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NEUROLOGIE
ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CH TRLES HÉRISSE).
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
)'LR'fËnSOUSLDH : j;CrtO't)E
J ? 11. IIAIti : O'l'
AMT LI 101 L TBOR TTION DU
JIM. AMIDON, BUI.ET, BUSARD, B1TOT (r.-a.), r7LlE,
bo.waiiie 13ouctiritEiu, briand (u.), Biussun 1) (1,.), broiardel (P.).
ciurpentier, COT.111D, ULBOIE (1L), DEL : 1SI1LYE, U17E11'Ol ? 1)IIET,
DUVAL (llwnAS), fIiLIT%h1, reliriez, GILBERT, CO)IB.11 LT,CR-qSET
Illn1'li (G.), m ru Min, .IOI'('il(Il (1.), ICl.n1\'Ih (P.), L1\17171%1', MAGNAN,
M Ulii : , 3UYGR1ER. 4111 Il%l'.I1.\\Shl, \Il SGR N'EIMANN, PIER11ET
P1GN0L, PITRES, Il Itl : f\AItl7 P.). Il ICI[Ell (l'), SI ? Gllrv (E.-C.),
STfr.tUS (r,.), T1L.1\10Y, TGI\1'I Itll : lt (C.) TfIC'LII; (11.), TIt01SIEII (R.),
\lGOlli0ll lit ? \01S1N" (J.)
Rédacteur ni c%r ? BllUltI : rII,LI :
Secrétaire de la rédaction : UÉItl'
nrssitateor : LEU11.1.
Tome III. - 1882
Avec 7 planches noires on en couleur eL M ligures dans In texte
PARIS
BUREAUX DU l'ItOGli1·.'S MÉDICAL
ri, rue des Ecoles.
IS82
f Vol. III Janvier 1882. ? 7
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
ANATOMIE
LA CORNE D'AMMON (Morphologie ET Eàll3RY,)LOGIL) (Suite);
Par Mvtiiias DUVAL'. 1.
Il. Corne d'Ammon chez l'homme et chez quelques
singes (fig. 1 et 2 de la Planche 1, fiq. 3 3 et 4 de la
Planche riz.
La figure 1, représentant une coupe du cerveau humain
au niveau de l'extrémité toute postérieure des pédon-
cules cérébraux, est destinée à montrer les rapports de
la formation ammonique avec les parties voisines. Immé-
diatement en dehors du plan médian axial de l'encé-
phale, on voit en bas le pédoncule (P) et en haut l'ex-
trémité postérieure de la 'couche optique correspon-
dante (C 0); si la coupe avait porté sur une région un
peu plus antérieure, on verrait, en dehors du pédon-
cule, la section de la bandelette optique ; ici, vu le
niveau susindiqué, à la place de cette bandelette, on
1 Voir le n" 6, 1). 161.
I
2 ANATOMIE.
trouve (en C G) la coupe de l'extrémité antérieure du
corps genouillé en dehors de laquelle est la masse
centrale de l'hémisphère. Ces parties étant reconnues;
nous pouvons porter notre attention : 1° soit vers la
cavité, (V) du diverticule sphénoïdal du ventricule
latéral, et nous reconnaissons, dans cette cavité,
comme en formant la paroi interne (par rapport au
plan médian), la saillie blanche de la corne d'Ammon
(en H) ; pour plus de clarté, et afin de ne pas affecter
le nom de corne d'Ammon à cette saillie qui, en
somme est ce qu'il y a de plus insignifiant dans l'en-
semble de la formation ammonique, nous adopte-
rons ici la nomenclature des auteurs allemands et dé-
signerons cette saillie sous le nom d'alveus ; 2° nous
pouvons d'autre part porter notre attention sur la
substance corticale, c'est-à-dire sur la circonvo-
lution de l'hippocampe (en G H, seconde cir-
convolution temporo-occipitale) et suivre cette subs-
tance grise corticale, avec la couche blanche sous-ja-
cente, vers la formation ammonique, c'est-à-dire en
haut et en dehors.
C'est ce dernier ordre d'étude qui sera le plus pro-
fitable, en le faisant sur la fig. 2, laquelle représente
seulement la formation ammonique telle qu'elle est
déjà donnée dans la fig. 1, mais à un grossissement
plus considérable (10 à 12 fois au lieu de 3 fois). -Si
donc nous partons de la moitié supérieure de la con-
vexité de la circonvolution de l'hippocampe (extrémité
gauche de la fig. 2), nous voyons qu'à cette convexité
(0) fait suite un profond sillon (e) dans lequel pénètrent
de nombreux vaisseaux; au-dessus de ce sillon est une
circonvolution, très nette (a, b, c, cl, fig. S) et non une
LA CORNE D'AMMON. 3
demi-circonvolution comme on l'a dit souvent; c'est la
circonvolution godronnée, qui présente des dimensions
relativement réduites, de sorte que de sa surface une
faible partie seulement est tout à fait libre (en a), le
reste correspondant au sillon qui la sépare de la cir-
convolution précédente, et étant plus ou moins soudé
à celle-ci par les vaisseaux et la pie-mère qui remplis-
sent cet étroit sillon. Au-dessus de la circonvolution
godronnée, le manteau de l'hémisphère est réduit à sa
couche de substance blanche, formant ici un gros cor-
don dont la coupe est en forme de coeur de carte à
jouer; ce cordon (C B) est le corps bordant; son angle
supérieur (du côté X) s'amincit graduellement, mais
ne présente pas un bord libre ; il se continue en effet
en une mince lamelle de substance nerveuse qui s'in-
curve en dehors, forme la paroi interne du ventricule,
et, se réduisant enfin à la membrane épendymaire, revêt
l'espèce de panache que forment les vaisseaux san-
guins du côté de la cavité ventriculaire : l'ensemble
de ces vaisseaux (plexus choroïde) est ainsi compris
entre deux lamelles, qui se continuent l'une avec l'au-
tre au niveau du bord libre du plexus (en P C) et dont
l'inférieure, comme nous venons de le dire, se rattache
au corps bordant, tandis que la supérieure va se ratta-
cher (au dessus de X, fiq. 2) à la base de l'hémisphère
en dehors de la surface des corps genouillés. Les plexus
choroïdes n'interrompent donc pas la continuité de
la paroi de la cavité ventriculaire, mais répondent
seulement à une région où cette paroi est amincie,
distendue et refoulée par eux vers la cavité ; par suite
le corps godronné est en dehors du ventricule ; c'est
une partie corticale, une vraie circonvolution :
4 ANATOMIE.
Si nous examinons la disposition des couches que
forment ces parties, c'est-à-dire la structure de la cir-
convolution de l'hippocampe et de la circonvolution
godronnée, nous constatons les dispositions sui-
vantes :
A. Au niveau de sa convexité (extrémité gauche
de la figure 2), la circonvolution de l'hippocampe pré-
sente, en allant de la superficie à la profondeur :
1° D'abord une couche de substance blanche (0, /%'. ,8,)
formée de fines fibres nerveuses : ce revêtement blanc,
auquel les anatomistes allemands ont donné le nom
de subiculum, est ce que présente de plus particulier cette
circonvolution ; il est d'autant plus prononcé qu'on
examine descoupes plus antérieures; mais jamais nous
ne l'avons vu présenter une largeur aussi considérable
que celle que lui attribuent divers auteurs (voyez les
figures de Meynert), c'est-à-dire qu'il va en s'amincis-
sant vers le sillon qui sépare la circonvolution de l'hip-
pocampe d'avec la circonvolution godronnée et dispa-
rait dans la profondeur de ce sillon. 2° Au-dessous
du subiculum est une couche formée de substance d'ap-
parence amorphe, parsemée de petites cellules irrégu-
lièrement disposées, ayant le plus souvent leur grand
axe transversalement dirigé, c'est-à-dire parallèlement
à la surface. 3° Au-dessous est une épaisse couche de
cellules pyramidales, qu'on ne voit pas distinctement
séparée, comme dans la plupart des autres régions de
l'écorce, en un stratum superficiel de petites pyramides
et un stratum profond de grandes pyramides, quoique
ces cellules soient du reste d'autant plus volumineuses et
surtoutd'autant plus allongées qu'elles sont plus profon-
des. 4° Aux cellules pyramidales les plus profondes
LA CORNE D'AMMON. 5
succède une couche de cellules nerveuses étoilées ou
fusiformes. 5° Enfin vient la couche médullaire de
substance blanche.
B. -Au niveau du sillon qui sépare la circonvolution
godronnée de la circonvolution del'hippocampe,la com-
position de cette dernière est modifiée de la manière
suivante : 1 Le subiculum ou revêtement blanc super-
ficiel disparaît (a, lîq. 2). 2° La couche sous-jacente
(substance amorphe avec cellules irrégulièrement dis-
posées) est pénétrée par un grand nombre de vaisseaux,
qui, se disposant par nappes plus ou moins continues
dans son épaisseur, lui donnent un aspect irrégulier,
avec stratifications vaiiables (aspect caverneux). Dans
la profondeur, cette disposition est assez prononcée
pour faire croire à la présence d'une nouvelle couche
(fzg. 2 entre cet a) ; c'est ce que Meynert a appelé le
stratum lacîinoszi221, « qui est composé par un épais ré-
seau d'espaces lymphatiques périvasculaires, disposés
autour d'un lacis de capillaires qui pénètrent par en
bas dans la corne inférieure du ventricule latéral ». (Hu-
guenin, op. citât., p. 296). On voit donc que ce stratum
laczinosuî21, quelque nettes que puissent être ses dis-
positions, ne représente rien d'essentiel au point de
vue de la structure de l'écorce, c'est-à-dire de la distri-
bution des éléments nerveux. 3" La couche des
cellules pyramidales est formée d'éléments tous de
plus en plus volumineux, c'est-à-dire que les petites
cellules pyramidales disparaissent presque complète-
ment (c. feg. 2). 4° Rien de particulier pour la couche
de cellules nerveuses étoilées (d, fig. 2), non plus que
pour la couche de substance médullaire blanche
(f, fig. 2) qui forme ici l'alvezcs (voy. ci-dessus page 2),
6 ANATOMIE.
et qui est revêtue à sa surface intérieure par l'épithé-
lium épendymaire.
C. Si nous suivons également de la superficie à
la profondeur (de gauche à droite ou de bas en haut,
dans la fig. 2) les couches qui composent la circonvo-
lution godronnée , nous allons trouver les mêmes
stratifications que nous venons de décrire, mais avec
interposition d'une nouvelle couche au-dessous de la
première. En effet : 1° La première couche (substance
amorphe avec cellules irrégulièrement disposées), ne
présente ici de particulier que son épaisseur et son
uniformité (a, fig. 2). Nous verrons plus loin que, chez
divers mammifères, cette couche amorphe devient de
plus en plus caractéristique de la circonvolution go-
dronnée. 2° Au-dessous apparaît, comme nouvelle
couche, une mince nappe contournée (b, fig. 2), d'un
aspect tout particulier : elle est formée d'éléments ana-
tomiques arrondis, qu'on prendrait au premier abord
pour des noyaux libres, mais qui sont en réalité de
petites cellules à corps protoplasmatique rudimentaire.
Ces éléments sont étroitement serrés les uns contre les
autres ; ils prennent très énergiquement le carmin, de
sorte que, sur les coupes ainsi colorées, cette couche
se distingue, même à l'eeil nu, comme un ruban foncé
décrivant des ondulations plus ou moins nombreuses.
(Voy. les figures des PL. II et III.) Cette couche est
caractéristique de la circonvolution godronnée chez
tous les animaux dont nous avons étudié l'encéphale :
on ne trouve rien qui lui ressemble dans une autre
région corticale. Kupffer lui avait donné le nom de
stratum granulosum; Arndt et Meynert ayant reconnu
la nature nerveuse (cellules) de ses éléments, Meynert
LA CORNE D'AMMON. 7
lui a donné le nom de stratum corporum nervorum
a2,clorzinî. (Voy. Huguenin, page 297.) 3° Vient
ensuite (c, fig. 2) la couche des grandes pyramides,
qui, vu la dimension réduite de la circonvolution
godronnée, sont ici disposées en rayonnant de la partie
profonde vers la partie superficielle ; aussi cette
couche mérite-t-elle plus spécialement ici le nom de
stratum radiatum que lui a donné Meynert dans
l'ensemble de la formation ammonique. 4° Au-
dessous est la couche de cellules nerveuses étoilées,
et enfin, 5° la couche médullaire de substance blanche,
laquelle se continue avec le corps bordant, puisque ce
corps bordant représente une région où le manteau de
l'hémisphère est réduit à sa partie blanche médullaire
sans revêtement de substance grise corticale.
D. Enfin le sillon qui sépare la circonvolution
godronnée de celle de l'hippocampe, d'abord assez
large dans sa partie superficielle (en e, fig. 2), devient
de plus en plus étroit à mesure qu'il s'enfonce entre
les deux circonvolutions. En même temps, comme ses
vaisseaux pénètrent dans les couches superficielles de
la circonvolution de l'hippocampe et y dessinent, par
leur présence, des lacunes en forme de nappes (sera-
tum lacunosunz), et comme, à mesure qu'il se rétrécit
les couches superficielles des deux circonvolutions
arrivent au contact l'une de l'autre et se soudent par
places, il en résulte que parfois il est difficile, même
avec un fort grossissement, de suivre ce sillon d'une
manière continue, sans le confondre avec les diverses
formations qui méritent le nom de stratum lacuitosum.
C'est ce qui explique qu'on ait pu voir dans la forma-
tion ammonique une masse unique dans laquelle la
8 ANATOMIE.
substance corticale pénètre en s'enroulant et non
deux circonvolutions parfaitement distinctes.
En résumé, faisant abstraction du subiculum qui
n'existe pas sur toute la circonvolution de l'hippo-
campe, et du stratum lacunoszcm, qui n'est pour ainsi
dire qu'un accident, résultant de ce que les vaisseaux,
ne trouvant pas assez de place dans l'étroit sillon qui
sépare les deux circonvolutions, viennent se loger
dans la substance superficielle de l'une d'elles, en
résumé nous voyons que, dans toute la formation am-
monique, on trouve en allant de la superficie à la pro-
fondeur : une couche de substance amorphe, une
couche de cellules pyramidales (stratum racliaitim), une
couche de cellules nerveuses étoilées, et enfin la subs-
tance blanche; seulement dans la circonvolution
godronnée une nouvelle couche vient s'interposer
entre la première et la seconde, c'est le siraliimqi,aîîzi-
losum, entre la couche amorphe et le stratum radiatum.
Mais cette adjonction de nouveaux éléments ne fait pas
que le corps godronné, considéré dans son entier,
représente une nouvelle formation, surajoutée à la
substance corticale; il n'est qu'une circonvolution
ordinaire, une saillie de cette substance corticale.
Il ne sera pas sans intérêt de rapprocher immédia-
tement ces résultats des formules souvent énigmatiques
par lesquelles les auteurs ont cherché à résumer leur
manière de comprendre la formation ammonique.
« La corne d'Ammon, ainsi que l'ont démontré
les frères Wenzel, dit Sappey (t. III, 1877, p. 106),
n'est qu'une circonvolution retournée, de telle sorte
que sa partie médullaire, d'enveloppée qu'elle était,
est devenue enveloppante. La bandelette de l'hippo-
LA CORNE D'AMMON. 9
campe est attachée par son bord adhérent au bord
libre et incliné en dedans de cette circonvolution. Le
corps godronné se trouve logé dans la concavité de sa
face interne. » Dans cet énoncé, faisons remarquer
d'une part que l'expression de circonvolution retournée
(partie médullaire enveloppée devenue enveloppante)
a sans doute pour origine, soit l'idée que cette circonvo-
lution, détachée de la surface, est placée dans la
cavité ventriculaire, soit une trop grande importance
attachée à la couche blanche superficielle dite szcbiczc-
lîim, et d'autre part que le corps godronné n'est pas
une chose à part logée dans la concavité de la forma-
tion ammonique, mais bien la moitié supérieure de
cette formation, c'est-à-dire la circonvolution supé-
rieure d'un ensemble constitué par deux circonvolu-
tions.
Les mêmes remarques s'appliquent au passage sui-
vant, extrait de Ch. Richet (Structure des circonvolutions
cérébrales. Thèse de concours, Paris, 1878J. « Cette
lame grise, entourée par l'alveus du côté interne ou
ventriculaire, par le subiculum du côté interne ou
périphérique, se reploie sur elle-même en formant un
crochet recourbé en forme de crosse d'évêque, qui
fait quelquefois un tour complet à la manière de l'hé-
lice d'un limaçon... Cette lame grise amincie semble
à son extrémité se continuer directement avec cette
bandelette rougeâtre, hérissée de petites saillies, qu'on
a désignées sous le nom de corps godronné, et qui fait,
avec la corne d'Ammon et le corps bordant, saillie
dans la cavité latérale du ventricule. » Cette descrip-
tion est accompagnée de figures que nous avions vai-
nement cherché à comprendre, lorsque nous avons
10 ANATOMIE.
enfin aperçu, à l'explication des planches, cette
remarque suffisamment explicative : « Pour rendre
les figures plus claires, on a supprimé le corps bor-
dant et le corps godronné. » Que le lecteur veuille bien,
par la pensée, supprimer des figures de nos PL. I, Il
et III, le corps godronné, et il verra ce qui peut rester
alors de la corne d'Ammon.
Plus heureuses sont les descriptions dans lesquelles
P. Berger résume les travaux allemands (art. Cerveau
du Dictionnaire encyclopédique) . Dans les passages que
nous allons citer, il suffira presque de mettre en ita-
liques certains détails, pour montrer combien ils se
ressentent encore des conceptions classiques - (p. 194
de l'article cité) : « La corne d'Ammon dans son entier
représente non point une circonvolution retournée,
mais une demi-circonvolution dont tous les éléments
ont été profondément modifiés... Partant de- la face
interne de l'hémisphère, on trouve d'abord un profond
sillon séparant deux saillies : en bas c'est la circonvolu-
tion de l'hippocampe, en haut la corne d'Ammon, ou, si
on le préfère, la demi-circonvolution supérieure de l'hip-
pocampe. Ce sillon, c'est l'anfractuosité qui les sépare
et que comble en partie le corps godronné dont il faut
faire abstraction dans cette étude. » De même
lorsque l'auteur décrit la manière dont se comporte
la substance grise. « Au niveau de la circonvolution
de la corne d'Ammon, dit-il, la substance grise corti-
cale paraît quitter la surface de l'hémisphère pour
devenir profonde... elle se recouvre d'une mince
couche de substance blanche à laquelle est due la cou-
leur particulière de ce repli..., puis elle vient mourir.
dans la corne d'Ammon. » «... Mais avant de dis-
LA CORNE D'AMMON. 11
paraître elle se met en rapport avec une traînée de
substance grise qui en est une véritable dépendance ;
cette lame, située entre le bord supérieur de la corne
d'Ammon et le subiculum, par conséquent dans le
sillon de séparation des deux branches du crochet,
doit à sa couleur et à son aspect dentelé le nom de
corps godronné ou Fascia clentata. Aussi l'écorce, super-
ficielle d'abord dans la circonvolution de l'hippocampe,
devient profonde dans la corne d'Ammon où se trouve
son véritable bord libre; mais ce dernier, grâce aux
relations qui l'unissent au corps godronné, redevient
superficiel quoique 12îlraveî2tîieutaii,e ( ! ). » (Op. citât.,
p. 160). Il va sans dire que par suite, il n'est fait
aucune mention de la continuité de l'une des lèvres
du corps bordant avec la lamelle épendymaire qui
revêt les plexus choroïdes, témoin la description sui-
vante empruntée à Berger, et dans laquelle, pour la
dénomination de certaines parties, il faut avoir égard
à ce que l'auteur considère la région postérieure de la
formation ammonique : « Le corps frangé ou bordé
(toenia; corpus fii2îb21aitinz ; fimbria) est une bandelette
très blanche... La face supérieure ou ventriculaire est
libre; sa face inférieure adhère intimement à l'hippo-
campe : son bord antérieur recouvre la partie posté-
rieure du corps godronné et répond très médiatement
à la couche optique, son bord postérieur très mince
se continue avec la convexité de la corne d'Ammon. »
(Art. Cerveau, p. 169.)
Quant à l'étude de la structure, c'est-à-dire de la
disposition des couches dans la circonvolution de l'hip-
pocampe, elle est faite par Berger d'une manière très
exacte ; seulement, d'après les travaux allemands que
12 ANATOMIE.
l'auteur résume, il nie la présence d'une couche de
cellules étoilées entre la couche des grandes pyra-
mides et la substance médullaire blanche. Cette réserve
faite, nous devons, pour compléter notre propre des-
cription, reproduire textuellement celle de P. Berger.
(Op. citat., p. 159 et 181.) « Si l'on examine la circon-
volution de l'hippocampe, on est frappé de la couleur
blanche qu'elle revêt et qui se prononce d'arrière en
avant, en lui donnant, au niveau de la face inférieure
du crochet, un aspect tout particulier. Ici, en effet,
des îlots de substance blanche sont entourés de subs-
tance grise, d'où le nom de substance réticulée blanche
que lui a donné Arnold (substantiel reticularis alba).
« Une substance réticulaire très développée recouvre
toute la face externe de l'écorce dans ces deux parties,
mais surtout dans la circonvolution de l'hippocampe;
c'est à elle qu'est due la couleur blanche de cette der-
nière. La prenzière couche, appartenant en propre à
l'écorce, la couche externe, est formée de petites cel-
lules transversales et par conséquent parallèles à
l'écorce : elles sont difficiles à reconnaître et appar-
tiennent au tissu interstitiel. La deuxième couche est
caractérisée par l'absence des petites pyramides que l'on
trouve dans les autres régions de l'écorce. Elles sont
remplacées par des lacunes périvasculaires limitées par
les prolongements terminaux des pyramides plus pro-
fondes ; ceux-ci forment une sorte de réseau autour
des anastomoses par lesquelles les capillaires de l'épen-
dyme s'unissent aux capillaires venant de la surface
du cerveau ; c'est le stratum lacunosum de Meynert
(stratum reticulare de Kuppfer). La troisième couche
(stratum radiatum) est composée en dehors par les pro-
LA CORNE D'AMMON. 13
longements périphériques des pyramides qui en forment
la couche la plus profonde... Les dimensions de ces
pyramides sont considérables et l'épaisseur de la
couche qu'elles forment a déterminé Meynert à donner,
dans toutes les autres régions de l'écorce, le nom d'am-
nzons formation à la couche plus particulièrement com-
posée de ces éléments. Plus profondément on ne
trouve ni cellules irrégulières, ni cellules fusiformes. Il
n'y a même pas de substance conjonctive ou de matière
unissante interposée entre la couche nerveuse profonde
et ce qui représente dans la corne d'Ammon la subs-
tance médullaire. »
Nous avons étudié la formation ammonique chez
deux espèces de singes : sur un cynocéphale et sur
un cébien.
Chez le cynocéphale (PL. II, fig. 3), les parties sont
disposées exactement comme chez l'homme : l'en-
semble de la corne d'Ammon est seulement un peu
aplati de haut en bas, de sorte que la circonvolution
godronnée est plus large et moins haute; aussi sa sur-
face est-elle de plus en plus cachée dans le sillon qui
la sépare de la circonvolution de l'hippocampe ; mais
en même temps la continuité de la couche des grandes
pyramides d'une circonvolution dans l'autre est ici
encore plus évidente (c, c). Les formations vasculaires
caverneuses dites stratum lacuiiosuîn sont moins pro-
noncées, et nous allons du reste les voir disparaître à
peu près complètement chez les autres mammifères,
nouvelle preuve de leur peu de signification ; il n'y a
donc pas lieu, ainsi que nous l'avons dit, de les com-
prendre dans la nomenclature des couches de cette
il k ANATOMIE.
région corticale. Enfin, on voit ici (fig 3, en X), aussi
nettement que chez l'homme, la manière dont se com-
portent les plexus choroïdes relativement au ventri-
cule (V et PC) et au corps bordant.
Chez le singe cébien (fig. 4) les dimensions réduites
de l'encéphale nous ont permis de donner une figure
qui s'étend en haut jusqu'au corps calleux (C p) avec
la bandelette du trigone (Ia). Cette bandelette est, avec
la face supérieure de la couche optique et avec les
plexus choroïdes, dans les mêmes rapports que le
corps bordant est avec la face inférieure de ces mêmes
couches et de ces mêmes plexus. On voit que sous le
corps calleux la bandelette du trigone représente la
formation ammonique réduite à son corps bordant, et
ce fait, que nous indiquons ici en passant, va devenir
évident chez les autres mammifères. Quant à l'ensemble
de la corne d'Ammon (partie inférieure de la fig. 4)
chez le singe cébien, il reproduit très exactement les
dispositions précédemment décrites, et ne présente de
remarquable que le grand développement dans tous
les sens de la circonvolution godronnée.
III. Corne d'Ammon chez divers mammifères.
1° Mouton. Les figures 5 et 6 représentent une
corne d'Ammon chez le mouton.- Pour ce qui est de
la figure 5, il est inutile d'en donner ici une descrip-
tion, qui ne serait que la répétition de celles que
nous avons données pour l'homme et les singes : l'ins-
pection seule de la figure, pour les détails de laquelle
ont été employées les mêmes lettres de renvoi, suffira
LA CORNE D'AMMON. - 15
à la démonstration des deux circonvolutions et du
sillon qui les sépare. Quant à la figure 6, pour la
rendre intelligible et en faire comprendre toute l'im-
portance, il nous faut rappeler que, chez tous les ani-
maux autres- que l'homme et les singes, la formation
ammonique, au lieu d'occuper seulement le diverti-
culum sphénoïdal du ventricule latéral, se prolonge
en haut dans ce ventricule lui-même, c'est-à-dire que
lorsqu'on dissèque le cerveau de haut enbas, on trouve,
en arrivant au-dessous du corps calleux, non pas, comme
chez l'homme et les singes (fiq 4, li), une simple ban-
delette blanche faisant suite au corps bordant, mais
bien une bandelette blanche accompagnée de subs-
tance grise et on reconnaît dans cette substance grise
les diverses parties de la formation ammonique. Cette
formation décrit donc un fer à cheval complet à conca-
vité antérieure, présentant une branche supérieure et
une branche inférieure (chez l'homme il n'y a que la
branche inférieure). Sur une coupe verticale compre-
nant chacune de ces branches, les parties de la branche
supérieure seront donc symétriquement disposés par
rapport à celle de l'inférieure, c'est-à-dire qu'elles se
regarderont réciproquement : c'est ce que montre la
comparaison des figures 5 et 6, puisque la figure 6
semble n'être autre chose que la figure 5 renversée;
nous reconnaissons donc en C B (1îq. G) le corps bor-
dant, qui, si la coupe était faite sur un cerveau
d'homme ou de singe, représenterait le trigone, et en
effet tous les anatomistes décrivent la bandelette du
trigone comme faisant suite au corps bordant ; en P C
(ft,q. 6) sont les- plexus choroïdes et l'on voit qu'ici
aussi ils sont renfermés dans une mince lamelle for-
16 G ANATOMIE.
mant paroi ventriculaire et se rattachant d'une part au
bord du corps bordant (ou bandelette du trigone) et
d'autre part à la limite externe de la couche optique
(contre le noyau caudé du corps strié) ; en c est la
circonvolution godronnée, remarquable et reconnais-
sable par son stratum granulosum ; cette circonvolution
godronnée est ici, comme dans la moitié inférieure de
la formation ammonique, séparée, par un sillon pro-
fond, étroit, contourné, plein de vaisseaux, d'une belle
circonvolution (CH, fig. 6) dans laquelle il est facile de
reconnaître la suite de la circonvolution de l'hippo-
campe.
Or, et c'est là un fait essentiel non seulement pour
l'étude présente mais encore pour un grand nombre de
questions relatives à la morphologie comparée des
hémisphères, cette circonvolution de l'hippocampe est
ici située au-dessous du corps calleux. D'autre part, on
aperçoit dans la partie supérieure de la figure 6, au-
dessus du corps calleux, une circonvolution qui cor-
respond à ce que, pour le cerveau humain, tous les
auteurs désignent sous le nom de circonvolution du
corps calleux (gyrus fornica tus). Si chez l'homme la for-
mation ammonique, au lieu de se réduire en haut au
corps bordant (bandel. du trigone), se continuait avec
toutes ses parties constituantes , celles-ci formeraient
sous le corps calleux une circonvolution godronnée
et une circonvolution de l'hippocampe, absolument
indépendante de la circonvolution du corps calleux,
située au-dessus de la grande commissure interhémis-
phérique. Que penser donc de l'indication donnée par
tous les auteurs, à savoir que la circonvolution de l'hip-
pocampe (région temporo-occipitale) se continue en
r" cottw n'anmov. 17
haut (face interne de l'hémisphère) avec la circonvolu-
tion du corps calleux ? Deux solutions sont seules pos-
sibles pour trancher cette contradiction : ou bien la
situation du corps calleux est différente chez l'homme
et les singes d'une part, chez les autres mammifères
d'autre part; ou bien l'opinion classique est une erreur.
C'est à cette dernière interprétation qu'il faut se ratta-
cher. En effet, eu examinant les parties corticales
situées en arrière et au-dessous du bourrelet du corps
calleux sur des hémisphères humains, on constate que
la circonvolution du corps calleux est interrompue
brusquement, au niveau de sa prétendue continuité
avec celle de l'hippocampe, par un sillon oblique, de
telle sorte que la circonvolution de l'hippocampe vient
ici mourir par une extrémité taillée en pointe et qui se
perd sous le bourrelet du corps calleux. Que cette
pointe soit supposée s'élargir eu se prolongeant sous
le corps calleux et nous aurions chez l'homme, comme
chez le mouton, la circonvolution de l'hippocampe
développée jusque sous la face inférieure du corps
calleux.
S'il en est ainsi de la circonvolution de l'hippocampe,
à plus forte raison en est-il de même de la circon-
volution godronnée. pour laquelle il ne faut pas songer
à chercher aucune espèce de continuité avec les par-
ties de l'écorce situées au-dessus du corps calleux, sur
la face interne de l'hémisphère. Dans les descriptions
classiques des circonvolutions, il n'est du reste guère fait
allusion à une continuité de ce genre, puisque les au-
teurs ne comprennent pas le corps godronné parmi les
formations corticales. Mais Berger, dans l'article souvent
cité, s'inquiétant des connexions des diverses parties
2
18 ANAT0M1E.
de la corne d'Ammon, exprime d'une façon on ne peut
plus nette l'opinion que nous venons de réfuter. « En
haut, dit-il, le corps godronné se continue avec l'écorce
de la circonvolution du corps calleux. » (Oh. citât.,
p. 169.)
Il y a déjà quelques années, que, étudiant dans un
autre but des coupes d'hémisphères de chien et de chat
(les choses sont disposées comme chez le mouton), nous
avions été frappé de la présence de véritables circon-
volutions au-dessous du corps calleux, à la place
occupée par le trigone chez l'homme. Comme nous
suivions à cette époque les leçons où Broca exposait ses
idées sur le lobe limbique (publiées depuis dans le Revue
d'anthropologie), nous lui fîmes remarquer, pièces en
mains, à la suite d'une de ses leçons, que chez les ani-
maux, on trouvait sous le corps calleux des replis de
substance grise corticale qui pouvaient être consi-
dérés comme formant le véritable limbe du manteau
de l'hémisphère, et nous n'oublierons jamais avec
quelle bienveillance ce maître éminent, au début de
la leçon suivante, indiqua que certainement, d'après
les pièces qu'il avait reçues de nous, sa conception du
lobe limbique devait être modifiée chez les animaux.
Il se proposait de reprendre cette étude au point de vue
de ces circonvolutions que nous appelions provisoi-
rement sous-calleuses. Par ce qui précède, nous voyons
que ces circonvolutions sous-calleuses ne sont autre
chose que l'ensemble de la corne d'Ammon, c'est-à-dire
la circonvolution godronnée et la circonvolution de
l'hippocampe ; nous voyons de plus que chez l'homme
même le limbe de l'hémisphère ne saurait être repré-
senté par le gyrus fornicatus (circonvolution du corps
LA CORNE D'AMMON. 19
calleux), mais bien par ce qui reste des circonvolutions
sous-calleuses (partie supérieure de l'hippocampe) atro-
phiées et que, par suite l'étude, du lobe limbique est
entièrement à refaire d'après des vues suffisamment
indiquées par tout ce qui précède. C'est un travail que
nous avons entrepris et qui sera prochainement publié.
Pour le moment, laissant de côté ces considérations
de morphologie générale, il nous suffira d'avoir reconnu
la formation ammonique dans l'ensemble des parties
grises et blanches situées au-dessous du corps calleux
du mouton. Or, chez lesautres animaux que nous allons
étudier, on voit la formation ammonique seretirer, pour
ainsi dire, de plus en plus de la face inférieure des
hémisphères pour se concentrer sur le corps calleux
où elle prend un énorme développement, la formation
ammonique droite et la gauche arrivant à se toucher
sous la région médiane du corps calleux et à se souder
dans cette partie.
2° Rongeurs. Chez le rat et le lapin, on peut étu-
dier avec avantage la formation ammonique à l'aide
de coupes horizontales, c'est-à-dire qui portent sur la
partie moyenne du fer à cheval décrit par la corne
d'Ammon ; quant aux coupes verticales, elles sont sur-
tout intéressantes dans leur partie supérieure, intéres-
sant la branche supérieure du fer à cheval en question,
car sa branche inférieure est très réduite, à l'inverse
de ce qui existe chez l'homme, et ne présente rien de
particulier.
La figure 7 (PL. III) représente une coupe horizon-
tale du cerveau du rat; coupe passant par les tuber-
cules quadrijumeaux (TQ) et les couches optiques : en
arrière de la couronne rayonnante, on trouve les diverses
20 ANATOMIE.
parties de la corne d'Ammon, se présentant , d'avant
en arrière, dans l'ordre suivant : d'abord le corps bor-
dant (CB), puis la circonvolution godronnée (C), recon-
naissable à son stratum granulosum (b) ; vient ensuite
(en e) le sillon qui sépare cette circonvolution du reste
de la substance corticale, c'est-à-dire de la circonvo-
lution de l'hippocampe (CH) ; mais ici cette dernière
expression n'est qu'imparfaitement justifiée, car si la
région corticale C H est limitée en dedans par un sillon
(e), elle n'est séparée en dehors par aucune limite du
reste de la substance corticale de l'hémisphère. Nous
voyons donc déjà ici un exemple du fait déjà annoncé
(page 18) et auquel les études suivantes donneront
presque la valeur d'une loi générale, à savoir que sur
ce cerveau lisse, c'est-à-dire qui paraît sans circonvo-
lution quand on n'examine que ses faces extérieures, il
existe cependant un sillon et une circonvolution vers
la face interne, la circonvolution godronnée et le sillon
qui la sépare du reste de l'écorce. Sur cette figure 7,
vu l'étroitesse de la cavité ventriculaire, on a, pour
plus de clarté, négligé de représenter les plexus cho-
roïdes et indiqué seulement la limite du ventricule du
côté du corps bordant; mais il est facile, en comparant
par exemple avec la figure 11, de comprendre qu'une
mince lamelle, partie du bord antérieur du corps bor-
dant (CB) doit envelopper les plexus choroïdes et venir
se rattacher à la limite externe de la couche optique,
contre le noyau caudé du corps strié (figuré comme
une coupe triangulaire à la partie postérieure de la
couronne rayonnante).
Si dans' une coupe horizontale (fig. 7) la corne
d'Ammon d'un côté est séparée de celle du côté opposé
LA CORNE D'AMMON. 21
par toute l'épaisseur des couches optiques (ou pour
mieux dire des tubercules quadrijumeaux), il n'en est
plus de même, sur une coupe verticale, pour les
parties supérieures ou sous-calleuses des deux cornes
d'Ammon (fig. 8). Ici les deux formations ammo-
niques se rapprochent de le ligne médiane, et une
de leurs parties arrive presque au contact d'un côté à
l'autre. Cette partie (C H, fig. 8), c'est une région de
l'écorce qui, par sa saillie nettement délimitée, mérite
bien ici le nom de circonvolution de l'hippocampe
(comparez avec la figure de la PL. Il). De sorte que
ce cerveau du rat, parfaitement lisse à sa surface exté-
rieure, se trouve cependant posséder, dans la partie
sous-calleuse de sa face interne, deux circonvolutions
bien définies, la circonvolution de l'hippocampe (CH)
et la circonvolution godronnée (a, b, c, fiq. 8).
Cette étude du cerveau du rat va permettre de com-
prendre dès la première inspection les dispositions en
apparence énigmatiques des deux formations ammo-
niqueschez le lapin, au-dessous du corps calleux, telles
qu'elles sont représentées dans la figure 9. Ici le corps
calleux est occupé sur toute sa face inférieure par
deux épaisses couches grises qui sont pour le moins
aussi volumineuses que les masses corticales dévelop-
pées au-dessus de lui. De ces couches, l'une est supérieure
(C H) et continue d'un côté à l'autre ; on reconnaît en
elle les deux circonvolutions de l'hippocampe (celle de
droite et celle de gauche), qui se sont soudées sur la
ligne médiane, et, en passant en revue, des séries de
coupes échelonnées d'avant en arrière, on saisit toutes
les phases de cette soudure; l'autre est inférieure et
ne forme pas une couche continue, quoique ses moi-
22 ANATOMIE.
tiés droite et gauche arrivent en contact; on reconnaît
en elle la circonvolution godronnée, dans laquelle on
retrouve le stratum granulosum (b, b) caractéristique,
et c'est précisément parce que le stratum de droite et
celui de gauche ne se continuent pas l'un avec l'autre,
mais se regardent par leur bord interne convexe, que,
quel que soit le contact intime des deux circonvo-
lutions godronnées , nous pouvons les considérer
comme non soudées ensemble, à l'inverse de ce qui
arrive pour les circonvolutions de l'hippocampe dont
les stratum radiatum se continuent de l'un à l'autre.
Ces deux circonvolutions (la godronnée et celle de
l'hippocampe) sont séparées par une mince zone (e),
dans laquelle on trouve de nombreux vaisseaux, et
qu'on reconnaît facilement, malgré son étroitesse,
comme représentant le sillon qui sépare (fig. 7 et 8, e)
la circonvolution de l'hippocampe de la circonvolu-
tion godronnée. Pour compléter cette description
des hippocampes chez le lapin, il est à peine besoin
de désigner, sur la figure 9, le corps bordant en CB et
la cavité du ventricule en V.
C'est sur la corne d'Ammon du lapin qu'a été publiée
la première et la seule monographie consacrée à la
formation ammonique : nous voulons parler de la
thèse de G. Kupffer 1. Cet auteur étudie d'abord le dé-
veloppement de la formation ammonique, et émet à
. Gust. Kupffer. De Cornus Anznzottis e;c'6[ desquisitiones prmcipmce
in cuniculis institut ? Dorpati, 1859. Pour ce qui est des auteurs anté-
rieurs et des passages dans lesquels ils ont fait allusion d'une manière
plus ou moins ('tendue il la formation ammonique, voyez : Vicq d'Azyr,
Mémoires de l'Académie des sciences, 1844, p. 312. Wenzel : De
penitiori cerebri structura. Tubinaen, 1812, -p. 134. - 1'reviranus,
Untersuchungen ùb. BaH des Gehirns, Bremen, 1820, p. 130. - Wolk-
mann, Aztalonzia anizuali2cm. Leipzig, 1831, p. 53.
LA CORNE D'AMMON. 23
ce sujet des vues fort justes, sur lesquelles nous
aurons à revenir. Quant à la disposition des parties
chez l'animal adulte, Kupffer les décrit d'une manière
singulièrement compliquée; car, sans tenir compte
de ce que l'embryologie lui a montré dans cette for-
mation deux lamelles distinctes (nos deux circon-
volutions, l'une de l'hippocampe, l'autre godron-
née), il énumère de haut en bas les différentes couches;
il en compte sept qu'il décrit laborieusement, sans
même tenir bien compte de ce qu'une même couche,
par le fait de la courbe qu'elle décrit ( par exemple,
le stratum granulosum) se présente deux fois. Cepen-
dant son étude est très complète, surtout lorsqu'il s'at-
tache à la couche qu'il nomme stratum granulosum et
qui depuis a conservé ce nom. Kôlliker avait déjà
signalé cette couche : « La corne d'Ammon et l'ergot
de Morand, disait-il dès 1350 `, reproduisent le type
des autres circonvolutions, si ce n'est que dans la
substance grise de la corne d'Ammon on trouve une
couche particulière de cellules rondes, dépourvues de
prolongements et étroitement pressées les unes contre
les autres. » Kupffer indique combien cette couche se
teint énergiquement par le carminé et il décrit com-
ment elle coiffe, sur une coupe, le stratum cellulosum
(le stratum radiatum des grandes pyramides) qui vient
se terminer dans ce qu'il appelle le folizim infei,ius
cornus ammonis (circonvolution godronnée). Aussi ses
dessins, tout en reprodusiant l'apparence d'enroule-
1 Kolliker, JIiki,oscop. Anatomie, Leipzig, 1850, t. II, p. 471.
- « lioc stratuin, si segmeiittim, ailtiquam mieroscopio stibmittas,
Ammonio coccico tractaveris, colore intense rubro imbutum plane a reli-
qiiis (listiligutur. » (Op. citat., p. 22.)
21 ANATOMIE.
ment de l'écorce, à peu près comme tous les auteurs
classiques se sont plu à le figurer, sont accompagnés
d'explications qui en donnent l'interprétation exacte,
à peu près telle que nous l'avons donnée précédemment.
(Au lieu de parler de deux circonvolutions Kupffer
parle de deux feuillets.) .
Arndt ne fait guère que reproduire la description
de Kupffer en la simplifiant, et en insistant sur les rap-
prochements à faire entre la formation ammonique et
le reste de l'écorce grise'. Ainsi que Kôlliker2 il consi-
dère les éléments du stratum granulosum comme des
cellules nerveuses. Depuis cette époque, la formation
ammonique a été^étudiée chez les rongeurs par Stieda,
qui a très nettement interprété les dispositions que
présentent les parties sous-calleuses chez le lapin;
pour désigner les deux circonvolutions que nous avons
décrites, il emploie les expressions de lamina superior
(circonvolution de l'hippocampe) et de lamina inferior
(circonvolution godronnée).
3° Taupe et chauve-souris. Nous avons donné
(PL. III, fiaures 10 et 99)e dessin de la formation
ammonique chez deux autres petits mammifères, pour
montrer combien cette formation est relativement
volumineuse sur les encéphales de très petites dimen-
sions.
Le cerveau de la taupe est représenté dans la fig. 10
d'après une coupe horizontale (qui comprend en avant
1 Arndt. - Stildien iiber die Archilecktonik der Gehirnrinde. (Arch. f.
Jlikr. Anat., Bd III, p. 441, Bd IV, p. 407, et Bd. V, p. 317.)
' Kôlliker. Gewebelehre, 18G7, page 306.
1 L. Stieda.- Stii(lien iiber das centrale Neî,veiilstea der Wirbelthiere.
Leipzig, 1870.
LA CORNE D'AMMON. 25 15
jusqu'au lobe olfactif, 01. On trouve, en V, la cavité
des ventricules, et en a, b, cla circonvolution godron-
née, toujours bien caractérisée par son stratum grand-
loszinz (en b) : le profond sillon e la sépare du reste de
l'écorce, dont la partie la plus voisine (CH) est évi-
demment l'homologue de la circonvolution de l'hippo-
campe des animaux à circonvolutions externes.
Enfin l'encéphale de la chauve-souris (fig 11) remar-
quable par ses dimensions exiguës (remarquer que la
figure Il est faite à un grossissement de 16 fois, et la
figure 10 à un grossissement de 7 fois seulement) et à
peu près complètement lisse, nous donne la démons-
tration la plus évidente de cette loi précédemment
indiquée, à savoir que les hémisphères, en apparence
les plus lisses, sont cependant pourvues, à leur face
interne, d'une belle circonvolution séparée du reste de
l'écorce par un profond sillon. On voit sur \a figure 10
que l'aire de la formation ammonique est, sur une
coupe horizontale, presque égale à l'aire de tout le
reste de l'écorce.
Si donc cette région de l'écorce conserve chez tous
les mammifères une délimitation si exacte, avec une
particularité de structure si caractéristique, elle mérite
plus que toute autre, au point de vue anatomique, le
nom d'ozgane cortical, et il n'est guère possible de
douter qu'une fonction soit localisée dans cet organe.
Reste donc à chercher sa signification physiologique.
C'est une question que nous n'aborderons pas ici, et
qui doit être résolue par l'anatomie comparée et par
l'expérimentation. Nous ferons seulement remarquer
que l'anatomie a déjà désigné cette partie comme cor-
respondant très probablement aux fonctions olfactives,
26 ANATOMIE.
et, en effet, tous les auteurs admettent qu'une des raci-
nes blanches du bulbe olfactif vient se terminer dans la
circonvolution de l'hippocampe en formant la couche
blanche superficielle de cette circonvolution, le subi-
cïiluî2î (voy. entre autres Huguenin, Op. cit., page 132).
Or, si la formation ammonique est en rapport avec
l'olfaction, comme les vertébrés autres que les mam-
mifères sont doués de l'olfaction, le but principal que
nous devrons nous assigner dans les recherches à ce
sujet, sera de trouver chez les oiseaux, les reptiles, les
poissons, etc. , une partie cérébrale qui rappelle par
sa forme ou au moins par ses dispositions l'hippocampe
des mammifères. Il n'y a guère à espérer de trouver
chez les vertébrés autres que les mammifères une par-
tie cérébrale qui reproduise la forme de la corne
d'Ammon, car l'anatomie descriptive comparée de
l'encéphale est faite depuis longtemps d'une manière
assez complète, et rien de ce genre n'a été signalé. Mais
l'anatomie microscopique comparée est encore en
grande partie à faire, et il sera possible que, sur une
écorce cérébrale uniforme en surface, on trouve, en
une région, une couche interposée, reproduisant la dis-
position du stratum granulosum : cette région pourra
être alors considérée comme l'analogue de la circon-
volution godronnée et par suite nous indiquera la
partie qui représente un hippocampe. Si, en effet, par
exemple dans la figure 10, nous supposons effacé le
sillon qui sépare la partie CH des parties a, b, c, il
n'y aura plus alors, au point de vue de la forme de
l'écorce, une véritable circonvolution godronnée; et
cependant, par le fait de la présence de la couche b,
il serait impossible de ne pas reconnaître l'existence
LA CORNE D'AMMON. 27
de l'organe cortical correspondant là cette circonvolu-
tion.
Nous arrivons donc à cette conclusion, à ajouter
à celles formulées par anticipation (voir ci-dessus)
à savoir que le stratum granulosum est la partie la plus
essentielle, caractéristique de la formation ammonique,
partie qui permettra de reconnaître, dans les hémis-
phères les plus simples, les régions homologues de la
formation ammonique alors même que celle-ci ne pré-
sentera ni circonvolution de l'hippocampe, ni même
de circonvolution godronnée extérieurement dessinée.
Comme on le voit, la présente étude demande à être
continuée par un vaste complément d'anatomie com-
parée ; mais même pour ce qui est de l'encéphale de
l'homme et des mammifères, il est plusieurs questions
auxquelles nous avons fait à peine allusion ou qui
restent encore à aborder : nous proposant d'en faire
l'objet de prochaines études, nous devons seulement
les signaler ici, car, par leur énoncé même, elles doi-
vent être rapprochées des questions sur lesquelles nous
sommes arrivés à conclure. Comment se comporte
la formation ammonique à son extrémité toute anté-
rieure, c'est-à-dire au niveau de ce qu'on appelle le
crochet de la circonvolution de l'hippocampe ? Avec
quoi se continue la branche interne de ce crochet ?
Avec le corps bordant, ou avec le corps godronné ?
Quelles sont, dans leurs détails, les connexions
exactes des tractus olfactifs avec la formation ammo-
nique ? A quelles formations faut-il donner le nom
de circonvolution limbique ?
28 ANATOMIE.
IV. Développement de la corne d'Ammon.
Le développement de la corne d'Ammon a été, dans
ses principaux détails, très nettement suivi par
Kupffer; nous analyserons plus loin le court passage
où cet auteur formule ses observations. Mais Kupffer
avoue n'avoir pu saisir le mode de développement des
plexus choroïdes', et nous avons vu que la disposition
de ces plexus est une question intimement liée à l'étude
du corps bordant. Dans les divers ouvrages où l'évo-
lution des vésicules cérébrales est aujourd'hui traitée
d'une manière si complète (voy. plus particulièrement
Mihaikowitz et Kôlliker), les détails relatifs à la for-
mation ammonique et aux plexus sont épars, donnés
souvent d'une manière accessoire et avec diverses
lacunes, de sorte qu'il nous a paru nécessaire de
reprendre cette étude à notre point de vue spécial;
nous trouverons ainsi la confirmation la plus com-
plète des conclusions auxquelles nous sommes précé-
demment arrivés.
Cette étude se bornera à une explication raisonnée
des six figures de la PL. IV, représentant toutes des
coupes horizontales antéro-postérieures d'encéphales
d'embryon; nous n'avons pu disposer d'embryons de
lapins pris à toutes les périodes du développement,
' Kupffer. Op. cit., page 9 : « Proxime ante plicam, cornu Ammoms for-
mantem, apud embrya varias oetalis fissuram in hémisplicrii pariete inve-
nimus per quam pia mater et vasa sanguîfera ventriculi lateralis cavum
adhuc amplum intrant. Quce fissura, utrum inde a primo évolutions
initioin cesicnlre cerebri pariete exstet, an nonnisi plica formata oriatur,
constituere non possum, quia embrya c primis evolutionis périodis in
promptu non habni. »
LA CORNE D'AMMON. 9
c'est pourquoi les premiers stades sont figurés d'après
des encéphales de mouton, et les suivants d'après des
encéphales de rongeurs; mais la série nous paraît
avoir été, dans ces conditions, suffisamment démons-
trative.
La figure 12 représente la coupe d'un encéphale de
mouton qui mesurait 16 millimètres de la tête à l'ori-
gine de la queue : les vésicules des hémisphères sont
déjà bien formées, en avant et sur les côtés de la vési-
cule cérébrale moyenne, de sorte que la cavité des
ventricules latéraux (I, 1,) communique avec la cavité
du futur troisième ventricule (2) par une large fente,
la fente de Monro (qui se réduira plus tard à son extré-
mité toute antérieure, sous le nom de trou de Monro,
si toutefois il reste encore chez l'adulte une partie
perméable de cette fente)'. Tandis que la paroi antéro-
latérale du ventricule latéral (ou ventricule des hémis-
phères) est déjà épaisse, ce qui correspond au dévelop-
pement du corps strié, ainsi que nous l'avons indiqué
ailleurs2, leur paroi postérieure est mince, fragile et
présente des plis plus ou moins réguliers, destinés à
disparaître par les progrès du développement, c'est-à-
dire à mesure que croît l'épaisseur et la consistance de
cette paroi. Cependant, de ces replis, que Kôllilier
appelle primitifs ou transitoires, l'un est destiné à per-
sister en s'exagérant : c'est celui qui, sur la paroi interne
de l'hémisphère (Iîg. 12, P), est situé immédiatement
en arrière de la fente de Monro : déjà, à cette époque,
1 Voez à ce sujet notre communication à la Société de biologie, 14
juin 1879. (Des plexus choroïdes et des trous de Monta.)
* Voyez Société de biologie, 21 juin 1S79 : Le développement de la région
knliculo-opliquc dans le cerveau humain.
30 ANATOMIE.
les vaisseaux, développés dans le feuillet moyen, se
sont accumulés en abondance dans ce pli, et refoulent
de plus en plus la mince paroi cérébrale vers la cavité
du ventricule. Ainsi vont se former les plexus cho-
roïdes. C'est ce qu'on voit dans la figure 13 (mouton,
long. 21 millimètres) : ici la paroi cérébrale a gagné en
épaisseur; ses sillons transitoires ont presque disparu,
excepté celui qui était immédiatement en arrière de la
fente de Monro (F), lequel s'est développé au point de
représenter une véritable invagination de la paroi céré-
brale en elle-même, c'est-à-dire de former une sorte
de bourse renfermant les plexus choroïdes et dont
l'ouverture dirigée en dedans et en avant est limitée
par deux lèvres, l'une antérieure qui forme la limite
postérieure de la fente de Monro, l'autre postérieure
qui se continue avec la paroi interne et postérieure de
l'hémisphère.
C'est sur cette dernière portion de la paroi cérébrale,
c'est-à-dire contre la lèvre postérieure de l'orifice don-
nant accès dans la bourse qui renferme le plexus cho-
roïde, que nous allons voir se former la corne d'Am-
mon, par un procédé très simple, par l'apparition
d'un sillon séparant deux parties saillantes, deux cir-
convolutions. En effet, déjà dans la figure 14 (embryon
de lapin long de 17 millimètres), on voit en ce point
(enX) la paroi cérébrale, demeurée relativement mince,
présenter un plissement qui prélude pour ainsi dire à
cette formation. (Le reste de cette figure reproduit à
peu près les détails de la figure 13, et montre que
nous pouvons emprunter les éléments de cette étude
successivement aux embryons de mouton et aux em-
bryons de lapins). Mais dans la figure 15 le sillon en
LA CORNE D'AMMON. 31
question est très nettement indiqué (en Y) ; il contient
de nombreux vaisseaux, ou, pour mieux dire un pro-
longement de la pie-mère, car dans les éléments du
feuillet moyen se sont produites les différenciations et
stratifications qui conduisent à la formation des enve-
loppes cérébrales. En avant de ce sillon est une véri-
table circonvolution, qui sera la circonvolution go-
dronnée (le corps godronné avec le corps bordant).
En arrière est une partie de la paroi cérébrale qui
formera ce qui, chez les rongeurs, est l'homologue de
la circonvolution de l'hippocampe. Que le sillon en
question se rétrécisse par accroissement en volume de
la circonvolution godronnée, que dans celle-ci la dif-
férenciation des éléments anatomiques amène la pro-
duction d'un stratum granulosum, et qu'en même
temps sa partie la plus voisine de la fente de Monro
ne donne lieu qu'à de la substance blanche, et nous
aurons dès lors la formation ammonique telle qu'on la
trouve chez les rongeurs à l'état adulte.
C'est ce que montre les figures 16 et 17. Sur la
figure 16 (lapin presque à terme) la circonvolution
godronnée s'est épaissie en même temps que sa partie
toute antérieure, se transformant uniquement en subs-
tance.blanche, a donné naissance au corps bordant.
On voit de plus que l'épaississement de cette circon-
volution godronnée est due surtout à l'augmentation
de sa couche superficielle (a) dans laquelle va appa-
raître le stratum granulosum. Sur la figure 17 (lapin
à terme) ce stratum est apparu (en b), et il nous paraît
inutile de donner de cette figure toute autre descrip-
tion et explication, mais simplement de prier le lec-
teur de la comparer avec la figure 8 de la PL. III.
32 ANATOMIE.
L'embryologie vient donc absolument à l'encoutre
de l'opinion que nous avons précédemment combattue,
à savoir que le corps godronné serait une chose à part,
logée dans la concavité de la formation ammonique
(voy. les citations d'auteurs ci-dessus page 9); elle
montre que le corps godronné n'est que la circonvo-
lution antérieure (ou supérieure, ou inférieure, selon
qu'on considère l'une des branches ou la partie
moyenne du fer à cheval) d'un ensemble constitué par
deux circonvolutions que sépare un sillon. Cette dé-
monstration, empruntée à l'embryologie, n'était pas
inutile, car les auteurs antérieurs à Kupffer avaient
précisément cherché à confirmer la conception clas-
sique par l'élude du développement (Arnold)'. Kupffer,
au contraire, a constaté que le rétrécissement du sillon
est dû simplement à l'accroissement en épaisseur de
l'un des plis qui le limite et, quoiqu'il n'ait peut-être
pas tenu assez compte de ce fait lorsqu'il a classé les
couches qu'on trouve dans la formation ammonique
(voy. ci-dessus page 23), il l'a, au point de vue pure-
ment embryologique, exprimé avec une telle clarté
que nous devons reproduire ici ce court passage de sa
monographie : « Preeparatis certior factus sum, dit-il
(page 9), plicam, antea apertam, eo impleri quod ambo
folia crassiora fiunt. Qui processus cum evolutione pro-
grediente parietis ventriculi lateralis omnium congruit,
neque, ut Arnoldus censere videtur eo perficitur, quod
novoeformationesextrinsecusinsulcumseseimmittant.') z
1 Arnold (tlandbuch der Anatomie des Menschen, t. II, p. 769) dit :
Das Ammonshorn bat beim Foetus in 1, Monat dieselbe Bildung wie dise
Vogelklaue, d. Il. es ist einc blosse Einbiegung eines Gyrus in das weite
Utiterliorii welclie durchd'n zwciteMarkschicntnund
rlie CZ,LI111BILC Binde gcbildet wirtl, kommt ers spâter ziim Vorsclcm. »
LA CORNE D AMMON. " 33
Nous terminerons en faisant remarquer combien
l'embryologie confirme ce que nous'avons dit des rap-
ports des plexus choroïdes avecjjla cavité des ventri-
cules : de par leur mode déformation, ces plexus sont
toujours en dehors des cavités cérébrales, c'est-à-dire
qu'ils ne viennent se loger dans les ventricules qu'en
repoussant devant eux la paroi cérébrale et non en la
perforant; et cela est ainsi non seulement pour les
ventricules latéraux, mais encore pour la toile choroï-
dienne et le troisième ventricule, pour les plexus chou
roïdes inférieurs et le troisième ventricule. Au niveau
de ce dernier, la paroi amincie, qui passe comme un
'voile au-dessus de la fosse rhomboïdale, peut se perforer
d'une manière plus ou moins normale et telle est l'ori-
gine du trou de Magendie, sur l'existence duquel ont
eu lieu dans ces derniers temps de nombreuses dis-
eussions' : ce trou est toujours accidentel ; nous ne
voulons pas dire par là qu'il soit toujours produit par
violente déchirure au moment où est extrait l'encé-
phale, mais seulement qu'il n'existe pas primitivement,
qu'il se forme par amincissement extrême de la men-
brane, et qu'il n'a dans son existence et sa disposition
rien de plus constant que par exemple les ouvertures
fenêtrées qui, d'une manière irrégulière, peuvent se
présenter sur l'épiploon ou les» lames mésentériques
de certains animaux.
Pour ce qui est en particulier des plexus choroïdes
et des ventricules latéraux, nous ne pensons pas que
1 Voyez Mare Sée. z la communication des cavités ventricvlaircs
de l'encéphale avec les espaces soits-a2,achîzotdiciis. (Revue mensuelle, 1878,
page 424, et 1879, page 295). Voyez aussi les communications de
M. iiochefoutame d la Société de biologie, avril 1879.
34 ANATOMIE.
jamais une perforation de ce genre se produise ; les ven-
tricules des hémisphères resteraient donc toujours
complètement clos. Aussi, quand on injecte les espaces
sous-arachnoïdiens, ne voit-on pas réellement le liquide,
à moins de ruptures violentes, pénétrer dans la cavité
ventriculaire. Les résultats obtenus par H. Quincke
sont démonstratifs à ce sujet : sur des animaux vivants,
cet expérimentateur injectait du vermillon émulsionné
. (vermillon très fin, broyé avec une solution de sucre)
dans l'espace sous-arachnoïdien, au moyen d'une
canule pointue. Quatre fois la matière colorante fut
trouvée dans les plexus choroïdes ; jamais elle ne fut
rencontrée à l'état de liberté dans les ventricules. (Voy.
M. Sée, Op. cit., page 300.)
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I.
Fig. 1. -Coupe transversale de l'encéphale de l'homme au niveau des
corps genouillés; - CO, couche optique; CC, corps genouillés ; V, ca-
vité du diverticule spliénoidal du ventricule latéral; H, saillie blanche
intra-ventriculaire de la corne d'Ammon; CH, circonvolution de l'hip-
pocampe (2e circonvolution temporo-occipitale). Grossis. 3 fois.
Fig. 2. La corne d'Ammon de la figure précédente grossie 10 fois.
II, saillie intra-ventriculaire de la corne; CB, corps bordant; PC,
plexus choroïdes ; X, entrée de la pie-mère dans le repli mésentéri-
forme; 0, subiculum; e, entrée du sillon qui sépare la circonvolu-
tion de l'hippocampe de la circonvolution godronnée ; a, couche de subs-
tance amorphe; A, stratum granulosum ; c, stratum tadiatum;
d, couches des cellules nerveuses étoilées ; couette de substance
blanche médullaire.
PLANCHE Il.
l'ig. 3. Coupe transversale de la corne d'Ammon d'un singe cynocé-
phale (Grossiss. 12 fois). Lettres comme pour la figure 2.
Fig. 4. Idem chez un singe cébien (Grossiss. 6 fois). Lettres
LA CORNE D'AMMON. 35
comme précédemment; de plus : Cp, corps calleux; CC, circonvo-
lution du corps calleux ou ggrus j'orzicalus; - h, bandelette du trigone.
Fig. 5. Coupe de la moitié inférieure, et figure 6 coupe de la moi-
tié supérieure (sous-calleuse) de la corne d'Ammon du mouton. - Let-
tres comme ci-dessus.
planche fll,
Fig.7. - Rat; coupe horizontale; grossiss. 8 fois; lettres comme ci-
dessus.
Fig. 8. Rat; coupe verticale; idem.
Fig. 9. Lapin; coupe transversale. Grossiss. 5 fois et demi. Les por-
tions sous-calleuses des deux cornes d'Ammon sont soudées sur la ligne
médiane; V, cavité de l'hémisphère ; CC, partie corticale homologue
du gyrus fornicatus; Cp, corps calleux; -CH, circonvolution de l'hip-
pocampe ; b, b, stratum granulosum de la circonvolution godronnée;
e, sillon qui sépare la circonvolution godronnée d'avec la circonvolution
de l'hippocampe; CB, corps bordant.
Fig. 10. Taupe; coupe horizontale, grossiss. 7 fois. Lettres comme
ci-dessus.
Fig. 1t.-Chauve-souris; coupe horizontale. Grossiss., 16 fois. Lettres
comme ci-dessus.
planche ZV.
Développement de la corne d'Ammon et des plexus choroïdes.
Fig. 12. Coupe horizontale de l'encéphale d'un embryon de mouton
long de 16 millimètres. 1, cavité des hémisphères (ventricules laté-
téraux) ; 2, cavité de la couche optique (3- ventricule); 3, cavité des
tubercules quadrijumeaux; CS, corps strié; pm, pie-mère en voie
de foirnation; P, plexus choroïdes.
Fig. 13. Même coupe, mouton long de 21 millimètres. Lettres comme
ci-dessus, de plus F, fente de Monro.
1;'ig. il. Coupe horizontale de l'encéphale d'un embryon de lapin,
long de 17 millimètres ; lettres comme ci-dessus; A", lieu de la forma-
tion de la corne d'Ammon.
Fig. 13. Embryon de lapin, long de 36 millimètres; y, vaisseaux
placés dans le sillon qui sépare deux plis, lesquels vont former les deux
circonvolutions de la corne d'Ammon.
Fig. 16. Lapin presque à terme, et Figure 17, lapin à terme. Lettres
comme dans les figures de la Planche 111. (Comparez notamment avec la
Figure 8;.
DE LA STRUCTURE DU NERF AUDITIF;
Par le D' ALP. EKLITKY (de Saint-P3tersbottrg).
Le nerf auditif, l'un des plus courts des nerfs crâ-
niens, prend naissance, comme on le sait, dans le bulbe
rachidien au moyen de plusieurs racines, et de plu-
sieurs noyaux d'origine. Pour ce qui est de ces derniers,
quoique presque tous les auteurs s'accordent à leur
reconnaître la même origine, quelques-uns cependant
les désignent par différentes dénominations, circons-
tance qui ne contribue guère à éclaircir une question
assez compliquée par elle-même. Voyons un peu les
aperçus des auteurs à ce sujet.
Huguenm ' reconnaît au nerf auditif trois noyaux
d'origine : un antérieur, un interne et un externe. Le
noyau antérieur siège dans les couches superfi-
cielles de la protubérance et du corps restiforme,
immédiatement à l'entrée du nerf auditif dans ces par-
ties. D'après Huguenin, c'est la région supérieure de ce
ganglion , précisément dans celle qui se localise dans
la protubérance, que prend naissance le nerf intermé-
diaire de Wrisberg. Le noyau interne occupe toute la
largeur du plancher du quatrième ventricule, au niveau
des stries acoustiques. Le noyau externe se place en
1 G. Huguenin. /iHyet)tCt')te/'a</t0oy)e(<e<' /Wa;t4te ! <<Mt<M Neroen
Systems. Zurich, 1873.
DE LA STRUCTURE DU TRONC DU NERF AUDITIF. 37
dehors du précédent, dans le segment interne des
pédoncules cérébelleux.
Krause * reconnaît au nerf auditif quatre racines,
et pour chacune d'elles, un noyau d'origine.
Le noyau latéral des racines postérieures se trouve,
d'après cet observateur, entre la partie supérieure et
l'inférieure de ces racines, immédiatement à leur issue
du corps resti forme. Le noyau médian des racines
postérieures occupe le plancher du quatrième ventri- ,
cule, au niveau des stries médullaires. Le noyau nzé-
diandesracines antérieures se place dans la partie interne
du corps restiforme, et finalement, le noyau latéral des
racines antérieures se localise dans la protubérance, à
l'endroit où en émergent les racines nerveuses.
C'est précisément de ce noyau que tire son origine,
d'après Krause, la portion intermédiaire de Wrisberg.
C'est ainsi que le noyau latéral des racines postérieures,
et le noyau latéral des racines antérieures de Krause,
correspondent au noyau antérieur de Huguenin. Le
noyau médian des racines postérieures correspond au
noyau interne de Huguenin, et le noyau médian des
racines antérieures au noyau externe de Huguenin.
Henle 2 désigne sous le nom de noyau supérieur du
nerf auditif, celui que Krause appelle noyau médian
des racines postérieures noyau interne de Huguenin.
Le noyau inférieur de Henle correspond à ce que
Krause désigne sous le nom de noyaux latéraux des
1 '\NI. Krause. Allgemeine und nzicnoscopische fuatonzie. Ilannover,
1875.
' J. HcH)c. Iliiidbitch der des /c ? i ! C/ ! 0 ! . Braunsch-
1879.
38 ANATOMIE.
racines postérieures et antérieures le noyau anté-
rieur de Huguenin. Le noyau latéral de Henle équivaut,
en partie, au noyau médian des racines antérieures de
Krause, et au noyau externe de Huguenin.
Schwalbe ' de son côté distingue trois noyaux d'ori-
gine au nerf auditif : son noyau central correspond au
noyau médian des racines postérieures de Krause; son
noyau latéral au noyau médian des racines anté-
rieures de Krause; son noyau accessoire au noyau
latéral des racines antérieures de Krause. Schwalbe
affirme en plus, que des cellules ganglionnaires sont
contenues dans le segment extérieur des racines posté-
rieures. Quant aux relations intra-cérébrales du nerf
auditif, on doit convenir qu'elles ne sont pas tout à
fait éclaircies. Parmi les auteurs modernes, llleubel 2
fait ressortir, par exemple, la part éminente qu'un
des fascicules du nerf auditif prend dans la formation
des pédoncules cérébelleux supérieurs (Bindearm),
tandis que Mathias Duval3 insinue que quelques fibres
des racines antérieures du nerf auditif se rendent dans
le cervelet.
Le tronc du nerf auditif ainsi composé, donne nais-
sance dans son parcours, entre le corps restiforme et
le méat auditif interne, à un certain nombre de tubes
nerveux très déliés, qui contribuent à la formation du
nerf intermédiaire de Wrisberg. On observe quelque-
fois que le nerf en question est entièrement constitué
G. Seliwalbe. - Lehrbtcch der Neurologie; Erlangen, 1880.
s Beli71eîmeclicirtische-psychologische Gesetlschaft. Sitzung vom7 januar
1878. Arch. sur Psgch. 13-D : X. Heft : . 1880, s. 51, 0.
3 Mathias Duval. - Sens de l'espace (Société de biologie. Séance du
21 février 1880. Progrès médical, nez 9, 1880, p. 170.)
DE LA STRUCTURE DU TRONC DU NERF AUDITIF. 39
de filaments nerveux, émergeant en totalité du tronc
du nerf auditif.
Les recherches microscopiques sur ce tronc chez
l'homme m'ont amené à constater les deux circons-
tances suivantes : 1° le tronc du nerf auditif se compose
de deux parties distinctes : une antérieure et inférieure;
l'autre postérieure et supérieure. Ces deux faisceaux se.
distinguent par le caractère de leurs tubes nerveux.
2° Dans le tronc du nerf auditif, principalement
dans la partie qui touche au corps restiforme, et plus
rarement dans tout son parcours, jusqu'au méat audi-
tif interne, se trouvent des îlots de substance grise,
contenant des cellules nerveuses.
Pour le tissu réticulaire, aussi bien que pour les cel-
lules nerveuses revêtues de membranes, ces îlots sont
identiques à la substance grise de la moelle épinière,
ainsi qu'aux ganglions cérébro-spinaux.
Horbaczewski ` (v. Rente, loc. cit., p. 461) distingue
deux espèces de fibres nerveuses, dans le nerf auditif
de la brebis et du cheval, notamment : les fibres du nerf
cochléaire plus grêles , et les fibres du nerf vestibulaire
plus volumineuses.
Axel Key et Gustave Retzius ont obtenu deux espè-
ces de fibres nerveuses, par voie de dissociation du
nerf auditif, ce dont ils publient un dessin (PL. I, fig.
23-24 de leur travail.) Ils ne disent pas cependant, si
ces deux espèces de fibres furent prises au même en-
droit du nerf auditif, ou bien à des niveaux divers de
son parcours.
1 Wiener Sitzungsberichte. 1875, april.
' Axel Key und Gustav Retzius. - Studien in der anatomie desNcruen-
sdstems und des 131ndeewelbees; Zweite Ilalfle S. g. Slocholm, 1S76.
40 ANATOMIE.
De notre côté, voici ce que nous avons pu constater :
les couches transversales du nerf auditif, préalable-
ment durci dans du bichromate de potasse, avec addi-
tion de sulfate de cuivre ', furent d'abord pratiquées à
l'endroit de son issue du corps restiforme, et traitées
par le carmin. Examinées au microscope, ces coupes
présentèrent le tableausuivant :
La portion moindre de la coupe, correspondant au
faisceau du nerf localisé à la région supérieure et pos-
térieure présentait de gros tubes médullaires avec de
larges cylindres d'axe bien distincts. Ces tubes nerveux,
d'égale dimension, alignés l'un près de l'autre,
atteignaient à peu près la grosseur des nerfs moteurs
crâniens, nerfs pathétique et moteur de l'aeil, ou bien
encore le volume des racines antérieures des nerfs
spinaux. Le tissu conjonctif, formant le périnèvre,
et l'endonèvre, se présentait en forme de trabécules
et de faisceaux parcourant par endroits la coupe
transversale du nerf et contenant des fibres nerveuses
transverses, ainsi que des vaisseaux sanguins. Le tissu
conjonctif contenait également un petitnombre de cel-
lules étoilées et de noyaux.
Des fibres nerveuses fraîches, prises en cet endroit,
furent soumises à l'action de l'acide osmique et du pi-
crocarminate, et dissociées ensuite. Elles ne présen-
tèrent cependant rien de caractéristique, si ce n'est une
fragilité excessive. Leur grosseur est inférieure, à très peu
de chose près,à celle des fibres des racines antérieures de
la moelle épinière. Ces tubes nerveux sont assez unifor-
mes (PL. V, fig. 2), possèdent des noyaux granuleux
1 A. Eitzky. Progrès médical, nez 39, 1877.
DE LA STRUCTURE DU TRONC DU NERF AUDITIF. 41
dans la gaine de Schwann, disposésau centre de segments
de longueur moyenne, entre deux étranglements. Les
segments cylindro-coniques occupent leur place habi-
tuelle. A de rares intervalles, on rencontre, parmi ces
tubes médullaires, des tubes de myéline excessivement
déliés et des fibres de Remak.
La seconde portion occupe une plus grande étendue
de la coupe transversale du tronc nerveux pratiquée à
son émergence du corps restiforme, et correspond
à la partie inférieure et antérieure du nerf. Elle se
compose de fibres nerveuses plus grêles et plus fines,
et en contient même d'excessivement déliées. Dans bon
nombre de ces fibres, les cylindres d'axe ne se colorent
pas par le carmin (PL. V, fig. 3) et ne se reconnaissent
guère que sous l'aspect de points noirs, au centre de
la couche jaunâtre et mince de myéline qui les en-
toure.
L'aspect général de la coupe transversale du nerf
auditif, dans cet endroit, offre une certaine ressem-
blance avec les coupes analogues du trijumeau et du
pneumogastrique. A cette portion de la coupe, le tissu
conjonctif diffère tant soit peu d'avec la précédente.
Les cloisons et les faisceaux en sont plus courts et ne
contiennenent guère de fibres transversales. Ces trabé-
cules du tissu conjonctif, tout en étant plus courtes,
n'en sont pas moins épaisses, et par endroits con-
tiennent des vaisseaux de calibre assez fort. Les cel-
lules étoilées s'y rencontrent en grande quantité; elles
se présentent éparses aussi bien que sous forme d'amas.
Les noyaux du tissu conjonctif abondent également.
Pour ce qui est des fibres nerveuses de cette portion
du nerf, à l'état dissocié et traitées par l'acide osmique
42 ) ANATOMIE.
et le picrocarminate, elles présentent un aspect très
différent des tubes médullaires de la portion précé-
dente. Ce sont des (ils assez déliés et fins, revêtus d'une
couche circulaire de myéline très mince, qui ne pré-
sentent qu'à de rares intervalles des traces d'incisures
dans les segments cylindro-coniques.
On ne saurait découvrir sur le parcours de ces fibres,
ni des noyaux de la gaine deSchwann,ni des étrangle-
ments, même lorsque l'on réussit à dissocier ces fibres
sur une étendue assez considérable. En échange, ces
fibres présentent le long de tout leur parcours de fré-
queiits reiiflemejitS(PL. V,fiq. 4) dus probablement aux
cylindres d'axe ainsi qu'à leurs gaines. La couche cir-
culaire de myéline conserve la même épaisseur dans
les renflements que dans les parties intermédiaires.
Ces renflements affectent différentes formes et différents
volumes. Cependant, la forme globulaire ou bien l'ova-
faire sont celles qui prévalent.
Cette particularité des fibres que nous venons de
mentionner, ainsi que leur tendance à former des
enchevêtrements inextricables, rend leur dissociation
extrêmement difficile. Parmi ces fibres nerveuses, ce
n'est qu'exceptionnellement que je trouvai des tubes
uniformes, à couche circulaire de myéline. Mais je
n'eus jamais l'occasion d'y discerner des fibres de Re-
mak.
Ces deux parties bien distinctes, trouvées dans le
tronc du nerf auditif, correspondent, la première au
faisceau du nerf vestibulaire, la seconde au faisceau du
nerf cochléaire. Sur les coupes du tronc, pratiquées à
son origine microscopique, ces deux parties ne diffè-
rent entre elles que par la nature de leurs fibres, et
DE LA STRUCTURE DU TRONC DU NERF AUDITIF. 43
par l'étendue qu'elles occupent; elles ne présentent
aucune limitebien accusée. Mais, à mesure qu'on avance
vers le méat auditif interne, en procédant successive-
ment aux coupes du tronc nerveux, on trouve une
cloison de tissu cunjonctif de plus en plus accentuée,
qui sépare les deux faisceaux de fibres nerveuses.
Immédiatement avant l'entrée du nerf dans le méat
auditif interne, cette cloison se renforce encore davan-
tage, et sépare entièrement les deux faisceaux en deux
nerfs bien distincts (PL. V, g. 5), d'un volume presque,
égal. Le faisceau supéro-postérieur se compose de
tubes nerveux assez forts, quoiqu'un peu moins gros
qu'à l'origine du tronc nerveux. Ces tubes médullaires
ont un cylindre-axe nettement accusé par le carmin
(Pl. V, fig. 5, A) ; à cet endroit, il n'y a plus de fibres
nerveuses transversales. 9-
Pour ce qui est du faisceau antérieur et inférieur,'
il se compose exactement, comme à son émergence du
corps restiforme, de fibres nerveuses plus ou moins
grêles, dont les cylindres d'axe ne se colorent pas au
carmin. (Pi,. V, fig. 5, B), et ne se distinguent que sous
la forme de points foncés ; souvent même, ils se déro-
bent à Foel) de l'observateur.
