-
lade cause et agit comme tout le monde.
Ce n'est certes point le cas de Justine. Son affection
rentre nécessairement dans la catégorie des délires
généraux. Serait-ce une excitation maniaque ou une
manie ? Elle n'en a, sauf les agitations fugitives qui
s'expliqueront tout à l'heure, ni l'exaltation ni la mo-
bilité incohérentes. Sa ressemblance n'est pas plus
exacte, soit avec la démence où se trahissent la débilité
de la mémoire, la stérilité de la pensée et l'impuissance
morale, soit avec la paralysie générale, si curieuse-
ment représentée par une confiance béate, des préten-
tions bouffonnes et une activité remuante.
Elle se case, au contraire, ostensiblement parmi ces
obtusions psycho-cérébrales, d'origine si diverse, mais
dont les degrés forment la base d'une sous-division
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 17
symptomatique commune. Cette division comprend,
pour nous, les stupidités profondes, moyennes et
légères. Les types ont cela de remarquable qu'ils
répondent à des modalités phénoménales analogues.
Au point culminant, la réaction est nulle ou réduite à
de vagues perceptions internes. Dans l'échelle descen-
dante, il y a deux courants, dont chacun a son effet;
car la pensée ici est surtout obscurcie; le lien n'en est
pas absolument brisé, comme dans le délire maniaque.
Par suite d'une association syllogistique pénible,
embarrassée, l'esprit, incapable de remonter à la
source du vrai et du faux, subit le mouvement fortuit
et des impressions, des sensations, des conceptions, des
sentiments, des impulsions qui l'obsèdent, etdes raison-
nements boiteux, informes, caducs, qu'ils lui suggèrent.
Ce rêve morbide s'empreint dans la physionomie,
l'attitude et le langage. Sombre le plus ordinairement,
il change parfois de caractère. Une de nos malades, ta-
citurne, étaitagitée par de vains scrupules et des craintes,
imaginaires. Un matin , nous la trouvons la figure
épanouie. « Je suis contente, moi, je suis guérie. » Elle
n'en dit pas davantage. Ce fut son refrain, pendant deux
ou trois jours. Les plus étranges conceptions se mêlent
ou se succèdent. On est ruiné; les parents sont morts,
on est mort soi-même. Des abîmes s'ouvrent sous vos
pas. L'enfer, la prison vous réclament ; on est jugé, con-
damné ; la police, la gendarmerie sontàvos trousses; on
a commis toutes les horreurs, le poisonvous menace, etc.
La douche est un excellent moyen derévélation. Sous
son impression, un aliéné de Bicêtre, qui refusait de
manger, s'écrie qu'il est indigne de la bonne nourriture
qu'on lui offre. Ce monstre a assassiné douze personnes.
2
18 PATHOLOGIE MENTALE.
Son ventre contient septenfauts, qu'il doit à un commerce
honteux avec son frère. Il a dans la tête une anguille
enroulée entre le cerveau et le crâne. Cédant, il avale
quelques cuillerées de soupe, se le reproche et s'arrête.
A ces insanités, les idées normales font concurrence,
surtout dans les formes moins accentuées. La raison,
la sensibilité, les sentiments naturels semblent renaître
avec des sensations positives et des souvenirs exacts.
On en est d'autant plus porté à supposer une fixité mono-
maniaque. Le trouble délirant est susceptible d'enrayer
l'essor des facultés. Mais, s'il contribue ici à cet échec,
il n'en estpas la cause principale. Il l'aggraveseulement.
Diminue-t-il d'intensité, cesset-il momentanément de
sévir, l'obtusion, primitive, et dont lui-même est le pro-
duit, persiste; la clairvoyance ne revient point complète;
circonstance patente dans les stupidités très légères.
Tanquerel (des Planches), à propos de la folie satur-
nine, M. Moreau (de Tours), dans son analyse des
symptômes étranges occasionnés par le haschisch, ont
pressenti ce mécanisme. L'un et l'autre, sans se l'expli-
quer, ont constaté la coexistence d'une lucidité appa-
rente avec un désordre mental, quelquefois très intense.
'Le sujet, selon notre collègue, se dédoublerait en
quelque sorte, appartenant par un côté au monde
réel, par l'autre au monde fantastique.
Cette dualité, dont notre nomenclature révèle le
caractère, mérite, dans l'appréciation pathogénique du
cas de Justine, une considération particulière. Elle en
fournit la solution. Prenons-le au début. L'effroi peut
amener la monomanie. Mais l'effet n'est point immé-
diat. A l'émotion apaisée, survit une impression qui
se répète, une idée qui s'impose, une croyance qui, peu
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 19 J
à peu, s'organise. Plus communément, la confusion
due à l'ébranlement continue, si même elle ne suit
une marche ascensionnelle. Chez Justine, on ne voit
aucune trace du premier état. Les hallucinations signa-
lées par le D' Ancelon marquent plutôt la phase ini-
tiale d'une stupidité assez prononcée. Les exemples en
abondent. Après juin 1848, nous recevons à Bicêtre un
homme d'une cinquantaine d'années. C'étaitle concierge
d'une maison envahie par des soldats, à la recherche
d'insurgés, qu'on croyait y avoir trouvé un refuge. A
peine on pouvait en arracher quelques paroles. Il ne sor-
tait de sa torpeur que pour se précipiteren avantvers des
fantômes ou, se tournant de côté et d'autre, répondre à
des voix imaginaires. Ce délire s'affaiblit et disparut, en
moins de quinze jours. Mais l'obscurité mentale ne fut
complètement' dissipée qu'au bout de six semaines.
L'absorption dans la méditation, l'opiniâtreté dans
l'abstinence ont, comme la plupart des symptômes
psychiques, une signification double, relative par con-
séquent aux conditions dans lesquelles on les observe.
Se rattachaient-elles à des idées fixes, à une passion
consciente, à quelque chose d'enchaîné et de logique ? 2
Le silence à cet égard ne permet point de les attribuer
à la monomanie. Loin de là. Une pareille concentra-
tion intérieure se rencontre fréquemment dans les stu-
pidités, produit d'un pur désordre automatique. La
folie consécutive à l'épilepsie nous en offre quotidien-
nement des spécimens.
Une autre preuve en ce sens résulte de la longue
léthargie subie dans la famille. Nul indice d'activité
mentale. Le D' Ancelon soupçonne l'extase ou la cata-
lepsie. Justine n'a ni de la première la pensée errant
20 PATHOLOGIE MENTALE.
dans les régions féeriques, ni de la seconde les fortes
et permanentes contractions musculaires. Sa torpeur
est exclusivement de l'inertie ou de l'oppression céré-
brale. A Maréville, ces phases presque constantes
d'accablement ont persévéré, passivement accidentées,
selon la nature des émotions internes, par des mani-
festations disparates, d'agitation maniaque, de crainte,
de désespoir, d'érotisme, etc.
Renaudin reconnaît lui-même que, dans ce qu'on
pourrait appeler des intervalles lucides, l'essor intel-
lectuel, très borné, n'aboutissait jamais à une détermi-
nation spontanée et voulue. La modification des aspects
se conçoit du reste. Elle dépend des repos et des pro-
portions de gêne de l'encéphale. L'absence d'impres-
sions maladives et de pseudo-perceptions laisse à l'in-
tuition tout son pouvoir. D'autre part, delà stupidité à
la manie (également comprises dans les aliénations
générales) il n'y a souvent de différence qu'un peu de
compression en moins et d'irritation en plus; ce qui
explique la transition facile de l'une à l'autre. Le pro-
nostic et le traitement doivent eux-mêmes à l'idiosyn-
crasie de l'affection des chances relatives. Dans des cas
où le cerveau semble entravé dans ses fonctions par'
les éléments étrangers plus qu'altéré dans sa substance,
les guérisons ne sont pas rares. On a vu, sous le coup
de secousses morales violentes, après des années,
s'opérer des résurrections inattendues. Les agents phy-
siques, unis aux agents moraux, contribuent ici effica-
cement à la cure.
La monomanie, sans contredit, affecte une allure
différente. Dans son chapitre consacré à l'espèce reli-
gieuse, Renaudin relate quelques observations qui en
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 21
présentent les traits incontestés. Il nous suffira d'en
résumer une pour faire saillir le contraste.
111 ? K..., après une vie éprouvée, perd son mari,
officier supérieur distingué, qui la laisse avec une
modique fortune. Elle avait toujours eu des sentiments
pieux. Abandonnée par un fils ingrat, elle cède, sans
réserve, à ses inclinations religieuses. Elle ne néglige
aucune pratique de dévotion, fait des livres saints son
étude favorite, se dévoue à des oeuvres de charité.
Secondée dans cette tâche par un ecclésiastique peu
digne de sa confiance, elle épuise ses ressources, em-
prunte, et, finalement, tombe dans Iedernierdénuement.
Dans la voie de déceptions où elle est entraînée, sa
raison elle-même fait naufrage. Elle se livre à des
extravagances qui motivent son placement à l'asile de
Fains. Son délire a l'empreinte religieuse. Sa conversa-
tion sur tout autre point ne trahit aucune aberration.
Entre-t-elle dans le cercle morbide, tout devient
étrange, conceptions et actes. Comme personne ne
marche à son unisson, Ill"" K... se persuade bientôt
qu'elle seule possède la vraie doctrine, et que la reli-
gion n'est bien entendue, ni par ceux qui l'enseignent,
ni par ceux qui la pratiquent. De là son dédain : « Ce
sont des fous ou des folles» . Le prêtre n'a pas le droit de
consacrer; les soeurs communient en blanc; toutes les
cérémonies dont elle est témoin dans la chapelle sont
ridicules et impies. Dans ses prières ardentes, elle arrive
à une douce extase, qui alimente et corrobore ses ten-
dances. Dieu communique avec elle, il la soutient,
elle le conserve dans son coeur et il lui accorde le don
de protéger en son nom. Aussi se rend-elle dispensatrice
de l'assistance divine, quitte à la retirer et à traiter de
22 PATHOLOGIE MENTALE.
folles les personnes qui, par leur dérogation à ses con-
seils, ne justifient pas un tel bienfait. La vue d'un
ecclésiastique l'indispose. Elle s'en détourne, le bras
incliné en arrière, comme pour conjurer un maléfice.
Son zèle de conversion est parfois intolérable. Les
offices divins ont dû lui être interdits. Elle interrompait
le célébrant, à qui elle reprochait de profaner les saints
mystères. Montait-il en chaire, elle voulait se substi-
tuer à lui et prêcher à sa place. Cet état, d'origine
ancienne, n'avait point varié.
Quels traits le rapprochent de celui de Justine ? Aucun
assurément : ni manie, ni démence, ni stupidité. Le
pouvoir syllogistique subsiste. Point de pseudo-mouo-
nanie non plus. Rien de diffus, de mobile, ni de sus-
pect à la malade. Son délire se renferme exclusivement
dans le cercle circonscrit et invariable de ses fausses
convictions. 11'"e K..., en un mot, subit l'atteinte d'une
monomanie ou, plus correctement, d'une folie systéma-
tisée ; car il n'est guère d'exemples de monomanies
limitées à une erreur unique.
Le champ, au contraire, en est quelquefois assez
étendu. Une idée appelle une preuve. Tout sentiment
se justifie. La défiance, la crainte, conduisent à des
suppositions de plus d'un genre qui se transforment
en réalités, et, chemin faisant, ces déviations en engen-
drent d'autres, très distantes souvent du mobile initial.
Pour être complexes, ces cas n'en gardent pas moins
leur caractère, qui est le logisme, s'exerçant simulta-
nément au profit des manifestations normales et déli-
rantes. Remarquons encore que les convictions morbides
ne sont pas toujours tellement assises que la perplexité
du doute n'ajoute au tourment qu'elles occasionnent.
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 23
Je fus consulté l'an passé, a plusieurs reprises, par
une vieille demoiselle de soixante-sept ans qui, sous
ce rapport, présente des particularités curieuses.
Employée dans une administration publique, elle venait
d'être mise à la retraite, moins en raison de son âge
que de certaines excentricités dans l'exercice de ses
fonctions. C'est une personne d'un esprit distingué,
d'une instruction solide et d'une trempe antique. Très
pieuse, elle voyait les prêtres et les religieuses. En
butte depuis trois ans à des persécutions imaginaires,
elle ne vit plus que d'une existence empoisonnée.
Les accidents débutèrent ainsi : elle avait pour con-
fesseur un ecclésiastique, âgé d'environ quarante-cinq
ans. Fascinée par son regard, elle se figure être, de sa
part, l'objet d'une attention peu séante. Là-dessus, mille
réflexions alarmantes. Elle l'évite; mais dans le milieu
qu'elle fréquente, elle retrouve partout son influence.
Celle-ci se propage au dehors. Dès lors s'ourdit, contre
son repos, une trame abominable. Les soeurs se con-
certent avec le curé pour la faire tomber dans le piège.
Ces gens-là sont captateurs de fortunes. Ils visent à
s'emparer du peu qu'elle possède. Elle ne veut plus
les voir. Sur son passage, elle entend des voix mo-
queuses. Elle lit sur les visages l'insulte ou la pitié
ironique, on devine ses pensées; on la suit dans tous
ses actes. Elle songe souvent à avertir l'autorité. Mais
où ses ennemis n'ont-ils pas des intelligences ? Forme-
t-elle un projet, ils en sont instruits et en empêchent
à point l'exécution. Ce qui les rend redoutables, c'est
qu'ils ont des secrets inconnus pour faire souffrir et
arriver à leur but. L'électricité, le magnétisme, d'autres
agents occultes, sont en leurs mains. Ils en jouent à
2t le PATHOLOGIE MENTALE.
distance ; on lui souffle des odeurs qui lui donnent la
fièvre. Son oreille est assourdie de bruits infernaux,
qui lui déchirent le tympan. Elle reçoit dans la tête
des chocs mortels. Des fusées traversent ses membres,
se répandent dans son corps et lui occasionnent, sur
différents points, des ébranlements pénibles. Les organes
sexuels ne sont pas eux-mêmes respectés. Ou exerce
des frottements sur la matrice; on y fait passer des
courants de feu, on y insinue des morceaux de caout-
chouc. On ne sait, en un mot, quelle forme prendre
pour perpétuer et renouveler son supplice.
Ses interprétations, toutefois, ne s'imposent pas sans
soulever des scrupules. La ménopause a eu ses orages.
Malgré l'apparence, la santé n'a jamais été parfaite.
111"e "` était sujette à la migraine. Dès le principe, elle
s'est demandé si, jouet de son imagination, elle ne
prendrait pas pour indice de malfaisance l'effet d'une
maladie nerveuse. D'autre part, ayant ouï que la folie
se caractérisait quelquefois par des phénomènes ana-
logues aux siens, elle lit avec avidité plusieurs traités de
médecine mentale, scrute et commente particulièrement 1
les observations qu'ils renferment. Elle est naturellement
frappée de certaines comparaisons. Elle en délibère,
longtemps indécise. Malheureusement, elle finit tou-
jours par conclure qu'elle est une exception à la règle.
Une circonstance récente', sur laquelle elle me
consulte dans sa dernière lettre, peint admirablement
ce levain d'opposition aux croyances. Au temps des
tables tournantes, M ? comme tout le monde, avait
entendu prononcer le nom de spiritisme. Sa mémoire
n'en avait conservé qu'un souvenir confus. Elle tombe
d'aventure sur deux journaux, où sont exaltées les
D'UNE PRÉTENDUE MONOMANIE RELIGIEUSE. 25
merveilles de cette science mystique. Là gît, inévita-
blement, la solution du problème qu'elle poursuit avec
tant de sollicitude. En causant, elle apprend d'une
dame amie que l'abbé, son persécuteur, érudit pro-
fond, avait une connaissance parfaite du spiritisme.
Il était décédé depuis peu. La démonstration est donc
complète. L'électricité, le magnétisme, etc., etc., sont
relégués au second plan. Elle est victime de cette
science infernale, qu'elle suppose d'ailleurs originaire
de l'Indoustan, et avoir été importée, par des mission-
naires, en Europe et en France.
Ce fait, sans contredit, est un des types les plus accu-
sés du délire partiel systématisé. Chez la malade, pas le
moindre accablement ni la moindre incorrection de
langage, ni aucune de ces transitions de phénomènes
qui puissent faire soupçonner la stupidité, à un
degré quelconque. Sa raison, dans l'ordre physiolo-
gique, se manifestetout entière. Elle converse, elleécrit
avec sa distinction accoutumée. Quant aux erreurs, on
les a vues naître, se multiplier, s'enchaîner, s'enraci-
ner par un procédé logique. Leur domination même
n'a pas été immédiate, et, en dépit du temps, n'est pas
absolue encore. Un recul est peu vraisemblable. Mais
la santé corporelle, uon gravement détériorée, présage
une longévité commune. Dans dix ans, si M"° ? offre
les attributs d'une verte vieillesse, ses aberrations
auront chance de se retrouver, au fond, les mêmes
que nous les voyons aujourd'hui Cette similitude
1 L'an passé, nous avons pu constater la réalité de ce pronostic.
AI"0 ? vit avec une gouvernante ; celle-ci, pour des intérêts de famille,
ayant été obligée de se rendre à Paris, sa maîtresse l'accompagne et
s'empresse de me rendre visite pour me remercier de mes bons conseils.
Elle s'est résignée et elle se croit guérie. Sa conversation me prouve
26 CLINIQUE NERVEUSE.
importante a été vaguement constatée. On n'en a
point tenu compte, faute d'une conception doctrinale.
Nous venons d'en montrer le principe. Elle ressort,
.trait distinctif, des données de notre nomenclature.
CLINIQUE NERVEUSE
NOTE SUR L'ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES;
Par le Dr A. PITRES, -
Pmfesseur à la Faculté de médecine de Rordeaui. ,
Les troubles fonctionnels, qui se produisent dans les
membres, consécutivement à une lésion cérébrale, sont
beaucoup plus complexes qu'on ne le suppose géné-
ralement. Ils ne sout pas, ainsi qu'on serait tenté de
le croire d'après les descriptions classiques de l'hémi-
plégie, exclusivement limités à un côté du corps.
Ils portent en réalité sur les quatre membres, mais
d'une façon inégale et différente. En général, les
membres du côté correspondant à la lésion sont sim-
plement affaiblis. Ceux du côté opposé présentent en
outre une indifférence absolue, ou tout au moins une
résistance anormale aux incitations volontaires. Les
premiers sont faibles, les seconds seuls sont frappés de
qu'au fond, si les souffrances sont tolérables, les conceptions morbides
subsistent. Môme, je serais étonné si la crainte d'une solitude de quel-
ques jours ne l'a pas décidée à accompagner sa protectiiice. Physique-
ment, la santé est parfaite. 11 en est ainsi de beaucoup de monomanies;
on s'y résigne. Elles passent en habitude, mais guérissent très rarement.
ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 27 Î
paralysie. Or, un membre affaibli n'est pas, par cela
même, un membre paralysé. Nous voyons tous les
jours des hystériques dont les membres du côté anes-
thésié donnent une pression inférieure de 10 ou 15 kilo-
grammes à celle des membres du côté opposé. Cepen-
dant ces malades se servent de tous leurs membres
sans la moindre maladresse; elles marchent sans hési-
tation ; elles cousent ou brodent avec habileté et co
serait forcer les analogies que de les considérer comme
des hémiplégiques, malgré l'affaiblissement très réel et
relativementconsidérable des muscles d'un côté du corps.
Dans une communication récente à la Société de bio-
logie (séance du 21 janvier 1882), M. Browi)-Séquard a
attiré l'attention sur la distribution des troubles paraly-
tiques chez les malades atteints d'hémiplégie d'origine
cérébrale. Il résulte des observations du professeur du
Collège de France, qu'une lésion cérébrale unilatérale
ne produit pas exclusivement et invariablement une
paralysie des membres du côté opposé. En général, en
outre de la paralysie typique croisée, il existerait une
paralysie directe légère. Quelquefois aussi, la lésion
pourrait déterminer une paralysie limitée à trois mem-
bres (les deux membres inférieurs et le membre supé-
rieur du côté opposé) ou aux deux membres inférieurs
seulement. Les conclusions développées par M. Brown-
Séquard reposent la plupart sur des observations dyna-
mométriques exactes. Mais, exprimées sous la forme que
leur a donnée leur auteur, elles suggèrent une idée
inexacte sur l'état de la molilitéchez les hémiplégiques,
et cela, précisément, parce que M. Brown-Séquard n'a pas
tenu compte de la différence essentielle qui existe entre
l'affaiblissement musculaire et la véritable paralysie.
28 CLINIQUE NERVEUSE.
J'ai fait depuis quelques années de nombreuses recher-
ches comparatives sur l'état des forces et de la motilité
volontaire chez les malades atteints d'hémiplégie céré-
brale. Je me proposais en les commençant d'étudier
les signes cliniques des altérations bilatérales de la
moelle, qui, d'après desobservations antérieures, se pro-
duisent fréquemment a la suite des lésions unilatérales
du cerveau'. Bien que ces recherches soient encore
fort incomplètes à certains points de vue, elles m'ont
cependant fourni quelques résultats précis que j'indi-
querai très brièvement.
Pour apprécier la force des membres, je me suis tou-
jours servi du dynamomètre de pression ordinaire.
Pour le membre supérieur, l'instrument était serré
dans la main; pour le membre inférieur, il était placé
dans le jarret pendant que le sujet fléchissait de toutes
ses forces la jambe sur la cuisse. Il est certain que ce
mode d'exploration est imparfait, car il ne fournit
d'indication que sur l'état des forces de certains groupes
musculaires, mais il donne au moins des indications très
précises et comparables sur la force du groupe exploré.
A l'état normal, chez l'homme adulte, la force de pres-
sioiidéveloppée dans les conditions que je viens d'indi-
quer égale :
ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 29
Chez la femme, les chiffres sont notablement moins
élevés ; la moyenne est :
30 CLINIQUE NERVEUSE.
Hémiplégies, droites.
ÉTAT DES 1·'OKCGS CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 3t
Hémiplégies gauches .
32 CLINIQUE NERVEUSE.
Des observations résumées dans les tableaux précé-
dents on peut, si je ne me trompe, tirer un certain
nombre de conclusions. -
1. ÉTAT DES FORCES DANS LES MEMBRES DU COTÉ
OPPOSÉ A L'HÉMIPLÉGIE
1° Dans l'lcénziplégie d'origine cérébrale les membres
du côté opposé à F hémiplégie sont toujours plus faibles
zc'ci l'état normal. Il ne s'agit pas ici d'un phénomène
douteux, d'une appréciation difficile ou incertaine,
puisque, d'après les chiffres précités, la force de pres-
sion développée par les membres du côté non paralysé
est en moyenne de 40 à 45 p. 100 au-dessous de la
normale.
2° Dans l'hémiplégie droite, les membres du côté a«-
elle sont proportionnellement moins affaiblis que ne le
sont les membres du côté droit dans l'hémiplégie gauche.
Ainsi, dans l'hémiplégie droite, si l'on établit les
moyennes sans tenir compte des sexes, on trouve que
la perte des forces du côté gauche est de 41 p. 100,
tandis que dans l'hémiplégie gauche les membres du
côté droit perdent 49 p. 100.
3° D'ordinaire, du côté opposé à l'hémiplégie, la perle
des forces est proportionnellement plus grande dans le
membre inférieur que dans le membre supérieur corres-
pondant. En prenant pour base du calcul l'ensemble
des 40 observations rapportées plus haut, on trouve que
les membres supérieurs du côté opposé à l'hémiplégie
' ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HEMIPLEGIQUES. 33
ont perdu en moyenne 38,5 p. 100 de leur force et les
membres inférieurs 50 p. 100. Je n'ai jamais rencontré
d'exemple d'affaiblissement manifeste de l'un des
membres du côté opposé à l'hémiplégie, l'autre ayant
conservé sa force normale. Toujours les deux membres
supérieur et inférieur m'ont paru affaiblis. Mais il
arrive quelquefois, que, contrairement aux chiffres
fournis par les moyennes, le membre supérieur est
proportionnellement plus faible que l'inférieur. Ainsi,
chez Can... (n° 5), les membres supérieur et inférieur
du côté non paralysé donnent chacun 20 kilogr. de pres-
sion. Or, le- membre supérieur donnant à l'état normal
une pression notablement plus forte que le membre
inférieur, il résulte de l'égalité observée dans ce
cas, que le membre supérieur a été proportionnelle-
ment plus affaibli que le membre inférieur correspon-
dant. Chez Pin... (n° 24), le membre supérieur droit
non paralysé donne 20 kilogr. et le membre inférieur
21 kilogr. Le premier a donc perdu 59,3 p. 100 de ses
forces, le second seulement 32,4 p. 100. Mais les cas
de ce genre sont exceptionnels. Le plus souvent le
membre inférieur est proportionnellement plus affaibli
que le supérieur.
4° L'affaiblissement des membres du côté opposé à
l'hémiplégie est d'autant plus marqué que l'hémiplégie
est plus récente. Cette notion est importante à retenir.
Elle prouve que la perte des forces n'est pas un phé-
nomène banal résultant du repos forcé, du séjour au
lit, ou de la déchéance générale et progressive del'orga-
misme. Les choses se passent en général de la façon
suivante. Pendant la période apoplectique, toute
34 CLINIQUE NERVEUSE.
exploration dynamométrique est impossible. Quelques
jours après, quand le malade a repris ses facultés, la
force est très diminuée dans les membres du côté
opposé à l'hémiplégie et nulle dans ceux du côté para-
lysé. Les jours suivants, elle revient graduellement,
d'abord dans les membres non paralysés, puis dans les
membres paralysés. D'ordinaire, le membre inférieur
reprend quelque force avant le membre supérieur
correspondant, ainsi que l'ont indiqué Romberg et plus
tard Trousseau.
Ce retour graduel des forces est très intéressant à
étudier, et peut-être son étude pourra-t-elle fournir,
quand elle sera plus avancée, des indications pronos-
tiques utiles. En voici un exemple : Femme S...,
trente-huit ans, frappée d'apoplexie avec perte de con-
.naissance le 6 février 1882. Hémiplégie droite avec
aphasie. L'exploration dynamométrique fournit :
ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 35
fonctionnelle des deux membres inférieurs, de telle
sorte que les malades sont incapables de marcher.
L'analyse des cas de ce genre est très difficile. Si on
examine les malades au lit, le membre inférieur du
côté opposé à l'hémiplégie paraît normal : les malades
peuvent le fléchir, l'étendre, le porter dans toutes les
directions, atteindre un but déterminé; et cependant,
si on essaye de les faire lever, ils se tiennent à peine
debout, et la marche est tout à fait impossible. Il y a
bien évidemment dans ce cas une différence entre l'état
de la motilité des deux membres inférieurs, puisque
celui du côté paralysé ne peut exécuter aucun mouve-
ment volontaire, tandis que celui du côté opposé peut
accomplir presque tous les mouvements voulus par le
malade. Mais il semble que les synergies musculaires,
que met automatiquement en jeu l'acte de marcher,
soient seules troublées, et que l'impotence élective du
membre dépende de certaines modifications dans ses
rapports avec les centres de coordination médullaire, et
non pas de la rupture de ses relations avec l'organe de
la volonté.
Jamais aucun phénomène analogue ne se produit
dans les membres supérieurs : l'impotence fonctionnelle
est toujours exclusivement limitée à l'un d'eux, dans les
cas, bien entendu, où la lésion cérébrale est unilatérale.
II. ÉTAT DES FORCES DANS LES MEMBRES DU CÔTÉ
CORRESPONDANT A L'HÉMIPLÉGIE
L'état des forces dans les membres du côté hémi-
plégié est tellement variable qu'il n'y a aucun avantage
36 CLINIQUE NERVEUSE.
à établir des moyennes pour les comparer à celles de
l'état normal ou du côté non paralysé. Dans les hémi-
plégies complètes, les membres paralysés sont inca-
pables d'exercer, la plus légère pression sur le
dynamomètre; dans les paralysies incomplètes d'emblée
ou devenues incomplètes par le retour progressif des
forces, les muscles peuvent avoir recouvré une bonne
partie de leur énergie. Entre ces deux degrés extrêmes,
on trouve tous les intermédiaires.
La paralysie peut aussi être complète au membre
supérieur et incomplète au membre inférieur ou inver-
sement. Il est à peine besoin de rappeler ces variétés
qui sont connues de tout le monde et sur lesquelles
l'exploration dynamométrique ne peut rien apprendre
de nouveau.
Le dynamomètre permet en revanche d'étudier avec
une certaine précision le phénomène de l'associalion
des mouvements dans les membres similaires. On sait
que chez beaucoup d'hémiplégiques un effort exercé
avec la main du côté sain amène un mouvement
quelquefois très étendu dans le membre supérieur du
côté paralysé, sur lequel la volonté n'a plus son ac-
tion normale. Chez ces malades, la main paralysée
développe des pressions différentes selon qu'elle est
aidée ou non par la contraction synergique de la main
du côté opposé. Si on fait serrer le dynamomètre avec
la main paralysée, l'autre main restant ouverte, la pres-
sion atteindra un chiffre x; si alors, sans changer l'ins-
trument de place, on recommence l'expérience en disant
au malade de fermer en même temps fortement la main
du côté non paralysé, l'aiguille du dynamomètre
s'élèvera à x + n. Il semble qu'il y ait un entraînement
ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 37
dont la valeur se mesure par une augmentation de
force de plusieurs kilogr. Chez Ben... (n° 4), la main
droite se contractant isolément donne 7 kilogr ? entraî-
née par la contraction synergique de la main gauche,
elle donne 12 kilogr. Dans ce cas la différence est de
5 kilogr., c'est la plus forte que j'aie observée; le plus
souvent elle ne dépasse pas 3 à 4 kilogr.
Le même phénomène d'association se produit dans
les membres inférieurs, mais il est moins net et les
différences n'ont jam'ais, dans mes observations, dépassé
1 kilogr. Il n'est peut-être pas inutile d'ajouter que la
contraction volontaire du côté paralysé n'entraîne
pas, en général, de contractions synergiques dans le
côté non paralysé.
Le fait le plus important et peut-être le plus imprévu
que révèlent les recherches dynamométriques appli-
quées à l'étude de l'hémiplégie, c'est que, dans l'hémi-
plégie d'origine cérébrale, la force de pression mesurée
par le dynamomètre ne donne pas la mesure exacte de
l'impotence fonctionnelle des membres paralysés. Cette
proposition, en apparence -paradoxale, est cependant
appuyée sur un très grand nombre d'observations.
On peut voir dans les tableaux ci-dessus que chez
un certain nombre de malades, les chiffres fournis par
le dynamomètre sont égaux ou presque égaux pour
les deux membres symétriques. Les observations
n°" 8, 16, 28 et 30 en fournissent des exemples.
Malgré cette égalité complète ou presque complète
de la force de pression dans les membres symétriques,
les malades auxquels je fais allusion sont de vrais
hémiplégiques, c'est-à-dire que chez eux les membres
d'un côté du corps obéissent imparfaitement aux incita-
38 CLINIQUE NERVEUSE.
tions volontaires. Ils peuvent, il est vrai, exécuter avec
énergie, du côté paralysé, un mouvement simple comme
la flexion des doigts ou la flexion de la jambe sur la
cuisse, mais ils sont incapables d'accomplir avec adresse
et précision un mouvement volontaire plus compliqué.
On conçoit très bien qu'il en soit ainsi quand il existe
des contractures secondaires qui retardent ou gênent
l'exécution des mouvements. Mais cela se produit
également chez des sujets qui ne présentent pas de con-
tracture appréciable. La femme Mar... (n° 16) est dans
ce cas. Ses deux mains donnent chacune 18 kilogr.
de pression, et, malgré tout, elle sent que sa main droite
est moins habile que la gauche; elle ne peut exécuter
avec elle aucun ouvrage délicat; pour boire, elle tient
toujours son verre de la main gauche. Chez certains
malades, les membres du côté paralysé peuvent même
donner une pression plus forte que les membres symé-
triques du côté opposé (exemples : Can... n° 5 et Veg...
n° 27), bien que les mouvements volontaires ne soient
réellement compromis que du côté de l'hémiplégie.
La paralysie, ou pour employeruneexpression plns pré-
cise, l'impotence fonctionnelle, n'est doncpas en rapport
direct et nécessaire avec l'affaiblissement musculaire.
L'étude comparative des forces dans les membres
inférieurs chez les hémiplégiques qui peuvent marcher
et chezceux qui en sont incapables, confirme cette con-
clusion. La conservation ou la perte de la faculté de
marcher chez les hémiplégiques, n'est pas en rapport
avec l'état des forces dans les membres inférieurs.
Beaucoup de malades qui peuvent marcher seuls, avec
ou sans canne, n'ont qu'une force de pression très
modérée dans les membres inférieurs , tandis qu'au
ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES. 39
contraire d'autres malades qui ne peuvent faire un seul
pas donnent au dynamomètre des chiffres relative-
ment élevés. En voici des exemples : Boy... (n° 38),
hémiplégique gauche depuis quatre ans, sans contrac-
ture secondaire, se promène seul, sans canne, dans
l'hospice et dans la ville. La force de pression des
membres inférieurs est cependant relativement faible,
à droite 10 kilogr., à gauche 8 kilogr. And... (n° 9),
ne développe pas beaucoup plus de force : à droite
9 kilogr., à gauche 12 kilogr. ; cependant il marche seul
toute la journée et peut sans grande peine monter et
descendre les escaliers. Au contraire Ség... (n° 30)
el Lef... (n° 25) ne peuvent marcher, bien qu'ils aient
beaucoup plus de force. Seg..., dont les deux membres
inférieurs donnent chacun 15 kilogr., est incapable de
se tenir debout seul, et, même quand onlesoutient, il
lui est impossible de faire quelques pas. Lef...,
hémiplégique gauche depuis quatre ans, a plus de force
encore (M. I. D., 26 I : ilor.; M. I. G., 20 kilogr.). C'est
un homme actif dont l'intelligence est bien conservée;
mais il est obligé de rester assis toute la journée, inca-
pable qu'il est de faire quelques pas, même en s'appuyant
sur une béquille ou en se soutenant contre une table.
En résumé, la force de pression ne donne pas la
mesure de l'impotence fonctionnelle. Pour apprécier
exactement le degré de paralysie d'un membre, il ne
suffit pas de connaître l'énergie avec laquelle il peut
exécuter un mouvement simple; il faut lui faire
accomplir un mouvement délicat ou compliqué exi-
geant une certaine surveillance cérébrale. On verra
alors, non sans étonuement, que tel malade dont la
main droite paralysée fournit 20 ou 30 kilogr. de pres-
40 . PATHOLOGIE NERVEUSE.
sion au dynamomètre, mange cependant sa soupe de la
main gauche et qu'il est incapable d'écrire, de coudre,
d'enfiler une aiguille , etc. , bien que ces actes
n'exigent qu'un très faible déploiement de forces. De
même pour les membres inférieurs qui peuvent avoir
la même valeur dynamométrique sans avoir pour cela
la même valeur fonctionnelle. J'ai vu plusieurs fois des
hémiplégiques dont les deux membres inférieurs déve-
loppaient exactement la même force de pression, et
cependant ces malades ne pouvaient ni se tenir en équi-
libre, ni sauter sur la jambe du côté paralysé, taudis
qu'ils le faisaient sanspeinesur lajambedu côté opposé.
En fait, l'état des forces est secondaire. Ce qui est
essentiel dans la paralysie cérébrale, c'est la perte
absolue ou relative de la motilité volontaire. Toute
lésion destructive des régions motrices du cerveau pro-
duit un affaiblissement musculaire dans les quatre
membres. Mais, en général , les membres du côté
opposé sont seuls le siège de l'impotence fonctionnelle
absolue ou relative qui caractérise la paralysie. Les
membres du côté correspondant à la lésion initiale ne
présentent, malgré leur affaiblissement, aucune incer-
titude, aucune maladresse dans l'exécution des mouve-
ments volontaires. Toutefois cette loi n'est rigoureuse-
ment exacte que pour les membres supérieurs. La
motilité des membres inférieurs paraît être sous la
dépendance moins immédiate et moins exclusive des
hémisphères cérébraux que celle des membres supé-
rieurs. Aussi observe-t-on quelquefois à la suite de
lésions unilatérales du cerveau des troubles bilatéraux
et permanents dans les associations synergiques qui
sont nécessaires au maintien de l'équilibre dans la
ÉTAT DES FORCES CHEZ LES HEMIPLEGIQUES, 41
station verticale et dans la marche. Je me contente de
signaler pour le moment cette particularité dont
j'essaierai, dans un prochain travail, de fournir l'in-
terprétation anatomo-physiologique.
Fig. 1. Schéma destiné a montrer l'état des forces dans les quatre
membres dans un cas d'hémiplégie droite. (Début 7 février. -
A, état des forces le 17 février; B, le 2 mars; C. le 3 avril.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
NOTE SUR L'ÉTAT DE LA PUPILLE CHEZ. LES ÉPILEPTIQUES
EN DEHORS DES ATTAQUES;
Par Pierre MARIE, interne des hôpitaux.
Dans un mémoire publié en février 1882 (American
Journal of Neurology aP/c/M ? jy, n° 1) M. Landon
Carter Gray (de Brooklyn) déclare, ainsi qu'il l'avait
déjà fait en octobre 1880 (Americ. Journ. med. Se.) que
chez les épileptiques la pupille présente en dehors des
attaques des caractères spéciaux.
Notre maître, M. le professeur Charcot, nous a en-
gagé à vérifier le fait sur les épileptiques de son service.
Nous donnons tout d'abord une analyse rapide du
mémoire de L. C. Gray.
Cet auteur a constaté qu'en dehors des attaques les
pupilles des épileptiques sont toujours plus ou moins
dilatées, même avec une lumière vive, et qu'elles éprou-
vent, sous l'influence des variations de lumière, des
changements de diamètre beaucoup plus rapides que
celles des individus sains. Sur les soixante-trois
épileptiques examinés par l'auteur deux seulement ne
présentaient pas ce symptôme, mais c'étaient des
vieillards de soixante-cinq à soixante-dix ans, dont les
pupilles étaient, par suite de leur âge même, beau-
coup moins mobiles.
DE LA PUPILLE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 43
L'auteur considère ce symptôme comme ayant une
valeur suffisante pour permettre en l'absence d'autres
signes de faire le diagnostic entre l'hystérie et l'épilep-
sie, ou de reconnaître l'existence du mal comitial
chez les individus dont on n'a pu observer les attaques.
Ainsi, dilatation manifeste, variations plus rapides,
tels sont les caractères attribués par L. C. Gray aux
pupilles des épileptiques.
Lorsque nous nous sommes mis en devoir de pro-
céder à la vérification du fait avancé par L...C. Gray,
nous avons été tout d'abord frappé d'une chose, c'est
que l'auteur n'indiquait ni l'intensité de lumière, ni le
procédé de mensuration employé dans ses recherches.
Désirant échapper nous-même à un reproche ana-
logue, nous avons cherché à faire nos mensurations
dans des conditions toujours comparables à elles-mêmes,
et faciles à reproduire.
Tout d'abord, pour ce qui concerne l'intensité de
.lumière employée, nous avons opéré de la façon sui-
vante : la malade est placée dans uue chambre noire
dans laquelle il n'y a, comme source de lumière, que
deux bougies stéariques ordinaires placées l'une à
droite, l'autre à gauche de la malade; chacune de ces
bougies est éloignée de quarante-cinq centimètres de
l'eeil correspondant et ses rayons tombent sur la cornée
suivant un angle de 45° par rapport à l'axe visuel.
Pour éviter le rétrécissement de la pupille, qui pourrait
être dû aux efforts d'accommodation, on engage lama-
lade regarder un point peu brillant situé a l'autre extré-
mité de la chambre noire. Mais en même temps que
nous examinions les pupilles par cette méthode, nous
recherchions aussi leur état à la lumière du jour. La
4Î ! , PATHOLOGIE NERVEUSE.
malade était dans une pièce éclairée par deux rangées
de fenêtres ; toutes les fenêtres sauf une étaient fermées
par des rideaux de toile écrue; la malade était placée à
trois mètres de la fenêtre laissée libre qui donnait sur
une cour plantée d'arbres encore peu garnis de
feuilles; temps clair, mais légèrement couvert;- les
mensurations ont eu lieu en trois jours différents.
Maintenant que nous avons exposé les conditions
d'intensité lumineuse dans lesquelles nous avons
opéré, il nous reste à indiquer par quel procédé nous
avQus fait les mensurations.
Ce procédé est celui recommandé par Hutchinson
(77 Brain, vol. 1). Il consiste à prendre comme échelle
des pupilles une filière de sondes, et à l'appliquer près
de l'oeil à examiner; on compare alors la pupille aux
différents trous qui composent la filière et on arrive
facilement à trouver celui dont les dimensions s'en
rapprochent le plus; on n'a plus qu'à lire le numéro
et à en déduire le diamètre ce qui est facile si on se sert
d'une filière graduée par tiers de millimètres comme
celle d'Aubry dont nous avons fait usage.
Voici les résultats auxquels noua sommes arrivé sur
cinquante-trois femmes épileptiques appartenant toutes
au type classique.
DE LA PUPILLE CHEZ LES ÉPILEPTIQUES. 45
46 PATHOLOGIE NERVEUSE.
quer toutefois que, parmi nos malades, un certain
nombre sont âgées de plus de cinquante ans et ont
par cela même une tendance au rétrécissement de la
pupille, tandis que'c'est chez les malades jeunes que
nous avons rencontré les pupilles les plus larges.
C'est ainsi que, si nous prenons les dix malades dont
le, pupilles avaient dans la chambre noire un diamètre
de sept millimètres et au-dessus, nous constatons que
MÉDECINE LÉGALE. 4*7
dans deux cas elle allait jusqu'à 2/3 de millimètre,
nous nous bornons à signaler le fait, n'étant actuelle-
ment en état d'en tirer aucune conclusion.
MÉDECINE LÉGALE
EXTRAIT D'UN RAPPORT DE MM. LUN1ER, FOVILLE ET MAGNAN,
AYANT POUR OBJET : 4- DE DÉTERMINER LES CARACTÈRES
SPÉCIAUX DU DÉLIRE CHEZ UN MÉLANCOLIQUE, QUI DANS UN
- ACCÈS D'AGITATION A CAUSÉ LA MORT D'UN DE SES AMIS;
2° D'INDIQUER LES MESURES A PRENDRE A L'ÉGARD DE
CE MALADE SÉQUESTRÉ DEPUIS NEUF ANS;
Par V. MAGNAN.
G..., âgé de cinquante-trois ans, d'une santé phy-
sique robuste, d'une complexion un peu forte, d'un
tempérament sanguin, est père de deux garçons bien
portants et d'une fille mariée depuis huit ans et sans
enfants; ses parents, morts à un âge avancé, avaient
joui d'une bonne santé; toutefois, une tante paternelle
a été frappée pendant douze ans d'aliénation mentale.
Quanta lui, appelé le 4 eT décembre 1847 aux fonctions
d'instituteur public dans la commune de Brunvillers,
il s'était toujours bien acquitté de sa tâche et n'avait
rien présenté de particulier jusqu'en 1872. A cette
époque, il perd en trois mois, son père, une tante et
48 MÉDECINE LÉGALE.
sa femme; ces deuils successifs l'impressionnent vive-
ment ; son sommeil se trouble, le travail lui paraît plus
pénible et plus fatigant, et sentant ses forces diminuer,
il croit devoir recourir,' à titre de stimulant, à l'usage
de boissons spiritueuses; il prend de l'eau-de-vie tous
les matins et sans jamais arriver à la dose ébrieuse, il
se soumet à cette mauvaise hygiène qu'adoptent par-
fois des gens réputés sobres, qui n'est point assuré-
ment le propre de l'ivrogne, mais qui, néanmoins, de-
vient peu à peu un des modes d'empoisonnement
alcoolique des plus efficaces. Quoi qu'il en soit, la pré-
disposition maladive, jusque-là latente, trouve dans le
concours fâcheux de ces circonstances, chagrins répétés
et excès de boissons, des causes déterminantes suffi-
santes pour se traduire par un accès mélancolique avec
hallucinations pénibles, scrupules, craintes de damna-
tion et idées de suicide. Dès le commencement de
janvier, il se montre découragé, il n'a plus de forces, il
se croit incapable de continuer ses occupations, et
l'avenir pour ses enfants et pour lui s'offre sous les
apparences les plus lugubres. Peu à peu il s'imagine
être la cause de la mort de son père, de celle de sa
femme; il croit porter malheur à ceux qui l'entourent;
il se reproche tout événement fâcheux dont il entend
parler, et il croit avoir amené les désastres de la
France. Progressivement l'excitation augmente, il est
maudit, se dit le démon, l'Antéchrist; il sent sur son
corps et autour de lui des odeurs de soufre; il doit en
finir, dit-il, avec la vie, il se précipite sur le sol et se
contusionne le crâne et la face. Des périodes de calme
succèdent à l'agitation, mais il reste toujours sombre,
en proie aux mêmes préoccupations pénibles.
MÉDECINE LÉGALE. 49
Entré à l'asile de Clermont le 26 janvier 1873, les
phénomènes aigus disparaissent en quelques jours,
mais n'en laissent pas moins du malaise cérébral et
une certaine tristesse. Toutefois, au bout d'un mois,
très désireux de revenir chez lui, le convalescent
obtient sa sortie par l'entremise et sur les instances du
maire et de M. Lefèvre, curé de sa commune. Rentré
à Brunvillers, le 27 février 1873, il est logé au presbytère
où il prend également ses repas. L'amélioration s'af-
firme de plus en plus, et G..., au bout de quinze jours,
se sentant plus solide revient chez lui avec sa mère et
sa fille et essaye de s'occuper de la classe; mais les
idées sont moins nettes, le travail plus pénible et la
fatigue arrive plus vite. Le découragement ne tarde
pas à se produire de nouveau, l'insomnie revient, et
G..., vers la fin de mars, s'installe encore une fois au
presbytère auprès du curé qui, malgré ses soixante-seize
ans, veut lui donner des soins. Les troubles cérébraux
augmentent, le malade ne dort pas, et devient de plus
en plus inquiet. Dans la nuit du 5 au 6 avril,
l'agitation s'accuse davantage ; G... sort de sa chambre
en chemise, marche à grands pas dans le corridor,
parlant, criant, demandant de l'air, prétendant qu'il
étouffe et cherchant à ouvrir les portes. Le curé
accourt pour l'empêcher de sortir, et, probablement
poussé par le malade, tombe à l'extrémité du cou-
loir. ,
Au bout de quelques instants, suivant la déposition
de l'abbé P..., couché également au presbytère dans la
chambre voisine de celle du curé, G... se mit à gémir,
à se lamenter et vint près de l'abbé P..., s'écriant :
« J'ai tué mou rédempteur »; on accourt et l'on
4
50 MÉDECINE LÉGALE.
trouve, eu effet, le curé étendu sans vie, la face contre
terre, une plaie à la région frontale gauche, et les
narines remplies de sang coagulé; tout à côté une
large plaque de sang s'étale sur les dalles en briques du
corridor.
D'après le rapport de M. le docteur Bernard, con-
cordant du reste avec la déposition de M. l'abbé P...,
il ne semble pas y avoir eu de coups, ni de violences.
M. Bernard, dit en effet, dans ses conclusions : « Des
faits et observations qui précèdent, je crois pouvoir
conclure que la mort est le résultat du choc de la
tête sur l'angle de la première marche de l'escalier du
grenier déterminé par la chute du corps sur cette
partie. »
Et plus loin, M. Bernard ajoute : « L'absence de
lésions sur les autres parties du cadavre me fait sup-
poser qu'il n'y a pas eu de lutte ».
Tel est l'événement regrettable qui a précédé la
seconde séquestration du malade à l'asile de Clermont ;
comme après sa première entrée, les accidents aigus,
les lamentations, les angoisses, les terreurs, ont eu
peu de durée, mais le malade est longtemps resté sous
le coup d'une profonde tristesse, il se montrait sombre,
taciturne, méfiant; ses facultés paraissaient oblitérées
et ce n'est qu'à la longue, au bout de trois à quatre
mois, qu'il s'est rendu compte exactement de sa situa-
tion.
Depuis lors, jusqu'en 1879, les notes médicales le
constatent, il est survenu des phases dépressives
alternant parfois avec de l'excitation; mais ces accès
diminuant progressivement de durée et d'intensité
n'ont plus reparu depuis 1879, ainsi que le constate
MÉDECINE LÉGALE. 51
le docteur Frièse, à la date du 6 décembre 1880, dans
son rapport qui se termine par cette conclusion :
« Cependant, vu la longue rémission à laquelle nous
venons d'assister sans qu'il ait rien présenté d'anormal
dans sa raison, nous pensons qu'on peut acquiescer au
désir de ses enfants de le voirrevenir au milieu d'eux,
en les obligeant à surveiller leur père, à ne jamais
l'abandonner complètement à lui-même. Néanmoins,
nous ne voulons encourir aucune responsabilité pour
cette sortie. »
Depuis cette époque seize mois se sont écoulés et
l'état mental de G... n'a subi aucune atteinte; entré
au bureau d'admission le 1" mars 1882, rien dans sa
tenue, sa conduite, ses réponses, ses écrits, n'a révélé
de désordre dans les facultés intellectuelles morales
ou affectives; il nous a même été donné d'assister à
une sorte d'épreuve en faveur de la résistance des
forces mentales de G... Le 18 mars, en effet, il a été
pris d'embarras gastrique fébrile, et malgré une fièvre
intense, de la dépression physique, l'équilibre n'a
pas été rompu et l'intelligence n'a subi aucune
atteinte.
De ce qui précède, nous pensons devoir con-
clure :
1° Que G... a été atteint en janvier 1873 d'un accès
mélancolique auquel des causes accidentelles, la
mauvaise hygiène et les violents chagrins ont donné
une plus grande activité;
2° Que le malade, sorti à peine convalescent et rendu
au même milieu, a été promptement repris des mêmes
troubles intellectuels;
3' Que l'événement malheureux qui s'est produit
52 RECUEIL DE FAITS.
n'est qu'un accident dans le cours d'un accès vulgaire
de mélancolie, et non le résultat d'une impulsion liée à
une forme particulière de folie instinctive ;
4° Que G... soit rendu au tuteur, son frère, qui le
réclame, en attendant que l'interdiction prononcée par
le tribunal soit levée, ce que permettrait l'état
mental actuel de G..., s'il croyait devoir en faire la
demande.
RECUEIL DE FAITS
Notes et observations sur la 1111CROCÉPHALIE;
Par BOURNEVILLE et WUILLA11111;.
Notre but n'est pas d'entreprendre, quant à présent, une
monographie didactique sur la microcéphalie, mais de placer
sous les yeux de nos lecteurs plusieurs faits qui nous paraissent
propres à éclairer cet intéressant sujet. Toutefois, avant
d'aborder l'exposé du premier cas que nous avons observé, il
nous semble utile de rappeler deux des travaux les plus im-
portants, faits dans ces derniers temps sur la microcéphalie.
Le premier, dû à l'un des hommes les plus éminents de notre
époque, Charles Vogt, est intitulé : Mémoire sur les microcéphales
ou hommes singes1 ; l'autre, élaboré sous les yeux de Broca,
a pour auteur E. Ducatte et porte le titre suivant : La micro-
céplaalie au point de vue de l'atavisme*.
' Genève, 1867. In-4" de 210 pages et 26 planches noires.
* Thèse de Paris, 1880. In-4° de 96 pages.
RECUEIL DE FAITS. 53
ODSEI1VATIOY ? Père, oncle paternel et frère alcooliques. Mère :
pertes de connaissances anal caractérisées. G7,(tnd'indi-e matei-i2elle
carcinome. Autre frère : aliéné. Excès de boissons. P ? ,e-
mier accès d'épilepsie consécutif à une peur ci dix-huit ai2s ; délire
consécutif ; deuxième accès à quarante-sept ans. Troisième à
cinquante ans. Vertiges, hallucinations de la vue. Intelligence
médiocre. Microcéphalie. Suicide. - Poids de l'encéphale :
770 grammes. Simplicité des circonvolutions cérébrales.
Cher... (Philibert-Auguste), âgé de cinquante-neuf ans, bou-
langer, puis infirmier, est entré à Bicêtre le 2 mai 1872 (service
de M. Bourneville).
Antécédents. Père, boulanger, alcoolique (vin blanc), mort
d'un asthme symptomatique de bronchite chronique avec em-
physème à l'âge de soixante-quinze ans; il avait des varices consi-
dérables ; il n'aurait pas eu d'autre maladie. [Deux frères; le plus
jeune est mort prématurément, on ne sait de quoi. L'autre a suc-
combé à des excès de boisson (vin blanc). Aucun renseignement
sur les grands parents paternels.]
Mère : elle travaillait avec son mari ; elle était maladive.
Vers l'âge de quarante à quarante-cinq ans, elle fut, durant trois
ou quatre ans, sujette à des crises caractérisées de la façon sui-
vante : elle tombait n'importe où, devenait très rouge, mais n'écu-
mait ni ne se débattait. On prétend même qu'elle ne perdait pas
connaissance ( ? ). On attribuait ces accidents à la « force du sang » ;
ils cessèrent à la suite d'une couche. Très active, prompte à se
mettre en colère, elle n'avait cependant jamais été sujette à des
attaques de nerfs ; morte percluse de douleurs, aveugle et atteinte
d'anasarque ; on ignore les maladies qu'elle a pu faire ; elle avait
deux hernies, dont l'une s'étrangla à soixante ans et fut opérée
avec succès. maternelle morte d'un carcinome de la
cuisse; grand-père mort de vieillesse à quatre-vingt-huit ans et
demi. Deux soeurs, l'une bien portante, mère de sept enfants en
bonne santé; l'autre morte en couches à quarante-sept ans. Un
frère mort de fièvre typhoïde.]
Pas de consanguinité. Le mari n'avait qu'un an de plus que sa
femme.
Trois enfants. 1° Notre malade; 2" un garçon rhumatisant, qui
avait « une espèce dégoutte » ; il est mort à quarante ans à la suite
d'excès de boisson (absinthe,) ; ses enfants se portent bien ; 3° un
garçon très ii-lalidif « aii ? ,ttit iiz 2)ezt perdu 1(t tête » à un moment
donné, à la suite de chagrins de famille, mais cela « lui aurait
passé », au moment où il allait entrer à Charenton. On ne connaît
pas d'autre membre parmi les ascendants ou descendants ayant été
sujet à quelque maladie nerveuse.
5) RECUEIL DE FAITS.
Noire malade. Bonne santé habituelle, a eu la rougeole, la variole
et un abcès de l'oreille. Pas de convulsions ni de cauchemars, ni
d'incontinence nocturne d'urine dans son enfance; il n'était pas
non plus peureux et n'avait eu aucune espèce de manifestation
nerveuse. Caractère vif, etsuhant lui, courageux l'ouvrage. Il dit
que, pour son commerce, il étaiLoLliré de Loi·c Genucozrp (vin blanc),
mais qu'il ne se grisait pas. 11 n'a jamais été très porté pour les
femmes, partant pas d'excès vénérien; il fume pour 1 fr. ;i0 et prise
pour 2 centimes de tabac par semaine.
Le début de la maladie remonte à l'âge de dix-huit ans. C'est en
effet à cette époque que, sous l'impression d'une vive frayeur
(voleur caché dans la chambre à farine de son père), il eut sa
première crise : il tomba privé de connaissance, et se débattit beau-
coup pendant 7 à 10 minutes, puis il reprit connaissance, eut un peu
de délire pendant environ une heure et s'endormit (c'était à minuit).
Le lendemain il ne restait qu'une grande fatigue. Cela paraît avoir
été un accès d'épilepsie. Telle est l'origine du mal; quanta son
évolution, les renseignements fournis par le malade à son entrée
(l8î2), diffèrent un peu de ceux qu'il nous adonnés dernièrement.
En 1872, il disait a M. J. Falret, qu'à la suite de ce premier accès
il s'en serait reproduit d'autres tous les jours pendant un an; puis
tous les huit jours pendant six mois; puis de nouveau tous lesjours,
offrant ainsi une sorte d'intermittence. A nous, au contraire, il
déclare que son premier accès a été unique, et que ce n'est qu'a
l'âge de 46 ans, en 1869, qu'il a eu son deuxième accès. Nous
sommes porté à admettre de préférence cette dernière version : en effet
Cher... a été soldat durant quinze ans et il est probable qu'on ne
l'aurait pas gardé aussi longtemps s'il avait eu des crises nerveuses.
Un autre fait viendrait à l'appui de cette opinion : en 1863, il est
déjà venu à Bicêtre après avoir passé par la Préfecture de police ;
au bout de trois mois, il a été transféré à l'asile d'Armentières, et
aucun des certificats consignéssurfes divers registres ne mentionne
l'existence de crises convulsives observées à cette époque.
Ce serait donc en 1869 qu'il aurait eu son deuxième accès. Il était
infirmier à Saint-Antoine; en rentrant un soir, il se sentit tout à
coup mal à l'aise, et craignant quelque accident, il alla demander
dans un poste qu'on le reconduisit à l'hôpital. Il se tenait à peine
sur ses jambes et pourtant il n'avait pas bu. Arrivé à la grille, il
tomba privé de connaissance, assez brutalement pour casser un
banc et se meurtrir les jambes. Ce deuxième accès fut semblable
au premier, et suivi d'un délire de deux jours. Le troisième accès
urvint en 1872 alors qu'il retravaillait de son premier état, et fut
suivi d'un 4c quelques heures après. Celle fois pas de délire con-
sécutif. Il tut obligé de quittera place et entra comme infirmier à
la Pitié. A ce moment, la maladie prit une marche rapide, Cher...
tombait cinq à six fois par jour; il fut envu3éàt31cî;tre parlll. Féréol.
RECUEIL DE FAITS. 5 5
Durant les premiers mois de son séjour à l'liospice, on nota seule-
ment de nombreux vertiges (15 à 20 par jour) et des hallucinations
pendant la nuit : a la lumière de la salle lui apparaît comme une aile
de moulin qui tourne; il voit aussi le voleur, etc. » Il est encore fait
mention sur les registres auxquels nous empruntons ces détails, de
tremblement de la main, de fourmillements à la plante des pieds.
Si on faisait regarder à Cher... le plafond ou fermer les yeux, il tom-
bait. Quand il marchait, il jetait la jambe, ses bras lui faisaient l'effet
d'être de plomb ; il se plaignait enfin d'un affaiblissement de la
mémoire. - Les accès ont eu la marche suivante :
56 RECUEIL DE FAITS.
régulière, symétrique, assez profonde; voile, piliers, amygdales
réguliers; luette très longue. Cou normal. Thorax. L'épaule
droite est portée plus haute que la gauche. Les membres supérieurs
et inférieurs sont bien conformés; il y a une légère atrophie de la
jambe droite, qui, autrefois, a subi une triple fracture et que le
malade tient continuellement serrée par une bande circulaire
« pour la soutenir » : l'humérus aurait aussi été fracturé une fois; il
n'y a pas de cal manifeste. Au bras droit, cicatrice d'une halle
reçue en Afrique, laquelle aurait traversé le biceps.
Organes génitaux : verge très développée, testicules assez gros.
Hernie inguinale droite, maintenue par un bandage.
Digestiota. -Appétitbon, digestion facile, pas de vomissements,
pas de gastralgie, pas de diarrhée, selles régulières ; raie et foie
normaux. Respiration : quelques râles sous-crépitants fins aux
deux bases des poumons en arrière, sonorité normale.CM'cttMtOH :
peut-être un léger souffle au premier temps et à la pointe; batte-
ments du coeur réguliers.
Sensibilité générale normale et égale des deux côtés du corps.
Vue un peu basse depuis quelque temps, mais juste; ouïe, odorat,
goût, conservés et normaux. Force dynamométrique (Mathieu) :
main droite, 37 lui.; main gauche, 40 kil. Taille : 1 m. 61;
poids, 52 kil. 7.
Peau. - Cheveux grisonnants, jadis noirs, assez abondants;
sourcils et cils bien fournis, moustache et barbe grises, autrefois
châtains, poils roux au pubis; les jambes sont presque glabres.
Pas de trace d'adénite, ni de syphilis, de scrofule ou d'eczéma.
Intelligence. A première vue, Cliér... parait assez intelligent;
ses yeux sont vifs et parfois le regard est assez malin. Son instruction
a été un peu négligée, il sait pourtant lire, écrire et faire les quatres
règles. Il était adroit dans son métier; il prétend avoir été sergent
dans les chasseurs de Vincennes ( ? ). Actuellement il travaille avec
la plus grande assiduité au jardin, et gagne le maximum (40 cent.
par jour); il économise avec soin, presque avec avarice, l'argent
de son gain et passe pour avoir un petit pécule. Il est très sobre ici
et ne sort pas. Naturellement gai, il raconte à ses compagnons une
suite d'histoires drolatiques (moyen de faire des petits pains au
lait sans lait, etc.). Il est un peu hâbleur en ce sens que, quoi qu'il
entende raconter, il a toujours vu plus'fort, et bâtit de suite son
histoire, ce qui indique une imagination assez active. Il est de plus
très chiffonnier et ramasse tout dans ses poches. Il porte toujours
sur lui toutes ses richesses : une musette en toile pleine de
victuailles, de quatre ou cinq porte-monnaies, de tabatières, de
papiers, etc., etc. ; une grosse chaîne à laquelle sont appendus son
porte-monnaie de service, les clefs des jardinets, son couteau ; à la
boutonnière, son déboure-pipe. Toutes ses poches sont pleines. Il
RECUEIL DE FAITS. 57 Î
a toujours une canne à la main. On voit par ces détails, que ce
malade a réellement un cachet tout particulier.
23 août. On a trouvé hier, Cher... pendu à un clou dans la cave
d'un employé. Jamais on n'avait remarqué chez lui de tristesse ni
d'idée de suicide; au contraire, ces derniers jours il était tout
heureux de passer aux vieillards et de pouvoir, par la suite, sortir
librement pour allervoir ses amis.Peut-être était-il un pou soucieux
depuis deux jours (' ? ). Le matin, il avait remis son porte-monnaie
à son camarade Mong ? en lui recommandant de ne pas l'ouvrir,
ajoutant qu'il le reprendrait le soir. A onze heures, il n'avait pas
déjeuné et avait seulement bu son vin, il était retourné a5 son travail
à midi et demi jusqu'à deux heures et demie, mais paraissait pré-
occupé ; ensuite il est allé à la cantine de l'hospice avec des amis
et, a partir de la, on l'a perdu de vue; on le croyait retourné à son
travail. A quatre heures, heure de la rentrée dans le service, on a
remarqué son absence et les recherches n'ont fait découvrir que sa
veste et sa canne. Enfin, six heures, on l'a trouvé pendu dans une
cave au moyen d'un cordeau de jardinage, les pieds touchant terre,
un tréteau devant lui, le corps encore tiède, mais tout secours fut
inutile.
Autopsie le 24 août à 9 heures et demie du matin. Rigidité
cadavérique très prononcée aux quatre membres et également des
deux côtés. La/iice est pâle plutôt que congestionnée, les yeux
entr'ouverts, mais non saillants; la langue est un peu tuméfiée et
son extrémité fait saillie entre la moitié gauche des arcades den-
taires. Au cou, il y a un sillon correspondant en avant la partie supé-
rieure du cartilage thyroïde, montanttatératementà droite de façon
à atteindre à un centimètre au-dessous du cartilage de l'oreille, pour
reprendre ensuite une direction horizontale et joindre en arrière
la troisième vertèbre cervicale. Du côté gauche, il est horizontal et
rejoint directement la même verLèbre. Il est plus profond sur la
ligne médiane et latéralement qu'en arrière. 11 est limité par des
lèvres tuméfiées et violacées, la supérieure surtout et dans tout le
trajet, l'inférieure en arrière seulement. La peau correspondante
est brunâtre. Teint ecchymolique de la région cervicale postérieure
et du cuir chevelu, lequel est bouffi, oedématié. Au niveau du
sillon, le tissu est lardacé, nacré ; le sterno-mastoïdien est déprimé
et on nj trouve pas de sang extravasé et coagulé entre les muscles
de la région. Sur le corps aucune trace de violence. Pas de trace
d'éjaculation; verge semi-turgide.
Tcle. Cuir chevelu excessivement épais. -Crettae très petit.
Calotte osseuse dure et dense. peu épaisse; frontal, pariétaux, minces.
Pas d'asymétrie appréciable de la base du crâne. Dure-mère
très épaisse. -Poids total de l'encéphale : 770 gr. Pas d'injection
de la pie-mère. Artères de la base, chiasma, tubercules mamillaires,
pédoncules, réguliers, normaux et s\ métriques. Cervelet clislhme,
58 RECUEIL DE FAITS.
130 gr.; cervelet seul, 410 gr. Hémisphères cérébelleux égaux;
rien à la coupe. Protubérance, bulbe, quatrième ventricule, rien.
Hémisphères cérébraux. Le droit a 16 centimètres de longueur ;
le gauche, tout en paraissant plus court à la vue, donne le même
chiffre à la mensuration. il pèse 5 gr. de plus que le droit.
Hémisphère cérébral gauche. La s'enlève très facilement;
le ventricule latéral est petit dans toutes ses parties; rien à la corne
d'Ammon, ni à la coupe des corps opto-triés.
Foeee;B<e)'ne ? Lo& : (; de l'inszelca peu plissé; troisième circon-
volution frontale bien dessinée; première et seconde circonvolutions
frontales très courtes et presque confondues; frontale et pariétale
ascendantes régulières ainsi que le pli courbe; les trois circonvolutions
temporales sont nettes; le lobule du pli courbe, le lobule pariétal, le
lobe occipital sont très distincts, très simples et sans circonvolution
supplémentaire. D'une façon générale, les circonvolutions sont
fermes et remarquablement peu plissées.
Face interne. La scissure calloso-marginale, les sillons des
circonvolutions sont très profonds. La circonvolution du corps
calleux etla fnce inlerne de la première frontale sont très peu plissées;
de même le lobule pnrncezztral dont le sillon est reporté en avant;
rien de particulier au lobe carré, ni au coin, qui sont rudimentaires.
La quatrième et la cinquième circonvolutions frontales sont nette-
ment dessinées. Scissures perpendiculaire, externe et calcarine
régulières.
Hémisphère droit. Décortication facile, ventricule latéral très
petit; même disposition que du côté opposé, même simplicité des
circonvolutions. Pas de sillon au lobule paracentral ; rien à la corne
d'Ammon.
Moelle. Plusieurs coupes n'ont pas fait découvrir de sclérose des
cordons postérieurs.
Thorax. Quelques adhérences pleurales du côté droit ; pas
d'ecchymose sous-pleurale. Les poumons s'affaissent incomplète-
ment, ils sont un peu oedématiés. A la coupe, il s'échappe une
notable quantité de sang, surtout des lobes inférieurs. Pas d'em-
physèine évident. Les bronches sont rosées, un peu injectées; le larynx^
n'offre ni ecchymose, ni fracture. Le coeu)' pèse 3.'i0 gr.; pas d'ec-
chymoses péi-icardique ni sous-endocardique ; quelques plaques
laiteuses, surtout sur la face antérieure des ventricules; légère
surcharge graisseuse au niveau des sillons; tissu ferme; hyper-
trophie du ventricule gauche, dont le bord externe est tordu en S :
la cavité du ventricule gauche est légèrement rétrécie, et sa paroi
mesure trois centimètres d'épaisseur à sa base; légère opacité de la
valvule mitrale dont le bord libre est épaissi sur certains points,
sans toutefois présenter de nodosités. A l'insertion inférieure d'une
des valvules sigmoïdes de l'aorte, on trouve des nodosités calcaires :
RECUEIL DE FAITS. 59
Dans le coeur droit accumulation de caillots cruoriques. Sur l'aorte'
au-dessous de la carotide primitive gauche, quelques plaques
calcaires d'athérome. Rien aux carotides.
Abdomen. Aucune altération de l'oesophage; la muqueuse
stomacale offre de nombreuses et fines ecchymoses au niveau du petit
cul-de-sac, du grand cul-de-sac, et de la courbure; le foie pèse
4 Ikio gr ; pas d'ecchymoses, de kyste, ni de calcul; la rate pèse
90 gr.; pas d'ecchymoses, ni de périsplénite, normale à la coupe. Les
reins sont égaux, pèsent 175 gr. chacun, se décortiquent facilement
et n'offrent aucune lésion à l'eeil nu. Aucune altération de lai)essie
ni de la prostate. Dans le testicule gauche, petit kyste séreux entre
la tête de l'épididyine et la glande.
L'histoire de Cher... présente un certain nombre de particu-
larités qui méritent d'être mises en relief.
I. L'alcoolisme d'une part, l'existence d'accidents iîév2,opatlii-
ques de l'autre, nous paraissent avoir exercé une action sur la
condition cérébrale de notre malade. Cette hypothèse trouve
encore sa justification dans ce fait que son frère a été atteint
d'aliénation mentale.
II. L'épilepsie est survenue à 18 ans, sans aucun prodrome, à
la suite d'une peur; sa marche semble avoir été assez singu-
lière. Il y aurait eu une première période durant laquelle on
n'aurait observé qu'un accès, suivant une version, ou un cer-
tain nombre d'accès portant sur deux années environ d'après
une autre version. Ensuite, il se serait produit une rémission,
qui se serait prolongée jusque vers 46 ans. Peu après le retour
des accès, Cher... est entré à Bicêtre où l'on a noté d'abord de
nombreux vertiges, puis des accès multipliés (201 en 1873),
enfin une disparition complète des crises de 1877 à 1881.
III. L'étal intellectuel de ce malade n'offrait rien de bien sail-
lant tout d'abord ; mais un examen plus attentif montrait que
si Cher... était doué d'une imagination assez vive, avait une
élocution facile, les autres facultés intellectuelles étaient plutôt
au-dessous du degré moyen. Ses allures, son bizarre accoutre-
nient,sa manie de collectionner des objets disparates et de peu
de valeur, rappelaient ce qu'on observe souvent chez les
insuffisants, les imbéciles, etc.
IV. L'examen du cerveau est extrêmement curieux : il ne pe-
sait que G'40 grammes. Les circonvolutions étaient réduites aux
circonvolutions élémentaires : c'est, en quelque sorte, un cer-
60 RECUEIL DE FAITS.
veau d'étude, ainsi qu'on peut s'en rendre aisément compte sur
les Planches I et II. Toutes sont très distinctes, il n'y a pas de
plis de passage. Des sillons assez profonds les séparent nette-
ment les unes des autres. Notons aussi le développement assez
accusé des lobes paracentraux et des lobes carrés. Ces derniers,
ainsi que les lobes occipitaux, offraient d'assez nombreux sil-
lons superficiels et les circonvolutions, sans être indurées,
avaient dans une certaine mesure l'apparence de circonvolu-
tions atrophiées.
Nous publierons prochainement une autre observation de
microcéphalie et nous aurons sans doute l'occasion de revenir
sur divers points de l'histoire de Cher..., que, pour le moment,
nous crovons devoir laisser de côté.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCUE I
Face convexe de l'hémisphère gauche.
FI, F2, F3, prpmiÈte, deuxième et troisième circonvolutions frontales.
F. a., frontale ascendante.
P. a., pariétale ascendante. ? llt, lobules pariétaux, supérieur et inférieur.
P3, pli courbe.
Tl, 7 ? 1'3, circonvolutions temporales.
L. 0., lobe occipital.
PLANCUE II
Face interne de l'hémisphère gauche.
C. < ? ., corps calleux.
C. c., circonvolution du corps calleux.
N1, première circonvolution frontale. ? circonvolution de l'hippocampe.
L.P., lol)ule paracentral.
L. C., lobe carré.
L. C., coin.
L. 0., lobe occipital.
T4, 7 ? quatrième et cinquième circonvolutions temporales.
RECUEIL DE faits. 61
Note sur un cas d'hémiplégie avec paraplégie spasmodique;
Par CH. Féré.
Les lésions du cerveau qui atteignent directement ou indi-
rectement le faisceau pyramidal, dans sa totalité ou dans sa
plus grande partie, déterminent une hémiplégie qui siège, dans
l'immense majorité des cas, du côté opposé à la lésion. Cepen-
dant on a pu observer quelquefois une hémiplégie, reconnais-
sant pour cause une lésion de l'hémisphère correspondant. Ce
sont ces cas exceptionnels qui ont pu faire croire qu'il, n'y
avait aucune relation entre la localisation anatomo-patholo-
gique et la localisation symptomatique. Mais ces cas excep-
tionnels s'expliquent par cette circonstance que, comme l'ont
montré M. Fleschsig, puis M. Pierret, l'entrecroisement des
pyramides peut faire complètement défaut. En outre, entre
l'entrecroisement complet considéré comme normal, et
l'absence totale d'entrecroisement, il existe des intermédiaires
nombreux ; il résulte de là que, chez un certain nombre de
sujets du moins, chaque moitié du corps se trouve en con-
nexion avec les deux hémisphères cérébraux, et que chaque
hémisphère a une action bilatérale sur les membres, l'action
croisée, toutefois, restant toujours de beaucoup la plus impor-
tante.
Les relations bilatérales de chaque hémisphère rendent
compte non seulement des phénomènes de parésie que l'on
observe quelquefois du côté du corps correspondant à la
lésion, mais aussi des mouvements associés qu'on peut voir du
côté paralysé à propos des mouvements voulus du côté sain.
Dans une récente communication à la Société de biologie',
M. Brown-Sequard dit que, depuis près de vingt ans, il a été
frappé de ce fait que les lésions cérébrales s'accompagnent en
général d'une hémiplégie croisée et d'une hémiparésie directe;
si l'hémiplégie est complète et considérable, il y a toujours un
1 Recherches ayant pour objet d'établir que les lésions encéphaliques
unilatérales, si elles déterminent une hémiplégie complète ou conszdé-
pi-oditiseiti aussi une parésie dans les autres membres surtout dans
l'inférieur. (I3ttll. de la Soc. de biol., 1882, p. 2S.) Faits montrant
combien sont variées et nombreuses les voies de communication entre les
zones motrices de la surface cérébrale et les membres. (l3ull. de la Soc.
de biol., 1882, p. 328.)
62 RECUEIL DE FAITS.
certain degré de paralysie du côté supposé sain, et cette para-
lysie est surtout marquée dans le membre inférieur. M. Charcot
a fait la même remarque.
Cette notion se trouve en rapport avec ce fait, déjà signalé
par M. Déjerine', de diffusion des phénomènes spasmodiques
du côté paralysé vers le côté supposé sain. Du côté opposé à
l'hémiplégie, on peut provoquer la trépidation spinale, soit en
la cherchant directement par les procédés ordinaires, soit en
l'excitant du côté paralysé.
Cette exagération des réflexes tendineux n'est autre chose
qu'une manifestation atténuée de la contracture, qui elle aussi
peut, après un temps plus ou moins long, s'étendre du côté
sain, comme M. Brissaud en rapporte un exemple
L'observation suivante appartient à ce dernier groupe de
faits; mais elle s'en distingue par plusieurs particularités inté-
ressantes.
Dans certains cas d'hémiparésie peu intense permettant la
plupart des fonctions, on peut observer, à la suite d'un trau-
matisme, d'une chute d'une certaine violence, l'apparition d'une
contracture 3 dans le membre paralysé qui a été soumis au
choc. Ici, il s'agit bien d'une contracture survenue à propos
d'une irritation périphérique chez une hémiplégique ; mais
cette contracture porte sur la jambe saine.
OusERvmoN. Hémiplégie droite <<'cf<me71'o)'ee;)')'n<(t<Mtt
périphérique et cltoc sur la jambe gauche ; ptti,(ii)légie spasi71o-
cliluc.
M. Lav..., de Jonzae, quarante-sept ans, d'une vigoureuse consti-
tution, pas de rhumatismes. Pas d'antécédents nerveux. Vers l'âge
de vingt-cinq ans, il aurait eu un chancre, à la suite duquel il au-
rait en des maux de gorge et des plaques sur le scrotum ; depuis
plus de vingt ans, il n'a plus eu rien de ce genre; il ne se rappelle
pas avoir jamais eu d'affection cutanée quelconque.
En 1868, à t'age de trente-trois ans, il fut pris deux fois, à huit
jours d'intervalle, de perte de connaissance, qui, la dernière fois,
aurait duré douze heures. Ces deux attaques, sur lesquelles le ma-
1 Comptes rendus de l'.1 cad. des Sciences, 1878.
Recherches analonzo-hatholoiques et physiologiques sur la contrac-
ture permanente des hémiplégiques, 1880, p. 188.
IBiss.wd, loc. cit., 1. IJ ? .
RECUEIL DE FAITS. ( ! 3
lade ne peut donner que des renseignements très vagues, n'ont été
suivies ni de paralysie, ni de vomissements, etc. Elles n'ont été pré-
cédées ni suivies de céphalalgie.
A quelque temps de ta, le malade se réveilla un matin avec une
hémiplégie droite complète, la face était prise. Il n'est pas sûr
qu'il y ait jamais eu aphasie complète, mais il y a eu un très grand
embarras de la parole qui laisse encore des traces.
L'hémiplégie motrice était complète; mais on ne peut savoir s'il
y eut des troubles de la sensibilité. Au bout de peu de jours, les
mouvements revinrent, d'abord dans le bras, puis dans la jambe;
mais tandis que le bras a repris à peu près complètement ses fonc-
tions, la jambe est toujours restée faible. Le malade pouvait cepen-
dant marcher assez pour remplir un service actif dans les chemins
de fer.
L'année dernière, vers le mois de mars, il commença à remarquer
que sa jambe droite s'affaiblissait un peu et que la jambe gauche
était un peu moins solide. Cet état s'accentua peu à peu; il rit une
saison à Néris. Quaud il revint, ses deux jambes étaient à peu près
aussi faibles l'une que l'autre ; mais il pouvait encore marcher assez
aisément. C'est alors qu'on lui donna le conseil de frictionner sa
jambe paralysée avec de la pommade stihiée (vers le mois de no-
vembre 1881). A partir de ce moment, la jambe droite se raidit,
et la jambe gauche s'affaiblit de plus en plus et prenait également
un certain degré de rigidité. La marche était devenue très difficile
mais il pouvait encore agir un peu dans son bureau, quand, au
mois de décembre 1881, il se laissa tomber sur le pied gauche une
presse à copier. La contusion assez violente le f rester au lit pen-
dant plusieurs jours; et quand il voulut se lever, les deux jambes
étaient tout à fait raides, dans l'adduction, les genoux rapprochés,
et ne s'écartant qu'avec-une certaine difficulté, et la marche était
devenue très pénible. C'est dans cet état qu'il est venu trouver
M. le professeur Charcot qui nous l'a confié.
Etat actuel, 2t janvier 1882. Le malade ne peut marcher qu'en
s'appuyant sur une canne et soutenu d'autre part par une personne.
Il s'avance les deux jambes serrées l'une contre l'autre, eu faisant
de petits pas et en traînant la pointe des pieds; c'est à peine si les
talons louchent le sol. Chaque fois que le malade avance un pied,
onvoitsoncorpss'incliner du côté opposé comme si le membre qui
entre en jeu était à la fois trop long et trop lourd. Quand il
s'arrête et qu'il reste debout, immobile, on le voit au bout d'un
instant prendre une expression d'inquiétude, et ses jambes se
incitent à trembler. Lorsqu'il est assis il reprend un peu de calme
et la trépidation cesse pour reparaître quand on lui fait croiser les
deux jambes l'une sur l'autre : on voit alors le pied qui sup-
porte le poids des deux membres se redresser sur la pointe et
s'animer de mouvements de trépidation d'amplitude progressive-
6t RECUEIL DE FAITS.
ment croissante. En redressant la pointe du pied,on provoque très
facilement la trépidation spinale, qui no s'épuise que très lente-
ment. La percussion du tendon rotulien détermine une trépidation
qui se prolonge et se généralise aux deux membres inférieurs et au
membre supérieur droit. '
La trépidation du pied et l'exagération du réflexe rotulien avec
la généralisation du tremblement se produisent avec la même
intensité, que l'on agisse sur la jambe droite ou sur lajambegauche.
Le malade affirme toutefois que la trépidation spontanée qui se
manifeste, soit lorsqu'il est couché, soit lorsqu'il est assis ou debout,
se produit plus fréquemment et avec plus d'intensité dans la jambe
gauche, qui lui semble aussi plus raide. Quand on veut imprimer
aux membres inférieurs des mouvements passifs, on éprouve une
résistance très manifestement anormale.
Les réflexes tendineux sont exagérés au bras droit ; mais ils
existent à peine au membre supérieur gauche qui parait complète-
ment intact.
La sensibilité au contact, à la douleur, à la température, sont
intacts sur toute l'étendue du corps. La sensibilité à la pression est
peut-être diminuée à droite. Les pièces de monnaie lui paraissent
moins lourdes dans la main droite; mais il n'y a guère qu'une
différence de dix à quinze grammes. Pas de troubles des sens
spéciaux, rien en particulier du côté de l'oeil (examen du champ
usuel et de l'acuité visuelle).
Quand le malade a prononcé deux ou trois plirases, il se met à
pleurer ou à rire avec une expression bêle, bien qu'il ait parfaite-
ment conscience qu'il n'y a matière ni à pleurer ni a rire. Sa mé-
moire est parfaitement intacte, et son intelligence suffisante pour
qu'il ait pu remplir successivement les fonctions de chef de gare et
d'inspecteur du matériel dans une compagnie de chemins de fer ;
mais depuis sa première attaque cette émotivité a subi quelques
alternatives d'amélioration et d'aggravation sans jamais cesser.
Léo fonctions organiques s'accomplissent parfaitement, l'appétit
est bon, les digestions sont faciles. Jamais de troubles de la défé-
cation. Le sommeil est seulement agité et le malade est souvent
réveillé par do brusques soubresauts de ses membres inférieurs. il
en résulte un état d'affaiblissement général.
Sur l'avis de M. Cliarcot, le traitement consiste en pointes de feu
révulsives le long de la colonne vertébrale. Hydrothérapie et poly-
bromure d'Yvon. Ce dernier médicament ne put être supporté et
fut remplacé par de faibles doses d'ergot de seigle, 0,20 contigr.
avant chaque repas pendant des périodes de quatre jours séparées
par des intervalles de trois jours.
Le traitement hydrothérapique, dirigé par M. Pascal, consista
en douches froides en jets brisés dirigés exclusivement sur le tronc
en épargnant particulièrement les membres inférieurs.
hémiplégie et paraplégie spasmodique. 65
Sous l'influence de ce traitement, l'état général s'améliora rapi-
dement, l'excitabilité réflexe des membres inférieurs s'amenda.
Quand il vint nous voir le 23 mars, l'état spasmodique avait subi
une recrudescence depuis la veille. Les deux jambes avaient repris
à peu près leur rigidité primitive, le malade marchait de nouveau
sur la pointe des pieds et sa démarche était fort incertaine. La
veille il était arrivé en retard à l'établissement hydrothérapique et
sa douche lui avait été donnée, non par le médecin, mais par un
doucheur qui, non prévenu, avait dirigé lejelsur les membres infé-
rieurs. Immédiatement après il s'était senti les jambes raides et il
était resté dix heures sans pouvoir uriner.
La rigidité des membres et la difficulté de la miction a persisté pen-
dant trois ou quatre jours, puis le mieux a continué às'acccentuer.
Quand le malade a quitté Paris au commencement de mars, le
membre inférieur droit (côté hémiplégique) était à peu près dans
le même état où il se trouvait avant l'accident, c'est-à-dire que la
rigidité y était à peu près nulle. Dans le membre inférieur gauche,
qui était le siège de réflexes patellaires bien plus exagérés encore
que le droit, la rigidité spasmodique était encore considérable, et
il existait encore de temps en temps de la trépidation spontanée,
mais il marchait et pouvait faire plus d'un kilomètre, aidé seule-
ment d'une canne.
Dans une lettre datée du 6 mai, le malade nous affirme que son
membre inférieur droit se maintient dans l'état où il était autrefois
quand il se considérait comme guéri de son hémiplégie; mais sa
jambe gauche est toujours un peu raide et tremble encore de
temps en temps spontanément.
Les phénomènes paraplégiques se sont manifestés sponta-
nément, sans choc spécial, sans réaction, dans le membre
inférieur sain, longtemps après l'apparition de la lésion céré-
brale ; puis à la suite d'une irritation cutanée portant sur le
membre inférieur droit, le plus anciennement et le plus grave-
ment atteint, il s'est produit dans ce membre un certain degré
de rigidité; et enfin, à propos d'un traumatisme atteignant le
membre inférieur gauche resté, sain longtemps après l'attaque,
il est survenu une rigidité beaucoup plus considérable de ce
dernier qui est resté en définitive le plus affecté.
Ce fait est bien propre à montrer la relation bilatérale qui
existe entre chaque hémisphère cérébral et les deux côtés du
corps et surtout les deux membres inférieurs. Il met en outre en
lumière l'influence du traumatisme sur le développement de la
contracture, lorsqu'il existe dans la moelle épinière une lésion
capable de déterminer une exagération de l'excitabilité réflexe.
66 RECUEIL DE FAITS.
Un autre malade que nous avons observé récemment et qui
présentait, avec une certaine faiblesse intermittente des
jambes, divers troubles céphaliques permettant de faire recon-
naître une sclérose en plaques au début, a vu la contracture des
deux membres inférieurs se développer aussi rapidement, sous
l'influence d'une irritation cutanée ; il se plaignit un jour à
son médecin d'une douleur, peu intense d'ailleurs, mais persis-
tante, au niveau de la hanche droite : on appliqua un vésica-
toire, et le lendemain les deux membres inférieurs étaient
complètement rigides, appliqués l'un contre l'autre, agités de
temps en temps, quand la pointe du pied venait à toucher le
sol, d'une trépidation très intense ; la parésie des deux membres
s'étant transformée, pour ainsi dire, instantanément en une
paraplégie spasmodique.
Du reste, l'influence du traumatisme sur le développement
des phénomènes spasmodiques et de la contracture; est bien
mise en évidence par l'incident qui s'est produit à propos
d'une douche maladroitement appliquée pendant le cours du
traitement de notre premier malade.
D'ailleurs, le développement de ces phénomènes sous l'in-
fluence d'un traumatisme dans certaines lésions matérielles,
delà moelle épinière, peut-être rapproché de ce qu'on observe
quelquefois chez les hystériques, chez lesquelles il existe une
hyperexcitabilité réflexe analogue due à un simple trouble
fonctionnel. Il n'est pas très rare de voir chez ces sujets une
contracture se développer à la suite d'un traumatisme môme
léger, surtout s'il porte au voisinage d'une articulation'.
Il résulte de ces faits que dans les cas d'affections spinales à
tendances spasmodiques, il faut éviter les applications révul-
sives sur les membres, et en particulier au voisinage des arti-
culations ; les topiques irritants, inoffensifs en apparence, et
qu'on peut être tenté d'appliquer pour soutenir la patience du
malade, peuvent avoir les plus regrettables conséquences.
Dans ces affections les révulsifs et notamment les pointes
de feu légères sont souvent très utiles, mais on doit se borner
à les appliquer le long de la colonne vertébrale.
1 Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux. T. 1er, 4e édi-
tion, 1880. Appendice, p. 4'i6. Progrès médical 1882, p. 'il.3.
REVUE CRITIQUE
LE FAISCEAU SENSITIF ET LES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ
DANS LES CAS DE LÉSIONS CÉRÉBRALES;
Par Gilbert BALLET,
Chef de clinique à la Faculté de médecine.
BIBLIOGRAPHIE :
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III. DES tiioubles DE la SENSIBILITÉ D1NS leurs rapports avec
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1881 et Archio. de physiologie, 1881. Scliiff, Congrès de Genece,
1878. R. Tripier, De l'anesthésie produite par les lésions des circon-
volzctions cérébrales. (Revue mensuelle de médecine et de chirurgie,
nos et 2, 9880).- Nothnagel, Topische diagnostic der Gehirrz Iii-ai2-
keiten. J. Grasset, Des localisations dans les maladies cérébrales.
Paris, 1880. Exner, Untersucleungezz ciber die localisation der
functionen in der Grossleirnrinde des 7rcezzsclcen. Wien, 1881.
Il s'agit ici moins d'une revue que d'une analyse, celle d'un
travail paru il y a déjà plus d'un an. Peut-ùtrela trouvera-t-on tar-
dive. Les circonstances ont voulu qu'elle le fût. D'ailleurs (pour-
quoi ne l'avouerions-nous pas ? ) il y a eu de notre part quelque
préméditation à ce retard. A mesure qu'une opinion vieillit, il
s'établit un contrôle qui permet d'en mieux apprécier la valeur,
et déjuger plus sainement de la portée des documents produits.
Avec le temps les idées mûrissent, si elles ne disparaissent ou-
bliées ; dans tous les cas, les angles, si angles il y a, s'émous-
sent, et de loin les problèmes soulevés apparaissent mieux sous
leur véritable point de vue.
La question des troubles de la sensibilité dans leurs rapports
avec les lésions du cerveau est une des plus complexes qui se
puissent présenter en pathologie, et les solutions auxquelles,
sur ce sujet, nous nous sommes arrêtés sont celles qui nous ont
semblé découler naturellement de l'interrogatoire attentif des
faits, interrogatoire que nous avons poursuivi sans parti pris
ni idée préconçue. Les observations nouvelles produites de-
puis le commencement de l'année dernière, et dont nous avons
recueilli les détails dans les diverses publications, ou à la So-
ciété anatomique, ne sont pas de nature à nous porter à modi-
fier, sur les points fondamentaux du moins, nos idées d'antan.
Toutes celles qui sont susceptibles d'être interprétées en vue
DU FAISCEAU SENSITIF. 69
du but qui nous a préoccupé, viennent au contraire à l'appui
des conclusions que nous avions cru devoir formuler et que
nous résumerons ici aussi brièvement que possible.
Lorsqu'il s'agit de déterminer le rôle d'un organe ou des di-
vers départements d'un organe, l'anatomie, la physiologie, la
pathologie, se prêtent un utile et mutuel concours : l'anatomie,
en nous initiant d'une façon plus ou moins précise aux détails
de la morphologie de cet organe, de sa structure intime, de la
disposition respective de ses parties élémentaires; la physiolo-
gie en réalisant des lésions artificielles dont on peut étudier
avec plus ou moins de facilité et d'exactitude les conséquences
fonctionnelles ; la pathologie enfin en créant spontanément ces
mêmes lésions, souvent plus délicates et mieux isolées que ne
saurait les faire l'expérimentateur le plus habile. La nécessite
qu'il y a à mener de pair ces trois méthodes d'étude ne saurait
plus être contestée et ce serait faire preuve de peu d'esprit phi-
losophique que de vouloir confisquer au profit de l'une d'entre
elles, de l'expérimentation par exemple, le privilège de concou-
rir à la détermination des fonctions organiques, quand toutes
trois se partagent ce privilège. ,
Aussi bien, lorsqu'on se propose d'envisager le cerveau au
point de vue de son rôle, en tant qu'organe de perception, l'a-
natomie, la physiologie, la pathologie doivent-elles être inter-
rogées tour à tour ? C'est là ce que nous avons cherché à faire
ailleurs.
Toutefois il sera exclusivement question, dans cette revue,
des renseignements que nous avons demandés à l'anatomie et à
la pathologie. Bien que dans le travail, dont nous donnons ici
l'analyse, nous nous soyons attaché à exposer aussi complète-
ment que possible les résultats qui découlent des recherches
expérimentales, comme nous n'avons sur ce terrain apporté
aucune vue personnelle, nous nous contenterons en ce qui y
afFère, de renvoyer le lecteur à la bibliographie assez détaillée
qui figure en tête de cet article.
I. °
ESSAI DE DÉTERMINATION ANATOMIQUH DU TRAJET INTRA-CÉRÉBRAL
DES FIBRES SENSITIVES.
Il n'est plus douteux que les circonvolutions cérébrales soient
le siège des organes de perception. Les idées émises il y a
70 REVUE CRITIQUE.
quelques années, par différents auteurs sur le rôle quejoue-
raient, à l'égard des fonctions de sensibilité, la protubérance
(Gordy, Longet, Vulpian) ou la couche optique (Carpenter,
Luys, Broadbent), ne sauraient plus être admises aujourd'hui.
Un fait d'observation anatomô-clinique vulgaire, suffit à les réfu-
ter : une lésion siégeant à la partie postérieure de la capsule
interne, sur un point que nous préciserons plus loin, bien au-
dessus de la protubérance par conséquent, et en dehors de la
couche optique, peut en interrompant la conductibilité centri-
pète amener l'abolition complète de la sensibilité dans le côté
du corps opposé. Ce qui revient à dire que les centres percep-
teurs sont situés au-dessus du point lésé, dans l'écorce du cer-
veau. A ce sujet il ne s'élève, que nous sachions, aucune con-
testation sérieuse. Si la protubérance est àbon droit considérée
comme un centre réflexe, nul ne songe plus à y placer le siège
des sensations conscientes. Quanta la couche optique, pas plus
la pathologie (Luys) que l'expérimentation physiologique
(Schrôder van der Kolk, Todd, Carpenter) n'autorise à y
localiser les centres de perception. Les noyaux qu'on y a minu-
tieusement décrits existent peut-être, moins individualisés
toutefois qu'on ne l'a dit, mais il ne jouent pas le rôle prépon-
dérant et bien déterminé qu'on leur avait départi. Cette ques-
tion des fonctions sensitives de la couche optique a d'ailleurs
été très longuement et fort bien traitée par notre ami 1,,tfForutie,
dont l'intéressant travail a puissamment contribué à faire dé-
finitivement justice d'une opinion contredite par les faits. Il
importe de remarquer toutefois qu'un certain nombre de
fibres nerveuses venues de la périphérie, fibres des nerfs opti-
ques et peut-être olfactifs, paraissent traverser la couche
optique avant de gagner la couronne rayonnante. 11 semble
que ce noyau gris soit pour' ces fibres une sorte de centre de
relai. C'est un point d'ailleurs sur lequel nous allons avoir à
revenir.
Il reste donc établi que les impressions sensitives sont per-
çues par les couches corticales du cerveau. De la périphérie à
l'écorce cérébrale ces impressions parcourent un chemin com-
pliqué, dont nous ne voulons étudier ici que la deuxième étape,
l'étape intracérébrale.
Rappelons en deux mots néanmoins quel est ce trajet, dans
sa première partie.
Les impressions recueillies à la périphérie par les nerfs de
· DU FAISCEAU SENSITIF. 71 1
sensibilité générale ou spéciale arrivent à la moelle par les
racines postérieures ou au bulbe par l'intermédiaire des nerfs
spéciaux. Puis elles suivent dans l'axe médullaire, dans le bulbe
et la protubérance, une voie souvent détournée et qui n'est
pas parfaitement définie. -
Certaines données cependant sont acquises : 1° le trajet des
sensations dans la moelle n'est ni régulier ni constamment le
même, la conductibilité centripète de l'organe est dans une
certaine mesure indifférente (expérience de M. Vulpian) ; 2°
les fibres des cordons postérieurs jouent le rôle de commis-
sures ; la substance grise est l'intermédiaire obligé entre ces
commissures, elle constitue à proprement parler l'axe conduc-
teur ; 3° certaines parties de cette substance grise (cornes posté-
rieures, surtout la base de ces cornes) paraissent spécialement
affectées à la conductibilité (Recherches de Brown-Séquard,
Mao-Donnell) ; 4° enfin les conducteurs sensitifs subissent une
décussation dans leur trajet- spino-bulbaire (entrecroisement
médullaire de Brown-Séquard, entrecroisement bulbaire de
Meynert, Duval et Sappey) si bien que ceux de droite occupent
le pédoncule cérébral gauche, et réciproquement.
Au niveau de ces pédoncules les fibres centripètes, jusque là
éparpillées, se réunissent, se groupent à la partie externe de
l'étage inférieur, en dehors des faisceaux moteurs (pyramidal
et autres). C'est là que commence, à proprement parler, le
faisceau sensitif1.
Telles sont en deux mots les voies parcourues par les
impressions sensitives de la périphérie à la base du cerveau :
nous avons maintenant à suivre dans l'intérieur de cet organe
le faisceau que nous venons de voir longer le bord externe du
pédoncule. C'est là ce que nous nous sommes efforcé de faire,
en mettant à profit un procédé de préparation qui nous paraît
appelé à rendre de réels services.
Quand nous avons abordé la question, on savait déjà par les
faits cliniques et expérimentaux que le faisceau sensitif occupe
1 Dans les descriptions de Meynert, auquel on peut attribuer la pater-
nité du mot : faisceau sensitif, ce terme sert à désigner seulement le
groupe de fibres qui, émanées de la partie postérieure de la capsule, se
rendent, d'après l'auteur, aux circonvolutions occipitales. Nous avons
élargi la signification de ce mot, et nous nous en sommes servi pour
désigner l'ensemble des voies de conduite centripètes dans leur trajet
medullo-cérébral, par opposition aux termes faisceau moteur, ou faisceau
pyramidal.
72 REVUE CRITIQUE.
la partie postérieure de la capsule interne, situé qu'il est
immédiatement en arrière du faisceau pyramidal. On possédait
d'autre part une intéressante description de Moynert où l'on
trouve esquissé le trajet des fibres sensitives -de la capsule
interne à l'écorce; Meynert-indique avec précision l'existence
d'un faisceau de fibres qui se détache du pédoncule cérébral,
derrière l'extrémité postérieure du noyau lenticulaire, pour se
diriger aussitôt après en arrière vers la pointe du lobe occipital,
et celle d'un autre tractus, déjà décrit par Gratiolet, sous le nom
d'expansions cérébrales optiques et dont les fibres émanées
des corps genouillés et de la couche optique côtoieraient celles
du premier faisceau, en dedans et au-dessous desquelles elles
sont situées, pour aboutir aux circonvolutions temporales.
Meynert, on le voit, a simplement envisagé le faisceau
sensitif sur des coupes horizontales ; de là la brièveté des
détails dans lesquels il entre, et l'insuffisance de sa description,
qui, quelque exacte qu'elle soit, aie défaut de ne rien nous
apprendre sur la façon dont ce faisceau se comporte en haut,
en bas, latéralement, en un mot sur la manière dont il s'épa-
nouit. Nous avons cherché à combler cette lacune, en nous
laissant guider par les précieuses indications que nous trouvions
dans les importants travaux de l'éminent professeur de Vienne.
Deux mots d'abord sur le procédé de préparation des
cerveaux dont nous nous sommes servi pour cette étude.
En lui-même, le procédé n'est pas nouveau ; il s'agit de la
macération prolongée dans le bichromate de potasse. Il y a
longtemps que ce liquide est utilisé pour le durcissement des
cerveaux dont on se propose de pratiquer des coupes microsco-
piques, ou qu'on a l'intention de conserver longtemps à l'abri
de la putréfaction'. Mais ce qui avait peut-être été insuffi-
samment indiqué, ce sont les détails de l'emploi du réactif
pourle butque nous poursuivions, elle parti qu'on pouvait tirer
des colorations imprimées par le liquide à la substance cérébrale
en vue de déterminer la direction des certains groupes de fibres
dans le centre ovale. M. Brissaud est le premier, croyons-nous,
qui ait, au moins en France, mis à profit les propriétés des
solutions concentrées de bichromate, pour l'étude macrosco-
i M. Variot, notamment (Luys. Procédé pour la conservation et la
momification des cerveaux à l'état sec. Journal l'Encéphale, n» 1)
s'est utilement servi dans ce dernier but, du bichromate associé à l'acide
phénique.
DU FAISCEAU SENSITIF. 73
pique des coupes du cerveau, et d'autre part, personne, que
nous sachions, n'avait relevé avant nous les modifications de
couleur que la solution communique aux fibres blanches,
suivant le sens dans lequel on les sectionne.
Lorsqu'en effet un cerveau a macéré pendant quelques
semaines. dans le bichromate en solution concentrée, la
substance du centre ovale qui, à la coupe, est uniformément
blanche sur un cerveau frais, présente des alternatives de
coloration jaune clair et brun foncé. La couleur brun foncé est
assez prononcée pour rappeler, à s'y méprendre, celle de la
substance grise des noyaux centraux ou des circonvolutions, si
bien que au premier aspect, on pourrait penser qu'on a affaire
à de la substance grise plus ou moins diffuse dans le centre
ovale, invisible à l'état frais, mais devenue appréciable
grâce à l'action du réactif.
Il est facile de se convaincre que la teinte gris brun corres-
pond aux faisceaux de fibres coupées perpendiculairement à
leur axe ; tandis que sur une section parallèle à la direction des
fibres, celles-ci affectent une coloration jaune clair.
On conçoit le parti qu'il était possible de tirer de cette
donnée, que nous nous sommes efforcé d'utiliser.
Nous n'entrerons pas dans les détails que nous avons men-
tionnés ailleurs ; une étude analytique des coupes qui nous
ont servi à suivre le faisceau sensitif serait ici déplacée.
Nous rappellerons seulement, en quelques mots, la méthode
générale à laquelle nous avons eu recours dans nos recherches
et les résultats auxquels cette méthode nous a conduits.
Nous avons étudié la disposition du faisceau sensitif
successivement sur une coupe horizontale ou plutôt obli-
que, la coupe de Flechsig, et sur trois coupes verticales. La
première nous a permis d'envisager le faisceau suivant sa
longueur depuis son origine au tiers postérieur de la cap-
sule interne jusqu'aux circonvolutions occipitales ; les
autres nous en ont révélé la forme, la hauteur, les dimen-
sions et les irradiations. Ces coupes verticales pourraient
être multipliées et même, en vue d'une étude très détail-
lée, il serait bon de les faire d'avant en arrière aussi
rapprochées que possible. Pour la commodité de la descrip-
tion, nous nous sommes arrêté aux trois suivantes : la pre-
mière, la plus antérieure, que nous appelons coupe verticale
t ? acaMM/a'e, est faite verticalement à la jonction du tiers
7 . REVUE CRITIQUE.
postérieur et des deux tiers antérieurs de la couche optique; en
examinant un hémisphère, on se convainct qu'elle tombe en
plein faisceau sensitif, sur le point même que, dans leurs
expériences, MM. Veyssière et Raymond se sont attachés à
détruire chez le chien, et dont la lésion, d'après les idées
admises, détermine chez l'homme l'hémianesthésie dite d'ori-
gine cérébrale. La seconde coupe, parallèle à la première, est
pratiquée à deux centimètres environ en arrière du thalamus,
et intéresse la partie la plus reculée du corps calleux ; le
faisceau sensitif, qui atteint là ses plus grandes dimensions, y
est situé à la partie latérale externe du prolongement occipital
du ventricule ; nous l'appelons , à cause de ce fait, coupe
latéro-venlriculaire. Enfin la troisième est située à un centi-
mètre ou à un centimètre et demi en avant de la pointe du
lobe occipital. Elle n'intéresse plus le ventricule qui est tout
entier compris en avant ; nous désignons cette coupe sous le
nom de rétro-venlriculaire.
D'après les caractères de la coloration communiquée par le
bichromate aux fibres nerveuses, on conçoit que sur les sec-
tions ainsi faites, il sera possible de distinguer celles des fibres
qui se dirigent horizontalement en arrière, de celles qui
gagnent verticalement ou latéralement les circonvolutions. Les
premières seront gris brun, les autres légèrement teintées en
jaune. C'est en tenant compte de ce fait que nous sommes ar-
rivé aux conclusions suivantes sur la disposition du faisceau
sensitif et sa distribution.
Ce faisceau situé sur le bord externe du pied du pédoncule céré-
bral, pénètre à travers la capsule interne, dont il occupe la par-
tie la plus reculée (tiers postérieur du segment postérieur). Il re-
çoit bientôt un certain nombre de fibres, qui lui viennent de la
couche optique et des corps genouillés, et qui sont la continua-
tion des fibres centripètes, émanées des nerfs optiques. Le fais-
ceau sensitifest alors constitué au complet; il renferme toutes les
fibres de la sensibilité générale ou spéciale. (Carrefour sen-
sitif.)
Mais à peine a-t-il abordé le seuil de l'hémisphère cérébral,
que ses éléments constitutifs commencent à diverger, pour se
diriger vers l'écorce. Les uns remontent directement et verti-
calement vers les circonvolutions fronto-pariétales. Les autres
fibres se recourbent en arrière et constituent un volumineux
faisceau, d'abord plus haut que large, dont les dimensions en
DU FAISCEAU SENSITIF. 75
hauteur diminuent à mesure qu'on approche de la pointe du
lobe occipital.
La forme du corps du faisceau peut être assez exactement
comparée à celle d'une pyramide quadrangulaire à base anté-
rieure, à sommet postérieur. Ce faisceau s'amoindrit en pro-
o-ressant, parce qu'il abandonne, chemin faisant, des fibres aux
circonvolutions avoisinantes. De son pourtour, en effet,
émanent des irradiations nombreuses qui forment la presque
totalité de la partie pariéto-occipitale et, probablement, tem-
poro-spliéiioïdale du centre ovale. (Fzj. 2.)
S'il est difficile de déterminer, avec une certitude absolue,
à l'aide de l'observation anatomique seule, quelles sont celles
des circonvolutions cérébrales auxquelles vont aboutir les fibres
émanées du faisceau sensitif (c'est la pathologie surtout qui
doit nous aider à le faire), il devient néanmoins très vraisem-
blable, en tenant compte des rapports et des connexions du
faisceau, et en restant sur le terrain de l'anatomie pure, que
les circonvolutions qui peuvent être considérées comme l'abou-
Fi ! l 2. - Schéma destiné à représenter la distribution générale du fais-
ceau sensitif et de ses irradiations. A, Faisceau pyramidal au
niveau de la capsule. B, Le même faisceau au voisinage (tescirconvo-
lutions motrices. - C, Faisceau sensitif au niveau de la capsule. -
D, Corps du faisceau sensitif dont les fibres se dirigent horizontalement
en arrière. E, Irradiations 'vers l'écorce des libres émanées du fais-
ceau. - 1, Circonvolutions.
76 REVUE CRITIQUE.
tissant des fibres centripètes, sont les suivantes : les frontale
et pariétale ascendantes, tout au moins dans leur partie supé-
rieure, celles du lobe pariétal, enfin les circonvolutions occipi-
tales et temporo-sphénoïdales.
Il ne sera peut-être pas inutile de faire remarquer que ces
conclusions avaient été formulées avant que nous ayons trouvé
dans les faits cliniques leur confirmation. Ceci dit, afin d'éviter
l'accusation d'avoir forcé les détails anatomiques pour les be-
soins de la cause.
II.
DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ CONSÉCUTIFS AUX DIVERSES
LÉSIONS DU FAISCEAU SENSITIF, DANS SON TRAJET INTRA-
CÉRÉBRAL.
La connaissance que nous possédons, d'après les détails qui
précèdent, de la distribution du faisceau sensitif dans son tra-
jet intra-cérébral, nous permet de jeter un coup d'oeil d'en-
semble sur les conséquences possibles des différentes lésions à
siège, à nature et à symptomatologie variables susceptibles
d'intéresser ce faisceau.
Ces lésions siègent, suivant les cas, au niveau : 1° du pied
de la couronne rayonnante (tiers postérieur de la capsule in-
terne) ; 2° des fibres du centre ovale, qui s.ont comme l'épa-
nouissement de la couronne ; 3° enfin de la couche grise des
circonvolutions, aboutissant ultime des fibres centripètes.
On conçoit que les phénomènes observés seront différents
suivant que la lésion aura assez d'étendue pour léser toutes les
fibres, ou ce qui revient au même, tous les centres percepteurs
d'un même hémisphère, ou, suivant qu'au contraire l'altéra-
tion portera seulement sur quelques-uns des conducteurs ou
sur une région limitée de l'écorce destinée à la perception des
impressions sensitives.
Les deux cas se présentent en pathologie.
Si l'on réfléchit aux conditions qui sont nécessaires à la réa-
lisation du premier, on comprendra qu'il se puisse produire
exclusivement lorsque la lésion occupera le pied de la cou-
ronne rayonnante, c'est-à-dire cette région où toutes les fibres
constitutives du faisceau sont réunies, condensées dans un
étroit espace, le carrefour sensitif. Un foyer de ramollissement
ou d'hémorrhagie même minime, suffit alors pour interrompre
DU FAISCEAU SENSITIF. 77 i
complètement les rapports normaux de continuité entre les
conducteurs de la périphérie et les centres de perception.
Il sera tout exceptionnel, au contraire, si tant est que la
chose soit possible, que la lésion ait assez d'étendue pour in-
téresser toutes les fibres centripètes de la couronne rayonnante
après leur sortie de la capsule, lorsqu'elles ont subi leur épa-
nouissement exceptionnel; aussi, pour les mêmes raisons, que
cette lésion porte à la fois sur toute l'étendue des régions sen-
sitives de l'écorce.
Mais si une altération matérielle ne se généralise que bien
difficilement à tout le système sensitif cortical, en revanche les
couches grises peuvent être le siège de troubles passagers, né-
vrolytiques ou dynamiques comme on dit, et leur fonction-
nement être, de ce fait, anéanti momentanément ou d'une-
façon durable, c'est ce qui se passe notamment dans l'hystérie
si du moins l'origine corticale de l'hémianesthésie hystérique
est positive, comme nous nous sommes efforcé de l'établir.