Ou doit mentionner ici que plusieurs physiologistes
reconnaissent les doubles fonctions du nerf auditif.
Ainsi, par exemple, Cyon' est de l'opinion que le
« nervus cochleae » est le seul nerf auditif et que le
« ramus vestibularis » transmet les impressions de
l'espace. Cyon fait ressortir encore que ces résultats
' Ettc Cyon ccAc'c/tM ce ? e/aM f /bKC'o ? M M ctOEMj;
1 Elle Cyon Recherches expérimentales sur les fonctions des canaux
semi-circulaires, etc. Thèse pour le doctorat en médecine Paris, 1878,
p. 97-98.
41 . ANATOMIE.
des observations physiologiques sont parfaitement d'ac-
cord avec les données anatomiques, d'après lesquelles
les fibres du nerf auditif ont deux différents aspects et
deux différentes origines, ce qui a été constaté par le
professeur Stieda (de Dorpat).
Dans les derniers temps, Mathias Duval' vient de
confirmer aussi qu'il existe deux racines du nerf au-
ditif bien distinctes et dont l'antérieure est, selon lui,
la racine motrice et joue le rôle du nerf de l'espace,
pour lequel les canaux demi-circulaires servent d'ap-
pareil périphérique.
Les coupes nombreuses du tronc du nerf auditif que
nous pratiquâmes sur bon nombre de cadavres, nous
présentèrent pour la plupart, à l'examen microsco-
pique, des îlots de substance grise, avec des cellules
ganglionnaires. Ce fait s'observe principalement,
comme je l'ai dit déjà, dans la partie interne du nerf
qui longe le corps restiforme. Néanmoins, il n'est pas
rare de rencontrer de ces îlots sur des coupes, faites
au niveau même de l'entrée du nerf dans le méat au-
ditif interne. Dans la partie du tronc nerveux qui
avoisine le corps restiforme, ces îlots occupent un
espace plus vaste. Leur étendue diminue, à mesure
qu'on approche du méat auditif interne.
Cependant on constate parfois une exception à cette
règle, car il arrive de rencontrer, rarement il est vrai,
des îlots plus vastes dans les parages du méat audi-
tif interne, que dans ceux qui touchent au corps res-
tiforme. Dans la grande majorité des coupes, on ne
1 Loco crtalo.
DE LA STRUCTURE DU TRONC DU NERF AUDITIF. 45
rencontre dans chacune d'elles, qu'un seul îlot de
substance grise (PL. V, fiq. 6). Mais il arrive quelque-
fois d'en trouver par deux, dans une même coupe
(PL. V, fiq. 7). Dans ce cas, les îlots sont généralement
plus petits. Il ne m'est jamais arrivé de voir plus
de deux îlots dans une même préparation microsco-
pique.
Ces îlots de substance grise se perçoivent facile-
ment, même à l'aide d'un petit grossissement. Avec le
système 4 de Hartnack, oculaire 3, ou s'en rend par-
faitement compte, surtout lorsqu'ils sont colorés au car-
min. Leur vive coloration, et surtout celle des cellules
ganglionnaires qui s'accentuent encore davantage, fait
que les îlots se distinguent notoirement des tubes ner-
veux qui les entourent.
Au nombre d'un seul ou de deux, les îlots avoisinent
toujours les tubes nerveux de plus fortes dimensions
(PL. V, f. 6 et 7), autrement dit, se trouvent toujours
dans le faisceau du nerf vestibulaire. Il arrive cepen-
dant que l'îlot s'approche plus ou moins du faisceau à
fibres grêles (le nerf cochléaire); mais dans ce cas
également, l'îlot se trouve entouré de fibres nerveuses
plus grosses. ,
En observant de plus près la structure même de
l'îlot, on s'assure qu'elle se compose d'un double ré-
seau, à l'instar de la substance grise de la moelle épi-
nière. L'un de ces réseaux est formé par le tissu con-
jonctif, fibrilles et tissu, finement grenu de Gerlach. Dans
les cloisons conjonctives de ce réseau, on distingue des
éléments cellulaires et des vaisseaux capillaires. Les
interstices de ce réseau sont traversés par des fibres
46 ANATOMIE.
nerveuses longitudinales éparses, en formant de minces
faisceaux.
Le second réseau, dit nerveux, est constitué par des
fibres nerveuses très grêles. Toute l'étendue du tissu
est couverte de cellules ganglionnaires et de nombreux
noyaux. Les cellules ganglionnaires, à protoplasma gra-
nuleux, contiennent de gros noyaux de forme globu-
laire ou ovalaire, renfermant des nucléoles (PL. V,lîq. 8).
Les cellules ont pour la plupart deux prolongements
et sont revêtues d'une membrane. II est à remarquer
que les cellules ganglionnaires sont plus petites, toutes
les fois qu'on observe deux îlots dans la même coupe,
au lieu d'un seul, comme d'habitude.
En analysant de plus près la relation qui existe
entre ces cellules ganglionnaires et les îlots eux-mêmes,
il est facile de s'assurer que ces cellules servent de
ganglions ou noyaux, à des branches nerveuses très
fines, qui se détachent du nerf auditif pour se relier
ensuite aux tubes nerveux plus gros (au nombre d'un
ou de deux), qui forment le nerf intermédiaire de
Wrisberg. Bien que les fibres de ce dernier prennent
habituellement naissance dans le corps restiforme
même, il arrive cependant que ces fibres émergent de
la partie postérieure supérieure du tronc du nerf au-
ditif, à l'égal des branches nerveuses très déliées que
nous venons de mentionner.
Chaque îlot de substance grise laisse échapper de
longues traînées de tissu conjonctif, plus ou moins
nombreuses, constituant des espèces de cloisons ou de
trabécules, déjà notés (PL. V, fiq. 6 et 7). Ces derniers
contiennent des fibres nerveuses transversales excessi-
vement déliées, qui atteignent jusqu'au bord de la sur-
DE LA STRUCTURE DU TRONC DU NERF AUDITIF. 47
face antérieure du nerf et servent d'origine aux bran-
ches nerveuses dont nous avons parlé.
Le nombre des branches nerveuses issues du nerf
auditif, et concourant à la formation du nerf intermé-
diaire de Wrisberg est très variable, selon les indi-
vidus. Leur nombre en est parfois très restreint. Il
arrive de constater, que sur tout le parcours du tronc
du nerf auditif, on ne voit pas s'en détacher une seule
fibre nerveuse; dans ces cas-là, les coupes transver-
sales, examinées au microscope, ne présentent pas la
moindre trace d'un îlot de substance grise, ni de
cellules ganglionnaires. Chez d'autres individus au
contraire, on observe une grande quantité de fibres
nerveuses très fines, se détachant du nerf auditif, tout
le long de son trajet, depuis le corps restiforme jus-
qu'au méat auditif interne. Chaque coupe microsco-
pique du nerf ne manque pas de contenir un îlot plus
ou moins grand, voire même deux îlots, garnis de
cellules ganglionnaires.
On en arrive ainsi à la conclusion, que la quantité
et l'étendue des îlots de substance grise, avec leurs
cellules ganglionnaires, contenus dans le tronc du nerf
auditif (dans le faisceau vestibulaire), se trouve en re-
lation directe avec le nombre et la capacité de fibres
nerveuses qui se détachent de ce nerf, pour se con-
fondre avec le nerf intermédiaire de Wrisberg.
Toutes les fois que la branche nerveuse la plus forte
du nerf de Wrisberg provenait du tronc du nerf au-
ditif, au lieu d'émerger du corps restiforme, l'îlot de
subtance grise qui servait de ganglion à cette branche,
occupait une assez vaste étendue ; sur la coupe trans-
versale du nerf auditif, on voyait l'îlot occuper presque
48 ANATOMIE.
tout l'espace de la partie supérieure et postérieure du
nerf, ne laissant tout autour que très peu de place,
pour le passage des fibres nerveuses.
J'ai déjà fait observer que les grosses fibres ner-
veuses du faisceau postérieur et supérieur du nerf au-
ditif, s'amincissaient légèrement en approchant du
méat auditif interne, tout en conservant une diffé-
rence marquée d'avec les fibres grêles du faisceau an-
térieur et inférieur. Notons que l'amincissement des
fibres nerveuses en question commence exactement à
partir de l'endroit où cesse l'émergence des fils ner-
veux qui se détachent du nerf auditif pour se con-
fondre avec le nerf de Wrisberg. C'est aussi l'endroit
où le nerf auditif cesse de présenter des îlots de subs-
tance grise, servant de ganglions aux fils nerveux.
Comme' je J'ai dit ailleurs; cette 'particularité s'ob-
serve à différents niveaux du parcours du nerf auditif
entre le corps restiforme et le méat auditif interne.
, , -i < i i' ' ''
En se basant sur ces faits, il nous semble qu'aux
noyaux connus du nerf intermédiaire de Wrisberg, le
noyau latéral des'racines antérieures du nerf auditif
(Braule), le noyau antérieur de Huguenin, et le noyau
accessoire de Schwalbe, on pourrait encore ajouter les
ganglions, microscopiques localisés dans le tronc du
nerf auditif que nous venons de décrire.. ,
Rien de nouveau, que les cellules ganglionnaires,
c'est-à-dire les ganglions ou noyaux respectifs qu'on
trouve sur le parcours des fils nerveux. Sans nous
arrêter aux ganglions microscopiques nombreux, tels
que le ganglion de Casser, les ganglions géniculés, le
DE LA STRUCTURE DU TRONC DU NERF AUDITIF. 49
ganglion jugulaire, le ganglion pétreux, les ganglions
des nerfs sympathiques, rappelons-nous que Pouchet
et Tourneux ' citent des ganglions sur le trajet du nerf
lingual, et sur les fibres grises du grand sympathique.
Henle2 affirme qu'on trouve un certain nombre de
cellules nerveuses disséminées entre les fibres du nerf
oculo-moteur. Hyrtl 3 prétend que « dans le méat audi-
tif interne, le nerf auditif contient des cellules gan-
glionnaires, très faciles à découvrir chez le cheval et
le veau, mais qu'on ne trouve qu'avec peine chez
l'homme. » Stannius'a vu de nombreuses cellules ner-
veuses dans les branches du nerf auditif. Koelliker "
affirme avoir trouvé également parmi les fibres du nerf
cochléaire et du vestibulaire, ainsi que dans le tronc
du nerf auditif de l'homme et des mammifères, un
grand nombre de cellules nerveuses bipolaires. Pierret'
signale des amas de cellules ganglionnaires enclavées
entre les tubes médullaires du nerf auditif. Cependant,
aucun de ces observateurs ne donne d'explication, ni
de plus amples détails anatomiques sur les éléments
ganglionnaires.
Nous nous permettons de rappeler, comme nous
l'avons déjà noté, que les auteurs s'accordent unani-
1 Pouchet et F. Tourneux.-Précis d'histologie humaine et d'hislogénie.
Paris, 1878, p. 369.
Iienle, loc. cit., p. 394.
3 Joseph Ilyrtl, Lehrbuch der Anatomie des Heuscheu de Wien 1851,
s. 620.
1 Stannius. - Gott. Nachr., 1851, p. 62.
5 A Koethker. Handboch der Gewebelehre des Menschen. Leipzig,
1867, s. 730.
- A. Pierret. Contribution à l'étude des phénomènes céphaliques du
tabes dorsalis; symptômes sous la dépendance du' nerf auditif. (Revue
nensuelle, n Q, 177, p. 103.)
4 .
50 ANATOMIE.
ment en reconnaissant pour noyau du nerf intermé-
diaire de Wrisberg (nerf qui sert de connexion entre
l'auditif et le facial), un des noyaux localisés dans le
bulbe, rachidien et appartenant au nerf auditif (Hu-
guenin)'; d'autres'prétendirent qu'il ne faisait partie du
nerf auditif qu'à son origine, et que dans son trajet
ultérieur il appartenait au facial. (Krause 2 et Schwalbe s) .
Certains auteurs même révoquèrent en doute la réalité
d'une connexion du nerf auditif avec le nerf facial
par l'entremise du nerf intermédiaire de Wrisberg et
l'envisagèrent comme illusoire. C'est ainsi que Rauberb,
et d'autres observateurs prétendent que les fibres ner-
veuses qui se détachent du nerf auditif et s'acheminent
vers le nerf facial, et vice versa, n'atteignent pas jus-
qu'à la périphérie de ces nerfs, mais se perdent, après
avoir parcouru une courte distance. Krause5, de
son côté, range le nerf intermédiaire de Wrisberg au
nombre des nerfs de communication bien développés.
Ce fut Arnold 6 le premier qui insista sur une rela-
tion autrement réelle, existant entre le nerf auditif et
le facial, dans le méat auditif interne. Cet auteur
distingue une double relation entre ces nerfs. La pre-
mière a lieu à la partie supérieure et interne, et se
compose de quelques filaments grêles, se dirigeant du
nerf facial au nerf vestibulaire. Cette communication
a généralement lieu après l'entrée du nerf auditif dans
1 Huguenin, loc cit., p. 177.
W. Krause. Handbuch der Anatomie, von Cari. Fi,iedr. Theod.
Krause B. IL Hannover, 1879, s. 737.
3 Loc. cit. s. 852.
4 Ueber d. sympatla. GfeH.M'aHy des Yagus, s. 19.
Lac. cit. Hannover. 1879, s. 738.
Dépare cephalica synzpathici. Heidelberg, 1823, s. 3
DE LA STRUCTURE DU TRONC DU NERF AUDITIF. 51
le méat auditif interne ; elle ne s'observe avant
l'entrée que par voie d'exception. La seconde commu-
nication externe et inférieure se compose d'un ou de
deux filaments excessivement déliés, reliant le gan-
glion géniculé, au renflement ganglionnaire, situé sur
le nerf vestibulaire, et connu sous le nom d'intumes-
cence ganglioforme deScarpa. Plusieurs auteurs,
au nombre desquels nous citerons Krause', partagent
cette manière de voir d'Arnold.
Tout en observant : 1° que beaucoup de branches
nerveuses, concourant à la formation du nerf inter-
médiaire de Wrisberg, prennent naissance dans les
ganglions microscopiques enclavés dans le nerf au-
ditif (faisceau vestibulaire); 2° que d'après Schwalbe'
et plusieurs autres auteurs, le nerf intermédiaire de
Wrisberg se relie définitivement au ganglion géniculé
du nerf facial il en ressortirait, comme nous nous
permettrions de le supposer, que la relation entre
le nerf auditif et le nerf facial est beaucoup plus in-
time, qu'on ne l'avait supposé jusqu'à présent.
L'importance que peut avoir cette relation au point
de vue physiologique en général, et particulièrement
au point de vue du rôle que joue le nerf intermédiaire
de Wrisberg, jusqu'à présent si négligé ceci est une
question d'avenir, que nous ne saurions décider actuel-
lement. D'autant plus que les auteurs diffèrent singu-
lièrement quant au rôle du nerf intermédiaire de
Wrisberg. C'est ainsi que Claude Bernard" le classe au
1 Loc. cit. Hannover. 1879, s. 856.
1 Loc. cit. s. 853. ,
Huguenin, loc. cit. s. 177.
52 ANATOMIE.
nombre des nerfs vasomoteurs ; Lussana lui attribue
des rameaux gustatoires se rendant dans la corde du
tympan; Krause' le considère au point de vue de
branche de communication avec le ganglion genouillé;
Schwalbe', Arnold et Bischoff s'accordent à lui recon-
naître le rôle de filet d'origine du ganglion genouillé,
quoiqu'ils ne se décident pas à le classer au nombre
des nerfs sensibles, en s'étayant du fait, que la phy-
siologie du nerf intermédiaire de Wrisberg n'est rien
moins qu'établie définitivement, au point de vue de la
science.
EXPLICATION DE LA PLANCHE V
Fig. 1. 3/7 Hart. : Coupe transversale du tronc du nerf auditif
traitée par le picro-carminate. Faisceau postérieur supérieur montrantdes
tubes nerveux à myéline volumineuse et presque égale avec des cylindres
d'axes larges et colorés vivement.
Fig. 2.-3/7 Hart. : Trois tubes nerveux à myéline du faisceau postérieur
supérieur du nerf auditif soumis à l'action de l'acide osmipue à 1/2 pour
100.
Fig. 3. 3/7 Hart. : Coupe transversale du tronc du nerf auditif trai-
tée par le picro-carminate. Faisceau antéro-inférieur montrant des tubes
nerveux de diverse dimension avec des cylindres d'axes sous l'aspect de
petits points qui ne se colorent pas par le picro-carmin.
Fig. 4. 317 Hart. : Deux tubes nerveux à myéline dufaisceau antéro-
inférieur du nerf acoustique soumis à l'action de l'acide osmique. Sur
toute la longueur de ces fibres se présentent beaucoup de renflements de
diverse forme. On ne reconnaît pas les noyaux de la gaine de Schwann
et des étranglements.
Fig. 5. 3/4 Hart. : Coupe transversale du tronc du nerf anditif trai-
tée par le picro-carmin montrant au milieu une large cloison conjonctive.
A, Tubes nerveux avec des cylindres d'axes larges et colorés. B, Tubes
nerveux avec des cylindres d'axes fins qui ne se colorent pas.
Fig. 6. 3/4 Hart. : Coupe transversale du tronc du nerf auditif trai-
tée par le picro-carminate. Faisceau postéro-supérieur montrant parmi
Archives de physiologie, etc. 1869.
' toc cit. Hannover, 1879, s. 738.
' Loc cit. s. 853,
PATHOLOGIE MENTALE. 53
des tubes nerveux volumineux un îlot de la substance grise avec beau-
coup de cellules ganglionnaires vivement colorées. Il s'échappe de la
substance grise des tabécules conjonctifs jusqu'au bord du nerf.
- Fig. 7. 3/4 Hart. : Coupe transversale semblable de l'autre individu
montrant deux ilôts de la substance grise avec des cellules ganglion-
naires.
Fig. 8. 3/9 Hart ? Trois cellules ganglionnaires de la substance grise
des ilôts mentionnés. On voit la membrane propre autour des cellules,
protoplasma finement grenu, un grand noyau ovale avec un nucléole
et des prolongements protoplasmatiques. "' ' , ' k
PATHOLOGIE MENTALE
INVERSION DU , SENS "GÉNITAL" (Contràre seaûalémpfindung.
Wcslphal. Pervcrted sexuel Instincts. Julius Krueg, fHM ! 'M'ot ! 6
dcll'istinto sessuale. Tomassia Ariggio.) "' ? ° r7 y ? ' ParMM.CHARCOTetMAGNAN. mr un - .
^
" r ,r" i, . -ni .yt;1 '"sH ', -
La perversion du sens génital s'associe à1 de nom-
breuses formes mentales, et depuis les naïves obscé-
nités du vieillard en démence jusqu'aux hideuses pro-
fanations de cadavres de certains vésaniques impulsifs,
il existe une longue sérié de faits qui1, loin'de'consti-
tuer une forme mentale définie, ne sont que des symp-
tômes de diverses maladies, dénptanfchez l'individu
l'affaiblissement ou la perversion des. facultés morales
ou affectives. ' - ? " ? > ? -\e - '. z ? i' < . » « i i, « .
Mais ne s'agit pas ici de ces perversions du sens
génital qui souvent prennent leur source -dans des
troubles de la sensibilité générale,^ mais * bien d'un
ordre d'idées déterminé, dans lequel leT fait 'étrange
51,. PATHOLOGIE MENTALE.
dans notre civilisation est l'appétit génital pour le
même sexe à l'exclusion de l'autre.
Sans doute, dans l'antiquité, nous trouvons les traces
de ces amours contre nature, et bien des exemples
d'amitié légués par le paganisme, ont pour fondement
de honteuses promiscuités. Mais ce ne sont là, sans
doute, que les dégradantes conséquences du relâche-
ment des moeurs dans une société profondément viciée.
Des faits de ce genre à caractères absolument mala-
difs ont été rapportés par différents auteurs; toutefois,
avant d'entrer dans le vif de la discussion, nous tenons
à rapporter un exemple qui par sa simplicité, par la
lucidité et le degré élevé de l'intelligence du sujet, met
en relief, en accentuant fortement les ombres, les carac-
tères principaux de cette singulière disposition morbide.
OBSERVATION ! . Tendance nêvropathique des ascendants ; dis-
proportion entre l'âge du père et de la mère. Inversion du sens
génital : dès l'enfance, sensations voluptueuses, et depuis la
puberté parfois éjaculation ci la vue d'un homme nu, d'une
statue d'homme nu ou du souvenir obsédant de ces images;
la femme nue laisse indifférent. De 5 à 8 ans, propension au
vol. Habitudes d'onanisme jusqu'à 22 ans. 4 ttaques
hyslériformes à partir de 15 ans.
Voici tout d'abord le récit fait par le malade lui-même des
phénomènes bizarres qu'il éprouve et qu'il rapporte à ce qu'il
appelle sa sensualité :
« Ma sensualité, dit-il, s'est manifestée dès l'âge de six ans
par un violent désir de voir des garçons de mon âge ou des
hommes nus. Ce désir n'avait pas grand'peine à se satisfaire,
car mes parents demeuraient près d'une caserne et les soldats
ne se gênaient pas pour laisser voir leurs parties viriles. Un
jour, j'aperçus (j'avais peut-être huit ans) un soldat qui se
masturbait; je l'imitai et j'éprouvai, à côté du plaisir de
l'imagination qui s'arrêtait sur ce soldat, le plaisir physique
d'un chatouillement très fort. Je continuai à me donner ce
INVERSION DU SENS GENITAL. 55
plaisir, toujours en excitant mon imagination par le souvenir
d'hommes nus. Mes parents quittèrent N... pour s'établira à
B...; là, je vis que des soldats allaient se baigner dans une
petite rivière très pittoresque ; ils se baignaient complètement
nus ; j'imaginai pour pouvoir me satisfaire, d'aller m'asseoir
au bord de la rivière et de dessiner le paysage ; de cette ma-
nière, je voyais les soldats, sans avoir l'air de les regarder.
Vers l'âge de quinze ans, la puberté arriva ; ma masturbation
me donna d'autant plus de satisfaction ; d'ailleurs, je pro-
voquais l'érection et ses suites autant par l'imagination
que par le mouvement ; il m'est arrivé plus d'une fois
d'avoir l'érection, la convulsion amoureuse et la perte de
sperme à la seule vue du membre viril d'un homme. La
nuit, mon imagination travaillait et amenait les mêmes
résultats. Je cessai absolument la masturbation à l'âge de
vingt ans ; mais je ne suis jamais parvenu, malgré tous
mes efforts, à arrêter les excitations de mon imagination ;
les hommes jeunes, beaux et forts provoquent toujours chez
moi une \ive émotion ; une belle statue d'homme nu produit
le même effet ; l'Apollon du Belvédère me fait beaucoup d'im-
pression. Quand je rencontre un homme dont la jeunesse et
la beauté provoquent ma passion, je suis tenté de lui plaire ;
si je donnais libre carrière à mes sentiments, je lui ferais toutes
les amabilités possibles, je l'inviterais chez moi, je lui écrirais
sur du papier parfumé, je lui porterais des.fleurs, je lui ferais
des cadeaux, je me priverais de bien des choses pour lui être
agréable. Jamais, je ne me laisse aller à tout cela, mais je sens
très bien que je serais capable de le faire ; je dois vaincre le
désir que j'éprouve d'agir ainsi. Je sais dominer les envies dont
je viens de parler, mais je ne parviens pas à dominer l'amour
lui-même ; cet amour heureusement ne me possède pas d'une
manière continue ; je travaille et mes études me sont d'un
grand secours contre les pensées sensuelles, mais souvent la
sensualité l'emporte sur le travail et je suis arrêté au milieu de
l'examen très approfondi d'une question, par la représentation
soudaine d'un homme nu dans mon imagination. J'ai toujours
lutté tant que j'ai pu contre cette sensualité ; je suis parvenu
à empêcher beaucoup d'actes auxquels je me sentais poussé ,
mais je n'ai jamais pu éteindre la sensualité même. La suprême
satisfaction de cette sensualité n'a jamais été que la vue de
l'homme nu, surtout de la verge de l'homme ; je n'ai jamais
ressenti le désir de pénétrer dans l'homme ou d'être l'objet
56 - PATHOLOGIE MENTALE.
d'un'homme. Regarder les parties génitales d'un homme beau
et fort, tel a toujours été la volupté la plus grande pour moi.
Quant aux femmes, si belles qu'elles soient, elles n'ont
jamais fait naître en moi le moindre désir. J'ai essayé d'en
aimer une, espérant ainsi revenir à des idées naturelles ; mal-
gré sa beauté, ses efforts, etc., je suis resté complètement froid
et l'érection, si facile chez moi à la vue de l'homme, n'a pas
même commencé. Jamais une femme n'a provoqué en moi la
plus petite sensualité.
J'adore la toilette féminine ; j'aime à voir une femme bien
habillée, parce que je me dis que je voudrais être femme pour
m'habiller ainsi. A l'âge de dix-sept ans, je m'habillais en
femme au carnaval et j'avais un plaisir incroyable à traîner
mes jupes dans les chambres, à mettre de faux cheveux et à
me décolleter. Jusqu'à l'âge de vingt-deux ans, j'ai eu le plus
grand plaisir à habiller une poupée ; j'y trouverais encore du
plaisir aujourd'hui.
Les dames s'étonnent de me voir si bien juger du plus ou
moins de bon goût de leurs toilettes et de m'entendre parler
de ces choses, comme si j'étais femme moi-même.
L'amour que j e ressens pour un homme passe vite ; dès qu'un
autre homme, plus joli à mes yeux, se présente, la pensée du
premier disparaît.
Les pertes nocturnes semblent ne plus être aussi fréquentes
qu'il y a quelques mois : actuellement, il y a bien trois semaines
que je n'en aipas eu ; mais, je continue à avoir mes rêves ordi-
naires et à désirer toujours voir (rien de plus) des hommes nus.»
Tels sont décrits par le patient qui en a pleine conscience
les caractères de l'obsession dont il ne peut s'affranchir.
Ce malade quel est-il ?
Au point de vue physique, cet homme, âgé de trente etun ans,
est brun, grand, bien charpenté, il a le crâne régulièrement
conformé, l'oeil vif, le visage énergique et intelligent, malgré
un léger prognathisme de la mâchoire inférieure et un déve-
loppement assez considérable des oreilles. Il porte une mous-
tache épaisse,bien plantée qui ne manque pas de lui donner une
certaine allure martiale. Il se tient droit, la marche est ferme,
même un peu raide et n'a rien de l'allure féminine ; il est d'ail-
leurs sexuellement très bien conformé ; le pubis est fourni de
poils,les testicules et la verge offrent uneconformationrégulièro,
sans la moindre anomalie, il n'y a pas trace d'hypospadias.
INVERSION DU SENS GENITAL. 57
Sous le rapport de l'intelligence, c'est un esprit cultivé,
instruit, très éruditjuil a toujours travaillé, 'S'est tenu cons-
tamment au premier rang, et après de fortes études classiques
a conquis rapidement les grades universitaires qui l'ontconduit
à trente ans au professorat dans une faculté, i Admirateur des
oeuvres d'art, adonné à la musique, il préfère particulièrement,
Chopin, Gounod, Delibes, Massenet, trouvant chez ces auteurs
la note sentimentale qui lui convient ? ci 1 'Il Il (101- na z
La poésie de Victor Hugo, les descriptions de la nature de
George Sand, ont pour lui les plus grands charmes, j - f '
Il est bienveillant, un peu complimenteur, d'un commerce
facile et s'estime heureux quand il ! peut rendre service à'-ses
amis ou faire du bien aux déshérités de la fortune. t,
Si nous reprenons l'histoire pathologique nous verrons bien
des ombres sur ce fond en apparence si parfaitement uni. Tout
d'abord, les antécédents héréditaires montrent une'' grande
disproportion entre l'âge du père marié à quarante-neuf ans et
de la mère qui n'avait que dix-huit ans. Il est vrai que du côté
paternel les oncles et les tantes et le père lui-même atteignent
un âge avancé, sans qu'aucun accident nerveux ait attiré l'at-
tention ; quant aux ascendants maternels, on' trouve chez le
grand-père un défaut d'équilibre dans la conduite dans le genre
de vie, qui sans constituer la folie proprement dite, dénote
les dispositions maladives que l'on trouve chez les individus
prédisposés aux affections mentales. Quoique notaire dans
une petite ville; il menait une vie un peu' agitée, il était en
relation avec les célébrités artistiques de son temps, les rece-
vait chez lui, entre autres la Malibran, dont il était l'ami ; il
négligeait sa charge et finalement il avait été obligé de l'aban-
donner. La mère du grand-père s'était fait remarquer par son
excentricité : très aimable pour les étrangers, elle était dans
son intérieur méchante et acariâtre. La mère, de moeurs pures
associant à une religiosité exagérée un goût prononcé pour la
toilette, recherchait les choses voyantes, les grandes dé-
monstrations et particulièrement les cérémonies à grand
fracas. -
Dans son enfance, il a eu la scarlatine, la coqueluche qui
ont guéri sans complication. De cinq à huit ans, le malade a
présenté une propension au vol des mieux accusée ; il prenait,
sans aucun remords, à ses camarades,à ses maîtres, des plumes,
des crayons, différents objets, qu'il emportait chez lui, mais
58 PATHOLOGIE MENTALE.
sans les collectionner ; un jour, il dérobe dans le bureau de son
maître d'étude, un encrier contenant de l'encre rouge, et au
moment où il franchissait le seuil de la salle de travail, l'en-
crier tombe de la poche, se brise, répandant le liquide révéla-
teur de son iarcin ; vivement ému de la mésaventure, à partir
de ce moment il a cessé de voler.
Les dispositions nerveuses de notre malade ne se sont pas
seulement traduites par des troubles psychiques, des aberra-
tions morales, il a offert aussi, de très bonne heure, des acci-
dents convulsifs qui, par leurs prodromes, par leur marche et
aussi la bénignité des phénomènes consécutifs ne s'opposant
pas à la reprise immédiate du travail, se rattachent à l'hystérie
plutôt qu'à l'épilepsie.
Les crises remontent à l'âge de quinze ans ; d'abord très
rares, elles sont devenues plus fréquentes en 18G9 et 1870.
Elles sont précédées par une excitation cérébrale qui empê-
chant le malade de fixer une idée et de s'y arrêter, lui fait dire
autre chose que ce qu'il voulait dire. Il lui semble que la
pensée qu'il veut émettre est déjà remplacée par une autre
avant qu'il ait eu le temps de l'exprimer ; en d'autres termes,
les idées se précipitent avec une telle rapidité qu'il lui est im-
possible de s'y arrêter. Il a, du reste, conscience de cet état.
Les phénomènes intellectuels sont accompagnés d'un batte-
ment continu des paupières. Ces troubles se montrent dès le
réveil soit pendant la nuit, soit dès le matin, entre sept et huit
heures. Prévenu par ces prodromes, le malade reste au lit, ou
bien s'il s'était levé, s'empresse de se recoucher pour éviter
d'être surpris par l'attaque hors de chez lui.
Ces phénomènes précurseurs durent plus ou moins long-
temps ; exceptionnellement même, tout s'arrête là et un som-
meil profond vient enrayer l'accès. Quand l'attaque arrive,
c'est le fait le plus habituel, elle se produit toujours dans la
matinée, mais à des heures différentes. Un jour par exception
la crise eut lieu l'après-midi à la suite d'une émotion.
D'après le dire d'une parente qui demeure auprès du malade,
au moment de l'attaque, celui-ci pousse un cri, perd connais-
sance, se raidit; présente ensuite des secousses dans les
membres, les yeux se convulsent, les mâchoires s'entre-
choquent et si l'on ne mettait un linge mouillé entre les
dents, les lèvres et la langue seraient mordues presque chaque
fois, ce qui arrive, du reste, malgré les précautions prises ;
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 59
de l'écume se montre aux lèvres et la face s'inonde de sueurs.
'Après l'attaque survient un sommeil profond. Une seconde
attaque se produit trois heures environ après la première, puis
une troisième trois heures environ après la seconde, quelque
fois enfin une quatrième. Ces quatre attaques se répartissent
sur un jour et demi ; le lendemain du jour où le mal a com-
mencé vers midi, le trouble de l'intelligence et le battement
des paupières cessent. Une grande fatigue suit la crise, l'appé-
tit reste bon, il y a même une sensation de faim. Pendant
deux ou trois jours les urines sont rougeâtres et épaisses. Il
reste un peu de tristesse motivée surtout par le chagrin que
parait chaque fois témoigner l'entourage, du retour de ces
accidents; d'ailleurs l'intelligence est libre et peut être appli-
quée tout aussitôt à une occupation sérieuse comme si rien
n'était advenu. Le début de ces accidents remonte à 1865;
jamais avant cette époque, on n'avait remarqué de phéno-
mènes convulsifs. Dans les premières années, les intervalles
furent fort longs, ils étaient de plus d'une année ; en 1869 et
1870, les accès devinrent plus fréquents. Depuis 1870, les
crises sont espacées de trois mois, de deux mois et, par excep-
tion, de trois semaines seulement.
Une disposition d'esprit qui s'exagère parfois après les
attaques, c'est le désir de compter et de recompter plusieurs
fois de suite les fleurs, les lignes, les clous, les carrés, les petits
détails en un mot, d'une tapisserie, d'un écran, d'un plafond,
d'une décoration quelconque.
Les convulsions ne semblent pas exercer d'influence sur les
troubles intellectuels, après lesquels d'ailleurs, 'elles se sont dé-
veloppées et qu'elles n'ont pas modifiés, malgré leur fréquence
plus grande depuis quelques années.
D'après la note précédemment citée, rédigée en juin der-
nier par le malade, celui-ci paraissait absolument esclave de
ses appétits anormaux ; cette disposition morale s'est sensi-
blement modifiée depuis cette époque. Déjà au mois d'août, il
racontaitqu'ils'étaitaperçuque la vue d'une femme ne le laissait
pas indifférent ; en septembre sur nos conseils il s'était efforcé
de substituer, dans ses souvenirs, la femme à l'image obsédante
del'hommenu. Il l'avait tenté àplusieurs reprises, mais il était
tenu à de grands efforts de volonté pour que son imagination
ne le portât pas vers son objet de prédilection. Enfin, au
commencement de septembre, ayant remarqué moins de résis-
60 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tance de son esprit, à s'arrêter à l'idée de la femme et ayant
même éprouvé une certaine satisfaction à la regarder, il a fait
une tentative dont il est sorti victorieux. C'est sans effort qu'il
a pu avoir, à plusieurs reprises, des relations avec une femme,
éprouvant d'ailleurs les sensations voluptueuses habituelles.
L'effet moral a été excellent ; il a eu du repos quelques jours,
mais obligé de quitter Paris et réduit à lutter par la raison
seule contre ses obsessions il sent, dit-il, parfois ses idées
devenir anti-naturelles.
En dehors de l'hygiène physique et morale à laquelle le
malade a été soumis, nous avons eu recours aux pratiques
hydrothérapiques, affusions froides et douches, et au bromure
de potassium qui a diminué l'intensité et la durée des crises,
mais non la fréquence. (A suivre.)
i 9· t
PATHOLOGIE NERVEUSE
DE LA CACHEXIE PACHYDER)IIQUE. (11j·xmdbme des auteurs
anglais). OBSERVATION NOUVELLE AVEC ALIÉNATION
MENTALE TRANSITOIRE ; par le I)rll. BLAISE, chef de clinique
a la Faculté de médecine de Montpellier.
'Y') » ' ) i ' '
La cachexie pachydermique n'est pas en réalité une
maladie nouvelle. Confondue pendant longtemps avec
d'autres états morbides, particulièrement avec la poly-
sarcie adipeuse', elle en est séparée pour la première
fois par sir William Gull '. Le mémoire de Gull lu, le
1 Sir W. Gull. On tz cretinoid state stcperuening in ndttlt Life in
tramât. (Trans. of the clin. Soc. of London, vol. YI1, p. 180.
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 61
24 octobre 1873, à la société clinique de Londres, est
basé sur cinq cas observés par l'auteur anglais lui-
même. Il donne des malades un tableau fidèle et sai-
sissant, où l'on trouve décrit dans toute sa netteté cet
oedème spécial, solide, qui déforme tout le corps,
particulièrement la face et les extrémités des membres,
et qui constitue l'un des traits les plus caractéristiques
du nouvel état morbide. C'est ainsi qu'il compare la
forme des mains à celle d'une bêche (spade-like).
Mais ce qui frappe le plus W. Gull, ce n'est pas cet
oedème spécial, c'est ce double fait que toutes ses
observations se rapportent à des femmes et que ces
dernières présentent un état intellectuel voisin du cré-
tinisme. Aussi 'propose-t-il d'appeler l'affection nou-
velle : état crétinoïde pouvant subvenir chez les femmes
à l'état adulte. L'auteur se borne à décrire très nette-
ment ce qu'il a observé, laissant à d'autres le soin de
déterminer la nature et les lésions anatomiques de ce
syndrome clinique. Les malades de Gull ne présentaient
d'ailleurs aucune complication viscérale.
En 1877, le D' Ord', de Saint-Thomas Hospital,
présente, à la même société, deux nouveaux cas, se
rapportant encore à des femmes, dont l'un, suivi d'au-
topsie, avait permis d'étudier les lésions anatomiques.
C'est toujours le même tableau clinique. Mais il ressort
de l'examen nécroscopique que l'infiltration générale
cutanée et sous-cutanée, qui déforme d'une façon si
caractéristique les différentes parties du corps, n'est
due, ni à la graisse, ni à un liquide oedémateux
= W.-nI. Ord. On 3lyxoedei ? za (Med. chir. Ti,a71sact., vol. LXI, p. 57.
Le même. - Clinical lecture on myxoedema. (Brit. nied. Jour., may
1878.)
62 PATHOLOGIE NERVEUSE.
s'écoulant après la section, mais à une matière spé-
ciale, d'apparence gélatineuse, qui présente tous les
caractères chimiques et histologiques du tissu muqueux.
Cette matière spéciale serait constituée par le dévelop-
pement exagéré du ciment intercellulaire qui contient
de la mucine.
Cette infiltration de la peau entraîne l'atrophie des
bulbes pileux, des glandes sébacées et sudoripares,
étreint les réseaux vasculaires et les extrémités ner-
veuses ; d'où l'altération, la chute des cheveux et des
poils, la diminution des sécrétions sébacées et sudori-
pares, l'abaissement de la température périphérique et
les troubles de la sensibilité observés pendant la vie.
La paresse cérébrale si remarquable des malades, leur
lenteur dans tous les actes qu'ils accomplissent
tiennent à ce que les terminaisons nerveuses périphé-
riques, englobées et comprimées par le tissu muqueux
ne perçoivent que des sensations affaiblies, incapables
de stimuler d'une façon suffisante les fonctions des
centres nerveux.
L'infiltration porte d'ailleurs sur le tégument interne,
comme sur l'externe ; par suite, on peut lui attribuer
les troubles de la digestion et de la nutrition et la
cachexie consécutive.
En résumé, Ord rattache tous les phénomènes obser-
vés à l'existence de ce tissu muqueux et propose, en
conséquence, de désigner la maladie sous la nom de
myxoedème.
En juin 1879, Olive' publie, dans les Archives de
médecine, un résumé de faits observés par Gull et
'Olive. Sur le Myxoedème. (drch. gén. de .met., 1879, t. I, p. 677.)
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 63
Ord. Il insiste sur ce fait qu'il ne s'agit pas d'une
espèce morbide nouvelle. Il rapporte que son maître,
M. le professeur Lasègue, « rappelait à ce sujet l'obser-
vation d'une pensionnaire de l'Hospice de la Vieillesse
(femmes), nommée Madeleine et qui était devenue
légendaire à force d'être montrée comme un échan-
tillon-type de la maladie. Cette femme avait été prise
graduellement d'une bouffissure solide qui s'était éten-
due de la face à tout le corps et qui avait débuté vers
l'âge de quarante ans... La description répond exacte-
ment à celle que donne sir W. Gull. Les faits iden-
tiques, ajoute Olive, peu nombreux, ont été rapportés
en France sous le nom générique et vague de poly-
sarcie adipeuse. »
Savage ' publie le premier cas observé chez l'homme.
Hammond émet, il est vrai, quelques doutes sur la
question de savoir s'il s'agit bien là d'un véritable cas
de myxoedème. Quoiqu'il en soit, à côté des symp-
tômes déjà décrits, tels que la sécheresse et la rudesse
particulières du tégument externe, et l'abaissement de
la température au-dessous de la normale, l'auteur
signale des troubles très variés du système nerveux :
caractère triste et sombre; intelligence notablement
affaiblie; réponses lentes et inexactes; mémoire impar-
faite ; sens spéciaux atteints avec illusions et halluci-
nations fréquentes; démarche vacillante sans paralysie
des membres ; perversions du goût et de l'odorat pou-
vant aller jusqu'aux hallucinations proprement dites.
Dans un cas cité par Savage, les troubles psychiques
ont abouti à une véritable manie, avec insomnie,
1 Savage. Myxoedema and its zzerccus symptoms. (Journal of mental
science. Jan. 1880, p. 417.)
6t PATHOLOGIE NERVEUSE.
incohérence et violence du langage pendant la nuit.
Pour Savage , c'est l'encéphale qui est le point de
départ de tous ces accidents nerveux.
Le 1e mai 1880, Goodhart' publie un cas de myxoe-
dème observé chez l'enfant. Nous devons déclarer que
la lecture de cette observation ne nous a pas entière-
ment convaincu en ce qui concerne l'existence du
myxoedème. Quoiqu'il en soit, il s'agit d'une petite
fille de quatre ans, présentant un état de crétinisme
très accusé, avec embonpoint considérable, visage
rond et sans expression, mains déformées, particuliè-
ment au niveau des éminences thénar et hypothénar ;
l'existence du corps thyroïde était douteuse. L'excès
de graisse sur tout le corps, la pâleur jaunâtre des
téguments, rare chez l'enfant, font penser à l'auteur
qu'il s'agit de quelque chose de semblable au myxoe-
dème des adultes.
Goodhart-s'étend longuement sur le crétinisme spo-
radique ; puis il établit un parallèle avec le myxoedème
et trouve entre ces deux affections des relations évi-
dentes. Il rejette absolument l'interprétation de Ord et
ne pense pas que des lésions cutanées telles que celles
du myxoedème, puissent entraîner des troubles des
facultés psychiques. A la rigueur, et bien qu'il ne
connaisse rien de semblable , il admettrait cette
influence chez un enfant, dont le cerveau est incom-
plètement développé et qui présenterait une anesthésie
complète, conséquence d'une ichthyose ou d'une sclé-
rodermie congénitale. Mais, chez un adulte, alors que
le cerveau est arrivé à son complet développement,
' Goodhart. cietiizi6m sporadic and 31yxoederna. (Jled. Times and
Gaz., 1 may 1880.)
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 65
pareille chose lui semble impossible et de fait, on ne
voit pas, dit-il, les anesthésies ou la perte d'un sens
spécial entraîner des troubles intellectuels ; le contraire
se produirait plutôt. En résumé, il attribue les symp-
tômes cérébraux à une lésion cérébrale de même
nature que celle qui porte sur les téguments. Mais on
peut objecter à l'auteur anglais que Ord n'a pas pu
découvrir cette lésion cérébrale et qu'il a observé dans
un cas de sclérodermie très prononcé des symptômes
analogues à ceux du myxoedème. ,
En juillet 1880, M. Hadden', qui avait eu l'occa-
sion d'observer successivement les malades de Ord et
de M. Charcot, publie dans le Progrès médicalune inté-
ressante revue sur le myxoedème. Il nous apprend que
111. Charcot « avait découvert de son côté le myxoedème
et allait publier un travail à ce sujet, sous le. nom de
Caclaexieac7aydez°nziqzie, lorsqu'il prit connaissance des
recherches de Ord. » Le savant professeur de Paris
avait, en effet, observé plusieurs cas de myxoedème soit
en France, soit à l'étranger, où il avait rencontré deux
malades : l'un àMurano, près Venise, l'autre à Murvie-
dro, l'ancienne Sagonte, en Espagne. A .l'égard des
symptômes cérébraux, M. Hadden propose l'interpré-
tation suivante : « La diminution remarquable de la
chaleur'du corps peut être un symptôme, précoce, dû
sans doute à une affection du système .vaso-moteur.
Sachant, comme nous l'enseigne la physiologie, que les
pensées et les actions sont toujours accompagnées par
une chaleur et par l'usure des tissus, il est raisonnable
de supposer que la torpeur intellectuelle et l'affaiblis- ? .
1 Hadden. - Du Myxoedème. (Progrès Médical, nos 30.et 31,18SO.)
5
66 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sèment physique sont dûs aux conditions circulatoires
de ces malades, que l'on peut comparer à des animaux
à sang-froid. Une lésion du grand sympathique expli-
querait ces symptômes et retarderait le mouvement
nutritif si important dans les fonctions de la vie.
L'hypothèse de M. Hadden est loin d'être à l'abri de
tout reproche et ne nous satisfait que médiocrement.
En même temps et dans le même journal, M. Ballet'
publie, sous le titre de Cachexie pachdernai jue,
l'observation d'un malade de M. Charcot. Il s'agit d'un
homme de cinquante-sept ans, qui présente le tableau
symptomatique complet du myxoedème.
De son côté, Thaon fait paraître dans la Revue
mensuelle un travail d'ensemble intéressant. On y trouve
une observation nouvelle, concernant une dame, qui
lui avait étéadresséeparM.Charcotet qu'il avait soignée*
pendant deux hivers consécutifs à Nice. L'auteur se
livre à une revue critique des travaux de Gull et de
Ord. Il repousse la dénomination de myxoedème.
« En l'acceptant, on semblerait, dit-il, adopter la
théorie entière du D' Ord et admettre la subordination
de tous les symptômes à l'existence de ce tissu
muqueux à la périphérie du corps. » Cette subordina-
tion ne peut se démontrer. Il faudrait, en effet, dans
l'espèce, que la peau et le tisssu cellulaire fussent
infiltrés longtemps avant l'apparition des phénomènes
cérébraux. Or, aucune des observations publiées par
Ord et Gull ne présente cette subordination chronolo-
1 Ballet. Cachexie pachydermique (Afy.roeHte des auteurs anglais),
in Progrès Médical, 24 juillet 1880.
'Thaon. Cachexie pachydermique (oedème crétinoide, myxoedème),
in Revue mens, de Dlérl. et de Chir., août 1880.)
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 67
gique des symptômes ; le contraire existe même pour
deux d'entre elles. L'auteur ajoute que, dans l'hypo-
thèse de Ord, les désordres de l'activité cérébrale
seraient de règle dans les cas où « les impressions
périphériques sont singulièrement plus émoussées, »
telles que l'anesthésie généralisée des hystériques ou des
lépreux. Et cependant rien de semblable ne s'observe
en clinique. Il y a mieux, les malades atteints de
myxoedème ne présentent même pas d'anesthésie. En
conséquence « l'hypothèse de Ord est insoutenable. »
Loin d'en faire un symptôme secondaire, Thaon est
« presque tenté de mettre au premier rang cette pa-
resse cérébrale et de faire dépendre d'elle la plupart
des autres symptômes». A l'appui de sa thèse, il cite le
cas suivant qu'il emprunte à sa clientèle privée et qui
montre « la facilité avec laquelle les impressions
morales pénibles peuvent amener chez les femmes des
modifications dans le système cutané général ». Une
dame de quarante-deux ans, d'une bonne constitution,
a ressenti depuis sept ans des chagrins violents et
« chaque fois elle a éprouvé les symptômes suivants :
tristesse très grande, chloro-anémie, paresse intellec-
tuelle, engraissement considérable, sécheresse de la
peau, état pachydermique de la paume des mains et
de la plante des pieds. Chaque phase morbide durait
trois mois à un an; puis la gaieté revenait, ainsi que
l'activité cérébrale, et, chose remarquable, les lésions
périphériques disparaissaient en même temps ». En
résumé, l'auteur voit dans le myxoedème un état mor-
bide affectant l'ensemble de l'organisme. « La maladie
est partout, la déchéance est générale , le sang est
appauvri, toutes les fonctions sont languissantes; c'est
68 PATHOLOGIE NERVEUSE.
une véritable cachexie. » La cachexie pachydermique
se révèle par la triade symptomatique suivante : ané-
mie profonde, altérations remarquables de la- peau et
du tissu cellulaire, état cérébral particulier.
La fin de ce travail comprend la reproduction de
trois observations : une première de Gull ; une deuxième
(avec autopsie) de Ord; la troisième est l'observation
de M. Charcot, publiée par M. Ballet.
Quelques jours après la revue de Thaon, Bourne-
ville et d'Olier' publiaient un nouveau cas de myxoe-
dème avec crétinisme et idiotie. Il s'agit d'un enfant
de 19 ans, difforme et présentant l'aspect d'un enfant
de deux ans. Il n'existe ni antécédent névropathique, ni
consanguinité. Né à terme, il reste en nourrice jusqu'à
un an, dans des conditions hygiéniques déplorables. A
cette époque, on note quelques convulsions. A 15 mois,
l'enfant commence à marcher et ne diffère sous aucun
rapport des enfants de son âge. Depuis, sans nouvelle
attaque de convulsions, il se produit un arrêt de déve-
loppement, l'enfant devient gâteux. La dentition s'opère
lentement et n'est pas complète à 7 ans. Actuellement
on observe : état d'inertie avec obtusion intellectuelle
et apathie. complètes; tête volumineuse dont la forme
se rapproche de celle d'un pain de sucre; calvitie
presque complète avec cheveux courts, secs, presque
noirs; visage hideux; front et racine du nez couverts
de rides; nez camard; peau de la face mate, d'un
blanc jaunâtre, bouffie et absolument glabre ; la bouf-
fissure est surtout marquée au niveau des joues, des
lèvres et des paupières. La lèvre inférieure est forte-
' Bournevillp et d'Olier. -Alole siti, 1121 cces de crélinisn7e uoec nzrlrndénze
cachexie pachydermique). (Proqrès Médical, 20 août 1880, n° 35.)
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 69
ment renversée (état dû en partie à une rétraction
cicatricielle de la peau du menton) et laisse échapper
presque continuellement la salive. Les dents sont pour
la plupart cariées et usées; il n'existe pas de malfor-
mation du voile du palais. La bouffissure de la face n'a
pas toujours existé au même degré; actuellement physio-
nomie sans expression; la joie s'exprime par un sou-
rire grossier et disgracieux. La parole est réduite à
quelques monosyllabes, la voix enrouée, nasillarde; les
réponses sont lentes à venir et comme traînées. La
peau du cou est notablement épaissie et le corps thy-
roïde à peine marqué. La peau du tronc paraît fine,
d'un blanc mat, résistante sous le doigt, comme infil-
trée ; il semble qu'elle recouvre une épaisse couche de
tissu cellulaire lâche. En divers points du thorax, elle
est soulevée par des tumeurs molles, tremblottantes,
d'apparence myxoedémateuse.
La température, recueillie sur le devant de la poi-
trine et sur des tumeurs cervicales, a été de 35 ? et
36°,2, la température extérieure étant de 25", 1 .Au rec-
tum, elle est restée invariablement pendant huit jours
à 370,2 2 le soir. Sur la face externe du bras le ther-
momètre a donné 33°, 8 à droite, 34°, à à gauche; à la
main, on y note d'ailleurs un abaissement de tempé-
rature.
L'urine examinée à plusieurs reprises, n'a présenté
ni glycose, ni albumine. Partout la peau est absolu-
ment glabre; la sensibilité générale paraît émoussée;
le ^chatouillement n'est pas ordinairement perçu. Le
malade présente au froid une sensibilité exagérée. Les
sens spéciaux : vue, ouïe, goût ne semblent pas atteints.
Enfin, il n'existe pas de troubles digestifs et le sommeil
70 PATHOLOGIE NERVEUSE. '
est tranquille. Un fait remarquable est l'amélioration
sensible survenue après l'administration de bains, de
préparations toniques et ferrugineuses.
L'attention est attiréesur le myxoedème, de nouvelles
observations ne tardent pas à paraître. Le z5 septem-
bre 1880, Thomas Inglis1 publie deux nouvelles obser-
vations.
La première se rapporte à un homme, jouissant d'une
bonne santé habituelle, [qui, péniblement affecté des
désordres de sa femme, tombe dans la mélancolie et
entre à l'asile après avoir tenté de se suicider en pre-
nant une grande quantité d'opium. A cet état de mé-
lancolie, qui cesse au bout de trois mois, succède un
oedème qui envahit insensiblement et progressivement
les paupières, les mains, les membres et le tronc. Les
paupières sont gonflées, ridées, couleur de cire ; le
nez est épaté, les lèvres épaisses, la lèvre inférieure
proéminente. La physionomie prend une expression
d'hébétude et perd même toute expression. La laugne
paraît trop grande pour la bouche, sans cependant
qu'il y ait un oedème marqué. Le langage du malade
est lent; sa façon de parler rappelle, particulièrement
le matin, le débit d'un hémiplégique, et aussi l'articu-
lation embarrassée de l'épileptique. Les mains pren-
nent bientôt la forme de bêche ; le malade y éprouve
des sensations de raideur, de froid, d'engourdissement.
Mais nulle part la pression du doigt ne détermine de
godet, et l'urine ne renferme pas d'albumine (d=10 t 5).
Le coeur bat lentement, mais paraît sain. La surface
du corps est toujours froide au toucher et le malade
1 Thomas Inglis. Two cases of Myxoedema (7'Ae 7.<Me<'<, p. 496, vol. 11,
4880.)
DE LA CACHEXIE PACHIDERn21QUE. 71
n'a jamais chaud, même dans les grandes chaleurs.
La température axillaire est de 95° Fahr. La peau
est sèche, dure et sa sensibilité est émoussée comme
dans la sclérodermie : le chatouillement de la plante
des pieds ne détermine pas de réflexe. On observe
quelquefois de courtes transpirations. La préhension
est faible; l'excitabilité faradique des muscles des
membres et du visage diminuée, ce qui n'existe pas
sur la calotte crânienne où l'oedème est peu marqué.
D'ailleurs il n'existe pas d'atrophie musculaire.
Ce fait de la diminution de la contractilité faradique
des muscles aux endroits où l'oedème est marqué, ne
tient pas, dit l'auteur, à une dégénérescence des élé-
ments nerveux périphériques, mais résulte de l'obs-
tacle mécanique à l'excitation des terminaisons ner-
veuses, crées par l'infiltration mucoïde.
Ingliscompareladémarche de son malade à celled'un
canard. Du côté des sens spéciaux, il note de la surdité
coïncidant avec une intégrité de la vue et de l'odorat.
L'appétit est d'habitude assez mauvais; le malade pour-
rait rester sans inconvénient plusieurs jours sans man-
ger ; il trouve d'ailleurs mauvais goût aux aliments.
Enfin , le patient tombe dans un état de léthargie très
prononcé et on note à côté d'une constipation habi-
tuelle, les troubles psychiques suivants : affaiblissement
de la mémoire, particulièrement en ce qui concerne les
faits récents, et dégradation des facultés intellectuelles.
La seconde observation de Ch. Inglis se rapporte à
une femme de 39 ans, mère de huit enfants bien por-
tants. La soeur de cette malade avait été atteinte de
manie puerpérale et la mère était morte d'une attaque
d'apoplexie. Le début de la maladie s'est fait il y a
72 PATHOLOGIE NERVEUSE.
cinq ans par une attaque de mélancolie avec perver-
sion des divers sens spéciaux. Ainsi cette femme trouve
à tout une odeur de poudre. Elle présente les mêmes
phénomènes morbides que le malade précédent, mais
moins prononcés. Les facultés intellectuelles sont affai-
blies. Au bout de deux ans, il survient un véritable état
de manie qui nécessite l'entrée dans un asile. A ce
moment, elle est reine, possède des châteaux, etc. La vue
est bonne, mais le goût et l'odorat sont pervertis. Ses
aliments contiennent du tabac à priser, sentent le poi-
son. De nombreuses verrues apparaissent sur les bras.
Comme chez le malade précédent, les perversions sen-
sorielles sont plus accusées le matin; à ce moment, elle
peut à peine voir. Du côté du coeur, rien de particulier,
à part un claquement énergique du second bruit.
L'urine est normale (d 10 10). La malade qui possédait
autrefois un caractère assez doux, est actuellement
irritable, passionnée, s'irrite sans motif. La conversa-
tion est naïve et enfantine; elle se tient souvent à elle-
même un langage incohérent. L'attention est affaiblie,
le jugement faux, la mémoire en assez bon état. Elle
est affectueuse à l'égard de ses enfants.
Il semble incontestable, d'après Inglis, que dans le
myxoedème, il existe une altération du système nerveux
central. En effet, dit-il, dans tous les cas on a observé
des troubles intellectuels variables, du reste, depuis
.l'irritabilité du caractère, la tristesse, jusqu'à la manie
agressive et au délire des grandeurs. Bien que ces
troubles intellectuels surviennent toujours à quelque
phase de la maladie, Inglis ne pense pas qu'il y ait
un rapport nécessaire entre le myxoedème et l'aliéna-
tion mentale. Cette dernière relève plutôt de la cons-
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 73
titution du malade, de son tempérament, que de la
lésion de l'encéphale. Il existe alors quelque chose
d'analogue à ce qui se passe dans certaines lésions du
cerveau qui entraînent souvent, mais non nécessaire-
ment, des troubles intellectuels. Inglis considère le
myxoedème comme une maladie nerveuse, les modifi-
cations profondes du système cutané n'étant que secon-
daires. Le traitement ne lui a pas donné de résultat
satisfaisant. Les toniques nerveux, l'électricité galva-
nique, les bains ont produit tout au plus un palliatif.
Le 12 novembre 1880, Dyce Duckworth présente à
la Société clinique de Londres, une note sur deux nou-
veaux cas de myxoedème.
Le premier se rapporte à une femme de 47 ans,
bien constituée, admise au mois d'août 1879, à Saint-
Bartholomew's Ilospital. Elle a eu neuf enfants et plu-
sieurs fausses couches et ne présente aucun antécédent
syphilitique. Au premier abord, on croirait avoir affaire
à un cas de maladie de Bright. La peau de la face est
bouffie, particulièrement au niveau des paupières et
des lèvres, présente une coloration cireuse, à l'excep-
tion des pommettes qui sont rouges. La face, la peau
du crâne et l'épaule gauche présentent quelques tumeurs
acquises et non congénitales, sur lesquelles Duckworth
attire l'attention, parce qu'elles se trouvent signalées
dans d'autres cas. Le corps thyroïde est petit; les tégu-
ments du tronc et des membres sont enflés et bouffis,
les mains larges et grossières. Le sang présente une
teinte pâle ; les muqueuses sont anémiées. La contrac-
tion cardiaque est faible, le pouls 'généralement au-
' Dyce Duckworth. Two cases of myxoedema. (Lc ! nce<, t. II, p. 813
S80.)
74 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dessous de 60. Mais tous les organes internes paraissent
sains. La malade a un appétit capricieux, des nausées
et des vomissements fréquents et de la constipation;
ses règles ont été supprimées pendant six mois. L'urine
(d- 1015 à 1022) ne présente ni albumine, ni glu-
cose. De plus on observe de la lenteur dans la parole
et les idées. La voix est nasillarde. La malade marche
en se dandinant, avec hésitation, se gardant bien de
traverser une rue. Elle est toujours triste; les stimu-
lants l'engourdissent. La force musculaire se montre
plus considérable en été; enfin il existe une sensibilité
exagérée au froid. La température prise pendant dix-
huit jours consécutifs, 4 ou 5 jours après le début de
la bouffissure, montre une élévation en faveur du côté
gauche (93°,4 - 970,8 F. = 34°,1 adroite; 95 ? -
99 ? F. = 35',2 à 37°,4 à gauche). Sans cesse exposée
aux mauvais traitements d'un mari brutal, la malade
avait mené une existence malheureuse. L'administra-
tion de toniques divers, de préparations arsenicales,
associée à une alimentation choisie, ne donne aucun
résultat. Sept ans auparavant, elle avait été soignée à
Guy's Hospital pour une parésie de la jambe droite
avec anesthésie autour de la cheville qui avait disparu
sous l'influence de l'électricité et des toniques.
Le deuxième cas se rapporte encore à une femme,
âgée de 46 ans, d'une forte constitution. Bien portante
jusqu'à l'âge de 42 ans, la maladie avait évolué lente-
ment. Il n'existait aucune prédisposition héréditaire.
Les téguments, à l'exception des pommettes, présentent
une teinte pâle. La bouffissure des paupières, l'aspect
général du visage rappellent la néphrite chronique.
La malade est triste, languissante. Le corps thyroïde
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 75
présente un volume normal. Les mains sont en forme
de bêche; les jambes sont oedématiées, la droite beau-
coup plus que la gauche. Il existe un catarrhe chro-
nique des bronches et une constipation habituelle.
Le pouls est à 80. L'urine ne renferme pas d'albu-
mine (d = 1005). Réglée irrégulièrement cette an-
née, la malade a remarqué que depuis huit ans ses
règles étaient plus abondantes. Ilya deux ans, elle s'est
aperçue que le travail à l'aiguille devenait difficile.
En même temps les mouvements s'opéraient avec plus
de lenteur. Sans présenter une hésitation proprement
dite dans la marche, la malade n'osait plus trop s'aven-
turer dans les rues. Parfois elle avait de la peine à
garder l'équilibre, se laissait tomber et mettait long-
temps à se relever. Elle était aussi particulièrement
sensible au froid et aux changements de température.
Enfin, elle trouve mauvais goût aux aliments et prétend
que ces derniers sont mal préparés. Le thermomètre
donne, dans l'aisselle droite, 990,4 F. (370,4 C), dans la
gauche, 97 ? F. (3G ? C). Le traitement n'a pas modifié
l'état cachectique de la malade.
Dans la même séance de la Société clinique de Lon-
dres, M. Maddon parle d'un cas qu'il a observé et qui
présentait, entre autres particularités remarquables,
des ongles cassants et une diminution de l'excrétion
de l'urée. Il rappelle que, pour lui, la maladie tient à
un trouble profond du grand sympathique. Dyce Duck-
worth pense, de son côté, que le myxoedème est une
maladie d'origine centrale , sous la dépendance de
troubles de la nutrition.
Enfin Hammond vient de publier un article impor-
tant sur le myxoedème, qu'il envisage particulièrement
76 PATHOLOGIE NERVEUSE.
au point de vue des troubles nerveux et cérébraux'.
Les phénomènes de cet ordre, notés parses devanciers
sont : un affaiblissement notable de l'intelligence, des
réponses lentes et inexactes, une mémoire imparfaite,
des illusions et des hallucinations fréquentes des sens
spéciaux, pouvant entraîner un véritable état de manie
(Savage). Cependant, l'état habituel est plutôt un état
de lassitude, de stupidité qui rappelle assez bien ce
que l'on désigne sous le nom de démence aiguë.
IIammond note, en passant, la ressemblance qui
existe entre les malades atteints de myxoedème et ceux
qui sont intoxiqués par l'arsenic. Puis il cite une obser-
vation personnelle tout particulièrement intéressante
au point de vue des troubles nerveux.
Il s'agit d'une femme de 41 ans. Au premier abord,
il semble qu'on a affaire à un oedème généralisé, con-
séquence d'une affection cardiaque et rénale. Le visage
et particulièrement les paupières sont tuméfiées, la
peau du front, rude, est enflée par places, le nez est
épaté; les lèvres, surtout la lèvre iliférieure, sont proé-
minentes : on dirait que la malade a reçu un grand coup
de poing sur la bouche. Au niveau des pommettes, la
peau est épaissie et colorée en rouge de chaque côté,
sur un espace d'un dollar. Le cou et les mains sont
fortement oedèmatiés , les doigts élargis en forme de
massue, sans incurvation des ongles. Cet oedème se
retrouve sur toute la surface du corps, mais nulle
part, la pression ne détermine de cupule. La sensibilité
générale de la peau est notablement diminuée; ainsi sur
les joues, la malade distingue difficilement les deux
1 Hammond. On mi/.xoedema . wilh spécial référence lo its cérébral
and nervous symptoms. ([nA'eM;'o<oytC6 ! < Contributions, vol. 1, n"3,18S).)
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 77
pointes de l'esthésiomètre avec un écartement d'un
pouce et demi (ce qui équivaut à trois fois la distance
normale). A l'extrémité des doigts, il faut un écart de
cinq douzièmes de pouce pour obtenir deux sensations.
La malade a ressenti au début des douleurs unique-
ment localisées à divers points de la tête. Il lui semblait
marcher sur un coussin, et l'extrémité des doigts
paraissait serrée comme par un dé à coudre. Elle
éprouvait aussi comme une sensation d'engourdissement
à la face, à l'extrémité de la langue, aux bras et aux
jambes. La force musculaire était affaiblie, la marche
chancelante, la préhension peu énergique. Il existait
de l'incoordination dans les mouvements des membres
supérieurs et inférieurs. La marche, les yeux fermés,
était incertaine, et dans la marche ordinaire, la malade
fixait constamment le sol, comme dans l'ataxie. Le sens
du tact se trouvait notablement affaibli. L'examen
opthalmoscopique démontrait l'existence d'une neuro-
rétinite bilatérale. Les objets paraissaient tachés et en-
tourés d'une ombre. Les pupilles étaient égales, pares-
seuses ; enfin, il y avait de temps en temps de la di-
plopie. L'acuité auditive était notablement émoussée :
le tic-tac d'une montre était perçu à'20 pouces de
l'oreille à gauche, à 26 à droite. A une certaine épo-
que, il y avait eu des tintements d'oreille. Les autres
sens spéciaux, le goût et l'odorat présentaient, eux
aussi, un affaiblissement très marqué : il était impos-
sible pour la malade de distinguer par la saveur ou
l'odeur un poisson d'un « roast beef ».
Il existait de fréquentes hallucinations de la vue et
de l'ouïe : la malade parlait de certains Français qui
s'efforçaient de la faire souffrir en mettant du vitriol
78 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dans son fit et dans ses aliments; d'autres fois elle en-
tendait des voix qui lui faisaient le récit des tortures
qu'elle devait subir.
Quant aux troubles psychiques, les voici tels qu'ils
ront rapportés par Hammond : « Il s'était produit un
affaissement manifeste de l'intelligence; s'agissait-il de
répondre aux questions les plus simples, la malade
regardait fixement, une minute entière, celui qui l'in-
terrogeait, ne paraissait pas comprendre la question
ou du moins ne sachant pas quelle réponse faire. Il
était des choses tout à fait élémentaires qu'elle ne com-
prenait pas le moins du monde : ainsi elle fut incapable
de me dire combien faisaient 60 et 25; elle fixa les
yeux sur moi quelque temps et dit enfin : Oh ! toutes
ces choses là. Il me fut impossible de tirer d'elle aucune
réponse.
« La mémoire était également atteinte. On fut obligé de lui
souffler avant qu'elle pût dire où elle habitait; en donnant le
nom de ses enfants, elle commit plusieurs erreurs, qu'elle finit
par corriger pourtant elle-même. La mémoire des mots était
peut-être plus atteinte, mais sans qu'il y eut une véritable
aphasie. La malade arrivait, sans trop de difficulté, à donner
le nom des objets qu'on lui désignait, mais sa prononciation
semblait déceler une parésie de la langue. Elle dormait peu, se
réveillait souvent en sursaut, effrayée, et on n'arrivait qu'avec
peine à la rassurer. »
Pour terminer cette observation intéressante d'Ham-
mond, dont nous avons tenu à donner une idée com-
plète, nous noterons encore une constipation habituelle,
un excès d'urates dans les urines, un pouls lent et
faible, enfin l'abaissement de la température prise soit
dans l'aisselle, soit sous la langue et qui ne fut jamais
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. -19
trouvée supérieure à 96° Fahr. (35°,5 c.) En ce qui
concerne l'interprétation des troubles nerveux, Ham-
mond rejette l'hypothèse de Ord. « Rien n'y justifie la
présence des illusions et des hallucinations, ni les
périodes d'excitation maniaque observées dans certains
cas. » Il rattache les troubles cérébraux à une lésion
de l'encéphale, caractérisée par le dépôt de tissu
muqueux autour des cellules nerveuses. Dans le cas
qu'il publie, les troubles psychiques avaient précédé
l'apparition de l'oedème spécial. En résumé, les troubles
nerveux résulteraient de deux ordres de lésions :
lésions périphériques et lésions centrales.
Pour compléter la bibliographie du myxoedème,
nous devons aussi mentionner la savante leçon cli-
nique de M. le professeur Charcot que M. de Ranse a
fait paraître dans la Gazette médicale, de Paris (n° 51,
1880). On y trouve quelques considérations nouvelles
sur la thérapeutique de la maladie. La diète lactée, les
bains sulfureux, le massage, le séjour dans un climat
sec ont procuré aux malades de M. Charcot une amé-
lioration notable. « Il semble, d'une manière générale,
qu'on doive plus compter sur les moyens hygiéniques
que sur l'action des médicaments ; ceux-ci sont fré-
quemment mal tolérés, par suite peut-être de l'entrave
que l'infiltration de la peau et des muqueuses apporte
aux fonctions d'excrétion. »
(A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
Contribution A l'étude DE l'aphasie ; par les Drs RAYIaOND
et F. DREYFOUS.
S'il est, dans l'histoire des localisations cérébrales, un fait
indiscutable, c'est bien celui relatif à la localisation du centre
du langage au niveau de la circonvolution de Broca. L'ana-
tomie pathologique, aidée et guidée par la clinique, l'a établi ;
et, récemment, l'étude du somnambulisme, chez les hystéri-
ques, a fourni un appui inattendu à la démonstration de
l'existence de ce centre.
Cependant, on trouve encore cà et là, éparses dans les recueils
de médecine, des observations contradictoires dont on pourrait
s'autoriser contre la théorie généralement adoptée aujourd'hui.
C'est sur ces cas exceptionnels qu'on se base pour affirmer que
« une lésion limitée à une moitié du cerveau peut produire des
symptômes de l'un ou de l'autre côté. » En y regardant de
près, on prouverait que la plupart de ces exemples peuvent
être récusés, parce qu'ils sont incomplets au point de vue des
détails de l'autopsie.
En voici un exemple. Un malade aphasique est en même
temps hémiplégique du côté gauche. Voilà une coïncidence
tout à fait anormale. Faut-il s'emparer de ce fait et conclure
qu'une lésion de l'hémisphère droit pourrait produire l'apha-
sie ? On serait d'autant plus tenté de le faire que, à l'autopsie,
on trouve un foyer de ramollissement cérébral à droite. Et si
les investigations s'arrêtent là, on n'hésite pas à contester la
règle établie par Dax, Bouillaud, Broca. C'est ce qui aurait pu
se produire dans un cas observé par M. Peter, et dans le cas
que nous publions ici. Or, chez ces malades, atteints d'aphasie
avec hémiplégie gauche, le ramollissement du côté droit exis-
tait ; mais, en même temps, il s'en trouvait un autre à gauche,
et leur histoire, loin d'infirmer la loi universellement admise,
ne fait que la confirmer.
ÉTUDE DE L'APHASIE. ' 1
Observation' I. Cirrhose atrophique du foie chez un alcoolique.
Apoplexie cérébrale. Hémiplégie et /tt ? tK;) : c</te4;(; gauches, avec
aphasie. Foyers multiples de ramollissement cérébral.
J... (Antoine), soixante-cinq ans, employé d'octroi, entre à l'Hôtel-
Dieu le zig juillet 1880, salle Saint-Christophe, no 23.
J... n'a jamais eu de maladie sérieuse. Pendant plusieurs années,
il a tenu un comptoir de marchand de vins et s'est livré aux excès
de boisson nécessités) ? ) par sa profession. Une tarda pas a présenter
les troubles digestifs et cérébraux habituels aux alcooliques : pituite
tous les matins; insomnie et cauchemars la nuit; rêves d'ani-
maux, etc.
Il est difficile de préciser la date du début des accidents actuels.
Tout ce que le malade peut dire, c'est que, depuis quelque temps,
un mois peut-être, il ressentait une pesanteur à l'hypogastre, et
après chaque repas sa respiration était gênée. Ces phénomènes
s'accentuèrent progressivement, et, en même temps il s'aperçut que
sou ventre augmentait de volume : ses habits étaient trop étroits.
Tout d'abord c'est à peine si le malade se préoccupa de ces symp-
tômes : il continua à travailler. Mais, tout d'un coup, ses jambes
enllèrent, et, comme les forces diminuaient, il dut se résigner à
entrer à l'hôpital.
A cette époque, 2G juillet, voici son état : L'amaigrissement est
considérable et porte notamment sur les membres et le thorax, qui
fait un contraste frappant avec l'abdomen. Le ventre est augmenté
de volume; les veines de la paroi sont visibles, mais non disten-
duos; par le palper on constate nettement la fluctuation, et par la
percussion, la maillé aux parties déclive ? celle-ci changeant de
siège quand le malade change de position. Il est impossible d'ap-
précier le volume exact, ni du foie, ni de la rate. Rien au coeur.
La dyspnée est telle que la ponction est pratiquée d'urgence. On
retire environ cinq litres d'un liquide citrin. On peut alors recon-
naître que le foie est diminué de volume.
Les jours suivants, même état, le liquide de l'ascite se reproduit
rapidement, et on est forcé, quinze jours après la première ponc-
tion, d'en faire une seconde. Depuis ce moment, l'ascite ne se déve-
loppe que lentement; le malade s'alimente un peu; mais ses forces
baissent progressivement.
2o août. Le malade vient d'être frappé d'apoplexie : coma,
avec perte subite de connaissance ; résolution des quatre membres.
A la visite du matin, on le trouve encore presque sans connaissance,
dans le décubitus dorsal, avec rotation de la tête à droite. En exa-
minant la face, on est frappé de la déviation de la commissure
labiale droite; toute la face est tiraillée de gauche à droite, et la
moitié gauche du visage est flasque et mobile. En pinçant le ma-
82 RECUEIL DE FAITS.
lade, on voit que les muscles de la face se contractent seulement à
droite; les paupières se ferment également des deux côtés. Les
membres gauches, bras et jambe, sont aussi paralysés; quand on
soulève le bras ou la jambe droites, ils ne retombent sur le lit que
lentement; au contraire, le bras et la jambe gauclies, quand on les
élève en l'air, retombent lourdement comme des masses inertes.
Malgré l'état de stupeur du malade, on peut apprécier la sensi-
bilité cutanée. En pinçant fortement la peau du membre supérieur
ou inférieur droit, on voit la face grimacer; le malade paraît donc
sentir la douleur à droite; la même expérience répétée plusieurs
fois, donne, chaque fois, le même résultat. En pinçant la peau de
la même façon à gauche, on ne voit se produire à la face aucun
mouvement qui exprime la solilrratice. Il existe donc de l'hémianes-
Lliésie gaucho avec hémiplégie Masque du même côté.
26 ffOMt. Le malade est sorti do sastupeur ; il comprend ce qu'on
lui dit, cherche a répondre, mais ne peut pas le faire ; il commence
à émettre quelques sons, quoiqu'il ne prononce pas un mot intelli-
gible. D'ailleurs il ne peut remuer la langue : celle-ci reste appliquée
contre le plancher de la bouche et il est impossible au malade de
la projeter au dehors.
On se rend facilement compte aujourd'hui de l'état de la sensi-
bilité ; l'hémianesthésie persiste ; la piqûre de la peau n'est pas
sentie à gauche, pas plus que le pincement Mais il n'y a pas de
troubles sensoriels; la vue, le goût, l'odorat (chloroforme, éllici)
sont conservés intacts.
1 er septembre. Ce matin, pour la première fois, le malade pro-
nonce clairement quelques mots ; après quelques efforts, il sort la
langue hors de la bouche.
7 sept. Les forces diminuent; l'appétit est nul ; l'état général
s'aggrave.