En somme la perte totale des fonctions de sensibilité, dévo-
lues à un hémisphère, ne saurait s'observer que dans deux
conditions : 1° lorsqu'il existe une lésion matérielle de la cap-
sule interne ou de son voisinage, intéressant directement ou
indirectement les fibres sensitives à leur passage au niveau du
carrefour; 20 quand, sous certaines influences (nerveuses et
peut-être aussi toxiques), les couches corticales sont momenta-
nément troublées dans leur fonctionnement.
Par opposition aux lésions ou désordres qui affectent tous les
éléments du faisceau sensitif intra-cérébral, il en est d'autres
qui se limitent à une partie du système : des abcès du centre
ovale, des foyers de ramollissement, des tumeurs comprimant
ou même détruisant un point de l'écorce, sont choses qui se
rencontrent communément. Il y a plus, les lésions de la cap-
sule interne et de son voisinage, comme nous avons cherché
à l'établir, peuvent n'intéresser qu'un certain nombre des
fibres sensitives qui la traversent.
Deux hypothèses peuvent être faites à priori relativement à
la symptomatologie de ces altérations limitées à quelques-uns
des conducteurs sensitifs ou à une partie du territoire cortical
préposé aux perceptions : ou bien il existe dans la substance
grise, des centres corticaux isolés, destinés chacun à recevoir
un groupe spécial de conducteurs, à élaborer une sensation
spéciale. (Dans cette hypothèse, il y aurait un centre pour la
78 REVUE CRITIQUE.
sensibilité tactile, un autre pour la vue, pour l'ouïe, etc.)
Ou bien les fibres nerveuses centripètes, après leur sortie de
la capsule (fibres des sensibilités communes et spéciales), s'en-
chevêtrent et viennent aboutir, sans ordre préétabli, à un terri-
toire plus ou moins étendu de l'écorce, dont les parties consti-
tutives ont une action commune, et sont par conséquent
susceptibles, le cas échéant, de se suppléer les unes les
autres. -
Bien des physiologistes et des plus autorisés admettent au-
jourd'hui la première de ces hypothèses, en se fondant sur les
faits d'expérimentation.
Nous avons cru, quant à nous, devoir nous rallier à la se-
conde, après l'étude attentive d'un assez grand nombre de cas
cliniques. Nouspensons, en effet, que la zone corticale sensitive,
dont nous avons essayé de déterminer les limites, n'est pas
divisible en centres distincts et isolés, dont la destruction abou-
tirait cliniquement à une variété spéciale d'anesthésie. Et si
l'homogénéité de cette zone n'est peut-être pas absolue, en ce
sens, que certains groupes de fibres émanant de tel ou tel nerf,
peuvent se rendre en plus grand nombre sur tel point que sur
tel autre, tout au moins, les diverses régions de la zone, se
suppléent-elles aisément au point de vue de la perception des
sensations, assez aisément pour qu'il ne soit pas permis d'ad-
mettre chez l'homme ces territoires nettement circonscrits, à
fonctions précises, que Ferrier, Munk et quelques autres ont
décrits chez les chiens et chez le singe.
Entrons dans quelques détails.
A. Des troubles de la sensibilité dans leurs rapports avec les
lésions de la capsule interne et de son voisinage
(Lésions du carrefour sensitif.)
L'hémianesthésie sensitivo-sensorielle, consécutive aux lé-
sions de la capsule interne, les caractères cliniques qu'elle af-
fecte, les conditions pathogéniques qui la déterminent sont
des; faits bien connus, grâce aux recherches de Turck (1859),
Charcot (187-2), Magnan (1873) dans le domaine de la clinique,
de Veyssière (1873), et de Raymond (1876) sur le terrain ex-
périmental.
Les cas nombreux réunis, depuis ces travaux, par divers ob-
DU FAISCEAU SENSITIF. 79
servateurs, par Veyssière et Raymond eux-mêmes, par Decau-
din, Pitres, de Boyer, etc., n'ont fait que confirmerles conclu-
sions de Turck et de M. Charcot.
On saitaujourd'huiquelalésioncapsulairequi déterminel'hé-
mianesthésie sensitivo-sensorielle intéresse le tiers posté-
rieur du segment postérieur delà capsule. Mais elle peut l'inté-
resserde différentes manières. Tantôt il y a destruction du faisceau
sensitif à son passage au niveau du carrefour. La conducti-
bilité, dans ce cas, est rendue impossible par la rupture du fil
conducteur, et l'on comprend que si toutes les fibres ont été
rompues, ce qui est fréquent, l'hémianestésie sera absolue, gé-
nérale et indéfiniment persistante. Tantôt, il y a simplement
compression du faisceau par une lésion de voisinage (couche
optique, noyau lenticulaire), et, comme une compression quel-
que marquée qu'elle soit, n'interrompt jamais la conductibilité
des fibres nerveuses d'une façon aussi complète et aussi dura-
ble que la destruction, les hémianesthésies par compression
seront le plus souvent incomplètes et passagères, comme l'é-
tablissent, par exemple, certains faits rapportés par M. Laf-
forgue.
C'est dans ce dernier groupe qu'on doit ranger les observa-
tions de lésions de la couche optique, considérées à tort par
quelques auteurs comme démonstratives des fonctions sensi-
tives de cet organe ; il faut très vraisemblablement y rattacher
aussi les cas d'anesthésie par altération organique, qu'on a pu
guérir à l'aide des aimants. On ne conçoit pas, en effet, la pos-
sibilité du rétablissement de la sensibilité, avec une destruction
complète des fibres sensitives, au niveau du carrefour. Il est né-
cessaire d'admettre, si la sensibilité reparait sous l'influence des
oesthésiogènes, ou que les fibres centripètes étaient simplement
comprimées, ou que quelques-unes d'entre elles seulement
avaient été atteintes par la lésion. On conçoit très bien, dans
cette hypothèse, que les agents en question puissent rendre
à des fibres simplement engourdies leur conductibilité pre-
mière.
Si le plus habituellement les lésions de la partie postérieure
de la capsule interne ou de son voisinage engendrent l'hémia-
nesthésie, à la fois sensitive et sensorielle, les choses peuvent
se passer autrement, et nous avons réuni un certain nombre
de cas dans lesquels on a noté d'une façon positive l'abolition
de la sensibilité commune, avec intégrité des sensibilités spé-
80 REVUE CRITIQUE.
ciales '. Trois de ces faits sont dus à MM. Pierret, Déjerine et
Raymond, le quatrième nous est personnel, le cinquième a été
publié par M. Dérignac.
Dans le cas de M. Pierret (Soc. auat., 1874) la lésion occu-
pait le noyau extra-ventriculaire du corps strié. La capsule ex-
terne n'était altérée qu'à sa partie postérieure, partout ailleurs
elle était comprimée.
Dans celui de M. Déjerine (Soc. aat.,1880), il s'agissait d'une
petite tumeur, dont la topographie faite sur une coupe verti-
cale et non sur la coupe de Flechsig, était trop indécise pour
qu'il fut possible de déterminer avec certitude les rapports
que la lésion affectait avec la partie intra-capsulaire du fais-
ceau.
Le fait de M. Raymond n'a pas été suivi d'autopsie. Mais
d'après la symptomatologie présentée par la malade et la coïn-
cidence avec les troubles de lasensibilité d'hémichoréeoud'hé-
miathétose, il y a tout lieu de penser que la situation de l'al-
tération dans ce cas, a dû être analogue à ce qu'elle était dans'
celui de M. Pierret, c'est-à-dire intéresserle noyau lenticulaire
et les fibres les plus externes de la partie postérieure de la
capsule.
Depuis la publication de notre travail, M. Dérignac a com-
muniqué à la Société anatomique (1881), une nouvelle obser-
vation qui est calquée tant au point de vue de la symptomato-
logie que du siège des lésions anatomiques sur celle de
M. Pierret; ces dernières ont été figurées sur des croquis qu'on
pourra consulter dans l'album de la Société.
1 Il est possible que dans ces faits, des procédés de mensuration pré-
cise, dont malheureusement nous manquons pour plusieurs sens,
eussent révélé une légère différence entre l'état des sensibilités spéciales
du côté sain et du côté malade. On comprendrait difficilement, en effet,
qu'il existât une intégrité absolue de la conductibilité spéciale en même
temps qu'une abolition complète ou à peu près complète de celle des
fibres de sensibilité commune, alors que tous les conducteurs centripètes
sont groupés dans un espace étroit. Notre ami Ch. Péré, en mesurant le
champ visuel de la malade dont l'observation nous est personnelle,
a notamment constaté un rétrécissement, bien que la vue des couleurs
fût intacte, comme nous l'avons rapporté, et qu'il n'existât aucun trouble
apparent des sens. Quoi qu'il en soit, le fait que nous mentionnions n'en
subsiste pas moins avec tout son intérêt, et, il y a lieu de fixer l'attention
sur le contraste singulier que fait, dans les casque nous avons rapportés,
la conservation, au moins apparente des sens, avec la perte de la sensi-
bilité générale.
DU FAISCEAU SENSITIF. 81
Quant au cas qui nous est personnel, la malade à laquelle
il se rapporte a succombé dans le courant de l'année dernière ;
l'autopsie en a été faite par M. Féré; mais les lésions observées
étaient trop étendues et trop complexes pour que nous soyons
en droit de rapprocher le fait, comme nous nous étions supposé
autorisé à le faire du vivant de la malade, de ceux qui précè-
dent.
Il n'en est pas moins établi par les faits dont il s'agit, qu'on,
peut constater une abolition complète de la sensibilité géné-
rale coïncidant avec une intégrité au moins relative des sensi-
bilités spéciales, dans les cas de lésion capsulaire. Et si l'on
envisage un de ces cas où les altérations étaient simples et
bien constatées, on voit qu'elles intéressaient les fibres anté-
rieures et surtout les fibres externes de la partie intra-capsu-
laire du faisceau sensitif.
Nous nous sommes demandé s'il ne serait pas possible de
s'expliquer cette association d'une symptomatologie anormale
avec des lésions de siège constant, en supposant que les con-
ducteurs des impressions de sensibilité commune cheminent
dans la partie externe de la capsule, tandis que les fibres qui
contiennent les nerfs spéciaux seraient situées en dedans
des premières. Cette hypothèse nous a paru d'autant plus
plausible que, en étudiant anatomiquement la disposition du
faisceau sensitif, au niveau de la capsule interne, nous avons
constaté et décrit, après Gratiolet et Meynert, un double
tractus, l'un formé évidemment par les fibres pédonculaires
directes, l'autre, plus interne, par celles des fibres de la sensi-
bilité spéciale qui proviennent de la couche optique et des
corps genouillés. Et nous avons montré que c'est seulement à
la partie la plus reculée de la capsule que les deux tractus se
fusionnent. En rapprochant ce détail anatomique des faits
anatomo-cliniqucs signalés plus haut, on arrive à cette con-
clusion que toutes les fibres préposées à la sensibilité spéciale
se rapprochent des expansions optiques pour constituer une
sorte de faisceau spécial qui serait difficilement touché par les
lésions n'intéressant que les parties externes de la capsule.
Ferricr, qui a constaté comme nous, sans y insister toutefois,
la possibilité de troubles profonds de la sensibilité générale,
sans altération de la sensibilité spéciale, dans le cas de lésion
capsulaire, invoque, pour rendre compte du fait, cette considé-
ration « qu'il y a moins de représentation bilatérale dans
6
82 REVUE CRITIQUE.
chaque hémisphère, pour la sensibilité tactile, qu'il n'y en a
pour les autres formes de sensibilité. La plus ou moins grande
facilité des suppléances corticales, nous parait rendre difficile-
ment compte des particularités d'un symptôme dont la cause
occasionnelle réside sur le trajet des conducteurs. Tout au
plus pourrait-on supposer que, en cas de simple compression
des fibres de la capsule, la résistance opposée par la lésion à la
conductibilité centripète est plus considérable pour arrêter les
. impressions émanées des sens spéciaux, que pour empêcher
l'arrivée aux centres des impressions tactiles. L'hypothèse
que nous avons formulée, et que nous donnons, il ne faut
pas l'oublier, comme une simple hypothèse, nous parait
rendre mieux compte des faits, en conciliant, comme nous
l'avons montré, les particularités cliniques avec les détails
anatomiques. Les observations ultérieures auront à en confir-
mer ou à en infirmer la valeur.
B.-Des troubles de la sensibilité dans leurs rapports avec les
lésions du centre ovale et de l'écorce cérébrale.
Cette question a été envisagée de façons bien différentes par
les physiologistes. Tandis que Ferrier, Munie, Luciani et
Tamburini affirment, d'après les résultats de leurs expériences,
qu'il existe dans l'écorce des centres isolés affectés à la per-
ception des diverses variétés de sensations (tactiles, visuelles,
olfactives, gustatives, auditives), d'autres, comme Goltz,
croient à l'homogénéité fonctionnelle de la substance grise.
L'année dernière, au Congrès médical international de
Londres, les deux doctrines ont été aux prises. Mais la brillante
discussion soutenue par Ferrier, d'une part, par Goltz, de
l'autre, a, il faut l'avouer, insuffisamment éclairé le sujet. C'est
assez dire que, sur le terrain expérimental, le problème n'est
pas près d'être résolu d'une façon définitive. D'ailleurs les idées
que défendent chez nous, avec une courageuse persévérance,
depuis plusieurs années, M. Brown-Séquard et quelques-uns
de ses élèves, ne sont pas de nature à nous laisser espérer
une prompte entente. Les lois qui, en matière de pathologie
cérébrale, semblaient les mieux assises, sont remises en ques-
tion : la forme et la localisation des symptômes ne dépendraient
plus du siège des lésions du cerveau ; elles seraient commandées
DU FAISCEAU SENSITIF. 83
directement par l'innervation spinale dont le jeu irrégulier,
presque arbitraire, jetterait dans la symptomatologie un dé-
sordre au milieu duquel il serait difficile de s'orienter.
En présence de ce conflit, ce qu'il y a de mieux à faire pour
le médecin, c'est d'observer le malade; et nous serions trop
heureux si cette méthode d'observation pour laquelle certains
esprits exclusifs affectent un dédain peu justifié, nous rendait
dans l'étude des troubles de la sensibilté d'origine cérébrale les
mêmes services que nous lui devons en matière de troubles du
mouvement.
Aussi est-ce à l'observation que nous avons surtout fait
appel, nous efforçant d'apporter notre contribution à la solu-
tion d'un problème qui réclame des recherches patientes, long-
temps répétées, et souvent contrôlées. '
Or, lorsqu'on interroge les faits on y cherche vainement des
arguments en faveur de l'existence des centres sensitifs corti-
caux. Ni Ferrier, ni Nothnagel n'ont pu produire de cas déci-
sifs qui démontrent la réalité de ces centres, admis sur la foi
des résultats expérimentaux. Les conclusions de Nothnagel
sont, à ce propos, instructives à relever : « Il n'existe pas
encore, dit-il, d'observations de troubles auditifs dans les
maladies cérébrales, principalement dans le ramollissement;...
pas d'observations d'agueusis dans les maladies du cerveau...
Les observations manquent encore, ajoute-t-il, pour établir
nettement quelle partie du cerveau doit être lésée pour produire
l'anosnie. » Et plus loin le même auteur rappelle l'ignorance
absolue dans laquelle nous nous trouvons relativement aux
relations cliniques entre les altérations de l'écorce et les
troubles de la vue.
Ferrier, il est vrai, a cru trouver la démonstration de ses
idées sur le siège des centres supposés de la vue et de l'ouïe ;
dans les faits d'aphasie sensorielle (cécité et surdité verbale)
publiés par Kusmaull, Kôhler et Pick, Wernicke, etc. Il semble
en effet, d'après les observations rapportées par les auteurs qui
précèdent et d'après d'autres analogues, qui ont paru en
France dans ces derniers temps, que la cécité et la surdité
verbale soient en relation avec des lésions occupant le pli
courbe ou la partie postérieure des circonvolutions tempo-
rales. Mais l'aphasie sensorielle est un trouble complexe bien
différent des simples altérations de la sensibilité spéciale. La
cécité et la. surdité des mots, ne sont pa plus la cécité et la
8t REVUE CRITIQUE.
surdité que l'aphasie ataxique n'est la paralysie. Il s'agit là de
la perte de l'une des facultés de l'intelligence, celle d'inter-
préter les signes lus ou entendus, qui est parfaitement compa-
tible (c'est même là ce qui la caractérise) avec l'intégrité de
l'ouïe et de la vue. Or, de ce qu'une lésion occupant la partie
postérieure des circonvolutions temporales s'accompagne de
surdité psychique, cela ne démontre en aucune façon que le
point lésé soit un centre de perception pour les impressions
auditives, c'est-à-dire un centre sensitif, mais simplement
qu'il sert à l'élaboration intellectuelle, à l'interprétation d'une
catégorie de signes abstraits, ce qui est fort différent. Donc les
faits de cécité et de surdité verbale suivis d'autopsie, ne prouvent
nullement, à notre avis du moins, l'existence de centres auditifs
ou visuels dans les points indiqués par Ferrier. Bien plus, ils
nous paraissent très propres à établir que le pli courbe n'est
pas plus le centre de la vue, que le tiers postérieur des tempo-
rales n'est le centre de l'ouïe, puisque dans tous ces faits on a
positivement constaté, avec une lésion des points précités, l'in-
tégrité des sensations auditives et visuelles.
On voit donc que sur le terrain de la clinique, les localisa-
teurs n'ont pu jusqu'à ce jour faire la démonstration de leurs
idées. Y arriveront-ils ? Nous ne le pensons pas. Et nous nous
fondons pour l'avancer sur les conclusions qui ressortent na-
turellement du rapprochement des cas que nous avons
compulsés ou recueillis personnellement. Or il résulte de l'en-
semble de ces cas que les lésions les plus diverses, intéressant
les différents points de l'écorce cérébrale, peuvent évoluer sans
s'accompagner de troubles, au moins marqués, de la sensibilité
spéciale, ce qui revient à dire qu'en cas de lésion circonscrite,
les parties de l'écorce restées intactes, suppléent celles qui
sont altérées, quel que soit le siège de ces dernières. On ne
saurait dès lors admettre l'existence des centres sensitif ? tels
que Ferrier les conçoit, l'abolition de la fonction devant être
la conséquence obligée de la destruction des centres préposés à
cette fonction, si centres il y a.
Les conclusions qui précèdent s'appliquent, dans notre pen-
sée, aussi bien à la sensibilité commune qu'aux sensibilités spé-
ciales. Munk et Schiff d'abord, R. Tripier après eux, avaient
admis que les parties motrices de l'écorce sont en môme temps
des centres destinés à percevoir les impressions émanées'
de la peau. Nous croyons avoir établi, en nous appuyant sur
DU FAISCEAU SENSITIF. 85
un assez grand nombre de faits, que la destruction de la zone
motrice est parfaitement compatible avec l'intégrité de la sen-
sibilité commune.
Il résulte donc pour nous de tout ce qui précède, qu'il n'existe
pas au cerveau de territoires circonscrits et isolés affectés à
l'élaboration des formes variées de la sensibilité.
Est-ce à dire que, au point de vue des perceptions, l'écorce
cérébrale soit fonctionnellement homogène, dans l'acception
rigoureuse du mot ? Non, sans doute.
Il semble par exemple, découler des observations récemment
compulsées par S. Exner, que les sensations visuelles sont per-
çues surtout par les circonvolutions occipitales. Il est possible
en effet, comme nous l'avons déjà dit, que les fibres émanées
des divers sens se rendent en plus grand nombre vers telle ou
telle autre partie de l'écorce, dont les lésions retentiraient par
conséquent d'une façon plus marquée sur les sens en question.
Nous-même, nous avons admis que la sensibilité tactile était plus
fréquemment troublée à la suite des altérations destructives
de la zone motrice que dans les cas de lésions occupant un
autre siège. Il y a là matière à des recherches ultérieures.
Mais le fait capital à retenir pour l'heure, c'est que les diffé-
rentes circonvolutions peuvent être, chacune isolément, dé-
truites, sans qu'il s'ensuive de troubles de la sensibilité géné-
rale et spéciale.
Les anesthésies tactiles ne sont pas exceptionnelles toute-
fois à la suite des lésions corticales récentes. Il s'agit la de
troubles inconstants, souvent peu marqués et toujours pas-
sagers, dont la pathogénie n'est pas parfaitement élucidée. Peut-
être la perturbation apportée dans le jeu de la moelle par le
retentissement de l'altération du cerveau, joue-t-elle quelque
rôle dans la genèse de ces anesthésies. La chose est possible.
Toujours est-il qu'en rapprochant les uns des autres les cas
dans lesquels ces troubles ont été observés, nous avons pu
légitimement, ce nous semble, dégager les propositions sui-
vantes :
A la suite des lésions du lobe frontral (la circonvolution fron-
tale ascendante exceptée), il n'y a pas de troubles de la sensi-
bilité ;
A la suite des lésions des circonvolutions motrices, l'anes-
thésie est habituelle mais peu marquée et passagère :
Dans les cas de lésions des circonvolutions occipito-sphénoï-
86 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
dales, l'anesthésie est possible mais. exceptionnelle, et, dans
tous les cas, légère et transitoire ;
Enfin si l'altération porte à la fois sur les circonvolutions mo-
trices et sur les occipito-sphénoïdales,l'anesthésieestbeaucoup
plus prononcée et probablement plus durable, d'autant plus
marquée en règle générale, que les lésions sont plus étendues.
Ces faits nous autorisent à conclure qu'il existe dans l'écorce
une vaste zone sensitive, qui vraisemblablement comprend
toutes les circonvolutions, sauf celles du lobe frontal.
Tous les détails qui précèdent se résument en somme dans
la proposition, légèrement modifiée, que M. Pitres émettait, il
y a cinq ans, comme une simple hypothèse : chez l'homme, les
fibres sensitives réunies, comme dans un carrefour, au niveau
du tiers postérieur de la capsule interne, au lieu d'aller se ter-
miner comme les fibres motrices, dans des territoires corticaux
physiologiquement distincts, se distribuent à peu près indiffé-
remment dans toute l'étendue des circonvolutions pariéto-
sphéno-occipitales. Telle est du moins la conclusion qui res-
sort pour nous de l'étude anatomique et clinique que nous
avons poursuivie.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. GOITRE exophthalmique ou maladie de BASEDOSV, nature
ET traitement de cette affection ; par F. Panas. (AT-
chives d'ophtalmologie, n° 2, janvier-février 1881.)
Après avoir rappelé les principaux travaux publiés sur ce
sujet et appelé l'attention sur la polyurie et la glycosurie,
signalées dans les plus récents , l'auteur, par l'analyse des
symptômes, l'étude de leur mode d'apparition, de leur ordre
de succession et de leurs causes, établit la pathogénie de la
maladie.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 87 Î
Les troubles cardiaques précédant l'engorgement du corps
thyroïde et l'exophthalmie ne sauraient dépendre de la dimi-
nution de la tension sanguine dans le système vasculaire de la
tête et du coil. Le manque d'action des vaso-constricteurs
cervico-céphaliques n'a pas pour cause la paralysie du sympa-
thique cervical comme on pourrait le croire d'abord. Cette para-
lysie ne s'accompagne ni d'pxorbitis, ni de goitre vasculaire, ni
de la dilatation des gros troncs artériels et veineux du cou,
mais bien de myosis, symptôme le plus constant et le plus per-
manent. Les yeux s'enfoncent, l'ouverture palpébrale se
rétrécit, la sclérotique disparaît sous la congestion de la con-
jonctive. Dans le goitre exophthalmique, seules sont turges-
centes les veines ciliaires antérieures.
L'exophthalmie n'a pas pour cause l'action du goitre sur les
vaisseaux du cou, sur la trachée et encore moins sur le grand
sympathique. Elle fait défaut dans le goitre 'suffocant même.
L'état du coeur non moins que les considérations précédentes,
oblige à placer le siège de la maladie de Graves dans le bulbe.
Mais s'agit-il d'un processus irritatif, d'une excitation des filets
sympathiques cardiaques et des vaso-dilatateurs provenant du
cordon cervical (Vulpian), ou au contraire d'une paralysie des
nerfs d'arrêt et des vaso-constricteurs ? Les deux opinions
peuvent se soutenir. L'auteur incline vers la dernière et cite à
l'appui l'observation d'une malade heureusement traitée par
des injections sous-cutanées d'ergotine. Elle avait eu déjà des
attaques épileptiformes, de l'aphasie, de l'hémianesthésie, de
l'hémiparésie, et enfin son exophthalmie se compliqua de
myopie, contrairement à l'opinion de von Graefe. D. B.
II. Remarques SUR LES accidents déterminés par DES
FRACTURES CHEZ LES FEMMES ÉPILEPTIQUES ; par F. TERRIER
et H. Luc. [Revue de chirurgie, janvier 1882.)
Les auteurs ont observé sur deux épileptiques une fracture
de la clavicule et une fracture complète de jambe. Dans le
premier cas, malgré l'absence de déplacement, douleurs locales
très vives, s'irradiant dans le thorax, le cou, la face, le membre
supérieur du côté répondant à la lésion ; hyperesthésie et con-
tracture du membre supérieur et du cou, contracture inter-
rompue par des crampes violentes. Après la levée de l'appareil,
qui les avait peu modifiées, la contracture et les crampes
88 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
s'exagérèrent à la suite d'une attaque d'épilepsie, puis d'une
attaque d'hystérie. Elles disparurent plus d'un an après, sous
l'influence variée des courants continus, de l'aimant et de
l'électricité statique.
On ne découvre la fracture de la seconde malade sans expres-
sion, par moments gâteuse, peu excitable, que par hasard dix
jours après l'accident. Elle mouvait en tous sens pied et jambe,
et ne voulut jamais croire à sa maladie, qui guérit fort bien
dans un appareil plâtré appliqué de force.
Ces observations ne disent malheureusement rien de précis
sur la sensibilité générale et spéciale des malades.
Rapprochant ces deux observations de celle d'une malade
simplement névropathe, atteinte de contracture de la main et
de l'avant-bras droit à la suite d'une contusion, puis d'une
affection semblable du côté gauche à la suite d'une fracture du
péroné gauche sans réaction dans le membre inférieur,
F. Terrier et II. Luc se demandent s'il n'y aurait pas une dif-
férence d'innervation entre les extrémités supérieure et infé-
rieure, et si ce fait probable n'expliquerait pas les accidents
différents observés sur leurs épileptiques. D. Bernard.
III. SUR LES températures inférieures des malades atteints
d'une lésion cérébrale; par SIiL01VSIiY. flTratscla, 1880,
n° 12.)
L'auteur a observé chez un paralytique une température de
31°, 9 - 33°, 3 sous l'aisselle, et de 32°, 3 dans le rectum. Cette
température a duré jusqu'à la mort, et l'autopsie a fait recon-
naître un ramollissement de la partie postéro-inférieure de
l'hémisphère droit du cervelet allant jusqu'au pédoncule céré-
belleux moyen. M. MENDELSSOHN.
IV. SUR un cas de basse température; par IASYREFF.
('acA, 1880, n° 12.)
L'auteur a observé pendant quatre jours une température
oscillant entre 30°, 1 et 26°, 5 chez un sujet atteint de commo-
tion du cerveau et présentant des symptômes paralytiques dans
les muscles du tronc et des extrémités. M. M.
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 89
V. La fonction bilatérale ET la SINAPISCOPIE; par ADA111-
kiewicz. (P·aeglad Leka·s71, 1880, n°$n.7 et 18.)
Adamkiowicz, trouvant dans le phénomène du « Transfert »
mis en évidence par les procédés métalloscopiques un nouvel
appui pour la théorie des fonctions bilatérales qu'il soutient
depuis 1877, a essayé de provoquer par les sinapismes la même
série de phénomènes que ceux dans lesquels les plaques métal-
liques n'agissent que comme agents irritants. Ayant en effet
constaté les mêmes effets après l'application des sinapismes, il
désigne la recherche de ces phénomènes sous le nom baroque de
sinapiscopie. Le retour delà sensibilité dans le côté anesthésique
sous l'influence de l'application du sinapisme a été dans ces
expériences un fait constant ; mais le degré et la persistance
de ce retour ont été, variables suivant les cas. Ainsi la sensi-
bilité douloureuse revenait toujours, mais jamais lia sensibilité
thermique. Ces recherches, faites avec le concours du Dr Adler
chez l'homme sain, ont démontré que les sensibilités tactile et
douloureuse s'exagèrent à l'endroit de l'application du sinapisme,
tandis qu'elles diminuent à l'endroit correspondant du côté
opposé qui n'a pas été irrité.
A la fin de son travail, l'auteur développe ses idées sur les
fonctions bilatérales, en les regardant comme l'expression des
fonctions appartenant à ses nerfs et à ses ganglions symétri-
quement disposés des deux côtés de l'organisme. M. M.
VI. SUR LES altérations anatomiques DU cerveau dans LES
maladies infectieuses; par A. Rosenthal. (Gazela lekarska,
n° 19, 1881.) .
L'auteur, examinant plusieurs cerveaux (surtout la circon-
volution frontale ascendante et la moelle allongée) de ma-
lades morts de fièvre typhoïde, récurrente ou puerpérale, de
pyohémie et de scarlatine, a constaté des altérations de ces
centres, et principalement dans les cellules pyramidales de
l'écorce. Ces dernières perdent leurs prolongements, devien-
nent rondes, subissent la transformation adipeuse et dégé-
nèrent. Dans quelques cas, Rosenthal a trouvé un nombre de
cellules plus considérable que dans l'état normal, ce qu'il
attribue ci la segmentation des cellules. Les cellules nouvelle-
ment formées contenaient un grand noyau et un protoplasma
90 revue de pathologie nerveuse.
très délicat. Il a constaté les mêmes altérations dans les cellullcs
nerveuses de la moelle allongée et surtout dans le noyau du
pneumogastrique et du spinal. Parfois il a eu l'occasion de
voir (sur le plancher du quatrième ventricule) un grand nombre
d'éléments lymphoïdes sous l'épithélium. L'auteur regarde ces
- altérations parenchymateuses du cerveau comme correspon-
dant à des altérations analogues d'autres organes survenant
dans les maladies infectieuses. M. M.
Vil. LEPTODZENINGITIS h^emorrhagica, présentant LES SYMP-
TOMES de .LA paralysie progressive; par BECHËTRÈW.
[Gazelle clinique hebdomadaire [russe), 1881, n°S 8-10.)
L'auteur rapporte l'histoire d'un malade de la clinique de
M. le professeur Mierzejewsky, qui présenta pendant la vie le
tableau clinique de la paralysie générale, avec quelques parti-
cularités : une trop longue durée, dix-neuf ans (à Pétersbourg,
ces malades meurent au bout de trois à cinq ans), et un affai-
blissement relativement faible des facultés psychiques. A l'au-
topsie, on releva, outre une thrombose des deux tiers du sinus
longitudinal supérieur, une inflammation bémorrbagique de
la pie-mère et une inflammation. analogue de la dure-mère.
L'auteur croit que, dans ce cas, la méningite a été la lésion pri-
mitive et que la thrombose du sinus s'est produite secondaire-
ment ; cela paraît ressortir de ce fait qu'on trouva dans les
bronches àpeine quelquestraces d'organisation. Dans la moelle,
on constata un fort développement d'éléments conjonctifs de
la névroalie. M. M.
VIII. Une famille atteinte d'ataxie locomotrice; par M. R.
GowERS. (7'<MM. o f tlae Clin. Soc. of London, vol. XIV, 1881,
p. 1.)
Le père est mort depuis deux ans, d'une maladie deBright;
il n'a pas eu d'affection nerveuse. Il avait deux frères, dont
l'un est mort aussi de maladie de Bright, et l'autre est aliéné.
Deux de ses cousins seraient aussi aliénés. La mère du père
était paralysée de la langue, quand elle est morte. La mère
est morte d'une tumeur abdominale, elle avait eu deux attaques
de chorée dans son enfance.
revue DE pathologie nerveuse. 9t 1
La famille se compose de neuf enfants. L'aîné a trente-neuf
ans, il a commencé à souffrir d'incoordination de la marche à
vingt et un ans, aujourd'hui l'ataxie a gagné les mains, il a
perdu ses réflexes tendineux, etc. Le deuxième enfant était une
fille qui est morte à dix ans d'une affection fébrile. Le troisième
est un fils, il a trente-cinq ans, bien portant; il a plusieurs
enfants aussi bien portants. Le quatrième est encore un fils,
qui a trente-trois ans et est bien portant. Le cinquième est une
fille qui à vingt-neuf ans, et qui a commencé à dix-huit ans à
avoir de la difficulté à marcher : les troubles tabétiques se sont
accentués depuis. Le sixième est un fils de vingt-six ans qui se
porte bien et a des enfants en bonne santé. Le septième est
un fils qui a vingt-quatre ans; il n'est plus capable de traverser
la chambre tout seul, il avait dix-neuf ans quand il a éprouvé
les premiers symptômes. Le huitième est un fils de vingt-deux
ans paraissant bien, mais il a des troubles de l'équilibration
dans l'obscurité, il a de temps en temps un peu d'incoordina-
tion ; il a perdu ses réflexes, sa parole est légèrement troublée,
etc. Le plus jeune fils, qui a dix-neuf ans, est aussi affecté :
parole scandée, un peu d'instabilité de la marche, perte des
réflexes. Ainsi sur huit enfants, qui ont atteint adulte,
cinq sont affectés. Carré, Duchenne, Carpenter, Dreschfeld ont
déjà rapporté des faits de ce genre ; Friedreich a noté dans ce
cas la fréquence des troubles du langage qui dans cette série
ont été presque toujours observés. Quelquefois, dans cette
forme d'ataxie; dite héréditaire, il existe du nystagmus, comme
le montre un cas de Seeligmùller. En ce qui regarde l'étiolo-
gie, il n'existait pas de traces de syphilis héréditaire ou acquise ;
il n'y avait pas non plus d'ataxie connue chez les ascendants,
mais du côté paternel, il existait plusieurs aliénés, et la mère
qui avait eu des attaques de chorée et avait évidemment une
disposition névropathique. Ces particularités de l'histoire de la
série de M. Gowers sont en rapport avec l'opinion que nous
avons souvent entendu exprimer par M. Charcot : à savoir que
ce qui joue le plus grand rôle dans l'étiologie de l'ataxie, ce
sont les états névropathiques des ascendants; et il ne manque
jamais d'interroger les malades, sur l'existence chez leurs parents
directs ou collatéraux, non seulement d'affections médullaires,
mais encore d'affections cérébrales ou de troubles psychiques.
Cn. F.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. Folie postépileptique ; par Wilhelm Sommer. (A ? ,ch.1.
l'sdcls. zc. Ncuen ? XI. 3.)
Sous ce titre, M. Sommer se propose d'étudier, à l'aide de
cent cinquante observations prises à l'asile d'Allenberg, la
démence persistante qu'amène l'épilcpsie à la longue et les
formes vésaniquespassagères,intervallairos, considérées comme
épiphénomènes de l'accès.
Relativement à la démence, l'auteur s'attache à mettre en
lumière les caractères qui distinguent cette impotence intellec-
tuelle, d'origine épileptique, d'avec les démences émanant de
toute autre affection. Telles sont sa non-continuité (du moins
au début, intervalles lucides) et les difficultés de perception
qui entraînent une difficulté de comprendre et de retenir (len-
teur de la lecture et de l'écriture) contrastant avec le souvenir
facile des anciennes sensations. Ainsi l'épileptique qui lira
péniblement une ligne, résoudra aisément des équations algé-
briques ; d'où son emphase, sa pédanterie. Bientôt l'amnésie
s'étend également au passé, mais elle est incomplète, inégale,
et nullement proportionnée à l'importance des événements ; en
essayant de suppléer aux lacunes de sa mémoire, l'épileptique
se crée un style maniéré, agrémenté de périphrases et de néolo-
gismes. C'est aussi cette déchéance intellectuelle qui, par
défaut de conception, entraîne le malade à devenir irascible,
susceptible, méchant, méfiant, en même temps qu'une certaine
conscience de sa faiblesse et de l'incurabilité de son affection
le rend pessimiste, misanthrope, bigot, obséquieux (hypocrisie).
Enfin quand il a épuisé son ancien bagage mnémonique, dans
l'impossibilité où il sè trouve d'enregistrer avec fruit de nouvelles
impressions, le malheureux est réduit à une idiotie muette par
suite des progrès des lésions bulbaires. Des lettres de malades
prises à diverses époques de la maladie font foi de cette pro-
gression. Notons ici, qu'à l'inverse de ce qui était admis
revue de pathologie mentale. 93
jusqu'alors, la statistique de M. Sommer fait remonter la plus
forte part de responsabilité dans la démence épileptique aux
grands accès et non au petit mal.
Les troubles de la connaissance en rapport avec l'épilepsie sont
de deux sortes. Les uns se montrent en l'absence de tout accès
convulsif et souvent sans qu'on puisse jamais saisir la moindre
trace de ce dernier; c'est l'épilepsie anormale : les autres sont
en relation d'origine et de temps évidente avec les convul-
sions épileptiques complètes. Psychoses absolument isolées de
l'accès et le remplaçant (équivalents), ou vésanies intervenant
à la suite d'accès antérieurs, toutes auraient même pathogénie.
L'accès complet ordinaire, dit M. Sommer, se compose de
plusieurs accès partiels dépendant chacun du département
nerveux qui lui donne naissance; adoptant l'opinion que l'épi
lepsie est corticale c'est-à-dire que la moelle allongée influence
d'abord les vasomoteurs cérébraux, et que l'attaque classique
est la résultante de l'accumulation de ces effets, il pense qu'il
s'agit précisément en tous les cas de la limitation des troubles
angioparalytiques ou anctospastiques à tel ou tel district de
l'écorce; cette localisation dépendrait de la variabilité de la moda-
lité réactionnelle propre à chacun des départements en question
ou de la lenteur de généralisation des effets vasomoteurs. Quoi
qu'il en soit, M. Sommer ne traite que des psychoses chez des épi-
/6/yMMaue ? 'M, à l'exclusion deséquivalents(épilepsie psychique)
isolés et de la combinaison de la névrose avec un des types
cliniques connus (mélancolie, folie systématique, paralysie gé-
nérale). Périodiques et souvent précédées d'aura, elles ont pour
. caractère principal et pour fondement l'insuffisance de percep-
tion et de raisonnement (rudiment du sopor de l'acmé paroxysti-
que) ; les autres perturbations de l'activité mentale qui s'y ajoutent
dérivent précisément de l'impossibilité, pour le malade hébété,
d'interpréter les sensations anormales dont il estl'objet (délire) :
ces sensations anormales seraient l'équivalent de la perte totale
de sensibilité du début de l'accès complet. Un premier degré
qualifié d'état d'obnubilation postépileptique embrasse trois
espèces de phénomènes : 10 l'obtusion intellectuelle accom-
pagnée de maussaderie, excitabilité, angoisse vague, qui pré-
cède ou suit un accès; illusions de la vue désagréables ou
fantastiques ; 2° l'accès maniaque précurseur d'une crise con-
vulsive ou d'un long sommeil; 3° des auras passagères psycho-
sensorielles proeparoxysmiques telles que -la double sensation
94 le revue de pathologie mentale.
auditive, les illusions et hallucinations spéciales et familières
au même malade ; à leur égard la statistique d'Allenberg indi-
que les mêmes proportions de fréquence qu'en ce qui a trait
aux troubles de la sensibilité postparoxystiques. Ce sont juste-
ment ces perturbations sensorielles qui, mal interprétées par
l'épileptique ahuri, fournissent, de concert avec le genre de
caractère du malade, les éléments du délire. Selon que domine-
ront en lui la préoccupation de son état, la méfiance, l'irrita-
bilité, les sentiments religieux, il sera en proie aux conceptions
délirantes dépressives, au délire des persécutions, à l'angoisse
accompagnée d'impulsions irrésistibles, à l'expansion extatique.
L'analyse détaillée de chacune de ces formes psychopathiques
n'ajouterait rien aux descriptions répandues partout ; on con-
sultera cependant avec fruit les cinq observations de délire
expansif. Il importe également de faire remarquer la rapidité
de systématisation de ces conceptions et leurnon moinsprompte
disparition. De plus greffées sur le fond premier d'obnubilation,
ces psychoses sont loin de se manifester isolées ; une d'elles
apparaît pour faire, après une durée indéterminée, brusque-
ment place à une autre entité. Quand l'épilepsie est invétérée,
l'intrication, la fusion est si étroite, que le délire perd sa cou-
leur ; de cette nuit obnubilatoire persistant des jours et
des semaines, se dégagent de temps à autre, comme autant de
météores, des accès psychopathiquesfugitifs durantdesminutes,
des heures au plus. Seul, le délire expansif conserve en toute
circonstance son autonomie, ne se mélangeant que très rare-
ment avec d'autres modalités. Que ces accidents précèdent,
suivent (majorité des cas) ou remplacent l'accès d'épilepsie (équi-
valents), ils sont toujours identiques à eux-mêmes et conservent
le moment qu'ils ont dès l'abord adopté pour leur manifes-
tation. Ce n'est d'ailleurs qu'après des années que l'épilepsie se
double de l'état d'obnubilation mentale continue, la psychose
augmentant d'abord de fréquence avec chaque accès, puis d'in-
tensité, de durée, et de variété quand les accès diminuent de
nombre jusqu'à ce que la démence apathique termine l'ensem-
ble pathologique. Guérison extrêmement rare : six cas nets.
Sur quatre-vingt-onze épileptiques morts en démence, la
durée moyenne du séjour dans l'établissement d'aliénés était
de sept années. M. Sommer complète au surplus sa description
par les résultats statistiques portant sur le sexe, l'hérédité,
l'âge et la cause de l'épilepsie, la fréquence des perturbations
REVUE DE pathologie mentale. 95
mentales et la durée de l'épilepsie avant qu'elles n'appa-
russent. P. K.
II. Côtes fracturées dans les asiles anglais; par Lauder
LINS1Y, médecin de l'institut royal de Murray, pour les
aliénés, à Perth, en Ecosse. (Bulletin de la Société de médecine
mentale de Belgique, année 1880, 2e fascicule, p. 31-53.)
Ce mémoire réfute l'assertion que toutes les fractures de
côtes ou d'autres os sont le résultat de mauvais traitements de
la part des gardiens. Ces lésions peuvent se montrer très
facilement en dehors de toute violence ou rudesse desservants;
beaucoup sont dues à l'abolition inopportune de la contrainte
mécanique. L'auteur est ennemi du système du no-restraint,
aussi dangereux pour les patients que pour les fonctionnaires
et les gardiens des asiles. -
Ces lésions peuvent s'expliquer par l'extrême fragilité du
tissu osseux chez les aliénés ; elles sont souvent produites par
l'aliéné lui-même, elles sont souvent dues à une violence très
légère. Ce mémoire est suivi de l'exposé : 1° d'un cas d'ostéo-
malacie ; 2,, de la relation de cas de fractures de côtes décou-
vertes seulement à l'autopsie; 3° de l'exposé de cas de frac-
tures de côtes découvertes à l'admission dans les asiles
d'aliénés. E. CH.
III. LE traitement médical rationnel DES maladies mentales
aiguës ET curables; par le Dr Wiltie 13URDIANN, médecin
en chef du « Wilts country lunatic asylum, Devizes. ), (7lie
Journal of mental science, octobre 1879 et janvier 1880)
(Bulletin de la Société de médecine mentale de Belgique, année
1880, 2° fascicule, p. 8,e-93.)
Le De Burmann demande comme Mundy, Lockowt, Robert-
son, Griesinger, lord Shaftesbury, la séparation des cas récents
et des cas curables et des cas qui ne laissent plus guère d'espoir
de guérison.
1 La proportion des cas curables étant de 7 à 7, 25 p. 100,
ceux-ci doivent être à l'hôpital bien moins grand que l'asile
destiné aux incurables;
2° Au point de vue économique, cette séparation est avan-
tageuse ;
96 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ,
3° Cette division déconsidérerait moins le malade placé à
l'hôpital et les familles, comprenant la différence d'avec l'asile,
hésiteraient moins à y placer leurs aliénés; la médecine y ferait
plus de progrès; les cas de suicide seraient plus rares; les
médecins spécialistes s'attacheraient davantage à l'étude des
malades de l'hôpital. L'auteur n'admet pas que son projet soit
impraticable à cause de la difficulté qu'il y aurait à distinguer
les curables des incurables; il n'admet pas que son projet en-
traine à trop de frais, tant s'en faut. On ne ferait pas d'écono-
mies sur les malades de l'asile au point de vue du traitement
et de l'entretien, mais on prélèverait une surtaxe sur les
malades de l'hôpital. L'auteur réclame un bureau d'admission
comme à Sainte-Aune, mais il insiste pour que l'hôpital et l'asile
soient connexes, enfin il réclame l'emploi plus que jamais de
l'hydro et de l'électrothérapie, de la lumière, de l'obscurité,
et de la lumière cobici, l'emploi du pneumatomètre, du stéto-
graphe, de l'apnographe, enfin de toute la thérapeutique pneu-
matique. Ces opinions ne peuvent être admises sans un
examen approfondi. E. CH.
IV. Sur l'aphasie ET SUR la chronicité ET l'hérédité dans
la détermination des types DE folie ; par M. le D BILLOD.
(Bulletin de la Société de médecine mentale de l3elgz jzce, année
1880, 21 fascicule. p. 9z4-10 ? )
En tenant compte de deux éléments qui chez l'aphasique
peuvent être conservés ensemble ou détruits chacun séparé-
ment, à savoir : 1° l'intelligence, 2° la force morale ou l'éner-
gie du caractère, M. Billod, en faisant ressortir combien
l'aphasique ressemble à l'enfant et au vieillard, pense que
l'aphasique, tout intelligent qu'il soit resté, n'en est pas moins
dépourvu d'une certaine force morale, devenu accessible à
certaines influences, désarmé devant le danger des captations.
« Si peu nombreux que soient les cas d'aphasie dans lesquels
l'intelligence reste intacte, il est impossible de ne pas les
admettre. Seulement il ne faut pas se croire autorisé à con-
clure toujours de l'intégrité de l'intelligence à celle delà force
morale, et par suite à la responsabilité entière. A l'opinion de
M. Billod, le Dr Cuylitz oppose la définition de M. Jules
Falret, qui signale comme caractère distinctif de l'aphasie,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 97
l'intégrité de l'intelligence et des organes de la phonation.
M. Cuylitz ne partage pas l'opinion de M. Billod qui, par la
théorie de la suppléance cérébrale, explique comment l'in-
telligence peut rester entière chez l'aphasique ; il n'est pas
besoin de cette théorie ; l'intelligence reste intacte parce que
les parties du cerveau réservées aux fonctions intellectuelles
ne sont pas atteintes. En admettant la suppléance, comment si
peu de malades en profitent-ils ? M. Cuylitz n'admet pas l'ap-
plication de la théorie de la suppléance pour le langage, car il
n'y a qu'un centre et non deux pour le langage. Par conséquent
il n'admet pas la conclusion de M. Billod relativement à son
cas d'aphasie chez un paralytique général à savoir que : si la
suppléance pour le langage n'a pu s'établir dans ce cas, c'est
vraisemblablement que les deux circonvolutions étaient symé-
triquement lésées.
Quant à la chronicité, elle constituerait un procédé à l'aide
duquel la folie héréditaire qui évolue par générations succes-
sives d'individus, développerait ses différents stades sur un
même individu, ce qui se réduit à une question de part et d'au-
tre. Les aliénés qui doivent à la chronicité leurs apparences
héréditaires sont rares. M. Billod n'en a observé que quinze cas
bien nets sur quinze mille aliénés. E. CH.
V. Le morphinisme ; par le D Frantz iVIuLLR; de Gratz,
( GVaéner zecla'a,izza'schen pwesse, t880,)
Lorsque Wood, l'inventeur des injections sous-cutanées,
créa par sa méthode un admirable moyen de soulagement
pour l'humanité souffrante, il ne se doutait guère qu'il allait
donner naissance à un mal aussi grave que l'opiophagie de
l'Orient, mal d'autant plus triste que ses victimes habituelles
sont des gens instruits et surtout des médecins. Cette maladie,
qui consiste dans l'usage continu des injections de morphine,
s'appelle le morphinisme.
Le tableau clinique du morphinisme est vaste, car, d'ordi-
naire, toutes les fonctions de l'organisme sont atteintes.
I. Au premier plan sont les troubles de la nutrition. Après
six, huit, douze mois de fortes doses de morphine injectée sans
interruption, les malades commencent à se plaindre d'ano-
rexie et de constipation opiniâtre ; puis, ils maigrissent rapide-
118 REVUE DE PAT)tOLO(J)Ë MENTALE.
ment. Le visage pâlit, devient cadavéreux, la peau se ride; les
yeux sont cerclés, les globes oculaires perdent leur éclat, le
regard n'a plus aucune expression. Les membres inférieurs
s'oedérnatient, la démarche devient chancelante. Plus tard, le
catarrhe de l'estomac, les vomissements, les pituites du matin
ne font jamais défaut.
II. Tout aussi importantes sont les altération * des sécrétions.
L'urine contient, dans les cas accentués, de l'albumine et
même du sucre. (Krage et Levinstein ont signalé ce fait chez
des chiens morphinisés.) On observe presque toujours chez
les femmes la cessation des règles et l'apparition des pertes
blanches, et chez l'homme l'absence des spermatozoïdes et
l'impuissance. La sécrétion sudorale est aussi profondément
troublée : les malades sont souvent baignés d'une sueur vis-
queuse, qui les oblige à changer de linge plusieurs fois par
jour.
III. Des troubles vaso-moteurs s'ajoutent aux précédents : le
pouls est ralenti, petit, souvent filiforme et irrégulier. - Plus
tard survient de l'angoisse précordiale : des crises douloureuses
éclatent, caractérisées par une sensation particulière de cons-
triction épigastrique et par de violentes palpitations; elles dé-
butent ordinairement par une douleur que le malade compare
à un coup de couteau dans le coeur.
IV. Les troubles de la motilité sont observés sans exception.
Ce sont de l'affaiblissement musculaire, du tremblement de la
langue et des mains, quelquefois môme de l'incoordination des
membres inférieurs. Les paralysies véritables manquent habi-
tuellement, et n'ont guère été observées que pour l'appareil de
la vision ; c'est ainsi qu'on a pu constater la parésie des mus-
cles de l'oeil (diplopie), et du muscle ciliaire (troubles de l'ac-
commodation) ; d'autre part, l'immobilité de la pupille et le
myosis sont caractéristiques.La vessie est contracturée, sou-
vent aussi paralysée, et il ya dysurie, rétention d'urine. -Les
réflexes cutanés sont augmentés, et les réflexes tendineux di-
minués ou même abolis; cet antagonisme entre les deux ordres
de réllexes est très net aux membres inférieurs, absolument
comme dans le tabes classique.
V. Du côté de la sensibilité, on observe les troubles les plus
variés, tels qu'engourdissements, fourmillements, démangeai-
sons, etc. ; et en même temps les malades souffrent de névral-
gies diverses, intercostales, viscérales.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. <j9
VI. Dans la sphère sensorielle, on a observé à plusieurs re-
prises l'amblyopie morphinique, des modifications du goût (sa-
veur amère des aliments), et plus rarement des troubles de
l'ouïe et de l'odorat (bourdonnements d'oreilles, odeur de cha-
rogne).
VII. Les symptômes cérébraux et psychiques sont très impor-
tants. Les plus constants sont une céphalalgie sourde, particu-
lière, des syncopes, des vertiges, des troubles de la respiration ;
et, dans l'ordre psychique, un changement fréquent du carac-
tère qui devient sombre, morose, timide, un dégoût prononcé
pour le travail, une indifférence qui va jusqu'à l'apathie com-
plète, et par dessus tout la disparition de toute énergie, de
toute volonté. La mémoire qui réagit encore promptement et
fidèlement dans les cas récents, s'affaiblit à la longue. Les
perceptions sont singulièrement ralenties. Les hallucinations
de la vue sont rares.
Ces troubles somatiques et psychiques conduisent fréquem-
ment les malades au dégoût de la vie et à des tentatives de suicide.
En dehors de ces symptômes, surviennent souvent, dans la
période ultime du morphinisme, des accès de fièvre qui mé-
ritent une mention spéciale : ils revêtent la forme intermit-
tente et sont caractérisés par des stades habituels de frisson,
de chaleur et de sueur. La température atteint de 38° à 'i.0°; la
rate est augmentée de volume. Le type tierce est le plus
fréquent; mais, parfois, l'intermittence est irrégulière. Au pa-
roxysme de la fièvre, survient souvent du délire. Parfois on
n'observe aucune intermittence, et la fièvre revêt l'apparence
d'une lièvre typhoïde ; les malades ont de la céphalalgie, des
bourdonnements d'oreilles, des vertiges, de la prostration ; ils
sont obligés de garderie lit plusieurs semaines (forme typhoïde
de Levinstein).
Le diagnostic ne présente ordinairement aucune difficulté,
bien que la séméiotique du tabes, surtout quand il n'existe pas
encore d'incoordination, soit assez semblable à celle du mor-
phinisme; rappelons en effet l'anesthésie, les douleurs fulgu-
rantes, la dysurie, la constipation, l'extinction du réflexe ten-
dineux, les vertiges. Mais c'est avec l'alcoolisme chronique que
le morphinisme a le plus de ressemblance et même d'analogie;
toutefois l'examen minutieux des circonstances étiologiques
établira facilement le diagnostic.
La marche est essentiellement chronique et fatalement pro-
100 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
gressive, les malades augmentant chaque jour la dose de mor-
phine pour obtenir les mêmes effets; ils tombent alors dans un
état cachectique qui les mène plus ou moins vite à la mort.
Les récidives sont fréquentes : un malheureux atteint de mor-
phinisme entre à l'hôpital; il est privé de morphine, il guérit,
et il sort jurant de considérer la seringue de Pravaz comme
un lYol ne ta7ge·e; mais, au plus prochain accès doulou-
reux, sa force de résistance est vaincue, et il a de nouveau re-
cours aux injections. Levinstein a compté soixante et une réci-
dives sur quatre-vingt-deux cas, dont trente-deux chez des
médecins.
Comme étiologie, il faut signaler d'abord l'existence d'une
affection douloureuse qui a nécessité l'emploi de la morphine
et qui, calmée d'abord par des doses faibles, ne l'est plus
tard que par des doses de plus en plus fortes, un, et même
deux grammes ! Le sexe masculin, la profession médicale,
pour des raisons faciles à comprendre, sont le plus souvent
atteints.
Le traitement-doit évidemment consister à priver les ma-
lades de morphine et à empêcher les récidives. On a beaucoup
discuté dans ces derniers temps la question de savoir si la
cessation de la morphine devait être brusque (Levinstein et
Boek) ou progressive (Gùntz). A priori, tout parle en faveur
de la cessation brusque; mais voyons les résultats de cette mé-
thode. Les premières heures qui suivent la dernière injection
s'écoulent dans le calme; puis surviennent des frissons, des
bâillements, des éternuements, de la céphalalgie et des névral-
gies pénibles; un peu plus tard, de la diarrhée, des vomisse-
ments, une insomnie persistante. A ces symptômes s'ajoute
une prostration profonde, de la dépression psychique, et une
anorexie complète. On peut réussir à combattre cet état
par des excitants et des analeptiques, parfois par une petite
dose de morphine; mais les symptômes peuvent aussi s'ag-
graver au point d'amener la mort. Ainsi mourut à l'hôpital
de Dresde une couturière, qui, privée de morphine, tomba dans
un collapsus dont on ne put la tirer. Un jeune médecin suc-
comba de même, malgré la précaution prise de lui injecter de
temps en temps une petite quantité de morphine. Au lieu de
ce collapsus redoutable, on peut voir apparaître un délire,
sur lequel Levinstein a le premier attiré l'attention, et qui est
très analogue au delirium tremens : délire, tremblement, in-
REVUE DE P.1TIIOLOGIr MENTALE. 101
somnie, hallucinations, terreur, tels sont les traits habituels '.
Plus rarement, on a vu, à la suppression subite de la mor-
phine, survenir des pneumonies.
Cette méthode n'est donc pas inoffensive. Le morphinisme
étant caractérisé surtout par un état d'épuisement du système
nerveux central, il n'est pas étonnant qu'un moyen qui prive
complètement et brusquement les centres nerveux de leur ir-
ritant accoutumé puisse entraîner les accidents les plus graves.
Il faut ne se faire aucune illusion sur les prétendus avantages
de la suppression brusque, et ne s'attendre nullement à un
résultat réel et durable- si le malade quitte l'hôpital au bout de
huit ou quinze jours; l'affaiblissement de sa volonté rend la
récidive tout aussi sûre que chez l'alcoolique qui, quelques
jours après un accès de delirium tremens, sort de la clinique
soi-disant guéri.
Seul, un traitement de longue durée et systématique et une
surveillance étroite du malade peuvent amener un soulage-
ment durable, et c'est vers ce but que le médecin doit diriger
tous ses efforts. La cessation graduelle doit être uniquement
employée.
Ici, l'auteur expose sa méthode. Elle consiste à substituer à
la morphine de petites doses d'opium, et à diminuer ensuite la
quantité d'opium jusqu'à sa suppression. L'opium unit à l'ac-
tion de la morphine une action tonique et trophique sur les
centres nerveux, et il calme les troubles gastriques. Le patient
reçoit encore un soir son injection accoutumée; puis, le len-
demain, au lieu de morphine on lui fait une injection d'opium
qui représente la moitié ou le tiers de l'alcaloïde habituel. En
même temps, on administre un peu d'extrait thébaïque et de
noix vomique sous forme de pilules qui auront pour avantage
de permettre de cesser un peu plus tôt les injections. On sous-
traira ensuite chaque jour un centigramme à la dose de l'injec-
tion, jusqu'à ce qu'on arrive à une quantité très peu élevée, à
laquelle on se tiendra plus longtemps, avant de la supprimer
elle-même peu à peu. Un régime fortifiant sera prescrit; et
comme les malades éprouvent tout d'abord une répulsion in-
vincible pour la viande, on leur fera prendre du jus de viande
1 11. Bourneville a rapporté dans Y Iconographie photographique de la
Salpêtrière (t. 111, p. 53) on cas très remarquable de morphinisme. Son
traitement a consisté en la diminution progressive de la morphine; en
injections de plus en plus faillies d'atropine; en douches, etc.
102 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
fraîchement exprimé, ou du « fluid méat», dans le potage. Le
premier jour de ce traitement, le malade est abattu; il a des
frissons, des bâillements, des sueurs, et surtout de l'insomnie;
on combattra facilement ces symptômes par l'administration,
le soir, d'un verre d'un vin généreux ou de Sherry. Le matin
on fera des frictions humides à 12° ou 160.
Par ce mode de traitement, l'auteur n'a jamais vu survenir
d'accidents .graves, tels que le collapsus. L'état général s'amé-
liore peu à peu; la langue se nettoie, la fétidité de l'haleine dis-
paraît, l'appétit renaît rapidement; les selles reprennent leur
régularité, le sommeil revient, le tremblement cesse, les pu-
pilles redeviennent normales, la vue s'améliore, la nutrition
enfin s'accomplit d'une manière satisfaisante,
Un point aussi important que la cessation de la morphine
est d'empêcher les récidives. Pour éviter les rechutes, il est
nécessaire, avant tout, de faire subir à la maladie qui avait né-
cessité primitivement l'emploi des injections, un traitement ra-
tionnel et d'essayer delà guérir.
Mais la prophylaxie la plus importante est placée entre les
mains des médecins et des pharmaciens, elle doit consister en
ceci : 1° jamais, en aucun cas, le médecin ne remettra au ma-
lade ou à son entourage ni seringue de Pravaz, ni liquide à
injecter. En faisant une pareille concession à ses clients, un
médecin les condamne à mort; 2° les pharmaciens ne délivre-
ront les solutions de morphine qu'aux médecins.
En face des commandes incessantes de seringues à injec-
tions sous-cutanées qui sont faites par le public aux fabricants
d'instruments deriiiruroie, la presse médicale a le devoir d'aver-
tir le public des suites terribles du morphinisme. L'auteur ré-
sume en terminant l'intéressante observation qui suit :
«Th. L..., trente-huit ans, célibataire, institutrice, mère névro-
pathe et tante hystérique. A vingt-trois ans (t8fi4), à la suite d'émo-
tions violentes, elle perdit le sommeil ; puis, céphalalgie, cardialgies,
et névralgie intercostale gauche. En 1 8 G 9 , après une fièvre typhoïde,
cet état s'aggrava tellement qu'on dut remplacer le traitement
interne par des injections de morphine. Ces injections produisaient
chaque fois un soulagement momentané, sans enrayer le mal. Au
commencement de 187 : i, la malade commença à se les faire elle-
même, et elle arriva rapidement à huit, neuf, dix seringues par jour.
Elle s'injectait par jour en moyenne quarante-cinq centigrammes
d'tlydroclilorate de morphine. Dans le courant de 1877, fort trem-
blement des extrémités, constipation opiniâtre, perte complète de
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 103
l'appétit, vomissements surtout le matin, cessation presque complète
des règles et flueurs blanches abondantes, affaiblissement de la
mémoire, apathie, diplopie, accès de fièvre intermittente. Elle pri
à diverses reprises la résolution de renoncer aux injections de mor-
phine, mais ne put y parvenir. En janvier 1889, elle alla consulter
le D'' Walser, qui me l'adressa.
Voici le résultat de mon examen : taille moyenne, amaigrisse-
ment considérable, état squelettique, aspect cadavéreux. La face
antérieure des deux cuisses est parsemée de nombreuses piqûres
et de petites cicatrices. P. 88, filiforme, lent. T. 38, myosis; langue
très chargée, fétidité de l'haleine; tremhlement de la langue, des
des mains, oscillations des paupières, névralgie intercostale
gauche. Extinction du réflexe tendineux; exagération des ré-
ilexes cutanés; - urines troubles, sédimenteuses, albumine appré-
ciable.
La malade reçut le soir même pour la dernière fois l'injection
habituelle. Le lendemain, 30 janvier, au lieu de la dose ordinaire
(quarante-cinq centigrammes) de morphine, on lui injecta à deux
heures de l'après-midi neuf centigrammes d'extrait aqueux d'o-
pium ; plus Lard, elle prit six pilules contenant chacune un centi-
gramme du même extrait; le soir, un verre de sherry. Puis, tous
les malins, frictions de '12° à 16°. Comme régime, du jus de viande,
des oeufs du vin; et, contre la névralgie intercostale, application
des courants constants.
Chacun des jours suivants, on injecta un centigramme d'o-
pium de moins jusqu'à ce qu'au 4 février la dose fut réduite à
quatre centigrammes; elle fut maintenue telle jusqu'au 20. Ace
jour, les règles qui avaient cessé depuis l'automne de 1877, réap-
parurent sans douleur. Le 20 février on injecta trois centigrammes,
et la malade prit quatre pilules; le 22 février, elle reçut une injec-
tion de un centigramme et trois pilules en tout quatre centigram-
mes d'extrait d'opium, c'est-à-dire quatre milligrammes. de mor-
phine. Depuis le 31 janvier, la malade eut par jour trois à quatre
évacuations alvines spontanées. Au 2 février, le myosis avait dis-
paru, et, le 10, il n'y avait plus que des traces d'albumine dans l'u-
rine. La patiente jouit aujourd'hui d'un bon appétit; sa langue
est tout à fait nettoyée, le tremblement a cessé. Les pupilles sont
moyennement dilatées et réagissent bien sous l'influence de la lu-
mière; la névralgie intercostale s'est dissipée, le réflexe tendineux
a reparu des deux côtés du corps, et l'état physique et psychique
s'est considérablement amélioré. »
L'auteur ajoute comme complément de son observation que
la malade ne prend plus depuis le 10r mars que trois centigram-
mes d'extrait d'opium, et qu'elle a engraissé de 3,700 grammes
du 30 janvier au 12 mars.
lot REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Elle n'a pris en secret aucune dose de morphine, ainsi quel'a
révélé l'examen des urines, qui a été fait depuis le mars, dans
le laboratoire du professeur Hoffmann, à l'aide du réactif de
Frôhde (solution de dix milligrammes de molybdate de sodium
dans dix centimètres cubes d'acide sulfurique pur concentré).
L'énergie de ce réactif est telle qu'il peut mettre en évidence
jusqu'à cinq dix-millièmes de grammes de morphine.
CII. MAYGRJER.
VI. Education des IDIOTS; par le D1' C.-H.-S. de
Meriden (Connecticut). (A)He ? '<cfM ! meect/ fri-hebdomadaire,
juin 1881.)
De même que le D' Berlin, il arrive aux conclusions suivantes
en ce qui concerne l'éducation des idiots : il les idiots et les
imbéciles doivent être traités d'une façon différente et séparé-
ment des autres malades; 2,° il n'y a aucun avantage à les pla-
cer dans les écoles avec les autres enfants; 3° il ne faut pas
les enfermer avec les fous dans les asiles; 4° on ne doit pas
les incarcérer dans les maisons de correction; 5° on ne les
réunira pas aux pauvres pensionnaires des maisons de charité ;
G0 dans la grande majorité des cas, le traitement sera beau-
coup meilleur s'il est bien organisé et fait à domicile. Toutes
ces conditions, sauf la dernière, paraissent bien fondées.
Il est en effet fort difficile, sauf pour les enfants riches, d'or-
ganiser à domicile un traitement et un enseignement conve-
nables.
VII. Aliénation mentale chez UN sujet atteint d'anémie et
DE cachexie palustres ; par ? IfI11L1S Mickle. ( ? a6'7/0-
ner, novembre 1881, p. 338.) z
Cas curieux d'aliénation mentale, chez un sujet qui ne
présentait ni antécédents personnels ou héréditaires, ni cause
prédisposante quelconque : quelque temps après le dernier
accès palustre, le malade devient incohérent et violent, sans
que l'on puisse toutefois constater chez lui ni hallucinations,
ni illusions ; pendant un certain temps il a été gâteux. En
même temps, on voit apparaître des signes d'anémie et de
revue de pathologie mentale. 105
cachexie avancées ; teinte jaune sale de la peau, oedème très
marqué des extrémités inférieures, troubles cardiaques, alté-
ration des globules sanguins, etc. Cet état physique et mental
dont le début remonte à environ six mois, n'a pas cessé de
s'aggraver d'une façon progressive. Le traitement par l'arsenic
ayant complètement échoué, le sulfate de quinine est admi-
nistré à la dose de 1 gramme environ par vingt-quatre heures,
et en deux jours on obtient une amélioration appréciable. Au
bout de cinquante jours de traitement quinique et martial, le
malade est presque guéri ; on suspend la quinine, et on main-
tient le fer (on avait graduellement abaissé la dose de quinine) ;
un mois après, quelques symptômes palustres ayant reparu,
on a de nouveau recours au sulfate de quinine, et six semaines
après, le malade sort parfaitement guéri, tant au point de vue
physique qu'au point de vue mental. R. de M.-C.
VIII. De l'influence des maladies aiguës sur la genèse des
maladies mentales ; par Emile KPGEPELIN. (f1 TCIt. f. Psych.
u. Il érvecalc., t. I, 2 et 3)'. 1.
B. Rhumatisme articulaire aigu. L'appréciation générale
des diverses opinions classiques dont l'auteur fait précéder ce
chapitre nous ramène, à peu de chose près, aux généralités
qui inaugurent le mémoire. M. Kroepelin se rattache pour cer-
tains cas à l'influence de la prédisposition individuelle ; pour
d'autres, à l'action de l'hyperthermie (directe ou chimique). Les
théories de la métastase, de la propagation inflammatoire, de
la dyscrasie hématochimique, doivent à son sens céder le pas
à l'étude des ferments infectieux. Le rôle psycliopathique des
complications disparait devant l'anémie, conséquence de la
dystrophie rhumatismale. Les variations énormes de la fré-
quence des psychoses en question, selon les diverses statis-
tiques (0,07 à 12, 3 p. 100), seraient favorables a l'interpréta-
tion spécifique de leur nature (transformation du génie
morbide). Un relevé de cent quatre-vingt-dix faits a fourni à
M. K... : Sexe : 1L, fil, 3 p. 100 ; F., 38, 7 p. 100 ; - âge : .-
moins de trente ans, G8 p. 100; prédisposition, constitution
nerveuse, anémie, puerpéralué, 31,5 p. 100; influences cn2c-
sales quelconques, 72 p. 100.
1 Voir Archifct de Neurologie, t. il. p. 203,
106 revue de pathologie mentale.
Aux termes des indications, ni l'alcoolisme, ni l'intensité
du rhumatisme, ni l'hérédité ne mériteraient les anathèmes
lancés contre eux,. tandis que l'importance des compli-
cations cardiaques serait représentée par la proportion de
57,3 p. 100. -
La classification repose également, ici, sur la phase de la
maladie à laquelle les vésanies se montrent.
I. Celles de l'acmé fébrile, les plus fréquentes, contribuent
aussi pour la plus forte part à la mortalité d'ensemble causée
par les complications mentales du rhumatisme (69 à 70 p. 100).
Atteignant surtout les hommes (55 hommes sur 95 cas), elles
sont anatomiquement constituées par l'hypérémie des centres,
ou la méningite. Celle-ci est, soit purulente (18 observations
de ce genre), et dérive alors de foyers pyémiques abarticulaires,
soit embolique d'origine cardiaque, soit vasculofibrineuse, et
mérite alors le nom de méningite rhumatismale vraie (10 obser-
vations à l'appui). Il n'y aurait d'ailleurs aucun signe clinique
différentiel entre ces formes nécroscopiques, l'ophthalmoscope
lui-même étant impuissant à déceler autre chose qu'une con-
gestion papillaire variable (Schreiber), même en ce qui con-
cerne la méningite rhumatismale proprement dite. Une agita-
. tion violente durant quelques heures pour faire place au
collapsus, tel en est le tableau habituel à la deuxième semaine
du rhumatisme, en l'absence de complications cardiaques.
Voici, au surplus, le résumé synoptique des distinctions
d'ordres divers établies par 11t. ICroepelin dans cette caté-
gorie.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 107
108 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
par le rhumatisme. Leur développement est évidemment
favorisé par toutes les causes d'adynamie (excès, etc.) que l'on
observe chez 30 p. JUO des malades, y compris les complica-
tions cardiaques graves (Il p. 100). Age toujours le même,
sexe indifférent. Durant-les unes moins, les autres plus de
quatre semaines , ce sont elles qui représentent l'aliénation
vraie. Leur symptomatologie polymorphe permet toutefois la
systématisation suivante :
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 109
en rapport avec les récidives du rhumatisme. Quant aux ma-
nifestations choréiformes, elles ne seraient pas spéciales aux
psychoses, d'autant qu'il est fréquent de voir les deux syn-
dromes évoluer différemment.
C. Pneumonie. La collation des statistiques des auteurs
prouve la fréquence des psychoses dans cette maladie. Les
cent cinquante cas réunis par M. K... ont trait à 83,8 p. 100
du sexe masculin ; 52,6 d'un âge inférieur à trente ans. Le
mésusage de l'alcool y joue un grand rôle. Marche très prompte.
Pronostic relativement favorable.
I. Cent sept cas appartiennent à la période fébrile. L'alcoo-
lisme étant établi comme terrain primigène, c'est à l'hyperther-
mie, qui dans 60 p. <00 dépasse 4n°, qu'il faut en attribuer le
développement. C'est pour cotte raison qu'on y note alors si
.fréquemment des pneumonies du sommet et que l'évolution,
suivant la marche de la température, ne dépasse pas quelques
jours. La mort ne se montre que dans 29 p. 100. La sympto-
matologie comporte deux catégories de types. Les premiers, en
majorité, ne dépassent pas l'ascension pyretiquo : ils se mon-
trent du quatrième au sixième jour de la pneumonie avec
l'élévation thermométrique de plus de 40°, par une agitation
nocturne dégénérant bientôt en un délire confus, calme, entre-
coupé parfois d'accès de manie ; les accidents marchent paral-
lèlement avec les ascensions et descentes, vespérales et mati-
nales, duthermomètre, lacontinuité échéante de l'hyperthermie
supprimant les rémissions psychiques. Mortalité 35,4 p. 100,
concernant principalement des buveurs : congestion méningo-
corticale. Le diagnostic repose sur la recherche des signes de la
pneumonie, l'examen thermométrique; la différenciation d'avec
ledélirium tremens n'est possible que pour lesformes accentuées,
la parenté étant si intime, que celui-ci leur succède souvent im-
médiatement. La seconde série d'observations (28) concerne les
accidents psychiques qui se proloii-en jusqu'à la convalescence;
l'hérédité et l'excitabilité nerveuse interviennent déjà dans l'étio-
logie. Ce sont, ou bien les formes du premier groupe, mais aux
derniers jours delà pneumonie, lors de la chute de la fièvre : 38°
à 39°, engendrés momentanément par la faiblesse du coeur
(hypérémie stasique des centres nerveux); ou bien du délire
avec agitation, soit mélancolique (angoisses, persécutions, vio-
lences), soit euphorique (mégalomanie exaltée, expansion
110 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
joyeuse exultante), soit circulaire, produit et entretenu par des
hallucinations visuelles auditives, tactiles, qui, apparu au qua-
trième ou cinquième jour de l'affection pulmonaire, se prolonge
des semaines, des mois après la maladie. Toutes bénignes, ces
psychopathies exigent la thérapeutique précédemment nom-
mée et la proscription absolue des actions antiphlogistiques
exagérées.
II. L'épuisement nerveux qui résulte de l'hyperthermie pneu-
monique entraine, comme à la suite de toute autre pyrexie,
des accidents cérébraux de nature asthénique au moment de la
convalescence chez des sujets prédisposés par l'hérédité
(60 p. 100), l'anémie, l'irritabilité du système nerveux. Aussi
les voit-on sévir au delà de trente ans, revêtant, quelque masque
clinique qu'ils assument, et ils les adoptent tous, une extrême
acuité, en même temps qu'apparaissent les signes de l'épuise-
ment somatique : T. 37° ou 36°,9; P. 60. Durée : générale-
ment moins de huit jours ; guérison rapide, grâce au rétablis-
sement de l'équilibre circulatoire par les reconstituants.
Pleurésie Bien moins aiguë que la pneumonie, cette ma-
ladie, qui d'ailleurs l'accompagne souvent, donne lieu bien
plus rarement à des troubles psychiques. M. Kroepelin n'a pu
en relever que huit cas dans lesquels l'hérédité exerçait une
influence indéniable. Ceux de la période fébrile, d'une durée de
quatre, douze jours à deux mois, seraient rattachables à la
lièvre ; légers ou graves selon le processus anatomique (hypé-
rémie ou inflammation'cérébroméningée), ils se présentent
sous la forme de la mélancolie anxieuse. Tel est aussi l'aspect
clinique de ceux de la convalescence en rapport avec l'anémie;
durée longue (un an et davantage), généralement guérison.
Coqueluche. Il s'agit de trois observations de Ferber concer-
nant deux filles et un garçon en proie à la mauvaise humeur,
à la crainte, à la sitophobie. Mort d'une des filles. Le garçon,
entaché d'hérédité, guérit au bout de quelques semaines. La
pathogénie échappe complètement.
D. Exanthèmes aigus et érysipèle. 1 Variole. Quelle que
soit la part réelle ou idéale prise par l'état fébrile, la conges-
tion encéphalique, l'infection du ferment morbide agissant ou
non par décomposition de l'albumine dans les pustules (Emmin-
ghaus), à la genèse des phénomènes nerveux, c'est encore à la
distinction clinique qu'il convient d'avoir recours alors que les
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 111 I
modalités du délire dépendent de la diversité des stades de
l'exanthème fébrile, et peuvent toutes être rattachées à l'exis-
tence de l'hyperthermie (stade initial et période de suppura-
tion) ou de l'asthénie (phase d'éruption et période terminale).
De là le maintien des deux catégories préalablement établies.
LesMyeA(MM/ë ? <M, relevant surtout de l'hyperthermie,
se montrent principalement pendant le stade initial c'est-à-dire
du troisième au cinquième jour de la maladie; leur évolution
dépend delà variabilité de l'ascension thermique : c'est ce qui
explique que dans plus de la moitié des cas elles se prolongent
sans interruption jusque pendant la suppuration ou môme
pendant la convalescence mais aussi en diminuant de violence.
Elles sont constituées par de la mélancolie avec agitation,
excitation psychique, confusion et précipitation dans les idées.
Durant en'moyenne moins d'une semaine, rarement plus d'une
année (hérédité, influences individuelles) elles admettent un
pronostic très favorable et la guérison. Le diagnostic ne peut
avoir à s'exercer que lorsque le délire précède l'invasion vario-
lique ; le thermomètre et la constitution épidémique jugent du
cas avant qu'il ne soit bien caractérisé. La vaccination, les
antipyrétiques locaux et les calmants, tel sera le traitement.
Les psychoses asthéniques se développent : les unes, avec la
chute,de la T. entre la période d'éruption et la fièvre de suppu-
ration ; les autres pendant la desquamation. Les premières,
caractérisées par un délire hallucinatoire (ouïe et vue) calme,
à part les crises occasionnées par la nature désagréable de
l'hallucination, seraient en rapport avec la théorie toxhémique
d'Emminghaus ; M. Kroepelin fait remarquer à ce propos qu'il
serait plus logique d'admettre une action zymotique se produi-
sant, dès les premiers jours, directement sur le système ner-
veux central. D'où cette conclusion d'avoir à réserver pareille
pathogénie pour les délires du début, et d'admettre plutôt dans
l'espèce un épuisement aigu du système nerveux succédant à
l'oscillation thermique considérable, ainsi qu'à la déperdition
séreuse centrale (pustulation périphérique). En effet, fréquentes
dans les varioles graves, confluentes, ces psychoses se montrent
du quatrième au cinquième jour plus ou moins tôt selon que
la T. s'abaisse plus ou moins vite, ne durent pas plus de trois
jours, excepté quand elles fusionnent avec les accidents céré-
braux de la suppuration (25 p. 100 des faits sur vingt observa-
tions) et sont mortelles dans le quart des cas. Les deux autop-
11 -) REVUE t) ! ! PATHOLOGIE MENTALE.
sies relevées ne jettent aucune lumière sur la nature des lésions
encéphaliques. L'hypothermie indique et le genre de la vésanie
et le traitement à mettre en oeuvre : fortifiants, opiacés. Les
psychoses asllaérziques de la desquamation se rapprochent bien
plus de l'aliénation mentale vraie ; elles en ont la lenteur gra-
duelle d'évolution, et la profondeur d'implantation. Répondant
à l'entité mélancolie anxieuse greffée sur des idées délirantes
dépressives avec hallucinations, accès d'agitation, tentatives de
suicide et sitophobie, elles commencent au début de la troi-
sième semaine par de l'insomnie ou une crise de manie, après
la fièvre de suppuration, pour se prolonger de un mois à un
an. Sur huit observations, cinq malades ont guéri; trois, au
bout de trois semaines à sept mois, sont simplement améliorés.
Toniques; fortifiants, nutritifs. Elles appartiennent assez sou-
vent à une variole très grave ayant déjà fourni un délire fébrile.
2° Scarlatine. Cette fièvre éruptive serait la cause essentielle
et non pas l'occasion des troubles nerveux, puisque \\ p. 100
des patients avaient une scarlatine grave à hyperthennie
excessive. Elle agirait ainsi particulièrement sur les adultes,
car 42 p. 100 des individus observés avaient dépassé l'âge de
vingt-cinq ans. Les psychoses fébriles y revêtent deux formes,
celle du collapsus succédant à une agitation initiale de courte
durée ou de la lypémamie avec excitation et obnubilation psy-
chique, hallucinations désagréables (angoisse, agitation, vio-
lences). L'exagération de l'ascension thermique et sa prompti-
tude (41°, 4) et la malignité de l'intoxication (cas foudroyants
de collapsus), voire la complication albuminuro-urémique (ici
pas d'hallucination, guérison) en sont les facteurs. Début du
quatrième au cinquième jour. Evolution en peu de jours. Deux
morts seulement sur seize cas : autopsie négative (infection).
Le diagnostic facile de l'urémie comporte le traitement que
l'on sait; sinon thérapeutique antiphlogistique et symptoma-
tiquo. Les vésanies de la convalescence groupées par Thomas
sous le nom de délire nerveux, résultat de l'épuisement, concer-
nent également un délire lypémaniaque confus à idées chan-
geantes, rarement exaltées, accompagné d'hallucinations. 11
apparaît du neuvième au onzième jour pendant la desquama-
tion : durée ordinaire, une semaine. Pronostic absolument
favorable.
3° Rougeole. Très rares, les troubles psychiques s'y mon-
trent pendant lej eune àge (faible résistancedii système nerveux).
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 113
Ceux qui accompagnent la fièvre se bornent, au moment de
l'acmé thermique, à de l'agitation, de l'insomnie, un léger
délire. Quand l'hyperthermie reste médiocre, c'est que l'infec-
tion agit seule. Les accidents prononcés devraient toujours
être rattachés à une atteinte cérébro-méningée. Marche courte;
pronostic favorable. Quatre cas concernent l'asthénie, ayant
tous guéri; ils ont trait à un délire furieux avec hallucinations
delà vue et de l'ouïe chez une fillette de treizeans; -à de l'agi-
tation avec mélancolie confuse chez une petite fille de huit ans ;
à de la manie confuse avec violences et sitophobie chez
le si ère de cette malade âgé de six ans (folie à deux); enfin
à un délire hallucinatoire chez un homme de vingt-sept ans. -
4° ? </9e/c. Il ne donne lieu a des manifestations psychi-
ques que lorsqu'il occupe ou envahit la tête et se transporte sur
l'aponévrose épicrànienne. C'est bien la localisation céphalique
(troubles de circulation) et l'hyperthermie, jointe à l'action
zymotique en certaines épidémies, qui engendrent un délire
furieux, une agitation extrêmement violente, pendant la fièvre
ainsi qu'en font foi deux autopsies : taches rosées dans l'écorce
du cerveau et obstructions emboliques des sinus. Dans les cas
favorables, les accidents cessent avec l'état fébrile, à moins
qu'une prédisposition ne les prolonge, transformés, jusque
pendant la convalescence. La même cause, du reste, paraît
donner la raison du délire asthénique qui peut se montrer à
celte seule période. En cette double occurrence, on a affaire à
une exaltation mentale caractérisée par de la mégalomanie,
de la loquacité incohérente, de l'insomnie, des hallucinations
de la vue et de l'ouïe gaies, rarement à de la mélancolie
anxieuse ou stupide. M. Kroepelin signale, chez une jeune fille
de vingt-deux ans, une espèce de démence à forme d'imbé-
cillité succédant pendant la convalescence à un délire gai
de la période fébrile. Durée habituelle : une semaine. Gué-
rison.
E. Fièvre typhoïde. C'est la maladie aiguë par excellence
du délire et des troubles psychiques. La division comporte les
manifestations du stade prodromique et des premiers jours
rassemblées sous le nom de délires initiaux : comme ils se mon-
trent avant l'hyperfhermieet les anomalies de circulation, ils
doivent être rattachés uniquement à la toxhémie typhique
(dyscrasie hématique), ainsi qu'à l'action directe du poison
sur le tissu nerveux. Ils affectent d'ime manière générale la
8
11 le '< REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
forme de la mélancolie active : ressemblant à certains types
de fièvre intermittente larvée ou au début d'une psychose
ordinaire, ils précèdent d'un peu ou de quelques jours l'évolu-
tion thermique classique, pour persister ordinairement jusqu'à
la convalescence. Sous le nom de psychoses fébriles, il convien-
drait de rassembler d'abord les délires de lapreniière semaine,
plus ou moins semblables aux délires initiaux (formes de pas-
sage) ; puis ceux de la période d'état de l'affection : c'est alors
qu'interviennent progressivementles éléments pathogénétiques :
fièvre, hyperthermie, troubles circulatoires, dégénérescences
parenchymateuses, consomption du tissu nerveux, complica-
tions agissant immédiatement ou médiatement sur le cerveau.
A ces psychopathies doit être réservée, toutes choses égales
d'ailleurs, la dénomination de manie; mais c'est une manie
polymorphe, protéique, combinée à des phénomènes d'excita-
tion et de dépression. On en rapprocherait la forme méningi-
tique (excitation cérébrale) de Liebermeister, survenant brus-
quement au cours de la deuxième semaine, en même temps
que la température baisse, accident d'ailleurs passager. L'évo-
lution de toutes ces modalités cliniques ne dépasse pas d'habi-
tude quelques heures à un mois. Un quart des observations
démontre leur prolongation au delà de la convalescence pendant
des mois, voire des années. Le pronostic des psychoses fébriles
est bien plus favorable que celui des délires initiaux. La mor-
talité de ceux-ci étant de 62, 5 p. 100 (infection intense), celle
des délires delà première sema"te n'atteint que 41 p. 100,
tandis qu'il ne meurt que 21,8 p. 100 malades en proie
aux accidents psychiques de la période d'état. Les symp-
tômes défavorables sont : les convulsions et le trismus qui
indiquent toujours l'intensité des processus cérébraux. Les
autopsies pratiquées décèlent del'liypérémiem6111n-o-cérébrale,
de la méningite de la base et de la pachyméningite ; ce sont la
courbe thermique et les manifestations somatiques qui déci-
deront du diagnostic. Les antithermiques, l'hydrothérapie et les
sédatifs habituels seront également mis en oeuvre. Aux psychoses
de la convalescence ou asthéniques appartiennent et les psychoses
des stades terminaux prolongées, et celles qui apparaissent sous
l'influence de l'épuisement général, et de la dénutrition de l'éco-
nomie. L'asthénie survenant chez des individus prédisposésexa-
gère leurs côtés faibles et produit des troubles profonds, voire
irréparables danslanutrition du systèmenerveux central. Aussi,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 115 5
malgré les 71,8 p. 100 de guérisonsde cette sorte de perturba-
tions, la marche est-elle plus longue que pour aucune des
vésanies antérieures : elle va de un mois à un an .et même
davantage en 38 p. 100 des faits. Les entités cliniques obser-
vées se ramènent aux quatre rubriques synthétique suivantes :
1 idées délirantes isolées ou hallucinatoires; - 2° agitations
plus ou moins aiguës; 3° mélancolie calme, parfois stupide
accompagnée d'idées délirantes ; 4° faiblesse mentale. Les
indications ressortissant à la communauté de la cause se résu-
ment à relever les forces, stimuler l'énergie cardiaque; l'amé-
lioration mentale une fois obtenue, on peut essayer de la
gymnastique psychique (Maresch). Quant aux vésanies qui se
manifestent longtemps après l'épuisement du poison typhique,
il en est d'elles comme de toute psychose née sur un terrain
prédisposé ; la fièvre typhoïde a simplement préparé le système
nerveux, elle n'est plus en cause. Les maladies voisines de
la fièvre typhoïde donnent bien plus rarement lieu qu'elle aux
psychopathies. M. Kroepelin en a réuni six exemples relatifs à
la. fièvre récurrente, dont cinq appartenant à la période fébrile
(manie furieuse) et un au stade apyrétique de la seconde reprise
(mégalomanie avec agitation); terminaison favorable.il renvoie
à Panthel, Delasiauve, Holthoff (Coî,7,espo ? deîzzblatt de Erlen-
meyer, XVIII, 8, 1872) pour les cas semblables concernant le
catarrhe gastrique et intestinal aigu.
F. Choléra asiatique. La diffusion et la brièveté dps docu-
ments bibliographiques sur cette question expliquentle peu de
connaissances acquises. Les recherches de M. Kroepelin lui ont
appris l'absence de psychoses pendant le stade prodromique,
leur rareté excessive malgré les troubles circulatoires (stases vei-
neuses) émanant de la déperdition aqueuse rapide delapériode
algide. L'excitabilité et l'insomnie, souvent même la violente
agitation que l'on observe pendant la phase de réaction,
seraient imputables aux congestions en retour (brusque reprise
de la tension normale), bien plus qu'à l'influence du ferment
cholérique. C'est le choléra typhoïde qui brille par la fré-
quence et l'accentuation des perturbations mentales : quelques
jours après l'évolution des premières manifestations somatiques
se développe soudain un délire aigu avec agitation violente,
loquacité, insomnie (observ. personnelles), ouunétatsoporeux,
comateux (observ. des auteurs). L'ignorance où l'on est de la
nature et des causes de cette forme clinique explique
116 G SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'impossibilité d'éclairer la pathogénie de ces psychoses, d'ori-
gine fébrile, congestive ou peut-être urémique. La conva-
lescence ou plutôt les oscillations considérables subies par la
constitution des humeurs chargées de la nutrition, en un mot
la dystrophie cholérique sont responsables des trois types : agi-
tation maniaque aiguë mélancolie avec idées délirantes et
hallucinations stupeur. Durée moyenne, un mois. Guérison.
Hydrothérapie, et, contre les accès épileptiformes, électricité
(van liolsbek).
L'impossibilité de réunir des matériaux sérieux, touchant la
genèse des psychoses par d'autres maladies aiguës, dut forcer
l'auteur à borner làses monographies.il signale la diphthérite
(Lombroso), la métrite et l'oophorite aiguë (Becquet), la péri-
tonite (Krafft-Ebing), la dysenterie (Moussaud), l'angine phleg-
moneuse (Thore, Weber, Chéron), la glossite suppurée (Acten
der Mûnchener IC·ea'szrena7stale), la néphrite, aiguë, l'ictère
grave, la pyémie, la puerpéralité et la lactation '. P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ AIÉDICO-PSYCOLOGIQUE
Séance du 27 mars 1882. PnÉSJDENCË de 11. D.LLY.
M. Motet, qui a entre les mains un projet de loi sur les aliénés
présenté au parlement italien, en développe devant la Société les
principales dispositions.
M. Billod. A mon dernier voyage à Rome, M. Depretis m'a mis
au courant de ce projet, et m'a fait l'honneur de me demander
mon avis sur certains points incomplets.
1 Voir Archives de Neurologie, t. I, p. 604.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 117 Î
M. Voisin. A l'occasion du malade de M. Bail présenté à notre der-
nièrerénnion comme atteint d'hallucination unilatérale consécu-
tive à une lésion de l'oreille, je tiens à faire remarquer que ces
faits ne sont pas nouveaux. J'ai déjà publié en 1868 des observations
analogues.
Prix Belhûm ? ne. M. LFGR.IND du SAULLE annonce à la Société
qu'il vientde recevoir de la famille Belliomme un titre de rente de
trois cents francs destiné à récompenser le meilleur travail présenté
à un concours dont les conditions seront réglées ultérieurement.
Auscultation des parois du crâne. M. P. M.\n41s'(de Tours) lit
une note sur un mémoire du docteur Roberto-Adriani. médecin
directeur du Manicôme de Pérouse. Ce médecin italien, se basant
sur ce fait qu'en appliquant la main sur la tête d'une personne qui
parle on perçoit une vibration, a recherché si certaines maladies
cérébrales ne pourraient pas modifierla transmission desparolesdu
sujet à l'oreille de l'observateur.
De la responsabilité des /'<f : 71/es d'esprit. M. Motet fait une sa-
vante communication sur les débiles héréditaires, sur ces êtres aux
apparences brillantes, facilement accueillis dans le monde qui se
laisse séduire par des dehors trompeurs. Quelques aptitudes, une
vaniteuse confiance en soi, suffisent bien souvent à masquer leur
insuffisance la plus complète.
Mais comme ces individus subissent des entraînements les plus
irréfléchis, si le hasard les a servis, ils peuvent avoir dans leur
passé des actions d'éclat qui leur donnent une réputation de cou-
rage, voire même d'héroïsme, que l'on serait malvenu à contester.
Etsi l'on puisaitplus avant dans leurvie, on y trouverait les plus sin-
gulières défaillances, l'instabilité dans l'esprit, le décousu dans les
actes, des lacunes profondes qui pour nous sont significatives. A
l'appui de sa thèse, M. Motet apporte plusieurs observations qu'il a
recueillies avec 11. Blanche. 11 suffit d'en citer une.
X... appartient à une famille dans laquelle on compte plusieurs
cas d'aliénation mentale et d'affections nerveuses. Son père a suc-
combé à une maladie pendant laquelle il a eu la raison profondé-
ment troublée ; un de ses proches parents est mort à la maison de
Charenton; son grand-père, sa grand'mère et une grand'tante,
ainsi qu'une cousine du côté de son père étaient connus par leur
originalité et leurs excentricités et présentaient des désordres du
système nerveux. ,
Dès sa première enfance, on remarqua chez X... des signes non
équivoques de ces mauvaises prédispositions héréditaires, et malgré
les soins affectueux dontil a toujours été l'objet, on n'a pas réussi à
détruire chez lui les effets du vice congénital. A peine âgé de quel-
ques mois, il avait déjà des colères inquiétantes par leur fréquence,
118 SOCIÉTÉS SAVANTES.
leur longueur et leur intensité ; il était dans un état constant de
surexcitation qui altérait sa santé générale, et on ne l'éleva que
grâce à des soins exceptionnels. Il était si délicat et si nerveux
qu'on le garda longtemps dans la maison paternelle et qu'on ne le
mit que très tard au collège :
D'une pétulance et d'une turbulence excessives, d'une intelligence
peu ouverte, incapable d'attention et d'application, il était rebelle
au travail et ne montrait d'aptitude que pour les exercices corpo-
rels. Lorsque la guerre éclata, il avait seize ans et demi ; il était
fort avancé dans ses classes. Sans écouter aucun conseil, il s'enga-
gea ; enfermé dans Paris pendant le siège, il se conduisit bravement.
La guerre terminée, il rentra au collège, reprit ses études, et par-
vint très difficilement à se faire recevoir bachelier.
Depuis il a été successivement auxiliaire au ministère des finan-
ces, attaché à la trésorerie d'Afrique, et enfin commis d'adminis-
tration centrale. Sa conduite dans ces divers emplois semble
avoir été plutôt régulière; mais dans sa vie privée, il a toujours té-
moigné d'une grande inconstance dans ses idées et d'un défaut
d'équilibre dans ses facultés.
Ainsi, nous l'avons déjà dit, X... n'est pas intelligent ; si l'on ne
peut le considérer comme un faible d'esprit, c'est au moins une
tête extrêmement légère; une idée lui traverse le cerveau, si étrange
qu'elle soit, il l'accepte sans réflexion, sans jugement ; ses désirs
sont lout aussi impérieux ; il ne peut leur ^opposer aucune résis-
tance, et ce n'est qu'après les avoir satisfaits qu'il en reconnaît les
dangers, alors qu'il n'y a plus qu'à en regretter les conséquences.
Au collège, il n'a jamais pu se mettre à la discipline, et ni les re-
montrances, ni les punitions, n'avaient d'effet sur son caractère
impétueux et désordonné. Dans sa famille, il a toujours été un sujet
de préoccupations et de soucis; la sollicitude la plus éveillée était
impuissante contre ce qu'on appelait ses coups de tête. Jamais avec
lui une heure de tranquillité et de confiance ; alors qu'il semblait
être le plus calme, il partait, disparaissait, et, lorsqu'au retour on
l'interrogeait, il répondait simplement qu'il ne pouvait s'expliquer
à lui-même ce qu'il avait fait, qu'il avait cédé à un entraînement
irrésistible : au milieu de la conversation la plus paisible, ses yeux
devenaient hagards, ses paroles incohérentes, et il perdait toute
conscience de lui-même. Souvent, pour les motifs les plus futiles, il
avait des colères terribles, proférant des menaces, brisant tout ce
qui lui tombait sous la main. En même temps, et bien qu'il n'ait
jamais eu devant les yeux que les meilleurs exemples, et que son
éducation ait été fondée sur les préceptes de la moralité la plus
scrupuleuse, X... donnait des preuves d'une absence complète de
sens moral, froissait sans s'en douter les sentiments les plus res-
pectables, ne craignant pas, par exemple, de demander à ses pa-
rents des meubles pour une femme avec laquelle il vivait, s'éton-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 119
nantque cette demande ne fût pas accueillie, et ne pouvant com-
prendre qu'on en fût froissé.
Ainsi qu'il arrive souvent, on espéra que le mariage serait un re-
mé3e a ce désordre d'esprit et de conduite, que l'affection d'une
femme dévouée, les devoirs d'abord d'époux, puis de père, contien-
draient cette effervescence et auraient un effet salutaire.
Cet espoir fut déçu. Depuis qu'il est marié, il n'est pas devenu
plus raisonnable; il continue d'être sujet aux mêmes emportements;
le prétexte le plus insignifiant provoque chez lui des colères folles,
il crie, il brise, il menace de se tuer, de se jeter par la fenêtre. Les
facultés affectives ne sont ni modifiées, ni améliorées ; il semble
toujours aussi étranger aux sentiments les plus naturels et les plus
respectables ; il n'a d'autre loi que ses goûts et ses désirs; le mal
aussitôt accompli, il le déplore, il en exprime un grand repentir,
non à la façon d'un homme qui mesure la gravité de sa conduite,
cette notion ne peut pénétrer dans son esprit, mais comme un en-
fant qui a été pris en faute. S'il a sur le moment môme l'intention
sincère de ne pas en commettre de nouvelles, ce bon mouvement
ne dure pas et le souvenir en est probablement effacé. 11 ne peut en
être autrement, parce que X..., quoique arrivé à l'âge adulte, est
encore un enfant, intellectuellement et moralement : il obéit à ses
instincts sans que sa débile raison puisse les contrôler et les répri-
mer ; ses facultés effectives et morales sont oblitérées, il a déjà fait
des actions qui eussent pu avoir pour lui de sérieuses conséquences;
il est légitime de craindre qu'il n'en fasse de plus graves encore;
mais on ne saurait lui en attribuer la responsabilité.
Un jour X... est arrêté au jardin d'acclimatation au moment où il
sortait emportant des oiseaux d'espèce rare qu'il avait tués, comp-
tant les manger avec sa maîtresse, et pendant l'instruction de son
affaire qui avait entraîné un rapport médico-fégaf de M. Blanche,
il se faisait arrêter de nouveau pour un outrage public à la pudeur
commis un soir sous les arcades de la rue de Rivoli.
Chez ce malade l'influence de l'hérédité s'accuse de la manière
la plus évidente, et il n'est pas besoin de faire ressortir l'inconsé-
quence de la conduite d'un homme qui, sous le coup de poursuites
judiciaires pour vol, au lendemain d'une intervention médicale, au
milieu des angoisses de sa famille, se laisse surprendre en flagrant
délit d'outrage public à la pudeur dans l'un des lieux les plus fré-
quentés de Paris.
M. Motet termine sa communication en faisant remarquer que
ces faits, d'une appréciation souvent si délicate, si difficile, ne sau-
raient être jugés sans la connaissance exacte de tout le passé. Il
n'est pas permis de présenter à leur sujet une formule générale,
avec la prétention qu'elle pourra s'appliquer à tous les cas. 11 faut
étudier chaque fait isolément, et, si cela est vrai dans toutes les
expertises médico-légales relatives à la folie, cela est vrai surtout
- SOCIÉTÉS SAVANTES.
dans l'examen des débilités mentales, où chaque individu, tout en
appartenant à un type classique, n'en a pas moins son caractère
propre. Et comme il s'agit là de degrés, quelquefois même de
nuances, c'est en s'entourant des renseignements les plus complets,
en procédant avec la plus prudente réserve, que le médecin don-
nera la solution d'un problème grave intéressant à la fois l'individu
dont la liberté peut être compromise, la société qui a le droit de
se défendre.
Le divorce pour cause d'aliénation mentale. M. B.\ll fait obser-
ver que le divorce, cette question palpitante d'actualité qui pas-
sionne l'opinion publique, s'impose d'elle-même à la discussion de
la Société médico-psychologique, et doit être inscrite d'urgence à
l'une des séances. Deux éminents aliénistes ' ont été invités par la
commission parlementaire a donner leur avis sur la curabilité de
la folie et l'opportunité d'inscrire dans la nouvelle loi, l'aliénation
mentale parmi les causes de divorce. La réponse faite par nos sa-
vants confrères, qui semblent vouloir repousser l'aliénation mentale
comme cause de divorce parce que, parait-il, ils ont vu guérir cer-
taines maladies chroniques sur la guérison desquelles on ne comp-
tait guère, ne laisse pas que de me surprendre un peu. Je me sens
poussé à leur demander s'ils sont eux-mêmes, en principe, parti-
sans déclarés du projet de loi qui va venir en discussion. Car s'ils
le repoussent d'une manière générale, je n'ai rien à ajouter; mais
si, au contraire, ils l'acceptent, je crains qu'ils ne se soient trop
laissé guider par des questions de sentiment. Il ne faut pas, en
1 MM. Charcot, Magnan et Blanche ont en effet été appelés il donner à
la commission parlementaire du divorce leur avis sur différentes ques-
tions laissées à leur appréciation.
Nous croyons savoir que les questions principales qui leur ont été po-
sées peuvent se résumer à peu près ainsi : Quelles sont les formes
mentales dont vous pouvez affirmer la constante incurabilité ?
La paralysie générale, qui par sa fréquence se présentait en première
ligne à l'esprit, a été écartée parce que le conjoint atteint de cette affec-
tion confirmée, serait mort dans la plupart de cas avant la fin des
démarches que nécessiterait la demande de divorce introduite par l'autre
conjoint.
Le délire chronique a été également repoussé par la commission, à
cause de certains cas assez nombreux de guérisons inespérées observées
par M. Magnan dans ces temps derniers.
L'épilepsie n'a pas non plus été acceptée comme cause de divorce,
parce que les futurs conjoints peuvent s'éclairer sur leur santé réciproque
avant le mariage, et, aussi parce que le nombre des épileptiques déjà
mariés est fort considérable.
Si la commission s'est montrée sévère, c'est surtout pour ne pas
surcharger la nouvelle loi et diminuer ainsi les chances de la voir
aboutir.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 121
effet, perdre de vue l'intérêt de la société en général, lequel prime
bien, ou en conviendra, celui des deux conjoints.
Or, si vous refusez la dissolution du mariage pour cause d'a-
liénation mentale, vous allez ainsi favoriser la procréation
d'individus entachés de la tare héréditaire et, partant, la diffusion
des cas de folie. De nos jours on prend pour habitude de concen-
trer à tel point sa sollicitude sur les faibles, qu'il n'en reste plus
pour les forts. Je regrette donc les tendances qui se sont fait jour
jusqu'à ce moment, et j'estime que dès l'instant qu'une occasion
s'offre à nous de réduire l'hérédité morbide, dont personne ne ten-
tera de contester le rôle si considérable, il faut s'empresser de la
saisir et admettre, en conséquence, l'aliénation mentale très nette-
ment caractérisée, au nombre des causes du divorce.
MARCEL 13RIAND.
Séance du 32 mai 1882. Présidence DE M. DILLY.
M. DALLY développe quelques considérations sur l'histoire d'un
homme gaucher, âgé d'une cinquantaine d'années, qui venu d'Amé-
rique à Paris pour se distraire, fut frappé, étant au théâtre, d'une
attaque apoplecliforme que rien ne faisait prévoir. A la suite de ce
choc, il est resté hémiplégique ci gauche, aphasique et agi-aphique avec
conservation assez complète des autres facultés intellectuelles.
Après quelques jours, l'aphasie disparut presque complètement,
mais l'agraphie persista et maintenant encore le malade, qui a re-
conquis le langage oral, est dans l'impossibilité absolue d'écrire son
nom, et de plus, malgré tous ses efforts, il n'est pas encore arrivé à
épeler un seul mot. Aujourd'hui le bras gaucho, autrefois paralysé,
peut lui rendre beaucoup de services, tandis qu'au contraire la
jambe correspondante s'est progressivement contracturée.
M. LuN ! En rapporte un cas à peu près analogue qu'il a observé
chez un chef de bureau bien connu d'une grande administration.
M. Voisin met sous les yeux de la Société une série de planches
représentant des cerveaux d'idiots.
M. Luys montre quelques cerveaux durcis par le procédé ordi-
naire : bichromate de potasse et à la glycérine phéniquée ; son in-
terne, M. Variot, les a recouverts de poudres métalliques de diverses
couleurs qui délimitent très nettement les différentes régions de l'en-
céphale. 111ARCCL 11R11ND.
122 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE 13EHLI-N.
Sé-ince du I o mars 1 88 1 1.
L'ouverture de la séance par M. le président LOEHR comporte des
communication d'ordre administratif. M. DORRENBEIIG occupe le
siège de secrétaire au lieu et place de M. SCIId : FER, empêché par la
maladie.
La première communication d'intérêt scientifique apaartient à
M. R. Schroeter, de Dalldorf. Elle a trait à la nécessité de donner
des congés hors de l'asile aux criminels psychopathes. Ce travail
concerne à la fois les aliénés criminels qui, vu leur état mental,
sont innocents de tout crime, à la fois les criminels aliénés c'est-à-
dire les malfaiteurs devenus fous pendant leur séquestration. Les
renvois auraient pour raisons générales l'encombrement produit par
les versements fréquents qu'opèrent les prisons dans les asiles et
l'organisation des asiles qui est loin de correspondre aux conditions
exigées pour la garde d'individus dangereux ; outre qu'ils dégrève-
raient le budget de l'établissement, voici les considérations humani-
taires et pénales qu'il importe de soupeser. Le licenciement serait
effectué par la direction centrale sous les auspices et indications du
médecin, faisant ou non reprendre le malade par ses parents, absolu-
ment comme les aliénés assez améliorés pour être rendus à titre d'es-
sai à leurs occupations. Quoique se plaçant au point de vue de la
santé, le psychiatre serait en règle avec le § 23 du Code pénal alle-
mandqui ordonne la remise de la peine aux condamnéss'étant bien
conduits pendant les trois quarts du temps de leur châtiment. Dans les
deux cas, il s'agit de fournir aux malheureux l'occasion de reprendre
une profession honorable, sauvegarde ultérieure d'une rechute men-
tale et morale, etsouvent de rendre un père de famille aux siens. Bien
plus, les établissements d'aliénés sont, par la vie de famille qu'on
y rencontre, bien plus propres à préparer le relèvement, le retour à
la vie sociale. D'ailleurs, le théâtre de l'essai sera le voisinage ; l'a-
mélioration suffira toujours pour que, la force morale étant reve-
nue, les conditions soient favorable anx habitudes d'honnêteté et
de raison : car le progrès à réaliser dans les maisons pénitenciaires
oj psychiatriques consiste précisément à ne pas oblitérer, chez les
sujets qui leur sont confiés, le sens de la vie sociale. Pour cher-
1 Voir Archives de Neurologie, t. II, p. 293. Séance du 15 décembre
1880.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 123
cher les indications individuelles qu'il faut interroger avant de
conseiller le congé du criminel aliéné, on doit examiner : 1° le côté
moral de l'individu, 2° l'acte accompli par lui, 3° les formes de la
psychose, 4° le degré d'empire mental qu'il a récupéré. Une longue
observation peut déceler le caractère normal, l'existence d'ano-
malies congénitales ou habituelles, le rapport exact qui lie l'action
à la folie, la fourberie du sujet et le degré de conscience, l'évolu-
tion morbide, la périodicité des manifestations (épilepsie), les im-
pulsions irrésistibles, les hallucinations dans leurs relations avec
l'acte, le poids de l'intelligence et de la volonté dans l'autorépres-
sion du délire, la nature alcoolique des phénomènes, l'état des
habitudes antérieures; tels sont les éléments dont on tiendra
compte avant de permettre le congé en supposant que le stade de
calme maximum de la psychose soit atteint. La récidive d'un
crime n'entraînera pas la détention à perpétuité s'il s'agit d'un
aliéné criminel dont la nocuité a récidivé avec un nouvel accès de
folie; la nature psychopathique étant patente, se montrer circons-
pect à l'avenir mais en étudiant le genre de crime commis, la fa-
çon dont il a été pratiqué, enfin les éléments psychologiques : on
se représentera le danger des hallucinés en proie au délire des
persécutions, des états impulsifs, des phénomènes d'angoisse,
d'une agitation violente périodique sous l'influence ou non de
l'alcoolisme, sans proscrire de la vie commune ceux qui régu-
liers et calmes depuis longtemps, ont l'intelligence affaiblie mais
inoffensive. Les mêmes formules éclairciront la décision du méde-
cin à l'égard des criminels aliénés; mais ici on se souviendra que
la continuation de la peine interrompue attend toujours. Cette dé-
cision aura pour objectif de procurer au malade un champ de tra-
vail ordinaire et de groupe autour de lui toutes les conditions
favorables à sa réhabilitation, tout en ne le perdant pas de vue.
Le moment du traitement qui conviendra au licenciement dépen-
dra de l'ancienneté de l'amélioration et de sa rapidité rapprochées
de la gravité du crime, pour les aliénés criminels. Le § 3 de la loi
oblige les aliénés criminels à une année au moins d'internement
quand on envisage les grandes pénalités. Si l'aliéné ne revenait
pas à l'expiration du congé, la loi aurait la môme action sur lui
que dans le cas de mise en liberté provisoire des gens tarés; seule-
ment généralement cette infraction résulterait chez nos malades
de la crainte qu'ils auraient de perdre une situation acquise en
chômant le temps nécessaire à leur voyage à l'asile, de fausses
idées sur une nouvelle décision possible du directeur à leur égard,
de temporisations imputables à leurs occupations. Aussi importe-t-il
d'engager la responsabilité des parents ou des patrons par des certi-
ficats d'embauchages ; on obtiendrait de la sorte des renseigne-
ments précis sur son malade. Les formalités que l'autorité rem-
plirait se bornant à ce qui a été mentionné plus haut, pour les
121 SOCIÉTÉS SAVANTES.
aliénés criminels ou les criminels aliénés de peu d'importance,
comporteraient, quand le congé devrait atteindre un temps assez
long, un certificat de légitimation délivré par le directeur de l'a-
sile, visé par la police au lieu d'habitation, les cas douteux pour la
mise en liberté à titre d'essai réclamant qu'on avertit directement
les autorités. Les autres criminels aliénés, les aliénés ayant commis
des crimes graves, les récidivistes pourraient rentrer dans la caté-
gorie des individus que l'autorité survente et pour qui elle exige
une demande spéciale d'élargissement de l'asile avant toute déci-
sion. De même la prolongation du congé qui prépare la réintégra-
tion totale dans la société imposerait l'avertissement de l'autorité,
ce fortiori quand celle-ci se réserve une restriction préalable. Le
congé définitif nécessiterait toujours la pose de cette question ù
l'autorité. La demande de grâce est un devoir pour ces malbeu-
reux suffisamment guéris pour gagner leur pain au dehors, mais
désormais impuisants à supporter la peine qu'ils avaient en-
courue.