12 sept.L'hémiplégie, avec anesthésie, persiste; mais le malade
parle mieux; il a quelques mots à sa disposition; il remue la
langue en tous sens. Cet état reste le même jusqu'à la mort qui
arrive sous l'influence des progrès de la cachexie.
Autopsie faite vingt-quatre heures après la mort. - Cerveau.
Pas d'athérome des artères de la base.
Hémisphère droit : 1 Foyer de ramollissement, qu'on aperçoit très
bien avant d'enlever les méninges, et qui occupe la partie supérieure
de la circonvolution pariétale ascendante et la pariétale supérieure.
2° Quand, après avoir incisé les méninges, on écarte la scissure de
Sylvius, on voit que les circonvolutions de l'insula sont le siège d'un
ramollissement très étendu qui gagne le lobe occipital en arrière.
Sur la première coupe transversale, comprenant une partie de la
capsule interne (partie antérieure), rien. - Sur tadouxième coupe
(lassant par le milieu del'insula, rien. Surunccoupe, faite à deux
ÉTUDE DE L'APHASIE. 83
centimètres en arrière de la deuxième, on voit seulement les cir-
convolutions de l'insula ramollies. - Sur une dernière coupe, a
trois centimètres en arrière, on note le même ramollissement
superficiel, mais ne pénétrant pas profondément.
Hémisphère gauche : Au niveau du pied de la troisième circonvo-
lution frontale, une plaque jaune formant un foyer de ramollisse-
ment superficiel, bien circonscrit, en voie de cicatrisation.
Rien à la protubérance, ni aux pédoncules, ni au bulbe. L'artère
sylvienne gauche, non athéromateuse, renferme un caillot an-
cien qui parait s'être formé par thrombose. Ce caillot siège au point
de division des artères pariétales.
Cavité abdominale (résumé) : Ascite; péritonite chronique géné-
ralisée.
Foie : De volume presque normal, un peu diminué cependant,
Capsule épaissie. A la coupe, aspect typique de la cirrhose de
Lacnnec. A l'examen microscopique, après durcissement avec un
faible grossissement, on constate les caractères bien connus de la
cirrhose annulaire périlobulaire.
Rate : scléreuse. Les autres viscères, coeur, reins, poumons,
n'offraient aucune altération importante à signaler.
En comparant les cas publiés sous ce titre : Aphasie , Iténti-
plégie gauche, on trouve deux séries de faits :
1° Ceux où des lésions multiples expliquent l'aphasie d'une
part, l'hémiplégie de l'autre;
2° Ceux pour lesquels on a admis la « gaucherie cérébrale ».
Notre cas appartient à la première catégorie; on peut en
rapprocher une observation de M. Peter, où les lésions corres-
pondent exactement aux phénomènes cliniques observés pen-
dautla vie : l'anomalie n'était qu'apparente; à des symptômes
multiples correspondaient également des lésions multiples.
Observation II (résumée). - (Gazette des Hôpitaux, 1879.)
13... (Ismaél), cinquante-huit ans. Hémiplégie gauche complète
avec aphasie. Début subit, par hémiplégie, sans perte de connais-
sance, il y a uu mois.
Etal actuel. Décubitus latéral gauche, rotation de la tête à
gauche, avec déviation conjuguée des yeux.
La sensibilité parait intacte.
Pas d'hémiplégie faciale.
Hhchare sacro-fessière gauche ; ni incontinence d'urine, ni illeoil-
tiucnce des matières fécales.
84 RECUEIL DE FAITS.
Il ne peut prononcer un mot.
Fièvre violente ; l'eschare s'étend. Mort. '
A l'autopsie : ramollissement du pied de la 3° frontale gauche,
ramollissement à la partie moyenne des circonvolutions frontale et
pariétale ascendante droites. '
.. ' J à
M. H. de Boyer, dans son remarquable travail sur les locali-
sations cérébrales, donne un cas personnel, analogue aux deux
précédemment cités. Mais il ne nous fournit sur ce fait aucun
détail.
A côté de ces faits, il en existe d'autres, où l'hémisphère cé-
rébral gauche ne présentait aucune lésion appréciable. Pour
nous, les cas de ce genre doivent être révisés avec soin : on
peut se demander s'il n'y a pas eu quelques erreurs, quelques
examens incomplets. Dans ces derniers temps, on a bien mon-
tré que l'aphasie pouvait être dueàuno lésion ducentre ovale, si
eelle-ci correspond au faisceau pédiculo-frontal inférieur.
N'a-t-on pas quelquefois négligé une lésion très peu étendue
et située dans la profondeur, et non à la surface du cerveau ?
Ne trouvant pas de lésion importante, et superficielle, on a
inscrit le fait comme contradictoire avec la doctrine de la lo-
calisation de Broca.
Nous insistons sur ces prémisses, parce qu'on a édifié, avec des
cas exceptionnels, une théorie acceptable tout au plus pour un
petit nombre d'entre eux : celle de la « gaucherie cérébrale ».
Avant de la discuter, il faut bien savoir combien rare serait
cette^anomalie fonctionnelle du cerveau : Séguin, sur 266 cas
d'aphasie, en a trouvé 213 avec hémiplégie droite, 17 avec
hémiplégie gauche; Voisin, 1 fiO, avec hémiplégie droite, 6 avec
hémiplégie gauche ; Broca, il-) ou 13 avec hémiplégie droite
pour un avec hémiplégie gauche.
Ces considérations permettent, nous le pensons, de négliger
les cas oùles auteurs, comme M. Farte, s'appuient sur des faits
cliniques seulement, sans avoir les pièces anatomiques en
main. Ainsi on aurait pu regarder aussi notre malade comme
étant gaucher du cerveau, qu'on nous passe cette expression,
et droitier de la main. Le cas de M. Farge est tout à fait ana-
logue; peut-être est-il susceptible de la même interprétation.
Les auteurs, qui ont maintenu cette opinion, sont surtout
MM. Mesnet, Billod, Schruber, etc. Voici leur théorie : la plu-
part des hommes se servent du membre supérieur droit pour
faire es gestes, pour les travaux délicats ; ils sont donc droi-
ÉTUDE DE L'APHASIE. 85
tiers. Or, chez eux, la faculté du langage siège dans l'hémisphère
gauche ; il y a un lien entre le rôle de l'hémisphère comme
centre du langage, et son rôle comme centre des mouvements
les plus délicats du membre supérieur.Si, au contraire, l'homme
se sert surtout de sa main gauche, s'il est gaucher, c'est l'hé-
misphère droit qui présidera, et aux gestes habituels, et aussi
à la faculté du langage ; chez lui il y aura de « la gaucherie
cérébrale ». A l'appui de cette,;hypothèse, on peut fournir les
deux observations suivantes : H,y ., ,
Observation III (résumée). Wodhmn (Saint-George' Hospital
' ? Reports, 1869).-
' ' ' ' r ; r .. .
Hémiplégie du côté gauche chez un garçon de dix-huit ans, ambi-
dextre. '' .. 1 ,
Aphasie consécutive, absolue pendant trois mois. Retour graduel,
mais incomplet de la parole. Nécrose du maxillaire.
Mort par épuisement, douze mois après l'attaque primitive.
Destruction presque totale de l'insula de Reil du côté droit.
Observation IV. Aphasie avec hémiplégie gauche. Embolie de
l'artère sylvienne droite, avec ramollissement de la 3° frontale, du £
lobule de l'insula et de la corne sphénoîdak. (Observation de Le-
double et Viollet. (Tribune médicale, mars 1879.) ?
Ch..., trente-cinq ans, blanchisseuse, est atteinte depuis huit
mois d'épithélioma ulcéreux du col de l'utérus. Celte affection a
sa marche ordinau·e. ? , 1 t ,
Le 11 septembre 1878, cette malade fut brusquement frappée
d'hémiplégie gauche et d'aphasie, sans avoir perdu connaissance
plus d'un quart d'heure. La sensibilité resta intacte du côté para-
lysé, mais l'aphasie fut absolue. Dans lesi premiers jours, il fut
facile de constater le phénomène de l'hémiplégie variable qui,
d'après 111\I. Cliarcot etVulpian, appartient exclusivement au ramol-
plissement.' ' - .
Entrée le 29 septembre à l'hôpital, la malade y succomba le
29 octobre, sans a\oir présenté aucun signe nouveau.
Autopsie (résumée). Hémisphère cérébral droit. La pie-mère
et l'arachnoïde, qui recouvrent le cerveau depuis la partie antérieure
des circonvolutions frontales jusqu'en arrière de la circonvolution
pariétale, ascendante, c'est-à-dire tous les points que l'on donne
comme les centres moteurs du cerveau, sont injectées et adhérentes
l'une à l'autre. L'arachnoïde est couverte d'un dépôt croupal ou
86 RECUEIL DE FAITS.
purulent, au niveau du pli de passage de la 2e circonvolution fron-
tale à la marginale antérieure, et aussi au niveau du pli de passage
de la 3° circonvolution- frontale avec la pariétale ascendante.
Circonvolution frontale ascendante ramollie.
La 3° circonvolution frontale horizontale ou circonvolution de
Broca est affaissée, friable dans toute sa longueur; elle est presque
réduite en putrilage, vers le pli sourcilier.
Lobe pariétal : ramollissement de la pariétale ascendante à son
origine, et de la pariétale inférieure.
Lobe sphénoïdal : ramollissement du sommet de la corne du lobe
sphénoidal : 1 ro, 2° et 3° temporales presque détruites.
Lobule de l'insula, capsule externe et avant-mur creusés d'une
cavité remplie de liquide jaunâtre. Partie antérieure de la cap-
sule interne, jaunâtre.
Artère sylvienne oblitérée par un caillot. Pas d'athérome
aortique.
Abdomen. Col de l'utérus : épithélioma pavimenteux tubulé.
Coagulations fibrineuses dans les deux veines utéro-ovariennes.
A gauche, veine rénale et veines lombaires obstruées.
Nous répétons, après avoir rapporté ces deux observations,
ce que nous avons déjà dit en commençant cet article : il est
nécessaire, à propos de ces faits, comme à propos de cas sem-
blables, déjà publiés, de faire des réserves ; peut-être chez ces
malades, existait-il une lésion de l'hémisphère droit, en même
temps que l'on rencontrait la lésion de l'hémisphère gauche,
lésion qui, à l'autopsie, surtout si l'on n'est pas prévenu de la
possibilité de la coïncidence, peut parfaitement passer inaper-
çue, d'autant plus^que, quelquefois, elle est minime et placée
profondément.
Une doctrine, comme celle des localisations cérébrales, dont
la démonstration détruit, defond en comble, le dogme de l'unité
fonctionnelle du cerveau, devait, forcément, donner toujours
lieu à des débats contradictoires ; encore est-il nécessaire d'é-
tudier minutieusement les faits isolés qui semblent détruire un
point bien acquis à la science.
REVUE CRITIQUE
111 : 'l'ALf.OSCOPIE, 1111 : 'l'A1.LOTHi : R.IPIE, tI : STH1 : SIOGÈ\ES
(Addition) ;
Par le D' Romain VIGOUROÏÏX '.
Nous avons parlé avec quelque étendue du scepticisme, qui
en Angleterre avait accueilli les premiers,faits relatifs aux
aesthésiogènes. Nous ne voudrions pas cependant avoir laissé
dans l'esprit du lecteur l'impression que ce scepticisme ait été
partagé par tous les médecins anglais. En regard des négations
à priori de quelques-uns, nous aurions dû placer la réserve
vraiment scientifique ou les observations confirmatives des
autres. Réparons brièvement cette omission.
Plusieurs savants anglais ont, dès l'origine de la question,
cru devoir se rendre compte de visu des expériences de la Sal-
pétrière. Le docteur Hack Tuke a donné dans le Journal of
mental science (janvier 1879) la relation des faits dont il a été
témoin. Il a pris soin de faire lui-même, sur les malades du
service de M. Charcot, des expériences de contrôle, en vue de
l'objection fondamentale, de l'influence de l'imagination. Il ne
cherche pas à expliquer les phénomènes dont il a pu constater
la réalité ; mais il montre d'une façon particulièrement saisi-
sante combien il est peu logique d'attribuer à l'imagination
tous les effets des restbésiogènes, sous le prétexte qu'on a prouvé
l'influence de l'imagination sur certains actes de l'organisme.
Vers la même époque (le milieu de 1878), le Dl Sigerson
faisait à la Salpêtrière une série do visites dont il a rendu
compte dans le Brit. 2 ? zed. Jouî,i., février 1879. 11 n'éleva
aucun doute sur la rigoureuse exactitude des expériences de
métalloscopie et autres dont il a été témoin.
'Voir t. I, p. 27, 413 3 et : j6t.
88 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le professeur Gamgeo (de Manchester) assista aussi aux di-
verses expériences sur les aimants et électro-aimants dont on
s'occupait alors plus spécialement. Il en a donné dans le 7M ? A
9)tedical Joit ? ial, de janvier 1878, une relation étendue et abso-
lument confirmative ; il y discute amplement la question de
méthode.
Il y aurait encore à citer les nombreux médecins anglais qui
ont eu l'occasion de répéter ou de varier les expériences de la
Salpêtrière sur des malades.de leur pays, non suspectes par
conséquent d'imitation inconsciente ou autre. Ainsi le Dl Mac
Call Anderson a communiqué à la Société médico-chirurgicale
de Glascow l'observation d'une malade hystéro-épileptique
traitée par les métaux, et le D' Mac Kendrick a fait sur cette
malade les expériences de contrôle les plus rigoureux (Glascow
2 ? ? ed. Joit)-ii., 1879). D'autres faits ont été rapportés par Stone,
ltilyrose-Atltins, etc. On trouvera d'ailleurs dans le Progrès
médical le résumé de ces observations et de quelques autres.
il. V.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. Contribution A l'étude DE la sclérose centrale (SCLÉ-
rose PLRII ! PENDYJI11RE); parAug. Eickholt. A9'CIt. f. Psych.
il. 1\'e·uenla., 1880.)
L'observation longuement rapportée qui forme la base de
cette note concerne une femme de li2 ans ne présentant rien
.d'anormal parmi ses anamnestiques, ni dans le domaine de
l'hérédité, ni dans son histoire nosographique, ni dans son
existence génitale. La maladie en question débute par des
vertiges et des 12,ozibles psychiqztes qui, d'abord constitués par de
simples absences, des distractions, se transforment soudain en
une agitation au fond de laquelle on perçoit le délire des per-
sécutions ; en même temps la démarche est vacillante. Pendant
les quatre mois que dure cotte phase, on constate : une série
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 89
d'accès d'agitation à forme impulsive, de l'incoordination mo-
trice généralisée, des tremblements fibrillaires des lèvres, une
parole trémulante, traînée, scandée, des oscillations dans les
extrémités supérieures au repos, de la titubation pendant la
marche et à la fois l'attitude de la femme grosse (rejet du
centre gravité en arrière), le signe de Romberg, de l'inégalité
et de l'inertie pupillaires (dilatation plus prononcée à gauche),
de l'affaissement des traits du visage, de l'augmentation dans
la pression intra-oculaire ; l'amaurose que l'on signale sur l'oeil
gauche correspond à l'apparence confuse de la papille dont on
ne peut distinguer les vaisseaux, tandis que les examens ophthal-
moscopiques du côté droit décèlent un dessin imparfait sans
netteté, une coloration rouge livide, une légère dilatation de
l'artère centrale avant sa division en des ramifications exiguës,
de la réplétion des veines. Enfin une démence complète profonde
termine cette période par un calme absolu. Bientôt après c'est
à une série de crises convulsives généralisées alternant avec des
instants d'agitation que l'on assiste. Les premiers, caractérisés
par tous les phénomènes de l'épilepsie grave, y compris les
contractions du diaphragme, les vomissements, la dyspnée
intense, précèdent, puis accompagnent la marche graduelle-
ment croissante des troubles moteurs; dans leur intervalle on
note un tremblement violent des extrémités supérieures avec
inclinaison très prononcée du corps à droite, la diminution
excessive de la sensibilité, des hémiparésies passagères, de
l'atrophie progressive de l'ensemble du système musculaire
débutant par les membres supérieurs et ne sautant pas de tel
groupe à tel autre. On voit aussi par moments des convul-
sions localisées sur un côté du corps, sur les muscles du cou à
l'occasion de quelques mouvements (décubitus dorsal, flexion
du tronc); même remarque au sujet de la rigidité de la char-
pente musculaire qui passe à l'état de permanence durant le
dernier mois en même temps que l'ensemble des extrémités
sont presque perpétuellement animées de secousses cloniques.
Mentionnons aussi des cris 7addocép7aalcqzces, et une ins21ffi-
sance mitrale des plus évidentes. La mort, résultat de la
déchéance organique, des accidents gangreneux du décubi-
tus, et d'une pneumonie du lobe inférieur droit, met un terme
à l'affection après vingt mois de durée.
L'autopsie révèle : uno atrophie de la région thoracique et
lombaire de la moelle en partie ramollie, une coloration gri-
90 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
sàtre des cordons postérieurs dans la région cervicale, une
dilatation brusque du canal central à partir du segment dorsal
supérieur de l'organe jusque dans la portion lombaire qui
mesure 1 à 2 millimètres de diamètre au début du renflement
lombaire. Le cerveau est également volumineux par l'expan-
sion maxima des ventricules latéraux d'où sourd un liquide
clair; l'atrophie des ganglions de la base, des tubercules qua-
drijumeaux, l'aplatissement des bandelettes optiques, l'amin-
cissement des nerfs optiques témoignent de la compression.
Epaississement de l'épendyme. Nombreuses granulations sur
le plancher ventriculaire. Atrophie de la substance grise oedé-
matiée, brunâtre; congestion de la substance blanche ferme et
dure; réduction de la couronne rayonnante. Lésions mitrales.
L'analyse hislologique démontre : une prolifération de la
névralgie cérébrale : réplétion énorme des vaisseaux, exsuda-
tion d'un grand nombre d'hématies, hyperplasie nucléaire des
parois vasculaires, feutrage épais de fines fibrilles conjonctives,
atrophie des cellules nerveuses un travail identique dans la
couche sous-épithéliale de l'épendyme, dans la pie-mère médul-
laire et le long des racines antérieures et postérieures. Ces
lésions qui rétrocèdent dans les régions où la dilatation du
canal est moindre (lie ventricule) reparaissent à mesure que,
dans la moelle, le diamètre de ce dernier augmente et s'accom-
pagnent alors de la prolifération de la substance gélatineuse
centrale. Les cordons sont peu atteints, mais les cornes devien-
nent le siège des modifications vasculaires indiquées et de la
dégénérescence inflammatoire des éléments nerveux à des
stades divers qui suivent, elles aussi, la marche de l'agrandis-
sement de l'octasie centrale.
En somme, tout portant à conclure à la dilatation de cavités
naturelles sous l'influence d'un processus cérébro-spinal de
nature scléreuse partout identique, ainsi que parait l'indiquer
l'exagération des lésions le long de l'axe nerveux dans les
régions où l'ectasie est la plus prononcée et inversement, voici
comment le DT Eickholt relie les lésions épendymaires à l'hy-
drocéphalie et àl'hydromyélie. Chez une cardiaque (lésions des
orifices non compensées) se produit une sclérose diffuse du
cerveau (symptômes psychiques); à raison des stases vascu-
laires d'origine cardiopathique, celle-ci ne tarde pas à se com-
pliquer d'hydropisie ventriculaire dont la résorption se trouve
empêchée par l'inflammation toujours progressante de l'épcn-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 91
dyme. Môme mécanisme pour la moelle ; de sorte qu'à l'hydro-
céphalie se joint l'hydro ou syringomyélie ; en outre ici l'in-
flammation des cornes antérieures, préparée par la sclérose
périépendymaire, apporte son concours à l'ectasie en ce sens
que leur terrain favorable au ramollissement et à la fluidifi-
cation bien plus qu'à la sclérose, laisse un champ beaucoup
plus libre à la dilatation centrifuge du canal, (Voy. sur ce
sujet : Hallopeau. A2,chz'ves gé21é2-. demédecine, 1871-73.) P. K.
IL Sur les nouvelles expériences relatives au magnétisme animal ;
par le De P. Grutzner (de Breslau). (Ccntralblatt ? <)'A''c)'t)C ? tC ! 7-
hunde, etc., n° 10, 1 ornai 1880.)
C'est une revue critique, sans faits nouveaux, des recherches ré-
contes de Ch, Richet, Heidenheim, 0. Berger, et autres.
III. Névralgie NASO-GRL'ITAIRE intermittente; par le D' A.
SEELiGwuLLER (de Halle). (Ceiit-alb. f. aerv., n° 1, Il' juin
1880).
L'auteur a observé une douzaine de cas dans lesquels, en
l'absence ( sauf dans un ) de toute influence paludéenne, les
accès revenaient à heure fixe avec une précision surprenante.
La durée de l'accès était en moyenne de 2 ou 3 heures, la dou-
leur, spontanée ou à la pression, extrêmement intense. La plu-
part des malades étaient des hommes; leur âge compris entre
vingt et quarante ans.
Le sulfate de quinine et tous les autres moyens n'avaient
donné aucun résultat. Seule la douche nasale, réitérée plusieurs
fois par jour, avait eu rapidement raison de l'affection. On la
faisait d'abord avec du lait tiède, plus tard avec de l'eau faible-
ment salée. L'auteur suggère, pour les cas qui pourraient ré-
sister à ce moyen, l'emploi d'une solution de salicylate de
soude.
M. Seeligmùller pense avec Horner qu'il s'agit là d'un
. catarrhe des sinus frontaux et il attribue les douleurs à une
rétention dans ces cavité des produits sécrétés. Ceux-ci agiraient
à la fois chimiquement et surtout mécaniquement. Lamuqueuse
des sinus est très riche en nerfs ; elle reçoit des filets do pres-
que toutes les divisions de la branche ophthalmique de la
5° paire. R. V.
92 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
IV. La question du galvanomètre; hal 1C D Er11C5L liE\fAü
(Berlin). (Centrale, f. Ne·vet7reaZ7unde, n° 12 du 15 juin
1880.)
L'auteur présente quelques observations relatives à la .pro-
position de deWatteville et de Hesse, reproduites parBernhardt
dans le n° 9 du Centralblalt, de graduer en milliwebers les
galvanomètres des appareils médicaux. '
Il avait, avant de Watteville, montré que l'on peut évaluer
la force absolue de courant correspondant à la déviation d'un
galvanomètre vertical. par l'insertion d'unerésistance convenable
dans le circuit ; seulement, la force absolue de courant qu'il
obtient, d'après les principes de la physique allemande est tou-
jours représentée par une fraction décimale, à savoir, le quotient
de la force électro-motrice des éléments (exprimée en unités
de force électro-motrice, l'unité étant la quantité d'électricité
qui, à travers l'unité de résistance, décompose en une minute
un centimètre cube d'eau ) par la résistance totale exprimée
en unités de Siemens. Abstraction faite de la bizarrerie du mot
milliweber, il ne voit pas pourquoi de liesse et Bernhardt, sans
doute séduits par son origine étrangère veulent introduire un
système basé sur des unités étrangères de force électro-motrice
et de résistance ( Volt et Ohm), renonçant ainsi aux résultats,
à peine conquis, de la physique de leur pays et embarrassant la
médecine de conceptions difficiles à saisir sans le secours des ma-
thématiques. Du reste, d'après la correction admise par Ber-
nhard, un milliweber s'exprime en force absolue par '12 ? de
sorte que pour tous les cas, on peut facilement par division par
ce nombre, ou par multiplication par la réciproque ? = 83,3
évaluer en milliwebers la force absolue de courant.
M. Remak fait ensuite remarquer que l'adoption du système
absolu avec galvanomètres verticaux, presque exclusivement
employés en Allemagne, ne peut être exact que pour les pre-
mières divisions du cadran. Il préfère renoncer dans la pra-
tique, aux mesures absolues et recommande, le galvanomètre
d'Erb. C'est un instrument qui, par l'adjonction facultative de
différentes longueurs de fil, peut acquérir différents degrés de
sensibilité. , R. V.
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 93
V. Remarques sur l'article précédent ; par le Dr Berniiardt (de Berlin).
(Cènlralb, no 4 , 4 880,)
%Il,,
B., montre, en citant des précédents, que l'origine étrangère d'une
innovation scientifique n'a jamais été un obstacle à son adoption
en AJiemagne ? 11 fait ressortir la simplicité de l'évaluation en
milliweber, et insiste sur l'utilité qu'il y aurait à avoir en électro-
thérapie des données uniformes, indépendantes de la construction
particulière des appareils des différents observateurs.
nez m a Il .
VI. Ve Réunion des neurologues et aliénistes du SUD-OUEST DE L'AL-
LEMAGNE, A Baden-Baden, les et 6 juin 1880, (Compte rendu
du Dl Moriz Mayer.)
VII. GuÉRISON'D'UN ECZÉMA CHRONIQUE PARTIEL PAR LES COU-
RANTS galvaniques ; par HAMMON. (Neurological Contri-
LLCIab)zs, 1819, n 1, p. 83.)
Le malade, àgéde soixante-dix ans, souffrait depuis huit mois
d'un eczéma chronique occupant la face palmaire et dorsale de
la dernière phalange du pouce. Le bout du doigt était rouge , à
vif, creusé de fissures douloureuses et très sensibles au toucher.
Après cinq mois de traitements infructueux, le Dr Morton
vit le malade et essaya à son tour, pendant deux mois, divers
traitements internes et externes, sans plus de succès. Ileutenfin
recours au moyen suivant : un gros dé à coudre en argent fut
attaché par un fil à une plaque de zinc. Le dé fut mis au pouce,
et la plaque de zinc appliquée sur le bras ; on plaça un peu de
charpie sous la plaque de zinc, et cette charpie fut mainte-
nue imbibée d'un mélange d'eau et de vinaigre. Au bout de
quelques jours la sécrétion purulente se tarit; les fissures se
cicatrisèrent, la peau devint blanche et ferme ; au bout de qua-
tre mois l'affection ne s'était pas reproduite. C. T.
VIII. NÉVRALGIE SCIATIQUE' GUÉRIE PAR l'ÉLONGATION DU NERF ;
par Norman Mackintosii (A'97Ze7'LCaIZULZ)'7t. of. 9)Zed. se., avril
1881, ns 17. a5C.) .- , )11 '' i ' ' ' >r™" ,1~ ·7 ,· au
Le malade, âgé de quarante et un ans n'avait jamais eu la
syphilis. 11 souffrait depuis seize ans d'une névralgie sciatique
9t REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
occupant la cuisse, le genou et le pied ; la névralgie avait ré-
sisté à tous les moyens ordinaires. Les attaques d'abord rares,
avaient peu à peu augmenté de fréquence et d'intensité. A la
fin, la douleur était presque continue, durant cinq à six semai-
nes sans relâche ; durant ce paroxysme, le malade mangeait à
peine et ne dormait plus ; les injections do morphine ne pro-
duisaient plus ni amendement, ni sommeil. Le,docteur \Iacliin-
tosh se décida à faire l'élongation. Après anesthésie par l'éther
et avec les précautions antiseptiques, il fit une incision longitu-
dinale de cinq pouces et demi sur le trajet du nerf, commen-
çant au niveau du bord inférieur du grand fessier ; séparant
les muscles et disséquant avec soin, il mit le sciatique à dé-
couvert et l'étira fortement. La plaie se cicatrisa par première
intention. Les douleurs disparurent complètement après l'opé-
ration, et quatre mois après il n'y avait eu aucune crise nou-
velle. C. T.
IX. Piscidia ERYTxRINa; par Isaac OTT. (The 13·aziz, III,
p. .Ss-456, 1880.)
Aux médicaments antinévralgiques, aux narcotiques, aux
calmants déjà si nombreux, M. Ott vient proposer d'ajouter
une nouvelle substance, l'extrait de piscidia qui
aurait sur l'opium l'avantage de ne pas constiper et de ne pas
troubler l'appétit. Ce produit est fourni par un arbre de la
Jamaïque, que son écorce rouge a fait surnommer l'arbre co-
rail.
Ses propriétés stupéfiantes sont bien connues des naturels
qui les utilisent pour la pêche des petits poissons, sans le
moindre inconvénient pour le consommateur. Presque toutes
les parties de la plante jouissent de la même propriété; mais
pour préparer l'extrait employé en médecine, on se contente
de traiter par l'alcool l'écorce des racines. On obtient ainsi un
liquide rougeâtre, à saveur acre, ressemblant au laudanum
dontilal'odeur.LesoxpériencesdeM. Ott, faites surdeslapins et
des grenouilles, permettent de rapprocher l'extrait de piscidia
erythrina de la morphine et du chloral. C'est un narcotique,
sans action sur les nerfs, moteurs ou sensitifs. Il diminue le
pouvoir réflexe des centres nerveux, ralentit le pouls, et
augmente la tension artérielle au début, pour l'abaisser
ensuite ; enfin il produit le tétanos, dilate la pupille, et excite
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 95
les sécrétions de la salive et de la sueur. Son action sur le rein
n'est pas notée. Il no semble pas que l'extrait étudié par M. Ott
soit doué de propriétés bien énergiques, puisque pour tuer des
lapins, il a dû leur en injecter quarante-huit gouttes par la
voie sous-cutanée. R. BLANCHARD et J. PIGNOL.
X. Paralysie AGITANT guérie par la galvanisation CEN-
TRALE, LE bromure DE sodium ET L HTOSCY.1NIUDI; par Ed.-C.
MACNA. (Journ. ef mental HHM' : )0 ! M cesses, janv. 1881,
p. 1 i) fi.)
Mm0 E..., âgée de cinquante ans, était atteinte d'un trem-
blement généralisé et continuel compliqué de troubles céré-
braux graves, avec délire de persécutions, hallucinations de
la vue et de l'ouïe. Il y avait rigidité musculaire et contracture
marquée, la tète était inclinée en avant et fixe , le tronc était
aussi penché en avant; la marche était difficile. La force mus-
culaire et la sensibilité étaient intactes. La langue était agitée
d'une trémulation notable. Le tremblement avait débuté par
une main et le bras et avait peu à peu gagné tout le corps. L'affec-
tion s'était développée graduellement sous l'influence de cha-
grins domestiques.
Le docteur Mann soumit la malade au bromure de potas-
sium et de teinture d'hyocyanium. Il applique l'électricité sous
forme de galvanisation centrale et de courant bi-temporal. L'ex-
citation mentale se calma rapidement. A la fin du second mois
tout trouble cérébral avait cessé ; en même temps la rigidité
et le tremblement disparaissaient ; la marche devenait plus
animée; la tète et le tronc se redressaient Au bout de trois
mois, la malade était complètement guérie. C. T.
XI. Quelques POINTS DE LA pathologie DES lésions oculaires
DE LA SYPHILIS CÉRÉBRALE ET SPINALE ; par STE111AN BULL.
(American journ. o/' ? He. se, avril 1881 , p. 382.)
La fréquence des troubles oculaires de la syphilis cérébro-
spinale a été mise en relief par les écrits de Hugh. Jackson
et de Fournier. Les paralysies des muscles de l'oeil aussi
bien que les troubles visuels, amblyopies, amauroses, sont
des faits bien conuus aujourd'hui; l'auteur résume les prin-
- 96 .REVUE DE PATHOLOGIE, NERVEUSE.
cipaux caractères^ de" ces" diverses manifestations syphiliti-
'ques ; Fil signale leur i Valeur0 pronostique "ef" diagnostique.
,cAvec''Hughling Jackson,- il ? insiste sur' la nécessité de pra-
- tiquert l'examen ophthalmoscopique chez 'tout' individu 'qui
présente quelques'symptômes attribuables'à'la syphilis céré-
t brale. Si étrange que paraisse le fait; en effet, diverses observa-
'tions ont montré que les signes physiques de la' névrite optique
et de'la neuro-rétinite peuvent exister sans qàe,lé malade ac-
cuse aucun- trouble de la vue : Cette névrite optique peut s'ac-
compagner de la paralysie d'uni ou de, plusieurs des 'iuàseles
moteurs de globe oculaire. Elle coexiste fréquemment comme l'a
indiqué'Jaehson;ca\·ec'des attaques''d'épilepsie" unilatérale.
L'association de' ces deux ordres de phénomènes est en rapport
le plus souvent avec une lésion syphilitique des circonvolutions.
Bull rapporte cinq 'observations1 dont nous nous'contenterons
de donner le sommaire.- ' '. ei4-ra`r·STn'v· sb nidèb nst i 1 ·F 1
, - ;t.f)f ? <..J'" ° 1 ' T nJ 4' t92nB t3t, 'I,llffTt Mi'-^ll'
' 013SERV,TIO,41.' I. -Parésie du droit supérieur gauche ; Posis tran-
t Observation I. JParésie du droit supérieur gauche,; pLosis ran-
,sitôiré'àJplusieürs''r'éprisës ? paraplébie; atrophie des nerfs opti-
' crues consécutive' à' la' névrite"1'1'1 "* f ? ? "
°nnt.y tttTRT 17Li 7· .t' ·^-to lt 'tl ? 9'7 ? 1 ? îti' '
Observation IL .Parasie de la troisième paire"droite et du
droit supérieur ' droit ;. 'atrophié blanche simple, des rnerfs opti-
ïlues, 't' . .l`tud 1 ·u"f «bfiiiU'>ii,i< m »i.b h luiano .r
L . ,'ri , rti - V't-i-,1 «» ? t ? . tfl i-' t t 'i' < FQii ? ).
OBSEIIVATION. 111 ? ( Névrite optique terminée par l'atrophie du
nerf, optique droit ? sans autre phénomène* "cérébral, que do la cé-
phalée ''' ? '' 'I ,J ? ? " JUJ"IÙ '1"'1"° . t.,lr ·...;1- , ,
;t ;^ r I , ? t2 c . t' ? fr;= c;71 21T.1, r y,btlT9f17 m '4t·
Observation IV. -Ptosis du cû6 gauche,, névrite optique double. ? tjLtJ ? unu3-'jH.i'c.*j) ? t' ? -i ? t ?
()BSERVATJON,,V., ^Paralysiejj du. droit inférieur droit;.ptosis à
droite;, atrophie, dunerf,oplicfue,drolt' surdité, complète d'un côté,
partielle de l'autre. Dans.ce cas ? les, phénomènes auditifs s'accom-
pagnèrent de tous, les symptômes do la maladie deliénit`,re,IVer-
tiges avec perle de l'équilibre et bourdonnements d'oreilles. Ces
' symptômes cédèrent au traitenïetil aiitisÿpliilitiqüé, 'mais le malade
'garda une" surdité coinplétë de l'oreille" gauche. ? "sJ1 ? C ? [}
fP'f"sl.ïi.jIlfy itUtir IPO9 .y 79(J>Z 'lr prtUiyU ) nlUtlJ>'1J 1`J '' >'
1 . lt,l f111,11 pil Ifft ,Itt'1919'li .H;)tU ? ·v1 ; f` `1Wv "
>' XII : De'l'élongatiôn' DES''NERFS;'par L ? WlTKOAVSKI,'
de Strasbourg. (Arch. f. Psycli. 21. lle2veizk.'l' t.'XI.)'"1
1 . V> 'r 9nLsptal t^·tt' 2fIf1'' ' = (7l.Ljt .'Imtlt 91lUa
1· ILes recherches 1 liistologiques et les expériences entreprises
à cet sujet se rapportent à trois sortes d'individualités/qui sont :
t° le cadavre humain;; l'homme; 3° les animaux : z
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 97
L'allongement brusque et vigoureux de tout un membre
raidi et contracture par la mort produit, de même que l'élonga-
tion directe de son nerf, une rupture de la myéline, par places,
tout le long du nerf; on la trouve refoulée de part et d'autre
des endroits tiraillés. Intégrité des gaines et des cylindres-axes.
- Un examen pratiqué peu de temps après l'opération de l'élon-
gation chez l'animal (lapin, cobaye) décèle les mêmes lésions
et quelquefois la déchirure du cylindre-axe. Mêmes observations
surle sciatique d'un homme élongé un jour avant sa mort, pour
un tétanos traumatique. (Pertik deBudapesth et Witk.) L'au-
teur a grand soin de faire ressortir en même temps qu'il a
constamment pris soin dans ses expériences de graduer la force
de traction, par comparaison de l'animal à l'homme, et con-
formément aux recommandations de Nùssbaum. Tout nerf
qui a subi ce traitement, présente au delà du troisième jour
( lapin ) un début de dégénérescence ( segmentation myélinique,
discontinuité ou absence complète du cylindre-axe; gaines vides
ou remplies d'une matière grenue (multiplication des noyaux);
le processus était complet sur une fibre de chien au neuvième
jour; au quatorzième, un lapin présentait un grand nombre de
fibres dégénérées sur la périphérie du nerf. En aucun cas,W...
ne constata d'altération anatomique dans le bout central par
rapport au lieu de préhension. Pas de troubles trophiques,
même aux muscles ; troubles de la locomotion variables et
passagers. Macroscopiquement l'opération peut donner lieu à
des hémorrhagies dans les gaines et assez souvent à la rayure
de Fontana (tassement des fibres les unes contre les autres).
En somme l'élongation, en supprimant la conductibilité d'un
certain nombre de fibres, détermine rapidement une dégénéra-
tion qui s'étend dans le bout périphérique. C'est bien une sec-
tion partielle ( Verneuil Si comme tend à le croire l'auteur, il
est vrai qu'à l'état normal on peut constater sur les nerfs
périphériques des vestiges de processus, de dégénérescence et
de régénération ( opinion dc lllayer l'élongation constituerait
un coup de fouet ranimant, accélérant, multipliant dans le
système nerveux les processus de déchéance et de néoplasie
physiologiques.
Pour finir, quelques conclusions histologiques. M. W... fait
ressortir que bien que le nerf n'ait pas participé au traumatisme
de la plaie d'ailleurs toujours très modéré, bien qu'il n'ait pré-
senté, caché dans la profondeur, dans sa gaine intacte, aucun
98 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
phénomène inflammatoire, la réparation du tissu nerveux n'a
jamaiseulieu par première intention : elle a toujours été précé-
dée par de la dégénérescence, que la plaie guérit ou non par
première intention (mêmes altérations nerveuses dans les deux
cas). D'autre part, pour que la dégénérescence soit complète,
il faut que le cylindre-axe soit rompu. La rupture des cylin-
dres-axes brisés par l'élongation a lieu, presque sans exception,
entre deux étranglements annulaires, ce qui prouve la faus-
seté de l'opinion 'jE'Hy6/; ? ! <MH ! aux termes de laquelle' un nerf
serait composé d'autant de segments de cylindre-axe qu'il y a
d'étranglements, segments reliés entre eux par uu ciment
organique interposé en ces points. D'ailleurs les altérations
traumatiques sont loin de se limiter ré-ulièrement àl'étran-le-
ment le plus voisin. P. K.
XIII. DE l'amaurose consécutive aux lésions du sourcil ou
DE la région orbitaire; par J. SANTOS FERNANDEZ (de la Ha-
vane) ; traduction anglaise par A.-B. DE LuNA. (77;e Aine-
z·ican jouzozalof LhelTedz'cal Sciences, n° de janvier 1881.) /
Cette étude historique, clinique et expérimentale se termine
par les conclusions suivantes :
1° L'amaurose consécutive aux lésions du sourcil est généra-
lement causée par des lésions cérébrales ; la preuve, c'est que
dans le plus grand nombre des cas, le malado perd connais-
sance ou meurt peu de temps après l'accident;
2° Bien que la littérature ophthalmologiquc moderne ne con-
tienne pas un seul cas dans lequel l'examen ophthalmosco-
pique ait été régulièrement pratiqué pendant toute la durée de
la maladie, deux de mes cas, ainsi que les observations de
Galezowski, tendent à prouver que l'amaurose est due soit à une
atrophie de la papille, relovant elle-même d'une lésion plus
ou moins grave ; soit à une lésion du nerf optique à son pas-
sage dans le trou optique; ,
3° Les cas dans lesquels l'amaurose a été attribuée à une
action sympathique ou à l'excitabilité de la cinquième paire
appartiennent à une époque où l'oplithalmoscope n'était pas
encore en usage, et ont par conséquent pu donner lieu à des
interprétations erronées;
4° L'amaurose occasionnée par une simplo irritation du nerf
sus-orbitaire résultant de piqûres, de distension cicatricielle ou
REVUE ! DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '99
de toute autre cause, pourrait à l'heure actuellc,.étrp mise, en
doute; car on ne trouve pas, à l'appui de son, existence, une
seule observation clinique complète; mais comme on a observé
l'amaurose sympathiques par excitabilité .de, là branche maxil-
laire de la cinquième paire'il ne saurait être permis, en bonne
logique,, de nier, la possibilité d'un résultat semblable, pour ce
qui concerne le nerf sus-orbitaire,,l'une des .trois 'principales
branches du trijumeau ; ga-uBinni n , S,AU117911W oJ;J <nj >
1.5° L'identité complète-une fois admise entre l'amaurose qui
résulte d'une irritation du nerf maxillaire, supérieur et, celle
qui résulte d'une irritation du nerf sus-orbitniro,r;le pronostic
doit être considéré commo également favorable dans, les, deux
cas : quant ài,l'amaurose consécutive aux lésions du sourcil et
aboutissant à l'atrophie do la papille, elle est incurable ; tf ,
6° Dans les expériences instituées sur les cliiens, les divers
traumatismes provoqués de la région sus-orbitaire n'ont pas
été siiivii'd ? auio-se. Y ? ? m" ? "° R.'DE'M.C ? ' ''
' r r;l il ' si"" tW i '' " < ' 1. 1f,1 am -1 ;) sn 'T3, ', >\
t >>V\ * / tJ c n i mi .' je Imi)"flW 9f
XIV : SUR les* fractures NON mortelles DE la base DU crâne,
avec cent trente-cinq olservations;parJolin-A. LiDELL.(7V(e
if A27ze2,icaîz-joîtî,nal of,tlie IlIedical Scz*eiicesl n, d'avril 1881.) ? > if ffl f ·rn'
On a déjà rendu, et;il faut rendre'encore aux; chirurgiens
américains cette justice, qu'ils ont merveilleusement,tiré parti
du champ d'observation quedeur a fourni la guerre de la Séces-
sion. C'est à la source >; intarissable ! de documents recueillis a
cette époque que 112 : Lidell a puisé les matériaux de son impor-
tant travail,' dont nous reproduisons ici les conclusions : .un 1
t 1 Les, fractures qui intéressent la base du'crâne ne sont pas
nécessairement, mortelle; i au contraire,, 'la- proportion des
guérisons est considérable ;' 'ICrjWf'W I n7n i, I(1 ! lirll J-v. ' ,
1 2° Les malades qui guérissent le mieux ,senti ceux que '[l'on
tient au repos, que l'on traite par la méthode antiphlogistique,
c'est-à-dire par l'alimentation restreinte, îles applications froi-
des sur la; tête,) les purgatifs ? les mercuriaux,,les vésicatoires,
suivantilo cas, pendant la durée de la .période [d'inflammation
et do suppuration qui succède à la; lésion.'Plusieurs malades,
dont,,l'état paraissait 1 désespéré, Ont été sauvés par ce traite-
ment ; faute d'y avoir recours au contraire, beaucoup de bles-
sés n'ont guéri, qu'imparfaitement,, et quelquefois,le résultat a
été plus fâcheux, encore ;, ? .0Jt,ipiu jb JIrb.IIIJc Il owHiio-bu*
100 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
3° La ligature de la carotide primitive peut être, pratiquée
avec succès pour arrêter l'hémorrhagie de l'artère méningée
moyenne. Ce traitement a réussi dans deux cas ; i -,
4° Chez beaucoup de blessés atteints de fracturejpar coup de
feu de la base du crâne, et surtout chez ceux qui ont été impar-
faitement, incomplètement ou négligemment traités, on voit,
après une^amélioration apparente plus.'ou moins''prolongée,
la santé générale se détériorer," l'atrophie et les contractures
tendineuses survenir dans les membres pâralpsés, la ? éépl>;a-
lalgie et les vertiges persister, la cécité et la surdité augmenter ;
enfin on .voit apparaître l'épilepsie .traumatique, l'altération
dos facultés mentales,, etc. 1 eaucou 1 , -J. p d s ce, e s,, ), r app ortés.vie -
nent malheureusement à l'appui de cette assertion ! Aussi, le
grand ensei-ner ? t,'p"ratique,, qu'il convient de tirer de ces
faits, c'est que toutes les fois qu'on se trouve en présence' d'un
de ces traumatismes, il faut demeurer convaincu des fâcheux
résultats que peut avoir un (traitement, insuffisant, et .pour-
suivre avec pers6vérance,,T)dat tout le . temps^ nécessaire un
traitement approprié. ! Par dessus tout,, ^l faut assurer ;|au" ma-
lade les bénéfices d'un milieu parfaitement calme,'d'un'repos
physique et moral,absolu,let d ûnLSevèrë régime antiphlogis-
tique. ? ? ... ? , ? q i' 1 ' lt*'Dr l@(C ,
tique. ,nu f)T,ir[,n tlr 3n r,lilfJ m,.J; y0 r s»\
- ",r ' '->< ' » 11» Tl| ! - -ttffut -)J. »'(0,l et fi, k,,1[, gui
XV. ETUDE SUR LES'IIrRIORRIIAGIE5 primitives; immédiates ou
DIRECTES des ventricules1' cérébraux ; par Edward SAN-
ders. (771eAM ! M' : eaH Journal of the Médical Sr.iefzces, n° de
ju111et1881.) '`n, m ? I" " "-«'fi'' »' (,. if'i'f >
11 - ' ? ! h .-il I o" i f ii, ? t. 1" ,.
L'auteur n'entend parler dans ce' travail'que'des'hémorrha-
gies qui ont leur' origine soit' dans le ventricule lui-même, soit
en un point de ses parois, indépendamment de toute lacération
du tissu'cérébral, de toute effraction de sang''venu d'ailleurs.
Tous les auteurs s'accordent à considérer' cette' lésion comme
extrêmement rare; mais M. Sanders pense' que souvent elle a
passé inaperçue'ou bien a'été méconnue; ses recherches biblio-
graphiques lui ont permis d'en rassembler quatre-vingt-qua-
torze cas. Les causes de l'hémorrhagie intra-ventriculaire pri-
mitive'ne'diffèrent pas essentiellement de celles deslextrava-
sations sanguines ordinaires." Au point de vue de l'âge, il est à
remarquer'(si toutefois il'est permis de (conclure^ d'après un
nombre de cas aussi restreint) que l'hémorrhagie intra-ventri-
REVUE DE pathologie NERVEUSE. 101
culaire primitive serait sensiblement plus fréquente aux deux
extrêmes de la vie : elle est d'ailleurs plus uniformément ré-
partie entre les divers âges que l'hémorrhagie cérébrale pro-
prement dite. Elle paraît avoir été observée plus souvent chez
les hommes que chez les femmes. - . - "
Si l'on recherche' quelles sont les maladies ou les états anor-
maux qui existaient chez les' sujets que l'hémorrhagie intra-
ventriculaire frappés, on trouve trois fois la grossesse, deux
fois la délivrance récente, treize fois l'augmentation de volume
du coeur ' (avec hypertrophie gauche 'très^accusée dans cinq
cas) , dix fois une hémorrhagie ou une hémiplégie antérieure,
une fois la leucocythémie,' une fois le scorbut; une fois lé pur-
pura, une fois la cachexie palustre, deux fois l'effort 'brusque
ou prolongé, trois fois'des sensations émotives violentes, une
fois l'inflammation du ventricule lui-même. D'autre part, toutes
les côiiditiôris`(gôiitté, alcoolisme, syphilis, etc.) qui, en provo-
quant l'altération des paroisvasculaires cérébrales, prédisposent
à l'hémorrhagie cérébrale ordinaire^ paraissent devoir prédispo-
ser également'à l'hémorrhagie intra-ventriculaire primitive.
Au point de vue du mécanisme; l'auteur ne se refuse pas à
admettre, bien qu'à. cet égard il conserve quelques doutes, que
des hémorrhagies de ce genre puissent se produire par simple
exhalation, en dehors de toute rupture vasculaire; mais cette
explication ne serait en tout, cas^applicable,, qu'aux, hémorrha-
gies très minimes. Le plus, souvent, c'est à la rupture, d'un
vaisseau situé sur la paroi vasculaire ou dans son voisinage
immédiat qu'il faut attribuer les phénomènes observés. Il con-
vient aussi de tenir compte, au point de vue étiologique, des
anévrysmes,, des tumeurs intra-cràniennes, de l'inflammation
du ventricule lui-même, de l'atrophie et'du ramollissement du
cerveau, (ainsi;que des .diverses..modifications subies par les
vaisseaux du cerveau en général, ou par les vaisseaux directe-
ment intéressés ! dans l'hémorrhagie. Quant aux anévrysmes
miliaires, il^est, permis,, de, supposer, et,.4uelques faits vien-
nent à l'appui de cette manière, de voir, que les vaisseaux
ventriculaires ne se comportent pas autrement à l'égard de
cette lésion que les autres.vaisseaux cérébraux.
En dehors des conditions particulières qui résultent du siège
mêmedel'hémorrhagie, lesphénornènes anatomo-pathologiques
ne paraissent présenter aucun caractère, qui leur soit exclusif.
Au point de vue du diagnostic, il est surtout important de
102 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.'
distinguer l'hémorrhagio'intra-vcntriculaire primitive do l'hé-
morrhagie cérébrale ordinaire et (le"
L'auteur à' résumé dans déûtâbloâuX ? èye nous reproduisons,
les éléments de ce double diagnostic différentiel : ' '' ' ' '
1^;m : ronttu.c,cy-at;Tmcuamr ? ·, '
Fréquente chez leslsujets' jeunes M'
ou âgés.
Débuttrèsirapileetviolent.zW l2t
Coma ordinairement très profond j
datant tout a ,,
'la maladie.1'^' ! "M^ Jii-ith
Convulsions fréquentes. '<H f1u''ir
Contracture fréquente', il iitp
La,paratysiemanque.on\ent;g
quelquefois elle est 'généralisée.
I r .. , .... 1 , ? . · ,
Une amélioration ou' une remis ? 1
sien passagères des symptômes il)
. , ne sont pas rares. ,1^ |/ ,jj
La lie -ué sont * 'on est une Il )ibbi
La guérison est, une terminaison,
rale. mJ<. w.l , Im4n W ! 1m 1J
La mort ést'rapide;elle survient ?
9 soin eut en quelques heures, Un
, 91> Wttll'tti ? yln, ·l'9WOL fi'
rr ? .nl a,s W IW, `l'·l7ff II mr
2^ IIC1f01tltndGll : VENTRICULAIRE.
'Il (C 11 . -*
Pas d'antécédents pour, expliquerai,
la lésion.
Les symptômes prémonitoires ne
sont pas rares. ' , ? pN
Céphalalgie 'rare ? t il'm
Si la paralysie existe, règle géné-
rale elle n'est pas généralisée ;
c'est une hémiplégie, g ;1 , ,
La déviation.de la bouche et , de,
là langue sont plus communes.
La contracture est très commune ? t
>" ? - -> . '. </9,
Les convulsions existent souvent,
mais elles sont moins communes.
Vomissements moins fréquents.
Pas de symptômes de 'méningite '
secondaire avec fièvre ? "l'imii1
I,r,
Mort rapide., ? ", ?
M gJijJlbMOnRIIAGIC^CERÙBnAI-E. , / ·
Frequentc'surtontf'vers le milieu
de la vie.
.t Début plus lentlet moins violent.
t9Cpmar| généralement moins ptp-
fond. ? '"I"' "" - '
uip a^u ? ^ob smI ) 'lOtspriMi
-jb^Cohvulsions rares ? z 9`t;u ut'
t,ç9a)tracture, rare., t Ili r;y r·t ! 1 J·v,, , ^
1, La paralysie est, la règle; elle rc-
vêt "généralement la' forme i hé-
't' 3 miplégïque'I yTrr '" ''M ?
L'amélioration passagère estbeau-
Imn coup moms^fréquente.jp ,y.,tt
La Lagnelison est fréquente."
'ai > ouo 'iiipra nqirut)' un t. t
s .Même en cas'de terminaison . .1·u-
. "neste,lavieseprolon;eordmat-
, rement pendant plusieurs jours.
tll..· i.,i,y,.u l·r ·1",vt· n·,ur .'
lùixniy- " tff-t'' i , « , . <
HEMOURHAG1E MEGEE.
tlIYJ3J13'vl ;r119u1`Wr ! 2`uO·r.r
,l0u,trouve dans les,, antécédents :
pour te nouveau-né, un accou-
chem'eritu laborieux ; pô'ur'Tà-
dulte un traumatisme.
Ces. symptômes manquent ordi-
nairement ? ir *' '
"r'> Céphalalgie fréquente (Ramskill).
La (paralysie A est ordinairement
généralisée; l'hémiplégie est
exceptionnelle (Nothnagel).
Ces délations sont rares (Rams-
' .'kill).' "' ?
Lacontracture, quoiquefrequentc,
'nestmoinscommune.(i, . 1 '
jj Les coinulsions sontja régie.
Vomissements très fréquents. '
Il Symptômes de méningite secon-
l'i'daire avec'forte fièvre,,vers le
troisième ou lé quatrième jour.
liègle générale, la', vie' se prolonge
pendant plusieurs jours."5 ? ' r
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 103
Le pronostic est presque toujours fatal : sur les quatre-vingt-
quatorze cas rassemblés par l'auteur, on ne compte que trois
guérisons; dans ces trois cas, l'hémorrhagie n'avait envahi
qu'un seul ventricule. 13. DE M. C.
XVI. SUR' CERTAINES PHASES PEU CONNUES"DU TABES ' DORSAL ;
par Th. BUZZARD. (The Lancet, septembre 1881.)
L'auteur pense que quelquefois l'absence du réflexe patellaire
est le seul symptôme du tabes. L'ataxie des mouvements peut
manquer chez des sujets qui offrent déjà les symptômes les
plus graves du tabès; il cite plusieurs faits de crises gastriques,
d'arthropathies,chez des sujets qui n'avaient pas d'incoordina-
.tion. Il appelle également l'attention sur la prééminence que
peuvent encore prendre quelques autres symptômes qui sont
relégués au second plan : les troubles vésicaux du tabes pren-
nent quelquefois une telle importance qu'ils sont considérés
comme constituant toute la maladie. M. Buzzard rapporte' le-
fait d'un hémiplégique chez lequel on ne trouva non seulement
pas l'exagération des réflexes du côté paralysé, mais même
, aucune réaction au choc du tendon patellaire; on apprit que
ce sujet avait eu' auparavant des douleurs fulgurantes, de la
diplopie, etc., c'était un ataxique. Il insiste aussi sur les chutes
brusques auxquelles les ataxiques peuvent être sujets, par suite
d'une paraplégie subite, quelquefois assez marquée pour
obscurcir le diagnostic. Cu. F.
XVII. SUR UNE lésion DE l'axe GRIS DE la moelle épinière
dans un cas DE SYPHILIS RÉCENTE ; par A. JARISCH. (IViene2-
Medizin. l3latle·, 1881.)
L'auteur ayant observé plusieurs fois au début de la syphi-
lis une exagération des réflexes cutanés et tendineux qui avait
disparu sous l'influence d'un traitement antisyphilitique s'é-
tait demandé si ces phénomènes ne devaient pas être mis en
rapport avec des lésions médullaires analogues à celles qu'il
avait,déjà décrites dans certaines affections cutanées. Il a eu
l'occasion d'examiner la moelle d'un individu atteint de syphi-
lide papulo-squammeuse. Sur certaines coupes de la partie in-
férieure'de la moelle dorsale, on constatait que les cornes an-
térieures étaient gonflées et élargies, surtout dans leurs parties
104 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
latérales. Les altérations microscopiques les plus intenses sié-
geaient depuis les racines de la dixième paire dorsale jusqu'au
renflement lombaire ; elles n'étaient pas continues, mais se
présentaient plutôt sous forme de nodules.' On constatait prin-
cipalement une vascularisation énorme de la substance grise,
surtout dans les parties centrales^et. latérales, et notamment,
dans le processus réticulaire. Dans plusieurs endroits, cet état
avait amené de petites hémorrhagies. Les vaisseaux de la
commissure surtout' 'étaient 'élài-is 1 -et'"g'o'r-'és-'deq s(la'ng, leur
adventice épaissie. La substance grise présentait des alté-
rations qui étaient en rapport intime avec cette hypéré-
mie et ces proliférations vasculaires. Là où le processus était
le plus intense,1 la structure propre àlasübstancé'gri'se âvait
complètement disparu ; le réseau conjonctif' était très épaissi,
t1 ? );< ia n IY 1W .' ? t., t Jutt < Uy
et dans cette masse plus ou moins homogène, les cellules gan-
glionnaires paraissaient gonflées et,comme i;énipliés déliquide : ,r,
dans,quelques-uns le noyau [était peu distinct. D'autres fois le-
noyau, était tout à fait libre;ou', à peine entouré des restés du» 11
protoplasma.'Les altérations étaient surtout marquées dans les''
cellules ganglionnaires des colonnes de* Clarke, ' du groupe la-
téral et des p'artie's,céntrales,' tandis que les' cellules' m'ultipo ?
laires antérieures participaient à un degré bien' moindre,' mais
manifeste^ au processus' pathologique. Dans" l'a"'méme,réal9'n'; la
substance blanche .de^la moelle était vascularisée, son tissu
conjonctif était gonflé, sans, altération des tubes nerveux. Ces
lésions étaient beaucoup moins marquées. CH. FÉRÉ etRiCHARD.
· f f vu 9'. ., f.«t ' .
XVIIL1 DLUlII : IE contribution L'ÉTUDE des localisations ,
cérébrales; par E.-C. SEGUIN., (.021T2t. 0/. nervous a2ad ? 72en-
tal, disecisës; juillet 1881.)" , , < ? r)..tnn . J
.9% i·p 1 ? u4 .nl 1 I -ii'i;ji, 11 1 . U't'.t.tû 'ii
Cinq nouveaux faits portent à neuf le nombre des observations
personnelles de M.' 1 Séguin;irelatives aux localisations corticales
du cerveau ;,il'en'tire les conclusions suivantes ? la partie in-
férieure de la troisième frontale est en rapport avec les'orgahes
et lafonction dulaugage;°la'partie moyenne'Mes'frontale et
pariétale ascendantes," avec les, mouvements 'du 'bras ' du côté
opposé ; ' la partie supérieure des deux'méines circonvolutioris
avec le lobule paracentral (et aussi le lobule pariétal supérieur ? ) ,,
avec ceux des deux membres du côté opposé et peut-être plus
particulièrement avec ceux de la jambe ? CH. 1. , hit, i,
SOCIÉTÉS1 SAVANTES; ? PCIÉ'rÉ.,àfÉ, DIC07pYCIIOI,OGiQUF,
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopte. , , ,
ni. c Ris , 1 , cominu'mduë , lâ sôciété l'obsérvation` 1 ' t')') - - 1
M. 'II TIAN communique à la société l'observation un déli-
rant chronique présentant des idéës' depersécutioi ? âssociées à''dés ' i
idées' de grandeurs ! 'chez lequel le moindre malaise se traduisait par'-1' '
une exaspération du délire. Ce malade'était en' outre cryptorchide;' *
et M. Christiandemander·siZCe vicecdetconformationn'était.pas
pour quelque chose dans la production ! du délire. Dans leicourside '.
quelques affections, inflammatoires dont cet individu fut;, atteint, il .1.
présenta du, délire fébrile se substituant au,délire d'absence., Tout,
du reste, devenait, pour .lui/ lé prétexte d'une, idée, délirante, , A, la
suite d'une administration de tartre stibié,' il empoisonné,
et a conservé ensuite'cette idée 'pendant lo'nL'temps ? ll : n"i''1 S Y.llïLl.
M. Voisin estime, dans ce cas, que le délire fébrile pouvait tenir a
un état congestif des'centres- nerveux, 'comme r'b'iit'eà'lobse'rvè 'dés`'
exemples dans les cours de certaines affections; le délire vésanique
habituel reparaissant aussitôt après la guérison de la maladie,
intercurrente. '> ? T sf ? 7"'JT"' ' ' * ? û1™ ? nit -i z jag i
M. Luys croit que, souvent) on peut expliquer la formation du dé-
lire par un vice de conformation des orc,ane's' génita 1 ux.'ll'b"r'ap
pelle un individu atteint d'hydrocèle enkysté, qui;s'est cru persé-
cuté, et pensait' qu'on l'avait changé de sexe'en lui mettant dans le'
scrotum un oeuf, qui aurait faitdeflui,unenfemelle : M. r Luys, de- ut,
mande ensuite à la Société ce quelle pense., déscrises{ qui .jugent jb
un délire, par, une, affection jiiguë.j3 ^icja01r arn '.i ? w«< '.L ^W 3lza
M. Christian atremarqué que dans la paralysie générale former 4
maniaque', une,, maladie ( intercurrente pouvait., avoir^un^ heureux r
résultat sur l'affection mentale ? tandis qu'au contraire, la . termi-
naison était presque fatale' quand elle'survenait'dans les* formes
dépressives.") ? 'it ? ' )'t.f)t ? )t ? ti'9 ? bqt') ? ' .'
l Luys craint qu'il n'y ait' siinpie coiiieideiice rlle et lion . z
une relation de cause à effet. ' ' ,lh' ' Il <"' ' 1"1, 1 ? '" "
106 SOCIÉTÉS SAVANTES.-
, M.1 Voisin a vu des épiloptiques dont les attaques étaient suspen-
dues pendant la durée. d'une affection inflammatoire. i. ? 1. ,,
M. Delasiauve insiste sur la distinction à établir entre le délire
fébrile et le délire vésanique, et pense qu'une maladie peut, dans
certains cas, se substituer à une autre. Pendant i une épidémie de
variole qui sévissait dans son service, il a observé une petite fille
épileptique, dont les attaques étaient, ordinairement quotidiennes
et qui n'a pas eu une seule , manifestation , du mal comitial,dans
tout le cours de sa variole.
M. LEGRAND du, SnoLr.n, revenant sur l'observation rapportée par
M. Christian, repousse l'administration du tartre stibié chez les
persécutés; parce que les troubles gastro-intestinaux qu'il déter-
mine "peuvent" être pour le sujet le point de départ d'idées d'em-
poisonnement dont il se débarrasse ensuite difficilement. '
M. Magnan lit un rapport sur trois candidats qui demandent à
faire partie de la Société. A l'unanimité, ''M110 qlit02-t--off docteur
en médecine, le'D i)laral' Brinnd et'le De sont nommés,
les^deux premiers membres correspondants,' et le troisième membre
titulaire delà Société iiiédico-Sy11010,-i(ILIC. '` 111ncer. Briand.
Séti)zce du ·30 octobre 88 ? Présidence de M. Delasiauve.
M. Bouedin présente à la Société un' mémoire sur l'aaztoztomnsie.
On désigne,' dit-il, sous le nom d'aphasiques une catégorie d'in-
vidus dont le langage' ne répond pas à la pensée. Ils disent, par
exemple : allumer ma pantoufle;' au lieu de : allumer ma lampe,
allumer mabougie, et, ne s'apercevant pas de l'erreur qu'ils viennent
de commettre, ils tiennent ainsi dés discours incompréhensibles.
Ap7tctsirtte, étymologiquement, veut dire : qui ne parle pas; on leur
applique donc'un qualificatif impropre, qu'il serait peut-être bonde
modifier. L'antonomase est une figure de rhétorique qui consiste à
ne pas appliquer à un objet son mot propre et à le remplacer par
un équivalent. Je crois donc qu'il serait préférable d'appeler attto-
nomasie la forme d'aphasie à laquelle je viens de faire allusion.
M. FALRET. Dans l'antonomase, on emploie un équivalent et l'on
dit par exemple : la maison de Molière pour désigner la Comédie-
Française, tandis que les aphasiques emploient, quand l'expression
propre leur manque, un terme qui souvent ne signifie rien du tout.
" AI : Lois.`Je'crois - qu'il faudrait réserver l'antonomasie pour dé-
terminer l'état d'un malade qui, sans employer un terme impropre,
se servirait de circonlocutions.
1 Mlle Slwortzoff est la première femme qui ait été admise 1 la Société
12zédico-psilchologiqzie. Ce fait vaut qu'on le signale.
SOCIÉTÉS SAVANTES ? 107
M. Charpentier.' Je me représente assez volontiers l'antonomasie,
comme la tendance de ces personnes qui abusent sans cesse de la
périphrase.n' ? (.u..j. r ..oiluniiit"" i,1 ? Jei=n -itvt n> 1
M. Foville demande si les individus dont il est question mani-
festent leur état dansée langage écrit comme .ils le manifestent
dans le langage parlé'.c < ' ? )r ? ? dJri t ,trs2z «= .-j ?
" M. Boonnm. Le mol antonomase, que je vous proposais d'accepter,
s'appliquerait1 aussi bien aux yrccp7aiques qu'aux aphasiques.
. ' l ? t - Wo" l.'r
Discussion sur la création d'un asile pour les aliénés criminels ? ? .il" id ? ·r ! )'n : ,f W , nnhF'I,iait3 ? pr f -> ? »in" nli1'ri't . If
M. Motet, rendant.comple à lai Société, des^travaux, du Congrès
médical,de Londres, s'étend longuement, avec son talent ordinaire,
sur la question des aliénés^ criminels. Les Anglais, t dit-il, ont fait
sur ce sujet un grand nombre d'expériences qu'il suffit de connaître
pour en profiter] L'histoirejies, aliénés criminels se divise, chez nos
voisins, d'outre-Manclie, eu quatre, grandes périodes. ^Durant la
première"ils étaient confondus, dans les maisons, de détention avec,
les prisonniers ordinaires ;,mas ils étaient pour ces derniers tantôt
un sujet d'effroi, tantôt^un objet do risée j'ajôulez que d'autres
aliénés criminels, acquittés comme irresponsables, restaient en li-
berté et commettaient de nouveaux crimes. Plus tard, ceux d'entre
ces malheureux qui pouvaient payer leur pension furent séparés des
prisonniers et placés dans des asiles avec les aliénés ordinaires;
c'est ce qui «marque la seconde période. Peu après, on entra dans
la période dite de réaction ? ce n'était pas assez d'avoir séparé les
aliénés 'Criminels des .malfaiteurs sensés et responsables.de leurs
actes; il ne fallait pas les confondre avec les autres aliénés, caries
familles de ces derniers réclamaient contre cette promiscuité. L'on
en arriva peu à peu a la période de centralisation;, en fondant un
asile central pour les aliénés criminels. Dans cet. asile, que j'ai vi-
sité, j'ai'vu des .malades que .j'aurais pris, absolument, pour,, ,des,
aliénés ordinaires, n'eût été le lieu où ils se trouvaient ? J^^,,
M. llt cwN : Dans la très intéressante communication de M. Motel,
il me semble trouver, la condamnation même du projet qu'il, vou-
drait voir accepter en-France. Comment, en effet, admettre que des
malades, qui; suivant §on expression, ressemblent tant auxaliénés
ordinaires,. soient soignés ailleursjque dans, un asile ordinaire ? Et,
pour ma part, t je| me,résoudraise,diffiqilement .à-admettre qu'on
doive traiter en criminels un paralytique général par exemple ou
un dément parce qu'ils auront dérobé quelque objet ou exhibé en
public, leurs organes génitaux. £ ,cE, 3DUlasctt rrlncrLll3w.wu.car
. - HCt)9t<i ? yi' r..iti'; W{ ? '
,tl* 1, 1, .1 ? .Ilül.l, x. *, (` v . 111 1, il il, 1- tr
l'il, i .li il 1`fiv '.r;) i^ jj^.\syWi\jyivi'-n i^i,
108 sociétés 'savantes.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE DU RHIN
' ' Séance du\ % juin 1880. n ' ""
Le Dr Schuchardt, d'Andernach; est nommé membre titulaire.
Le De Hertz 'met sous lès' yeux de la Société le plan du nouvel
asile construit 'à Sarreguemines'1 Owy remarque un lazaret spécial
réservé aux maladies fébriles pour chaque sexe; de chaque côté un
grand bâtiment indépendant, mi-partie pour les épileptiques, mi-
partie pour les gâteux ; des constructions affectées aux pension-
naires, aux malades calme ? , aux aliénés demi-agités, aux agités;
en tout, six corps de bâtiment. L'installation la plus originale,
est celle des locaux 'destinés à1 l'isolement,1 que l'on voit émerger,
comme les bourgeons des rameaux, du corps de logis, des dis-
tances régulières. lien existe'dans les sections des aliénés calmes,
des' agités, "des" demi-agités ? des 'entrants;11 Chacun 'des locaux
cellulaires est séparé du ' corps de logis respectif non ' seulement par
des portes, mais' encore par des antichambres murées ; l'isolement
est donc aussi complet que possible.' On a évité de les'grouper dans
le même but ;l quand une même construction en' possède plusieurs,
ils sont'disposés en dehors les uns desautres. Chaque compartiment
cellulaire comprend un lieu d'habitation,' un corridor, un cabinet
d'aisances et une issue spéciale dans une cour à part. Un parquet de
chêne inséré dans l'aspbalte,n'de grandes i fenêtres, surmontées
d'impostes valvulaires destinées à l'aération, l'éclairage au gaz en
rapport avec v l'appareil de ventilation/, le chauffage'à à l'aide de
poêles abrités par un manteau de'maçonnerie, que l'on alimente
dans les corridors;' la' solidité des murailles préservant également
du froid et de la chaleur, tels sont les principaux avantages de
l'aménagement. vjluztim » n ,i, , , , . -
' M : Ripping communique un fait concernant un garçon de quatorze
ans qui se prétendait' en communication avec la sainteVierge.Trans-
porté au Siegburg pour être observé, il fut non reconnu comme
aliéné; 1 mais convaincu d'imposture. (Voyez i Vierteljahrcssch f.
gesichtl.'médic. N. F. XXXIV, 4, p. 47979.) 1 1
18 M.' Nasse présente' les conclusions suivantes à l'égard de-l'emploi
del'ltyoscyamizze dans' les psychoses. Après avoir résumé les travaux
de Lawson, Mendel, Savage, Prideaux, Gray sur ce sujet, M. Nasse
passe' ses propres essais.' Se. conformant aux''indications de
Lawson, il employait l'hyoscyamine amorphe de Mark à l'intérieur
à la dose de 0,003 à 0,0'JG par jour ? Sur quatre cas de manie chro-
SOCIETES SAVANTES. 109
nique avec propension marquée à déchirer et à salir, il n'obtint
qu'un succès passager malgré l'administration du médicament pen-
dant sept à onze jours consécutifs. Aucun repos, nulle action sur
l'appétit ou sur' la gorge, doute à1' l'égard 'de da régularité de la
mydriase et de l'accélération du pouls. Mêmes résultats négatifs à
propos d'un paralytique agité ? Ces'observations engagèrent d'au-
tant mieux M. Nasse à prolonger ses essais, que Savage et Gay
mettent en garde contre, le collapsus qui se montre par la prolon-
gation de l'usage et qu'il a lui-même enregistré dans le cas
heureux en question, de,l'abattement général et .de la, diarrhée.
D'ailleurs, diversité, des opinions sur, la, valeur, des diverses 113 oscya-
mines (amorphe ou cristallisée), ainsi que sur, celle de, mode d'em-
ploi (interne ou en injections hypodermiques) ? t Xl · -
V -i' ' £ -I t.Mv p .1 c.. p .ln.h' ! rv n.
, )7 ri. Séance { dut 6, novembre ,1880..., ", ,
V'Jfi ! 'ih ? )'10' nh 'ni ? l . ' s.'O , t -,
Après la réception comme-, membres titulaires des D™ Huberty,
de Dùren, et Von Eancvwnr.n,, de Alirweiler, le président commu-
nique, à la Société l'invitation qu'il, a. reçue d'assister au Congrès
international de , médecine. 1 11 souhaite,, que quelques-uns de ses
membres puissent agréer à cette invitation. V. - 11,
Le Dr LÉo lit deux rapports médico-légaux concernant l'état mental
d'unjournaherde trente-deux anset d'un mendiant de quarante ans,
accusés d'attentats à la pudeur sur des enfants, et tous deux à peu
près aussi mal partagés psychiquement. Le premier devait être
considéré comme à la limite de la santé mentale, tandis que le
second avait manifestement franchi les bornes de la normale, et
paraissait atteint de faiblesse mentale. Le tribunal ayant demandé
un supplément d'expertise psychologique, J'aliéniste commis à cet
effet'confirma le rapport. Condamnation du premier inculpé, le
second étant dirigé sur un asile.
Le Dl Bisser se rallie à la parole d'Helmholtz : « Les idées sont
les résultantes de l'effet produit sur notre connaissance; par les
objets représentatifs. La conception dépend donc et de la nature
de l'objet qui fait image et de celle du terrain impressionné. Or, une
conception ne peut être absolument vraie, car elle ne peut sans
l'altérer reproduire la nature de l'objet réfléchi, représenté. Aussi
nos conceptions ne sont-elles que des signes, des symboles. Aussi
n'y a-t-il pas .de vérité absolue, l'être qui conçoit et l'objet conçu
appartenant ,à deux mondes tout à fait différents. » L'auteur
accentue la stérilité de la psychologie ; et malgré tout, les questions
delà réalité de l'objet,,au point de vue du sujet s'imposent à
'esprit. Il prophétise que des processus psycho-sensoriels que nous
1 I O BIBLIOGRAPHIE.
ne voyons évoluer que par parties, nous arriverons à saisir une
quantité psychique représentant ce que nous désignons aujourd'hui
sous le nom de la .connaissance. A ce propos, il, recommande la
méthode génétique qui consiste à étudier le mode , de production des
phénomènes ; le connaître, c'est déjà donner au savoir humain une
conclusion,' tandis que l'essence delà causalité échappeet échappera
probablement toujours à l'intelligence.' montre 1 qu'en' envi-
sageant les causes, nous parlons des 'propriétés des; choses ' et. dési-
gnons celles que nous avons-apprisnà connaître par- leurs mani-
festations. Ces propriétés, toujours considérées dans la méthode
d'étude, physico-naturelle dans , leurs rapports écologiques,, con-
cernent i simplement la désignation' du,7) : ode d'action de la chose
sur nous. Tout'pivote autour de l'action de l'incitation/ ce n'est
plus la'causalité qui est en jeu, Iüais''l'eüèleccirzemenG successif des
phénomènes. Malheureusement,' en rassemblant" l'ensemble dos
manifestations ' ordonnées par étapes 'temporelles, l'homme a
appliqué à la notion des successions de temps,' l'idée de cause, et
comblé par des conceptions, les lacunes que laisse, dans son esprit
'l'obscurité de la nature.de la cause dernière, du mode3 de mou-
vementr des particules infinitésimales. Celte, abstraction de la
causalité est l'obstacle au progrès comme tant d'autres. L'auteur
termine par l'analyse d'une sensation chez le nouveau-né, qui est la
répétition du discours prononcé par lui à l'occasion du congrès de
Naturalistes de 111unich. ? t' ' ' · 1 a" ' ? 1' i.l,
'L'époque de la prochaine 'réunion' est fixée au 18 juin 1881T
(,Illg : Zeitsch ? -;lf.'Psych. ae. psych-g'esielttl tilledici2z;"Ixxxvlll, 1,
1881.) 'ic^Jatl -rl ' ^P. I.
· .«. I t1 i .. ' , , 1 r . · oj'1 , . SI
1 BIBLIOGPAJPIIIIJ 1 f I m , i, m
i 4ï 3'')' m- 14tml f1 al LV1 tk;u5t'i»n'l
. 'i uifiii , irt ,u({,i>iTiT» 9li ,
j..JO, 01' 11, n fI1 111,9. 'Il
I. Leçons orales sur les phrénopalhics ou traité théorique elprali-
'< que des maladies mentales'; cours "donné à la, clinique des
établissements d'aliénés' à Gand, t par z % GUISL,1,N.-e Avec
' 54 figures intercalées dans le texte, un plan général et le plan
de l'hospice Guislain actuel. 2° édition publiée par. les soins
duDr 0. Ingeli, médecin en chef de l'hospice Guislain à Gand.
'" ' i l L " 4, ii i , Il 1 n oq lulll." ( ...jij., tl,
' Lorsque la première édition, des "Leçons sur- les^ phrénopa-
thies parut en 1852, l'accueil qui lui fut fait, montra en quelle
BIBLIOGRAPHIE. lit i
estime était tenu le savant aliéniste belge. Morel, tout particu-
lièrement, en salua l'apparition en termes sincèrement admi-
ratifs d'où n'était pas exclue, du reste, une critique courtoise.