Usiter pour tous ces malades le même mode de traitement qu'on
emploie vis-à-vis des autres aliénés, substituer la main secourable
de l'aliéniste à celle du geôlier, dispenser le congé sur des éléments
d'appréciation scientifiques qui en indiquent l'étendue, préparer la
rentrée honorable, déraciner ce préjugé que le criminel aliéné est
la combinaison d'un double danger : voilà le but. Pour l'atteindre
et convaincre de l'inanité des craintes, une observation longue,
attentive, spécialisée au côté moral et à l'élément dangereux du
malade, un traitement approprié et l'obligation d'une personne
responsable chargée du libéré sont suffisants. Au travail, et notam-
ment à celui de l'agriculture qui a déjà produit de bons effets, il
faut joindre le travail social par des mi·es en liberté provisoires
accordées de bonne heure. Elles produiront à leur tour un résultat
quand en môme temps que de toutes les causes d'excitation psy-
chique on aura débarrassé l'aliéné vivant en paix des tracasseries
administratives et policières.
L'auteur prie en conséquence l'assemblée de provoquer la nomi-
nation d'une commission chargée d'examiner son projet et parti-'
culièrement : le La question des congés à accorder aux criminels
aliénés pour les cas où le médecin aurait obtenu une transforma-
tiou intégrale des facultés morales sans la guérison complèle de
la psychose ; 2° celle de l'expiation de la peine après l'obtention
de la guérison à l'asile, en tenant compte de la durée du châtiment
et du séjourà l'asile, ainsi que de la nécessité de renvoyer des crimi-
nels aliénés qui, guéris, ne pourraient supporter néanmoins le far-
deau de leur punition ; 3° le mode de contrôle à exercer sur les
criminels aliénés, qu'ils soient en congé ou renvoyés définitive-
ment. '
Il demande que la commission se compose de juristes expéri-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 125
mentes et de médecins aliénistes pratiques qui veuillent bien assu-
rer la mise en oeuvre d'un fonctionnement compatible avec la sé-
curité des citoyens. Userait utile de former unesociété de prévoyance
s'occupant d'aider les malheureux en question à leur sortie, entre
celles qui se proposent isolément cet objectif soit pour les aliénés
soit pour les condamnés.
La discussion extemporanée à laquelle prennent part MM. Ideler,
Loeiir, Jastrowitz, EDEL, Relnhardt décèle une tendance favorable
à de telles conclusions. Mais à raison de l'importance des proposi-
tions émises et de leur nouveauté, pour faciliter d'ailleurs l'exposé
des conceptions contraires qui se sont fait jour au sein de l'assem-
blée, M. le président, d'accord avec la Société, nomme une commis-
sion chargée de formuler nettement les points à traiter dans la pro-
chaine séance. Cette commission se compose de \I11. J.\s'fn0wIT7,
Ideler, MENDEL, SCIInliT6lt, GII\.
Sous le titre de Contribution ci la casccisliyeeedes blessures de l'èwrce
du cerveau, le D Richter communique l'histoire d'un malade et son
autopsie. Il s'agit d'un aliéné offrant des phénomènes de démence
parai} tique tout àfait au début que l'on trouve un jour en proie, pro-
bablement à la suite d'une chute, à toutes les manifestations d'une
affection cérébrale grave. Comme le patient chancelle sans présen-
ter de symptômes de paralysie, on pense .a une de ces hémorrha-
gies qui rappellent les hématomes de la méningo-périencéphalite
chronique diffuse avec complication de méningite. Cinq à six jours
après l'accident, la sensibilité est extrême dans tous les membres et
au tronc : intégrité de la motilité; la tête qui auparavant était agitée
de tremblements par accès demeure immobile. Dilatation pupillaire;
pas de paralysie faciale. Parole précipitée mais obtusion intellec-
tuelle cédant bientôt à la somnolence. Mort dix jours après l'accident.
L'autopsie montre à droite et en avant trois déchirures dure-mé-
riennes. Une triple fracture s'étend : de l'extrémité de l'occipital au
sommet du temporal gauche, du milieu de l'occipital au trou dé-
chiré postérieur droit, et sur le tiers externe de la face antérieure du
rocher droit. Une hémorrhagie a détruit le pied de la troisième
circonvolution frontale, le sommet de la seconde frontale et le
gyrus rectus avec l'olfactif, du côté gauche; il en est de môme du
point de jonction de la frontale et de la pariétale ascendantes à
leur partie inférieure, du pied de la seconde frontale, de la surface
de la première temporale et de la totalité de la troisième temporale
à son bord supérieur. Hémisphère droit indemme.
Un épanchement sanguin occupe le corps calleux vers son tiers
postérieur au voisinage de la voûte à trois piliers. Les dépressions
de la base du crâne sont inondées de sang à gauche. L'existence
d'une suffusion sanguine dans l'aponévrose épicrânienne à la région
postérieure gauche prouve que le malade a reçu le choc sur l'occiput
126 S,OCIRTES SAVANTES.
de ce côté; de là les trois fractures et, la pression s'effectuant vers
les régions antérieures droites, les déchirures artérielles dans les
circonvolutions du côté gauche et sur une petite zone du côté droit,
accompagnées des dilacérationsde la dure-mère opposées. M. Rich-
ter explique l'absence d'aphasie malgré la lésion classique par
la conservation de la paroi externe de la troisième frontale, de
celle qui forme la limite de la branche ascendante de la scissure
de Sylvius; il rapproche de la destruction des circonvolutions tem-
porales du côté gauche la difficulté que le malade avait à fixer les
sons pour comprendre ce qu'on lui disait (aphasie sensorielle de
Wernicke), tandis que les altérations des circonvolutions motrices
à l'extrémité du sillon de Rolando ne furent pas suffisantes pour
produire la paralysie du facial et de l'hypoglosse. Le tremble-
ment de la tête serait dû, pour l'auteur, à l'excitation d'un récur-
rent par le processus encéphalique du côté gauche.
Discussion.
M Jastrowitz, prenant en considération les lésions des circonvolu-
tions temporales, inclinerait, si les résultats cliniques n'y contredi-
saient pas, à penser à un trouble dans la réception des sensations
sonores ; sur l'assertion de M. Richter que le malade, incapable de
répondre aux questions, ne réagissait que très peu, il croit que le
tableau symptomatique est impuissant à décider si l'aphasie fut
ataxique ou sensorielle.
Pour M. Schrôter la perception encore partielle au début dispa-
rut plus tard. M. Jastrowitz explique la confusion des phénomènes
malgré l'étendue des lésions par la conservation d'un certain
nombre d'éléments au milieu des extravasats. La modification et
l'incertitude des symptômes excluent toute conclusion.
M. Reinhardt, vu l'athéromasie des artères cérébrales, pense qu'une
série de poussées exsudatives ont succédé au premier épanchement
sanguin jetant le désarroi dans la symptomatologie, tandis que
M. Richter attribue les modifications séméiologiques à l'ascension
fébrile. Du reste, ajoute ce dernier, sur une question de M. Loelir,
la coloration était partout homogène excepté au pourtour de l'artère
sylvienne où l'on trouvait un début de suppuration et de décolora-
tion.
Une seconde communication du Dr RICHTER concerne un cas de
périencéphalite purulente consécutive à une infection septique. Le pa-
ralysé général dont il s'agit, arrivé à la période de démence, subit
pour une arthrite fongueuse une double désarticulation du pouce
droit et du petit orteil gauche. Il meurtau bout de quatre jours après
élévation thermique de 40° ; 40°,4; 43°, I . On trouve à l'autopsie une
leptoméningite purulente englobant lamoitié antérieure de l'écorce.
Absence d'autre foyer en aucune région du corps. M. Richter est
d'avis dans l'espèce que l'affection mentale, si elle peut retarder la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 137
guérison des plaies, n'a rien à voir avec la septicémie laquelle pé-
nètre l'organisme sous la forme d'un contagium vivum d'origine
extérieure. La sélection du foyer pour ce cerveau déjà enflammé
est loin d'être la iènle, témoin doux autres cas décrits par lui dans
lesquels des paralysés généraux infectés par la résorption septique
virent leur processus eucéphatitique s'améliorer nonobstant, té-
moin chez ce dernier aliéné les accidents du décubitus avec fièvre,
sans que la périeticéplialite prenne la marche aiguë : ces différen-
ces doivent tenir et à la malignité du principe infectieux et au
caractère de l'inflammation cérébrale chez tel ou tel individu.
L'auteur rappelle à ce propos le travail de M. Stenger, celui-ci
recommandant non de pratiquerdes frictions médicamenteuses sur
le crâne des paralytiques curables, mais d'exercer une dérivation
sur leurs extrémités inférieures par des avivements. Les deux der-
nières observations recueillies ici témoignent de la valeur du bien
fondé d'une telle méthode.
Avant de lever la séance, l'assemblée fixe comme date de sa
prochaine session le 15 juin de la même année. (Allg. Zeilsch.
f. l'sych. ii. psych. gerichtl. Medic, XXXVI11, 2 et 3.)
P. KEIIAVAL.
Séance du 5 5 juin 188 1.
A la suite des communications administratives de M. Loelir, pré-
sident, M. Schroeter vient soumettre à l'appréciation de la Société
quatre des conclusions adoptées par la commission dont il est le
rapporteur, relativement au Renvoi provisoire ou df ? t<t/'t<e6'cnmt-
nels et délinquants aliénés (Voir la séance du 15 mars dernier). La
discussion, à laquelle prennent part1111. Zinn et GuLtstadL,eilliallie
des modifications dans la rédaction des divers paragraphes exa-
minés. On s'arrête en définitive au texte des trois propositions
suivantes :
10 Les criminels et délinquants aliénés qui se trouvent dans les
asiles doivent être soumis, quand il s'agit de leur accorder un
congé temporaire ou définitif, aux mômes mesures que tout autre
psychopathe, à la condition que leur peine ait été subie ou que
l'examen prescrit parle paragraphe 51 du Code pénal allemand
ait été effectué. Il va de soi que les aliénés à tendances crimi-
nelles ne sauraient être libérés sans la plus extrême circonspection
préalable;
20 La sortie limitée ou décisive d'un criminel aliéné, actuelle-
ment dans un asile et qui n'aurait pas purgé sa condamnation,
incombe à la décision de l'autorité chargée de dispenser les mêmes
faveurs aux détenus de l'établissement pénitencier dont est sorti le
128 SOCIÉTÉS SAVANTES.
délinquant en question pour entrer dans l'asile. La réintégration
de tels aliénés de l'asile à l'établissement pénitencier dépend de la
direction de l'asile, voire de l'autorité préposée à l'établissement
psychiatrique;
3" L'installation de divisions réservées aux délinquants et crimi-
nels aliénés dans les grands établissements pénitenciers s'impose
.de toute nécessité; il serait surtout indiqué d'établir un service
spécial de cet ordre commun à plusieurs établissements correction-
nels, le service étant fixé dans l'un de ceux-ci.
M. Guttstadt complète la discussion par quelques chiffres concer-
nant la fréquence de la folie chez les délinquants; il les emprunte
à tous les établissements pénitenciers ou de détention qui ressor-
lissent au ministère de l'intérieur dans une période de dix années.
Tous les ans on compterait cinquante-huit hommes et treize femmes
devenus aliénés sur l'effectif d'ensemble des établissements, soit
0,08 p. 100 quant au sexe masculin, 0,07 chez le sexe féminin. La
proportion des psychopathes serait de 0,18 p. 100 pour les hommes
et 0,20 p.100 pour les femmes détenus dans les maisons de correc-
tion. Ces chiffres, qui pourraient bien être trop faibles (affirmation sur
ce point de M. Schroeter), sont complétés sur la demande de M. Zinn
par l'énoncé du temps qui s'est écoulé entre l'infraction à la loi et
l'admission dans l'asile d'aliénés. Sur les sept cent dix-neuf crimi-
nels et délinquants aliénés qu'observa M. Guttstadt dans la même
période z83 hommes, 136 femmes), il s'est écoulé moins de trois
mois de détention avant l'explosion de la folie chez 30,4 p. 100
des hommes et 10, 16 p. 100 chez les femmes.
M. ZINN affirme que le nombre des criminels aliénés que l'on
rencontre dans les asiles est bien au-dessous de la quantité relati-
vement grande des cas de psychoses qui existent en réalité dans les
établissements pénaux. 11 cite des cas de délinquants continuelle-
ment atteints par des peines disciplinaires à raison de leur muti-
nerie et qui incontestablement étaient sous l'empire d'une entité
psychique morbide passant inaperçue aux yeux du médecin de
l'établissement; d'autre part les médecins des prisons et établisse-
ments pénitenciers, redoutant l'habileté des simulateurs, ne se ren-
dent que trop tardivement à l'évidence de la folie. '
M. L.EHR comprend d'autant mieux la mise à exécution de l'ar-
ticle 3 dans le royaume de Prusse que la Saxe en a donné l'exemple.
C'est dans cet Etat, à Waldheim, qu'on a tenté pour la première
fois de combiner à un établissement pénitencier un asile hospita-
lier autonome confié à la direction d'un psychiatre.
M. DRRENBC11G lit un mémoire sur les examens de l'urine chez les
aliénés. Après avoir rappelé l'influence du système nerveux sur la
nutrition et les sécrétions, après avoir émis l'opinion que bien des
hallucinations du goût et de l'odorat peuvent être rattachées à des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 12
anomalies dans les sécrétions afférentes à ces organes, il se pro-
pose de déterminer les anomalies chimiques de l'urine dans leurs
rapports avec les formes des psychoses. L'auteur a analysé avec le
, plus grand soin la plus grande quantité des urines des aliénés à
des moments du jour identiques; ces recherches, pratiquées à
Solnveizerhof, ontportésur toutes les substance ? ., sur tous les groupes
chimiques que cette humeur renferme. Ce sont notamment les
urines de la nuit de dix aliénées en proie à des entités psychopa-
thiques diverses, examinées pendant longtemps par séries de trois
à quatre jours consécutifs, qui lui ont fourni les conclusions sui-
vantes. L'acide urique a été trouvé en plus forte proportion (J par
rapport à 2o d'urée) en un cas de catatonie et dans les divers états
d'agitation maniaque (1 : 22); la quantité en était considérable-
ment diminuée dans quatre observations dont trois avaient trait à
des modalités un peu différentes de la folie du doute, et la qua-
trième concernait une mélancolie récente teintée de délire des
persécutions. Les sulfates doubles avaient subi une augmentation
de 2u p. 100 chez les maniaques agités, de 16 à 18 p. l 00 dans la
mélancolie eu question, alors que leur proportion se trouvait
moindre de à à p. 100 dans les trois cas de folie de doute.
A la suite de quelques remarques présentées par Spoiiliolz,
Millier et Zinn, 11. Loelit- invite les jeunes médecins à poursuivre
leurs recherches en commun sur ce sujet dans les établissements
auxquels ils sont attachés en adoptant un plan uniforme et une
méthode d'examen déterminée.
Plusieurs communications inscrites à l'ordre du jour ayant été
retirées, M. Leur appelle l'attention sur un sujet dont bien des
points demeurent encore dans l'ombre, sur les folies périodiques.
Il en communique à la Société un fait remarquable par la régula-
rité des accès. La malade dont il s'agit, atteinte de perturbation
psychique secondaire, est en proie depuis plus de six mois à une
agitation périodique par époques régulières parfaitement délimi-
tées de trente-six heures; c'est-à-dire qu'à un laps de temps de
calme durant trente-six heures, caractérisé par de la faiblesse intel-
lectuelle, succède une hyperexcitabilité accompagnée d'une agita-
ion modérée, d'un mutisme prononcé. Cet état progresse modé-
rément; mais au bout de trente-six heures apparaît un accès de
violente agitation avec cris, promenade, sévices contre l'entourage,
malpropreté. Après trente-six heures de durée cet état cède la
place à une nouvelle période de moyenne agitation avec loquacité
qui dure un temps égal pour être remplacée à son tour par une
période de calme et ainsi de suite. La fin de chaque période est
marquée par la diminution de l'agitation au regard de l'hyperex-
citabilité du corps de chacune d'elles, mais le début de toute phase
nouvelle tranche nettement sur celle qui a précédé : les anomalies
dans la durée précitée ne dépassent jamais une demi-heure.
9
'130 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,
M. 13E,4,No communique un cas de paralysie progressive périodique.
Il concerne un homme de trente-neuf ans, qui, dès le 2 mars 1878,
était au stade initial de la paralysie générale ; on constatait en même
temps chez lui les troubles de la motilité appartenant au tabes, de
la blépharoptose du côté gauche et de la mydriase, ainsi qu'une
perforation tympanique (otite moyenne) du côté droit. Une courte
rémission fut bientôt suivie de deux accès épileptiformes à la fin
d'août. A ce moment tous les phénomènes mentionnés s'aggravent,
l'oreille témoigne d'une nouvelle poussée inflammatoire, et peu à
peu les bruits anormaux perçus comme tels par le malade se trans-
forment en hallucinations; en même temps, angoisse précordiale
intense, excitabilité psychomotrice prononcée. Telle est du moins
l'image de chaque paroxysme, les stades intermédiaires étant carac-
térisés par le calme, t'enjoument de l'humeur. C'est dans la pre-
mière semaine d'octobre que se produit l'alternance régulière à type
tierce des phases d'agitation; elle se continue jusqu'à la fin de dé-
cembre, l'agitation se montrant dans les heures tardives de l'après-
midi et du soir et affectant une violence d'autant plus grande que
les paroxysmes précédents ont été moins vifs et que la pause de
calme a duré plus longtemps. Les rémissions observées ne consti-
tuaient pas de simples périodes d'épuisement nerveux, car on re-
marquait pendant leur évolution l'animation psychique normale et
la participation du sujet aux occupations de la maison, aux conver-
sations et promenades de l'asile; il recevait avec plaisir les visites
de ses parents, lisait, jouait aux échecs, etc. En outre, alors que
durant les stades d'agitation il ajoutait foi sans critique aux hallu-
cinations et à leur teneur terrifiante (accès d'angoisse), il racontait
en riant pendant les rémissions que des voix stupides (sic) lui rap-
pelaient par exemple qu'il y a dix ans il avait été trouvé gisant
dans la rue en état d'ivresse.
M. Rock apporte à ce propos une observation également remar-
quable. La malade dont il s'agit, après n'avoir pendant dix jours
présenté d'autre symptôme qu'un défaut de discernement, tombait
tout à coup dans le calme et le mutisme; l'expression de la physio-
nomie devenait rigide et morose, et sans se soucier le moins du
monde des personnes de son entourage, elle allait et venait conti-
nuellement. L'impulsion motrice s'accroissant les jours suivants au
point de persister jour et nuit et de revêtir un caractère automa-
tique, on dut l'alimenter artificiellement : gâtisme. Jamais ou n'ob-
serva d'idées délirantes ni aucune manifestation de cet ordre. Cet
état durait treize ou quatorze jours, se terminant aussi brusque-
ment qu'il débutait. Puis les allures .presque normales notées plus
haut reparaissaient pendant dix à onze jours, sans que la patiente
se souvint de ce qui s'était passé au cours de la période d'agitation ;
elle savait simplement que quelques jours s'étaient écoulés, des-
quels elle n'avait aucune mémoire. La maladie ne concordait pas
SOCIÉTÉS SAVANTES. 131
avec les époques menstruelles, les règles venant régulièrement tant
lors de l'accès d'agitation qu'en dehors de lui. L'emploi du nitrite
d'amyle, qui semblait indiqué à raison de la pâleur du visage au
début de l'agitation, demeura sans résultats; le bromure de potas-
sium administré à la dose de douze grammes par jour dans l'inter-
valle des crises fit disparaître la régularité du type dans sa période
et dans sa durée. La séance est levée sur cette communication.
(Allg. Zeitsehr. f. Psycle. u. psych. <yertc/tM. Medi ? XXXIX, 1.) .)
P. K.
XIV CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'ALLEMAGNE
DU SUD-OUEST
SESSION DE CARLSRUHK
Séance du 1 5 octobre 1 88 1.
La séance est ouverte à trois heures de l'après-midi par AI. le
curateur Fischer, qui, après avoir exposé les questions d'ordre ad-
ministratif intéressant l'assemblée, propose de décerner la prési-
dence à M. de Rinecker. Celui-ci est élu par acclamation. Son
premier soin est de consacrer à la mémoire du Dr Fischer, con-
seiller intime aulique, décédé depuis la dernière séance, de
chaudes paroles de regret. L'assistance se lève en l'honneur du
collègue défunt.
àl. Kirn traite ensuite de l'importance médico-légale des ii7bpul-
sions sexuelles perverses. Cette définition embrasse toute impulsion
génitale qui se manifeste sous un mode différent des errements
naturels et cherche sa satisfactiou en des procédés anormaux.
1>I. Kirn distingue une impulsion sexuelle ayant trait à des indivi-
dus d'un sexe différent encore impubères et une perversion géni-
tale s'exerçant pour un môme sexe. A la première catégorie res-
sortit par exemple la recherche libidineuse des fillettes non adultes
par des vieillards ou des individus sénescents en apparence comme
au moral, (amnésie, déchéance morale); la démence sénile vraie
exige l'acquittement légal ; la constatation des symptômes de l'af-
faiblissement psychique devrait, dit l'auteur, comporter toujours
l'admission des circonstances atténuantes. Le.second groupe com-
prend, sous le nom de sensation sexuelle contraire (inversion du
sens génital de M. Charcot), l'amour de l'homme pour l'homme,
de la femme pour la femme Les observations de ce genre ont le
plus souvent à leur actif étiologique l'hérédité et le nervosisme : en
tenant compte en outre de la périodicité des manifestations chez
certains individus, M. Kirn se range à l'opinion de Westpbal pour
qui le cerveau de tels sujets a subi l'imprégnation morbide de In
transmission héréditaire ; M. Kirn en rapporte du reste deux nou-
veaux faits ayant entraîné condamnation pénale, malgré la cons-
tatation d'anomalies psychiques; c'est tout au plus si le tribunal
admit des circonstances atténuantes.
M. FUItSTriFR,sans méconnaître les lacunes législatives, fait remar-
quer que les impulsions sexuelles perverses se montrent également L
chez des paralysés généraux, des crétins, etc... et que, par consé-
quent, chaque cas doit mériter un examen individuel avant de sup-
porter une conclusion quelconque. Ainsi à côté de l'entité : inver-
sion du sens génital, il existe une forme morbide identique chez
l'onaniste auquel on ne saurait évidemment prodiguer aucune in-
dulgence. La prudence du médecin légiste doit êlre d'autant plus
grande que tout dernièrement, lors de la publication des mémoires
visés ici, On eut affaire à des cas de simulation, le criminel raffiné
empruntant aux résumés les éléments psychopathiques qui lui
étaient nécessaires. En ces trois dernières années, M. Furstner vit
neuf individus de cette sorte reconnus par lui comme simulateurs.
La constitution complète et définitive du type pathologique peut
seule servir le médecin; or il est encore à l'étude.
M. Kir réplique qu'il propose simplement d'éclairer juges et
jurés sur un cas particulier, le rapport médico-légal étant notoire-
ment incapable à lui seul d'atteindre ce but. Si, comme il le croit
lui-même, la sensation sexuelle perverse n'est qu'un symptôme, au
moins est-elle un symptôme important exigeant une attention sé-
rieuse.
Professeur JOLLY. De la capacité de tester des aphasiques. A propos
du testament d'un aphasique datant de 1682 (collection Pitaval) et
reconnu bon par le tribunal, l'auteur appelle l'attention sur les di-
verses opinions de la jurisprudence allemande en cette question à
l'égard des aphasiques simultanément agraphiques. Le noeud du su-
jet est le suivant. A quel point l'aphasique a-t-il ses facultés psy-
chiques oblitérées, que le symptôme observé provienne d'un
simple trouble fonctionnel ou d'une affection du cerveau ? A inten-
sité égale, l'aphasie par ammésie se rattache à une perturbation
mentale plus grave que l'aphasie par akinésie. La pathogénie ne
1 Voir les Archives de Neurologie, t. Iif, p. 53.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 133
permet pas encore d'asseoir un jugement précis sur l'une quel-
conque de ces formes; l'examen minutieux du malade incombe à
chaque cas particulier. En général, profanes et médecins tendent
à surtaxer ce qui reste d'intelligence à l'aphasique.
M. Freusberg. Disposition et aménagement de l'asile d'aliénés de la
Lorraine ti Sarre2tenzines. L'établissement nouvellement construit
a été livré pendant l'été de 1880 1. peut recevoir 430 malades et
comporte avec les services hospitaliers une superficie de sept hec-
tares. il réalise en somme le système des pavillons, chaque division
(des hommes ou des femmes) comprenant des corps de bâtiments
pour pensionnaires, aliénés calmes, demi-agités, paralysés géné-
raux, épileptiques; il existe en outre un baraquement-hôpital. Au
centre, entre les deux divisions, sont situés les bâtiments de l'ad-
ministration, l'église avec la salle des fêtes (non encore construite),
les locaux de la cuisine, le logis des machines, la buanderie, les
bains centraux, la salle des morts. Total : dix-huit édifices entre les-
quels il n'y a pas de voies de communication couvertes. Chacune
des constructions occupe le centre de cours qui les desservent, cours
par lesquelles il faut absolument passer pour atteindre le bâtiment.
Seules les cours des aliénés agités et des demi-agités sont entou-
rées de murs ; les autres sont ceintes de taquets en bois. Les huit
édifices réservés aux tranquilles, demi-tranquilles, gâteux paraly-
tiques et épileptiques, hommes et femmes, se décomposent en deux
segments n'ayant de commun que le réfectoire médian. Chaque
section consiste en une salle de réunion, un ou plusieurs dortoirs,
plusieurs chambres d'isolement et un cabinet d'aisance, le tout sans
corridors. La lumière et l'air sont versés à flots par des fenêtres dis-
posées sur les parois opposées. - Les cellules et les chambres d'iso-
lement sont constamment placées aux angles des constructions, de
sorte qu'il n'y ait nulle part adjacence de ces pièces. Le bâtiment
des agités embrasse, outre les quatre cellules des angles, quatre
autres pièces de môme sorte en saillie sur le front de la construc-
lion, qui sont pourvues d'une antichambre enclavée entre le lieu
d'habitation et le dortoir. Le chauffage s'effectue par des poêles
chez les agités, par la vapeur d'eau dans les autres divisions. Les
lieux d'aisance se composent de sièges se déversant deux à deux en
une même cuvette d'où une chasse d'eau conduit les matières dans
l'égout. M. Freusberg, après avoir critiqué au cours de sa des-
ctiption le mode de groupement des pavillons et leur seul accès
par les cours, fait remarquer que toutes les précautions prises dans
un but d'isolement n'étouffent pas complètement les cris percep-
tibles encore par les habitants des cellules du côté opposé. Il in-
siste par conséquent sur la nécessité de s'entourer de conseils mé-
dicaux quant aux détails de construction et d'installation des
1 Voir les Archives ilejN'eiiî,olo ? ic, t. 111, p. los,
13k SOCIÉTÉS SAVANTES.
nouveaux établissements. Sur le territoire de l'asile, qui est de
quarante-sept hectares, on trouve à quelques minutes de l'établisse-
ment un domaine disposé pour une colonie agricole.
M. Furstner s'enquiert du mode de transport qu'on a usité vis-à-
vis des malades de laréville. L'établissement, continue AI. Freus-
berg, possède un embarcadère à lui sur la voie. On a donc pu
transférer directement les aliénés par wagons. On n'eut à déplorer
aucune incartade, peut-être parce que le changement de conditions
plaisait aux sujets en question. Plusieurs d'entre eux durent sim-
plement s'abstenir de liaison amicale, le personnel ne parlant que
peu français. - A la demande de AI. de Rinecl;er,rl'orateur répond
que le coût total a été de 2,700,000 marks (3,3î5,000 francs).
M. SCnULE. Des incidents d'ordre chirurgical chez les aliénes. Sous
ce titre, l'auteur se propose exclusivement de passer en revue, pour
aiguillonner la surveillance préventive, les traumatismes et lésions
que se sont infligés les malades sous l'influence de leurs impul-
sions délirantes et de leurs sensations pathologiques. Il s'en tient
à ceux qui ont guéri, laissant dans l'ombre les lésions osseuses. Nous
relevons : l'arrachement des cheveux et de la barbe, un des aliénés
espérant que la place de chaque poil serait désormais occupée par
une plume comme il convient aux anges ; - trois cas de céphalhé-
matome; la perforation du tympan à l'aide de petits morceaux
de bois; -l'amputation totale de la langue par une jeune fille mo-
nomaniaque à l'aide d'une alêne ébréchée;-une section du pneu-
mo-gastriqne au cou (mort en huit jours) avec tous les symptômes
afférents que nous a appris la physiologie expérimentale; un
suicide dénotant la persistance et l'opiniâtreté énergique que l'on
connaît des monomanes de cette catégorie, le patient s'étant tran-
ché la gorge à l'aide d'un petit couteau caché par lui dans un espace
interdigital. A côté de l'ingestion d'animaux vivants et d'éclats de
verre, nous trouvons l'histoire d'un malade qui, après avoiravalé la
moitié de sa cuiller, n'eut des coliques et du méisena que trois mois
après; au bout d'un an et demi se forment des abcès dans la ré-
gion inguinale droite, abcès qui persistent jusqu'au jour où, dans la
profondeur de la poche (un mois de durée), on pêche le manche de
l'instrument. Un cas de phlegmon du cou à la suite de la déglu-
tition d'un paquet d'aiguilles. Deux femmes étaient tourmentées
du désir de s'enlever les mamelons. Les castrations, arrachements
et amputations volontaires du pénis, l'introduction de corps étran-
gers contondants ou tranchants dans le vagin, d'un crochet de fer
dans l'anus participent des histoires déjà connues.
Le Dl Rieger mentionne à cette occasion un cas dans lequel
l'aliéné s'était avec les doigts luxé le globe oculaire et déchiré le
nerf optique sous prétexe qu'une voix lui commandai^de s'arra-
cher l'eeil.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 135
Le Dl Gutscii demande quels sont les cas récents de guérison
des psychoses réflexes (sympathiques) par l'extirpation de la cica-
lrice pathogénétique. M. Furstner en rapporte un; mais il pense
qu'en somme il y a bien peu de faits de ce genre où l'on doive
manifestement attendre des résultats d'une opération.
Séance du 16 octobre.
L'assemblée décide d'abord de tenir le prochain congrès de nou-
veau à Carlsrube. MAL Schûle et Kirn sont élus comme organisa-
teurs. Le D Fischer prend l'engagement de communiquer à cette
époque son rapport sur les cellules capitonnées.
ili. LArîDFnFR. Douze thèses à l'appzti de la fondatiozadescolonies d'n-
liézzés : confirmation expérimentale par tinepi-atigtie de quinze années
a la colonie de Freihof. Les résultats objectifs apportés par l'auteur
en faveur du travail en liberté des malades émanent d'une obser-
vation de trois mille malades, le groupement colonial ressortissant
à environ quarante hommes sur un effectif général de trois cent
cinquante (population mêlée). Voici ses conclusions textuelles :
4° L'encombrement croissant des asiles d'aliénés joint aux pro-
grès constants de la dépense publique pour ces malades impose l'o-
bligation d'installer des établissements d'évacuation, réservés par
exemple à ceux d'entre eux devenus incurables. Il s'agirait qu'ils
pussent y trouver à meilleur compte un mode de traitement aussi
bon, voire meilleur, que dans les systèmes employés jusqu'à ce
jour.
2° Un grand nombre de psychopathes incurables peuvent parfai-
tement se passer des asiles modernes dont les services scindés en-
traînent bien des frais. Beaucoup n'ont besoin que d'un ensemble
de soins ressortissant à une commune organisation du traitement
et du travail, le fusionnement dégrevant le budget.
3° On pare bien mieux aux besoins actuels en utilisant, selon les
circonstances, des locaux déjà existants plutôt qu'en fondant ces
hospices d'infirmes connus sous le nom d'asiles d'aliénés dont les
sujets languissent dans l'incapacité et l'inertie somatique. Une
simple adaptation aux besoins spéciaux nous donne une colonie d'a-
liénés comme annexe aux asiles fermés.
4° Le traitement des aliénés dans les familles est impraticable,
vu les conditions de notre existence actuelle.
5° Vouloir organiser la colonie dans l'établissement ou construire
dos asiles d'aliénés agricoles en poursuivant l'espérance de faire
travailler le terrain, le sol par les malades, constituent autant d'il-
lusions erronées que l'expérience condamne, parce qu'on ne peut
compter que sur une fraction des aliénés pour le travail et que le re-
136 SOCIÉTÉS SAVANTES.
crutemenl d'une population de journaliers s'opère lentement. L'im-
plantation d'un asile doit précéder l'institution agricole; c'esl lui qui
doit enfanter la colonie. Les avantages financiers et thérapeutiques
imputés à l'organisation d'Alt-Scherbitz, comparés aux résultats des
modes en usage jusqu'ici, demandent, plus ample démonstration.
'60 Une colonie ne peut se développer que comme annexe immé-
diat à un établissement fermé. Elle ne saurait en être éloignée de
plus de quelques kilomètres1, vu que les soins émanent forcément
de l'asile. Toute distance plus considérable nécessite l'installation
dans la colonie même de services analogues à ceux de l'asile ; ce
qui vicie le caractère social du système et annihile les bénéfices
économiques par l'impossibilité du prompt emploi des déchets et
de l'adaptation ménagère proprement dite.
7° La colonie n'a pas besoin de médecin ; le personnel dirigeant
se résume en un agriculteur; les mêmes médecins fonctionnent à
la colonie et à l'asile.
8° La colonie et l'établissement dépendent d'une seule et même
direction économique et médicale.
9° C'est l'élève des bestiaux2 qui doit être l'objet d'une colonie
d'aliénés ; cette exploitation plus qu'aucune autre renfermant en
soi tous les avantages curatifs et pécuniaires des colonies au regard
des autres genres d'occupations.
10° Le nombre des aliénés capables de colonisation est moindre
qu'on ne le croit généralement; de plus, ils fournissent en somme
peu de travail. Il est impossible d'apprécier même approximative-
ment leur production laborieuse en nombres ou en fractions, en
prenant pour unité la capacité de travail des gens bien portants.
11" L'avenir de la colonie, son développement, ses avantages
thérapeutiques et financiers sur ceux des autres modalités cura-
tives dépendent de la rondeur du terrain et de la facilité avec la-
quelle son sol se laisse cultiver.
12" La culture horticole n'a nul avantage sur les autres formes
d'occupations champêtres, ni au point de vue médical ni au point
de vue économique; elle devient par suite insoutenable.
AI. regi-citant que M. Landerer ne puisse préciser ses imh-
cations. quant à la différence entre les prix du traitement à l'asile
et à la colonie, 11. Landerer réplique que l'économie gît justement
dans l'adjonction dn système agricole à une distance relativement
faible de l'asile, ainsi que dans la communauté d'administration,
de personnel.
AI. FunsTNER rappelle que lCoeppe comptait cinquante travailleurs
pour un effectif de deux cents aliénés. AI. Landerer répond que lui,
A A rreihof, la distance est d'un kilomètre.
1 On en exclut l'élevage des chevaux, qui exige une égalité d'humeur
impossible exiger dans l'espèce.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 137
sur trois cent cinquante malades obtient en moyenne trente à trente-
six journaliers qui se résument en dernière analyse en douze co-
lons solides. L'installation des repas à la colonie, dit ensuite
M. Landerer, pour répondre à une interrogation du même col-
lègue, comporte le transport des aliments le matin, à midi, le soir,
en des vases appropriés.
)1. Sciiule regrette de ne pas voir de médecin en permanence à
la colonie ; il lui paraît au moins indispensable que les travailleurs
aliénés soient visités de grand matin avant la besogne. Tel n'est
pas l'avis de AI. Landerer, qui en vingt ans n'a jamais eu à consta-
ter de cas urgent nécessitant un médecin résidant.
M. Freusberg. Combien y a-t-il de travailleurs bien portants sur
le nombre ? Dix. Que fait-on dans le cas d'une crise paroxystique
d'agitation se déchaînant soudain ? Le malade est immédiatement
réintégré à l'asile, la colonie ne renfermant rien pour parer à ces
éventualités.
M. Furstner. En dehors des colons habituels évalués environ à
trente, tire-t-on, selon le.' besoins, de l'asile d'autres travailleurs ?
Rarement. AI. Landerer fait en outre remarquer que les femmes ne
sont en général employées qu'aux temps des récoltes.
M. Rieger communique à l'assemblée les notes prises par lui à la
colonie française de Fitz-James à Clermont (Oise), lors de son séjour
à cet asile pendant quelques jours. Il les tient du directeur M. La-
bille.
M. Iinrrz. De l'hyoscy aminé. Les études ont été faites avec l'hyos-
cyamine de Merck, employée aux doses progressives de 5 mill. à
1, 2, 3 cent. par jour soit à l'intérieur en gouttes,poudres,etc., soit
en injections hypodermiques. Les principaux symptômes observés
sous cette influence furent : sensation de constriction thoracique,
dyspnée, asthénopie avec sensation de mouches volantes démangeai-
sons désagréables, sécheresse pharyngienne pulydipsie avec mouve-
iiients de déglutitioii forcés, nausées,sentiiiieiit de pression céplialique
avec étourdissements (oscillations et disparition du sol sous les pas);
la confirmation objective résulte de l'observation du ralentissement
respiratoire se transformant bientôt en une fréquence des mouve-
ments thor.'tciques, de la diminution du nombre des battements du
pouls faisant aussitôt place à leur exagération, enfin d'une mydriase
double égale et constante. L'auteur a également vu de la parésie
des membres inférieurs entraînant parfois une chute, mais il n'eut
à noter aucun phénomène univoque constant, du côté de la nutri-
tion, ni ces manifestations désagréables imputées au remède em-
ployé à petites doses telles que collapsus, pouls filiforme (impureté
de la préparation ? ) Cette substance ne s'accumule pas ; la durée de
ses effets n'a rien d'uniforme. Les altérations du coeur, la propension
138 SOCIÉTÉS SAVANTES.
aux fluxions et stages, les dégénérescences séniles imposent une ltru-.
dence spéciale dans son emploi. Conclusions :
I. L'hyoscyamine agit : 1° sur le sensorium. D'où un effet hypno-
tique pur et un effet calmant; 2° sur les centres moteurs; 3" sur les
nerfs moteurs et sensitifs. -
Il. 1,'hyoeyamnie convient : 1° dans lescas où d'autres narcotiques
y compris la morphine sont abandonnés; 2" quand domine l'élé-
ment moteur (manies chroniques à rémission ou folies circulaires);
3° lorsque la démence s'accompagne de l'excitation de certaines
sphères sensitives.
AI. Rieger. De l'albuminurie dans les maladies cérébrales. Ayant eu
l'occasion d'être consulté au sujet d'une des malades de NI. Hagen
(observation III du travail : les maladies des reins comme cause de
psychose'), malade auparavant observée par le professeur Jolly
(Berlii. lilin. Wochensch., 1873, 21), l'auteur a déduit de la suite de
l'histoire qu'il s'agit non d'une néphrite ayant causé la psychose,
mais d'une maladie cérébrale héréditaire, dont AI. Hagen n'avait vu
que le premier acte. ? (6 : <m : MU}'tee<fK< ! Ct symptôme de l'affection
mentale d'autant qu'il n'y avait pas d'oedème et qu'on nota de l'is-
churie. La patiente, qui avait complètement guéri de la totalité de
ses premiers accidents, a d'ailleurs été reprise de troubles mentaux
quelques années plus tard et se trouve aujourd'hui en état de dé-
mence avec agitation périodique... Ai. Rieger rapproche de ce fait
l'albuminurie expérimentale de Cl. Bernard, celle du delirium tre-
mens (Furstner), des épileptiques, des hystéro-épileptiques, de l'é-
clampsiepuerpérale (tantôt lésionsdes reins, tantôtreinsindenmes),
et fait ressortir que la fugacité du symptôme est une preuve de son
origine. « Certainement, ajoute-t-il, les observations d'albuminurie
nerveuse se multiplieront à mesure qu'on les recueillera sans préven-
tion etqu'on se préoccupera simplement de déterminer l'enchaîne-
ment étiologique des manifestations sans s'inquiéter de la question
de palhogénie. Toute décision sur son origine vasomotrice ou autre
est laissée à la recherche du physiologiste, de l'expérimentateur et
du clinicien. »
M. Jolly admet en principe la thèse de M. Rieger, mais dans le
cas considéré, l'intensité de la néphrite ressort de la durée de l'al-
buminurie (3 semaines) ; elle peut donc tout au moins avoir con-
tribué à la production des phénomènes cérébraux.
M. FURSTNER. L'albuminurie, au même titre que l'hyperthermie,
la glycosurie, l'excitabilité motrice, doit prendre rang parmi les
symptômes des affections cérébrales.
Bof. Rieger admet que l'on puisse considérer son observation comme
douteuse : il faut pour conclure définitivement des faits indiscutables
1 Voir aux Revues analytiques,
BIBLIOGRAPHIE. 139
avec autopsie. Alais il rappelle que le diagostic néphrite exige le
concours des oedèmes rapides, des douleurs, de l'état trouble carac-
téristique d'une urine fréquemment sanglante : L'ordre du jour
étant épuisé, le président clôt la séance en remerciant ses collègues
de leur active collaboration. (Allg. Zeitssehr. f. Psych. ii psych.
ymchtl. Medic, XXXIX. 1.) P. K.
BIBLIOGRAPHIE
De l'ataxie locomotrice d'origine syphilitique (tabes spécifique) ;
par A. FOURNIER. Masson édit. 1882.
Un certain nombre d'auteurs, et Duchenne tout le premier, avaient
signalé la syphilis dans les antécédents des ataxiques ; mais c'est
M. Fournier qui, dans ses leçons faites à Lourcine, a, le premier,
cherché iL établir une relation étiologique entre la vérole et le tabes
dorsal. Cette première tentative fut. froidement accueillie en France :
1111. Grasset et Vulpian furent à peu près les seuls à l'accepter et à
l'appuyer. À l'étranger, au contraire, de nombreuses publications
favorables virent le jour pour ainsi dire coup sur coup, et il convient
de signaler en particulier celles de M. Erb. Cependant on s'était
surtout livré sur cette question a1 une étude de détail et chaque ob-
servateur n'apportait qu'un nombre limité de faits. M. Fournier
rentre en campagne avec un total de plus de cent observations per-
sonnelles ; et de l'ensemble de ses recherches sur les faits où les
conditions étiologiques ont été notées d'une manière précise, il ré-
sulte que quatre-vingts ataxiques sur cent ont eu la vérole; la syphilis
semble jouer souvent le rôle de cause effective. L'ataxie est une
manifestation appartenant presque exclusivement à la période ter-
tiaire : elle peut apparaître à toutes les étapes de cette période,
mais elle est surtout fréquente de la sixième à la douzième année.
Les causes adjuvantes qui déterminent la localisation de la syphilis
sur les cordons postérieurs de la moelle épinière, sont personnels
ou héréditaires; parmi les premières, toujours les excès de tout
genre et surtout le surmenage nerveux ; parmi les secondes, l'exis-
tence chez les ascendants de maladies quelconques du système ner-
140 BIBLIOGRAPHIE.
veux cérébro-spinal. D'après les faits de .M. Fournier, l'âge au-
quel fait invasion l'ataxie d'origine spécifique est compris entre
vingt-quatre et cinquante-neuf ans. Elle est de beaucoup moins
fréquente chez la femme.
L'ataxie se produit de beaucoup le plus souvent à la suite do sy-
philis originairement bénignes, eu égard à la fois au petit nombre
des accidents, à leur peu d'intensité et de durée. Presque toujours
la syphilis a été insuffisamment traitée au début.
On ne peut pas s'attendre à voir l'ataxie d'origine syphilitique se
présenter avec des symptômes bien différents de ceux de l'ataxie
ordinaire : toutefois M. Fournier fait remarquer que si le tabès spé-
cifique débute le plus souventpardcs douleurs fulgurantes qui peu-
vent rester isolées pendant longtemps, ces douleurs offrent ce
caractère qu'elles sont souvent très peu intenses et très propres a
tromper l'attention du médecin qui doit mettre en oeuvre les mé-
dications spécifiques dès l'apparition de douleurs pouvant se rap-
procher des douleurs fulgurantes proprement dites. D'ailleurs, étant
donnée l'importance des indications thérapeutiques qu'on peut en ti-
rer, il est plus indispensable que jamais d'établir au plus tôt le diagnos-
tic du tabes spécifique ; aussi M. Fournier insiste-L-it avec soin sur la
symptomatologie de la période de début, préataxiquo du tabès; en
particulier sur les troubles oculaires etgénito-urinaires. Au début de
la période ataxique, l'incoordination motrice peut passer inaperçue
non seulement du malade, mais encore du médecin : M. Fournier
décrit cinq procédés pour découvrir l'ataxie naissante : 1" faire mar-
cher le malade au commandement : a) le malade étant assis le prier
de se lever et de se mettre en marche aussitôt levé; b) faire mar-
cher le malade en le priant de s'arrêter court, aussitôt qu'il en re-
cevra le signal ; c) lui faire faire un mouvement subit de volte-face;
2° signe de l'escalier, (gêne surtout pour descendre) : 3o signe four-
ni par l'occlusion des yeux (signe de Romberg), le malade appuyant
sur les deux pieds; 4° signe déduit de l'attitude à cloche-pied; ? station à cloche-pied avec occlusion des yeux, M. Fournier attache
une importance considérable à l'absence du réflexe rottilieii qu'il a
toujours constatée quand il l'a cherchée même au début de la pé-
riode préataxique.
Les troubles oculaires peuvent rester plusieurs années à l'étal
d'isolement ou du moins n'être accompagnés que de troubles fort
peu accentués; il en découle, dans l'ordre, de faits actuels, lanéces-
sité de rechercher avec soin le tabès sur tout sujet qui se plainl
d un affaiblissement visuel, et en outre d'analyser minutieusement
les troubles fonctionnels de l'oeil au point de vue de leurs caractères
et de leur évolution, puis de considérer l'état de la pupille. Très
souvent les troubles de la vision débutent par un seul oeil; ils ont
une évolution lente, continue, graduellement progressive. L'am-
blyopie s'accompagne d'un certain degré de dyschromatopsie et sur-
BIBLIOGRAPHIE. 1 le
tout d'un rétrécissement concentrique du champ visuel a\ec éclian-
crures en forme de secteurs.
AI. Fournier insiste sur les formes associées, mixtes et complexes
de l'ataxie, qui seraient particulièrement communes dans le tabès
spécifique en raison delà tendance que présente la syphilis à mul-
tiplier ses lésions et à les disséminer sur les divers départements
du système nerveux. Arrivant au traitement, AI. Fournier pose en
principe que les agents anti-spécifiques doivent être mis en usage
le plus tût possible et de la façon la plus énergique. Les résultats
de ce traitement diffèrent absolument suivant l'époque de la ma-
ladie où il intervient. Dans le tabès ancien et confirmé, on n'en
peut pas attendre la guérison, mais tout au plus un soulagement
éphémère de quelques symptômes. Dans le tabes moins ancien,
tantôt le traitement a une action isolée sur divers symptômes, qu'il
amende dans des proportions plus ou moins considérables; tantôt
il a une action temporaire sur l'ensemble de la maladie qu'il parait
arrêter dans sa marche au moins momentanément; tantôt enfin le
traitement a une action persistante sur le tabes qu'il immobilise en
l'état avec ou sans amendement de quelques-uns des symptômes
déjà développés. En somme, il serait certain, d'après les faits person-
nels de l'auteur, que le tabes, môme avancé, peut être modifié
dans ses symptômes et son évolution par le traitement spécifique.
Il est vraisemblable que cette influence serait beaucoup plus consi-
dérable encore sur le tabes récent. Un certain nombre d'observa-
tions appartenant à d'autres auteurs viennent d'ailleurs appuyer la
curabilité au moins relative du tabes spécifique.
Après avoir répondu aux diverses objections faites par ses adver-
saires, M. Fournier appuie la doctrine du tabès spécifique sur les
arguments suivants : Il fréquence extrême des accidents syphili-
tiques chez les ataxiques ; 2° développement du tabès presque exclu-
sivement dans la période tertiaire de la vérole ; 3" association
fréquente des phénomènes tabétiques avec divers symptômes com-
muns de la syphilis, les paralysies oculaires en particulier;
4° influence dans certains cas du traitement spécifique, quand il est
employé à temps; 5° coïncidence, au cours de l'ataxie de manifes-
tations d'autre siège, et de nature incontestablement syphilitique;
6° impossibilité absolue qu'on éprouve fréquemment à trouver à
l'ataxie une autre cause que la syphilis. Il en découle comme dé-
duction pratique la nécessité de traiter énergiquement et longtemps
la syphilis à ses débuts, en prévision de cette manifestation si re-
doutable. ' Cn.F.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés DE VAUCLUSE ET de VILLE-ÉVRARD. Dans sa
séance du 12 juin, le conseil général de la Seine, sur le rapport de
hl. Bourneville, a voté une augmentation de traitement de 300 fr.
aux internes des asiles de Vaucluse et Ville-Evrard, pour suppléer à
toute indemnité de déplacement.
Asile DE CLERlON1'. - Nous n'entrerons pas dans la polémique
soutenue dans les journaux pour ou contre le maintien des asiles
privés pour les aliénés. Nous rappellerons seulement que l'asile de
Clermont, qui recevait naguère à la fois des malades payants et
des malades entretenus par plusieurs départements, ne recevait
plus de nouveaux malades du département de la Seine depuis plu-
sieurs années. L'administration, complétant cette mesure, sur
l'avis du conseil général, va retirer tous ses malades transférables,
placés antérieurement dans cet asile.
NÉCROLOGIE. - Le Dl Firmin LAGAMELLE. médecin en chef de l'a-
sile d'aliénés et professeur chargé du cours clinique des maladies
mentales à la Faculté de médecine de Bordeaux, vient de succom-
ber à une longue et douloureuse maladie.
AI. Lagardellë est né à Verduu-sur-Garonne (Tarn-et-Garonne), le
30 mars 1838. Reçu docteur de la Faculté de médecine de Paris eu
l8li : i, il fut successivement directeur de la maison de santé d'Ivry,
médecin adjoint de l'asile d'aliénés de Dijon (1865), médecin ad-
joint de l'asile de Bordeaux (1866), médecin en chef à Niort, à Flou-
luls, à llarseille, à Lyon, puis enfin à Bordeaux (1879). L. Lagar-
delle avait inauguré à Niarseille des conférences cliniques sur les
maladies mentales.
Statue DE Pu. Pinel. Dans sa séance du 17 mai, le conseil mu-
nicipal a voté, sur le rapport de notre ami M. le Dr Dubois, un crédit
de 1.589 fr., destiné à la construction du piédestal qui doit soutenir
la statue de Philippe Pinel.
Société contre l'abus du ubac. -Prix. Parmi les questions qne
cette Société met au concours pour 1882, voici celle qui intéresse
plus particulièrement nos lecteurs : -
Prix de trois cents francs, fondé par 111. Decroix. Étudier l'in-
lluence du tabac sur la criminalité : faits judiciaires, contrebande,
FAITS DIVERS. 1 \'i
incendies, rixes, empoisonnements accidentels ou volontaires, etc.
(Ne pas confondre l'influence des liqueurs alcooliques avec celle du
tabac.) -
Tentative d'assassinat du Dl P. Gray par un aliéné. Le super-
intendant de l'asile des fous reçut, le 16 mars, un coup de pistolet
d'un aliéné nommé Remshaw. La balle (calibre 38) frappa un peu
en dehors de l'angle externe de l'oeil gauche, et, suivant une diago-
nale, passa en arrière du nez, traversa la joue droite, sortit au-des-
sous de l'angle externe de l'oell droit et franchit la fenêtre située
environ à cinq pas de l'endroit où le docteur était assis. Entendant
un homme s'approcher, celui-ci s'était retourné ainsi qu'il le faisait
en pareille circonstance. Ce mouvement lui sauva probablement la
vie, car autrement la balle aurait atteint le cerveau. L'assassin n'é-
tait pas interné dans l'asile, mais était employé aux bains turcs
d'Utique. Depuis dix-huit mois, il se considérait comme envoyé par
le ciel pour tuer le Dr Gray.
A la date présente, NI. Gray, malgré la gravité de la blessure, est
dans un état satisfaisant et nul doute que, dansquelque temps, il n'ait
complètement recouvré la santé. (LoMMt) : Heea ! .JV6u;s, 8 avril )882.)
Moins heureux que le Dl Gray, le Dl ADAMS, médecin à l'asile
de Kalamazo (\Iicbiâan), frappé d'un coup de couteau par un aliéné,
a succombé le lendemain. Le surveillant fut également blessé eu
essayant de désarmer l'aliéné.
Aliénés incurables et tranquilles. -Après avoir donné le mou-
vement de la population de l'asile d'aliénés de Danvers (Massachu-
rhet', The UtMH'st (ind Neurologist nous apprend que, dans son rap-
port, le Dr Goldsiiiilli regrette qu'on amène à l'asile beaucoup d'a-
liénés âgés et décrépits plutôt pour mourir que pour être traités.
Il dit que si les parents et les amis de ces malades avaient pour
eux suffisamment d'affection, ils pourraient les soigner à la maison.
Le Dr Goldsmith n'est pas le seul à formuler ces plaintes. A Dan-
vers on fait les plus louables efforts pour réaliser l'hôpitul ouvert
et le traitement des aliénés en dehors de l'asile, système qui est ap-
pliqué, par exemple à Woodilee, près de Glasgow. Nous estimons,
de notre côté, que si les administrateurs étaient bien imbus de ces
idées, il serait possible de retirer des asiles pour les rendre aux
familles un certain nombre d'aliénés chroniques, tranquilles, à
la condition d'allouer aux familles indigentes un secours mensuel.
Celte mesure contribuerait à resserrer les liens de la famille et
allégerait les dépenses que les départements s'imposent. Il va de
soi que cette mesure ne devrait être appliquée qu'aux malades dont
la situation est suffisamment bonne pour ne pas exiger, auprès de
lui, l'immobilisation d'un membre de la famille.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
BLAI9E (H.). - Contribution à l'élude des oscillations spontanées et
provoquées de la sensibilité dans Vhémiancslliésie. Brochure in-8" de
31 pages. Paris, librairie Lecrosnier, place de l'Ecole-de-Médecine.
13OUlt-,EVILLr et TEHTU"[En. Le Sabbat des sorciers. Plaquette grand
m-8" cane de 40 pages, avec 25 nguies dans le texte et une grande
planche hors texte, en vente aux bureaux des Archives de Neurologie.
Il a été tiré de cet ouvrage 300 exemplaires numérotés à la presse :
l 1 .i00 papier blanc vélu. Pin : broché, 3 fr. (pour nos
abonnés, 9 fi. 50); - Ns 301 à 450 papier parchemin. Prix : 4 fi-. (pour
nos abonnés, 3 fr. 5(l); Nos 451 à 500 papier Japon. Prix : 6 fi'. (puur
nos abonnés, fr.).
Buccoia (G.). - La riproduzione delta percezioni dt movimento nello
spazio latille. Brcerclri di psicologia sperimentale. Estrallo dalla Moula
Scuule, 11- 5.
KEUMAM (E.). Les appareils électro-médicaux a l'exposition d'electri-
cité. Brochure in-8° de 32 pages. Extrait de l'Union médicale. Paris,
fdjrairie Doin, 8, place de l'Odéon. '
Westpiial. Zur localisation fier hemianopsie und des ? MA'C/P/M ?
lezvz ilenschen. Extrait der rc. : t) sur jt)<ycAtM ? e, t. VI, 1879. Brochure
mu de 24 pages, avec 2 gra\ lires hors texte.
Wesiphal. ? 7;)'aH/fKay der hinterstrânge bei paralytisched geistes-
kranken. Extrait der 3TCltza sur psychiatrie, t. XII, n" 3. Brochure
n]-8''de8pages.
Westphal. Ueber CilIC fehlerquellc bei 17zieî,suchiiiq des kitiepliailo
viens ii71d ulei- dièses selbst. Extrait des Archiv fut psychiatrie, t. XII,
11- 3. Brochure in-8° de 15 pages.
Le réc(acteur-géraat, 130U11hEVILLE.
LW l17(. llLltlaa47, III : V. - ? SI
Vol. IV. Septembre 1882. N" 11.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
NOTE SUR L'ACTION DES COURANTS CONTINUS ÉTUDIÉE
AU DOUBLE POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE ET PATHO-
LOGIQUE ;
Par A. ESTORG, interne des hôpitaux de Montpellier.
I. En étudiant l'action physiologique des courants
continus, nous avons été frappé des variations consi-
dérables que présentait la résistance éprouvée par le
courant à son passage à travers les tissus. Elles se pro-
duisaient surtout d'un sujet à l'autre, ; mais existaient
aussi chez le même individu, électrisé à diverses re-
prises. Ce fait, nous l'avons vu plus tard, avait été déjà
signalé plusieurs années auparavant par M. le D' Vigou-
roux [Gazette médicale, 1879). Il est alors venu à l'es-
prit de notre maître, le professeur Grasset, sous la
direction duquel se faisaient nos recherches, d'exa-
miner ces variations de plus près, et de les analyser
avec quelque précision. Grâce au Dr Regimbeau, qui. a;
bien voulu mettre ses appareils à notre disposition, et;
10
1 le6 physiologie pathologique.
nous aider de ses conseils, il nous a été facile de réunir
à ce point de vue de nombreux documents.
Nous avons employé pour cela la méthode suivante :
Le pôle positif était placé sur le sternum et le pôle
négatif sur une partie quelconque, mais toujours la
même, de l'avant-bras. Nous faisions ensuite passer un
courant assez faible pour être longtemps supporté (dix
éléments par exemple). L'instant précis de la fermeture
une fois noté, nous relevions exactement le nombre de
divisions parcourues à chaque minute par l'aiguille
gatvanométrique, jusqu'au moment où celle-ci restait
définitivement immobile; le maximum d'intensité était
alors atteint et l'examen terminé.
Par ce procédé des expériences nombreuses ont été
faites, et nous avons constaté que, chez deux sujets
soumis à l'action d'un même courant, la résistance peut
varier de deux manières : tantôt, etc'est le cas le plus
ordinaire, le maximum de déviation est différent; élevé
pour l'un, il l'est moins pour l'autre, quelle que soit
la durée de l'application du courant. Tantôt, au con-
traire, le cas est moins fréquent, l'aiguille arrive au
même maximum, mais accomplit sa course, en des
temps inégaux; elle se déplace rapidement chez le
premier sujet, avec moins de vitesse chez le second.
. Ces éléments, déviations gatvanométriques d'une
part, temps employé à les parcourir de l'autre, nous
ont servi à dresser des courbes avec lesquelles on com-
pare aisément les résultats de plusieurs examens élec-
triques. La seule inspection de notre Planche III permet
de s'en rendre compte. Deux courbes y sont tracées :
l'une est un exemple remarquable de faible résistance;
le maximum est de 9 milliweber et se trouve atteint en
DE L'ACTION DES COURANTS CONTINUS. 147
cinq minutes; l'autre présente des caractères opposés :
l'aiguille arrive à peine à 3 milliweber en huit minutes.
Il suffit d'un simple coup d'oeil pour reconnaître ces
différences.
II. Cela posé en physiologie, il nous parut intéres-
sant, et même nécessaire d'étudier ces variations de
résistance au point de vue pathologique. M. Charcot
venait justement de rappeler [Société de biologie, 1882)
que le D' Romain Vigoureux avait constaté depuis long-
temps déjà chez des hystériques, atteintes d'hémianes-
thésie, une conductibilité moins grande du côté malade
que du côté sain. Nous résolûmes de commencer nos
expériences par la vérification de ce fait. C'est à la
Salpêtrière, sous les yeux pour ainsi dire de M. Charcot
et du D' R. Vigoureux, qu'ont eu lieu ces nouvelles
recherches.
Il ne s'agissait plus d'une simple comparaison entre
divers individus : il fallait rapprocher, comparer entre
eux les deux côtés d'un même malade. La première
condition à remplir était donc d'isoler le courant, de le
localiser à la moitié du corps, sur laquelle on opérait.
Son influence ne devait en rien se faire sentir du côté
opposé où la résistance eût été sans cela déjà dimi-
nuée, avant qu'il ne fût électrisé à son tour. Pour
arriver à ce résultat, nous avons légèrement modifié
notre méthode : au lieu de maintenir le pôle positif
sur le sternum comme précédemment, nous l'avons
porté vers les parties latérales et placé sous l'aisselle.
Le pôle négatif était fixé sur l'avant-bras correspon-
dant par un lien circulaire.
Les mêmes électrodes étaient employées à droite et
148 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
à gauche, sur des points exactement symétriques. Elles
présentaient une surface plane et peu étendue, afin
que le contact avec l'épiderme fût mieux assuré; enfin
les plus grandes précautions étaient prises pour que la
pression fût autant que possible toujours la même des
deux côtés.
Cinq hystériques ou hystéro-épiieptiques, toutes
atteintes d'hémianesthésie, ont été successivement exa-
minées. Le côté sain était d'abord électrisé, puis le
côté malade; nous revenions ensuite sur le premier
côté, pour passer de nouveau sur le second, et toujours
ainsi, la séance se prolongeant et les électrisations se
succédant autant qu'il était nécessaire pour arriver, de
part et d'autre, définitivement et d'emblée au maxi-
mum. Les tracés qui accompagnent cette note per-
mettent, il nous semble, de comprendre facilement la
marche que nous avons suivie; ils font connaître en
même temps les résultats obtenus. Nous allons d'ail-
leurs, pour en aider la lecture, ajouter quelques mots
sur chaque malade.
Disons d'abord d'une manière générale que sur nos
courbes les lignes pleines représentent constamment le
côté le plus sensible et les lignes ponctuées le côté le
moins sensible.
Kalm (Eva), examinée le 6 mars 1882. Hémianesthésie
gauche absolument complète (PL. IV). Un courant de douze
éléments, une première fois appliqué, donne à droite un maxi-
mum de 25° en une minute seulement, à gauche un maximum
de 18° en trois minutes; on voit sur la figure les deux lignes
toujours séparées par un intervalle assez considérable.
Une deuxième application les rapproche; le maximum de-
vient le môme, mais est atteint d'emblée du côté sain, en quatre
minutes du côté malade; enfin dans la troisième électrisation,
DE L'ACTION DES COURANTS CONTINUS. 149
les lignes se confondent, la résistance est devenue égale de
part et d'autre.
Georges (Louise), examinée le même jour, présente des ré-
sultats analogues, mais il faut quatre électrisations successives
de chaque côté pour les obtenir. En outre, l'anesthésie existant
chez elle à droite, c'est de ce côté que la résistance était d'abord
plus grande.
Les courbes de Blanch... et de Gall... sont encore
plus intéressantes.
Blanch... est soumise à un premier examen électrique le
1er mars 1882. Hémianesthésie gauche des plus complètes.
On obtient d'abord pour maximum : 50° en douze minutes à
droite (côté sain), 40° en neuf minutes à gauche (côté malade).
Une deuxième électrisation donne le même maximum 55° à
droite et à gauche, mais d'emblée à droite, en deux minutes à
gauche. La plus parfaite égalité existe enfin, sous tous les rap-
ports, entre les deux courbes, dans une dernière expérience.
Le 7 mars, deuxième examen. Un transfert s'est produit
depuis la veille; la sensibilité est revenue à gauche complète-
ment dans le membre supérieur et à la face, légèrement dans
le membre inférieur; du côté opposé anesthésie ou simple
diminution de sensibilité dans les points symétriques. Les
résultats fournis par l'électricité sont inverses des précédents.
Maximum : 50° en douze minutes du côté gauche devenu sain,
40° en onze minutes du côté droit devenu malade.
Les applications suivantes du courant modifient la vitesse
de l'aiguille galvanométrique, mais non la limite extrême de
sa déviation; les deux lignes finissent par arriver presque
d'emblée au maximum, mais sans jamais se confondre; la
ligne pleine s'élève toujours à 50°, la ligne ponctuée à 40°.
Les deux examens dont cette malade a été l'objet se
contrôlent mutuellement. Ils montrent nettement que
la résistance est encore dans ce cas plus grande au
côté de l'hémianesthésie que du côté sain.
Gall... est profondément insensible du côté gauche, quand
on l'électrise pour la première fois, le il, mars 1882. Seize
? )0 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
éléments produisent alors de part et d'autre une même dévia-
tion de 65o. mais en six minutes à droite, en huit minutes à
gauche. Ce maximum est atteint d'emblée des deux côtés à la
seconde application. Nouvel examen, huit jours après. L'anes-
thésie a cette fois disparu pour faire place à une hyperesthésie
des plus marquées; le courant produit à gauche une vive dou-
leur et peut à peine être supporté; le côté droit est resté
normal.
Maximum : 70° des deux côtés, en quatre minutes à gauche
(hyperesthésie), en neuf minutes à droite (état normal); la
différence entre les deux lignes diminue sensiblement dans
la deuxième électrisation et disparait à la troisième. La résis-
tance était donc, dans ce cas, plus grande à gauche avec l'anes-
thésie; elle devient au contraire plus faible de ce même côté,
quand on voit apparaître l'hyperesthésie.
Rien de contradictoire entre ces deux faits qu'on
doit plutôt considérer comme la réciproque l'un de
l'autre.
Notre dernière malade, Julie de la Mothe, n'a jamais pré-
senté de différence appréciable entre les deux côtés. Etudiée à
plusieurs reprises, la conductibilité électrique s'est montrée
chez elle, variable sans doute à diverses époques, mais toujours
la même à droite et à gauche. Il est vrai qu'il existait seule-
ment à gauche une légère diminution de sensibilité; sans
trouble visuel. En réalité, ce n'était pas à une véritable
hémianesthésie que nous avions à faire.
En résumé, nos deux premières hystériques n'ont
pu être examinées qu'une fois; elles confirment pleine-
ment l'opinion du D' R. Vigouroux. Grâce à un trans-
fert heureusement survenu, la troisième a été deux
fois observée; l'hémianesthésie, située primitivement à
gauche, est passée à droite et l'augmentation de résis-
tance a changé aussi parallèlement de côté. Chez la
quatrième, une vive hyperesthésie ayant succédé à
l'anesthésie la plus complète, nous avons vu du même
DE L'ACTION DES COURANTS CONTINUS. 1 ,") I
côté la résistance d'abord plus grande, devenir ensuite
plus faible que du côté opposé. Enfin la même con-
ductibilité a été partout constatée chez la dernière
malade dont la sensibilité était à peine diminuée du
côté gauche.
Tels sont les résultats de nos recherches; bien que
sommairement exposés, ils nous paraissent suffire à dé-
montrer l'importance qu'a la détermination de la cou-
ductibilité électrique chez tous les sujets. Cet élément
indispensable par l'électrothérapie et l'électrodiagnostic
doit même faire partie à l'avenir de la séméiologie de
beaucoup de maladies et spécialement de celles du
système nerveux. ,
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE Ht.
Résistance électrique des tissus chez deux individus sains.-Tracé 1 :
Faible résistance : le maximum de déviation est de 9 milliweber et est
atteint en 5 minutes. Tracé 2 : Forte résistance : le maximum de dé-
viation est de 3 milliweber et est atteint en S minutes.
PLANCHE IV.
Résistance électrique comparée des deux côtés du corps chez des hysté-
7')'<y ! <M atteintes d'héniianesthésie. indique le côté le plus sensible ;
- indique le moins sensible.
4^ Ta... (Eva). -Hémianesthésie gauche; résistance plus grande du
côté malade à une première application (tracé 1), s'atténuant progressi-
vement aux applications ultérieures (tracé 2), et finissant par devenir
égale a celle du côté sain (tracé 3).
2° Geor .. (Louise). Hémianesthésie droite : résultats analogues en
quatre électrisations successives.
3- BUnch... Hémianesthésie gauche : résultats analogues en trois
électrisations successives.
4^Blanch... Après transfert : résultats analogues renversés.
5° Gall... Hémianesthésie gauche : résultats analogues en deux élec-
trisations successives.
6- Gall... - Hyperesthésie gauche : résultats analogues renversés, en
trois électrisations successives.
CLINIQUE MENTALE
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS;
- . Par M. COTARD.
L'important mémoire dans lequel M. Lasègue, en
1852, a détaché des diverses formes de mélancolie le
délire des persécutions, a été le point de départ de tra-
vaux complémentaires qui ont fait de cette forme de
vésame l'une des mieux connues dans ses symptômes,
dans sa marche et ses terminaisons; il suffit de rappe-
ler, avec le nom de M. Lasègue, ceux de More ! , de
MM. Foville et Legrand du Saulle et en particulier
celui de M. J. Falret qui a exposé devant la Société
médico-psychologique le tableau aussi complet que pos-
sible des phases successives et de l'évolution de cette
maladie.
En ce qui concerne les autres variétés de délire
mélancolique, nos connaissances sont bien loin de
cette perfection relative. On a décrit avec soin la mé-
lancolie simple, la mélancolie avec stupeur, la mélanco-
lie anxieuse, on sait que ces formes sont souvent
intermittentes, que quelquefois elles deviennent con-
tinues et passent à la chronicité, mais les caractères
et les phases successives du délire qui aboutit à cette
chronicité n'ont pas, que je sache, été l'objet d'un tra-
vail équivalent à celui qui a été fait pour le délire des
persécutions.
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 153
Je me propose, dans ce mémoire, d'exposer une
évolution délirante spéciale, qui me paraît appartenir
à un assez grand nombre de ces mélancoliques non
persécutés, plus particulièrement aux anxieux, et
reposer surtout sur des dispositions négatives très
habituelles chez ces malades.
Généralement les aliénés sont négateurs; les, démons-
trations les plus claires, les affirmations les mieux
autorisées, les témoignagnes les plus affectueux les
laissent incrédules ou ironiques. La réalité leur est
devenue étrangère ou hostile. Mais cette disposition
négative est marquée surtout chez certains mélanco-
liques, comme l'a remarqué Griesiuger.
« Sous l'influence du malaise moral profond qui
constitue le trouble psychique essentiel de la mélan-
colie, dit cet auteur, l'humeur prend un caractère
tout à fait négatif... Cette confusion, dit-il plus
loin, que fait le malade entre le changement subjectif
des choses extérieures qui se produit en lui, et leur
changement objectif ou réel, est le commencement
d'un état de rêve dans lequel, lorsqu'il arrive à un
degré très élevé, il semble au malade que le monde
réel s'est complètement évanoui, a disparu ou est mort
et qu'il ne reste plus qu'un monde imaginaire au mi-
lieu duquel il est tourmenté de se trouver. »
Je hasarde le nom de délire de négations pour dési-
gner l'état des malades auxquels Griesinger fait allu-
sion dans ces dernières lignes et chez lesquels la dis-
position négative est portée au plus haut degré. Leur
demande-t-on leur nom ? ils n'ont pas de nom; leur
age ? ils n'ont pas d'âge; .où ils sont nés ? ils ne sont
pas nés; qui étaient leur père et leur mère ? ils n'ont
1 H Il CLINIQUE JIKNTALK.
ni père, ni mère, ni femme ni enfants; s'ils ont ma] à
la tête, mal à l'estomac, mal en quelque point de leur
corps ? ils n'ont pas de tête, pas d'estomac, quelques-
uns même n'ont point de corps; leur montre-t-on un
objet quelconque, une fleur, une rose, ils répondent :
Ce n'est point une fleur, ce n'est point une rose. Chez
quelques-uns la négation est universelle, rien n'existe
plus, eux-mêmes ne sont plus rien.
Ces mêmes malades qui nient tout, s'opposent atout,
résistent à tout ce qu'on veut leur faire faire. Certains
fous, dit Guislain, sont d'une opposition dont on ne
peut se faire une idée quand on ne les a pas vus de
près. Il faut les plus grands efforts pour les déterminer
à changer de linge, ils refusent de se coucher dans
leur lit, ils ne veulent pas se lever, ils sont opposés
à tout ce qu'on leur demande de faire. C'est la folie
d' opposition.
A cette folie d'opposition, Guislain rattache le mu-
tisme, le refus des aliments et cette singulière dispo-
sition de certains aliénés qui s'efforcent de retenir
leurs urines et leurs excréments. Mais il ne signale
pas le délire de négation dont la folie d'opposition
n'est pour ainsi dire que le côté moral. Il en est de
même de la plupart des auteurs et il paraît étrange
qu'une lésion intellectuelle aussi caractérisée n'ait pas
davantage attiré l'attention. Les cas même où le fait
est simplement signalé, sont rares. La forme hypochon-
driaque du délire des négations seule est devenue d'ob-
servation vulgaire depuis les travaux de M. Baillarger.
C'est dans les Fragments psychologiques de Leu-
ret que je trouve l'observation la plus caractéristique.
J'en résume l'interrogatoire.
DU DELIRE DES NEGATIONS. t 55
Comment vous portez-vous, madame ? La personne de
moi-même n'est pas une dame, appelez-moi mademoiselle, s'il
vous plaît. Je ne sais pas votre nom, veuillez me le dire ?
La personne de moi-même n'a.pas de nom : elle souhaite que
vous n'écriviez pas. Je voudrais pourtant bien savoir com-
ment on vous appelle, ou plutôt comment on vous appelait
autrefois. Je comprends ce que vous voulez dire. C'était Cathe-
rine X..., il ne faut plus parler de ce qui avait lieu. La per-
sonne de moi-même a perdu son nom, elle l'adonné en entrant
à la Salpêtrière. Quel âge avez-vous ? La personne de moi-
même n'a pas d'âge. Vos parents vivent-ils encore ? La per-
sonne de moi-même est seule et bien seule, elle n'a pas de
parents, elle n'en a jamais eu. Qu'avez-vous fait et que vous
est-il arrivé depuis que vous êtes la personne de vous-même ?
La personne de moi-même a demeuré dans la maison de santé
de..... On a fait sur elle et on fait encore des expériences phy-
siques et métaphysiques. Ce travail n'était pas connu d'elle
avant 1827. Voilà une invisible qui descend, elle vient mêler
sa voix à la mienne. ,
La malade de Leuret présentait, en outre du délire
de négation le mieux caractérisé, des hallucinations
nombreuses : elle était tourmentée par des invisibles,
par la physique et la métaphysique, en un mot, on
observait chez elle des symptômes de délire de persé-
cution. Les cas complexes où, comme dans celui-ci,
les deux délires coexistent, ne sont pas rares, j'en cite-
rai plus loin des exemples. Mais le plus souvent ces
deux formes de délire s'observent isolément chez des
malades différents.
Le vrai persécuté parcourt toutes les phases de son
délire, depuis l'hypochondrie du début jusqu'à la méga-
lomanie, sans que ses dispositions négatives dépassent
ce qu'on observe communément chez les aliénés; il nie
par méfiance, par crainte d'être dupe, ou bien parce
qu'il est complètement dominé par ses conceptions
délirantes et ses hallucinations, et qu'il en est arrivé à
156 CLINIQUE MENTALE.
vivre dans un monde imaginaire, mais ses dispositions
négatives sont bien différentes de la négation systéma-
tisée dont je veux parler ici.
En général les persécutés ne présentent ni la pro-
fonde dépression, ni l'anxiété gémissante des vrais
mélancoliques; il ne semble pas qu'il y ait en eux ce
trouble profond de la sensibilité morale que Griesin-
ger considère comme l'élément fondamental de la
mélancolie. C'est sur ce terrain, au contraire, que
parait se développer plus ou moins tardivement et après
une évolution délirante spéciale, la négation systéma-
tisée. Il n'est pas rare, toutefois, dans les états de
chronicité avancée, que le délire de négation survive
en quelque sorte aux troubles généraux du début et
que les malades, comme celle de Leuret, ne présentent
plus ni dépression ni agitation anxieuse manifestes.
Je viens d'assigner, comme double origine du délire
des négations, la mélancolie avec dépression ou stupeur
et la mélancolie agitée ou anxieuse. Quelque diffé-
rentes que soient, dons leurs manifestations externes,
ces deux formes de mélancolie, on ne peut se refuser
àreconnaître leurs analogies délirantes, analogies frap-
pantes surtout dans les cas où la dépression et l'agita-
tion anxieuse se succèdent ou allernent chez les mêmes
malades, sans que le délire soit sensiblement modifié.
Dans ces formes prédominent l'anxiété (une anxiété
intérieure effroyable constitue l'état fondamental de la
mélancolie avec stupeur, dit Griesinger), les craintes,
les terreurs imaginaires, les idées de culpabilité, de
perdition et de damnation; les malades s'accusent eux-
mêmes, ils sont incapables, indignes, ils font le
malheur et la honte de leurs familles ; on va les arrêter
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 157
les condamner à mort : on va les brûler ou les couper
par morceaux. Ces craintes de prison, de condamna-
tion et de supplices ne doivent pas, comme nous l'a
souvent fait remarquer M. J. Falret, être confondues
avec le véritable délire de persécution qui est relative-
ment rare chez les malades de cette espèce. Bien diffé-
rents des persécutés, ils s'accusent eux-mêmes ; si on
va les livrer au dernier supplice, ce n'est que justice,
ils ne l'ont que trop mérité par leurs crimes.
A ce point de vue, on peut distinguer deux grandes
classes de mélancoliques : ceux qui s'en prennent à
eux-mêmes et ceux qui accusent le monde extérieur
et surtout le milieu social. Ces derniers sont les persé-
cutés que Guislain avait déjà désignés du nom d'aliénés
accusateurs.
Cette division des mélancoliques correspond à peu
près à la division en mélancolie avec trouble général de
l'intelligence et en monomanie triste (Baillarger) et à la
division eu lypémanie générale et lypénzanie partielle
(Foville); on peut dire, d'une manière très [générale,
que les mélancoliques vrais s'accusent eux-mêmes,
tandis que les monomanes tristes accusent autrui. Mais
il n'est pas rare de voir, d'une part, les persécutés
prendre, pendant un paroxysme, les caractères de la
mélancolie générale, déprimée ou anxieuse, et, d'autre
part, les mélancoliques à idées de culpabilité, arrivés
à une période plus ou moins avancée de leur maladie,
revêtir la physionomie Jes monomanes tristes.
Il y a sans doute, derrière ces manifestations exté-
rieures, qui varient depuis la stupeur jusqu'à l'agita-
tion anxieuse, quasi-maniaque, des dispositions mala-
dives plus profondes où réside la différence essentielle
158 CLINIQUE MENTALE.
entre les persécutés et les autres mélancoliques. Peut-
être est-ce dans les tendances que j'ai indiquées tout à
l'heure et qui portent les malades soit à s'accuser eux-
-mêmes, soit à accuser les autres, qu'il faudrait chercher
la manifestation la plus immédiate de ces dispositions
intimes qui constituent le véritable fond de la maladie.
Ces tendances existent souvent pendant bien des
années avant l'apparition évidente du délire; à un
degré très atténué on les rencontre chez beaucoup
d'hommes sains d'esprit, parmi lesquels elles établis-
sent deux catégories tout n fait distinctes.
Longtemps avant d'être réellement aliénés, les per-
sécutés sont soupçonneux et méfiants, plus sévères
pour les autres que pour eux-mêmes; pendant long-
temps aussi certains anxieux, avant d'être frappés d'un
accès franchement vésanique, sont scrupuleux, timides,
toujours disposés à s'effacer, plus sévères pour eux-
mêmes que pour les autres.
J'insiste sur cette division des délires mélancoliques,
confondus par la plupart des auteurs. Marcé paraît
l'admettre implicitement; il ne signale, dans la véri-
table mélancolie, que les idées de ruine, de culpabi-
lité, etc., indique le délire hypochondriaque consécutif
et relègue dans la monomanie les idées de persécu-
tion; mais il n'insiste pas autrement sur cette distinc-
tion, qui du reste paraît trop absolue, puisque certains
persécutés présentent les caractères de la mélancolie
vraie et que d'autres malades à idées de ruine et de
culpabilité ressemblent à des monomanes.
Examinons maintenant par quelle évolution déli-
rante les mélancoliques qui s'accusent eux-mêmes
arrivent au délire des négations; résumons d'abord les
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 159
principaux caractères de leur état mental. Dans leur
forme la plus atténuée, ces caractères sont ceux de la
variété de mélancolie désignée sous les noms de mélan-
colie simple ou sans délire et plus exactement sous le
nom d'hyl)ochoj2(irie morale par AI. J. Falret, qui l'a
décrite avec une exactitude minutieuse.
Les mélancoliques, dits sans délire, sont eu effet
atteints d'un délire triste portant sur l'état de leurs
facultés morales et intellectuelles,' et présentant déjà
une forme négative évidente. « Ils ont honte ou même
horreur de leur propre personne et se désespèrent en
songeant qu'ils' ne pourront jamais retrouver leurs
facultés perdues... Ils regrettent leur intelligence éva-
nouie, leurs sentiments éteints, leur énergie disparue...
Ils prétendent qu'ils n'ont plus de coeur, plus d'affec-
tion pour leurs parents et leurs amis, ni même pour
leurs enfants..» »
Les idées de ruine apparaissent souvent, et semblent
être un délire négatif de même nature : en même
temps que ses richesses morales et intellectuelles, le
malade croit avoir perdu sa fortune matérielle; il n'a z
plus rien de ce qui fait l'orgueil de l'homme , ni intelli z
gence, ni énergie, ni fortune.
C'est l'envers du délire des grandeurs où les malades
s'attribuent d'immenses richesses en même temps que
tous les talents et toutes les capacités. Cette hypochon-
drie morale repose sur le fonds commun de la mélan-
colie et sur un état d'anxiété vague et indéterminée,
« les malades sentent que tout est changé en eux et
au dehors et se désolent de ne plus apercevoir les
choses -CI travers le même prisme qu'autrefois ». (J.
Falret.)
160 CLINIQUE MENTALE.
Dans ces cas légers, il existe déjà comme un voile à
travers lequel le malade ne perçoit plus la réalité que
d'une manière confuse; tout lui paraît transformé. A
- mesure que l'état maladif devient plus intense, ce voile
s'épaissit et, dans les cas de stupeur, finit par masquer
entièrement le monde réel. Le malade est alors, comme
le fait justement remarquer M. Baillarger, dans un état
voisin du rêve.
Non seulement à ce point de vue, mais à tous autres
égards, il semble n'y avoir qu'une différence de degré
entre ces états d'hypochondrie morale et les affections
mélancoliques avec idées de culpabilité, de ruine, de
damnation et négation systématisée. L'hypochondrie
morale est une ébauche dont il suffit d'accentuer les
traits et de forcer les ombres pour achever le tableau
de ces dernières formes de mélancolie.
Le dégoût de soi-même arrive au délire de culpabi-
lité et de damnation, les craintes deviennent des ter-
reurs ; la réalité extérieure transformée et confusé-
ment perçue finit par être niée. Certaines négations se
montrent même de très bonne heure chez les hypo-
chondriaques moraux; ils nient la possibilité de leur
guérison, d'un soulagement quelconque dans leur état
de souffrance; c'est une des premières négations de ces
malades dont quelques-uns iront plus tard jusqu'à nier
le monde extérieur et leur propre existence.
Il importe de bien distinguer cet état d'hypochondrie
morale de l'hypochondrie ordinaire.
Bien qu'on doive, dit M. Baillarger, admettre des
cas de mélancolie sans délire, néanmoins il importe
de se défier de certains hypochondriaques qui ont eu
apparence beaucoup de ressemblance avec les mélan-
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 161
coliques dont il est ici question. Le véritable mélanco-
lique est dans un état de dépression générale... Rien
de pareil n'a lieu chez l'hypochondriaque, qu'une dis-
traction peut momentanément faire sortir de sa pré-
tendue prostration, de sa nullité, de son impuis-
sance, etc.
L'hypochondrie ordinaire, dont parle ici M. Baillarger
se rapproche par plusieurs caractères du délire des
persécutions, dont elle n'est souvent que la première
période, et c'est surtout l'évolution diverse des deux
hypochondries qui justifie la distinction de M. Baillarger.
Ou peut dire d'une manière générale que l'hypochon-
drie morale est au délire de ruine, de culpabilité, de
perdition et de négation, ce que l'hypochondrie ordi-
naire est au délire des persécutions.
Lorsque le délire de négation est constitué, il porte
soit sur la personnalité même du malade, soit sur le
monde extérieur. Dans le premier cas, il prend une
forme hypochondriaque analogue au délire spécial
signalé par M. Baillarger chez les paralytiques : les
malades n'ont plus d'estomac, plus de cerveau, plus
de tête, ils ne mangent plus, ne digèrent plus, ne vont
plus à la garde-robe, et en fait ils refusent énergique-
ment les aliments et souvent retiennent leurs matières
fécales. Quelques-uns, comme je l'ai indiqué dans une
note présentée à la Société médico-psychologique,
s'imaginent qu'ils ne mourront jamais. Cette idée d'im-
mortalité se rencontre surtout dans les cas où l'agita-
tion anxieuse prédomine; dans la stupeur, les ma-
lades s'imaginent plutôt qu'ils sont morts. On en voit
même qui présentent alternativement l'idée d'être
morts ou l'idée de ne pouvoir mourir, suivant leurs
n
162 L> CLINIQUE MENTALE.
états alternatifs d'agitation anxieuse ou de dépression
stupide.
Le délire hypochondriaque, surtout moral au début,
devient, à une période plus avancée et surtout quand
la' maladie passe à l'état chronique, à la fois moral et
physique. Des malades qui commencent par n'avoir ni
coeur,ni intelligence, finissent par n'avoir plus de corps.
Quelques-uns, comme la malade de Leuret, ne par-
lent d'eux-mêmes qu'alla troisième personne. Chez les
persécutés, la marche est inverse. L'hypochondrie du
début est surtout physique; mais à une période plus
avancée, les malades se préoccupent de leurs facultés
intellectuelles, on les abêtit, on les empêche de penser,
on leur dit des bêtises, on leur soutire leur intelli-
gence, etc.
Ces deux hypochondries ne diffèrent pas, seulement
par leur marche; l'hypochondrie des anxieux porte le
cachet de l'humilité; ils n'ont rien et sont rien qui
vaille; ils sont pourris, atteints de maladies ignobles,
quelques-uns croient avoir la syphilis , et Fodéré
' avait déjà remarqué la connexion de cette der-
nière idée délirante avec ce qu'il appelle la damno-
manie. ! Tout autres sont les hypochondriaques persécutés. Ils
x ont en général fort bonne opinion d'eux-mêmes et de
leur organisation assez robuste pour supporter tant de
' maux; ils s'en prennent aux influences extérieures, à
l'air, à l'humidité, au froid, à la chaleur, aux aliments
'et surtout aux médicaments. S'il s'agit de syphilis, ce
n'est pas la syphilis, mais le mercure qui devient la
cause de toutes leurs souffrances. Ils finissent par
accuser le médecin et arrivent au délire de persécution
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 163
confirmé. (Legrand du Saulle, Gazette des hôpitaux,
décembre 1881.)
Ces influences nuisibles auxquelles le persécuté se
croit en butte et qui du dehors convergent vers sa
personne, l'anxieux s'imagine au contraire en être la
source et les répandre tout autour de lui; il se figure
qu'il porte malheur aux personnes qui l'approchent,
au médecin qui le soigne, aux domestiques qui le
servent; il va leur communiquer des maladies mortelles,
les compromettre ou les déshonorer; la maison où il
habite sera une maison maudite; en se promenant dans
le jardin, il fait périr les arbres et les fleurs.
Le délire hypochondriaque de négation est souvent
lié à des altérations de la sensibilité. L'anesthésie est
fréquente dans la stupeur où elle a été signalée par tous
les auteurs, on la rencontre aussi chez quelques mé-
lancoliques anxieux ; chez d'autres, il semble qu'il y ait
au contraire hyperesthésie, les malades ne veulent pas
se laisser approcher; ils crient dès qu'on les touche
et répètent sans cesse : « Ne me faites pas de mal ! »
Dans quelle mesure ces altérations de la sensibilité
concourent-elles au développement du délire hypochon-
driaque de négation, c'est là une question de pathogé-
nie que je ne veux point essayer d'élucider. Je me
borne à les signaler comme caractère différentiel des
deux détires hypochoudriaques; fréquentes chez les néga-
teurs, elles sont tout à fait rares chez les persécutés.
Lorsque le délire porte sur le monde extérieur, les
malades s'imaginent qu'ils n'ont plus de famille, plus
de pays, que Paris est détruit, que le monde n'existe
plus, etc. Les croyances religieuses, et en particulier la
croyance eu Dieu, disparaissent souvent, quelquefois
161 CLINIQUE MENTALE.
de très bonne heure. Griesinger a signalé les idées
lugubres, négatives, dont se sentent envahis les malades
que leur agitation inquiète rend incapables de recueille-
ment et de prière. '
Ce ne serait pas assez d'une rapide description du
délire des négations' et de ses diverses formes, pour
faire dé ce délire une espèce particulière de mélancolie.
Je voudrais montrer que, conjointement à ce délire,
il existe' de nombreux symptômes étroitement associés
entre eux, de'manière à constituer une véritable ma-
ladie, distincte par ses caractères et son évolution.
Le délire des persécutions peut nous servir de type.
C'est surtout en faisant ressortir les différences et les
contrastes qu'il présente avec le persécuté,' que. je cher-
che à dépeindre le négateur. '' si ' "' '' "' ' 1
J'ai déjà commencé ce paranèle'en'marquant la diffé-
rence entre l'hypochondrie morale ei' l'hypochondrie
ordinaire, entre le` mélancolique anxieux qui s'accuse
lui-même et le persécuté qui s'en prend au monde exté-
rieur. Lorsque la maladie devient plus intense, ou revêt
dès le début une formé plus grave, il s'ajoute aux
symptômes ébauchés dans l'hypochondrie' morale et
au délire vulgaire de ruine et de culpabilité, des phéno- ? n Li v 1 911 ''1rn n · . tf ' r '
menés nouveaux qui mentent de fixer 1 attention en
raison de leurs caractères spéciaux : ce sont les halluci-
nations. "L "" "a ' 1
Ces hallucinations sont fréquentes surtout dans les
états de stupeur, mais on les observe aussi dans la
y r ·; , |, ? y , . , ,, .
torme anxieuse. Les malades se croient entoures de
làl)'i lit ! 1.'·Ir 1 1 1... l t . ,
flammes, ils voient des précipices a leurs pieds, ils
,7 ..J..f1<l<Min ? ? r.r · , ! ii ? » f·r .i .
s imaginent que la terre va les engloutir ou que la mai-
son vas écrouler, ils voient les murs chanceler et croient t
. 1 1 , la , 1
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 165
que la maison est minée; ils entendent les préparatifs
de leur supplice, on dresse la guillotine; ils entendent
des roulements de tambour, des détonations d'armes
à feu, on va les fusiller; ils voient la corde destinée
aies pendre, ils entendent des voix qui leur reprochent .,
leurs crimes, leur lisent leur arrêt de mort ou qui leur
répètent qu'ils sont damnés. Quelques-uns ont des .
.1 Il,,
hallucinations du coût et de l'odorat et s'imaginent
qu'ils sont pourris, que leurs aliments sont transfor-
més, qu'on leur présente des ordures, des matières
fécales, de la chair humaine, etc. ,
En sénéra ! , les hallucinations, chez les malades à
En général,, les hallucinations, chez les malades à
a . ' Il 1.111, . 1 1. le .
idées de culpabilité, appartiennent à cette catégorie
d'hallucinations, établie par M. Baillarger, qui repro-
duisent les préoccupations actuelles des malades. Une
HM>1 | '1,111 '1^ -, ( i ,, ^ ,
mélancolique, dit cet auteur, qui s'accusait de crimes
imaginaires', était obsédée jour et nuit par une voix qui
lui lisait son arrêt de mort et décrivait les supplices,
t I l * «
qui lui étaient réservés. Une autre malade dont l'his-
toire est rapportée par Michéa, se croit coupable,
poursuivie par la police et menacée(de mort. Elle est
placée dans une maison de santé et quelques jours
après,, la lvpé ni aiiie étant à son comble, elle aperçoit
presque constamment à ses pieds la cordé qui doit ser-
' ' ' t'$r u ., 1 ? , Il i -)t) ?
vir à I étrangler et le cercueil prépare pour recevoir
son cadavre. 'tif
son cadavre. , ? ; ? . . ., ? ,
Des malades se croient damnés et ils voient les
flammes de l'enfer, ils entendent des coups de fusil
et croient qu'on va les fusiller. Guislain a fait remar-
4 'i Il ) '<)t< 1
quer l'étroite connexion entre la z
suicide et ce genre d'haHucInations où tes malades voient
i 'D Il - -et, i ... 1 , , ,> ,
partout des flammes, des incendies.
166 CLINIQUE MENTALE.
L'état hallucinatoire 'des mélancoliques anxieux,
stupides ou agités, est profondément distinct de celui
des persécutés, d'abord par les hallucinations de la
vue qui sont rares chez les persécutés et ensuite par le
caractère des hallucinations auditives. Comme les hallu-
cinations de la vue, celles-ci sont simplement confir-
matives des idées délirantes et il est quelquefois malaisé
de les en distinguer; chez les anxieux, le phénomène
hallucinatoire ne présente pas cette indépendance qui
lui donne, chez les persécutés une si grande netteté en
même temps qu'une évolution toute spéciale.
Le persécuté arrive peu à peu à un dialogue, on le
voit écouter, répondre avec impatience ou colère à ses
interlocuteurs imaginaires; rien de pareil chez l'anxieux :
s'il parle, c'est pour répéter sans cesse les mêmes mots,
les mêmes phrases, le même gémissement, sa loquacité
a le caractère d'un monologue, d' une . litanie , tandis
que celle du persécuté est dialbgante.
On n'observe pas non plus chez l'anxieux la répercu-
sion de la pensée, l'écho, ni ce vocabulaire spécial qui
permet de reconnaître au bout d'un instant de conver-
sation les persécutés chroniques.
J'ai indiqué, au commencement de ce travail, l'oppo-
sition et la résistante systématiques des délirants par
négation; on rencontre souvent chez eux une raideur
et une tension musculaires qui montrent que leur iner-
tie n'est qu'apparente et que leur résistance n'est pas
simplement passive. Dès qu'on veut changer leur atti-
tude, imprimer quelque mouvement à leurs membres,
ils contractent énergiquement leurs muscles pour ré-
sister et maintenir leur position ordinaire.
Je ne veux pas m.'arrêter sur les tremblements
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 167
signalés chez quelques anxieux, sur les accidents cata-
leptiformes des stupides, mais je ne puis passer sous
silence les impulsions suicides et les mutilations si fré-
quentes chez les anxieux, surtout quand ils sont domi-
nés par des idées religieuses, et qui établissent encore
une différence avec les persécutés chez lesquels le sui-
cide est beaucoup moins fréquent, et les mutilations
tout à fait rares.
Les anxieux à idées de damnation sont les malades
les plus disposés au suicide; alors même qu'ils se
croient morts, ou dans l'impossibilité de jamais mou-
rir, ils n'en cherchent pas moins à se détruire; les uns
veulent se brûler, le feu étant la seule solution', les
autres veulent être coupés par morceaux et cherchent
par tous les moyens possibles à satisfaire ce besoin
maladif de mutilations, de destruction et d'anéantisse-
ment total. Quelques-uns se montrent violents envers
les personnes qui les entourent; il semble qu'ils veuillent
démontrer qu'ils sont bien réellement les êtres les,plus
pervers et lés plus dépourvus de sentiments moraux;
souvent ils injurient, blasphèment; des damnés et des
diables ne peuvent faire autrement.
Le refus des aliments, si étroitement lié à la folie
d'opposition, présente aussi quelques caractères spé-
ciaux chez les négateurs. En général il est total et porte
indistinctement sur tous les aliments; les malades
refusent de manger parce qu'ils n'ont pas d'estomac,
que « la viande et autre nourriture leur tombe dans la
peau du. ventre », parce que les damnés ne mangent
point, parce qu'ils n'ont pas de quoi payer. Quelques-
uns cependant, dominés par un délire de culpabilité où
de ruine moins intense, choisissent dans leurs aliments :
168 CLINIQUE MENTALE.
ils ne mangent que du pain sec par pénitence ou se
privent de dessert.
Le persécuté au contraire examine soigneusement
ses aliments, cherche ce-qui lui paraît bon, rejette ce
qui lui semble suspect ; quand par hasard il rencontre
des aliments qu'il suppose indemnes de tout poison, il
mange avec voracité. En général, le refus des aliments
est partiel chez le persécuté.
J'arrive, pour terminer ce parallèle, à l'étude de la
marche de la maladie. Le délire des persécutions est
essentiellement rémittent ou, si l'on veut, continu avec
paroxysmes; la maladie débute en général de bonne
heure, se développe d'une manière lente et progressive
et dure toute la vie. Cette marche rémittente est déjà
manifeste dans l'hypochondrie du début; elle l'est aussi
dans le cas où le mal ne paraît pas évoluer au delà de
cette forme ébauchée.
La maladie a une toute autre allure chez les néga-
teurs : elle frappe brusquement, souvent vers la période
moyenne de la vie, des personnes dont la santé mo-
rale avait paru jusque-là correcte; quand elle gué-
rit, la guérison est brusque, comme le début; le
voile se déchire et le malade se réveille comme d'un
rêve.
Les formes les plus légères, il n'est pas besoin de le
dire, sont aussi les plus curables. La mélancolie dite
sans délire, l'hypochondrie morale, les états anxieux
avec idées de ruine, guérissent habituellement. Mais la
maladie est sujette à des retours, à des intervalles plus
ou moins éloignés et prend le caractère des vésanies
intermittentes. Ce caractère intermittent se manifeste
quelquefois, même dans des cas incurables, par des
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 169
réveils de courte durée et où il semble que le malade
ait retrouvé sa lucidité tout entière.
J'ai vu une fois, dit Griesinger, chez une malade
atteinte de mélancolie profonde (elle se figurait avoir
complètement perdu sa fortune et se croyait menacée
de mourir de faim) un intervalle parfaitement lucide
d'environ un quart d'heure, survenir saus motif appré-
ciable et disparaître de même brusquement.
Dans les formes où prédomine d'emblée la stupeur,
la guérison s'observe souvent malgré l'intensité du
délire et son absurdité. Mais il n'est pas rare qu'après
une agitation anxieuse intense et prolongée, avec hallu-
cinations, délire panophobique, etc., les malades tom-
bent dans une espèce de stupidité trop souvent con-
fondue avec la démence et qui se prolonge indéfiniment.
Ces malades présentent souvent la folie d'opposition au
plus haut degré, ils sont muets, quelques-uns répètent
seulement le mot « Non ».
Le pronostic est également fâcheux lorsqu'on voit
diminuer l'intensité du trouble mélancolique général,
tandis que les idées délirantes et les négations per-
sistent au même degré. Les malades arrivent au délire
négatif systématisé qui est rarement curable; ils pré-
sentent eux aussi dans la plupart des cas la folie d'op-
position, dont Guislain a signalé le fâcheux pronostic.
Par sa marche, par son début, par sa terminaison
brusque, quand elle guérit, la folie des négations se
rattache au groupe des vésanies d'accès ou intermit-
tentes et à la folie circulaire. Si même on réserve le
nom de délire des négations aux cas où ce délire est
arrivé au degré que j'ai indiqué au commencement de
ce travail, ou peut dire que le délire des négations est'
I 70 CLINIQUE MENTALE. DU DEHRb DES NÉGATIONS.
un état de chronicité spécial à certains mélancoliques
intermittents dont la maladie est devenue continue.
Je veux seulement signaler un point qui me paraît
établir une différence entre les négateurs et d'autres
intermittents qui se rapprochent plutôt des circulaires.
Lorsqu'on se renseigne sur les antécédents, le carac-
tère des malades, on apprend souvent qu'ils ont toujours
été un peu mélancoliques, taciturnes, scrupuleux, dé-
voués, charitables, toujours prêts à rendre service;
quelques-uns doués des qualités morales les plus distin-
gués. Leur état maladif, leur délire d'humilité ne con-
trastent pas d'une manière absolue avec leur manière
d'être antérieure et n'en sont que l'exagération mala-
dive. En un mot ces malades ne sont pas franchement
alternants comme les circulaires et comme certains
intermittents dont l'état considéré comme sain contraste
absolument avec les accès mélancoliques.
Ce caractère des négateurs permet aussi de les sé-
parer nettement de la plupart des héréditaires parmi
lesquels ils forment une catégorie spéciale; ils se dis-
tinguent, en effet, par un développement exagéré, s'il
est permis de le dire, de ces mêmes qualités morales
dont l'avortement chez les autres héréditaires explique
la vie désordonnée, le profond égoïsme, l'orgueil, le
caractère indisciplinable, les délits et les crimes.
Il suivre.)
PATHOLOGIE MENTALE
RECHERCHES CLINIQUES SUR LA FRÉQUENCE DES MALADIES
SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES;
Par le Dr S. DANILLO, médecin (le la Clinique de Samt-Pétershourg.
L'influence des affections génitales sur la production
et la marche de la folie et des maladies nerveuses
chez les femmes a déjà été traitée plusieurs fois; mais
cette question, fort intéressante, a rencontré des avis
différents. Les uns croyaient que la plupart des affec-
tions mentales et nerveuses de la femme étaient dues
exclusivement ou, du moins, principalement à l'in-
fluence prépondérante des anomalies, soit physiolo-
giques, soit anatomiques, du système générateur.
D'autres, au contraire, ou niaient presque absolument
cette influence, si marquée pour les premiers, ou même
ne l'abordaient pas du tout. Enfin, les auteurs anciens
rapportent un grand nombre d'observations d'après
lesquelles diverses anomalies fonctionnelles sexuelles
peuvent produire des accès de folie, observations notées
en grande partie dans le livre de Berthier'. Nous
avouerons, en passant, que, dans l'état actuel de la
science, ces faits ne peuvent présenter qu'un intérêt
exclusivement historique et que personne ne voudrait
eu déduire les moindres conclusions; ces faits, bien
1 Btrltiet'. Sur les névroses menstruelles, 1874.
172 PATHOLOGIE MENTALE.
que nombreux, ne présentent pas des données suffi-
santes pour être considérés comme certains.
Quoi qu'il en soit, les aliénistes continuent, dans
divers traités, à discuter de l'influence des maladies
sexuelles sur la folie chez la femme.
Ainsi, dans la bibliographie française, on trouve
certaines indications. Chez Esquirol ', ces indications
sont très générales. Guislain2 dit que, dans beaucoup
de femmes aliénées, la région des ovaires est le siège
de souffrances profondes. Morel croit que les maladies
primitives des organes génitaux chez les femmes ont
été les causes de la plupart des cas d'aliénation men-
tale. Fali,et' envisage aussi les anomalies fonction-
nelles de la sphère sexuelle chez la femme comme une
des causes prédisposantes occasionnelles et indirectes
de la folie (p. 66); et, en ce qui touche la fréquence
des maladies sexuelles chez les aliénées, il se borne à
noter que celles-ci, plus que les autres femmes, sont
exposées aux irrégularités et suppressions mens-
truelles, ce qui lui paraît toutefois trop exagéré (loc.
cit., p. 301). Marcé dit également que les fonctions
génitales et leurs anomalies peuvent être cause de la
folie chez la femme, sans,' toutefois, aborder, comme
les précédents auteurs, la question de la fréquence de
maladies sexuelles chez les aliénées. 1
Bail, Dagonet, Luys, ne touchent presque pas non
plus cette question. Mairet5 croit que la folie peut être
1 Esquirol. Traité des maladies mentales.
- Guislain. - Leçons orales sur les p/t;e'(0a</tte.s', 1880.
J. Falret. Leçons cliniques sur les maladies mentales, 18G4.
larcl. Sur la folie des femmes enceintes, 18o8.
)Iitirft. Maladies sexuelles et aliénation mentale. (oef/ïpr mé-
dical. Octol)re-iioveiiil)re 1881, janvier 1882.)
DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 173
provoquée et entretenue par des désordres du système
sexuel chez la femme, en se rangeant à l'opinion déjà
émise par Azam', qui décrit quarante cas d'autopsie
de femmes aliénées avec lésions sexuelles. Boussi ,
au contraire, ne croit pas à l'influence des maladies
sexuelles sur la folie. Enfin, Boyé 3, se fondant sur
les travaux des autres et sur ses propres observa-
tions, arrive à conclure que les maladies des organes
génitaux s'observent souvent chez les aliénées et
que ces maladies sont fréquemment la cause de la
folie.
Quant aux auteurs allemands : Griesinger', Leides-
dorf', Selilager', et Ammon7 émettent l'opinion que
quelquefois les anomalies fonctionnelles ou anato-
miques de la sphère sexuelle peuvent influer d'une
certaine façon chez la femme, soit dans le cours de la
maladie mentale ou d'une névrose déjà existantes, soit
même, dans certaines conditions, en provoquant un
accès de folie aiguë. Krafft-Ebbing8, Ripping9, et
1 Azam. Folie entretenue et pbuoquée par les lésions de l'utérus et de
ses (lll ? lexes,1858.
1 Boussi. Etude sur les troubles nerveux réflexes observés dans les
maladies utérines. Thèse de Paris, 1880.
3 Boyé. - Essai clinique sur les rapports des troubles génitaux à la folie
chez la femme. Thèse de Montpellier, 1880.
* Griesinger. Seelenkrankeitcn, 1866.
u Leidesdorf. Pathologie und Thérapie de;' psychischen Krankcilen,
1873.
» Sclilager. Zeitschrift sur Psychiatrie 1858. Bd. XV. Die Beziehiiiig
des 7 ? zeîtsti-tial-Pi-ocesïes und seirter drzomalien zur psychischen Stoerun-
ge7l, etc.
7 Ammon. Ueber Deziehuiigegb der Genital-Affeclionen zu Neurosen,
1874.
8 Krafft-Ebliing. - Archiv sur Psychiatrie. Bd. VIII, 1877. Urztersuchurz-
gen uber Irrensein zur Zeit der Menstruation.
9 Rippitig. Die Geistes-Stoerungen </e)' Sclawangererz, Woechitei,i ? aiten
uiidSoeugeiede7t, 1877.
1 i p PATHOLOGIE MENTALE.
plusieurs autres sont du même avis. Emminghaus ',
remarque brièvement que les anomalies de la mens-
truation peuvent quelquefois ne pas attaquer les fonc-
tions psychiques dans le cours d'une maladie mentale.
Schüle 9, au contraire, dit très nettement que dans nul
cas éthiologique les irritations physiques et les causes
prédisposantes morales ne sont liées comme les mala-
dies sexuelles et les maladies mentales chez la femme
(loc. cit., p. 306).
En somme, on le voit, si, d'après les données d'un
certain nombre d'auteurs, les troubles génitaux chez
la femme sont une des causes les plus essentielles de
la folie et ont une influence sérieuse sur l'affection
mentate(Marcé, Falret, Guislain, Mairet, Boyé, Grie-
singer, Schlager, Brierre de Boismotit, Ammon, Krafft-
Ebbing, Ripping, Schraeter, Schüle et autres), il en est
qui ne croient pas à cette influence ou n'abordent
presque pas cette question (Bail, Dagonet, Luys,
Boussi, Emminghaus, Leidesdorf, Hammond).
Les auteurs qui admettent aux maladies sexuelles
chez la femme une certaine influence soit sur l'évolu-
tion de la folie, soit sur son développement, l'abordent
chacun d'une façon différente. Ainsi, les uns, émettant
une opinion très sommaire (Morel, Falret, Guislain,
Griesinger, Schüle), se bornent à signaler le fait sans
aucune observation à l'appui de leur opinion. D'autres
envisagent cette question d'une manière toute parti-
culière. Leurs recherches ne portent que sur certaines
formes de folie liées à quelques états particuliers de la
femme, comme la grossesse, l'accouchement, l'allaite-
Emm inghaus. Allgenieine Psychopathologie, 1878.
% 11. Schule. GeM<<;ii ? aK/t/te : <e;t (Zicijzàseïtà IltutdGuch).
DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 175
ment (Marcé, Ripping, Schmidt', et la plupart des
auteurs des divers traités classiques sur l'aliénation
mentale). D'autres, enfin, traitant la question sur le
rapport des affections utérines, citent des faits positifs
qui indiqueraient que diverses affections sexuelles, soit
aiguës, soit chroniques, peuvent donner lieu à une
maladie mentale, même grave (Krafft-Ebbing, Boyé,
Seliroeter', 11W Iler, L. 31ayer', Mairet, Azam, etc.).
On trouve également, dans les Revues médicales, un
grand nombre d'observations isolées analogues.
Maintenant, il faut reconnaître que, si l'on se borne
à recueillir certaines données seulement positives, on
s'expose à laisser échapper à l'observation les autres
éléments nécessaires pour pouvoir arriver à une con-
clusion, qui doit être fondée non pas seulement sur un
symptôme, mais sur leur ensemble et dans certaines
conditions bien déterminées. Il est aussi évident, d'autre
part, que les auteurs qui contestent aux fonctions
sexuelles et à leurs anomalies une influence quelconque
sur le développement et l'évolution de la folie, sont
dans le même cas quant à une conclusion.
Dans une pareille dissidence, qui vient, on le voit,
de la méthode différente suivie par les auteurs qui se
sont occupés de la question du rapport des maladies
sexuelles chez la femme avec la folie, il restait à se
1 M. Schmidt. Ai,chiv sur Psychiatrie 1880. Bd. X. Beitrag zur
Ketint71ss dei-pize),pei-al Psychosen.
2 Schroeter. Zeitschrift sur Psilchiati-ie 1874. Bd. 31. Die llenslrua-
tion und ih)-e 13etelevng zur 7e/t0.<e't.
a 0. Millier. Zeitschi-ift ftir Psychiatrie, 1S6S. Chronische 3lelritis
und ! 7t)'e Beziehung zur 7e/toe;t.
* L. llayer. Die Beziehu7tgeîi der krankhaften Yorgoengen und Zit-
sattden ! dezt Sexual-Organen des Weibes, zur GeM<M-S<oe)'M ? t ? e ? t,
1870.
176 C) PATHOLOGIE MENTALE.
demander s'il n'y aurait pas à rechercher une autre
méthode pour arriver à résoudre la question qui se
posait avant tout, à savoir quelle est la fréquence, en
général, des maladies sexuelles chez la femme aliénée.
~En effet, si l'on pouvait établir d'une manière plus
nette le degré de la fréquence des maladies sexuelles,
en général, chez les aliénées et, en même temps, les
formes gynécologiques qui s'associent le plus souvent
aux troubles mentaux, on pourrait aussi, par cela
même, juger de leur gravité et de leur influence pro-
bable sur la maladie mentale déjà existante.
Seulement, en abordant cette question, on est obligé
de reconnaître que non seulement les indications biblio-
graphiques font presque entièrement défaut sur ce point
intéressant de la pathologie générale de la folie, mais
encore que celles qui existent diffèrent singulièrement
entre elles. Ainsi, II. Furke1 dit très brièvement que
la folie chez la femme est accompagnée de maladies
sexuelles daus dix cas sur cent. Les autres croient ces
maladies fréquentes, mais sans rien préciser. Krafft-
Ebbing (loc. cil.) trouva six cas de lésions génitales sur
dix-neuf, taudis que dans huit les organes génitaux
étaient à l'état normal et que dans cinq l'état était
inconnu. Skene2 compta, sur cent quatre-vingt-douze
malades, vingt sept seulement chez lesquelles la mens-
truation se faisait régulièrement; ce qui ferait que les
anomalies fonctionnelles s'observeraient presque dans
la mesure de 86 p. 100. En même temps, il note som-
Il. Fuke. .1(arzual o/' psychological medicine, 1862.
- .L-C. Skene. Rapport des affections utérines à la folie. Extrait
dans les Archives de Neurologie, 1881, 11- 4 (Arch. of. iiied. Netu-York,
1880 février.
DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 177
mairement que les affections utéro-ovariennes seraient
fréquentes chez les aliénées.
Malgré mes recherches bibliographiques, je n'ai pu
trouver d'autres données sur la fréquence des maladies
sexuelles chez les aliénées. On a pourtant encore sur
cette question certaines indications prises dans les
autopsies des femmes aliénées; mais elles sont très
peu explicites et diffèrent, d'autre part, beaucoup entre
elles. Ainsi, Keiser', sur dix autopsies de femmes
aliénées, dont sept mélancoliques et trois maniaques,
a trouvé des maladies de l'utérus et de l'ovaire dans
sept cas. J.-C. Howard2, sur cent vingt-sept autop-
sies, a constaté les affections de l'ovaire et de l'utérus
dans vingt-quatre cas, parmi lesquels : tumeurs fibreuses
de l'utérus, sept cas; cancer, deux cas; sarcome, un
cas; kystes des ligaments larges, trois cas; tumeurs de
l'ovaire, quatre cas; hystes de l'ovaire, quatre cas.
Hergt', au contraire, dit que, d'après ses observations,
prises à l'autopsie des aliénées pendant plusieurs années,
des lésions sexuelles se trouvaient dans les deux tiers,
c'est-à dire dans GG p. 100. En ce qui touche les formes
observées par ce dernier auteur, elles sont représen-
tées principalement par des anomalies de position de
l'utérus et diverses lésions de cet organe et de ses
annexes d'origine inflammatoire (métrites et périmé-
trites). Toutefois, en discutant cette question, Hergt
1 Kei'er. Seclio21s-Befzi ? id bei Geistes-Kranken. Schmidt's Jahresbu-
cher, Bd 111, p. gli. (Wurteinbergischen Korrcspondenz-Blalt, 1860.
iN-1 40.)
1 J-.C. Howard. Post mortenz ayhearezzces izz in,rance persozzes. Jour-
7zal of mentale science 1872, p. 93.
3 Hergt. Fi,aitei-Ki-a ? ? kheilei7z und Seeen-SoeArM'y. z sur
Psychiatrie, 1877, Bd. `17).
12
178 PATHOLOGIE MENTALE.
ne donne aucun détail ni sur l'âge, ni sur les formes
mentales des maladies observées dans les autopsies.
D'après mes propres recherches' à la Clinique des
maladies mentales de mon maître, M. le professeur
Mierzejewski, à Saint-Pétersbourg , l'examen gyné-
coiogique au spéculum et au toucher de ces malades,
parmi lesquelles quarante-deux aliénées et trois hysté-
riques,. de l'âge de dix-neuf à soixante-deux ans,
a donné les résultats suivants : six malades non réglées,
de )'âge de quarante-quatre à soixante-deux ans, ne
présentaient pas de symptômes de lésions génitales,
sauf l'atrophie de l'utérus sénile; quant aux autres
malades, au nombre de trente-neuf, diverses altéra-
tions sexuelles ont été notées chez trente-cinq. Enfin,
pour termiuer cet aperçu historique de la question,
L. Mayer5, sur mille vingt-cinq malades gynécolo-
giques, a noté quatre-vingt-dix cas associés à diverses
formes d'aliénation mentale plus ou moins prononcées.
En somme, en examinant les données numériques
qui précèdent, on voit que la question de la fréquence
des maladies sexuelles chez les aliénées est loin d'être
résolue définitivement.
Quoi qu'il en soit, si l'on compare les résultats de
mes recherches avec ceux des autres auteurs, on recon-
naît que la dissidence est très prononcée, surtout s'il
s'agit des données de H. Fuke (loc. cit.), par exemple,
ou de celles de Skene (loc. cit.), qui présentent aussi
une grande différence entre elles. Quant aux résultats
'S.DaniUo.SMfe rôle de la menstruation dans le cours des maladies
mentales. Medesinokaia Bibliotek(i 1881. ? 5 (journal russe) et Revue de
médecine, 1882.
IL. Mayer, Die Be ! C/tM ? t</e)te ? a7t/t/ta/'<e;t Vorgxngcn i,7&d Jilslaît-
den in den Sexual-Organeu des Weibes, zui- GeM<M-<as)'MHe;i, 1870.
DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 179
des données trouvées à l'autopsie par Howard, Keiser
et Hergt, il faut remarquer, sans même tenir compte
de la différence des résultats de leurs observations,
que leurs données ne peuvent avoir qu'une valeur très
relative, attendu que l'autopsie ne peut révéler que des
lésions d'un ordre purement anatomique et que les
anomalies fonctionnelles qui ne peuvent être observées
que pendant la vie, comme des phénomènes d'ovarie,
troubles de la menstruation, et aussi, les légères formes
d'endométrite, de vaginite, etc., doivent nécessaire-
ment échapper à l'observation et, par conséquent,
atténuer considérablement le véritable chiffre des com-
plications de,la folie par les altérations des organes
sexuels. , v "" -
Les recherches cliniques des autres auteurs sur, cette
question sont très peu nombreuses et très peu explicites.
Les déductions des faits obtenus par mes recherches
(loc. cit.), ne pouvant également être faites que sous
certaines réserves, vu le petit nombre des, malades
examinées, j'ai résolu d'augmenter le plus.possibletles
investigations au spéculum et au toucher, afin'de pou-
voir tâcher alors de faire quelques généralisations et
d'aborder plus systématiquement la question de la
fréquence des affections sexuelles chez la femme dans
le cours de la folie. Mes prédécesseurs n'ayant donné
dans cette question aucune ! indication sur la méthode
des recherches, j'ai fait les miennes,' comme' dans. mon
précédent travail, d'après le plan qui consiste prendre
chez chacune des malades examinées les données sui-
vantes : 1° âge; 2° forme de la maladie mentale; 30 état
physiologique du système sexuel (vierge ou non, nombre
découches et de fausses couches); 4° forme de la'mala-
180 PATHOLOGIE MENTALE.
die sexiielle. Le diagnostic de l'état de la sphère sexuelle
a toujours eu lieu au spéculum et au toucher vaginal.
La forme de la maladie mentale est définie par l'exa-
men clinique de la malade et les données des feuilles
d'observation que j'ai pu avoir à ma disposition, comme
les malades elles-mêmes, grâce à la bienveillance de
M. Magnan, chef de service à l'asile Sainte-Anne. Le
nombre de ces malades est de cent cinquante-cinq. En
y ajoutant les quarante-cinq de mon travail antérieur
(loc. cit.), les résultats actuels de mes recherches sont
fondés sur l'observation de deux cents malades; ce
qui peut permettre de faire certaines généralisations et
déductions.
L'âge des malades était de quinze à soixante-quinze
ans. Les malades réglées étaient au nombre de cent
quarante, de l'âge de quinze à quarante-deux ans.
Celles qui avaient perdu leurs règles étaient âgées de
quarante-deux à soixante-quinze ans, au nombre de
soixante. Les malades réglées, d'après l'état physiolo-
gique de leur sphère sexuelle, se divisaient comme
suit : vierges, trente-une; n'ayant pas eu de couches,
quarante-une; ayant eu des couches, soixante-huit (dans
ce nombre trente-huit étaient primipares et trente multi-
pares). Quant aux malades après la ménopause, il y
avait : vierges, deux; n'ayant pas eu de couches,
quatre; ayant eu plusieurs couches, quarante-quatre
(dans celles-ci, neuf avaient eu de huit à douze couches).
Les formes des maladies mentales dans le groupe
des malades réglées étaient représentées comme suit :
idiotie, un cas; épilepsie avec troubles mentaux, quinze;
hystérie avec aliénation mentale, onze; paralysie gêné-
rale, quatorze; délire chronique, trente-un; alcoolisme
DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. ist
chronique, deux; démence secondaire, dix; mélan-
colie, vingt-cinq; délire mélancolique, d'origine puer-
puérale, cinq; manie aiguë, dix-huit; manie aiguë
puerpuérale, huit.
Les malades après la ménopause se divisaient, d'après
la forme d'aliénation mentale, de la façon suivante :
démence consécutive, vingt-huit; paralysie générale,
dix; mélancolie, dix; délire chronique, neuf; alcoo-
lisme chronique, trois.
Dans le nombre des deux cents malades examinées,
on a pu constater diverses lésions de l'appareil géné-
rateur chez cent trente-huit. En réduisant ce chiffre à
l'expression centésimale,- on aurait la complication de
la folie en général chez la femme par les maladies
sexuelles, à peu près dans 69 p. 100.
Dans le groupe des aliénées en pleine vigueur de
leurs fonctions physiologiques sexuelles, les affections
gynécologiques étaient représentées comme suit, d'après
le degré de leur fréquence : les endométrites diffuses ou
alliées aux métrites chroniques du corps de l'utérus
ont été trouvées dans quarante cas. Sur ces quarante
cas, vingt-deux étaient accompagnées de l'endométrite
et métrite cervicale. Dans seize cas, on a pu constater
la métrite chronique diffuse du corps, associée dans
huit cas à celle du col. Dans douze cas, ces dernières
lésions étaient accompagnées d'ulcérations de diverses
nature du museau de tanche. Dans huit cas, on
constata la métrite diffuse chronique du corps et du col
de l'utérus et dans quatre cas la métrite diffuse chro-
nique du corps seulement.
Les désordres de la menstruation en général (c'est-
à-dire retard des règles, leur suppression pour un cer-
182 PATHOLOGIE MENTALE.
tain temps ou leur réapparition trop fréquente) ont été
notées dans vingt-huit cas. Sur ce point, je crois devoir
sa ire 'une certaine réserve; caries données sur les dé-
sordres de la menstruation n'ont été prises dans le plus
grand nombre des cas que sur les indications des ma-
lades, qui pouvaient, en raison de leur état psychique
particulier', donner'un renseignement inexact. Toute-
fois, le chiffre peut avoir, au moins, sa valeur relative.
Les anomalies de' la position de l'utérus (flexions et
versions nettement prononcées) ont été constatées dans
quarante-quatre cas, associées à des endométrites seu-
lement dans trente-huit' cas, et aggravées encore par
une métrite dans vingt cas. La- métrite chronique diffuse
à elle seule 'accompagnait les anomalies de position
de l'utérus' dans' seize cas. Six' cas'sur onze d'altéra-
tions'de la position'de l'utérus étaient accompagnes
de paramétrite, métrite et endométrite chroniques; les
cinq autres étaient accompagnés d'une oophorite chro-
nique. Des ruptures du périnée d'origine puerpuérale
et de récente provenance ont été constatées dans quatre
cas de folie puerpérale. Les vaginites et vulvites
i- (le i i 1 , i , . i
catarrhales prononcées ont'été trouvées dans onze cas
(sept cas de vaginite et 'quatre de vulvite). Enfin, un
cas de folie puerpérale était accompagné d'un kyste de
l'ovaire de grandes dimensions;'un cas de manie aiguë
"par un fibrome' de 'l'utérus de là grosseur de la tête
'd'diï'ho'iiiin6 adulte, 'ei'ùii'autre de papillomes dispo-
sées à l'O 1 Pific"uéthrhl,'âcco*iiifgtiC, encore de vulvite
catarrhale'; 1 hyperesthésie de la région ovarienne, sans
lé'sioii al)préciible*"àù 't6uelier, a' été notée dans huit
f'ff< ? * ,je .1 1, ...t i' ? . 1 \
.cas (six fois a droite et deux lois a gauche).
'e ? rCheYlêTmaladès7après 'la'ménopause, a' ! exception
DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 183
de l'atrophie de l'utérus sénile, ont été notés : six cas
de métrite chronique diffuse; trois cas d'anciennes
ruptures du périnée; neuf cas d'endométrite dite sénile.
Si l'on examine le degré de fréquence des affec-
tions sexuelles chez les aliénées accompagnant les
différentes formes d'aliénation mentale, en prenant les
chiffres à peu près égaux, on voit qu'il ne paraît pas
y avoir une tendance plus prononcée chez les aliénées
à être affectées des organes génitaux plutôt dans une
forme de maladie mentale que dans une autre.
Ainsi, dans quarante cas de mélancolie, dont cinq
d'origine puerpérale, on la trouve trente-deux fois
associée à diverses formes gynécologiques (comme
métrite chronique et endométrite du corps et du col
de l'utérus, avec ou sans anomalies de menstruation).
Dans le délire chronique, sur quarante cas, trente-
quatre sont aussi compliqués par des lésions sexuelles
du même caractère que chez les mélancoliques. Les
maniaques et les paralytiques générales présentent
presque également le même rapport. Sur vingt-six cas
de manie aiguë, dont huit d'origine puerpérale, on en
trouve dix-huit avec désordres sexuels, et sur vingt-
quatre cas de paralysie générale, vingt avec les mêmes
altérations. Au contraire, la démence, sur trente-huit
cas, n'en présente que douze, compliquées avec des
maladies sexuelles. Cette différence, il est vrai, tient
certainement à cela que, sur trente-huit cas de démence,
dix malades seulement étaient encore avant t'age cri-
tique, tandis que les vingt-huit autres l'avaient passé.
Sur onze hystériques, dix présentaient diverses ma-
ladies sexuelles, comme métrite, endométrite, anoma-
lies de menstruation; des symptômes d'ovarie ont aussi
18 le PATHOLOGIE MENTALE.
été notés dans huit cas (six fois à droite, deux fois à
gauche).
En examinant la complication de la folie par les
maladies sexuelles d'après t'âge, on voit qu'avant la
ménopause, de quinze à quarante-deux ans, sur cent
- quarante malades, on a pu constater chez cent vingt
diverses anomalies de l'appareil générateur, soit ana-
tomiques, soit fonctionnelles ; tandis que, sur soixante
aliénées après le retour d'âge, de quarante-deux à
soixante-quinze ans, on les trouve seulement dans dix-
huit cas.. ·
En réduisant pour les deux groupes des aliénées
(réglées et non réglées), les données numériques de la
fréquence des maladies sexuelles à l'expression centé-
simale, on trouverait qu'avant le retour d'âge, la folie
est compliquée par les troubles génitaux dans 84 p. 100
à peu près. Après la ménopause, au contraire, le degré
de la fréquence de ces complications baisse rapidement
et ne donne qu'environ 28 p. 100 sur le chiffre total.
Bien qu'on puisse objecter que les chiffres des malades
des deux catégories diffèrent considérablement entre
eux et que, par conséquent, la comparaison ne peut
être parfaitement exacte, je crois que les résultats
d'examens gynécologiques des malades après la méno-
pause étaient tellement uniformes dans la majorité des
cas, qu'on peut accepter le chiffre de soixante malades
sans crainte de commettre une erreur grave. D'un autre
côté, si l'on veut comparer le résultat des recherches,
en prenant à peu près le même nombre de malades et
les mêmes formes mentales avant la ménopause, on
trouve la complication non pas seulement dix-huit fois
sur soixante, comme chez les aliénées non réglées,
DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 185
mais quarante-deux fois sur cinquante-six, c'est-à-dire
que la démence, sur dix cas avant la ménopause, se
trouve compliquée de maladies sexuelles quatre fois,
taudis qu'après la ménopause, sur vingt-huit cas, on
n'en trouve que huit. Quanta la paralysie générale, sur
quatorze cas avant la ménopause, elle donne le même
nombre de complications (quatorze), tandis qu'après la
ménopause, sur dix cas, on n'en trouve que six asso-
ciées aux diverses lésions génitales. Enfin, sur vingt-
cinq cas de mélancolie (les formes puerpérales excluses)
avant la ménopause, vingt-quatre sont compliqués par
des lésions génitales, tandis que les dix autres cas
après le retour d'âge ne donnent que cinq compli-
cations.
L'influence de l'époque de la vie sexuelle reste, par
conséquent, un fait acquis.
En ce qui regarde les complications de la folie par
les formes des maladies sexuelles accompagnant diffé-
rents états physiologiques de la sphère sexuelle des
aliénées, on voit que, sur le nombre total de deux cents
malades (trente-trois vierges, cinquante-cinq femmes
qui n'ont pas eu de couches et cent douze qui en ont
eu (de une jusqu'à douze), quarante-deux sur quatre-
vingt-huit malades des deux premiers groupes, ont des
lésions de l'appareil générateur, qui se présentent prin-
cipalement sous la forme de troubles de la menstrua-
tion, de symptômes d'ovarie et de formes peu graves
d'endométrite, de vaginite, etc. Au contraire, dansée
groupe des femmes qui ont eu des couches, les formes
gynécologiques deviennent beaucoup plus sérieuses, et
l'on voit apparaître, en même tenlps, une.prédomi=
nance marquée de lésions plus compliquées ? Ainsi, les
186 PATHOLOGIE MENTALE.
métrites sont souvent associées à diverses autres affec-
tions, comme endométrites, paramétrites, ruptures du
périnée et altérations de la position de l'utérus. Sur
cent douze aliénées de cette catégorie, les lésions géni-
tales se trouvent notées dans quatre-vingt-seize cas, et
l'on observe cette prédominance chez les malades après
la ménopause. En effet, sur seize aliénées de la même
catégorie qui n'ont pas eu de couches, on rencontre les
affections génitales dans trois cas, tandis que sur qua-
rante-quatre autres qui en ont eu une ou plusieurs, les
lésions sexuelles sont constatées quinze fois, et c'est
chez celles qui ont eu plusieurs couches (de huit à
douze) qu'on voit les lésions sexuelles les plus pronon-
cées. Je dis les plus prononcées; car chez ces neuf
malades on a pu observer diverses lésions graves
(ruptures du périnée, métrite chronique avec endomé-
trite, etc.), d'une provenance évidemment puerpérale.
Il en résulte donc que les couches et leurs consé-
quences, de même que les autres conditions de la vie
sexuelle chez la femme, influent d'une façon manifeste
sur la complication de la folie par les maladies
sexuelles.
En résumé, les résultats de mes recherches me
paraissent être les suivants :
La complication de la folie par les maladies sexuelles
chez la femme doit être regardée comme très fréquente
pendant la persistance des fonctions physiologiques
sexuelles. Après la ménopause, cette complication de-
vient beaucoup plus rare. La grossesse et les couches
influent considérablement sur le. degré de fréquence
des maladies sexuelles, comme avant la ménopause
et après la cessation des règles. - > >. : .. -
DES MALADIES SEXUELLES CHEZ LES ALIÉNÉES. 1 S7
Quant à l'influence des maladies sexuelles chez la
femme, sur la folie déjà existante, est-elle correspon-
dante à leur degré de fréquence ou non ?
Si l'on veut bien se rappeler ce fait admis de la rela-
tion anatomique et physiologique qui est si intime
entre l'appareil nerveux des organes génitaux chez la
femme et le système nerveux central, on reconnaîtra
que toute irritation périphérique émanant des organes
affectés, réagira fatalement sur l'encéphale, dont les
fonctions se trouvent déjà altérées par la folie. D'autre
part, si l'on se souvient que la physiologie expérimen-
tale a prouvé, dans ces derniers temps, que les irrita-
tions périphériques, très faibles, augmentent considé-
rablement l'excitabilité de la couche corticale du
cerveau, on sera nécessairement conduit à admettre sur
les fonctions du cerveau une influence sérieuse de l'irri-
tation périphérique causée par les affections sexuelles,
même peu prononcées, affections qui doivent toujours
produire un effet irritant par addition lente mais
continue.
En effet, la loi des causes infinitésimales émise par
Maupertuis au xvm' siècle, dit que la nature arrive à
certains résultats très prononcés par une série de
causes très minimes et peu appréciables à elles seules.
Aussi, là où il s'agit d'appréciation de phénomènes
aussi compliqués que ceux de la folie, faut-il d'abord
examiner en détail toutes les causes, si minimes qu'elles
paraissent. Or, c'est précisément dans cette série de
causes, qui s'enchaînent mutuellement, c'est-à-dire les
irritations périphériques dues à des lésions sexuelles,
même peu graves en apparence, à la longue et dans
certaines conditions spéciales, comme hérédité morbide
188 PATHOLOGIE MENTALE.
etautres causes prédisposantes, qu'elles peuvent influer
sérieusement sur l'évolution de la folie et sur ^on appari-
tion ; de sorte que, pour le plus grand nombre des cas
de folie chez la femme avant le retour d'âge, la compli-
cation de l'aliénation mentale parles maladies sexuelles
est un fait qui se rencontre plus souvent qu'on ne le
croit, en général, et que cette complication a sa gra-
vité dans la fréquence même et dans le rôle important
des organes affectés. '
En terminant mon travail, je remercie M. le pro-
fesseur Charcot et M. Magnan de leur aimable accueil
et de la gracieuseté qu'ils ont mise à me permettre
d'étudier les malades de la Salpêtrière et de l'asile
Sainte-Anne [asile clinique).
RECHERCHES CLINIQUES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE;
Par le D E. MARAXDON DE )IONTYEL,
Médecin en chef de l'asile public d'aliénés de )1,tiseille.
L'expression « folie avec conscience » est une des plus
vagues de la pathologie mentale. La faute, pourtant,
n'en est pas aux aliénistes; ce sont les psychologues
qui ont rendu la confusion inévitable par l'abus qu'ils
ont fait, du mot conscience. Aussi est-il indispensable,
pour être compris de s'entendre sur ses divers sens et
de bien spécifier celui dans lequel on l'emploie.
Ce mot n'a pas moins de cinq significations très
différentes les unes des autres. La première, la plus
populaire, est du domaine delà morale ; elle s'applique
RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 189
à cette voix intérieure qui parle à tous, ignorants ou
savants, petits ou grands, riches ou pauvres, pour con-
damner ou absoudre. La seconde a d'intimes et pro-
fondes relations avec la précédente, c'est la conscience
religieuse. Elle s'en distingue pourtant, et j'en veux
pour preuve les luttes qui parfois les divisent. N'y
a-t-il pas des religions qui ordonnent ou excusent des
choses sévèrement proscrites par leur rivale ? Si ce mot
a une signification particulière en morale et eu théo-
dicée, il en a une aussi en métaphysique et deux en
psychologie. En métaphysique, il s'applique à certaines
vérités de sens commun, universellement répandues,
comme le sentiment de l'existence. En psychologie, il
représente tout d'abord ce je ne sais quoi, guère sus-
ceptible de définition à mon avis, par lequel nous nous
sentons malheureusement souffrir, mais aussi heureu-
sement penser et jouir. Il a enfin une dernière signi-
fication : il désigne par abréviation la conscience ré/lé-
chie, celle qui se replie sur elle-même, qui s'étudie,
qui cherche à comprendre et à expliquer les phéno-
mènes qu'elle reflète. Si on se souvient de la discussion
à la Société médico-psychologique en 1875 et si on n'a
pas oublié comment elle s'est clôturée, on comprendra
le soin que je prends, dès le début de ces recherches,
de montrer le mot conscience dans ses diverses accep-
tions.
Le médecin ou le psychologue désireux d'étudier
dans tous leurs détails les états de conscience dans la
folie devrait donc, pour seconformeraux sens du motet à
la réalité des choses, rechercher ce que deviennent chez
l'aliéné la conscience morale, la conscience religieuse,
la conscience métaphysique, la conscience psychique, la
190 PATHOLOGIE MENTALE.
conscience réfléchie. Ce n'est pas ce gigantesque tra-
vail d'ensemble que nous avons entrepris. Aux grands
maîtres à remplir ce grand cadre, à nous le seul souci
et la seule ambition de borner nos recherches à un
pointparticulier, d'apporter quelques faits susceptibles,
s'ils ont été bien observés, de n'être pas sans quelque
utilité pour l'étude de la conscience réfléchie dans la
folie. En nous enfermant dans ces étroites limites, nous
nous conformons d'ailleurs au titre donné à ce travail,
car, en pathologie mentale, les mots folie avec cons-
cience s'appliquent aux seuls malades qui réfléchissent
sur les troubles semoriels et psychiques dont ils sont
frappés et qui, les analysant, en reconnaissent le carac-
tère morbide. Ceux qui nous feront l'honneur de nous
lire, voudront bien, pour nous comprendre et partant
nous juger en connaissance de cause, se rappeler dans
quel sens nous, employons les mots conscience et folie
avec conscience.
Ce travail ne sera ni une oeuvre, d'érudition, ni une
oeuvre de théorie. Je n'ai pas plus la prétention de
retracer l'historique des travaux publiés jusqu'à ce
jour sur la folie avec conscience que celle d'interpré-
ter ce point curieux de pathologie mentale. Je me
bornerai à relater quarante observations personnelles
et à les faire suivre ou précéder des réflexions cli-
niques qu'elles inspirent. Je n'ignore sans doute pas
les grands progrès accomplis à notre époque en psy-
chologie, je sais combien les travaux de l'école alle-
mande et de l'école anglaise ont jeté de lumière sur la
vie consciente et sur la vie inconsciente de l'esprit, je
crois même qu'il serait peut-être possible aujourd'hui
de tenter une généralisation et de formuler une théorie
RECHERCHES SUR LA POLIE AVEC CONSCIENCE. 191 I
scientifique des états de conscience dans la folie, mais
je ne veux pas pour le moment me livrer à de si hautes
études. Dans les discussions qui ont eu lieu à la Société
médico-psychologique en 1869 et en 1875, tandis que
presque tous les orateurs s'acharnaient à discuter sur
les facultés, la volonté et le libre arbitre, le jugement
et la raison, en vain les esprits pratiques demandaient
des faits, beaucoup de faits. Seuls, More) et M. Billod
sont restés cliniciens. A leur exemple, qu'il me soit
permis à mon tour d'apporter des faits et de réserver
pour l'avenir les considérations théoriques.
La folie n'est pas une de ces maladies soudaines,
accidentelles et passagères auxquelles chacun est exposé
à payer tribut. Elle prend racine dans les profondeurs
mêmes de l'organisation cérébrale. Quand elle fait
son apparition, le plus souvent, elle a été préparée de
longue date par toute une série de générations et elle
est l'expression d'une dégénérescence de l'espèce
(Morel). La maladie, au lieu d'avoir son origine dans
l'abâtardissement de la famille, naît-elle des excès ou
des misères du patient, ici encore pour se développer,
elle nécessite un terrain cérébral longtemps et profon-
dément remué, car il est faux que chaque homme ait
un grain de folie tout prêt à germer. Ainsi, que la folie
soit héréditaire ou acquise elle n'est pas l'oeuvre d'un
jour; or, cette chronicité des causes entraîne la chro-
nicité de l'invasion. L'aliénation, eu effet, ne surprend
pas comme un voleur de nuit; elle signale son approche,
son arrivée par des signes variés. Il résulte de cette
étiologie et de ce mode de début un état ordinaire de
conscience, à la naissance des vésanies. Les malades se
sentent devenir fous. Ils ont la notion claire d'un
192 PATHOLOGIE MENTALE.
bouleversement de leur esprit. Us voient leur carac-
tère s'aigrir, leur sensibilité et leurs instincts se per-
vertir, en même temps leurs facultés intellectuelles
s'obscurcir. Ils s'aperçoivent qu'ils n'ont plus les mêmes
aptitudes ni la même ardeur au travail. Ils rapprochent
ces modifications psychiques des maux de tête et des
insomnies dont ils souffrent, et ils en concluent qu'ils
sont sur la pente de la folie. Dans la forme sensorielle
elle-même, les hallucinations n'apparaissent pas tout
d'abord avec la netteté de l'état confirmé. Ce sont des
bruits vagues, des chuchotements confus, des ombres
qui intriguent le malade; puis les voix et les visions
deviennent plus distinctes, prennent corps et le patient
effrayé, s'interroge, se demande s'il n'est pas le jouet
de son imagination en délire. Au début, les états
d'excitation et de dépression viennent aussi se refléter
dans le sens interne. Les patients comprennent que
leur intellect s'engourdit ou s'exalte et sentent qu'ils
sont impuissants à réagir contre le mal qui les enlace
ou les agite. Puis la maladie progresse et la conscience
disparaît.
Si telle est l'évolution ordinaire, est-ce à dire que
jamais la folie n'a une éclosion soudaine et incons-
ciente ? Certainement non. Aux yeux du monde ce
début est même le plus ordinaire; aux yeux de l'alié-
niste, il ne saurait en être ainsi. L'éclosion subite,
incontestable, sans doute, est toutefois pour lui
l'exception, la grande exception ; elle ne se rencontre
guère que dans quelques cas de manie liée à l'hérédité.
Interrogez les malades après leur guérison, ils vous
apprendront presque tous, sinon tous, que pendant
longtemps le feu a couvé sous la cendre, qu'ils ont
RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 193
lutté, dissimulé le plus possible, et que la maladie
n'a apparu au dehors qu'après avoir vaincu leur résis-
tance. Ainsi, en réalité, c'est précisément cet état
de conscience à la naissance. des vésanies, état de
conscience permettant la lutte et la dissimulation qui,
masquant l'évolution lente de la maladie, simule une
brusque apparition.
Ce que nous venons de dire des folies vésaniques
s'applique aussi dans beaucoup de cas aux folies para-
lytiques, à celles surtout improprement nommées para-
lysie générale sans délire et qui psychiquement se
caractérisent par les symptômes de la démence. Pen-
dant une assez longue période, ces infortunés ont la
perception de leur état physique et intellectuel pour
lequel ils vont souvent consulter les médecins. II y a
un second groupe de paralytiques chez lesquels l'état
de conscience au début est un fait constant. La forme
expansive est toujours précédée, comme l'a établi
111. Doutrebente dans sa thèse, d'une période mélanco-
lique. Or, tandis que les malades ' n'apprécient point
leur exaltation cérébrale, dans le stade précédent ils
ont la notion claire de leur état* dépressif. Il est enfin
un troisième mode de début de cette affection qui peut
offrir la même particularité, c'est la forme congestive
d'emblée. Si la poussée sanguine du côté du cerveau
est assez violente pour amener l'ictus apoplectique, la
conscience fait défaut, car en revenant à la vie le malade
est sous le coup de troubles d'une acuité telle que toute
appréciation de son état lui est d'ordinaire impossible.
Mais il est une autre variété de congestion cérébrale,
la plus habituelle même, qui se manifeste par de la
céphalalgie, de l'insomnie, de l'anxiété, un besoin
13
194 PATHOLOGIE MENTALE.
violent de mouvement, et qui souvent laisse la cons-
cience intacte, même pendant un temps assez long,
comme le prouve le fait suivant :
Observation I. Hérédité congestive. Paralysie générale
progressive à la première période, datant de deux ans.
Conscience des troubles psychiques et physiques. Idées de
suicide.
M-e Adèle C..., quarante-quatre ans, mariée, sans profession,
instruction secondaire, entrée à l'asile de Marseille le 12 octobre
1881. La mère est morte à cinquante-six ans d'une attaque
d'apoplexie. Réglée à quatorze ans, la malade a toujours été
régulièrement menstruée. Mariée à vingt-quatre ans, elle a eu
quatre enfants, deux sont morts en bas âge, l'un de la
coqueluche, l'autre d'une fièvre cérébrale. Les troubles
intellectuels datent de deux ans. Mme C... a la conscience très
nette de son état; elle est dominée par une frayeur, une anxiété
non motivée qu'elle est impuissante à surmonter. Insomnie
persistante; souvent, la nuit M-0 C... est forcée de se lever, de
courir dans sa chambre et de pousser des cris. Désolée d'un tel
état, de ne pouvoir surtout surmonter ses craintes jugées
chimériques et morbides, cette dame a tenté de se suicider. Au
point de vue physique, elle a des maux de tête violents, de
l'insomnie, du tremblement des mains, du tremblement
fibrillaire des muscles de la face et de l'embarras de la parole.
Ces désordres physiques sont appréciés. La malade les rap-
proche de ses troubles psychiques et en conclut à un ramollisse-
ment cérébral. Elle consentirait volontiers, dit-elle, à souffrir
du corps la journée, si la nuit elle pouvait dormir un peu et se
débarrasser de ces frayeurs ridicules qui l'agitent en dépit
d'elle. N'ayant pu se tuer grâce à la surveillance exercée par
sa famille, 14lm° C... est venue d'elle-même à l'asile dans le but
de se guérir et ne plus incommoder les voisins par ses cris.
Cette dame est restée trois mois dans mon service; durant ce
laps de temps elle a eu du côté de la tête deux poussées conges-
tives assez fortes : la langue s'embarrassait alors davantage, les
jambes refusaient leur service, tandis que l'anxiété grandissait
et que la conscience restait toujours lucide. Les sentiments
affectifs étaient bien bien conservés, M ? C... réclamait souvent
RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 195
ses enfants et son mari dont la conduite pourtant était loin d'être
un modèle. Le bromure de potassium à hautes poses a procuré
un peu d'amélioration. Au bout de trois mois, la malade n'a plus
voulu demeurer parmi nous et, malgré mes conseils, le mari a
cédé à ses prières. A mon avis, M-1 C... a quitté l'établisse-
ment, où on ne la perdait pas de vue, pour se tuer dehors et pour
se tuer en connaissance de cause, non en aliénée, entrainée par
une impulsion irrésistible ou des conceptions délirantes, mais en
femme consciente de sa personnalité psychique et physique, et
préférant la mort à de telles tortures morales.
Après une période de début plus ou moins longue,
la folie progresse et passe à sa période d'état. D'ordi-
naire la conscience est vaincue à ce moment ; les
malades ont une confiance absolue dans leurs halluci-
nations, ne se doutent point des troubles de leur
intellect et cèdent avec conviction à tous les mouve-
ments désordonnés de leur esprit malade. Il n'en est
pas toujours ainsi : quelquefois la conscience, en dépit
de la violence du mal, conserve tout son contrôle,
permet à l'esprit de se reconnaître au milieu même de
ses plus grands écarts et ne s'éclipse jamais. Ces cas-
là relativement rares, qui sont plus particulièrement
l'objet de ce travail, seront étudiés bientôt dans tous
leurs détails. D'autres fois, il y a durant la période
d'état comme des éclaircies de raison ; la conscience
se fixe durant quelques instants, quelques heures; le
malade alors réfléchit sur ce qu'il éprouve, se sent
aliéné, déplore son malheur, puis est de nouveau
entraîné dans le tourbillon vésanique. Ces manifesta-
tions fugitives du sens intime se rencontrent surtout
dans la manie aiguë où elles sont d'un pronostic heu-
reux et annoncent le retour prochain de la raison,
quand elles augmentent en nombre et en durée. Plus
196 PATHOLOGIE MENTALE.
rares dans les délires dépressifs aigus, quoiqu'eucore
possibles, ils ne paraissent pas se montrer dans les
délires partiels, du moins je n'ai pas eu occasion de
les observer. Chez l'aliéné qui a basé sur ses troubles
sensoriels une systématisation délirante, leretourdela
conscience n'équivaudrait-il pas à la guérison ?
A ce point de vue la folie paralytique se rapproche
de la folie vésanique. Il n'est pas rare, écrivait der-
nièrement M. Dagonet, de voir chez des malades
atteints de paralysie générale des lueurs de conscience
et, à certains moments, l'appréciation de la maladie
dont ils sont affectés. Il semble alors, ajoute-t-il, que
les poussées congestives qui sont une des complications
de la paralysie générale diminuent à certains moments,
de manière à permettre à la conscience de se manifester
d'une façon plus ou moins intermittente. Quoi qu'il
en soit de l'explication, le fait est exact et les deux
observations qui suivent en sont une nouvelle preuve.
Observation II. Hérédité congeslive. Cxcis de travail.
Paralysie générale progressant sans rémission depuis six
mois. Conscience nette durant quelques heures des troubles
physiques et psychiques y compris le délire des grandeurs.
M. X..., quarante-huit ans, ingénieur, marié, entré comme
pensionnaire à l'asile de Toulouse en mai 1879. Hérédité con-
gestive, excès de travail, telles sont les causes de la maladie. A.
l'admission tous les symptômes physiques et psychiques de la
paralysie générale progressive à forme expansive, au premier
degré. Durant six mois la maladie évolue sans la moindre lueur
de raison ; les symptômes s'aggravent tant du côté de l'esprit
que du côté du corps. M. X... reçoit la visite d'un de ses amis,
visite qui sur le moment parait l'impressionner beaucoup. Le
lendemain matin nous trouvons le malade avec la conscience
nette de sa situation. Non seulement il se rend un compte
exact de ses troubles paralytiques, tels que tremblement des
RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 197
mains, embarras de la parole, non seulement il apprécie la
déchéance de ses facultés intellectuelles et morales, mais,
particularité curieuse, il juge sainement son délire expansif
des grandeurs. Il dit avoir la tète remplie d'idées de millions
et de milliards, la nuit voir en rêve des montagnes d'or et des
fleuves de pierres précieuses et que c'est trop absurde pour y
croire. Vivement affecté de son état, il priait en grâce de le
guérir. Le soir toute conscience avait disparu et la maladie
reprenait son cours.
Observation III. Habitudes alcooliques liées à la ménopause.
Paralysie générale avec dipsomanie et kleptomanie.
Rémission incomplète après dix-huit mois. Inconscience
à l'asile; conscience au dehors de l'affaiblissement intellectuel.
- Idées de suicide.- Retour des aeceHo'a ? Mes. In-
conscience absolue depuis deux ans.
Lydie B..., cinquante-trois ans, mariée, sans profession,
instruction supérieure, entrée comme pensionnaire àl'asile de
Marseille le 3 février 1880. Pas d'hérédité au dire de la famille.
La malade a toujours joui d'une bonne santé et jusqu'au re-
tour d'age, qui remonte à six ans, elle avait tenu une conduite
régulière. Avec la ménopause s'est montré le goût des liqueurs
fortes, goût qui s'est accru par la suite. La paralysie générale
a débuté en janvier 1879 par une violente congestion cérébrale.
Depuis lors marche progressive des accidents. Les habitudes
alcooliques sont devenues effrénées et des impulsions au vol
ont apparu. Dans l'établissement, jusqu'au mois d'avril, la
maladie resta stationnaire. La dipsomanie et la kleptomanie
exigeaient, au moment des repas, une surveillance continue.
Avec le printemps, une rémission incomplète se produisit. Les
troubles physiques s'amendèrent considérablement, les ten-
dances au vol et aux liqueurs fortes disparurent, seule l'intel-
ligence resta très affaiblie. L'inconscience était absolue.
L'amélioration s'étant encore accentuée, M°'e 8... fut retirée
par sa famille. De retour chez elle, elle voulut reprendre ses
occupations, s'occuper de ses affaires. Elle en fut incapable et
se reconnut telle. Elle s'aperçut qu'elle n'avait plus de mémoire,
plus de suite dans les idées et elle eut la conscience nette de sa
déchéance intellectuelle. A l'asile, où soumise à un régime et à
une discipline, elle ne prenait souci de rien, la conscience était
198 PATHOLOGIE MENTALE.
restée endormie ; mais elle se réveilla dès que la malade fut aux
prises avec les exigences de la vie libre. M-0 B... fut vivement
affectée de sa découverte; à peine un mois s'était-il écoulé que
son chagrin devenait du désespoir. Elle préféra la mort à une
telle décadence et fit des tentatives de suicide. Trop surveillée
/pour arriver à son but, elle se retourna vers l'alcool. La dipso-
manie reparut et avec elle arrivèrent des hallucinations terri-
fiantes de l'ouïe. La conscience, un moment indécise au début
des perversions sensorielles, sombra ; la malade refusa de manger
de peur d'être empoisonnée. On la reconduisit dans mon
service, conseil que j'avais donné dès la première tentative de
suicide. Depuis deux ans que M ? B... a été confiée pour la
seconde fois à mes soins, l'affection paralytique n'a plus offert
de rémission, et l'inconscience a été absolue.
Par contre, les états de conscience sont rares à la
terminaison des vésanies par guérison, sauf peut-être
pour la manie aiguë. Quand, dans le cours d'une lypé-
mànie simple ou d'une folie sensorielle, la bonne foi
du malade a été complètement surprise, la conscience
ne devance qu'à titre exceptionnel le retour complet
à la raison. Moins tristes, moins tourmentés, ces aliénés
en voie d'amélioration renaissent à la vie extérieure,
s'occupent, réclament leur famille, mais ils subissent
encore l'action du mal tout affaibli qu'il est et sans se
douter de sa nature. La lutte contre la folie que nous
avons vue pour ainsi dire caractéristique de la période
de début ne se retrouve plus ici. Entre ces deux
stades des affections mentales existe donc, à ce point
de vue, une différence radicale.
Il"est des cas, avons-nous dit plus haut,* où la
conscience, en dépit de la violence du mal, conserve
tout son contrôle, permet à l'esprit de se reconnaître
au milieu même de ses plus grands désordres et ne
s'éclipse jamais. Ce sont ces cas qui doivent désormais
nous occuper. , ,
RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 199
Tout d'abord, dirons-nous, il y a quatre variétés de
folie qui s'accompagnent constamment de conscience,
ce sont : l'hypochondrie morale de Fairet, l'agora-
phobie ou peur des espaces, la folie du doute avec
délire du toucher et les folies impulsives. La caracté-
ristique de ces aliénations mentales n'est pas, comme
le croit M. Ritti , la présence de la conscience liée à
l'irrésistibilité des actes, des sentiments ou des con-
ceptions délirantes, car nous aurons tout à l'heure à
faire connaître de nombreux cas de folie qui présentent
ce double caractère et qui incontestablement ne se
classent pas parmi elles. Ce qui les individualise et en
forme un groupe à part, c'est la présence constante,
indispensable de la conscience. Sans elle, elles n'exis-
teraient pas, particularité qui ne se retrouve point
pour les autres formes. Ces folies, contrairement à la
célèbre définition de M. Baillarger, sont des infortunes
qui se connaissent toujours. Ainsi, en aliénation men-
tale, tantôt la conscience est un élément coiislittitif,
tantôt un élément sur ajouté, et c'est la, à mon avis,
une distinction capitale sur laquelle j'appelle toute
l'attention.
Entre ces deux groupes à conscience constitutive et
à conscience surajoutée, existe toutefoisun lien curieux
d'étiologie, qu'il importe tout de suite de signaler : les
aliénés conscients, quels qu'ils soient, sont des héré-
ditaires et appartiennent pour le plus grand nombre
aux classes aisées et instruites de la société. Le fait
est accepté de tous les aliénistes pour les quatre formes
où la conscience est un élément constitutif. Mes ob-
servations prouveraient qu'il en est de même, quand elle
est un élément surajouté. Sur trente-quatre cas de ce
200 PATHOLOGIE MENTALE.
genre, vingt-sept fois l'hérédité a été constatée et les
malades se répartissaient comme il suit : indigents,
onze; pensionnaires, douze; clients instruits et aisés,
onze; soit onze indigents pour vingt-trois malades
appartenant aux classes riches et instruites. Cette sta-
tistique, quoique restreinte, acquiert une certaine valeur
si on tient compte que, médecin en chef d'un grand
service de près de cinq cents femmes indigentes, j'ai
eu sous les yeux beaucoup plus de celles-ci que de
celles-là. Parmi toutes ces infortunées .de la classe
pauvre et ignorante, en avoir trouvé si peu qui eussent
connaissance de leur état, n'est-ce pas la preuve que
dans cette catégorie l'inconscience est presque générale ?
Déplus, jusqu'à ce jour, sauf chez une femme, il ne m'a
pas été donné de voir l'état que nous étudions chez les
personnes à instruction nulle. L'exception signalée
prouve sans doute que savoir lire et écrire n'est pas
indispensable pour apprécier ses perturbations men-
tales, mais l'intelligence est souvent indépendante de
l'instruction, et il ne ressort pas moins de cette petite
statistique que la conservation de la conscience dans
la folie se rencontre de préférence chez ceux dont l'in-
telligence a été cultivée. Une nouvelle preuve à l'appui
de cette opinion se trouve dans la catégorie des héré-
dataires qui restent conscients. Il résulte des recherches
de M. Krafft-Ebing que les prédisposés se divisent en
trois classes. La première comprend les cas de prédis-
position latente. Rien, ni au point de vue physique, ni
au point de vue intellectuel et moral ne trahit la tare
vésanique. Dans la seconde se placent les héréditaires
qui, avant le début de l'aliénation, ont présenté des
accidents névropathiques ou des anomalies intellec-
RECHERCHES SUR LA FOLIE AVEC CONSCIENCE. 201
tuelles. Enfin, dans la troisième, se trouvent les dégé-
nérés de corps et d'esprit. Eh bien ! c'est dans le premier
groupe que se recrutent presque toujours les aliénés
conscients. Dans mes observations prises en général,
sur quarante malades, dix seulement dans leur jeunesse
avaient présenté des accidents névropathiques ou des
anomalies intellectuelles, et trente-deux fois l'hérédité
pourtant a été bien constatée.
Vigueur intellectuelle et hérédité vésanique sont donc
des conditions connexes qui favorisent la conservation
de la conscience. En ce qui concerne l'intelligence, il
est facile de comprendre son rôle. Au début de ce
travail, j'ai eu soin de spécifier que le mot conscience
est employé ici dans son acception réfléchie : il signifie
la conscience qui se replie sur elle-même, qui s'étudie,
cherche à comprendre et à expliquer les phénomènes
qu'elle reflète. Cette conscience n'est pas celle du vul-
gaire, c'est surtout la conscience du penseur, de ceux
habitués à scruter le pourquoi des choses et pour se con-
server au milieu des plus graves perturbations psychi-
ques, elle a le plus souvent besoin d'avoir été fortifiée
parl'étudeetl'observation. Voilà pourquoi, d'après mes
recherches, les aliénés conscients se recruteraient dans
la proportion de 67,6 p. 100 parmi l'élite de la société.
(A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
DESCRIPTION DE QUELQUES PIÈCES RELATIVES AUX LÉSIONS
OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES,
CONSERVÉES AU MUSÉE A ? AT01f0-P.lTÜOLOGI(UE DE LA SALPÊT1UÈRE ;
Par Cn. FÉRÉ. ·
Depuis que M. Charcot a appelé l'attention sur les affections
articulaires et osseuses développées chez les ataxiques, un
grand nombre de pièces de ce genre ont été recueillies à l'hospice
de la Salpêtrière. Plusieurs d'entre elles ont été déposées par
M. Charcot au musée Dupuytren, d'autres dans des musées de
l'étranger, notamment au musée Iluntérien et au musée de
l'hôpital Saint-Thomas de Londres, au musée de Manchester,
d'autres ont été égarées. Les spécimens actuellement conservés
au musée de la Salpêtrière proviennent de huit sujets, et elles
ont été réunies depuis 1876.
Les pièces provenant d'une nommée C... ont été décrites par
M. Charcot'. ( ? '7 7 et 8.)
Une autre pièce, une arthropathie du coude, qui a été donnée
au musée par M. Alph. Robert, est décrite en détail dans les
bulletins de la Société anatomique2, nous n'y reviendrons pas.
( ? 9.)
Nous nous arrêterons seulement sur les préparations qui
n'ont jamais été le sujet d'aucune description en règle.
I. La plus remarquable est le squelette de la nommée B...,
que M. Charcot a présenté avec le moule en cire de la malade
au Congrès de Londres' en 188t. C'est la première fois que le
1 J.-M. Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. II,
3p édit., 1880, p. 305. ,
Alpii. Robcrt. - Bull. Soc. anat., 1878, p. 512.
' A Report on the Conyî,ess Muséum, p. 20.
LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 203
squelette entier d'un ataxique a été examiné complètement;
et l'épreuve n'est pas sans intérêt, car elle a permis de découvrir
plusieurs lésions ignorées pendaut la vie, ce qui permet de sup-
poser que les lésions osseuses des ataxiques sont encore plus
fréquentes que les faits publiés semblent l'indiquer. (NI 10.)
Ce squelette présente des arthropathies temporo-maxillaires
scapulo-humérales, coxo-fémorales, fémoro-tibiales.eten outre
une fracture de l'os iliaque droit et du péroné gauche. Ces deux
dernières lésions avaient passé inaperçues sur le vivant.
1° Articulations temporo-maxillaires. Cavité articulaire du <cm-
pornl droit. La partie de la cavité glénoïde située en avant de la fissure
de Glaser est plus que doublée d'étendue par l'usure de la racine
transverse de l'apophyse zy-omitiqtte. Cette surface articulaire de
nouvelle formation, qui est assez régulière à distance, présente, à la
considérer de près, un aspect spongieux.
Cavité articulaire du temporal gauche. La racine transverse de
l'apophyse zygomatique est très légèrement usée à sa partie pos-
téro-inférieure. La mâchoire supérieure est absolument dépourvue
de dents et l'arcade alvéolaire à peu près complètement effacée.
Maxillaire inférieur (fit. 3). Le condyle
droit est tellement usé que sa partie la plus
élevée arrive presque au niveau du fond de
l'échancrure coronoidienne , ou plutôt on
peut dire que le condyle a complètement
disparu et que la surface articulaire actuelle
est constituée par le col du condyle légère-
ment renflé à son extrémité. Cette surface
est d'ailleurs rugueuse et ne présentait à
l'état frais aucune trace de fibro-cartiiago. Le condyle gauche est
seulement un peu usé à sa partie postérieure.
11 semble que ce soit le premier fait qui ait été observé
jusqu'ici d'arthropathie de l'articulation temporo-maxillaire.
Nous ne connaissons point d'autre exemple de lésions de la base
du crâne chez les ataxiques. Le maxillaire inférieur a aussi
rarement été trouvé atteint. Toutefois M. Vallin' a signalé
l'expulsion des dents et l'élimination du bord alvéolaire, et
M. P. Olivier (de Rouen) a observé une fracture spontanée du
maxillaire inférieur chez un ataxique 1.
1 Vallin. Des altérations trophiques des os maxillaires dans l'ataxie
locomotrice. {Union médicale, novembre 1879.)
1 Anceliii. Considérations sur les fractures sponfaîtées dans ataxie
locomotrice. Thèse de Paris, 1881, p. 38.
Fig. 3.-lfaaillaire
inférieur avec usure
du condyle droit.
SOt i RECUEIL DE FAITS.
2° Epaule gauche (Fig. 4). A. Omoplate. La surface articulaire, la
cavité glénoïde et le col ont complètement disparu. A leur place,
on ne voit plus qu'un prolongement du bord axillaire de l'omo-
plate, se terminant par une épine verti-
cale qui n'est autre que l'apophyse cora-
coide dont le crochet a disparu. Cette
espèce d'épine est lisse, quoique un peu
irrégulière.
13. Humérus. L'extrémité supérieure de
l'os ne constitue plus qu'une saillie conique
où on ne reconnaît plus ni surface arti-
culaire, ni tubérosités. Ces dernières ne
sont pas complètement détruites, mais ne
sont plus représentées que par des mame-
lons à peine saillants. La face externe a
conservé à peu près l'aspect du tissu osseux
normal, tandis qu'en dedans, à l'endroit
où existait autrefois le col, on trouve une
surface rugueuse, d'aspect spongieux. La
tête numérale était luxée en avant et fai-
sait saillie sous la peau comme on le voit
dans la figure 5.
L'extrémité inférieure de cet os est
saine; on y remarque seulement une per-
foration qui fait communiquer la cavité
oiécrânicnneavec la cavité coronoïdienne ;
c'est la une disposition fréquente chez la
femme.
3° Epaule droite. A. Omoplate. La cavité glénoïde est com-
plètement effacée. Le col et la surface articulaire sont tellement
amincis d'arrière en avant que cette partie de l'os n'a pas plus d'un
centimètre d'épaisseur. Il reste seulement à la partie inférieure de
ce moignon une surface d'un centimètre carré environ, encore
encroûtée de cartilage. La partie antérieure du col ne présente
aucune altération appréciable; c'est aux dépens de la face posté-
rieure que s'est faite l'usure. Cotte partie postérieure, aplatie et
déformée, est irrégulièrement anfraclueuse, spongieuse, percée
d'un grand nombre de petits trous. L'usure porte jusque sur le
bord axillaire de l'omoplate qui est devenu tranchant à sa partie
supérieure, jusqu'à ce qui reste do la surface articulaire. L'épine
de l'omoplate est épaissie, et paraît plus dense que celle du côté
opposé. Sa face supérieure, aulieu d'être concave, est devenue irré-
gulièrement convexe, et elle est creusée d'un grand nombre de
petites cellules. La face inférieure, au lieu d'être convexe, est
concave et forme une espèce d'arche; une grande partie de cette
surface est éburnée et lisse, sauf quelques petites érosions qu'on
Fig. 1,. - lspaule gau-
che, usure de la fiae de
l'humérus et de la cavité
glénoïde de l'omoplate.
LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 205
remarque surtout vers la base de l'épine. C'est la padio inféiieuro
de l'épine de l'o-
moplate où l'os est
éburné qui était
en rapport avec ce
qui reste de la tête
JiUfnerale.
13. Ilumérus.A la
partie antérieure
et interne du col
citirurgica], il
existe une dépres-
sion semblant ré-
suttord'uneusure.
Au dessous , au
contraire, l'épais-
seur de l'os est
plutôt exagérée ,
et on remarque en
ce point plusieurs
petites excavations
qui logeraient une
lentille. La tête
humérateestpro-
fondément défor-
mée ; le col anato-
ntiqueestapeine
appréciable , de
sorte que la tu-
hérosité externe
semble confondue
avec la tête. La
grosse tubérosité
semble d'ailleurs
diminuée de vo-
lunre; la petite est
presque elfucée, et
c'est à peine si on
trouve la trace de
la coulisse bicipi-
tale. La surface ar-
ticulaire est com-
plètement dépour-
vue de cartilage et
offre une surface
spongieuse, saut à la partie antérieure où on remarque un Ilot
Fiy. - Reproduction (le la photographie Lie
B..., montrant les déformations do l'épaule et du
genou gauches.
206 RECUEIL DE FAITS. '
irrégulier, lisse et dur, comme éburné. L'extrémité inférieure
de l'humérus ne présente aucune
particularité à noter.
4° Hanche gauche. A. Os iliaque.
Au pourtour de l'arrière-fond de
la cavité cotyluïde, il existe en ar-
rière et en dehors un petit bourre-
let rugueux. Le reste de l'os n'offre
rien d'anormal. Le ligament rond
était détruit et il ne restait qu'une
fongosilé violacée à la place des in-
sertions.
1;. Fémur (Fig. 9). Rien de parti-
culici- du côté des tubérosilés, ni du
col. La tête fémorale est à peu près
lisse dans toute son étendue, mais en
arrière et en haut, la limite de la
surface articulaire est marquée par
un petit bourrelet légèrement saillant
et - Un peu au-dessous
du petit trochanter, sur la face anté-
rieure et près du bord interne de
l'os, on remarque une petite dépres-
sion peu proioiicie, a surlace lisse, et semblant résulter d'une usure.
5° Hanche droite. A. Os iliaque.
Avant de décrire l'état de la surface
articulaire de cet os, nous dirons
quelques mots d'une autre lésion
qui n'avait point été soupçonnée
pcndant la vie.
Fracture de l'ilion. Sur la face ex-
terne de l'os (Fig. G) on trouve un
sillon profond, trace d'une fracture
non consolidée, qui se dirige un peu
obliquement de haut en bas et d'ar-
rière en avant, partant à peu près
de l'union du tiers moyen et du tiers
antérieur de la crêle iliaque et se
dirigeant vers le fond de l'échan-
crure du psoas. En avant de ce sil-
lon qui entoure presque toute son
étendue d'une profondeur égale à
l'épaisseur de l'os, on trouve sur la
fosse iliaque externe, des saillies ru-
gueuses; en arrière on trouve une crête également rugueuse d'en-
Fig. 6. - Face externe de
l'os iliaque droit montrant
l'absence de consolidation de
la fracture et l'usure de la ca-
vité cotyloide.
Fig. 7. - Face interne de
['o ? ii : u]ue droit ; consolida-
tion de la fracture par un cal
exubérant et dinoniie.
LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 207
viron 5 millimètres de hauteur au niveau de l'inversion du petit
fessier.
Du côté de la fosse iliaque interne (Fig. 7), on voit, suivant la
même direction que le sillon de la face externe, une production
osseuse irrégulière, un cal difforme, formant une saillie rugueuse
d'un centimètre d'épaisseur et de 4 centimètres de large en moyenne.
Cette production forme comme une espèce d'attelle accolée à l'os.
Cet aspect de la face interne de la fosse iliaque contraste avec celui
de la face externe où, au lieu d'un cal exubérant, on constate
l'absence complète de tout travail de consolidation.
La forme anatomique de cette fracture se rapproche de celle
qui a été décrite par Duverney sous le nom de fracture en tra-
vers de l'os des lies et dont, dans un autre travail', nous nous
sommes efforcé de démontrer le mode de production par choc
ou pression latérale agissant obliquement de bas en haut et de
dehors en dedans. Il est probable que la malade s'est fracturé
le bassin en se tournant brusquement dans son lit, car elle
n'avait subi aucun traumatisme grave, et d'ailleurs la lésion
n'avait pas été soupçonnée de son vivant. L'absence de conso-
lidation du côté externe peut s'expliquer par ce fait que la
malade n'ayant jamais été traitée, les fragments qui n'ont
jamais été rapprochés, tendaient toujours à s'écarter par de-
hors, tandis que, du côté interne où ils ne s'étaient jamais
abandonnés, le défaut d'immobilisation tendait à déformer le
cal à mesure qu'il se constituait.
A. La cavité cotyloicie est à peu près effacée, on ne trouve plus
trace de rebords; à la place qu'elle occupait, il n'y a plus qu'un
large méplat, interrompu par une petite dépression à peu près de
la largeur de la pulpe du' pouce. Sur la branche horizontale du
pubis, au niveau de la partie supérieure de l'ancienne cavité arti-
culaire, on trouve une petite dépression qui logerait une lentille,
et autour d'elle, l'os est un peu poreux. En arrière, vers la base de
l'épine sciatique, on trouve une petite dépression en forme de
cupule, qui se trouvait en rapport avec l'extrémité supérieure
déformée du fémur.
13. Fémur (Fig. 8). A l'union du quart supérieur avec les trois
quarts inférieurs del'oson trouve une dépression portant sur la demi-
circonférence externe de l'os, dépression irrégulière, semblant
résulter d'une usure comme si l'os avait été râpé. Le grand tro-
1 Ch. Féré. Étude expérimentale et clinique sur quelques fractures
du bassin. (Progrès médical, 1880, p. 3.) ,
1208 ' RKCUEIL DE FAITS.
chanter n'est plus représenté que par une épine ayant à peu près le
volume de 1 opine sciatique. Le petit trochan-
ter ne forme plus qu'une petite éminence ru-
gueuse à peine saillante. Le col et la tête du
fémur ont complètement disparu ; le moi-
gnon qui subsiste forme une saillie de 2 ou
3 millimètres sur le côté interne du corps de
l'os. La partie de ce moignon qui était en
contact avec l'os iliaque est recouverte d'une
couche de tissu fibreux rappelant le fibro-
carhlage.
L'extrémité inférieure de l'os est extrême-
ment poreuse, mais il n'y a pas de destruc-
tion de cartilage. '
6° Genou gauche. (Fig. 9). A. Fémur.
L'extrémité inférieure du fémur gauche pré-
sente une usure considérable du condyle
externe. Ce condyle parait avoir été coupé
obliquement de bas en haut et de dedans en
dehors, de sorte que l'extrémité externe de la
surface articulaire répond à la tubérosité
externe et est située à un peu plus de 4 cen-
timètres au-dessus du plan du condyle interne.
Le condyie interne est lui-môme rétréci dans
son diamètre transversal, car la partie externe
est aussi usée. Ce qui représente la surface
articulaire du condyle externe est lisse et
assez dense; quant au condyle'interne, il pré-
sente un aspect poreux. En avant, le contour
de la surface articulaire des deux condyles est
marqué par un bourrelet retroussé formant
une gouttière profonde ouverte en haut et
surtout marquée sur le condyle interne.
Quand on considère l'os par sa partie pos-
térieure, on ne trouve plus trace de condlo
externe; le condyle interne aminci présente
de nombreuses aspérités rugueuses. Toute
l'étendue de la surface poplilée présente une
usure formant une cavité de plus d'un centi-
mètre'de profondeur d'une forme générale
triangulaire et destinée à recevoir l'extrémité
supérieure déformée du tibia.
' B. Tibia (Fig. 10). La surface articulaire des
plateaux du tibia a à peu près complètement
disparu, il n'en reste qu'à peu près un cen-
timètre carré à la partie antérieure et interne
`l Fig. S.' - Membre
inférieur droit, usures
des saillies de l'extré-
mité supérieure du fé-
mur. (Les autres lé-
sions sont dues il la
macération.)
LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 209
du plateau interne. Cette partie offre une usure considérable
formant une concavité transversale, dont le fond descend à peu
près jusqu'au niveau de la tubérosité antérieure du tibia. Il résulte
de cette altération que la surface supérieure du tibia présente deux
saillies latérales simulant à peu près la forme des condyles du
fémur. 0
Cette même surface supérieure est en outre divisée par une crête
transversale qui la sépare en deux parties inégales ; l'antérieure
moins étendue, taillée obliquement de haut en bas et d'arrière en
avant; la postérieure, plus large, taillée en sens inverse, est plus
profondément échancrée, surtout vers le reste du plateau externe
«lui est fortement usé, tandis que le renflement qui représente le
plateau interne forme une saillie ovalaire de un centimètre et
demi de hauteur dont le grand axe antéro-postérieur a 45 millim.
et le petit axe transversal 30. Cette saillie était en contact avec la
concavité décrite au niveau de la surface poplitée du fémur.
A l'autopsie, nous avions constaté que l'extrémité supérieure du
14
Fig. 9. Fémur
gauche. Lésions peu
prononcées de l'extré-
mité supérieure. Usure
et déformation considé-
rable de l'extrémité in-
férieure.
Fig 10. Os de la jambe gauche. Usure et
déformation de la surface articulaire 'supé-
rieure du tibia, fracture consolidée du pé-
roné.
210 RECUEIL DE FAITS.
tibia était remontée en dehors et en arrière du condyle externe du
fémur, de sorte que ce qui reste du plateau interne du tibia se
trouvait être à 10 centimètres plus haut que le condyle interne du
fémur. La rotule se trouvait située entre la tubérosité du tibia dé-
placé et le bord externe du fémur tout à fait en dehors de l'axe de la
cuisse. Le tendon du biceps était» dévié à sa partie inférieure et se
dirigeait en dehors ainsi que le ligament rotulien qui étaitpresque
horizontal. Toute l'étendue de la synoviale présentait une teinte
ocreuse foncée se rapprochant de la couleur de terre de Sienne,
mais sans altérations appréciables à l'oeil nu de sa structure. Les
ligaments croisés n'étaient pas détruits, mais extrêmement allongés
et déviés en dehors puisque leur extrémité est un plan plus élevé
que l'insertion fémorale ; l'externe avait 6 centimètres de long,
l'interne 4. Les ligaments latéraux étaient également très allongés
et déviés dans le même sens. Quant aux cartilages semi-lunaires,
ils avaient complètement disparu. On peut du reste se rendre
compte en considérant la figure o de la position vicieuse des sur-
faces articulaires.
8° Le péroné gauche a été fracturé à sa partie moyenne et offre
un cal un peu volumineux, mais assez régulièrement fusiforme
(Fig. 10).
La cinquième côte gauche est bifurquée à sa partie antérieure',
et chaque branche de bifurcation se continuait par un cartilage
spécial.
IL Les pièces provenant de la nommée C... consistent en
deux arthropathies des hanches et une arthropathie du genou
droit.
4 Articulation'coo-fémoraled1'olle. A. Os iliaque (Fig. 11). La
cavité cotyloïde est effacée par l'usure de ses bords. Cette usure
d'ailleurs est beaucoup plus marquée en haut et en arrière qu'en
bas et en avant, ce qui est enrapport avec le déplacement du fémur.
Vers le haut, la cavité est éculée, de telle sorte qu'elle arrive très
près de l'éminence iléo-pectinée. En arrière et en haut la cavité
s'avance vers la base de l'épine iliaque antéro-inférieure. En arrière,
l'usure est encore beaucoup plus marquée et s'étend jusqu'à la base
de l'épine sciatique et jusqu'au boid antérieur delà grande échan-
1 Les fibres musculaires comprises dans l'espace losangique compris
entre les branches de bifurcation de la côte et les deux cartilages
offraient la même coloration que celles des autres muscles intercostaux.
C'est une remarque que nous avons déjà faite à propos d'une autre pièce
analogue, et qui est intéressante au point de vue de l'interprétation du
rôle physiologique de ces muscles. (Bull. Soc. anal., 1880, p. 290.)
LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 2li t
crurc. Il existe de ce côté, en arrière de l'ancienne cavité coty-
loïde, et à peine séparée d'elle par une crête peu saillante, une
large surface qui se trouvait en rapport avec ce qui reste de l'ex-
trémité supérieure du fémur. Cette surface où l'os est aminci,
s'étend depuis la base' de l'épine sciatique le long et jusqu'au
niveau du fond de la grande échancrure, et elle remonte à peu
près jusqu'au milieu de la partie antérieure de la fosse iliaque
externe.
En bas, l'usure du sourcil cotyloidien est beaucoup moins mar-
quée, et en avant l'échancrure cotyloïdienne est intacte. Cette
disposition de l'usure montre bien qu'elle est déterminée par le
frottement du fémur, tendant toujours à se porter en haut et en
arrière.
Le fond de la cavité n'est pas complètement déformé, l'arrière-
fond est encore reconnaissable.
Toutes les parties qui sont le siège de la déformation offrent
un aspect poreux tout spécial, indiquant une raréfaction de
l'os. '
B. Fémur (Fig. 12 La moitié inférieure de la tête fémorale est
coupée obliquement de haut en bas et de dedans en dehors, et
présente de ce côté une surface plane comme usée à la meule.
Cette usure, qui résulte du frottement du fémur contre la fosse
iliaque, peut servir à faire reconnaître la position occupée pendant
la vie.
Fig. Il. - Os iliaque droit, usure de la
cavité cotjloide.
Fig. 12. Fémur
droit, usure de la
moitié inférieure de
la tète.
212 - ' RECUEIL DE FAITS. '
- La partie antérieure' du col est dépolie et offre un aspect spon-
gieux, et sur quelques points il existe des rugosités saillantes
également spongieuses.
20 Articulation coxo-féi ? zorale gauche. A. Os iliaque (Fig. 13).
De ce côté il n'y a qu'un point de la cavité cot3loïde qui soit intact,
c'est l'échancrure antérieure. Le fond est complètementlisse, il n'y a
plus trace de l'arrière -cavité. Sur tout le pourtour, les bords sont
émoussés, et les limites de la cavité sont à peine distinctes sur
certains points. En' arrière de ,1'ancienne cavité, il existe une
large plaque d'usure à peu près lisse allant de la hase de l'ischion
et de l'épine sciatique au fond de l'échancrure sciatique, et, en
s'arrondissant à la base de l'épine iliaque antérieure et inférieure,
atteignant enfin l'échancrure comprise entre l'épine iliaque antéro-
inférieure et l'éminence iléo-pectinée.
B. Fémur (Fig. 14). La tête et le col ont complètement disparu, il
ne reste plus à la place de l'insertion du col sur le corps du fémur
qu'une surface rugueuse et poreuse. (N° 5.)
3° Genou droit. Les surfaces articulaires du fémur, du tibia
et de la rotule ne présentent pas de déformations très accentuées ;
elles offrent seulement sur toute l'étendue des parties en contact
un aspect spongieux, avec usure généralement peu marquée de la
surface, sauf pourtant sur les plateaux du tibia qui sont, surtout
l'interne, assez notablement effondrés. (N" 6).
Fig. 13. Os iliaque gauche. Usure de la
cavité cotyloïde et de la partie voisine.
Fig. Ki. Fémur
gauche, disparition
totale de la tête.
LÉSIONS OSSEUSLS ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 213
III. La nommée A... ne présentait que des fractures de l'hu-
mérus gauche de l'avant-bras droit, de la jambe gauche. (N° 11.)
1° Humérus gauche (Fig. 35). Cet
os présente vers son tiers inférieur
une fracture avec cal difforme. Le
fragment supérieur chevauche de
près de dix centimètres en avant de
l'inférieur, de sorte que sa pointe
arrive presque au niveau de la ca-
vité eoronoïdienne. Les deux frag-
ments éloignés de plus d'un centi-
mètre sont réunis par un cal volu-
mineux et irrégulier.
2° Avant-bras droit (Fig. 16). Les
deux os sont fracturés au-dessus de
leur extrémité inférieure.
Le cubitus a été fracturé à peu près
à quatre centimètres au-dessus du
niveau de la surface articulaire. Le
fragment supérieur a chevauché en
dedans et est réuni latéralement
à l'inférieur par un cal difforme,
volumineux et à surface poreuse. La
pointe du fragment supérieur forme
encore une saillie de plus d'un cen-
timètre dans l'espace interosseux.
Le radius a été rompu plus d'un
centimètre plus haut que le cubitus.
Les deux fragments qui étaient res-
tés mobiles présentent un renfle-
ment d'aspect poreux par places,
éburné sur d'autres points, mais ils
ne sont nulle part réunis par une
soudure osseuse, il y avait deux réu-
nions par du tissu fibreux.
3° Jambe gauche. (Fig. 17). Les
deux os sont fracturés, mais à des
hauteurs très différentes; mais tous
deux offrent une double déviation
analogue, en angle obtus ouvert en
dedans et en arrière.
Le péroné est rompu à huit centi-
mètres environ de son extrémité in-
férieure etlesdeux fragments sont. réunis par un cal peu volumineux.
1'iy. 15. - Fracture de l'humé-
rus gauche.
214 RECUEIL DE FAITS.
' Le tibia a étéfracturé plus de dix centimètres au dessus et il s'est
consolidé également par un cal peu volumineux. Sur sa demi-cir-
conférence externe au niveau du foyer de la fracture du péroné
avec lequel il était en contact, il existe une petite production osseuse
irrégulière.
IV. Sur la nommée X... il n'existait qu'une arthropathie de
la hanche.( ? 12.)
Hanche gauche (Fig. 18). A. Os iliaque. La cavité colyloide
n'est intacte qu'au niveau de l'échancrure antérieure; l'arrière-fond
est élargi, déformé, rugueux. En avant et en arrière, le sourcil
cotyloïdien fait une saillie exagérée et est déformé par des aspérités
rugueuses. Dans toute sa demi-circonférence postérieure au con-
traire il est complètement usé et remplacé par une plate-forme à
surface lisse, limitée en arrière par une crête saillante demi-cireu-
laire. Cette plate-forme est surtout large en haut et en arrière, du
côté de la fosse iliaque avec laquelle elle se confond. ·
' B. -Fémur. La tête et le col ont complètement disparu, la perte
Fig. 96. -- Fractures des deux os
de l'avant-bras droit (face posté-
rieure).
Fig. 17. - Fractures des deux
os de la jambe gauche (face pos-
térieure).
LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. 215
de substance à surface irrégulière mais non rugueuse, forme
comme une section allant de la base du grand trochanter à la base
du petit trochanter qui n'est plus représenté que par une très
petite rugosité.
V. La nommée P... offrait une arthropathie de la hanche
droite et du genou droit. (N° 13.)
1 - Hanche droite (Fig. 19). A. Os iliaque. Toute la demi-circon-
férence postérieure du sourcil cotyloïdien est usée et constitue une
sorte de plate-forme semi-lunaire de un centimètre de largeur à
peu près. Sur certains points cette surface est lisse et comme
éburnée; sur d'autres elle est rugueuse et présente un aspect spon-
Fig. 18. Os de la hanche gauche. Usure de la cavité cotyloïde,
disparition de la tète fémorale.
. 1 RECUEIL DE FAITS. ' '
gieux. 11 n'existe plus de trace de cartilage articulaire sur la cavité
cotyloïde, qui offre un aspect rugueux sur toute son étendue, sauf
au niveau de l'échancrure cotyloïdienne, où l'os a conservé son
apparence normale. Le fond de la cavité cotyloïde est rempli par
une masse ovoïde qui lui est intimement soudée. Cette masse est
constituée par la tête fémorale sur une petite étendue, mais il n'y
reste aucune trace de cartilage. La partie du col qui reste adhé-
rente à la tête montre une surface irrégulière et spongieuse.
Sur la face interne de l'os iliaque entre la crête innominée, le
trou sous-pubien et la grande échancrure sciatique, on voit, une
saillie à peu près régulièrement hémisphérique et représentant à
peu près les dimensions du fond de la cavité cotyloïde à laquelle
elle correspond exactement. La surface de cette saillie est percée
d'une quantité considérable de petits trous; en arrière et en haut
tout près de la crête innominée, il existe une perte de substance
d'un centimètre carré environ comprenant toute l'épaisseur du fond
Fig. 19. Os de la hanche droite, déformation de la cavité cotyloïde
au fond de laquelle est la tête fémorale.
LÉSIONS OSSEUSES ET ARTICULAIRES DES ATAXIQUES. l't7.
de la cavité cotyloïde qui à
ce niveau est très amincie.
Cette solution de conti-
nuité peimet d'apercevoir
la surface rugueuse de la
tête fémorale, qui vient
ainsi, en quelque sorte,
faire saillie dans ^le petit
bassin.
B. Fémur. Du côté du fé-
mur, nousvoyons que le col
a été comme coupé à son
insertion, obliquement de
haut en bas et de dehors en
dedans. Il ne reste plus à
sa place qu'une surface irré-
gulière, rugueuse et percée
de trous. Ce même aspect
se retrouve du reste sur la
partie postérieure de l'os
jusqu'à la bifurcation supé-
rieure de la ligne âpre.
2° A l'extrémité inférieure
du fémur on trouve sur la
partie inférieure du con-
dyle externe une évasion
antéro-postérieure du car-
tilage de deux centimètres
de long sur un de large, au
niveau de laquelle l'os est
détruit sur une petite épais-
seur. Il n'y a pas d'autre
lésion appréciable des sur-
faces articulaires du genou.
VI. La nommée B...,
ancienne atavique, con-
finée au lit depuis long-
temps, s'est fracturée le
fémur droit en se tour-
nant dans son lit sans
qu'on ait pu savoir au
juste par quelle combi-
naison de mouvements :
Le fragment supérieur
218 RECUEIL DE FAITS.
avait percé la peau et, malgré la résection de l'extrémité du
fragment, la réduction n'avait pu être maintenue et la ma-
lade mourut des suites de cette fracture exposée.
Les deux tiers supérieurs du corps du fémur forment un renfle-
ment fusiforme, dont la surface présente un aspect poreux sur
certains points, éburné sur d'autres. C'est un peu au-dessus de la
limite de cette altération que siège la fracture (Fig. 20).
Un peu au-dessus de l'union du tiers moyen avec le tiers inférieur
de l'os, à cinq à six millimètres en dehors du bord interne, sur la
face antérieure, on voit partir un trait de fracture qui se dirige obli-
quement en dehors dans la direction de la tubérosité externe du
fémur, mais la fracture s'arrête à 5 centimètres environ avant
d'arriver à cette tubérosité. Un autre trait parti du même point
contourne le bord interne, la face interne, puis la face externe pour
venir se terminer en bas en se réunissant avec le premier pour
former deux fragments aigus. La pointe du fragment supérieur a
été réséquée. 11 n'existe aucune fissure, pas plus à l'angle inférieur
qu'à l'angle supérieur. ( ? 14.)
Cette fracture rappelle celles que nous avons décrites sous le
nom de fractures par torsion de la partie du corps inférieure, du
fémur et reproduites expérimentalement ' ; mais elle en diffère
seulement parce que le trait spiral au lieu de parcourir la face
antérieure de l'os, contourne les faces interne et externe , et
que le trait rectiligne se trouve à peu près tout entier sur la face
antérieure. Il est probable que cette différence tient à la
différence de structure des deux tiers supérieurs de l'os où on
voit un renflement fusiforme d'un aspect éburné ; comme il est
de règle dans ces fractures que l'obliquité du fragment recti-
ligne indique le sens dans lequel l'extrémité inférieure de l'os
a tourné, il est probable qu'il s'agit ici d'une fracture par
torsion en dehors. Un autre cas de fracture du fémur observée
chez un ataxique par M. Heydenreich, peut peut-être à juste titre
être rapproché de celle-ci ; il est dit en effet que « les fragments
sont pointus, extrêmement obliques, disposés en spirale' ».
Ct. Féré. - Bull. Soc. aaat., 1880, p. 448.
2 Heydenreich. Bull. Soc. anat., 1874, p. 255.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
IX. NOTE SUR l'un DES « symptômes » de l'ataxie locomotrice ;
par J. \4oRTmER GRANVILLE. (Practitioner, novembre ISS 1,
p. 333.)
L'hypothèse de la dissolution, proposée par Herbert Spen-
cer, et appliquée par Huglilings Jackson à l'explication de cer-
tains phénomènes pathologiques, trouve son application dans
ce qu'on est convenu d'appeler le symptôme pathognomo-
nique de l'ataxie locomotrice, c'est-à-dire la perte de l'équili-
bration en l'absence du secours fourni par le sens de la vue.
L'auteur explique ainsi ce phénomène : la fonction auto-
matique qui consiste à équilibrer le corps et à le maintenir
dans la station droite, a le sort de toutes les fonctions qui s'ac-
complissent en vertu d'une coordination des mouvements mus-
culaires : elle est une fonction apprise à l'aide du sens de la
vue, avant de devenir une fonction semi-consciente et finale-
ment automatique ; et le sujet ataxique est ramené, parle pro-
cessus de la dissolution, à l'état d'un enfant qui apprend à se
tenir debout et à marcher.
Non seulement cette manière de voir donne du phénomène
en lui-même une explication nouvelle, mais l'auteur estime
qu'elle entr'ouve une voie nouvelle au traitement. Si bizarre
et si peu physiologique que puisse paraître au premier abord
une pareille idée, M. Mortimer Granville propose d'enrayer la
déchéance ou de réveiller l'activité du « sens musculaire »
par la rééducation des cellules nerveuses qui constituent les
sources de cette forme particulière d'énergie. Pratiquement,
le traitement qu'il propose est le suivant : faire tenir le malade
debout, les yeux fermés, dans un bain, après avoir versé le
long du rachis une petite quantité d'eau froide (dans quelques
cas, il a paru utile de sinapiser la colonne vertébrale dans toute
sa hauteur, tous les soirs, jusqu'à rubéfaction); faire persister
le malade dans ses efforts pour se tenir ferme et droit sur ses
220 REVUE de pathologie NERVEUSE.
jambes pendant un quart d'heure d'abord, puis une demi-heure
avec un point d'appui à sa portée, mais en lui recommandant de
ne l'utiliser que s'il se sent en danger imminent de tomber.
Pendant les deux ou trois premières semaines, on n'obtiendra
que des résultats très peu appréciables; mais après ce délai, et
en moins de trois mois, on verra s'amender non seulement le
symptôme ainsi combattu, mais tous les autres symptômes, en
même temps que l'état général du malade s'améliorera d'une
façon sensible. R. DE M. C.
X. NOTE SUR la maladie DE Menière et EN particulier SUR
SON traitement par la méthode DE M. CHtRco,r; par
Ch. Féré et Ach. Demars. (Revue de Médecine, 1881.)
Les auteurs débutent par une étude de la maladie d'après les
documents récents et l'observation de plusieurs malades de la
Salpêtrière. Des troubles auriculaires variés, la surdité,
quelquefois inaperçue, d'une oreille, une sensation passagère
de vertige précèdent les symptômes de la maladie de Ménière
confirmée. Elle se présente sous deux formes : l'une, grave, ne
laissant nulle trêve au patient; l'autre, moins fâcheuse, consti-
tuée par des vertiges revenant à de longs intervalles et pouvant
revêtir la forme des paroxsymes décrits plus loin. Dans les
cas les plus graves, la position horizontale calme seule la sen-
sation vertigineuse continue, l'état d'instabilité constante qu'é-
prouve le malade, malgré oreillers et coussins entassés autour
de lui. Le simple mouvement des yeux, l'approche d'une per-
sonne, un ébranlement du lit peuvent compromettre cette si-
tuation lamentable et jeter après une secousse violente le
malade dans les horribles sensations du paroxysme. D'autres
fois, l'état vertigineux est moins marqué et permet la vie ac-
tive. La démarche se fait alors comme d'une pièce, avec incli-
naison du corps d'un côté, les bras placés en balancier, et tra-
hit la préoccupation de se maintenir en équilibre. Des bruits
subjectifs variés en même temps dans les oreilles, bourdonne-
ments, bruits de la mer, et surtout sifflements aigus. Ils re-
doubleront à l'approche du paroxysme. A ce moment, si le sujet
ne peut quitter le lit, il se sent précipité dans un gouffre sans
fond, tournoyant, enlevé en l'air, suspendu par la tête ou les
pieds, projeté diversement. Au contraire peut-il marcher, il y a
tantôt sensation subjective de chute, tantôt chute véritable,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 221
Une force supérieure le pousse, le terrasse subitement on lui
permet de diriger et d'amortir sa chute, qui a lieu toujours du
même côté. La conscience demeure entière. Nausées et vomis-
sements terminent l'accès. En certains cas légers, il n'existe
que des vertiges séparés par un long intervalle et pouvant re-
vêtir la forme d'un véritable paroxysme. La maladie dure tant
que la surdité n'est pas complète.
L'autopsie n'a révélé aucune lésion constante. M. Pierret a
décrit parmi les symptômes céphaliques de l'ataxie locomotrice
des vertiges en tout pareils à ceux qui viennent d'être passés
en revue, dont on retrouve deux exemples dans ce travail.
Longtemps réputée incurable, la maladie de Méniëre ne fut
véritablement améliorée que par le traitement que M. Charcot
faisait connaître à ses auditeurs, à la Salpêtrière, en 1875,
par l'emploi prolongé, à dose élevée, du sulfate de quinine.
Des tracés indiquent exactement et parallèlement, et la dose
de sulfate de quinine donnée et l'état des symptômes chez les
malades observés par MM. Féré et Demars. La dose a varié [de
trente à quatre-vingts centigrammes. On l'administre pendant
quinze jours, on le suspend un temps égal, on lereprend quinze
jours encore et ainsi de suite jusqu'à ce que la guérisou soit
obtenue. Les bruits quiniques s'ajoutent au début aux bruits
morbides et l'état s'aggrave tant que, sans l'espoir de la gué-
risou, le malade préférerait revenir à son état ordinaire de
souffrance. Amélioration dès la première suspension du traite-
ment, exacerbation moindre à la première reprise et finalement
amélioration considérable ou guérison. Il ne faut pas oublier
que l'affection peut récidiver et que le traitement agit alors
aussi bien que la première fois '. D. BERNARD.
XI. Lésion grave du cerveau, GUÉRISON; par William Wood.
(77te american Journal o/' the médical Sciences, juillet 1881,
p. 168.) .
Voici le résumé de l'observation : il s'agit d'un homme sur
le corps duquel un tramway avait passé et qui portait à la tète
une plaie allant de l'angle interne de l'oeil jusqu'à l'occiput.
1 Depuis cette époque, M. Charcot a employé avec un certain succès,
le salicylate de soude dans les mêmes circonstances que le sulfate de
quinine. ' (Cu. I.)
222 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le cerveau était mis à nu et l'on constatait sur sa portion an-
térieure un sillon long d'environ trois pouces. L'oeil gauche
était attiré en haut de telle façon que la pupille était cachée ;
de l'autre côté de la tète, il y avait une plaie du cuir chevelu
de trois pouces et demi de longueur. Le conducteur du tramway
fit savoir que le blessé avait été atteint à la tête par une pièce
saillante de la machine. M. Wood introduisit les doigts dans
le crâne pour en extraire des esquilles, des cheveux et des
fragments de substance cérébrale ; puis il ramena l'oeil en place
et lit plusieurs points de suture, en laissant une petite ouver-
ture vers l'augle interne de l'oeil ; puis il banda la tête en fai-
sant de son mieux la coaptation des os. Pendant tout ce temps
le blessé était sans connaissance. Quelques heures après, il
eut un vomissement de sang (ceci se passait le 29 mai). Le
lendemain miction involontaire, vomissements de sang, délire.
Le il, juin, le malade est plus tranquille. Du 2 au 4, la
conscience et la raison reviennent, on enlève les points de
suture ; la réunion se fait par première intention. Le dixième
jour, l'écoulement cesse, l'ouverture se ferme ; le malade se
lève un peu. Vingt-six jours après l'accident, le blessé, parfai-
tement guéri, reprend ses occupations (il est mécanicien dans
une manufacture de papier). Depuis ce moment, il a continué
à se bien porter, et son intelligence est parfaitement nette ; la
seule trace qui reste de l'accident consiste dans l'impossibilité
où il se trouve de regarder en bas (avec l'oeil qui a été atteint)
sans baisser la tète. Dans la moitié postérieure de la plaie, il
y a eu réunion osseuse ; mais dans la moitié antérieure, les
os demeurent séparés par un espace d'environ un quart de
pouce.
Au point de vue de la guérison, ce cas est intéressant ; mais
il est fâcheux que l'auteur n'ait pas indiqué d'une façon plus
précise la topographie de la lésion cérébrale, sa largeur, sa
profondeur, et les régions de l'écorce qu'elle intéressait.
R. DE M. C.
XII. DE L'HYST>rRO-PII,EPSIE ; par Charles-K. Mins. (The
american Journal of the médical Sciences, octobre 1881,
p. 392.)
L'auteur rapporte deux observations originales et très inté-
ressantes d'hystéro-épilepsie; ces observations sont accompa-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 223
gnées de dessins représentant les diverses attitudes prises par
les malades pendant les attaques. M. Mills fait ensuite l'histoire
de l'bystéro-éyilepsie, en mettant à profit les travaux de
MM. Charcot, Bourneville et lticller ; .son but, il le dit lui-
même au début de son travail, a été de donner à ses confrères
des Etats-Unis une description de 1'llystéro-épilepsie claire,
complète, et conforme à l'enseignement de l'école de la Sal-
pètrière. R. de M.-C.
XIII. Sur la pathogénie de l'épilepsie, lettre au professeur
Luciani; par le prol'esseur V. Chirone. (Il Morgagni, 1881,
fasc.VI.)
Le professeur Chirone affirme que l'écorce cérébrale n'est
pas le centre indispensable des mouvements épileptiques, ainsi
que le pense le professeur Luciani pour lequel l'excitation de
la moelle allongée n'est qu'un phénomène secondaire et non
nécessaire.
Pour le prouver, il a observé que certaines substances
donnent des convulsions épileptiques en agissant, les unes sur
l'écorce cérébrale, les autres directement sur la moelle sans
qu'il soit besoin de la substance corticale. - C'est ainsi qu'avec
la cinchonidine il a déterminé chez des pigeons des convul-
sions épileptiques généralisées ; mais, après leur avoir enlevé
un lobe cérébral, il n'a plus obtenu de convulsions épileptiques
que dans la moitié du corps correspondant au côté de la lésion ;
si on enlève les deux lobes cérébraux, on ne peut plus détermi-
ner du tout de convulsions.
Avec la picrotoxine, au contraire, l'auteur a pu voir réguliè-
rement se produire les manifestations épileptiques alors même
que les deux lobes cérébraux avaient été extirpés ; il ne saurait
donc dans ce cas être question de l'action épileptogène de l'é-
corce cérébrale.
L'auteur n'admet pas l'objection faite antérieurement par
Luciani : qu'on n'a pas affaire là à de l'épilepsie vraie, ni à des
phénomènes qui lui soient absolument comparables. Il pense
que si quelquefois l'épilepsie est produite par l'excitation de
l'écorce cérébrale, souvent aussi elle est due à l'excitation
d'autres régions des centres nerveux, telles que la moelle al-
longée. P. M.
le REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XIV. L'ALBUMINURIE comme symptôme DE l'accès épileptique ;
par le De Fiori. (Italia niedica, Genova 1881.)
M. Fiori constate que l'albuminurie est un phénomène très
fréquent, mais non constant de l'accès d'épilepsie; on l'observe
souvent lorsqu'on provoque des convulsions épileptiformes
chez les animaux; souvent aussi chez les hystériques à la suite
des convulsions. Il a de plus observé une hystérique qui, at-
teinte pendant ses accès d'aphasie et de rétention d'urine,
voyait disparaître l'aphasie quand on plaçait une plaque de zinc
au-devant du larynx, et la rétention d'urine quand on en pla-
çait une à l'hypogastre. De plus l'application des plaques de
zinc avait une influence sur l'excrétion même de l'urine.
Quand les plaques étaient retirées, l'urine devenait plus abon-
dante en quantité et plus pauvre en matériaux solides au point
de vue absolu et au point de vue relatif; quand les plaques
étaient appliquées la quantité de l'urine diminuait et se main-
tenait au-dessous de la moyenne des individus sains, mais sa
composition se rapprochait des urines normales.
L'auteur constaté aussi que, pendant l'application des plaques
de zinc, les différences entre la température centrale et les tem-
pératures périphériques étaient plus accentuées qu'en dehors
de l'application des plaques, et attribue ces différences dans
l'excrétion de l'urine à des variations dans la circulation san-
guine. P. M.
XV. CONTRIBUTION A l'étude DES phénomènes POST-IIÉMIPLÙ-
GIQUES (HÉ\iIA1'IxIE POSTH1 : r11fIPLÉGIQUE); par le Dr UGO BASSI.
(Lo SI)e2-iîiieiiiale, 1881, fasc. 7.)
Le De Bassi rapporte l'observation d'un homme de 57 ans
qui, après avoir été frappé d'hémiplégie gauche, avait vu les
mouvements se rétablir dans le côté paralysé assez pour per-
mettre la marche à l'aide d'une béquille; mais en même temps
la jambe du côté malade était prise d'une incoordination que
l'auteur ne peut mieux comparer qu'à celle de l'ataxie; rien
d'analogue ne se montrait au membre supérieur. L'autopsie
faite plus tard fit voir un foyer hémorrhagique situé dans le
noyau lenticulaire droit et dont une des parois attenait à la
capsule interne.
L'auteur rapproche ce fait de celui qui a été publié par Grasset
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 325
dans le Progrès Médical de 1880, n° 40. Il fait remarquer
que, contrairement à ce qui se passe dans l'ataxie, la ferme-
ture des yeux n'augmente pas l'incoordination, et pense que,
lorsqu'on aura un nombre suffisant de documents, on pourra
peut-être reconnaître comme génératrices de ces phénomènes
certaines lésions de la partie antérieure du corps strié et de la
capsule interne. P. M.
XVI. L'auscultation DE la parole A la surface DE la tète ;
par le U° Roberto ADRIANI. (Rivista sperimenlale di illedicina
légale, 1881.)
L'auteur rappelle que l'étude de l'auscultation céphalique
est loin d'être nouvelle. Mais elle n'a jamais été appliquée
au même but que celui qu'il poursuit : le diagnostic des mala-
dies mentales. Suit une description des modalités diverses
que prennent les sons suivant que le sujet parle à voix haute
ou basse et suivant le point du crâne où l'oreille est appliquée ;
l'auteur recommande de faire parler à voix basse la personne
en expérience et d'ausculter dans la région occipitale.
Dans ces conditions, il a trou\é le son de la voix chez
cent soixante-deux malades atteints d'affections mentales :
trente-neuf fois exagéré, trois fois amphorique, treize fois
affaibli, trois fois indistinct, ou nul; tandis que chez' cent
deux personnes saines, il ne l'a trouvé que quatre fois exagéré
et trois fois affaibli ; mais jamais amphorique, ni indistinct.
Il n'a pu saisir aucun lien entre les variations de diamètres
et de courbures et les données de l'auscultation ; non plus
qu'entre ces dernières et les différentes formes d'affections
mentales.
Il pense que la transmission de la voix se fait par l'intermé-
diaire des parois du crâne et non par le cerveau, qui, au con-
traire, amortit plutôt les sons; si la voix s'entend mieux au
niveau de l'occiput, cela tient à ce que l'apophyse basilaire étant
en rapport avec le pharynx entre plus facilement eu vibration.
Mais si le cerveau concourt peu à la transmission de la voix, il
est loin d'être sans influence sur elle ; c'est probablement aux
différences de densité du cerveau que sont dues les modalités
différentes de celle-ci ; et, depuis les recherches de Cricbton
Browne (B,aiie, 18/9), on sait que la densité du cerveau varie
dans les différentes formes de maladies mentales. Aussi le
la
229 REVUE DE pathologie nerveuse.
Dr Adriani, tout en reconnaissant qu'il n'est arrivé encore à
rien de précis, espère-t-il que, dans un avenir peu éloigné,
l'auscultation céphalique pourra être d'un grand secours dans
le diagnostic des affections mentales. P. M.
XVII. SUR LE centre cortical DE L'IRIS chez LES oiseaux ; par
OELH. (Rendiconti del R. Istituto Lombardo di scienze lettere,
vol. XII.) Rivista di Freniatria.
A la suite d'expériences sur les pigeons, les poules et les
dindons, l'auteur arrive aux conclusions suivantes :
1° Si, chez les volatiles, on applique les pôles d'un courant
induit sur la substance corticale de la partie postérieure des
hémisphères cérébraux, on observe ordinairement le resserre-
ment de la pupille dans l'oeil opposé à l'hémisphère excité;
2° Cet effet s'obtient mieux encore si on applique les pôles
sur l'angle postérieur et interne de l'hémisphère ;
3° Plus rarement, au lieu du resserrement, on observe de la
dilatation qui semble correspondre à une intensité moin-
dre du courant excitateur ;
4° Les effets du courant sur la pupille cessent quand on a
fait une section nette entre les hémisphères et les lobes opti-
ques. P. M.
XVIII. Tabès INCIPIENS ; par ERLENMEYER,. ( Bulletin de la
Société de médecine mentale de Belgique, année 1880, 2e fas-
cicule, p. 103-106.)
L'objet de cette brochure consiste surtout dans l'étude des
prodromes de la maladie dont le nom ataxie locomotrice induit
le médecin parfois en erreur, car bien souvent la maladie est
constituée alors que l'ataxie n'a pas encore apparu.
Un catarrhe stomacal, tenace, résistant aux moyens théra-
peutiques, sur lequel insiste Erlenmeyer, l'excitabilité véné-
rienne, avec pollutions plus nombreuses, malgré les abus véné-
riens, un besoin plus fréquent d'uriner, une facilité plus grande à
la fatigue des extrémités inférieures, les caractères de dicro-
tisme du pouls, des douleurs fulgurantes, sans les points dou-
loureux des névralgies, la douleur constrictive du cou et de la
poitrine, des symptômes résultant d'un commencement d'a-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 227
trophie du nerf optique, inégalité pupillaire, rétrécissement du
champ visuel, dyschromatopsie, diplopie, disparition du réflexe
du genou avant même l'apparition des douleurs fulgurantes :
tels sont les prodromes dignes d'attention pour Erlenmeyer, qui
met le dernier prodrome bien au-dessus du phénomène de
Romberg (la chute les yeux fermés), signe qui n'apparait qu'as-
sez tard et existe dans d'autres affections. E. CH.
XIX. ETUDE SUR LES HéMORRAGIES primitives, immédiates OU
directes des ventricules cérébraux (2e partie Sympto-
matologie ') ; par Edward Sanders. (77te American Journal of
the médical Sciences, juillet 1881.)
Après avoir indiqué dans un précédent mémoire l'existence,
l'étiologie, l'anatomie pathologique, le diagnostic et le pronos-
tic de ces hémorrhagies, l'auteur se propose actuellement d'étu-
dier leur syrnptomatologie. Il divise les symptômes en deux ca-
- tégories : 1° les symptômes prémonitoires; 2° les symptômes
de l'hémorrhagie.
A. Symptômes prémonitoires. Ils n'ont rien de caractéris-
tique et sont entièrement analogues à ceux de l'hémorrhagie
cérébrale ordinaire, dont il est impossible de les distinguer.
B. Symptômes de l'hémorrhagie. En ce qui concerne le
début, la ressemblance avec l'hémorrhagie cérébrale ordinaire
est, ici encore, complète. En effet, on peut observer dès le dé-
but : 1° la mort rapide; 2° les convulsions ; 3° la paralysie sans
perte de connaissance ; 4° la paralysie avec perte de connaissance
(mode fréquent); 5° la perte de connaissance partielle ou to-
tale sans paralysie. L'auteur constate qu'il lui a été à peu
près impossible d'établir une relation exacte entre le mode de
début d'une part, et d'autre part le siège ou l'importance de l'hé-
morrhagie; cette relation existe, eu revanche, entre le mode
de début et la rapidité plus ou moins grande de l'issue fatale.
Avant d'aborder l'étude des symptômes, M. Sanders croit
devoir rappeler qu'aucun d'eux n'est pathognomonique : puis
il passe en revue les divers groupes syrnptomatologiques.
1° Troubles intellectuels. -Fréquents et pouvant varier depuis
la confusion des idées et la somnolence jusqu'au délire, à la
stupeur, au collapsus, à la perte de toute conscience.
1 Voy. Arch. de Neurologie; n" 7, p. 100.
328 REVUE DE pathologie nerveuse.
2° Troubles moteurs. Contractures, convulsions, paralysies,
chacun de ces symptômes est étudié dans son époque d'ap-
parition, son siège, sa durée plus ou moins persistante, sa va-
leur diagnostique. -
- 3° Troubles de la sensibilité. Il peut y avoir intégrité des
sensations ou anesthésie : cette dernière est plus ou moins ac-
cusée, plus ou moins, tardive, et quelquefois variable chez le
même malade. Les actions réflexes sont presque toujourscon-
servées, mais généralement affaiblies. - Les étourdissements
sont fréquents au moment même où l'hémorrhagie va se pro-
duire : ils sont habituellement soudains. La céphalalgie est
assez fréquente et précoce.
4° Troubles de la sensibilité spéciale. Ouïe : on a constaté
une fois seulement des bourdonnements d'oreille. Vue : l'état
des pupilles est très variable : elles sont tantôt dilatées, tantôt
contractées; quelquefois (deuxième cas) l'une est dilatée, l'au-
tre contractée. Lorsqu'il y a contraction égale ou dilatation
égale des pupilles, on constate que, dans les ventricules, le sang
ou le sérum sont disposés de manière à provoquer une irrita-
tion ou une compression égale sur les deux côtés du cerveau.
Le strabisme parait rare (premier cas) et passager. Dans
deux cas, déviation de la tète, mais sans déviation des yeux.
- Langage : la perte du langage est partielle ou complète;
elle varie depuis l'impossibilité d'articuler nettement jusqu'à
l'aphasie complète.
5° Troubles de l 'appareil digestif - La présence de l'écume
à la bouche est assez fréquente; la déviation de la bouche a
été trouvée dans six cas seulement. La déviation de la
langue paraît rare. La difficulté ou l'impossibilité de la dé-
glutition parait également rare (quatrième cas) et passagère.
Malaise : fréquent et peu accusé. Nausées et vomisse-
ments : rencontrés dans douze cas. La constipation est la
rigle : elle est souvent opiniâtre.
6° Troubles circulatoires. Le pouls ne saurait être consi-
déré comme caractéristique; mais on peut constater qu'il est
habituellement lent, plein et dur au début; plus tard, l'épuise-
ment survient, et il devient rapide et faible; dans quelques cas
rares, il demeure normal.
7° Troubles de la respiration. La respiration stertoreuse
est fréquente et précoce.
Se Température. Le frisson, la sensation du froid sont des
revue de pathologie mentale. 229
phénomènes peu communs. La température a été notée
dans trop peu de cas pour que l'on puisse utiliser ces données
incomplètes.
9° Troubles des fonctions urinaires. Ils sont sans importance.
t.0° &/mp ? H& ! sM/jer/ ? c<e ? Expression delà physionomie :
elle revêt le caractère de l'apathie (dans les cas rares où elle a
été notée). Etat de la peau : la pâleur de la face est d'un
pronostic grave. Presque aussi souvent on trouve le visage
congestionné. -Dans un cas, on a observé la tache cérébrale.
11° Amélioration apparente. Elle a été observée dans dix
cas ; elle est probablement due à l'arrêt de l'hémorrhagie et à la
tolérance du cerveau à l'égard de la compression qu'il subit,
tolérance qui permet un fonctionnement plus ou moins com-
plet ; puis, une nouvelle hémorrhagie survient, et l'améliora-
tion disparait. Dans les dix cas observés, l'amélioration a été
purement transitoire et bientôt suivie de l'aggravation des
symptômes et de la mort, sans rémission nouvelle. , ;
R. 1) Ei. "C. ,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
IX. AVIS RELATIFS A L'ALIÉNATION, A L'USAGE DES GENS DU
MONDE; par KocH, médecin directeur de l'asile royal de
Zwiefalten (Wurtemberg). (Bulletin de la Société de
médecine mentale de Belgique, année 1880, 4e fascicule,-
p. 2t-8.)
Soixante pages consacrées à ces avis et l'oeuvre n'est pas'
terminée. C'est une lecture utile pour le médecin praticien
bien plus que pour les gens du monde, malgré son titre ; doit
être lu en entier, mais ne peut être résumé; l'auteur examine,
successivement les questions suivantes :
' Quelle idée doit-on se former des aliénés ? - A quoi peut-on'
reconnaître l'existence d'une maladie mentale ? Situations-
230 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
qui se rapprochent des maladies mentales ; comment faut-il
les envisager ? Quelles sont les causes de la folie ? - Coin-
ment doit-on se conduire vis-à-vis des aliénés ? Par quelles
considérations doit-on se laisser conduire quand il s'agit de la
collocation d'un aliéné dans un établissement ? E. CH.
X. Sur l'écriture dans la paralysie générale; par SCHÜLE.
(Allgemeine Zeitschrifl sur .Ps ? /e ! /ta< ? '/e ; Bulletin de la So-
ciété de médecine mentale de l3elga'que, année t880, 3e fascicule,
p. 87-88.)
L'écriture est d'abord « dysgrammatique », c'est-à-dire émail-
lée de fautes de sens et d'interversions, ou d'ellipses ; puis
« ataxique », c'est-à-dire altérée dans la forme des lettres. Les
fautes grammaticales se rencontrent tout à fait dès le début.
Erlenmeyer pense que les troubles dysgrammatiques de
l'écriture doivent être rattachés uniquement aux altérations
corticales organiques, à l'exclusion des troubles circulatoires
qui peuvent survenir. E. CH.
XI. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CONCEPTIONS IRRÉSISTIBLES;
par L. WILLE (Archiv. f. Psych. u. 7VerueM ? XII, 1.)
Ce mémoire admet en premier lieu l'identité des conceptions
irrésistibles et de l'entité décrite sous le nom de : 6' ? 'K&e/sM<;At
(manie des subtilités), folie du doute avec délire du toucher,
pseudomonomanie, délire partiel, folie avec conscience, délire
émotif, folie lucide, expressions auxquelles sont attachés les
noms de Griesinger, Westphal et des aliénistes français que
chacun connaît. Les seize observations nouvelles que l'auteur
apporte à l'appui ont en effet trait à la production subite de
pensées accablantes pour le patient, sous forme de crises;
elles s'imposent à ce dernier malgré ses efforts, malgré la cons-
cience qu'il a de la non réalité de leur teneur, et entraînent
une angoisse pénible qui finit par devenir le facteur presque
unique de la perturbation intellectuelle. Tel s'imagine, par
exemple, qu'il ne peut plus être heureux, qu'il est maudit, qu'il
est souillé, qu'il va mourir bientôt. Aprèsen avoir rapproché
les descriptions de Legrand du Saulle, NI. Wille fait remarquer
que le délire du toucher n'est que l'extension de cette anxiété.