Assurément, l'homme qui avait fait de l'étude de l'aliénation
mentale un véritable sacerdoce^ l'observateur profond et sagace
doublé d'une âme ardente et généreuse, ne méritait pas moins.
Comme nous le montrent les paroles éloquentes qui servent,
pour ainsi dire, d'introduction àson cours, Guislain ne se
contenta pas d'être un savant préoccupé uniquement des pro-
blèmes ardus de la psychologie morbide, il' fut encore et' sur-
tout un grand esprit ouvert aux aspirations les plus nobles.
Navré de l'état de délaissement où se trouvaient, dans son
pays, les malheureux aliénés, il flétrit, , en , termes indignés
l'indifférence des pouvoirs .publics. « On ne s'occupe de ces
deshérités de l'intelligence, s'écrie Guislain, que, dans un but
financier; ils ' sont l'objet d'uni trafic infâme et considérés
comme des animaux de basse-cour ; on négocie leur placement
comme s'il s'agissait de porcs ou de chevaux. » Longtemps en-
core cependant les autorités furent sourdes à ces réclamations
courageuses. ? " z " " ` ' `
Si le célèbre médecin do Gand n'obtint pas un régime d'hos-
pitalisation des aliénés tel qu'il eût pu le souhaiter, il n'en est
pas moins vrai qu'il fut l'initiateur des réformes qui se, sont
accomplies depuis en Belgique. r,;
Dans les dernières années de sa vie, Guislain rassemblait
des notes destinées à une seconde -édition des Leçons sur les
phrénopalhies, dont les exemples commençaient, du reste, à se
faire rares. La mort vint avant qu'il eût pu accomplir la tâche
qu'il s'était tracée, '-t ? ' r tr · · >>VV
Il appartenait à M. le Dl C. Ingeli, son successeur à l'hospice
auquel la ville de Gand, par reconnaissance, a donné le nom du
grand aliéniste, de se faire l'exécuteur d'un tel projet. Posses-
seur des notes préparées par Guislain en vue de l'édition nou-
velle, il les a intercalées dans le texte, en conservant auxLeoas
sur les plt2,é)iol)alhies, leur physionomie .propre, se contentant
d'indiquer les principales conquêtes de la science depuis, la
mort de l'auteur ? . , "' , t ; à l
Pour ceux qui ne se rendraient' qu'imparfaitement compte
des difficultés à vaincre pour se diriger un peu sûrement dans
ces graves questions des troubles psychiques, il y a lieu de
méditer ces quelques lignes placées au seuil des Leçons sur les
112 BIBLIOGRAPHIE. ? 6MOp< : </Me4' : « J'étais seul, sans maître, les difficultés sur-
gissaient de tous côtés, je ne comprenais rien à ce que je voyais,
et les mécomptes furent d'abord mes guides de tous les jours.
De toutes les préoccupations scientifiques auxquelles je m'étais
livré jusqu'alors, l'étude des maladies mentales m'apparut
comme la plus ardue. Au moment où je vous parle, je partage
encore cette opinion. En effet, dix années de ma vie ont été
employées à interroger l'homme vivant et le cadavre ; dix autres
ont servi à méditer sur ce que je voyais ; pendant les dernières
années seulement j'ai appris à guérir les aliénés. »
Des aperçus généraux sur l'habitus extérieur de l'aliéné, sur
la façon dont il se révèle à l'oeil exercé du praticien, les diffi-
cultés d'une démarcation possible entre le domaine de la
raison et de la folie, forment la substance des premières leçons.
L'aliénation mentale est définie par Guislain : un dérangement
des facultés mentales, morbide, apyrétique, chronique, qui ôte
à l'homme le pouvoir de penser et d'agir librement, dans le
sens de son bonheur, de sa conservation et de sa responsabi-
lité. Passant ensuite en revue les différents mots usités pour
caractériser les nombreux états d'aliénation, il n'a pas de peine
à montrer leur imperfection. Dans cet ordre d'idées, il propose
une nouvelle terminologie qui puiserait sa précision dans un
radical étymologique toujours le même. Celui qu'il trouve
bien préférable à [ôy}\ est yp7)v, qui a l'avantage de se prêter
admirablement à la formation d'innombrables dérivés tels que :
phrénie, phrénologie, phrénopathie,phrénothérapie,phrénalgie,
hyperphrésie, phrénoplexie, aphrénie, idéophrénie, paraphré-
nie, phrénésie, pour ne citer que les principaux. Toutefois,
l'auteur n'exclut pas les anciennes dénominations. L'usage, à
peine est-il besoin de le faire remarquer, n'a pas consacré le
vocabulaire choisi par le savant aliéniste belge.
L'essai d'une classification des maladies mentales devait
tenter Guislain, puisqu'il est avéré que tout traité de psychia-
trie doit en contenir une. Il reconnaît six types élémentaires,
répondant aux caractères fondamentaux et naturels de l'expres-
sion morbide.
1° Mélancolie. Phrénalgie, exaltation des sentiments avec
tristesse ;
9° Extase. Phrénoplexie, suppression des actes intellec-
tuels avec raideur généralisée ;
3° Manie. Hyperphrénie, exaltation passagère du moral;
BIBLIOGRAPHIE. 113 3
V Folie. Paraphrénie, anomalies de la volonté impulsive;
5° Délire. Idéophrénie, anomalies dans les idées ;
6° Dénence- Aplirénie, déchéance, oblitération des actes
moraux et intellectuels.
Quelque admirateur que l'on soit du talent de Guislain, il
est difficile de prétendre que cette tentative de classification
fût heureuse. L'auteur constate du reste que le plus souvent
l'aliénation mentale est un état composé de différentes formes
élémentaires plus ou moins régulièrement combinées entre
elles; ce sont les morbi mentis ? nixti de Heinroth.
Il n'existe pas de monomanies dans le sens rigoureux du mot. z
A côté de l'altération partielle saillante, on rencontre d'autres
phénomènes annonçant un trouble intellectuel plus général.
Mais en pratique, dit Guislain, la maladie se renfermant dans
un cercle d'idées restreint, une catégorie de sentiments, cons-
tituera une monomanie ou une monophrénie.
Replacé sur le terrain de la clinique, il se montre, comme
toujours, observateur plein de finesse et de tact. Ses descrip-
tions sont vivantes, originales, ses présentations de malades
on ne peut plus heureuses.
Au nombre des tableaux cliniques les plus réussis et les plus
vrais, il faut citer celui du mélancolique à la première période.
« Dans le plus grand nombre des cas, l'état mélancolique
s'annonce par des phénomènes précurseurs et incubateurs qui
se développent lentement. C'est à peine si l'on s'aperçoit de
l'invasion de la maladie. Elle n'offre d'abord rien de spécial ;
c'est le simple malaise qu'on constate souvent au début d'autres
maladies. C'est par une inaptitude, par une répugnance pour
tout travail, par une paresse de l'esprit, qu'elle se manifeste.
Le courage abandonne le malade, les impressions le fatiguent,
tout lui devient une charge. »
C'est cet état de souffrance qui marquerait, du reste, pour
Guislain, le début de la plupart des cas de folie. Une impres-
sion douloureuse retentissant sur le moral devient pour lui,
l'élément fondamental pathogénique des troubles psychiques.
On entre dans la folie bien plutôt par une lésion du sentiment,
de la sensibilité' morale, du sens émotif, que par un trouble de
l'esprit. Cette manière d'interpréter les faits atrouvé et devait
trouver de nombreux adhérents. On a généralement reconnu
la justesse d'appréciation de l'aliéniste belge, et tout au plus
a-t-on pu dire qu'il avait un peu forcé la note.
lit i BIBLIOGRAPHIE.
Si l'on se reporte à l'époque où écrivait Guislain, on ne sera
pas surpris des erreurs et des lacunes nombreuses constatées
au chapitre de l'anatomie pathologique. Par exemple, dans
son étude du ramollissement cérébral, il confond les lésions
propres à la paralysie générale avec celles d'autres affections
cérébrales.
Il avoue du reste, qu'il est loin, malgré de nombreuses et
patientes recherches sur le cadavre, d'avoir pu élucider les
difficiles questions qui se rattachent à la connaissance de la
nature et du siège des maladies mentales.
Dans les leçons consacrées au traitement, sans se déclarer
l'adversaire résolu du no-restraint, et rendant toute justice
aux efforts de Conolly, Guislain conseille l'emploi intelligent
des moyens de coercition, dans certains cas exceptionnels.
En résume, le public médical ne saurait être trop reconnais-
sant au D Ingeli d'avoir fait revivre l'eeuvrc du savant, de
l'observateur pénétrant et de l'homme de ccenr qu'on a pu
appeler loPinel de la Belgique. Dr 1>.iur, Garnier.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Du traitement de la névralgie sciatique par l'élongation du nerf ; par
J. NICOL.%S (thèse de Paris, 1881).
De l'élongalion des nerfs ; par FI. Sciicvixg (thèse de Paris, 1881).
Essai sur l'étiologie et la pathogénie de l'élél)hai2liasis des Arabes ; pli
A. CLARAC (thèse de Paris, 1881).
Contribution à l'étude des modifications de la sensibilité du membre
supérieur consécutives aux lésions nerveuses; par G. Mialabct (thèse de
Paris, 1881).
Contribution l'étude de la méningo-encéphalite traumalique ; par E.
IInoUILLCT (thèse de Paris, 1881).
De la curabihté relative de l'épilepsie à la Salpcflriére; par G. l''t : ttn 'KD
(thèse de Paris, 1881).
Etude sur le tabès dorsal spasmodique ; par G. Pcnna : n (thèse de
Paris, 1881). ).
Essai sur les localisations spinales du rhumatisme ; par B. Mettas
(thèse de Paris, 1881).
De la contraction idio-nztscul(ii),e en clinique ; par D. L B13É, (thèse de
Paris, 1881).
Recherches sur les terminaisons nerveuses motrices dans les muscles
striés des insectes ; par H. Vullakes (thèse de Paris, 1881).
Considérations sur les fractures spontanées dans l'alaxie locomotrice ;
par A. Ascecrr (thèse de Paris, 1881).
Du pied-bot consécutif à la paralysie infantile et de son traitement ;
par W. ULCOQ (thèse de Paris, 18S1).
VARIA
LE SABBAT
Du transport des Sorciers au Sabbat.
Les Sorcières se rendent au Sabbat de différentes manières.
Les vnes se mettent vn baston blanc entre les iambes, & puis
piononcent certains mots, & de(lors sont portées par l'air
iufques en l'affemblee des Sorciers. Ou bien elles y vont sur
vn gros mouton noir qui les porte si ville en l'air qu'elles
ne se peuuent recognoiftre. Thieunne Paget r'apportoit que le
Diable s'apparut à elle la première fois en plein mydi en
forme d'vn grand home noir, & que comme elle se fut baillée
à luy, il l'embraua & l'efleua en l'air, & la transporta en la
maifon du pré de Longchamois, où il la conneut charnelle-
ment, & puis la r'apporta au lieu mefme où il l'auoit prife.
Antide Colas difait que le foir que Satan s'apparut à elle en
forme d'vn homme de grande Mâture, ayant sa barbe & ses
habillemens noirs, il la transporta au Sabbat, &qu'aux autres
fois il la venoit prendre sur son lift, & l'emportoit comme vn
vent froid, l'empoignant par la tefte.
Les autres y vont, tantoft sur vn bouc, un taureau ou un
chien, tantoft sur vn cheual volant (Fig. i), & tantoft sur
vn ballet, & fortent le plus fouuent par la cheminée, aucuns
chevauchent un rofeau, une fourche, une quenouille : les
vns se frottent auparavant de certaine greffe compofée de
choufes très abhorentes & dégouttantes, defquelles la plus
ordinaire est greffe d'enfants félonement meurtris; les autres
ne se frottent rien. Les vns y vont nuds comme font la plus
part pour se graiffer, les autres venus; les vns la nuict, les
autres le iour, mais ordinairement la nui3 : .
Il s'en trouve encore qui vont au Sabbat sans bette, n'y
116 VARIA.
ballon. Mais il faut croire aufri que le bafton, ni la befte ne
profite non plus aux Sorciers que la greffe, ains que c'eft le
Démon qui est comme vn vent lequel les porte, n'y plus n'y
moins que l'on voit un tourbillon defraciner les arbres les
plus hauts, et les transporter deux et trois lieues loing de leur
place.
Les Sorciers neantmoins vont quelques fois de pied au
Sabbat, ce qui leur aduient principalement lors que le lieu,
où ils font leur allemblée, n'eft pas gueres esloigné de leur
habitation. « Il y en a qui portent quelque poille, ou autre
vaiueau de cuyure, ou d'argent pour mieux solenniser la
fefte '. »
Le Sabbat se tient ordinairement de iiiiiél.
Satan conuoque les Sorciers de nui6t, à fin qu'ils ne foyent
descouuerts, car pour mefme raifon ils danfent en leurs affem-
blees doz contre doz, & voire qu'ils se mafquent maintenant
pour la pluspart. Toutesfois ces affemblees Diaboliques se font
' Bodin. De la Démonomanie des Sorciers, &c., p. Sa.
Pigez
VARIA. 117
tellement de nuiét, que lors que le coq a chanté, tout vient
à disparoir.
Remigius afferme, au dire de Sorcières iudiciairement con-
uaincües, le temps le plus ydoine & le plus opportun, non
seulement à leurs affemblées nocturnes, ains à tels autres ieux
du Diable, comme phantofmes, apparitions, spectres &bruits
horrifiques, être durant l'heure précédant la my nuict. L'heure
suyvante n'eft autant fauorable ; mais les Sorcières n'ont did
pour quoy. J'adjquterai qu'il n'eft point en la nuill autre
heure en laquelle s'apparoiffent les ombres & reuenants plus
soutient à ceux qui les redoubtent & en ont paour.
Et pour ce qui est du chant du coq, une Sorcière nommée
Latoma, a reuelé que rien ne pouuoitleur être plus fafcheux,
voyre funefte que de ouyr le coq chanter ce pendant qu'elles
se appreflent. Jehan Poumet & sa femme Désirée, tous deux
sorciers, ont diit par deuant le Tribunal que souventes
fois les Diables, approchant l'heure de soy retirer du Sabbat,
crioient : Hôla, defcampez uitement vous aultres ; jà com-
mencent les coqs à chanter. Par quoy se doibt sans doubte
entendre qu'il ne leur est licite continuer leurs ceuures paffé
ce moment. Mais on ne' sçait pour quoy ils abhorent tant la
voix du coq.
Du iour du Sabbat.
« I'ay eftimé autrefois, dit Boguet que le Sabbat se tenoit
seulement la nid du Ieudy : mais depuis que i'ay leu que
quelques vns de la mefme fede ont confeffé, qu'ils s'affem-
bloyent, les vns la nuift d'entre le Lundy & le Mardy, les
autres la nuict d'entre le Vendredy & le Samedy, les autres
la nuict qui precedoit le Ieudy, ou le Dimanche, de là i'ay
conclu qu'il n'y auoit point de iour prefix pour le Sabbat, &
que les Sorciers y vont lors qu'ils y sont mâdez par Satan. »
A ces ailemblées, dit Guaccius2 ont couitume d'aller les
Sorciers dans le silence de la nid, quand règnent les puif-
fances des ténèbres; quelques fois pourtant ils se réunissent à
mydy, à quoy se rapporte l'efcriture : à Dasmon meridiano.
En oultre, ils ont d'habitude des jours préfix, divers suivant
' Boguet, loc. cit., p. ioo.
Loc. cit., p. 81. 1.
118 VARIA.
les divers pays. En Italie ils ont efleu la nuict du Ieudy,
vers le milieu, selon Sébastien Michel. En Lorraine les Sor-
cières s'aflemblent en la nuict du Mercredi & en celle du
Samedi au Dimanche, selon Remigius. D'autres difent que
c'eft la nuit du Mardy.
Du lieu du Sabbat.
Les vns ont remarqué que le lieu du Sabbat est toufiours
notable, & signalé par le moyen de quelques arbres (auffi
soubs un grand noyer), ou croix; mais le lieu des affemblées
varie. Icy, les Sorcières se réuniffent en vn pré qui est sur vn
grand chemin; là, proche de l'eau, en vn lieu qui est du tout
sans chemin. Ailleurs, les Sorciers s'affembloyent soubs un
village, qui est vn lieu affez descouuert, &c., d'où il se void
qu'il ne se faut pas beaucoup arrefter au lieu des Sabbats &
afl'emblées des Sorciers, lesquels aussi n'ont pas beaucoup de
peines de s'y retrouuer, veu que Satan les y conduit & porte.
L'eau est requife au Sabbat, d'autant que pour faire la
grefle, les Sorciers battent ordinairement l'eau auec vne
baguette, mefmement qu'à faute d'eau, ils vrinent dans vn
trou qu'ils font en terre, & puis battent leur vrine.
Du Pacl exprés ou tacite que les Sorciers ont accoui7lillié
de faire avec le Diable.
Les Démons ne font aucune forte de plaifir aux Sorciers
& Magiciens, que ce ne foit en vertu du pait, ou conuentiô
qu'ils ont faiét auec eux. Ceffuy paet se faict en deux façons,
à sçavoir expreffe ou tacite. Le paft est dit tacite, selon
Giillandus, non obftant profeffion expreffe du nouice, quand
iceluy, par crainte de veoir le Diable & de parler à luy, est
repçu en la confrairieparun Sorcier profès, vicaire du Daernon.
Le pact exprès est quand le Diable apparoift en forme cor-
porelle par devant tefmoins & repçoit hommage & fidélité.
Lors n'eft toufjours le Diable veû, mais il est ouï parlant &
promettant honneurs & richeffes au nouice. Cefluy renonce
son Créateur de uive voix ou remet une schédule es mains du
Diable. A tous les I)aas faicts avec le Da=mon sont onze
poiiids communs, comme suit :
VARIA. 1 1 9
Premièrement les Sorciers abjurent le baptefme & leurfoy
chreftienne & se retirent de l'obéitrauce de Dieu, répudient
le patronage de la bien heureuse Vierge Marie que par déri-
fion impie ils appellent la rouffe. Enfuite renient tous les
Sacrements de l'Ecclise & foulent aux pieds la Croix (Fig. 2)
& les ymaiges de la bien heureuse Vierge Marie & d'aultres
saints. lcelles toutes fois ne conculquent en la présence du
Diable, ains en aultre lieu, promettant seulement de le faire
dès que le pourront. Enfuite s'obligent par serment solennel
es main du Prince à luy être perpétuellement ridelles &
soubmis, obéissant à tous ses mandemens. Ensuite, touchant
lesEfcriptures, à sçavoir un grand livre ayant pages noires&
obfcures, preftent serment de valielaige éternel. Jurent en
oultre qu'ils ne retourneront jamais en la foy du Chrift ny
ne garderont les divins commandemens, ains ceux qu'il
plaira au Prince leur décréter; que toufjours viendront sans
retard aux jeux des affemblées nocturnes quand seront de ce
requis, y feront ce que feront les aultres sorciers & sorcières,
affiliant à. leurs sacrifices & communiant à leurs prières &
adorations; qu'ils obferveront leurs voeux au mieulx qu'ils
pourront & s'efforceront d'amener aultrui en la même créance.
En efchange promet le Prince des Doemons, au nouice sorcier,
Fig. 2.
120 VARIA.
d'un visaige soubriant, une perpétuelle félicité & des joies
immenses, toutes les voluptés qu'il désirera en ce monde &
en l'autre des jouissances plus grandes que ymaginer ne se
peut.
Deuxièmement Satan contraint le Sorcier de se rebaptifer
au nom du Diable (Fig. 3) & de prendre un autre nom,
-renonçant le oremier : ainsi feut Cuno de Roure rebadtisé
Barbe de chèvre. Ce qu'il fait comme est vraysemblable, àfin
que le Sorcier de là prenne opinion que son premier Bap-
tefme est du tout effacé & ne lui peut plus servir en rien.
Tiercement le confirme en cette opinion luy gravant de
ses ongles le front pour d'illec tollir le Chrefme & signe
baptifmal (Fig. 4).
Quartement luy faiet renoncer ses parrains & marraines
tant du Baptême que de la Confirmation, luy en affignant de
nouveaux.
Quintement donnent au Diable quelque part & morcel de
leurs veftemens, pour ce que le Diable s'eftudie à s'emparer
d'une part de toutes chofes; des biens spirituels, la foi & le
Baptefme; des corporels, le sang; des naturels, les enfants,
& des terreftres, les veftemens (Fig. 5).
Sixièmement, ils preflent serment au Da ? mon en un cercle
Fig. 3.
VARIA. 121
gravé en terre; peut eftre bien par ce que il veut leur faire
accroire qu'il est le seigneur du Ciel et &de la Teire, veu
que le cercle est le symbole de la Divinité & la Terre
l'Scabeau de Dieu (Fig. 6).
Fig. 4.
Ffg. 5.
122 VARIA.
Septièmement, demandent au Doemoli eftre rayés du livre
de vie & inicripts au livre de mort (Fig. 7). Ainfi eftoient
les noms des Sorciers d'Avignon infcripts en unlivre très noir.
Fig. 6.
Fig. 7.
VARIA. 123
Huitièmement promettent des sacrifices, aucuns jurant
d'occir magiquement par chacun mois, voyre par chaque
quinzaine un petit enfant en luy sugcant le sang (Fig. ,8).
Neufuiemement se rendent tributaires à leur Doemons
patrons de quelque impoft une fois l'an, en rachapt des mo-
leftations dont sont grevés par le dict paet, & n'eft le tribut
valable s'il n'eft de couleur noire.
Dixiemement sont en variable partie du corps, es épaules
soubs les paupières, soubs les leures, soubs les aiffelles, au
fondement pour les hommes, es mamelles ou es parties hon-
teufes pour les femmes, marqués d'un signe auqueldevient la
peau infensible. La forme de ce signe n'eft toujours la
même; tantoft c'eft patte de lieuvre, tantoft de crapaux, ou
d'aragne, de chaton ou de lire. Et ne sont tous ainfi mar-
qués, ains seulement ceulx que le Diable croit inconftants.
Onzièmement promettent ne jamais adorer l'Euchariflie,
injurier la Vierge & les Sainds, brifer & conspuer les sainctes
reliques tant que pourront, ne se servir d'eau benoîte ny de
cierges confacrés, ne jamais faire coilfeffion entière de tous
leurs péchés; en fin garder silence sempiternel sur leur
commerce avec le Diable. (.1 suivre.)
Fià,. 8.
124 VARIA.
ASILES D'ALIÉNÉS DE LA SEINE
En raison de l'importance de l'Assistance publique à Paris, de
la distribution de secours de toute nature, du nombre des établisse-
ments hospitaliers (hospices, hôpitaux, asiles, etc.), il a été néces-
saire de créer une Administration spéciale. En 1849, une loi a
confié i celte administration le service des enfants assistés et des
aliénés. Après la guerre 4870-1871, l'Administration de l'Assistance
publique, qui était très impopulaire, s'est vu enlever le service des
aliénés. Il s'en suit que, aujourd'hui, il existe à Paris deux Admi-
nistrations de l'Assistance publique, l'une siégeant avenue Victoria,
et une autre, limitée au service des aliénés, siégeant aux Tuileries.
Il en résulte, à tous les égards, de nombreux inconvénients. Les
dépenses sont plus considérables et tendent à s'accroître chaque
année; on a créé un nouveau Corps médical, un autre groupe
d'internes, etc. De là, des tiraillements de toute sorte, des fausses
manoeuvres, des pertes de temps. Il serait vivement à désirer que
tous les services relatifs à l'Assistance publique fussent réunis en
un seul groupe. En attendant la réalisation de cette réforme si
désirable, nous croyons utile de donner les conditions relatives à
l'internat des asiles. Depuis 1879, les places d'internes en médecine
des asiles d'aliénés de la Seine sont données au concours. Voici les
extraits des règlements administratifs qui concernent ce concours :
Conditions du concours. Peuvent prendre part au concours
tous les étudiants en médecine âgés de moins de trente ans et
pourvus de douze inscriptions. Les candidats devront se faire ins-
crire à Paris, au siège général de la Préfecture de la Seine
(Bureau du personnel). Chaque candidat devra produire les pièces
ci-après : 1° un acte de naissance; 2° un extrait du casier judi-
ciaire ; 3° un certificat de vaccine; 4° un certificat de bonne vie et
moeurs; 5° un certificat constatant qu'il est pourvu de douze ins-
criptions de médecine.
Epreuves. Les épreuves sont réglées ainsi qu'il suit : Epreuve
d'admissibilité : 1 une épreuve écrite de trois heures sur un sujet
d'anatomie et de physiologie du système nerveux. Cette épreuve
pourra être éliminatoire si le nombre des concurrents dépasse le
triple des places vacantes.
Epreuve définitive : 2° une épreuve orale de quinze minutes sur
un sujet de pathologie interne et de pathologie externe, après un
quart d'heure do préparation. Le maximum des points à
accorder pour chacune de ces épreuves est fixé ainsi qu'il suit :
pour l'épreuve écrite, trente points ; pour l'épreuve orale, vingt
points. Le sujet de l'épreuve écrite est le même pour tous les can-
VARIA. 125
didats. Il est tiré au sort entre trois questions qui sont rédigées et
arrêtées avant l'ouverture delà séance par le jury.
Pour les épreuves orales, la question sortie est la même pour
ceux des candidats qui sont appelés dans la même séance. Elle est
tirée au sort entre trois questions qui sont rédigées et arrêtées par
le jury avant l'ouverture de chaque séance. L'épreuve orale peut
être faite en plusieurs jours, si le nombre des canditats ne permet
pas de la faire subir à tous dans la même séance. Les noms des
candidats qui doivent subir l'épreuve orale sont tirés au sort à
l'ouverture de chaque séance. Le jugement définitif porte sur l'en-
semble des deux épreuves (écrite et orale). Les premiers reçus au
concours sont nommés internes titulaires.
La durée des fonctions des internes titulaires est de trois ans.
La répartition des internes dans les divers services d'aliénés se fait
dans l'ordre de classement établi par le jury d'examen. Ce mode
de répartition assure à presque tous les internes un séjour d'au
moins une année sur trois dans un des services de l'asile Sainte-
Anne, situé dans l'enceinte de Paris. Un interne ne pourra rester
plus de deux ans dans le même service. Tout interne titulaire est
autorisé à passer sa thèse de doctorat aussitôt après sa nomination.
Internes provisoires . 11 est nommé, à la suite du concours et
dans l'ordre de mérite, des internes provisoires chargés de remplacer
les internes titulaires en cas d'absence ou d'empêchement. La durée
des fonctions d'interne provisoire est limitée à une année, à partir
du le, janvier 1882. Les internes provisoires pourront se repré-
senter au concours pour les places d'interne titulaire. L'interne
provisoire qui passe sa thèse renonce implicitement à se repré-
senter, mais il peut rester en fonctions jusqu'à l'expiration de
l'année commencée. L'interne provisoire reçoit le traitement et
les avantages en nature de l'interne titulaire , chaque fois qu'il est
appelé à le remplacer. ·
Dans le courant de l'année 4880, deux concours ont eu lieu pour
des places d'internes dans les asiles d'aliénés de la Seine. Nous re-
produisons les questions écrites et orales données à ce concours,
afin de donner aux futurs concurrents une idée de la nature des
épreuves.
Questions écrites. 10t concours (1880) : Méninges; 20 concours
(1880) : Nerf de la 5° paire (anatomie et physiologie). Les ques-
tions restées dans l'urne étaient : 4 Il concours : Nerf pneumogas-
trique ; Moelle épinière ; 2° concours : Moelle épinière (anato-
mie et physiologie); Artères du cerveau. Circulation cérébrale.
Questions orales. 1er concours (1880) : De l'épilepsie. Plaies des
artères; 2° concours (1880) : Signes et diagnostic de la fièvre ty-
pAotde. Signes et diagnostic de la fracture du col du fémur. Les ques-
tions restées dans l'urne étaient : ll concours : De l'insuffisance
aortique. Diagnostic de la hernie étranglée. Signes et diagnostic
126 VARIA.
de la pneumonie. Corps étrangers de l'oesophage. 21 concours :
Variole. Signes et diagnostic de la fracture de côtes. Pneumonie
franche. Fracture du radius.
Le 3c concours s'est ouvert le 3 décembre 1881.
Le jury du concours était constitué par MM. Bigot, Bourneville,
Dagonet, Danlos, de Lamaestro, Polaillon, A. Voisin. Il vient de se
terminer par la nomination de 111\I. IIeulz, Vétauld, Béraud et
Bouclier, internes titulaires. MM. Gaudry, Poumeau, Manière,
internes provisoires. Les épreuves orales ont pris deux séances ;
les candidats ont eu à traiter les questions suivantes : 1° Signes et
diagnostic de la pleurésie ; signes et diagnostic des fractures de l'ex-
trémité inférieure du radius; 3° Rougeole; Fractures de la rotule.
Les autres questions déposées dans l'urne étaient : 1° Erysipèle
de la face; fracture de la clavicule; - 2° Insuffisance aortique ;
plaies pénétrantes de la poitrine; - 3° Signes et diagnostic delà
péritonite aiguë ; anthrax; 4° névralgie faciale; signes et dia-
gnostic des fractures du rocher. 11 y avait quatre places vacantes ;
vingt et un candidats s'étaient fait inscrire, dix-sept ont répondu à
l'appel, lors de la composition écrite; dix seulement ont lu leur
composition. Si l'on compare les résultats de cette année avec ceux
de l'année dernière, on trouve que les résultats sont notablement
meilleurs. Les épreuves ont été généralement bonnes. Il est donc
probable que, contrairement aux prévisions de la Gazette hebdo-
madaire, ce concours, bien que spécialisé contre notre avis, attirera
proportionnellement autant de candidats que le concours de l'in-
ternat des hôpitaux. Les avantages sont d'ailleurs plus considérables
(800 fr. d'indemnité, le logement, le chauffage, la nourriture) que
ceux qui sont offerts aux internes des hôpitaux.
Les avantages matériels attachés à la situation d'internes dans
les asiles publics d'aliénés de la Seine comportent le logement, le
chauffage, l'éclairage, la nourriture, et un traitement fixe et annuel
de 800 francs.
Médaille d'or de l'internat des asiles. Le rédacteur en chef de
ce journal, qui a demandé en vain que les internes;des asiles fussent
fournis par l'Assistance publique et appartinssent au Corps de l'in-
ternat des hôpitaux, a insisté pour que le concours, dit de la mé-
daille d'or, eût des avantages plus enharmonie avec les besoins
scientifiques de notre époque, et que la médaille d'or et les avan-
tages inhérents, c'est-à-dire une prolongation de service, fussent
remplacés par une bourse de voyage. M. Ilerold, préfet delà Seine,
a fait examiner celte proposition par une Commission spéciale qui
a émis un avis favorable.
FAITS DIVERS
NoMiNvnoNs. M. le Dr Laborde, médecin inspecteur des asiles
publics de la Seine, est nommé inspecteur des maisons de santé, en
remplacement de M. Georges Benccnox, démissionnaire. M. le
Dl RITTI, médecin.inspecteur-adjoint, est nommé inspecteur titulaire.
M. le Dl Gérard Marchant est nommé médecin inspecteur-adjoint.
- 111. le Dr Legras, inspecteur-adjoint, est nommé inspecteur titu-
laire en remplacement de M. le Dr FaUnE, décédé. M. le D P.
Gennmnest nommémédecin inspecteur-adjoint.M. le DT Berthe-
lot a été autorisé à passer dans le service des enfants-assistés en bas
ye.-111. le Dr Marcel BRIAND est nommé médecin inspecteur-adjoint.
Nécrologie. M. le Dr Briquet, membre de l'Académie de mé-
decine, professeur agrégé de la Faculté, médecin honoraire des
hôpitaux, est décédé le vendredi 2o novembre à l'age de 80 ans.
On lui doit un grand nombre de travaux scientifiques parmi lesquels
nous citerons son Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, 48,ï0.
M. le Dr LiNAS et M. le Dl BRIERRE de Boisuont sont morts, le
premier en , le second à la fin de décembre. Nous leur
consacrerons un article nécrologique dans le prochain numéro.
Asiles DE n Seine. Asile, de Vaueluse. M. le Dr Boudrie, méde-
cin adjoint de l'asile devaucluse, a été promu à la deuxième classe
de son grade. Il a été créé à l'asile de Vaucluise une place de
médecin adjoint ; M. le Dr C\MUSET est nommé à ce poste.
Par arrêté du ministre de l'instruction publique,M. 10*1)r BILLOD,
directeur médecin en chef honoraire des asiles d'aliénés de la Seine,
a été chargé d'une mission en Italie, pour y étudier l'organisation
de l'enseignement des maladies nerveuses et mentales. M. le ministre
ne pouvait faire choix d'un homme plus compétent.
Asile de TOULOUSE. M. le Dl Bouteille, médecin en chef à
l'asile de nlarseille, est nommé directeur de l'asile de Toulouse, en
remplacement de M. Marchant, décédé.
Asile DE MARSEILLE. M. Pons, médecin en chef de l'asile de
Bailleul, est nommé médecin en chef à l'asile de Marseille.
Asile de Bailleul. M. B»LC, médecin en chef de l'asile de la
Cellette, est nommé médecin en chef de l'asile do Bailleul, en rem-
placement de M. Ponts.
Prix. P. Bernard de Civrieux, 2,000 fr.- L'Académie de médecine
a proposé pour sujet de ce prix : Recherches sur les causes de l'ataxic
locomotrice. PrixFalret, I,;i00 fr. Question -.Dcsvertiges avec délire.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Apolinvrio Y Macus. Lèpre, sclérodermie et asplcyxie locale des
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COUL61ULT (L.). Des lésions de la corne d'Ammon dans l'epmlepsie.
Une broch. in-8" de 70 pages. Prix : 2 fr. Paris, 1881, au bureau des
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allemande de Bertiiold Fetzer, ornée de 39 ng. 1881, verla von Adolf
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de 26 pages. Printmg and loolibindute C-, 201-213, rabl tweillli street,
New-York.
Le rédacteur-gérant, Ijoubm : vii.i.e.
Lmeui, Ui. ltnma, mp. -162.
Vol. III. Mars 1882. Ne 8
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES
HYSTÉRIQUES; DU PHÉNOMÈNE DE L'HYPEREXCITABILITÉ
NEURO-MUSCULAIRE (Suite) ' ;
Par MM. CHARCOT et PeuL RICIIER.
III. DES DIFFÉRENTS DEGRÉS DE L'lIIPEHE\CITAI31L1T1;
KEURO-MUSCULAIRE. VARIATIONS DU PHÉNOMÈNE.
Il ne faudrait pas croire que toutes les hystériques
hypnotisées soient susceptibles de présenter à un égal
degré de développement tous les phénomènes que
nous venons de décrire comme se rattachant à cet état
nerveux spécial désigné sous le nom d'hyperexcita-
bilité neuro-musculaire.
Il faut s'attendre ici à de nombreuses variations in-
dividuelles que pour la plupart il est possible de
rattacher au type décrit dont elles ne sont que des
atténuations plus ou moins accusées. Cependant on se
' Voir le il" 5, p. 32, 11- 6, 1). 173.
9
130 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
tromperait également si l'on s'imaginait que les
sujets sont rares, sur lesquels est possible de répéter
toutes les expériences rapportées plus haut. Il ne
s'agit pas là de faits exceptionnels. Si nous en croyons
notre expérience personnelle, la proportion serait de
1 sur 4 ou 5 au plus. Il est vrai que les malades
soumises à notre observation à la Salpêtrière, sont
toutes des sujets atteints de la névrose hystérique
dans sa forme la plus accentuée, Xhysteria major.
Après avoir montré les principaux caractères du
phénomène dans son plus haut degré de développe-
ment, il nous paraît utile d'insister un peu sur les
variations qu'il peut subir soit d'une malade à l'autre,
soit chez une même malade, et d'en fournir quelques
exemples.
A. Des différents degrés de l'lzJperexcitabilité 2zaîii-o-
musculaire chez une même malade. Influence de
la répétition des expériences sur son développement.
Chez une même malade, le degré d'hyperexcitabilité
neuro-musculaire, pendant la léthargie hypnotique,
peut varier dans des circonstances diverses,
a) Il varie suivant les régions du corps. Dans
les cas réguliers, ceux qu'on peut appeler les
cas types, le phénomène existe à un égal degré sur
tous les muscles, aussi bien aux membres qu'à la face
(il n'est pas question ici de la différence du résultat
obtenu : contracture aux membres, contraction à la
face). Mais il arrive fréquemment qu'n ce point de vue
il existe des différences entre les deux côtés du corps,
étude DE L·H1P\O'l'IS\IE CIIEZ les hystériques. 131
entre les membres inférieurs, les membres supérieurs
et la face, l'hyperexcitabilité pouvant se montrer en
un point et faire défaut en un autre, ou bien exister
ici et la, mais à un degré différent.
b) L'hyperexcitabilité varie également chez une
même malade d'un moment à l'autre. Il est des jours
où, sous l'influencedecausesdiflicilementappréciables,
mais dans lesquelles on peut faire entrer les émotions
vives, la fatigue physique, l'imminence des attaques,
etc., telle malade présente une exaltation ou une atté-
nuation du phénomène.
c) Enfin par la répétition des expériences, ce phé-
nomène est susceptible d'acquérir un plus haut degré
de précision et d'intensité. Il s'agit là, ainsi que nous
le verrons plus loin, de phénomènes d'ordre réflexe
dont l'habitude facilite le développement et qu'elle
perfectionne. Nous avons pu constater le fait bien des
fois. Il est des sujets qui présentent presque d'emblée,
dès les premières séances d'hypnotisme, le phénomène
de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire complètement
développé. D'autres, et c'est le plus grand nombre,
mettent un temps plus ou moins long à l'acquérir. A
un premier degré, il consiste en une tendance des
réflexes tendineux à provoquer une contracture plus
ou moins généralisée. Puis la localisation de la con-
tracture s'établit; il est possible d'obtenir la contrac-
ture partielle des différents muscles des membres, et
les différents procédés à l'aide desquels on la produit
peuvent être classés ainsi qu'il suit, d'après le mode
d'apparition de leur eflicacité : c'est l'excitation des
tendons qui réussit d'abord, puis l'excitation des
masses musculaires, en dernier lieu l'excitation des
132 ^ PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
troncs nerveux. Enfin ce n'est que dans les cas les
plus développés que l'hyperexcitabilité neuro-muscu-
laire se montre à la face. Nous nous contenterons de
rapporter les deux observations suivantes :
Dans les récentes expériences que nous avons faites à ce
sujet, il nous a été donné do saisir en quelque sorte le mode de
développement de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire chez
une de nos malades que nous soumettions pour la première
fois aux pratiques do l'hypnotisme.
Janvier 1881. -Caill..., 20 ans, hystéro-épileptique. hémi-
anesthésique à gauche et acliromatopsique du même côté, n'a
pas encore été endormie par nous ; elle l'aurait été par d'autres,
mais peu souvent, et, dans tous les cas, les expériences
d'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'ont jamais été tentées
sur elle.
Pendant la veille, les réflexes tendineux sont exagérés aux
genoux, mais sans irradiation aux membres supérieurs, ils exis-
tent aux coudes ; aux poignets ils se montrent à peine.
Par la fixité du regard, la malade se trouve promptement
endormie. Aussitôt nous constatons que les réflexes tendineux du
poignet qui, tout à l'heure, existaient à peine, sont maintenant
manifestement exagérés. Nous recherchons alors si la malaxation
des masses musculaires de l'avant-bras peut être suivie de
contracture, mais le résultat est complètement négatif. Nous
revenons alors à l'excitation des tendons par percussion. Nous
constatons de nouveau que les réflexes tendineux sont exagérés ;
le mouvement qui suit le choc est très étendu, il est brusque
et rapide, il n'y a aucune tendance à la contracture. Mais
bientôt, en répétant les chocs sur le tendon, nous voyons la
contracture se développer ; il suffit d'une dizaine de coups portés
successivement sur le tendon pour immobiliser le membre
dans une attitude forcée de contracture permanente. Cette
contracture se détruit facilement par la friction des muscles
antagonistes.
Nous tentons alors de nouveau de produire la contracture
par la malaxation des muscles, et cette fois, non sans quelque
surprise, nous réussissons pleinement. Une fois réveillée par le
procédé habituel (souille sur le visage), Caill.... conserve les ré-
llexes tendineux du poignet plus accusés qu'avant les expériences.
ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES HYSTÉRIQUES. 133
Ne semble-t-il pas que d'après ce que nous venons de rap-
porter, l'on puisse admettre dans l'hyperexcitabilité musculaire,
les trois degrés suivants :
1er degré : simple exaltation des réflexes tendineux; 3'
degré : le réflexe tendineux donne lieu à la contracture
contracture réflexe par excitation tendineuse; 3° degré :
contracture réflexe par excitation directe des masses mus-
culaires.
Dans une seconde expérience faite le lendemain, nous cons-
tatons une aptitude plus grande des muscles à la contracture,
se traduisant même pendant la veille. Pendant l'hypnotisme
l'byperexcitabilité, bien que plus développée, présente quelques
irrégularités.
Caill... a conservé les réflexes tendineux du poignet assez
exaltés surtout du côté gauche. Le réflexe patellaire est tou-
jours très exagéré. '
Le choc répété sur les tendons de la face antérieure du poi-
gnet gauche amène bientôt la contrature, ce qui n'a pas lieu
pour le côté droit. La malade est toujours en état de veille et
cette expérience est faite presqu'à son insu, pendant que son
attention est attirée ailleurs. Cette contracture disparait comme
celle du sommeil par la friction des antagonistes.
Caill.... est endormie rapidement par la fixité du regard.
Sur le bras gauche, contracture facile par l'excitation des tendons,
par la malaxation musculaire et par l'excitation des nerfs. La
pression du nerf cubital en arrière de l'épitroclilée contracture
la main dans l'attitude régulière de la griffe cubitale. C'est la
première fois que cette expérience est tentée chez cette malade.
Sur le bras droit, l'excitation des tendons et des masses
musculaires nous donne des résultats semblables, mais nous
constatons que l'excitation du nerf cubital au lieu d'élection
n'est point suivie de la contracture habituelle. A chaque frois-
sement du nerf cubital répond un léger mouvement dans les
doigts, mais aucune contraction nettement localisée, aucune
ébauche de contracture.
Sur le bras gauche au contraire la griffe cubitale s'obtient
très facilement. ainsi que nous l'avons déjà dit.
Le griffe cubita'e étant produite à gauche, nous plaçons un
aimant près de l'avant-bras droit, dans le but de transférer la
griffe de ce côté. Dix minutes et plus s.e passent sans qu'aucun
transfert ait lieu. Le bras droit garde sa flaccidité, et l'on note,
13 'e PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
par contre, que la contracture de gauche, au lieu de se détendre
s'est accusée davantage. La griffe cubitale qui existait déjà
s'est exagérée.
Dans ce cas, il faut admettre que le nerf cubital droit était
inexcitable du moins par les procédés habituels. L'hyperexci-
tabilité neuro-musculaire ne s'est développée à la face, chez
cette malade que plusieurs mois après les premières expériences
que nous venons de rapporter. Les deux figures 3 et le de la
Planche XII (t. II) ont été prises d'après elle.
Entre autres détails intéressants, l'observation
suivante nous montre également une différence entre
les deux côtés du corps au point de vue de l'hyperex-
citabilité :
E. P..., livstéro-épiloptiqtip, anesthésique totale, ovarienne,
etc., présente cette particularité dans le mode de production
du sommeil hypnotique, que la simple fixité du regard pro-
duit chez elle ce que l'on obtient plus fréquemment par
l'action d'une lumière très intense. Elle entre d'abord dans
l'état cataleptique qui persiste indéfiniment, et alors le
sommeil ne peut être obtenu qu'à la condition do lui former
les yeux. La catalepsie cesse aussitôt et la malade devient
léthargique.
L'hyperexcitabilité neuro-musculaire caractéristique de la
léthargie présentait, le 20 janvier 1881, les particularités sui-
vantes :
1° La contracture demande pour se produire une malaxation
assez énergique des masses musculaires.
2° Elle se montre avec plus do facilité à la suite de l'excita-
tion tendineuse. Mais il faut alors répéter les chocs, et l'on voit
la contracture s'accentuer graduellement. La simple pression
sur le tendon est impuissante.
3° L'hyperexcitabilité est plus développée sur le bras gauche
que sur le bras droit. La différence entre les deux côtés est assez
notable. Il faut insister beaucoup plus pour obtenir a droite
les mêmes résultats qu'à gauche. On y arrive cependant.
4° Lorsque l'excitation est insuffisante, on n'obtient qu'une
contraction plus ou moins prolongée ou bien une contracture
qui se résout d'elle-même bientôt.
5° La contracture une fois bien établie persiste après le réveil.
ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES HYSTÉRIQUES. 135
B. L'hyperexcitabilité neuro-musculaire peut cesser
partiellement dans une partie du corps, ou inversement
peut y être provoquée.
Chez une de nos malades qui présente à un haut
degré l'hyperexcitabilité neuro-inuscula ire, nous avons
vu plusieurs fois dans le cours de nos expériences, cet
état musculaire spécial disparaître tout d'un coup pour
faire place à un état paralytique localisé à un seul
côté du corps et qui persistait au réveil. D'ailleurs nous
avons toujours pu, à la suite de quelques manoeuvres,
ramener la motilité, et, au bout de quelques instants,
rendre à la malade toute la liberté de ses mouvements.
Voici le récit d'un de ces accidents : .
23 clécemhre 1880. - Pendant le cours d'expériences assez
prolongées sur 1'liyperexcitabilité des muscles et des nerfs du
bras droit, tout d'un coup, sans cause apparente, toute trace
d'hvperexcitabilité disparait dans ce membre et à la fois dans
tout le côté droit du corps aussi bien à la face qu'aux membres.
Le bras droit retombe inerte le long du corps, Witt ? qui est
assise s'affaisse de ce côté, les réflexes tendineux existent néan-
moins. Tout le côté gauche a conservé l'hyperexcitabilité neuro-
musculaire comme auparavant. Si l'on soulève les paupières,
la catalepsie est facile à gauche, mais à droite elle n'a plus lieu.
On réveille la malade par les procédés ordinaires, l'hémi-
plégie persiste ; son bras droit est inerte; elle peut à peine se
tenir debout, elle est incapable de marcher, sa jambe droite lui
refuse tout service.
De plus Witt... est aphasique. Elle est comme hébétée, elle
regarde son bras paralysé qu'elle cherche à soulever avec l'au-
tre main, mais sans manifester le mécontentement qu'un réveil
dans un semblable état semblerait devoir lui causer.
Elle fait quelques résistances lorsque nous cherchons à l'en-
dormir de nouveau. On y parvient cependant sans dilficulté
par la pression des globes oculaires. Le même état hémi-
paralytique persiste. Au bout de quelques instants, il se pro-
136 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
duit spontanément un tremblement léger dans la mâchoire in-
férieure.
Ce tremblement augmente peu à peu, puis gagne le bras
droit, puis la jambe droite. Les membres du côté gauche con-
servent leur immobilité, jusqu'au moment où, gagnant en
amplitude, les oscillations du tremblement se transforment en
violentes secousses qui soulèvent tout le corps.
Ces secousses sont bientôt suivies d'une sorte de stertor qui
dure qnelques minutes. La paralysie du côté droit n'a pas dis-
paru. Le sommeil persiste avec les mêmes caractères qu'avant
cette petite crise.
Croyant voir une indication dans ce qui venait de se passer,
nous essayons de provoquer une attaque. Une excitation vive
portée sur les zones hystérogènes de l'aisselle n'amène qu'une
violente secousse généralisée. Cette manoeuvre, répétée plu-
sieurs fois, est bientôt suivie du réveil. Et cette fois Witt...
a recouvré en même temps que la connaissance le mouvement
et la parole. Elle n'a qu'un souvenir confus de ce qui s'estpassé,
et s'étonne d'une sensation de fatigue qu'elle éprouve dans tout
le côté droit.
Nous rapprocherons du fait qui précède, l'expé-
rience suivante dans laquelle, pendant l'état somnam-
bulique, alors que, suivant la règle, l'hyperexcitabilité
neuro-musculaire avait entièrement disparu, cette
disposition musculaire spéciale a pu être rappelée dans
un seul membre :
26 janvier 1880. B... est plongée par la friction sur le sommet
de la tête dans le sommeil sans hyperexcitabilité neuro-mus-
culaire ou état somnambulique. L'excitation mécanique directe
ou indirecte des muscles n'amène plus leur contracture. Les
réflexes tendineux n'en sont pas moins conservés. La résolution
musculaire est parfaite. La catalepsie n'est plus possible par
l'ouverture des yeux. L'état de la motilité est le même par tout
le corps.
Nous recherchons l'état de la contractilité électrique que nous
trouvons normale. Mais au bout de quelques instants de faradi-
sation, nous nous apercevons qae le membre sur lequel nous
opérons est redevenu hyperexcitable. En effet, l'excitation
ÉTUDE DE L HYPNOTISME CHEZ LES HYSTERIQUES. 137
mécanique des nerfs et des muscles amène la contracture de la
façon que l'on sait, mais cela au bras gauche seulement. Tout
le reste du corps n'offre pas trace d'hyper excitabilité.
Lorsque les paupières sont ouvertes, le bras gauche devient
cataleptique, ce qui n'a lieu en aucune façon pour le bras droit.
C. Variations individuelles de l'hyperexcitabilité
neuro-musculaire.
D'une malade à l'autre, l'hyperexcitabilité neuro-
musculaire peut présenter de grandes différences au
double point de vue de la précision et du degré de
développement de ses caractères. Les différents degrés
que l'on observe successivement chez une même
malade, lorsque le phénomène est en voie de déve-
loppement, peuvent se montrer isolément chez des
malades différentes, et l'on conçoit fort bien que,
suivant les dispositions spéciales du sujet, le phéno-
mène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire puisse
s'arrêter aux diverses phases de son évolution. Nous
rapporterons ici deux observations dans lesquelles les
caractères du sommeil hypnotique se sont montrés peu
développés :
L. D ? seize ans, hystéro-épileptique, a de grandes attaques
convulsives avec arc de cercle et attitudes passionnelles, a en
outre des accès de somnambulismenaturel. Ovarienne à gaucho
principalement.
Entrée le 6 février 1881, à l'hospice où elle n'a fait qu'un
très court séjour.
9 février 1881. L'anesthésic se trouve réduite à une plaque
de la largeur des deux mains environ et qui occupe le sommet
de la tête, plus étendue à gauche qu'a droite; en avant elle
coupe le front obliquement, descendant jusqu'au niveau du
sourcil gauche. Il n'y a pas d'achromatopsie. Les réflexes ten-
138 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
dineux sont exagérés aux genoux; ils sont fort peu accusés
aux poignets et aux coudes, un peu plus cependant aux membres
du côté gauche.
La malade est assise sur une chaise et on la prie de fixer
avec persistance la tète brillante d'une grosse épingle que l'on
maintient à peu de distance de ses yeux et un peu en haut.
Au bout de cinq minutes environ, on remarque quelques
mouvements cloniques dans les muscles de la face, surtout du
côté gauche , les conjonctives sont rouges, les sourcils se con-
tractent. La fixité du regard augmente, le clignotement dis-
parait. A ce moment les membres sont insensibles à la piqûre;
lorsqu'on les soulève, ils retombent inertes ; il n'y a pas de
catalepsie. Les réflexes tendineux aux deux bras sont manifeste-
ment exagérés. Le même état persiste un quart d'heure environ
avec quelques frémissements de tout le corps et des muscles de
la face de temps en temps; l'objet brillant est toujours main-
tenu devant les regards de la malade.
Puis tout d'un coup, pendant que l'on continue à piquer
les membres du sujet, on s'aperçoit que la sensibilité a reparu
partout; chaque piqûre donne lieu à un mouvement réflexe,
indice que l'impression est perçue par le centre nerveux. Alors
on retire l'objet qui sert à maintenir la fixité du regard, pensant
que l'expérience était terminée. Mais aussitôt les yeux se
ferment et la malade tombe dans un état de résolution tel que
nous n'en avons jamais observé de semblable. La malade est
endormie. Tout son corps s'affaisse sur lui-même au point
qu'elle glisse sur sa chaise, et qu'on a peine à l'y maintenir
assise. La tête retombe lourdement sur la poitrine, oscillant
d'un côté sur l'autre suivant qu'on cherche à la redresser.
Dans cet état les réflexes tendineux sont fort exagérés. Le
choc sur le tendon rotulien donne lieu à un soubresaut de tout
le corps ; aux coudes et aux poignets le choc tendineux est
suivi d'un mouvement bien plus étendu que pendant la veille.
En somme, nous trouvons ici exagération et généralisation des
réflexes tendineux, mais nulle tendance à la contracture. La
contracture n'est produite ni par la percussion répétée des
tendons, ni parla malaxation des masses musculaires.
La sensibilité persiste, et le pincement ainsi qui la piqûre
donnent naissance à des mouvements réflexes ; la malade retire
son membre, et la douleur se peint sur sa physionomie, qui
autrement est impassible et sans expression.
ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES HYSTÉRIQUES. 139
L'ouverture des yeux n'a pas lieu sans quelque difficulté, à
cause du spasme des paupières et de la convulsion des globes
oculaires. On y arrive cependant, mais le regard ne parait pas
bien fixe et au bout de pou d'instants les paupières se ferment
d'elles-mêmes. Pendant que les yeux sont ouverts, l'état mus-
' culaire ne change pas, pas de catalepsie possible, même
état des réflexes, même résolution,
Bientôt la malade est prise de secousses des bras, analogues
à celles du début de son attaque. La crise parait imminente.
Nous nous empressons alors de la réveiller par le souffle sur
le visage et sur les yeux. Il faut insister un peu pour y par-
venir.
La malade se dit très fatiguée; elle ne peut se tenir debout,
ses jambes refusent de la porter. Elle a une tendance invincible
au sommeil et se rendort d'elle-même. On la fait alors porter
à son lit où elle no tarde pas à s'éveiller spontanément.
Nous la revoyons environ une demi-heure après. Elle est
parfaitement réveillée, et ne ressent d'autre malaise qu'une
grande fatigue. Nous constatons que les réflexes tendineux sont
bien plus exagérés qu'avant l'expérience, tout en l'étant à un
degré moindre que pendant le sommeil.
Cette expérience d'hypnotisme est la seule qui ait
été été faite sur cette malade. C'était la première fois
qu'elle y était soumise, et nous ne pûmes la répéter,
car elle sortit de l'hospice le lendemain même.
Ici, des phénomènes musculaires qui servent à ca-
ractériser l'hypnotisme, un seul persiste, c'est i'e-xa-
gération des réflexes tendineux qui se montre d'une
façon très manifeste. Il n'y a aucune aptitude des
muscles à la contracture quand les yeux sont fermés,
et lorsqu'ils sont ouverts, aucune tendance à l'état ca-
taleptique. Enfin la résolution musculaire s'est mon-
trée là à un degré peu ordinaire, et la fatigue qui a
suivi l'expérience est un fait tout à fait exceptionnel.
Dans l'observation suivante à l'exagération des ré-
flexes tendineux s'ajoute une certaine tendance à la
140 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
contracture, bien qu'aucune localisation précise soit
possible. Ce n'est en somme qu'une sorte d'état rudi-
mentaire de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, et
l'état cataleptique qui suit l'ouverture des yeux ne
peut être provoqué.
18 février 181.-V...,Iystéro-épileptiquebémianestUésique
à gauche, analgésique du côté droit. Pas d'achromatopsie.
Exagération des réflexes tendineux aux membres supérieurs
comme aux membres inférieurs, plus accusés à gauche qu'à
droite. A la jambe gauche la trépidation épileptoide peut être
provoquée par le procédé ordinaire ( soulèvement de la pointe
du pied). ).
Cette malade n'a jamais été endormie. Nous la prions de
fixer du regard un objet brillant et rapproché. Au bout de peu
d'instants elle pousse quelques soupirs, puis bientôt les yeux
se ferment, la tête se renverse, elle est endormie.
La résolution musculaire est complète. Les réflexes tendineux
ont subi une exaltation notable. Le mouvement réflexe est plus
étendu.
La malaxation des masses musculaires ne détermine aucune
contracture. Il en est de même aux poignets pour l'excitation
mécanique portée sur les tendons, percussion, friction ou
malaxation. Mais le choc rotulien donne un résultat différent.
A la suite de plusieurs coups portés successivement la jambe
se roidit dans l'extension et la contracture envahit en même
temps les quatre membres. Cette contracture cède facilement
par la friction.
Le spasme des paupières empêche l'ouverture des yeux, les
pupilles se cachent convulsivement sous la paupière supérieure
et ne se laissent pas découvrir. La catalepsie n'est pas possible.
- Le réveil est facilement obtenupar le souffle sur le visage.
Les deux exemples qui précèdent nous montrent le
sommeil hypnotique à un degré fort incomplet, sorte
d'état rudimentaire. Les phénomènes psychiques sont
nuls, l'état cataleptique n'existe pas, pas plus que
l'aptitude des muscles à la contracture localisée. En
DE LA CACHEXIE P.1CIITDEI2\IIqi;R. 1 li (
outre de la somniatiou et de la perte de connaissance,
l'exaltation des réflexes tendineux, simple ou accom-
pagnée de tendance à la contracture, est le lien qui
rattache ces faits incomplets à l'état de léthargie hyp-
notique entièrement développé dont nous avons donné
la description. Mais, entre ces deux extrêmes, l'on
conçoit qu'il existe de nombreux degrés intermédiaires
qui constituent comme autant de variétés. (A suivre.)
PATHOLOGIE NERVEUSE
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. (Mvxoedème des auteurs
anglais). OBSERVATION NOUVELLE AVEC ALIÉNATION
MENTALE TRANSITOIRE ' ; 1;
Par la D H. BIAISE, chef de clinique u la Faculté de médecine
de Montpellier.
Nous avons pensé qu'il était utile de donner un
compte rendu complet des dernières observations
publiées par les auteurs anglais et américains, ces
observations n'étant pas relatées dans les recueils
français. Comme on le voit, le nombre des cas de
myxoedème dont la description a été faite est encore
assez restreint. Bien que l'on puisse citer déjà une
vingtaine d'observations, les documents sont encore
z Voir le n 7, p. 60.
\'l-2 PATHOLOGIE NERVEUSE.
insufnsants et ne permettent pas de donner une des-
cription complète de la maladie. Aussi avons-nous
pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de publier le cas
suivant qu'il nous est donné d'observer dans le service
de notre excellent maître, M. le professeur Grasset.
Observation (personnelle).
Honorine A..., lingère, âgée de trente-quatre ans et née à
Montpellier, entre à la clinique des vieillards (service de
M. Grasset), au mois de novembre 1880.
Son père a joui d'une bonne santé habituelle ; sur ses vieux
jours, il est devenu asthmatique (catarrhe chronique et emphy-
sème) et a succombé à l'âge de soixante-cinq ans. Sa mère est
morte à soixante-sept ans des suites d'une attaque. Elle n'a
qu'un frère, âge de quarante-quatre ans, qui s'est toujours bien
porté.
A..., d'un tempérament lymphatique, a présenté dans sou
enfance des engorgements ganglionnaires au cou et des croûtes
dans les cheveux. Réglée à onze ans, sa menstruation était ré-
gulière, mais abondante. Elle perdait d'habitude pendant cinq
à six jours; souvent même, la période menstruelle durait
jusqu'à huit jours. Ses règles ne s'accompagnaient pas de trou-
bles nerveux, et, pendant leur évolution, elle se livrait sans
inconvénient à ses occupations journalières. Elle n'a jamais eu
d'enfant.
Elle prétend n'avoir commis aucun excès; cependant, elle
passait, dans son quartier, pour une fille déréglée et commet-
tant de fréquents excès vénériens. Elle ne présente d'ailleurs
aucune trace de syphilis. Son caractère, très turbulent jusque
vers l'âge de douze ans, est devenu doux et facile à partir de
cette époque. D'autre part, elle a mené jusqu'à l'âge adulte une
vie très active. Son intelligence paraissait vive et sa parole était
rapide, à tel point que souvent on ne saisissait pas ce qu'elle
disait.
Notre malade, qui n'a jamais quitté Montpellier, a toujours
eu un embompoint extraordinaire depuis l'établissement de ses
menstrues. A l'âge de treize ans, on lui en donnait dix-huit.
Mais ce n'est guère que vers l'âge do vingt-sept à vingt-huit
DE LA CACHEXIE l' 1CH11)Lk\ll, ! lili, 1 W
ans qu'elle a commencé à prendre les proportions démesurées
que nous lui voyons aujourd'hui. Cependant, son affection
parait avoir débuté vers l'âge de vingt et un ans. A cette
époque, elle a eu une éruption de petits boutons, gros comme
une tête d'épingle, limitée aux membres supérieurs, et qui dura
environ cinq à six jours. Deux ou trois mois après cette érup-
tion, ses cheveux commencèrent à tomber : tous les matins, le
peigne en enlevait des quantités très notables. Cette chute se
prolongea pendant neuf mois environ, s'accompagnant de celle
des cils et des poils dans toutes les régions qui en sont pour-
vues. En même temps, elle souffrait de fortes douleurs au
niveau des pommettes et de gastralgie avec vomissements fré-
quents de matières alimentaires survenant assez loin des repas.
A partir de ce moment, elle eut de la dysménorrhée et resta
quatre mois sans être réglée. Mais bientôt, sous l'influence d'un
traitement tonique et ferrugineux (vin de quinquina' pilules
de Blaud, bains ferrugineux, nourriture substantielle, lait
d'ànesse pendantun mois), l'état général ne tarda pas à s'amen-
der. Le teint redevint frais, coloré, et, malgré quelques dou-
leurs gastralgiques, Honorine se trouvait dans un état de santé
relativement bon, se livrant sans difficulté à ses occupations
journalières. Elle garda sensiblement les mêmes dimensions et
n'éprouva rien de bien particulier jusque vers l'âge de vingt-
sept ans. Mais alors les différentes parties de son corps, ou
plutôt de ses téguments, se mirent à grossir progressivement,
en même temps qu'elle éprouvait des sensations bizarres, du
côté de la peau, sensations douloureuses, de brûlure, de piqûres
d'épingle, de froid, d'eau qui lui courait dans les jambes, de
torsion et de pression des chairs. En même temps aussi, elle
avait des maux de tête fréquents avec douleurs siégeant parti-
culièrement au niveau des os malaires. Son caractère se modi-
lia, devint inquiet. La parole devint lente, grasse, et revêtit
bientôt un timbre spécial. Cette modification dans la parole
s'accompagnait d'une certaine lenteur dans les idées, de fatigue
intellectuelle rapide.
Les sens spéciaux eux-mêmes étaient compris dans ce tableau
morbide. Le goût d'aboid, et presque aussitôt l'odorat et l'ouïe,
présentèrent des altérations fonctionnelles. Ces perversions
sensorielles, d'abord peu accentuées, arrivèrent à leur maxi-
mum trois mois environ avant son entrée à l'asile, qui eutlieu
fin jan\ier 1878. Elle trouvait mauvais goût et mauvaise odeur
1 I 1 PATHOLOGIE NERVEUSE.
aux aliments les mieux préparés. Elle entendait des propos
injurieux, des propos obscènes qui s'adressaient à elle et que
prononçaient les personnes qui l'entouraient. Dans les pre-
miers temps, son jugement suffisait à rectifier l'erreur de ses
sens ; elle comprenait que ces personnes étaient incapables
de proférer sur son compte de pareils propos, et elle arrivait,
mais non sans peine, à se persuader qu'elle était le jouet d'il-
lusions. Mais peu à peu sa volonté prit le dessous et elle ne
tarda pas à accorder une croyance entière aux indications erro-
nées de ses sens. C'est alors qu'elle interpellait vivement dans
la rue des personnes qu'elle accusait de mal parler d'elle et de
l'insulter, tandis que la conversation de ces personnes avait
roulé sur un sujet qui lui était complètement étranger. Il lui
semblait que son corps exhalait une odeur repoussante. Cer-
taines personnes lui apparaissaient menaçantes en même
temps qu'elles lui reprochaient d'avoir tué l'enfant d'une de
ses voisines. De nouvelles sensations bizarres se déclaraient du
côté des téguments, trouvant dans une certaine mesure leur
raison d'être dans les modifications que subissaient ces der-
niers. C'est ainsi qu'Honorine prétendait avoir un masque sur
la figure, ou bien sa tête s'était transformée en une tête de
chien. Quelque temps auparavant, elle avait constaté que la
chaleur du soleil et le froid vif l'impressionnaient plus lente-
ment que par le passé. Elle avait aussi constaté que l'épaissis-
sement progressif des téguments des mains avait diminué la
délicatesse du toucher. Le sommeil était troublé par des rêves
pénibles, par des apparitions terrifiantes. Les cheveux se remi-
rent à tomber. En même temps, la malade éprouvait des trou-
bles digestifs avec douleurs gastralgiques après le repas, suivies
de vomissements fréquents. La constipation était habituelle.
Les perversions sensorielles devinrent bientôt l'origine d'un
délire continu avec prédominance des idées de persécution. In-
ternée à l'asile sur ces entrefaites, elle resta quelque temps
dans le même état psychique, prenant les gardiennes pour des
hommes déguisés on femmes qui voulaient l'assassiner, pous-
sant fréquemment des cris dans sa terreur, considérant le per-
sonnel médical comme des juges qui l'avaient condamnée. Elle
ne se rendait d'abord aucun compte du lieu où elle se trouvait.
Ce n'est qu'au bout de quelques mois qu'elle parvint à se recon-
naître et à distinguer qu'elle avait affaire à des médecins et à
des infirmières. Le gonflement des téguments aurait progressé
DE t.1 C : 1( : H1 : 11E 1WCHYDEItJIiQI.E. H5
à l'asile jusque vers la fin de l'année 1878. Particulièrement
marqué à la face, surtout au côté droit, il devint tel, dit la ma-
lade, qu'on voyait l'eau à travers ses paupières, tant elles
étaient transparentes. L'infiltration, par sa propagation aux
muqueuses et particulièrement à la muqueuse buccale, finit
par rendre douloureux l'acte de serrer les mâchoires. La parole
devint plus grasse, comme empâtée, fortement nasillarde. Les
lèvres épaisses, fortement renversées en dehors, laissaient la
salive s'échapper avec facilité de la bouche. Mais bientôt ce
gonflement se mit à rétrocéder, particulièrement à la paume
des mains et à la plante des pieds, en même temps que s'amen-
dait l'état psychique et que disparaissaient progressivement les
perversions sensorielles et les idées délirantes. Pendant tout
ce temps, Honorine avait une constipation opiniâtre, troublée
de distance en distance par de véritables débâcles : cinq à huit
selles dans la même journée; on aurait dit une véritable action
purgative. Enfin, l'état psychique finit par s'améliorer à un
point tel que la guérison fut complète, et que notre malade
obtint sa sortie de l'asile en octobre 1880. Le traitement avait
consisté dans l'administration de préparations toniques et fer-
rugineuses : lait de quina, sirop de raifort ioduré, fer sous
diverses formes, bains sulfureux.
Etat actuel. Du côté des sens spéciaux, il n'existe plus
aucune perversion sensorielle. On constate simplement un peu
de diminution de l'acuité visuelle. L'état mental est excellent :
la malade est raisonnable. Pour tout ce qui est en dehors de
l'état psychique ou sensoriel, il existe, d'après notre malade,
une amélioration très notable. La parole est beaucoup moins
lente, mais elle conserve le caractère empâté, rauque et nasil-
lard. Honorine n'est pas fatiguée par l'exercice intellectuel et
entretient sans difficulté une conversation suivie. Il reste cepen-
dant un peu de lenteur dans les mouvements et les idées, peu
marquée d'ailleurs.
Du côté des téguments, il existe une amélioration très notable,
particulièrement au niveau des pieds. Ces derniers ne diffèrent
pas sensiblement de ceux d'une personne ordinaire, si l'on né-
glige un état de sécheresse particulier de la peau. L'améliora-
tion Bégaiement porté sur la paume des mains, dont la peau est
devenue moins épaisse et plus souple. L'oedème de la face aurait
également diminué, particulièrement au niveau des paupières.
Si l'on compare la physionomie générale de notre malade à
10
116 PATHOLOGIE NERVEUSE.
celle qu'elle a présentée avant le début de la maladie et dont
ou peut juger d'après une photographie faite entre vingt et
Mngt et un ans, on constate un changement considérable, très
marqué, surtout en ce qui concerne la face. Ainsi, bien qu'Ho-
norine présentât, dès l'âge de vingt et un ans, une face très
développée, comme tout le reste du corps d'ailleurs, il existe
un rapport normal entre le développement de toutes les par-
ties. De plus, on ne retrouve nullement cette apparence
d'oedème, si nette actuellement au niveau des paupières, à tel
point que ces dernières présentent une semi-transparence, un
peu variable, du reste, suivant les jours. Au premier abord,
l'aspect de la face fait croire à un oedème brightique. Mais le
doigt ne détermine pas de cupule à la pression ; le gonflement
est surtout marqué au niveau de labranchomontantedu maxil-
laire inférieur et de la parotide, avec prédominance à droite.
Le front présente des rides profondes. Les lèvres sont encore
fortement épaissies, renversées en dehors ; la muqueuse en est
luisante, mais pâle et anémiée. Les cils ne sont revenus qu'in-
complètement et le bord libre des paupières est rouge. Les
sourcils sont assez fournis; il existe môme un peu de barbe
naissante sur les joues de chaque côté et sur la lèvre supé-
rieure. Enfin, la face a peu d'expression : on dirait un masque.
Le rire ne détermine qu'une forte grimace, qui donne une phy-
sionomie étrange à la malade. Depuis quatre à cinq ans, les
cheveux ont recommencé à tomber, mais peu abondamment.
A la partie médiane et antérieure de la tète, il existe une cal-
vitie presque absolue. D'autre part, la malade a remarqué que,
dans ces dernières années, les cheveux avaient changé d'aspect
et de consistance : ils seraient devenus plus laineux, moins
fermes et plus ternes. La muqueuse de la bouche est épaissie,
comme boursouffléo. Les dents ont toujours été et sont encore
en assez bon état (il ne manque qu'une incisive); elles déter-
minent sur la face interne des joues une empreinte permanente
très marquée. La luette est grosse, comme oedématiée et pend
sur la base de la langue.
La peau et le tissu cellulaire du cou sont aussi fortement
épaissis; l'extension de la tête détermine à la nuque des plis
très profonds. Sur le tronc, le système pileux est assez déve-
loppé et la peau présente le même aspect général que sur le
reste du corps. Les mamelles sont pendantes, lourdes, volumi-
neuses, nullement fermes au toucher.
DE LA CACHEXIE l'1CIIYLliHIInUli. 147
L'adème spécial est encore assez net sur les bras et les avant-
bras, mais il a presque totalement disparu sur les mains. Au
niveau de ces dernières, la peau est particulièrement sèche et
rugueuse, gercée, presque écailleuse, surtout autour des arti-
culations métacarpo-phalangienncs et dans les parties sus-
jacentes. Aux membres inférieurs, le gonflement est plus
marqué, à l'exception des pieds. On n'y voit aucune trace d'in-
sertion musculaire et il existe un défaut de proportion très
manifeste entre le volume des membres aux différentes hau-
teurs. Ainsi, à partir de la saillie du mollet, la jambe va
s'amincissant beaucoup moins qu'à l'état normal.
D'ailleurs, dans quelque partie du corps que l'on envisage le
tégument, ce dernier présente une fausse apparence d'oedème
sans cupule à la pression du doigt, nulle part mieux marquée
qu'à la face; une coloration blanchâtre, un peu cireuse dans
certaines régions ; un état de sécheresse et de rudesse très
marqué. La sécrétion sudorale est fortement diminuée : la
malade ne sue, d'une façon un peu notable, que sous les ais-
selles. La sensibilité cutanée ne parait pas actuellement
émoussée, au moins d'une façon appréciable. Les organes
internes paraissent sains. A l'auscultation du coeur, on trouve
un bruit de souffle anémique à la base, qui se propage dans les
vaisseaux du cou. La quantité d'urine rendue dans les vingt-
quatre heures est normale. Cette urine (d= 1013- 1030), même
fraîche, présente une légère réaction alcaline et laisse déposer,
au bout d'un certain temps, un précipité muqueux assez abon-
dant, qui ne présente au microscope aucun caractère bien par-
ticulier. Cet état de l'urine est dû probablement à un peu de
catarrhe vésical. La quantité d'urée excrétée dans les vingt-
quatre heures parait diminuée. L'analyse n'a mêlé que
1 \ grammes dans les urines rendues du 25 au 26 février. Il
n'existe d'ailleurs aucune trace d'albumine. Le thermomètre
a donné les résultats suivants :
22 février (3 h., soir), la température ambiante étant 19° c.
If4S PATHOLOGIE NERVEUSE.
J tCUf'Le)' ( 11 : SOlI'), Z. AX. l11 ? ?
ts féanLèr (10 li, matin), '1. : lx., 36 ?
27 février (matin), T. Ax., 36°,8. ? S fëcrLèr (3 h. soir), 'l'. Aa., 37°,2.
En présence de ces chiffres, il serait difficile de conclure à
un véritable abaissement de la température périphérique.
En prévision d'antécédents syphilitiques, on avait institué,
quelque temps après son entrée à la clinique, un traitement
spécifique. Pendant environ trois semaines, Honorine prit de
la liqueur de Yan Svvieten et de l'iodure de potassium. Mais ce
traitement, loin d'amener une amélioration, paraissait augmen-
ter la faiblesse générale. Aussi, et comme d'autre part il n'exis-
tait pas de raison bien probante pour l'existence d'une syphilis
antérieure, ce traitement fut remplacé par des préparations
toniques et ferrugineuses (vin do quinquina, peroxychlorure de
fer, etc.). Il en résulta promptement une amélioration réelle
dans l'état général de la malade.
Cette observation présente plusieurs particularités
remarquables : l'intensité des phénomènes nerveux ;
la marche de l'affection, procédant, pour ainsi dire,
par deux poussées successives que sépare un inter-
valle de temps assez notable, sont des faits qui nous
paraissent mériter une attention spéciale. D'autre part
l'histoire de notre malade parait justifier complètement
la théorie de Ord. Elle indique en effet une subordi-
nation complète des troubles nerveux aux lésions cuta-
nées. Les troubles nerveux vont croissant à mesure
que se développent les lésions cutanées, a tel point
qu'il survient une véritable aliénation mentale avec
délire des persécutions. Puis, on voit ces troubles
psychiques et nerveux s'amender progressivement et
arriver à une guérison complète, à mesure que s'amé-
liore l'état des téguments. Une particularité non moins
intéressante est l'efficacité de la médication tonique et
ferrugineuse qui, toutes les fois qu'elle a été mise en
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 1 19
usage, a donné d'excellents résultats. Il existe évidem-
ment ici plus qu'une simple coïncidence. Des effets
analogues ont été obtenus d'ailleurs dans d'autres cas,
en particulier par Botirneville et d'Olier sur leur
malade. Enfin l'amélioration qui se trouve notée dans
plusieurs observations ne paraît nulle part aussi mar-
quée que chez notre malade.
Nous avons adopté la dénomination de « cachexie
pac7aderrzz jue » , créée par 31. Charcot, parce qu'elle nous
paraît de beaucoup la meilleure. L'état de cachexie
que présentent tous les malades, est un élément tout
aussi important, tout aussi caractéristique que l'altéra-
lion tégumentaire. Comme dans toutes les cachexies,
l'affection porte non seulement sur un système, mais
sur l'ensemble de l'économie et les médications actives
sont celles qui modifient avantageusement l'ensemble
de l'organisme. Enfin, comme on l'a déjà fait remar-
quer, l'expression cachexie pachydermique ne préjuge
rien sur la nature de l'affection et a l'avantage de rap-
peler la forme particulière des extrémités des membres.
Les observations de cachexie pach) dermique publiées
jusqu'à .ce jour permettent de connaître la maladie
dans ses traits principaux, niais les documents sont
encore insuffisants pour édifier une histoire clinique
complète. Cependant, les observations nouvelles ont
considérablement élargi le cadre primitif de la ma-
ladie.