Mais il croit que la distinction établie par Westphal entre la
revue DE pathologie mentale. 231
conception irrésistible (persistance de la conscience) et la con-
ception délirante (aberration totale), est trop absolue; car il est
des cas de folie systématique aiguë primaire dans lesquels
l'aliéné comprend l'absurdité de son délire, tandis qu'il n'est
pas rare d'observer des conceptions irrésistibles au rang de
symptômes dans les folies aiguës et chroniques. A l'encontre
de Westphal, il pense que la conception irrésistible peut dériver
d'une émotion ou d'afflictions morales chroniques (misère,
soucis, chagrins). Il adopte enrevanche la théorie duprofesseur
de Berlin, aux termes de laquelle l'intensité excessive du processus
conceptuel morbide arrête l'ébranlementidéogénique du reste du
cerveau, et ferme la connaissance aux autres pensées : delà
l'angoisse. Mais il s'inscrit contre l'allégation que le sujet des
conceptions irrésistibles est toujours absurde ou en contradic-
tion avec des conceptions antérieures. Ily aurait lieu, suivant
lui, de distinguer deux sortes de fonds sur lesquels roulent ces
conceptions : l'un absurde, à contre sens, tout à fait insensé ;
l'autre naturel, intelligible, simplement faux. Au point de
vue clinique, il admet trois formes, selon que les conceptions
irrésistibles se bornent au rôle passif, théorique, qu'elles sont
suivies d'actes, ou qu'elles entraînent des impulsions irré-
sistiblas, se rangeant à l'avis que quand la psychose a
duré un certain temps, les actions succèdent généralement aux
conceptions, mais pas régulièrement à chacune d'elles (périodes
dans lesquelles le malade peut résister). Le mécanisme ordi-
naire serait le suivant : le progrès dans l'intensité et la durée
des conceptions irrésistibles, en exagéranil'arrt de l'ensemble
du travail cérébral, augmente à ce point les tensions centrales
qu'il s'en fait une irradiation sur d'autres centres; l'angoisse se
complique alors de décharges motrices commençant aux actes
et aboutissant au délire, aux convulsions, suivant la résistance
apportée inlus et extra aux manifestations agies. Il faut en
exclure les cas relevant d'une simple prédisposition indivi-
duelle en vertu de laquelle, comme à l'état normal, toute
pensée donne rapidement naissance au fait (indépendance des
conceptions et des actes). Quanta l'impulsibilité immédiate, qui,
spontanément, sans cause, se manifeste dès le début de la
conception, elle constitue un degré de développement plus
grave et plus accentué, parce que l'excitation précède la con-
ception, le malade obéissant au sujet de ses conceptions, bien
qu'il le sente en contradiction avec ses conditions objectives :
232 REVUE de pathologie mentale.
ici, la personnalité disparait devant la folie systématique. Cette
impulsibilité apparaît en effet chez des individus présentant
une disposition originelle à de telles irritations qui glissent sur
le terrain des crises vaso-motrices spontanées et réflexes. Mais,
en somme, les trois groupes représentent trois étapes dans
l'évolution d'un seul et unique processus dont chaque phase
nouvelle appelle, par sa répétition, par l'habitude du même
mécanisme psychopathique, la soudaineté dans la production
et l'enchaînement des réactions, depuis la conception irrésis-
tible jusqu'à l'acte irrésistible et à l'impulsion spontanée. Un
pas encore, et la conception délirante émerge, c'est-à-dire la
folie proprement dite avec ses états émotils, ses altérations
morales profondes (Legrand du Saulle et Willej ; ainsi en est-
il de la mysophobie de Hammond avec ses trois stades ' à laquelle
l'auteur ajoute deux observations. Voici, à cet égard, ce que
M. Wille aurait le plus souvent noté. L'intensité des angoisses
consécutives aux troubles de la conception augmente de plus
en plus ; bientôt elles deviennent spontanées sans conception
irrésistible préalable, pour se prolonger entre les accès et pré-
dominer : l'arrêt psychique qui leur est lié finit par oblitérer la
connaissance et déterminer graduellement de la lypémanie
(délire d'antoaccusation, plaintes, etc.). Le tableau clinique
doit être complété par les symptômes nerveux ou somatiques
de l'anémie (stéatose ou émaciation) ; des sensations anormales
ou désagréables à l'épigastre, dans les régions céphaliques, arti-
culaires, musculaires; des excitations sexuelles en présence ou
en l'absence de causes (spermatorthées spontanées nocturnes
et même diurnes); de la constipation; des troubles de l'appareil
digestif, de l'insomnie, de la dyspnée. L'étude des malades
(sept hommes et neuf femmes) enseigne que ce genre d'affec-
tion évolue sur les constitutions neuro-psychopathiques, sui-
vant de préférence l'hérédité (dix faits). La marche de la
maladie est paroxystique (intermittences et rémissions); on
peut la faire remonter à l'enfance (habitudes déjà méticuleuses
de propreté, rangement, nettoyage), et la voir cesser brusque-
ment (guérison ou intermission très prolongée ? ). Le deuxième
stade (actes irrésistibles) exige une surveillance attentive ; à
fortioriletroisièmeet lafolie confirmée : celle-ci n'aboutit jamais
à la démence. La conscience, qui ne cesse jamais d'abandonner
1 Voir Archives de Neurologie, t. II, p. 266.
revue dE pathologie mentale. 233
le malade, assure aux conceptions irrésistibles, y compris les
sensations, perceptions, actes et impulsions de même source,
une place à part dans la nosographie sous le titre de fnr'e arec
conscience; à ce point de vue la folie systématique et la mélan-
colie terminales seraient plutôt de nouvelles maladies prenant
la place de la première qu'un degré plus avancé de l'entité
psychique en question. Traitement général Ionique et reconsti-
tuant. L'excitation des crises réclame l'administration du bro-
mure de potassium, exceptionnellement des narcotiques. P. K.
XII. Sur les invalider psychopathiquesde la GUERRE de 1870-
71; par SCIIWAAB (6° Congrès des aliénistes et neurologistes
de l'Allemagne du sud-ouest). Quelques remarques sur les
invalides psychopatiiiques de lv guerre de )870-7) ; par
Cari 1 RIILICH. - (1 rr.h. f. Psych. M. Il'ervenl ? lII, 1, 2.)
Schwaab apporte une observation. L'homme qu'elle con-
cerne, absolument bien portant jusqu'en 1870, indemne de
toute (liatlièse ou d'élément héréditaire, supporte admirable-
ment les fatigues de la campagne, y compris le service du siège
de Paris; ce n'est qu'à son retour (septembre 1871) que soudain,
sans prodromes, la face, le front, la tête, les oreilles deviennent
le siège d'une éruption purulente et accompagnée d'une énorme
tuméfaction laissant, après une durée de quelques semaines,
des ulcérations, puis des cicatrices irrégulières varioliformes
(calvitie commençante); en même temps, chaleur et douleurs
lancinantes très violentes dans la fête. Seconde poussée aussi
subite et sans plus de raisons pendant l'automne de 1873-73.
Des accès de céphalalgie fronto-bregmatique n'ont cessé de
visiter le patient durant l'intervalle. Parallèlement et. dès l'ap-
parition de l'exanthème, l'humeur s'assombrit; aux idées mé-
lancoliques se joignent de l'excitabilité, de la confusion et de
l'obtusion mentales, de la dipsomanie, des goûts d'aventures,
si bien que, le I mai 1879, on trouve le malade en plein champ
auprès d'Auerbach nu, mourant de froid et de faim, totalement
amnésique. Mégalomanie pendant doux mois; puis manifesta-
tions de la démence compliquées d'incertitude de la parole, de
tremblement fibrillaire de la langue, de parésie faciale faisant
bientôt place au rétablissement physique et psychique. Rechute
pendant l'été de t.S80. Cette fois à la lypémanie s'ajoutent des
crises à congestion céphalique : hyperthermie, excitation mo-
trice, démence, malpropreté, agitation, insomnie, paralysie de
23t revue DE pathologie mentale.
la parole et des mouvements volontaires. Une attaque apoplec-
tiforme avec convulsions de l'épaule et du bras gauche, (janvier
1881) se renouvelle le 13 avril et enlève le malade dans le coma.
On trouve à l'autopsie le cerveau entièrement enveloppé d'une
pseudomembrane d'un jaune terne, constituée par un exsu-
datfibrineux organisé en couches mesurant par place plusieurs
millimètres, qui présente plusieurs points adhérents, notamment
à l'extrémité postérieure des première et deuxième frontales.
M. Schwaah en conclut que les fatigues de la guerre ont
causé un ébranlement du système nerveux tel que progressive-
ment s'est développée cette affection cérébrale La manifesta-
tion d'un exanthème aussi violent à la suite d'une campagne
et sa relation chronologique, même à longue échéance, avec
une psychose sont, dit-il, des faits déjà constatés aux dernières
années à propos des affections rhumatoïdes ; les uns et les
autres témoignent du désordre causé dans l'économie par le
surmenage militaire. -M. hreelllich critique au fond cette ma-
nière de voir. Il admet un rapport étiologique évident entre
l'exanthème et la psychose, à l'exemple de Kroepelin ', mais
c'est précisément l'affection cutanée qui n'aurait rien à voir
avec la campagne; outre qu'on ignore quel était l'état des soldats
et des populations avec lesquels le malade venait d'être en con-
tact, l'incubation lui semble bien longue (rentrée des troupes
à Berlin le 6 juin) pour qu'on soit en droit de relier l'éruption
à l'époque de la guerre. P. K.
XIII. Les maladies DE la connaissance ; par J. WEISS, de
Vienne, (Allg. Zeitsch. f. Psych. u. psyclt. geîichil. Jle(le"cin,
XXXVIII, 1 ) )
En présence de l'incertitude nuageuse des définitions sur la
connaissance au regard du fait clinique précis que traduit
l'expression perdre connaissance, l'auteur se demande quel est
le processus physiologique en rapport avec la conscience. Un
acte cérébral complet se composant de deux éléments, l'un cen-
tripète qui est la sensation, l'autre centrifuge, qui, parle mou-
vement, en constitue la réponse, la connaissance n'est ni un
phénomène autonome du mécanisme cérébral, ni une fonction
d'un ordre élevé, ni une propriété fondamentale des processuspsy-
chiques.puisquelesactionslesplus promptes, les plus sûrement
exécutées sont celles immédiatementréfléchies par l'axe centri-
fuge. Or, dues à la faiblesse de l'incitation (Fechner) ou à la
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 235
répétition fréquente des mêmes processus, elles mettent en jeu
les voies d'aller et de retour sans intéresser l'ensemble de la
masse nerveuse; tel l'automatisme de l'habitude. De sorte
que la connaissance résulte de la participation plus ou moins
complète des mille foyers d'élaboration du cerveau àl'évolution
du processus sensitivo-moteur; aussi le caractère de l'acte incons-
cientest-il d'échapper à la mémoire. Voilà pour la physiologie.
La pathologie de la connaissance est précisément basée sur
l'observation d'actes accomplis indépendamment de tout motif.
Nous pensons alors que des incitations ont pu se réfléchir sous
la forme motrice sans qu'elles soient entrées enrapport avec
l'ensemble fonctionnel du cerveau. Le type de l'affection à
perte de connaissance est 1't,ilepsie; qu'il s'agisse de l'accès
complet, du petit mal ou des troubles mentaux, l'amnésie absolue
des patients témoigne de leur inconscience. Par quel méca-
nisme celle-ci se produit-elle ? Comme, à raison de l'intensité
des réactions, il n'est guère permis de se rallier à la faiblesse
de l'incitation, M. Weiss pense qu'en ce cas c'est lasuracuïté
de l'excitation qui, dépassant la limite maxima, franchit brus-
quement le foyer de réflexion centrifuge sans rayonner sur les
départements voisins ; exemples : l'insensibilité des soldats
pendant la bataille, l'amnésie qui succède aux émotions vio-
lentes et subites. De là la brusquerie d'explosion et de cessation
du complexus symptomatique et la monotonie stéréotypée
des accidents chez le même malade, toujours aussi incapable de
se souvenir et d'analyser les périodes de l'évolution de sa crise,
de les reproduire mentalement. P. K.
XIV. Sur l'action DE l'hyoscyamine ET sa VALEUR THÉRAPEU-
tique dans les maladies mentales; par G. Riva. (Rivisla di
Freniatria, 1881, fasc. 1 et q.)
Voici les conclusions auxquelles sont arrivés les auteurs de
ce mémoire :
L'hyoscyamine possède indubitablement des propriétés sé-
datives et hypnotiques, mais celles-ci ne méritent pas de la
faire préférer à d'autres substances d'action analogue, si l'on
considère les accidents qui peuvent résulter de l'usage pro-
longé de l'hyoscyamine (perte de l'appétit, sécheresse de la
bouche, gêne de la déglutition; dans un cas hoquet rebelle ne
cessant qu'après la suppression du médicament; - mydriase
persistant un ou deux jours après l'injection d'hyoscyamine).
236 sociétés savantes.
Au point de vue de l'action physiologique, les auteurs ont
observé la fréquence plus grande du pouls, l'augmentation
d'énergie des battements cardiaques, une légère augmentation
de température, l'accélération des mouvements respiratoires.
De toutes les formes de maladies mentales, c'est dans la
manie récurrente que l'hyoscyamine peut offrir le plus d'avan-
ta-es; lorsqu'elle est donnée assez à temps, elle peut sinon em-
pêcher le retour des accès, du moins les atténuer beaucoup.
L'hyoscyamine diminue quelquefois l'intensité des accès
d'épilepsie et en retarde l'apparition.
On peut l'employer chez tous les malades à qui on ne peut
administrer le chloral ni par la bouche, ni parle rectum, ou
lorsqu'on veut calmer rapidement les malades trop agités.
Ils administrent l'hyoscyamine en injections sous-cutanées
à la dose de 5 milligrammes à 1 centigramme par jour, en
une ou deux injections, dans deux cas de manie chronique,
ils sont allés jusqu'à 3 centigrammes par jour en trois injections.
Ils recommandent de tàter au début la susceptibilité du malade.
Ils ont surtout fait usage d'hyoscyamine amorphe qu'ils ont
trouvée plus active et beaucoup moins chère que l'hyoscya-
mine cristallisée. P. M.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 24 avril 18821. Présidence de M. DALLY.
M. le Président fait part de la mort de M. Dagron, aux obsèques
duquel la Société a été représentée par M. Motet.
1 Un acculent de mise en piges a reculé la publication de cette séance
qui devait paraître dans le dernier numéro des Archives de Neurologie
(juillet 1882) entre la séance de mars et celle du mois de mai, (N. D. R,)
sociétés savantes. 37 7
Souscription pour un buste du D'' Marchant. - La Société décide
qu'une souscription sera ouverte parmi les membres et parmi les
médecins d'asile pour élever à Toulouse un buste du De Marchant,
tué par un de ses malades.
Prix Esquirol. M. Paul Garnie», au nom d'une Commission
composée de 11li. Buillurâer, Mitivié, Lunier et Blanche, lit un
rapport sur les mémoires envoyés prtur le prix Esquirol. Le rappor-
teur conclut à récompenser le mémoire portant pour épigraphe :
z Ce qui est vrai certaines fois le sera toujours dans des circonstances
semblables. » (Stuart Mil ! ).
M. le Président procède à l'ouverture du pli cacheté contenant
le nom de l'auteur et proclame, comme lauréat du prix Esquirol,
M. Paul Gérente, interne à Sainte-Anne dans le service de M. Ma-
gnan. -
Prix Aubanel M. Charpentier, au nom d'une Commission
composée de MM. Dajonet, Falret, Legrand du Saulle et Mesnet,
lit un rapport sur les mémoires présentés pour le priellubanel que
se disputaient sept concurrents, MM. Azam, professeur à Bordeaux,
Verkamf, Débâcher, Régis, iiergeron, professeur à Lille, Marcel
Bnand et un autre candidat dont le nom était sous pli cacheté.
La Société décide qu'une récompense de 600 francs sera
accordée à MM. Azam pour un mémoire sur les Troubles intellec-
tuels consécutifs aux traumatismes du crâne ; Briand pour une Etude
des altérations du sang dans le Délire aigu; Régis pour un travail
sur l'Eliolorlie de quelques formes de la Paralysie générale.
M. LASÈGuE demande qu'il soit attribué 1,000 francs, au lieu de
630 francs, à chacun des auteurs récompensés. « Si j'insiste, dit-il,
c'est à cause du nombre des concurrents, de l'importance de leurs
travaux et pour ne pas décourager les candidats qui se présenteront
dans deux ans pour le prix Aubanel. »
M. Legrand du Saulle pense qu'il vaut mieux conserver la somme
dont M. Lasègue voudrait disposer dès maintenant pour donner un
autre prix l'année prochaine.
M. Lasègue, qui se défend d'avoir voulu attaquer les décisions de
la Commission, retire sa proposition après une courte discussion.
Eloge de dlurcé. 11. RITTI, prenant ensuite la parole, prononce
en termes élevés un remarquable éloge de Marce. 11. G.
Séance du 26 juin 1882. Présidence de M. DALLY.
M. Motet fait pari à la Société des renseignements qu'il vient
de recevoir sur l'agression dont a été victime le D'' Orange, méde-
cin de l'asile de Broadmoor : a Ce confrère avait fait appeler dans
238 sociétés savante^.
son cabinet un de ses malades, qui lui lança en arrivant une
énorme pierre dont il s'était muni. Le projectile atteignit M. Orange
à la tempe et lui fit une blessure assez sérieuse.
M. Voisin, à propos de cet acccident, énumère les noms des sur-
veillantes et des gardiennes de son service qui ont été maltraitées
par des aliénées : c'est un hommage rendu aux surveillantes laïques.
Suite de la discussion sur les aliénés criminels. M. Ritti donne
lecture d'une communication de M. Brunet, qui a eu autrefois dans
son service, à Evreux, un certain nombre de criminels devenus alié-
nés après leur condamnation, et, arrivant de Gaillon, où ils avaient
été séquestres pendant la durée de leur peine. Ces condamnés sont
une cause de graves désordres dans les services; ils se font surtout
remarquer par des réclamations incessantes, leur insubordination
habituelle, leurs dénonciations calomnieuses contre tout le monde,
enfin par les menaces d'incendie et de meurtre qu'ils profèrent à
chaque instant, et parfois même par les actes de violences auxquels
ils se livrent. Leurs instincts pervers, loin d'être atténués par la
folie, comme l'a dit M. Christian, sont au contraire exaltés. Il en
résulte que ces aliénés criminels, qui demandent une grande
surveillance, constituent un élément de désordre au milieu des
autres malades, et qu'on est obligé de les placer tous dans des sec-
tions d'agités qu'ils encombrent. La construction d'un asile spécial
serait un bienfait pour ces individus. On pourrait y mettre aussi
certains aliénés évadwrs, dont la surveillance est difficile. Un nou-
veau quartier annexé aux principaux asiles ne remplirait pas le
même but.
M. CHRISTIAN se défend d'avoir émis l'opinion que les instincts
pervers, qui ont rendu les individus criminels, étaient le plus sou-
vent modifiés par la folie : il n'a jamais été si affirmatif dans son
dire. La communication de M. Brunet. ajoute-t-il, me fournit un
excellent argument contre la création d'un asile spécial puisque
jusqu'à ce jour, sans qu'il ait été nécessaire de rien changer au
mode d'internement, les prisonniers al.énés de Gaillon ont été en-
voyés à Evreux, où on les a placés dans la section des agités. Ces
malades peuvent donc continuer à être traités dans les asiles ordi-
naires.
M. Motet insiste, de nouveau, sur la nécessité de construire en
France un établissement analogue à ceux qui existent déjà en An-
gleterre, pour soigner les malades dont l'état d'aliénation dure
encore après l'expiration 'de la peine, et qu'on ne peut considérer
comme des malades ordinaires.
M. LnsLCUE demande que la discussion soit mise à l'ordre du
jour d'une des plus prochaines séances, pour qu'elle puisse servir à
éclairer l'opinion des membres de la Commission extra-parlemen-
taire qui étudie en ce moment la législation des aliénés.
sociétés savantes. 239
MM. Lasègue, Dagonet, Legrand du Saulle , Faire sont charges
d'élaborer cette question et de formuler ensuite des conclusions
que discutera la Société.
Prix Aubanel et prix l3cllvomnze. -1111. Lasu;;ue, DaConet, Legrand
du Saulle, Motet et Christian sont nommés membres de la Com-
mission qui proposera les questions que les candidats devront
traiter pour le prix Aubanel et le prix Belhomme.
Suite de la discussion sur le divorce pour cause d'aliénation men-
tale. M. Voisin s'étonne que la Société médico-ps3-cliolo"ique
n'ait pas été consultée par la Commission parlementaire chargée
d'examiner la nouvelle proposition de loi sur le divorce. 11 regrette
que les deux collègues qui ont été appelés à donner leur avis
n'aient point obtenu qu'elle fut entendue par cette Commission.
M. Voisin pense, qu'en principe, le divorce ne devrait pas être ac-
cordé pour cause d'aliénation mentale, quelle que soit la durée de
la maladie. Il ne fait exception que pour les cas où, par superche-
rie, l'un des conjoints atteint d'épilepsie, de folie intermittente, de
dipsomanie, ou d'imbécillité, n'aura pas averti l'autre conjoint.
Le divorce pourrait encore être accordé si l'un des époux prouve
par une enquête que l'autre époux est un de ces ivrognes chez qui
les excès alcooliques déterminent la folie.
En tout cas, le divorce, pour l'une de ces causes, ne devrait pas
être prononcé sans une enquête et une consultation de cinq méde-
cins, qui ne rédigeraient leur rapport qu'après trois examens au
moins de l'aliéné, en mettant quatre mois d'intervalle entre chaque
examen. Une semblable Commission ne peut être composée que d'un
nombre impair de membres pour qu'une majorité soit toujours cer-
taliie : trois médecins n'offriraient pas de garanties d'incorruptibi-
lité suffisantes. Cette dernière proposition soulève des protestations
de la part de quelques membres. M. li.
Séance du 17 juillet 1881. Présidence de M. DALLY.
M. Legrand du Saulle annonce qu'une somme do 5,000 fr. vient
d'être mise, par le ministère des Beaux-Aits, à la disposition de
la Société pour décoration du piédestal de la statue de Pinel.
L'architecte a présenté un devis, qui ne dépasse pas cette somme,
pour une magnifique ornementation. On y voit en emblème la
Science et la Charité.
Suite de la discussion sur les Asiles spéciaux pour les aliénés dits
criminels. M. Faliiet, rapporteur de la Commission chargée
d'étudier cette importante question si souvent mise sur le tapis et
si loin encore d'être résolue, avoue son embarras pour formuler
des conclusions. La Société, dit-il, compte dans son sein des par-
2'(l) sociétés savantes.
tisans et dub adversaire^ du système anglais qu'on veut introduire
en France, et cependant la Commission n'est composée que de ceux
des membres qui déjà ont repoussé la construction de ces asiles.
11 nous est donc difficile d'exprimer une opinion qui reflète les
sentiments de la Société; nous avons pensé qu'il valait mieux
discuter en séance publique chaque point se rattachant à l'organisa-
tion de ces établissements, et, pour faciliter votre travail, nous avons
formulé sous forme interrogative quatre questions principales sur
lesquelles chacun pourra donner son avis. Mais cette étude devrait
il me semble, être précédée d'une question préalable : Y a-t-il lieu,
oui ou non, de créer des asiles pour les aliénés criminels ?
M. Moïcr estime qu'il conviendrait tout d'abord d'examiner les
types d'aliénés auxquels sont destinés ces asiles. Existe-t-il des
individus ayant commis un crime dont ils sont irresponsables, et
susceptibles d'en commettre un second, quand ils sont en liberté ?
Ces gens une catégorie spéciale d'aliénés ? Si cette caté-
gorie existe, faut-il un asile spécial pour les recevoir ? Tels sont les
points que la discussion éclairera de suite.
M. FALRET. Supposons, si vous le voulez, acquise à la discus-
sion, la nécessité de créer des asiles d'État, il faut alors étudier les
mesures législatives particulièress'appliquantà ces nouveaux établis-
sements. et la Commission vous propose de résoudre les questions
suivantes qui faciliteront votre travail.
Première question. A quelle catégorie d'aliénés cet asile serait-
il applicable ? 1° Aux condamnés seulement ? 2° Aux aliénés
homicides seulement, ou bien à tous les genres de crimes (vol
incendie, outrage aux moeurs) ? 3" A tous aliénés ayant passé
devant les tribunaux ou à certaines catégories seulement ? Avant,
pendant ou après le procès ? 4° A tous les aliénés dangereux venant
des autres asiles ?
Deuxième t/MestM't. Quelles seraient les dispositions spéciales
de localités ou de règlements à recommander pour la sécurité in-
térieure de cet asile spécial ?
Troisième question. Quelles mesures législatives devrait-on
proposer pour l'administration, le séjour ou la sortie des malades de
cet asile spécial ?
Quatrième question. Quelle serait l'autorité chargée de pro-
noncer sur l'entrée, le séjour ou la sortie de ces malades ?
Serait-ce la magistrature, une Commission exclusivement mé-
dicale ou une Commission mixte ? Comment cette Commission
serait-elle composée, et par qui serait-elle nommée ?
M. Motet. Une réponse aux différentes questions soulevées par
M. Falret exige une étude approfondie; je ne peux donc la faire en
ce moment.je resterai sur le terrain des généralités, me réservant de
vous apporter plus tard les faits nouveaux qui pourront se présenter
sociétés savantes. 241
et affirmer mes convictions déjà anciennes sur ce sujet. Je ne saurais
trop le répéter, la sécurité sociale doit passer avant l'intérêt in-
dividuel : aliéné ou non, tout criminel doit être placé dans des
conditions telles qu'il ne puisse pas recommencer à nuire. L'étude
des mesures légales et administratives prises actuellement vis-à-vis
des aliénés criminels va nous servir à éclairer la discussion.
J'ai été commis récemment à Bicêtre à l'effet d'examiner un
individu, qui, d'un coup de sabre, avait blessé un sergent de ville;
et quand je me présentai, le malade guéri allait être remis en liberté
par le chef de service qui ignorait l'acte commis par l'aliéné ; il n'y
avait m dossier, ni note du commissaire de police, et l'individu
venait de Sainte-Anne où il était arrivé, du reste, sansrenseignements
commémora tifs, avec un simple certificat médical indiquant son
état mental, mais ne faisant nullement mention du crime qu'il avait
commis. Son état était si peu douteux qu'il n'y avait même pas eu
comparution devant le juge d'instruction, et le chef de service de
Bicêtre le rendait à la liberté quand je me suis présenté, parce qu'il
était guéri. -J demande si descommémoratifs de cette importance
ne devraient pas toujours être communiqués au médecin chargé
du malade ? C'est pour éviter que de pareils faits ne se renouvellent
que nous demandons que les aliénés criminels soient administrés
par des règlements spéciaux'.
M. Legrand du Saulle. Sans qu'il me soit nécessaire d'une loi
spéciale, j'ai toujours établi dans mes certificats de la Préfecture de
police tous les renseignements détaillés sur les malades que j'ai eu
à examiner.
M. Motet. Des questions financières s'opposent, en province, à ce
que toutes les précautions soient prises contre de tels sujets ; ils ne
doivent pas rester à la merci du Conseil général m du Préfet; c'est
l'État seul qui doit en prendre la charge. Je voudrais encore
vous montrer les aliénés dans leurs rapports avec la magistrature
puur vous prouver la nécessité de réformer la loi qui les régit. Ainsi,
par exemple, un homme commet un vol de 25,000 fr. à l'aide
d'un chèque falsilié, s'enfuit à Alger avec une maîtresse et se fait
arrêter pour une nouvelle escroquerie. Pendant l'instruction, on
apprend par hasard qu'il avait été renfermé trois fois à Sainte-
Anne ; c'était un persécuté. Lorsque je l'ai interrogé, il me lit des
réponses caractéristiques : on elierellaità l'empoisonner, mais des
Il Il s'agit d'uu malade de notre service, atteint d'alcoolisme, et qui ue
présente plus aucun trouble intellectuel. 11 s'est emparé du sabre d'un
sergent de Mlle qui venait pour l'arrêter. Hu ce qui concerne l'absence
de lenseignonients de la Prélecture de police, elle est très regrettable.
Comme rapporteur du service des aliénés au Conseil général, nous avons
demandé que ces renseignements fussent toujours communiqués aux mé-
decms. Nuus n'avons nen obtenu jusqu'ici : c'est econnnencer. B.
43 sociétés savantes.
gens qui lui voulaient du bien, lui avaient remis les ? i,000 fr. pour
faire de très importantes recherches en Algérie. MM. Blanche et
Lasègue, qui l'ont vu en même temps que moi, l'ont déclaré
irresponsahle; mais avant qu'on ne connût complètement son his-
toire, l'individu était passé devant la chambre des mises en accusa-
tion qui avait conclu à son envoi en cour d'assises. Comme, avec
la législation actuelle, la chambre des mises en accusation ne peut
se déjuger, que va-t-on faire ? Enverra-t-on en cour d'assises cet
homme irresponsable ? Vous le voyez, dans certains cas, l'aliéné
n'est pas suffisamment protégé par la loi actuelle; il faut la modi-
fier et ce malade pourra alors passer de nouveau devant la chambre
des mises en accusation qui, cette fois, rendra une ordonnance de
non-lieu. '
M. Lunier connaît un idiot qui attend depuis trente-deux ans sa
comparution devant la chambre des mises en accusation.
M. DAGONET n'admet pas qu'en aucune circonstance la magistra-
ture ou une Commission judiciaire quelconque puisse décider s'il y
a lieu d'envoyer un aliéné dans un asile. C'est au médecin à
statuer, que l'aliéné soit criminel ou non. D'ailleurs presque tous
les fous sont susceptibles de commettre des crimes ou des délits si
les circonstances s'y prêtent; il n'y a donc pas lieu à régir par une
nouvelle législation ceux qu'un concours de circonstances aura
rendus criminels. Je ne suis pas, en principe, dit-il, absolument hos-
tile à la création d'un asile spécial, mais je juge celte création
inutile. En tout cas, je demande que la Commission qui aura à
pourvoir d'aliénés ce nouvel asile soit exclusivement composée de
médecins. Il peut arriver que pendant un accès délirant consécutif
à une fièvre typhoïde ou quelqu'autre maladie aiguë, un malade
commette un acte criminel. L'enverrez-vous dans votre asile ? -
Evidemment non.
M. DELASIAUVF. Un asile spécial n'aurait sa raison d'être que
pour les criminels qui, pendant l'expiration de leur peine, deviennent
aliénés; ce sont ceux-là qu'il faut isoler des autres aliénés, qui
pourraient se plaindre de la promiscuité. Nous avons déjà Gaillon
qui suffit amplement pour eux.
M. Lunier. M. Motet nous a parlé de criminels acquittés comme
irresponsables et remisa à l'administration, qui peut du jour au len-
demain les rendre à la société; il en existe aussi qui n'ont même pas
été séquestrés. L'eussent-ils été, leur sortie n'est pas entourée de
garanties suffisantes, car tous les médecins n'ont pas la sévérité d'Au-
banel et d'Esquirol qui demandaient la séquestration perpétuelle
de tout aliéné criminel. La déclaration d'une Commission exclusi-
vement médicale ne suffit pas; je lui préfère l'avis d'une Commis-
sion médicale en majorité, mais aussi administrative et judiciaire.
M. DALLY fait remarquer à M. Lunier que la question n'est pas là.
sociétés savantes. 343
M. Lumen insiste pour la création de l'asile spécial, en tirant son
principal argument de la promiscuité pénible pour certains malades.
Cette promiscuité se fait surtout sentir en province.
M. DAGONGT. J'ai dans mon service un paralytique général en
démence, condamné trois mois de prison pourvoi d'un chandelier.
Croyez-vous que les autres malades aient beaucoup à souffrir de
son voisinage ? L'enverrez-vous dans un asile spécial ?
M. DALLY demande à la Société de décider s'il y a lieu de conti-
nuer à discuter les mesures administratives et judiciaires qu'il con-
viendrait d'adopter dans le cas où l'on créerait des établissements
particuliers pour les aliénés dits criminels. La Société répond
affirmativement par dix oui sur dix-huit votants. La discussion por-
tera sur le questionnaire propose par M. Falret. M. B.
Séance du 31 juillet 188 : . PnKSmEKCE de M. DaLLY.
Sur le rapport de M. Christian, la Société décide de proposer pour
le concours de l'année prochaine les deux questions suivantes :
Prix Aubanel. Existe-t-il des signes ou des indices qui per-
mettent de reconnaître qu'une maladie mentale est héréditaire, en
l'absence de notions sur les antécédents ? Exposer ces caractères.
Prix Belhomme. - Des moyens propres à développer la faculté du
langage chez les idiots.
Suite de la discussion sur les Asiles spéciaux pour aliénés crimi-
nels. M. BILLOD expose les réflexions suivantes que lui ont suggé-
rées les questions posées par M. Faire ! à la dernière séance. Ce
n'est pas suffisant, dit-il, de créer des asiles spéciaux pour les aliénés
criminels, il faut encore pouvoir les maintenir dans ces asiles sans
illégalité; la nécessité de réformer la loi découle de cette proposi-
tion. J'estime en outre que les familles et même certains malades
atteints d'un délire partiel, leur laissant assez d'intégrité intellec-
tuelle pour comprendre leur situation, soutirent de la promiscuité
fâcheuse dans laquelle vivent les aliénés ordinaires et les criminels.
J'ai connu un persécuté qu'on dut changer d'asile à cause du voisi-
nage d'un autre malade enfermé avec lui à la suite d'un crime. Le
malheureux menaçait de se suicider. L'ILîlie a du reste construit
trois asiles destinés uniquement à cette catégorie d'individus. Il ne
faudrait cependant pas confondre avec eux les malades dangereux
qui n'ont commis aucun crime. Leur place me parait indiquée
dans l'établissement ordinaire et non ailleurs. L'asile central de
l'État doit être exclusivement réservé aux criminels, qu'ils aient
été condamnés ou non. Ce serait un abus que d'y renfermer les
voleurs à l'étalage et autres simples délictueux irresponsables par
le fait de. leur état intellectuel.
2 le le sociétés savantes. '
M. BILLOD passe ensuite en revue les modifications qu'il con-
viendrait d'apporter à la loi ; on peut les résumer par cette formule :
l'autorité judiciaire décidera seule de l'admission ou de la sortie
des malades de l'asile central.
111. DA&oET. Nous avons déjà en France l'établissement de Gaillon,
qui répondit peuplés à l'asile que les Anglais ont créé à l3roadmoor;
ces deux institutions sont en ellet destinées à recevoir des condamnés
devenus aliénés, des aliénés non condamnés, mais prévenus de
crimes, enfin quelques individus atteints d'aliénation mentale qui
n'ont subi ni ne subiront aucune condamnation, mais qui peuvent
être considérés comme dangereux. Tous ces aliénés sont soumis a
un régime et à des règlements administratifs particuliers. Je ne par-
tage pas l'opinion des médecins qui désirent donner une extension
plus grande à une semblable institution, et je me demande même
si la mesure qu'ils proposent suffirait à garantir la société aussi
efficacement qu'ils le supposent. Je suis plus porté à considérer
cette modification de la loi comme une chose contraire à l'équité et
sans profit pour personne.
11 est un principe à poser tout d'abord, et dont nous ne devons pas
nous écarter, c'est que « t'individu atteint d'aliénation mentale,
qu'il subisse ou lieu une condamnation, est avant tout un malade
au même titre que ceux recueillis dans les hôpitaux ordinaires et
auquel on doit appliquer les meilleurs moyens de traitement ·.
L'asile de criminels dans lequel ou l'enverrait, pourrait-il, avec
ses règlements d'administration et de claustration, oilur des con-
ditions favorables au traitement de l'aliénation mentale ? C'est
au moins fort douteux !
De plus, on se heurterait constamment à des difficultés de pratique,
car on n'enverrait dans cet établissement qu'une catégorie de
malades dont le choix sera très délicat. Si l'on ne faisait aucune
distinction ni classement entre tous les aliénés dits criminels, une
institution comme celle de Broadmuor risquerait de contenir une
foule d'individus atteints de démence, de paralysie, d'imbécillité,
de malheureux tombés dans une sorte d'enfance, gâteux, absolument
inoffensifs quoique criminels au point de vue de la lui, et d'autres
dont le délire a subi une transformation qui ne peut plus les laisser
considérer comme dangereux. Pourquoi enfermer dans une maison
soumise à un régime spécial tous ces individus qui ne gênent per-
sonne dans nos asiles ?
Est-on bien d'accord, d'ailleurs, sur ce que l'on doit entendre sous
le nom d'aliénés criminels ? Le fait d'avoir commis un acte nuisible
fera-t-il considérer le malade comme devant être toujours dan-
gereux ? Et d'un autre coté, que d aliénés n'ont pas commis d'actes
regrettables par cela seul que des circonstances indépendantes de
de leur volonté les en ont empêchés ! M'est-il pas aussi des faibles
d'esprit que la surveillance la plus insignifiante suffit a rendre
sociétés savantes. 1 5
inoffensifs ? Tous ces casontbesoin d'être examinés, et il appartient
seulement à une Commission compétente, c'est-à-dire exclusivement
médicale, de prendre les renseignements désirables et de faire la
destinction qui deviendra nécessaire si l'on établit des asiles d'État.
Pendant dix-sept ans, il n'a été envoyé à l'asile de Stephansfeld
.(Bas-Rhin) que dix-sept aliénés hommes et femmes venant de prisons
voisines- qui peuvent contenir environ deux mille prisonniers : la
plupart de ces malades étaient tout à fait inoffensifs.
Il est encore deux points dont on ne saurait méconnaître
l'importance. Le premier, c'est qu'il existe des individus profondé-
ment pervertis qui côtoient sans cesse la limite entre le crime et la
folie et auxquels le régime de la prison semble seul couvenir, car
leur promiscuité avec les habitants d'un asile quel qu'il soit devient
une source de désordre, de danger ou d'antipathie profonde. Le
second point, c'est qu'il existe réellement quelques malades que la
forme particulière et heureusement exceptionnelle de leur délire
rend véritablement dangereux. Un quartier de sûreté semble
indiqué pour, ces deux catégories d'individus. Ce quartier existe
déjà à Bicêtre.
Je pense, en résumé, qu'il n'y a pas lieu de créer un asile spécial
d'aliénés criminels, etqu'il serait préférable de seborner à adjoindre
à trois ou quatre des plus importants asiles un quartier de sûreté.
Ces quartiers pourraient recevoir chacun une douzaine d'aliénés
réputés dangereux. Ils auraient l'avantage de ne pas accumuler un
trop grand nombre d'individus nuisibles dans un même établisse-
ment; ils permettraient d'en suivre plus facilement l'observation
et de faire passer le malade dont l'affection aurait subi une trans-
formation du quartier de sûreté dans une autre division; le
médecin restant libre sous ce rapport d'agir comme il le jugerait a
propos. La seule autorité compétente pour prononcer sur l'entrée
comme sur la sortie du malade ne devrait en tout cas être qu'une
Commission médicale; un délégué de la magistrature pourrait à la
rigueur en faire partie. Une semblable Commission ne devrait être
elle-même qu'un délégation d'une Commission supérieure dite des
aliénés, nommée à l'élection, devant laquelle viendraient se porter
toutes les questions ayant trait à l'aliénation mentale, aux malades
qui en sont atteints, à l'organisation des asiles et à l'intérêt pro-
fessionnel.
M. Legrand du Saulle n'avait pas l'intention d'intervenir : il vient
simplement rappeler qu'en 1863, alors qu'il était jeune médecin, il
avait adressé au Sénat une pétition pour demander la création
d'un asile spécial destiné aux aliénés dits criminels.
Aujourd'hui, ajoute-t-il, que je ne suis plus comme alors ic alié-
niste en chambre », j'ai une opinion tout opposée. Un jour,
alors que je partageais avec M. Falret le service de la Sûreté de
Bicêtre, je me pris à penser, qu'après tout, les malheureux enfermés
2K) sociétés savantes.
derrière les grilles n'étaient peut-être pas aussi dangereux qu'on leur
en donnait l'air; je me décidai à en laisser sortir un, puis deux
puis trois, etc., et j'ai ainsi peu à peu vidé la Sûreté, au grand
étonnement de l'administration. Il n'est jamais arrivé d'accidents.
Or, savez-vous par qui j'ai remplacé ces malades ? Par les épilep-
tiques indisciplinables des services voisins. MARCEL 13nLIND.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
DE BERLIN.
Séance du 9 ? ? ! «< 18R1.-PuGamvcie de M. \1'ssrmn..
Avant de s'occuper de l'ordre du jour, le Président consacre à la
mémoire du professeur Waldenburg quelques paroles de regret.
M. Westphal présente un cas de maladie de Thomsen. Il s'agit de
cette affection consistant en l'apparition d'une raideur avec cour-
bature généralisée en même temps que l'ensemble des muscles
striés s'hypertrophient. Dans la discussion que ce fait soulève,
M. BEIINHIIDT appelle l'attention sur l'observation de Peters
(Detitsclie m ! V(f;)'-ot' : t'H7te ZeIsch ? -, 1, 1879). Il annonce que l'exa-
men microscopique du tissu musculaire enlevé à son malade pen-
dant la vie a pu être pratiqué par MM. Jacusiel et Grawitz, qui
n'auraient rien trouvé d'anormal (communication personnelle).
M. Moeli, ayant vu à Rostock le cas de Thomscn, confirme les
descriptions ultérieures des autres écrivains quant à l'excitabilité
électrique. Le grand droit de l'abdomen notamment devenait le
siège, sous l'influence du courant faradique, de contractions qui
duraient jusqu'à trente secondes ; les mouvements passifs, lasimple
insufflation à la surface des téguments, le contact superficiel de
l'éponge excitaient aussitôt la contractilité musculaire.-
M. Binpwanger présente le cerveau d'un homme de vingt-cinq ans,
dément et epileptiqzie dès l'enfance, dont le développement soma-
tique n'avait présenté aucune anomalie. Les deux tiers supérieurs
des circonvolutions ascendantes ainsi que le pied de la première et
de la deuxième frontales dans les deux hémisphères sont transfor-
més en portions dures qui présentent à la surface l'éclat du ten-
don et l'aspect aplati, tandis que les coupes en démontrent la texture
fibreuse caractérisée par des rayures indurées. Au microscope, on
sociétés savantes. 2t7
constate une couche de tissu conjonctif dont les libres résistantes
enlacent en un feutrage complexe des cellules de genres les plus
divers parmi lesquelles il est permis de reconnaître en toute évi-
dence les éléments parenchymateux, appartenant à l'espèce des
petites cellules pyramidales; en somme, peu de conclusions for-
melles et nulle autre altération dans le reste de l'organe. Rappro-
chant ces renseignements des relevés anamnestiques et des résul-
tats de l'examen actuel, on peut formuler le diagnostic suivant :
Processus encéphalitique survenu au début delà première enfance
ou dans le cours de la vie intra-utérine, ayant atteint symétrique-
ment les circonvolutions ascendantes des deux hémisphères et
s'étant terminé par la sclérose des parties en question. Confir-
mation de l'examen nécroscopique à l'état frais, par M. Birch-
Hirschfeld, qui a pratiqué l'autopsie. La soeur de cet idiot pré-
sente depuis l'âge de deux ans une parésie de la jambe gauche, et
des accès convulsifs datant de sa onzième année. Elle a actuellement
vingt-quatre ans. On relève chez elle de l'hyperexcitabilité réflexe,
se manifestant par exemple au moindre bruit imprévu par tous
les signes de la crainte, accompagnés de crise convulsive incom-
lilète et de torsion de la tête.
M. Westphal appelle l'attention, au cours du débat, sur les
allérations delà pie-mère : elle est modérément injectée et ferme
au niveau des circonvolutions lésées. Ce sont bien là les modifica-
tions qui ressortissent aux processus inflammatoires et permettent
de conclure à leur existence ; opinion à laquelle M. Binswanger se
rallie également.
Séance du 13 juin. Présidence de M. Wt'.STi'mL.
M. Westphvl procède à la communication annoncée sur un cas de
sclérose latérale primitive à issue insolite, avec pièces à l'appui. Il s'agit
d'une lésion des cordons latéraux (faisceau latéral dans les pyramides
et le cervelet) ayant déterminé le syndrome de la paralysie spinale
spasmodique, jusqu'au moment où une complication du côté d'un
des hémisphères cérébraux (ramollissement) entraînait des mani-
festations aiguës. Les cordons postérieurs de la moelle n'avaient
participé au processus que d'une façon rudimentaire. La publica-
tion de cette communication sera d'ailleurs effectuée in extenso '.
Des demandes de MAL WERMME et Bernhardt fournissent à l'o-
rateur l'occasion de mettre en relief la disparition des cellules
parenchymateuses dans les colonnes de Clarke, et son opinion
relative à l'indépendance des lésions des cordons postérieurs et du
' On en trouvera le résumé aux Remues analytiques.
248 SOCIÉTÉS savantes.
ramollissement de la région du corps calleux, au moins dans l'es-
pèce.
M. SENATOR désire qu'on insiste désormais davantage sur les
troubles vésicaux, constants en toutes ses observations de para-
lysie spinale spasmodique.
M. Wkrnicke rappelle que de vieux auteurs, Roustan, Durand-
Fardel, ont décrit déjà des ramollissements du cerveau sans altéra-
tions vasculaires.
M. 131NSwnrrcclt, qui a examiné les pièces l'état frais, a ren-
contré des cellules granuleuses, mais les vaisseaux étaient intacts.
Cette intégrité vasculaire est rare. car bien des cas jadis désignés
sous le nom de ramollissement blanc doivent être, en l'absence
d'examen microscopique, considérés comme le résultat de phéno-
mènes cadavériques.
M. Westphal pense également que le ramollissement peut être
indépendant d'affections vasculaires, les Français l'ayant admis
comme tel.
M. BEI,,HARD présente un cerveau d'idiote. Une fillette de quatre
ans, indemne de prédisposition héréditaire ou autre, convalescente
de rougeole, est frappée à ce moment d'apoplexie cérébrale :
hémiplégie droite totale, convulsions éIlCtll'01'InCS, aphasie, sur-
dité droite, déchéance intellectuelle. L'électrisation faradique
semble déterminer quelque amélioration, mais l'infirmité progresse
à nouveau, si bien qu'en somme l'impotence est complète, même
pour la station debout; mobilité des membres supérieurs limitée
surtout à droite, phénomènes spasmodiques, rares et peu accusés,
atrophie de la moitié gaucho de la face, aplatissement dtrgnlhe
crânien du même côté. On rencontre à l'autopsie une complète
adhérence de la dure-mère à la face interne de la calotte crânienne,
une atrophie considérable de l'hémisphère gauche, surtout dans les
lobes temporaux etoccipitaux : le cervelet du côté droitestégaiemeut
notablement atropliié. A gauche, induration et coloration ambrée de
l'extrémité antérieure de la circonvolution de l'hippocampe et
d'une grande partie du lobe temporal, moins prononcées d.ms
l'insula ; toute la première circonvolution temporale violette, mol-
lasse, forme une bourse dont la cavité communique avec le ven-
tricule latéral dilaté et n'est, par places, fermée que par la pie-mère ;
disparition absolue en cette circonvolution de la substance blanche.
11 s'agit par conséquent d'une lésion ayant atteint un cerveau déjà
parvenu à son type normal complet. L'asymétrie faciale doit être
rapportée à l'ossification prématurée des sutures du côté gauche
du sphénoïde (analogue de la sténokrotophie de Virchow). L'apha-
sie ; évidemment due aux lésions de l'insula du côté gauche, rétro-
cédait plus tard, à raison, soit de l'incomplète altération de la
région, soit de la suppléance fonctionnelle de l'organe homonyme
SOCIÉTÉS SAVANTES. 249 9
du côté droit. Peut-être la perte de l'oreille droite tient-elle à la
lésion du lobe temporal gauche, puisqu'il n'existe ni otite, ni
catarrhe de la trompe. Le peu d'atrophie des circonvolutions ascen-
dantes explique l'absence de dégénérescence descendante et de
contractures permanentes. Quant à la nature de la lésion, la colo-
ration jaunâtre du lobe temporal démontre qu'il s'était effectué
une hémorrhagie.
Au cours de la discussion qui s'engage, discussion à laquelle
prennent surtout part MM. Wernicke, Reinhard, W. Sander,
M. Wernicke constate l'ennlobement du lobe occipital dans la zone
d'atrophie ; cependant, MM. Heinhard et Sander nient qu'il y ait
eu liéiniopie. En revanche, l'existence d'une surdité du côté droit,
en relation avec une altération du lobe temporal gauche, confirme
les toutes récentes recherches de Munk.
Séance du 11 juillet. Présidence D; : M. Westphal.
11. Rrvah préscnte zttt znalarle atteint d'une affection de la protu-
bérance. L'homme de quarante-six ans, dont il s'agit, offre une
complète paralysie de l'oculo-moteur externe du côté gauche, en
même temps que le droit interne du côté opposé est en état du
parésie, symptômes dont la réunion, aux termes des décisions
antérieures de la Société sur ce sujet (séances des 7 février 1876,
et 1'2juillet 1880), serait pathognomonique d'une lésion liomolatérale
du noyau de l'oculo-moteur externe dans le pont de Varole. N stag-
mus. M. Remak ajoute que, dans l'espèce, la parésie du muscle
.droit-interne est bien moindre que les troubles de la motilité qui
ressortissent à gauche à l'atteinte de l'oculo-moteur externe; il ne
saurait être question non plus d'une paralysie conjuguée et encore
bien moins de la déviation conjuguée de la tête et des yeux. Inté-
grité dufacia) à gauche ; parésie de sa branche buccale adroite ;
paralysie du muscle élévateur du voile du palais du même côté. A
part l'exagération du phénomène du genou dans la jambe droite
contrastant avec l'absence du phénomène du pied des deux côtés,
c'est la tout ce qu'il est permis de constater d'anormal. L'orateur
conclut à l'existence d'un foyer de ramollissement (sorte d'ictus
initial) dans la moitié delà protubérance, siégeant, vu l'intégrité du
facial du même côté, un peu plus haut que dans les observations
communiquée* jusqu'ici. La syphilis étant possible, le malade sera
soumis aux injections hypodeimiques de préparations hydrar-
gyriques. ,
M. Richter (de Dalldorf) fournit la démonstration de sa.méthode
de conservation du cerveau par dessiccation. Après avoir minutieuse-
ment dépouillé l'organe de la pie-mère, il le place dans'de l'alcool
plus ou moins concentré selon l'état du tissu nerveux, changeant
250 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ce liquide pour une même quantité fraîche au bout de vingt-quatre
heures. Le cerveau est alors lavé à grande eau de façon à ce qu'il
ne conserve qu'une consistance moyenne. Après une série d'im-
mersions semblables en rapport avec l'effet que l'on désire obtenir,
^on plonge la masse dans du vinaigre de bois brut une ou deux fois
par jour pendant deux ou trois semaines, l'abandonnant ainsi im-
prégné à la température de la chambre. L'acide pyroligneux se
substitue graduellement dans l'intimité du parenchyme à l'alcool;
dès le second jour, le cerveau commence à brunir et à se dessécher
dans les zones les plus extérieures jusqu'à ce que, finalement, il
acquière une coloration brun foncé et même noire. L'action se
continue d'ailleurs durant quelques semaines sans qu'il faille
renouveler le bain; la dureté s'accentue à mesure de l'intensité de
la coloration. Ce système est également applicable aux cerveaux
qui ont séjourné dans le liquide de Millier, dans les solutions de
bichromate, à la condition qu'on les lave auparavant à grande eau.
A ce propos, M. MENDHL décrit son procédé. Les cerveaux qu'il
enlève subissent un premier séjour de douze jours dans une solu-
tion concentrée (1 ? ) d'acide nitrique et d'eau; ils demeurent ensuite
vingt-cinq jours dans une solution semblable étendue (1/10) pour
être enfin exposés à l'air sec pendant deux mois. A l'instigation de
M. Westphal, M. Mendel conuent que cette méthode a été employée
et décrite par les Français.
M. vol DEN Sieinen fait sa communication inscrite à l'ordre du
jour intitulée : Notes de voyage sur ptclques asiles d'aliénés de
l'Australie et de l'Asie. L'orateur ne s'est pas contenté de visiter
les asiles qui y existent; pendant son voyage autour du monde,
d'un an et demi, il a en outre recueilli des renseignements sur le
bilan psychiatrique et psychopathique des pays qu'il a étudiés. Une
première question s'impose : La civilisation < : t-<-ce COEO'ce une influence
directe sur la genèse des psychoses ! M. V. D. Steinen ne croitpasque
les blancs aient apporté aux nègres ou aux hommes de couleur
l'aliénation mentale. Il suffit à qui possède les éléments d'iwestiga-
tion scientifiques de chercher résolument pour la constater parmi
ces derniers. On entend souvent dire en Amérique que les nègres
ne fournissaient pas d'aliénés avant leur émancipation ; or, on devrait
plutôt penser qu'à cette époque, d'ailleurs barbare, on ne s'est pas
soucié de cette affection. Aminci, à Cuba, où il reste un assez grand
nombre de vieux ménages d'esclaves et où les nègres n'ont que
très superficielernent subi l'impression de la civilisation, on trouve
actuellement pas mal d'aliénés parmi eux. En Chine, l'inves-
tigation sur ce sujet est aujourd'hui encore peu soignée, car, à
Canton un médecin qui voit à la policlinique chaque année six
mille malades n'a rien appris sur les aliénés chinois, tandis qu'à
Sydney où les fils du Céleste-Empire sont soumis aux mêmes con-
ditions qu'en leur pays (même genre d'existence, difficultés de la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 25 t
vie identiques), on a trouvé dans les asiles d'aliénés deux fois plus
de Chinois que d'Européens. En revanche, l'aliénation semble être
aussi la conséquence naturelle des conditions extérieures. En effet,
alors que dans l'archipel de Samoa on a peine à rencontrer des
déments et des monomaniaques, cette même race polynésienne,
dans la Nouvette-Xétande, où, peu accessible à la civilisation. elle
vit en districts séparés, a donné quinze aliénés aux asiles au cours
de l'année 189. Ce nombre prouve incontestablement qu'il y en
a eu davantage.
M. voix DËN Steinen a visité les établissements psychiatriques de la
Nouvelle-Zélaiiie, de la Nouvelle Galles du Sud, de Java, des Indes,
du Japon. Voici sa division. Les uns renferment exclusivement ou
en majorité des Européens émigrés ou leurs descendants (asiles
australiens). Les autres contiennent surtout des indigènes (asiles
asiatiques).
A. Les établissements australiens constituent autant de modifi-
cations des asiles de la mère-patrie imposées par les exigences du
pays et reflètent admirablement le développement des jeunes États.
On y suit, par la statistique, les influences patbogénétiques. Au
début, par exemple, prédominent les plus fâcheuses disproportions
dans la condition des hommes et des femmes, des gens mariés et
des célibataires, dans la répartition des âges, des occupations, tous
désavantages qui graduellement finissent par être compensés;
l'alcoolisme joue de bonne heure un rôle prépondérant. Les détails
d'administration sont passibles des mêmes critiques qu'en Europe.
La même incertitude règne sur les particularités étiologiques et
nosographiques qui relèvent du climat et du genre de vie. En
somme, si renseigné que l'on soit d'avance, on est étonné de la
rapidité avec laquelle les rivages des mers du Sud ont vu naître
une organisation qui ne diffère en rien de celb de l'Europe, au
moins dans ses linéaments généraux ; c'est aux médecins anglais
qu'il faut en aUribuer l'importation. La proportion entre l'ensemble
de la population et l'effectif des asiles est la même en Nouvelle-
Zélande que sur le continent. Les établissements de Sydney sup-
portent toute comparaison avec les nôtres. Heureux les peuples
qui, dénués de traditions historiques, sont libres d'entreprendre
constamment sans être obligés de modifier des vieux débris !
A Java, le progrès est patent; on a construit à Buitenzorg, près
Batavia, un établissement dont le plan moderne contraste avec les
construction primitives et malsaines usitées jusque là.
B. Etablissements pour les indigènes des Indes Britanniques. Le
nombre d'aliénés à la charge de l'Etat a considérablement baissé
depuis un décret du gouvernement en vertu duquel il n'accepte
désormais que les criminels aliénés , les indigents, les psychopathes
dangereux ou incurables. Ainsi, pour les six établissements de la
252 SOCIÉTÉS SAVANTES.
province du Benrale, on notait en1877 un effectif moyen de 1,416;
il descendait en 1879 à 890, soit simplement 0,0137 pour mille de
la population totale. La guérison ou l'amélioration porte sur plus
de 80 p. 100 de ceux que l'on admet. De tels résultats doivent être
attribués, selon les médecins anglais, à la prédominance de psy-
choses par abus du chanvre indien (manies d'un pronostic favorable).
Sur 1,187 malades en traitement, l'étiologie concerne la consomma-
lion du chanvre pour 327, les spiritueux pour 40, l'opium pour 10.
Les bâtiments se bornent, en dehors de quelques récents édifices
pour bains et latrines, à une série de baraques qui servent de dor-
toirs et fournissent un abri la nuit, de l'ombre et de la fraîcheur
durant quelques heures le jour. La sobriété et le peu de toi-
lette de l'Indien facilitent le fonctionnement administratif et
budgétaire. A Bombay, M. V. D. Steinen compta dans une cour
destinée aux agités30 individus vivant et travaillant sans contrainte,
absolument nus. Un peu de tabac, quelques douceurs, une séance
chorégraphique tous les quinze jours suffisent à leur bonheur.
L'asile de Dullunda, près Calcutta, est un modèle de travail ; on y
tresse, tisse, martelle, pile, moud ; quelques bambous et des cordes
servent à monter une machine immédiatement utilisée. Aussi,
84 p. 100 des malades sont-ils perpétuellement occupés et chaque
travailleur produit-il la valeur de 30 à 36 marks. Quant à tirer un
parti scientifique des matériaux d'observation que l'on a chaque
jour sous les yeux, cette besogne exigerait, en dehors des connais-
sances spéciales, des relations intimes avec les aliénés; or, on ne
parle pas moins de vingt-trois langues aux Indes et les innombrables
castes sociales qu'on y côtoie soulèvent au sein du peuple même
des obstacles plus infranchissabcs que les différences de nationalités.
Au Japon même, on n'a pu rassembler que bien peu de documents
psychiatriques intéressants. Les confrères allemands qui y sont
fixés ont une très faible expérience a cet égard; les opinions des
uns et des autres sont de plus diamétralement opposées sur les plus
simples questions ; telles les formes de l'hystérie, de l'épilepsie, la
genèse de la manie, du delirium tremens (excès d'cau-de-vie de riz).
Kioto possède un établissement de quatre-vingt-un malades cons-
truit d'après un plan européen et dirigé par des médecins japonais;
on y perçoit ici le charme, la simplicité, la propreté; là, l'incurie
et l'infection de la négligence de sorte qu'il semble être un mélange
des excellentes intentions européennes et de l'indolence enracinée
des Asiatiques.
M. Westphal interroge le voyageur sur l'existence de la paralysie
générale dans les pays visités par lui. M. V. D. Steinen répond que
cette maladie, peu connue à Java, aurait été observée parmi les
nègres.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253
Séance du 14 4 novembre. Présidence de l. *WESTPIJAL.
M. REMAK ramène à la Société le malade présenté par lui dans la
séance de juillet dernier. Le traitement mercuriel sous forme de
friction a en trois mois déterminé la guérison des accidents ocu-
laires ; il ne reste plus que de la parésie dans le domaine du facial,
à droite, ainsi que la paralysie de l'élévateur du voile du palais de
ce côté. L'exagération du réflexe rotulien a également persisté.
M. BERINHARDT ne veut pas laisser passer ce fait sans appeler
l'attention sur l'observation tout récemment publiée par Hunnius,
et de laquelle il résulte que la paralysie combinée des muscles de
1'oeil ne signifie pas nécessairement qu'il y ait lésion du noyau
de l'oculo-moteur externe; un foyer peut exister dans la protubé-
rance, à cette place, sans que le noyau du nerf en question soit
directement atteint.
M. le Secrétaire soumet à l'assemblée une brochure que lui
envoie à titre de don 111. Hwschfeld, de Dautzig. Elle est intitulée :
Ophélie... ci la lumière de la science médicale...
M. Wesphal présente de nouveau le malade que M. Remak mon-
trait à la séance du 8 mars 188J. On en trouve l'observation dans
le u° 22 du Berlin. Klin. Vocheii5chi-, 1 880, sous ce titre : « Un cas
d'ataxie locale des extrémités supérieures avec éphidrose unilatérale
du même côté ». M. Remak avait diagnostiqué uue sclérose d'origine
syphilitique (le malade avait eu cette affection jadis), siégeant dans
la moitié postérieure droite du renflement cervical de la moelle,
plus tard compliquée de dégénérescence secondaire dans les deux
cordons postérieurs. Aujourd'hui, on est évidemment en présence
d'un tabéuque (démarche caractéristique, ataxie, etc.) et en même
temps on observe dans la région du nerf cubital gauche l'expan-
sion des troubles de la sensibilité auparavant limités à droite.
Inanité du traitement anti-syphilitique.
M. Remak rehausse encore les particularités d'une telle évolution
en insistant sur cette ataxie très prononcée du membre supérieur
droit, qui persiste plus de cinq ans et se montre en quelque sorte
indépendante des autres manifestations.
M. Wernicke présente à la Société une modification des rhéostats
à manivelle coudée ordinaires. Ce nouvel appareil permet, sans grande
perte de temps, quelle que soit l'installation instrumentale, de
passer des unités aux dizaines, voire aux centaines titi libitiiiii et
vice versa. 11 comble une lacune qui se faisait du reste principale-
ment sentir pour le traitement des bourdonnements d'oreilles et
des névralgies de la cinquième paire. C'est M. W.-A. Hirschmann,
de Berlin, qui l'a construit.
: 25'< il SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Westphal communique un cas de lésion corticale avec lténtiu-
nopsie. M. Wernicke fait ressortir la description qu'il a donnée de
ces formes morbides et dans son Traité des maladies du cerveau et
dans le fait présenté par lui à la Société médicale de Berlin ; il
s'agissait notamment dans l'espèce d'une lésion de l'écorce avec les
troubles caractéristiques de sensibilité et de motilité du côté
opposé. Il a, de plus, eu l'occasion tout nouvellement d'observer
quoique chose de semblable chez un malade atteint d'un abcès dans
le lobe occipital gauche. Cet abcès avait pénétré jusqu'à la subs-
tance blanche du lobe pariétal et de la pariétale ascendante du
munie côté.
M. Westphal insiste sur l'autopsie de son malade qui, pour la pre-
ntière fois, démontre que les altérations des régions de l'écorce peuvent
entraîner semblable s mptomatologie et particulièrement une hémia-
nopsie ltomo-lalérule.
'l'elle est aussi l'opinion de M. Ilirschberg, qui fait remarquer que,
dans les cas connus jusqu'à ce jour, on avait toujours trouvé la
substance blanche concurremment lésée. Aux questions que lui
adresseM. Sander,M. Westphal répond que l'hémisphère droit était
intact, que le malade n'avait eu aucune hallucination de la vue,
mais que longtemps avant sa dernière affection il se pourrait qu'il
eut été atteint de dclirium tremens.
Séance du 12 décembre. Présidence de M. Wesiphal.
Avant qu'on ne s'occupe des communications inscrites à l'ordre
du jour, M. Bernhardt montre à ses collègues le maniement d'une
batterie portative à courants continus, construite par M. Reiniger,
d'Erlangen.
M. Richter, de Dalldorf, procède ensuite à sa communication
annoncée : Des -caractères propres aux lésions de l'écorce du cerveau.
Le malade, qu'il eut l'occasion de suivre à l'asile de Dalldorf, pré-
senta successivement : en 1878, des douleurs dans le membre
inférieur gauche; au mois d'avril 188l, du myosis du même côté,
de la fréquence du pouls contrastant singulièrement avec une
faible élévation thermique ; au mois de mai de la même année, des
troubles dans l'innervation du facial également à gauche. On notait
en juin des convulsions cloniques dans les deux extrémités gauches
avec contractions dans le domaine du facial homologue et torsion
de la fête à droite, qui cédaient bientôt la place d'abord à de la
raideur, enfin à une complète paralysie de la motilité et de la sen-
sibilité de tout ce côté. Intégrité absolue du côté droit. Hyper-
thermie et fréquence du pouls exagérée. Le patient meurt trois
jours et demi après l'attaque. L'autopsie décèle simplement deux
zones nettement limitées d'infiltration (syphilitique) siégeant à la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 255
convexité, du côté gauche. L'une d'elles occupe la région supérieure
de la scissure parallèle frontale (sulcusproecentralis) du côté gauche;
la seconde se trouve au milieu de la circonvolution de l'ourlet du
même côté. 11 était indiqué de rechercher avec soin le mode d'en-
trecroisement des fibres nerveuses; malheureusement la substance
blanche du cerveau ivait été trop maltraitée par le couteau pour
que l'examen pût, dans l'espèce, fournir des résultats.
M. \'1%envtcR> : fait remarquer l'exsudat gélatineux de la pie-mère.
d'ailleurs noté par M. Richter. Celui-ci exclut néanmoins l'idée
d'une méningite, à raison de la non-adhérence de cette membrane
au cerveau. Or, les manifestations relatées témoignent d'une irrita-
tion cérébrale avec laquelle les lésions décrites n'ont rien avoir.
M. 13r.van rappelle que des phénomènes semblables ont été décrits
par Fiirstner à la suite de la pachyméningite hémorrhagique.
M. BINSWAN(-,F.11 se range à l'opinion d'une paralysie générale. Il est
facile d'expliquer en un cas de démence paralytique les convulsions
qui se montrent à la fin de la vie. La méningite chronique accom-
pagne du reste, comme on sait, souvent la paralysie générale.
M. Richter insiste sur l'absence d'inflammation méningée de la
base, de tubercules dans la pie-mère, d'hémorrhagics méningées,
de pachyméningite. L'entrecroisement des pyramides ne présen-
tait rien d'anormal à la région médullaire ; une recherche plus
approfondie ne put toutefois en être faite. L'impression générale
que le malade laissa sur son esprit fut celle, non de la paralysie
générale, mais d'une tumeur cérébrale. I'oor 11. VEaYtcne, la s3 mp-
tomatologie aussi bien que l'anatomie pathologique mettent hors
de doute en l'espèce une lésion généralisée.
M. Richter (de Pankow) communique son travail sur la Produc-
tiotz des conceptions délirantes par les réves. Il y rapporte l'exemple
d'un homme chez lequel, bien qu'il fut intellectuellement bien
développé et qu'il jouit de toute sa raison, l'impression d'un songe
qu'il fit développa une conception délirante inébranlable. Un tel
accident n'avait été jusqu'alors signalé que chez des faibles d'es-
prit. Ici, au contraire, les facultés intellectuelles étaient et demeu-
rèrent intactes. La publication du fait sera effectuée '.
M. GNAUCK considère cette observation comme un cas de concep-
tion irrésistible dont la répétition a fini par greffer à demeure
l'état pathologique en question.
Il s'agit, pour M. 'VcsrmvL d'une folie systématique primitive qui
s'est développée sous la forme aiguë en rêve ou pendant l'état de
veille (Arch. f. Psych. u. Neraezali., 1111. 1.) P. K.
1 On en trouvera l'analyse minutieuse aux Revues analytiques.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE LÉGALE
DE VIENNE
Séance du 12 janvier 1881. 1.
Cette séance est tout entière consacrée à la communication du
docteurpoar,,surl'ezzsemGle des phénomènes qui concourent à l'h,tllu-
cination (processus hallucinatoire). On en trouve la substance dans
le Jahrbûcher fier Psychiatrie (III, 2 '.) Sur la proposition de AI. le
président Meynert, la discussion que ce mémoire appelle est remise,
à cause de l'heure avancée, à un autre jour (séance du 23 février).
Séance du 26 janvier.
M. Hollender traite de I'oedèine cérébral circonscrit coinïlz, cause
de symptômes des lésions en foyer.
La discussion qui s'engage à son sujet met d'abord en lumière
deux observations communiquées par le docteur DnozDA. En l'une
d'elles, il s'agissait d'un individu apporté sans connaissance à l'Iiu-
pital et chez lequel on trouva : myosis pupillaire double complet,
hémiplégie droite, hoquet incessant, rétention d'urine, glycosurie.
Après trente-six heures de coma, ce malade succombait à 1'liépaLi-
sation dulohe inférieur gauche, et l'autopsie ne décelait, outre les
lésions pulmonaires, qu'une transsudation séreuse avec atrophie du
cerveau. Les renseignements recueillis ultérieurement démontrèrent
que le patient était épileptique. Le second fait concerne une hémi-
plégie droite, survenue soudain, avec perte de connaissance; mort
en six heures ; simple atrophie cérébrale à l'autopsie.
51. MEYXERT insiste à ce propos sur les signes cadavériques
permettant de conclure à l'épilepsie. Qu'une hyperémie insolite du Li
cerveau, telle qu'en peut produire l'ectasie vasoparalytique consé-
cutive au spasme des vaisseaux cérébraux, s'accompagne d'une
atrophie de la corne d'Ammon, et l'observateur est en droit de
1 Le JahrGûclzer sur Psychiatrie (de Vienne) est un journal publié par
la Société dont il ust l'organe. Aussi, tous les travaux dont on ne trou-
vera pas l'analyse à l'article Société, parce qu'ils sont imprimes in exteuio
dans le corps de ce recueil, seront-ils l'objet de notre attention dans les
Remues analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 257
conclure à la mort du sujet pendant un accès d'épilepsie. Mais l'on
peut également rencontrer l'inverse, c'est-à-dire une anémie consi-
dérable, parce qu'il est rare qu'un épileptique possède une irriga-
tion cérébrale moyenne ; les oscillations extrêmes dans l'afflux
sanguin encéphalique sont l'apanage de ces névropathes M. Meynert
rapporte aussi un cas d'oedème vrai d'un pédoncule cérébral dans
lequel les symptômes notés trois jours avant la mort (paralysie
de l'oculo-moteur, paralysie opposée du facial et des extrémités)
permirent de diagnostiquer le lieu de la lésion ; ce qui n'implique
pas d'ailleurs le diagnostic de l'oedème, personne n'étant en
mesure d'affirmer qu'il n'y a pas un rapport nécessaire, impérieux,
entre la transsudation et l'inflammation. Quand, par exemple, le
cerveau d'un paralytique général nous présente à côté de l'encé-
phalite chronique (adhérence des méninges à l'écorce) des foyers
aigus, il s'agit d'un seul et même processus se montrant à divers
stades, et, bien que la périphérie des régions ramollies n'ait pas
toujours complètement perdu sa coloration de par l'oedème, on ne
saurait exclure la parenté de l'oedème et de l'inflammation. Le
diagnostic différentiel de semblables états repose : anatomique-
ment, sur l'adhérence des méninges à la base ; cliniquement, sur la
promptitude avec laquelle apparaissent les phénomènes paralytiques
et l'évolution brève qu'ils affectent, tous caractères qui éliminent
l'hypothèse d'une tumeur.
M. lisraenx présente en outre à la Société le cerveau d'un
typhique ayant été en proie, dans les derniers jours qui précédèrent
sa mort, à plusieurs attaques apoplectiformes. La partie antérieure
des hémisphères est revêtue d'une sorte d'enveloppe gélatiniforme
remplie de coagula sanguins. Cette pseudo-membrane repose non
sur la dure-mère mais sur l'arachnoïde. Il ne s'agit pas là, du reste,
d'une pachyméningite, c'est-à-dire d'un processus inflammatoire,
mais d'une de ces hémorrhagies marastiques attribuées à l'anémie
et à la friabilité vasculaire.
M. le Président clôt la séance en communiquant à l'assemblée
la lettre de retraite du Dr Kapsamer et en consacrant à la mémoire
du D, Ludwig Schlesinger quelques paroles d'adieu.
Séance du 23 février. Présidence de M. Meynert.
Sur la proposition du Président, l'assemblée décide de transférer
la bibliothèque de la Société dans la salle de cours de la clinique
psychiatrique de l'hôpital général, de la rendre accessible aux
membres de la Société pendant les heures de jour, enfin de per-
mettre le prêt de livres à domicile. Les fonctions de bibliothécaire
sont confiées au Dr Griinherg (interne).
17
258 * - SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. FRITSCII se déclare prêt à collaborer au Tcthr6tccleer (annales)
de la Société : acquiescement de l'assemblée.
M. Pohl est choisi comme membre du conseil d'administration
en remplacement du D EFFËN,13ERGER, l'élection du vice-président
étant ajournée à la réunion générale.
Le reste de la séance est consacré à la discussion sur le travail
de M. Pohl, lu à la séance du 12 janvier.
Séance du 27 avril.
M. HOLLENDCR fait sa communication annoncée sur la stupeur, à
la lumière d'une observation recueillie à la clinique de MEYNERT.
La publication en sera effectuée in extenso dans l'organe de la
Société.
La discussion soulevée à cette occasion a trait aux entités psyclio-
pathiques dans leurs rapports avec la stupeur. Celle-ci, pour
M. MEYNERT, peut émaner des conceptions délirantes, se montrer
au milieu de l'immobilité, du mutisme le plus complet et le plus
prolongé ; en ces cas, les malades accordent une certaine attention
aux mouvements passifs qu'on leur imprime, sans être en état de
prendre ou de conserver des poses pénibles. La stupeur pure
relèverait d'une suractivité des centres d'adaptation sous-corticaux,
l'équilibre étant anormalement maintenu alors que décroit
l'activité des hémisphères.
M. MEYNERT présente à ses collègues une femme de trente-deux ans,
célibataire ; il s'agit de décider dans l'espèce s'il y a ozi non psychose,
la personne en question ayant essayé de se tuer. En dépit de toutes
les apparences de la mélancolie notées au premier abord, un
examen approfondi ne permettait de consigner aucun symptôme
morbide proprement dit; évidemment cette humeur noire est
physiologique. Le professeur fait remarquer qu'un internement
prolongé à l'asile eût pu favoriser sur un pareil terrain la produc-
tion d'hallucinations et devenir la cause occasionnelle d'une psychose
consécutive, dont l'aspect lypémaniaque eût été considéré comme le
prodrome. Par conséquent, le placement de semblables sujets dans
un asile est absolument contre-indiqué.
M. Pohl fait remarquer à cet égard comment, en des conditions
spéciales d'un léger trouble dans la circulation, s'opèrent les
transformations de la douleur psychique ou même physiologique
en des états mentaux tout différents. Telles ces formes d'aboulie en
quelque sorte parétique, ces transitions à la gaieté vraie, ressortis-
sant en somme à la douleur morale ? Il demande en outre au
Dl Hollaender si l'on est en droit d'admettre une stupeur primi-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
tive alors que, selon sa conviction, la mélancolie stupide repré;
sente un type morbide fixe et bien délimité.
Pour M. IIoLr.wuca, Lamélancolie stupide n'existe pas; on désigne
actuellement sous ce nom des formes de monomanie essentielle-
ment différentes de la stupeur.
M. Meynert ajoute qu'on a écarté la mélancolie avec stupeur
par cette raison fondamentale que les malades qu'elle concerne
sont aussi bien enclins à sourire ; l'explication du fait gît et dans
la nature de leurs hallucinations et dans l'anémie considérable que
l'on observe généralement chez eux. Quant à la dépression mentale,
il ne faut point oublier que sa forme hypochondriaque précède,
comme stade prodromique pur, la monomanie non moins que les
sensations d'angoisses qui appartiennent et à l'hypochondrie et à
l'hystérie. Toutefois, il importe, dans l'intéretdu diagnostic, d'établir
une différenciation tranchée entre l'hypochondrie et la mélancolie.
L'association de la stupeur à la mélancolie vraie est d'autant moins
surprenante que cette dernière en renferme toujours quelque
élément de par les phénomènes d'arrêt qui la caractérisent; si les
nuances varient, la parenté est intime entre les deux types nosogra-
phiques. La distinction fondamentale réside dans la pathogénie; les
hallucinations et la stupeur en général se développent sur un fonds
d'anémie, tandis que la mélancolie résulte certainement de pro-
cessus hyperhémiques.
Séance générale du 25 niai. Présidence de M. MEYXEM.
La situation financière, présentée par le D' FIOLLER, trésorier-
économe, pour l'année 1880-81, se traduit, tous frais payés, par un
avoir en caisse de 250 florins 79 kreutzers. ·
M. Fritsch, secrétaire, produit son rapport annuel sur les travaux
de la Société pendant l'année 1580-81. Les six séances tenues par
elle ont été presque exclusivement consacrées à des questions
scientifiques. Voici les communications dont elle a pris connaissance :
M. MEYNERT. Sur les fonctions de l'écorce du cerveau.
M. Fritsch. De l'influence des maladies fébriles sur les psychoses.
M. Pohl. Du processus hallucinatoire.
M. HoLLOEXDER. De fcedeme circonscrit du cerveau comme cause de
symptômes des lésions en foyer. De la stupeur.
Quelques-uns de ces mémoires ont été publiés dans les Annales
de la Société, qui ont en outre ouvert leurs colonnes aux travaux
suivants, pendant l'année qui vient de s'écouler :
M. 1·ICYNCRT. Contributions cndaziolodiques à l'étude de la prédispo-
t<topi)/cAopat/ti'Me; Fragments tirés des corollaires anatomiques
260 BIBLIOGRAPHIE.
et de la physiologie du cerveau antérieur; Les formes hallucina-
toires aiguës de la monomanie exaltée et leur évolution; Nouvelles
recherches sur les ganglions du cerveau et la base de cet organe.
.M. Krafft-Ebing. De l'utilité de la surveillance des autorités dans
les asiles d'aliénés de 1'.Iziti-iche; errements et moyens ci employer.
M. Fritsch. De l'aliénation mentale. Des diverses formes de l'aphasie
dans leurs rapports avec les perturbations psychiques.
M. Plce. Contribution à l'étude des hallucinations.
M. Lf.chner. Apport à la pathogénie des hémorrhagies cérébrales
dans les formes syphilitiques précoces.
M. PASTERNATZ6Y. La structure de l'étage inférieur du pédoncule
cérébral et de la lamelle du noyau lenticulaire. (Analyse, t. lit, p. 346.)
La question des centres corticaux moteurs.
M. SCHLANCENHAUSEN. Contribution à l'étude de l'aliénation pseudo-
aphasique. ·
M. RÜDINGER. Le poids du cerveau humain.
Membres reçus par la Société pendant l'année précédente :
MM. Alois Grüiiberg; Robert de Pfungen; Max Weïss; Alfred
Studeny; Arthur Schwarz.
Le Bureau est ainsi constitué pour l'année 1881-1882. Président :
M. le professeur Meynert ; Vice-président : Dr Gauster, Tré-
sorier : D' Holler; Secrétaires : D*' Fritsch et Hollaender.
Membres du conseil' d'administration : Professeur Ilofimann; -
Drs Piluger, Pohl, Wimmer.
MM. Pohl et Schwaab sont chargés de la vérification des comptes.
La séance est terminée par la lecture du travail de M. le pro-
fesseur Meynert intitulé : Des sensations et des passions.
(Jahrbùcher f. Psychiatrie, III, 3.) P. K.
BIBLIOGRAPHIE
Il. Traité des Névroses, par A. AXENFFLD, deuxième édition, aug-
mentée de 700 pages, par Henri HUCHARD. Paris, 1882. Germer-Bail-
lière et Ci,, éditeurs.
A l'occasion d'une seconde édition du Traité des Névroses, d'Axen-
feld, M. Henri Huchard vient de faire paraître une oeuvre personnelle
importante. C'est le sort des ouvrages scientifiques médicaux de
BIBLIOGRAPHIE. 261
vieillir vite. Or, la publication du Traité des Névroses date de près de
vingt ans. Les progrès des sciences médicales et particulièrement
de la branche qui traite des maladies du système nerveux ont été
considérables depuis cette époque, et la tâche confiée à M. Huchard
par le professeur éminent, si prématurément ravi à la science, toute
pleine d'honneur, était aussi hérissée de difficultés. Il y avait sur-
tout deux écueils à éviter, celui d'étouffer l'oeuvre du maître sous
des additions considérables imposées parle progrès de la science,
et celui de faire une oeuvre incomplète en consacrant aux récentes
conquêtes de la neuropathologie une place trop restreinte. Pour
échapper au premier, M. H. Huchard a pris le parti de conserver au
texte d'Axenfeld son intégrité. « Nous avons pensé, dit-il, que le
devoir nous commandait de conserver à ce livre toute son originalité,
de ne rien changer à ces pages souvent éloquentes et toujours em-
preintes d'un profond esprit clinique; et dans les additions consi-
dérables que les progrès de la science nous ont imposées, nous
avons cru qu'il était utile et convenable d'indiquer par un signe
facile à reconnaître tous les développements qui nous appartiennent,
que nous revendiquons comme notre propriété, dont nous voulons
subir et réclamer la responsabilité entière, puisque, pour notre mal-
heur, la collaboration et les conseils de notre maître vénéré nous
ont fait absolument défaut.» Le docteur H. Huchard n'a également
pas modifié le plan général de l'ouvrage primitif et les anciennes
divisions ont été conservées la plupart du temps. Il en résulte bien
un peu de confusion; quelques chapitres gagneraient à être fondus
ensemble ; l'unité de l'oeuvre en a un peu souffert. Mais ce sont là
des défauts inhérents à la nature même de la tâche entreprise par
le D, II. Huchard, et nous devons reconnaître qu'il les a palliés au-
tant qu'il était possible. Ils sont même largement compensés par
l'extension considérable que ce respect de l'oeuvre du maître
lui a permis de donner à son oeuvre personnelle. Nous ne pensons
pas que les exigences du lecteur, qui demande à un livre nou-
vellement paru de n'ignorer aucune des récentes acquisitions
de la science, puissent être plus pleinement satisfaites. M. Hu-
chard n'a négligé aucune des ressources que les travaux ré-
cemment parus aussi bien à l'étranger qu'en France pouvaient lui
fournir. Toutes les observations cliniques, toutes les théories
physiologiques, toutes les découvertes anatomiques, qui, de près ou
de loin, se rattachent aux névroses, y sont rapportées et discutées
à la place qui convient. Chacun des chapitres forme ainsi une
sorte de revue critique du sujet- en question, une monographie
rapide mais complète. M. Huchard, en outre, s'est astreint à faire
suivre son texte d'un nombre considérable d'indications bibliogra-
phiques. En même temps qu'un hommage rendu aux travaux du
passé, c'est toujours une lâche ingrate dont les travailleurs devront
lui savoir gré.
263 BIBLIOGRAPHIE.
Je ne saurais donner ici un analyse détaillée d'une ouvrage de
cette nature. Il suffit d'en avoir indiqué l'esprit général. Je dois ce-
pendant signaler les principales additions.
Les chapitres complètement inédits sont ceux des anesthésies sous
le rapport de la pathogénie, de la névralgie diaphragmatique, des
tremblements en général, do la maladie de Parkinson, des paralysies
d'origine viscérale et périphérique, du nervosisme chronique ou
neurasthénie, etc. Parmi les sujets qui ont reçu des développements
considérables, il faut citer : les névralgies en général et en particulier,
la migraine, l'angine de poitrine, le vertige, les spasmes fonctionnels,
les contractures, l'épilepsie, lachorée et l'hystérie. L'histoire de cette
dernière névrose a été plus particulièrement refondue. On y trouvera
analysés les plus récents travaux de l'École de la Salpêtrière sur les
grandes et les petites attaques convulsives de l'hystérie. S'appuyant
sur ses propres observations, l'auteur ajoute un certain nombre de
chapitres relatifs à l'hystérie viscérale, aux rapports de l'hystérie en
général avec divers états morbides, aux troubles vaso-moteurs et sécré-
toircs de la névrose, à sa thérapeutique, aux troubles intellectuels, au
caractère, aux mceurs et à l'état mental des hystériques. Cette dernière
étude si intéressante a été publiée dans un des derniers numéros
des Archives, à titre d'extrait'.
Au sujet de l'hystéro-épiiepsie, M. IL Huchard propose de n'ap-
pliquer cette' dénomination qu'aux cas seulement dans lesquels
les deux névroses coexistent réellement chez le même sujet, ré-
servant le nom d'épilepto-hystérie à ceux dans lesquels l'hystérie
est seule en cause.
Enfin, le Traité des Névroses, en outre de ses] richesses au point
de vue scientifique, se distingue par ses qualités essentiellement
pratiques. Le chercheur et le clinicien y trouveront également leui
compte. La thérapeutique y occupe une place importante et le soin
qu'a apporté l'auteur de la seconde édition à la révision et au
développement de cette partie de l'ouvrage montre assez qu'il n'a
pas failli à l'esprit du maître regretté dont il vient si heureusement
de continuer l'oeuvre prématurément interrompue. PAUL Ricuer.
111. Des lésions du lobule de l'insula; par A. Perdrier. Thèse de
Paris, 1882.
L'auteur conclut de ses recherches cliniques et expérimentales
que les lésions absolument localisées au lobule de l'insula se tra-
duisent cliniquement par une hémiplégie portant à la fois sur le
bras et sur la jambe. Dans cette hémiplégie, le tronc ainsi que la
face ne sont pas intéressés, le bras est beaucoup plus pris que la
jambe. Elle ne s'accompagne pas de troubles de la sensibilité.
Cn. F.
1 Arclt. de Netcrol.; t. III, p. 187. · .
BIBLIOGRAPHIE. 263
IV. Essai sur une forme rhumatismale de la paralysie agitante ;
par VRSSELLE. Thèse de Lyon, 1882.
M Vesselle, développant les idées de son maître M. Pierre), cherche
à établir que la paralysie agitante peut avoir des origines variables,
qu'il existe des paralysies agitantes à pathogénies différentes. La
variété des formes symptomatiques et des lésions pathologiques
montre qu'il existe des formes différentes de la maladie de
Parkinson. L'étude des prodromes et des fonctions musculaires,
jointe à celle de l'étiologie, permet de croire qu'il est un certain
nombre de cas de paralysie agitante d'origine nettement rhuma-
tismale ; chez quelques malades en effet, le tremblement a été
précédé des circonstances qui déterminent ordinairement les affec-
tions rhumatismales, et il a existé des douleurs rhumatoïdes plus
ou moins nettes. Cette forme de paralysie agitante est susceptible
d'être améliorée ou même guérie par le traitement rationnel
s'adressant à la diathèse rhumatismale; et le succès du traitement
montre bien la nature diathésique des symptômes observés. Les
muscles offrent quelquefois une dégénérescence fibreuse plus ou
moins avancée ou des indurations plus ou moins marquées.
Cn. F.
V. Etude clinique sur l'absinthisme chronique; par L. Gautier.
Thèse de Paris, 1882.
Le travail de M. Gautier est basé sur de nombreuses observations
recueillies par M. Lancereaux ou dans son service. Il en ressort
que l'absinthe provoque une série de désordres qui, tantôt ressem-
blent à ceux de l'alcoolisme, tantôt en diffèrent soit par leur inten-
sité, soit même par leur nature. La plupart des malades d'hôpital
prennent l'habitude de l'absinthe à Paris ou en Algérie, et les indi-
vidus originaires des départements du Nord y sont plus sujets.
Tous les symptômes de l'absinthisme sont plus ou moins directe-
ment sous l'influence du système nerveux. Le caractère des absin-
thiques offre une remarquable impressionnabilité et une grande
variabilité. Ils sont sujets à des rêves analogues à ceux des alcoo-
liques, ou même plus effrayants encore ; ils ont plus souvent
que les alcooliques des hallucinations de la vue et de l'ouïe. Le
délire absinthique ne diffère pas du délire alcoolique. Les symp-
tômes les plus caractéristiques de l'absinthisme sont les phéno-
mènes douloureux soit spontanés, soit provoqués. L'hyperesthésie
occupe particulièrement les extrémités, la région ovarienne, le
raehis; le plus souvent les douleurs périphériques sont symétriques.
Plus souvent que l'alcoolisme, l'absinthisme détermine un affai-
blissement des membres, pouvant aller jusqu'à une véritable para-
261 se BIBLIOGRAPHIE.
lysie. Les troubles moteurs et sensitifs des extrémités sont remar-
quables par leur symétrie et leur marche ascendante vers la racine
des membres. Les convulsions généralisées sont un symptôme de
l'absinthisme aigu; on ne les~observe dans l'absinthisme chronique
que sous l'influence d'un épisode aigu, ou en conséquence d'une
lésion cérébrale. Les troubles digestifs sont analogues à ceux de
l'alcoolisme, mais moins prononcés. Les désirs et la puissance
génitale sont, chez l'homme, rapidement et profondément con-
promis. Chez la femme, l'absinthisme paraît rendre la ménopause
plus précoce et prédisposer à l'avortement et à la mort des enfants
en bas âge. Les absinthiques meurent presque fatalement de tuber-
culose pulmonaire; il est absolument exceptionnel de les voir
arriver à soixante ans. Les lésions anatomiques encore peu connues
de l'absinthisme ne diffèrent pas de celles de l'alcoolisme; elles sont
caractérisées par une sénilité précoce de tous les organes; dans
aucune autopsie il n'existait de cirrhose hépatique, ni d'athérome
artériel. Cil. F.
VI. Considérations sur l'hygiène des aliénés; par L.-A. Pomponne.
Thèse de Paris, 1882.
L'auteur condamne l'institution des asiles de ville telle que l'a
préconisée Griesinger. L'isolement qui est la base du traitement
de la folie ne peut produire de bons résultats que dans les asiles
de campagne, où les malades se trouvent en même temps dans
des conditions hygiéniques meilleures. Il conclut à la suppression
des quartiers d'hospice pour les mêmes raisons. Il préfère, pour
la construction des asiles, le système des pavillons' isolés où l'air
et la lumière pénètrent plus facilement : cette disposition est
d'ailleurs meilleure au point de vue de l'isolement. Les constructions
constituées par un rez-de-chaussée et un étage conviennent le
mieux aux asiles, parce que les aliénés y jouissent le jour des
bienfaits de la liberté au grand air et la nuit d'une habitation
salubre. Les cours doivent toujours être à l'extérieur des bâtiments,
elles doivent être plantées d'arb res, mesurer une superficie de
1.200 mètres carrés pour une moyenne de 30 malades; elles seront
disposées en plan incliné pour faciliter l'écoulement des eaux et
ne seront point entourées de murs élevés, mais seulement de sauts-
de-loup, qui ont l'avantage de permettre aux malades de jouir de
la vue de la campagne environnante. Le rez-de-chaussée doit être
uniquement affecté aux divers services de jour. Les dortoirs seront
toujours au premier, ils offriront une capacité moyenne de 32 mètres
cubes d'air respirable par malade, pour une durée de séjour évaluée
à 10 heures; ils ne doivent pas contenir plus de 10 à le lits; un
cabinet d'aisances sera annexé à chaque dortoir, ce qui permettra
BIBLIOGRAPHIE. 1265
de supprimer les vases de nuit. Les dortoirs seront éclairés par
des appareils enchâssés dans le plafond, de sorte que les malades
ne pourront pas les atteindre, et les résidus de la combustion s'é-
chapperont par des tuyaux de dégagement. L'infirmerie sera située,
comme les dortoirs, au premier étage ; les précautions hygiéniques
y seront multipliées. On soignera la ventilation ; le chauffage se
fera au moyen de bouches de chaleur ou de calorifères. Elle sera
entourée d'une galerie couverte qui servira de promenoir aux ma-
lades. Il y aura une annexe réservée aux convalescents. Aux lits
plus ou moins compliqués inventés pour les gâteux, l'auteur pré-
fère la caisse remplie de paille, qui est d'un prix peu élevé, se trouve
partout et est facilement renouvelable.
M. Pomponne considère le uo-restraint appliqué d'une manière
absolue comme une utopie. Les moyens de contention que l'on
doit préférer sont le fauteuil et la camisole ; le manchon et les en-
traves sont inutiles et dangereux. On ne doit se servir de la cami-
sole pour maintenir le malade dans le décubitus dorsal forcé que
dans les cas extrêmes; il vaut mieux camisoler un malade et le
laisser aller au grand air que de l'enfermer dans une cellule, même
matelassée. Enfin, l'alimentation doit être surveillée avec la plus
grande sollicitude, car l'état de la nutrition est de la plus haute
importance pour le traitement. CH. F.
VII. Recherches sur les zones hystérogènes; par R. GaunH : , 1882.
Thèse de Bordeaux, 1882. 0. Doin, éditeur.
Ce travail, fait sous la direction de M. le professeur Pitres, de
Bordeaux, et basé sur des observations prises par lui ou dans *on
service, comble une grande partie des lacunes laissées dans l'Iris-
toire des zones bystérogenes. 111\I. 13ourneville et Rennard, dans
V Iconographie photographique de la Salpêtrière et M. Riche dans ses
Eludes cliniques de /ti/s<ët'o-] ! 7epSM n'avaient observé ces zones
4lui'à la tête et au tronc, et M. Charcot, dans une récente leçon sur
l'hystérie chez les jeunes garçons, publiée par nous dans la Gazzcta
degli ospilali (nos 9 et 60, 188 ? ), disait qu'on n'en avait point
encore observé sur les membres : les observations très circonstan-
ciées de MAI. Pitres et Gaube montrent qu'on peut en rencontrer
de nettement caractérisées, aussi bien aux membres inférieurs qu'aux
supérieurs. D'une manière générale, les zones hystérogènes sont
fréquemment, mais non constamment, symétriques. Leur forme,
leur étendue et leur nombre varient avec l'intensité de l'affection.
Leur température est la même que celle des régions voisines.
L'état de la sensibilité à leur niveau n'est pas constant; chez une
même malade, on trouve des zones anesthésiques et d'autres qui
sont sensibles. Elles n'ont pas de rapport fixe avec l'liémianeslliésie,
266 BIBLIOGRAPHIE.
sauf pourtant en général quand elles sont unilatérales. La douleur
spontanée qui n'est pas constante se montre surtout pendant les
prodromes des crises. Quelques malades présentent en même
temps que des zones hysiérogènes des zones qui sentie siège d'une
douleur vague et qui peuvent devenir hystérogenes.
Certaines zones peuvent disparaître et d'autres apparaissent.
Une zone exclusivement excito-motrice peut devenir, suivant le
degré de la compression, excito-motrice ou frénalrice. Une zone
exclusivement motrice peut devenir, selon le degré de la compres-
sion, cataleplogène ou excito-motrice, ou encore cataleptogène
seulement.
Sous l'influence du froid excessif (pulvérisations d'éther), les zones
hystérogenes des membres et des seins ne se conduisent pas de la
même façon ; tandis que les premières ne sont pas mises eu jeu,
les secondes donnent lieu à attaques. Ni les unes ni les autres ne
disparaissent sous l'action du froid; après comme avant l'action du
froid, la compression détermine une attaque. La chaleur ne met
pas en jeu l'action des zones et ne les influence en aucune façon.
Les piqûres et les frictions cutanées ne déterminent pas non plus
l'attaque; la sensibilité spéciale des zones hystérogenes siège pro-
fondément ; il n'y a que la pression qui la révèle.
Les zones hystérogenes des membres ont pour siège les irradia-
tions nerveuses périphériques. La compression des troncs nerveux
qui innervent ces zones provoque l'attaque, tout comme la compres-
sion de ces zones elles-mêmes. Les zones mammaires comme les
zones ovariennes (Charcot. Féré, Baraduc) siègent dans la glande
elle-même.
La ligature circulaire qui produit la pléthore veineuse, la bande
d'Iamarch, qui amène l'ischémie, font disparaître progressivement
les zones hystérogenes ; mais, au-dessus du territoire ischémie, le
nerf garde son excitabilité. Tout rentre dans l'ordre avec le réta-
blissement de la circulation.
Souvent l'application d'un sinapisme fait disparaître la zone;
mais, au dessus, le nerf garde son excitabilité. Quand une zone est
unilatérale, l'application d'un sinapisme sur le côté sain la fait
disparaître sans transfert. Quelquefois le sinapisme appliqué sur
une zone hystérogène fait disparaître la zone symétrique. Une
injection sous-cutanée d'eau distillée au niveau d'une zone la fait
disparaître ; mais, au dessus, le nerf a conservé son action hysté-
rogène. L'électrisation locale (courants voltaïques ou faradiques)
d'une zone l'eu'ace pour un temps, tandis que le nerf conserve au-
dessous de la zone son excitabilité. (Des courants faradiques
semblent avoir une action plus rapide et plus durable.) Il n'y a que
le métal ou le bois aestbesiogène (variable pour chaque malade),
dont l'application puisse faire disparaître la zone hystérogène, sans
toutefois influencer l'action du nerf. Quand on a produit la réso-
BIBLIOGRAPHIE. 267
lution par l'éthérisation, l'excitabilité des zones et du nerf dis-
parait.
Les courants agissant sur la moelle (ascendants ou descendants)
et sur le cerveau, font disparaître toutes les zones hystérogenes et
l'excitabilité des troncs nerveux qui s'y rendent. Les zones h3stero-
gènes effacées par des actions locales ou générales reparaissent
après un temps variable, mais toujours plus long après les actions
sur les centres cérébro-spinaux. La fréquence des modifications
influe sur la persistance des zones. Cn. F.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Tuberculose de la voûte crânienne et tuberculose osseuse; par
Coupard. Thèse de Paris, 1882.
Des périostoses crâniennes dans la période secondaire de la syphilis ;
pat' N,UDET. Thèse de Paris, 1882.
Etudes sur l'épilepsie jacksonienne; par GIRARD. Thèse de
Paris, 1882.
Des crises gastriques dans l'ataxie locomotrice; par HREL. Thèse
de Paris, 1882. ,
La maladie et le système nerveux; par Cartier. Thèse de Paris, 1882.
Des névralgies saturnines; par Rostan. Thèse de Paris, 1882.
Etude sur l'épilepsie partielle; par Greffier. Thèse de Paris, 1882.
Essai sur les tumeurs du nerf optique; par Hue. Thèse de
Paris, 1882.
Contribution à l'étude de l'anesthésie saturnine; par Sigarroa.
Thèse de Paris. 1882.
Contribution ci l'étude de la névrite ascendante et des paralysies
ré/fees; par OLLIGn. Tlièse de Paris, 1882.
Etude clinique sur les troubles intellectuels dans l'ataxie locomo-
trice proyressive; par GRur.T. Thèse de Paris, 1882.
On f allure of l3rnizz power; by J. ALTHAUs, London, 1882,
20 édit.
Contribution ci l'étude de quelques troubles trophiques dans l'ataxie
locomotrice ; par 13 : co.no. Thèse de Paris, 1882.
Etude sur le poids de l'encéphale dans les maladies mentales ; par
Bn ? Thèse de Paris, 1882.
Du fractionnement des opérations cérébrales et en particulier de
leur dédoublement dans les psychopathies; par DESCOURTIS. Thèse de
Paris, 1882.
Cliniske Fored)'<7(jr over nervesygdomme ; af A. Freidenreich.
Copenhague, 1882.
Elude sur la congestion rachidienne de cause menstruelle; par
Oudiné. Thèse de Paris, 1882.
268 FAITS DIVERS.
Des moyens c7zirzergicazzx employés comme traitement de la névralgie
faciale rebelle; par AliciioN. Thèse de Paris, 1882.
Du cancer au point de vue de ses rapports avec l'aliénation mentale ;
par Ch. Bessière. Thèse de Paris, 1881.
~ De la surdi-mzetité; par LEScn. Thèse de Paris, 1881.
Contribution à l'étzided21 délire ambitieux; par Bvchelot. Thèse de
Paris, 1881.
On concussion of the spine, zzervous shocla a ? zd othe7 obscure injuries
of the zzervozcs system, in their clinical and iiiedico-leqttl aspects ; h3
J.-E. ERICIISFN. A new and revised édition, London. 1882.
Des hémorrhagies cutanées liées à des affections du système nerveux,
et en particulier du purpura i-ityélopathique - par L. rasANS. Thèse
de Paris, 1882.
Contribution à l'étude de 1*hémori,h(igie i ? iéninqée expéi,ime ? îtale avec
déductions cliniques; par P.-N. BoNNOT. Thèse de Paris, 1882.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. M. le D Fabre de Parrel, médecin-adjoint à
l'asile de Quatremares (Seine-Inférieure), vient de donner sa démis-
sion. M. le D1' Rousselin, directeur-médecin à l'asile Saint-Yon
(Seine-Inférieure), est admis à faire valoir ses droits à la retraite.
- hi. le Dr E. Cortyl, directeur médecin de Quatremares, rempla-
cera AI. Rousselin à l'asile de Saint-Yon. M. le Dr Cortyl est
remplacé à l'asile de Quatremares par M. le Dr Delaporte, de
l'asile de Rennes. M. le Dr Homery passe de l'asile de Saint-
Dizier à l'asile de Rennes. - M. G. Cortyl, médecin-adjoint à
l'asile de Saint-Yon, est nommé directeur médecin à l'asile de
Saint-Venant. M. Bestière est nommé médecin adjoint de l'asile
d'Evreux, en remplacement de M. Lisle, décédé. M. Martinencq
est nommé médecin adjoint à l'asile de Saint-Yon, en remplace-
ment de M. Seliils, nommé à Ville-Evrard. M. Febvré est nommé
médecin adjoint de l'asile de Mont-de-Vergues (Vaucluse), en
remplacement de M. Lonpeaud, nommé directeur-médecin à
Rodez. Notre ami le D' Kéraval est nommé médecin-adjoint de
l'asile de Saint-Yon. M. A. Guyot, interne de l'asile de Mare-
ville, est nommé médecin adjoint de l'asile de Quatremares, en
remplacement de M. Fabre de Parrel, démissionnaire.
FAITS DIVERS. 2H')
ASILE-HO',3PICLe DL VILLLeJUlF. - Un arrêté du préfet de la Seine
vient de prescrire une enquête sur l'avant-projet de l'établissement
d'un cimetière spécial pour l'asile-hospice de Villejuif. On nous
a assuré que les travaux de cet asile étaient actuellement poussés
avec la plus grande activité.
Asile Sainte-Anne. Les installations balnéaires et hydrottié-
rapiques de l'asile des aliénés de Sainte-Anne sont terminées et
vont pouvoir fonctionner prochainement. Elles sont destinées à
donner des bains et des douches aux malades du dehors qui vont a
la consultation de l'asile clinique (asile Sainte-Anne) et de l'hôpi-
tal Cochin, ainsi qu'aux malades des Bureaux de bienfaisance et
aux enfants pauvres des écoles voisines.
Asile d'aliénés du V\n. Le préfet du Var donne avis que : un
concours est ouvert entre les architectes français pour la confection
d'un projet d'asile mixte d'aliénés, à construire dans le départe-
ment du Var. -
Le coût de l'établissement (mobilier non compris) pouvant conte-
nir 600 aliénés assistés ne devra pas dépasser la somme de 1, ? 00,000
francs. Le prix d'un pensionnat pour 60 malades payants n'est pas
compris dans le chiffre ci-dessus. Les projets devront être déposés
le 30 novembre 1882. Le concours sera jugé par un jury spécial
dont la composition est fixée en principe dans la délibération sus-
visée du Conseil Général. Les auteurs des trois projets classés les
premiers recevront chacun une prime, savoir :
270 FAITS DIVERS.
Les bains dans les hôpitaux Er les asiles. Le 26 juin dernier,
dit le Droit, Marie Coût..., fille de salle à la Salpêtrière, était char-
gée de faire un bain à une aliénée agitée, Georges. Après avoir
placé cette femme dans une baignoire recouverte du couvercle
en cuivre ordinairement employé pour les malades agitées,
et après avoir ouvert le robinet d'eau chaude, elle se rendit
dans une pièce voisine en oubliant de refermer le robinet. Peu
d'instants après, on trouvait la malade morte : elle avait buc-
combé à une congestion pulmonaire produite par l'action de
la vapeur et de l'eau brûlante. Marie C... fut immédiatement
arrêtée. Elle a comparu le 8 août devant la 9e chambre. M. le Dl Mo-
reau (de Tours), médecin de la Salpêtrière, atteste que la prévenue,
attachée à son service, a toujours rempli ses fonctions de la façon
« la plus irréprochable » ; il ajoute qu'elle était « soigneuse, bonne
et douce envers les malades. » Prenant en considération ces excel-
lents renseignements, et ayant surtout à égard à la longue durée
de la détention, le tribunal condamneMarieC...asix jours de
prison.
Plusieurs journaux ont fait beaucoup de bruit au sujet de ce
triste accident et ont essayé de faire croire qu'il était dû à ce que
la baigneuse était une laïque. Ils ont abusé de l'ignorance de leurs
lecteurs, car, dans tous les hôpitaux confiés aux religieuses, les bai-
gneuses sont des laïques. Malheureusement, les accidents de ce genre
sont beaucoup plus fréquents qu'on le suppose en dépit de la plus
grande surveillance, et tout récemment nous avons entendu l'un
des inspecteurs généraux déclarer qu'il y en avait environ chaque
année une dizaine dans les asiles. C'est pour cela qu'on ne saurait
trop prendre de précautions dans l'organisation des services des
bains. Jusqu'ici, on n'a encore rien trouvé qui donnât une parfaite
sécurité.
Mutilation chez UN mystique. Un curieux cas de mysticisme
est signalé dans la ville d'Aumale (Algérie), par les journaux poli-
tiques : « Un nommé Chave, tailleur, obsédé depuis longtemps de
monomanie religieuse, assistait à la messe lorsque, vers dix heures,
il se dirigea vers un confessionnal. Effrayée de son air exalté, une
soeur qui se trouvait là était allée chercher un prêtre. Malheureu-
sement, quand celui-ci arriva, il était trop tard. Chave sortait du
confessionnal, pâle, défaillant, les mains ensanglantées.
« Le pauvre fou venait de s'infliger le plus cruel supplice. Avec
l'énergie que peut seule donner l'exaltation religieuse, il avait pra-
tiqué sur lui-même, sans autre instrument que ses ongles, l'opération
rendue fameuse par l'infortune d'Abeilard. Chose assez surprenante,
Chave n'est point mort, malgré lagravité de ses blessures; il parait
même satisfait de sa résolution. Il espère, dit-il, avoir gagné le
ciel en s'affranchissant de ses iniquités ».
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 271 (
UN monument A Darwin. Dans une séance du Comité exécutif
du monument de Darwin, tenue le 30 juin, à la Société royale, Bur-
tington-House, on a annoncé que la souscription totale tant annon-
cée que promise s'élevait à 62, 175 fr. Il a été décidé qu'on élèverait
une statue en marbre ; et on a nommé un sous-comité chargé
d'étudier la question. On demandera au Britisli-Museum la permis-
sion de placer la statue dans la grande salle de la section d'histoire
naturelle, South Kensington. Le sous-comité est ainsi constitué :
M. W. Bowman, Sir J.-D. Hooker, professeur Huxley, M. C.-T.
Newton et Sir H. Pollock. Président, M. W. Spottiswoode, président
de la Société royale ; secrétaires honoraires, le professeur Bonney
et M. P. Edward Dove. (British. med..loutz. 8 juillet, 1882.)
L'assassin GUITEAU. Les journaux médicaux américains ont
discuté longuement sur la question de savoir si l'assassin du prési-
dent Garfield devait être considéré comme sain d'esprit ou comme
un aliéné, s'il était ou non responsable. On trouvera à ce sujet des
articles particulièrement intéressants de MM. Hammond et Beard
dans le Journal of nervous and mental diseuses ; de MM. Falsom et
Channinp, dans Boston médical and surgicnl journal; de M. Brown,
dans le Journal of psycltological mediciae; de M. Stearnes, dans le
Journal of mental science; de M. Gray, dans le Journal of iczsazzitg,
etc. Il faut dire d'ailleurs que l'autopsie rapportée par le Pi-og2és îizé-
dical (1882, p. 624), d'après le Médical Record, n'apporte guère de
preuve en faveur de l'une ou de l'autre opinion.
Nouveau Journal. Nous venons de recevoir le premier numéro de
c The dnaericae journal o/ 1\'eurologyandPstchiatry>, publication trimes-
trielle paraissant sous la direction de MM. les docteurs M'Bride, Gray et
Spitzka, à New-York, chez l'éditeur Westermann.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Bwcor (P). Du traitement de l'épilepsie. (Hydrothérapie. - .9rséni-
cct ? Magnétisme minerai. -Sels de pilocarpine). Un volume 111-8° de
263 pages, avec 23 figures dans le texte. En vente aux Bureaux des dr-
chives de Neurologie. Prix : 5 fr. (Pour nos abonnés, 3 fr. 50.)
Buzzard (T.). Cliiiical lectures on diseases of the ne7,vous silsteii. Un
vol. in-8° de 44G page, 1882. London, J. et A. Churchill, 11, New Burlington
street.
272 2 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
CmvALLO (D.). lie)-idas de la cabeza. Su relacion con las lesioner lo-
calizadas que suelen ncouzpauarlas. Historia de un caso de histerico-
cataleptifornze i oltro de conlestion cérébral co;t coninlsio tes i afnsza-
Brochure in-18 de 110 pages, 1882. Conception, lmpreuta de « Li Libertad
catolica ».
Flechsig (P.). Die kôrperlicheu tgrrzndlagen der geistesstôrurzgen,
Brochure in-8° de 36 pages. Leipzig. Verlag Von Veil et compagnie.
Howard (H). Tlze philosophy of insanity crime and )'e0 ! t ! a& : h'<y.
In-80 cartonné de US pages avec 2 planches hors texte. 1882, Montréal
Imp. Dawson brothers.
Huches (C.-II.). Moral (affective) insanity. (A plea for its rétention
in médical nomenclature). Brochure in-8° de 14 pages. Presented to the
International Congress at London, August. 188t.
JonissEN,çE (G.). Les mouvements de l'iris chez l'homme à l'état pli y-
siologique. Brochure m-8° de 52 pages, Paris, librairie A. Delahaye et
E. Lecrosnier. Prix : 2 fr. -
Mickle (J.). Aphasia ; some of its varieties. Heprint /)'ont the (ilienist
and rzeurologist (Ap),tl 1882). Brochure m-8" de 16 pages. London.
D, Julius llickle.
Mortox (J.).-A contribution to the subject of nervozcs.stretchinq. Extrait
du Journal of Nervous and mental discase (janvier 1882). Brochure in-8"
de 31 pages. New-York.
Pnevosr (J.-L.). Du rôle de la srlphilis comme cause de l'ataxie loco-
motrice progressive (Revue critique). Brochure in-8" de 22 pages. Genève,
librairie Georg.
lions. Traitement de l'épilepsie et de la manie par le bromure
d'ethijle. In-8° de 54 pages. En vente aux Bureaux des Archives de
Neurologie. Prix : fr. (Pour nos abonnés, 1 fr. 3;.)
Secum (E. C). The efficient dosage of certain remédies usediii the
treatment of nervous diseases. Brochure in-8° de 20 pages. 1882. Truair,
Smith and Bruce. Syracuse. (N. Y.)
TAmBuniNi (A.) et SEPPELLI (L.). -.4llo studio sperimentale dell' ! p7tO<Mmo
nelle isterzche. Communicazione preventiva. Brochure in-8° de 10 pages.
Reggio-Enutia. Tipi di Calderiui e hinlio.
Wcillamier (T). De l'épilepsie dans l'hémiplégie spasmodique in-
fantile. Un volume in-8° de 192 pages, avec 5 ligures dans le texte et
2 planches lithographiées hors texte. En vente aux Bureaux des Archives
de Neurologie. Prix : 3 fr. 50. (Pour nos abonnés, 2 fr. 50.)
Letters and facts, not eretofore published, louching the mental condition
of Ch. Guiteau, since 1865. Brochure in-8° de 32 pages, 1882. Was-
hington, United States Jail.
Thirly-ninth annual report o; the managers of the state lunatic asylum
Utica for the year, 1882. Librairie Weed, Parsons and C°.
Le rédacteur-gérant, Bouuneville.
Eymux Ch HERISSEY, imp. - 982
^Archives de Neurologie. T. IV, Pt. III.