W. Gull pensait que l'affection était propre à l'âge
adulte et à la femme. Mais les observations publiées
successivement par Savage, Charcot, Bourneville, et
d'Olier, Th. Inglis, montrèrent que les hommes pou-
vaient eux aussi être atteints. D'autres faits ont établi
150 PATHOLOGIE NERVEUSE.
que l'affection pouvait débuter chez l'enfant. Enfin, si
la cachexie pachydermique est beaucoup plus com-
mune chez la femme et présente son maximum de fré-
quence après trente ans, il n'existe aucun cas ayant
débuté chez le vieillard.
L'étiologie est encore très obscure. Dans aucun cas,
l'affection n'était héréditaire. Du côté de l'hérédité,
certaines observations parlent d'antécédents nerveux,
tels qu'apoplexie ou folie. Comme antécédents person-
nels, on ne peut guère signaler que des causes banales :
chagrins domestiques, émotions, fatigues excessives.
Chez plusieurs femmes, il y avait eu un nombre consi-
dérable de grossesses ou de fausses couches. La mala-
die peut survenir chez des personnes ayant toujours
joui d'une bonne santé. Enfin on ne connaît absolu-
ment rien de l'influence des diathcses, des climats et
des saisons.
Quand la maladie est confirmée, ce qui frappe t
première vue, c'est l'aspect oedémateux de la face, qui
suscite immédiatement l'idée d'une néphrite chro-
nique. Cet oedème est particulièrement marqué au
niveau des paupières, des lèvres et des joues. Les pau-
pières sont gonflées, ridées, souvent comme transpa-
rentes. Les lèvres sont épaissies, renversées en dehors,
particulièrement la lèvre inférieure. Le nez est charnu,
épaté, avec narines largement dilatées. Sur le reste de
la face, l'oedème est plus ou moins marqué; au niveau
du front, on l'a vu n'exister que par plaques. Il peut
aussi être plus accentué d'un côté que de l'autre, ce
qui entraîne une asymétrie faciale plus ou moins
notable. Loin de prédominer aux parties déclives, il
est ordinairement plus net sur les côtés. Nulle part la
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 151
peau ne conserve l'empreinte du doigt. Les rides sont
très accusées, particulièrement au niveau du front. La
peau de la face présente une teinte cireuse, sur laquelle
tranche habituellement une vive coloration des pom-
mettes. Enfin la physionomie est sans expression, ou
présente une expression particulière : elle dénote alors
la tranquillité, la tristesse ou l'hébétude. Dans certains
cas, on pourrait croire que la figure du malade est
recouverte d'un masque.
Dans plusieurs observations on a signalé la chute
des cheveux et des poils au début de la maladie. On
a même constaté de véritables troubles trophiques du
système pileux. Les cheveux et les poils perdent leur
éclat, deviennent laineux, plus fragiles. Des troubles
trophiques analogues ont même été constatés du côté
des ongles, qui deviennent cassants, rabougris et
peuvent se détacher.
La langue est habituellement large, épaisse et peut
môme paraître trop grande pour la bouche. La mu-
queuse buccale et pharyngienne est d'ailleurs gonflée,
mais non congestionnée, par suite de son infiltration
par l'exsudat muqueux. Dans quelques cas, les dents
se trouvaient en mauvais état, étaient fragiles, cariées,
tombaient.
Au cou, l'infiltration mucoïde'détermine des rides
profondes sur la nuque. En avant, l'état du corps thy-
roïde est très intéressant. Presque constamment dimi-
nué de volume, quelquefois il n'atteint pas le quart de
ses dimensions ordinaires et, dans certains cas, il a été
impossible d'en trouver trace a la palpation. D'ailleurs
la recherche du corps thyroïde est rendue difficile par
le gonflement des téguments. Du côté des membres,
152 PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'infiltration cutanée et sous-cutanée détermine la plu-
part du temps des déformations caractéristiques. Les
membres sont tranformés « en véritables colonnes
pesantes, arrondies, sans grâce ». Les mains sont
larges, grossières, les doigts élargis en forme de
massue ; le tout rappelle plus ou moins la forme d'une
bêche ou l'extrémité d'un pachyderme. Les pieds pré-
sentent une déformation analogue et une apparence
oedémateuse. Biais, ici comme partout ailleurs, il ne
s'agit pas d'un oedème ordinaire, mais de cet oedème
spécial, solide, dont nous avons déjà décrit les carac-
tères. Cet oedème peut être d'ailleurs plus marqué d'un
côté que de l'autre au niveau des membres.
Sur le tronc, on observe toujours ce même gonfle-
ment, plus ou moins marqué. Les téguments sont ten-
dus, font corps avec les parties profondes, et il est très
difficile d'y faire un pli. Les mamelles sont dures,
gonflées. Dans plusieurs observations, on a signalé
la présence de tumeurs molles, quelquefois même
tremblottantes, qui s'étaient développées dans la peau
de la face, du crâne et du tronc. Du côté des organes
génitaux, on a noté un gonflement de la vulve et du
museau de tanche; mais ce fait doit être rare. La
muqueuse inférieure du rectum peut être gonflée au
point de gêner la défécation (D' Ord, Bourneviue).
Sur toute l'étendue du corps, la peau est sèche,
rugueuse, écailleuse même sur certaines parties, parti-
culièrement au niveau des mains et des pieds. Les
malades suent peu ou même pas du tout; la sécrétion
sébacée est tarie. Il existe des sensations anormales du
côté des téguments : fourmillements, picotements,
sensation de froid, de brûlure, de torsion des chairs.
- DE H CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 153
La sensibilité cutanée est très souvent émoussée. Les
malades sont en général très frileux. La température
des téguments et de l'aisselle est habituellement au-
dessous de la normale. Cette diminution de la tempé-
rature parait coïncider avec une diminution dans les
échanges organiques : toutes les fois qu'on a procédé
à l'analyse des urines, on a trouvé une diminution
dans la quantité d'urée excrétée dans les 24 heures.
Les organes internes restent d'ailleurs parfaitement
sains et les urines ne contiennent pas d'albumine.
Quant aux troubles digestifs signalés dans plusieurs
observations, ils ne relèvent pas forcément de l'infil-
tration iiiucoïde de la muqueuse gastro-intestinale; on
pourrait très bien les rattacher, dans la plupart des cas,
à l'anémie profonde, à la cachexie concomitante. La
constipation est habituelle, entretenue peut-être par la
diminution des sécrétions intestinales. La menstruation
est difficile et irrégulière ; on signale ordinairement
de l'aménorrhée. Signalons aussi une certaine gêne de
la respiration pouvant aller jusqu'à une sensation de
dyspnée véritable.
La voix a un timbre spécial ; elle est comme en-
rouée, nasillarde, 31. Ord l'a comparée à la voix pha-
ryngée du début de l'amygdalite. Les réponses sont
tentes, monotones, comme traînées. Particulièrement
gêné le matin (Th. Ingtis), le langage rappelle quel-
quefois le débit d'un hémiplégique ou l'articulation
embarrassée de l'épileptique. Cet état du langage
s'accompagne de lenteur corporelle et de torpeur
intellectuelle. Les actes les plus simples sont exécutés
avec lenteur, on dirait même souvent avec effort. La
préhension peut être faible, difficile; les mains sont
1 ') 19. PATHOLOGIE NERVEUSE.
inhabiles, particulièrement pour ce qui concerne les
travaux, délicats, tels que le travail à l'aiguille. La
démarche est quelquefois décidée, précipitée même et
ne présente alors rien de bien particulier; mais sou-
vent' aussi elle est lente, hésitante, vacillante; sans
qu'il y ait hésitation proprement dite, le malade n'ose
pas s'aventurer à traverser une rue : il y a ta quelque
chose qui rappelle l'agoraphobie. Ingiis compare la
démarche d'un de ses malades à celle d'un canard. On
peut observer aussi une certaine difficulté i garder
l'équilibre, ou à se relever après une chute. Ces phé-
nomènes peuvent coexister d'ailleurs avec une diminu-
tion de la force musculaire et de l'excitabilité galva-
nique des muscles. Dans le cas cité par IIammond, il
y avait des symptômes d'ataxie locomotrice avec anes-
thésie plantaire, ce qui rendait la marche très difficile,
particulièrement avec les yeux fermés.
Les facultés psychiques peuvent être intactes; mais,
même dans ce cas, on observe habituellement une tor-
peur intellectuelle plus ou moins marquée. Cette len-
teur dans les actes et les réponses, sur laquelle nous
venons d'insister, n'est elle-même que le résultat de la
lenteur avec laquelle s'accomplissent toutes les fiteuliés
intellectuelles. Les malades paraissent indifférents à ce
qui se passe autour d'eux. Peu soucieux d'exercer leur
esprit ou leur corps, ils restent plongés dans un état
de somnolence presque continuel. Le moindre effort
intellectuel semble être une source de fatigue. Cepen-
dant, lorsqu'on les met en colère, ils sortent de cet
état d'inertie : la parole et les actes prennent une
vivacité inaccoutumée. Ils deviennent capable ? d'efforts
extraordinaires, fémoince malade de 31. Charcot qui sou-
DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 155
levait sept boisseaux de pommes de terre de chaque
main. Quelquefois les facultés psychiques sont sérieu-
sement atteintes. La mémoire est imparfaite, particu-
lièrement en ce qui concerne les faits récents, ou même
toutes les facultés intellectuelles sont affaiblies, ob-
tuses, dégradées : le malade répond difficilement aux
questions les plus simples, il échoue devant l'opéra-
tion la plus simple de l'arithmétique (Hammond).
Enfin on peut voir survenir un véritable état d'aliéna-
tion mentale avec ou sans illusions et hallucinations
des sens spéciaux, ('/est ainsi qu'on a observé de la
mélancolie, un état de manie avec violence et inco-
hérence du langage pendant la nuit, et même un
véritable délire des persécutions.
Tous les malades sont pâles, languissants. Les trou-
bles variés des téguments et du système nerveux s'ac-
compagnent d'une anémie profonde, d'une cachexie
véritable. Aussi serait-il fort intéressant de faire des
analyses du sang et de compter les globules. C'est une
lacune à combler, ainsi que l'a fait remarquer Thaon.
Si, dans tous les cas de cachexie pachydermique, on
observe une triade symptomatique constante : anémie
profonde, lésions tégumentaires et troubles nerveux,
on peut dire aussi que, sur ce fond morbide commun,
on peut rencontrer des formes très variées. Ceci s'ap-
plique tout particulièrement aux troubles du système
nerveux. Véritable prothée, la maladie peut réaliser la
symptomatologie du système nerveux tout entier. Trou-
bles de la motilité, troubles de la sensibilité générale et
spéciale, symptômes do l'ataxie locomotrice, troubles
psychiques depuis les plus légers jusqu'aux plus graves,
tout a été observé. Le système nerveux tout entier peut
156 PATHOLOGIE NERVEUSE.
donc être en cause dans la cachexie pachydermique.
Doit-onenconclure, comme l'ont fait quelques auteurs,
à l'existence de lésions portant sur ce système ? L'exis-
tence de ces lésions peut paraître très vraisemblable,
mais il ne faut pas oublier qu'elles n'ont encore été
constatées par personne. Il faut attendre à cet égard
le résultat de nouvelles autopsies. En tout cas, ces
lésions ne sont pas indispensables pour expliquer la
majeure partie des troubles nerveux et particulière-
ment les troubles psychiques. les immenses
progrès réalisés par le microscope, n'est-on pas obligé,
en clinique mentale, d'invoquer à chaque pas l'alté-
ration fonctionnelle ? D'autre part, doit-on, avec Ord,
subordonner absolument tous les troubles psychiques
aux lésions cutanées ? Accepté dans toute sa rigueur,
ce principe serait faux. Il est incontestable que les trou-
bles psychiques observés peuvent être indépendants
des lésions tégumentaires, puisqu'on les a vus consti-
tuer les premiers symptômes de la maladie. Biais il
nous semble non moins raisonnable d'admettre que,
dans certains cas, les altérations tégumentaires puis-
sent devenir l'origine d'idées délirantes. Ne voit-on
pas souvent des aliénés en pleine période de calme,
être pris tout à coup d'idées délirantes, particulière-
ment d'idées de persécution, à l'occasion d'un embar-
ras gastrique, par exemple. Ils trouvent à toutes les
substances ingérées un goût mauvais, atroce, et s'ima-
ginent par suite que ces aliments sont falsifiés ou
qu'une main criminelle a dû y répandre du poison. Il
en résulte des idées nouvelles d'empoisonnement, de
persécution, qui disparaissent lorsque la muqueuse
digestive revient à l'état normal. Des faits identiques
Ll : L.1 C.ICHls1111 l'1CHI1)l : Lt\Ilt,Ul : . 157
se passent dans la cachexie pachydermique. L'infiltra-
tion des téguments externes ou internes entraîne des
troubles fonctionnels analogues, suivis des mêmes trou-
bles psychiques. Sans doute, il faut un élément de plus
pour que la lésion périphérique provoque une idée déli-
rante. Il faut que l'impression périphérique mauvaise
aboutisse à un cerveau disposé à la recevoir et à la
transformer d'une manière spéciale, incorrecte. Mais,
il n'eu est pas moins vrai que c'est à l'occasion de
cette impression périphérique que se manifestera l'idée
délirante. Des faits de ce genre ont d'ailleurs été notés,
non seulement dans la cachexie pachydermique, mais
encore dans des maladies telles que la sclérodermie,
qui entraînent une altération profonde des téguments.
Ne trouve-t-on pas ici l'exemple de cette influence ré-
ciproque et intime qu'exercent l'un sur l'autre le tégu-
ment et les centres nerveux, et qui reste comme le
souvenir de leur communauté d'origine ?
La cachexie pachydermique est une espèce nosolo-
gique nettement définie et que l'on distingue facile-
ment des états morbides tels que les affections car-
diaques ou rénales, la polysarcie, la sclérodermie, etc.
31. Charcot affirme mèmeLLque la physionomie des ma-
lades est si caractéristique qu'une fois qu'on la connaît,
on la saisit, pour ainsi dire, au vol et l'on n'hésite pas à
porter le diagnostic ».
Quelle place doit occuper le nouvel état morbide
dans le cadre nosologique ? Ici nous reproduirons entiè-
rement les idées émises par notre savant maître dans
une leçon clinique faite à l'occasion de notre malade.
31. le professeur Grasset pense que la cachexie pachy-
dermique trouve sa place naturelle à côté du groupe
158 r ? rnoLOVtL navLOaL.
des sclérodermies, ou mieux, à côté de la sclérodermie
oedémateuse. En effet, si la cachexie pachydermique
s'éfoigneassezdeiascférodactyfieetdefascféroder-
mie ordinaire, il n'en est plus de même pour ce qui
concerne la sclérodermie oedémateuse. Dans la scléro-
dermie oedonateuse, comme dans la cachexie pachy-
dermique, la lésion prédomine dans le tissu conjonctif
sous-cutané; elle ne diffère que par la nature de l'ee-
dème. Dans les deux cas la peau présente des altéra-
tions. dureté, desquamation en divers points, colo-
ration spéciale, troubles anesthésiques, abaissement
de la température, diminution des sécrétions sébacées
et sudoripares. Enfin, dans la sclérodermie, on a pu
observer comme dans la cachexie pachydermique des
hallucinations et des troubles psychiques allaiitjusqu'à
un véritable délire systématisé. La sclérodermie oedé-
mateuse serait pour Ïl. Grasset comme le trait d'union
entre la sclérodermie ordinaire et la cachexie pachy-
dermique. Dans l'étal actuel de la science, cette opi-
nion nous paraît la plus vraisemblable.
La marche de l'affection est ordinairement lente; il
est souvent difficile de préciser le début. Dans quel-
ques cas rares, le début a été brusque : la maladie s'est
annoncée par des frissons violents (cas de M. Charcot)
ou par une hématurie (cas de Ord). Presque tou-
jours l'évolution est progressive. On a pu cependant
observer de l'amélioration et même une amélioration
très notable. La malade peut succomber aux progrès
de la cachexie ou à une maladie intercurrente. L'affec-
tion n'est peut-être pas incompatible avec une longue
existence. En tout cas, les données manquent : jusqu'ici
on n'a encore suivi que deux malades jusqu'à la mort.
DE LA CACHEXIE P U ll\ DERM1QUL. 159 i)
Nous voici arrivés au traitement : « Il est remarqua-
ble, dit Thaon, que toutes les médications internes
échouent ou soient mal tolérées; est-ce dû à l'accumu-
lation des médicaments, qui est bien vite atteinte, par
suite de l'imperméabilité de la peau fermée à toute
excrétion ? ou bien est-ce dû à l'état de dyspepsie, si
fréquent chez ces malades ? Il n'en est heureusement
pas toujours ainsi. Dans quelques cas les préparations
toniques et ferrugineuses ont donné des résultats très
satisfaisants. » Notre observation semble particulière-
ment remarquable sous ce rapport. En dehors du fer,
du quinquina, les bains d'air chaud, les frictions, les
massages, les bains sulfureux pris à domicile ou mieux
dans une station thermale, comme Aix en Savoie, sont
parfaitement indiqués. Thaon insiste « sur les avan-
tages du séjour dans un climat sec, tempéré, tonique
et bien ensoleillé, tel que celui de Nice. Dans ces con-
ditions les malades peuvent sortir tous les jours; ils
peuvent rester exposés à l'air le plus longtemps pos-
sible ; ils peuvent prendre de'véritables bains de soleil
qui agissent sur l'hémoglobine du sang et sur les nerfs,
autant par les rayons caloriques que par les rayons
chimiques'. »
'Depuis que co tuuail nous a été adressé, (10 ]IL) 11\ et LI.\ l,tllb ont été
lulili6; i\I. l)lame uu .v f,t`t lc résumt;, quu t`uua pulUieruua p`uclt,`tnu-
`uenl. (1'ote cle la eclactaou.)
CLINIQUE NERVEUSE
\Ol'RS I'O(;lt aCR\'Ili .1 L'lll : i'l'olNl; DG I, Hl-STI : Fto-CP1LI,L'SIE ! 'd)( ? b'm<E.
Dans cette courte étude, nous avons seulement
voulu appeler l'attention sur quelques particularités
peu connues ou rares de la grande hystérie. Nous
n'avons en vue qu'une description épisodique, et
nous nous renfermerons dans l'exposition de quelques
faits que nous avons eus sous les yeux dans le service
de M. Charcot, à la Salpêtrière.
1. - tulioL ii,\ue n ) ? T'r ? u
Nous ne reviendrons pas sur la description classique
désormais, donnée par M. Charcot, de l'attaque d'hys-
téro-épilepsie avec ses trois phases épileptoïde, des
contorsions et des attitudes passionnelles ou de délire;
nous rappellerons seulement que la deuxième période
est ordinairement caractérisée par des contorsions
plus ou moins variables, par de grands mouvements
constitués par des alternatives de flexion et d'ex-
tension du tronc suivant l'axe longitudinal du
corps; l'arc de cercle à convexité ventrale est
un épisode des plus communs de cette période. La
de L'HYS'l'BItO-1'ILEPSIi : . Kil I
malade qui fait le sujet de l'observation qu'on va lire
nous montre une période de grands mouvements qui i
diffère sensiblement du type ordinaire.
V... (Caroline), âgée de vingt-quatre ans, est entrée le
5 décembre 1880 à la Salpêtrière, salle Sainte-Laure, n° G
(service de M. Charcot).
Antécédents héréditaires . V... est issue d'une union illé-
gitime. Sa mère n'avait que quinze ans quand elle devint
enceinte, et aurait eu une fièvre cérébrale ( ? ) pendant sa
grossesse ; elle était rhumatisante et sujette à des attaques coii-
vulsives et à des elourdissemenls ; elle est tombée dans le feu
et porte à la face et sur le corps des traces de brûlures ; elle se
mord la langue dans ses accès qui se sont répétés à peu près
tous les jours, au moins pendant une certaine période. Le
père, qui a disparu depuis plusieurs années, n'aurait jamais eu
d'accidents nerveux. Il en serait de même des trois frères qui
sont connus de la malade. Une tante maternelle se porte
bien et n'a pas d'attaques.
Antécédents personnels. - Dès les premiers jours qui ont
suivi sa naissance, V... aurait eu des convulsions (pas de
sillons dentaires). Elle aurait eu, toute jeune encore, une an-
gine couenneuse suivie de rougeole, et vers sept ou huit ans
une scarlatine.
A l'âge de neuf ans, un jour que son père battait sa mère,
elle eut une grande peur et c'est alors qu'elle commença à
avoir des crises nerveuses. Pendant quatre ans, elle eut tous
les jours dos attaques nerveuses qui ne se produisaient pas à
des heures fixes , mais en toute circonstance nuit et jour. Ces
attaques, avec porto de connaissance dès le début, commen-
çaient par le bras gauche qui, allongé le long du corps et la
main fermée et fléchie, se tordait en arrière et en dehors. Il
n'est pas établi que pendant ces accès elle se fut mordu la
langue, mais elle pissait au lit à toutes les fois.
Vers dix ans, un an après les premières attaques, elle aurait
eu une fièvre cérébrale. Elle a été réglée à treize ans. A partir
de ce moment, elle cessa d'avoir des attaques tous les jours ;
ses crises changèrent de caractère et devinrent semblables
à celles qu'elle a aujourd'hui. Elle est prévenue qu'elle va être
prise. Si, dans la rue, elle se sent malade, elle a le temps de se
162 CL1N1QLE KERMiUSK.
réfugier quelque part, 'de dégrafer ses \ éléments, de choisir sa
place pour tomber. Ses attaques, d'abord rares, devinrentbieutôt
extrêmement fréquentes et se répétèrent vingt à vingt-cinq fois
par jour depuis l'âge de treize ans jusqu'à vingt- trois.
Depuis que cette nouvelle espèce d'attaques se produit, elle
éprouve une douleur continue dans le bas-ventre des deux
côtés; mais quand l'attaque va venir, la douleur augmente,
principalement du côté gauche, et en même temps, elle a une
sensation déboule qui remonte de l'épigastre vers lagorge. En
tout temps elle a des battements, quelque chose qui cogne,
dans les deux tempes, sans recrudescences au moment des at-
taques. Elle était toujours bien plus souffrante au moment de
ses règles.
Elle vint à Paris, il y a deux ans, entra à l'Hôtel-Dieu où
elle resta un mois ou deux. Sous l'influence de l'éther, de la
morphine, du bromure de potassium, ses attaques ont
diminué considérablement de fréquence depuis cette époque.
Elle fut envoyée à la Salpètrière, où elle ne resta que quelques
mois dans un service d'aliénées, bien qu'elle n'eût jamais eu
qu'un délire inoffensif à la suite de ses attaques. Au bout de
cinq ou six mois, elle quitta l'hospice. Elle vécut pendant neuf
mois avec un jeune homme qu'elle finit par quitter cause de
ses accès, elle rentra chez sa mère ; mais au bout de quelque
temps (décembre 1880), elle tomba sur la voie publique, fut
portée à l'Hôtel-Dieu et c'est de là qu'elle est revenue à la Sal-
pètrière où elle est entrée le cinq décembre 1880.
Étal actuel. Elle est d'une intelligence très médiocre, a
peu de mémoire, mais elle est laborieuse, aide aux travaux du
ménage; et parait sincère. Elle est très irritable, sujette à
des accès de colère, ou boude facilement. Elle mange très peu
et offre quelque dépravation du goût. Elle recherche les mets
vinaigrés ; elle aurait bu un jour un litre de vinaigre. Elle est
du reste assez bien constituée et ne présente aucun vice de
conformation ; elle est d'une bonne santé habituelle.
Elle est toujours réglée très abondamment; quelquefois elle
perd pendant quinze jours. De temps en temps, elle a des
métrorrhagies intercalaires.
Depuis que ses attaques sont moins fréquentes, elle souffre
davantage dans le ventre.
Quatre ou cinq jours avant d'être prise, elle se sent mal à
son aise et, vers le soir surtout, elle est agitée, elle dort mal et
17E L'HYS'fERO-EI'ILLL'SIE. 163
son sommeil est troublé par des rêves. Il nous est arrivé un joui',
pendant qu'elle était dans cet état, de provoquer un accès par
pression sur un de ses points hystérogénes, elle s'est trouvée
déchargée du coup, s'est trouvée mieux ensuite et n'a pas eu
d'attaque spontanée : le 8 mars, à la fin de ses règles, elle était
agitée ; j'ai provoqué une série d'attaques par la pression
sur son point vertébral, elle n'a pas eu de nouvelle série jus-
qu'au 5 avril.
Toutes les nuits, elle rêve ; mais les rêves n'ont aucun carac-
tère effrayant et ne sont pas uniformes ; le plus généralement,
il s'agit de sa famille.
Depuis un au environ, ses attaques ne se produisent que
presque toutes les trois semaines ou un mois, le plus souvent
avant ou pendant ou après ses règles ou sesmétrorrhagies ; ainsi
elle a une série de cinq attaques le 3 janvier, ses règles viennent
le 3 et ce jour là encore elle a quatre attaques ; elle a une
métrorrhagie le 30 du même mois, elle avait eu quatorze
attaques la veille et quatre ce jour là, mais elle avait eu d'au-
tres séries le 6 et le 8; au mois de février, elle a ses règles
le 3, et elle a une série le 6 et le 7, et est tranquille tout
le reste du mois ; au mois d'avril, elle a une série le jour des
règles.
Elle a commencé à avoir des rapports sexuels vers dix-
huit ans, et IL'a jamais remarqué qu'ils eussent aucune in-
Iluence sur ses convulsions ; pendant sa dernière aventure, les
attaques n'étaient pas plus fréquentes que maintenant; les
attaques se produisent toujours le jour, elle n'en a jamais eu
la nuit.
Sensibilité générale. Dans l'intervalle des attaques, elle
est hémi-anesthésique gauche, elle ne sent ni le contact,
ni la piqûre, ni le froid, mais elle sent la pression sur les parties
profondes, et le sens musculaire est conservé. L'anesthésie
cutanée n'est d'ailleurs pas limitée exactement à la ligne
médiane : il existe une plaque sensible de la largeur de la main
à la limite des régions dorsale et lombaire, s'étendant latérale-
ment le long des dernières côtes pour aller se confondre avec
une autre plaque un peu moins étendue située en dehors et au-
dessous du sein gauche ; autour du nombril, il existe encore
une plaque semblable de la largeur de la paume de la main.
Vision. En raison du peu d'intelligence de la malade, qui
ne sait pas reconnaître même les lettres, il est difficile d'ap-
164 CLINIQUE NERVEUSE.
précier au juste son acuité visuelle et l'étendue de son champ
visuel qui parait toutefois rétréci surtout du côté gauche. Elle
voit toutes les couleurs des deux yeux, mais elle est incapable de
différencier les nuances d'une même couleur '.
Les deux conjonctives sont insensibles, les cornées ont
conservé leur sensibilité.
Ouïe. Elle entend moins bien la montre du côté gauche.
Odorat. Conservé des deux côtés ; sensibilité tactile con-
servée dans les deux narines. (Examen avec l'éthcr.)
Goût. Égal des deux côtés ; insensibilité du voile du palais.
(Examen avec.la coloquinte.)
Pendant les attaques l'insensibilité, est totale et complète.
A toutes les périodes, on peut mettre le doigt au contact de
la cornée, sans que la pupille change de direction, ce dont on se
rend très bien compte en tenant l'autre- oeil ouvert. Cette
insensibilité parait même quelquefois persister au moment où
la malade a déjà repris connaissance, quand elle s'asseoit et
demande à boire ; un jour, au moment où elle saisissait le verre,
j'ai pu lui mettrele doigt sur la cornée sans que l'oeil se ferme
et sans que le regard change de direction.
Points hystéîogèiîes 1° sur la 6° côte gauche vers le bord
externe du thorax ; 2° sur les apophyses épineuses de la
12, dorsale et de la 1° lombaire.
La pression sur la région ovarienne gauche arrête les attaques
qui sont prévenues par la pression du bandage à ressort.
V... tombe en catalepsie au bruit du gong. Elle s'endort assez
difficilement par la fixité du regard ; du reste dans l'hypnotisme,
elle n'offre pas d'hyperexcitabilité réflexe notable; mais les
réflexes tendineux sont exagérés ; pas de somnambulisme pro-
voqué. Elle s'endort les yeux convulsés en haut; on nepeutpas
découvrir la pupille, et par conséquent provoquer de catalepsie
dans cet état.
Description de l'attaque. Que l'attaque soit spontanée ou
provoquée, elle se présente toujours avec le même caractère. Si
elle est debout au moment où elle est prise, elle s'affaisse, puis
s'étend de tout son long. Si elle est couchée, les paupières
se mettent à battre très rapidement; le tronc et la tète se
1 Nous ferons remarquer à ce propos que certaines hystériques qui
semblent avoir perdu la vision d'une couleur, peuvent cependant voir
certaines nuances de cette couleur; ce sont tantôt les nuances claires,
tantôt les nuances sombres dont la vision aurait persisté.
DE 1,'HYSTRO-ÙPI lE PSI E. 165
tournent le plus souvent vers la droite, quelquefois vers la
gauche. Le bras droit est dans la flexion, le gauche dans
l'extension est animé d'un petit mouvement de trépidation;
puis la partie inférieure du corps se tourne du même côté.
Elle enfonce le nez dans l'oreiller, s'arrête un instant, puis le
corps tout d'une pièce se porte brusquement du côté opposé
en tournant autour de son axe longitudinal, puis reprend avec
la même brusquerie sa position primitive, et ainsi de suite.
Elle fait ainsi une douzaine de demi-rotations avec une grande
rapidité et une grande violence ; quelquefois elle se heurte le
visage avec une telle force sur son oreiller qu'elle a des
épistaxis. Quand ce mouvement de roulis s'arrête, elle reste
un instant d'aplomb sur le dos, puis le tronc se lève assez
posément, se fléchit sur le bassin pour faire avec les membres
supérieurs étendus un angle de 45° environ ; elle se rejette brus-
quement en arrière, la tête sur l'oreiller ; elle recommence cette
espèce de mouvement de tangage deux ou trois fois. Revenue
dans la poistion horizontale, elle se frappe trois ou quatre fois
la poitrine avec ses deux poings, ensuite elle allonge les deux
bras sur les côtés du corps et frappe sur le matelas aussi trois
ou quatre coups.
Quelquefois le bras droit reste immobile dans la demi-flexion
et le bras gauche bat seul le matelas.
Cette série de mouvements terminée, elle pousse quelques
cris, fait entendre une sorte d'aboiement, et fait quelques
fortes inspirations.
Le plus souvent elle recommence immédiatement son mouve-
ment de roulis sans passer parla phase épileptoïde du début,
et fait aussi des séries de mouvements analogues à ceux que
nous venons de décrire et se succédant avec une régularité d'au-
tomate. Enfin les grands mouvements cessent, elle se met à se
gratter violemment la tête avec ses deux mains, s'ébouriffe, se
tourne de côté et d'autre, crie : «Ah ! ah ! ah ! », regarde autour
d'elle sans voir ce qui se passe et sans avoir recouvré ses sens;
on peut quelquefois lui porter le doigt sur la cornée sans que son
oeil se dévie; puis, couchée sur le côté, en chien de fusil, elle
appelle : « Maman ! Léon ! Léon ! (son amant)... mon Dieu...
Eh ! Odile (sa soeur), Odile, Odile. Oh ! Maman. Cochons de
Prussiens, saleté... », fait des gestes de répugnance et d'hor-
reur. Tout d'un coup, elle s'asseoit, se gratte la tête à deux
mains, regarde fixement, demande « à boire, à boire », tou-
166 CLINIQUE NERVEUSE.
jours sans avoir repris ses sens, comme le montre l'insensibi-
lité de la cornée.
On lui présente un verre d'eau qu'elle boit avidement. Elle
se met à genoux sur son lit, arrange ses oreillers, se couche sur
le côté droit et s'endort bientôt.
Les attaques se sont présentées par séries de le à 1 depuis
qu'elle est soumise à notre observation et toutes se ressemblent.
Dans les séries d'attaques, c'est-à-dire lorsqu'on est prévenu
qu'uneautre attaqueva seproduire, onpeutconstater qu'a l'ins-
tant qui précède le premier battement des paupières, la pupille
est étroite, elle se dilate dès que les mouvements commencent
et la dilatation reste à son maximum jusqu'à la fin do l'at-
taque ; elle revient ensuite lentement à l'état normal.
Cette observation présente plusieurs faits intéressants
à noter. Les attaques dontV... a été atteinte de neuf à
treize ans semblent bien avoir été des attaques d'épilepsie
auxquelles la malade était d'ailleurs prédisposée par
l'hérédité; au moment de l'établissement de la mens-
truation, ces attaques se sont transformées et ont pris
les caractères des attaques d'hystéro-épilepsie. Jamais,
depuis qu'elle est réglée, elle n'a eu d'attaque ressem-
blant à celles qu'elle avait étant enfant. Cette substi-
tution est bien propre à montrer le rôle de l'évolution
des organes génitaux dans le développement de la
névrose qui nous occupe.
Nous ne ferons quesigna)er)'irréguiari<éde)'hémia-
nesthésie, qui est interrompue par des plaques sen-
sibles, dont deux s'étendent autour de points hysté-
rogènes, et la troisième indépendante.
Mais nous appellerons plus particulièrement l'atten-
tion sur les caractères spéciaux de la deuxième phase
de l'attaque, de la phase des grands mouvements. On
remarque en effet que ces mouvements, au lieu de se
faire comme d'ordinaire, dans le sens de l'axe
or r.'rr5-swao-rrtr.r·.rrr. 167
longitudinal du corps qui semble se mouvoir soit eu
avant soit en arrière autour d'un axe transversal
passant par le milieu du bassin, se font principalement
en sens inverse, c'est-à-dire que la malade roule
autour de son axe longitudinal. Ces variétés de
l'attaque sont intéressantes à noter, parce qu'elles
peuvent donner l'explication de certaines épidémies de
convulsions en apparence bizarres que l'on ne peut
rattacher à leur véritable cause, si on n'admet qu'un type
unique et immuable.
Il. zona HYSTËRIQUH.
On a cru pouvoir rattacher à l'hystérie certaines
éruptions vésiculaires mal limitées de la peau', qu'on
pourrait, si cette relation était bien démontrée, rappro-
cher des troubles vaso-moteurs, des rougeurs qui
constituent quelquefois de véritables prodromes
de l'attaque '. Mais nous voulons seulement appeler
l'attention sur une manifestation cutanée qui ne nous
paraît pas avoir été encore signalée, nous voulons
parler du zona hystérique. C'est la malade qui fait le
sujet de l'observation précédente qui en a été atteinte.
Le 3( ! février 1881, V... se plaint d'une douleur dans le côté
gauche de la poitrine, sans toux, sans fièvre, sans fréquence
du pouls. L'auscultation ne révèle aucun bruit morbide, la
percussion donne un son normal au niveau de la région
douloureuse. 11 semble qu'il s'agisse d'une pleurodynie, on
1 Castes. France médicale, 1877.
' Richer. - Études clenigtees sur l'hslBro-Apâlep.cie, 1881, p. 19. -
Ttmrnrwlle t Rrnarrl : 1·onnrTrapirr 1>hnlogrnhkique, t, t, 187f,, p G.
11f1. I I ; I. lll. ISn, p. l'.i.
168 CLINIQUE NERVEUSE.
applique un vésicatoire volant large comme la paume de la
main.
Le 27 la pleurodynie a disparu, et on voit se développer une
zone de sensibilité de 2 centimètres de largeur environ autour
du soulèvement épidermique. Cette zone se confond en bas
avec la zone ordinairement sensible.
Le 1 mars la sensibilité persiste encore sur la surface du vési-
catoire et dans la zone périphérique, mais la malade se plaint
de douleurs brûlantes tellement vives qu'elles lui arrachent des
larmes et siégeant dans la région lombo-abdominale droite par-
tant de la zone hystérogène dorso-lombaire et s'étendant
obliquement suivant la direction des nerfs intercostaux vers la
paroi abdominale antérieure. On n'y voit aucune rougeur,
mais la moindre pression, le contact de la chemise exaspère
les douleurs. , '
Le 2, mêmes douleurs qui empêchent tout sommeil. La
région douloureuse présenté deux plaques rouges, l'une allongée
de douze centimètres environ de longueur sur trois de large, située
au dessus de la crête iliaque et se dirigeant obliquement vers
l'apophyse épineuse de la troisième lombaire; l'autre, moins
longue, située au dessous de la dernière fausse côte etprésentant
la même direction. Cette plaque offre sur certains points une
surface irrégulière comme chagrinée, mais il n'y a nulle part
de vésicules.
Le 3, on voit se développer au centre des plaques rouges,
sous forme de traînées longitudinales, des groupes de vésicules
transparentes. L'éruption est devenue conlluente les jours
suivants et a suivi l'évolution ordinaire du zona; les vésicules
se sont réunies par groupes pour former de petites bulles
irrégulières qui ont laissé des ulcérations superficielles qui se
sont cicatrisées dans l'espace de trois semaines environ
Il reste des cicatrices blanchâtres, et aujourd'hui encore (25
juin) la douleur persiste dans la région occupée par l'éruption.
Il s'agit donc ici d'un zona développé sur le trajet
des nerfs qui ont leur origine au niveau de la zone
hystérogène dorso-lombaire. Il est en outre à re-
marquer que pendant le mois où le zona s'est dé-
veloppé, la malade n'a pas eu d'attaque. La zone hys-
térogène semble avoir déterminé la localisation du
DF 1,'HYSTRO -ÉPI 1,EPSIF. 169
zona, et ce dernier paraît avoir eu une action suspen-
sive sur les manifestations convulsives de l'hystérie.
On pourrait peut-être se rendre compte de la pro-
duction de la névralgie et du zona au niveau d'une
région habituellement sensible ou douloureuse par une
congestion rachidienne localisée (ubi dolor, ibi fluxus)
qui amènerait par la distension des veines une com-
pression des nerfs au niveau de leur sortie du canal
vertébral. D'ailleurs on peut voir le zona se développer
dans d'autres circonstances où, la congestion spinale
peut être incriminée à bon droit; après avoir passé
une après-midi entière à visiter un musée de peinture
toujours debout et dans une position particulièrement t
fatigante un malade, qu'il nous a été donné d'observer
de près, fut pris d'une douleur vive au niveau des
apophyses épineuses des première et seconde vertèbres
lombaires : dans la nuit suivante le développement des
douleurs intenses avec sensation de cuisson sur divers
points du trajet de la branche ilioscrotale gauche, et le
surlendemain ces points douloureux étaient le siège de
groupes [de vésicules d'herpès; le tout a évolué comme
un zona des mieux caractérisés et les douleurs persis-
tent encore au bout de deux ans sur le trajet des nerfs.
III. ANESTUIiSIli ET RHUMATISME AItTICUI.AIRli AIGU.
Les auteurs de {'Iconographie photographique de la
Salpètrière rapportent deux observations danslesquelles
ils ont vu l'anesthésie et les attaques disparaitre à la
dernière période de la phthisie pulmonaire ' ; mais,
1 Rourncullo et Regnnrd. /co7 ! t ? fpo ? N'yMec ? N/-
f/)' ! <'rf,lS7C-)8 ! iO,t.),Uet)n.
170 CLINIQUE NERVEUSE.
il est impossible d'après ces deux faits de décider si
c'est l'épuisement général du sujet qui amène la dis-
parition des troubles nerveux, si la fièvre suffit pour
amener ce résultat, ou si l'amendement des symptômes
propres à l'hystérie est sous l'influence de toute autre
cause. Une hystérique anesthésique a eu l'année
dernière une pleurésie qui a duré cinq semaines, et
pendant laquelle elle est restée sensible depuis les
premiers jours jusqu'à la fin ; ce fait semble indiquer
qu'un épuisement considérable n'est pas nécessaire
pour produire une sédation des troubles hystériques.
La coïncidence de l'hystérie et du rhumatisme
articulaire aigu n'est point rare ; Briquet l'avait déjà
notée et il pensait que le rhumatisme agissait comme
cause prédisposante à cause du traitement antiphlo-
gistique qu'il nécessitait '. Nous avons observé une
attaque de rhumatisme articulaire aigu qui nous
paraît intéressante au point de vue de l'étude de
l'influence de la fièvre sur l'itiestliésie hystérique.
C... (Virginie), dix-huit ans, est entrée à la Salpètrière (ser-
vice de M. Charcot) le 27 novembre 1880.
Antécédents héréditaires. Son père est devenu épileptique
pendant qu'il était au service militaire, il a des grandes et
fréquentes attaques. La mère, morte poitrinaire à vingt-neuf
ans, ne parait pas avoir été nerveuse, mais elle semble avoir
eu plusieurs attaques de rhumatisme. Il est né onze enfants
de ce mariage, six sont morts; il reste cinq filles, notre malade
est la seconde; pas de renseignements sur les autres, sauf sur
l'aînée qui se porte bien. Oncle maternel rhumatisant.
Antécédents personnels. A trois ans, elle aurait eu des
convulsions. Etant enfant, elle a eu des douleurs de croissance.
1 Briquet. Traité clinique rt thérapeutique de <'Av ! /f')';f, )Mf.,
DE 171
Réglée à onze ans. A douze ans, elle a eu une première attaque
de rhumatisme généralisé qui l'a tenue deux mois au lit.
Presque immédiatement après ses premières règles, à onze
ans, elle a eu une première attaque qu'elle ne peut pas bien
définir : elle aurait eu une perte de connaissance qui aurait
duré une demi-heure, elle ne sait pas si elle a eu des convulsions,
elle ne parait pas s'être mordu la langue, ni avoir uriné dans ses
vêtements. A partir de ce moment, elle a eu des attaques
analogues tous les quinze jours ou tous les huit jours.
C'est seulement à partir de quatorze ans qu'elle se souvient
d'attaques analogues à celle qu'elle a aujourd'hui, précédées
de sensation de boule qui remonte du ventre au cou, batte-
ments dans la tempe gauche, chute, convulsions, etc. ; et dès
cette époque on aurait constaté l'anesthésie.
Il y a un an,, elle fut contrariée à propos d'un mariage
qu'elle voulait faire et auquel son père s'est opposé. Elle quitta
la maison et vint à Paris où elle vécut avec son amant. Quelques
jours après son arrivée, elle fut prise des grandes attaques dont
nous sommes témoins depuis son entrée à la Salpètrière.
Étal actuel ( 15 janvier 1881). C... est une blonde assez bien
constituée, elle est maigre et un peu pâle. EUeest sujette à des
battements de coeur et on constate un souflle doux à la pointe
et au premier bruit.
C... est anesthésique totale, elle ne sent ni le contact, ni la
piqûre, ni le froid, ni le chaud, mais elle a conservé le sens
musculaire, elle se tient très bien debout les yeux fermés. Elle
entend un peu moins bien la montre du côté gauche.
Vue. -L'acuité visuel le = 0 gauche, elle est de sept dixièmes
delà normale adroite. Le champ visuel est très rétréci des
deux côtés, mais surtout à gauche où il n'a guère que dix degrés
en moyenne (périmètre de Landolt), tandis qu'à droite il a à
peu près trente degrés sur toute la en conférence; il s'agit d'un
rétrécissement à peu près régulièrement concentrique, un
peu plus prononcé du côté nasal. La vision des couleurs est
complètement abolie à gauche, (,il C... ne voit que gris et blanc
sale. A droite, elle voit toutes les couleurs et toutes les nuances,
sauf le violet qui est w grs et le jaune clair qui est vu blanc
sale.
L'état de la sensibilité oculaire est en rapport avec celui do
la vision. A gauche comme à droite on peut toucher la con-
jonctive sans provoquer aucun réflexe, ni mouvement des pau-
172 CLINIQUE NERVEUSE.
pières ou de l'oeil, ni sécrétion de larmes; mais tandis qu'à
droite, il est impossible de toucher la cornée, sans que l'oeil se
retire immédiatement et sans que les paupières se ferment, à
gauche, on peut conduire au contact de la conjonctive, puis
de la cornée, une bande de papier qui ne produit de réflexe, et
ne détermine l'occlusion des paupières et la rétraction de
l'oeil que lorsqu'elle arrive dans le champ pupillaire. Si, au lieu
de se servir d'un objet mince, on prend pour cette exploration
un objet d'une certaine épaisseur, on peut ne pas obtenir le
même résultat à cause de l'ombre portée, c'est la rétine qui
sent et non la cornée.
Lorsqu'on provoque le transfert soit par l'aimant, soit par
une pile sèche, la cécité des couleurs passe à droite avec l'in-
sensibilité cornéenne.
La région ovarienne gauche est spontanément douloureuse
et sensible à la pression.
Points hyslérogènes. il sur la 12° côte gauche, sur la
partie latérale du tronc ; 2° sur la 7" gauche sous le sein ;
3° au-dessus du sein droit sur la il côte; le, sur les apophyses
épineuses des 6° et 7° vertèbres dorsales.
C..., assez peu intelligente, a le caractère difficile; elle ne s'en-
tend avec aucune de ses camarades, ou si cela lui arrive quel-
quefois c'est pour tramer quelque complot dont elle se tire à
temps pour n'être pas trop compromise. Elle est très difficile à
mener et cherche continuellement à tromper.
Ses attaques ont toujours lieu pendant le jour, elles varient
considérablement de fréquence suivant les mois. Elle en a eu
16 pendant le mois de novembre, 79 pendant le mois de
décembre, 17 pendant le mois de janvier.
Attaques. L'attaque est annoncée par une recrudescence
de la douleur ovarienne, par une sensation de boule qui part de
l'épigastre vers la gorge et redescend une ou deux fois; avec
battements dans les tempes principalement à gauche, et siffle-
ments prédominant aussi dans l'oreille gauche.
Elle tourne la tête à gauche en raidissant le cou qui se
gonfle. A ce moment, on voit que la pupille s'est rétrécie. Les
paupières se mettent à battre sans arrivera l'occlus) on complète.
Les pupilles se dilatent largement, les deux bras le
long du corps et se raidissent, les poings sont fermés les pouces
en dehors, la main légèrement fléchie et dans la rotation en
dedans. Les deux bras battent le matelas, la tète revient dans
DE 173
la rectitude et la malade fait entendre des cris saccadés. Le
bassin fait quelques mouvements rhythmiques de propulsion
pendant que la paroi abdominale est projetée par secousses;
puis le bassin se soulève, la tète se renverse fortement en
arrière, et la malade ne porte plus sur son lit que par levertex
et les talons, le corps forme un axe à convexité ventrale dont
la flèche a 30 ou 0 centimètres. Elle reste ainsi quelques
secondes, puis retombe à plat sur le dos. Elle s'asseoit, regarde
fixement pendant quelques minutes, puis tout rentre dans
l'ordre,ou l'attaque recommence pour former une série plus ou
moins longue. Pondant cette phase de regard fixe, qui constitue
chez C... la phase du délire ou des attitudes passionnelles, on
remarque que la pupille, sous la même lumière, se rétrécit et se
dilate alternativement à des degrés variables et pour un temps
plus ou moins long, comme si elle se contractait pour s'accom-
moder pour la vision d'objets situés à des distances variables
daus une hallucination. Quand le regard est absolument fixe,
on peut appuyer le doigt sur la pupille sans qu'elle se dévie
d'un côté ou de l'autre, comme du reste pendant toute la durée
de l'attaque.
Les attaques ne sont jamais isolées, elles se reproduisent tou-
jours parsériesde nombre variable; mais les attaques qui les
constituent sont toujours identiques. Les séries ne laissent
après elles aucune hébétude, la malade peut reprendre ses
occupations, elle est seulement courbaturée.
Le 2 jamicr, C... se plaint de douleurs dans le côté gauche
de la poitrine, elle ne tousse pas et on n'entend aucun bruit
morbide dans tout le côté, cependant elle est oppressée.
25. Même état. Trente ventouses sèches.
26. Douleurs dans l'épaule gauche, dont les mouvements
sont devenus douloureux sans que l'insensibilité de la peau ait
disparu.
- 27. Les douleurs s'étendent au coude gauche et à l'épaule
droite sans gonflement. La langue est sale, l'appétit nul, mais
pas d'élévation de température. Purgatif.
30. Les douleurs sont restées à peu près stationnaires, peu in-
tenses, toujours sans gonflement ni rougeur ; dyspnée, bruits
du coeur tumultueux; le souffle de la pointe parait avoir aug-
menté. Ventouses sèches.
31. C... a été soumise la veille à l'élcctrisation statique qui a
cessé à deux heures et demie, elle avait recouvré sa sensibilité
171 i i UNIQUE MORVEUSE.
totale. - Ce matin elle est encore sensible sur la moitié droite
du corps. Les douleurs ont un peu diminué; C... se lève.
12 lëvi-iej,. Les douleurs se sont considérablement accrues et
généralisées à toutes les articulations des membres. Autour des
cous-de-pied il existe un gonflement oedémateux très manifeste;
Les genoux sont aussi gonflés et en est de même des poignets
et des coudes. Aux poignets et aux articulations de la main et
des doigts, il existe non seulement du gonflement, mais de la
rougeur. Le moindre mouvement exaspère les douleurs, mais
la peau est restée insensible, on peut la transpercer complète-
ment au niveau des articulations les plus atteintes sans pro-
voquer la moindre douleur. C... peut être hypnotisée et cata-
leptisée comme d'ordinaire.
Les battements du coeur sont très tumultueux et irréguliers.
T. rectale 39', 9 le malin, 40", t le soir.-Salicylate de soude,
6 grammes.
3. Même intensité des douleurs articulaires, même insensibilité
cutanée. Oppression trèsintense, irrégularité des bruitsducoeur.
T. 40° le matin, 40", j 5 le soir. - Vesicatoire sur la région pré-
cardiale. Salicylate de soude, 6 grammes. Lait.
4. Même état. T. 10°, 1 le matin, 40°, 4 le soir. Même trai-
tement,purgatif.
5. T. t0° le matin, 40°, 3 le soir. Par l'application de
l'aimant, on a obtenu le transfert des troubles visuels.
6. T. 40°, 1 le matin, 39°, 8 le soir.
7. T. 39°, 3 le matin, 39°, 2 le soir.
8. T. 39°, 2 le matin, 39», 3 le soir.
9. T. 39°, le matin, 39°, 2 le soir. Epistaxis, douleur ova-
rienne gauche, menace d'attaque, application de la ceinture ;
les douleurs sont un peu moins vives.
10. La malade sent que l'attaquc est imminente(bonle, bour-
donnements d'oreilles, battements dans les tempes) malgré
l'état du coeur, on administre de l'éther avec précaution jus-
qu'à résolution complète pour éviter les attaques; la malade
revient bien sans accident. Les douleurs ont notablement
diminué, les pieds et les genoux sont même presque libres;
mais la rougeur et le gonflement persistent encore aux arti-
culations des doigts. L'insensibilité de la peau est toujours la
même. La malade, quoique très affaiblie, a un peu d'appétit.
T. 38°, 4 le matin, 39° le soir.
Lt; i,msniato-i : mn.t : rair. 175
11. Le mieux persiste ; les douleurs se sont encore atténuées,
la rougeur a à pou près complètement disparu aux mains où il
existe encore du gonflement. On peut s'assurer que non seule-
ment la sensibilité de la peau, mais encore la sensibilité spé-
ciale n'ont pas été modifiées par le rhumatisme articulaire
aigu; la vue, l'ouïe et l'odorat n'ont subi aucune modifica-
tion. T. 38° le matin, 38°, 2 le soir.
A partir de ce moment la température ne monta plus au
dessus de 38°, et la période aiguë de l'attaque de rhumatisme
put être considérée comme terminée; mais il resta des dou-
leurs subaiguës qui persistèrent pendant tout le mois de mars,
alternativement dans toutes les articulations, et le 8 avril, les
épaules étaient encore un peu sensibles dans les mouvements.
Nous n'avons pas insisté sur tous les détails de cette
attaque de rhumatisme articulaire qui n'a rien pré-
senté de particulier dans sa mai elle, nous avons voulu
surtout montrer qu'il s'agissait bien d'un cas aigu
avec douleurs vives, et une élévation considérable de
la température ; les douleurs articulaires ont persisté
pendant plusieurs semaines sans modifier l'anesthésie
générale et spéciale ; nous verrons plus tard que les
douleurs de l'accouchement ne la tnodifienthas davan-
tage. D'autre part, nous voyons pendant la période
fébrile des menaces d'attaque, qui ont eu un commen-
cement d'exécution, et lorsque les douleurs per-
sistaient encore, le 24. mars, C... a eu trois attaques.
L'élément spasmodique n'est donc pas non plus
modifié sensiblement par la fièvre. Ce fait semble-
rait donc indiquer que si la marche de l'hystéro-
épilepsie est modifiée par certaines affections fébriles
intercurrentes, ce n'est pas l'élément fébrile qui est la
cause de cette modification; ce n'est pas non plus l'élé-
ment douleur, cette cause reste à cherclier. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
LÉSION A\(;II : \\1 : UU 1,01,UI,E DL L'INSULA;
a
Par t30Ut111s·fLl,l : et 1W\NAIRI : .
Les lésions limitées exclusivement au lobule de l'insula sont
très rares ; le plus souvent la lésion intéresse, à des degrés
divers, les circonvolutions voisines. Aussi ne connait-on pas
encore les symptômes cliniques qui répondent aux lésions du
lobule de l'insula. Dans le cas qu'on va lire et que nous
publions à titre de document la lésion avait détruit entière-
ment toutes les digitations du lobule de l'insula.
OBSERVATION. Attaque apoplectique. - Hémiplégie gauche;
Contracture ; Phénomènes réflexes. Alcoolisme.
EJt'lepste; - Marche des accès; - Démence; - Mal penfo-
rcttzt ; - Mort.
Autopsie : Destruction du lobule de l'insula du colé droit;
Atrophie de la couche optique et du corps strié correspondants;
Dégénération secondaire; Lésions tuberculeuses des
poumons.
Carr... (François), âgé de cinquante-quatre ans, charpentier,
est entré le 4 juin 1868, à Bicêtre (service de M. l3ouawvu,x,L).
Retzseignemet7ts fournis par sa &e6-sa'« ? ' '. M, cultivateur,
mort on ne sait de quoi. Mère, morte quand notre malade
était en bas âge. Deux scetws en bonne santé, mariées, sans
enfants. Pas d'épileptiqucs, pas d'aliénés, etc., dans la famille.
Notre malade s'est marié à 34 ans; il ne faisait pas d'excès
de boisson, mais fumait beaucoup. Dix-huit mois après son
mariage, il a été brusquement frappé d'hémiplégie gauche : étant
1 C'est ce qui l'insuffisance (les 1 eiisei-il t'Ili ciiis qu'on va lire.
recueil DE faits. 177
à la garde-robe, il est tombé sur le sol et est resté dans cet
état, ayant gardé, dit-on, toute sa connaissance ( ? ), jusqu'à ce
que sa femme, étonnée de son absence, vint à son aide. Il
serait resté quinze jours au repos forcé, après quoi, il recom-
mença à marcher en tramant la jambe et en se soutenant
sur une canne.
Les accès d'épilepsie se sont déclarés environ six ans après
l'attaque paralytique. Durant cet intervalle, notre malade
gagnait sa vie à ouvrir les portières des voitures sur la voie
publique, et s'adonnait en même temps à la boisson. Par suite
de la multiplicité des accès, il dut renoncer à son travail et en-
trer à Bicètre. A l'hospice, il persévéra dans ses habitudes
d'alcoolisme, et l'on dut le faire passer de l'hospice des vieillards,
dans la section des épileptiques.
11 y a quatre ans, il avait encore de la mémoire, reconnais-
sait tout son monde, avait une conversation suivie. Aujour-
d'hui, sa mémoire a totalement disparu, et il reste indifférent
aux choses du dehors. En même temps que les facultés
mentales, le physique s'est notablement affaissé depuiscette
même époque, et il s'est produit, parait-il, un amaigrissement
considérable. A part l'état parétique dépendant de l'ictus
primitif, le malade n'a présenté d'autres symptômes de lésion
encéphalique durant ce laps de temps, que des atteintes in-
termittentes de céphalalgie. On ne trouve d'ailleurs aucun
antécédent morbide chez lui. Il a deux filles de son mariage,
âgées l'une de 22 ans et l'autre de 17, toutes deux de bonne
santé.
1880. Septembre. ? yse/e phlegmoneuxde laparoi thora-
cique, consécutif à un anthrax. Incision et pansement de Lister.
1881. 10 juin. - Le malade présente un état d'agitation
considérable, cherche à sortir du lit, prononce des paroles in-
cohérentes. Il a eu deux accès hier (chloral, 4 gr.).
11 juin. Un accès hier. Ce matin l'excitation maniaque est
remplacée par un état de torpeur très prononcé ; la respiration
est rapide et embarrassée, avec un léger degré de stertor. On
ne trouve de symptômes localisés ni dans la poitrine, ni dans
l'abdomen. Pas de troubles de la sensibilité (ventouses sèches
sur le thorax ; ventouses scarifiéesà la nuque ; lotions vinaigrées ;
sinapismes aux membres inférieurs ; potion cordiale). T. R.
381,4. - Soz'î -. T. R. 380,4.
178 RECUEIL DE FAITS.
12 juin. La stupeur a diminué. Lorsque l'on explore,
par la piqûre, la sensibilité d'un des membres paralysés, on
voit le membre correspondant du côté sain s'agiter de violents
mouvements réflexes. T. R. 38°,6. Lavement purgatif; potion
deTodd; café).
21 juin. Un accès ; Car... n'en avait pas eu depuis le 10 ;
amélioration.
Examen physique (22 juillet). Tète /crâne symétrique ; cal-
vitie complète ; la suture sagittale se dessine sous la peau, en
forme de crête. L'occipital est déprimé au niveau de son articu-
lation avec les pariétaux, le cuir chevelu présente une cicatrice
en Y répondant exactement aux traits de suture. Le visage est
asymétrique par suite de la paralysie faciale qui occupe le côté
gauche. On note l'effacement du sillon naso-jugal, la déviation
du nez, l'abaissement de la commissure buccale, en même
temps que l'affaissement delà joue et du menton. La langue se
dévie du côté paralysé.
Thorax et abdomen normalement conformés.
Membres supérieurs. Le bras gauche est raide avec contrac-
ture ; l'avant-bras et le poignet sont en pronation forcée avec
demi-flexion : les doigts sont repliés sans raideur dans le creux
de la main, tandis que le pouce se trouve en légère adduction.
Du côté droit, l'attitude est normale.
La mensuration comparative des deux membres donne les
résultats suivants :
RECUEIL DE FAITS. 179
fecte les dimensions d'une pièce de 1 franc ; le stylet s'y enfonce
à une profondeur de 6 millimètres sans déterminer de dou-
leur ; tout autour existe la couche de squames épidermiques
habituelle, au-dessus de laquelle la sensibilité reste normale.
Voici les mensurations comparatives des deux membres :
180 RECUEIL DE FAITS.
souvent qu'il a été occupé chez le général Morin, où il astiquait
les harnais, et demande sans cesse la même occupation ici. A
une époque de son séjour, il s'était ingénié à boire son urine
pour guérir ses accès d'épilepsie et à se faire tirer violemment
le bras paralysé par d'autres malades, afin de guérir sa para-
lysie.
23 juillet. Le malade, qui depuis quelque temps était
revenu à son état normal, retombe aujourd'hui dans la stupeur
et l'adynamie; l'oppression est intense (50 respirations par
minute). Les pommettes sont rouges. Le pouls est petit, rapide,
assez régulier, à 130.
A l'auscultation, on perçoit des râles sibilants et ronflants
des deux côtés de la poitrine ; le murmure vésiculaire s'entend
difficilement. Il existe de la matité dans toute l'étendue du
thorax. Les vibrations vocales sont exagérées.
La sensibilité est normale des deux côtés ; les réflexes sont
plus prononcés du côté gauche. (Vomitif; vésicatoire; potion
avec rhum et extrait de quinquina.) Soir : T. R. 39°,2.
24 juillet. L'état adynamique s'accentue. Les lèvres et la
langue se recouvrent de fuliginosités; la dyspnée augmente.
On entend dans le poumon gauche à la partie supérieure un
souffle bronchique profond, masqué en partie par de nombreux
râles sous-répitants. A droite, mêmes râles. Le malade com-
prend les questions qu'on lui adresse et y répond à peu près
exactement. T. R. 39°,2.
25 juillet. Mort à trois heures de l'après-midi.
Autopsie vingt-quatre heures après la mort. Absence de
rigidité cadavérique.
Thorax. Il existe quelques adhérences pleurales récentes
en arrière et à gauche. Tout le poumon droit est friable, dense,
crépite légèrement et surnage. A la coupe, il s'écoule une
sérosité abondante et non purulente. Le parenchyme est farci
d'une multitude de noyaux caséeux dont le volume varie de
celui d'un mil à celui d'une lentille. Le poumon gauche pré-
sente dans son lobe inférieur, au niveau de la gouttière costo-
vertébrale, un foyer de la largeur de la main ; le parenchyme
est déprimé, d'une teinte feuille-morte à la surface ; il existe en
outre trois ouvertures vraisemblablement artificielles et pro-
duites par la pression du doigt qui a dû rompre les adhérences
pleurales. Elles donnent accès dans une vaste caverne à parois
déchiquetées. Le reste du lobe est induré; son tissu est comme
RECUEIL DE FAITS. )8t
carnirié, ne crépite pas, et plonge quand on le jette dans l'eau.
Les vaisseaux sanguins, voisins de la caverne, sont obstrués
par des caillots récents. Le contenu du foyer est constitué par
un putrilage gris ardoisé, avec un liquide sanieux, noirâtre et
fétide qui s'écoule par les bronches. Le lobe inférieur renferme
de plus, en outre de quelques noyaux de gangrène analogues
au précédent, mais plus petits, un semis de nodules de broncho-
pneumonie caséeuse, identiques à ceux du poumon droit. Le
lobe supérieur est intact. Les ganglions péribronchiques sont
volumineux, indurés et anlhracosés. Coettî, : 130 gr. Sur-
charge graisseuse, principalement sur la face antérieure. Pas
de lésions valvulaires. Le ventricule gauche renferme un
caillot fibrineux avec des traces de stratification. L'oreillette
contient un caillot noir, volumineux et récent.
Abdomen. Foie, 300 gr. normal. Rate, 130 gr., diffluente.
7eMs 550 gr. chacun; l'altération sénilo est très marquée,
surface granuleuse ; cicatrices rayonnées dues à d'anciens
kystes superficiels; surcharge graisseuse des calices et bas-
sinets. Estomac .'la muqueuse est saine. L'organe renferme
des produits noirâtres, semblables au putrilage pulmonaire.
et la vessie sont intacts.
Tète. Le cuir chevelu est très épais et très adhérent ; la calotte
crânienne est dure et épaisse ; la dure-mère est fortement fixée
aux sutures de la voûte d'une part, et à la pie-mère de l'autre.
Le liquide céplaalo-racleailaen est assez abondant.
Encéphale, 1,1 GO gr. La surface est un peu lavée; les artères,
les nerfs de la base sont sains. Le tubercule mamtV/a/re droit est
d'un tiers plus petit que le gauche, et de coloration normale.
Le pédoncule cérébral droit est notablement atrophié, aplati et
moins large que le gauche ; il en est de même de la moitié
droite de la protubérance. La pyramide antérieure droite est
représentée par un cordon aplati de teinte grisâtre et sur le
même niveau que l'olive correspondante. En somme, la moitié
droite de l'isthme de l'encéphale est moitié moins volumineuse que
celle du côté opposé. Sur une coupe, la surface de section du
pédoncule cérébral droit est de deux tiers moindre à droite
qu'à gauche. Les tubercules quadrijumeaux sont normaux.
L'hémisphère cérébral droit pèse 1 li grammes de moins que le
gauche, et sa longueur est moindre d'un centimètre. Le cerveau
pèse 970 grammes. Le cervelet est sain ; ses deux hémis-
phères sont égaux.
182 RECUEIL DE FAITS.
Hémisphère cérébral gauche. La décortication est facile;
les circonvolutions se dessinent nettement ; il n'y a rien d'anor-
mal, tant à la surface que dansles noyaux gris centraux (Fig 9).
Hémisphère droit. A travers les méninges on aperçoit une
dépression considérable au niveau du lobule de l'insula et du
lobe sphénoïdal. Partout la pie-mère se détache aisément, sauf r
sur les points dont nous venons de parler, où elle est épaissie
et d'une couleur brune, rougeâtre, un peu ochreuse. La dé-
pression superficielle est comblée par un réservoir du liquide
céphalo-rachidien. La pie-mère enlevée , l'hémisphère se
montre aplati. On trouve un foyer atrophique qui a détruit :
1° toute la partie postérieure de la troisième circonvolution
frontale (le reste de cette circonvolution n'est qu'amaigri) :
2° la partie inférieure de la frontale et de la pariétale ascen-
dantes, le pli qui unit l'extrémité inférieure do ces deux cir-
convolutions ; 3° la plus grande partie du lobule du pli courbe
(PL. VI, P 2). Le lobule de l'insula. dans sa totalité, est dé-
truit, il ne reste plus aucune trace des digitations; la première
temporo-sphéno'idale et la partie postérieure de la seconde cir-
convolution offrent la même altération.
Le parenchyme est remplacé par une sorte de membrane
d'aspect gélatineux, de consistance mollasse et de coloration
rougeâtre, sur le lobule de l'insula, de telle sorte que, entre
Fig, 9. C , corps calleux. C. S., corps strié.
0., couche optique.
RECUEIL DE FAITS. 183
l'extérieur et la paroi ventriculaire, il n'existe plus qu'une mince
couche de substance blanche. Les circonvolutions du voisi-
nage sont atrophiées, sans changement de couleur. (PL. VI.)
Le corps strié, considérablement réduit dans son volume,
n'existe plus que sous forme de deux petits noyaux du volume
d'un gros haricot. La couche optique est diminuée d'au moins
les deux tiers de son volume et déformée. La paroi du ventri-
cule latéral est amincie ; et sur le plancher de cette cavité, on
voit se lever un faisceau de vaisseaux sanguins. (Fig. 10). Sur
la coupe des masses centrales grises, on ne découvre pas de
foyer. La capacité du ventricule est sensiblement accrue.
Considéré dans son ensemble, l'hémisphère cérébral droit
est moins long, moins épais et moins haut que l'hémisphère
gauche. Déjà la différence de poids (t t0 gr.) que nous avons
indiquée le faisait pressentir, mais les chiffres suivants en don-
nent une idée exacte :
181 î- RECUEIL DE FAITS.
Réflexions. Cette observation nous offre un exemple
remarquable de l'enchaînement régulier des altérations qui se
développent dans l'axe cérébro-spinal consécutivement à une
lésion cérébrale en foyer, ayant causé une hémiplégie et secon-
dairement une sclérose fasciculée descendante de la moelle.
I. Il est probable, dans notre cas, que c'est sous l'influence
des efforts de défécation du malade qu'un caillot est venu pro-
duire l'obstruction vasculaire près de l'origine de l'artère
sylvienne. Cette localisation est rendue manifeste par ce fait
que le territoire de l'artère de la troisième circonvolution fron-
tale, laquelle, comme on sait, se détache prématurément du
tronc de la cérébrale moyenne, se trouve englobé dans la zone
ischémiée.
II. Nous n'avons que peu de détails sur les accès d'épilepsie :
on les disait très violents. Ils s'annonçaient généralement par
une période d'excitation, accompagnée d'une céphalalgie in-
tense et survenaient principalement pendant le jour. A la fin
de la crise, il n'y avait ni écume buccale, ni évacuations in-
volontaires ; maintes fois ils ont été compliqués d'excitation
maniaque, en général passagère, et à laquelle succédait parfois,
ainsi que nous l'avons observé nous-mêmes on juin dernier,
un état de torpeur qui persistait deux ou trois jours. Il serait
difficile, en présence de cette pénurie de données cliniques,
d'affirmer s'il s'agit dans ce cas d'épilepsie vulgaire ou d'épilep-
siejacksonienne. En faveur de cette dernière hypothèse, on
pourrait invoquer l'intensité des phénomènes cephaliques, qui
précédaient et suivaient la crise. Mais, d'autre part, les accès
survenus six ans après l'apoplexie sont allés sans cesse en
augmentant, ainsi que cela a lieu le plus souvent dans l'épi-
lepsie vulgaire. Voici d'ailleurs, leur marche de 1871 à 1881 :
RECUEIL DE FAITS. 185
III. L'intelligence diminuait en même temps que les senti-
ments affectifs; sa femme était morte et, néanmoins, il la
réclamait non pas par affection, mais pour avoir quelques dou-
ceurs. Cette déchéance intellectuelle vient appuyer l'idée d'une
épilepsie vulgaire, car, dans l'épilepsie hémiplégique, l'intel-
ligence, en général, ne subit pas d'atteinte ; elle reste la même.
La santé physique se maintenait en apparence : le malade allait
et venait, ne toussait pas et ne paraissait pas avoir d'oppres-
sion ; sa voix restait forte ; rien en un mot ne faisait pres-
sentir l'existence des lésions pulmonaires, à marche chronique,
que nous avons rencontrées à l'autopsie. Le développement
de lésions organiques graves, sans réaction appréciable, n'est
pas chose rare chez les malades, comme le nôtre, atteints de
démence ou de débilité mentale.
IV. Nous croyons inutile de revenir sur les caractères et le
siège de la lésion. Toutefois, nous devons signaler l'absence
d'aphasie, avec une lésion de la partie postérieure de la troi-
sièine circonvolution frontale DROITE, ce qui vient à l'appui de
la théorie qui localise la faculté du langage dans la région cor-
respondante de l'hémisphère gauche. Nous devons signaler
aussi cette atrophie, ou si l'on préfère,- cet amaigrissement gé-
néral des circonvolutions de toute la face convexe de l'hémis-
phère droit, conséquence d'une lésion survenue à trente-six
ans. Quel est le rôle de la lésion du lobule de l'insula dans
cette atrophie ? 2 .
V. La dégénération secondaire partie du foyer périphérique,
qui avait détruit le lobule de l'insula, les parties avoisinantes
des circonvolutions (et on particulier de la frontale et de la
pariétale ascendantes), et produit une atrophie considérable
de la couche optique et du corps strié (Faj. 9 et 10), s'est
propagée à la moelle en atrophiant sur son passage une partie
de la couronne rayonnante de Reil et des noyaux gris cen-
traux. D'autre part, il est facile de suivre à I'oeil nu les traces
de la sclérose descendante à travers l'étage inférieur de la pro-
lzzbérazzce, du pédoncule cérébral et la pyramide antérieure du
bulbe, etc. Pour ce qui est de l'existence de la sclérose fasci-
186 RECUEIL DE faits.
culée dans les cordons latéraux, elle était rendue évidente, pen-
dant la vie, par les phénomènes d'épilepsie spinale, l'exagéra-
tion àesréflexes tendineux et la contracture.
VI. Nous signalerons enfin, comme dernière particularité,
la coïncidence du mal perforant plantaire avec l'hémiplégie
sur le côté gauche. L'apparition de cette ulcération sur un
membre condamné à une inaction fonctionnelle relative, et
par conséquent en dehors des causes externes généralement
considérées comme déterminantes du mal perforant, nous per-
met de ne considérer cette lésion, dans le cas actuel, que comme
un simple trouble trophique d'origine centrale. On pourrait
donc invoquer ce fait comme preuve à l'appui de la théorie
qui considère le mal perforant comme une affection de nature
essentiellement nerveuse'.
explication DE la planche VI
L, 1, foyer ancien ayant détruit le lobule de l'insula.
7 ? partie atrophiée delà troisième circonvolution frontale.
F a, circonvolution frontale ascendante dont la partie inférieure est
atrophiée.
P a, circonvolution pariétale ascendante dont l'extrémité inférieure est
atrophiée.
7 ? lésion de la première circonvolution tempoto-sptiénoiddte.
Te, deuxième circowolution temporale dont l'extrémité posténeuie est
lésée.
P 2, lobule du pli courbe.
L. 0, lobe oibilaire (face intérieure du lobe Iroutal).
,11, membrane résultant : 1° des ieplis de la pie-mère qui enveloppaient
entre autres la première circonvolution temporale et le lobule pariétal
inférieur; 2" des débris de ces mêmes circonvolutions.
Voir sur ce sujet : Duret, Archives de Physiologie, 1874 ; Charcot
et Pitres, Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, 1877; Grasset,
Des localisations dans les maladies cérébrales; H. de Bojer, Études
topographiques sur les lésions corticales des hémisphères cérébraux;
Ferrier, De la localisation dans les maladies du cerveau , travaux où sont
consignées la plupart des observations connues ielatives aux lésions du
lobule de l'insula.
REVUE CRITIQUE
CARACTÈRE, MOEURS, ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES'
Par le Dr Henri HUCHARD, médecin de l'hôpital Tenon.
Tous les auteurs qui ont décrit l'hystérie, s'étendent avec
un soin jaloux sur la description complète des accidents con-
vulsifs, des troubles sensitifs et moteurs, des phénomènes
viscéraux, que la grande névrose peut produire ; mais
aucun d'eux n'insiste d'une façon particulière sur l'état des
facultés mentales ou affectives ; aucun d'eux ne nous montre
l'hystérique au point de vue moral et intellectuel avec les
tendances et les traits si saillants de son caractère. Et cepen-
dant, il n'y a pas de question qui puisse davantage intéresser
le clinicien et le médecin légiste, il n'y en a pas qui puisse
également devenir un sujet d'étude plus important pour le
psychologue et le moraliste, enraison du rôle que les hystériques
peuvent jouer dans les sphères petites ou grandes de la so-
ciété où elles sont trop souvent méconnues. On a donc eu
absolument tort de laisser dans l'ombre cette étude si inté-
ressante ; et c'est pour comblercettelacune, qu'ilnous a semblé
utile de réunir dans une vue d'ensemble tout ce que l'on
sait sur ce sujet, en nous inspirant non seulement de nos
recherches personnelles, mais aussi des observations rapportées
par nos devanciers, Tardieu, Moreau (de Tours), Lasègue,
Legrand du Saulle, Charcot, Bourneville, etc.
Les hystériques peuvent présenter pendant leur existence
des troubles intellectuels ou de simples aberrations de carac-
tère sans avoir ni attaques, ni autres manifestations de la
névrose ; d'autres fois aussi, les perversions intellectuelles ou
mentales peuvent précéder pendant un temps plus ou moins
1 Extrait d'un ouvrage sur les 1\cvnosLS, qui doit incessamment
paraître.
f88 revue critique. ? r
long les manifestations somatiques ; plus souvent elles leur
succèdent, soit immédiatement, soit longtemps après.
I. Un premier trait de leur caractère est la mobilité. Elles
passent d'un jour à l'autre, d'une heure ou d'une minute à une
autre, avec une incroyable rapidité, de la joie à la tristesse, du
rire aux pleurs ; versatiles, fantasques ou capricieuses, elles
parlent dans certains moments avec une loquacité et une
animation étonnantes, tandis que dans d'autres elles de-
viennent sombres et taciturnes, gardent un mutisme complet,
restent plongées dans un état de rêverie, de dépression mentale
dont on peut difficilement les faire sortir ; elles sont alors
prises d'un sentiment vague et indéfinissable de tristesse
avec sensation de serrement à la gorge, de boule ascendante,
d'oppression épigastrique, et éclatent en sanglots, ou elles
vont cacher leurs larmes dans la solitude qu'elles réclament
et qu'elles recherchent; d'autres fois, au contraire, elles se
mettent à rire d'une façon immodérée, sans motif sérieux.
Elles se comportent en un mot, dit M. Ch. Richet, « comme les
enfants que l'on fait rire aux éclats alors qu'ils ont encore sur
la joue les larmes qu'ils viennent de répandre ».