Vol. IV. Novembre 1882. N" 12.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
ÉTUDE CLINIQUE DU VERTIGE DE àlÉNIÈRE DANS SES
RAPPORTS AVEC LES LÉSIONS DES FENÊTRES OVALE ET
RONDE ; .
Par le Dr GELLÉ.
Un individu bien portant s'affaisse subitement dans
la rue, ou bien il se sent pris soudain de vertige, de
tournoiement tels qu'il n'ose quitter le mur auquel il
s'appuie, l'objet auquel il s'est cramponné. Ses jambes
se dérobent ; le sol s'enfonce sous ses pas ; une sueur
froide inonde son visage. Chaque fois qu'il tente
d'avancer, ou bien il se sent entraîné sur le côté, ou
lancé en avant, ou renversé en arrière. Il assiste effaré,
terrifié, à cette lamentable anarchie des mouvements
et des efforts d'équilibration. Cet état vertigineux
cruel aboutit à la chute ou bien lui succède. Si l'accès
est subit et terrasse le malade, un état nauséeux, demi-
syncopal, précède souvent de longue date l'accès de
vertige. Le patient se rend parfaitement compte de ce
qui se passe en lui et de son incapacité de se tenir
en équilibre. Il ne perd pas connaissance; à peine
Archives, L IV. 18
- 27' CLINIQUE NERVEUSE.
t-il quelques secondes de surprise et d'émoi. Ses
oreilles sifflent, bourdonnent violemment; enfin, la
crise passée, il s'aperçoit qu'il est devenu sourd.
C'est le vertige de Ménière, ou'la surdité apoplec-
tiforme des auteurs allemands. C'est un appareil symp-
tomatique d'allure positivement cérébrale, et qui a
pu maintes fois causer des erreurs de diagnostic. Les
auteurs et de Troeltsch entre autres en citent des plus
curieuses. C'est un accident morbide plus fréquent
qu'on ne pense, et a-mesure qu'on sait mieux le re-
connaître les exemples s'en multiplient.
Depuis le travail de Ménière, après les expériences
de Flourens et de ses successeurs, les leçons de M. le
professeur Charcot, les travaux des élèves de la Salpê-
trière, ont beaucoup fait pour en vulgariser la
connaissance dans le corps médical.
Les thèses de Voury, de Bonnenfarit, de Lhuissier et
de Léo, les cliniques de M. Charcot; l'éludé récente de
MM. Féré et Demars ; les leçons professées par Trous-
seau, Hardy, G. Sée, ont appelé l'attention des méde-
cin sur cette symptomatologie curieuse, éclairé ce
diagnostic délicat et pressant, et montré surtout les
applications thérapeutiques recommdndables dans. le
vertige. Tout dernièrement encore M. le professeur
Charcot a montré' tout le parti qu'on peut tirer de
l'emploi des., agents médicamenteux qui possédelle
une sorte . d'action,,élective, sur l'organe auditif, et
il' a institué un traitement précieux de cette cruelle
affection. Au point de- vue nosologique, il a égale-
ment prouvé que l'accès apoplectiforme, la. forme
la plus connue aujourd'hui, n'est point la seule mani-
festation symptomatique du vertige, auriculaire. En
DU ? El'l'IGE DE )rLNiLRr. 275 J
effet, l'état vertigineux durable, l'état nauséeux cons-
tant, bien que d'aspect beaucoup moins grave et sur-
tout d'allure moins terrifiante que la forine par attaque,
peuvent être des manifestations incontestables d'états
anatomo-pathologiques auriculaires identiques ou ana-
logues à ceux qui déterminent l'accès brusque avec ou
sans chute sur le sol.
Ménière, Saissy, et après eux Moos, Politzer, puis
Voltolini, ont trouvé à l'autopsie de sujets qui avaient
été atteints de phénomènes prononcés de vertige avec
surdité,' des lésions du labyrinthe et surtout.des ca-
naux semi-circulaires. C'est le plus souvent à la suite
de la méningite cérébro-spinale que ces lésions ont été
observés. Ces cas mortels et si nets ne sont point de
ceux que j'ai montrés dans ce travail.
En général nos malades, à part les accidents d'équi-
libration et leurs troubles auditifs, jouissaient d'une
santé parfaite. La surdité même ne les préoccupait que
tardivement.
Ma thèse pourrait aussi bien s'intituler : « Des lé-
sions de l'oreille moyenne que l'on constate clinique-
ment en même temps que le vertige de Ménière. » Mais
un pareil titre semblerait annoncer des autopsies, des
descriptions de pièces et j'ai dit que ce travail est abso-
. Jument clinique. On sait au reste combien sont incom-
plètes et insuffisantes les rares autopsies connues de
vertige de Ménière. Mais c'est bien pis si l'on veut
savoir quelle lésion correspond au vertige qui guérit,
.celle qui caractérise le vertige apoplectiforme, ou au
contraire ce qui cause le vertige durable aux formes
multiples et méconnues. Voici par avance une preuve
de la multiplicité et de Fa différence des lésions
276 ô . CLINIQUE NERVEUSE.
étiologiques dans ces cas qui n'entraînent pas la mort.
II s'agit d'un sujet mort par accident (apoplexie pul-
monaire) dans le service de M. Charcot. Il était atteint
de vertige de Ménière, dont les accès purent être étudiés
pendant assez longtemps par M. Féré. Un énorme bou-
chon de cérumen solide remplissait le méat; le tympan,
enfoncé extrêmement, était méconnaissable; les trompes
étaient imperméables ; les mouvements de l'étrier
étaient nuls, la caisse scléreuse ; le labyrinthe d'ap-
parence normale ; la fenêtre ronde parut bombée en
dehors. Ce court aperçu montre des lésions bien dif-
férentes de celles qu'a trouvées Ménière le premier.
Le fait qui doit frapper tout d'abord, c'est l'immobili-
sation de l'étrier, qu'il faut associer dans l'esprit à l'en-
fonçure extrême de la cloison du tympan et à l'oblité-
ration de la trompe, ses deux causes indiscutables. Le
vertige apparaît dès lors comme une manifestation
labyrinthique, mais quia été provoquée par une lésion
siégeant hors du labyrinthe.
En face d'un malade atteint de vertige ou tombé
étourdi à terre, mais qui se relève en pleine possession
de ses facultés, le médecin est actuellement conduit à
placer, sinon dans les centres nerveux, que la conser-
vation de la connaissance permet jusqu'à un certain
point d'éliminer, mais dans la partie nerveuse de l'or-
gane de l'ouïe que la surdité et les bourdonnemenis
signalent à l'attention, la source du mal et le siège de
la lésion qui le produit. L'observateur appuie sa con-
clusion sur les données de la physiologie expérimen-
tale. Aujourd'hui, la trilogie symptomatique de Ménière
indiquerait toujours un état pathologique des canaux
semi-circulaires. On sait que le limaçon tout entier a pu
DU VERTIGE DE MÉNIÈRE. 277 7
être atteint de nécrose et éliminé, sans qu'on ait observé
de troubles d'équilibration. J'ai montré à la Société de
biologie que la destruction du limaçon chez le cobaye
ne cause aucune altération des mouvements ni de
l'équilibre. D'un autre côté, j'ai pu voir complètement
guéris du vertige des pigeons sur lesquels on avait, par
des lésion des canaux semi-circul aires , provoqué
les accidents de déséquilibration, et qui plus tard
entendaient parfaitement.
L'expérimentation isole donc bien les fonctions spé-
ciales aux diverses portions de l'appareil labyrinthique.
Il ne semble pas que le vertige de Ménière, dans sa
constitution ternaire, nous offre une séparation sem-
blable. Aux troubles de l'équilibre s'ajoutent le bour-
donnement d'oreille et la surdité; la lésion des canaux
semi-circulaires ne saurait à'elle seule tout expliquer.
Si le sujet devient sourd, à coup sûr, c'est qu'il a autre
chose qu'une altération des canaux semi-circulaires.
Mais la probabilité se, change en certitude, si l'on
voit le vertige guérir pendant que le sujet reste sourd.
Or, c'est un fait d'observation que la surdité est sou-
vent, très souvent la suite et la terminaison du vertige
de Ménière, à tel point qu'un moment on a pu croire
que le traitement si excellent de M. Charcot n'agissait
qu'en hâtant la terminaison par surdité.
Dans l'hypothèse d'une lésion exclusive des canaux,
il faudra donc admettre que cette affection a guéri
juste au moment où le reste du labyrinthe s'est trouvé
privé du fonctionnement. Il y a donc là autre chose
qu'une lésion de ces canaux membraneux. z
La surdité terminale a frappé quelques bons obser-
vateurs, et ils ont conclu qu'il fallait chercher ailleurs
27 CLINIQUE NERVEUSE,
la solution de la* question, à moins de faire de tout
cela le symptôme d'une labyrinthite. Mais cette opinion
est inadmissible, car si la surdité persiste, l'accident
vertigineux a disparu : si les canaux sont guéris, com-
ment expliquer que le reste du labyrinthe puisse être.
envahi par le processus et se trouver détruit ?
C'est donc en dehors de l'oreille interne qu'on est
conduit à placer le siège de la lésion principale dans
le vertige de Ménière, si l'on veut aussi avoir la patho-
génie de la surdité et des bourdonnements d'oreilles si
caractéristiques que M. Charcot en fait un signe de
l'affection" et que les malades le reconnaissent comme
avant-coureur de leur accès apoplectiforme.
La marche de la maladie de Ménière est bien faite
aussi pour donner des doutes. Souvent, l'accès de ver-
tige'passe comme un éclair; souvent,' il apparaît à de
longs intervalles, pendant lesquels le médecin n'est
point consulté. Dans les formes les plus graves, où le
vertige se répète fréquemment, et se termine par la
chute, il existe des périodes franches de calme dans
lesquelles l'affection de l'oreille moyenne se trahit sou-
vent et'peut être suivie. Dans les otites subaiguës ou
chroniques, d'origine pharyngée, l'envahissement de
l'organe auditif s'est fait par la paroi labyrinthique d'a-
bord,- loin des regards; il n'est pas étonnant que le
vertige soit un signe précoce de ces maladies longtemps
méconnues, parce' que les signes objectifs font alors le
plus souvent défaut.
Je ne rappelle que pour souvenir qu'on a pu pro-
voquer le vertige avec chute par de simples injec-
tions` auriculaires chez l'homme. On sait les expé-
riences dé P. Bert sur les lapins. La clinique montre
DU .VERTIGE DE 111L\I);RE. 279
les conditions anatomo-pathologiques dans lesquelles
la production du vertige est à redouter; de plus, elle
permet de constater l'existence du vertige dans des
affections auriculaires manifestes et de tout ordre, dans
lesquelles l'oreille moyenne est seule envahie, et d'as-
sister à la disparition du symptôme vertigineux, en
même temps qu'à la guérison de l'otite ou de toute
autre manifestation pathologique de la caisse du tym-
pan. Il y a plus, le vertige a pu être provoqué chez cer-
tains individus,- qui n'en avaient jamais eu spontané-
ment, bien que l'examen fît découvrir une lésion de la
caisse. C'est là un trait de lumière ! Il est possible, en
effet, de faire naître chez l'homme des troubles ana-
logues au vertige, et jusqu'à des troubles de l'équilibre,
comme on les a produits sur les pigeons.
Il n'est donc pas nécessaire d'admettre l'existence
d'une affection préexistante du labyrinthe pour que la
production du vertige ait lieu.
Comment expliquer cet accident subit, l'accès de
vertige ? quelle excitation soudaine du contenu de
l'oreille interne, et par quoi est-elle amenée brusque-
ment ? Si l'on se guide sur les données de l'expérimenta-
tion sur les animaux, on trouve qu'en définitive il suffit
d'une commotion du contenu du labyrinthe, pour que
le vertige naisse; et qu'il n'est pas indispensable à sa
production qu'une augmentation de la pression intra-.
labyrinthique existe auparavant, comme le pensa Po-
litzer. Dans certaines conditions de relâchement des
tissus, cet accroissement de la pression se produit subi-
tement, par un déplacement en dedans de la platine
de l'étrier ou de la fenêtre ronde. C'est ainsi que, au
moyen d'une poire à air, en poussant le tympan et,
280 CLINIQUE NERVEUSE.
tout l'appareil conducteur du son vers la paroi labyrin-
thique, on peut provoquer le vertige expérimental chez
l'homme, par une légère commotion du labyrinthe. Il
est très admissible qu'un état névrosique particulier,
préexistant, est nécessaire pour expliquer la réaction
plus énergique, et le trouble plus général. Mais c'est,
en définitive, l'intensité, l'ampleur du mouvement im-
primé à la platine de l'étrier, qui provoquent aussitôt les
phénomènes de déséquilibration. Il y a loin en effet de
l'action du choc de l'onde sonore, seul excitant physio-
logique de l'organe auditif, à l'ébranlement causé par le
traumatisme, soit dans les expériences sur les pigeons,
soit dans le cas de choc, de coups, etc., reçus surl'oreille.
(Vertige traumatique.)
Mais il est cependant des cas, où l'on voit le bruit
seul provoquer le vertige ; où il suffit par conséquent
de l'effort d'accommodation, et de protection de
l'oreille, et de l'action de son appareil tympanique,
pour que la commotion labyrinthique ait lieu. Peut-
être, la platine de l'étrier se meut-elle alors en dedans,
d'une façon exagérée ; peut-être y a-t-il plutôt un obs-
tacle au déplacement consécutif du liquide labyrin-
thique ? Et il serait logique d'admettre, avec Duplay,
une lésion de la fenêtre ronde, ou près d'elle, l'empê-
chant de se porter vers la caisse, et concentrant ainsi
toute la pression dans la cavité du labyrinthe. Excès
de mobilité de l'étrier ou immobilité de la fenêtre ronde,
les deux conditions aboutissent à rendre inévitable
la commotion des canaux semi-circulaires. (Vertige
d'accommodation.)
Cette théorie du vertige de Ménière est satisfaisante,
car il existe un- trop grand nombre de faits cliniques
DU VERTIGE DE MÉNIÈRE. 281
où l'on n'a pu avoir la preuve qu'il existât des lésions
quelconques de l'oreille interne, bien que les carac-
tères du vertige dit labyrinthique eussent été observés ;
et par contre, on a vu ce syndrome survenir au milieu
de l'évolution d'affections catarrhales de la, caisse, et
même des cellules mastoïdiennes (Guy, d'Amsterdam), et
il n'est pas jusqu'aux affections les plus communes de
l'oreille externe, dans lesquelles des observateurs de
mérite n'aient rencontré cette symptorpatolo-ie. (Fera et
Demars : Note sur la maladie de Ménière, Rev. de,M, é,,d.,
1884). ,J C'est le vertige réflexe. 1, ('fez d
Le médecin qui observe le vertige de lflénière ? t qui
ne découvre rien par l'exploration la plus minutieuse
de l'oreille moyenne, et de ses annexes, conclut à, une
affection de l'organe labyrinthique. Mais , prouver
qu'une surdité existe, sans lésion de la caisse, n'est, pas
chose facile actuellement, et, de l'aveu de tous les otolo-
gistes, c'est cependant la clé du diagnostic. ? i
La difficulté est de reconnaître si ce qu'on observe
n'est pas le résultat d'une affection des fenêtres ovale
et ronde. Divers signes différentiels ont été pro-
posés par les otologistes, pour explorer.le. labyrinthe.
Depuis Bonnafont, les auteurs français (pu allemapds,
setservent pour cela du diapason posé sur le crâne du
sujet. Cette expérience est basée sur cette opinion
accréditée,. que le son du diapason se transmet directe-
nzent par les os au contenu labyrinthique;, or, cela
est une erreur. J'ai démontré, il y a longtemps,,que ce
mode de transport du son est inadmissible; et j'ai expé-
rimentalement prouvé en effet que, le son solidien,
comme les sons, est susceptible d'être,modifié, dans
son intensité, quand on, change l'état;, de tension, par
282 CLINIQUE NERVEUSE.
influence, de l'appareil de transmission. Savart et Wol-
laston l'ont montré pour les sons aériens; je l'ai
établi pour les sous crâniens ou solidiens.
Les expériences au moyen de pressions centripètes
-opérées sur le'tympan, ne laissent aucun doute à ce
sujet, et contredisent formellement l'opinion émise par
Bonnafont, Triquet, Lucae, Politzer, Urbantschistch,
etc., que la diminution de la perception osseuse est un
bon signe différentiel, entre un affaiblissement de l'ouïe,
et un obstacle à l'accès des ondes sonores, (Urbants-
chistch. Traité des nîal. de l'oreille, trad. franc., p, 418.)
J'espère modifier l'interprétation de cette expérience,
et prouver qu'il est plus exact de dire que la diminu-
tion de la perception osseuse, est un signe qu'il existe
un obstacle à l'accès des ondes sonores, et que cet
obstacle siège au niveau des fenêtres ovale et ronde.
J'ai employé, à l'étude des cas de vertige de Ménière,
que je cite dans ce travail, deux nouveaux procédés
d'investigation, au moyen desquels je pense rendre
possible l'examen des fenêtres ovale et ronde et de la
platine de l'étrier. (A suivre.)
CLINIQUE MENTALE
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS (Suite)1;
ParM.COTARD.
Si le délire des négations paraît se rattacher, dans
bien des cas, aux vésanies intermittentes, je dois ajouter
1 Voir le nez 11, p. 132.
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 83-
qu'il n'est pas rare de le voir se développer sur un
fonds hystérique ; il n'est pas rare non plus de le
rencontrer comme symptôme de la périencéphalite
diffuse. Le délire des petitesses signalé dans cette
maladie par le D' Materne paraît fort voisin du
délire des négations et peut coexister avec lui; on en
verra un exemple dans les observations qui suivent.
Je divise ces observations en trois catégories : dans
la première je range les cas où le délire des négations
se présente à l'état de simplicité; dans la seconde, un
cas où il est symptomatique de paralysie générale;
dans la troisième, les cas où, associé au délire des
persécutions, il constitue ces formes d'aliénation com-
plexes qui nous expliquent comment presque tous les
auteurs ont confondu dans la même description du
délire mélancolique les idées de ruine, de culpabilité,
de méfiance et de persécution.
Ces cas mixtes mériteraient une étude spéciale; ils
présentent, je crois, en outre des deux ordres de symp-
tômes, quelques caractères particuliers. Les malades
se croient plutôt possédés que damnés, se figurent avoir
des bêtes ou des diables dans le corps. Esquirol a rap-
porté des cas de ce genre au chapitre de la Démono-
manie; Fodéré distinguait du délire de culpabilité et de
damnation ou danznomanie, la démonomanie ou posses-
sion démoniaque. Cette dernière forme me semble
établir une sorte de transition entre le délire de culpa-
bilité et le délire des persécutions.
Première ' catégorie.
Observation I. NI ? E..., âgée de cinquante-quatre ans ,
mariée, mère de famille, est placée le 12 juin 18G3 à la maison
38t CLINIQUE MENTALE.
de santé de Vanves, après avoir fait plusieurs tentatives de
suicide.
Mnle E... est dans un état d'agitation anxieuse avec des idées
de culpabilité et délire hypochondriaque ; elle s'imagine qu'elle
a la gorge rétrécie et le coeur déplacé. Pendant les paroxysmes
d'agitation, elle pousse des cris et se lamente à haute voix en ré-
pétant toujours les mêmes paroles : Tous ses organes sont dépla-
cés, elle ne peut plus rien faire, elle est perdue, elle est damnée.
- 1864. Même délire, mêmes paroxysmes anxieux avec
répétition continuelle des mêmes phrases stéréotypées. Mnle E...
est perdue, elle n'a plus de tète, plus de corps; elle est morte.
Mmo E... pousse des cris perçants, répète les mômes mots avec
rage et dit elle-même qu'elle est enragée; elle s'accroche avec
les mains, comme convulsivement, aux objets extérieurs, et,
une fois qu'elle les tient, elle ne veut plus les lâcher.
Mmc E... voit des fantômes dans les murailles, elle résiste à
see besoins naturels, sous prétexte que ce serait sa mort d'y
satisfaire, pousse des cris et se livre à des actes violents pour
lutter contre la fatalité de sa situation à laquelle personne ne
peut la soustraire; les idées de suicide persistent toujours.
Le'délire de négation s'accentue de plus en plus, Mm' E... n'a
ni bras ni jambes, toutes les parties de son corps sont métamor-
phosées ; elle répète que tout est perdu, qu'elle ne peut plus bou-
ger sans s'exposer à tomber en morceaux et elle se raidit convulsi-
vementdans la position assise où elle se trouve habituellement.
La folie d'opposition est à son comble, 11 ? E... refuse de
manger parce qu'elle ne peut avaler, de marcher, parce qu'elle
n'a pas de jambes;.elle ne veut ni se rêver, ni se coucher, ni
s'habiller, ni manger, ni marcher, ni aller à la garde-robe;
elle se raidit comme une barre de fer pour résister à tous les
actes qu'onveutluifaire accomplir, elle pousse des cris dès qu'on
veut latouclier et prétend qu'on vala briser comme du verre.
Les années se passent sans apporter aucune modification à
ce délire. M-0 E... en est arrivée à un état de démence avec
grognements, cris inarticulés, et paroxysmes d'agitation ; elle
conserve toujours la même raideur musculaire et oppose la
même résistance à tout ce qu'on veut lui faire faire.
M-0 E... a une chute de la matrice et du rectum qu'il est
impossible de maintenir à cause des violents efforts d'expulsion
qu'elle fait dès qu'on a procédé à la réduction.
Elle succombe en 1878 dans un état de cachexie générale.
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 285
Observation II.MË... âgée de soixante-trois ans, placée
à Vanves en mai 1868, est dans un état de grande agitation
anxieuse; elle s'imagine qu'elle n'a plus rien, qu'elle a ruiné
sa famille et qu'on va la mettre en prison. Mme E... est cons-
tamment en mouvement, ne peut tenir en place ; elle ne cesse
de gémir en répétant qu'elle est perdue, ruinée, qu'elle est
cause que ses enfants vont mourir de faim.
Elle refuse les aliments sous prétexte qu'elle ne peut les
payer; elle se croit atteinte d'une -maladie contagieuse et
s'imagine qu'elle répand une odeur infecte ; elle ne veut se
laisser approcher de personne et croit que son contact est
mortel : elle s'imagine aussi qu'il y a du poison et des saletés
dans ses aliments. M-e E... dit qu'elle ne peut ni manger ni
marcher, qu'elle est absolument incurable; elle résiste à tous
les soins qu'il faut prendre de sa personne, il faut lutter pour
l'habiller, pour la lever, pour la faire promener, pour la
nourrir. l ? E... reste habituellement blottie dans un coin,
tantôt muette, tantôt poussant un gémissement monotone et
répétant qu'elle est un monstre.
Par humilité, M-0 E... ne consent à manger qu'à la table des
domestiques.
Elle meurt en 1876 sans que le délire ait subi la moindre
modification.
- OBSERVATION III. Mme S..., âgée de cinquante-trois ans,
a déjà eu un accès de mélancolie à forme dépressive et qui n'a
pas nécessité son placement. Elle est reprise de délire mélan-
colique et est amenée à Vanves, à la fin de l'année 1876.
M-0 S... est dans un état d'agitation anxieuse extrême; elle
se croit coupable et perdue; on va la conduire en prison et elle
cherche par tous les moyens possibles à faire des tentatives de
suicide. lm° 5... entend des voix qui lui disent qu'elle est
coupable, qu'elle va être condamnée et conduite en prison ; elle
croit entendre la voix de son mari et de sa fille qui sont en
prison à cause d'elle ; elle se lamente sans cesse et refuse les
aliments.
1880. MI' S... est toujours dominée par les mêmes idées
mélancoliques ; elle reste le plus souvent muette et immobile
et ne répond pas quand on lui adresse la parole ; par moments
elle exprime des conceptions négatives tout à fait absurdes.
M"° S... prétend que personne ne meurt plus, que personne
286 CLINIQUE MENTALE.
ne se marie plus, que personne ne nait plus. Il n'y a plus de
médecins, il n'y a plus de préfets, il n'y a plus de notaires, il
n'y a plus de tribunaux ; autrefois M"" S... priait, mais au-
jourd'hui c'est inutile, puisque Dieu n'existe pas. 1\I"" 5... ré-
siste à tous les soins qu'il faut prendre de sa personne, elle
est toujours disposée à refuser les aliments et prétend qu'il y a
- de la chaux, de la potasse dans tout ce qu'on lui présente.
Mmo E... passe toutes ses journées dans le mutisme et l'im-
mobilité. Actuellement (mai 1883) son état reste absolument
stationnaire. -
Observation IV. Mm0 M..., âgée de cinquante et un ans,
mariée, mère de famille, paraît avoir toujours été bien portante
jusqu'à l'année 1878. Elle fut alors prise d'un accès anxieux
avec terreurs; 11-1 M... voyait du feu, des incendies, se croyait
ruinée et s'imaginait qu'on allait la torturer. Au bout de deux
mois, elle guérit subitement; mais après quelques semaines
elle fut reprise des mêmes accidents et amenée à Vanves dans
un état d'agitation anxieuse intense avec gémissements et
terreurs continuelles relatives surtout au feu et aux incendies.
M-0 M... s'imagine qu'elle est ruinée, qu'on va la torturer,
que ses aliments sont empoisonnés, qu'elle est ensorcelée. Elle
parait avoir des hallucinations de l'ouïe et de la. vue, prétend
qu'il se passe toutes les nuits des choses effroyables dans sa
chambre, qu'il y vient des personnages qu'elle ne connaît pas.
11° i\L.. ne veut pas reconnaître son mari ni ses enfants qui
viennent la visiter; elle prétend qu'elle n'a jamais été mariée,
qu'elle n'a ni père, ni mère, ni mari, ni enfants. A..., sa ville
natale n'existe plus, Paris n'existe plus, rien n'existe plus, sa
fille est un diable déguisé. 11-e, iM... ne se laisse approcher de
personne, se recule avec terreur dès qu'on veut la toucher ou
lui prendre la main et répète incessamment : « Ne me faites pas
de mal ». Elle nie tout et résiste atout, il faut lutter pour
l'habiller, la déshabiller, la nourrir, etc., et Mm° 11L.. déploie
une force de résistance étonnante.
Au mois d'août 1881, 1\Z ? 1... est frappée subitement d'hé-
miplégie gauche ; le délire n'est nullement modifié. Le membre
inférieur reprend incomplètement ses fonctions, mais le membre
supérieur se contracture. \1 ? 11Z... répète constamment les
mêmes négations, dit à tout instant : «Ne me fuites pas dc mal »
et résiste opiniâtrement à tout ce qu'on veut lui faire faire.
DU DÉLIRE DES NÉGATIONS. 287
Actuellement (mai 1882) la situation reste la même à tous
égards. ,
.Observation V. nI ? J..., âgée de cinquante-huit ans,
placée à Vanves au mois d'août 1879, est dans un état de
mélancolie anxieuse qui date déjà de plusieurs mois.
V1 ? J... s'imagine qu'on va lui couper les nerfs, la rendre
sourde, muette et aveugle et lui faire subir toutes sortes de
tortures; elle passe des journées entières à gémir et à implorer
la Vierge et les saints. '
Paroxysmes d'agitation très intenses avec tentatives de sui-
cide. 12 ? J... refuse les aliments, elle est perdue, damnée;
elle est « bourrée de pétrole », on va lui faire subir les plus
affreux supplices et cependant elle ne pourra jamais mourir.
Fréquents paroxysmes pendant lesquels Mmc J... se roule par
terre et fait toutes sortes de grimaces et de contorsions. : 11 ? J.. répète constamment les mêmes phrases,.souvent tout
à fait absurdes et inintelligibles, mais se rapportant à des idées
de transformation et d'anéantissement de sa personne et de
tout ce qui l'entoure. M ? J... répète : « Il n'y a plus rien, rien
n'existe plus, tout est en fer, etc. » ; elle est elle-même trans-
formée, elle est un petit poulet, une mouche, elle est un
chiffon de laine qui parle, elle n'est plus rien, elle ne mange
jamais, elle n'a plus de corps ; les personnes qui l'entourent ne
sont que des ombres.
Vl° J... résiste à tout, retient ses matières fécales et ses
urines, il faut lutter pour l'habiller, pour la déshabiller, etc.,
et dans ces luttes M"10 J... déploie une énergie et une vigueur
musculaire incroyables. Actuellement (mai 1882), la situation
de M"10 J... est toujours la même, son délire ne s'est nullement
modifié.
Observation VI. M ? C..., âgée de quarante-trois ans,
mariée, mère de famille, est entrée à la maison de santé de
Vanves en novembre -1880. En 1875, à la suite .de la mort
subite de son père et de l'opération du strabisme faite à son
fils, cette dame avait déjà été atteinte d'un léger accès anxieux
avec insomnie etbuillements continuels, obsédée par la crainte
que son père n'ait été enterré vivant et que son fils ne devint
aveugle par suite de l'opération du strabisme.
Cet état anxieux se dissipa au bout d'un mois. A la fin de
mars 1880, nouvel accès, début assez rapide, préoccupations;
288 CLINIQUE MENTALE.
relatives à des questions d'argent, perplexité et indécision
continuelles, insomnie. M-1 C... s'accuse et se croit coupable.
Au bout de quelques mois, délire hypochondriaque.
M ? C... croit qu'elle n'a plus d'estomac, que ses organes
sont détruits et elle attribue cette destruction à un vomitif qui
lui a été en effet administré.
A son arrivée à la maison de santé, M-e C... est dans un
état de mélancolie anxieuse avec paroxysmes d'agitation ma-
niaque pendant lesquels M"1 C... fait des contorsions, des
grimaces, se roule par terre et pousse des gémissements. Ces
paroxysmes alternent avec des périodes d'immobilité et de
mutisme. 1-0 C... prétend qu'elle a le gosier 'retiré, qu'elle
n'a plus d'estomac, qu'elle n'a plus de sang; elle ne mourra
jamais, elle n'est ni morte ni vivante, elle est une personne
surnaturelle,' sa place n'est ni parmi les vivants, ni parmi les
morts; elle n'est plus rien, elle supplie qu'on lui ouvre les
veines, qu'on'lui coupe les bras et les jambes, qu'on lui ouvre
le corps pour s'assurer qu'elle n'a plus de sang et que ses or-
ganes n'existent plus.
Cette malade a quitté la maison de santé après deux mois de
séjour et est sortie non guérie; j'ignore ce qu'elle est devenue.
Observation VII. M. A..., âgé de cinquante-trois ans,
placé en juillet 1877, à la maison de santé de Vanves, a été
frappé de mélancolie après avoir éprouvé de grandes douleurs
morales; il a perdu presque en même temps sa femme et un
fils.
M. A... s'accuse d'avoir causé la mort de sa femme et de son
fils, il est pourri, il a la syphilis, il est perdu, il est damné, il
est le plus grand criminel qui ait jamais existé, il est l'Anté-
christ, il doit être brûlé en place publique; M. A... est plongé
dans une profonde tristesse, il pleure et gémit; il voudrait être
mort et fait des tentatives de suicide.
1880. M. A... exprime toujours les mêmes idées mélanco-
liques de culpabilité, il est l'homme damné destiné à brûler
éternellement. M. A... dit que tout son corps est pourri, qu'il
n'a pas de sang, qu'il n'a pas de pouls, que son coeur ne bat
plus, que sa tête est vide, qu'il n'a pas figure humaine. Il attend
la fin du monde, qui est proche.
Actuellement, en mai 1882, la situation est toujours la même,
le délire n'est nullement modifié.
DU DÉLIRE DES vliGA'1'10\a. 289
Observation VIII. M. A..., âge de quarante-huit ans,
placé à la maison de santé de Vanves au mois de mars 1879, à
la suite d'une tentative de suicide, est dans un état d'agitation
anxieuse intense. Il cherche par tous les moyens à se frapper,
à se mutiler, à se crever les yeux, à se donner la mort ; il ne
veut ni manger, ni prendre de médicaments, ni recevoir aucune
espèce de soins, parce qu'il se considère comme indigne. Il ne
pense qu'à expier ses crimes imaginaires ; c'est pour cela qu'il
veut se frapper et se tuer ; il dit qu'il est tombé dans un abîme
d'infamie et qu'il s'y enfonce chaque jour davantage ; il supplie
qu'on lui donne une corde pour se pendre ou une forte dose de
poison.
M. A... ne parait pas avoir d'hallucinations auditives, mais
il a de nombreuses illusions de la vue, il donne un sens mys-
tique aux formes des objets extérieurs, il croit voir des figures
d'animaux dans les formes des arbres, etc.
1880. M. A... s'imagine qu'on va le torturer, le plonger dans
l'eau glacée, le nourrir d'ordures et d'excréments, il supplie
qu'on en finisse en lui donnant de l'acide prussique. Son cer-
veau est ramolli, sa tête est comme une noisette creuse, il n'a
pas de sexe, pas de testicules, il n'a plus rien, il n'est lui-même
qu'une « charogne » et demande qu'on creuse un trou pour
l'enterrer comme un chien ; il n'a pas d'àme ; Dieu n'existe pas ;
par moments M. A... dit qu'il n'a ni femme ni enfants; dans
d'autres instants, il demande à les voir et à retourner auprès
d'eux. M. A... répète constamment les mêmes phrases et les
mêmes supplications : «Tuez-moi, tuez-moi; ne me donnez pas
de bain froid, ne me donnez pas de bain froid », etc., qu'il redit
pendant des heures entières. Il cherche par tous les moyens
possibles à se tuer et à se mutiler; il veut se crever les yeux,
s'arracher les testicules, etc. Il se montre également violent et
injurieux envers les personnes qui l'entourent. Par moments,
M. A... peut parler avec lucidité; il raconte volontiers différents
événements de sa vie passée.
En mai 1882, la situation est toujours la même, M. A...
répète incessamment qu'il est indigne , ignoble, il veut
se faire cireur de bottes, il n'a pas de testicules, il faut le
tuer.
Aucun e*, L IV. l'.l
290 CLINIQUE MENTALE.
Deuxième catégorie. i ,
Observation IX. M. C..., âgé de quarante-cinq ans, de
constitution robuste, marié, père de famille, ayant toujours
mené une existence régulière et laborieuse,' n'a fait d'autres
excès, dit-on, que des excès de travail. Il restait chaque jour
à son bureau jusqu'à deux heures du matin et était levé à sept
heures.
Depuis plusieurs années il souffrait' de migraines violentes
avec vomissements. En 1879, il se plaignit de troubles de la
vue, de brouillards devant les yeux; il alla consulter un ocu-
liste, qui, après avoir examiné le fond de l'oeil, aurait demandé
à M. C... de se tenir en équilibre sur un pied, ce qui fut
impossible.
Vers cette époque M. C ? commença à faire des chutes
fréquentes ; souvent il rentrait chez lui en disant à sa femme
qu'il avait failli se tuer, qu'il était tombé et qu'on l'avait aidé à
se relever. En même temps son caractère commença à s'altérer,
il devint sombre, irritable, et parut s'absorber dans une pro-
fonde tristesse. Il exprimait de funèbres pressentiments, don-
nait des conseils à sa femme et lui faisait de minutieuses recom-
mandations au sujet de leurs enfants, comme s'il s'était senti
menacé d'une mort prochaine.
Au commencement dé décembre 1879, il fit une nouvelle
chute dans la rue, rentra chez lui glacé et fut pris d'un tremble-
ment intense avec claquements des dents. Le médecin appelé ne
constata, dit-on, aucun mouvement fébrile à la suite de ce frisson.
Des frissonnements analogues se seraient reproduits irrégulière-
ment tous les jours pendant cinq ou six heures. M. C... restait
constamment au lit, couvert d'énormes couvertures, et, dès
qu'on le découvrait un peu, il était repris de tremblements avec
claquement de dents; le sommeil avait complètement disparu.
Après quelques semaines, M. C... quitta le lit, mais il lui fut
impossible de reprendre ses occupations. Il restait constamment
dans son bureau, muet, inoccupé, immobile, 'ne recevant per-
sonne et' renvoyant brusquement sa femme quand elle venait
le voir. Par moments; il répétait : « Je suis un crétin », disait à
sa femme : « Tu ne veux donc pas me rendre ma vie d'autre-
fois ? » ou encore : « Je devrais me tirer un coup de pistolet.
Je demanderais bien à Dieu de me faire mourir, mais Dieu
DU DÉLIRE DES NEGATIONS. 291
n'existe pas ». Une nuit il répéta pendant des heures entières
une même série de syllabes incompréhensibles.
Vers le mois de mars 1880, il commença à exprimer des idées
négatives tout à fait absurdes ; il disait qu'il n'y avait plus de
nuit et refusait de se coucher; il passait des nuits entières dans
son bureau et répondait à sa femme qu'il ne pouvait se coucher
puisqu'il faisait encore jour. Il disait qu'il ne mangeait plus, et
quelque abondants que fussent les repas, il se mettait en fureur
en disant qu'il n'y avait rien sur la table.
13lacé à Vanves au mois d'avril 1880, on constate chez M. C...
un trouble mental profond. M. C... ne se rend compte ni de
l'endroit où il se trouve, ni du temps qui s'est écoulé depuis
qu'il a quitté son domicile. ,
Il est ordinairement calme, silencieux; par moments il pré-
tend que les gens qui l'entourent sont des assassins qui vont
l'égorger et il est pris de paroxysmes anxieux pendant lesquels
il répète continuellement les mêmes mots d'une voix lamen-
table. M. C... déclare qu'il ne sait ni où il est, ni qui il est; il
assure qu'il n'est pas marié, qu'il n'a pas d'enfants, qu'il n'a ni
père, ni mère, qu'il n'a pas de nom. Il prétend qu'il ne mange
jamais et cependant il mange énormément. Il est dans un
désert où il n'y a personne, et dont on ne peut sortir, car il
n'y a plus de voitures, ni de chevaux. Si on lui montre un
cheval, il dit : « Ce n'est pas un cheval, ce n'est rien du tout. »
M. C... résiste à tous les soins qu'il faut prendre de sa per-
sonne ; il refuse de se laisser mettre ses habits parce que tout
son corps n'est pas plus gros qu'une noisette; il refuse de
manger, parce qu'il n'a pas de bouche, de marcher, parce qu'il
n'a pas de jambes. M. C... tire ses oreilles et dit qu'il n'a pas
d'oreilles, il tire son nez et dit qu'il n'a pas de nez. Souvent
M. C... dit qu'il est mort, mais pendant des paroxysmes anxieux,
M. C... dit qu'il est à moitié mort et qu'il ne pourra jamais
achever de mourir; il prend son bras, sa jambe, son mollet en
disant : « Cela ne se décrochera jamais ».
Par moments, Z. C... parait avoir des hallucinations de la
vue ; il voit des personnages, des femmes vêtus de blanc, des-
cendre du plafond de sa chambre ; d'autres fois.il voit, des
petits cavaliers hauts de quelques centimètres traverser ,sa
chambre par régiments. ,/ j , . ,, ,
Embarras do la parole, incertitude de la démarche,inégalité
pupillaire.. , ? y ,rsn,l
229 CLINIQUE MENTALE.
Ces symptômes de paralysie générait ! deviennent de plus en
plus marqués pendant le cours de l'année 1881. Il s'y joint des
idées de grandeur que le malade reporte dans le passé.
M. G... raconte qu'autrefois, il était immensément riche,
qu'il était le premier avocat de Paris, qu'il était membre de
l'Académie française, président de la République; aujourd'hui
- il n'est plus qu'un petit crétin et du reste il va mourir.
En mai 1882, M. C... en est réduit à un état de démence paraly-
tique ; il peutàpeinemarcher,laparo]eestpresque inintelligible.
Troisième catégorie.
Observation X. «1-0 G..., âgée de quarante-deux ans,
mariée, mère de famille,' eu il y a plusieurs années de vio-
lentes attaques d'hystérie.
Placée une première fois à Vanves, à la fin de l'année 18riz,
elle est à cette époque atteinte de délire mélancolique avec
idées de culpabilité, idées mystiques et paroxysmes d'agitation
furieuse. \1 ? G... se croit possédée du diable, damnée; elle
croit qu'elle est -enceinte du fait de sa bonne, qu'elle prend
pour un homme déguisé.
Mm0 G... se figure qu'elle doit être transformée en une bête
immonde, en scorpion, et dans ses paroxysmes, elle sa 'met à
plat-ventre, se livre à toutes sortes de contorsions pour imiter
les mouvements du scorpion. \I ? G... refuse les aliments, se
livre à toutes sortes d'actes désordonnés et de violences envers
elle-même et les personnes qui l'entourent; elle entend le diable
qui lui parle et elle doit lui obéir.
Dans le courant de l'année 1876, il se produit une améliora-
tion très notable. M™ G... est calme, s'occupe à des travaux
d'aiguille, cause volontiers ; mais elle est toujours dominée par
des idées de culpabilité, se croit adultère, indigne de retourner
près de son mari et de ses enfants, et veut faire une confession
publique de ses péchés. Elle sort dans cet état de rémission à
la fin de l'année 1876.
L'année suivante on est obligé de replacer Mmo G..., qui veut
absolument faire une confession publique de ses péchés et de
ses crimes, dans les rues et dans les églises; 11 ? G... se consi-
dère toujours comme coupable, indigne; elle désire se placer
comme domestique et gagner sa vie, car elle ne mérite pas
DU DELIRE DES NÉGATIONS. 293
qu'on dépense de l'argent pour elle; mais de nouvelles idées
délirantes viennent compliquer ce délire de culpabilité.
Mm, G... se croit magnétisée, s'imagine qu'on peut lire dans
ses pensées et que ses pensées peuvent être la cause des plus
grands malheurs ; elle attribue à sa bonne un pouvoir surna-
turel : cette fille, au moyen de procédés magiques et de malé-
fices, fera entrer son fils dans la maison de santé où il subira
des tortures et des mutilations génitale ? . 11-1 G... quitte une
seconde fois la maison de santé en juin 1879, et est replacée
en août 1880; elle s'imagine qu'elle est persécutée par des gens
qui ont le pouvoir de lire dans la pensée et qu'elle appelle des
r(ii-igafieî,s; ces gens sont acharnés contre elle et contre ses
enfants, et ne cessent de répéter les plus affreuses calomnies.
Ils vont jusqu'à lui faire dire, à elle, des sottises qui sont ensuite
répétées dans tout Paris et dans le monde entier, et qui peu-
vent faire le plus grand mal à sa famille.
En même temps qu'elle accuse ses persécuteurs et les per-
sonnes qui l'entourent, 11-e G... s'accuse elle-même ; elle est
nn monstre, elle est damnée; elle a trois perce-oreilles dans le
corps et finira par être changée en scorpion ; elle n'a déjà plus
rien d'humain et est comme une bête immonde. M ? G... vou-
dra) être morte, elle gémit et fait des tentatives de suicide,
mais il est trop tard : maintenant elle est immortelle, on pour-
rait la hacher en petits morceaux sans la faire mourir.
En mai 1882, la situation est toujours la même; cependant
les idées de persécution paraissent prédominer de plus en plus,
M ? G... accuse les domestiques qui clabaudent et calomnient
continuellement; elle est damnée, il est vrai, mais ce sont les
médecins qui en sont cause.
Observation xi Mmo H..., âgée de cinquante et un ans,
est placée au mois d'août 1880.
Il y a quinze ans environ, à la suite d'une dysenterie grave,
Il... a éprouvé une sensation de craquement dans le dos,
« son dos s'est décroché ». Depuis cette époque, à quatre ou
cinq reprises au moins, Mmo H... a gardé le lit pendant neuf à
dix mois, une fois plus d'un an. 11 ? IL.. prétendait qu'elle ne
pouvait se lever, que son dos descendait dans son ventre. Vers
le commencement de l'année 1880, 11-8 H... a commencé à se
plaindre que tout le monde lui en voulait, et ces idées de per-
sécution se concentrèrent sur la personne de son gendre ; elle
j 1.. . CLINIQUE MENTALE.
répétait pendant des heures entières : « Pourquoi ma fille
a-t-elle donc épousé X... ? » Placée à Vanves au mois d'août
1880, Mmo H... raconte qu'on lui ajeté un sort; elle est damnée,
elle a des animaux dans le ventre, des singes, des chiens, etc.;
elle, entend des voix qui la poussent malgré elle à des actes
-violents; elle demande la mort, et cependant elle sait qu'elle
ne pourra jamais mourir. Au mois de septembre de la môme
année, Mme IL.. quitte la maison de santé dans le mémo état
d'aliénation chronique, pour être transférée dans un autre
asile.
J'aurais pu; en outre de ces quelques cas, citer, de
seconde main, un assez grand nombre d'observations
éparses ça et là et dans lesquelles le délire de négation
est signalé, au moins dans sa forme hypochondriaque.
Je nie 'borne à donner les indications bibliogra-
pbiques* suivantes
]< ? 3QUIROL. Dt'M ! 0 ! : oma ! : i'C.
Fodéré. Traité du délire, t. I, p. 345.
LRUBFT. Fli-(ignie71ts psychologiqiies, p. 121, 407 et stiiv. Traite-
ment moral, p. 274, 281.
Mobel. Etudes cliniques, t. II, p. 37 et M 8.
> Macario. Annales ? ndico -2)s ! lcho log iqztes, t. I.
l3an ? né.n. De l'état clésiné sous le nom de stupidité, 4843.
La théorie de l'automatisme ianîi. znéd.-psycle., ')8oC). Note sur le
délire hypochondriaque {Académie des sciences, -18G0).
Aitcii.mi3.iULT. Annales ? KedtCO-psyc/t0o ? y : fes, 8o2, t. IV, p. 1 46.
' Petit. Archives cliniques, p. 59.
Miciiéa. Du délire /t ? /poc/t07td<' ! nMe(A ? m. rné(I.-psych.), 1864.
MATERNE. Th. de'Paris', 1869.
Rnar.rx-);mNa. Lelerbzccle der Psychiatrie, 0))S. II et VII.
COTARD. Du délire hypochondriaque dans une forme grave de la mé-
laiîcolie anxieuse (4 ? in. méd.-psy,ch., 1880).
liq 'Je termine ce travail par un tableau synoptique ré-
sumalit·'le parallèle entre le délire des négations et le
délire des persécutions.
DU DELIRE DES NEGATIONS.
295
DELIRE DE PERSECUTIONS.
Le : malade ne présente ordinai-
rement pas .le facies mélanco-
Hqne.
Hypochondrie surtout physique
au début.
Le malade s'en prend au monde
'L des iiiflueiices uni-
extérieur, a. des influences nui-
sibles venant des divers milieux
et surtout du milieu social. Il ne
s'accuse pas lui-même, il se
vante plutôt de sa force physique
et morale et de l'excellence de sa
constitution qui lui permet de
supporter tant de maux.
Suicide relativement rare.
Homicide plus fréquent.
Troubles de la 'sensibilité très
rares.
Hallucinations auditives cons-
tantes et présentant l'évolution
spéciale que l'on connaît.
Hallucinations de la vue très
rares.
Hypochondrie morale consécu-
tive; les persécuteurs attaquent
les facultés morales, les malades
disent qu'on les rend idiots.
DÉLIRE DE NÉGATIONS.
Anxiété, gémissements, an-
,-oisse précor(liile, etc. ; les ma-
lades sont des types de mélancolie
anxieuse.
D'autres tombent dans la stu-
peur. Quelques-uns présentent
des alternatives de stupeur et
d'agitation mélancolique.
Hypochondrie surtout morale
au début.
Le malade s'accuse lui-même :
il est incapable, indigne, cou-
pable, damné. Si la police ou les
gendarmes vont venir l'arrêter et
le conduire à l'échafaud, il ne l'a
que trop mérité par ses crimes.
Suicide et mutilations très fré-
quents.
Homicide plus rare.
Troubles de la sensibilité.
Anesthésie.
Hallucinations manquent sou-
vent. Quand elles existent, elles
sont simplement confirmatives des
idées délirantes. Conséquemment
pas d'antagonisme entre le ma-
lade et les voix qui lui parlent,
pas de dialogue. Quand les ma-
lades parlent seuls, c'est pour ré-
péter en forme de litanies les
mêmes mots ou les mêmes
phrases, adressées aux personnes
réelles qui les entourent.
Hallucinations de la vue assez
fréquentes. '
Hypocllondrle pliy sillue cunsécu-
tive. Lesmalades n'ont plus de cer-
ve.iu,ptusd'estomac,piusdecoeur,
etc. Ils sont morts ou bien ne
mourront jamais. Transformation
de la personnalité. Quelques-uns
partentd'eux-memesaiatroisieme
personne.
296 a PATHOLOGIE MENTALE.
DÉLIRE DE PERSÉCUTIONS.
Délire des grandeurs.
Refus des aliments partiel, par
crainte du poison. Les malades
choisissent parmi leurs aliments
et mangent avec voracité ceux
qu'ils ne croient pas empoisonnés.
Marche de la maladie, rémit-
lente ou continue avec pa-
roxysmes.
DÉLIRE DE LÉGATIONS.
Délire de négation et d'anéan-
tissement. Les malades nient tout,
ils n'ont ni parents, ni famille ;
tout est détruit, rien n'existe plus,
ils ne sont plus rien, ils n'ont pas
d'âme, Dieu n'existe plus.
Folie d'opposition.
Refus des aliments total. Les
négateurs refusent parce qu'ils
sont indignes, parce qu'ils ne
peuvent payer, parce qu'ils n'ont
pas d'estomac, etc.
Marche, d'abord franchement
intermittente, puis continue.
PATHOLOGIE MENTAL
INVERSION DU SENS GÉNITAL (Coiîti,(Ii,e SexiicilenI)fti ? diiiig.
Weslphal). Pcrvertcd sexuel Iî2stiiiets. Jul ius Krueg). Inver-
sione (tell' instinto sessuule. Tomassia Aripgio) ET AUTRES^ PER-
VERSIONS SEXUELLES;
Par lltitl. CIIAllC01' et MAGNAN (Suite) '.
Si, dans l'observation qui précède, ne tenant compte
que des faits relatifs à l'inversion du sens génital, nous
négligeons les autres phénomènes neuro-psychopa-
thiques, nous nous trouvons en face de ce que certains
auteurs .appellent une monomanie instinctive; mais
ce n'est point là une entité morbide, ce n'est qu'un
'Voir Archives de Neurologie, iln 7, janvier-lévrier 1882.
INVERSION DU SENS GÉNITAL.. 297
épisode d'une maladie plus profonde. C'est un syn-
drome, une des nombreuses manifestations qu'offrent
les sujets désignés par Morel du nom de dégénérés.
Les dégénérés, dèsl'enfance, portent la marque d'une
tare cérébrale qui, chez quelques-uns, peut simplement
se traduire par un défaut d'équilibration intellectuelle
compatible d'ailleurs, comme chez notre malade, avec
l'existence de facultés brillantes.
En résumant l'observation nous trouvons, dès le
premier âge, la voluptueuse curiosité pour les nudités
masculines, la recherche des occupations féminines,
le désir de ressembler à la femme, de plaire à l'homme,
l'idée obsédante de l'homme nu s'imposant plus tard
à l'esprit au milieu des études les plus sérieuses;
l'onanisme et l'exaltation de l'imagination amenant à
la fois un tel état de faiblesse et d'éréthisme génital
que l'érection et l'éjaculation se produisent à la vue
des organes virils de l'homme, à la vue d'une statue,
à la seule idée du pénis de l'homme. Par contre,
indifférence absolue pour la femme dont les attouche-
ments, les provocations de toute nature ne peuvent
venir à bout d'une invincible frigidité. Tout cela avec
une entière conscience de l'état maladif. Telle est cette
anomalie sexuelle bien singulière, sans doute, mais
dont la bizarrerie peut encore être dépassée dans cer-
tains cas, puisque l'instinct sexuel prend pour objectif
tantôt le tablier blanc, devenu ainsi pour le patient une
amante adorée, tantôt les clous de la semelle d'un
soulier de femme, tantôt le bonnet de nuit coiffant un
homme ou la tête ridée d'une vieille femme ;'le bonnet
jï t fy,
de nuit, nous le verrons, acquiert des droits' tellement
souverains que toute approche conjugale est interdite
298 , , PATHOLOGIE MENTALE.
au malheureux.mari, s'il n'évoque dans son esprit cette,
grotesque image. Toutes ces obsessions, dont la clinique,
fournit des exemples si variés, ne sont après tout que;
des, modalités symptomatiques d'un même fonds patho-
logique, et nous devons le répéter, ce serait une
étrange erreur d'en faire des états morbides distincts.
Du reste, chez quelques maniaques, on peut parfois
observer passagèrement des phénomènes analogues, et
nous avons, en ce moment, sous les yeux une femme
âgée de trente-trois ans, qui, a plusieurs reprises et
pendant des journées entières, voulait faire, disait-
elle, comme l'homme ; cherchait à retrousser la robe "
des surveillantes, les suppliant de cohabiter avec elle ;
se montrant, ' d'autre part, indifférente à l'égard des
hommes venus à côté d'elle. Westphal et Krafft-Ebing
ont déjà cité des cas de manie et de mélancolie où cette
perversion de l'instinct sexuel survenait passagèrement.
Si les antécédents héréditaires ne révèlent pas de folie
proprement dite chez les ascendants, il n'en reste pas
moins des conditions fâcheuses; l'àge disproportionné
du père et de la mère, les bizarreries et les extrava-
gances du grand-père maternel, l'émotivité et les goûts
singuliers de la mère, se traduisant de bonne heure,
chez le patient, par des impulsions au vol, et plus tard,
sans compter l'inversion de l'instinct sexuel, par cer-
taines dispositions d'esprit maladives, par le désir de
compter et de recompter plusieurs fois de suite les
fleurs, les lignes, les clous, les carrés, les petits détails,
en un mot, d'une tapisserie, d'un écran, d'un plafond,
d'une décoration quelconque. En outre, dès ]'âge de
quinze ans, les tendances névropathiques s'affirment
par des crises convulsives qui semblent tenir de l'hys-
INVERSION DU SENS GENITAL. 299
térie, quoique très favorablement amendées.par le bro-,
mure de potassium. On le voit, la perversion instinc-
tive qui nous occupe n'est qu'une manifestation saillante
d'un état psychopathique beaucoup plus profond.
Pour compléter les renseignements sur cette intéres-
sante observation, nous ajouterons que, depuis un an,
une amélioration très sensible s'est produite ; les atta-
ques, dont le retour se faisait rarement attendre un
mois, ont laissé entre elles un long espace de six mois,
du 22 janvier au 22 juillet 1882, et depuis cette der-
nière date il n'y a pas eu de nouvelle crise.
Une amélioration non moins remarquable a été obte-
nue pour les symptômes intellectuels. Après de nom-
breux efforts, M. X... est parvenu, non seulement à
substituer, par moments, l'image de la femme à celle
de l'homme, mais ses nuits ont été traversées par des
rêves voluptueux, ayant la femme pour objet, et, à
plusieurs reprises, il a pu tenter avec succès des appro-
ches sexuelles. L'obsession, elle-même, est devenue
plus rare, et M. X... en est arrivé aujourd'hui à former
des projets de mariage. Le traitement hydrothérapique
a été continué et, la médication polybromurée,
nous avons depuis six mois ajouté le lactate de zinc.
Dans les écrits de Casper, nous voyons signalée cette
anomalie de l'instinct sexuel, sans que l'auteur lui
attribue l'importance qu'elle mérite; toutefois, il fait
remarquer que cette disposition est innée'. Ce fait, sur
lequel Griesinger2 avait aussi attiré l'attention, est
' Csper. Uebsr Not)attcltt uttd p< ! e)'as<;e. (Casper's Vierteljahrs-
e/fr, 1, 1832). il
e Griesinger. Ueber eiîteii wenig Ge7.atuten 1)s ! jchopathischen zits-
1(iîi(l. (Arrti. fiir. psclt., 1, p. 651. Berlin, 1868).
300 PATHOLOGIE MENTALE.
capital, car une disposition native qui enchaîne la
volonté, poussant l'individu à des actes qu'il est im-
puissant à réprimer, doit nécessairement entraîner
l'irresponsabilité. Cette donnée est d'autant plus impor-
tante à vulgariser, quelles magistrats, les médecins
légistes qui ont eu à s'occuper d'attentats aux moeurs,
et sous les yeux desquels ont passé des individus
essentiellement vicieux, ont paru jusqu'ici peu disposés à
attribuer à la maladie la part qui lui en revient. Ainsi,
Tardieu, consacrant plus de cent pages aux affaires de
pédérastie et de sodomie, effleure à peine la question
de folie, et, à la fin de son travail, après avoir montré
le peu de valeur des excuses émanant des pédérastes :
« Il y aurait, dit-il, une attention plus sérieuse à don-
ner à l'état mental de certains individus convaincus de
pédérastie, et chez lesquels la perversion morale pour-
rait atteindre jusqu'à la folie. J'ai dit que l'affaiblisse-
ment des fonctions intellectuelles et des facultés affec-
tives pouvait être le dernier terme des habitudes
honteuses des pédérastes. Mais il ne faut pas confondre
cet état, en quelque sorte secondaire, avec les excès
de la débauche et les entraînements de la dépravation.
Quoique incompréhensibles, quelque contraires à la
nature et à la raison que puissent paraître les actes de
pédérastie, ils ne sauraient échapper ni à la responsa-
bilité de la conscience, ni à la juste sévérité des lois,
ni surtout au mépris des honnêtes gens'. »
On le voit, pour Tardieu la pédérastie tient du vice;
c'est avec une certaine hésitation que cet auteur dis-
tingué laisse une porte entre-baillée à la folie. Et
4
' Tardieu. Elude médico-légale sur les attentats aux zzzmtsrs, p. 2j9.
Pans 1873.
INVERSION DU SENS : loi
cependant, sans sortir de la question qui nous occupe,
nos dégénérés avec inversion de l'instinct sexuel, en
dehors des attouchements et de l'onanisme réciproque,
en arrivent parfois à la pédérastie.
L'étude de ces faits ne saurait donc être négligée,
puisque en dehors de l'intérêt clinique il s'agit d'éclai-
rer la justice et de défendre des irresponsables. Aussi,
est-ce avec la plus grande attention que devrait être
examiné l'état mental des inculpés, dès qu'apparaîtrait
quelque chose d'insolite dans les procès de ce genre.
Cet examen doit être fait avec d'autant plus de soin
que les aliénés, poussés à de tels actes, sont habituel-
lement des fous lucides, des individus mal équilibrés
chez lesquels les appétits et les instincts, dominant la
volonté, poussent irrésistiblement à la satisfaction des
besoins maladifs.
Casper', dans le procès du comte Cayus, n'avait pas,
ainsi que le fait remarquer Westphal, apprécié exac-
tement l'état mental du héros de cette affaire qui,
d'après l'observation même et les détails du procès,
était un faible d'esprit, un dégénéré. Mais il n'est pas
toujours facile de se rendre compte de l'état mental,
à en juger par le fameux Karl Heinrich Ulrichs, qui
avait écrit tout d'abord sous le pseudonyme de Numa
Numantius; on sait, en effet, qu'il a été longtemps
substitut, qu'il était très érudit, qu'il n'offrait aucune
apparence de désordre intellectuel. En dehors, en effet,
de sa perversion instinctive, qui, pour lui, était physio-
logique et non maladive, l'âme d'une femme se trou-
vant, disait-il, enveloppée dans le corps d'un homme,
Casper. llaiidbuch der gerichll naeclic., l3crlm, 1858. l31olog. l'heil,
p. 182..
302 PATHOLOGIE MENTALE.
rien dans ses relations ordinaires ne trahissait son
trouble mental '.
Pour notre malade également, dont on ne saurait
contester l'état névro-psychopathique, est-ce qu'il ne
passe pas aux yeux de tous pour un homme parfaite-
ment sain d'esprit ? L'on serait certainement mal venu
de dire à ses auditeurs que le professeur distingué
dont ils admirent chaque jour l'éloquence, la logique,
le jugement, n'est autre qu'un malade dont le cerveau
est torturé par les idées les plus étranges; qui, d'un
instant à l'autre, malgré lui, malgré tous ses efforts,
peut être poussé à la plus honteuse promiscuité. Au-
jourd'hui, il est amélioré, il est plus maître de lui;
mais ne peut-il pas encore survenir une aggravation,
sans que rien au dehors vienne trahir ce trouble inté-
rieur ?
Westphal, dans son excellent Mémoire sur cette
perversion instinctive, qu'il désigne du nom de sens
sexuel contraire ou contre nature (contrcire sexualemp-
findzlm), met en relief les principaux caractères de
cette disposition maladive'. Profitant des documents
fournis par Casper, Tardieu et Ulrichs, il rapproche les
récits, les écrits et les actes des hommes affectés d'in-
version de l'instinct sexuel, des observations qu'il a
faites auprès d'une fille de trente-cinq ans, dont il
donne l'histoire détaillée. Dans les deux sexes, les phé-
' Karl Heîuricli Ulriélts â puLliW une série de brochures, la première
eu 186't. Inclusa, sous le pseudonyme de Numa Numautius ; Formatrii-
Vinclkta et Ara spei, 1865; Glacliets fureus et Memmon, 1868; Incubus,
1869. '
' Westphal. - Die coutrtlre .seeualenzlynttlttztg. (Arch. f. psrlclt., lI,
p. 73 à 108. 1870.) 7ttr coalmircn icxualempfinduitg. Arch. f. psy,,h;
lid \'1. p. G30 t G21, 187G.) - OLsc·rvaUon d'un jcuue ltomme e viugt-
yuaVe ans tluntla perversion setuellc s'est nmntrée 1 lant ans.
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 303
nomènes sont identiques et se déroulent de la même
manière.
Des cas assez nombreux ont déjà été publiés chez
'l'homme', les observations relatives à la femme sont
rares peut-être à cause de la facilité plus grande avec
laquelle celles-ci parviennent à cacher ce trouble ins-
tinctif. Toutefois, nous avons deux observations, celle
de Westphal et un cas de Gock chez une jeune fille de
vingt-huit ans, qui suffisent à donner une idée de cette
perversion sexuelle chez la femme ?
Dans les deux cas, nous voyons se développer de
très bonne heure l'inclination pour les 'filles : à huit
ans chez la malade de Westphal,- à douze ans chez
l'autre. M. X..., rappelons-le, avait eu, à six ans déjà,
une voluptueuse satisfaction à contempler l'homme nu.
Pour la plupart des malades, c'est une sorte de révé-
lation dès l'enfance ; ils se surprennent à avoir des sen-
1 Scbmiukc. EirttFall von contrarer sexualcmpftndung. (Arch. f.
psych.; l3tl. III, 1). 2 : i à 1872.)
Scltoltz. Bekeutnisse entes an perrerser ec/t/<'cAA'7';c/fMH/ /ce/
den. (1'terteljsclv. f. 13(1 XIX, p. 321 a 328, 1873.)
Servaes. Ziii- heiiitiltiss voit der cotttmtrer sexualempfindung (1'c/t.
psych., Bd. VI, p. 484 à 4J5, 1876.) Observation d'un homme de
trente-cinq ans et l'observation peu concluante d'une fille de seize ans
qui, ayant eu trois accès maniaques suivis de stupeur, ne conservait
aucun souvenir de la période d'excitation.
Vidal et Legrand du Saulle. (Aîi7z. me(, ! «'o-/Mvc/to ? V" série, t. XV,
li. 446, z Jeune homme de vingt ans, surpris un jour dans un urinoir
avec un vieillard, exhibant toutes leurs parties génitales.
Staïk. Ue6e, contrdre sexualempfttidung. (dlly. zlsch. f. psych.) Bd.
XXXIII, 209 à,2oG, 1877.) ... ' , ....
Tomassia Ariggio. Suit' irtcersione dell' titstlrtto sessitale. (Itiv. Syeint.
p. 97 a 3S7, 1878.) '
Julius Krur-'g. Peroerted sexuel mtstincts. (Braizt, p. 368 à 370,
octobre 1881. ])Ctlx observations, l'une d'un homme avec des détails
intéressants; l'autre très incomplète d'une femme de chambre de vingt-
cinq ans. ;| ^ , ' . j , i
' Gock.Bei7)'a : M<' Kenntniss der contrarer sexualempfindung. (AI-eh.
f. Bd. V ? 1) : i(i a 'i7li, 187 ? ) 1 .
30 re PATHOLOGIE MENTALE.
timents qu'ils ne comprennent pas : l'homme est porté
vers l'homme, la femme vers la femme, avant même
qu'ils aient pu subir l'influence d'une éducation vicieuse.
C'est là, comme dit Ulrichs, l'énigme de l'amour de
l'homme pour l'homme ; ce sont des sentiments per-
vers innés. Les deux filles aimaient également, dès
leurs premières années, les jeux des garçons; elles dési-
raient s'habiller en garçon, elles auraient voulu être
homme. Les regards de certaines filles les impression-
naient vivement; elles leur faisaient la cour, rougis-
saient auprès d'elles, éprouvaient une vive passion, et
aussi un sentiment de jalousie, si l'amie choisie prêtait
attention à une autre personne. Les caresses provo-
quaient chez elles une grande excitation qui s'accom-
pagnait de spasmes, de sécrétion des parties génitales.
Toutes deux avaient des rêves voluptueux rappelant
les jeunes filles aimées. '
Quand les désirs ne pouvaient pas être satisfaits,
quand il survenait des résistances ou des obstacles,
elles entraient dans de véritables accès de fureur, et
toutes deux étaient portées au suicide. Les hommes
n'avaient aucun attrait pour elles; l'une d'elles a refusé
plusieurs mariages; l'hymen existait chez l'une d'elles,
et probablement les deux n'avaient jamais eu de rela-
tions sexuelles. Dans les deux cas, le souvenir de la
jeune fille aimée poussait à l'onanisme. Le niveau
intellectuel était peu élevé chez les deux; elles appre-
naient difficilement à l'école, et plus tard elles étaient
chargées d'emplois subalternes. L'une d'elles avait
un bec-de-lièvre. Chez l'une, existaient des périodes
d'excitation et de dépression ; chez l'autre, des accès
mélancoliques. Ici encore, l'inversion de l'instinct
INVERSION DU SENS GENITAL. 305
sexuel est un syndrome enté sur un état psychopathique
plus étendu.
Krafft-Ebing, dans une étude fort intéressante sur
certaines perversions de l'instinct sexuel et sur les
actes dont elles s'accompagnent, passe en revue une
série de faits impulsifs qui, pour se présenter sous des
aspects différents, n'en ont pas moins les mêmes carac-
tères fondamentaux 1.
L'auteur arrive ensuite au sens sexuel contraire,
dont il fournit quelques observations et qu'il regarde
comme un symptôme lié à un degré plus ou moins
élevé de dégénérescence. Ayant, du reste, fait un relevé
des faits observés jusqu'à lui, il note que, treize fois
sur dix-sept cas, se montraient des troubles névro ou
psychopathiques ; c'est, on le voit, l'idée générale qui
ressort de toutes ces recherches.
A notre tour, pour compléter cette étude clinique et
pour bien montrer que la forme des obsessions ou des
impulsions ne modifie pas le fond même de la maladie,
nous allons présenter quelques observations de per-
versions sexuelles différentes de l'inversion du sens
génital. Ces faits mettront en saillie des phénomènes
tellement tranchés, qu'on pourrait croire à des formes
particulières de maladies mentales, tandis qu'ils cons-
tituent simplement quelques-unes des variétés séméiolo-
giques sous lesquelles peuvent se présenter les dégé-
nérés . ..
1 Krafft-Ebing. Ueber gestisse Anomalien des geschlcchtstriebs und
die K'h'HMe/t ? 0)'<')Me/<e Verwerthung derselben als eines wahrscheinlicla
functionellen degencrationszeichens des cecalralen nervensystems. (Arch. ? psych ; VU, 1877 : Coiiii,(Ii,e sexualempfindung, p. 305.)
Anctoves, t. IV. 20
306 PATHOLOGIE MENTALE.
Observation IL Mère hystérique ; migraine chez Le frère.
Habitudes d onanisme. A dix ans impulsions à laisser tomber
les objets des mains ; plus tard, il est poussé à regarder les
fesses des femmes, des petites filles et aitssi'l'aiiiis d un garçon
habillé, le garçon nu le laisse indifférent. Les tableaux repré-
sentant des femmes nues et des statues l'excitent. Tendances
mélancoliques. Idées de suicide.
- M. X..., médecin, âgé de trente-trois ans, en proie à une
profonde tristesse, vient, au mois d'octobre 1881, demander con-
seil à l'un de nous pour les phénomènes étranges qu'il éprouve.
Sa mère, atteinte d'hystérie, présente des attaques et despériodes
de vive excitation intellectuelle ; son père, mort à soixante-qua-
torze ans, était asthmatique; un de ses frères est migraineux ;
quant à lui, dès l'âge de dix ans, il a été l'obj et d'obsessions aux-
quelles il avait beaucoup de peine à résister ; c'est ainsi que
tenant un objet à la main, une assiette par exemple, il se sen-
tait poussé à la laisser tomber à terre. Pendant deux ans, il a
dû résister à cette disposition maladive qui, d'ailleurs, a fini
par disparaître. Il s'est de tout temps adonné à l'onanisme ; il
a fait des études médicales avec beaucoup de peine, non point
qu'il fût dénué d'intelligence, mais parce que le travail le fati-
guait promptement. Depuis huit ans surtout, il avait beaucoup
de difficulté à suivre une idée, à appliquer son esprit à l'étude ;
il lui semblait qu'il comprenait plus difficilement et que ses
conceptions étaient plus lentes. Vers cette époque, il a commencé
à éprouver des phénomènes étranges : quand il voyait une
femme, sa pensée se portait vers la région fessière et il ne
pouvait s'empêcher de regarder les fesses. Cette obsession
devenait plus pressante dès qu'il s'agissait de petites filles. Dans
les foules il se frottait contre les fesses des femmes; mais dès
que l'érection survenait, il s'empressait de s'éloigner et d'éviter
les groupes. Il fuyait et évitait les tableaux et les statues repré-
sentant les femmes nues, parce qu'ils réveillaient en lui les
idées obscènes qui lui sont désagréables.
Pendant toute l'année 1880, il ne pouvait voir un petit gar-
çon sans que ses yeux se portassent sur la partie inférieure
du dos et que l'idée de l'anus vint s'implanter dans son
esprit. Il en était très malheureux, car il n'a jamais eu de
tendance à la pédérastie, et ses rapports sexuels ont toujours
été normaux. Il est bon dénoter que l'enfant t l'état de nudité
INVERSION DU SENS GENITAL. 307 ï
le laisse indifférent et qu'à l'amphithéâtre et dans les salles de
dissection, il n'avait aucune idée bizarre. Depuis un an, il offre
des alternatives d'excitation et de dépression, et parfois sur-
viennent des idées de suicide ; il voudrait, dit-il, se brûler la
cervelle.
Le fait saillant est assurément l'obsession singulière
qui dirige le regard du patient vers la région fessière
des femmes, et qui le pousse à la recherche de l'anus
d'un petit garçon habillé, le garçon nu ne l'impres-
sionnant pas. Ici encore ce syndrome n'est qu'un épi-
sode d'un état maladif qui prend sa source dans l'hé-
rédité, et qui offre d'autres impulsions, une émotivité
extrême, des tendances mélancoliques et des idées de
suicide, disposition dépressive qui persiste en dehors
des idées obsédantes. C'est donc toujours le même
état psychopathique avec des couleurs différentes dans
les manifestations.
Nous devons l'observation suivante à l'obligeance
de notre excellent confrère M. Blanche, qui a bien
voulu la détacher de sa riche collection pour nous
permettre de la joindre à notre étude.
Observation III. Hérédité névropalhique. Convulsions
dans l'enfance ; à six ans obsession pour la recherche des clous
des souliers des femmes ; exaltation ; création d'histoires fait-
lastiques ayant pour objet des clous; spasmes, érection et
éjaculalion au souvenir de ces histoires et aussi au contact
des clous. Accidents hystériques; idées hypochondria-
ques ; hallucinations. Phimosis et conformation vicieuse de
la verge.
M. X..., âgé de trente-quatre ans, marié, est né d'un père et
d'une mère qui avaient tous deux un tempérament excessive-
ment nerveux; sa mère principalement, qui vit encore, et qui
est âgée de soixante-douze ans, a toujours été et est encore,
308 PATHOLOGIE MENTALE.
aujourd'hui, dans un état presque permanent de surexcitation
nerveuse et mentale. *
Dans sa première enfance, M. X... a eu des convulsions très
violentes auxquelles il a failli succomber. D'une intelligence
extrêmement précoce, il savait lire à trois ans ; mais d'un autre
côté, il ne marchait pas encore, et ses forces physiques étaient
bien en retard sur ses facultés intellectuelles.
Il avait aussi déjà une grande exaltation cérébrale, et c'est à
cette époque que remonte le début de la névrose dont il est
atteint, et dont il n'a jamais cessé, depuis, d'être tour-
menté.
Vers l'âge de six ou sept ans, M. X... était déjà poussé par
un instinct irrésistible à regarder les pieds des femmes pour
voir s'il n'y avait pas de clous à leurs souliers ; lorsqu'il y en
avait, la vue de ces clous lui produisait dans tout son être
un bonheur indéfinissable. Deux jeunes filles, ses parentes,
logeaient dans sa famille; il se rendait dans l'endroit où leurs
souliers étaient déposés ; il s'en emparait d'une main fiévreuse
et frissonnante; il touchait les clous, il les comptait, il ne pou-
vait pas en détacher ses regards, et le soir, dans son lit, il
reportait sa pensée, alternativement, sur l'une ou l'autre de
ces jeunes filles, et il lui faisait jouer un rôle fantastique qu'il
imaginait; il voyait sa mère la conduire chez le cordonnier, il
l'entendait commander de garnir de clous les souliers de sa
fille, il voyait le cordonnier poser les clous et remettre les
souliers à la jeune fille; puis, il cherchait à se rendre compte
des sensations que celle-ci éprouvait en marchant avec ses
souliers à clous; enfin, il infligeait à la jeune fille les tortures
les plus cruelles, il lui clouait des fers sous les pieds, comme
l'on fait aux chevaux, ou bien il lui coupait les pieds, et en
même temps il se masturbait ; mais ce n'était pas seulement
pour se procurer la jouissance matérielle qu'on y trouve ;
c'était plutôt pour servir d'accompagnement à l'histoire fantas-
tique qui charmait son imagination.
Ces faits se reproduisaient assez fréquemment. M. X... ne
tentait aucun effort pour les empêcher ou les éloigner; il savou-
rait, sans remords, le plaisir sensuel qu'il en retirait; il était
encore un enfant, et il ne comprenait pas la portée des actes
auxquels il se livrait.
On le mit de bonne heure en pension ; ne voyant que très
peu de femmes, il y fut moins surexcité; il réfléchit, il s'exa a
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 309.
mina, et il pensa, par intuition, qu'il pouvait y avoir là un
mal moral et une habitude dangereuse.
Il résolut alors énergiquement d'y mettre un terme; la lutte
fut opiniâtre, mais elle n'aboutit qu'à rendre les crises plus
rares ; il avait à soutenir des assauts terribles : la tête en feu,
les membres raidis, les dents serrées, les poings fermés, il
cherchait tous les moyens de calmer ses sens ; puis, à cet état
violent succédait, tout à coup, une prostration complète, il
était comme anéanti, et il n'avait plus ni volonté, ni résis-
tance.
Survint une nouvelle aggravation. Les accidents, qui ne se
manifestaient que la nuit et dans le lit, se produisirent pen-
dant le jour; alors qu'il était le plus appliqué au travail, et
qu'il espérait y trouver une diversion salutaire, il se sentait
envahi par une force supérieure à sa volonté ; une de ces his-
toires fantastiques dont il a été déjà question, lui revenait à
l'esprit, malgré lui, phrase par phrase; et en même temps,
arrivait une érection, qui aboutissait bientôt à une éjaculation,
sans qu'il portât la main à la verge pour y aider, car, au con-
traire, il aurait voulu que l'éjaculation n'eût pas lieu, parce
'qu'elle l'empêchait de continuer et de finir son histoire, et
qu'il préférait de beaucoup le plaisir qu'il ressentait de l'his-
toire, à celui que l'éjaculation lui procurait.
Cet état ne subit pas de variations notables pendant que
M. X... fut en pension.
Pendant les vacances, le mal augmentait, parce que M. X...
se retrouvait nécessairement en compagnie de femmes, et il
augmenta plus encore pendant un séjour de quinze mois que
M. X... fit à la campagne, chez une de ses parentes, après
avoir terminé ses études : il voyait souvent deux jeunes filles,
ses cousines, qui habitaient dans le voisinage, et il passa ces
quinze mois dans un état incessant de surexcitation : lorsqu'il
était seul dans le jardin, assis sur un banc, il se racontait à
lui-même une de ces histoires fantastiques, dont les deux
jeunes filles étaient naturellement devenues les héroïnes du
moment; en même temps qu'il se racontait une histoire, iL
pressait sur sa verge à travers son pantalon, et il éjaculait, si
l'histoire durait assez de temps pour que le but de la mastur-
bation fût atteint ; mais si son histoire était finie avant que
l'éjaculation ait eu lieu, il s'en tenait là, et cessait de se mas-
turber; le lendemain et les jours suivants, il recommençait,
310 PATHOLOGIE MENTALE.
en ayant soin de s'arrêter dès qu'il sentait que l'écoulement du
sperme allait arriver. D'un autre côté, quand il était avec les
jeunes filles, il cherchait à voir les clous de leurs souliers. Une
d'elles s'en étant aperçue, et sans que M. X... lui eût rien dit,
ne manquait jamais, surtout lorsqu'elle avait des souliers
neufs, de passer son pied sur le sien, en appuyant légèrement,
de manière à lui faire sentir les clous. Ce contact amenait
immédiatement une éjaculation occasionnée non pas par l'im-
pression de la femme, mais par celle des clous. Plusieurs fois
même, il lui est arrivé de prendre les souliers des jeunes filles
dans l'endroit où ils étaient déposés, et il lui suffisait de poser
l'extrémité de sa verge sur les clous, pour que, sans aucune
pression de la main, l'éjaculation eût lieu 'aussitôt.
A l'âge de dix-huit ans, M. X... vint à Paris pour y étudier
le droit; il vivait chez ses parents. Pendant son séjour à la
campagne, il n'avait pas fait d'efforts pour résister à ses en-
traînements, mais dès son arrivée à Paris, il avait pris la réso-
lution de recommencer la lutte qu'il avait déjà entreprise
vainement, à l'époque où il avait été mis en pension. Il ne
réussit qu'à éloigner les accès; il s'estimait heureux quand il y
échappait pendant deux semaines ; mais la résistance n'était'
jamais plus longue, et quand elle s'affaiblissait, il se retournait
instinctivement dans la rue pour écouter marcher les femmes;
il avait acquis sur ce point une telle finesse d'ouïe, qu'il se
trompait rarement sur celles qui avaient des clous à leurs
souliers; alors, tout son corps était agité par un frémissement
voluptueux, de même que lorsqu'en passant devant des bou-
tiques de cordonniers, il voyait mettre des clous à des chaus-
sures de femmes, ou même qu'il voyait exposées des chaus-
sures de femmes, garnies de clous.
M. X... n'eut de trêve que deux fois : à l'époque où il était
amoureux déjeunes filles qu'il voulait épouser. Quoique éper-
dument amoureux, et prenant même certaines privautés qui
n'étaient pas repoussées, il était maître de lui, et ne satisfai-
sait pas ses désirs ; mais l'amour ayant disparu en même temps
que les projets de mariage qui n'avaient pas eu de suite, il
retomba sous l'empire de ses idées; il se remit à se raconter
ses histoires, dans lesquelles les deux jeunes filles avaient le
principal rôle, et il se livra, de nouveau avec fureur, à ses
pratiques de masturbation.
Plusieurs années se passèrent ainsi. Cependant et peut-être
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 311 i
avec quelque espoir de soulagement à ses souffrances, M. X...
se maria, et durant les premiers mois qui suivirent son ma-
riage, il y eut pour la troisième fois une trêve dans les acci-
dents, mais elle fut de courte durée.
Vers 1868, des modifications notables se produisirent dans
son état et, depuis, cet état est resté à peu près le même.
A la vue des objets qui les provoquaient autrefois, les érec-
tions n'existent presque plus; et, par contre, les spasmes ner-
veux qui lui donnent, sans l'aide de la masturbation, le plaisir
qu'il recherche, ont accru d'intensité. M. X... éprouve, en tout
temps, une douleur vague au sommet de la tête ; il lui semble
que cette partie du crâne est moins épaisse que le reste, et
qu'elle n'a que la consistance d'un cartilage ; cependant, c'est
précisément cette portion de la paroi crânienne qui lui parait
exercer une compression sur son cerveau, et il lui arrive sou-
vent de saisir-ses cheveux et de les tirer de toutes ses forces à
cet endroit pour soulever cette région du crâne, et faire cesser
la compression ; la douleur y est, par moments, très violente.
C'est là que commence le spasme, lorsque M. X... est en pré-
sence des objets qui le produisent : son cerveau semble entrer
en ébullition et vouloir soulever le crâne ; de là, la sensation
descend par la nuque, suit la colonne vertébrale, et se répand
dans les bras et dans les jambes, semblable à une secousse
électrique; en même temps, sa gorge se serre, sa poitrine se
contracte et d'après ce qu'on lui a dit, son visage s'anime, ses
regards s'allument d'un l'eu étrange, et sa physionomie prend
une expression de stupidité sensuelle. Il éprouve un frémisse-
ment intérieur dans la verge, mais il n'y a pas d'érection, et
s'il appuie sa main sur son bas-ventre, il arrive, par une légère
pression, à augmenter l'intensité du spasme, et à en prolonger
la durée. Cette intensité n'est d'ailleurs pas toujours la même,
elle varie suivant les circonstances : elle est moindre, par
exemple, si M. X..., causant avec un cordonnier, celui-ci lui
parle, d'une manière générale, des clous que l'on met aux
chaussures de femmes ; elle est plus forte s'il est question de
femmes qu'il connaît, ou, si au lieu de dire : mettre des clous
ci des bottines de femmes, le cordonnier dit : ferrer des bottines
de femmes, et mieux encore ferrer des femmes; l'intensité
augmente aussi graduellement si M. X..., après avoir vu les
chaussures dans la boutique du cordonnier, les voit aux pieds
d'une femme, s'il y a beaucoup de clous, et si les clous sont
319 PATHOLOGIE MENTALE.
gros, s'ils sont posés à des souliers, plutôt qu'à des bottines, et
si la femme qui les porte est jeune, jolie et élégante. L'im-
pression est parfois telle, qu'il est sur le point de s'évanouir,
ou bien il est pris d'un rire nerveux et incoercible, qui dure
plusieurs minutes.
M. X... se procure encore ses spasmes en se faisant mettre
à ses propres chaussures des clous qu'il garde pendant quelques
heures, et qu'il enlève ensuite pour les poser sur des morceaux
de carton qu'il découpe, en leur donnant la forme de la semelle
d'une bottine de femme, et surtout d'une femme qu'il a remar-
quée ; il lui est arrivé aussi d'acheter des souliers de femmes,
d'y faire mettre des clous devant lui, et de les emporter; puis,
quand il était seul, il touchait ces clous, il écoutait le bruit
qu'ils faisaient, en les posant par terre; enfin, il les approchait
de l'extrémité de sa verge, ce qui déterminait presque toujours
une éjaculation.
En dehors de ces crises spasmodiques, M. X... est sujet à
d'autres accidents, qui se rapprochent de ceux déjà connus;
c'est surtout quand il est plongé dans un travail absorbant, la
tête dans les mains, méditant profondément sur une affaire :
tout à coup, ses idées se présentent à son imagination ; il tâche
de les chasser; elles le harcellent comme des furies; alors, il
sent comme un voile s'étendre sur son intelligence et y faire
la nuit; ses yeux s'appesantissent, il se raconte à demi-voix
une de ces histoires fantastiques, et en même temps, il se livre
à la masturbation, soit directement avec la main, soit en ser-
rant sa verge entre ses cuisses, ou en la renversant sur sa
chaise, et en la comprimant de tout le poids de son corps.
La santé générale de M. X... a longtemps résisté, mais depuis
un an, elle s'est affaiblie et altérée. Après chaque crise, M. X...
est le plus souvent envahi par un sommeil irrésistible; et d'un
autre côté, il dort mal la nuit; il a de fréquentes et longues
insomnies; il est sujet à des douleurs très violentes à la nuque,
surtout à la suite d'un spasme avec ou sans masturbation ; il
sent comme des marteaux frappant à coups redoublés pour
repousser le crâne, de dedans et de dehors ; ces douleurs durent t
quelques heures ; rien n'a encore pu les calmer; sa tête est
entraînée en arrière, et il a besoin de l'appuyer pour la sou-
tenir. Depuis quoique temps, il a des engourdissements et des
fourmillements dans les membres inférieurs; les jambes lui
semblent lourdes ; il est encore bon marcheur, mais il a de la
INVERSION DU SENS GENITAL. 313
peine à monter; il est souvent tourmenté par la soif, il doit
boire de grandes quantités d'eau ; il souffre aussi de granu-
lations pharyngiennes. Les accidents qu'éprouve M. X... sont
plus ou moins intenses, suivant les saisons : les mois de juin,
juillet et août lui sont habituellement funestes ; il est plus
calme pendant les saisons tempérées, et aussi pendant l'hiver,
sauf les jours où les clous de chaussures de femmes laissent
leur empreinte sur la neige, ou sur la terre détrempée par de
grandes pluies.
Pour compléter ce tableau, il reste à faire connaître M. X...
au point de vue psychologique : M. X... est non seulement un
homme intelligent, mais de plus il est très instruit en toute
sorte de matières; il a la passion de l'étude; dans l'adminis-
tration à laquelle il est attaché, il est considéré comme un em-
ployé très capable, très assidu, et il est chargé de rapports très
importants et très délicats dont il s'acquitte d'une façon remar-
quable ; aussi ses services sont-ils très appréciés. En même
temps qu'il a une grande puissance de travail, il a une imagi-
nation très exaltée ; il ressent très vivement les peines et les
contrariétés, comme aussi les joies et les plaisirs. La surexci-
tation cérébrale va même parfois jusqu'à produire des illusions
des sens, et presque des hallucinations. C'est surtout dans les
moments où i) lutte contre ses pensées, et contre les entraînements
qui les accompagnent ; il lui semble alors qu'un second être
lui est juxtaposé et lui fait entendre, par des paroles qui lui
retentissent dans le cerveau, que la résistance est inutile.
Quand il a succombé, et que, désespéré, il prend la résolution
énergique de ne plus céder, il croit entendre, toujours dans
son cerveau, comme une voix qui lui fixe le jour où il cédera
de nouveau. Cette voix, qui lui semble être celle d'un être qui
lui est étranger, et non l'écho de sa pensée à lui-même, il l'a
entendue aussi pendant les intervalles les plus longs de calme
qu'il ait eus, lorsqu'il était amoureux et avait le projet de se
marier ; et plus tard, pendant les trois premiers mois de son
mariage, et c'était aussi pour lui indiquer le jour où il
succomberait. Lorsque ce jour approche, M. X... redouble de
précaution pour éviter tout ce qui pourrait aider à sa chute; il
y met de l'amour-propre ; c'est comme un duel entre l'être
étranger et lui ; mais le jour arrivé, une sensation de langueur
s'empare de toute sa personne, son intelligence s'obscurcit, et
la crise ne peut être évitée.
3 I · PATHOLOGIE MENTALE.
lI. 1... est affecté de phimosis ; chez lui, le prépuce dépasse
de plusieurs centimètres le gland, qui n'est jamais, même
partiellement découvert ; la verge est courte et très renflée
vers sa racine, ce qui est encore un autre défaut de conformation.
La turgescence de la verge n'a pas lieu sous la forme habituelle
de l'érection ; la verge ne s'allonge pas et se renfle seulement
- du côté de la racine; d'où il résulte que le coït est impossible
à pratiquer dans les conditions normales.
Cet individu, fasciné par les clous d'une semelle de
soulier de femme, s'était masturbé à la porte d'un cor-
donnier, et avait été mis en prison sous l'inculpation
d'outrage public à la pudeur. Le rapport de M. Bilan-
che a été suivi d'une ordonnance de non-lieu.
L'étrange perversion sexuelle qui a débuté à six
ans, est le phénomène saillant de cette observation ;
mais ce n'est là qu'un épisode d'un état maladif, que
démontrent les antécédents héréditaires, les accidents
hystériques, les idées hypochondriaques, les hallucina-
tions et les signes physiques de dégénérescence.
Observation IV. Famille d'excentriques : père halluciné,
s'essuye le visage avec une peau de lapin; soeur refusant
longtemps le mariage, veut un jour épouser un comédien vieux
et laid; frère mal équilibre. L..., à cinq ans, érection
devant un bonnet de nuit, une coiffe. Plus lard éjaculalion au
contact du bonnet de nuit. Frigidité ci la première nuit
des noces; devoirs conjugaux remplis à l'évocation de l'i-
mage d'une tête de vieille femme ridée couverte d'un bonnet
de nuit. no</<;e; crainte des lieux élevés, idées znélm7co-
liques, tendance au suicide.
M. L..., âgé de trente-sept ans, d'une bonne constitution,
est issu d'une famille d'excentriques. Le père, fort original, très
extravagant, très irrégulier dans ses habitudes, mange à toute
heure du jour, fait jusqu'à cinq repas, passe souvent ses. nuits
à lire des romans ou des journaux; parle avec vivacité, crie
dans ses discussions, et se fait souvent remarquer par des sin-
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 313
gularités, c'est ainsi qu'il s'essuye la figure avec une peau de
lapin. A plusieurs reprises et à des époques différentes, il a eu
des hallucinations pénibles la nuit, sans que l'on ait pu les
attribuer à l'alcoolisme. La soeur du malade, âgée de trente-
huit ans, demeure avec le père, elle n'a jamais eu de disposi-
tion pour le mariage, elle a refusé deux partis fort convenables,
et un jour étant allée au théâtre, elle a témoigné le désir
d'épouser un acteur vieux et très laid qu'elle avait vu jouer,
mais qu'elle ne connaissait pas autrement. Un frère, âgé de
trente-deux ans, d'une santé physique excellente, est resté
rebelle à toute discipline, a fait des études très incomplètes,
après avoir essayé vainement de plusieurs métiers, a fini par
se faire cocher et a épousé la cuisinière. M. L... était studieux,
mais il apprenait avec difficulté. N'ayant pas acquis l'instruc-
tion suffisante pour embrasser une profession libérale, il se fit
d'abord tapissier, puis imprimeur, plus tard coiffeur, pour
devenir enfin clerc d'huissier, clerc de notaire et commis dans
une maison de commerce. De tout temps, il a eu la fantaisie
d'acheter des bibelots, des objets d'art, et pour satisfaire ses
goûts, il se privait des choses les plus indispensables et faisait
des économies sur la nourriture et sur les vêtements. Il est
d'une timidité extrême, il se trouble et balbutie devant les
clients, il est incapable d'écrire devant ses parents ; dès qu'on
l'observe, il ne peut plus former les lettres et trace des carac-
tères illisibles. A l'âge de cinq ans, ayant couché pendant cinq
mois dans le même lit qu'un parent âgé d'une trentaine d'an-
nées, il éprouva pour la première fois un phénomène singu-
lier, c'était une excitation génitale et l'érection, dès qu'il aper-
cevait son compagnon de lit se coiffer d'un bonnet de nuit.
Vers cette même époque, il avait l'occasion de voir se désha-
biller une vieille servante, et dès que celle-ci mettait sur sa
tête une coiffe de nuit, il se sentait très excité et l'érection se
produisait immédiatement. Plus tard l'idée seule d'une tète do
vieille femme ridée et laide, mais coiffée d'un bonnet de nuit,
provoquait l'orgasme génital. La vue du bonnet de nuit seul
n'exerce que peu d'influence, mais le contact d'un bonnet de
nuit provoque l'érection et parfois l'éjaculation. Par contre, il
se souvient qu'à sept ans il était resté absolument réfractairc
aux tentatives de masturbation faites sur lui par un de ses
camarades d'école. Il n'a,jamais recherché les rapports anor-
maux ; il affirme que la vue d'un homme ou d'une femme nus
3111 G PATHOLOGIE MENTALE.
le laisse absolument froid. Jusqu'à trente-deux ans, époque de
son mariage, il n'aurait pas eu de relations sexuelles; il épouse
une demoiselle de vingt-quatre ans, jolie et pour laquelle il
éprouvait une vive affection. La première nuit des noces, il reste
impuissant à côté de sa jeune femme; le lendemain la situa-
tion était la même lorsque, désespéré, il évoque l'image de la
vieille femme ridée, couverte du bonnet de nuit; le résultat ne
se fait pas attendre, il peut immédiatement remplir ses devoirs
conjugaux. Depuis cinq ans qu'il est marié, il en est réduit au
même expédient, il reste impuissant jusqu'au moment où le
souvenir rappelle l'image favorite. Il déplore cette singulière
situation qui le force, dit-il, à la profanation de sa femme.
Quelquefois, mais à de très rares intervalles, il a des halluci-
nations la nuit, celles-ci ont déjà fait leur apparition à l'âge de
dix ans et il en a eu encore l'année dernière : il voit plus habi-
tuellement une bête noire qui veut le saisir au cou. Dès son
enfance, il a eu également/les accès passagers de profonde tris-
tesse avec des idées de suicide, plus particulièrement de sub-
mersion et de pendaison ; il a songé aussi quelquefois à s'em-
poisonner ; mais il n'a pas le courage, dit-il, de le faire; il
hésite aussi à cause de l'affection qu'il éprouve pour sa femme.
Il éprouve également des craintes vives quand il monte sur
l'impériale d'un omnibus ; il est pris de vertiges et de nausées,
il se voit très élevé, il s'imagine n'avoir rien pour se soutenir
et il lui semble qu'il va tomber. Il ne peut, sans de grandes
appréhensions, regarder par la fenêtre d'un troisième ou d'un
quatrième étage. (En passant à côté d'une maison élevée, il
craint qu'elle ne s'écroule sur lui.
Chez ce malade, véritable héréditaire, les troubles
psychopathiques sont nombreux. Dès l'âge de cinq
ans, sans nulle préparation, passivement en quelque
sorte, L... est envahi par l'idée maladive et devient
l'esclave de l'obsession la plus étrange; le bonnet de
nuit à partir de ce jour, va peser sur toute son exis-
tence. Qui peut se douter d'une situation aussi pro-
fondément triste, en dehors du malade et du médecin,
à qui il fait ses confidences ? Et cependant que de
symptômes révèlent chez cet homme la prédisposition
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 317
morbide qu'il tient de ses parents : hallucinations, ob-
sessions de toute nature, impulsions, craintes imagi-
naires, émotivité extrême, tendances mélancoliques,
idées de suicide ; rien n'y manque. A un examen super-
ficiel, cet homme ressemble à tous les autres, il vit de
la vie commune, tandis qu'au contraire tout est chez
lui lutte, artifice et contrainte; chaque minute voit
naître un motif nouveau d'angoisse et de perplexité.
Voilà l'état maladif. Comment pourrait-on le soup-
çonner si, partant de l'étude des facultés de l'âme, on
s'en tenait aux simples spéculations psychologiques ?
Observation V. /A'' ? 'e'6e morbide coizvei-ge7îte.- Intelligence
mal équilibrée; conformation vicieuse du crâne ; à quinze ans
obsession impulsive le poussant ci voler des tabliers blancs pour
se masturber ; rêves de tabliers blancs ; quelquefois couche avec
le tablier blanc ; trois condamnations pour vol de tabliers
blancs ; ordonnance de non-lieu pour le dernier vol. Dé-
pression mélancolique; tendances au suicide.
C... (Auguste), journalier, àgéde trente sept-ans, entrepour
la seconde fois à Sainte-Anne le 3t novembre 1881. Il offre
une double hérédité morbide, son père alcoolique est mort
d'une cirrhose hépatique; son oncle paternel est mort aliéné
à l'asile de Pontorson. La mère et la soeur nerveuses, irritables,
sont toutes deux portées à la mélancolie. Un frère faible d'es-
prit a eu à vingt ans un accès maniaque. Lui-même, dont le
niveau intellectuel est peu élevé ctles facultés mal équilibrées,
présente des signes physiques de dégénérescence; son crâne
est mal conformé; la bosse frontale droite et la bosse tempo-
rale gauche sont plus saillantes, le front est fuyant, et l'en-
semble présente un notable degré de plagiocéphalie. A treize
ans et demi, il aurait eu une fièvre typhoïde; il est allé à l'é-
cole, il a appris à lire et à écrire, mais il a été peu appliqué et
toujours irrégulier dans son travail et sa conduite. A quinze
ans, il aperçoit flottant au soleil, un tablier qui séchait,
éblouissant de blancheur, il approche, s'en empare, serre les
cordons autour de sa taille et s'éloigne pour aller se masturber
au contact du tablier derrière une haie.
318 PATHOLOGIE MENTAL) ?
Depuis ce jour, les tabliers l'attirent, il ne peut s'empêcher
de les prendre, s'en sert pour pratiqucrl'onanisme, puis le re-
place dans le lieu où il l'a pris, ou bien il le jette ou le laisse
chez lui dans un coin. Quand il aperçoit un homme ou une
femme avec un tablier blanc, il les suit, ne tenant aucun compte
du sexe, le tablier seul offrant tout l'attrait.
En 1861, les parents voulant mettre un terme aux vols de
tabliers, le font engager dans la marine ; il avait alors seize
ans. A bord du navire, ne voyant plus de tabliers, il se calme
et son esprit reste en repos : « Je n'y pensais pas, dit-il, je n'en
voyais pas. » Rentré en France en 18GN, il passe deux mois de
congé à Pontorson; la vue des tabliers le pousse de nouveau
à s'en emparer et à se livrer à l'onanisme. Souvent il ferme les
yeux et éprouve une très vive satisfaction à se représenter le
tablier blanc, flottant, tel qu'il lui était apparu la première
fois. La nuit il rêve aux tabliers blancs. Il est poussé à prendre
les tabliers et non autre chose ; il y aurait eu, dit-il, cent francs,
mille francs, à côté du tablier qu'il se serait uniquement em-
paré de celui-ci et non de l'argent.
En 18G5, pendant un congé de quinze jours, il est arrêté par
la police pour vol d'un tablier blanc. Devant le tribunal, il ra-
conte ses obsessions, ses impulsions, mais on rit, il n'est pas
écouté et se voit condamner à huit jours de prison. Quelques
années après, à Cherbourg, étant sur le cuirassé ? Ua/<7c,
pendant une permission de vingt-quatre heures, il vole un
tablier qui sèche au soleil; surpris en flagrant délit, il s'enfuit,
se cache, ne rentre à bord qu'au bout de neuf jours. Il raconte
ce qui lui est arrivé, il insiste en affirmant que c'est la vérité,
le conseil de guerre se montre, dit-il, indulgent, laisse de côté
la désertion et ne le condamne qu'à un mois de prison. A lto-
chefort, étant sur la canonière la Comète, en 1870, il obtient
une permission de vingt-quatre heures. Il flânait dans les rues,
lorsque passant devant la porte d'un pâtissier, il aperçoit dans
une armoire une pile de tabliers blancs, très propres et bien
pliés. La boutique étant surveillée, il n'ose pas y entrer. Il
guette dans la rue, sombre, triste, attentif à ce qui se passe,
ne perdant pas l'armoire de vue et poursuivi par l'ardent désir
de s'emparer de ces tabliers. Les heures s'écoulent, la nuit
arrive, il ne quitte point son poste; enfin la boutique se ferme;
lorsque les lumières sont éteintes, que tout bruit a cessé, il
escalade un mur, descend dans une cour, pénètre dans la bou-
INVERSION DU SENS UHMTAL. 319
tique, met la main sur les tabliers et au moment où il se retire
il renverse un meuble, dont le bruit attire l'attention ; on
accourt, on l'arrête tenant son tablier.
Devant le conseil de guerre, l'avocat réclame une enquête
médico-légale, on refuse, il est condamné à un an de prison.
Après avoir subi sa peine, il veut fuir les tabliers et s'engage
sur un transatlantique, où il passe près de deux ans. Au retour
il est triste, découragé, se sent impuissant à résister aux obses-
sions et pour échapper à de nouveaux malheurs, il forme le
projet d'entrer au couvent de la Trappe. On l'admet après de
pressantes démarches. Très fervent au début, il embrasse avec
joie la vie monastique : il se lève à deux heures du matin;
s'inflige la discipline, se frotte le corps avec des orties, s'en-
fonce des épines sous la peau, et malgré ce dur régime, jouit
d'un repos relatif, n'étant plus obligé de lutter contre ses
obsessions. Cependant au bout de trois ans, son zèle religieux
commençant à fléchir, il quitte le couvent et pendant quatre
ans, de 1876 à 1880, il se place dans des pensions ou des col-
lèges, comme garçon de table ou de dortoir, et peu à peu re-
prend ses anciennes habitudes, dérobant tantôt un tablier
blanc, d'autres fois en achetant et reprenant avec eux ses pra-
tiques d'onanisme ; il couchait même quelquefois avec un
tablier blanc. En avril 1880, il quitte sa place, passe sa jour-
née au cabaret, et le soir il est arrêté à Bercy escaladant un
mur pour s'introduire dans une maison. Une perquisition faite
chez lui amène la découverte d'une collection de tabliers
blancs maculés de sperme. Cette fois une enquête médico-
légale est suivie d'une ordonnance do non-lieu et il entre à
Sainte-Anne le 23 mai 1880.
Au bout d'un an de séjour, il est rendu à la liberté; mais il
est triste, sombre, découragé, devient irritable, et forme par-
fois des projets de suicide. Eu six mois, il fait cinq places, et
après une période de dépression avec idées mélancoliques il
est ramené à l'asile. Il raconte qu'il n'a plus dérobé de tabliers,
mais qu'ayant eu des relations avec une femme, il avait eu
recours au souvenir du tablier blanc et qu'il l'avait évoqué
aussi en se livrant à l'onanisme.
L'obsession chez ce malade atteint un tel degré d'in-
tensité que non seulement il se soumet volontairement
à une faction des plus prolongées, mais ne craint pas
320 PATHOLOGIE MENTALE.
dc's'exposer à de' grands'dangers pour aboutir à quoi ?
àjlaiiconquôte) dunntablier ? blanc'.t`'Il subit plusieurs
condamnations;, mais impuissant'à dominer ses désirs,
il.essayeoc>,esmoyens' héroïqites : voyages en mer, puis
refuge», dans ? un couvent`llais à- 'peine touChe=t=ill à
ter,re,'>qu'.il .recommence1 ; .à'peine' est-il sorti ''du cloître
qu ? ts;empresse,la'ach'eternou de' voter des" 'tabliers
bjancs, C'es)j)à. ! une fatalité poursuivant ce malheureux
et) pesant .de toute sa force sur'son existence. Ici, ce'
n'est encore qu'un phénomène morbide saillant, s'asso-
mélancoliques sur'un sujet enta-
ché de dégénérescence. ,,
i m .nOi i iln I ')' '
Ces i quatre cas "de perversion de l'instinct génital sont
suffisants pour/démontrer que ces délires multiples
ne sont que des épisodes variés de la même maladie ;
chez-tous ces malades l'hérédité fait sentir son in-
fluence'. ,
tn. i .,(. ')'' nlrt ! . . ''
t,\o4 ^appelons encore les deux observations suivantes de perversion
]le; 1 gIl it ? Dans le premier- cas, il s'agit d'une fille de vingt-
]ici] mct'p .est hysléro-épileptique, et dont le père metancu-
1. [(Ill(" çs n).0t't, : i la suite d'accidents cérébraux aigus. Laissant de coté
les autres tlésprdre$I2scliopatl,iclues, arrêtons-nous aux troubles sexuels.
i^pçpuisjiuit ans, elle est sous le coup d'impulsions nymphomaniaqucs
(1,11 Il particulière : elle éprouve un besoin irrésistible de cohabi-
,ai oli anïc c uy de ses jeunes neveux. Elle a cinq neveux dont l'aîné est : li;yçIwizq,lys.,C'est"Ini qui a été l'objet de ses premiers désirs, sa
vue, . lailt lait ( 1 Il,), état d'excitation extrême, elle éprouvait des sensa-
tions voluptueuses qu'elle était impuissante à réprimer, qui s'accompa-
gndient (Je,.soupirs, d'inclinaisons de tète, de déviations des jeux, de
rougeur dc'ja lace, quelquefois de spasme et de sécrétions vaginales ; elle
se sentait poussée il le suivre et à l'approcher d'elle. Plus tard, quand
il acrandi et L la naissance du second frère, c'est ce dernier qui est de-
venu l'objet fia ses, convoitises maladives, puis enfin le troisième, le
quatrième ^et actuellement c'est le dernier venu âge de trois ans dont
son,esyltsttpr,uccupH. Elle se sent poussée à l'attirer près d'elle.
Parfois 'eue le voit un debout, elle croit même l'entendre ; parfois elle
croi6'iiiyjpdtiy,yctS;accoynlil ; à table, en public, elle se voit décou-
verte,* é;fyV ,4,1 ? 1, lwsur, elle ; dans cette hallucination, elle n'aperçoit
pas' 1 inuigC ! eiitiej^,^ l'enfant, le tronc seul est visible avec les organes
INVERSION DU SENS GENITAL. 321
De très bonne heure, avant même qu'une éducation
vicieuse, comme nous l'avons déjà dit, ait eu le temps
de modifier l'individu, l'impulsion se montre pressante,
impérieuse, avec tous les caractères d'irresponsabilité
qui la font distinguer. Mais qu'à la place desclousde sou-
liers, de bonnets de nuit, ou de tablier blanc on considère
que l'obsession ait l'homme pour objet, les phénomènes
se dérouleront de la même manière ; et, il faut bien le
génitaux appliqués sur les siens. Très émue, elle adresse de pressantes
questions 1 ses voisins, leur demandant s'ils ne voient rien, et n'ont rien
ti.
« Cette malade est très lucide, elle est désolée et honteuse de ces
singuliers désirs, elle est tranquille, travaille et s'occupe toute la journée ;
elle sort de temps à autre, et va dans sa famille pour essayer en quelque
sorte ses forces; mais encore la vue de son neveu l'impressionne vive-
ment ; à table, dans sa famille, elle se place loin de lui, mais pendant
toute la durée du repas,' elle éprouve des spasmes, du malaise à l'es-
tomac, une constriction à la gorge, et la lutte lui devient des plus
pénibles. Elle n'a jamais cédé à cette perversion instinctive et elle a
toujours évité le contact des petits garçons.»
Dans la seconde observation il est question d'un peintre en bâtiments
âgé de quarante-quatre ans.
« Il avait depuis longtemps contracté des habitudes d'onanisme qui ont
presque entièrement cessé depuis un an ; il faisait souvent des dessins
obscènes qu'il distribuait ses camarades. s'est habillé aussi deux fois
en femme étant seul dans sa chambre. Depuis deux ans, il n'a plus
d'érection, ne peut plus avoir de rapports sexuels, mais il a parfois des
pertes séminales. Depuis cette époque, dit-il, il se sent poussé à des
actes contre nature. A la tombée de la nuit, il se dirige vers les rassem-
blements, aux stations d'omnibus, auprès des bateleurs, il s'approche
et se place derrière une femme, cherchant de préférence la plus grosse;
puis il retire sa verge qui reste fiasque et se frotte contre les fesses de
sa voisine. C'est pendant qu'il se livre à cet exercice, à la station d'om-
nibus de la place Clichy, qu'il est arrêté par un agent des moeurs. Il
a été, dit-il, pour le frottage, condamné à quatre mois de prison,
ce qui est exact.
« Sa femme est crémière, et c'est lui qui ouvrait la boutique tous les
matins, plaçait le lait sur le feu et servait les premiers clients. A plu-
sieurs reprises, il n'a pu s'empêcher, dit-il, de tremper ses organes
génitaux dans la boite au lait, il s'essuyait tout aussitôt ; le contact du
lait lui donnait une sensation de velours. Il n'hésitait pas à distribuer
ce lait aux clients et il puisait sans répugance à cette même boîte pour
son déjeuner. " (Magnan. Etude clinique sur les impulsions et les actes
des aliénés. Leçon faite à l'asile Sainte-Anne, le 23 janvier 1881, Tribune
médicale, mars 1881.)
Archives, t. IV. 21
322 PATHOLOGIE MENTALE.
reconnaître, l'histoire de tous ces malades offre beau-
coup de parenté. Ils sont, pour ainsi dire, coulés dans
le même.moule,,11ls/n$diffèrepjl eurl$ICies autres que
par le degré plus ou moins accusé de dégénérescence
intellectuelle.
Si, quittant le domaine de la sphère génitale, nous
observons' ce qui' se passe dans les autres étatsflimpui-
sifdqda's'là'dipso" 1 i nie par e emp e 'où' 1 irrésistible
.I : 1111'lIlJ.f· Il il. \fîi // 1. ll^/. I··n 1 rl'n ? p,·,l
besoin de boire s empare du sujet, nous voyons dans
',le ? mêmes luttes, les''mêmes résistances,
j'iini/ rib mou ii, m ,.\|. ? .... i j, i .<l -f m , ) il. ? es,g, ajigvp]ssesçt h·âlüuelémeiit, coîte,qilécôtl,g,
lai satisfaction 'finale'du besoin' maladif. Chez quelques-
'IJIIh'1 fil) ' i 1 il 1 I
ln 4,.Mc ? rppùlsifs'Ùiême, comme 'dans la dipsoma-
nie, on observe une certaine intermittence, et c'est par
âcces"cue se présentent' les excitations impulsives : c'est
là un caractère de plus de la folie héréditaire. ,
1'D'4 opès 1 ce qui précëde, nous n'avons pas besoin
c ? çzlste,sux,a au de ces diffe-
rents1 'phénomènes. Ces obsessions, ces impulsions qui,
le malade, en a conscience, 'affectent
-certaines', allures de bénignité, sont, au contraire, les
,3nâ ? festiôs l >,n état, toujours grave. 'Il faut dés ! terrains' de i choix, i (prédisposition héréditaire, dégéné-
,jHë^eriëë)l1J j[)dW Vfue'pareille^ floraison' puisse se pro-
U I W n 11 i.m 11 m C..) j ? , n IJ -n. n (m ,
duire. } ..aussi, vient7on, à, fouiller daps.Ia vie,, pàtholo-
ilidileidus on 'ne manqué pas, à moins de
l' ) flf 1fl'y ry n·y 1 · h .u,n.L - - uinl^,/ ?
irejt)cenceSideu^aJparjlJldip./njal,a1de ouu de, la tamille, de
"dé'c'6uvrir"ù'n 'étatûnévra' ouJpschopathique des' plus
rnolyt li·1;1 ll,.b llllnuul l nu nui'ii'i' ii lliin .r.i., t I m i
iiPrj°IPiWt^'j ii'))JpU ! nt oi|i.i(,'i.i 'ib , 1 ? 1 i ]j ! (, ! - ,1, ? 1, h. i
- lifta flfl2 ftiDft ni ,'J'IJ,flil'1 1111'11 ! ) allfl lub-n il ? 1 t v mll· ni
nli ·nnnlrnt.1 n -3rtJ inii| il* iib -I nu ,1 ." I '.ii|i minium'i
l'O ^ u i r 1 1 1 1 . 1 1 1 "i 1 1 ii.iu - , i 011,.l ., ? I tg el 1 - , , r "' es, 1 " , Il i-
RECUEIL DE' FIAIS ? La mu, entra, , clans le, ffli'ywe.m.eQLCftiJap |L jiqpuaj
Saint-Lazare, un jeune homme âge de seize ans du nom de André
Héat ? n'nous''d6nna''cmmë'nseigemenq'ue'lem ?
très inquiet et peu'raix 6epuisquelqite jo lie dormait; pa £
et ne pouvait plus prendre aucune nourriture, ni boisson, à cause
j. ' j 1. 1 'iiiiid-' ? iin- .u , ii->ryp.(i| PfiM vi)j ? iili
des crampes du pharynx qui se manifestaient au moment de la
déglutition. 11, ,t))')h ! )li'i.),i'i,> tIIII 0'1981u fI0 tout
Le malade, robuste^ (le faille moyenn,e,et. si^ ,fat>Jp Glg ? gt
sauvage, que nous ne parvînmes à l'examiner qu'avec beaucoup
de difficulté. '' ' '< ni n 1,1 --l cil fil; ni
Cet examen nous. démontra queues.,organes internesetttient
intacts et que les organes des sens fonctionnaient normalement. t
Lés actifs et dés
Les mouvements actifs et pasifs'UeS'Leti%i 1
tionncment des muscles par groupe et
moindre dL',s 'ordre. 1 »b -,1,, 1 ,,f , t t | ^5 as : r
' Par contre, l'état psychique du malade étaiï keW
il était surexcité, ne pouvait rdster- en place) tpur)rMntaitl69,a)iJ.t)6s
malades et l'infirmier, à.tel point qu'on dutle transporter-dans la ? \ ? <* "ftiu. ? {< n\l11
division des aliénés."A ce moment apparut un vrai délire furieux.
Le patient courait à travers \éà corridbrs ! <<{ria4ïfe.e{'huriuntlîfjJappaIt
et mordait les infirmie^s^^^nSjrr^'oii^paijynt à Je lllêlltu
après l'administration de fortes doses de'chloral' hydraté. 'Des
hallucinations apparurent 'àssi ti 19 tüal'adt : itifij' £ it<lstrir`tèt'e ? 7éllûit
qu'ort,voulaitla Jtattre·etl,q.lnur ? t P ? t oun lepi·gia4 ? iççs
accès maniaques violents succédait un état de repos, pendant lequel
le patient répondait avec ealmaux'quest)d&s''quh ti
r insistait beaucoup sur, les. douleurs qu'il §PF QUiX ? ^ 4ftus'iivlï'3fi'/mi Au
cou. Lorsqu'on pareille occasion on le touchait dans ecite i,.é-ion
il était pris, dans tout le corps, de crampes toniques eelgft litidii
môme temps, en faisant une horrible grimace, la main à son cou,
1 Communiqué dans la séance du 20 juin 1882 à l'Académie des
sciences de Cracovie, section des sciences mathématiques et naturelles.
324 RECUEIL DE FAITS.
comme si on voulait l'étrangler. Ces accès se renouvelaient fré-
quemment et tout attouchement volontaire ou involontaire les
provoquait. Il éprouvait une impression pénible quand on lui
présentait une tasse de café par exemple, ou du pain. Le regard
anxieux, la bouche ouverte, il prenait la tasse, puis la laissait
retomber,' en proie aux crampes du pharynx provoquées par la vue
de ces aliments. Les bains chauds apportaient quelque soulagement, L,
mais lorsqu'il fallait le sortir du bain, les crampes le reprenaient
de nouveau.
A tous ces symptômes s'ajoutèrent de la salivation et de la
faiblesse des 'membres inférieurs. Le malade toussait souvent, se
mouchait beaucoup et crachait autour de lui. S'il, essayait de se
lever de son lit pour s'enfuir, il avait de la peine à se tenir debout,
' fléchissait et finalement retombait sur son matelas. Le troisième
jour après son admission à l'hôpital, les symptômes prirent un
caractère menaçant. La faiblesse des membres inférieurs se trans-
forma en une paraplégie complète,qui débuta par la jambe gauche,
puis prit la jambe droite. L'irritation réflexe était tellement accrue,
que le plus léger souffle suffisait à provoquer les crampes. Le malade
délirait constamment, il voyait sa mère murée, qu'on voulait brûler
dans un. four, des cheveux et des vers qui l'accablaient partout
et' qu'il retirait continuellement de son café. Ces manifestations
n'étaient accompagnées ni d'un accroissement de la température,
ni d'une plus grande fréquence du pouls. '
i, Vers le milieu du troisième jour la scène changea tout à coup;
la peau du malade devint rouge et moite, couverte de sueur, le
pouls-atteignit 120, le délire continua sans ordre, les pupilles se
dilatèrent d'abord et se contractèrent ensuite ; suivit une légère
blépharoptose de l'oeil droit. Finalement la respiration devint irré-
gulière, l'oedème du poumon survint et le malade mourut.
D'après la marche de la maladie, il n'était pas douteux que le
malade avait été atteint de la rage et y avait succombé.
Ses.antécédents avaient d'ailleurs contribué à la certitude du
diagnostic. Peu de temps avant sa mort, ce garçon jouissait d'une
santé parfaite, il était employé chez un boucher qui l'avait chargé
de transporter la viande aux clients dans une voiture attelée d'un
chien; le contact continuel avait familiarisé les chiens avec le
idéfunt qui passait tous ses loisirs à s'amuser avec eux.
. ' Or, il paraît que deux mois auparavant, on avait tué le chien
. d'un (Voisin, atteint de rage, qui en avait déjà mordu d'autres, et
c'était, .précisément, ce chien, qu'on disait avoir vu le plus souvent
dans)aisoci4te du jeune homme. De l'aveu du malade ainsi que
des renseignements obtenus, il résultait que celui-ci n'avait pas été
. rxtAcçju ? d'dilleurs,pn n'a pu trouver sur le cadavre aucune cicatrice
. provenant, de morsure ? , , 1 m, ,, l ,,
-n -Ai I'autopsie les altérations pathologiques tétaient les suivantes :
SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 325
OEdème du poumon, hyperhémie très prononcée' de la pie-mère et
une apparition tout à fait inattendue et intéressante du. côté, de la
moelle épinière.. . il . t;..., z ., 1 ., 1
La partie 'intérieure de la moelle cervicale et particulièrement le
segment inférieur du renflement brachial était le. siège, d'un gon-
flement de la nature d'une tumeur : A la formation de cette tumeur
prenait part surtout la face antérieure et, latéiialci dalla, moelle
PL.'V, fi. 1, 2, 4 et 5). La proéminence avait la forme diune,ellipse,
elle comprenait toute la moitié gauche de la moelle et pénétrait
dans la moitié droite de telle manière que la scissure longitudinale
antérieure décrivait un arc. de cercle'autour d'elle. La)tumeur
s'étendait du cinquième jusqu'au 'septième nerf cervicaLet,avait
une étendue d'à peu près trois centimètres, son axei longitudinal
se confondait avec .celui de la moelle.. Juste au milieu ? cest-i,rdiue
sur le point culminant de la tumeur, reposait la racine antérieure
du sixième nerf cervical. - il' 1 .-11. 1..1 .11 .1 l'.
Je veux immédiatement faire observer que cette, racine, ainsi, que
les racines antérieures et postérieures des cinquième et' septième
nerfs étaient absolument normales au point de vue de leun.rapport
avec la substance médullaire et du nombre de leurs fibrilles, i,
La tumeur était lisse à sa surface, elle se présentait à l'oeil comme
une projection en fuseau de la moelle; la couche superficielle était
composée de substance médullaire qui se confondait, et 'se,con tir
nuait sans interruption avec la moelle environnante. i-1-1 ? r h !
Sur une coupe transversale pratiquée au milieu de la tumeur/ on
voyait une substance néoplasique, blanche, durcj'circulaire;1 qui se
distinguait par un contour très accentué du reste de- là' substance
médullaire normale. C'était donc cette néoplasie qui, pér sapré-
sence dans l'intérieur de la moelle épinière, avait occasi0nnécetté
difformité. L'idée que les symptômes observés 'chez notre, malade
pouvaient avoir quelques rapports de causalité avec cette néoplasie,
pouvait être réfutée d'avance. Les symptômes et particulièrement
ceux qui auraient indiqué une lésion de la moelle à la 'naissance
du plexus brachial n'ayant pas été'constatés,'iUfaut conclur2qtie
cette néoplasie a pu prendre ces dimensions relativcmenf considé-
rables et se développer avec une force extraordinaire aux'dépehs
de la moelle, sans provoquer aucun trouble de ce côté : ' 1,tiri
Le fait était trop important et intéressant pour quoi in'egà ? it
pas d'en déterminer l'origine. Je fis 'durcir,' à 'cet efletj'lla1 n1b'elle
malade dans du sulfate de picrine, solution préférable-'à 'l'acide
chromique'et à ses sels dont on se sert habituellem'ent'pour'dûrCir
le tissu nerveux, et je divisai la ! tumbur et le tissu ambiant lerïlulie
série de coupes transversales ? ' '' Il .1(1 ' ? m'tan'r) - - -il
La première particularité qui' attirait ! l'3'ttemti6'n ? h regardant
la tumeur par en haut, c'était l'asymétrie
quée des colonnes grises des deux moitiés de lalmoelle épinière.
, £ ? , ? l : l·71J1" · · · i. i,
326 RECUEIL DE FAITS.
mll- nl 1· O( n·i n Iwmlrl · 1 ·. ni,. I ? ?
Pendant que la.substance gnse de la partie saine, z de
la moitié droite de la' moelle, conservait sa configuration naturelle,
la corne antérieure de celle du côté gauche grossissait rapidement
, ? ,
,. La V, coine,anterieure Il' 1). auche épaissie n'offrait tout d'abord rien
dé particuliérFig. 1); oii pouvait .vdnetli,e;due cet accroissement
de volume était dû, à une simple hyperptasie de la substance grise.
Ce .n'est que plus bas (Fin. 2) que cette masse néoplasique prenait ? 'jr ? ? "' «' ? il . ? '
un, caractère dînèrent ? ( , , ,
' 0 1 ,t j Il ,il 1111 11.1 1 . épâissie une tachè foncée'(Fig. )
On voyait au milieu de la corne épaissie une taché foncée'(Iï7(/. 2)
qui se distinguait du reste de la moelle par une plus grande'épais-
si, ji- 111311,/ liti./i.. )- "1111111 , un iir , ° , 1.. ,
seur de son tissu et une moindre transparence. En descendant plus
. .1. , , , i , , 1- tli' -1, 1 ·.
bas encore', cette tache s accentuait de plus en plus par un contour ·
très net, et finalement la tumeur apparaissait, séparée du reste'de
la moelle, par une capsule. fresi fine de tissu conjonctif (Pl. \,fig. 3).
Sur la coupe transversale cette,' tumeur avait là' forme d'une
W nl r yin
P),ltsçllQuFiéet,Jn1 i,a·ers 4Fig. 3 Son bord antérieur était tran-
chant,, lisse, arrondi et étroitement lié, par l'intermédiaire de la
capsule, au tissu de la moelle; son bord postérieur était, au con-
capslle, tissu Jii'Hi s'o-n bord h était, au cou-
traire, festonné, sinueux et ne formait pas avec le reste du tissu
'»; '"Jp ? I : >i11.r> -. '.un .11 1 . 11 il r
mçdp4airenuner couclje continue. , ·'
- Des, deux pôles dé cette ellipse,' l'interne s'enfonçait profondé-
nient. dans. la niasse de la colonne grise, 1 externe avait comprimé
l^.iSUjbstai^ç'é bjan'che a tel j point '.qu'il n'en restait plus qu'une
mince couche.. ,1 ? ?
Pins bas la tumeur prenait une forme circulaire (Fin. 4) et conti-
inivîf 1.1 -171^1.111 m . i'i ? tij" m 1 ii , sur la substance grise,
n^it^.enipiétjer de pb|s en plusçp dedans sur la substance grise,
en dehors, vers le bord de la' moelle.' Enfin ne' trouvant plus assez
4 ? ilP'ftrfîiien'riP ces £ 4eux substances, elle les refoulait complètement
li e rs iiites1 partir de ce point, la tumeur di-
minuait et se terminait' par une forme arrondie un peu au-dessous
iv . ,imi-< ftifr. 1 ^ii.iip.r. ll . j> un , . ? 1. r
do.Ia egi-vicale, tranchant toujours nettement sur
,1e reste à là, moelle' et séparée 'd'elle par'là capsule de tissu con-
e reste.Ë.mp'ejlë et séparée'd'eHo par'Ia capsule de tissu con-
`1T1 I `J , -oll n I n n néoplasie avait la forme d'une
1>ale;·T>;>I1>fzfL ? soi e ? ule sotait dé'lâ'snlistance grise, en bas,
elle pénétrait dans la substance médullaire en comprimant ses ? >"n«'.i"1, t'i,i > ! L'iiT'ij ? , .1, 1, ...... i ? 1 -
éléments 1. ÿrlayère céja décrit plus haut. ?
,1 m : ! 1 1 i ( 111 111 I rit il Jl la- 1 in . à
Au point de vue de la structure histologique, la- tumeur,' vue a
un 1 ? é[' ossls$einelïyy ·Ifrâlt l'âs(] ect ·d'én ensém111e d'è pelotes
v111n rn W Wj 1n. IIUII ,1 I PJ /n;'lll I TI 1 nll de pelote§
entremêlées les unes dans les autres (Pi. V, fig. 4)..
11 li r 1 Î .,IJ JirilliJ'l . 'JJU.ttU'th ? ' i , - ! ' 7 rn ? Ji...
, Pour,mieux, l'econnaitre.les éléments histploglques qui or ieii
Ce' J ss 1 t p 1. ilo.f rlh·· à i ioelle. "'Je sers
ces-pelotas, ie colorai quelques coupes de la nioelle. Je me sers
'.\llt< ? r1' i"f8ri'i/i m/'i'j'ii, *' i ' / 1 ,. ? ? i J .. , T ,
de préférence pour colorer les coupes de la moelle cptmere du brun
de Bismarck et du violet de gentiane. L'aniline qui y est contenue
d\)rAê'*kuk^k6 ! yS^^uriôip8Ulcln,, plus 'frappante et plus'élégante que
le carmin; tic f lii ? , "ïé'VîoIet ile,'èehtiànb%à1 l'avantage' tout laaoticû-
SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 327
' ' ' OJ-
lier de teindre en violet la.substance blanche et en bleu la subs-
tance grise, (les fibres radiées qui traversent la' substance blanche'
ainsi que les vaisseaux, et le tissu conjonctif de la moelle ? J0'" 1 t
Sur la coupe je trouvai la substance grise, 'lés' rayons blancs'
ainsi que le tissu de la tumeur colorés en bleu, la substance blanche
seule avait la couleur violette. Lii'figilre 4 donne 'un" dessin'exact
de cette coupe vue, un faible grossissement. 1 N.i mu.mnJ n 1 la, 'fi
, Je me propose de revenir plus tard sur le fait, intéressant de la
coloration identique de la tumeur, du tissu conjonctif, de la subs-'
tance grise et des stries radiées de la substance blanche par le violet'
j- ' ,. '" '' 'I ' U l inllil i J, *iU mv illi
de gentiane.. '" " t , ."T ?
Je dois avant tout mentionner ici qu'ayant examiné,' sur' des s
coupes colorées, les pelotes à un fort grossissement, elles avaient t
coupas colorées, les pelotes à un fort grossissement, elles avaient
l'aspect d'un filet sans mailles compo édg·lyamepts olidtiléiiaj'et ? 1 ? 1 n Il ,'h li 1411, il, Il 1-1 In, ,- ?
riches en noyaux, parcouru de grands et nombreux vaisseaux 5 en-
trecroisant dans tous les sens. Sur cliaq'ue'4cfo'up'èl,' ôn Wôÿiait'$es
parties tantôt plus riches, tantôt plus pauvres en cioÿux, corime
l'indique la figure 6..Cette différence tenâit'simpleméné'â;'dés'éî><-
constances optiques. Sur tes'niam'ents qui 'c'ouraient'paraHelement
à la surface de la coupe, les noyaux paraissaient plus rares'parce
qu'ils étaient disséminés'le long de ces filaments, tan3M,quë'su
ceux coupés horizontalement ou obliquement,'les n'6'yaux'se'pr'é
saient sur la couplet paraissaient plus nombreux, faute d'é perspec-
live ? Tous ces noyaux étaient arrondis, légèrement 'ovalairb's et'res1
semblaient aux fuseaux étirés en fibrilles du tisLt'èonjondtif1ftl5rii'-
1 aire , disposition nettement appréciable sur des dissociatidrisT""1"
Notre tumeur 'était' donc une néoplasie' composée dé' jeunes
cellules de tissu conjonctif, un fibrome à l'état jeune bà'tin'Sdi-
corne vrai. , Il.. , ' i 11·W 1 y 1- : , il.,
,En divisant la tumeur, le couteau fut arrête par un pdin't dur'
osseux (Fig. 5). Ce 'point était situé au niv'éau de la plus'grande
circonférence de la tumeur et 'un peu en delibrs de son '-dfltre;'Il
paraissait blanc a la lumière incidente et noir la lSjtto'èté réflé=
chie. Il était composé de petites boules opaques'de granaeur'ët de
forme irrégulières. On voyait à travers un fort grossissement une
structure concentrique contenant des concrétions cristallines." Ces
dépôts, insolubles dans l'eau,' l'alcool, l'éther, le' ch)or6 ! '6rme''et
l'ammoniaque, disparaissaient facilement sous l'influence 3e'l'acidè
chlorbplrique,gt devaient être naturellement"a Rase inorganique.
Les modifications que. la tumeur avait 'fait subir à la" substance
blanche, et, grise de la,moelle érïmrôi nanié ecuent`tivs` éiii)3r-
quables. Elle s était tellement étendue dans la moitié. gauche de la
.moelle', aux .dépens de ? , ces ciux - -j ? e ? 1 - 1 ? il Il P6) 4
i ' ' "i1' ..i i.jiit i ..)...,f ? , lu-, 'iiuiq ih'i'i'iljVii t,
ni ,lon t·1 ,up uiiliin ..uJi ? 2 t ,iy LL 15 : fosmrifl I
1 DieRlufgefQse des, oitya.s·klpche2r"RicJtealEfrkesrlrl'f ? q.S eySlerl1 L
zif,ill iqn, -, ? ? ,i a= 1 is s,s , . il ' ·1 ! ·
328 RECUEIL DE FAITS.
et 5) qu'il n'en restait plus qu'une mince couche qui recouvrait, à
peu près, les deux tiers internes de sa périphérie.
Cette couche avait la forme d'une faux, étroite au milieu, large
à ses deux extrémités. La largeur de la partie étroite de la faux
correspondait à peu près à la moitié de la largeur de la commis z
sure (PL. V, fig. 4 et 5). Tout ce que la tumeur, par son envahisse-
ment, avait laissé de substance blanche et grise, était contenu dans
cette faux. La néoplasie avait donc réduit à une fraction minime
le tissu médullaire par la compression.
Les deux substances avaient en même temps souffert de cette
réduction. De la substance blanche c'est le cordon latéral qui avait
le plus souffert. 11 paraissait réduit à un mince filet logé entre la
tumeur et la corne postérieure (PL. V, fig. 4 et 5). Les cordons anté-
rieur et postérieur avaient aussi subi une diminution semblable
dans leur dimension normale.
Je donne ici les résultats de la mensuration micrométrique com-
parative de ces cordons des deux côtés de la moelle épinière.
Substance blanche. (PL. V, i,g. 5.)
* 1° Cordons antérieurs des pyramides.
SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 329
qui ne rappelait plus que par sa position, son origine et sa nature.
Le tableau comparatif suivant donnera une idée' des perturba-
tions que cette substance avait subies. . , Il . 1 il .1 i i /u- 1 - 1
Substance grise (PL. V,t fi; 5); .1 1 . .1 l, ji
330 RECUEIL DE FAITS.
La plupart de ses fibres et surtout celles qui composaient ce qui
restait du cordon latéral considérablement diminué, étaient deve-
nues étroites et minces. Sur la coupe colorée les cellules nerveuses
et les tubes nerveux avec leur cylindre-axe-avaient considérable^
ment diminué de volume, comparés à ceux de la moitié' droite de;
la moelle. ! ' i
Les modifications de la substance grise étaient encore bien plus
curieuses que celles de la substance blanche. J )
Dans les conditions normales les fibres de 1,% colonne grise von
en divergeant de leurs pointes vers l'intérieur et s'entrecroisent !
entre elles. - j ' '
Dans notre cas, la substance grise s'était transformée,' sous l'in-,
fluence de la pression exercée par la tumeur, en un simple faisceau)
de fibres parallèles dont la direction était la même que celle de la
surface de la coupe. j
Pour mieux faire comprendre ces modifications.j'ai ajouté deux
figures (8 et 9) représentant le dessin exact de deux coupes
transversales des colonnes grises antérieures faites sur un' même
plan.
La figure 8 représente une portion de la colonne grise antérieure
du côté droit, la figure 9 une portion de celle du côté gauche. En
comparant ces deux côtés, on voit la direction toute différente des
fibres grises autour de la tumeur.
Ces dessins nous montrent en même temps la transformation des
ganglions nerveux.
Sur la figure 8 nous voyous les ganglions du côté sain avec leurs
cellules multipolaires radiés et leurs noyaux ronds pour la plupart.
Sur la figure 9 les ganglions sont transformés en fuseaux bipo-
laires, allongés, pointus, dont l'axe longitudinal suit la même direc-
tion que celui des fibres transformées de la substance grise et dont
les noyaux ont, sans exception, la forme ovalaire. f
La plupart de ces ganglions transformés avaient la forme de
navettes de tisserand, d'autres ressemblaient aux cellules fusiformes
du tissu conjonctif ou à des cellules de tissu musculaire lisse, et ce
n'est que leur situation qui rendait la confusion impossible avec
ces'divers éléments. 1,1 il..1.
'C'est,la compression lente et progressive de la tumeur qui avait
produit cette métamorphose des ganglions et leur diminution de
volume.1, v " ' ? v ' ' Il
i » - . » i , ..... ,»
Je donne dans le tableau suivant, les résultats de la mensuration
micrométrique en largeur et longueur des ganglions des deux
moitiés de la moelle, d'après les coupes transversales citées plus
liant ? ,,) ? ? n vl 1 , y "" t , r . ! ! · il, ' !
u : il s-'j|> 'ilfll'i/ .l'il u i . u t i' 1, 1 .1
SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 331
(' , NC.LION- '.
332 RECUEIL DE FAITS.
Nous entendons souvent reprocher aux expériences faites sur
les animaux vivants, qu'elles créent des conditions anormales,,
qu'elles dépendent des circonstances fortuites qu'on ne peut
pas prévoir et qu'elles ne sauraient, par conséquent,' 'être repor-
tées sur l'homme.
Tout en accordant que la valeur de ces expériences dépend
des particularités individuelles de l'expérimentateur, qu'elles
peuvent franchir certaines limites, on doit Être d'avis que pour
connaître les phénomènes qui se produisent chez l'/<om ? M, 'on
doitsurtoutfairedesobservations sur lui, des observations clini-
ques dans lesquelles on peut établir d'une manière précise et
scientifique les rapports avec les causes naturelles fondâmes
tales. Car un phénomène pathologique est le résultat d'une
expérience faite par la nature sur l'homme, et une telle expé-
rience ne trompe certainement pas, car elle est l'expression
réelle d'une fonction humaine dérangée, et doit nous montrer
clairement et nettement la fonction naturelle d'un organe
malade, dans le cas où on aurait constaté que la lésion maté-
rielle d'un organe est la cause de cet état pathologique. Pour
le clinicien qui doit interpréter la nature humaine, l'expérience
sur les animaux ne doit pas être le seul, ni le plus préféré des
moyens pour ses recherches, mais bien un moyen indispensable
pour compléter ses observations cliniques, contrôler l'interpré-
tation des phénomènes pathologiques, et remplir les lacunes
qui existeraient dans ses déductions forcément restreintes par
les limites naturelles de l'observation'chez l'homme. C'est pour
cela que toute modification matérielle survenue dans le système
nerveux central chez l'homme, dont la marche a été suivie
attentivement et contrôlée pour l'autopsie, a l'avantage, sur une
expérience analogue faite sur un animal, de nous apprendre
des faits certains et ne permettant pas l'équivoque, et dont
on peut sûrement tirer des conclusions absolues.
Ainsi le cas décrit plus haut nous donne quelques aperçus
intéressants et inconnus jusqu'à présent sur la nature et sur
certainespropriétés des éléments de la moelle épinière, d'autant
plus précieux qu'il seraient difficilement réalisables par voie
expérimentale.
Nous voyons d'abord la grande faculté d'adaptation à une
pression lente et croissante, dont jouissent les tissus de la
moelle. Si on connaissait déjà par la voie expérimentale qu'un
nerf périphérique peut être comprimé jusqu'à changer complè-
SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 333
tement de forme, sans pour cela perdre sa conductibilité, on
ignorait pourtant ce fait, que non seulement les nerfs, mais les
ganglions aussi pouvaient être modifiés dans leur forme. sans
subir aucune altération fonctionnelle. Nerfs et ganglions réduits
à une petite fraction de leur volume naturel ne perdent rien de
leurs facultés fonctionnelles.
J'évite à dessein de me laisser entraîner dans des considéra-
tions auxquelles les faits cités plus haut donneraient facilement
lieu, mais je dois cependant insister sur un point de la question.
Nous sommes disposés aujourd'hui à considérer comme un
devoir de chercher une explication matérielle aux phénomènes
vitaux, et nous usons de ce procédé dans les limites du possible
pour expliquer différentes fonctions nerveuses.
Une proposition fondamentale de. mécanique nous enseigne
que la force est une propriété inhérente à la matière et que sa
grandeur est en rapport direct avec le volume de la matière que
contient cette force.
En physiologie, beaucoup de faits démontrent que cette pro-
position peut s'appliquer à des phénomènes vitaux. Un exemple
suffit pour en donner la preuve. La hauteur à laquelle un
muscle peut élever un poids donné dépend de la longueur des
libres de ce muscle et sa force est déterminée par le nombre
de fibres qui entrent dans sa composition. La longueur et le
diamètre du muscle déterminent la masse.
Dans notre cas, le malade avait le bras gauche aussi fort et
bien nourri que le bras droit, nous ne pouvions avoir le moindre
doute sur sa capacité fonctionnelle, et pourtant la plus grande
partie des ganglions do la corne antérieure, qui innervent le
bras, avaient subi une réduction d'une 30e partie de leur volume.
Ce fait bien évident nous conduit à cette conclusion que la
loi fondamentale des rapports de la force à la masse souffre une
exception pour la substance des ganglions.
A cette exception nous pouvons en ajouter une autre, l'intel-
ligence, qui est une fonction du cerveau, varie dans la race
humaine dans des proportions, énormes, tandis que la masse
cérébrale subit des variations très limitées.
Notre cas offre encore quelque intérêt sous le rapport histo-
logique.
D'après Klebs, la plupart des tumeurs du cerveau et de la
moelle sont des neurogliomes, c'est-à dire des hyperplasies des
tissus normaux du cerveau et de la moelle. Les tumeurs plus
334 'RECUEIL DE FAITS.
rares qu'on rencontre' encore'dans l'axe cérébro-spinal rentrent
dans la catégorie des tumeurs de tissu conjonctif.1 Parmi celles-
ci ; il distingue celles dont les éléments cellulaires; liés'cntr'eux
par une substance interstitielle, se rapprochent le plus du tissu
conjonctif normal comme le sarcome; et, celles 'qui 'sont consti-
tuées par des cellules indépendantes comme l'épithélion.i Il faut
encore, dit'Klebs, distinguer les vrais sarcomes de ceux, qu'on
appelle faux sarcomes. Les vrais sarcomes sont''ceuxqui sont
composés de tissu conjonctif 'jeune; 'primitif;' tous '.Mes
autres, qu'on; distingue généralement'sous ce nom;lsont des
neurogliomes.' ' m ' . · · ·'1 ' < !
''Plus loin Klebs indique les différences" qui existent entré les
sarcomes et les neurogliomes sous le rapportée l'oriâine et d'es
fonctions. " ' ' ' » ' 0. 1 'l i'
Les sarcomes naissent de la surface'endothéliale de'ta pie-
mère ou des vaisseaux', tandis que les neurogliomes surgissent
du système nerveux lui-même. Les sarcomes forment des
masses de tissus hétérogènes qui ne se confondent jamais avec
le tissu nerveux et s'étendent à ses dépens en le comprimant;
les neurogliomes, au contraire, sont des excroissances du tissu
nerveux qui se développent à côté d'éléments de même nature
et qui s'épanouissent sans limites dans le tissu nerveux normal.
Là où surgissent les sarcomes, le tissu nerveux périt; où les
neurogliomes se développent, là les éléments du système ner-
veux augmentent. Il s'en suit que les sarcomes provoquent de
bonne heure des troubles fonctionnels, tandis que les neuroglio-
mes ne les provoquent que fort tard ou pas du tout. Enfin
Klebs conclut que, les neurogliomes ne se distinguent pas his-
tologiquement entre eux, qu'ils sortent de la névroglie ou''du
tissu nerveux lui-même.
Il considère, par conséquent, la névroglie elle-même comme
un tissu d'origine et de caractère nerveux, et propose dé donner
de préférence le nom de'neurobliome'bu gliome do Virchow.
Malheureusement notre cas ne peut pas servir de soutien aux
conclusions de Klebs. La structure de notre tumeur ne laisse
aucun doute à cet égard; d'après Klebs lui-même, c'est un vrai
sarcome. Et pourtant, d'après les rapports microscopiques de
la tumeur, elle ne provenait ni delà surface de la moelle, ni de
lapie-mère, ni des vaisseaux, mais très vraisemblablementde la
névroglie de la substance grise. La .tumour,sne tenait à la,pie-
mère que par un petit faisceau de tissu conjonctif parcburu' de
SARCOME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 335
quelques vaisseaux. Quoique la. tumeur possédât les pro-
priétés des'sarcomes cités par Klebs, c'est-à-dire de se dévelop-
peraux dépens du tissu, nerveux et de ne pas; se confondre avec
celui-ci,- il ! n'y avait aucune altération fonctionnelle dans notre
cas; fait contraire,aux conclusions de l'auteur..n , 1 il,
m Notre cas est important- avant tout, parce qu'il donne des
.éclaircissements.définitifs sur la nature histologique du tissu
de la.névroglie.. - - t, I m. <) ' t
Il Quand un .vrai sarcome surgit de la substance grise,, si riche
en névroglie, cette/ névroglie. ne peut être, d'origine, nerveuse,
mais bien, comme la tumeur elle-même, procéderdutissu con-
joiçtif. Etnêmedans lec,asoù.onne trouverait pas encoredans
lai desçrition qqj ? jlconr;¢e. 7ne preuve suffisante de la genèse
du sarcome et de la névroglie, la réaction par le viole,t de
gentiane, que J'ai très minutieusement décrite plus haut,
prouveque cette dernière substance appartient au tissu conjonc-
tif. En effet le violet de gentiane a coloré la substance blan-
che,,en,violet,tle tissu.du sarcome et la substance grise, en
bleu.t" , ,
résulte donc que la névroglie a les propriétés du tissu con-
jonctif., , . , , 1
Ce fait nous conduit à une conclusion intéressante et nou-
velle.
Dans mon travail sur « les vaisseaux de la moelle épinière
chez l'homme » '.publié récemment, j'ai fait constater que les
travées de la substance blanche accompagnent les plus grandes
ramifications des vaisseaux de la moelle etque la substance grise
est le siège des capillaires. Or, les travées delà substanceblan-
,che sont composées], de tissu conjonctif .ordinaire fibrillaires,
tandis que la substance grise contient , surtout des névro-
glies.
Il résulte que le système nerveux central se distingue des
autres organes par la pression de deux sortes de tissus conjonc-
tifs. Il possède : 1° un tissu conjonctif ordinaire, fibrillaire,
comme les autres organes, qui accompagne les gros vaisseaux,
et, 2° une espèce particulière de substance do soutien dans le
domaine des capillaires, c'est la névroglie. ' : . ,'n .. 111 I' ' ' | ,n 1 I ' , t
. I Mil li I ' \k\l II - " , I > r.,l'I '.
1 Sitzungber.i der li.li. : Akad : (/e)'tMS. : M IVitit. 31alh. uaturwiss.
C/<ws.c1,LXXX.iy' 1883,1, n ... - ,j ? j ,p ,j `
336 REVUE CRITIQUE.
PLANCHE V
Les cinq premières figures représentent des coupes successives (de haut en
bas) de la moelle au niveau de la tumeur.
Fig. 1. Augmentation du volume de la moelle antérieure de la corne
antérieure gauche sans altération de structure.
Fig. 2. La coine antérieure gauche offre une densité plus grande et
une moindre transparence.
Fig. 3. Tumeur de la corne antérieure, entourée d'une fine capsule
de tissu conjonctif.
Fig. 4. - Développement complet de la tumeur constituée par des pe-
lotons entremêlés (coloration au violet de gentiane).
Fig. 5. Noyau de consistance osseuse constitué par des concrétions
cristallines.
Fig. 6. Grossissement de la tumeur (fig. 4).
Fig. 7. Concrétions cristallines v couches concentriques (de la fiq. 5).
Fig. 8.- Représentant une portion de la colonne grise antérieure du
côté droit.
Fig. 9. Représentant une portion de la colonne grise antérieure du
côté gauche. ,
REVUE CRITIQUE
DES TROUBLES NERVEUX OBSERVÉS CHEZ LES DIABÉTIQUES;
Par D. BERNARD etCn. FÉRÉ.
Marchai (de Calvi), qui a appelé l'attention sur les accidents
cérébro-spinaux dans le cours du diabète, a émis le premier
l'opinion qu'ils devaient être secondaires. « La physiologie
expérimentale, dit-il, ayant démontré que les lésions variées
de l'axe cérébro spinal peuvent occasionner le diabète, du moins
la glycosurie, on a observé sous cette prévention, et toutes les
fois que des lésions de ce genre se sont présentées chez des
diabétiques, on les a regardées comme primitives sans même
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. : ;37
se demander si, au contraire, elles ne pouvaient pas être con-
sécutives et produites par la maladie sucrée '. »
A la même époque, On-le rapportait aussi au diabète cer-
tains troubles nerveux observés pendant le cours de cette
maladie. La discussion de cette question présente certainement
un grand intérêt; mais l'étude épisodique des divers troubles
nerveux que l'on rencontre, on peut dire si fréquemment, chez
les diabétiques, est surtout utile en clinique. C'est sur leur des-
cription que nous nous arrêterons, sans insister sur les condi-
tions encore mal connues dans lesquelles ils se produisent.
Disons toutefois que M. Bouchardat pense que ces accidents
« s'observent surtout chez les glycosuriques qui mangent plus
de viande et prennent plus d'alcooliques qu'il ne faudrait= ».
Pour M. Bouchard, « de tels symptômes ne s'observent pas
plus spécialement dans telle ou telle forme de la maladie...
bien que leur pathogénie soit encore fort obscure, il parait
vraisemblable qu'ils peuvent s'expliquer, soit par des altérations
humorales, et par le trouble de la nutrition cérébrale qui peut
en être la conséquence, soit par les altérations vasculaires
capables de modifier l'irrigation des centres nerveux. Dans
l'état actuel de nos connaissances, on serait tenté de les rap-
porter soit à l'hyperglycémie, ou à l'hydrémie, ouàl'acétoiiéiiiie,
soit à la prolifération conjonctive des vaisseaux qui chez les
diabétiques ont été constatées dans différents viscères ».
La plupart de ces symptômes semblent, non pas tant, sous
la dépendance du diabète lui-même que sous celle du trouble
général de la nutrition que détermine la glycosurie. D'ailleurs
des accidents très analogues se rencontrent assez fréquemment
chez des sujets atteints de la diathèse urique qui a une parenté
si étroite avec le diabète. Ce qui montre bien que la présence
du sucre dans les urines n'est pas la condition indispensable à
la production des accidents, c'est qu'ils se manifestent souvent
quand le sucre a diminué ; et il n'est pas rare de voir des dia-
bétiques succomber à des accidents cérébraux précisément au
moment où ils ne sont plus glycosuriques.
Ces troubles sont du reste très divers et peuvent atteindre la
'.Marchai (de Calvi). liecleerclees sur les accidents diabétiques et essai
d'une théorie générale du diabète; ISG4, p. 3'i'J.
2 Bouctmrdat. De la glycosurie ou diabète sucré, etc., 1875, p. 79.
Boucliard. Maladies par ralentissement de la nutrition , 1882
p. lst.
Archives, t. IV. 22 .
338 REVUE CRITIQUE.
motilité, la sensibilité générale et spéciale, les fonctions intel-
lectuelles, la nutrition. Ils ont pour caractère commun de se
présenter la plupart du temps d'une manière tout à fait impré-
vu.
A. Troubles de la )M07<<e. Il n'est guère de troubles du
mouvement qu'on n'ait observés dans le cours du diabète.
Le plus précoce, le plus fréquent et aussi le plus important
pour le diagnostic est cette sensation de fatigue, de brisement,
de lassitude, ce dépérissement de l'énergie musculaire'dont
Marchai (de Calvi) a le premier montré toute la valeur clinique.
Elle ne dépend pas de l'amaigrissement musculaire, complica-
tion tardive de la maladie qui nous occupe. Elle se montre avant L
tous les autres symptômes soit aux membres inférieurs, soit
aux lombes, simulant ici le lumbago. Elle peut être poussée
assez loin pour éveiller l'idée d'une affection médullaire
(Lasègue). La marche s'embarrasse, les mouvements sont
lents,, pénibles, sans vigueur (Compendium de médecine). Elle
est plus ou moins marquée, elle disparait, elle revient sponta-
nément ou suivant les variations de la glycosurie, l'observation
du régime approprié. Divers phénomènes l'accompagnent,
troubles de l'intelligence et des facultés affectives, etc.
M. Lécorché assigne pour cause à cette lassitude la nutrition
vicieuse du muscle parle sang chargé de sucre, ce qui n'explique
pas ses localisations habituelles.
Une circonstance intéresssante à noter, c'est que ce dépérisse-
ment des forces peut apparaître subitement à l'occasion d'un
traumatisme même léger.
Quant aux parais/M proprement dites, elles sont loin d'être
rares. Elles sont souvent localisées, partielles et incomplètes;
il n'est pas exccptioncl, toutefois, qu'elles se présentent sous la
forme d'une hémiplégie totale. Il arrive souvent que ces para-
.ysies coïncident avec d'autres accidents qui sont en relation
évidente avec le diabète et qui, par conséquent, peuvent en
indiquer l'origine.
. Elles peuvent débuter subitement par une attaque d'apo-
plexie, comme on le voit dans un cas, rapporté par M. Lasègue2,
d'un jeune homme qui fut frappé d'apoplexie avec coma
1 Soegeu. Der diabètes nzelliltts auf grundlage zahlreicher GeuGa-
chlungeii, p. 115.
2 Journal de médecine et de chirurgie pratiques, lévrier 1882. ' '
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LLS DIABETIQUES. 33J
complet, qui laissa après elle une hémiplégie qui guérit, et les
accidents se reproduisirent l'année suivante, avec une intensité
moindre il est vrai.
Il peut arriver d'ailleurs que le malade ne se relève pas du
choc : Watson'. CopIand,A.itken ? etc., ont observé des cas de
mort par apoplexie. D'autres fois, on observe une perle de
connaissance subite, dont le malade se tire sans paralysie, ou
encore tout se borne à un vertige.
Plus souvent peut-être, la paralysie se produit sans chue, ni
perte do connaissance. Quelquefois elle est précédée par une
sorte d'état vertigineux.
Ces hémiplégies peuvent présenter des associations bizarres,
dont l'origine est exactement contemporaine; un malade
observé par M. Charcot fut pris une nuit, sans perte de connais-
sance, d'une hémiplégie gaucho respectant la face, mais accom-
pagnée d'une chute de la paupière supérieure droite. U s'agit là
d'une hémiplégie combinée avec une monoplégie du côté opposé.
Les monoplégies sont, en effet, très fréquentes dans le cours
du diabète, assez fréquentes même pour qu'on doive toujours,
dans un cas de paralysie limitée, rechercher s'il n'existe pas de
sucre dans les urines.
Ces paralysies peuvent être bornées à un membre ou même
à un segment de membre ; souvent elles sont limitées à la
face où elles peuvent n'occuper qu'un seul muscle, ou un petit
groupe de muscles; elles atteignent fréquemment la langue ou
les muscles moteurs de l'oeil. Ces faits sont nombreux dans les
divers auteurs qui ont traité du diabète et de ses accidents;
nous en trouvons plusieurs encore dans; les notes qui nous ont
été communiquées par notre maître M. le professeur Charcot.
Plusieurs sont particulièrement intéressantes en ce qu'on voit
les paralysies partielles s'ajouter les unes aux autres.
Ousl : nc.m'tov I. M ? X..., diabétique; névralgie faciale, puis
diplopie et chute de la paupière supérieure droite. Quelques mois
après, déviation de la commissure labiale gauche, avec embarras
de la parole et de la déglutition. Quelque temps après, tout à coup,
embarras plus considérable de la parole, qui n'est jamais redevenue
normale.
1 Lectures on the l'rinciples ant'ac'ceo ? x'/c., 18j7, t. Il, 1). 6')0.
2 Diclionary ospract. naed., 18QC, p. 19S.
3 Science aît(I Pi-(ICI ! ce Of ize(lieille, t. II, p. 1 1,3.
340 REVUE CRITIQUE.
Ousenv.·rtov II. M. C..., diabétique; parésie des extenseurs de
la cuisse gauche. Puis, après une autre attaque, embarras de la pa-
role et déviation de la bouche à gauche.
Observation 111. M. de B..., diabétique. Aphasie totale avec
paralysie faciale droite. Quelques jours après, l'index de la main
droite ne peut plus être étendu, il est le siège d'engourdissement
et d'un peu d'analgésie (bruit de galop, myocardite scléreuse de
M. Rigal).
Ouskuvvtion IV. M. P..., diabétique, sans troubles fonctionnels
bien marqués, s'affaiblit tout à coup et considérablement à la suite
d'un traumatisme léger. Une nuit il est pris subitement, sans perte
de connaissance, d'une paralysie du bras gauche avec engourdisse-
ment du membre et un peu d'embarras de la parole. Le membre
inférieur est resté indemne.
Mais un des faits les plus remarquables de ces monoplégies
combinées est celui qui est rapporté par M. Ogle1.
-Observation V. Paralysie du bras droit et du côté droit de la
face (coïncidant avec la disparition du sucre dans l'urine; difficulté
de l'articulation des mots. Paralysie du bras gaucho; difficulté
pour ouvrir la bouche; application défectueuse des mots. Stra-
bisme, ptosis, dilatation de la pupille droite, etc.
Ces monoplégies, qu'elles soient isolées ou combinées, peuvent
être tout à fait transitoires, ne durer que quelques heures par
exemple; il en est de môme des hémiplégies. Un autre carac-
tère de ces paralysies, c'est qu'elles sont souvent incomplètes.
Dans sa Clinique de 1'llôtel-,Oieit de liouen, M. Leudet cite un
diabétique, qui, au milieu d'un délire calme, accuse des four-
millements, plus un affaiblissement tel du membre inférieur
gauche que, sans abolition des mouvements volontaires, il ne
peut se tenir debout. D'autres fois, la paralysie est à la fois
incomplète et tout à fait éphémère comme chez un malade de
M. Charcot.
' Observation VI. Le D IL ? diabétique. Faiblesse des membres
inférieurs, douleurs en ceinture; anesthésie des membres inférieurs
du scrotum du bas-ventre; engourdissements, fourmillements dans
les mains. Plusieurs chutes subites par suite d'alfaiblissenlent ins-
tantané de la jambe gauche.
1 On diseuses of tltc bi-(iiii as (i resutt of diabètes mellitils. (Saint Georges
Ao.spatal Hcpurls, L. 1, 18G, [. 1G0.)
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 3 'il 1
Les troubles de la parole que l'on observe dans le cours du
diabète sont loin d'être toujours dus à une paralysie motrice ;
ils reconnaissent souvent pour cause l'affaiblissement général
combiné à la sécheresse de la langue. Il n'est pas très rare non
plus qu'il existe une perte plus ou moins complète de la
mémoire des mots.
Certaines aphonies passagères sont peut-être susceptibles
d'être attribuées à une paralysie temporaire des muscles du
larynx.
Quant aux paralysies des muscles de 1'oeil, il n'en existe pas
d'observations assez concluantes, même dans la thèse de
Kiwatkowski, qui attribue au diabète une paralysie du pathé-
tique. L'un de nous a observé une paralysie du droit externe
survenue dans les mêmes conditions.
Ces paralysies à forme hémiplégique générale, ou partielle,
doivent être rapportées à des lésions d'origine encéphalique.
Il en existe d'autres à forme paraplégique qui sont attribuablcs
à des lésions médullaires. Marchai (de Calvi) , rapportant
l'observation d'un malade amaurotique et paraplégique, de-
puis longtemps, ajoute : « Il serait possible que le diabète
produisit la paraplégie comme il produit l'amauroso ».
On peut même observer dans les mêmes conditions la para-
plégie cervicale. Un malade de Lecadre est pris d'une vive
douleur dans le cou, douleur qui s'étend le long du rachis et
est suivie d'une immobilité complète. Les organes thoraciques
sont paralysés à leur tour, Les poumons s'embarrassent et la
mort arrive par la cessation de l'acte respiratoire.
Un autre trouble moteur fort intéressant au point de vue
séméiologique consiste en une sorte de paralysie du sens mus-
culaire, caractérisée par un manque d'assurance dans la marche,
surtout dans l'obscurité. Ce symptôme peut s'associer à une
sensation de picotement dans les membres inférieurs, comme
nous le trouvons mentionné dans une note adressée à
M. Charcot par M. le Dl Stokvis (d'Amsterdam), à propos d'une
malade qu'il lui envoyait et qui d'ailleurs fut guérie par le
régime. Ces cas sont très importants à connaître parce qu'ils
peuvent faire penser à tort à des phénomènes tabétiques.
Parmi les troubles des organes de la locomotion, on- doit
encore ranger les crampes et les convulsions. '
Cité par Marchai (le Cal·i), loc. cil., p. 207 et 3 ? 1. ' '
3 ltq REVUE CRITIQUE.
Le phénomène si douloureux et si mal connu de la crampe,
peut être rapproché de la sensation de lassitude pour l'époque
d'apparition, la fréquence et la valeur clinique. On les observe
surtout aux membres inférieurs, et durant la nuit; non moins
que la polydipsie et les mictions nocturnes, contribuent avec les
sensations subjectives diverses fourmillements, picotements,
sensations de froid, etc., à provoquer Y insomnie qui se manifeste
assez souvent d'ailleurs chez les diabétiques en dehors de tout
besoin et de toute sensation spéciale, et doit appeler notre
attention sur l'état des urines. Nous avons souvent entendu
notre maître, le professeur Fabre (de Marseille), insister sur
cette insomnie fatigante qui semble le premier indice des
troubles de la circulation cérébrale et peut être l'avant-courcur
de phénomènes plus graves.
Les convulsions peuvent se montrer isolément ou associées
au coma diabétique, ou encore en connexion avec des phéno-
mènes paralytiques. Duncan rapporte le cas du docteur Peter
Shee, diabétique, qui fut affecté d'accidents convulsifs et para-
lytiques du côté droit; M. Leudet' rapporte un fait du même
genre, et on en pourrait citer d'autres. Cette association de
phénomènes convulsifs et paralytiques, peut faire admettre
l'origine corticale de la lésion, d'autant mieux que quelquefois
les convulsions présentent très nettement les caractères de
l'épilepsie partielle monoplégique et alternent avec une para-
lysie transitoire de même siège, comme le montre le fait
suivant de M. Charcot.
Observation VU. M. M..., diabétique. Épilepsie partielle du
côté gauche occupant surtout le bras; de temps en temps, parésie
du côté gauche, douleurs fulgurantes dans les bras et les jambes.
Les vertiges que l'on observe quelquefois- peuvent peut-être
être rapprochés de ces phénomènes épileptiformes.
Une circonstance importante à noter au point de vue de
la pathogénie, c'est que ces paralysies peuvent se développer
quelque temps avant que le diabète n'apparaisse comme dans
le fait de Pavy, ou bien précisément au moment où le sucre
disparaît, comme chez le malade de 0--le, ou bien encore quand
il a complètement disparu depuis plusieurs mois, comme chez
une malade que nous avons eu récemment l'occasion d'observer,
1 Loo, cil., p. 283.
1 LécorchG et Tfttamon. Etudes médicales, etc., 1881, p. 27, '
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 343 3
Ces troubles moteurs, comme du reste les troubles sensitifs
que nous allons étudier ensuite, sont sujets à des rémissions
fréquentes; c'est ce qui avait fait penser à Marchai (de Calvi)
qu'ils étaient d'origine congestive, mais la plupart des accidents
localisés qui guérissent peuvent tout aussi bien s'expliquer, par
des destructions limitées qui se trouvent suppléées par les
parties similaires. Dickinson' a d'ailleurs décrit dans le
système nerveux des diabétiques des lésions qu'il croit à tort,
il nous semble, développées primitivement et qui sont de nature
à expliquer tous les troubles limités. Ce sont des excavations
miliaires qui se rencontrent le long des vaisseaux et dans les-
quelles on trouve du sang extravasé ou des cristaux d'hématine
indiquant leur origine hémorrhagique, et des foyers de sclérose
miliaire qui peuvent se rencontrer aussi bien dans le cerveau
que dans la moelle. Rappelons toutefois que Mùller, Kulz,
Taylor et Goodliart n'ont point retrouvé ces lésions.
B. Troubles de la sensibilité. L'aaesthésie complète est
rarement notée dans les cas de diabète, surtout à l'état isolé.
Une large plaque d'anesthésie se voyait sur la cuisse d'un jeune
diabétique hémiplégique observé par M. Lasègue. Un maladede
Dionis offrait, sur les deux gros orteils, une anesthésie à la
chaleur et une sensation de froid persistante dont il s'aperçut
dans le bain ; un an plus tard, gangrène de ces parties. M. Lé-
corché a étudié l'anesthésie avec le compas de Weber, il est
arrivé aux mêmes résultats que Laycock, résultats peu inté-
ressants, dit-il lui-même. D'après les auteurs du Compendium
de médecine, la sensibilité de la peau devient obtuse ou s'efface
complètement, si bien que Naumann a pu arracher les poils
on certains points sans causer de douleurs au patient.
Souvent, au contraire, ces diabétiques accusent des fourmille-
ments, des sensations de compression, de refroidissement, de
chaleur, de l'engourdissement des extrémités ou d'une extré-
mité isolée. C'est plus souvent sur les membres inférieurs
qu'on trouve cette anesthésie. Quelquefois elle se montre par
plaques sur diverses parties du corps, sur les organes génitaux,
par exemple. Une femme de soixante ans accuse du côté droit
des douleurs constantes, tiraillements, crampes, s'exaspérant
1 Dickinson. Diabètes, Lontlou'157, p. 30.
t On the nervous systeni iii Diabètes. (Guy's hosp. Rep. 1877, t. XXII,
p. 'il 3.)
: 3'i.'4 - REVUE CRITIQUE.
par moments, ne lui laissant nul répit. Le toucher, parfois le
simple contact des vêtements exagère ses souffrances, jamais
la pression violente. Ces phénomènes peuvent exister sans
nulle diminution de force, avec bonne santé et aucun autre
symptôme diabétique que la glycosurie. L'état de cette der-
nière n'a jamais influé sur ces symptômes (Trousseau).
Le diabétique est très sensible au froid extérieur (Trous-
.seau). La sensation du froid peut être générale (Fritz), alter-
ner avec celle de chaleur, états à distinguer des véritables fris-
sons de la période de consomption (Trousseau).
La sensibilité tactile disparaît et le diabétique ne peut tenir
un objet fin, une épingle, dans ses doigts, sans la fixer des
yeux (Lecorché), ou bien elle est pervertie. Une malade de
M. Lecorclié ne sentait plus ses pieds. Celui de Dionis 2 croyait
.marcher sur des filets de corde à larges mailles. Il n'y a pas que
ces troubles de la sensibilité, nous le verrons plus loin, qui
rappellent ceux du tabès dorsal.
D'autres phénomènes douloureux que les crampes affectent
- le diabétique.
Ce sont des douleurs vagues, articulaires, se combinant alors
avec la sensation de lassitude. Souvent elles se localisent dans
les lombes, les hanches (Marchai de Cali), ou la région dor-
sale. Beaucoup plus importante, selon Leudet', est la douleur
de la nuque qu'il a rencontrée dans près de la moitié des cas
observés par lui (six fois sur treize). Les malades la comparent
à une brûlure, à la morsure d'un chien. Avec elle, on constate
de la raideur du cou. Elle s'étend depuis l'occipital jusqu'aux
fesses dans les efforts faits par le malade. Leudet la croit liée
à l'amllyopie. Chez un malade de Marchai (de Calvi)4, le coït
provoquait, avec de la congestion cérébrale, une douleur atroce
et subite à la nuque, une chaleur brûlante au front.
La douleur peut se localiser à la tête. Le malade la compare
à une calotte de plomb pesant sur son crâne (Leudet 5).
Bien souvent, la douleur revêt la forme névralgique. Un
malade de M. Charcot fut atteint d'une névralgie faciale
1 LécorcliéetTalanioii. A ? médicale ? faites à la Maison de santé, p. 31.
- Dionis. Monit. des ht'ip., 1S."i7.
' Leudet. - Clire, ntérl., y. 31. ,
*M : n'ch ! d(()cC.t)yi),/oe. < ? ? p. 3 : ,3.
' Loiidel. Clin, mi'/l. ]i. 279. ,
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 3)5 5
rebelle ; mais les troubles de ce genre, dans le cours du dia-
bète, sur lesquels on a le plus insisté, sont les névralgies symé-
triques et de longue durée, parmi lesquelles les sciatiques,
étudiées tout d'abord par M. Worms ', semblent les plus fré-
quentes. (Buzzard2, Drasche3.) .
M. Huchard'* pense que ces névralgies ont pour cause l'ar-
thritis. Marchai (de Calvi) incriminait déjà la diatbèse urique,
qui tenait sous sa dépendance la névralgie et le diabète, en
sorte « qu'il en vint à penser que, pour conjurer la sciatique, il
fallait laisser subsister un peu de diabète ». Cette idée a été
reprise à propos du coma diabétique. *
M. Lecorché, signalant la névralgie intercostale, pense que
celle qui siège à droite, coïncidant avec une sensibilité doulou-
reuse du foie, pourrait bien dépendre de la congestion hépa-
tique.
A côté des névralgies, il faut citer les douleurs fulgurantes
sur lesquelles M. Charcot a appelé l'attention à plusieurs
reprises dans ses leçons et que nous retrouvons dans plusieurs
de ses observations. M. Raymond5 a eu aussi l'occasion d'ob-
server un fait semblable et du même caractère, « des douleurs
sous forme d'éclairs allant de la fesse aux orteils, en suivant le
trajet du sciatique, par crises de deux ou trois heures se répé-
tant plusieurs fois dans les vingt-quatre heures et spontané-
ment ». C'est là un fait très intéressant à connaître, car ces dou-
leurs dont on peut concevoir la combinaison avec des troubles
de la station, l'anesthésie plantaire, ou des hyperesthésies tran-
sitoires et en plaques comme nous en connaissons un exemple,
pourraient amener la confusion, à un examen superficiel, avec
le tabes ataxique.
Les organes des sens, les viscères même offrent des troubles
de leur sensibilité spéciale.
Pour la fréquence et l'importance, il faut avant tout citer la
frigidité. Bouchardat a pu dire que « les troubles de la vue et
l'impuissance sont les deux thermomètres qu'il interroge le plus
Worms. - Bulletin de l'Académie de médecine, 2e s(rie, t. IX.
5 Buzzard. The Gancet, t. 1, 18S2.
. ' Drasche. Diabetis che neuralgien (It'iener. ? 21ed. Woc/t.) 18S2.
· Axenfelcï et Huchard. Traite des névroses, 18S2, p. 8S2 (en note).
" Gaz. méd. 1881, p. si ? 7.
3'EG REVUE CRITIQUE.
fréquemment pour mesurer l'intensité et l'ancienneté de la
glycosurie'.)) »
Il y a perte de l'appétit génésique et de l'aptitude a remplir
la fonction (Lasègue). Chez la femme, il peut même exister de
la répugnance (Lasèjue). Ce symptôme capital a d'ailleurs été
bien indiqué par tous les auteurs.
Faut-il croire avec M. Lcgrand du Saulle, qu'à l'inverse de ce
qui arrive quand la frigidité est l'effet de l'âge, le diabétique
accepte avec résignation et indifférence la perte de ses aptitudes
viriles ; ou bien au contraire, avec Durand-Fardel, que.
l'anaphrodisie est bien souvent la cause des vésanies observées
dans le cours du diabète ?
Leroux2 signale d'après Niedergesass, chez une malade de
douze ans, de violentes démangeaisons de la peau, et par suite
de grattages, des excoriations sur le dos et les extrémités.
M Peter3 a observé un fait analogue chez un sujet de soixante-
quatre ans.
Certaines névroses comme l'astleme, l'angine de poitrine, le
goitre exophthalmique '' peuvent être liées à la glycosurie.
Bien que l'ouïe soit le sens le plus épargne par le diabète,
selon Bouchardat, la surdité est plus fréquente chez les diabé-
tiques que chez le commun des hommes. Tantôt légère et
passagère (Lécorclié), tantôt complète (Dreysig), est-elle un
phénomène purement nerveux (Prout3) ou bien relève-t-elle
d'une lésion de l'oreille ? M. Raynaud6 a décrit l'otite moyenne
survenant à la période ultime de la phthisurie.
Chez une malade de Trousseau, une otalgie violente de
l'oreille gauche précéda une hémiplégie droite et le coma final.
Dupuy de Fronsac observa chez le même sujet la cophoso et
l'amblyopie, et Leudet l'anosmie du même côté. La perversion
de l'odorat est mentionnée par Lécorcfé.
Quant aux troubles gustatifs, le même auteur n'y voit qu'un
effet de l'altération des sécrétions buccales. Une malade de
Jordao ne sentait plus le poivre.
Boucliardat. - Loc. cit., p. 49.
= Leroux.77t. Paris, 1881.
3 Peter. Clin, medic, t. II. p. 7G0. '
1 Panas. ? c/t. d'ophthalmologie, 1881.
MI. Prout.- On tlce nature and treatment of slonaae and rénal elisea.
ses, 3o bdit., Lonaon 1848, p. 3 ? . ·
0 Annales des maladies de l'oreille et du larynx, 1882.
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 3 li 7
Troubles oculaires. Ils ont la plus grande importance pour
le diagnostic et le pronostic. De plus, la connaissance exacte
des lésions rétiniennes diabétiques pourra sans doute aider à
pénétrer la nature des accidents cérébraux de même ori-
gine.
Nous ne parlerons pas de la cataracte diabétique. Peut-on
parfois rattacher la kératite, l'iritis, l'irido-choroïditeau diabète
et même aux troubles ou aux lésions concomitantes du syst( me
nerveux ? Les observations ne permettent pas de conclure.
Celle de la femme Taupin publiée par Leudet, montre combien
la question est complexe. Bien avant Galezowsky et Kiwat-
]owsli 1, son élève, Marchai (de Calvi)2, avait attiré l'attention
sur ces faits et rappelé les suppurations oculaires observées par
Magendie sur des chiens soumis à un régime excessivement
sucré. M. le professeur Panas insiste souvent sur la nécessité
de réviser la pathogénie des kératites graves et rapides dont la
cause échappe et d'analyser fréquemment en pareil cas les
urines.
C'est dans l'ouvrage célèbre de Rollo 1 que l'on trouve la
première mention des troubles oculaires chez les diabétiques,
mention due à Willan.
Ileyl 4 donne la priorité 1131anlcaart d' : lmsterdam (IG88) ; il
s'agissait d'une tumeur cérébrale et il y avait pure coïncidence,
comme le montre la lecture de l'observation.
Depuis le commencement du siècle, il n'est pas d'auteurs
qui ne les aient signalés et la plupart ont insisté sur leur fré-
quence et leur importance. A Desmares revient l'honneur
d'avoir le premier décrit et figuré les lésions de la rétine
observées dans le cours du diabète, d'avoir établi leur affinité
avec celles qu'on rencontre dans l'albuminurie.
La proportion des cas de diabète où se montrent les troubles
oculaires est considérable. Poueliardat l'évalue à ', ou '4.
lauconneau\2. Dufresneà ? ou . Selon Lecorché, le premier
serait le plus près de la vérité. Voici à cet égard, la statistique
de la clinique de Galozowsky, d'après Kiwatkowski.
i Kiwatkowski. Thèse de Paris, IS79.
s Marchât (de Calvi). Loc. cit., p..3G ? 361.
a Rollo. Traité du diabète, trad. franc., nu VI.
ll(,.Yl. Philadelphie, nies. Tinles, t. X, 1879-1880, p. 318.
«Desinnrres. Maladies des yeux, 2e édit., t. III, p. 521.
3rs REVUE CRITIQUE.
Sur ! 2,000 maladies de la vision, 18 cas ainsi répartis
relèvent du diabète :
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 3 le ! )
place à la seconde forme, soit spontanément, soit sous l'in-
Iluence de la médication. En général, les deux yeux sont iné-
galement atteints.
Le professeur Panas ' a le mieux décrit cette forme d'amblyo-
pie et démontré sa nature. La plupart du temps, il ne s'agit que
de parésies accommodatives. Avec le muscle ciliaire, souvent le
constricteur de l'iris est pris et l'atropine exagère l'amblyopie.
A ce moment les muscles moteurs n'ont jamais offert de para-
lysie. Le muscle ciliaire peut être complètement paralysé et le
malade privé de toute accommodation passerait pourun véritable
amblyope si l'examen ophthalmoscopiquc ne montrait la par-
faite intégrité du fond de l'oeil ou tout au plus une légère
congestion de la papille. Les verres convexes, une fente sténop-
cique, un trou d'épingle la corrigeront.
Au cas de paralysie incomplète, on conslate tous les troubles
caractéristiques de l'asthénopie accommodativc, variables avec
l'état de la réfraction de l'aeil, plus marqués chez l'hyper-
métrope que chez l'emmétrope, chez celui-ci que chez le
myope.
Bien que cette amblyopie se montre dans les cas de glyco-
surie faible, quand les troubles de la santé générale sont peu
marqués, selon M. Panas, le diabète n'agirait sur l'appareil
accommodatcur de l'oeil, que comme cause d'épuisement général
de l'organisme.
Cette pathogénie, indiquée d'abord par de Grscfo, ne semble
pas à M. Lecorché2, applicabledans tous les cas. Parfois, il fau-
drait incriminer la rétine, un trouble fonctionnel ou circula-
toire de cette membrane, et même du centre optique ; car ces
troubles de la vision s'observent également dans les hémor-
rhagies, les flux séreux abondants'.
On a fait jouer un rôle à l'état chimique des milieux de l'mil.
Leur appauvrissement en urée, en chlorure de sodium change-
rait la direction des rayons visuels. (.Millier4). « C'est à la lac-
tescence du sang (insuffisamment alcalin), s'opposant à la
transparence des humeurs de l'oeil, qu'il convient de rapporter
l'affaiblissement de la vision si fréquent dans l'albuminurie et
1 Panas. In Bouchardat, p. SS.
' Lccorchu. Traité dit diabète, p. 3jf : .
a Lecorché. Gazette hebdomadaire, 186 1.
* Millier. Beischi,cib. der liaru. Francfort 1810.
350 REVUE CRITIQUE.
le diabète. (Mialhe '). » Les glycosuriques vieillissent vite,
selon Bouchardat 1. C'est l'appareil qui reçoit les premières
atteintes de l'âge qui doit être le plus éprouvé chez eux, la
vision, comme aussi l'appareil génital. La présence du sucre
dans l'humeur aqueuse suffirait à expliquer l'amblyopie, idée
que Hepp (de Strasbourg) avait ruinée par l'analyse chimique
- et qu'un fait récent de Lober' pourrait permettre de soutenir
encore.
Avec cette amblyopie peuvent coïncider des vertiges. Mar-
chai (de Calvi)' voit dans l'union de ces deux symptômes le
signe principal do l'influence du diabète sur l'axe cérébro-
spinal.
E. Wickcrsheimer3 rapporte un cas d'amblyopie diabétique,
sans lésion du fond de l'oeil, qui, améliorée par le régime,
n'empira pas avec l'affection, fait qui contredit bien des opi-
nions admises, et pas plus que ce qu'on observe à la période
terminale de la plitllisie pulmonaire, n'est favorable à l'hypo-
thèse de M. Lécorché, la nutrition défectueuse de la rétine.
Les faits que leur persistance ou leur aggravation continue,
I leur apparition à la fin de la maladie ont permis d'embrasser
sous le nom d'amblyopie gra.e, sont plus nombreux et beau-
coup plus complexes.
La cataracte diabétique est regardée comme l'une de ses
formes. Elle peut coexister avec les lésions qui nous restent à
énumérer et les masquer, ce que le chirurgien ne saurait
oublier.
Tantôt le début de l'amblyopie grave est insidieux, tantôt au
contraire brusque. Elle succède ordinairement à l'amblyopie
légère. Rares sont les amendements qu'on peut observer dans
son cours. L'état de la vue va s'aggravant sans cesse, jusqu'à
la cécité complète, si la vie se prolonge assez longtemps. L'am-
blyopie grave peut être le premier signe du diabète, c'est-à-dire
apparaître quand tous les signes de l'affection font encore
défaut, la glycosurie même. Rarement myodésopsie. Parfois
s'observe de la dyschromatopsie, signe d'une atrophie du nerf
1 Mialhe. Chimie appliquée ci la physiologie, p. 16'i
Boueliii-dat. Diabète, lS7u, p. 'il. i.
3 Louer. .l'-e/i. sur opltlh., 187.
* Marchai (de Calvi). - Lue. cil., p. 2oS.
Wickerslieiiner. Thèse de l',ma; 187 '
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 351
optique. Le champ visuel est rétréci, offre des échancrures, dos
scotomes. Enfin, depuis longtemps, on a signalé l'hémiopie.
(bouchardant', von Grsefe, Bellouard2.)
Ces symptômes dépendent de lésions diverses de la rétine,
du nerf optique ou de ses origines.
La rétinite glycosurique s'observe dans les cas graves, alors
que les troubles nutritil's et l'amaigrissement général ont fait
de rapides progrès. Les symptômes objectifs et subjectifs de
cette rétinite ne diffèrent pas de ceux de la rétinite albuminu-
riquc.
Leber', dans le travail déjà cité, a pu réunir dix-neuf obser-
vations, dont plusieurs manquent de détails et d'analyses d'u-
rines suffisants. Le professeur Panas4 pense, avec la plupart
des autours, que les caractères objectifs, non moins que les
conditions étiologiquos, font relever cette rétinite de l'albumi-
nurie qui survient à cette période du diabète. Il ne croit pas
cependant la chose nécessaire. A Desmares, il oppose deux de
ses propres observations dont les analyses d'urine ont été four-
nies par Bouchardat et Mialhe, un troisième cas de Noyés et
un 'quatrième de Haltenhof. Les analyses d'urine ont été faites
si exactement et si souvent, qu'on ne saurait, comme Des-
marres, songer à de l'albuminurie intermittente, qui aurait
échappé.
Fond d'oeil .pâle et gris. Apoplexies et plaques blanches de
la rétine, affectant le voisinage de la macula surtout ; telles
sont les lésions du fond de l'oeil, en tout pareilles àcellcs de la
rétinite albuminurique. D'après Lober, les plaques blanches
auraient moins de tendance à se confondre dans la rétinite diabé-
tique, distinction bien subtile. Kiwatkowski a a en vain tenté de
dresser un tableau de ces différences. L'examen de l'urine peut
seul trancher le diagnostic. Des hémorrhagies dans le vitreum
et, même d'après Galezowsky, le glaucome hémorrhagique,
peuvent compliquer cet état.
IIeyl publiait récemment une observation des plus intércs-
1 Bouchardat. Loc. cit , et Auad. hcienrcs, t8S3.
3 Bellouard. Thèse, de Patis, 1880.
J Leher. Loc. cil.
i Lcrons sur lesrctiniles, 1S7S. Dictionnaire de Jacuud, art. Reliuiles.
0 Kiwatkowski. -Luc. cil.
' Ilevl. Loc. cit.
35li RKVUE CRITIQUE.
santés de lipéinie rétinienne chez un sujet atteint déjà de
cataracte nucléaire. L'ophthalmoscope lui mon traies vaisseaux,
veines et artères d'une teinte fort claire, différant fort peu de
celle du fond de l'oeil, si bien que l'on pouvait à peine suivre les
artères, et un peu mieux les veines larges, mais non flexueuses.
Aucune trace de rétinite, ni d'hémorrhagie.
Qu'il y ait ou non albuminurie concomitante, les altérations
du sang, celles des vaisseaux, avec l'aide peut-être d'une aifec-
tion cardiaque, et par suite une hémorrhagie du système vas-
culaire, ou même une simple diapédèse (Leber), telle serait
l'origine des hémorrhagies rétiniennes.
Diabète, albuminurie et rétinite ne dépendraient-ils pas
également d'une lésion bulbaire ou protubérantielle (Panas) Y
La forme de la rétinite glycosurique n'est pas en rapport avec
l'idée d'une lésion encéphalique, qui se traduit sur l'oeil par
une névrite ou une névro-rétinite. N'oublions pas que Leber,
Galezowskv, et avant eux Lécorché, avaient observé la névrite
et la neuro-rétinite dans le diabète.
Pour M. Lécorclié, l'hémorrhagio rétinienne n'est pas compa-
tible avec le diabète, mais fort naturelle dans l'amblyopie
albuminurique. Chez un de ses malades, elle survint en même
temps qu'une hématurie, et s'accompagna de mouches vo-
lantes, de points fixes, de photopsies. Le malade voyait les
objets brisés.
Leber pense que des hémorrhagies capillaires pareilles
peuvent se produire dans le nerf optique, le chiasma, les
bandelettes optiques, de même que dans la rétine et le cer-
veau, et qu'ainsi s'expliqueraient non seulement l'hémiopio,
l'atrophie du nerf optique, mais encore les amblyopics graves
du diabète sans lésions appréciables, la dégénération n'ayant
pu s'étendre assez loin. C'est là une pure hypothèse que les
faits connus d'hémiopie relatés et analysés par Bellouard1
n'ont encore que contredite. D'après cet auteur, en ces cas, la
glycosurie serait purement symptomatique, et probablement
d'un syphilome comprimant le mésocéphale.
D'après Desmarres, l'hémorrhagio rétinienne serait le pré-
lude d'une hémorrbagie cérébrale.
Des troubles oculaires pareils ont été décrits dans la plios-
pbaturie, l'hippuric, l'oxalurie, la benzourie, les pertes sémi-
1 Bellouard. Loc. cit.
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 353
nales (Desmarres.) et dans un grand nombre d'états cachec-
tiques (saturnisme, alcoolisme, nicotinisme, chlorose...)1.
Les troubles de la vue sont rares chez les enfants. Leroux'
ne les relève que trois fois sur cent cinquante observations. C'est
l'opinion professée par M. Lécorclié, dès son premier mémoire.
C. Les facultés intellectuelles se dérangent, la mémoire s'affai-
blit ; le malade tombe dans la tristesse, l'abattement, une apathie
profonde, un assoupissementinterrompupar des rêves effrayants,
des hallucinations, des terreurs qui peuvent conduire au sui-
cide. D'autres fois, sans trouble mental caractérisé, le malade
se trouve dans un état de défaillance morale, redoutant l'ac-
tion ; il recherche le repos et l'immobilité, ou encore il reste
dans une sorte d'apathie béate'. L'excitation morale est beau-
coup plus rare. La plupart du temps ces troubles mentaux doi-
vent être rattachés à l'affaiblissement général. (Durand-Fardel.)
A la suite de troubles nerveux divers, on peut voir survenir
chez des diabétiques un affaiblissement intellectuel plus ou
moins considérable, coïncidant avec un affaiblissement graduel
de tous les membres, grâce auxquels le malade offre les appa-
rences de la paralysie générale.
D'ailleurs Delpech a fourni à Marchai (de Calvi') un cas de
paralysie générale véritable, survenu chez un glycosurique pré-
cédemment affecté d'un anthrax ; mais, en présence d'un cas
isolé, on doit croire qu'il s'agit d'une simple coïncidence. Quant
aux véritables vésanies diabétiques (Monneret et Fleury, Mar-
chai (de Calvi), de los Santos) 6, ce sont probablement de
simples coïncidences ° qui s'expliquent par les rapports fré-
quents que l'on constate par l'hérédité entre le diabète et
l'aliénation mentale ou l'épilepsie (Seegen, Westphal, Grie-
singer, Lockart-Glarke, etc., etc.). Toutefois, lorsque chez un
aliéné diabétique on voit survenir, sous l'influence du traite-
ment, une amélioration portant à la fois sur l'état physique et
sur l'état mental (Legrand du Saulle), il faut bien admettre une
relation entre les deux ordres de troubles.
1 Wickersheimer. Paris, 1874.
- Legrand du Saulle. -Gazette des hôpitaux, décembre 1877.
Loc. cit., p. 217.
Il. Leroux. - 1'lt. l'arts, 1881.
5 De l'état mental chez certains diabétiques, 1878.
a Cotard. Archives générales de médecine, 1877.
AitcuivEs, L. IV. 23 .
3j ! 1, REVUE CRITIQUE.
D. Troubles trophiques. Certains diabétiques offrent des
lésions qui présentent une certaine analogie avec les troubles
trophiques que l'on observe dans des affections spinales.,On a
noté, par exemple, le mal perforant' avec des. caractères par-
ticuliers, tels que : conservation de la sensibilité de la peau au
pourtour, apparition d'escarres et d'hémorrhagies abondantes.
Ces lésions nous paraissent devoir être rapprochées des gan-
grènes localisées, dont la relation avec leur altération du sys-
tème nerveux, n'-est rien moins que démontrée.
' Cependant, on a quelquefois observé dans le diabète des
sueurs localisées, qui montrent bien que l'appareil vaso-moteur
peut être partiellement atteint dans certains cas.
On a rencontré aussi des atrophies localisées de la peau
(Leudet) et de ses organes accessoires, que l'on peut rappro-
cher de certaines lésions cutanées notées dans plusieurs affec-
tions du système nerveux Il est possible que ces troubles
trophiques localisés reconnaissent pour cause une lésion
médullaire très limitée.
Enfin certains cas d'alroplaie musculaire peuvent être plus
sûrement encore rattachés à des lésions des cornes antérieures,
de la nature de celles qui ont été signalées par Dickinson.
OBSERVATION VU. M. X..., de Besançon, est atteint d'une atro-
phie musculaire prédominant dans le membre inférieur gauche.
L'exploration électiique a donné à M. H. Vigoureux, les résultats
suivants : le tibial antérieur, l'extenseur commun des orteils, le
long et le court péroniers latéraux, le vaste interne, sont inexci-
fables faradiquement, mais avec prédominance de l'anode. Le
premier, interosseux dorsal de la main gauche donne les mêmes
réactions. L'excitabilité mécanique des muscles est exagérée dos
deux côtés où l'on voit des contractions fibrillaires. Réflexes nor-
maux. Ce n'est qu'après le développement de l'atrophie d'ougine
spinale que l'on découvrit le diabète.
Si le cas était isolé, on pourrait se demander s'il ne s'agit pas
d'une simple coïncidence, mais nous avons eu récemment
l'occasion d'en observer un autre presque identique.
1 Ct6ment. Considérations sur le mal perforant chez les diabétiques ,
thèse 1881. ' *
2 Caiitaili. Un caso eliiiico di atrofia culanca Progressiua (morgua-
giii, 1881.). Féré et Quermonue : Sur des vergetures de la peau obser-
uces chez des névropathes. (7roy)M ! t : edica/, 1881.)
DES TROUBLES NERVEUX CHEZ LES DIABÉTIQUES. 355
OBSERVATION IX. M. J..., du Havre, cinquante-quatre ans,
maladie du foie avec jaunisse, en 1866. 11 y a deux ans, rhumatisme
localisé dans le genou droit. Quelque temps après, soif; le malade
était obligé de se lever la nuit trois ou quatre fois pour boire.
Dans l'espace de six mois environ, les urines, examinées à trois
reprises, contenaient 31, `28, 2j grammes de sucre par litre. Aujour-
d'hui (7 septembre l 882), il y a encore un précipité très abondant.
Au mois d'avril 1881, le malade en montant un escalier sentit
fléchir son genou droit, et tomba; il est tombé souvent depuis
surtout en descendant. li ne peut pas monter l'escalier sans moitié e
les deux pieds ensemble sur la même marche, tant la faiblesse du
genou droit est grande. Il a une sensation de pesanteur; à chaque
moment, il sent sa jambe fléchir et marche timidement. Il a souvent
des crampes localisées surtout, mais non exclusivement sur la
jambe droite. Jamais de douleurs spontanées, pas de fourmille-
ments, ni d'engourdissements. La sensibilité au froid est plus
grande sur le membre inférieur droit, elle y est plus douloureuse,
le contact parait bien moins senti sur le membre inférieur gauche;
sens musculaire intact. Mensurations : mollet droit, trente-quatre
centimètres, mollet gauche, trente-huit; au-dessus de la rotule,
trente-huit centimètres adroite, trente-neuf à gauche; tour du
pli fessier, cinquante-deux à droite, cinquante-quatre à gauche. Il
existe une atrophie unifoime de, tout le membre inférieur sans
prédominance sur aucun groupe de muscles, excitabilité mécanique
du muscle normale. Excitabilité faradique faible de deux côtés,
excitabilité galvanique un peu plus faible at la jambe droite (les
muscles répondent mieux au poiu positif;.
E. Le Coma diabétique observé par von Stosh et Prout a
surtout été bien décrit par Kussmaul ; il n'a guère été étudié
en France que depuis le travail de r1111. Bourneville et Teintu-
rier C'est un accident qui s'annonce par une céphalalgie
frontale intense, avec vertiges, anorexie, pyrosis, vomissements,
diarrhée profuse; puis le malade, en proie à une agitation
incessante, souffre d'une oppression croissante, avec angoisse
extrêmement pénible ; les mouvements respiratoires s'accélèrent
tout d'abord, puis se ralentissent, deviennent de plus en plus
profonds. Le malade s'assoupit, tombe dans le collapsus, la
température s'abaisse, les extrémités se refroidissent et enfin
la mort arrive dans le coma sans convulsions. Quelquefois, au
bout d'une heure ou deux2 ou même moins, le sujet exhalo
uuo odeur fade de pomme de reinette ou ehloroformiquo tout à
1 Progrès médical, 1875, 1). 1) Î.
' H. Lcpiue. Lyon médical, 1880, u" lu.
356 . REVUE CRITIQUE.
l'ait caractéristique. L'existence de cette forme spéciale de coma
dyspnéique, déterminant assez fréquemment la, mort chez les
diabétiques, ne fait aujourd'hui aucun doute ; mais on est loin
d'être fixé sur la pathogénie de ces accidents. C'est là un point
qui a été étudié récemment en France, dans deux articles
remarquables, par MM.'Brissaud' et Drcyfus-Brisac2, et il nous
sera permis d'être bref sur les théories. On a invoqué la sur-
charge graisseuse, du sang (Becquerel et Rodier, Sanders et
Hamilton, Iüssmaul; lllüller, Simon, etc.) d'où peuvent prove-
nir des embolies pulmonaires ; mais si cette hypothèse peut
rendre compte des accidents dyspnéiques, elle explique moins
bien les autres phénomènes du coma.- L'urémie a aussi été in-
criminée en raison des lésions rénales,'(Dickinson, Griesinger)
rencontrées chez des diabétiques ; mais les mêmes altérations
ont été observées dans le diabète insipide qui ne se termine
point par le coma dyspnéique. La présence de l'acétone dans
le sang, soupçonnée par Pctters et confirmée par Kaulich, a été
accusée par Ki*t5smaul; mais, comme le fait remarquer Ebstein,
si la présence de l'acétone semble pouvoir déterminer le coma
dyspnéique, elle ne le provoque pas nécessairement ; pour que
l'acétonémie fut efficace, il faudrait, d'après Ebstein, que l'éli-
mination du produit fût empêchée par une lésion rénale spé-
ciale, une dégénération hyaline qui aurait pour cause la per-
manence de l'hydropisie épithéliale (Cantani, Ebstein). Enfin,
la théorie la plus simple et la plus vraisemblable est fournie
par la' déshydratation des tissus reconnue dans la plupart des
autppsies ; le dessèchement des tissus'et en particulier delà
substance nerveuse (Ranke 3) peut le mieux expliquer les phé-
nomènes du coma et les conditions dans lesquelles il se produit
ordinairement, fatigues, efforts, sudations, etc. 4. On peut se de-
mander toutefois si la glycosurie n'a pas une influence spé-
ciale, car le coma dyspnéique ne s'obsprve pas dans d'autres
états, où la déshydratation du sang est également très manifeste.
Du. dépouillement de cent cinquante observations, Leroux
1 Progrès médical, 188 p. 967.
°- Gazette hebdomadaire, 18S1, n" zou. '
3 Bouchard. Maladies par ralentissement de la· nutriliot,1882, p. 19 i.
' Lnchsingcr plonge des grenouilles dans une solution sucrée à
)0'p. 100, et détermine le coma et la respiration de.Cjhcynes-St.okM qui
disparaissent, par l'immersion dans l'eau fraîche; i ! en conclut que c'est
,)a'déperdition d'eau qui est la'cause'des'accidents. (Arch. J'iir die ge-
saîanate Ylejt; 1880.)' ' ' " '
, revue d'anatomie. 357
conclut que le diabète chez les enfants se termine assez sou-
vent par des accidents cérébraux, quelquefois par des phéno-
mènes d'intoxication désignés sous le terme d'acétonémie. ,
REVUE D'ANATOMIE
I. Sur les vaisseaux DE la moelle épinière (Analyse et critique
du mémoire de M. Adamkiewicz); par H. DuRET, chirurgien
des hôpitaux.
Le travail remarquable et digne d'intérêt de \1. Adamkiewicz,
eût pu être l'objet d'une juste appréciation de la part de ses
lecteurs, si l'auteur eût donné à nos recherches sur la circula-
lion de la moelle épinière la place qu'elles méritent, et qui leur
est attribuée partout. Il se borne, en effet, dans le cours de son
mémoire, à cette simple mention, que nous croyons devoir re-
produire en entier : « Enfin il nous faut signaler un travail
méritant de Duret sur la circulation des centres nerveux, et en
extraire ce qu'il dit sur la vascularisation de la moelle : Il y a
une harmonie complète dans toute la vascularisation de l'axe
cérébro-rachidien. Dans notre mémoire sur le bulbe, nous avons
divisé les artères nourricières en artères médianes ou artères
des noyaux bulbaires, et en artères radiculaires. Les premières
occupent le sillon médian, les autres pénétrent dans le bulbe
en suivant les racines : elles arrivent ainsi jusqu'aux noyaux.
Il en est de même pour les artères nourricières de la moelle :
les unes sont médianes, les autres radiculaires... Il y a dans la
moelle des artères médianes antérieures et postérieures et des
artères radiculaires antérieures et postérieures. »
M. Adamkiewicz parait ignorer que nous avons publié une
note très complète sur la circulation des vaisseaux nourriciers
de la moelle épinière. Il y a bientôt neuf ans. (Voy.,yVo/e' les
artères nourricières et sur les vaisseaux capillaires de la moelle
épinière, in Progrès médical, 23 novembre 1873, n" 24)., Il est
encore fait mention de ce travail, avec l'indication bibliogra-
phique exacte dans, notre mémoirèdesA ? ,chz'vesdePhys2'ologle,
1874, dont M. Adamkiewicz a extrait les lignes précédentes. Il
358 revue D ANATOMIE.
est reproduit en entier dans le Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales; art. Moelle et dans plusieurs ouvrages
français et étrangers. Depuis plusieurs années, M. le professeur
Charcot a introduit ces recherches sur la circulation de la moelle
épinière dans son enseignement public à la Faculté : des dessins
demi-schématiques figurent nos préparations et nos injections
qui ont été montrées dans nombre de ses leçons. Ces- études
sont aussi l'objet de l'enseignement vulgaire à l'École pratique.
La priorité de nos recherches ne saurait donc être récusée. Leur
valeur pourra facilement être appréciée par ceux qui voudront
bien parcourir la note du Progrès médical. Nous décrivons en
effet d'une manière succincte, mais pourtant complète, l'origine
et la distribution des artères nourricières de la moelle épinière
c'est-à-dire des vaisseaux artériels qui pénètrent dans la
substance nerveuse : nous signalions pour la première fois,
croyons-nous, le trajet et les ramifications des artères médianes
antérieures et postérieures, des artères radiculaires, des artères
périphériques ; nous indiquions la configuration des réseaux
capillaires dans la substance grise et dans la substance blanche.
Tels sont sommairement les résultats principaux de nos recher-
ches sur la circulation delà moelle épinière. Si leur originalité
reste entière, et si, selon nous, M. Adamkiewicz ne leur a pas
rendu une justice suffisante, nous aurions mauvaise grâce à
ne pas reconnaître que le travail de l'auteur allemand ren-
erme plusieurs détails complètement personnels, et que, dans
son ensemble, il est conduit d'une façon remarquable. Nous
croyons qu'il mérite d'être l'objet d'une analyse complète. - Il
comprend deux parties : la première est relative aux vaisseaux
artériels et veineux dans l'épaisseur de la moelle épinière ; la
seconde, sur l'originalité de laquelle nous n'avons aucune
revendication personnelle à établir, s'occupe de leur étude à
la surface de la moelle'.
Première partie. -Les injections ont été faites à l'aide de gé-
latine colorée au bleu de Thiersh, ou du carmin selon les pro-
cédés de Gerlach. L'auteur étudie la distribution géographique
des vaisseaux sur des coupes horizontales faites à différentes
hauteurs dans la moelle épinière, sur des coupes transversales
ou frontales, et enfin sur des coupes antéro-postérieures ou
1 Die l3lulyc ? lse des Menschen nitokeîp ? ia2k, von lnof. A. Adamkiewicz.
- I. Theil in (LXXXIV Bande der SitsG, der K. Aha(l. d. 1T'isseusul ?
III, Abth, nov. heft. jahr. 1881). II, Theif ans dem LXXXV, t88Q.
revue d'anatomie. 359
sagittales. Des dessins très finement exécutés représentent ces
injections, et deux schémas résument les conceptions de l'auteur.
Sur ces coupes l'aspect général de l'appareil vasculaire est le
suivant : 1° dans la substance blanche, les rameaux artériels ou
veineux, sur des coupes frontales et sagittales, apparaissent entre
les faisceaux nerveux sous les formes suivantes ; tantôt ils sont
rencontrés par le rasoir perpendiculairement à leur direction,
et on aperçoit leur lumière centrale, et lesrameauxcollatéraux
qui en partent en divergeant ; tantôt ils sont coupés oblique-
ment, et on n'a sous les yeux qu'une portion du vaisseau avec
ses branches collatérales (Fig. XI V et fig. 7.Y de l'auteur)
Sur des sections horizontales, on ne peut suivre les artérioles
intramédullaires : elles apparaissent comme des rameaux, ra-
diants incomplets, (voy. IP2*.q. II, IV et F de l'auteur).- L'as-
pect général de la substance grise est le suivant. Sur des coupes
horizontales on remarque que le réseau capillaire de la subs-
tance grise est surtout riche et dense aux endroits où existent
des groupes de cellules nerveuses (yaaylia), au niveau, des
cornes antérieures/c'est-à-dire selon le langage de l'auteur
allemand dans la colonne grise antérieure (G2,a21eîi 17oîdeî,-
saulen). La commissure est pauvre en vaisseaux ; ils sont
parallèles à ses faisceaux nerveux ; la substance gélatineuse
centrale en est tout à fait dépourvue (voy. ? 7F), ainsi
que le canal central, qu'on peut sans doute considérer avec
Roudanowsky comme un espace lymphatique. L'extrême
richesse du réseau capillaire au niveau delà colonne cellulaire
de Clarke mérite d'attirer plus particulièrement l'attention
(voy. 7'Y<y. IV. a). L'auteur ajoute que, dans un certain nombre
de cas, il a réussi par des injections très pénétrantes, à voir
tenu les mailles de ce réseau capillaire un autre réseau plus
dense encore et qu'il désigne sous le'nom de réseau inter-
capillaire (voy. Fi ig. VII vue avec un grossissement de 1 45).
- Dans la corne postérieure, on'voit un réseau, allongé de
sa pointe ou extrémité radiculaire vers son col ? ce qui; lui
donne cet aspect, c'est une branche de la racine .postérieure
dont les rameaux affectent la disposition d'une touffe vasculaire
coniforme. (Voy. rig Il. p. art. Radie. postez Nous.- devons
rappeler que la richesse et la disposition' générale de ce réseau
de la substance grise avait déjà été signalée par nous lorsque
nous disions : « Un mot maintenant relativement ,à>la» disposi-
tion des réseaux capillaires dans la moelle épinière : Un réseau
1 " ' 4
360 REVUE d'anatomie.
à mailles très fines et quadrangulaires dessine très exactement
la forme de la corne antérieure suivant les régions. Les cellules
disparaissent au milieu de ces mailles; c'est à peine si elles
peuvent y trouver place. On sait que ce réseau est alimenté en
avant et en dedans par les artères médianes ; en avant, par les
artères radiculaires ; en dehors par des artères périphériques ;
et en arrière par les artères radiculaires postérieures. La corne
postérieure offre au niveau de sa substance gélatineuse un beau
réseau capillaire allongé d'avant en arrière. La commissure
blanche présente un réseau transversal, etc.. » Nous aurons
encore l'occasion de montrer combien nos descriptions quoique
succinctes sont précises, et ne diffèrent en rien quant au fond
de celles de Al. Adamkiewicz. Mais poursuivons l'étude du
réseau capillaire de la substance grise. Sur des coupes sagittales
passant par la substance grise des cornes postérieures on voit
facilement la série des artères qui entrent dans la corne pos-
térieure ; elles se rencontrent au nombre de cinq à sept dans
une hauteur d'un centimètre. Ces pinceaux vasculaires se ter-
minent dans le col de la corne postérieure en un réseau
capillaire qui occupe toute sa largeur (voy. 1%ig. X, II et V).
A la région lombaire, le réseau capillaire s'élargit comme la
corne postérieure.
Après cette description de l'aspect général du réseau capillaire
des vaisseaux de la moelle épinière, M. Adamkiewicz s'occupe
de l'étude des artères qui contribuent à sa formation. Il distingue
dans cet organe deux systèmes vasculaires : 1° Le système des
vaisseaux centrifuges ou de l'artère du sillon, 2° le système des
vaisseaux centripètes dans lequel il place l'artère médiane pos-
térieure ou (artère de la scissure, arteraa fissurai, comme il
l'appelle) et tous les vaisseaux périphériques. Pour justifier
cette division, il suppose que l'artère du sillon antérieur, quand
elle a atteint le voisinage du canal central de la moelle épinière,
se divise en une multitude de rameaux divergents qui s'é-
loignent de l'axe de l'organe, tandis que tous lesautresvaisseaux
périphériques forment un second système dont toutes les
branches vasculaires convergent vers l'axe médian. Cette
conception paraît d'adord séduisante : mais elle est spécieuse,
selon nous. Elle repose, en effet, sur une compréhension de la
distribution anatomique un peu trop schématique : les rameaux
de l'artère du sillon n'irradient pas autour de l'axe central
dans tous les sens ; son tronc principal est centripète comme
revue d'anatomie. 361
celui des artères périphériques. Enfin, on devrait comprendre
aussi dans ce système centrifuge les rameaux de l'artère de la
fissure (artère médiane postérieure) qui, quoique ténus quand
ils atteignent la commissure postérieure, s'éloignent de l'axe
central. Elle a malheureusement conduit l'auteur à une nomen-
clature spéciale et difficultueuse : ainsi l'artère du sillon médian
antérieur s'appelle pour lui artère du sillon (arteria sulci) ;
tandis que l'artère du sillon médian postérieur porte le nom
d'artère de la fissure (arteria fissuroe). Ces deux noms différents
sont inutiles : nos dénominations d'ancré médiane antérieure
.et X artère médiane postérieure sont plus simples, plus en rap-
port avec les habitudes anatomiques. Elles correspondent à la
nomenclature que nous avons adoptée pour le cerveau et pour
le bulbe où existent aussi des artères médianes ayant une dis-
tribution géographique analogue. Ainsi que nous avons pris
soin de le faire remarquer déjà, dans nos travaux, cette
disposition des artères médianes répond à une loi générale.
L'artère du sillon (ai,leza stilci), selon l'auteur allemand,est
une des plus grosses 'de la moelle, son diamètre varie de 0 m. 135
à 1 m. 270 mm. de huit à vingt fois plus grand que celui
des capillaires (0 m. 015 à 0 m. 018). - Elle suit le sillon mé-
dian dans toute sa longueur et se divise en deux branches au
moment où elle arrive au contact de la commissure. Sur des
coupes sag ittates, passant par les commissures, on voit les artères
- après avoir abandonné l'artère spinale s'échelonner les unes au-
dessus des autres. (Cette disposition en échelon pour les artères
médianes a déjà été signalée par nous et figurée dans notre
mémoire sur la circulation du bulbe). Elles sont accompagnées
d'une veine. On en trouve sept environ par centimètre de hau-
teur ; de sorte que sur une moelle d'adulte qui mesure environ
0 m. 36 à 0 m. 38 de long, on en compte deux cent soixante.
La description de la distribution des rameaux de l'artère
du sillon ne diffère pas essentiellement de la nôtre, quoiqu'elle
paraisse entrer dans des détails plus nombreux. Nous disions,
en effet : « Les artères médianes antérieures parcourent un tra z
jet assez court. Elles fournissent quelques rameaux collatéraux
à la partie la plus interne des cordons antérieurs et se terminent
en pinceaux dans les commissures antérieures et dans les
parties voisines de la corne antérieure. » L'autour allemand
suit dans leur formation et leur distribution périphérique les
branches de l'artère du sillon. Il donne le nom aux deux
362 revue d'anatomie.
branches qui en naissent immédiatement d'artères sulco-commr's-
surales. Au moment où les vaisseaux sulco-commissuraux tra-
versent chaque moitié de la commissure pour se rendre dans la
substance grise, iisparcourent une sorte de canal, où leurs veines
les accompagnent : ce canal, sur des coupes horizontales, apparaît
comme un prolongement (processus sulci) du sillon médian, qui
semble se bifurquer. Parmi les branches collatérales fournies
par l'artère sulco-commissurale, deux surtout sont intéres-
santes : les artères de la colonne de Clarlce, et les branches
ascendantes et descendantes qui forment ce que l'auteur ap-
pelle les anastomoses longitudinales centrales (ou plus simple-
ment, proposons-nous, les artères longues anastomotiques cen-
li,ales.) Les artères de la colonne de Clarke ne se voient que
dans la partie inférieure de la moelle dorsale et dans la partie
supérieure de la moelle lombaire, où existe seulement la
colonne de Clarke. Ces branches se détachent de chaque côté
des artères commissurales et vont par le trajet le plus court se
jeter dans la substance grise de cette colonne qu'elles rem-
plissent d'un riche réseau anastomotique. Les branches longues
anastomotiques de l'artère sulco-commissurale montent et des-
cendent verticalement dans la substance grise de la moelle de
chaque côté du canal central, à quelque distance de celui-ci
et s'anastomosent entre elles. On ne peut voir ces anastomoses
que sur des coupes vertico-sagittales (antéro-postérieures),
faites dans la substance grise à quelque distance du canal
central. (Voy. /'7</. XII l. s. c.) Sur des coupes horizontales,
on les voit sous la forme de deux lumières vasculaires situées
de chaque côté du canal central, car elles ont été rencontrées
perpendiculairement à leur direction. (Voy. 1%ig. IV.) Quelque-
fois même, si l'artère sulco-commissurale a aussi été coupée
perpendiculairement, on observe quatre lumières vasculaires
au voisinage du canal central, deux de chaque côté. Par les
artères longues anastomotiques découvertes par l'auteur alle-
mand, les différentes régions vasculaires inter-médullaires
situées à des hauteurs différentes sont unies entre elles. Après
avoir fourni les longues anastomotiques et les artères de Clarke,
les artères sulco-commissurales se divisent en branches termi-
nales au nombre de deux ou trois qu'on peut voir sur des
coupes horizontales : une de ces branches se dirige directement
en avant, récurrente pour ainsi dire, vers la substance grise
des cornes antérieures, où elle se distribue ; une autre se
revue d'anatomie. 363
rend dans un point diamétralement opposé, dans la substance
grise des cornes postérieures ; la troisième branche est inter-
médiaire. « En résumé, dit M. Adamkiewicz, voici quel est
le champ de distribution des artères commissurales : elles
fournissent du sang à la partie grise centrale de la moelle épi-
nière, en occupent symétriquement les deux tiers environ de
chaque côté du canal central ; mais, laissant à la périphérie
une zone qui est fournie par d'autres vaisseaux. » (Voy. les
Figures schématiques VIII et A'F7.) C'est aussi ce territoire de
distribution que nous avions assigné d'une façon sommaire à
l'artère médiane.
La distribution des veines est semblable à celle des artères :
les veines du sillon ou veines médianes sont en nombre égal
aux artères. Elles sont formées par la confluence de veines
sulco-commissurales, de veines longues anastomotiques, et de
veines terminales convergentes qui viennent des capillaires de
la substance grise.
Le deuxième système des vaisseaux de la moelle épinière,
d'après M. Adamkiewicz, est le système centripète ou des vais-
seaux de la couronne et comprend tous les autres vaisseaux
de la moelle épinière. La description qu'il en donne ne diffère
en rien de celle que nous-»avons fournie neuf ans avant lui.
Il emploie seulement une nomenclature différente. C'est ainsi
qu'il décrit : 1° sous le nom d'artère de la fissure (arieîia
fissurai), notre artère médiane postérieure ; 2° d'arlerl z·ada'cum
î)osieî,io2,u)2z, d'arlez·i commun postica OS ? 0/'MM ! latérales,
nos artères radiculaires postérieures : 3o il ne paraît pas com-
prendre l'importance des artères radiculaires antérieures,
car il ne les dénomme pas, et il les englobe sous la dénomina-
tion générale : artères périphériques.
Quoique d'une brièveté sommaire, notre description des
artères radiculaires, comparée à celle de l'auteur allemand,
paraîtra d'ze7e plus grande clarté : «Les artères radiculaires an-
térieures accompagnent chacun des faisceaux des racines anté-
rieures, et se portent en droite ligne dans la corne antérieure
où elles se résolvent en mailles capillaires. » Et pour la corne
postérieure : « Les artères radiculaires postérieures sont situées
les unes au milieu des faisceaux radiculaires, les autres en de-
dans, les autres en dehors de la racine postérieure. Les artères
moyennes sont surtout destinées à la corno postérieure et à la
substance gélatineuse. Les artères externes passent entre les
3C I· REVUE d'anatomie.
faisceaux blancs pour se ramifier un peu plus haut jusque dans.
la partie postérieure et externe de la corne antérieure. Les
artères internes, plus importantes, accompagnent constamment
cette partie de la racine postérieure que M. Pierret a désignée
sous le nom de faisceau radiculaire interne. » C'est à ces trois
artères (moyenne, interne et externe A.) de la corne posté-
rieure, queM. Adamkiewicz donneles noms nouveaux de arterise
radicum poslorcbrune, arlerioe commun posleriorum posticae,
arterioe cornuum posteî,ia2,um latérales. Sa description est
semblable à la nôtre; il a remplacé nos dénominations seu-
lement.. Toutefois nous accordons une importance plus
grande que lui au faisceau radiculaire interne qu'il appelle
arteriw cornuum posteriarum posticai. (Voy. c. p. p. fig. 11 et
IV). Il signale encore la présence constante d'une petite arté-
riolo postérieure entre le cordon de Goll et le cordon de
Burdach, qu'il appelle artère 121te2,11111é'cizlaiî,e. Ce nom est à
conserver : mais, nous aussi, nous avions décrit ce vaisseau :
« A la partie postérieure, il convient de signaler deux groupes
d'artérioles coexistantes qui passent entre les cordons de Goll
et le faisceau externe des cordons postérieurs. c
Parmi les artères périphériques des faisceaux blancs, nous
distinguions comme l'auteur allemand des artères courtes et
des artères longues, lorsque nous disions : « Les artères péri-
phériques sont nombreuses, elles pénètrent dans les travées les
plus épaisses de la pie-mère entre les principaux faisceaux
nerveux. Les plus externes atteignent la partie externe des
cornes antérieures, elles sont en général de huit à dix. Enfin,
nous avons aussi indiqué la disposition du réseau vasculaire
dans la substance blanche : « Les capillaires des cordons blancs
forment des réseaux beaucoup plus larges que ceux de la subs-
tance grise, et se disposent suivant leur direction. La commis-
sure blanche présente un réseau transversal. Les racines ont des
réseaux capillaires qui s'étendent dans le sens des principaux
faisceaux. » Nous nous empressons de reconnaître d'ailleurs
que les planches de M. Adamkiewicz, faites d'après des injec-
tions bien réussies, figurent tous ces détails avec une grande
fidélité. En résumé, d'après cette étude critique : alité de
notre travail publié il y a dix ans reste intacte : deux branches
artérielles seules ont échappé à notre examen, les artères de la
colonne de Clarke, et les artères longues anastomotiques internes ;
mais, il convient d'avouer que la beauté des injections de
REVUE d'anatomie. 365
M. Adamkiewicz et des dessins- qui les représentent en séries
de coupes longitudinales, apportent une précision remarqua-
ble à nos connaissances sur la vascularisation de la moelle
épinière. Une dernière coïncidence entre les travaux des deux
auteurs frappera encore l'esprit des lecteurs. M. Adamkiewicz,
comme déduction pathologique à la fin de son travail, établit
que les lésions de l'ataxie locomotrice, dans leurs phases du dé-
but, suivent dans leur développement le champ de vasculir-isa-
tion des cordons postérieurs. Ce fait ne nous avait pas échappé,
car avant lui nous disions : « On sait que M. Pierret a indiqué
le faisceau radiculaire interne comme étant la plupart du temps
le siège du début de la sclérose ataxique. Il a aussi cherché
à établir que les douleurs dites fulgurantes se rattachent à
cette lésion. La présence de vaisseaux abondants dans la ré-
gion (artères radiculaires internes) vient apporter un nouveau
point d'appui à cette opinion. (A suivre.)
II. Note sur LE développement du cerveau considéré dans
ses rapports avec LE crâne; par Cn. Féré. (Revue d'an-
thropologie, 2° série, t. II.)
Les travaux de M. Féré ont contribué pour une part consi-
dérable à faire connaître les rapports exacts des diverses par-
ties de la boite crânienne et du cerveau, des circonvolutions
et des sillons non moins que des noyaux gris centraux. Par
des mensurations nombreuses et précises, il a établi chez
l'adulte la position fixe du sillon de Rolando par rapport à la
suture coronale, du ptérion et du cap de la circonvolution de
Broca, de la branche postérieure de la suture de Sylvius et
de la suture pariéto-squammeuse, du lambda et de la scissure
perpendiculaire externe. Les lobes occipital et temporo-sphé-
noïdalont les mêmes limites que les os qui les recouvrent, et
l'on pourrait croire qu'il existe un parallélisme parfait entre
le développement d'une région déterminée du cerveau et la
région correspondante du crâne.
Dans le but de s'édifier à cet égard, M. Féré a examiné les
rapports du cerveau et du crâne de soixante enfants ou foetus,
ayant dépassé le cinquième mois de la vie intra-utérine. L'au-
teur est parvenu à démontrer que ce parallélisme n'existe pas.
S'il n'a pu, dans l'état actuel, établir les lois du développement t
réciproque de ces parties, il a posé d'importants jalons, pour
la solution définitive de cette question.
366 revue d'anatomie.
Le peu de consistance du cerveau de l'enfant et surtout du
foetus l'a obligé à changer les procédés précédemment em-
ployés par lui et le nombre des sujets examinés à renoncer à
la congélation du cerveau. Par les fontanelles de chaque côté
de la ligne médiane, des chevilles sont enfoncées, destinées
seulement à fixer le cerveau et sa faux. L'incision des mem-
branes interpariétales et inter-occipito-pariétales, une troisième
incision le long de la suture coronale permettent, en écartant
les pariétaux de découvrir, la région pariétale du cerveau, de
voir ses rapports avec les sutures du crâne.
Sur quelques foetus examinés avant le cinquième mois, la
scissure perpendiculaire externe, ou à son défaut l'interne, a
toujours été trouvée en avant du lambda, de plusieurs milli-
mètres. Pour le reste des observations, nous ne pouvons que
donner les conclusions de l'auteur et citer quelques chiffres
plus intéressants.
Les chiffres qui indiquent les rapports cranio-cérébraux
semblent varier avec l'indice céphalique, mais il y a de nom-
breuses exceptions à cette règle, qu'il s'agisse de sujets du
même âge ou d'âges différents. Chez un garçon et une fille
d'un an, ayant des diamètres presque égaux, les distances
rolando-coronales étaient chez l'un de quarante-trois et vingt-
sept millimètres, chez l'autre do trente-un et quatorze milli-
mètres seulement, les autres distances étant égales d'ailleurs.
Une fois même, il n'y avait presque pas de différence entre le
cerveau de l'enfant et celui de l'adulte.
Un point donné du crâne peut changer de position avec
l'âge par rapport au reste de la boite osseuse, comme il arrive
pour le bregmabien antérieur d'abord à la ligne bi-auriculaire.
Quoi qu'on ait dit, le sillon de Rolando est toujours posté-
rieur à la suture coronale. M. Féré n'a pu déterminer chez
l'enfant s'il était plus ou moins éloigné de cette suture, plus
ou moins oblique suivant l'âge. Le ptérion lui a paru toutefois,
quant à ses rapports avec les circonvolutions, plus postérieur
que chez l'adulte, il répond au pied de la circonvolution de
Broca, au siège même de l'aphasie. Cela dépendrait du mode
de développement de cette circonvolution qui, rectiligne
d'abord, puis en fer à cheval, se contourne enfin en M, quand
apparaît, puis se bifurque la branche antérieure delà scissure de
Sylvius. La branche postérieure de cette scissure est constam-
ment d'abord supérieure à l'écaillé du temporal et s'abaisse peu
REVUE d'anatomie. 367
à peu vers elle à mesure qu'approche l'adolescence, tandis qu'en
même temps la scissure parallèle s'abaisse aussi pour atteindre
finalement le lambda.
Les régions postérieures du cerveau, végétatives et sensi-
tives, semblent donc prédominer comme les régions posté-
rieures de la moelle chez le foetus, prédominance retrouvée
par Broca sur un singe adulte. Cet état est transitoire chez
l'enfant, car après la naissance, parallèlement à l'appa-
rition de certaines fonctions, se développent les régions psycho-
motrices. A partir du développement complet, à quelque âge
qu'on les examine, sutures et sillons demeurent en rapports
invariables.