Leur caractère change comme les vues d'un kaléidoscope, ce
qui a pu faire dire avec raison par Sydenham, que ce qu'il y a
de plus constant chez elles c'est leur inconstance. Hier elles
étaient enjouées, aimables et gracieuses, aujourd'hui elles sont
de mauvaise humeur, irascibles et susceptibles, se fâchant de
tout et de rien, indociles par système, taquines par parti pris,
maussades par caprice, mécontentes de leur sort ; rien ne les
intéresse, elles s'ennuient de tout. Elles éprouvent une antipa-
thie très grande contre une personne qu'hier elles aimaient et
estimaient, ou au contraire d'une sympathie incompréhensible
pour telle autre; aussi poursuivent-elles de leur haine certaines
personnes avec autant d'acharnement qu'elles avaient autrefois
mis de persistance à les entourer d'affection. Bergeret d'Ar-
boisnous montre une hystérique qui fait condamner à plusieurs
mois d'emprisonnement, et même à cinq ans de réclusion, des
innocents pour lesquels elle avait conçu un violent sentiment
de haine 1. C'est encore là l'histoire si souvent renouvelée du
malheureux mari qu'hier elles aimaient tendrement, et qu'au-
i Annales d'hygiène publique et de médecine légale, 1863.
ÉTAT MENTAL DES HYSTERIQUES. 189
jourd'hui elles ne peuvent plus voir; elles se plaignent alors de
ne plus recevoir les preuves d'une affection qu'elles repoussent,
portent contre leur mari des accusations sans nombre et sans
nom; delà, dans le foyer domestique, des troubles et des
discussions sans cesse alimentées par leur esprit d'agression,
par leur imagination féconde et désordonnée, de là aussi ces
demandes, ces procès en séparation de corps, où les hysté-
riques accusent, se défendent pendant des heures avec une
lucidité parfaite, avec un accent de conviction et de sincérité
bien propre à émouvoir les juges en leur faveur.
Parfois, leur sensibilité est exaltée au plus haut point pour
les motifs les plus futiles, alors qu'elle est à peine touchée
par les plus grandes émotions : elles restent presque indiffé-
rentes, impassibles même à l'annonce d'un vrai malheur, elles
deviennent tout à coup d'une extrême susceptibilité, versent d'a-
bondantes larmes, s'abandonnent au désespoir le plus profond
pour une simple parole mal interprétée, et transforment en
offense la plus légère plaisanterie. Cette sorte d'ataxie morale
s'observe encore pour leurs intérêts les plus chers : celle-ci
assiste avec l'indifférence la plus complète à l'inconduite de
son mari, celle-là reste froide devant le danger qui menace sa.
fortune. « Tour à tour douces et emportées, dit Moreau (de
Tours), bienfaisantes et cruelles, impressionnables à l'excès,
rarement maîtresses de leur premier mouvement, incapables
de résister à des impulsions de la nature la plus opposée...,
présentant un défaut d'équilibre entre les facultés morales
supérieures, la volonté, la conscience, et les facultés infé-
rieures, instincts, passions, désirs. »
Cette extrême mobilité dans leur état d'esprit et dans leurs
dispositions affectives, cette instabilité de leur caractère, ce
défaut de fixité, cette absence de stabilité dans leurs idées
et leurs volitions , rendent compte aussi de l'impossibilité
où elles se trouvent, de porter longtemps leur attention sur
une lecture, sur une élude, sur un travail quelconque.
Tous ces changements se produisent avec la plus grande
rapidité ; chez elles, les impulsions ne sont pas, comme chez
les épileptiques, privées absolument du contrôle de l'intelli-
gence, mais elles sont vivement suivies de l'acte. C'est ce qui
explique ces mouvements subits de colère et d'indignation,
ces enthousiasmes irréfléchis, ces affolements de désespoir,
ces explosions de gaieté folle, ces grands élans d'affection, ces
190 REVUE CRITIQUE.
attendrissements rapides ou ces brusques emportements pen-
dant lesquels, agissant commedes enfants gâtés, elles trépignent
du pied, brisent les meubles et éprouvent le besoin irrésistible
de frapper.
Lorsque les hystériques sont réunies, comme dans un ser-
vice d'hôpital par exemple , leurs moeurs présentent des
caractères importants à étudier : elles se recherchent volon-
tiers, forment des groupes isolés , fuyant avec un certain
orgueil la société des épileptiques pour lesquelles elles n'ont
pas assez de mépris ; mais elles deviennent vite jalouses entre
elles, ourdissent de petits complots les unes contre les autres,
portent l'esprit de dénonciation jusqu'à s'accuser des moindres
faits, puis, leurs amitiés éphémères sitôt mortes que nées, elles
se séparent bien vite et se querellent ou se disputent pour les
motifs les moins sérieux. Comme elles ont aussi le caractère en-
fantiz et qu'elles sont exposées entre elles à une sorte de
contagion ou d'imitation nerveuse, on les voit organisant de
mesquines conspirations d'indiscipline ou de rébellion ; on les
voit encore toutes prises d'un fou rire à propos de rien, d'un
homme qui passe, delà pluie qui tombe, d'une mouche qui vole ;
puis ce sont des récriminations, des reproches, des lamenta-
tions, des larmes sons fin. Dans un service renfermant des
épileptiques et des hystériques, on reconnaît souvent celles-ci
par l'habitude qu'elles ont de mettre des fleurs au chevet de
leur lit, de s'orner la tête de rubans (ordinairement rouges
ou bleus), de porter une cravate aux couleurs éclatantes; et,
comme il est dit que tout est contraste dans leur caractère
ou leurs manières d'être, il est intéressant de les voir avec ces
parures et ces fleurs sur la tête, marcher par une pluie bat-
tante à l'approche de leur délire ou do leurs accès convulsifs,
pieds nus, les vêtements en désordre et les cheveux au vent 1.
II. Un second trait de leur caractère est un esprit d'opposition,
de contradiction, de controverse. Elles mettent autant d'insis-
tance à nier qu'à affirmer, à refuser aujourd'hui ce qu'elles
ont demandé, réclamé, exigé hier ; elles éprouvent un secret
plaisir à combattre avec une assurance qui n'a d'égale que
1 M. Bourneville a judicieusement insisté sur ces derniers détails dans
l'Iconographie photographique de la Salpdt;,iè,e (1876-1880).
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. 191
leur absence de conviction, l'opinion contre laquelle elles se
seraient révoltées autrefois, ou encore à provoquer autour
d'elles l'étonnement et la stupéfaction par des thèses plus ou
moins extraordinaires et paradoxales qu'elles soutiennent.
Elles sont surtout affectées de ce subdélire ou de cet état
malicieux (ainsi désigné par M. Daily) qui les porte à orga-
niser des intrigues, des querelles, des brouilles, à créer des
embarras, à écrire des lettres anonymes pour semer la dis-
corde, à simuler des maladies pour le singulier plaisir de faire
naître dans leur entourage de grandes inquiétudes.Unejeune
fille ne veut pas absolument manger ; sa famille éplorée joint
les supplications aux prières, qnand on s'aperçoit qu'un jour elle
prend des aliments en cachette. Une autre annonce qu'elle
a résolu de mourir tel jour à telle heure ; comme on a l'air
de ne pas croire à sa parole, elle s'irrite et reste pendant trois
jours consécutifs faisant la morte, avec une force de volonté
telle qu'elle résiste aux excitations les plus vives employées
pour la tirer de cette espèce de coma. Bientôt elle se lève
enchantée, fière et radieuse du tour qu'elle a joué et de l'éton-
nement qu'elle a dû produire ; elle avoue plus tard qu'elle a
simplement joué la comédie.
C'est qu'elles aiment porter tout à l'extrême, ne sachant
pas vivre avec simplicité; c'est qu'elles exagèrent tous leurs
sentiments, l'indifférence comme l'enthousiasme, l'affection
comme l'antipathie , la tendresse comme la haine, la joie
comme le désespoir, et qu'elles dramatisent tout sur la grande
scène du monde où elles sont et restent toujours de vraies
comédiennes. Elles veulent qu'on s'occupe d'elles, qu'on les
plaigne, qu'on s'intéresse à leurs petites comme à leurs
grandes misères. Aussi n'épargnent-elles aucune ruse, aucune
invention pour arriver à ce résultat.
Ce besoin de simuler, d'attirer l'attention sur leurs actes,
d'étaler une certaine mise en scène, ce désir de faire parler
d'elles, d'affecter des poses théâtrales, sont tellement irrésis-
tibles qu'ils les poussent souvent à se déchirer, à se mutiler et
même à jouer la comédie du suicide. Le malheureux atteint
de spleen ou de désespoir, qui veut attenter sérieusement à ses
jours, fait ses préparatifs en silence, loin de tout regard indis-
1 Dally. De l'état et du délire malicieux (Ann. med. psych. 1877,
p. 356.
192 a ' z REVUE . CRITIQUE.' «. t
cret; l'aliéné frappé de manie aiguë se donne la mort avec une
sorte d'instantanéité irréfléchie ; c'est pour fuir souvent des
ennemis et un danger imaginaires, que l'alcoolique se précipite
par une fenêtre ou se-jette à -l'eau; et le lypémaniaque pour-
suivi et -harcelé- sans cesse par 'ses idées de suicide, reste
longtemps, sans en rien dire à personne, hésitant et troublé
encore idans l'accomplissement de l'acte qui doit mettre
fin à son existence... L'hystérique agit autrement; elle
déclare souvent bien des jours et des mois à l'avance qu'elle
est lasse de la vie, elle annonce urbi et orbi qu'elle, veut=se
tuer, et tout en cherchant avec un certain art à déjouer la
surveillance de son entourage, elle ne manquera pas de laisser
percer son dessein -par certaines paroles ou certains sous-
entendus assez adroitement imaginés, elle aura bien- soin
d'être vue au milieu de ses préparatifs, ou s'arrangera tou-
jours de manière à recevoir un prompt secours au moment
opportun. Une des malades de la Salpêtrière a l'idée'
sans trop savoir pourquoi, de se précipiter du haut du
puits de Grenelle : et l'on arrive naturellement à temps pour
' la'retenir ; un autre jour elle prend un flacon de chloroforme
et s'enferme dans les lieux d'aisances pour s'empoisonner, dit-
elle ; puis' elle se pratique une saignée avec des ciseaux ;'
enfin uÎe'Jautre fois elle prend sans cause vingt pilules de
belladone et annonce avec une satisfaction mal feinte ou mal
contenue qu'elle a voulu attenter à ses jours. C'est bien la
même malade qui dans sa jeunesse s'est opéré la section
du-mamelon. Une autre hystérique effrayait tous les soirs
son entourage par ses menaces répétées de se jeter par la fenêtre.
Sa'famillë affolée, qui avait tort de la prendre au sérieux,
l'attache afin de la mettre dans l'impossibilité d'exécuter son
projet*. Sur ces entrefaites, leD'Hammond arrive, la délivre
denses liens et de ses entraves, puis il lui déclare qu'elle est
libre ;;elle court à la fenêtre, regarde un instant, et revient à
son lit en adressant au médecin quelques épluthotes malson-
nantës. Elle n'a jamais recommencé '. : Le rôle du médecin est donc de ne pas trop ajouter foi à ces
menaces.; mais il ne faut pas non plus qu'il mette la corné-*
dienne trop ouvertement et en face du monde au défi d'accomplir
un acte longtemps annoncé d'avance, car l'hystérique est sou-
Mlaminond. Maladies du système nerveux. Trad. française, 1879.
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. 193
vent vaniteuse et orgueilleuse ; elle est essentiellement lafemme
prompte aux coups Je tête, sujette à tout faire « par toquade »,
et poussée par cet orgueil incompréhensible ou par un faux
amour-propre, elle voudra mettre sérieusement à exécution le
projet qu'on a traité trop légèrement. La marquise de Prie,
la trop célèbre maîtresse du duc de Bourbon, après avoir été
exilée de la cour et dépitée de son abandon, annonce qu'elle va
se donner la mort, tel mois, tel jour, telle heure ; elle convie ses
amies à des danses, donne des fêtes, paraît gaie, animée, pleine'
d'entrain ; le soir elle parle encore en présence de son nouvel
amant de sa détermination formelle, qui est accueillie par des
sourires d'incrédulité. Celui-ci, croyant à une mystification, lui
donne le poison de sa propre main, et il ne se rend à l'évidence
que lorsqu'il est devenu impossible de lui porter secours (Taguet).
Quel est le plus souvent le but de ces tentatives de suicide ?
Une malade observée par M. Taguet' va nous l'apprendre :
Cette jeune femme était unie à un mari pour lequel elle res-
sentit d'abord une réelle affection. Au bout d'un certain temps,
elle prend un malin plaisir à lui faire de la peine et toutes
ses actions concourent vers ce but singulier : elle lui déclare
qu'elle est lasse de son amour, et pour aiguillonner sa jalousie,
lui annonce qu'elle va courir les aventures galantes ; elle
n'en fait rien et reste vertueuse. C'est alors qu'elle imagine
la simulation du suicide : on laisse à sa disposition quatre
pilules purgatives qu'on lui dit renfermer de fortes doses
d'opium, les pilules disparaissent, il n'y eut pas naturellement
d'effet purgatif puisqu'elles n'avaient pas été ingérées, et la
malade simule assez grossièrement une intoxication par
l'opium ; un jour elle force la serrure d'un placard, fait dis-
paraître un flacon renfermant deux grammes de morphine
pour injections sous-cutanées et vient annoncer avec une
certaine fierté et une certaine ostentation qu'elle a absorbé tout
le flacon, ce qui était faux; elle essaie enfin de se pendre aux
rideaux de son lit, après avoir pris la précaution d'ouvrir la
porte de sa chambre, afin qu'on pût la voir et la secourir.
Or, fait important à constater, cette malade renouvelait ses
menaces et ses tentatives chaque fois que son mari venait
la visiter, et qu'elle se voyait observée par les médecins.
Quelle est la conclusion à tirer de ces faits ? C'est que,
daguet. Annales med. psych., 1877.
13
194, REVUE CRITIQUE.
comme pour l'anorexie hystérique, qui est plutôt le résultat
d'un état mental que d'un état gastrique, l'entourage est
l'obstacle à la guérison, c'est que l'isolement de la malade et
le changement de milieu doivent être impérieusement, formel-
lement réclamés, parce qu'ils sont les seuls moyens curatifs
dont nous disposions en pareille circonstance.
III. Les hystériques sont donc remarquables par leur esprit
de duplicité, de mensonge, de simulation. « Un trait commun
les caractérise, dit Tardieu, c'est la simulation instinctive,
le besoin invétéré et incessant de mentir sans cesse, sans objet,
uniquement pour mentir, cela non seulement en paroles,
mais encore en actions, par une sorte de mise en scène, où
l'imagination joue le principal rôle, enfante les péripéties les,
plus inconcevables et se porte quelquefois aux extrémités les
plus funestes ' ». « Elles portent encore, dit Morel, la manie
analytique du soupçon jusque dans ses dernières limites.
Elles se noient dans les suppositions les plus bizarres, les
plus fausses, les plus ridicules et les plus injustes. L'amour
de la vérité n'étant pas, d'un autre côté, la vertu dominante
de leur caractère, elles n'exposent jamais les faits dans leur
réalité, et trompent aussi bien leurs maris, leurs paients que
leurs confesseurs et leurs médecins'. »
Exagérant leur mal, inventant même des maladies dont
elles ne sont pas atteintes, elles éprouvent une satisfaction
secrète à tromper les personnes qui les entourent, et surtout
les médecins, lorsque ceux-ci paraissent s'occuper d'elles et
s'intéresser scientifiquement à leur affection. Cliomel, qui
ne voulait plus s'occuper des hystériques parce qu'il avait été
souvent trompé par elles, aimait à raconter l'histoire sui-
vante : Une malade entre dans son service, présentant des
phénomènes nerveux dont la bizarrerie et l'étrangeté l'inté-
ressent vivement ; il rédige soigneusement son observation,
prend des notes, reste près d'elle pendant plus d'une heure,
puis quand l'interrogatoire lui semble épuisé, il lui demande
si elle n'a plus rien à dire : « Oui, monsieur, répond-elle, c'est
que de tout ce que je vous ai dit, il n'y a pas un mot de vrai. »
Cette boutade, hâtons-nous de le dire, nous étonne de la part
1 Tardieu. Étude médico-légale sur la folie, Paris, 1880.
Morel. Éludes cliniques.-
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. 195
d'une hystérique, qui ne convient pas volontiers de ses/ ·
mensonges, qui a l'esprit de ruse et de dissimulation porté
parfois jusqu'à ses dernières limites, et qui montre toujours
une certaine ténacité et une persévérance extraordinaire dans
la narration des faits qu'elle invente.
Il n'est pas de supercherie qu'elles n'imaginent pour satis-'
faire leur besoin souvent irrésistible de se rendre intéressantes,
de faire parler d'elles et de se poser sur une sorte de piédestal.
C'est ainsi qu'elles exagèrent leurs mouvements convulsifs,
qu'elles se plaignent de maux incroyables et qu'elles peuvent
s'astreindre, par une persistance qui constraste singulièrement
avec la mobilité et l'inconstance de leur caractère, à des actes
souvent monstrueux, ou à des pratiques repoussantes : Une
jeune fille hystérique est prise de vomissements dont l'aspect
rappelle absolument celui de l'urine ; tous les matins on la sonde
et dans la journée les vomissements ne reparaissent plus, puis
comme on pense à la possibilité d'une supercherie, on fait sur-
veiller la jeune malade, et on ne tarde pas à la surprendre
buvant ses urines en cachette tous les matins '.
Ces faits de simulation ne sont pas rares : « On les
rencontre à chaque pas dans l'histoire de l'hystérie --dit
M. Charcot et l'on se surprend quelquefois à admirer la
sagacité ou la ténacité inouïe que les femmes, qui sont sous
le coup de la grande névrose mettent en oeuvre pour tromper,
... surtout lorsque la victime de l'imposture doit être un mé-
decin. Dans l'espèce, il ne parait pas démontré que la
parurie erratique des hystériques ait été jamais simulée de
toutes pièces et pour ainsi dire créée par les malades.
En revanche, il est incontestable que, dans une foule de cas,
elles se sont plu à dénaturer, en les exagérant, les princi-
pales circonstances du cas, et à lui imprimer le cachet de
l'extraordinaire, du merveilleux. Voici, en général, comment
les choses se passent : l'anurie ou l'ischurie avec les vomis-
sements existent seuls pendant un certain temps, et le phéno-
mène est réduit par conséquent à sa plus grande simplicité.
Mais bientôt, principalement si les accidents semblent exciter
l'intérêt et la curiosité des médecins, de l'urine pure sera
expulsée par les vomissements, en quantité considérable ; il
1 Duponchel. De la folie hystérique. Thèse de Paris, 1874.
« Leçons sur les maladies du système nerveux. T. 1, p. 128.
196 REVUE CRITIQUE. r
en sortira par les oreilles, par le nombril, par les yeux et
même par le nez, ainsi que cela eut encore lieu dans un fait
récent. Enfin, si l'admiration est poussée à son comble , il s'y
joindra peut-être des vomissements de matières fécales. »
Les médecins ne sont pas les seuls trompés par ces super-
cheries. Que de fois aussi les hystériques se sont-ellesjouées delà
crédulité publique en annonçant à des populations ignorantes,
superstitieuses et trop souvent avides du surnaturel, des appari-
tions miraculeuses, ou des faits extraordinaires qui avaient le tort
den'exister que dans leur imagination et dans leur esprit inépui-
sable d'invention et de mensonge Et pour citer un exemple
des plus récents, n'a-t-on pas vu dernièrement une hystérique
simuler les plaies et les blessures des véritables stigmatisées' !
C'est ainsi que se posant en victimes ou en héroïnes, elles
inventent mille histoires mensongères où le vrai et le faux est
mêlé avec un art si parfait que la justice peut être facilement
déroutée : : -En 1873, Mi', de M....âgée de dix-huit ans, accuse
le vicaire de la paroisse de l'avoir violée; elle raconte que tel
jour, telle heure, alors qu'elle se trouvait en prière à l'église,
le vicaire s'approcha d'elle après .avoir fermé toutes les portes
et la pria de l'accompagner dans la sacristie; là le vicaire lui
fait une déclaration brûlante et comme elle résiste, il fait mine
de se porter un poignard au coeur ; elle s'évanouit, dit-elle, et
lorsqu'elle a repris ses sens, elle était violée. A la cour d'assises,
les médecins légistes l'interrogent sur le modits faciendi, et
comme elle répond par des détails enfantins, on l'examine et
on la trouve absolument vierge, sans trace de violence exté-
rieure. Une jeune fille très pieuse se fait un jour avec une
paire de ciseaux plus de six cents incisions sur tout le corps,
puis elle prétend que ces blessures sont l'oeuvre d'umindividu
qui a voulu lui infliger le dernier outrage. Pressée de questions
par M. Toulmouche (de Rennes), elle finit par avouer qu'elle
s'est volontairement pratiqué ces nombreuses blessures , et
cette singulière comédie a précédéde peu une attaque d'hystérie
des mieux caractérisées .
'Bail. La stigmatisée de S... (L'Encéphale, 1881.)
- Toulmouche. Consultations médico-légales sur deux cas assez rares
d'aberration mentale. (Acan. (I'hyq. publ. et de med. légale. Paris, 1853).
- Voyez aussi Legrand du Saulle : Etude rnédico-légale sur l'hystérie' et
sur le degré de responsabilité des hystériques, etc. (Gaz. des h6p., 1859,
p. 145.) Bulard, thèse de Montpellier, 1858. Duponchel et Chabrun,
thèses de Paris, 1874 et 1878; etc.
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. t97 Î
Quelquefois elles s'accusent elles-mêmes, ce qui détourne
davantage les soupçons, elles imaginent de toutes pièces un
crime dans un but qu'on ne peut concevoir ni définir , elles
en indiquent les circonstances et les péripéties avec un luxe et
une précision de détails qui ne peuvent laisser aucun doute
dans l'esprit du magistrat, et cependant tout le récit est faux
d'un bout à l'autre. Telle, il y.a peu de temps, cette jeune
fille qui se dénonce et s'accuse d'avoir tué un jeune homme sur
le bord d'une pièce d'eau où il était ensuite tombé. On ne re-
trouve pas le cadavre et l'on acquiert bientôt la certitude qu'il
s'agissait d'une hystérique et d'une histoire inventée par elle.
D'autres fois encore elles se plaisent à mystifier toute une
population : Tout à coup, dit M. Legrand du Saulle, il survient
dans un pays de grandes divisions entre diverses familles qui
cessent de se fréquenter parce qu'elles ont reçu des lettres
anonymes. C'est que dans ce pays, il y a souvent une femme
hystérique au courant des histoires de tout le monde et qui est
entrée dans la voie des lettres anonymes, éprouvant un certain
plaisiràsemer partout la discorde. M.Lasègueracontel'his-
toire suivante qui, pendant quelques années, a ému plusieurs
tètes couronnées : Une femme écrit au roi Victor-Emmanuel
pour lui dire qu'elle est fille naturelle de sa soeur la princesse
de Carignan; comme preuve, elle parle d'une cassette cachée
sous le lit de la femme qui lui servait de mère, un jésuite
venait voir cette femme, et un jour cassette et jésuite dispa-
raissent. Ne recevant pas de réponse, elle écrit lettres sur
lettres, donne son adresse, on fait des recherches en France.
on ne découvre rien; mais un envoyé du roi, convaincu de la
véracité du récit, l'emmène à la cour d'Italie. Elle revient en
France où l'on finit par savoir qu'elle est femme d'un coiffeur, et
unjourM. Lasègue la voit en proie à une attaque d'hysléro-épi-
lepsie suivie d'aphasie '.
Lorsque les hystériques sont entrées dans cette voie périlleuse
elles ont déjà un pied dans l'aliénation mentale, et au point de
vue médico-légal, elles n'ont déjà plus l'entière responsabilité
de leurs actes.
IV. Si leurs impressions, disons-nous, sont mobiles, fugaces et
changeantes, on peut voir aussi, par une singulière contradic-
1 Lasègue. Les hystériques, leu7, pee-ve,sité, leui,s mensoiges. (Ann.
tnedico-psych. t. VI, 1881.)
198 - REVUE CRITIQUE.
' tion qui n'est pas rare dans l'histoire de l'hystérie, avec quelle
constante persévérance, avec quelle fixité elles reviennent
toujours à une même idée qu'elles ont imaginée tout d'abord
et à laquelle elles s'attachent comme à une chose réelle : -té-
moin cette histoire d'amours toujours la même et toujours
répétée de la même façon par la fameuse hystérique Gen...
observée à la Salpêtrière ; témoin encore, pour ne citer que
celui-là, le cas du malheureux Urbain Grandier qui,, accusé
par les religieuses Ursulines deLoudun de venir les visiter pen-
. dant la nuit, expia sur le bûcher des crimes imaginaires.
C'est que les hallucinations laissent parfois une impression
profonde et durable dans leur esprit, puisque les hystériques
' croient à la réalité de leurs rêves pendant un temps assez long.
- 'Le fantôme mal dessiné d'abord de ces hallucinations prend une
* forme et bientôt un nom : dans le procès célèbre qui a agité
« l'opinion publique en 1835, Marie de M... a persisté avec une
^ énergie rare dans ses accusations de viol portées contre M. La
R...'. '. Elle décrit avec les moindres détails les sensations, tac-
tiles, les attouchements dont elle a été victime dans son rêve,
' et les termes dont elle se sert, contrastent souvent avec la pu-
reté de sa vie et la chasteté de son coeur : tant il est vrai que
f l'hallucination et l'excitation qui l'accompagne suggèrent chez
'-les malades, au dire de Brierre de Boismont « des expressions
** qui ne leur sont pas familières ». ·
Ces idées fixes qui constituent, suivant l'expression si ingé-
nieuse d'Esquirol, une sorte de catalepsie de l'intelligence,
l peuvent donner lieu à différents accidents chez les hystériques :
ainsi nous avons vu que certaines malades refusent toute ali-
mentation, non pas seulement parce qu'elles ontperdulaseilsa-
tion de la faim, mais aussi parce qu'elles s'imaginent que le
travail digestif détermine des douleurs trop vives ; une autre
'se condamne à un mutisme absolu parce que l'exercice de la
voix détermine, dit-elle, un peu de douleur, et elle reste ainsi
muette pendant des mois ; une troisième croit remarquer que la
marche et la station provoquent des sensations douloureuses,
et' alors pour les éviter, elle a résolu de ne plus marcher pen-
dant de longs mois ; une hystérique tient les yeux fermés pen-
dant des journées entières, laissant tomber ou contractant
' ' Lire la relation extrêmement intéressante de ce procès dans le cahier
XLVI des Causes célèbres de tous les peuples, par Fouqumr.
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. M 99
convulsivement ses voiles palpébraux, et se refusant absolu-
ment à les ouvrir. On pourrait citer un grand nombrecde
faits semblables où les hystériques se condamnent par'parti
pris, par obstination, par une sorte d'opiniâtreté maladive, à
ne plus manger, à ne plus marcher, à ne plus voir. Elles ont
décidé ainsi, pendant des mois et même des années, de ne'plus
vivre de la'vie commune , presque calmes et indifférentes^ au
milieu des émotions ou des tristesses de leur entourage ; celui-
ci a beau prier, supplier, insister, « l'excès d'insistance appelle
l'excès de résistance ». (Lasègue.) < .
C'est là une preuve d'une grande force de volonté, dira-t-on..
Non, c'est de la force d'inertie, c'est plutôtune aberration ou une
perversion de la volonté. Les hystériques ne veulent pas aujour-
. d'hui ce qu'elles voulaient hier, elles veulent ce qu'elles ne de-
vraient pas vouloir, et si elles sont parfois capables^de grandes
énergies, elles ne savent pas montrer de suite dans leurs
volitions pas plus que dans leurs sentiments. Vous les voyez
concevoir de grands projets, prendre debellesrésolutions : elles
vont travailler, elles travaillent déjà avec ardeur ; sur votre
conseil, elles abandonnent la lecture des romans qui les absorbait
encore tout à l'heure, elles renoncent à leur vie contemplative,
à leur manie si fréquente d'écrire et de composer,des vers,
elles se livrent à des travaux manuels, elles., s'occupent
de leur maison et reprennent au foyer domestique la place
qu'elles avaient presque abandonnée ; en un mot tout marche
à souhait pendant plusieurs jours..., quand aussitôt s'éteint
misérablement ce trop beau feu de paille, quand tout à coup
s'écroule cet échafaudage trop fragile de grandes promesses. Le
travail suppose un effort -persévérant de la volonté; elles, sont
pour un jour bien capables de cet effort, mais elles ne peuvent
y persévérer ; aussi ne sont-elles pas travailleuses et se plaisent-
elles à vivre le plus communément dans une insouciante oisi-
veté. Elles reviennent bien vite à leurs anciennes habitudes,
déclarant qu'elles ne peuvent vivre ainsi, se disant bien mal-
heureuses, et tout est et sera toujours à recommencer, parce que
leur défaillante volonté fléchit sans cesse sous le joug toujours
plus puissant de leurs petites comme de leurs grandes passions.
V. Les hystériques présentent-elles cette tendance aux plai-
sirs sexuels, cette imagination lascive ou cet excès de sensualité
qu'on s'est plu de tout temps à leur attribuer Le fait existe,
200 REVUE CRITIQUE.
mais il est plus rare qu'on le pense, et l'on cite bon nombre de
ces femmes chez lesquelles la sensibilité génésique est même
tellement émoussée qu'elle parait presque absente. Les désirs
oulappétits vénériens sont nuls, et l'acte génital peut étre'ac-
compli par elles avec une réelle indifférence, et même avec une
certaine répugnance ! ' Ce qui a pu faire dire le contraire, c'est
qu'elles sont souvent romanesques, aimant les aventures ga-
lantes qu'elles savent souvent arrêter au moment opportun.
Quelques-unes cependant, sans jamais présenter ces phéno-
mènes d'érotisme ou de nymphomanie qui peuvent compliquer
la névrose', mais qu'il ne faut jamais confondre avec elle, ont
une certaine excitabilité génésique ; elles sont ordinairement
libres dans leur langage, employant des mots expressifs pour
peindre leurs sensations, et l'on voit souvent dans les hôpitaux
éomme dans la clientèle, des femmes qui éprouvent un singu-
lier plaisir à se faire sonder tous les jours pendant des se-
maines entières, ou encore d'autres malades qui simulent une
affection de' matrice et qui reviennent sans cesse consulter
le médecin'pour réclamer des examens au spéculum.
* On en rencontre enfin qui ont ce qu'on peut appeler le tem-
pérament génital, caractérisé par une certaine ampleur des
masses charnues et l'abondance du système pileux, par l'ex-
pression mobile de la physionomie, l'animation facile des traits,
l'éclat brillant des yeux, l'épaisseur et la coloration des lèvres
qui sont d'un rose vif tranchant avec la blancheur des dents,
enfin par le développement des seins et des organes sexuels ;
elles'peuvent parfois résister pendant un temps plus ou moins
long aux pensées qui les obsèdent, mais bientôt, vaincues dans
la lutte inégale du devoir et de la raison contre le désordre et
le dérèglement des sens, elles peuvent chercher, elles cher-
chent souvent dans les attouchements solitaires une diversion
passagère a l'ardeur qui les tourmente... Puis ces attouchements
se répètent et conduisent à l'érotisme, à la nymphomanie,
accidents qui peuvent, nous le répétons, compliquer l'hysté-
rie, mais qui sont.absolument distincts de cette névrose. On
les voit alors, dit Tardieu, abandonner parents, amis, enfants,
et aller chercher dans la prostitution un remède encore impuis-
sant à la triste fureur qui domine leur raison et leurs sens.
VI. Ce qui les distingue encore, c'est une sorte de quiétude
dans laquelle les laissent toutes les affections d'une durée plus ou
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. 201
moins longue dont elles sont atteintes. Que l'on mette en re-
gard deux malades, l'une avec une hémiplégie permanente
compliquée de contracture due à une lésion, quelconque, des
centres nerveux, l'autre avec une contracture hémiplégique
de nature hystérique, et l'on comprendra quelles différences
les séparent au point de vue mental : la, première ne verra pas
sans une inquiétude toujours croissante la rigidité musculaire
envahir de jour en jour davantage ses membres immobilisés déjà
par un long repos ; la seconde, c'est-à-dire l'hystérique, subit cette
immobilisation prolongée avec une, insouciance étrange,, avec
une patience singulière qu'il ne faut pas prendre pour de la rési-
gnation, et l'on sent que ses plaintes, ses récriminations et ses
doléances d'une heure ne sont pas sérieuses, comme si elle sa-
vait par avance qu'il ne s'agit pas d'une affection irrémédiable.
, Mais cette quiétude ne provient pas toujours d'un (raisonne-
ment plus ou moins inconscient que les hystériques peuvent
faire sur la gravité ou la bénignité de, leurs accidents morbides ;
elle est due aussi et surtout à un état .-cérébral singulier qui
mérite de nous arrêter un instant : ces malades peuvent être
atteintes d'une perte absolue et générale de toutes les diverses
sensibilités, et cependant elles ont si peu conscience,de, ce
trouble profond qu'elles n'en parlent jamais, qu'elles peuvent
marcher, se livrer à toutes sortes d'occupations sans en ,être le
moins du monde incommodées, au point même qu'elles mani-
festent le plus souvent un grand étonnement quand le médecin
attire pour la première fois leur attention sur ce point. Quelle
différence avec l'anesthésique par lésion encéphalique ou mé-
dullaire, qui s'aperçoit, qui se préoccupe de la, plus ( légère
diminution de la sensibilité, de la difficulté consécutive, de la
marche, de la sensation de « corps élastique » qu'il éprouve
sous ses pas et qu'il sait si exactement analyser ! Tous, deux
sont anesthésiques, pourquoi donc l'hystérique qui l'est davan-
tage le ressent-elle moins ? C'est parce que cette dernière se
trouve' dans une situation d'esprit comparable à celle des indi-
vidus qui, distraits par une forte préoccupation deviennent dès
lors incapables de sentir les impressions fies plus violentes,
c'est parce qu'elle a dû acquérir par le fait même de sa maladie
une sorte de paresse cérébrale qui, « la rend moins apte à
percevoir certaines modalités sensitives, ».
1 Lasègue. De l'anesthésie et de l'ataxie hystériques. (Arch. de zéd.,
1864, p. 391.) ' ' -' . pi
H02 REVUE CRITIQUE, i
Dans certains cas cependant, le cerveau des hystériques est
hanté par des idées hypocondriaques. Mais on s'aperçoit bien vite
que cette hypocondrie n'est pas vraie, et qu'elle a souvent
pour but d'inspirer un certain intérêt ou même de faire naître
dans leur entourage des inquiétudes pour leurs maux réels ou
imaginaires. Elles parlent d'elles à toutpropos, deleur vie man-
quée, de leurs affections perdues, ou de leurs illusions évanouies,
de leurs souffrances continuelles ou de leurs douleurs incom-
prises ; et dans toutes leurs paroles ou leurs actions, on re-
marque que c'est toujours leur personnalité qui domine, ou le
moi qui est en jeu. C'est qu'elles sont souvent égoïstes, ne
pensant qu'à elles, à leurs petites comme à leurs grandes
misères, presque heureuses de tenir leurs parents et leurs
amis en haleine d'inquiétude et de tristesse jusqu'au jour où
un être aimé, un enfant qu'elles avaient semblé voir avec une
certaine indifférence, tombe sérieusement malade; alors, elles
exagèrent tout, le danger comme le dévouement, oublient pour
un temps les préoccupations de leur santé, passent des nuits
entières au chevet d'un lit, s'épuisant souvent en privations
inutiles, ou en agitations stériles.
Certaines femmes hystériques ont souvent la manie de de-
mander des conseils à tous les médecins qu'elles rencontrent
ou qu'elles vont trouver; ce qui étonne même de la part d'hys-
tériques intelligentes, c'est leur crédulité facile dans l'effica-
cité des moyens les plus bizarres,ou dans la parole de vulgaires
charlatans et de somnambules. Enfin, elles ont souvent la ma-
nie des médicaments, cessant l'un pour en reprendre un autre,
et s'attachant quelquefois à l'un d'eux avec une persistance
telle qu'on est souvent obligé de les tromper pour éviter la
production d'accidents toxiques. C'est ainsi qu'elles abusent de
la morphine, et la morphiomanie des hystériques qu'on observe
si fréquemment est d'autant plus difficile à guérir qu'on ne
peut faire appel à leur volonté pour en réprimer l'habitude et
les abus.
VII. Si les facultés affectives sont atteintes, les facultés intellec-
tuelles ont conservé parfois, ont acquis même un certain degré é
d'excitation ; quelques-unes de ces malades sont brillantes,
enjouées, aimables dans le monde quand elles le veulent,
elles ont de l'esprit, la mémoire sûre, une imagination vive, une
conversation animée, ce qui a pu faire dire avec raison que même
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. 203
avec ces profondes aberrations du sens moral, cet état diffère
de lafolie réelle, et qu'il constitue plutôt une forme de caractère
qu'une maladie de l'intelligence, qu'il n'y a qu'un seul côté
défectueux dans leur esprit, c'est « l'impuissance de la volonté à
refréner les passions ' a. (Ch. Richet.)
Les hystériques s'agitent, et les passions les mènent, pour-
rait-on dire encore. Toutes les diverses modalités de leur état
mental que nous avons cherché à étudier, peuvent presque-se
résumer dans ces mots : ELLES NE SAUVENT pas, ELLES NE peuvent
pas, elles NE veulent pas vouloir. C'est bien en effet parce
que leur volonté est toujours chancelante ou défaillante,
c'est parce qu'elle est sans cesse dans un état d'équilibre
instable, c'est parce qu'elle tourne au moindre vent comme
la girouette sur nos toits, c'est) pour ces raisons que ces
malades ont cette mobilité, cette inconstance et cette mutabi
lité dans leurs désirs, dans leurs idées ou leurs affections.
C'est encore pour la même raison qu'elles manquent de fran-
chise et qu'elles commettent si souvent des mensonges : car
elles laissent leurs pensées errer au gré de leur imagination
vagabonde ou déréglée qu'elles sont impuissantes à diriger,
comme si elles étaient sans cesse sous l'influence d'un empoi-
sonnement par le haschich. Si elles obéissent presque tou-
jours à leur premier mouvement et à l'exaltation de leurs
sentiments, si d'autres fois elles expriment des idées singu-
lières et baroques, disant tout ce qui leur passe par la
tête, si elles commettent encore des extravagances, se faisant
remarquer par une certaine liberté d'allures et de conversa-
tion, si jamais calmes et pondérées elles sont toujours pas-
sionnées et ardentes pour le bien comme pour le mal, ce n'est
pas seulement parce que la raison n'intervient point' pour
redresser toutes ces irrégularités de conduite ou de paroles,
mais c'est surtout parce que le frein de la volonté est pour
ainsi dire faussé au point de ne pouvoir plus ni les arrêter ni
les retenir. Pour une raison ou une autre, cette volonté renaît-
elle dans leur esprit, et des guérisons dites « miraculeuses »
peuvent survenir : une hystérique atteinte d'anorexie, ne
veut pas manger jusqu'au jour où un médecin impose son
autorité, et lui démontre que son affection va devenir très
' Ch. Richet. -Les démoniaques d'aujourd'hui, etc. (Revue des Deur-
Mondes, 15 janvier 18b0.)
2Oa - , REVUE CRITIQUE.
grave ; une autre, complètement immobilisée par la con-
tracture depuis plusieurs années, se met marcher tout à coup à
l'annonce d'un incendie; une autre, atteinte de paraplégie, se
lève et marche à la rencontre d'un frère qu'elle n'avait pas vu
depuis plusieurs années, etc. N'ont-elles pas aussi entendu van-
ter les cures miraculeuses produites par certaine eau douée'de
propriétées surnaturelles ? Elles entreprennentle grand voyage
depuis longtemps prémédité et préparé par la lecture ou le
récit d'histoires extraordinaires, elles emportent avec elles la
conviction et la volonté de guérir, elles n'ont pas encore
franchi le seuil de la grotte mystérieuse que subitement les
guérisons surviennent : les paralytiques marchent, les aveugles
voient et la parole est rendue à celles qui ne parlaient pi us ! C'est
que l'hystérie, est un terrain fertile en miracles thérapeutiques
qui s'opèrent par la vertu d'une imagination puissamment
surexcitée ou par le réveil subit et inattendu d'une volonté
depuis longtemps endormie. C'est ainsi que les pilules de mie
de pain, décorées sous le nom de pilules de fulminate de la-
raxacum , ont souvent opéré des miracles qui disputent la
palme à l'ingestion d'une eau claire'. Tous ces faits n'en sont
pas moins intéressants, parce qu'ils démontrent l'influence salu-
taire de la volonté sur la disparition d'un grand nombre d'ac-
cidents hystériques, et l'importance qu'on doit lui attacher au
point de vue de la conduite thérapeutique à tenir. `
UA maladie psychique, en effet, on doit opposer un traitement
psychique : il faut inspirer confiance aux malades, leur parler
quelquefois avec une certaine autorité, il faut encore savoirleur
exposer le danger de leur situation avec une voix assurée et
presque impérieuse qui ne souffre pas de réplique. Voici, entre
mille, un exemple qui démontre l'heureuse influence produite
par la volonté du médecin sur celle du malade : M. Charcot,
qui a eu l'obligeance de me raconter ce fait, est appelé un jour
en toute hâte par le médecin ordinaire d'une hystérique en
danger de mourir d'inanition. Cette malade était en effet
atteinte d'une anorexie invincible, elle se refusait à manger
depuis des mois, et l'état était devenu très grave, voisin de la
cachexie : corps extrêmement amaigri avec les chairs flasques
et le ventre creusé en bateau, face pâle et blême, yeux excavés,
' On sait qu'autrefois Cruveilhier parvenait a faire avorter une attaque
convulsive en faisant boire à la malade, de gré ou de force, plusieurs verres
d'eau froide coup sur coup.
état mental DES HYSTÉRIQUES. 205
pouls petit' et misérable, jambes légèrement infiltrées ? En
présence d'un état si menaçant, M. Charcot prend' une' grave
détermination : il éloigne les parents de la malade et lui coma
mande impérieusement de manger, car si elle' né le fait pas,
elle est vouée à une mort certaine avec' des souffrances horri-
bles. Ces paroles, ces mesures sévères produisirent un grand
effet. Le premier jour, elle voulut bien toucher à un peu de
nourriture, le second jour elle mangea, les jours suivants
davantage encore, et après une semaine elle mangeait comme
tout le monde, puis, après deux mois de ce régime, elle s'était
transformée, avait repris son embonpoint et sa santé d'autre-
fois. Interrogée par le médecin consultant, sur le motif, sur' le
but de son abstinence volontaire, elle répondit z : « D'abord
je n'avais pas faim, puis tant que mes parents furent là', je ne
crus pas au danger parce que je voyais dans leursremontrances
de tous les jours un excès dé leur affection ; mais vous êtes
venu, vous avez éloigné mes parents, vous m'avez parlé d'une
grosse voix ; j'ai senti alors que mon état était réellement
grave, j'ai voulu manger, et j'ai mangé. » ` ' ' °
Une autre hystérique était atteinte d'une paraplégie com-
plète depuis plusieurs mois ; M. Charcot lui avait annoncé
qu'il serait obligé pour la traiter avec succès', de l'envoyer
seule dans un établissement hydrothérapique et de la séparer
ainsi de ses parents. Quelques semaines se passent sans' aucune
amélioration, quand une nuit elle voit,' elle entend dansrun
rêve le médecin consultant qui lui apparaît et lui renouvelle sa
prescription de la façon la plus formelle. Les hystériques.'on
le sait, croient longtemps à la réalité des rêves ou' des capuche-
mars qui troublent si souvent leur sommeil agité ? Celle-ci à
son réveil pendpour, elle'adéjàrésolu de marcher, et ce queles
médications les plus diverses n'avaient pas fait, la volonté seule^
qui est un galvanisme, a pu l'accomplir ; elle a pour ainsi dire
électrisé les membres de la paralytique et leur a rendu'rapi-'
dément la faculté locomotrice !
a
' VIII. En terminant ces considérations sur le caractère, les
moeurs et l'état mental des hystériques, il est nécessaire de dé-
clarer que toutes les malades sont bien loin déposséder surtout
à ce point ces dispositions de l'esprit que nous avons cherché à
étudier ; quelques-unes se contentent d'être fantasques, capri-
cieuses et inconstantes, ne présentant toujours qu'une certaine
206 REVUE CRITIQUE.
faiblesse ou instabilité de la volonté ; d'autres sont inquiètes,
émotives à l'excès, véritables sensitives qui tressaillent ou
s'agitent au moindre souffle des plus petites passions. A ce
degré même, l'hystérie légère n'est pas, comme le dit si bien
M. Richet, une véritable maladie, c'est plutôt une des expres-
sions, une des modalités du caractère féminin. On peut même
ajouter aveclui que les femmes à vapeurs, sujettes à « avoirleurs
nerfs », comme on dit dans le monde, sont plus femmes que les
autres femmes.
D'autres, au contraire, n'ont en aucunefaçon et àaucun degré
le caractère hystérique ; on voit même parfois de ces malades qui
sont atteintes des accidents convulsifs les plus accusés ou encore
des phénomènes permanents de la névrose, tels que les cou-,
tràctures, les paralysies, les troubles de la sensibilité, et qui pré-,
sentent une pondération remarquable dans leurs idées ou leurs
sentiments; elles sont calmes,, confiantes, dociles et sérieuses;,
elles n'entras enfin cotte mobilité de caractère qui est l'un des^
traits principaux de l'état mental des hystériques.
IX. Cette étude présente doncun grand intérêt à l'âge adulte;
mais, dès le jeune âge, on peut déjà surprendre certaines disl
positions du caractère qui permettent de reconnaître une cer-'
taine tendance à l'affection nerveuse. 1 9
« Ce sont ordinairement des fillettes de huit à douze ans,
quelquefois plus jeunes encore, à physionomie éveillée. Elles
sont facilement impressionnables, sujettes à pleurer ou à rire
sous les prétextes les plus futiles, et douées d'une vive imagi-
nation et d'une intelligence remarquable. Elles se distinguent
dans toutes les études, surtout sur la musique, le dessin et pos-
sèdent un talent naturel d'imitation. Elles pratiquent volon-
tiers le mensonge et jouent d'instinct la comédie. «(Jules Simon.)
On voit ces enfants concevoir sur leur santé des préoccupations
qui ne sont pas communes à leur âge, elles ont une tendance
aux idées hypocondriaques, se plaignant tour à tour de gas-
tralgie, de douleurs entéralgiques, de céphalalgie, de névralgies
diverses. Les auteurs anciens ont souvent assimilé à tort
l'hypocondrie à l'hystérie ; nous ne confondons pas ces deux
états morbides si différents, mais nos observations nous auto-
risent à penser que le plus souvent l'hypocondrie dans le jeune
âge est le symptôme précurseur de l'hystérie qui va naître à
un âge plus avancé.
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. 207
D'autres fois, on remarque que, dans leur enfance, elles
sont turbulentes, indisciplinables au point qu'elles sont obligées
de quitter leurs classes et qu'elles n'ont pas reçu l'instruction la-
plus élémentaire; elles sont querelleuses, susceptibles, se fâchant
avec leurs petites compagnes, sujettes à de violentes colères. La
fameuse hystérique Gen... était follette, difficile à tenir, elle
courait partout, s'échappait de l'école, avait déjà la manie de
sauter par dessus les murs et de se cacher au point qu'on était
parfois obligé de l'attacher; enfin, vers l'âge de quinze ans,
elle était souvent prise sans cause d'une profonde tristesse,
refusant de parler pendant des journées entières.
En résumé, ces petites filles présentent de bonne heure des
habitudes, des manières et des allures qui portent déjà le cachet
de la névrose dont elles seront plus tard atteintes : elles sont
impressionnables à l'excès, la plus petite contrariété, les moin-
dres reproches et réprimandes sont reçus avec des sanglots^et
d'abondantes larmes et produisent un sentiment d'oppression à
l'épigastre, de strangulation à la gorge, etc. Vives et irritables,
elles ont souvent de petites colères et des accès de jalousie ; elles
ont aussi une grande mobilité d'humeur et des bizarreries de
caractère qui paraissent étranges; coquettes et maniérées, elles
éprouvent déjà le désir d'appeler sur elles l'attention ou d'ins-
pirer de l'intérêt, et savent déjà pratiquer le mensonge ou jouer
la comédie ; la physionomie est ordinairement intelligente,
expressive, la mémoire est fidèle, l'imagination a de la vivacité;
elles ont des insomnies et des cauchemars, de véritables hallu-
cinations et des terreurs nocturnes ; elles se plaignent souvent
de migraine ou de céphalalgie, d'hyperesthésie et de sensibilité
à la lumière, de gastralgie avec vomissements tenaces, de névral-
gie intercostale etd'hyperesthésie ovarienne qui commence à se
montrer au moment de la puberté ; enfin elles ont à propos de
la plus légère bronchite, d'une simple angine, des toux paroxys- *
tiques et persistantes présentant souvent un timbre particulier,
des spasmes passagers et divers du côté de l'oesophage, du pha-
rynx, du larynx et des viscères abdominaux, spasmes qu'elles
expriment par la sensation de corps étranger à la gorge, de
bêtes qu'elles ont dans le ventre, de vers qui montent ou qui
descendent, ou de poids qui les oppriment.. Dans certains
cas encore, on observe des palpitations, des tendances aux
lipothymies et aux syncopes, des pertes de connaissance incom-
plètes que l'on confond trop souvent avec des accidents épilep-
208 REVUE CRITIQUE.
tiques, surtout s'il s'y ajoute, comme il arrive parfois, de véri-
tables attaques convulsives.
Il faut insister sur les dispositions du caractère, sur les troubles
divers du système nerveux, qui permettent dès l'enfance de re-
connaître, de dépister et de combattre la disposition à l'hystérie.
Voici encore d'autres exemples qui, en relatant divers accidents
nerveux du jeune âge, dévoilent bien le caractère hystérique
dès cette période de l'existence : une petite fille de dix ans est
atteinte d'une céphalalgie frontale atroce qui dure plusieurs
mois, qui résiste à tous les calmants, à l'hydrothérapie même,
et qui cède un beau jour brusquement, au moment d'une atta-
que de spasme pharyngé-laryngé avec toux rauque et une sorte
d'aboiement. Or, dans ce cas, plusieurs médecins consultés
n'avaient pas hésité à porter un pronostic très grave, puisqu'ils
admettaient une affection des centres nerveux. Une autre
petite fille de six ans, jalouse de son petit frère, se dit atteinte
de douleur de tête, elle accuse du vertige, des douleurs névral-
giques vagues, de la photophobie, elle refuse tout aliment, craint
le moindre bruit, redoute l'impression de la lumière ; le pouls
est accéléré au moment des visites...; au 4e jour, on s'aperçoit
de la supercherie, on contraint la petite comédienne de se
lever, de marcher et démanger, et tous ces symptômes, qui
avaient à un moment éveillé quelques inquiétudes, disparais-
sent comme par enchantement; or, cette enfant est devenue
jeune fille, elle a maintenant seize ans, et elle est assez souvent
atteinte de spasmes, de mouvements convulsifs sur la nature
hystérique desquels il n'est même pas permis d'hésiter '.
West a observé deux cas de simulation à peu près sembla-
bles : un enfant de treize ans se plaint pendant neuf mois de
céphalalgie avec photophobie, il a une hyperesthésie du cuir
chevelu, de l'inappétence, de la constipation, il accuse une
certaine difficulté dans la marche, etc., et cependant on décou-
vre que l'enfant exagère tous ses symptômes douloureux lors-
qu'on l'observe, et après un traitement moral pendant lequel
l'indifférence des parents et du médecin joue le principal rôle,
le petit malade guérit complètement ; - une petite fille, qui
avait eu à dix-huit mois des convulsions, à six ans une toux
spasmodique avec sensibilité considérable de l'épiglotte, accuse
depuis huit ans et demi jusqu'à dix ans et demi une cépha-
Jules Simon. Conférences cliniques et thérapeutiques sur les mala-
dies des enfants, 1880, p. 135.
ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES. ' 209
lalgie très intense, elle s'en plaint surtout lorsqu'elle est l'objet
de l'attention de sa mère et du médecin; elle présente des
bizarreries et une irritabilité de caractère insolites pour son
âge, refuse parfois de manger et bientôt éprouve nettement la
sensation de la boulé hystérique, puis elle est prise de dyspha-
gie avec symptômes d'hydrophobie nerveuse et de convulsions
générales, accidents dont un traitement moral eut seul rai-
son '. Dans ces cas, ajoute si judicieusement M. West, c'est
moins l'état du corps que celui de l'esprit qui doit éveiller les
craintes du médecin. Car, l'attention constante donnée aux
moindres sensations du malade, « l'habitude .de satisfaire,
tous ses désirs et fantaisies, sous prétexte de maladie, et l'indul-
gence que l'enfant trouve toujours en ce cas dans un amour,
maternel exagéré, exercent une très funeste influence'sur leur
caractère et en font de jeunes hypocondriaques ». , ,,
Ht
X. Nous avons étudié les dispositions intellectuelles et men-'
tales de l'hystérique à l'âge adulte, nous avons vu ses tendances
névrosiques dès le jeune âge; il serait intéressant de savoir ce'
qu'elle devient à ce point de vue à un âge plus avancé, à l'é-
poque de la ménopause par exemple. Or, à ce sujet, il n'existe
absolument rien de précis : sans doute, le caractère devient'-
plus calme et les sentiments plus fixes, les idées 'sont' moins'
fluctuantes et les volitions moins mobiles ; mais d'autres fois t
aussi on peut voir éclater des accidents nerveux connus sous'
le nom d'hystérie de retour on de la ménopause, et souvent
accompagnés de tendances érotiques si bien décrites ' par
M. Noël Guesneau de Mussy .
Enfin, nous avons vu que, dès l'enfance, les traits se présen-
tent sous l'aspect d'une physionomie éveillée, mobile, expres-
sive, qui contraste singulièrement avec la figure' indifférente,
inerte et sans expression des jeunes épileptiques. En est-il de
même chez les adultes, et leur état mental a-t-il son reflet sur
leur physionomie; en un mot existe-t-il une constitution, un
faciès hystérique' ! -,
Sous le rapport de la constitution, les avis ont toujours été
1 West. = Leçons sur les maladies des enfants. Trad. par Archambault,
ire édition, 1875, p. 13.
Gueneau de Mussy. Erotisme de la ménopause. (Gaz. hebd,, 1870,
et Clinique médicale, t. 11, 343; Paris, 1875.
14
210 REVUE CRITIQUE.
partagés depuis longtemps, comme le prouvent les citations sui-
vantes que l'on pourrait aisément multiplier : Arétée croyait
ainsi dépeindre les hystériques : n Juvenes rnulierculae quae sunt
sensibilioris gpneris nervosi,ettexturae tenuioris. » Forestus, au
contraire, disait : xMulieresvirosa; corpulentes etmulto sanguini
prseditse. » C'est bien la même opinion exprimée par Louyer-
Villermay, qui prétendait que toute femme hystérique est forte,
brune, pléthorique, pleine de vie et de santé, ce qui est une
grande exagération et une erreur manifeste. Car « il n'existe pas,
dit Briquet, de constitution hystérique appréciable par les appa-
rences extérieures ; cette maladie prend les femmes comme elle
les trouve, blondes, brunes, grasses, maigres, fortes, faibles,
colorées ou pâles ; il n'y a pas de choix. Quelques hystériques,
à la vérité, ont la ligure délicate, intelligente; mais il en est
tant dont la face béotienne, apathique et dure, trahit lastupidité,
ou dont les traits amaigris, décharnés et le teint hâve, consta-
tent la dégradation, qu'il faut renoncer au beau type grec
comme spécimen de la prédisposition à l'hystérie Il y a d'ail-
leurs de par le monde trop de femmes hystériques pour que
cette maladie n'atteigne que des belles. Dubois (d'Amiens) avait
deviné tout cela ; car, au milieu du fatras d'écritures sur cette
matière qu'il avait été forcé de compulser, il finit par dire :
« Je soupçonne fort qu'il n'existe pas de constitution hysté-
rique comme l'entendent les auteurs ' ». -
Malgré cette assertion un peu exclusive de Briquet, il n'en
est pas moins vrai que quelques hystériques présentent parfois,
sinon une constitution prédisposante, au moins un faciès par-
ticulier qui nous a permis dans certains cas, à leur simple aspect,
de reconnaître des hystériques. Nous avons suffisamment dé-
montré que leur état mental est surtout formé de contrastes,
qu'une volonté sans force est ordinairement unie à une activité
désordonnée de l'imagination, et qu'à une vive exaltation delà
sensibilité morale correspond souvent un défautde réaction aux
impressions si diverses qui les frappent, etc. (Axenfeld.) Aussi
ces contrastes se trahissent-ils parfois sur leur physionomie
par une expression habituelle de langueur et d'abattement,
accompagnant une certaine mobilité des traits. Pour Todd,
l'éclat de l'oeil et un léger abaissement de la paupière supé-
rieure cachant en partie le limbe de la cornée ont été indiqués
comme caractérisant habituellement le faciès hysttrica.
Briquet. Traité de l'hyslene, p. 02-93.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 21 1
Si ce travail que nous arrêtons ici reste encore incomplet, il
n'aura pas été sans utilité : en montrant au clinicien et au
thérapeute que l'hystérie atteint plus ou moins profondément
la volonté, il leur indique la voie à suivre et les moyens à
mettre en oeuvre pour combattre utilement certains accidents
rebelles, il leur apprend aussi le secret de ces guérisons singu-
lières souvent inespérées et toujours inattendues ; en dévoilant
les modalités prépondérantes du caractère des hystériques, il
intéresse le magistrat comme le médecin légiste au point de
vue de la créance que l'on peut prêter à leurs paroles et à leurs
déclarations, et aussi du degré de responsabilité que l'on doit
attribuer à leurs actes ; le psychologue et le moraliste trouveront
également un sujet fécond d'études dans cette agitation tumul-
tueuse d'impressions et de sentiments divers dont l'esprit des
hystériques est sans cesse troublé. Nous savons maintenant ce
que produit l'exaltation de l'imagination unie à l'impuissance
de la volonté, c'est-à-dire l'intelligence sans le contrôle de la
réflexion qui éclaire la folle du logis, sans un frein qui modère
l'activité désordonnée et stérile des volitions.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. LE CRANE ET LE CERVEAU D'UNE MICROCÉPHALE; par J. JENSEN.
(Archiv. f. Psych. u. Nervenh., 1880.)
Faut-il ne considérer comme microcéphales, c'est-à-dire
comme idiots au point de vue clinique, que les individus pré-
sentant une atrésie prononcée des centres encéphaliques
et notamment du cerveau, de grossiers arrêts de développement
du système nerveux en corrélation avec une minutie extrême
du squelette crânien ? L'observation décrite en détail par le
Dr Jensen démontre qu'il exisleune classe d'idiots dont la lésion
anatomique est représentée simplement par un défaut relatif de
212 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
substance corticale, tant pour l'ensemble des hémisphères qu'à
l'égard des masses ganglionnaires de la base. Il semble, comme
le fait ressortir l'auteur de ce mémoire, que les cerveaux des
microcéphales aient eu à leur disposition trop peu de matière
nerveuse pour pouvoir, au moment de l'évolution formatrice,
dispenser la quantité qu'exigent les organes supérieurs qui pré-
sident à la vie psychique; les couches grises ont été sacrifiées
à l'élément blanc, la vie psychique à la vie végétative. Et
notons qu'il s'agit ici d'un idiot non microcéphale, dont il a
fallu chercher avec soin les altérations pour les voir, ce qui
imprime, dans l'espèce, une surprenante allure de vérité à la
théorie.
L'histoire de la jeune idiote en question, morte à seize ans
et demi d'une entérite hémorrhagique inexpliquée, présente
parmi les commémoratifs de la première et de la seconde en-
fance les particularités suivantes : faiblesse physique, agitation,
insomnie, absence de sensibilité à la douleur. L'enfant n'en-
tendait guère que les battements do mains, et n'apprit à mar-
cher que tard. Parvenue à sa quatorzième année, elle offre le
faciès de l'oiseau (projection en avant du nez et des incisives
du maxillaire supérieur); pour toute parole, elle fait entendre
un ronflement analogue au ronron des chats, qui de loin en
loin revêt un timbre métallique, et des geignements inarticulés
quand il s'agit de répondre à des excitations désagréables, mais
elle ne possède aucune manifestation expressive capable de
traduire un certain bien-être. Malpropreté absolue; démarche
légèrement titubante ne l'empêchant point de trotter en chan-
celant partout avec agitation. Ni ouïe, ni goût : l'ingestion des
aliments bouillants quels qu'ils soient, sans préférence, les
saupoudrât-on de sulfate de quinine, ne lui procure aucune
sensation, aucun malaise, aucun réflexe. Le seul signe d'in-
telligence qu'on signale est qu'elle connaissait sa place à table,
s'y rendant spontanément. Taille 1 ? ? ï. Poids 21 kilog. 07.
Arrêt de développement de l'appareil génital. La description
du squelette céphalique permet de relever l'écartement de la
suture frontale, l'existence d'un grand nombre d'os interca-
laires dans la suture lambdoïde, l'obliquité antérieure des
dents incisives du maxillaire supérieur tandis que la mâchoire
inférieure est fortement rejetée en arrière, l'étroitesse des
canaux carotidiens, la forme presque losangique du trou occi-
pital, la situation horizontale des voûtes orbitaires. Les dimen-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 213
sions du crâne dans leur ensemble sont d'au moins 8 à 10 p. 100
plus faibles que celles des femmes allemandes en moyenne.
Ne pouvant copier les détails des mensurations d'ordre anthro-
pologique, nous nous bornerons à mentionner que le trou occi-
pital a subi, toutes choses égales d'ailleurs, une réduction de
4 p. 100 dans son plus petit axe, de 6 p. 100 dans son sens le
plus étendu; la ligne basale de Welker est de 4,3 p. 100 au-
dessous de la moyenne. Il est remarquable que l'aîi-èl de déve-
ln2penzezzt porte au même titre, au même degré sur les os de la
face; sa masse est de 10 p. 100 inférieure aux mesures
moyennes, et cet abaissement mensural atteint, même pour les
dimensions des orbites, 16 p. 100, tandis que l'angle facial de
Welker est encore de 78.
Le cerveau, qui pèse 954 grammes avec les méninges molles,
contredit au diagnostic de microcéphalie, d'autant queles hémis-
phères y sont représentés pour 805 grammes. L'examen super-
ficiel des circonvolutions et des sillons confirme plus parfaite-
ment la remarque que c'est là un volumineux cerveau d'idiot;
il met en relief le caractère humain de l'individu en ce sens
qu'on observe, par exemple, sur la frontale ascendante, des
deux côtés, une scissure profonde (rareté chez l'homme, incon-
nue chez le singe); la division du sillon interpariétal en plu-
sieurs segments, au point de former à gauche un sillon parallèle
au sillon de Rolando, doit être aussi rangée parmi les phéno-
mènes propres à la race humaine. Ajoutons enfin que l'insula
est complètement recouverte, et nous aurons bien des arguments
en faveur de la conclusion que le système des replis cérébraux
paraît témoigner bien plus d'un excès que d'un défaut d'évolit-
tion. Mais une étude approfondie décèle : .
1° ° L'aplatz'sseme7t général des circonvolutions qui, au lieu
d'offrir une profondeur de 9 millimètres, ne mesurent que
7 millimètres : or, trois cerveaux d'idiots examinés comparati-
vement présentaient une hauteur de 9 millimètres. L'auteur a
calculé que la diminution se manifeste principalement sur les
lobes frontaux et occipitaux, assertion qui ruinerait la théorie
simienne de Vogt (son parallèle entre la masse des régions occi-
pitales du singe et des microcéphales).
2° La pauvreté de la zone corticale. Tandis que dans trois cer-
veaux quelconques, la couche corticale est de 2,57 millim., que
sur trois idiots pris au hasard elle ne s'abaisse qu'à ? ,3'a millim.,
elle n'a que 2,17 millim. d'épaisseur dans le cas présent.
21 t REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Le fait constaté, trouvons-en la pathogénie ? Comment peut se
produire une pareille localisation anatomo-pathologique ? Le
Dl J. se rallie à l'opinion de Gustav Josef pour qui le rétrécis-
sement du canal carotidien détermine une diminution de cali-
bre des artères contenues et entraîne une insuffisance de circu-
lation collatérale qui vient alors entraver le développement
cérébral. L'ischémie carotidienne est démontrée par les injec-
tions de Rohon (Arbeit. des zoolog. 7)M< ! '<. zu Wîeiz., t. 11);
des mensurations comparatives établissent l'exiguité des trajets
osseux de la microcéphafie qui nous occupe; serait-il rationnel,
alors que le crâne et le cerveau envisagés sont loin du retour
à l'atavisme (théorie de Vogt), quand on ne constate ni sou-
dure prématurée des sutures (théorie de Virchow), ni aucune
trace de lésions encéphaliques récentes ou anciennes (Stark),
ni les conditions de la pression intra-utérine anormale (Klebs),
de ne pas établir un rapport de cause à effet entre la inalfoî,2)za-
tion vasculaire et l'hypotrophie cellulaire du cerveau ? Quant à
l'origine de la malformation vasculaire, M. J. la relègue parmi
les genèses inconnues des anomalies vasculaires. P. K.
II. SUR LE nouveau MODE d'interdiction DES aliénés EN ALLE-
magne; par SPINOLA. (Arch. f. Psych. u. n'evelalc., 1880.)
Au premier octobre de l'année 1880 entrait en vigueur dans
les Etats allemands un nouveau procédé juridique à suivre pour
déclarer en état d'aliénation (démencedu Code français) et frap-
per d'interdiction légale les aliénés. Il s'agit en réalité simple-
ment de la substitution d'un mécanisme à un autre, et à cet
égard, nous le recommanderons à ceux qui seraient en quête
de réformes quant à la législation des aliénés. Comme sa des-
cription suppose l'exposé préalable du fonctionnement adopté
jusque-là et la connaissance exacte des diverses juridictions
administratives ou autres d'outre-Rhin dans leurs délimitations
respectives, nous nous bornerons à le mentionner ici à titre de
document, nous réservant d'y revenir plus tard au sujet de toute
question de droit qui en nécessiterait l'exposé détaillé. P. K.
III. Cas DE malformation cérébrale ; par le Dr L. WILLE.
(Arch. f. Psych. u. Nex·venlc., 1880.)
L'enfant dont il s'agit, venu au* monde en état de microcé-
phalie, ainsi qu'on peut s'en convaincre par le détail des men-
revue DE pathologie mentale. 215
surations crànio-faciales relatées au cours de l'observation,
présentait aussi un bec-de-lièvre supérieur médian compliqué
de gueule-de-loup. Les difficultés qu'offrait de ce fait sa
nutrition, la perte croissante de l'appétit qu'il manifesta et
bientôt de violentes convulsions suivies d'agitation, de dyspnée,
d'oedème entraînèrent sa mort à l'âge de vingt-deux jours, au
milieu d'une émaciation et d'une déchéance pondérale pro-
gressives, la température s'abaissant entre 32° et 30 ? 5 c. La
grossesse, sauf une frayeur violente dès le début, aurait affecté
une marche normale.
La nécropsie démontre : de l'anémie de tous les organes, de
l'oedème pulmonaire, de petits foyers de pneumonie dans les
deux poumons, une absence totale de fontanelles (bords osseux
au contact à leur niveau), des adhérences solides et même
ossifiées entre les sutures, un défaut complet de prolonge-
ments durc-mériens dans la masse nerveuse (ni faux cérébrale,
ni tente du cervelet). Dépourvue de lame criblée, d'apophyse
crista-galli, de crête frontale, la cavité crânienne, dont la crête
occipitale interne n'existe pour ainsi dire pas, et qui manque
de protubérance occipitale autant que des crêtes qui y abou-
tissent, se décompose, à proprement parler, en deux fosses infé-
rieures presque d'égal diamètre, situées l'une en avant, l'autre
en arrière. La selle turcique qui les sépare, très peu profonde,
est quasi plate à raison de l'imperfection des apophyses cli-
noïdes antérieures et postérieures. '
Les grosses malformations cérébrales qui correspondent aux
anomalies osseuses précédentes portent sur les hémisphères,
dont l'ensemble amoindri, arrêté dans son évolution, n'est le
siège d'aucune division longitudinale ou transverse. La con-
vexité n'est point séparée en lobes. La base seule décèle un
lobe postérieur et un lobe antérieur. Les caractères frappants
de la circonvolution d'hippocampe et de la circonvolution en
crochet indiquent l'individualité du lobe postérieur ; c'est le
lobe temporal, et, par conséquent, le sillon qui le limite en
avant représente la scissure de Sylvius, la substance nerveuse
en deçà ou au delà de celle-ci devant être considérée comme
l'embryon des circonvolutions frontale et pariétale. L'absence
de sillon de Rolando ne permet pas au surplus de se rendre
compte du degré d'atrésie des deux régions. Le lobe olfactif
manque totalement ; il est remplacé par une profonde dépres-
sion en avant du chiasma; même enfoncement au niveau d'un
216 REVUE DR P1TH()IO.IIs MENTALE.
ruban de substance blanche qui précède la couche optique surle
plancher ventriculaire. Nulle trace de lobe occipital. Il n'existe
ni corps calleux, ni commissure antérieure, ni cloison transpa-
rente, un seul ventricule. Laplaceduventriculemoyenestmar-
quéepar une fente médiane dont losbordssont immédiatement
adjacents. Un bourrelet caudiforme, paraissant bien distinctde
la couche optique soudée inférieurement, tient lieu de corps
strié; en arrière un autre renflement arrondi décrit une courbe
inféro-antérieure, donnant la sensation d'une corne d'Ammon
absente. Cette opinion est d'autant plus légitime que ce rudi-
ment d'organe rejoint par une de ses extrémités le trousseau
défibres nerveuses (cité supra), surlebordpostérieurdes hémis-
phères. Mentionnons enfin une différence de volume entre la
paire antérieure des tubercules quadrijumeaux et la paire pos-
térieure, tout au profit de la première, une prédominance
anormale du vermis cérébelleux, comparé aux dimensions des
hémisphères cérébraux, une réduction peu prononcée des pé-
doncules du cerveau et du pont de Varole alors que les corps
restiformes et les olives dépassent par leur masse les pyra-
mides.
Rapprochant le détail des altérations osseuses et nerveuses
de la conservation intégrale de l'appareil oculaire et du nez, le
Dr Wille se rattache à la dénomination de cébocéphale (classif.
d'Isid. -Geoffroy Saint-IIilaire). La vésicule des hémisphères
une fois sortie de la vésicule cérébrale antérieure (sens de
Virchow) n'a pas subi dans le cas présent la division anatomi-
que, qui normalement résulte de la pénétration delà dure-mère
dans son intérieur. Cette uniformité s'est par suite opposée
à la production de tous les, organes du cerveau et du crâne
qui émanent des hémisphères (absence de cloison transpa-
rente, de corps calleux, etc.), et réciproquement leur défaut a
nui à la genèse de ceux des éléments qui à leur tour en dépen-
dent ; telle l'absence de lobes occipitaux causée par celle du
corps calleux (Reichert). L'époque à laquelle s'est produit cet
arrêt de développement, indiquée par le rapprochement entre
l'état à peu près parfait des organes visuels et le, manque de
lobes olfactifs (quatrième à sixième semaine après la fécon-
dation), entraîne aussi à tenir compte dans une certaine me-
sure delà synostose prématurée. Celle-ci bientôt effectuée par
des troubles collatéraux dans le feuillet du blastoderme aurait
contribué, de concert avec une hydropisie ventriculaire fatale,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 217
signalée en : de pareilles conditions (Dareste), à arrêter l'évolution
des régions cérébrales internes (paroi postérieure de la vésicule
des hémisphères ettrigone) par compression. L'auteur rejette en
conséquence l'origine atavique et la pathogénie encéphalitique
de semblables perturbations ; les émotions maternelles, si
tant est qu'elles doivent être incriminées, agiraient, pour lui,
en modifiant la pression intra-utérine et vasculaire de l'em-
bryon et provoquant ainsi des déviations dans l'activité histo-
génétique (expériences de Dareste). Dans l'espèce d'ailleurs,
ni hérédité, ni malformations du coeur ou des gros vaisseaux.
Il ne faudrait imputer la mort du monstre qu'aux difficultés de
l'alimenter provenant du bec-de-lièvre et de la gueule-de-loup ;
delà, les phénomènes généraux, les symptômes d'anémie céré-
brale, l'hypothermie, la pneumonie lobulaire. Une observation
récente de Turner (Journal of Anatomy and Physiology, XII,
2, 1878) démontre en effet qu'une cyclope privée de corps cal-
leux, de trigone, de cloison transparente, de commissure anté-
rieure et postérieure, et présentant en leur lieu et place une
grande cavité intérieure remplie de liquide cérébro-spinal, a pu
vivre, sans autre affection que de l'idiotie, jusqu'à l'âge de
vingt-trois ans. P. K.
IV. INFLUENCE DE NOTRE civilisation PRÉSENTE SUR LE DéVIE-
LOPPEMENT DES MALADIES MENTALES ET NERVEUSES ; 1)ar.T.-S.
JEWELL. (Journ. ofnervous < : HmeH<aMC<M6,janv. 98S I , p.l.)
L'auteur développe ce thème bien connu que le développe-
ment des maladies du système nerveux est en rapport direct
avec le progrès de la civilisation. Il montre l'influence du sur-
ménage intellectuel des enfants dans les écoles, se produisant
surtout chez les jeunes filles par l'épuisement général du
système nerveux et en particulier du cerveau par les mélan-
colies, l'hystérie, les congestions cérébrales, les insomnies, les
névralgies, etc. Dans le commerce, aussi bien que dans les
différentes professions libérales, l'attention et l'effort quotidien,
continu, dépassent les forces individuelles. L'usage et l'abus
de l'alcool, du café et du thé aggrave encore l'excitation ner-
veuse et par suite l'épuisement rapide. La transmission hérédi-
taire aux enfants de la faiblesse nerveuse acquise par les
parents est une cause générale nouvelle qui perpétue et multi-
plie le nombre des maladies mentales. C. T.
218 REVUE DE pathologie mentale.
V. DES psychoses dans l'ergotisme; par Fritz Siemens.
(Arch. f. Psych. te. lIeî,veîzk., t. XI.)
Ce mémoire, rédigé à l'occasion d'une épidémie d'ergotisme
ayant sévi à l'automne, aussitôt après la récolte des seigles, sur
une douzaine de villages ( ! ,5u0 habitants), relate deux
séries d'observations. Les unes empruntées en partie au
Dl Heinemann sont caractérisées par des manifestations
délirantes pures. Telle une femme de trente ans, indemne de -e
'tout antécédent psychique, traumatique ou héréditaire, qui, à
la suite des symptômes typiques de l'intoxication, est prise de
folie systématique religieuse accompagnée d'impulsions génési-
ques et d'hallucinations de la vue. Deux autres faits concernant
une'jeune fille et une femme consistèrent, dans le premier cas,
en de la mélancolie ; chez la seconde, en de l'hébétude compli-
quée d'accès maniaques. La guérison demanda trois mois pour le
premier exemple, un mois pour les deux autres. Un garçon de
6 ans, qui guérit également, fut atteint, au cours de l'ergotis-
me, d'leyd'oplaobzé pendant deux jours. Une seconde catégorie
d'observations a trait également à des individus auparavant bien
portants et sans prédisposition névropathique ou héréditaire;
l'obtusion profonde du sènsorium, l'affaiblissement général de
toutes les fonctions psychiques, l'apparition de convulsions
épileptiformes permettent de les ranger sous le diagnostic
commun de forme sluporo-épileptique d'ergotisme spasmodique
épidémique. Relevons parmi lessymptômes, l'apparence cachec-
tique et misérable, la persistance des réflexes cutanés et, par
contraste, l'absence de réflexes tendineux ( ne reparaissant que
bien aprèsleretour des fonctions nerveuses des accès d'épilepsie
complets ( myosis et inertie pupillaire au début mydriase
dans leur seconde moitié et généralement aussi dans l'inter-
valle ), l'hypérémie papillaire (un cas mortel), quelquefois des
troubles de la sensibilité (tensions, élancements, démangeai-
sons), de la contracture des fléchisseurs (griffe), de l'analnésie
accompagnée d'ataxie (signe de Romberg), de l'hésitation de
la parole avec bredouillement Un seul exemple de gangrène
circonscrite à un doigt. Intégrité de deux femmes jadis aliénées,
au milieu de cette épidémie. La suppression des règles notée
dès les premiers stades prouve, au sens du DP S ? qu'une telle
manifestation est non la cause, mais l'effet des psychoses en
général (mélancolies graves, démences paralytiques) et le signe
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 219
d'une profonde perturbation nerveuse. L'analyse psychique met
en évidence au début : vertiges, étourdissements, voire céphalal-
gies, angoisse précordiale-bientôt de l'agitation maniaque in-
consciente, laissant derrière elle de l'amnésie accompagnée
d'hallucinations visuelles et auditives (un fait) ; enfin de
l'hébétude persistante, avec mutisme, méconnaissance, stupidité
parfois accompagnée de conceptions enracinées et de réponses
stéréotypées (forme de mélancolie hypocondriaque); un cas
ayant présenté pendant quelques jours le tableau de la démence
paralytique. Intégrité de la santé générale, courbes sphygmiques
comme dans l'épilepsie vraie; à la suite des accès, abaisse-
ment de la tension et dicrotisnie prononcé. Le poids du corps
décroit au moment de l'accès des manifestations nerveuses. A
part deux cas de mort soudaine, guérison. Les deux nécropsies
démontrent, ,en un cas, de la congestion cérébrale et de la
réplétion des vaisseaux méningés; dans l'autre de la congestion
et du ramollissement des hémisphères cérébraux, des macules
d'hypérémie et des ecchymoses dans les noyaux lenticulaires et
les couches optiques; tout le long de la moelle, prolifération cel-
lulo-granuleuse localisée, surtout aux cordons postérieurs, à
l'exclusion des faisceaux de Goll, mais atteignant principale-
ment les racines postérieures dans la région lombaire'
.. ' i u c Jln tl( il 1r,
En résumé, les onze cas traités à l'asile (six hommes et cinq
femmes de onze à cinquante ans) offrent, pour l'auteur, tous
les attributs d'une intoxication cérébrale; angoisse extrême des
prodromes, marche impétueuse, hallucinations, états exta-
tiques, justifieraient la comparaison avec les effets de L'opium,
du haschisch ou de l'atropine, d'autant qu'il existait des
vertiges. L'immédiate succession des vésanies aux symptômes
ergotiques, la disparition des troubles nerveux périphériques
avant l'explosion des psychoses, les allures normales du
pouls en dehors des accès d'épilepsie malgré les autres pertur-
bations neuropsychiques servent de base au D' Siemens pour
affirmer la pathogénie des phénomènes psycho-médullaires
par tr2ns/'ertlent du poison de la périphérie aux centres.
Les au'opsies en indiqueraient le substratum anatomique,
l'évolution témoignant en même temps de la guérison des
lésions; c'est à la suite de leur résolution que l'épilepsie et
l'ataxie disparaîtraient, le phénomène du genou revenant.
Quant à déterminer le principe de l'ergot qui agirait spéciale-
ment en pareille occurrence, et la part qui doit incomber
220 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
aux mauvaises conditions climatériques et hygiéniques, ce
sont autant de questions à étudier. De fait, pronostic favo-
rable, médication tout entière dans les toniques et les forti-
fiants (K. Br. à la dose de 6 gr. par jour est resté sans effet).
L'enseignement de police sanitaire que M. S... croit devoir
tirer de sa description, c'est qu'il serait très facile à l'État d'é-
changer, par décret, aux producteurs, leur grain infesté contre
de bon seigle et d'enjoindre simultanément aux meuniers de
ne moudre ou rendre aux particuliers aucune semence malade.
Cette marchandise accaparée par l'État serait affectée sur-le-
champ au commerce pharmaceutique. P. K.
VI. LE procès LAROS AU point DÉ VUE psychologique ; par
Édouard-C. MANN. (y7<67oM ? 'Ma/o/'PsyeAooy<ea/meK'M ! 6<M</
mental Palhology. New séries, vol. VI, part. 2, p. 222.)
Il s'agit d'un jeune homme de vingt-six ans, nommé Allen
Laros qui fut arrêté et passa en jugement pour avoir le 31 mai
1876, empoisonné avec de l'arsenic son père, sa mère, ses frères
et soeurs et un commensal habituel de la maison ; ses frères et
soeurs furent seuls sauvés ; les trois autres personnes moururent.
Le crime n'avait aucun mobile apparent. L'enquête et les
efforts de la défense établirent les faits suivants : il y avait
dans la famille de l'inculpé des faits antécédents d'aliénation
mentale et d'affections nerveuses, remontant à plusieurs géné-
rations. Lui-même, qui était de moeurs douces et régulières,
était depuis plus de quatre ans sujet à des attaques d'épilepsie,
qui avaient été presque quotidiennes durant les trois semaines
qui avaient précédé le crime. Il fut prouvé que des accidents
convulsifs étaient survenus chez Laros le samedi, le dimanche,
le lundi, le mardi (jour de l'achat du poison) et enfin le mer-
credi, jour du crime ; ces accidents s'étaient en outre reproduits
le lendemain (jeudi) et le surlendemain (vendredi) ; la durée
des symptômes convulsifs variait de quelques minutes à plu-
sieurs heures pendant lesquelles il était inconscient et insensi-
ble, et à la suite desquelles son esprit restait obscurci : ces der-
niers faits furent scientifiquement constatés pendant la déten-
tion de l'inculpé, durant laquelle les crises reparurent encore ;
les experts se mirent à l'abri de toute cause d'erreur sur ce
point, prenant en particulier contre une simulation possible les
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. IZI 1
précautions les mieux conçues. L'expert du tribunal. le Dl Cur-
wen déclare cependant qu'en l'absence de l'écume des lèvrps, du
gonflement des veines du cou et de la lividité de la face, qu'il
considérait comme des symptômes essentiels, l'authenticité de
l'épilepsie était contestable : réinterrogé, il finit par admettre
que ces signes pouvaient manquer dans l'épilepsie vraie.
L'accusé fut condamné à mort.
Appel ayant été fait, de nouveaux experts furent commis, et
après des travaux qui durèrent un mois, déposèrent un rapport
dans lequel, à l'unanimité, ils concluaient à l'épilepsie et à l'irres-
ponsabilité. L'accusé tut en conséquence interné dans un asile,
d'où il s'échappa au bout de deux ans; il fut repris, ou plutôt
se constitua prisonnier, et demanda à être renvoyé chez lui
pour y être pendu, ne voulant pas retourner à l'asile ; il y fut
néanmoins réintégré, mais, six mois plus tard, il s'évada de
nouveau; on ignore ce qu'il est devenu. ' ' ·
Les deux points sur lesquels l'auteur insiste le plus, en
dehors des faits même du procès, sont les suivants : 1" les
troubles des facultés intellectuelles et affectives, manifestés
immédiatement après les paroxysmes, peuvent persister pen-
dant la plus grande partie de l'intervalle qui sépare les crises ;
2° on peut observer des attaques épileptiformes avortées,
sans convulsions, sans perte complète de connaissance, sortes
de vertiges durant lesquels le malade peut subitement se livrer
à des actes de violence dont il n'a ni la conscience, au moment
même, ni plus tard, le souvenir. R. DE M. C.
VII. Amélioration marquée CHEZ UN paralytique général,
A la suite D'UN anthrax grave ; par Geo-H. SAVAGE. (7*/<e
Journal of mental Science, n° de janvier 1881, p. 566.)
Il s'agit d'un homme de cinquante ans qui présentait, lors de
son entrée à l'asile, la plupart des symptômes de la paralysie
générale, et qui ne tarda pas à les présenter tous : idées de
grandeur, agitation, inégalité pupillaire, embarras et lenteur
de la parole, tremblement de la langue et des lèvres, etc. Sur
ces entrefaites, le malade fut pris d'un anthrax à la nuque, qui
devint rapidement très volumineux et envahit profondément
les tissus (pas de glycosurie). Pendant la guérison de l'anthrax
on put remarquer une amélioration considérable de l'état intel-
lectuel, et en particulier de la mémoire : cette amélioration
: M2 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
s'accusa de plus en plus pendant trois mois et demi au bout
desquels le malade fut rendu à sa famille. Depuis ce moment,
il continue à y avoir chez lui un peu d'inégalité pupillaire, une
certaine hésitation de la parole, et du tremblement des yeux
et de la langue, mais l'amélioration intellectuelle a persisté.
R. DE M. C.
VIII. Démence aiguë chez UNE JEUNE femme. MORT par
PUTHISIE PULMONAIRE, DEUX ANS PLUS TARD, SANS GUÉRISON
DE la maladie mentale; par G. Mackensie Bacon. (Tlle
Journal of mental Science, n° de janvier 1881, p. 554.)
Les cas de démence aiguë paraissant toujours participer plus
ou moins de l'hystérie, on croit volontiers qu'ils se terminent
presque nécessairement par la guérison ; l'observation suivante,
intéressante surtout par ses phases variées, vient à l'appui
d'une manière de voir tout opposée. Il s'agit d'une jeune fille
de vingt-trois ans, sans antécédents héréditaires, de constitu-
tion faible, très malheureuse dans sa famille, présentant depuis
quinze jours des troubles intellectuels, et qui avait été internée
dans un asile après s'être présentée à dix heures du soir, par
une pluie battante, au presbytère de sa paroisse, entièrement
nue et en se donnant pour la vierge Marie. Très excitée à son
entrée, elle fut calmée par une douche, bientôt suivie d'acci-
dents hystériformes. Bientôt elle refuse de manger et se livre
à des actes violents sur une infirmière; après une semaine
d'alimentation artificielle, elle mange et parle un peu. L'amé-
lioration continue, mais bientôt elle retombe plus bas; il faut
l'habiller, la faire marcher, l'alimenter avec la sonde. Plus
tard encore, elle va mieux, parait plus intelligente, mais ne
veut pas parler. Six mois plus tard, amélioration progressive,
sauf en ce qui touche la conversation. Enfin (deux ans après
son admission), aggravation, retour à l'alimentation artificielle,
refus de parler, même à sa mère. Elle ne tousse pas, mais elle
a l'aspect des phthisiques. Elle va de plus en plus mal, et meurt
sept mois après de gangrène pulmonaire, sans que, durant ce
temps, ni à l'approche de la mort, on ait constaté le moindre
réveil intellectuel. Pas d'autopsie. R. DE M. C.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 223
IX. NOTE SUR QUELQUES cas observés a l'asile DES aliénés DE
CEYLAN; parJ.-W. PLAXTON. (7%c7oM)')Mo/'me ? ! tacM ? ! ce,
n° de janvier 1881, p. 559.) z
L'auteur, en prenant la direction de l'asile de Ceylan, a
d'abord été très étonné de ne pas trouver dans l'établissement
un seul cas de paralysie générale; depuis ce moment, il a pu
observer trois malades qu'il est porté à considérer comme pa-
ralytiques. Tous trois sont morts après un court séjour. L'un
des malades étant mahométan, deux autopsies seulement ont
été faites.
Dans les trois cas, il y a eu simultanément affaiblissement
musculaire et affaiblissement intellectuel. Pendant la vie, il y
a eu démence simple, et finalement idiotie dans un cas, et,
dans les deux autres, excitation continuelle. Des deux derniers
malades, l'un était encore sensible au stimulus des impressions
externes, l'autre ne l'était plus.. -
Les deux autopsies ont montré dans le cerveau des points de
sclérose miliairé, surtout dans la substance blanche. Dans un
cas, il y avait de la pachyméningite, avec un hématome;
d'autre part, le cerveau ne présentait pas les caractères de la
paralysie générale; dans le second cas, au contraire, on trouva
un cerveau type de paralytique. A défaut de l'autopsie, les
symptômes, dans le troisième cas, ne laissent pas de doute sur
le diagnostic. Au point de vue étiologique, on sait que l'un des
malades était un buveur, un autre un fumeur de haschisch;
sur le troisième, il n'y a pas de renseignements.
R. DE M. C.
X. HYPNOSIS REDIVIVUS; par D. Hack TutiE. (Tlae Journal of
mental Science, janvier 1881, p. 531.)
On sait que les recherches de Braid sur l'hypnotisme
n'eurent, il y a près d'un demi-siècle, d'autre résultat apparent
que de causer à leur auteur les plus amers déboires. La foule
de ceux que les faits nouveaux impatientent parce qu'ils
troublent leur sereine somnolence scientifique eut bientôt
fait d'accabler sous les arguments a priori la doctrine du no-
vateur : quant à la vérifier, il n'en fut pas question. Tel était
l'état des choses en Angleterre, en la4z, relativement au
braidisme. En 1880, la « British Médical Association » invi-
32t I· REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
tait le professeur Preyer (d'Iéna) à faire une conférence sur
l'hypnotisme et la neuro-hypnologie, et à éclairer l'Angleterre
sur les travaux de l'Anglais Braid.
C'est l'histoire de ce revirement, tout en faveur de Braid, et
qui ne remonte pas à une date bien éloignée, que M. Hack
Tuke s'est proposé de tracer d'une façon sommaire. Il rappelle
les expériences de MM. Charcot, Preyer, Heidenhain, Lépine,
et les siennes propres. Sans doute, l'hypnotisme n'a pas jus-
tifié, jusqu'ici, la confiance que Braid en se basant sur les
résultats obtenus plaçait dans son avenir thérapeutique ;
mais s'il ne réalise pas, au point de vue curatif, les brillantes
espérances qu'on a entretenues au début, et qu'il n'est pas in-
terdit d'entretenir encore, il fournit du moins à la psychologie
et à la physiologie cérébrale une précieuse méthode d'investi-
gation.
Le principal mérite de Braid, dit, en se résumant, M. Hack
Tuke, a consisté à démontrer : z
- le Que le sommeil ou coma mesmériquc, la rigidité muscu-
laire et la catalepsie, l'anesthésie, l'analgésie, les hallucina-
tions et les illusions qui surviennent daus le cours de ce som-
meil anormal, sont des phénomènes réels et non simulés;
2° Que ces phénomènes peuvent être provoqués dans des
conditions telles, que, pour les expliquer, il n'est nécessaire de
recourir ni'à. la présence d'un fluide magnétique, ni même
d'une influence ou force matérielle quelconque passant de
l'opération au sujet;
3° Que ces phénomènes sont, au contraire, le résultat de
l'action individuelle, de la concentration de l'attention sur un
objet à l'exclusion de tous les autres, aidée de la tension des
muscles oculaires en haut et en dedans ;
4° Que la suggestion joue un rôle remarquable dans le cou-
rant des pensées ou des idées qui sont excitées dans l'esprit du
sujet par l'intermédiaire soit des muscles, soit des paroles;
5° Que des changements d'une rapidité remarquable peuvent
être provoqués dans la circulation et l'innervation de la région,
et, qu'à l'aide de ces changements, on peut arriver à un mode
de traitement, non pas magnétique, mais relevant de principes
physiologiques connus. R. de M. C.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 225 5
XI. Trépanation du crâne CHEZ un aliéné (dix-neuf mois après
un coup sur la tête). Guérison complète; par G. MAC-
kensie Bacon. (Flic Journal of mental Science, n° de jan-
vier 1881, p. 551.)
L'observation de ce malade peut se résumer de la façon sui-
vante : homme de trente-huit ans, d'une santé ordinaire : en
août 1878, il reçoit sur la tête un marteau tombé d'une hauteur
d'environ six pieds : pas de perte de connaissance; pas de
symptômes graves immédiats ; cependant le malade se ressent
toujours du traumatisme. Vers janvier 1879, étourdissements,
fourmillements et engourdissement dans les jambes ; en octo-
bre 1879, bruits anormaux dans les oreilles, douleurs dans la
tête, les bras et les jambes ; en décembre, irritabilité, tristesse,
idées de suicide, insomnie, pupilles inégales (la gauche dilatée);
le malade porte souvent la main à la cicatrice laissée par le
coup. Le 1 Il janvier 1880, deux tentatives de suicide, à la suite
desquelles il est interné dans un asile : là, il se plaint d'être
nerveux, de ne pouvoir résister à des impulsions subites ; il
est agité, ne dort pas ; il se plaint toujours de la tête : il y a
sur le pariétal gauche une légère dépression.
Dans ces conditions, la trépanation fut proposée par l'au-
teur, et adoptée et exécutée par l'un des chirurgiens de l'hôpi-
tal de Cambridge, M. Wherry ; un petit fragment du pariétal,
mesurant environ les trois quarts d'un pouce, fut enlevé au
point qui avait été le siège de la lésion. La portion d'os enlevée
n'était pas fracturée ; la dure-mère était violacée, mais parais-
sait saine. La plaie guérit rapidement et parfaitement. L'opé-
ration avait été faite le 12 mars : le 28 juin, le malade put
sortir et reprendre son travail habituel, qu'il n'a pas cessé
depuis.
Bien que l'opération n'ait pas révélé la cause d'irritation
cérébrale que l'on supposait exister, et que l'on se proposait
de supprimer, il n'en est pas moins vrai et ce point est plus
digne de remarque que facile à expliquer que l'apparition
des symptômes a eu pour point de départ le traumatisme, et
que leur disparition a eu pour point de départ l'opération. Il
ne parait donc pas excessif d'attribuer à celle-ci une part im-
portante dans la guérison. R. DE M. C.
45
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 28 novembre 1881. Présidence de M. Luys.
Suite de la discussion sur les aliénés criminels. M. CHRISTIAN,
se plaçant sur le terrain clinique, ne veut pas revenir sur les
objections qui ont été déjà soulevées contre la construction d'un
asile spécial pour les aliénés dits criminels, car M. FalreL, dans' une
magistrale communication faite en 1866 sur cette question qui
n'est pas nouvelle, a fourni déjà de nombreux arguments contre
cette proposition. Il veut seulement démontrer que l'asile de
Broadmoore n'est pas, comme parait le penser M. Motet, la preuve
la plus éclatante de l'utilité de ce système qui a prévalu en An-
gleterre et qu'on voulait introduire en France.
M. Christian repousse ensuite la qualification de criminel qu'on
applique à certains malades : au point de vue du Code, en effet,
le crime ne peut exister pour l'aliéné ; il ne doit donc être
question ici que de malades plus ou moins dangereux, comme
peuvent, l'être à un moment donné tous les aliénés, qui fort heu-
reusement ne sont pas toujours jusqu'à la réalisation de l'acte dont
ils sont capables.
En se plaçant à un autre point de vue, ne voit on pas d'ailleurs
dans la statistique de Broadmoore la condamnation même de ce
projet. En effet, pour peupler cet asile, on dû y enfermer des
aliénés dits criminels qui avaient commis des vols d'objets dont la
valeur ne dépassait pas 42 pence, ou bien encore les déments ou
les paralytiques généraux ayant accompli un de ces actes délic-
tueux, mais à vrai dire insignifiants, qui leur sont habituels.
Nos adversaires trouvent, dit M. Christian, que mélanger ces
sortes d'aliénés aux aliénés ordinaires, c'est blesser la famille de
ces derniers dans ses sentiments les plus honorables. Mais la pra-
tique nous apprend que les familles, loin de raisonner ainsi,
pensent tout autrement et s'estiment au contraire beaucoup trop
heureuses que leurs malades n'ait commis aucun acte délictueux,
pour aller reprocher d'être criminel à ceux moins surveilllés qui le
SOCIETES SAVANTES. 227
sont devenus, et à plus forte raison pour songer à se plaindre de
leur voisinage. Tous les aliénés quels qu'ils soient peuvent trouver
place dans nos asiles, et c'est au médecin seul qu'il appartient de
déterminer les soins et la surveillance nécessaires à chacun
d'eux.
Examinant ensuite un autre côté de la question, M. Christian
passe en revue un certain nombre de malades qui, rendus à la
liberté après un premier crime, en ont commis un second, et se
demande s'il ne serait pas bon de conserver pour toujours à
l'asile tout individu qui dans un accès de délire aurait commis un
homicide, ou tout au moins d'entourer la sortie de semblables
malades de garanties spéciales, à déterminer, à la condition tou-
tefois, qu'on le traitera toujours avec les aliénés ordinaires.
M. Motet. Je n'éprouve aucun embarras à être de l'avis de
M. Christian au point de vue clinique, mais en me plaçant comme
le fait le magistrat au point de vue social, je ne puis en bonne
conscience considérer un aliéné qui a commis un crime comme
un aliéné ordinaire. En général, tout homme qui commet une
offense contre les lois de son pays doit compte de cette offense.
S'il est irresponsable de son acte, il ne doit pas être puni, mais il
doit être mis dans l'impossibilité de nuire sans cependant être
assimilé aux malades inoffensifs.
Je voudrais aussi que le médecin de province qui actuellement
reçoit ses malades de Paris, par convoi de 20 ou 30, ne soit pas
exposé à recevoir parmi eux des aliénés homicides qu'il pourrait
méconnaître; d'autre part, je crois qu'il faut conserver à nos
asiles leur caractère, faire tomber les murs, si c'est possible, sans
cependant pour cela négliger de sauvegarder les intérêts de la
société.
Pour arriver à ce résultat, il suffirait d'une modification bien
simple de la loi de 1838 : décider que les aliénés criminels ne
seront plus à la charge de la commune, mais bien à celle de
l'Etat, et construire près des prisons des annexes destinées à rece-
voir ces catégories de malades, ou bien encore créer un asile
d'Etat central; car s'il est admis que ces individus seront à la
charge de l'Etat, il deviendra difficile de les faire soigner dans des
établissements départementaux. Comment d'ailleurs le médecin
ferait-il pour conserver ces malades qui, pouvant être guéris de
leur délire, exigent leur sortie et commettent ensuite de nouveaux
crimes ?
M. CHRISTIAN. Il me semble que dans un asile on peut
prendre des précautions suffisantes pour ne pas rendre inopi-
nément à la liberté un de ces êtres malfaisants ; l'Etat pourrait,
par exemple, les maintenir à l'asile sans demander l'avis du méde-
cin, qui lui-même n'a en général a répondre que ceci : Il est guéri
de son accès, mais rien ne me prouve qu'il n'aura pas un autre
228 SOCIÉTÉS SAVANTES.
accès : Je m'appuie pour condamner la création d'un asile central
sur ce fait, qu'à Broadmoore, on trouve des malades ayant volé des
objets insignifiants, d'autres ayant commis un crime de lèse-ma-
jesté, un autre ayant dérobé un cheval.
M. LuNiEH. 11 y a un contraste absolu entre les prémisses et
les conclusions de M. Christian ; il pense que ces deux mots aliénés
et criminels jurent de se trouver réunis, et malgré cela il n'est pas
éloigné d'admettre qu'on les détienne pendant presque toute
leur vie. J'accepte cependant sa conclusion et je lui dirai alors que
c'est aller à l'encontre des progrès qu'on lente d'introduire dans
les asiles, que de vouloir y mettre les criminels. Si l'on crée au
contraire un asile d'État, avec les criminels on pourrait y mettre
tous ces malades qui sont un danger permanent pour le per-
sonnel ; j'ajouterai d'ailleurs qu'au point de vue théorique je ne
puis partager l'opinion de MM. Christian et Motet, quand ils
pensent qu'il n'y a aucune différence entre celui qui a commis un
crime et l'aliéné simple ; je crois au contraire que la différence est
grande, car ce sont en général les incurables qui deviennent dan-
gereux.
Il est bien entendu que je laisse de côté les individus devenus
aliénés après leur entrée en prison, bien que dans plusieurs cas
leur délire soit antérieur à l'acte qni a maintenu la condamnation,
mais il serait trop difficile d'en faire le triage. Je crois donc qu'on
doit continuer à les mettre comme on le fait actuellement, à la
prison de Gaillon.
M. CHRISTIAN. Vous confondez les aliénés criminels avec les
aliénés dangereux. Chacun de nous a dans son service un certain
nombre de malades dont il ne serait pas fâché de se débarrasser;
mais alors si ce sont eux que vous voulez mettre dans votre nou-
vel établissement, il ne lardera pas à être rempli ; de plus, tel qui
profère aujourd'hui des menaces de mort contre le médecin ou le
personnel et deviendrait même réellement dangereux, s'il n'était
surveillé, sera calme et inoffensif demain. L'enverrez-vous à l'asile
central ? 2
. M. Motet. Presque tous nos malades en sont là. Il est évident
qu'on ne devrait mettre dans cet asile d'État, que les individus
exceptionnellement dangereux, dont beaucoup n'ont pas commis
de meurtre, uniquement parce qu'ils n'en ont pas trouvé l'occa-
sion.
M. FOVILTR. Il résulte pour moi de cette discussion unfait cer-
tain, c'est que le médecin est souvent très embarrassé et se trouve
obligé de trancher des questions fort délicates, quand il s'agit de
rendre à la liberté un homme ayant déjà tué un autre et qui
pourra recommencer. C'est celle responsabilité que je voudrais
faire cesser en mettant les aliénés criminels dans un asile spécial.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 229
Je dois cependant avouer que l'article 39 la loi de 1838 nous offre
un moyen de tourner cette difficulté, moyen auquel j'ai déjà eu
recours un certain nombre de fois. Voici comment :
Pour qu'un aliéné sorte de l'asile, il faut que le médecin le déclare
guéri ; quand celui-ci ne croit pas devoir faire cette déclaration à
cause de la crainte d'une rechute qui pourrait s'accompagner d'un
nouveau crime, il n'a qu'à engager le malade à demander sa
sortie au tribunal qui statuera alors par un arrêt non motivé, et
dégagera la responsabilité du médecin. Je crois que, loin de craindre
l'intervention du tribunal, nous devons la provoquer le plus souvent
possible. J'avais autrefois dans mon service à Quatre-Mares un
homme qui avait commis un meurtre ; après quelque temps, il
ne présentait plus aucun délire et demandait sa sortie avec insis-
tance'. Je l'ai adressé au tribunal qui plusieurs années de suite le
remit à l'année suivante ; enfin, un jour, la mise en liberté fut
ordonnée par un arrêt, et quelques jours après cet homme frappait
sa soeur de douze coups de couteau. Depuis le tribunal a toujours
été très circonspect et, maintenant, il est de tradition, au tribunal
de Rouen, qu'avant de prendre un arrêt, on doit tenir le plus
grand compte de l'opinion du médecin.
AI. DALLY demande qu'on nomme une commission chargée de
recueillir toutes les observations d'aliénés qui, mis en liberté après
un premier crime, en auraient commis ou tenté de commettre un
second.
M. lnLnEr pense qu'on doit attendre la fin de la discussion pour
étudier cette proposition. M. B.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
DE BERLIN
Séance du 10 janvier 1881. 1. - PIIÉSIDRNCE de M. WESTPHAL.
Le bureau est renommé par acclamation pour l'année 1881.
M. SENATOR ouvre la séance par la communication annoncée sur
un cas d'apoplexie bulbaire avec paralysie croisée de la sensibilité ' . 1.
Il s'agissait effectivement, ainsi qu'en témoignent les dessins et
les préparations soumises à l'examen de la Société, d'un foyer de
ramollissement dans la moitié externe gauche de la partie posté-
1 Voir les Archives de Neurologie, aux Revues analytiques.
230 SOCIÉTÉS SAVANTES.
rieure et inférieure de la moelle allongée, conformément au
diagnostic porté. C'est une thrombose qui a déterminé cette lésion
dans le domaine du corps resliforme gauche.
Discussion :
M. KnoNECKER demande comment se comportait la respiration.
A quoi M. Senator répond qu'en dehors d'un emphysème sénile et
de ses attributs symptomatiques, il ne se passait rien d'anormal.
M. REMAK, rappelant le cas décrit par lui dans la séance
de novembre (hémianesthésie analogue à la paralysie alterne de
Gubler du facial et des extrémités) qu'il considère comme en rap-
port avec une lésion de la protubérance (travail de Couty dans
la Gazette hebdomadaire de 1877 et 78), fait ressortir les différen-
ciations cliniques de ces deux observations. Elles ont de commun
l'hémianesthésie croisée limitée à la face par le bord du
maxillaire inférieur. Chez son malade il n'y avait ni dysphagie, ni
dyspnée, ni fréquence exagérée du pouls ; mais on notait une
kératite neuro-paralytique, une parésie du facial gauche. Appuyant
surlemyosis et la paralysie du crico-aryténoidien postérieur droit,
M. Remak insiste sur la valeur de cette paralysie partielle en
faveur d'une lésion nucléaire de la moelle allongée.
Au cours de la discussion, à laquelle prennent part MM. Moeli,
Vfernicke et Bernliardt, 111. i'erniclse expose méthodiquement les
rapports anatomiques qu'affecte la région en question avec la
moelle allongée (trajets des fibres nerveuses).
Séance du 14 mars 4 88 Présidence DE M. Westphal.
M. BENNRARDT décrit un cas d'hémiathétose chez une jeune fille de
vingt ans. Le principal intérêt de cette observation réside dans la
marche de la maladie, l'affection se présentant au début (il y a
trois ans) sous la forme d'hémichorée posthémiplégique. C'est
graduellement qu'elle se tiansforma, en quelques mois, en hé-
miathétose, laquelle persista exactement avec les mêmes carac-
tères qu'elle revêt aujourd'hui. Par conséquent, concurrem-
ment avec la première publication faite par l'orateur sur ce sujet
(Virchow's, arch. t. 67), ce fait confirme l'opinion de M. Bernhardt
que l'hémiathétose doit être considérée comme une modification de
l'hémichorée.
M. Bernhardt présente en outre deux malades, une femme de
vingt-cinq ans et un homme de ving-sept, atteints, la première aux
deux mains, le second à la main droite et aux doigts de l'ensemble
symptomatique d'ordre vaso-moteur, désigné par les Français sous
le nom d'asphyxie locale des extrémités '.
Nous en donnerons l'analyse dans les Revues analytiques.
SOCIÉTÉS savantes. 231
A ce propos, M. Blumenthal rapporte un cas semblable qui se
résume ainsi : Un homme de quarante-sept ans, indemne d'anté-
cédents pathologiques héréditaires ou diathésiques, simplement
sujet à des migraines, voit se développer en 1869 une ulcération
sur le bord de la lèvre supérieure qui se prolonge jusqu'aux con-
fins de la muqueuse. Considérée par Wilms comme un lupus, elle
gagne par-ci, tandis qu'elle guérit par là, sans traces de cicatrices,
et cède facilement aux médications locales. Dès lors chaque jour
trois ou quatre accès de troubles vaso-moteurs, selon l'expression de
M. Bernhardt, caractérisés par des taches bleues, roses, rouges, ou
d'un blanc de neige, avec réfrigération glaciale des régions
atteintes : ce sont les phalangettes des doigts et des orteils, les
oreilles, le nez, les lèpres ; au bout de cinq à six mois ces manifes-
tations gagnent la deuxième puis la troisième, phalange et durant
davantage s'accompagnent de lipothymies. Induration, anesthésie,
du tact, sensation permanente de froid dans les parties les premières
affectées. Les doigts donnent la sensation de bougies stéariques.
Intégrité des fonctions et de la santé générale. Le processus en-
vahit bientôt symétriquement les quatre extrémités, le visage,'le
tronc; sueurs profuses des téguments lésés; durée deux ans. Pendant
deux autres années, stade d'induration cutanée ; coloration sombre,
jaunâtre ou bronzée; exfoliation superficielle; nodosités intra-
cutanées très douloureuses, dures, semblables à des exostoses,
symétriques ; en même temps douleurs articulaires dans les
extrémités, le long de la colonne vertébrale, qui immobilisent
le malade. La peau et le panicule adipeux s'amincissent de sorte
que les téguments, très mobiles en tel endroit (thorax, abdomen)
semblent en telle autre région collés sur les os (doigts, articu-
lations, omoplate, clavicule, pieds, aponévrose crânienne). Enfin
complication de l'atrophie musculaire qui fixe les mains dans
l'abduction, permet à peine l'ouverture de la mâchoire, s'oppose à
la marche ; langue étroite et pointue, dysphagie. Intégrité des
fonctions. Une pleure-pneumonie, de concert avec les accidents du
décubitus, enlève le patient après six ans de maladie. Aucune
espèce de traitement n'avait produit d'amélioration.
M. Senator mentionne avoir vu assez souvent chez des enfants
atteints d'hémiplégie spasmodique infantile (Benediktl des mani-
festations motrices ressemblant à celles de la chorée posthémi-
plégique. En deux cas les extrémités qui se mouvaient involontai-
rement étaient également en proie à des raideurs tétaniformes.
Communication de M. Hirschberg touchant la fixité pupillaire et
la mensuration exacte de la diplopie paralytique. Il s'agit, dit
l'orateur en commençant, d'un cas-type de rigidité pupillaire
réflexe : la pupille rétrécie ne se contracte plus sous l'excitation
lumineuse tandis qu'elle répond à la provocation de l'accommoda-
232 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tion. Ce phénomène découvert par Arg3,11 Robertson, d'Edimbourg,
(Edimbg. méd. j., 1869), contrôlé par Knapp, Leber, Wernicke,
Hempel (tabes dorsal), a été l'objet de la sollicitude de M. Charcot.
Sur quatre-vingt-deux cas relatifs au tabès et à la paralysie
progressive (thèse de Vincent 1 877) , on note : absence de myosis
au début du tabès, mais plus lard, la tendance au myosis étant
fréquente, l'impression lumineuse fait disparaître la contraction
pupillaire. Au bout de dix ans, pupilles immobiles, dilatées,
rétrécies ou de moyenne dimension. Au début de la paralysie
progressive, pupilles inégales obéissant moins à la différence
d'éclairage qu'à l'accommodation. Déjà Remak, en 1864 (Berl.
Klin. Wochensch. p. 396), attribue aux formes insidieuses du tabès
cervical, selon sa propre expression, la réduction des pupilles au
diamètre d'une tête d'épingle, ajoutant qu'à ce symptôme corres-
pond une lésion très ancienne. En effet, les pupilles déplus de un
millimètre et demi s'observent et chez des adultes indemnes de
toute manifestation tabétique, et chez ceux qui tout à fait au
débutdu tabès ne se considèrent pas comme malades. M. Ilirseliberg
présente, à l'appui de son thème à la Société, une dame de qua-
rante-quatre ans qui est venue le consulter simplement à raison de
l'étroitesse de ses pupilles ; elle accuse des céphalalgies surtout
depuis huit deuils éprouvés en très peu ce temps. Absence du phé-
nomène du genou ; pupilles mesurant à peine 2 millim., ne réagis-
sant pas à l'impression lumineuse, mais se dilatant dès qu'on force
I'oeil à se mettre au punctum remoturn. Atrophie bilatérale des N. 0 ;
elle est tout à fait au début. (Coloration blanc verdâtre du nerf) :
l'oeil droit lit encore les plus fins caractères, l'oeil gauche, l'impres-
sion habituelle. La vision centrale est réduite à droite d'un tiers,
à gauche d'un sixième; le champ visuel et la perception des cou- "
leurs, normaux à droite, commencent à décroître à gauche. S'en
référant aux opinions de Erb, Hempel, Wciss, Huglililigs-Jacksoii,
Mtiller de Graz, sur la fréquence relative et absolue des deux
symptômes, myosis et fixité pupillaire, isolés ou concomitants
dans le tabès ou la paralysie progressive, M. H... pense que l'im-
mobilité de la pupille est due à l'interruption de celle portion de
l'arc réflexe qui lie le nerf optique à l'oculo-moteur, c'est-à-dire
qui est intermédiaire aux noyaux de chacun de ces nerfs (Erb,
Hempel), tandis que le myosis dériverait d'une lésion du centre
dilatateur de la pupille dans la moelle ou des nerfs qui en dépen-
dent (Erb).
Le syndrome en question completpeut aussi dans le tabès s'accom-
pagnerdeparésie bilatérale del'oculo-moteur. Telslesdeux exemples
suivants. Un homme de cinquante-neuf ans éprouve des élancements
dans les jambes, de la faiblesse des extrémités inférieures; on
observe l'absence du phénomène du genou, l'atrophie des deux N. 0.
avec rétrécissement du champ visuel. Diplopie ; divergence de l'oeil
SOCIÉTÉS SAVANTES. 233
gauche bientôt suivie de celle de 1'oeil droit. Myosis excessif ; immo-
bilité complète de la pupille à la lumière, tandis qu'elle se dilate
dans la vision au loin. Bientôt amaurose totale. L'autre fait
concerne un homme de trente-six ans ayant des antécédents véné-
riens sinon syphilitiques ( ? ), se plaignant de douleurs dans les
membres, de céphalalgies frontales, surtout nocturnes. Il existe
de l'anesthésie dans la moitié droite de la face et de la diplopie.
Pas de phénomène du genou. Acuité visuelle normale ainsi que
le fond de l'oeil. L'hémianesthésie comprend aussi la langue, et la
surface du globe oculaire. Parésie de l'oculo-moteur droit; l'oeil
droit est dévié en dehors. La diplopie tient à la parésie du droit
interne droit; les autres branches de l'oculo-moteur sont peu
atteintes, car la pupille de ce côté est plus étroite que l'autre : pas
de réaction à la lumière, mais dilatation dès que l'oeil fixe un
point éloigné. L'iodure de potassium à hautes doses n'agit point,
car trois mois après le malade présente une pupille droite mesu-
rant de '),5 à 2 millim. se dilatant du double pour la vision de
loin, se contractant dans l'exercice de la vision rapprochée*
(accommodation normale) ; une pupille gauche de 5 millim/de
diamètre se contractant bien pour la vision de près, mais restant
immobilepour lavision auloin (parésie de l'accommodation); enfin
la fixité des deux pupilles absolue à l'approche d'une source éclai-
rante. Léger ptosis a droite; mobilité de l'oeil de ce côté limitée
surtout en dedans. Les frictions mercurielles employées jusqu'au
ptyalisme diminuent la divergence de l'oeil droit (diplopie presque
disparue), mais la parésie accommodative de l'oeil gauche aug-
mente, l'organe étant limité dans sa motilité interne. Les
deux yeux arrivent à converger sur un objet placé à 1'2", mais la
fatigue ou la suppression physiologique de l'un d'eux entraîne
la divergence rapidement; même observation pour la vision bino-
culaire à distance. Quoi qu'il en soit, M. H.. croit avoir affaire au
groupe tabétique ; pour lui l'altération des cordons- postérieurs
remonterait environ jusqu'à la moelle allongée. Il termine en
proposant, pour mesurer l'écartement des deux flammes vues par
le diplopique, d'adopter une carte construite par lui ; elle repré-
sente la projection d'une sphère du champ visuel de un mètre de
rayon divisée en degrés angulaires, et contient les notations men-
surales de plusieurs centaines de faits semblables recueillis dans
diverses paralysies oculaires où dans le strabisme avant et
après l'opération ; de là des comparaisons exactes touchant les
phases de la même affection et différentes affections donnant lieu
au même symptôme, un diagnostic certain, et le contrôle du
traitement plus facile par la détermination quantitative du degré
de la déviation de l'ceil quelle qu'en soit la cause.
La discussion qui s'engage permet à M. WESPIIAL d'insister sur
ce fait que tandis que des aliénistes connaissaient dèslongtemps la
234 SOCIÉTÉS SAVANTES.
non réaction de la pupille à la lumière chez les paralytiques, ils
étaient moins au fait des allures de cette membrane sous l'influence
de l'accommodation.
M. SENATOR appuie l'opinion de Râhlmann pour qui, dans le
tabes, la paralysie des fibres oeulopupillaires de la moelle cer-
vicaleassure la prééminence du nerf oculo-moteur.
M. Hirschberg maintient qu'il y a une double interrup-
tion de la conductibilité, le myosis résultant de la paralysie des
centres, source desfibres pupillo-dilatatrices, alors que la fixité de
la pupille dépend de l'interruption des voies qui unissent les noyaux
du nerf optique et de l'oculo-moteuiv
M. REMAK insiste sur cette fixité réflexe même quand il y a
dilatation pupillaire chez le tabétique; l'observation lui paraît
plus difficile quand les pupilles sont étroites.
M. WESTpHALfait observer que des pupilles fortement contractées
naturellement peuvent se resserrer encore si l'on force les yeux à
converger et à accommoder.
L'ordre du jour estépuisé par la communication de M. Westphal
sur un cas de psychose réflexe ' du moins en apparence. (Archiv. f.
Psych. ii. iYe2-veizk ? XII, 2.) P. K.
VIA CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST
SESSION DE BADE
Séance du 21 mai 1881.
A deux heures et demie de l'après-midi, M. le premier curateur
Baumler (professeur à Fribourg) ouvre la séance par des paroles de
bienvenue. La présidence est ensuite décernée par acclamation
à M. le professeur RcvEC6Ea. M. le professeur JOLLY est désigné
pour présider la seconde séance. Secrétaires : MM. MoMMsEN et
TuczFK.
Après le tribut de regrets payé par M. Bauniler l'absence du
second curateur, M. FisciiER, le président donne lecture des noms
de collègues qui s'excusent de ne pouvoir prendre part aux travaux
1 On en trouvera l'analyse dans les Revues analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES.- 235
de la réunion. L'assemblée reçoit en distribution le programme
du Congrès International de médecine de Londres, le rapport du
professeur BUNSEN touchant l'analyse de la source de la galerie
principale de Bade, ainsi que ses entrées à la promenade et au
casino mises comme toujours gracieusement à sa disposition par
la Commission des Eaux.
On passe ensuite à la série des communications qui suivent :
Professeur FÜRSTNER et Dl Zacher (d'Heidelberg) : sur une anomalie
de formation particulière du cerveau et de la moelle. Cette observation
qui sera publiée in exteîîsol concerne une défectuosité prononcée
du lobe frontal gauche; l'insula se trouve notamment à découvert
de ce côté; absence d'aphasie. La moelle est double à la région
lombaire, bien que le canal vertébral soit unique.
Le professeur Fùrstner fait une nouvelle communication relative
à la destruction unilatérale du bulbe. Les quinze expériences prati-
quées sur des animaux qui ont survécu jusqu'à un an et demi après
la lésion, seront intégralement publiées 2.
M. le professeur Schûltze (d'Heidelberg) présente au Congrès une
couturière de trente-trois ans atteinte de tétanie, chez laquelle son mé-
decin, leDr Dusch, a rencontré l'/tpo'eoeMtaMHMmecmH'ue des deux
nerfs facial, tout récemment signalée par Chwostek. La démonstra-
tion en est très nette sur les branches inférieures du nerf; il ne s'agit
pas là de manifestations d'ordre réflexe puisque ni le chatouillement
de la peau ni de légers coups frappés à côté des troncs nerveux
et en dehors des zones électro-motrices n'entraînent de contrac-
tions dans les muscles correspondants. Parallèlement, hyperexci-
tabilité électrique. Mêmes phénomènes dans les nerfs du bras.
Longue durée, absence de réflexe patellaire, sans symptômes du
tabès au début. La pression permanente exercée sur le tronc du
facial n'engendre pas celte réaction qui n'est d'ailleurs pas spéciale
à la tétanie. Chez les gens bien portants presque toujours un coup
porté sur la partie inférieure de l'os malaire détermine une con-
traction du grand zygomatique, qui ne doit être considérée
comme le fait ni d'une excitation nerveuse directe, ni d'une
réflexe, mais bien d'une excitation musculaire. Même observation
dans la paralysie faciale alors que, l'excitabilité électrique du nerf
ayant totalement disparu , l'excitabilité musculaire est encore
conservée.
Du Paramyoklonus multiple par M. le professeur Friedreich.
Il s'agit d'un cas spécial de convulsions cloniques de certains
muscles symétriques des extrémités supérieures et inférieures, qui
se sont manifestées à la suite d'une frayeur chez un homme de
1 Nous l'analyserons alors.
1 Nous en donnerons l'analyse à ce moment.
236 SOCIÉTÉS SAVANTES.
cinquante ans. Elles ont rétrocédé spontanément. La publication
en sera effectuée dans les archives de Virchow.
Des modifications dans le poids du corps, qui suivent les accès
d'épilepsie ; par le professeur dully (de Strasbourg). Par les recherches
entreprises sur ce sujet à la clinique du professeur, M. Lehmann se
proposait de contrôler les indications de Kowalewsky1. Vingt-huit
malades, tant hommes que femmes, en ont été l'objet pendant
quatre semaines. On a bien constaté çà et là pendant les premières
vingt-quatre heures une diminution de une à trois livres après
l'accès, mais il ne s'agissait que d'une coïncidence fortuite, car : 1
1° Chez un même épileptique d'autres accès non moins graves,
loin d'être suivis d'une perte de poids, ont été parfois en relation
avec une augmentation ;
3° La plupart des épileptiques ne subissaient aucune modification
pondérale, que la maladie fût récente ou ancienne, que les accès
fussent forts ou faibles. On observa même un cas d'état de mal
sans perte de poids;
3° L'ensemble des malades examinés en dehors des accès présen-
tèrent, toutes choses étant égales d'ailleurs, très fréquemment des
oscillations pondérales variant d'une demie à une livre en plus ou
en moins. Il en est de même pour des gens bien portants.
Par conséquent les conclusions de M.Iomalemsk3·constitueraient
autant d'illusions.
Le Dr ROLLER (de Strasbourg) recommande au Congrès un
appareil à placer des coupes de cerveau et de moelle dans leur ordre
sériaire respectif : il s'agit de faire pratiquer par un potier dans des
plaques en terre cuite une série de dépressions. Ces plaques de cinq
espèces, pourvues chacune de six à soixante -quatre compartiments
cellulaires, selon le nombre des coupes et leur volume, reviennent
au plus à 4 marks 50 ( 5 francs 65). Les micrographes réaliseraient
également une économie considérable en remplaçant les lamelles
couvre-objets en verre par des lamelles de mica. Extrêmement
transparentes, celles-ci s'appliquent hermétiquement sur les prépa-
rations et se taillent aisément selon les dimensions voulues : elles
conviennent surtout aux grosses coupes, mais sont encore utili-
sables pour celles qui exigent l'oculaire 3 et l'objectif 8 de Hart-
nack.
Le Dr STILLING (de Strasbourg) montre des préparations de Uiiusmu
et bandelette optique dans lesquelles les faisceaux non croisés sont
les plus nombreux ; puis viennent ceuv des deux commissures;
enfin le plus petit nombre a trait aux fibres entre-croisées. Celles-ci
reposent sur les non entre-croisées comme sur la concavité d'une
gouttière La commissure antérieure très nette chez le chien occupe
'Voyez les Archives de Neurologie, t. II, p. 1,78.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 237
principalement la face supérieure du chiasma, tandis que la commis-
sure postérieure se montre à sa face inférieure. On peut suivre les
fibres de cette dernière jusqu'au corps genouillé latéral, au corps
genouillé médian, aux tubercules quadrijumeaux et à la racine
descendante, où se rendent également des faisceaux croisés et non
croisés ; mais l'auteur n'a pu les poursuivre jusque sur le tectum
opticum de la couche optique. La racine descendante se divise en
deux branches : la plus forte passe au-dessous du corps genouillé
médian dans le ruban de Reil et gagne l'olive; l'autre, plus faible,
se dégage dans le pont de Varole. Dans le nerf optique les fibres
n'affectent nullement la disposition que divers schémas ont prétendu
leur assigner. Les fibres commissurales, les fibres croisées ou non
sont surtout juxtaposées à l'intérieur du nerf.
Remarques sur l'anatomie comparée du système nerveux central,
relatives principalement aux trois classes les plus inférieures de
vertébrés; par le professeur Wiedersheim. Cette communication en-
visage cinq questions différentes. A. L'origine du nerf acoustique.
Il serait chez les ascalabotes, tel l'hemidactylus verrucosus , cons-
titué presque de toute la masse des cordons postérieurs de la
moelle dont il formerait en même temps le prolongement antérieur
direct. B. Les variations dans la structure du cerveau chez une
seule et même espèce animale. Chez la rana esculenta, l'auteur ren-
contra deux fois sur treize sujets une anomalie de formation du
cervelet et de la moelle allongée, consistant pour le premier cas
en la fermeture presque complète de ce dernier organe par un
entonnoir de substance blanche, tandis que le cervelet réduit à un
bourrelet transverse y adhérait totalement; et pour le second fait,
en l'oblitération totale du quatrième ventricule par une hypertro-
phie cérébelleuse considérable. A l'état normal la moelle allongée
de la grenouille beye largement à la région dorsale, le cervelet
n'en formant que la limite antérieure. C. La phylogénie du nerf
vague. Chez le protoptère, représentant des dipnoiques, la ceinture
scapulaire est encore en rapport avec les nerfs de la tête ; les élé-
ments du nerf vague se prolongent jusqu'à l'extrémité libre de l'arc
de l'épaule, qui porte d'ailleurs trois branchies bien développées
et fonctionnant. Cette observation vient à l'appui de l'hypothèse de
Gegenbaur quela ceinture scapulaire des vertébrés proviendrait d'un
arc branchial. D. Un nerf 'olfactif quadruple. Chez les batraciens
anoures (rana esculenta et pipa dorsigera) ce nerf naît de deux
racines, l'une centrale, l'autre latérale, toutes deux originaires du
lobe olfactif, qui se réunissent en un tronc commun et gagnent à
travers un seul trou la capsule olfactive. Chez les batrachophides,
les coecilies ou les gymnopinons, de chaque côté partent du lobe
olfactif une racine ventrale et une racine dorsale, demeurant com-
plètement séparées et perforant isolément la lame criblée en deux
238 SOCIÉTÉS SAVANTES.
points ; en somme quatre nerfs olfactifs parviennent dans la cavité
olfactive au travers d'un nombre correspondant d'ouvertures.
Chaque cordon garde d'ailleurs son individualité en cet organe.
E. Cerveaux fossiles. Il s'agit de ceux d'amphibies fossiles (Laby-
rinthodon Rûtmeyeri), d'oiseaux et de mammifères fossiles de
l'Amérique du Nord. Planches nombreuses à l'appui. Voyez sur ce
sujet les travaux de O.-C. Marsh et Wiedersheim publiés en ces der-
nières années.
La séance est levée à cinq heures trois quarts.
Séance du 22 mai. Présidence du professeur JoLLY.
La parole est donnée à 51. le professeur Bêcher pour une commu-
nication sur la pathogénie de l'ophth(tlinie sympathique. Après avoir
repris les communications et observations de Knies etAlac-Gillavry
qu'il considère comme incomplètes au point de vue scientifique,
M. Becker raconte un fait qui, à son sens, témoignerait de la trans-
mission par les centres vasculaires d'une Meee à l'autre des accidents
inflammatoires. 11 concerne un garçon de dix-neuf ans qui s'étant
frappé à l'oeil droit avec un fouet, vit s'y développer une pan-
ophtalmie. On constatait le huitième jour, du trismus avec dévia-
tion du maxillaire inférieur à droite; le neuvième jour de la dys-
phagie avec paralysie de l'oculo-moteur de l'oeil gauche (sphincter
inen indemne) dans lequel l'examen ophthalmoscopique pratiqué
le dixième jour décèle de la dilatation des veines, de la tuméfac-
tion et un état trouble de la rétine en bas et en dedans. Ces phé-
nomènes allèrent en s'accentuant, s'accompagnant bientôt d'opis-
thotonos, de convulsions généralisées, jusqu'au moment de la mort
survenue le quatorzième jour dans le délire : température 38°,6 6
à 39°. L'autopsie démontre l'intégrité des centres nerveux; les fibres,
les cellules, les noyaux même de l'oculo-moteur sont demeurés
intacts. L'oeil blessé présente, outre les lésions de la panophthalmie
une névrite ascendante du N. 0. qui toutefois ne dépasse pas le
trou optique, la portion inlra-crânienne du nerf et le chiasma étant
sains. L'oeil gauche sympathiquement affecté est le siège d'une
choroido-névro-rétinite. Les nerfs ciliaires offrent bien à une dis-
tance de quelques millimètres une accumulation de noyaux se
colorant facilement, mais elle est purement locale. En consé-
quence, pour M. Becker, l'inflammation s'est transportée d'un sys-
tème uvéal à l'autre, la choroïdite communiquée dans l'oeil gauche
y ayant entrainé la neuro-rétinite, conformément aux récentes indi-
cations de Mooren, Rumpf, Berlin.
Des analogies entre la commotion rétinienne et cérébrale, par le
professeur BERLIN. Traçant d'abord une courte esquisse d'une obser-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
vation décrite par lui il y a neuf ans, dans laquelle à la suite d'une
blessure de l'oeil par un corps contondant était survenue une
légère diminution à l'acuité visuelle centrale, coïncidant avec un
état trouble de la rétine étendu, l'orateur rappelle que les deux
phénomènes ayant disparu brièvement, ils'agissait, croyait-il, d'une
commotion de la rétine ayant pour substratum anatomique l'état
local de cette membrane. Or, une grande série d'observations lui
ont depuis démontré que les perturbations fonctionnelles sont in-
dépendantes de l'obnubilation rétinienne ; elles tiendraient plutôt
à un spasme traumatique du muscle ciliaire compliqué d'un astig-
matisme cristallinien irrégulier et passager. Ces phénomènes n'ont
rien à faire avec la commotion ; il s'agit là d'une blessure de la
rétine. Des expériences faites sur l'animal nous apprennent, en effet,
que l'on rencontre toujours en ces faits un épanchement de sang
considérable entre la choroïde et la sclérotique ; or, la rétine
étant hygroscopique s'oedématie de ce chef par imbibition ; de là
l'état de trouble et de tuméfaction décelé par l'ophtalmoscope et le
microscope. Il est probable, ajoute M. Berlin, qu'immédiatement
après la lésion, par suite de la répartition uniforme de la pression
hydrostatique sur l'ensemble de la rétine et de la papille, il se pro-
duit toujours un obscurcissement passager de l'oeil, l'analogue delà
commotion cérébrale passagère, qui, éphémère, échappe à nos in-
vestigations cliniques. Quant aux troubles de la vue d'une durée
quelconque, prononcés et permanents, surtout lorsqu'ils intéressent
la vision excentrique, il faut les rattacher aux lésions intra-oculaires
de la rétine et de la choroïde ainsi qu'en certains cas à des altéra-
tions dans le tronc du nerf. Rien n'autorise donc à supposer une
commotion rétinienne, il s'agit simplement de la compression du
globe et des régions rétro-oculaires sur la portion orbitaire du nerf
optique. Les troubles optiques qui suivent les blessures du crâne
par un corps contondant dépendraient, eux aussi, des effets d'une
compression de la calotte et des revêtements membraneux et non
de la commotion cérébrale optique ou rétinienne.
De l'occurrence des accès épileptiques pendant le sommeil chloro-
formique, par le Dl BnjMSARTNER (de Bade). Les observations
de l'auteur concernent deux individus. C'est ainsi qu'un travailleur
vigoureux de vingt-six ans, obligé à plusieurs reprises de se faire
réduire une luxation sous-coracoidienne qui s'était produite
pendant un accès d'épilepsie, fut pris en pleine narcose chlorofor-
mique, cinq fois d'une crise convulsive soudaine durant à peu près
trois quarts de minute; la crise passée on lui remettait le bras.
Une seule fois, les convulsions se montrèrent tandis qu'on tirait
sur le membre ; en tous les cas elles consistèrent en une courte
raideur suivie de mouvements cloniques, accompagnés de ferme-
, ture des poings, quelque écume blanche à la bouche, et terminés
240 SOCIÉTÉS SAVANTES.
par un sommeil réparateur de vingt minutes. A la dernière
séance, au moment où l'on en avait fini avec la réduction, l'accès
cessait. L'autre épileptique dont il s'agit avait son accès tous
les deux jours. On le chloroformise à plusieurs reprises le jour où
suivant toutes présomptions il ne devait pas l'avoir. Mais voici
qu'au milieu du calme le plus complet, soudain il est soulevé de
la table d'opération, et doit être placé à terre en proie aux
convulsions les plus violentes pendant quatre minutes. Absence
d'écume à la bouche. Cet incident, qui avait paru provoqué la
première fois par le contactd'une cicatricequelemaladeportait au
front, se renouvelait aux autres séances en dehors de toute espèce
de cause occasionnelle. M.'B... attribue à la narcose chlorofor-
mique la genèse d'une ischémie cérébrale possédant les mêmes
propriétés que celle qui détermine l'accès épileptique classique.
Seulement tandis que l'anémie épilel)togëize ordinaire procède d'un
spasme vasculaire préalable , l'anémie épileptogèîze chlorofor-
mique émanerait d'une anoxhémie pulmonaire.
Contribution à l'étude de la paralysie ascendante aiguë, par le
professeur SCHULTZE (d'Heidelberg). Le cas rapporté par M. Se.
comprend des modifications de l'excitabilité électrique, il lui a été
communiqué parle Dl Schultz (de Brunswick). La publication en
sera effectuée.
De l'action de la lymphe sur les organes centraux, par le Dr Th. Rumpf.
La double série d'expériences envisagées ici a trait a la moelle et
au cerveau. Elles démontreraient qu'une double section de la moelle
pratiquée transversalement à la région cervicale et à la région
lombaire entraîne la résorption quasi complète du segment
intermédiaire, si l'on a soin de le séparer de toute connexion
nerveuse par la scission des racines antérieures et postérieures,
en cinq à sept jours. Déjà au bout de vingt-quatre heures on
observe de la tuméfaction del'ensemble des éléments anatomiques
qui finissent par se morceler comme dans les dégénérescences et
disparaître. Une seule section transversale effectuée aussi haut que
possible, en même temps que l'on coupe les racines antérieures sur
les trous intervertébraux, n'entraîne presqu'aucune dégénéres-
cence, même si l'on mutile à la fois le système des fibres de la
queue de cheval auxquelles la disposition topographique et l'expé-
rience permettent d'attribuer la sensibilité. Inversement l'interrup-
tion des faisceaux moteurs, la moelle segmentée conservant, dans les
mêmes conditions, ses attaches sensibles, détermine la destruction
de l'organe, mais cette dégénération est plus lente que dans le
premier mode d'expérimentation. Que devient le cerveau
traité de la même façon ? En sectionnant chez la grenouille les
nerfs olfactifs et les pédoncules cérébraux dans la cavité crânienne,
SOCIETES SAVANTES. 241
' les nerfs optiques dansl'orbite, on observe la disparition totale de ce
centre. Au bout de cinq à sept jours, la cavité crânienne est vide,
on n'y rencontre que quelques restes de tissu conjonctif à la base,
comprenant entre eux des détritus médullaires et des cloisons.
La même opération exécutée chez des pigeons engendre, en plus
de ces processus, des abcès profonds, causant une prompte
mort. L'auteur résume ainsi les résultats de ses recherches :
9° Pour conserver les organes centraux, il ne suffit pas de leur
assurer une circulation normale, il faut en outre qu'ils demeurent
en connexion constante avec les voies systématiques dont ils sont
les origines;
2° L'interruption absolue de cette continuité détermine la des-
truction des organes centraux, effectuée en partie par l'action de
la lymphe ;
3° L'interruption partielle, qui ne porte que sur certains cordons,
met en évidence la suppléance fonctionnelle temporaire et même
persistante des autres systèmes ;
4° La conjonction de la moelle avec les cordons moteurs suffit
pour en conserver l'intégrité, du moins pendant un temps assez
long. Cette action conservatrice exclusive des faisceaux nerveux
moteurs, émanerait des plaques terminales de ces organes dont
se dégagerait constamment un courant nutritif centripète; aussi
M. Rumpf, par opposition avec le tonus centrifuge du muscle,
propose-t-il de la désigner sous le nom de rétrotoncs.
Le Dr vorr HOFFMANN (de Bade) décrit au Congrès deux cas
d'élongation de nerfs céphaliques et deux observations de ligature de
l'artère carotide dans i ! 'M ! Op/t</t(tb7Ke pulsatile. Le premier fait
regarde un impaludique, souffrant de douleurs fulgurantes dans
la moitié gauche de la face, accompagnées de rubéfaction, saillie
des veines fronto-temporales, tremblements musculaires, claquement
des dents, trismus, incessants en dépit de toute sorte de traite-
ments. La guérison eut lieu progressivement, mais on dut pratiquer
successivement l'élongation du nerf sous-orbitaire, et celle du nerf
maxillaire inférieur, qui fut même déchiré à son entrée dans l'os
du même nom. Le second exemple, du même ordre, est relatif à
une femme de trente-cinq ans, ayant eu dix grossesses, chez
laquelle, à la suite d'un accouchement gémellaire heureux, s'était
établie une fièvre ressemblant à celle de la malaria. Les accès
persistent trois ans et s'aggravent à mesure que les grossesses se
succèdent; ils ne disparaissent que pour être remplacés par des
contractions convulsives de la moitié droite du visage et notam-
ment des contractures de la paupière. Les trois enfants nés
pendant cette période et nourris par la malade sont morts vingt,
trente-six, quarante-trois semaines après l'accouchement, de
phthisie. Augmentation de volume et parésie de la face du côté
f6
242 sociétés savantes.
atteint. La pression exercée sur le nerf sous-orbitaire faisant
disparaître momentanément les accès, on procède à une première
élongation avec déchirure de ce cordon qui'détermine une amélio-
ration passagère. Une seconde opération identique effectuée
sur le facial semble jusqu'à présent avoir affirmé les résultats
premiers. Les deux autres malades concernent l'oculistique :
une exophthalmie, consécutive pour l'auteur à des efforts exagérés,
fut guérie par la ligature de l'artère carotide ; il semblait évident
à M. H... qu'il s'agissait ici d'une rupture de la carotide dans le
sinus caverneux. La même pratique, usitée dans un cas d'exoph-
thalmie congénitale chez un enfant de huit mois, ne réussit pas
aussi heureusement ; car après une amélioration de quatorze
jours le globe occulaire était de nouveau projeté par une tumeur
dure, d'accroissement rapide, probablement un sarcome.
Contribution à la connaissance de la manie aiguë, par le Dr Wrr-
sowsax (de Strasbourg). Sous ce nom, l'orateur englobe simplement
les faits caractérisés par la profusion des conceptions, l'exagération
de la personnalité, la multiplicité des mouvements automatiques
et l'excitation de l'humeur. Il en exclut les états d'agitation qui,
par exemple, se montrent dans les psychoses chroniques, ainsi que
les délires proprement dits, avec leur cortège habituel (troubles de
perception, hallucinations). Aussi doit-il avouer que le symptôme
clinique en question est extrêmement rare à l'état de pureté, ren-
voyant pour la description détaillée qu'il envisage, au n° 24 de la
Berliner Klinische Wochenschrift.
Le Dr TuczEK (de Marbourg), désireux de compléter en quelque
sorte le travail publié par le De Siemens dans les Archives de West-
phal1 communique à l'assemblée, sous ce titre : Action de l'ergot de
seigle sur le système nerveux central, le résultat de l'examen pratiqué
par lui sur la moelle des individus morts. Il a trouvé et montre aux
assistants une lésion des cordons postérieurs, le processus était
essentiellement limité aux cordons de Burdach. Mais il était facile
de le suivre dans toute la hauteur de la moelle jusque parmi les
vestiges des cordons cunéiformes à la région du bulbe. Prolifération
du tissu interstitiel (grandes cellules araignées en nombre), atrophie
desfibres nerveuses, développement de cellules granuleuses en amas,
tels en sont les caractères micrographiques. Des expériences en ce
moment entrain sur les animaux avec le seigle ergoté, l'ergotine
et l'acide sclérotinique feront l'objet d'un travail ultérieur qui sera
publié.
Enfin, après avoir entendu la lecture de deux observations inté-
ressantes des D6 KAST (de Fribourg) et Schwaab (de Werneck) au
' Nous en donnerons le résumé dans la Revue analytique.
BIBLIOGRAPHIE. 24X
sujet de la névrite et des psychopathies imputables à la guerre de
1870-71 le Congrès choisit de nouveau Bade pour lieu de sa
réunion l'année suivante, désignant comme curateurs organisateurs
AI11. Füerstner et Fischer.
Remerciant en dernier lieu les curateurs de cette année, le prési-
dent clôt la séance à onze heures et demie.
(Archiv. f. Psych. u. Nervenk., XII, 1.) .) P. K.
BIBLIOGRAPHIE
Il. D'une névrose convulsive et rythmique déjà nommée forme de
chorée dite électrique; par A. GUERTIN. Thèse de Paris, 1881.
En 1846, Dubini avait décrit sous le nom de chorée électrique,
une maladie convulsive bornée à l'un des côtés du corps, s'accom-
pagnant d'un sentiment d'affaiblissement, puis de fourmillement,
puis de paralysies presque complètes et dans les derniers jours le
malade tombait dans le coma avec dilatation des pupilles. A peu
près constamment, cette maladie, qui a été observée depuis par plu-
sieurs auteurs italiens et allemands, se terminait par la mort, sans
que l'autopsie ait jamais révélé sa nature. Un autre élève de M. Ber-
geron, M. Berland, avait déjà appelé l'attention sur une autre
forme de chorée électrique, que M. Guertin étudie de nouveau.
Cette affection dont l'étiologie est encore fort obscure débute brus-
quement, et il n'existe pas de période durant laquelle on observe
des désordres pouvant être mis sur le compte de la maladresse.
Le spasme envahit en même temps tous les muscles qui doivent
être atteints et présente dès le début ses caractères distinctifs qu'il
conserve, sans modifications, pendant tout le cours de la maladie.
Les mouvements ont pour caractères propres la brusquerie qui
rappelle une secousse électrique, et le rhythme ; ils sont continuels
et indépendants de la volonté; ils intéressent toujours, du commen-
cement à la fin, les mêmes groupes de muscles; assez souvent les
secousses électriques sont limitées à l'extrémité céphalique. Les
'Voyez les Archives de Neurologie, aux Revues analytiques.
244 BIBLIOGRAPHIE.
convulsions sont à peine exagérées quand les malades font effort
pour dominer l'agitation; elles n'empêchent pas le sommeil et
cessent toujours lorsqu'il est arrivé. Pas de phénomènes généraux,
pas de troubles intellectuels. Cette affection se distingue de la cho-
rée vulgaire par l'absence des troubles psychiques du début, de ces
gesticulations non rhythmées, désordonnées, indescriptibles qui ca-
ractérisent la danse de saint Guy. La chorée électrique, au lieu de pro-
céder par accès, est uniforme pendant toute sa durée et en outre
se manifeste complètement du premier coup et ne se développe pas
progressivement comme la chorée vulgaire. Ces caractères de la
marche la différencient encore des chorées rhythmiques des hysté-
riques (Charcot) ou des épileptiques (Parrot). Mais ce qui la dis-
tingue surtout, c'est son pronostic constamment favorable, en ce
sens que la guérison a toujours été radicale et immédiate par une
seule administration de tartre stibié à dose vomitive ou par
l'application de l'électrisation avec les courants induits. CH. F.
III. De la conservation des réflexes tendineux dans l'ataxie locomotrice
progressive; par C. Tauus. Thèse de Paris, 1881.
Le réflexe rotulien qui est le seul auquel on puisse attribuer une
véritable valeur peut manquer chez certains sujets; son absence
n'est donc pas une preuve qu'il existe une affection quelconque du
système nerveux. Il existe un certain nombre de cas d'ataxie loco-
motrice dans lesquels les réflexes tendineux ne sont pas abolis. La
persistance des réflexes peut s'observer non seulement dans la pre-
mière période de l'affection, mais jusqu'à une période très avancée
lorsqu'il existe déjà des troubles trophiques du côté des articula-
tions des extrémités supérieures. Il parait certain que les réflexes
ont pu être abolis chez certains ataxiques et reparaître ensuite.
D'autres fois, lorsque les deux membres inférieurs sont également
atteints d'incoordination motrice, le réflexe n'est aboli que d'un
seul côté. 11 peut même arriver que les réflexes, au lieu d'être
abolis, soient exagérés. Le signe de Westphal n'a donc qu'une
valeur relative, qu'il tire surtout de son association avec d'autres
troubles tabétiques. M. Charcot a fait remarquer qu'il peut y avoir
erreur sur la nature même du réflexe persistant dans l'ataxie. Il
peut se faire que la percussion de la région sous-rotulienne pro-
voque un réflexe du triceps sans qu'on doive attribuer cette réac-
tion à l'excitation mécanique du tendon, l'extension de la jambe
sur la cuisse serait due dans quelques cas à un réflexe cutané pro-
voqué par l'excitation portée sur une plaque d'hyperesthésie. Ce
qui paraît distinguer ce réflexe cutané du réflexe tendineux, c'est
un certain retard dans la production du'mouvement d'extension
de la jambe Cn. F.
BIBLIOGRAPHIE. 245
IV. Essai sur le béribéri au Brésil; par Tamssau. Thèse de Paris, 1 88 1 .
Cette étude ne contient pas de faits nouveaux, elle est surtout
basée sur des recherches historiques. Malgré les exceptions qu'on
en a cité, l'auteur pense que le béribéri est une maladie propre
aux pays situés entre les tropiques. Toutes les circonstances phy-
siques ou morales, qui tiennent à produire un appauvrissement de
l'organisme, une anémie plus ou moins profonde, sont les causes
prédisposantes de la maladie. La cause déterminante du béribéri
est spécifique, mais d'une nature inconnue; l'origine palustre est
inadmissible. La forme mixte est la plus grave. Pour obtenir la
guérison, le changement de localité est un moyen souvent efficace.
Ch. F.
V. Des accidents réflexes survenant après l'opération de l'empyème;
par G. lllnnrm. Thèse de Paris, 1881.
lloffiiiann, Sauvages, Bosquillon signalent la paralysie des
membres supérieurs ' dans le cours de l'empyème ; en 1875,
M. Raymond fit connaître un fait dans lequel des convulsions
épileptiformes étaient survenues dans les mêmes circonstances,
M. Brouardel et Vallin citèrent des cas analogues. M. Lépino rap-
porte deux faits d'empyème, l'un avec monoplégie, l'autre avec
hémiplégie. MM. Leudet, Goodhart, Williams, Butlin, Cayley,
Aubouin, J. Simon ont publié des cas semblables. Ces accidents
nerveux réflexes se montrent toujours après l'intervention, mais à
une époque très variable, ordinairement dans le premier mois,
mais dans le cas de Leudet, ils ne se sont produits qu'après plus
d'un an. On les a surtout rencontrés de vingt à trente ans, mais
ils peuvent se présenter chez des enfants. Sur quatorze cas, deux
fois seulement il s'agissait de femmes. La nature du liquide injecté
paraît sans influence, mais il n'en est pas de même de son
abondance et de la force de projection.
Ces accidents varient par leur mode d'apparition; tantôt ils sur-
viennent brusquement, d'une manière foudroyante, tantôt ils se
produisent lentement, d'une manière insidieuse. Quand il s'agit
d'un accès épileptique, le malade revenu à lui-même, n'a aucun
souvenir de ce qui s'est passé. Dans un cas, une contracture de
tout le côté opposé à la pleurésie, a rapidement disparu et a été
remplacée par une hémiparésie de l'autre côté. Les accidents à
forme lente ne s'accompagnent point de phénomènes généraux, ni
de troubles de l'intelligence ou de la parole qui caractérisent la
forme brusque : ils consistent en des phénomènes de paralysie
plus ou moins étendus qui siègent le plus souvent du côté de l'em-
2't6 ' BIBLIOGRAPHIE.
pyème. Il s'agit ordinairement d'une paralysie incomplète qui pré-
sente des alternatives d'augmentation et de diminution, et qui ne
s'accompagne point de troubles de la sensibilité. A quoi sont dus
les accidents réflexes ? Est-ce à l'irritation du phrénique ou des
rameaux centripètes du pneumogastrique ? Est-ce à l'anémie du
bulbe ? Ca. F.
VI. Etude clinique sur la névralgie iléo-lombaire symptomatique des
affections des organes génitaux chez la femme; par A. Le Bailly.
Thèse de Paris, 1881.
AprèsBassereau, Axenfeld, Beau, Marrotte, l'auteur étudie la rela-
tion qui existe entre les névralgies iléo-lombaires et les affections
des organes génitaux; il rapporte plusieurs observations d'affec-
tions aiguës de la vulve du vagin de l'utérus, et d'affections chro-
niques de l'utérus et de ses annexes accompagnées de névralgies.
Il appelle l'attention sur ces mêmes névralgies dans la grossesse.
Il insiste en outre sur la coïncidence fréquente de l'hypersécrétion
vaginale et utérine et des névralgies iléo-lombaires. CH. F.
VII. Etude expérimentale sur l'état du pouls carotidien pendant
le travail intellectuel ; par E. GLEY. Thèse de Paris, 1 881 .
Pendant le travail intellectuel, on observe une augmentation du
nombre des battements du coeur qui parait être en raison directe
de l'intensité de l'attention. En même temps, il existe une dilata-
tion de l'artère carotide et un dicrotisme plus marqué du pouls
carotidien; à la radiale, on trouve des phénomènes inverses. Ces
caractères sont d'autant plus marqués que l'attention est plus forte,
et ils persistent un certain temps après que l'activité cérébrale a
cessé. Ces modifications ne dépendent pas de changements soit de
l'activité cardiaque, soit de la respiration; ils sont dus à une
influence vaso-motrice. Cn. F.
VIII. Essai sur La paralysie diphthéritique du nerf pneumogastrique;
par L.-E. GULAT. Thèse de Paris, 1881.
Dans la convalescence de la paralysie diphthéritique, on observe
quelquefois des troubles cardio-pulmonaires se traduisant par un
état syncopal, avec ralentissement, puis accélération et petitesse du
pouls, et par de la dyspnée avec irrégularité des mouvements res-
piratoires, ordinairement associés à des douleurs abdominales et
à des vomissements alimentaires. Ces troubles succèdent d'habitude
à une paralysie du voile du palais consécutive à une angine diphthé-
BIBLIOGRAPHIE. 247
ritique. Ils peuvent guérir tant qu'il n'y a que du ralentissement
du pouls ; dès qu'il y a de la dyspnée la mort est inévitable. Ordi-
nairement troubles cardiaques et troubles pulmonaires vont en-
semble, mais exceptionnellement on les trouve isolés. Ces accidents
sont rarement subaigus. Le seul traitement efficace est la fara-
disation méthodique et prolongée de la région précordiale et de
la partie postérieure du thorax. Il paraît certain que les caillots
trouvés dans le coeur n'ont rien de spécial à la diphthérie et que
d'ailleurs ils se forment après la mort. La théorie de l'endocardite
et de la myocardite ne rend pas non plus complètement compte
des phénomènes. L'auteur pense qu'une lésion bulbaire n'explique-
rait pas les troubles isolés ; il croit que si la théorie bulbaire était
vraie, on devrait rencontrer quelquefois la paralysie des nerfs dont
les noyaux d'origine sont près de la dizième et de la onzième paires.
Il admet que la mort subite ou rapide dans la convalescence de la
paralysie diphthéritique est le résultat d'une altération d'une ou de
plusieurs branches terminales du nerf vague. CH. F.
IX. Hallucinations dans la paralysie générale (Observations);
par J. Girma. Thèse de Paris, 1881.
Les hallucinations, très fréquentes dans la paralysie générale,
s'observent à toutes les périodes de cette affection, mais principa-
lement dans la période de démence. Dans la première période,
elles peuvent revêtir le caractère psychique ; plus tard, après les
congestions cérébrales épileptiformes ou apoplectiformes, qui sem-
blent avoir sur leur production une véritable influence, elles sont
plutôt psyclio-sensorielles. Tous les sens peuvent être affectés suc-
cessivement ou simultanément ; quelquefois les hallucinations ne
sont que la reviviscence d'anciennes sensations normales. Fugaces
dans les formes expansives, elles sont assez souvent persistantes, et
identiques à elles-mêmes dans les formes dépressives, dans les
rémissions incomplètes et dans la démence. Elles entraînent quel-
quefois des actes impulsifs, mais il est bien rare qu'elles soient.
comme chez les hallucinés simples, le point de départ de déduc-
tions logiques, de délire systématisé. Cu. F.
X. Pseudo-paralysie générale d'origine saturnine; par A. Mnvm.
Thèse de Paris, 4881.