Au cas de plagiocéphalie, qu'elle dépende du décubitus et
de l'athrepsie, ou du développement anormal très rare de l'un
des pariétaux par deux points d'ossification, l'extrémité supé-
rieure du sillon de Rolando et de la scissure perpendiculaire
externe sont, l'un plus rapproché de la suture coronale, l'autre
plus éloignée du bregma du côté où la bosse frontale proémine
davantage, proportionnellement aux différences de longueur
des diamètres obliques. D. BERNARD.
III. Recherches concernant quelques modifications ANATO-
MIQUES RENCONTRÉES DANS LES GANGLIONS PÉRIPHÉRIQUES;
par H.-J.-A. Niermeyer. (Arch. f. Psych. M. 1\'ervenk, II,
1880.)
Les examens que l'auteur a fait de ganglions périphériques
et de nerfs chez le lapin, les études auxquelles il s'est livré sur
les ganglions cseliaques de cadavres humains pris au hasard
ne lui permettent pas d'admettre la réalité des assertions de
Brigidi. (La Sperimenlale, <878,p. t)6t). La prolifération nu-
cléaire et la dégénérescence pigmontaire qu'accepte d'ailleurs
Eulenburg dans son traité sous le nom d'infiltration lympha-
tique ne seraient pas anormales; on rencontre, en effet, dans les
ganglions coeliaques d'individus quelconque vieux ou jeunes,
ou dans les ganglions spineux des lapins, des proliférations cel-
lulaires interstitielles et des granulations de pigment à l'inté-
rieur ou en dehors des cellules nerveuses, quelle qu'ait été la
cause de la mort. P. K.
368 REVUE d'anatomie.
IV. Des granulations de PACCHIONI; par HANS LRHR (Allg.
Zcitsch. f. Phys., psych. M. gerichtl medicin, XXXVIII, 1 `
Prenant leur origine dans l'arachnoïde viscéral, aux termes
des injections de KoyetRetzius et des expériences de Quincke,
ces organes faisaient communiquer les deux espaces sous-dure-
mérien et sous-arachnoïdien avec les sinus veineux de la dure-
mère, en sorte qu'ils constitueraient des voies de dérivation im-
portantes et normales pour les liquides sous-archnoïdiens et
sous-duemériens. Cependant, tout en tenant compte de leur
constance chez l'homme, le chat, le chien, le mouton, il im-
porte de se demander pourquoi le nouveau-né et souvent même
l'adulte en possède un si petit nombre, pourquoi certaines es-
pèces animales en manquent absolument, pourquoi, enfin,
l'arachnoïde au pourtour de leurs touffes, est si fréquemment
le siège d'altérations, troubles et d'épaississements ? C'est, dit
M. Loehr, qu'il existe deux espèces de granulations ; les petites,
purement physiologiques, et les grosses, qui représentent des
granulations hyperplasiées, dont la prolifération est parfois telle
qu'elles pénètrent comme on sait dans les os du crâne. Ce tra-
vail anatomo-pathologique, essentiellement développé chez les
aliénés, se rencontre généralement à un âge très avancé; les
observations de M. Loehr lui ont fait constater concurremment
des altérations inflammatoires et des anomalies vasculaires
dans la pie-mère, sans que la forme de la vésanie exerçât une
inlluence spéciale sur le processus des granulations. Leur hy-
pertrophie serait en rapport avec les congestions céphaliques.
Répétées, elles servent de voies dérivatives aux hypérémics
artérielles suivant la formule : la fonction fait l'organe. Que si,
comme chez le nouveau-né, l'équilibre des pressions peut se
rétablir par l'expansion des sutures et fontamelles, leur pré-
sence devient inutile ; leur genèse, et plus tard leur volume
exagéré, résulte de l'excitation incessante déterminée par le
frottement l'une sur l'autre de l'arachnoïde et de la dure-
mère, alors que la prédisposition (besoin fonctionnel) existe.
Ces explications physiologiques, toutes satisfaisantes qu'elles
paraissent, ont néanmoins, comme le fait remarquer l'auteur,
leurs contradictions avec lesquelles elles sont incompatibles ;
telles la série des dégénérescences anatomiques dont les gra-
nulations de Pacchioni sont souvent le siège (imperméabilité),
1 Voir Archives de Neurologie, t. il, p. 297.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 369
et leur participation à la partie du revêtement encéphalique
dont elles émanent, les compressions qu'elles peuvent exercer
par leur accroissement énorme sur des organes voisins
(Luschka, Mendel, Kcy et Retzius). P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XX. Lésion unilatérale DE la moelle ; par le Dur Richard
SCHULZ (de Brunswick). (Central ! ), /. Nei,v., n° 15, 1er août
1880.)
Un homme de vingt-neuf ans fut frappé de plusieurs coups
de couteau, dont un pénétra entre les apophyses épineuses des
cinquième et sixième vertèbres dorsales dans une direction
légèrement inclinée vers la droite. Le couteau resté dans la
blessure n'avait été retiré qu'avec effort ; la sonde pénétrait
dans la plaie jusqu'à la profondeur de cinq centimètres, en
haut et en dehors, sans rencontrer de surfaces osseuses dénu-
dées. Dès son entrée à l'hôpital, le blessé présenta : anesthésie
du membre inférieur gauche, hyperesthésie et parésie légère du
membre droit; en outre, dès le premier jour, selles involontaires,
etrétention d'urine qui nécessita le cathétérisme. Trois semaines
après son entrée, qui avait eu lieu le 8 novembre 1879, le ma-
lade était guéri de ses blessures et quittait l'hôpital.
Le 25 mai, il présentait l'état suivant :
Systèmes osseux et musculaire bien développés ; faiblesse
paralytique dans le membre inférieur droit, avec tendance au
tremblement, sensibilité douloureuse de la peau de ce membre
et de la moitié droite du tronc ; sensation de fourmillement et
d'engourdissement du -pied et de la jambe gauches. En mar-
chant le malade traîne un peu la jambe droite.
Les extrémités supérieures sont normales ; l'extrémité infé-
rieure droite a environ un centimètre de pourtour de moins
que la gauche.
Archives, t. IV. 21
370 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Pas de différence de température ou de coloration aux mem-
bres inférieurs. Sensibilité et sens musculaire, normaux à
gauche ; diminués à droite. Le malade, lorsqu'il a les yeux
fermés, n'apprécie pas exactement les changements de posi-
tion du membre droit. La force du membre droit est un peu
diminuée, la motilité imparfaite, les mouvements sont pé-
nibles et incertains. A gauche il n'y a rien de semblable. Il
n'existe ni ataxie, ni raideur musculaire. Le tégument du
membre inférieur droit et de la moitié droite du tronc, jusqu'à
la ligne médiane, est fortement hypercsthésié. La limite
supérieure de cette hyperesthésie est constituée par une ligne
circulaire passant au niveau de la septième vertèbre dorsale.
Au-dessus de cette ligne se trouve, toujours à droite, une
zone d'anesthésie qui atteint la sixième vertèbre dorsale.
Plus haut la sensibilité parait normale.
A droite, la sensation de fourmillement est très vive, le sens
du toucher plus fin, celui de la douleur notablement augmenté,
celui de la température normale. La sensibilité de la peau au
courant galvanique ou faradique énormément augmentée, tan-
dis qu'à gauche elle est normale ou même un peu diminuée.
A gauche, sur le membre inférieur et sur le tronc, les attou-
chements légers sont perçus et localisés assez rapidement et
exactement. La pointe et la tête d'une aiguille sont distinguées ;
mais une piqûre profonde n'occasionne pas la douleur. En un
mot, augmentation des sensations tactiles et analgésie (jus-
qu'à la sixième vertèbre dorsale). Au-dessus de cette région
analgésique existe, à gauche une petite zone d'hyperesthésie,
correspondant à la zone d'anesthésie du côté droit. Le sens
de la température est normal à gauche.
Les réflexes tendineux, normaux à gauche, sont très aug-
mentés à droite. Le plus léger choc sur le tendon rotulien dé-
termine un clonus dorsal, soudain et énergique du pied droit;
les autres réflexes de la jambe n'ont pas lieu.
L'excitabilité faradique et galvanique est la même des deux
côtés. Pas de réaction de dégénérescence dans les muscles
émaciés de la jambe'droite. Evacuations alvinc eturinaire nor-
males ; fonction génitale conservée.
Il s'agit ici évidemment d'une lésion hémilatérale delà moelle.
L'instrument a atteint la moitié droite, entre la cinquième et
la sixième vertèbre dorsale, par suite hyperesthésie et parésie cl
droite, analgésie à gauche. Il y a eu seulement analgésie, avec
REVUE DE PATHOLOGIE. NERVEUSE.' 371 1
conservation de la sensation tactile, parce que là partie posté-
rieure des cordons latéraux a été sans doute seule atteinte, tan-
dis que le cordon postérieur qui transmet les sensations tactiles,
a été respecté.
Il est à remarquer que le sens musculaire est diminué à
droite, preuve à l'appui de l'assertion de Brown-Séquard que
les voies de transmission du sens musculaire ne s'entrecroisent
pas. Il faut noter aussi l'exagération des réflexes tendineux du
côté parésié et la conservation de l'excitabilité électrique nor-
male. Quant à l'hyperesthésie cutanée du côté correspondant à
la lésion médullaire, l'explication physiologique est encore à
chercher. D'après l'auteur ce fait se rattache à celui du trans-
fert dans les expériences métalloscopiques et lorsque ce der-
nier sera expliqué on comprendra du même coup la raison de
l'hyperesthésie dans la lésion hémilatérale. R. V.
XXI. UNE application pratique du transfert ; par le
D" H. Kaiser (de Dieburg). (Centrabl. f. aeno., etc., ne 15,
1" août 1880). ,
Longtemps avant que le transfert ait été étudié scientifique-
ment, l'auteur avait fréquemment appliqué avec succès sur
lui-même un procédé qui relève évidemment du transfert.
Voici en quoi il consiste : si l'on éprouve une douleur en
un point quelconque, on porte toute son attention sur l'état
de la sensibilité du point symétrique de l'autre côté du corps
et l'on cherche à se figurer qu'il est le véritable siège de
la sensation douloureuse. Pour rendre plus facile cette
illusion, on excite les nerfs cutanés de ce point,' par des
frottements, des pincements légers, etc. En même temps, on
s'efforce de se maintenir dans une tranquillité parfaite de corps
et d'esprit, et l'on facilite la circulation du sang par une respi-
ration méthodique, notamment en se servant de la portion
supérieure du thorax. Lorsqu'on a réussi à percevoir la dou-
leur comme provenant de ce point symétrique (subsidiaire),
elle cesse dans le point primitivement affecté ; mais le plus
souvent elle y revient, atténuée pourtant; après quoi elle
peut être déplacée de nouveau. Ces alternatives se répètent
d'ordinaire plusieurs fois et avec une intensité décroissante.
Mémo lorsqu'il s'agit de névralgies non plus commençantes,
mais liées à un état pathologique déjà établi, tel par exemple
372 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
qu'une carie dentaire, le procédé procure au moins un soulage-
ment momentané. On pourrait l'essayer même dans certaines
inflammations où la douleur est le premier symptôme. R. V.
, ? XXII. « Nerveux H ; par le Dl SIG11UND Franck (d'Iéna.)
, (Ce7ztraGl. f. zeru., etc., 1880, no 16, 111 août.)
L'auteur insiste sur le rôle prépondérant de l'appareil génital
dans la pathogénie des affections nerveuses de la femme. Il
est d'avis, non seulement que l'on doit, dans les désordres
de toute espèce, rechercher avec soin et traiter les moindres
affections locales de l'appareil utérin, mais il est convaincu
que, même lorsqu'il n'y a pas de symptômes du côté de l'uté-
rus, un traitement préventif (spéculum, cathétérisme uté-
rin, etc.), a une influence psychique des plus utiles. R. V.
XXIII. Sur la contraction paradoxale; parle Dl ALPRECHT
ERLENI4fEYER (d8 Bendorf.) (Cenlrabl. f. 7te7'v., etc., 1880,
n° 17, 1er sept.)
Le phénomène décrit sous ce nom par Westphal, consiste
essentiellement en ceci : si l'on porte fortement dans la
flexion dorsale le pied d'un malade couché, il arrive parfois
qu'après un instant, le tibial antérieur se contracte d'une façon
plus ou, moins durable, produisant l'adduction du pied qui lui
est propre. Cette contraction peut durer de une jusqu'à vingt
minutes et plus, après quoi elle disparait graduellement. Dans
aucun cas de ce genre, on ne réussit à provoquer la contrac-
tion du. tibial par la percussion de son tendon. En dehors de
ce muscle; le même phénomène a été observé pour le long
extenseur du gros, orteil, l'extenseur commun des orteils, et
une fois pour les fléchissants du genou. On voit qu'il s'agit là
d'une contraction provoquée par le relâchement passif du
muscle, ce qui justifie la désignation donnée par Westphal.
Erlenmeyer a constaté que cette contraction paradoxale
écliapp6,ç,omplètement au contrôle de la volonté, même chez
les malades dont les muscles du pied avaient conservé toute
leur mobilité. Ce fait, ainsi que la longue durée delà contrac-
tion, qu'il a'vue atteindre trois quarts d'heure, le portent à
croire qu'il s'agit en réalité d'une contrtzctccresuivant la défini-
tion deMM.Ch.Richet et l3rissaud : contraction de plus ou moins
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 373
longue durée d'un muscle, dont la volonté ne peut pas amener
le relâchement '. ,.
' Or, cette contracture du tibial antérieur est-elle produite
par le raccourcissement passif du muscle, comme l'admet
Westphal, ou bien plutôt par l'allongement du muscle anta-
goniste, le gastrocnémien ? Cette seconde hypothèse peut être
justifiée par l'expérience : si pendant la contraction paradoxale
du tibial antérieur, le pied étant par conséquent dans laflexion
dorsale, on fléchit le genou du malade, et saisissant dans la
main la masse du trijumeau, on la tire fortement dans la di-
rection du talon, on voit le pied reprendre immédiatement sa
position normale; le relâchement est instantané. Il est à re-
marquer que dans cette manière de procéder on 'évite absolu-
ment toute traction sur le tendon d'Achille et par suite tout
réflexe tendineux.
On peut encore, le membre étant placé de la même façon,
saisir le mollet à sa partie supérieure et le tirer de telle ma-
nière que la flexion dorsale du pied puisse se faire sans la
moindre résistance. 'Dans les deux cas, il est tout ci fait impos-
si )le d'obtenir la contraction paradoxale.
Westphal était parti de la supposition que la contraction
paradoxale 'est déterminée par le raccourcissement passif du
tibial, le relâchement jouant le rôle d'une excitation et il l'avait
mise en contraste avec le phénomène du pied (réflexe du
tendon de Erb) qui consiste dans la contraction du trijumeau
provoquée par l'allongement de ce muscle. D'où l'épithète de
paradoxale. '
Abstraction faite du mode différent de contraction, clonique
pour le phénomène du pied, tonique pour la contraction para-
doxale, Erlenmeyer pense qu'il y a là deux choses tout à fait
distinctes et non opposées. Dans les phénomènes du pied : lexci-
tation d'un muscle par son allongement et réaction du même
muscle par des contractions cloniques; dans la contraotion
paradoxale : excitation d'un muscle par allongement de son
antagoniste et réaction par une contraction tonique ou contrac-
ture. ? ' t 1
La désignation de contraction paradoxale ne peut'' donc pas
être conservée. Erlenmeyer propose celle de contracture par
distension des antagonistes ; et pour la distinguer de la contrac-
1 Brissaud et Ch. Richet. ' Faits pour servir à l'histoire des conlrac-,
Izcres. (Prog·ès uéclical, 1880.) , 1 , CI
37t 1· .REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
ture chirurgicale par allongement passif des antagonistes et
par paralysie, enfin pour exprimer la relation, avec les affec-
tions du système nerveux central, et spécialement l'exagéra-
tion des réflexes spinaux, il conviendrait d'ajouter les désigna-
tions de active et spinale. On aurait donc la contracture spinale
active par allongement des antagonistes. Mais ce serait un peu
long. Finalement Erlenmeyer propose le mot de phénomène du
muscle (Muskel phanomen) qui prendrait naturellement place
à la suite des phénomènes du pied et du genou de Westphal.
Il faut se rappeler d'ailleurs que, d'après les observations de
Brissaud et Richet sur les hystériques, la distension d'un mus-
cle produit parfois la contracture de son antagoniste parce que
tout allongement passif d'un muscle est accompagné d'une
contraction inconsciente de l'antagoniste, ce qui leur fait sup-
poser une excitation, d'une certaine durée, du centre spinal,
' R. V.
XXIV. Aphasie traumatique ; par G. ALLEN. (New-York
médical Times, janvier 1882.)
G. N..., enfant de huit ans, vigoureux et bien portant, tomba
d'un arbre élevé de trente-cinq pieds, sur le côté droit de la
tète et du corps, et perdit connaissance. Il resta dans cet état
pendant soixante-douze heures ; néanmoins, on pouvait le tirer
de cette somnolence pour lui faire prendre ses remèdes et l'ali-
menter, de même que parfois il répondait directement aux
questions qu'on lui posait en élevant la voix. D'abord, il fut
inquiet, s'agita continuellement et délira même par instants.
Les pupilles étaient contractées et paresseuses, mais revinrent
à l'état normal à mesure que la réaction se prononça. Il n'y
eut jamais de respiration stertoreuse. Dix-huit heures après la
chute, le malade parut posséder la faculté d'articuler nettement
les mots, ainsi qu'on put s'en rendre compte, soit pendant le
délire, soit à un autre moment. Mais cette période passée, il
sembla totalement aphasique, et, même après le retour com-
plet de la connaissance, il parut avoir complètement perdu la
faculté de traduire ses actes par la parole, et être devenu inca-
pable de se servir en aucune sorte du langage articulé. Il n'y
avait pas d'aphonie, car lorsqu'il criait sa voix était naturelle.
Lui faisait-on directement une question, il remuait la tête,
mais ne parlait pas. Lorsqu'on le priait d'articuler un mot
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 375
donné, il prêtait attention, mais semblait n'avoir aucune idée
du moyen par lequel il pourrait accomplir cet acte,'et se met-
tait alors à pleurer. La langue et les lèvres jouissaient de leurs
mouvements normaux, la déglutition s'accomplissait parfais
tement, et il n'y avait pas de paralysie des organes de la parole.
Avec cette aphasie coexistait une légère hémiplégie droite.
Pendant vingt-cinq jours, il y eut une hématurie considérable
qui disparut promptement après l'administration de la téré-
benthine. Il y avait quelques contusions de la tête, l'une por-
tant sur l'occipital gauche, et une autre plus étendue sur la
région temporo-frontale droite. L'aphasie persista quatre jours
et disparut graduellement, le malade commençant par des
réponses simples et enrichissant peu à peu son vocabulaire, de
telle sorte qu'à la fin de la deuxième semaine le langage arti-
culé était redevenu normal. Il n'avait pas souvenir de l'accident ;
et, bien qu'il se rappelle quelques circonstances, il ignore
la presque totalité des détails encore aujourd'hui, et cela depuis
plus de quatre mois. L'hémiplégie disparut graduellement avec
l'aphasie. Pendant-environ un mois, et comme dernier symp-
tôme, il fut fort émotionnable et criait et pleurait sans motifs,
à la moindre excitation. L'auteur pense qu'il s'est agi là d'une
contusion cérébrale portant sur la partie postérieure du lobe
antérieur gauche, et intéressant une portion de la troisième
frontale ainsi que son voisinage immédiat. G. DE la T.
XXV. Des métastases des inflammations DE L'OREILLE sur
LE cerveau ; par J.-A. ANDREws. (Neio-York médical Jour-
nal, 1881, p. 160.)
Contrairement à l'opinion de Fallope, qui voyait dans l'écou-
lement de pus par l'oreille un effort de la nature pour déverser
au dehors la matière morbide accumulée dans la tète, la nature
des inflammations du conduit auditif est aujourd'hui un fait
bien connu. Le professeur Troltsch rappelle à ce propos la
phrase digne de remarque d'un médecin américain, le docteur
Clarke : « C'est un fait d'une telle importance d'avoir toujours
l'attention dirigée vers l'oreille, dans le cours ou à la suite dés
fièvres éruptives, que le médecin qui négligerait ce soin ne peut
être considéré comme ayant rempli son devoir envers son ma-
lade. » Tout le monde sait avec quelle rapidité, à la suite d'un
refroidissement ou d'une angine; l'inflammation s'étend de la
376 -revue DE pathologie nerveuse.
muqueuse pharyngienne à la muqueuse de l'oreille. On con-
naît aussi la fréquence des otites dans le cours de la grippe, de
la diphthérie, de la coqueluche, de la scarlatine, de la rougeole,
de la variole, de la fièvre typhoïde, de la tuberculose pulmo-
naire. La scrofule et la syphilis jouent aussi un rôle important
dans l'étiologie des affections de l'oreille. Si on rapproche de
cette fréquence de l'otite la parité et le nombre des complica-
tions qu'elle peut déterminer, on reconnaîtra l'importance
méritée attribuée à cette affection.
Ce sont ces complications qui font l'objet du mémoire du
D Andrews. L'auteur est plus au courant des recherches
publiées en Allemagne que des travaux français. Il ne cite pas
et ne parait pas connaître le mémoire, classique en France,
du professeur Brouardel, inséré dans les Bulletins de la Société
anatomique, et où se trouvent étudiées toutes ces complica-
tions : méningite purulente, abcès du cerveau, phlébite ou
thrombose des sinus ou de la veine jugulaire interne, hémorrha-
gie mortelle par perforation du canal carotidien, avec érosion
de l'artère carotide, de la méningée moyenne, des grands
sinus veineux, ou de la jugulaire.
A propos de l'abcès cérébral, l'auteur rappelle que, d'après
une statistique de Meyer (de Zurich), les lésions de l'oreille
tiennent à peu près le même rang que le traumatisme dans
l'étiologie de l'encéphalite suppurée.
Toynbee a essayé d'établir le siège de ces abcès d'après la
cavité de l'oreille lésée. Ainsi, l'inflammation du conduit audi-
tif externe s'étendrait au sinus latéral et au cervelet ; l'inflam-
mation de la caisse, au cerveau ; celle du labyrinthe, à la
moelle allongée. Gull a modifié cette loi trop absolue de
Toynbee ; d'après lui, le cervelet et le sinus latéral souffrent
des lésions de l'apophyse mastoïde, tandis que le cerveau est
menacé par les caries de la voûte de la caisse.
La marche de l'encéphalite suppurée varie suivant qu'elle
est aiguë ou chronique. Dans la forme chronique, l'abcès
s'enkyste, ce qui n'a pas lieu dans la forme aiguë. Dans le pre-
mier cas, la mort survient par rupture de l'abcès dans les ven-
tricules ou sous les méninges, ou par un oedème aigu; dans le
second, par extension de la suppuration et destruction de la
substance cérébrale.
Dans l'abcès aigu, la maladie évolue vers la mort en huit à
douze jours ; .parfois, elle se prolonge pendant trois à six
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 377
semaines. L'abcès chronique est caractérisé par une période
latente prolongée, interrompue parfois par des accès de cé-
phalalgie. Dans quelques cas, l'abcès évolue sans que lien ait
pu faire soupçonner son existence. La durée de cette période
latente varie de quelques semaines à plusieurs mois. Dans un
cas de Harlin, le traumatisme, cause de l'abcès, datait de vingt-
six ans.
D'après Schwartz, la thrombose ou la phlébite des sinus ne
pourrait être diagnostiquée que lorsqu'il existe des signes de
pyohémie. Les observations d'un grand nombre d'auteurs
prouvent cependant que le signe indiqué par Gehrardt et Grie-
singer comme pathognomonique de cette lésion, l'oedème dou-
loureux de la région mastoïdienne, a une grande valeur dans
le diagnostic de la phlébite du sinus latéral. C. T.
XXVI. L'ATAXIE locomotrice différenciée des troubles
fonctionnels qui la simulent; par A.-D. ROCIi\VELL. ( ? eZC'-
l'oîk. ? 2ede'eal Jottï,nal, 1881, p. 546.)
L'auteur pense qu'un certain nombre de cas, traités comme
ataxie locomotrice, ne sont autre chose que des exemples d'ir-
ritation spinale. « Les étonnantes assertions, dit-il, concer-
nant la curabilité de la sclérose spinale, qui avaient cours en
Allemagne il y a quelques années, n'ont pas été confirmées par
l'expérience ultérieure. » Il croit que dans ces prétendus faits
d'ataxie guérie, il n'existait pas de lésion des cordons posté-
rieurs.
Il rapporte quatorze observations résumées : onze ont trait
à des ataxies vraies qui ont résisté atout traitement; trois sont
des exemples d'incoordination motrice avec anesthésie et trou-
bles nerveux divers par simple irritation spinale. Voici une de
ces dernières observations :
R..., âge de vingt-huit ans, souffre d'une incoordination marquée
des mouvements avec insomnie, impuissance génitale, névralgies
généralisées plutôt que localisées, et présente en même temps une
grande dépression physique et intellectuelle, ces symptômes existent
depuis un an et sont survenus à la suite d'une vie très dissipée.
U n'accuse aucune anesthésie et touche sans hésitation à un point
donné de la face par un mouvement rapide de la main. Les réflexes
tendineux et pupillaires sont normaux. Sous l'influence de la fara-
disation générale et de la galvanisation centrale, le malade guérit
en six semaines.
378 s REVUE DE pathologie nerveuse.
L'auteur attribue une grande importance dans le diagnostic
de l'ataxie vraie aux signes suivants : l'impuissance à toucher
un point donné à la face, le nez ou l'oreille, par un
rapide mouvement de la main ; difficulté à apprécier de faibles
différences de poids ; abolition du réflexe pupillaire et des
réflexes tendineux. C. T.
XXVII. Importance DU diagnostic précoce DE l'épilepsie;
par E.-C. SEGUIN. (Themeda'calllecool 11'eao-I'ooh, août 1881.) .)
La répétition des attaques d'épilepsie crée une condition
particulière du système nerveux (epilectic centre), une habi-
tude épileptique que l'on peut éviter par un traitement pré-
coce. Il importe de reconnaître l'épilepsie le plus tôt possible.
Dans les deux premières années, l'axe spinal est excessivement
irritable, et de nombreuses causes périphériques peuvent
provoquer des convulsions qui n'ont rien à faire avec l'épilep-
sie ; mais passé cet âge, l'irritabilité décroît, et on a beaucoup
exagéré la fréquence des convulsions réflexes. Chez les enfants
au-dessous de trois ans, en dehors des traumatismes du crâne,
des maladies organiques du cerveau, de la microcéphalie, les
convulsions sont presque toujours d'origine réflexe; surtout si
elles se répètent dans un court espace de temps; une attaque
isolée doit faire craindre l'épilepsie. Chez les sujets de trois à
quinze ans, en dehors des affections rénales, les convulsions
sont presque toujours épileptiques, il est excessivement rare
qu'elles soient déterminées par une irritation des organes
digestifs ou sexuels. Chez les adolescents et les adultes, en
dehors de la syphilis et des néphrites, les convulsions, surtout
si elles constituent une attaque isolée, sont presque certaine-
ment épileptiques. Dans tous ces cas, indépendamment de
l'hygiène et du traitement spécial de chaque maladie, il faut,
suivant l'auteur, donner le bromure et le continuer pendant
plusieurs mois. CH. F.
XXVIII. CONTRIBUTION A l'étude DE l'épilepsie gastrique ET
DES RELATIONS EXISTANT ENTRE CETTE ÉPILEPSIE ET CERTAINES
névroses DU nerf vague ; par II. Pommay. (Revue de méde-
cine, juin 1881.)
L'auteur, se basant sur deux observations personnelles et
sur quelques faits empruntés à la littérature médicale, admet
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 379
que les troubles de la digestion, et en particulier ceux qui
résultent de la surcharge stomacale, peuvent produire des
symptômes nerveux divers dus à la paralysie ou à l'excitation
du nerf vague. Ces phénomènes sont d'origine réflexe et se
passent tout entiers dans la sphère du nerf vague (irritation de
ses rameaux sensitifs, ou paralysie réflexe de ses rameaux car-
diaques). Les phénomènes d'excitation se traduisent par des
attaques épileptiques, les phénomènes paralytiques, par des
crises cardiaques (battements précipités du cobut et arythmie).
L'âge et la condition de santé habituelle des malades paraissent
être pour quelque chose dans le mode de réponse à l'excitation :
les attaques d'épilepsie se rencontreraient principalement chez
les jeunes gens -vigoureux, bien portants d'habitude, tandis
que les autres troubles atteindraient les sujets d'un âge mûr.
anémiés et débilités. L'épilepsie 'gastrique diffère des autres
épilepsies en ce qu'elle reconnaît pour cause des écarts do
régime, par les vomissements alimentaires qui s'ajoutent aux
autres symptômes de l'attaque, par l'embarras gastrique qu'elle
laisse à sa suite. - 0 eu. P.
XXIX. Ataxie locomotrice, suite DE variole; par IIENDEITSON.
' (Louisville med. Me/M, 1 février 1882).
Dans une réunion générale de la société ilarvéienne de
Londres, le Dr C.-G. Henderson a lu l'observation d'un cas de
variole confluente suivie d'ataxie. Le malade, M. George A...,
âgé de vingt ans, fut reçu, le 27 mai 1881, au 6'a ! /H ? HC ? 'as
Tent /«7a/. Sa température, qui était de 100 à 103°, s'éleva
subitement le 31 mai, en quelques heures, à 1070,8. 11 fut
alors plongé dans un bain à 68° pendant quinze minutes. La
température tomba à 9(>^, mais s'éleva dans les dix-huit
heures qui suivirent à 10V> ? on donna un nouveau bain.
11 ne survint ni hyperpyrexie, ni aucune autre complication ;
mais la convalescence fut longue, de larges bulles étant ap-
parues sous la plante des pieds et ayant laissé des croûtes qui
se détachèrent très lentement. Le 18 juillet, alors qu'il com-
mençait à se lever, le malade ressentit des engourdissements
et des fourmillements dans les pieds, les mains et les jambes.
Les réflexes du tendon rotulien et de la peau faisaient défaut,
et il ne pouvait se tenir debout lorsque les yeux étaient fer-
més. Pas de myosis. Après avoir quitté Tent laospital, il se fit
380 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
soigner comme malade externe à University Collège Aos ?
Il recouvra lentement la force dans les jambes, mais la der-
nière fois qu'on le vit, le réflexe tendineux faisait encore dé-
faut. Le Dr IIenderson rapprocha ce cas des observations ana-
logues rapportées par Landouzy et d'autres auteurs, et consi-
déra les lésions causales des symptômes observés, comme
probablement analogues à celles trouvées dans la paralysie
diphthéritiquo et les autres formes de paralysie mentionnées
après les maladies aiguës. Les symptômes différaient, par la
marche favorable qu'ils prirent, finissant, dans la grande ma-
jorité des cas, par la guérison, de ceux qu'on observe dans
l'ataxie locomotrice vraie. G GII,I,FS DE 1,A ToURr'I'TL.
XXX. Paraplégie hystérique chez un enfant; par A.-G.
B,RRs. (7lie l3't(isl med. journal, 1883, 5 février.)
Joseph A..., âgé de douze ans, fut admis le 23 novembre
1881. Avant son admission, il était resté quelques mois dans
la section des malades externes, souffrant d'une incontinence
nocturne d'urine pour laquelle le galvanisme, le bromure de
potassium et beaucoup d'autres remèdes avaient été employés
sans résultat. Il avait été circoncis, dans son enfance, suivant
la coutume juive. Sept jours avant son admission, étant alors
dans son état de santé habituel, et pendant qu'il se promenait,
sa jambe gauche fléchit subitement sous lui, et en quelques
minutes il devint complètement paraplégique. Ni douleurs
dans les membres, ni convulsions. C'était au moment de son
entrée un garçon parfaitement bien portant en apparence,
mais gardant le lit. Légèrement émotionnable, les pupilles
largement dilatées, il ne présentait rien de particulier du côté
des bras et des mains, mais ne pouvant, disait-il, remuer les
jambes en aucune façon. Celles-ci paraissaient du reste com-
plètement normales : la peau avait son aspect habituel, les
muscles possédaient leur volume normal et il n'y avait aucune
apparence de troubles trophiques du côté de la peau, des os ou
des jointures. Les membres inférieurs étaient dans l'extension
complète. Il n'y avait pas, à proprement parler, de contracture,
mais la flexion passive du genou s'obtenait avec difficulté.
L'anesthésie et l'analgésie de toute la circonférence des
membres était complète à partir de la rotule jusqu'au niveau
de la racine des orteils : les limites supérieures et inférieures
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 381
du territoire anesthésié étant parfaitement définies. Les réflexes
plantaires, patellaires et crémastériques étaient normaux.
Le pouvoir volontaire était totalement perdu, et depuis le début
de la paraplégie, l'incontinence nocturne avait, disparu.
Le 25 novembre, disparition presque complète de l'anesthésie
et retour de quelques mouvements dans les jambes. Le 16, il
peut se lever et marcher, soutenu, et le 6 décembre il quitte
l'hôpital bien portant et pour le moment débarrassé de son in-
continence urinaire. G. G. DE la T.
CONTRIBUTION A L1 localisation, des tumeurs DE L'É-
CORCE du cerveau; par C. VON Monakow. (Arch. ? Psych. u.
Nérvenk, XI. 3.)
L'observation concerne une femme de 35 ans entachée
d'hérédité psychopathique souffrant depuis 18 ans environ de
mélancolie chronique et d'hystérie chez qui, consécutivement à
un sarcome mammaire opéré, se développaient dans les divers
organes des nodosités de même nature. Quatre mois après
l'opération, on assistait à des manifestations permettant de con-
clure à une lésion centrale. Telles des douleurs névralgiques
dans le bras droit et l'articulation de l'épaule de ce côté (inté-
grité des modes de la sensibilité ordinaire) ; bientôt tuméfaction
de la région pariétale gauche dont lapression détermine des ver-
tiges, des céphalalgies, des hyperalgies du membre supérieur en
question. Puis céphalagie permanente, malaise général, dépres-
sion prononcée. Enfin, au bout de dix semaines, parésie de la
jambe gauche qui présente les mêmes troubles de la sensibi-
lité que le bras droit. Quelques semaines avantl'issuc mortelle,
somnolence et coma dont on faisait aisément sortir la malade
par le simple contact des membres atteints. L'autopsie
montre dans la cavité crânienne la présence de trois nodosités
sarcomateuses. L'une d'elles, de la grosseur d'un pruneau,
développée presque exclusivement aux dépens du feuillet externe
de la dure-mère, a perforé le crâne (siège de la tuméfaction
gauche) et comprimé à la fois le lobule pariétal supérieur
auclle(circonvul.pariét.sup. d'l : clcer);encet endroit, atrophie
de l'écorce, prolifération nucléaire de l'épendyme, intégrité de
la substance blanche. Les deux autres néoplasmes, du volume
d'un haricot et d'un pois, siègent, l'un dans la faux de la dure-
mère au niveau de la circonvolution de l'ourlet sur la gauche,
382 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'autre, dans cette membrane, à la région moyenne de la cir-
convolution supra-marginale droite; intégrité de la pie-mère
etde l'écorccen ces régions. Intégrité absolue de la moelle et des.
gros troncs nerveux. Généralisation sarcomateuse dans les
poumons, lemédiastin, la plèvre, lescôtes, l'utérus, les ovaires,
la paupière supérieure gauche, enfin la tète de l'humérus droit :
à l'égard de cet os, l'intégrité des troncs nerveux du bras et de
la cavité articulaire permettrait, selon M. Monakow, de rendre la
tumeur numérale irresponsable des accidents nerveux constatés.
- Latrès faible atteinte de l'écorce, là où elle est lésée, rappro-
chée des progrès des symptômes psychiques parallèles au déve-
loppement des tumeurs, indique pour l'auteur une relation de
cause à effet directe entre l'excitation corticale etles phénomènes.
Lodéfaut d'altérations dans les parties sous-jacentes aux petits
sarcomes dure-mériens permet d'éliminer, à son sens, leur in-
fluence. Il s'agirait donc de relier l'ensemble des manifestations
croisées et alternes ci l'altération du lobule pariétal supérieur
avec l'excitation de l'écorce gauche; peut-être s'agit-il d'un
entrecroisement partiel des pyramides ? Quant aux rapports
des sensations douloureuses de cette région, de nombreux faits
cliniques les constatent tant que la destruction n'a pas fait son
oeuvre; peut-être l'explication pourrait-elle en être cherchée
dans le voisinage de la partie postérieure de la capsule interne
et des circonvolutions pariétales, celles-ci recevant probable-
ment des fibres sensitives issues de celle-là. P. K.
DEUX cas DE myélite; par G. MOELI. (A)'671/i;. f.
Psych. u. 11'ervezla. XI. 3.)
Observation L-l3rusque atteinte d'analgésie et de faiblesse
motrice dans les extrémités inférieures. Symptômes prédomi-
nants d'une affection médullaire unilatérale. Ultérieurement
paralysie croissantes'étendant à l'autre jambe; rigidité, contrac-
tures en flexion, parésie vésicale. Phénomènes tendineux pro-
noncés. Myélite (transverse) de la moelle dorsale inférieure
avec dépôt pigmentaire abondant : dégénérescence ascendante
et descendante.
Cette pigmentation, trouvée dans les foyers scléreux, serait
pour l'auteur en rapport avec l'intensité de l'affection (dilata-
tions vasculaires, liémorrbagies). Il conseille de rapprocher ce
fait des observations deleydoii et Strümpell dans lesquelles
\
REVUE DE PATkûLOGIE NERVEUSE. 383
sont notées des lésions scléreuses consécutives à une myélite
aiguë ou subaiguë, et des expériences de Leyden qui, à la suite
de foyers myélitiques artificiels, trouva plus tard des processus
scléreux.
Observation II. Raideur et affaiblissements de la jambe
droite développés graduellement en six ans, puis s'étendant ra-
pidement à la jambe gauche. Parésie vésicale.,Faibles manifes-
tations du côté de la sensibilité. Au moment de l'admission,
paralysie de la jambe avec rigidité/Phénomènes tendineux ac-
cusés. Troubles modérés de la sensibilité. Cystite ; contracture.
Accidents du décubitus. Mort. Foyers scléreux à travers la région
dorsale inférieure et lombaire de la moelle. Lésions des cordons
de Goll dans la moelle dorsale et cervicale; lésions du faisceau
pyramidal dans la moelle lombaire.
Le processus devrait être considéré comme une combinaison
de dégénérescences pseudo-secondaires et de dégénérescences
asystématiques, mais sous la forme purement spinale. P. K.
XXXIII. Dégénérescence I'UNIb'OR : 11E DES CORDONS postérieurs
DE LA MOELLE ACCOMPAGNÉE DE 91LNIGODIYLITE EN FOYERS ;
par JULIUS Wolff. (Archiv. f. Psch. u. 1)'ei,veizk, XII, 1.)
Le processus de la dégénérescence grise des cordons posté-
rieurs (tabès dorsal) est-il primitivement interstitiel ou paren-
chymateux ? Que doit-on penser de l'opinion qui le fait émaner
de la propagation d'une méningite pie-mérienne chronique
à travers les tractus conjonctifs qu'elle envoie dans la moelle
(prolifération interstitielle et atrophie consécutive des fibres
nerveuses) ? Faut-il, de préférence, croire que les éléments ner-
veux primitivement altérés, entraînent l'hypergenèse du tissu
connectif ? Enfin est-ce bien là une affection systématique ne
portant que sur certains faisceaux de fibres ?
Voici le résumé de l'observation, base de ce travail. Début
de la maladie en 1866 à la suite d'un travail manuel exagéré,
par des douleurs lancinantes dans les extrémités inférieures.
Quelques semaines après, tremblements à l'occasion des mouve-
ments intentionnels dans les extrémités supérieures. Pendant
l'été de 1867, ataxie, paresthésie. En 1876, admission à l'hos-
pice : à ce moment, élancements le long de la colonne verté-
brale, avec sensation de froid dans cette région. Dysacousie de
l'oreille droite. Ataxie des extrémités inférieures. Disparition
3J 4 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
des réflexes tendineux. Troubles de sensibilité ( ? ) dans les
extrémités inférieures. En 1878, bruit systolique au coeur. En
1880, nul trouble de la sensibilité ; de temps à autre, tensions
musculaires dans les quatre extrémités. Incontinence d'urine
et des matières ; accidents du décubitus. Mort le 15 mai 1880.
L'autopsie décèle l'existence d'une méningite médullaire avec
épaississement de la pie-mère au niveau des cordons posté-
rieurs, la dégénérescence grise des cordons postérieurs et celle
des cordons antérieurs immédiatement au-dessous du renfle-
ment cervical. Le microscope localise ces lésions dans les cor-
dons postérieurs, les cordons antérieurs, une partie des cordons
latéraux et les cornes antérieures entre le point d'émergence
de la huitième paire cervicale et de la première paire thora-
cique (dorsale). Foyer circonscrit gagnant de la périphérie à
l'un des cordons latéraux à la hauteur de la troisième paire
cervicale. Atteinte des cordons de Goll dans la moelle allon-
gée. Faible lésion des faisceaux cunéiformes. Altérations mar-
ginées en toute la moitié postérieure de la moelle allongée, et
çà et là, le long des cordons postérieurs de lamoelle. Lésions des
racines postérieures,'par places des cornes postérieures. L'épais-
sissement de la pie-mère apparaît dans l'ensemble des coupes
à la périphérie : il en est de même pour l'épendyme du
quatrième ventricule. On trouve des corpuscules amylacés
et des éléments colloïdes dans la pie-mère et au sein des
lésions. En somme, lésion luzi'lbi-me des cordons postérieurs
avec un gros foyer au-deisous du renflement cervical, et un petit
foyer dans cette région.
Dans l'espèce. M. Wolff parait incliner à l'idée d'une méningite
ayant déterminé une lésion interstitielle, à raison de l'accentua-
tion des phénomènes inflammatoires de la pie-mère tout autour
de la portion inférieure de la moelle allongée et de la coexis-
tence en cet endroit d'altérations marginées étendues, du
moins en arrière (sans sélection systématique) ; de l'épaississe-
ment considérable de l'épendyme à la région supérieure de la
moelle, au-dessous de la protubérance, sans dégénérescence;
des mêmes manifestations du côté de la pie-mère lombaire
accompagnées de dégénérescences marginées, malgré la bénig-
nité et la faible étendue des lésions de la méninge; on peut
suivre à ce niveau un tractus conjonctif depuis les racines pos-
térieures jusqu'au milieu des cordons de Goll. L'apparition
tardive de la raideur et des douleurs vertébrales (dixième
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 385
année de la maladie) devrait dépendre de la nature sponta-
nément chronique de l'inflammation méningée.
Le mécanisme des douleurs qui ont ouvert la scène (douleurs
des membres inférieurs) suscite, selon l'explication qu'on leur
applique, une conception différente de l'évolution générale
des lésions anatomiques, dans leurs rapports réciproques. L'idée
de la pression exercée par la pie-mère enflammée sur les racines
à leur émergence, indiquerait une méningite primitive dont le
premier foyer serait, vu l'âge et l'allure des altérations, celui
que l'on constate au-dessous du renflement cervical, la forte
participation des cordons antéro-latéraux expliquant en même
temps le tremblement intentionnel des extrémités supérieures
concomitant. Une seconde hypothèse concernant ces manifes-
tations a trait à la lésion des fibres radiculaires intra-médul-
laires, l'inflammation gagnant en profondeur d'abord dans les
cordons postérieurs delà moelle lombaire, puis dans la région
thoracique supérieure. Enfin une troisième pathogénie, égale--
ment possible, relève de la production concurrente d'un foyer
de méningo-myélite dans la région thoracique supérieure
comprenant les cordons antéro-latéraux de la moelle cervicale
et d'un loyer parenchymateux dans les cordons postérieurs. ,
Sur le chapitre de la systématisation et de l'existence de
lésions parenchymateuses, l'auteur ne croit pas pouvoir tirer
de ce fait des conclusions. Il se borne à constater la confirma-
tion de l'allégation de Pierret, que la dégénérescence des cor-
dons de Goll, dans la région cervicale, n'a rien à voir avec
l'ataxie brachiale, et de l'opinion de Westphal que l'ataxie
des membres inférieurs dépend de la dégénérescence des rubans
externes des cordons postérieurs, comme l'absence de réflexes
patellaires. Les tremblements à l'occasion de mouvements
voulus dans les membres supérieurs, évidemment d'origine
centrale (les nerfs périphériques n'ont malheureusement pas
été examinés), survenant avant les tensions musculaires chez
une personne jusqu'alors bien portante; parmi les symptômes
caractéristiques d'une maladie de la moelle, ne sauraient
dépendre que du foyer qui siège au-dessous du renflement cer-
vical (intégrité des régions) ; l'extension transverse, à cette.
hauteur, des lésions de la moelle aux deux cordons antérieurs,
(expériences de Brown-Séquard), à une portion des cordons
latéraux et des cornes antérieures, est plus que nécessaire pour
rendre compte de ce phénomène : Iiatliblogique. P. K.
Archives, t. IV. an
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XV. Procédé pour COUPER LES accès d'agitation chez LES
MALADES ATTEINTS DE PSYCHOPATHIES CHRONIQUES, A L'AIDE
DES INJECTIONS DE QUININE ET DU BROMURE DE POTASSIUM ;
par Richard KoHN (Arch. f'. Psych. n. lYeî,veî ? le., XI. 3.)
Ces accès, qui se montrent de temps à autre, sont précédés
de prodromes extrêmement fugaces qui, à raison de leur valeur,
variable suivant les cas, échappent à une description fondamen-
tale d'autant que, l'évolution étant rapide, ils indiquent sou-
vent moins l'approche que le début de l'accès. Citons la con-
gestion, l'hyperémie céphalique, les battements carotidiens,
l'agitation, l'anxiété, le marmottement; un pouls petit, dépres-
sible et des convulsions fibrillaires à la langue, accompagnées
d'état sabural et de tremblement des doigts en ce qui concerne
les exacerbations de la folie systématique (Meyer). Souvent,
ajoute M. Kohn, avant même qu'aucun signe psychique se soit
montré,' la pupille change, témoignant d'un trouble de circula-
tion précédant ceux de l'innervation (manie périodique, folie sys-
tématique, hystérie) : il en est de même du changement dans les
habitudes (Reimer). Quoi qu'il en soit, c'est au moindre symp-
tôme suspect qu'on agira. L'auteur relate une observation,
qu'il considère comme manie simple, datant déjà de treize ans
dans laquelle des agitations périodiques croissaient en durée :
sous l'influence de quatre, cinq, six grammes de K Br, répété
jusqu'à trois fois par jour, ces accès ont disparu au bout d'un
an de traitement. Un second succès a trait à une lypéîna)iz«e ? 'e-
ligieuse : deux et trois grammes matin et soir arrêtèrent deux
accès envoie d'évolution.
Les résultats heureux à l'aide de la quinine furent obtenus
grâce à des injections hypodermiques de quatre seringues de
la solution suivante au début de l'accès :
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 387
Les quatre seringues représentent 80 centigrammes de la
substance active, équivalent à lui, et 5 grammes de quinine en
ingestion buccale. L'absorption en est très active et rapide,
l'auteur n'ayant jamais eu à noter, ni nausées, ni vomisse-
ments, ni aucun phénomène d'irritation locale, quand il eut
soin d'employer la solution chaude et bien divisée. Très forts
bourdonnements d'oreilles : deux observations à l'appui. Dans
l'une il s'agissait d'une hystérique ovarienne dont les accès me-
naçaient d'antralner le suicide : disparition complète des crises
sous l'influence de l'injection. Dans l'autre qui concerne une
maniaque ayant déjà eu de longs accès, chaque dose de 0,80
calme la malade ; en même temps, abaissement de sa tempéra-
ture de 38 à 37°, et du pouls de 136 à 100 : une série de douze
injections, soit 3 gr. 20, décidèrent de la persistance de l'amé-
lioration.
M. Kohn croit que la quinine agit simplement sur le coeur
parce que le pouls présente une réduction plus forte que la
température, et qu'en aucun cas il n'eut à noter de phéno-
mènes cérébraux. Le bromure agirait plutôt sur les cellules
corticales. P. K.
XVI. LE RÉFLEXE TENDINEUX DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE DES
aliénés ; par J.-C. Shaw. (Archives o f nechzite. New-Yorh,
août 1881).
M. Shaw a étudié le réflexe tendineux, sur soixante et onze
hommes et sur onze femmes. Chez les soixante et onze hommes,
il était normal dans vingt-huit cas, diminué dans huit, absent
dans treize, exagéré dans vingt-deux. Chez les onze femmes,
il était normal sept fois, une seule fois il était absent, et dans
trois cas il était exagéré. La moelle a été examinée dans dix-
huit cas ; quand les réflexes étaient normaux, la moelle n'of-
frait aucune lésion ; quand ils étaient exagérés, il existait une
dégénération secondaire, symétrique des cordons latéraux. Dans
quelques cas d'abolition complète, il y avait en même temps
une contracture marquée, qui ne dépendait pas de la sclérose
latérale, mais d'une sclérose périphérique due à une ménin-
gite chronique.
Dans les cas d'abolition, il y avait soit une sclérose fasciculée
postérieure, soit une sclérose corticale peu marquée dans la
même région. Quelques observations montrent que l'exagéra-
388. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
tion du réflexe' correspond à une difficulté marquée de la parole
et à des attaques hémi-parétiques. Cette connexion est suscep-
tible d'une démonstration, anatomique sur, laquelle l'auteur
reviendra... , Cn. F. ' t '
.... ' z
XVII. Sur la folie morale; par J.-Il. GASQuET. 7 ? e Journal
- ! of Mental Science, avril 1882, p. 1.)
' M.- Gasquet pense que si l'on éprouve quelque difficulté à
concevoir une folie morale distincte de la folie intellectuelle,
cela provient surtout de ce que l'on ne tient pas suffisamment
compte de la' complexité des processus mentaux qu'implique le
plus simple des actes ! moraux ; il se propose de rechercher à
quel point.de ces processus mentaux que l'on désigne sous le
nom de' moraux, la folie peut intervenir pour les priver de leur
caractère normal. L'auteur écarte tout d'abord, comme n'ap-
partenant pas au domaine de la folie morale, les actes accom-
plis, soit sous l'influence d'une impulsion irrésistible, soit sous
l'influence d'une passion violente.
Ce qui -constitue essentiellement un acte volontaire, c'est
d'abord une délibération, et ensuite une détermination : l'au-
teur examine successivement ces deux processus.- En ce qui
touche la délibération, il est clair qu'elle devient impossible
lorsqu'un ou plusieurs des faits nécessaires pour former un
jugement sont inconnus ; elle est non moins impossible
lorsque des illusions ou des hallucinations font entrer en ligne
de compte des faits qui n'ont rien de réel. Ce que les per-
sonnes étrangères à l'étude de la folie conçoivent moins facile-
ment, c'est que les faits puissent être exactement connus sans
que leur valeur morale et leurs rapports soient sainement
appréciés. C'est pourtant ce qui arrive, et l'on trouve de ce fait
un exemple, sans conséquences sociales fâcheuses,, dans la
mélancolie sans hallucinations, où les malades ont une con-
naissance très correcte des divers événements de la vie, et
voient cependant dans tous ces événements, sans distinction,
des motifs de tristesse. Il résulte des études qui ont été, faites
sur la folie morale que cet état se rencontre surtout dans deux
cas : tantôt, en effet, il précède ou suit un état démolie plus
manifeste, tantôt il constitue un héritage reçu de parents né-
vropathes. Dans le premier cas, les jugements moraux d'ordre
général demeurent- intacts ; c'est leur application aux cas par-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 389
ticuliers qui devient impossible : c'est alors que l'on voit les
malades changer brusquement de sentiments à l'égard de
leurs proches, changer, sans motifs, de religion, d'occupation,
d'habitudes, et perdre la juste notion de leur équilibre budgé-'
taire. Le second cas est encore plus grave : là, tous les
jalons moraux sont déplacés, le critérium des actions indivi-
duelles fait totalement défaut, la notion du bien et du mal est
troublée, ou, ce qui est plus ' fâcheux encore, complètement
retournée.
La physiologie peut nous rendre compte de tous ces symp-
tômes ; prenons par exemple le dernier cas examiné : Il est'
évident que, quelle que soit l'hypothèse adoptée relativement
aux rapports qui existent entre le corps et l'esprit, tous les
centres corticaux doivent être capables d'agir ensemble, et que-
quelques-uns d'entre eux doivent être ordinairement associés,
(soit d'une façon congénitale, soit par habitude) et qu'il y a là
une condition indispensable de l'activité normale nécessaire à
l'esprit pour découvrir les rapports mutuels des idées. Suppo-
sons maintenant que quelques-uns de ces centres soient dis-
sociés, ou que, par malformation congénitale, certaines cel-
lules corticales, qui normalement doivent être séparées, se
soient reliées les unes aux autres, et nous concevons facile-
ment le mécanisme suivant lequel peuvent se produire, soit
des associations d'idées anormales, soit un état d'insensibilité
morale. »
L'étude des lésions somatiques, pouvant influer sur la déte ? -
mination morale, est plus difficile, et fait intervenir la ques-
tion du libre arbitre. On se trouve alors en présence de deux
théories : suivant l'une, la volonté agirait à la façon d'une
force prépondérante indépendante ; son rôle serait analogue à
celui de la main qui pèse sur l'un des plateaux d'une balance ;
suivant l'autre, et pour continuer la comparaison, le rôle de
la volonté consisterait à augmenter pour ainsi dire les poids'
placés dans l'un des plateaux par l'importance particulière
attachée à la valeur des motifs que ces poids représentent,
tandis qu'en refusant toute attention à la valeur des motifs
opposés; elle diminuerait au contraire cette valeur. Dans cette
dernière hypothèse, qui paraît à M. Gasquet beaucoup plus
vraisemblable que la première, on voit que le processus
mental; tant dans sa partie positive que dans sa partie négative,
se réduit purement et simplement à un phénomène d'attention.
390 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
« Or, il est généralement admis par les physiologistes que la
fonction cérébrale nécessaire à l'attention consiste en un pro-
cessus d'inhibition s'exerçant sur les centres corticaux (ana-
logue à celui qui gouverne les régions inférieures du système
nerveux) et que Ferrier localise dans les lobes antérieurs du
cerveau. » Il n'est donc pas étonnant, lorsqu'une lésion
- cérébrale affecte dans une mesure plus ou moins considérable
les centres cérébraux les plus élevés et ceux qui sont le siège
du pouvoir d'inhibition, que l'esprit devienne incapable d'exa-
miner, au moment de prendre une détermination, les deux
côtés de la question. « Telle est, il me semble, dit M. Gasquet,
l'explication de cette perte complète de puissance sur soi-même,
de cette entière sujétion aux passions, et spécialement aux
passions les plus impérieuses, que l'on voit se manifester sou-
dainement à la suite d'une insolation, d'une lésion de la tête,
d'une affection fébrile aiguë, ainsi qu'à la première période de
la paralysie générale. » ' R. DE M.-C.
XVIII. De l'emploi DE l'atropine comme agent sédatif ; par
J.-R. GASQuET. (7%e Journal of Mental Science, n° d'avril
1882.)
L'importance que M. S. Ringer attribue à l'atropine comme
sédatif et comme hypnotique a conduit M. Gasquet à essayer
cet alcaloïde dans les cas où jusqu'ici il avait obtenu de bons ré-
sultats de l'hyoscyamine; il l'a employé dans deux cas de ma-
nie chronique avec' idées de violence et de destruction, et dans
un cas de folie chronique avec hallucinations terrifiantes de
l'ouïe; il regrette de n'avoir pu jusqu'ici l'expérimenter dans
des cas aigus. Il a paru à l'auteur que l'action de l'atropine était
moins puissante que celle de l'hyoscyamine ; les malades sont
maîtrisés par le médicament d'une façon moins complète, et
les tentatives de violence, quoique très atténuées, reparaissent
par intervalles. Les effets de l'atropine sont aussi moins pro-
longés, et il est souvent nécessaire d'y avoir recours deux ou
trois fois dans les -)le heures. En revanche, on constate chez les
malades moins de stupeur et d'accablement que sous l'influence
de l'hyoscyamine. En somme, si incomplets que soient ces pre-
miers essais, leurs résultats sont encourageants ; l'atropine au-
rait en outre, si sa valeur thérapeutique était reconnue égale à
celle de l'hyoscyamine, l'avantage de coûter environ quinze
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 391
fois moins cher que cette dernière, et cette considération n'est
pas à dédaigner dans les grands établissements. R. DE
XIX. GUÉRISON, AU BOUT DE TROIS ANS ENVIRON, D'UN ACCÈS DE
MANIE AVEC PRÉDOMINANCE DES HALLUCINATIONS DE L'OUÏE ;
par Bacon. (The Joztr ? ial of JIeîzlal Scz*e2,tce, n° d'avril 1882.)
L'observation peut se résumer ainsi : Femme de trente-trois
ans, mariée, entrée à l'asile en mai 1874. Manie aiguë avec
tendance à la violence et à la destruction. Pendant 13 mois, on
ne constate que des améliorations courtes, passagères et insi-
gnifiantes ; la malade est sale et méchante. En juin 1875, elle
est plus propre, plus calme et dort bien ; mais les hallucinations
persistent sans modification. En août 1875, abattement
marqué. En décembre 1875, rechute ; elle retombe aussi bas
quejamais. En 1876, amélioration générale, coupée cepen-
dant de quelques- rechutes : la conduite reste un peu bizarre,
les hallucinations persistent. En février 1877, elle est assez
bien pour qu'on la laisse sortir un mois, à l'essai : au
bout du mois la sortie est maintenue, la malade paraissant
guérie. Le docteur Bacon avait beaucoup hésité à la laisser
sortir; mais, vers la fin de 1881, il a su par le mari de la ma-
lade que la guérison était demeurée complète, et qu'il ne restait
d'autre trace de la maladie mentale passée qu'un peu d'irrita-
bilité dans le caractère. En général, ou considère les hallu-
cinations de l'ouïe comme caractéristiques de l'incurabilité des
affections mentales ; c'est pourquoi l'auteur a pensé que l'ob-
servation qui précède méritait d'être publiée. R. DE M. C.
XX. DE l'éducation DES aliénés ET DU système scolaire EN
vigueur A l'asile d'aliénés du district DE Richmond (Du-
blin) ; par John Fox. (The Journal o ? VeH/a science, n° d'avril
1882.) ..
M. John Fox est directeur de l'école de l'asile de Richmond,
et les renseignements que renferme son travail sur le fonc-
tionnement de cette institution sont du plus'haut intérêt; c'est
avec beaucoup de regret que nous serons forcés de les abréger,
et de n'en retenir que les grandes lignes, ou en quelque sorte
les idées directrices. Par une comparaison qui ne manque ni
d'ingéniosité, ni de justesse, il fait remarquer que le médecin
qui soigne une maladie d'estomac se garde bien de refuser les
392 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
aliments à son malade ; il se borne à les choisir, à les appro-
prier à l'état de l'organe, cherchant surtout à utiliser les fonc-
tions demeurées indemnes ; en agissant ainsi on guérit parfois
le malade; en tous cas on ne le laisse pas mourir de faim. Pour-
quoi donc n'agirait-on pas de même lorsqu'il s'agit du cerveau ?
Si les personnes qui s'étonnent de voir créer une école dans
- un asile d'aliénés comprenaient qu'il ne s'agit pas d'instruire
des fous, mais d'assurer, par une méthode graduée et appropriée
le fonctionnement cérébral de ces malades, leur surprise, née
d'une erreur, se dissiperait rapidement.
Le premier point qui frappe dans l'étude de M. Fox, c'est le
grand nombre des aliénés qui prennent part aux exercices sco-
laires : toutes les divisions de l'asile (à l'exception bien entendu
de l'infirmerie) envoient à l'école leur contingent presque
complet ; les travailleurs de la ferme et des ateliers suivent le
soir des exercices scolaires moins longs, mais réguliers; c'est à
peine, en somme, si dans chaque division on rencontre quelques
malades qui, par mauvaise volonté ou par déchéance intellec-
tuelle absolue demeurent réfractaires à l'école. Les malades
sont divisés en six classes, suivant leur instruction acquise ou
suivant le plus ou moins de conservation de leurs facultés men-
tales : cette division en classes se base principalement sur les
connaissances en lecture, en arithmétique et en géographie.
Les principales matières de l'enseignement, que l'on s'est pro-
posé de faire correspondre aux diverses facultés de l'esprit,
sont : l'instruction religieuse, les lectures morales avec déduc-
tions pratiques, les leçons de choses, la lecture, la géographie
et l'arithmétique, l'écriture, le dessin, la musique, la marche
au pas et les exercices militaires. En outre tous les jeux de
jardin et d'appartement, depuis le criketetles quilles jusqu'au
billard et aux échecs sont enseignés et encouragés. Enfin l'a-
sile renferme une bibliothèque de 200 volumes, destinés aux
malades, et dont la distribution, aussi bien que la responsabi-
lité est confiée aux chefs de quartier. Des journaux quotidiens,
des périodiques illustrés et plusieurs recueils mensuels complè-
tent les ressources intellectuelles mises à la portée des malades
et utilisées avec plaisir parle plus grand nombre d'entre eux.
Nous passons ici sous silence un grand nombre de détails,
d'une application plus ou moins utile, plus ou moins facile ;
nous souhaiterions que le travail de M. Fox fût lu et médité
par tous les directeurs d'asile ; nous avons la conviction qu'ils
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 393
ne tarderaient pas à instituer, dans la mesure des ressources
dont ils disposent, un système scolaire dont M. Fox, qui l'ap-
plique avec un dévouement digne d'éloges, résume ainsi les
avantages : 1° Fournir une occupation à un'grand nombre de
malades qui sans cela resteraient oisifs ; 20 varier les occupa-
tions de tous ces malades ; 3° appliquer la méthode de l'éduca-
tion à l'amélioration ou au soulagement de l'état des malades
atteints d'affections mentales; 4° rompre la monotonie de la
vie de l'asile et contribuer ainsi au bien-être de ceux qui y
sont internés 1. R. de M.-C.
XXI. Folie associée A la chorée; deux observations; par
Joseph WiGLESwopTH. (llie journ. of Ment. Science, avril
1882.)
Voici le résumé de ces deux observations :
1° Femme de vingt-un ans, mariée, d'une bonne santé ha-
bituelle, ne comptant pas d'aliénés dans sa famille ; un mois
avant son entrée à l'asile, elle a eu une attaque de rhumatisme
articulaire qui paraît avoir été subaigu; les troubles mentaux
datent de ce moment ; ils étaient caractérisés par des halluci-
nations de la vue; trois semaines plus tard, c'est-à-dire huit
jours avant son entrée à l'asile, elle a présenté des mouvements
choréiformes limités au bras droit et à la jambe droite ; ces
mêmes mouvements existent et sont très intenses au moment
de son entrée. En même temps, manie sans violence, agitation,
incohérence. Elle donne son nom et son adresse, mais ce sont
là les seules questions auxquelles elle répond d'une façon rai-
sonnable ; elle a des hallucinations manifestes du toucher.
Trois jours après l'entrée, retour de quelques symptômes de
rhumatisme. Coeur : pas de matité anormale, bruit systolique
court à la pointe, entendu également à la base ; le second
bruit est clair. Au bout de huit jours, disparition des mouve-
ments choréiformes, amélioration de l'état mental. Pendant
plus de dix mois reste à l'asile, présentant les signes d'une
amélioration progressive, mais lente ; elle a une grande diffi-
culté à parler, qui paraît due à un défaut de coordination des
muscles qui servent à l'articulation du langage. Au bout d'un
1 Leuret avait organisé à Bicetre, dans le même but, une école, une
bibliothèque et des jeux; mais l'administration impériale a tout fait dis-
paraître.' (B.) '
394 le REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
an environ, elle est en pleine convalescence : elle parle rai-
sonnablement, sa mémoire est bonne ; elle n'a toutefois pas
encore entièrement recouvré la direction volontaire de sa
langue. Coeur : pas de matité, bruit doux à la pointe, ne se
propageant pas dans l'aisselle. La santé générale est excel-
lente.
- 2° Fille de quinze ans, mère épileptique, un oncle aliéné;
les renseignements sont peu explicites; cependant elle aurait
été choréique depuis un mois, et aurait présenté des troubles
intellectuels depuis une semaine; on n'aurait pas constaté de
rhumatisme. Lors de son entrée à l'asile : pas de matité car-
diaque anormale; bruit systolique un peu musical à la pointe,
s'entendant dans l'aisselle. Mouvements choréiformes généra-
lisés, d'intensité moyenne. Parole indistincte à force d'être sac-
cadée ; délire tranquille ; incohérence dans les idées. Cette
incohérence cesse quand on pose à la malade des questions
simples, auxquelles elle répond d'une façon assez raisonnable;
elle reparaît dès qu'on ne sollicite plus son attention. Du-
rant un mois, persistance, avec alternatives légères d'amé-
lioration et d'aggravation, des mouvements choréiformes.
Hallucinations de l'ouïe et du goût. Après six semaines de
séjour, amélioration générale, physique et mentale.-Les mou-
vements choréiformes ont disparu ; plus d'hallucinations ; ce-
pendant la malade croit encore à la réalité des hallucinations
de l'ouïe : elle se souvient d'avoir entendu la voix de son père
bien qu'elle ne l'entende plus. Elle sort au bout de trois
mois et demi; sa santé générale est bonne; au point de vue
mental, elle est tout à fait convalescente.
L'auteur rappelle que M. Clouston a publié en 1870 (The
Journal of Mental Science, n° de juillet) deux cas de folie rhu-
matismale : dans les deux cas qui viennent d'être résumés, le
rhumatisme n'a été constaté que chez une seule des malades;
mais l'absence de renseignements suffisants ne permet pas
d'affirmer qu'il n'existait pas chez l'autre. Quoiqu'il en soit la
présence simultanée de la chorée et de l'endocardite permet de
rapprocher ces deux cas de ceux de M. Clouston. On remar-
quera ici le caractère très accentué des troubles de la sensibi-
lité spéciale, qui se sont montrés plus rebelles que les troubles
qui affectaient ou détruisaient momentanément des fonctions
intellectuelles plus élevées, telles que l'attention et la mémoire,
R. de M. C
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 395
XXII. Localisation SPINALE.- lésions destructives DE L'EN-
céphale. AFFECTION DE LA MOELLE; par W. JULIUS
Mickle. (Tlce Journal of Mental science, n" d'avril 1882.)
Nous ne pouvons donner ici les détails de l'observation et de
l'autopsie ; mais les réflexions de l'auteur, que nous reprodui-
sons, font parfaitement ressortir les particularités de ce cas
intéressant. « 1° Dans ce cas, en même temps qu'une hémiplé-
gie gauche, il existait des lésions destructives affectant à la
fois le corps strié du côté droit et le lobule paracentral droit ;
la première de ces lésions avait probablement joué le princi-
pal rôle dans la production de la paralysie ainsi que de la lésion
descendante secondaire. 2° Il y avait des contractures rigi-
des des membres du côté gauche (le bras étant dans la flexion
et la jambe dans l'extension), une diminution du réflexe ten-
dineux du genou, une absence du clonus de la cheville, et
d'autre part on ne constatait qu'une sclérose descendante très
peu marquée, tandis qu'il existait une atrophie de la corne
grise postérieure correspondante. Il est possible que la lésion
des éléments sensitife ait neutralisé, et au delà, à cet égard,
la lésion descendante des éléments moteurs. 3° La lésion
qui avait détruit la surface inférieure de l'écorce occipito-tem-
porale gauche, ainsi que la lésion partielle de la couche op-
tique gauche (pour ne rien dire de la lésion protubérantielle),
sont intéressantes et quelque peu embarrassantes, si on les
rapproche de l'anesthésie incomplète que présentait la jambe
gauche, et d'un certain degré d'hyperesthésie qui avait paru
exister sur les membres du côté droit. L'état de la moelle tou-
tefois fournit quelques explications sur ces symptômes, à la
production desquels la lésion protubérantielle peut d'ailleurs
avoir contribué; ces mêmes lésions, d'autre part, sont in-
téressantes au point de vue de la diminution de la perception
visuelle que présentait le malade à l'égard des. objets placés à
sa droite; les lésions occipitales surtout sont à rapprocher des
résultats récemment publiés par Munck. 4° Au, point de vue
de la comparaison des lésions observées dans ce cas avec celles
que l'on rencontre dans des cas cliniquement analogues, il y
. a lieu de noter qu'aucune dégénérescence morale n'accompa-
gnait ici l'extrême abaissement de l'intelligence (surtout en ce
qui touchait la mémoire), (le M.-C.
396 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXIII. LES hallucinations dans la paralysie générale DES
ALIÉNÉS, CONSIDÉRÉES SPÉCIALEMENT DANS LEURS RAPEORTS
AVEC LA LOCALISATION DES FONCTIONS CÉRÉBRALES ; par
W. Julius Mickle. (Tlie ./OM ? 'H<.o ? t7eH<a;/ Science, nos de
janvier et d'avril 1882.)
~ On sait avec quel soin et quelle persévérance M. J. Mie-Icle
s'est adonné à l'étude de la paralysie générale des 'aliénés ; le
mémoire dont il s'agit ici ne le cède point en intérêt aux tra-
vaux précédents du même auteur ; mais, composé presque
entièrement d'observations, déjà très condensées, il échappe à
l'analyse, ou plutôt ne comporte d'autre analyse que la repro-
duction des conclusions de l'auteur, qui sont les suivantes :
Les hallucinations et les illusions ont dans la paralysie géné-
rale plus de fréquence et d'importance qu'on ne leur en recon-
naît' généralement. Il est probable, et cela pour les raisons
indiquées, que les chiffres indiqués dans ce travail comme
étant les chiffres (p. 100) des paralytiques généraux chez
lesquels on a observé des hallucinations des divers sens, sont
des chiffres minimum. Contrairement à ce que l'on admet
généralement, les hallucinations de la vue ne sont guère plus
fréquentes d'une façon absolue, dans la paralysie générale que
les hallucinations de l'ouïe. Mais, chez les soldats paraly-
tiques, les hallucinations de la vue se rencontrent dans une
proportion plus élevée par rapport aux hallucinations de l'ouïe
que chez les autres soldats aliénés. Chez ces derniers, ou
d'une façon plus précise, chez les soldats atteints de folie
non aiguë, la paralysie ' générale étant exclue, les hallu-
cinations de l'ouïe l'emportent en fréquence sur celles de la
vue ; elles l'emportent également sur les hallucinations de
la vue dans la paralysie générale. Chez les aliénés, en géné-
ral, les hallucinations de la paralysie générale sont souvent
de courte durée; elles récidivent, sont variables, non systéma-
tisées, nombreuses, absurdes, grossières, quelquefois sans lien
aucun entre elles, contradictoires les unes à l'égard des autres,
et très agréables ou très pénibles. La plupart des hallucina-
tions de la paralysie générale sont liées d'une façon intime à
des lésions des centres sensoriels corticaux du cerveau.
Lorsqu'on étudie les hallucinations de la paralysie générale au
point de vue des localisations cérébrales, on peut tirer un
parti utile de la distribution des adhérences cérébro-méningées
REVUE DE PATHOLOGE MENTALE. 397
et des modifications de la couche corticale qui accompagnent
les adhérences. Dans les cas d'hallucinations de la vue chez
les paralytiques généraux, le pli courbe n'est pas affecté d'une
façon aussi marquée que tendrait à le faire prévoir la théorie
suivant laquelle il constituerait le seul centre cortical de la
vue ; on peut en dire autant de la première circonvolution
temporo-sphénoïdale, si on la considère comme le seul centre
cortical de l'audition dans les cas où il existerait des hallucina-
tions de l'ouïe. Ainsi l'anatomie pathologique de la para-
lysie générale ne vient pas à l'appui de l'opinion exclusive
suivant laquelle ces circonvolutions constitueraient ou contien-
draient respectivement les centres corticaux uniques de la
vision et de l'audition. En considérant l'ensemble des cas,
on constate que la circonvolution supra-marginale est' plus
atteinte que le pli courbe dans les cas qui s'accompagnent
d'hallucinations de la vue, et que les adhérences sont souvent
très accusées sur le lobule postéro-pariétal. On constate
également que la deuxième circonvolution temporo-sphénoïdale
paraît être plus atteinte que la première dans les cas qui s'ac-
compagnent d'hallucinations de l'ouïe, ces cas étant pris dans
leur ensemble. R. DE M.-C.
XXIV. LES experts aliénistes ET la responsabilité CRIME-
NELLE ; par D. HAciç. TUKE. (The Journal of Mental Science,
n° d'avril 1882.)
Le travail de M. Ilack Tuke est une critique, très modérée
dans la forme, très amère dans le fond, de la législation, ou
manque de législation en Angleterre en ce qui touche l'exa-
men de la responsabilité criminelle devant les tribunaux.
Nous ne pouvons suivre l'auteur dans tous les détails de cette
importante étude : il conduit tour à tour le lecteur devant les
diverses juridictions, et lui montre l'accusé constamment
dépourvu des garanties les plus élémentaires relativement à
l'étude de son état mental. Sans doute, il arrive parfois;
souvent môme, M. Hack Tuke se plaît à le reconnaître,
que le bon sens et l'équité du juge suppléent au silence de
la'loi; encore faut-il que le magistrat, pour s'éclairer sur
le degré de responsabilité de l'accusé, prenne des biais et
tourne pour ainsi dire, la loi, afin d'obtenir, malgré elle,' ce
que le sens commun voudrait qu'elle prescrivit. Ce que
398 bibliographie.
M. Hack Tuke réclame, et nul, on le reconnaîtra, n'est plus
compétent que lui en pareille matière, c'est que la législation
commande ce qu'aujourd'hui elle tolère à grand peine, et que
le soin d'ordonner une expertise ne soit pas laissé au caprice
de magistrats dont quelques-uns n'admettent en aucun cas la
doctrine de l'irresponsabilité. C'est avec l'ironie du patriotisme
'humilié que l'auteur constate que, dans les autres pays, on
étudie, lorsqu'il y a lieu, l'état mental de l'accusé avant les
débats, tandis qu'en Angleterre on l'examine après. M. Yack
Tuke indique en terminant la réforme qu'il propose, mais il
est aisé de voir qu'il s'accommoderait volontiers d'une procé-
dure quelconque en pareille matière, pourvu qu'elle ne
retardât pas d'un siècle sur les progrès de la science et de
l'humanité. Il faut souhaiter que la voix autorisée du savant
aliéniste anglais soit entendue, et que la réforme qu'il réclame
avec un énergique bon sens n'aille pas grossir le nombre des
réformes qui s'imposent toujours et ne s'accomplissent jamais.
R. de M.-C.
BIBLIOGRAPHIE
De la paralysie générale et du traumatisme dans leurs rapports
réciproques; par Vallon. (Thèse de Paris, 1882.)
Ce travail comprend' deux parties : dans la première, l'auteur
cherche à déterminer l'influence des traumatismes du crâne sur le
développement de la paralysie générale; dans la seconde il étudie
les affections chirurgicales traumatiques ou spontanées qui peuvent
survenir chez les paralytiques généraux, et considère l'évolution des
traumatismes chirurgicaux et leur influence sur la marche de la
maladie. Nous ne pouvons faire mieux que de résumer les con-
clusions de cet intéressant travail. '
I. En dehors de toute prédisposition héréditaire ou acquise, les
traumatismes du crâne peuvent provoquer le développement de la
paralysie générale. La maladie peut débuter peu de temps après
bibliographie. 399
l'accident, mais ordinairement elle n'apparaît que des mois ou des
années plus tard, sans affecter d'ailleurs une forme particulière qui
permette de reconnaître la cause. La paralysie générale, d'origine
traumatique, dont la pathogénie est complexe, se montre à l'âge
où se développe ordinairement cette affection; une certaine prépa-
ration de l'organisme semble donc nécessaire. Il est du reste avéré
que chez les sujets prédisposés, les traumatismes du crâne jouent
le rôle de cause déterminante; ils précipitent la marche de la ma-
ladie déjà en évolution. Le pronostic doit toujours être réservé dans
les cas de plaies de tête ; et chez les paralytiques généraux il faut
éviter les chocs même les plus légers. M. Vallon considère même
comme dangereux le choc de la douche descendante. Si on pouvait
reconnaître sûrement l'origine traumatique dans un cas donné de
paralysie générale, on pourrait porter un pronostic favorable sur
les enfants nés avant l'accident.
II. Dans la paralysie générale on rencontre souvent une raréfac-
tien du tissu osseux qui prédispose aux fractures dont la consolida-
tion peut être lente et incomplète, sans que cependant la guérison
soit rare. Les traumatismes des parties molles donnent souvent lieu
à une suppuration abondante. Les traumatismes suivis ou non de
suppuration exercent souvent une influence heureuse sur la para-
lysie générale, dont elles arrêtent l'évolution pendant un temps
plus ou moins long. De là l'indication des sétons et autres moyens
du même ordre dans le traitement de la paralysie générale. La
maladie, même à la dernière période, n'est pas une contre-indica-
tion à l'anesthésie et aux opérations chirurgicales. Les plaies opé-
ratoires guérissent souvent simplement, quelquefois même par
première intention. Cu. F.
Des maladies mentales et nerveuses; par Ai. 13u,lod, médecin en chef,
directeur honoraire des asiles de la Seine, 2 vol. in-8 (Mas.'on.
édit., 1882).
Sous ce titre, l'auteur a réuni en deux volumes de 600 pages
chacun toutes ses productions antérieures, éparses dans des jour-
naux spéciaux; n'y sont pas compris ses travaux si appréciés sur la
pellagre. Ces deux volumes constituent, comme l'a dit l'auteur,
son testament scientifique. Plusieurs de ces articles et peut-être
ceux auxquels M. Billod attache le plus d'intérêt, ont vieilli soit
par le progrès ou la modification dans la marche des idées sur les
questions qu'il a étudiées, soit parce que, par la valeur même des
idées et des vues qu'ils contiennent, ces articles très justement
appréciés sont tombés dans le domaine public scientifique et
maintenant connus de tous.
De telles considérations expliquent les difficultés d'analyse de
ces deux volumes, dont les chapitres les plus intéressants ont été
400 BIBLIOGRAPHIE.
publiés il y a vingt ou trente ans. C'est un ouvrage dont ou aura
une idée bien plus nette à la lecture que par une analyse qui ne
peut mentionner les idées nombreuses propres à l'auteur, jetées
incidemment çà et là, et constituant néanmoins un des principaux
attraits à la lecture de l'ouvrage.
Le psychologue se retrouve tout entier dans les chapitres sur les
lésions de la volonté, sur celles de l'association des idées, sur les
diverses formes de fypémanie, sur les intervalles lucides, sur la
chronicité et l'hérédité comparées dans leurs effets.
Le clinicien se révèle dans le chapitre sur la symptomatologie
de l'épilepsie, dans ses recherches sur la paralysie générale et sur
l'aphasie. '
Dans un autre ordre d'idées, les chapitres sur le traitement de la
folie, la colonisation des aliénés, les aliénés dangereux, une élude
très sérieuse sur la réorganisation des services d'aliénés et une
autre plus récente sur des établissements d'aliénés en Hollande,
font très apprécier les idées de l'auteur sur le traitement et l'admi-
nistration. Enfin la collection des rapports médico-légaux de l'au-
teur, qui forment la moitié du second volume, prouve que M. Billod
ne s'est désintéressé d'aucune des questions concernant l'aliénation
mentale. Charpentier.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Recherches d'anatomie comparative et d'anatomie philosophique sur
les caractères du.cmine et du cerveau; par L. Manouvrier. Thèse de
Paris, 1882.
Contribution à l'élude de l'atrophie cérébrale infantile ; par Des-
homme. Thèse de Paris, 1882.
Du traitement de l'épilepsie; par Boy £ Thèse de Paris, 1882.
Sur l'angine de poitrine; par Auury. Thèse de Paris, 1882.
' Des crises douloureuses qui peuvent se montrer sur les voies
urinaires et dans les organes génitaux au cours de l'ataxie locomo-
trice; par Queudot. Thèse de Paris, 1882.
Essai sur abcès spontanés du cerveau; par GUILLE'ic. Thèse de
Paris, 1882.
De la chute des ongles dans les affections nerveuses et en particulier
dans l'ataxie locomotrice; par Poucr : r. Thèse de Paris, 1882.
Observations de mal perforant annonçant le début d'une affection
spinale; par DLANCHAM. Thèse de Paris, 1882.
De la tétanie; par DELcnoix. Thèse de Paris, 1882.
Considérations sur les attaques apoplectifornzes et épileptiformes de
la paralysie générale; par A. Broquerre. Thèse de Paris, 1882.
Contribution à l'étude pathogénique du saturnisme cei-éb ro -spin($1;
par Charlier. Thèse de Paris, 1882. '
Névralgie par Parmilleux. Thèse de Paris, 1882. z
FAITS DIVERS. 401
De la névralgie circonflexe ou axillaire; par HÉOa. Thèse de Paris,
1882.
Des diverses hémorrhagies consécutives aux lésions des centres ? le ? ,-
veux; par Langlois. Thèse de Paris, 1882.
Elude sur la méningite aiguë des buveurs et en particulier sur la
méningite dans le deliriuan tremens ; par RAB.)EAu.Thèse de Paris, 188-2.
Schiideli2zessiiiig ; kranio und lceplealonzetrie; von BeNEDI6T. (Sep.
abd. a. d. Beal-eucyclopâdie des gesammten heilkunde.)
Contribution a l'étittie des hallucinations de la sensibilité; par
H. AnNAL. Thèse de Lyon, 1882.
Du délire ambitieux; par Paris. Thèse de Nancy, 1882.
De la lèpre; par Iianv. Thèse de Nancy, 1882.
Essai sur la lypémanie et le délire de persécution chez les tabétiques ;
par ROUGIER. Thèse de Lyon, 1882.
Des indications du trépan dans les épaazcleemcnts H : ()'a-ct'(i) : <6) ! S
consécutifs aux traumatismes ; par JoinE. Thèse de Lille, 1882.
Contribution à l'élude des formes frustes de l'ataxie locomotrice ; par
11-nTrr. Thèse de Bordeaux, 1882.
Contribution d l'étude de la crête auditive chez les vertébrés ; par
Ferré. Thèse de Bordeaux, 1882.
Contribution à l'étude de l'abcès cérébral idiopcithiqzie; par STAHL.
Thèse de Nancy, 1882.
Des 7eémilremblenaents pi,oe et postparalytiques ; par Ricoux. Thèse
de Nancy, 1882.
FAITS DIVERS
Asile public d'aliénés de M.1RÉ\'ILLE. Le mode de recrute-
ment des internes de l'asile vient d'être modifié. Jusqu'à ce jour,
les élèves étaient nommés directement par le Préfet. Le concours
vient d'être établi. Un arrêté préfectoral règle comme suit le
nouveau mode de recrutement des internes de cet asile : les élèves
internes sont nommés par le Préfet, sur une liste dressée d'après
les résultats du concours, et comprenant un nombre de candidats
triple de celui des vacances à remplir. L'ouverture de chaque con-
cours, autant que le permettront les nécessites du service, sera an-
noncée deux mois à l'avance.
Sont admis à concourir : les étudiants en médecine français et
Archives, t. IV. 2G
402 FAITS DIVERS.
justifiant d'au moins douze inscriptions de doctorat. Les candidats
déposeront leur demande à la Préfecture dix jours au moins avant
l'ouverture du concours et devront joindre : 1° leur acte de nais-
sance ; 2° un certificat du maire de leur domicile établissant leur
qualité de Français; 3° un certificat constatant qu'ils possèdent au
moins douze inscriptions de doctorat ; 4° un certificat de bonne vie
et moeurs. La liste des candidats, arrêtée par le préfet, sera
transmise au doyen de la Faculté de médecine.
Les épreuves du concours seront les suivantes : 1° une composi-
tion écrite sur un sujet d'anatomie et de physiologie (trois heures
seront accordées pour cette rédaction) ; 2° une épreuve clinique
consistant dans l'examen de deux malades, choisis l'un dans un ser-
vice de médecine, l'autre dans un service de chirurgie (quinze mi-
nutes seront accordées pour l'examen de chaque malade, et dix mi-
nutes pour chaque compte-rendu oral, après cinq minutes de ré-
flexion) ; 3° une épreuve de petite chirurgie, saignée, cathété-
risme, bandages et appareils. Le jury déterminerala durée de cette
épreuve. Les concours ont lieu au siège de la Faculté de médecine,
comme pour les concours d'internat des hospices civils de Nancy.
Les juges du concours sont trois professeurs désignés par la Fa-
culté. Le concours terminé, la liste des candidats classés par ordre
de mérite, avec les propositions du jury sera adressée au Préfet
par le Doyen de la Faculté. - C'est avec plaisir que nous enregis-
trons cette réforme, réclamée depuis longtemps. 11 est vivement à
désirer qu'elle se généralise. '
Asile d'aliénés DE Ville-Evrard. M. le Dr Espiau de la Maëstre,
médecin directeur de l'asile de Ville-Evrard, a été victime, le 11 oc-
tobre dernier, d'un accident qui aurait pu avoir les plus tristes con-
séquences. Un malade, B..., atteint du délire de persécution, l'a
saisi par derrière et a essayé de lui crever les yeux avec les doigts.
L'oeil droit a été le plus fortement atteint. Bien que le traumatisme
offre une certaine gravité, on espère qu'il n'aura pas de consé-
quences sérieuses. Nous faisons les voeux les plus sincères pour le
prompt rétablissement de M. le Dr Espiau de la Maëstre, un des
médecins les plus dévoués de nos asiles d'aliénés.
Congrès international d'électricité. Un second congrès inter-
national d'électricité sera tenu à Paris à partir du la novembre. Le
gouvernement a alloué, pour son organisation, une somme de
90,000 fr. Les principaux objets du congrès sont, grâce à de nom-
breuses expériences, de déterminer des unités électriques, de se
fixer sur les méthodes d'observation de l'électricité de l'atmos-
phère, et de réunir les statistiques relatives aux conducteurs de la
lumière.
Société MÉDICO-PSYCIIOLOG1QUE.- Cette société, dans sa séance du
31 juillet 1882, a décidé de mettre au concours pour l'année pro-
FAITS DIVERS. 403
chaîne les deux questions suivantes. P)'i'OEAt<6aMe : Existe-t-il des
signes ou des indices qui permettent de reconnaitre qu'une maladie
mentale est héréditaire, en l'absence de notions sur les antécé-
dents ? Exposer ces caractères. Pria; Belhomme : Des moyens
propres à développer la faculté du langage chez les idiots.
Faculté DE médecine ET DE pharmacie de LT01. - Au mois de no-
vembre 1882, il sera ouvert à cette faculté un concours pour une
place de chef de clinique des maladies mentales.
Concours POUR l'internat EN médecine dans LES asiles PUBLICS
d'aliénés DE la seine. Un concours pour la nomination à deux
emplois d'interne en médecine dans les asiles publics d'aliénés de
la Seine (Sainte-Anne, à Paris; Ville-Evrard et Vaucluse, dans
Seine-et-Oise) sera ouvert le lundi 4 décembre 1882, à midis précis.
Pourront prendre part à ce concours tous les étudiants en médecine,
âgés de moins de trente ans et pourvus de douze inscriptions. Les
candidats devront se faire inscrire à Paris, au secrétariat général
de la préfecture de la Seine (bureau du personnel), du 2 au
48 novembre 1882 inclusivement.
Chaque candidat devra produire les pièces ci-après : 1° un acte
de naissance ; 2° un extrait du casier judiciaire ; 3° un certificat de
vaccine ; 4° un certificat de bonnes vie et moeurs; S" un certificat
constatant qu'il est pourvu de douze inscriptions en médecine.
Le concours porte sur l'anatomie et la physiologie. La durée
des fonctions d'interne est de trois ans. La répartition des in-
ternes dans les divers services d'aliénés se fait dans l'ordre déclas-
sement établi par le jury d'examen. Les avantages attachés à la
situation d'interne dans les asiles publics d'aliénés de la Seine,
comportent le logement, le chauffage, l'éclairage, la nourriture et
un traitement fixe et annuel de 800 fr. à l'asile Sainte-Anne et de
l,100 fr. aux asiles de Ville-Evrard et de Vaucluse.
Concours POUR l'internat EN pharmacie dans LES asiles PUBLICS
d'aliénés DE la seine. TJn concours pour la nomination à deux
emplois d'interne en pharmacie dans les asiles publics d'aliénés de
la Seine (Sainte-Anne à Paris; Ville-Evrard et Vaucluse dans Seine-
et-Oise), sera ouvert le lundi 11 1 décembre 1882, à une heure pré-
cise. Pourront prendre part à ce concours tous les étudiants eu
pharmacie âgés de vingt ans au moins et de vingt-sept ans au plus.
Les candidats devront se faire inscrire à Paris, au siège général de
la préfecture de la Seine (bureau du personnel), du 9 au 25 novem-
bre 1882 inclusivement.
Chaque candidat devra produire les pièces ci-après : 1 ° un acte
de naissance ; 2° un extrait du casier judiciaire ; 3° un certificat de
vaccine ; 4° un certificat de bonne vie et moeurs ; 5° des certificats
constatant trois années d'exercice dans des pharmacies dont une
dans la même maison.
404 FAITS DIVERS.
Le concours porte sur la chimie, la pharmacie et l'histoire natu-
relle. La durée des fonctions d'interne est de trois ans. La réparti-
tion des internes dans les divers services d'aliénés se fait dans
l'ordre de classement établi par le jury d'examen.
Les avantages attachés a la situation d'interne dans les asiles
publics d'aliénés de la Seine comportent le logement, le chauffage,
l'éclairage, lanourritute et un traitement fixe et annuel de 800 fr.,
à l'asile Sainte-Anne, et de l,100 fr. aux asiles de Ville-Evrard et do
Vaucluse.
Quartier d'aliénés DE l'hospice saint-jacques, A N.11\T);S. Il
possède en tout 800 malades, dont 450 femmes environ. 11 y a
aussi quelques enfants arriérés ou idiots, disséminés dans les ser-
vices : neuf garçons et quatre filles actuellement. Aucune instruc-
tion ne leur est donnée.
Les malades sont employés à des travaux de culture, de jardi-
nage. Comme moyens de coercition, on emploie la camisole de
force, le système cellulaire, les douches, les bains prolongés, géné-
ralement pendant trois heures, quelquefois quatre heures. Les
bains sont installés d'unefaçontiès précaire. La thérapeutique est
assez réduite. Le service médical comprend six internes en médecine
(aucun en pharmacie), dont trois sont nommés au concours des
hôpitaux de Nantes, et sont alors affectés aux sections de vieillards
et de médecine proprement dite (infirmerie). Il existe un service de
varioleux, avec un interne des hôpitaux; ce service est presque
toujours vide. Les trois autres internes, dits internes abénistes,
sont nommés directement par le ministre de l'intérieur, sans con-
cours. L'asile va prochainement être agrandi, et l'on en profitera
pour apporter quelques perfectionnements dans les sections.
Ecole départementale d'infirmiers et infirmières de l'asile
sainte-anni : . Les cours ont commencé le mardi 24 octobre 1882,
à 8 heures du soir, dans l'amphithéâtre de l'Admission, et se
continueront les mardis et vendredis suivants, à la même heure.
Programme pour l'année 1882 : hygiène, administration, panse-
ments, petite chirurgie et applications hydrothérapiques, physio-
logie, anatomie, rapports de l'infirmier avec l'aliéné dans les diffé-
rentes formes mentales, petite pharmacie.
Ces cours se font sous la direction de MM. Houchereau, Dago-
net, Magnan, médecins en chef, et Quesneville, pharmacien en
chef de l'asile Sainte-Anne. - Les personnes étrangères à l'éta-
blissement qui désirent suivre ces cours gratuits doivent se faire
inscrire tous les jours, de 10 heures à 4 heures, à la direction de
l'asile.
TABLE DES MATIERES
Absinthisme chronique (études cli-
niques sur 1'), par Gautier, 263.
Albuminurie dans les maladies cé-
rébrales, 138; - comme synp-
tôme de l'accès d'épilepsie, par
Z
Aliénation, 229.
Aliénation mentale chez un sujet
atteint d'anémie et de cachexie
palustre, par J. Mickle, 10 il.
Aliénés criminels, 122, 97, `335,
239.
Aliénés (considération sur l'ly-
giène des), par Pomponne, 26 'i .
Aliénées (recherches cliniques sur
la fréquence des maladies sexuel-
les chez les), par Danillo, 171.
Aliénés incurables et tranquilles,
I n 3,
Aliénés (incidents z
cal chez les), 1311. `
Aliénés (éducation des), 391.
Aphasie, 96.
Aphasie traumatique, 374.
Aphasiques (capacité de tester des),
132.
Asiles d'aliénés (aménagement et
disposition), 133.
Asiles d'aliénés d'Australie et d'A-
six 1250.
Asiles d'aliénés, nominations, 968.
Asiles d'aliénés de Vaucluse et de
Ville-crard,l4 ? ,40 ? ; - de Cler-
mont, 1 2 ; de Maréulle, 401 ;
de Saint-Jacques, à Nantes,
.On ; - Concours pour l'internat
dans les, 403.
Assassin (1') Guiteau, 271. 1.
Assassinats par des aliénés, 143.
Ataxie locomotrice (note sur l'un
des symptômes de l'), par Mor-
timer Granville, 219.
Ataxie locomotrice (une famille
atteinte il'), par Gowcrs, 90.
Ataxie locomotrice d'origine S\Plli-
litique (tabès] spécifique),'par
Fournier, 139.
Ataxie locomotrice différenciée des
troubles fonctionnels qui la si-
mulent, 377.
Ataxie locomotrice suite de variole,
379.
Ataxie locale des extrémités supé-
rieures a\ec éphidrose, 233.
Ata\if)ucs (description de quelques
pièces relatives aux lésions os-
seuses et articulaires z
servées an musée anatomo-pa
Lliologitltie de la Sa 1pètrière, par
Ch. Féré, 202.
,ti 01)ille comme agent sédatif, 390.
Auscultation des parois du crâne,
517.
Auscultation de la parole à la sur-
face de la tête, par Adriani, 925.
nains dans les hôpitaux et les
asiles, 270.
Bilatérale (la fonction), et la sina-
piscopie, par Adamlciewicz, S9.
Cerveau (Lésion grave du -
rison), parNVootl, 221.
Cerveau d'un typhique, 257,
Cerveau (caractères propres aux
lésions de l'écorce du), 254.
Cerveau (des métastases des iutlam-
mations de l'oreille sur le), 375.
Cerveau (localisation des tumeurs
de l'écorce du), 351.
Cerveau (casuistique des blessures
du), 123.
Cerveau (températures inférieures
des malades atteints d'une lésion
du), 88.
Cerveau (altérations anatomiques
du dans les maladies infec-
tieusesl, par Itosenthal, 89.
'<06 TABLE DES MATIÈRES.
Cerveau (note sur le développement
du considéré dans ses rapports
avec le crâne), par Féré, 365.
Chorée (folie associée à la), 393.
Conceptions délirantes, 255.
Conceptions irrésistibles, par Wille,
230.
Colonies d'aliénés, 135.
Congrès des aliénistes de l'Alle-
magne du Sud-Ouest, 131.
Connaissance (maladies de la), par
Weiss, 234.
Contraction paradoxale, 372.
Côtes fracturées dans les asiles an-
glais, par Linsay, 95.
Courants continus (note sur l'action
des; au point vue physiologique
et pathologique, par Estorc, 145.
Délire mélancolique (rapport mé-
dico-légal sur un cas de), par
Magnan, 47.
Délire des négations, par Cotard,
152, 282.
Dessiccation du cerveau, 249.
Diabétiques (Des troubles nerveux
observés chez les), par Bernard
et Féré, 336.
Divorce et aliénation mentale, 120,
239,243.
Ecriture dans la paralysie générale,
par Schule, 230.
Epilepsie (Importance du diagnostic
précoce de l'), 378.
Epilepsie gastrique, 378.
Epilepsie (Pathogénie de 1", par
Chirone, 223 :
Epilepsie (albuminurie comme sym-
tôme de l'accès d'), 224.
Epileptiques (note sur l'état de la
pupille chez les en dehors des
attaques), par Marie, 42.
Epileptique (cerveau d'). ).
Epileptiques (accidents déterminés
par les fractures chezles femmes),
par Terrier et Luc, 87.
Experts aliénistes et responsabilité
criminelle, 397.
Folie, 96.
Folie associée à la chorée, 393.
Folie morale, 388.
Folie postépileptique, par Som-
mer, 92.
Folies périodiques, 129.
Folie avec conscience (recherches
sur la), par Marandon de Mon-
tyel, 188.
Folies (classificaton des), par Dela-
- siauve, 1.
Forces (état des) chez les hémiplé-
giques, par Pitres, 26.
Ganglions périphériques, 367.
Gaucher aphasique, 121.
Goitre exophthalmique, par Panas,
86.
Hallucinations unilatérales, 117.
Hallucinations dans la paralysie
générale, considérées spéciale-
ment dans leurs rapports avec
les localisations cérébrales, 396.
Hemiataxie posthémiplégique, par
Ugo Bassi, 224.
Hémianopsie, 254.
Hémiplégie (note sur un cas d')
avec paraplégie spasmodique, par
Féré, 61, 1,
Hémiplégiques (état des forces chez
les), par Pitres,26.
Hyoscyamine, 137, 235,
Hystérique (paraplégie chez un
enfant), 380.
Hystéro-épilepsie, par llills, 222.
Idiote (cerveau d'), par Beinhard,
248.
Idiots (éducation des), par Davis,
10t.
Impulsions sexuelles perverties (im-
portance médico-légale des), 131. t.
Infectieuses (altérations anato-
miques du cerveau dans les ma-
ladies ), 89.
Insula (les lésions du lobule de l')
par Perdrier, 262.
Invalides psychopathiques de la
guerre de 1870-11, par Schwaab
et Frmhlich, ! 33.
Iris (centre cortical de 1') chez les
oiseaux, par 0);lt, 226.
Leptomémiugitis hémorrhagica,pré-
sentant les symptômes de la
paralysie progressive, par Be-
chetrew, 90. n
Maladie de Méniere (note sur la
et en particulier sur son traite-
ment par la méthode de M. Char-
cot), par Féré et Demars, ? ? 0; -
par Gellé, 273.
Maladies mentales aiguës et cu-
rables (traitement des), par Bur-
mann, 95.
TABLE DES MATIÈRES.. 407
Maladies mentales et nerveuses par
Billod (bibliographie), 399.
Maladies mentales (influence des
maladies aiguës sur la genèse
des), par Krrepelin, 105.
Manie avec prédominance des' hal-
lucinations de l'ouïe (guérison
au bout de trois ans d'un accès de
- ). 391.
llénière (Etude clinique du vertige
de dans ses rapports avec les
lésions des fenêtres ovale et
ronde), par Gellé, 73.
Microcéphale (notes et observa-
tions surIa),parBoarneyd)e
et Wuillamié, 52.
Moelle (lésions unilatérales de la),
369.
Moelle (affections de la), localisa-
tion, 395.
Moelle (dégénérescence funiforme
des cordons postérieurs de la)
accompagnée de méningo-myé-
tite en foyers). 383.
Moelle épiniere (sarcome de la), à
marche latente siégeant au point
d'émergence du plexus brachial,
par Adamkiewicz, 323.
Moelle épiniere (sur les vaisseaux
de la), par Adamkiewicz, critique
par Duret, 357.
Monomanie religiense (discussion
à propos d'une prétendue) - par
Delasiauve, 1.
Monument à Darwin, 2-il.
Morphinisme, par Fr. Muiier, 97.
Mutilation chez un mystique, 270.
Myélite (deux cas de ), 382.
Nécrologie : Lagardelle, 143.
Négations (délire des), 152, 282.
Nerveux. 372.
Nerveux (troubles - observés chez
les diabétiques), par Bernard et
Féré, 336.
Névroses (traité des), par Axenfeld
et Huchard, 260.
Nominations, 268.
OEdème cérébral circonscrit comme
cause de symptômes de lésions
en foyer, 256.
Oreille (des métastases des inflam-
mations de l'-sur le cerveau) , 375 .
Pacchioni (granulations de), 368.
Paralysie agitante (essai sur une
forme rhumatismale de la), par
Vesselle, 263.
Paralysie générale (réflexe tendi-
neux dans la), 387.
Paralysie générale et traumatisme,
dans leurs rapports réciproques,
par Vallon, 398.
Paralysie progressive périodique,
130.
Paralysie spasmodique (note sur un
cas d'hémiplégie avec), par Féré,
61.
Périencéphalite purulente consécu-
tive à une infection septique,
126.
Prix Esquirol, 237; Aubanel,
237; Belhomme, 117.
Protubérance (affection de la), par
Resali, 249.
Psychopathies chroniques (procédé
pour couper les accès d'agitation
chez les malades atteints de - à
l'aide des injections de quinine et
de bromure de potassium), 386.
Pupille (note sur l'état de la), chez
les épileptiques en dehors des
attaques), par Marie, 42.
Réflexe tendineux dans la paralysie
générale.387.
Responsabilité criminelle, 397.
Responsabilité des faibles d'esprit,
117.
Rhéostats à manivelle, 253.
Sarcome de la moelle épinière, par
Adamkiewicz, 323.
Sclérose latérale primitive a issue
insolite, par Westphal, 247.
Sens génital (inversion du), et
autres perversions sexuelles, par
Charcot et Magnan, 296.
Sensitif (le faisceau), et les troubles
de la sensibilité dans les cas de
lésions cérébrales, par Ballet,
67.
Sexuelles (recherches cliniques sur
la fréquence des maladies
chez les aliénées), par Danillo,
171.
Sexuelles (perversions), 296.
Sinapiscopie, 89.
Société de psychiatrie et psycho-
logie légales de Vienne, 256 ;
Société médico-psychologique, 116
236; Société psychiatrique de
Berlin, 12 ? Sociétédé psychia-
trie et des maladies nerveuses
de Berlin, 246.
Statue de Ph. Pinel, 142.
Stupeur, 258.
408 TABLE DES MATIÈRES.
Tabac (société contre l'abus du),
142.
Tabes incipiens, par Erlenmever,
,t36.
Températures inférieures des ma-
lades atteints d'une lésion céré-
brale, par Sklowsky, 88.
Température (basse), par Kasyreff,-
88.
Thomsen (Maladie de), par West-
phal, 246.
Transfert (une application pratique
du), 371.
Tumeurs du cerveau (localisation
des), 38).
Ventricules cérébraux (études sur
les hémorrhagies primitives,
immédiates ou directes, des), par
Sanders, 237.
Zones Ilystérogencs (recherches sur
les), par Gaube, 265.
TABLE
DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Adaml : iewicz, 89, 323, 357.
Adriaiii, 225.
AUen,371.
Andrews, 376.
Axenfeld, 260.
Bacon, 391.
Bail, 120.
Ballet, 67.
Barrs, 380.
Bassi (Ugo), ? ? 4.
Bechetrew, 90.
Benno, 130.
Bernard (D.), 87, 88, 221, 336, 367.
Billod, 96, 116, 243, 399.
Binswanger, 246.
Bouriieville, 52.
Briand, 121, 246.
Burmam, 95.
Charcot, 296.
Charpentier, 93, 96, 97, 227, 230,
400.
Cliiroiie, 223.
Cotard, 152, 282.
Daily, 121.
Duntllo, 171.
Davis, 104.
Delasiauve, 1.
Demars, 220.
Duret,337.
Eilenineyer, 226, 372.
Estorc, 145.
Falret, 230.
Féré (Cli.), 61, 91, l'il, 203,230,
262, 263. 26 ? 965,267, 336, 365,
378, 379, 388, 399.
Fion, 224.
Fournier, 139.
Fox (J.),391.
Franck (S.), 3 î2.
Frensberg, 133.
23 3.
Gasquet, 388, 390.
Gaube -265.
Gautier, 263.
Gellé, 273.
Gilles de la Tourelle, 373,380, 38t,
Gowers, 90.
Granville (llortimer), 219.
Henderson, 379.
llollrender, ? 5G, ? iS.
ltucliard, 260.
Jolly, 132.
Kaiser, 371.
Z
liéraval (P.), 9 ? 116, 127, 131, 139,
933, 234, i, 35, 3.`i, 260, 367, 369,
35, 3S3, 385, 387.
Kirn, 131.
Koch, 229.
ICohn; 38fi.
Kretz, 137.
lirrelCliu, 10.
Landerer, 133.
Liusay, 95.
Loelir, 139, 318.
Luc, 87.
Magnan, 47, 296.
Marais, 117.
1\larandou de Montycl, lss.
Marie, q'2, 223, 225, 233, 236.
Maygrier, 104.
Mendelssolm, 88, 89, 90.
410 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Meynert, 237.
Mickle, 104, 295, 296.
Mills, 222.
Moèli, 382.
Monakow, 38 t.
Motet, 41G, 117.
Dlüller, 97.
Afusôrave-Clay(R.de),10G,R20,2 ?
223, 229, 390, 391, 393, 394, 395,
397, 398.
Niermeyer, 367.
0)rlh, QG,
Panas, 86.
Perdrier, 262.
Pitres, 26.
Pommay, 378.
Pomponne, 264.
Reinhard, 248.
Remak. 249.
Ricliei, (P.), 961-).
Richter (de Dalldorf), 125, 126,
254.
Richter (de Pankow), 55.
Rieger, 138.
Ritti, 238.
Riva, 235.
Rockwell, 377.
Rosenthal, 89.
Sanders, 227.
Schrceter,l2, 127.
Seliule, 134, 230.
Schulz, 309.
Schwaab, 223.
Seguin, 378.
Shaw, 387.
Skluvsky,88.
Sommer, 92.
Steinen(vonden),2at.
Talamon (C.), 377, 378.
Terrier, 87.
Tul,p (Hack-), 397.
Vallon, 398.
Vesselle, 363.
Vigoureux (Romain), 37),37.374.
Voisin, 117.
Weiss (J.), 93n. 4.
Werniclce, 933.
Westphal, ? 46, 947, v34.
Wiglesworth, 393.
Wille, 230.
Wood (W.), 221.
WolfT (Y.), 383.
Wuillamié, 52.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE PREMIÈRE
Face convexe de l'hémisphère gauche.
Fi, F', F3, première, deuxième et troisième circonvolutions frontales.
F. a., frontale ascendante.
P. a., pariétale ascendante.
Pl, Pc, lobules pariétaux, supérieur et inférieur.
Pa, pli courbe. -
y, T-, 1'3, circonvolutions temporales.
L. 0., lobe occipital.
- H2 EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE Il
Face interne de l'hémisphère gauclee.
C. c., corps calleux.
C. c., circonvolution du corps calleux.
F1, première circonvolution frontale. ? circonvolution de l'hippocampe.
L. P., lobule paracentral.
L. C ., lobe carré.
L. C., coin.
L. 0., lobe occipital.
Tà, Ts, quatrième et cinquième circonvolutions temporales.
EXPLICATION DES PLANCHES. 413
PLANCHE lit
Résistance électrique des tissus chez deux individus sat ? M. T)'f<cf 1 :
Faible résistance : le maximum de déviation est de 9 milliweber et est
atteint en 5 minutes. Tracé 2 : Forte résistance : le maximum de dé-
viation est de 3 milliweber et est atteint en 8 minutes.
41.4 ' EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE IV
Résistance électrique comparée des deux côtés du coips chez des hysté-
riques atteintes ditéffiianesthésie. indique le côté le plus sensible ;
- indique le moins sensible.
1 Ra... (Eva). - Hémianesthésie gauche; résistance plus grande du
côté malade à une première application (tracé 1), s'atténuant progressi-
vement aux applications ultérieures [tracé 2), et finissant par devenir
égale à celle du côté sain (tracé 3).
2o Geor... (Louise). Hémianesthésie droite : résultats analogues en
quatre électrisations successives.
3° Blanch... Hémianesthésie gauche : résultats analogues en trois
électrisations successives.
4Blanch... Après transfert : résultats analogues renversés.
5° Gall... - Hémianesthésie gauche : résultats analogues en deux élec-
trisations successives.
6° Gall... - Hyperesthésie gauche : résultats analogues renversés, en
trois électrisations successives.
EXPLICATION DES PLANCHES. 415
PLANCHE V
Les cinq premières figures représentent des coupes successives (de haut en
bas) de la moelle au niveau de la tumeur.
Fig. 1. Augmentation du volume de la moelle antérieure de la corne
antérieure gauche sans altération de structure.
Fig. 2. La coine antérieure gauche offre une densité plus grande et
une moindre transparence.
Fig. 3. Tumeur de la corne antérieure, entourée d'une fine capsule
de tissu conjonctif.
Fig. 4. Développement complet de la tumeur constituée par des pe-
lotons entremêlés (coloration au violet de gentiane).
Fig. 5. Noyau de consistance osseuse constitué par des concrétions
cristallines.
Fig. 6. Grossissement de la tumeur (fig. 4).
. Fig.7. - Concrétions cristallines à couches concentriques (de la fig. 5).
Fig. 8.-Représentant une portion de la colonne grise antérieure du
côté droit.
Fig. 9. Représentant une portion de la colonne grise antérieure du
côté gauche.
gvreux. limssev. nnp. 1182