11 existe une pseudo-paralysie générale d'origine saturnine, sur-
venant ordinairement chez des sujets qui ont été atteints à plu-
sieurs reprises d'accidents saturnins. Elle apparaîtrait le plus sou-
vent de quarante à cinquante ans. C'est ordinairement pendant
248 BIBLIOGRAPHIE.
qu'ils sont soumis au traitement de l'intoxication qu'ils sont pris
d'un accès de délire : ils ont alors constamment des hallucinations
de la vue et des terreurs, puis des conceptions délirantes orgueil-
leuses. Cette période de début ou d'excitation, qui peut durer de
trois à douze jours, s'accompagne d'une certaine faiblesse muscu-
laire, avec embarras de la parole ; les malades n'ont aucune cons-
cience de leurs actes, ils ont de l'insomnie, quelquefois un délire qui
ressemble à s'y méprendre au delirium tremens. La deuxième
période est une période de dépression ; quelques-uns ne peuvent se
tenir debout, d'autres sont hémiplégiques, la plupart sont gâteux ;
leur parole est tellement embarrassée qu'elle ne constitue plus qu'un
bredouillement inintelligible, ils ont du tremblement de la langue ;
on croirait de vrais paralytiques généraux arrivés à la dernière
période. Les pupilles restent égales. Cette période dure en moyenne
deux mois. Enfin survient une période d'amélioration graduelle et
progressive, se terminant par une guérison complète. Au début de
cette période, on peut observer des vertiges épileptiques, la para-
lysie diminue progressivement en commençant, par les membres
inférieurs et en même temps la parole devient plus distincte. L'in-
telligence est toujours troublée ; mais au lieu d'un délire accom-
pagné des accès violents de la période de début, le malade est dans
la torpeur ; la guérison demandera deux ou trois mois à s'accomplir.
En résumé, cette pseudo-paralysie générale d'origine saturnine
dure cinq à six mois et se termine constamment par la guérison ;
elle peut laisser toutefois un léger affaiblissement de l'intelligence
Cette pseudo-paralysie a souvent été confondue avec la vraie para-
lysie générale et surtout avec la paralysie générale survenant chez
un saturnin ; mais elle s'en distingue par quelques-uns de ses symp-
tômes, et surtout par sa marche et sa terminaison. Cil. F.
XI. Le délire des grandeurs n'est pas un signe exclusif de la paralysie
générale progressive ; par E.-A. Lautar. Thèse de Paris, 4881. 1.
Le délire des grandeurs peut se rencontrer à peu près dans
toutes les maladies mentales, sauf l'idiotie et la démence. On l'ob-
serve en dehors des asiles dans un certain nombre d'affections
aiguës ou chroniques, dans la convalescence de la fièvre typhoïde,
dans l'encéphalopathie rhumatismale, le choléra, l'insolation, les
suites de couches, l'ataxie locomotrice, etc., etc. ; dans certaines
intoxications, l'alcoolisme aigu et chronique, le saturnisme.
(Vingt-deux observations.) Cn. F.
VARIA
LE SABBAT'
Si les Sorcières vont en ame au Sabbat.
Il y en a d'autres qui tiennent que les Sorcières vont le plus
souuent au Sabbat en ame feulement, ce que l'on vérifie par
plufieurs exemples de quelques Sorcières, lefquelles eftans de-
mourées comme mortes en leurs maifons par l'espace de deux
ou trois heures, ont enfin coiifeffé que pour lors elles eftoient
en esprit au Sabbat, rapportant particulièrement tout ce qui
s'eftoit faift & pane au mefme lieu : George Gandillon la nuiùl
d'un Ieudy SainEt demeura dans son lift comme mort par
l'espace de trois heures, & puis retourna à foy en furfaut;
il a du depuis efté bruflé en ce lieu auec son père & une
fienne foeur 2.
Il y a quelque temps qu'vn certain du village d'Vnau au
reffort d'Orgelet amena sa femme en ce lieu, & l'accufoit
d'eflre Sorcière, difant entre autres chofes qu'à certaine nuict
d'vn Ieudy, comme ils eftoient couchez enfemble, il se donna
garde que sa femme ne bougeoit, ni fouffloit en façon quel-
conque, sur quoy il commença à l'espoinçonner sans neant-
moins qu'il la peuft iamais faire efueigler, & à celle occasion,
il tomba en vne peur, de manière qu'il se voulut leuer pour
appeller ses voifins : mais quelque effort qu'il fift, il ne luy
fut pas poflible de sortir du lift, & luy sembloit qu'il eftoit
entrappé par les iambes, mefme qu'il ne pouuait pas encor
crier : cela dura bien deux ou trois heures, & iusques a ce
que le coq chanta : car lors la femme s'efueigla en furfaut,
'Voir le ? 7, p. 115.
2 Boguet (H.). Discours exécrable des Sorciers, etc. Rouen, 1606.
250 VARIA.
& sur ce que le mary luy demanda qu'elle auoit, elle respon-
dit qu'elle eftoit si latte du trauail, qu'elle auoit eu le iour
précèdent, qu'eftant preffee du fommeil, elle n'auoit rien
fenty de ce que son mary luy auoit fait : alors le mary eut
opinion qu'elle venoit du Sabbat, pour ce mefme que delïa
auparauant il soupçonnoit quelque peu, à raifon qu'il eftoit
mort du bcffail a quelques fiens voifins qu'elle auoit mena-
cez précédemment.
Et certes il y a grande apparence que cette femme auoit efté
en esprit au Sabbat, par ce premièrement que l'ecftafe dont
nous auons parlé luy aduint au Ieudy, qui est la nuiet ordi-
naire du Sabbat.
D'aduentaige comme le coq chanta elle s'efueigla enfurfaut,
fcelon que nous auons dift : or le Sabbat qui se fia nuietam-
ment dure iufques à tant que le coq chante, mais depuis qu'il
a chanté tout vient à disparoiilre.
Troifiemement l'excufe qu'elle print monstre bien qu'il y
auoit de la malice de son codé : Car quel homme a-t-on
iamais veu si endormy d'vn trauail & labeur précèdent que
l'on n'ait peu facillement efueigler ? George Gandillon s'excu-
foit de la mefme façon, lors que l'on luy demanda pour quoy
il ne s'eftoit point efueiglé, encore que l'on l'euft pouffé rude-
ment plufieurs fois.
En quatriefme lieu il se recongnoift qu'il y auoit du forti-
lege, en ce que le mary se fentoit entrappé par les iambes, &
qu'il ne pouoit crier.
Finallement les Efcheuins d'Vnau, qui affiftoient le mary,
aueroyent que celte femme eftoit defcenduë de parens que l'ô
fuspeetoit défia de Sorcellerie. Voyla comme l'on peut dire
que les Sorciers vont au Sabbat en ame& esprit.
D'autres fois y vont reallement & corporellement, lainant
en leur place quelque fimulachre ou effigie a leur reflem-
blance, par quoy foit leur mary defceu, s'il vient à s'es-
ueigler. Le Démon a bien fouuent aussi couftume, ayant
prins un corps, de foy fubftituer on lift de la Sorcière partie
au Sabbat; & par ainfi a commerce charnel auec le pauure
mary. Ou bien elles vfent d'vn aultre artifice, endormant
iceluy d'un fommeil magicque. Bertrande Tonftrix a confefle
l'auoir faift fouuentes fois & auoir bien fouuent endormy
son mary en lui frottant l'aureille de sa main dextre oingte
premièrement de l'onguent, dont elle mefme se greffoit pour
VAItlI. 251 1
aller au Sabbat. Eller, femme du doyen d'Ottingen, aduoua
qu'elle fuppofoit en sa place un aureiller d'enfant, après
auuoir prononcé le nom de son démon ; d'autres duppaient
leur mary auec des balays. Marie, femme du raccommodeur
de Metzer Efch, se feruoit d'une botte de fouarre qui dispa-
roiffoit si toft qu'elle reuenoit à la maifon'. 1.
77 j a au Sabbat plus de femmes que d'homes.
Interrogez en iustice, des Sorciers ont dict eftre vrayment
aux affemblées nocturnes grande multitude de gens des deux
sexes; Jehanne de Banno, Nicole Ganat de Mayner en Lor-
raine, ont asceüré auoir veu au Sabbat, toutes & quantes fois
elles y eftoient, si grande mefnie de Sorciers que plus ne les
eftonnoit la mifere des hommes, à qui font par tant d'enne-
mis tant d'embufches dreffées; ains s'esbahiffoient moult que
ne feuffent plus grandes les calamitez humaines. Catherine
Ruffa a dift auoir veu cinq cents Sorciers, à tout le moins, la
première nuift qu'elle feut au Sabbat. Pourtant atteste Bar-
bellina Raiel de Blainville es eaux que les femmes s'y treuuent
en nombre maieur.
La raifon pour quoy il y a au Sabbat plus de femmes que
d'homes est que en icelles est plus grande fuiperflitiofité,
dont les caufes font : la prime, que les femmes font par na-
ture plus facillement m'eues à recepvoir des reuelations : fai-
fant de ces reuelations bon vfaige font grandement bonnes ;
mauluois deviennent fuppellativement mefchantes. La féconde
que les femmes font crédules à merueille : le Diable s'eftu-
diant principalement à furprendre la créance les hante &
affaille de meilleur gré. La tierce que les lemmes font natu-
rellement loquaces & bauardes, ne fçavent garder un fecret
& racontent aux aultres femmes tout ce qu'elles Içavent.0ultre
font choléricques & ne pouant par deffaut de forces se venger,
ont recours aux maléfices, faifant au prochain par art diabo-
licque le mal que faire ne peuuent par force ouuerte. La
quarte et vltime, que les femmes, comme dit Terentius, font
en leurs idées aussi muables qu'enfans; par quoy la femme
mefchante abiure plus facilement sa foy, que par auant auoit
1 Compendium .41alefica-uiii, etc., per Fratrem Francisc. Mariam
Guaccium, 161bj p. 69.
252 VARIA.
en degré exceffif. Et ce est en forcellerie raifon fondamentale
pour ne s'eftonner si les femmes iuiuent le Diable plus que
les homes. Ne faut celer pourtant que Satan se efforce d'atti-
rer à foy autant les homes que les femmes 1.
De ce qui se faiét au Sabbat, & mefme de l'Offertoire des
chandelles , du Baifer, des Danfes, de l'Accouplement du
Démon auec les Sorciers, des Feflins, dit Conte que rendent
les Sorciers à Satan, du battement d'eau pour la grefle, de
la Meffe que l'on y célèbre, de l'eau benoifte que l'oiifaiél,
ue comme Satan se coz fonzzne enfeu & reduiâ en cendre.
« Le Sabbat est comme vne foire de marchands méfiez,
furieux et transportez, qui arriuent de toutes parts. Vne ren-
contre & meflange de cent mille subiefts foudains & tranfi-
toires, nouueaux à la vérité, mais d'vne nouueauté effroyable
qui offence l'ceil, & foubfleue le cuoeur. Parmy ces mefmes
fubieE2s, il f'en voit de réels, & d'autres preftigteux & illu-
foires : aucuns plaifans (mais fort peu) côm font les clochettes
& inftrumens mélodieux qu'on y entend de toutes fortes, qui
ne chatouillent que l'aureille, & ne touchent rien au coeur :
confiftant plus en bruit qui e(lourdit & eftonne, qu'en harmo-
nie qui plaife & qui refiouiffe. Les autres desplaifans, pleins
de difformité & d'horreur, ne tendant qu'à diffolution, priua-
tiô, ruine & deftruction. Où les perfonnes s'y abbrutiffent
& trâsforment en belles perdant la parole tant qu'elles font
ainfi. Et les beftes au contraire y parlent, & semblent auoir
plus de raifon que les perfonnes chacun eftant tiré hors son
naturel. » (de Lancre, loc. cit., p. 119.)
Les Sorciers eftans affemblez en leur Synagogue, adorent
en premier lieu Satan, qui apparoift là tantoft en forme d'vn
grand homme noir ou rouge, géhenne, tourmenté & flamboyât
comme vn feu qui fort d'vne fournaife ardente, et tantoft en
forme d'vn bouc barbu, pour ce que le bouc est vne befte
puante, falace et lasciue qu pour luy faire un plus grand
hommaige, ilz luy offrent des chandelles, qui rendent vne
1 Guaccius, loc. cit., p. 74.
- Les catholiques, en ceci, ont copié les Grecs, qui représentaient les
Démons « en figures de Satyres paillards, moytié boucs & moytié
hommes ».
VARIA. 253
flamme de couleur bleue, & puis le baifent aux parties hon-
teufes darrière' (Fig. 7) : quelques-vns le baifent sur l'ef-
paule : à d'aultres fois encor, il tient vne ymaige noire qu'il
fai<3 : baifer aux Sorciers. Vray eu' que adorant Satan ilz ne se
tiennent toufiours en mefme pofture; tantoft le fuppliant à
deux genoilz; tantoft se renuerfant sur le dos; tantoft tenant
les iambes en hault, ne baiffant la tefte fus la poitrine, ains
la releuant de façon que le menton foit tourné vers le Ciel.
(Fig. /2.)Aultres fois ilz s'approchent du Démon le dos tour-
né, & aduancent lentement vers lui à l'inftar des ecreuiffes
& les mains ioinc`tes par derrière ; lui parlant, ilz fixent leurs
oeilz en terre; brief, ilz font tout au rebours de la couftume
ordinaire.
Puys ilz danfent tantoft auant, tantoft après leur re-
pas, & font leurs danfes en rond doz contre doz : les boi-
1 1 Mais quel mespris, quel deshonneur, quelle villanie plus deteftable
peut on imaginer, que celle que fouffrent les Sorciers eftans contrains
d'adorer Satan en guii'e de Bouc puant, et le baifer en la partie, qu'on
n'ofe efcrire, ny dire honneftement ? » (Bodin, loc. cit., p. 134)
« Tum candelis piceis oblatis, vel vmbilico infantuli : ad fignum
homagij eum in podicem ofculantur.»(Co» : pendium ilaleficarum, &c.,
p. 71.) .)
Fig. 11.
254 VARIA
teux y vont plus dispoftement que les aultres. Or, ilzdiinteiit
ainfi doz contre doz affin de n'eftre pas congneuz : mais pour
le iourd'huy ilz ont vne autre inuention au mefme effed, qu
est de se mafquer. (Fig. 7.3.)
F''tg', 12.
Fig. 13.
VARIA. 255
Il y a encore des Démons, écrit Boguet, qui affilient à
ces danfes en forme de boucs, ou de moutons, fcelon qu'il a
efté vérifié par les prénommez, & plufieurs aultres; & mefme
par Anthoine Tornier, ayant recogneu que lors qu'elle dan-
foit vn mouton noir la tenoit appenduë par la main auec ses
pieds, qui eftoient comme elle difoit, bien haireux, c'eft-à-
dire rudes et reuefches. »
Les haulx boys ne manquent pas à ces efbats : Car il y en
a qui font commis à faire le debuoir de meneftrier & ne font
toufiours forciers profez. La mère de Jehan de Hembach le
mena un jour au Sabbat pour ce que encore qu'à poine ado-
lefcent il iouoït moult bellement du violon. Là pour eftre
mieulx ouy le feit monter en vn arbre voifin & lui commanda
de iouer (Fig. 4). Luy cependent regardoit les Sorciers dan-
sans & s'eftonnoit de leurs geftes (car tout est au Sabbat ridi-
cule & à contre fens), ne se peut tenir de crier : « Bon Dieu,
d'où viennent tous ces gens affolez & desordonnez. » Et tout
foubdain cheut en terre, les Sorciers disparoiffant, où feut le
lendemain trouué feul le bras defmis & se lamentant bien
fort. Satan y iouë mefme de la flutte le plus souuent, & à
d'aultres fois les Sorciers se contentent de chanter à la voix :
mais ilz difent leurs chanfons pefle mefle, & auec vne con-
Fig. 14.
256 VARIA.
fufion telle qu'ils ne s'entendent pas les vns les aultres.
« Les Sorciers de Longny difoient en danfant : Har, har,
Diable, Diable, faute icy, faute là, iouë icy, iouë là; et les
autres difoient : Sabbath, Sabbath, c'est-à-dire la fefte & iour
de repos, en hauffant les mains & ballets en hault, pour tef-
tifier & donner vn certain tefmoignage d'alaigreffe, & que
de bon coeur ilz seruent & adorent le Diable'. » Quelques
fois, mais rarement, ilz danfent deux à deux, & par fois l'vn
cà & l'autre là, & toufiours en confufion : eftans telles danfes
femblables à celles des fées vrays Diables incorporez qui re-
gnoient il n'y a pas longtemps. Les filles et femmes tiennent
chafcune leurs démons par la main, lefquels leurs apprennent
des raids & geftes si lafcifs & indecens, qu'ilz feroyent
horreur à la plus effrontée femme du monde. Auec des chan-
fons d'vne compofition si brutale, & en termes & mots si
licencieux & lubricques, que les yeux se troublent, les oreilles
s'eftourdiffent, & l'entendement s'enchante, de voir tant de
chofes monftrueufes qui s'y rencontrent à la fois. Et font
toufiours ces danfes & tripudiations fuiuies de fatigues & laf-
fitudes moult griefves. Barbelline, défia nommée, & autres
Sorcières ont aduoué eftre retournées à la maifon si haraffées
que souuentes fois il leur falloit refter au lift par deux iours
entiers. Mais ce qui efl chofe bien horrible & très iniufte, il
n'eft licite à nully de soy excufer & si quelqu'vn alléguant
son aage, sa fatigue ou sa fanté, refufe de danfer ou s'enfuid,
auffitoft il est frappé à coups de piedz & à coups de poings
& n'eft autrement traifté que n'eft le cuir affoupli par le
martel.
Les danfes finies, les Sorciers viennent à s'accoupler : le
fils n'espargne pas la mère, ny le frère la foeur, ny le père la
fille : les inceftes y sont communs : car aussi les Perfes auoient
opinion que pour eflre bon Sorcier & Magicien, il falloit
naiftre de la mère & du fils. (Fig. 15).
« Françoise Secretain aduouait que le Diable l'auoit con-
gneuë charnellement quatre ou cinq fois, tantoft en forme de
chien, tantoft en forme de chat & tantoft en forme de poule,
& que sa femence eftoit fort froide. » (Boguet, loc. cit., p. 8.)
ci Marguerite Bremont', femme de Noël Laueret, a dift que
lundy dernier, après iour failly, elle feut auec Marion sa mère
« Bodin, loc. cit., p. 88.
= Bodin, loc. cit., p. io4.
- VARIA. 25
à vne affemblée, près le moulin-Franquis de Longny en vn
pré, & auoit fadide mère vn ramô entre ses iambes disant : le
ne mettray point les mots, & foudain elles furent transportées
toutes deux audiét lieu, où elles trouuerent Iean Robert,
Ieaune Guillemin, Marie femme de Simon d'Agneau, et Guil-
lemette femme d'vn nommé le Gras, qui auoient chafcun vn
ramon. Se trouuerent aussi en ce lieu six Diables, qui eftoient
en forme humaine ', mais fort hideux à veoir, &c. Apres la
danfe finie, les Diables se couchèrent auec elles, et eurent leur
compagnie : & l'vn d'eux, qui l'auoit menée danier, la print,
& la baifa par dux fois, & habita auecques elle l'espace de
plus de demie heure : mais dérailla aller la femence bien fort
1 « Il (Cardan) dit aussi que les esprits malings font puants, & le
lieu puant là où ils fréquentent, & croy que de la vient que les anciens
ont appelle les Sorciers/oefeHf. & les Gafcons fetillei-es, pour la pitali-
teur d'icelles, qui vient comme ie croy de la copulation des Diables,
lefquels peut eftre prennent les corps des pendus, ou autres femblables
pour les actions charnelles & corporelles : comme auNi Vier a remarqué
que les perfonnes démoniaques font fort puantes. u (Bodin, .'oc. cit.,
Pt33) .)
Ce passage montre que, depuis longtemps, on a remarqué deux
phénomènes cliniques souvent signalés par nous, à savoir l'haleine
forte des hystériques et l'odeur qu'elles exhalent dans leurs états de
mal /i))'o-<7)M.
47
Fig. 15. ,
258 VARIA.
froide. Ieanne Guillemin se rapporte aussi au dire de celle-cy,
& did qu'ilz furent bien demie heure enfemble, et qu'il lafcha
de la femence bien fort froide. »
« Pour l'accouplement, Ieannette d'Abadie, aagee de feize
ans, dépose qu'elle a veu tout le monde se méfier inceftueufe-
ment & contre tout ordre de nature,... s'accufant elle mefme
d'auoir efté depucellée par Satan & congneuë vne infinité de
fois par un fien parêt & autres qui l'en daignoient femondre :
qu'elle fuyoit l'accouplement du Diable, àcaufe qu'ayant son
membre faift en efcailles il faid fouffrir vne extrefme douleur;
outre que sa femêce est extrefmement froide, si bien qu'elle
n'engroiffe iamais ni celle des autres hommes au Sabbat, bien
qu'elle soit naturelle... » (de Lancre, loc. cit., p. i ? 2.)
les autres especes de lubricité du monde : mais ce qui en :
encore plus effrange, c'eft que Satan se met là en Incube pour
les femmes, et en Succube pour les hommes. »
Les Sorciers après feftre veautrez parmy les plaicirs im-
mondes de la chair bancquetent & se feftoyent. Il y a diffé-
rentes tables, trois ou quatre, où chafcun se feoid félon sa
dignité ou sa richeffe; tantoft chafcun à collé de son démon,
tantoft en face, les Diables eflanttous d'un collé & les Sorciers
de l'autre. La benediftion ne fait deflaut à ces repas, mais
condigne à l'affemblée, eftant de parolles blasphefmatrices par
lesquelles ilz confeffent Beelzebub pour leur Créateur, Dateur
& Seruateur. Pareille est l'action de grâces qu'ilz difent au
leuer des tables. Leurs bancquets font compofez de plufieurs
fortes de viandes fuppeditées par Satan ou apportées par
chafcun, fcelon les lieux & qualitez des perfonnes : par deçà
la table eftoit couuerte de beurre, de froumage, & de chair.
(Fig. 16.)
L'on y boit aussi tantoft de l'eau & tantoft du vin. Le vin
semble à de l'ancre ou du sang gafté & n'eft verfé qu'en
vaiffeaux fort ignobles. Mais il n'y a iamais de fel : ce qui
se faiet pour ce que le fel est vn symbole de l'immortalité,
que le Diable a extrefmement en haine.
Il y en a qui ont efcript que de mefme l'on ne s'y feruoit
point de pain; mais certaines Sorcières ont rapporté le con-
traire & did qu'elles auoient mangé au Sabbat du pain, de la
chair, & du froumage.
Dépendent tous les Sorciers accordent qu'il n'y a point de
VARIA. 259
guouft aux viandes qu'ilz mangent au Sabbat, & que la chair
n'eft aultre chair que de cheual. Tous ceulx que le Diable a
faid affeoir à sa table confluent que les mets y font si très
deguouftants, foit à la veue, foit à l'odorat qu'ilz donneroient
naufées à l'eftomac d'vn pauvre famélique aboyant de maie
faim. Barbelline defià nommée & Sybille Morel disent qu'on
fert au Sabbat des mets de toute forte, mais tant vils, tant
fordides & mal apprêtiez qu'ilz valent à peine eflre mangez.
Nicolas Morel feut, pour leur guouft mauluois,aspre &amer
obligé de les vomir auflïtoft par grand deplaifir. Ce que voyant
le Démon entra en viue indignation & le faillit battre.
Dominique Isabelle adioude qu'on feruoit aussi de la chair
humaine ; ce que Belleforeft diet eftre en vfage fréquent dans
les maléfices des Scythes.
Hz adiouflêt quafi tous, que lorsqu'ilz fortêt de table, ilz
font aussi affamez que quand ilz y entrent. « Antide Colas,
d'après Bocquet (loc. cit., p. 111), rapportoit que les viandes
eftoient froides : Clauda difoit que ce qu'on mangeoit au
Sabbat n'eftoit que vent : Chriftofle difoit aussi à ce propos
qu'il lui fembloit qu'elle ne mangeoit rien : d'où il se veoid que
.e Diable efl toufiours trompeur puis qu'il repaiftles fiens de
Fig. 16.
260 VARIA.
vent au lieu de viandes folides, comme s'ilz eftoient des
chameleons. »
Le bancquet paracheué l'on rend conte à Satan de ce que
l'on a faiet dés la dernière auemblée, et ceux là font les mieux
venus qui ont faift mourir le plus de perfonnes & de beftes,
qui ont baillé le plus de maladies, qui ont guaflé le plus de
fruias, bref qui ont commis le plus de mefchancetez & abho-
minations : les autres qui se font comportez vn peu plus
humainement font Sifflez & mocquez de tous : l'on les fait
mettre à l'efcart, & font encore le plus fouuent battus, & mal
traiftez de leur maiftre : & de là eu venu commun prouerbe
qui court entr'eux : Fay du pis que tit pourras le Diable
nefcaura que te demander.
Car entre les Démons & les Sorciers, il est faift paet que
toufiours doibvent avoir accompli nouveaulx mesfais par
auant que de venir au Sabbat. Et pour que ilz n'ayent ex-
cufe d'ignorance leur mefchant maiftre leurs tient efchole &
donneleçons de maléfices. Il leurs apprend à deftrui're les trou-
peaux ; ce qu'ilz font foit en répandant du poifon, foit en
enuoyant les diables on corps des animaux. Auffi à perdre les
moiffons & les fruifts de la terre & a rendre les champs Iteriles
en inuocquant le Diable. D'iceluy ilz recoipvent une poudre
bien fine & la répandant en font naiftre des fauterelles, des
limas, des papillons, charançons & aultres beftioles nocifves
& infeftes aux champs & aux iardins. De mefme font appa-
roiftre multitude de rats qui se muffant auffitoft en terre
deuorent germes & racines. Tantoft font fortir des loups d'un
arbre creux & les enuoient au bercail que ilz veulent dont
ces loups ne fortent sans auoir faiet grand carnaige. Vrayfem-
blablement font ces loups des démons foubs apparence d'a-
nimaulx.
Les Sorcières ont confeffé qu'elles faifoient la grefle au
Sabbat, ou à leur volonté, afin de guafter les fruifts de la terre :
elles battoient, félon qu'elles difoient, à ceft effeet l'eau auec
vne baguette, & puis ieetoient en l'aër, ou bien dedans l'eau
certaine poudre qu'elles auoient eu de Satan, & par ce moyen
il s'efleuoit vne nuée laquelle se convertiffoit par après en
grefle (Fig. 17), & tomboit la part ou il plaifoit aux Sor-
cières : quand l'eau fait deffaut, elles se feruent de leur vrine,
ainfi que l'avons dift. D'autres fois, impetrent par certaines
parolles on milieu des champs l'ayde de Lucifer prince des
VARIA. 261
démons, pour qu'il enuoye vn des fiens frapper de-malefices
qui elles veulent; puis luy immolent en vn carrefour vn
poulet noir & le ieaent en l'aër. Le démon s'emparedupoulet
& obéit excitant auffitoft une tempefte & faifant tomber grefle
& tonnoire, non toujours aux lieux defignez, mais scelon la
volunté & permifiion de Dieu.
Affin de faire périr les hommes de maie mort, les Sorciers
ont couftume d'exhumer des cadaures & notamment de ceulx
qui ont efté fuppliciez & pendus on gibet. De ces cadavres
ilz tirent la subflance & matière de leurs fortileges, comme
aussi des inftrumens du bourrel, des cordes, des pieux, des
fers, etc., lefquels sont douez d'une certaine force & puiffance
magicque pour les incantations. (Fig. r8.)
Les Sorciers peuuent aussi ardre et confumer les maifons,
comme il aduint en vne ville de Suéde en l'an de grâce
1433. (F'ig'. 19.)
Les Sorciers peuuent encore endormir aultruy par le moyen
de certaines potions, chants & rites diabolicques afin de prof
Merde leur fommeil pour infliller en eulx un poifon mortel,
enleuer ou tuer leurs enfants ou les defrober & les fouiller
charnellement, voyre par adultère. (Fig. 20.)
Quelques foys ilz vfent, pour prouocquer le fommeil de
Fig. 17.
262 VARIA.
certains cierges, ou des piedz & des mains des morts oingts
premièrement d'une huile donnée par le diable; ou bien de
chandelles fixées à chaque doigt ou de torches enchantées
Fig 18.
Fig. 19 -
VARIA. - 263
& d'une certaine greffe à eux congnuë. Et le fommeil dure
autant que bruflent ces lumières infernales. -
Souvent aussi les Sorciers rendent par parolles & fignes cabba-
lifticques l'homme froid, maleficié & impropre à l'acte conju-
gal en fept manières. La première en rendant un espouxodieulx
à l'aultre par calomnie, foubçon, maladie ou mauluoife odeur.
La féconde en empefchant le rapprochement des corps, les de-
tenant dans des lieux esloignez ou interpolant quelque chofe
entre eulx. La tierce par l'inhibition du partage des esprits
animaulx es membres genitaulc. La quarte par deffeicher &
tollir la licqueur prolificque. La quinte en rendant le membre
de l'homme mol & flafque toutes fois que veut accomplir
l'acte de mariage. La fexte, par l'application d'ingrediens
naturellement refrigerans. Enfin en procurant le refferre-
ment & coarctation extrefme des parties de la femme ou en
faifant le membre de l'homme retrait ! , abfcons & comme du
tout perdu. Ce n'eft à dire toutes fois que le membre viril
foit en vérité enleué du corps, mais par leurs preftiges le
cachent de telle façon qu'on ne le fçaurait plus veoir ny
mefme toucher. Et font les Sorciers tellement couflumiers
de ce genre de maléfice que par certains pays on n'ofe mie
célébrer les espoufailles en plein iour.
Fig. 20.
264 VARIA.
Il faut fçauoir encore qu'il est aux Sorcières en loy perpé-
tuelle quand elles ont entre elles refolu de nuyre à aultruy
& que la volunté de Dieu ne l'a permis, de faire retomber le
mal que elles auaient pourpenfé sur une que defigne le fort.
Car le Démon ne peut fouffrir que ses confeils & aduis tom-
bent en nullité & les force de fubir ce qu'elles auaient tenté
& proiedé contre les aultres. Ainfi feut de Catherine Preuoft
qui ne peut faire périr par le poifon la fille unicque de vn
fien voifin, nommé Michel Lecoq, pour ce que sa mère par
oraifons & luftrations quotidianes la pTceferuait de toute in-
cantation ; le Démon l'accufant asprement & lui reprochant
de le fruftrer de sa proye, elle empoifonna sa propre fille
Odille encore au berceau.
C'eft après ce conte rendu des Sorciers que Satan se bande
auec ses fuppofts contre le Ciel, & qu'il conspire la ruine du
genre humain : il faict renoncer de nouueau à ces miferables
Dieu, Chrefme & Baptefme : il leur faid rafraifcliir le ferment
folemnel, qu'ils ont faift de ne iamais parler de Dieu, de la
Vierge Marie, ny des saines & saineles, si ce n'eft par moc-
querie & derifion : il leurs faict quitter leur part de Paradis :
il leurs faift promettre qu'ilz le tiendront au contraire à iamais
pour leur feul maiftre, & qu'ilz luy feront toufiours ridelles :
Fit. 2 1. ·
VARIA. 265
il les exhorte par après de faire le plus de mal qu'ils pourront,
de nuire à leurs voifins, de les rendre malades, de faire
mourir leur beflail, de se venger de leurs ennemis, vfant de
ces notions : Venge\ vous ou vous mourre; il leurs faift de
plus promettre de perdre & gitter les fruits de la terre, &
leurs baille de la poudre & de la greffe propre à cela, du
moins il leurs faiet ainfi croire. (Fig. 21).
Il leurs faid encore bien folemnellement iurer qu'ilz ne
s'accuferont point les vns les aultres, & qu'ilz ne rapporteront
aulcune chose de ce qui se fera paffé entre eulx.
Les Sorciers en tixiefme lieu font la greffe. « Quelques
Sorciers après auoir facrifié au Diable et s'eftant oinds font
tournez en loups courant d'une légèreté incroyable (Fig. 22),
& fouuent rerhangez en loups font couplez aux louues auec
tel plaifir qu'ils ont accouftumé auec les femmes' ». Les
autres sont transformés en chats Q.
Bodin, loc. cit., p. 96.
2 « De noftre temps vn nommé Charc.. du bailliage de Gez, fut
affailly nuitamment en vn bois par \ne multitude de chats; mais
comme iteuftfaiMte figne de la croix, tout disparut. Et de plus
fraifche mémoire vn home de cheual panant fous le cliafteau de Ioux,
apperceut plufieurs chats sur vn arbre, il s'auance, & delafche vne
Fig. 2 2.
266 VARIA.
Quelques fois encore l'on dift la Meffe au Sabbat : mais,
adioute Boguet, ie ne puis efcrire sans horreur la façon auec
laquelle on la célèbre, pour ce que celuy qui est commis à
faire l'office est reueftu d'une chappe noire sans croix, & après
auoir mis de l'eau dans le calice, il tourne le doz à l'autel,
& puis efleue vn rond de raue teinte en noir au lieu de
l'hoftie & lors tous les Sorciers crient à haute voix : Maiflre
ayde nous. ,
A cède cérémonie, dift Llorente, succède une aultre qui est
imitation diabolicque & derifoire de la méfie. Tout fubitement
s'apparoiffent Six ou fept diables de moindre rang & font par
eux dreffé l'autel & apportez les chalice, patène, miffel, bui-
rettes & aultres tous obiets defquels befoing eft. Hz dispofent
efcoppette, qu'il portoit, & fait tomber de deffus l'arbre au moyen de
son coup vn demicin, auquel pendoyent plufieurs clefs, il prend le
demicin & les clefs, & les emporte au village : eflant defcendu au logis
il demande à difner, la maitrefle ne se trouve point, non plus que les
clefs de la caue. Il monitre le demicin, & les clefs qu'il portait : l'hotte
recogneut que c'eftoit le demicin & les clefs de sa femme, laquelle
arrive sur ces entrefaites eftant bieflée à l'hanche droitte : le mary la
prenant par rigueur, elle confeffe qu'elle venoit du Sabbat, et qu'elle
y auoit perdu son demicin et ses clefs, après auoir receu vn coup def-
copette en l'vne des hanches. » (Boguet, loc. cit., p. 269.)
Fig. 23.
VARIA. 267
& arrangent le dais ou chapelle es quelz se voient figures &
ymaiges demoniacques femblables à celles que Satan a prinfe
pour la cérémonie. Ces diables l'aydent comme diacres asoy
veftirde la mitre, delà chafuble & aultres ornemens : &font
iceux tous noirs comme aussi ceulx de l'autel. Le diable com-
mence la meffe, laquelle il defifle vn temps de continuer
pour prefcher les affiftans (Fig. 23). Il les exhorte à ne iamais
retourner au Chrifl, leur promettant paradis bien meilleur que
n'eft celuy des chriflians. Il les afceùre que ilz le gaigneront
d'autant mieulx que auront mis plus de foing à faire chofes
défendues aux chriflians.
Puis receoit l'offerte trofnant sur un liège noir; à sa dextre
est lors feante la principale forciere qui est appelée Royne des
forcieres, tenant en main vne paix en laquelle est engrauée la
figure du Démon ; à son coflé fenefire se tient le premier des
forciers qui est le Roy portant vn baffin. Les principaux
affiflans & aultres profez font hommaige de leur offrande,
petite ou grande, fuyuant leurs moyens & intention : les
femmes à l'ordinaire prefentent des gaffeaux de froment.
Ensuite vn chafcun ayant baifé la paix, on adore le Démon
à genoilz luy baifant encore vne foys le fondement dont fort
exhalaifon & odeur punaife. Ce pendent par vn des diables
fervants lui est tenue la queue leuée. Par après la meffe est
continuée; le Diable alors confacre une chofe ronde femblant
femelle de foulier, marquée de son ymaige; ce faifant prononce
les parolles de la confecration du pain. Enfuite confacre le
chalice auqueleit contenue licqueur deguouflante. Satan ayant
lors communié diftribue aux forciers la communion foubs les
deux espèces. Bien est ce que il donne à manger chofe noire,
atpre, fort difficile à mascher & aualler; aussi est la licqueur
noire, amère & grandement efcoeurante.
Le Diable aussi pour faire l'eau benoifte piffe dans vn trou
à terre & par après les autftans font arrofez de son vrine auec
vn asperges noir par celuy qui faift l'office.
Finablement Satan prenant la figure d'un bouc se con-
fomme en feu, & se reduia en cendre, laquelle les Sorcières
recueillent & cachent, pour s'en feruir à l'exécution de leurs
deffeins pernicieux et abhominables.
BOURNEVILLE et E. TEINTURIER.
FAITS DIVERS
Faculté DE médecine DE Paris. Chaire de clinique des maladies
nerveuses. Par arrêté, en date du 2 janvier 1882, rendu sur le
rapport du Ministre de l'instruction publique et des cultes, il est
créé, à la Faculté de médecine de Paris, une chaire de clinique des
maladies du système nerveux. Par un autre décret de la même
date, M. Charcot, professeur d'anatomie pathologique à la Faculté
de médecine de Paris, est transféré, sur sa demande, dans la chaire
de clinique des maladies du système nerveux.
Faculté de médecine de LYON. Par arrêté ministériel, en date
du 12 janvier 1882, M. Lacassagne, professeur de médecine légale,
est nommé directeur du laboratoire de médecine légale.
Asile d'aliénés de la SEINE. Par arrêté du 30 décembre, ayant
effet du le, janvier, il sera accordé, à titre de haute paie, une in-
demnité mensuelle de 10 francs aux gardiens et gardiennes des
quartiers des agités et des gâteux dans les asiles publics d'aliénés
de Saint-Anne, Ville-Evrard et Vaucluse. Cette allocation ne sera
acquise qu'aux employés dont le service et la conduite auront, pen-
dant toute la durée du mois, donné complète satisfaction au direc-
teur de l'établissement. Les crédits nécessités par cette mesure
seront inscrits au budget rectificatif de chaque asile. De plus, il est
créé dans chacun des asiles publics de Ville-Evrard et de Vaucluse,.
appartenant au département de la Seine, un deuxième emploi
d'interne en pharmacie.
Commission de surveillance. Par arrêté préfectoral, en date du
26 décembre 1881, ont été nommés membres de la commission de
surveillance des asiles publics d'aliénés, pour une durée de cinq
années, à dater du Ier janvier 4882, MM. Barbier et Pelletier,
membres sortants.
Concours de l'internat. Le concours s'est terminé à la fin de
décembre par la nomination de MM. Ileulz, Vétauet, Béraud et
Boucher, internes titulaires; MM. Gaudry, Fourneau, Manière,
internes provisoires. Les épreuves orales ont pris deux séances ;
les candidats ont eu à traiter les questions suivantes : 1° Signes et
diagnostic de la pleurésie ; Signes' et diagnostic des fractures de
l'extrémité inférieure du radius. 2° Rougeole ; Fracture de la
rotule. Les autres questions déposées dans l'urne étaient :
FAITS DIVERS. 269
10 ° Erysipèle de la face ; fracture de la clavicule ; 2° Insuffisance
aortique; plaies pénétrantes de la poitrine ; 3° Signes et dia-
gnostic de la péritonite aiguë ; anthrax; 4° Névralgie faciale;
signes et diagnostic des fractures du rocher. Il y avait quatre places
vacantes; 21 candidats s'étaient fait inscrire, 17 ont répondu à
l'appel, lors de la composition écrite ; dix seulement ont lu leur
composition. Si l'on compare les résultats de cette année avec ceux
de l'année dernière, on trouve que les résultats sont notablement
meilleurs. Les épreuves ont été généralement bonnes.
Par arrêté préfectoral, en date du 23 janvier 4882, M. le Dl
Schits, médecin adjoint à l'asile public d'aliénés de Saint-Yon
(Seine-inférieure), est nommé médecin adjoint de l'asile public
d'aliénés de Ville-Evrard, en remplacement de M. le Dr Gallopain,
appelé aux fonctions de directeur- médecin de l'asile public de Rodez.
Asile Sainte-Anne. Par arrêté duMinistre de l'intérieur, en date
du 25 janvier 1 882, M. Llanta, adjoint au maire du XIV° arrondisse-
ment, est nommé directeur de l'asile Sainte-Anne, en remplacement
de M. Prieur.
Asile DE Villejuif. Le 6 décembre 1879, le Conseil général de
la Seine a voté un crédit de 500,000 fr., dont 494,493 fr. pour
l'acquisition des terrains nécessaires à l'établissement d'un asile-
hospice d'aliénés à Villejuif et 15,508 fr. pour frais divers. Le 30 no-
vembre 4880, le Conseil général a approuvé les plans et devis du
nouvel asile s'élevant à 4,211,383 fr. 47 et alloué un nouveau crédit
de G7G,5 : iG fr., dont 200,000 fr. pour complément d'acquisition de
terrains et 476,456 fr. pour commencement d'exécution des travaux.
Enfin, le Conseil général avoté une nouvelle somme de 885,936 fr. 53
pour les travaux (30 novembre 1881).
Les indemnités allouées par le jury d'expropriation ayant dépassé
de 430,73p fr. les prévisions de l'Administration, M. le préfet a
demandé au Conseil général, qui a consenti sur le rapport de
M. Bourneville l'autorisation de compléter le crédit de 500,000 fr.
primitivement volé, par le prélèvement de la somme supplémen-
taire de 430,i3 : i fr. I;i sur les 476, 5 : iGfr., alloués par la délibéra-
lion du Conseil, en date du 30 novembre 1880, pour commencement
d'exécution des travaux. Après ce prélèvement, l'Administration
aura à sa disposition, pour commencer les travaux, une somme de
1,231,757 fr. 38. Espérons que l'Administration, tenant compte
des voeux si souvent exprimés par le Conseil général, poussera les
travaux avec la plus grande rapidité.
Hospice DE la SALPÈTRthRE. Maladies mentales. M. LEGRAND du
SAULLE, médecin de la Salpêtrière, a commencé un cours public sur
les maladies mentales, avec applications à la médecine légale et à
la pratique professionnelle, le dimanche 29 janvier 1882, à neuf
270 FAITS DIVERS.
heures et demie du matin, au grand amphithéâtre de la Salpêtrière,
et le continuera les dimanches suivants, à la même heure.
Asile d'aliénés D'AURILLAC. Par arrêté, en date du 3 décembre
1881, M. le Dr Joseph Girou, ancien interne des hôpitaux de Paris,
a été nommé médecin adjoint de l'asile départemental d'aliénés
d'Aurillac.
Asile de BONNEVAL. M. le Dl Hildenbrand, directeur de l'asile
de la Charité (Nièvre), est nommé directeur de l'asile de Bonneval
(Eure-et-Loir), en remplacement de M. le Dl Cortyl.
Asile d'aliénés de Bron. Concours pour l'internat. MM. les
étudiants sont informés qu'un concours pour trois places d'internes
en médecine et deux places d'internes suppléants à l'asile public
d'aliénés de Bron (Rhône) aura lieu au commencement du mois
d'avril 1882. Des affiches feront connaître prochainement la
date exacte et le programme de ce concours.
Asile DE la CHARITÉ. - M. le DT Gallopain, nouvellement promu,
est nommé directeur de l'asile de la Charité (Nièvre), en remplace-'
ment de M. le Dl Hildenbrand.
Asile d'aliénés D'ORLÉANS. Meurtre commis par un infirmier.
Un de nos confrères nous communique les faits suivants, dont
nous croyons pouvoir garantir l'authenticité absolue : Vers la fin
du mois de novembre dernier, un aliéné aurait été battu par un
gardien d'une façon si brutale, que le malheureux en serait mort
quelques jours plus tard. La mort résultait manifestement des
coups et blessures donnés par le gardien. Un des administrateurs
de l'hospice, ancien avocat général et actuellement président du
tribunal d'Orléans, ayant appris ces faits, a fait arrêter le gardien
qui est actuellement en prison et qui sera jugé prochainement.
Asile DE Quatre-Mares. M. le Dr Cortyl, directeur de l'asile de
Bonneval, est nommé directeur de l'asile de Quatre-Mares, en rem-
placement de M. le De Broc, admis à la retraite.
Asile DE Rodez. M. le DT Longeaud, médecin-adjoint à l'asile
de Montdevergnes, est nommé à l'asile de Rodez.
Société d'Anthropologie. -Cette Société vient de renouveler son
Bureau pour 1883. Il est composé ainsi qu'il suit : Président :
M. Thulié ; Vice-Présidents : MM. Proust et Hamy ; Secrétaire
général adjoint : M. Girard de Rialle ; Secrétaires annuels :
MM. Chervin et Zaborowski ; Conservateur des collections : M. Col-
lineau ; -Archiviste : M. Dureau ; Trésorier : M. Leguay;- Com-
mission de publication : MM. de Quatrefages, Parrot et Auburtin.
Congrès médical DE Séville. Un congrès médical s'ouvrira à
Séville le 9 avril 1882. La langue officielle sera l'espagnol; mais,
BULLETIN bibliographique. 271
les membres étrangers pourront parler latin -et français. Les mé-
moires, les communications et les autres travaux destinés au Con-
grès seront dans les mains de la Commission organisatrice avant
le 31 mars prochain; on ne recevra aucun travail après ce jour,
s'il n'y a pas un accord unanime de la Commission. Les actes
seront publiés à la Gaceta Iledica de Séville, organe du Congrès.
Extrait du programme des questions proposées. Physiologie :
Relations de la calorification animale avec le système nerveux.
Electrothérapie. Faradisation et galvanisation dans la paralysie
du nerf facial. De l'efficacité des courants constants dans le
traitement des engorgements parenchymateux. Chirurgie : Le
tétanos, sa nature et son traitement. Du virus de la rage, sa
prophylaxie et sa méthode curative.
Nécrologie. M. Robert Christian, associé étranger de l'Aca-
démie de médecine de Paris, est décédé à Edimbourg, à l'âge de
quatre-vingt-quatre ans. Il professa pendant de longues années la
médecine légale à Edimbourg, et il était considéré comme une des
célébrités médicales du Royaume-Uni.
Le DT J.-W. DRAPERS vient de mourir le 4 janvier dernier. Il
était né à Liverpool, le 5 mai 1 SU. Drapers commença ses études
à l'Université de Londres et les compléta à l'Université de Pensyl-
vanie, en 1836. Au début, il enseigna à Hampden-Sydney-College,
mais de 4839 à 1873, il occupa la chaire de chimie et de physio-
logie à l'université deNew-York. C'était un littérateur doublé d'un
philosophe et d'un grand savant. A part ses ouvrages de physiologie,
il a publié des ouvrages universellement connus sur le « Dévelop-
pement intellectuel de l'Europe ».
Nouveau 70URNAL. - Neurologisches Ceaatralblatt, publié par le
D'E. iIlENDI3L, privat-docent à l'Université de Berlin. Ce journal, dont
le premier numéro a paru le 27 janvier, est bimensuel. Il comprend
des travaux originaux et surtout des revues portant sur l'anatomie,
la physiologie et la pathologie du système nerveux, la médecine
mentale et les questions médico-légales qui s'y rapportent.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Babéty. Des propriétés physiques d'une force particulière du genre
humain (force neurique rayonnante) connue sous le nom de magnétisme
animal. Une brochure m-8" de 40 pages. Paris, 1882, chez 0. Doin et
J. Lechevalier. Prix : 2 fr.
3Î9 ' BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
`l3snnn (G ? 1.). - The asylunzs of Europe. Broch.in-16, 1881, Cambridge.
BENEDtKT (M.). Weitere voohiufige Mittheilungen icber 1'ez·ue>deh-
nung. Broch. 111-16, 1881. Gistel et C'e, Wien.
. Berger (0.). Zur Nervexzdehzzxtzrg Gei tabès dorsalis. Broch. in-8^,
1881, Barth et C"=. Breslau.
Bourneville et d'Ouïr. Recherches cliniques et thérapeutiques sur
l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du service des épileptiques
et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre, pendant l'année IS80. Un
vol. in-8' de 128 pages avec 3 figures dans le texte. En vente au bureau
des Archives de Neurologae. Prix : 3 fr..
Pour nos abonnés, prix : S fr.
CIIAIILTON Bastias. Le cerveau, organe de la pensée chez l'homme et
les animaux. Deux vol. in-8" avec 184 figures dans le texte. Cartonnage
anglais. Prix : 12 fr. Paris, 1881, librairie Germer-Barlhere et C^.
Dnroun ,E.). Compte rendu du service médical de l'asile public de
Saint-Robert (Isère) pendant l'année 1880. Broch. in-8° de 32 pages,
Grenoble; F. Allier, 1882.
AGENO (L.) et BEISSO. Del sistenza commissurale centrale dell' erzce-
fale Mniano. Un vol. in-4", Gènes 1881; chez Yerardo frères.
Kahlfii (0.) et PICK (A.). IVestei-e l3eitrCtge z2t2- pcilliologi'e ? z21(l pa-
thologischen Anatomie clei, Centralnervensystems. Broch. in-8° de 39 pages
avec 2 planches en chromo. 1881, Prague, imp. A. Haase.
KAHLER (0.).-Beftrageur patlaologischerz Axzatonzze der mit cerebralen
synzptonzezz verlaufenderz tabès dorsalzs. Broch. in-8° de 24 pages. 1881,
Prague, imp. A. Ilaase.
Jany (L.). Ueber Einwazederuxrg der C< ! ce)'CMS cellulosw 17z's mens-
chliche Auge. Broch. in-8" de 24 pages. 1881, Breslau, imp. Gen, Ursuli-
nerstrasse, iiù 1.
LELOIR (H.). Recherches cliniques et anatomo-palhologiques sur les
affections cutanées d'origine nerveuse. Un vol. in-8° de 220 pages, avec
4 planches et plusieurs figures intercalées dans le texte. Paris, 1882,
librairie du Progrès médical, G, rue des Ecoles. Prix : 5 fr.
Pour nos abonnés, prix : 3 fr. 50.
Mazzotti (L ). - Emorragie solto-mucose in casi di alterazioni del
ce),vello et delle nzerzingi. Broch. in-16, 1881, Gamberini, Bologna.
Bichet (Cn ). Physiologie des muscles et des nerfs. Leçons professées
à la Faculté de médecine en 1881. Un gros vol. in-8^ de 924 pages avec
100 ligures dans le texte. Prix : 15 fr. Paris, 1881, librairie Germer-
Badiiere.
GowEns (W.-R.). - A Manual and Atlas of médical oplitlial2zoscopy. Un
gros vol. in-8° de 414 pages avec 16 planches chromo et 28 figures dans
te texte. 1882, Londres, J. et A. Churchill, New-Burlmgton street.
SALVIOLI (G. ). Alcurze ricerche sul cosi detto sonno msyMe'co. Brocli.
in-80, 1881, Bertolero à Turin.
Tamburini (A.) et Scppirau (G.). Contribuzioni allô studio syeri-
mentale dell' ! pMO<iS)HO. Broch. grand in-8° de 40 pages, avec 4 planches
de tracés respiratoires, 1881. Stefano Calderini à ileggio-Emilia.
'Wmr (E.) Contribution à l'étude de l'élongalion des nerfs. Un vol.
grand in-8^, avec quinze figures dont quatre hors texte. Pnx : 4 fr. 1882,
Paris, librairie Germer-Baillière.
Le rédacteur-gérant, BouRrEvm.e.
Evreux, CL. tltumsx, imp. -382.
Vol. III. Mai 1882. ? 9
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
UN CAS D'IIG111LÈSION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE;
Par A. GILBERT, interne des hôpitaux.
En 1863, dans le Journal de la Physiologie de
l'hnîme et desanimaux, M.Brown-Séquard déterminait
le trajet suivi dans la moelle épinière par les différents
conducteurs sensitifs, et résumait de la façon suivante
le tableau symptomatique des hémilésions de la
moelle : « Ou observe les particularités suivantes chez
l'homme, à la suite d'une lésion altérant toute l'épais-
seur transversale d'une petite portion d'une moitié
latérale de la moelle épinière :
« Du côté correspondant : 1° paralysie du mouve-
ment volontaire ; 2° hyperesthésie au toucher, au cha-
touillement, à la douleur, et à la température dans les
parties paralysées ; 3° zone d'anesthésie peu considé-
rable dans les parties dont les nerfs naissent immédia-
tement au-dessous du siège de la lésion ; 4° hyperes-
thésie plus ou moins étendue au-dessus de la zone
18
27t CLINIQUE NERVEUSE.
anesthésique ; 5° élévation absolue ou relative de tem-
pérature dans les parties paralysées ; 6° phénomènes
de paralysie des origines du nerf grand sympathique
cervical, quand la lésion siège au renflement cervico-
brachial. Du côté opposé : 1° anesthésie complète,
absolue au toucher, au chatouillement, à la douleur,
et à la température dans les parties correspondantes
à celles qui sont paralysées de l'autre côté; 2° conser-
vation parfaite des mouvements volontaires et du sens
musculaire ; 3° zone peu étendue d'hyperesthésie à un
faible degré au-dessus des parties anesthésiées. »
Les conclusions du mémoire de M. Brown-Séquard
étaient déduites de l'étude et de la comparaison, de
vingt-quatre observations. A celles-ci bientôt vinrent
s'en ajouter d'autres publiées par divers auteurs et par
M. Brown-Séquard lui-même ; et en J876, dans une
thèse intitulée Contribution à l'étude clinique des lésions
unilatérales de la moelle épinière, Vinot pouvait réunir
quarante-neuf cas d'hémilésion de la moelle.
Les causes qui sont susceptibles d'engendrer le ta-
bleau clinique tracé par M. Brown-Séquard sont très
variées ; les plus fréquentes sont : les fractures et luxa-
tions des vertèbres, les tumeurs et épanchements intra-
rachidiens, les plaies, hémorrhagies, tumeurs et sclé-
roses de la moelle, en résumé toutes les causes qui,
par un mode quelconque, peuvent annihiler unilatéra-
lement les fonctions médullaires.
Dans cette étiologie des hémilésions de la moelle,
les plaies prennent une part importante, puisqu'il en
existe à notre connaissance treize observations rappor-
tées par Boyer, Hutin, Maunder, Wood, Viguès,
Brown-Séquard (trois cas), Joffroy et Salmon, Aurran, z
UN CAS D'HÉMILÉSMN DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 275
Riegel, 11W ller, Rosenthal. A côté de ces faits vient se
ranger le suivant que M. le professeur Richet nous a
engagé à publier.
Observation. - Iléniil)a7-aplégie avec troubles de la sensibilité,
dans les deux membres inférieurs, d'origine traumatique.
Dans la nuit du 13 mars 1881, le nommé C... (Gustave),
ouvrier couvreur, âgé de dix-sept ans, est frappé dans le dos
d'un coup de couteau. A l'instant même, le blessé sent ses
jambes se dérober sous lui et tombe ; il est transporté à l'Hôtel-
Dieu, salle Saint-Landry, n° 31, dans le service de M. Richet.
Le lendemain 1 ? mars, il offre les symptômes suivants :
à la partie supérieure du dos, entre la première et la deuxième
vertèbre dorsale, à droite de la ligne médiane, existe une plaie
large de trois centimètres. Il nous est impossible d'en appré-
cier la profondeur et la direction ; mais il ne parait pas douteux
qu'après un trajet oblique, le couteau ait sectionné la moitié
gauche de la moelle épinière : c'est ce que démontre l'examen
de la motricité, de la sensibilité, de la vaso-motricité et des
diverses fonctions. Les troubles paralytiques se réduisent à
une hémiparaplécie. A gauche, le membre abdominal est tota-
lement paralysé, il ne peut être soulevé et détaché du plan du
lit ; les orteils seuls ont conservé quelques légers mouvements
de flexion et d'extension. A droite, la motilité est intacte, et le
membre abdominal a conservé toute sa force. Il en est de
même des membres supérieurs.
Les réflexes offrent une remarquable asymétrie. A gauche,
ils ont subi une diminution d'intensité considérable : les
piqûres, le chatouillement ne déterminent que de faibles
contractions musculaires. La trépidation du pied ne peut être
provoquée; le réflexe rotulien a totalement disparu. A droite,
les réflexes semblent présenter leur intensité normale ; peut-
être l'oscillation de la jambe, après percussion du tendon
rotulien, est-elle plus ample qu'à l'état ordinaire. La contrac-
tilité faradique est conservée à gauche et à droite. -
La sensibilité n'est pas moins atteinte que la motilité. A
gauche, le membre inférieur, l'abdomen, le thorax jusqu'au
mamelon sont hyperosthésiés : la piqûre superficielle d'une
276 CLINIQUE NERVEUSE.
épingle est douloureusement ressentie, un simple contact, un
léger chatouillement, le froid, le chaud, déterminent une vive
sensation de brûlure. A droite, l'hyperesthésie n'occupe qu'une
bande de quelques centimètres de large, qui partant en arrière
de la colonne vertébrale au-dessous de la plaie, vient, après
un trajet spiroïde, aboutir en avant, entre la clavicule et le
mamelon. Au-dessous de cette zone étroite d'hypcresthésio,
l'anesthésie s'étend, à peu près absolue, sur la partie droite du
thorax en dehors du sternum, sur la partie droite do l'abdomen
en dehors des muscles droits, et sur le membre inférieur :
dans toutes ces régions l'analgésie est complète, et l'on peut
sans éveiller la moindre douleur transpercer de part en part
avec des épingles la peau du malade. Dans toutes ces régions
aussi, la sensibilité aux températures est absolument abolie ;
mais il n'en est pas tout à fait de même des sensibilités au tact
et au chatouillement, qui persistent quoique extrêmement
affaiblies.
A gauche, le sens musculaire est diminué, et le malade ne
peut rapporter avec certitude et précision les positions variées
que l'on donne à sa jambe : tantôt et par hasard, il reconnaît
la situation de son membre, tantôt et le plus souvent il commet
de grossières erreurs, et, par exemple, croit sa jambe fléchie
alors qu'elle est dans l'extension complète. A droite, au con-
traire, le sens musculaire est entièrement conservé. Il n'existe
pas de retard appréciable dans la transmission des sensations.
A ces troubles sensitifs, se joignent des douleurs et sensa-
tions subjectives. A gauche, le malade a ressenti pendant la
nuit, et ressent encore par intervalles, des éclairs et des élan-
cements qui occupent surtout le genou et le cou-de-pied. A
droite, il éprouve une sensation continuelle de fourmillement.
En outre, il signale une sensation de constriction thoracique,
de pesanteur épigastrique, de chaleur dorsale.
Les troubles vaso-moteurs sont très marqués, et ont entraîné
des modifications dans la température et la coloration respec-
tives des deux membres. Au simple palper, le membre abdo-
minal gauche parait plus chaud que le membre droit ; et plusieurs
explorations thermométriques révèlent une différence de tem-
pérature déplus d'un degré. La coloration des deux membres
est identique quand le malade est couché, mais sitôt qu'il est
placé dans la position verticale, le membre gauche devient
pourpre du haut en bas, et se sillonne de veines dilatées. Il
UN CAS D IIEMILÉSION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 277
est juste d'ajouter qu'avant son accident le blessé avait des
varices de la jambe gauche.
L'examen des diverses fonctions ne nous révèle que des
modifications peu importantes, si ce n'est du côté de l'appareil
génito-urinaire : le pénis est perpétuellement en semi-érection.
La miction est fréquente, difficile, douloureuse, et peu abon-
dante. L'urine offre la réaction acide ; elle ne renferme ni
albumine, ni sucre, ni indican.
La température est normale (37 ? a) ; le pouls est régulier
et d'une fréquence ordinaire (75). La respiration est facile et
non troublée. La langue est sale, l'appétit diminué ; il y a de
la constipation. Rien du côté de la pupille.
Le lendemain 15 mars, nous notons dans l'état du malade
les modifications suivantes : la paralysie a très légèrement
diminué. L'insensibilité au tact, au chatouillement, à la dou-
leur s'est un peu atténuée : la piqûre d'une épingle donne une
sensation de fourmillement d'autant plus distincte qu'elle est
faite plus haut vers la racine du membre. L'insensibilité ther-
mique seule demeure entière. Les troubles génito-urinaires
présentent à peu près les mêmes caractères que la veille;
l'urine des vingt-quatre heures est alcaline ; sa quantité est
de 300 grammes. La constipation persiste.
Le 16 mars, la paralysie et l'insensibilité ont encore un peu
diminué, sauf l'insensibilité aux températures qui est toujours
absolue. La rétention d'urine est complète, et le cathétérisme
est devenu nécessaire , 250 grammes d'urine seulement sont
rendus dans les vingt-quatre heures. Il y a toujours constipa-
tion. La température est normale, le pouls est remarquable
par sa lenteur (65 puis.) et surtout par son irrégularité, son
inégalité, ses intermittences ; l'on dirait le pouls d'un malade
atteint d'insuffisance mitrale.
Le t mars, la rétention d'urine disparaît ; mais la miction
reste embarrassée. La quantité d'urine des vingt-quatre heures
est de 700 grammes ; elle offre la réaction alcaline. Le pouls
est comme la veille lent (70 puis.), inégal, irrégulier, intermit-
tent. Comme la rétention d'urine, la constipation cède tout à
coup spontanément, et le malade a dans la journée quatre ou
cinq selles abondantes.
Le 18 mars, la paralysie continue à s'améliorer. L'hyperes-
thésie disparait à peu près complètement. La quantité d'urine
est normale (1,500 gr.). Le pouls est toujours irrégulier.
278 CLINIQUE NERVEUSE.
Le 20 mars, le retour des fonctions motrices s'accentue de
plus en plus, et le malade peut presque soulever sa jambe.
Le 21 mars, les urines sont troubles, muco-purulentes.
Le 23 zzzazs, survient une hydarthrose légère du genou
gauche, accompagnée de douleurs continues, mais sans chan-
gement de coloration de la peau. Le pouls est presque régu-
lier.
Du 23 au 31 mars, le malade commence à se lever avec des
béquilles. Les réflexes, et en particulier le réflexe tendineux,
ont reparu dans le membre paralysé. Les sensibilités à la dou-
leur, au tact, au chatouillement sont de plus en plus distinctes.
La sensibilité aux températures commence à renaître. La
perte incomplète du sens musculaire dans le membre gauche
persiste encore et se reconnaît à une ataxie manifeste des
mouvements. L'hydarthrose s'est résorbée. La miction est
facile : les urines sont normales comme quantité et comme
qualité. Le pouls est tout à fait régulier.
Le 10 avril, le malade peut marcher sans béquilles, mais en
traînant fortement la jambe.
Le 29 avril, le malade quitte 1'llôtel-Dieu dans l'état suivant :
le membre abdominal gauche reste très notablement parésié.
Les réflexes sont normaux. L'hyperesthésie a disparu. Les
sensibilités à la douleur, au tact, au chatouillement demeurent
un peu obtuses. La sensibilité aux températures est encore
presque totalement abolie. Les troubles vaso-moteurs se sont
très atténués. Le membre inférieur gauche est très légèrement t
atrophié. Il n'existe plus m trouble génito-urinaire, ni trouble
circulatoire ou digestif.
Comme on le voit, l'observation que nous venons
de rapporter ne diffère que par le détail des observa-
tions antérieures d'hémilésion, dont elle reproduit
fidèlement les traits fondamentaux. La paralysie s'est
présentée ici avec ses caractères ordinaires. Comme
dans tous les cas où la lésion médullaire est exacte-
ment unilatérale et siège au-dessous de l'émergence
du plexus brachial, elle a revêtu la forme hémipara-
plégique. Pendant les premiers jours elle s'est rapide-
UN CAS D'HEMILESION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 279
ment atténuée, si bien qu'on a pu croire un moment à
sa prompte guérison ; puis bientôt elle est restée
stationnaire, menaçant, comme dans les cas de Boyer,
Rosenthal et autres, de persister indéfiniment. Les
réflexes étaient peut-être légèrement exaltés du côté
anesthésié, certainement diminués et presque abolis du
côté paralysé, où le réflexe tendineux avaitentièrement
disparu. Ce fait vaut la peine d'être noté, car il est en
contradiction avec les faits antérieurs dans lesquels on
trouve ordinairement signalée au-dessous de la lésion
une exagération bilatérale des actes réflexes (Brown-
Séquard, etc.).
L'hyperesthésie, comme c'est la règle, portait à la
fois sur les différents modes de sensibilité, et occupait le
siège habituel ; elle avait à peu près complètement dis-
paru le cinquième jour, et n'existait plus lorsque le
malade quitta l'hôpital, ce qui contredit la formule sui-
vante d'Oré et Poiusot : « L'hyperesthésie est toujours
de longue durée, elle persiste alors que les autres
symptômes ont disparu. »
L'anesthésie était unilatérale et croisée, comme dans
tous les cas d'hémilésions ; elle ne portait pas à un
même degré sur les différentes sensibilités : le tact, le
chatouillement n'étaient point absolument éteints; la
douleur, le froid, le chaud au contraire, n'étaient plus
perçus. Dès les premiers jours, l'insensibilité au tact, au
chatouillement, ladouleur,diminuarapidement; seule,
l'insensibilité aux températures était encore entière dix
jours après l'accident. Ces faits sont assez fréquents, et
s'expliquent aisément, si l'on admet avec M. Brown-
Séquard qu'il existe dans la moelle des conducteurs
spéciaux pour chaque mode spécial de sensibilité.
280 ' CLINIQUE NERVEUSE.
La paralysie vaso-motrice avait les mêmes limites
que la paralysie motrice; elle était très accentuée, puis-
qu'il y avait d'un côté à l'autre une différence de tem-
pérature de plus d'un degré, et que l'inertie capillaire
etveineuse se traduisait, lorsque le malade était debout,
par une vive rougeur et de nombreuses varicosités du
membre inférieur gauche.
L'érection du pénis avait déjà été notée par Aurran,
dans un cas d'hémilésion de la moelle dorsale; notre
observation prouve une fois de plus que ce trouble
génital n'est point spécial aux lésions de la moelle
cervicale, comme l'out cru beaucoup d'auteurs.
Les troubles de la miction n'ont présenté aucune
particularité importante; ils ont porté à la fois sur
l'excrétion et sur la sécrétion urinaire. Pendant les
deux premiers jours, en effet, il y a eu dysurie accom-
pagnée de douleurs et de ténesme. Le troisième jour,
la dysurie a fait place à la rétention absolue. Le qua-
trième jour enfin, la rétention a cédé, et la dysurie a
reparu pour diminuer ensuite progressivement d'inten-
sité jusqu'à la guérison complète. L'hypurie a été très
manifeste au début, puisqu'avant d'atteindre le faux
normal, la quantité des urines a été successivement de
300, 250, puis 700 grammes. Le premier jour seule-
ment l'urine avait conservé la réaction acide, dès le
deuxième jour elle était alcaline, le septième jour
muco-puruleute.
D'après Hutchinson, le pouls reste toujours régulier
dans les lésions de la moelle, contrairement à ce qui
aurait lieu s'il s'agissait de commotion cérébrale.
Nous avons cependant observé une lenteur, une irré-
gularité, une inégalité et une intermittence du pouls
DE L'A1STÉR0-1',PILEPSIE. 281
que la plaie de la moelle peut seule expliquer, car
cette lésion a été absolument isolée. Ces troubles du
pouls ont duré une semaine à partir du troisième jour
de l'accident. Il semble donc probable que le centre
cardiaque n'a point été directement intéressé par le
traumatisme, mais secondairement, soit par conges-
tion, soit par inflammation.
L'arthropathie du genou gauche que nous avons vue
survenir le neuvième jour, n'a- différé ni par ses carac-
tères cliniques, ni par sa localisation, des arthro-
pathies relatées dans les observations de Viguès et de
Joffroy et Salmon. C'est du reste le seul trouble tro-
phique qu'il nous a été permis de constater, à part
l'atrophie du membre inférieur gauche qui était légère
encore quand le malade quitta l'hôpital, mais qui
depuis cette époque a dû notablement s'accentuer.
NOTES POUR SERVIRA L'HISTOIRE DE L'lilS'CI;RO-L,P1LBPS11 ?
Par Ci. FÉRÉ.
IV. SUR QUELQUES PHÉNOMÈNES OBSERVÉS DU CÔTÉ DE
L'OEIL CHEZ LES IIISTÈI10-$l'ILI : PTIQUES, SOIT EN DEHORS
DE L'ATTAQUE, SOIT PENDANT L'ATTAQUE.
A. Phénomènes observés en dehors de l'attaque.
Dans l'hémianesthésie des hystériques, l'insensibilité
'Voir le n° 8, p. 160.
La malade qui fait le sujet (le la dernière observation (p. 170) a suc-
combé à une nouvelle attaque de rhumatisme compliqué de pleurésie
2812 CLINIQUE NERVEUSE.
s'étend non seulement à la peau et aux muqueuses,
mais ordinairement aussi aux organes des sens : la vue,
l'odorat, l'ouïe, le goût sont également diminués du
même côté; il s'agit, en un mot, en général, d'une
hémianesthésie sensitivo-sensorielle. Toutefois, les
organes des sens peuvent être respectés ou peu atteints;
]'oei), par exemple, qui dans les cas d'anesthésie com-
plète, offre des troubles caractéristiques, allant quel-
quefois jusqu'à la perte totale de la vision, mais con-
sistant le plus souvent en un rétrécissement concen-
trique du champ visuel, coïncidant ordinairement avec
une achromatopsie plus ou moins marquée.
L'achromatopsie est quelquefois complète, mais fré-
quemment elle est partielle ; certaines malades n'ont
perdu que la sensation du violet, par exemple ; et en
général il y a corrélation entre le degré du rétrécisse-
ment du champ visuel et le degré de l'achromatopsie.
Il est un fait qui a peu frappé l'attention, c'est que la
sensibilité générale de I'oeil, la sensibilité de la con-
jonctive et de la cornée, est en rapport avec la sensi-
bilité spéciale de l'organe. Les hystériques hémianes-
thésiques qu'il nous a été donné d'observer, et qui ne
présentaient ni rétrécissement du champ visuel, ni
achromatopsie, conservaient la sensibilité de leur con-
jonctive; celles qui ont perdu la vision d'une ou de
plusieurs couleurs, et ont un rétrécissement plus ou
régulièrement proportionnel du champ visuel, ont
perdu la sensibilité conjonctivale ; celles enfin, qui ont
une achromatopsie complète, avec un champ visuel
double et d'endocardite v6getante,sans que son anestlasie ! tit6tem0()if[ee
jusqu'à la mort. Les centres nerveux n'ont présenté à l'ceil nu aucune
lésion, particulière.
DE L'HYSTÙRO-PILUPSTE. 283
presque nul, ont perdu non seulement la sensibilité de
la conjonctive, mais encore celle de la cornée. Dans
ce dernier cas, si, pendant que la malade regarde
fixement un objet, on fait avancer au contact de la
conjonctive et de la cornée une bandelette de papier,
on voit l'oeil et les paupières rester immobiles, tant que
le corps étranger n'est pas arrivé dans le champ pu-
pillaire. Le réflexe oculo-palpébral est obtenu aussi
vite si, au lieu de faire avancer le papier au contact
des membranes, on le fait avancer à une certaine dis-
tance ; il est donc déterminé exclusivement par l'exci-
tation de la rétine qui a perdu la perception des cou-
leurs, mais qui distingue encore le clair de l'obscur.
Chez les hémianesthésiques pures ou chez les anesthé-
siques totales avec prédominance d'un côté, on peut,
par l'aimantation ou par l'électrisation statique ou les
autres procédés connus, provoquer un transfert qui
permet de faire une contre-épreuve donnant des ré-
sultats constants. Il y a donc dans l'hémianesthésie
hystérique un rapport constant entre l'insensibilité
cutanée et l'insensibilité sensorielle. Et ce rapport
constant existe non seulement lorsque l'anesthésie
est étendue à toute la moitié du corps, mais encore
lorsqu'elle est plus ou moins limitée. Lorsqu'on
a fait disparaître l'anesthésie hystérique par l'élec-
trisation statique , on voit au bout d'un certain
temps reparaître l'anesthésie, qui commence à se
reproduire par une région localisée variable avec
les sujets, et n'ayant aucun rapport d'ailleurs avec les
distributions nerveuses '. Chez une de nos malades,
1 Les différentes patties reperdent leur sensibilité dans un ordre chrono-
logiquement inverse de celui suivant lequel elles l'ont recouvrée; mais le
28 il CLINIQUE NERVEUSE.
l'insensibilité revient d'abord sur une zone limitée qui
entoure )'oei), comprenant la conjonctive et la cornée,
et l'anesthésie sensorielle se reproduit en même temps
que cette insensibilité limitée de la peau. Ce que nous
venons de dire pour ici) peut d'ailleurs être vérifié
également pour l'ouïe, pour l'odorat, pour le goût.
Sur plusieurs hystériques hémianesthésiques que nous
avons examinées à ce point de vue, nous avons pu
constater que, lorsque l'ouïe est plus ou moins intacte,
la sensibilité générale du conduit auditif (qu'il ne faut
pas confondre avec celle de la membrane tympanique)
est également conservée, ou inversement. Ces faits
semblent indiquer qu'il existe dans des régions indé-
terminées de l'encéphale des centres sensitifs communs
aux organes des sens et aux téguments qui les re-
couvrent.
Ce point de l'histoire de l'hystéro-épilepsie a par
lui-même un certain intérêt, mais en prendra un plus
grand encore, si, suivant en cela l'exemple de notre
maître, nous cherchons à appliquer les données de
retour de l'anesthésie est beaucoup plus facile il suivre parce qu'il est
moins rapide. Chez E. P..., l'anesthésie repayait d'abord autour de t'oeii et
à ses membranes, et l'ambljopic se reproduit en même temps; puis
l'insensibilité envahit l'oreille, la narine, la bouche, et la scnsihdltë spë-
ctale de ces organes s'altère parallèlement. L'anesthésie descend progres-
snement, et quand elle arrive vers le genou droit, la partie supérieure
de la face commence a se prendre L gauche. L'invasion continue, mais
ce sont les oileils du pied gauche qui perdent les derniers leur sensibilité.
Chez D.... les phénomènes se passent en sens inverse; sous l'influence de
l'électiicité statique, l'insensibilité disparaît d'abord il la face; quand
elle repatatt, elle se manifeste d'abord au pied, puis z la main, remon-
tant progressivement des membres a la face; ce n'est qu'en demie ! lieu
que la face et les sens spéciaux perdent leur sensibilité. Che P... t'anea-
thésie se reproduit en commençant par l'avant-bras et par la cuisse; la
dernière partie qui reste sensible est une plaque située en dehors de
'ombilic.
DE L'HYS'l'liRO-FFILliI'S11 : . 285
l'hystérie, cette maladie si éminemment suggestive, à
l'étude des affections cérébrales. M. Charcot, se basant
sur ce que les hystériques ne pouvaient avoir une
physiologie à part, a peusé que les phénomènes qu'on
observe sur elles doivent se retrouver dans les autres
maladies, et c'est ce qui lui a permis de mettre en
lumière l'amblyopie croisée dans certaines lésions cé-
rébrales. Cherchant à notre tour des analogies nou-
velles entre l'hémianesthésie des hystériques et l'hé-
mianesthésie par lésion cérébrale, nous avons pu voir
que, comme les hystériques, les hémianesthésiques
cérébraux qui ont des troubles de la sensibilité des
membranes extérieures de l'oeil, ont également des
troubles visuels, soit achromatopsie, soit rétrécisse-
ment concentrique ou rétrécissement latéral '.
Certaines hystériques, au lieu d'offrir une diminution
de la sensibilité cutanée, paraissent présenter au con-
traire une exagération de la sensibilité au contact et
à la piqûre du côté de l'ovaire douloureux ; mais, à
tout bien considérer, on s'aperçoit bientôt que cette
soi-disant hyperesthésie n'est qu'une exagération de
la sensibilité à la douleur, et que le simple contact est
moins senti qu'il ne l'est du côté sain. Il s'agit alors
d'une hémidysesthésie 2 ; mais dans ce cas encore, s'il
existe des troubles de la sensibilité spéciale, ils sont
eu tout analogues à ceux qui accompagnent l'hémia-
nesthésie, c'est-à-dire que l'acuité des divers sens
1 Clt. ler5. - Hémihypcrcsthésie sensitive et hémianeslhcsie senso-
rielle. (Société de biologie, 4 novembre 1881.)
si Ch. Férié. Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la
vision par les lésions cérébrales. Paris, 18S9.
286 CLINIQUE NERVEUSE.
est diminuée. Cette dysesthésie peut, comme l'anes-
thésie, se limiter à la partie supérieure d'un côté de
la face, et s'accompagner de troubles analogues des
sens.
Le rapport qui existe entre la sensibilité spéciale de
l'oeil et la sensibilité de la conjonctive, nous paraît
encore trouver une preuve dans une observation que
nous avons pu faire récemment à la Salpêtrière sur
trois hystériques hypnotisables. On peut distinguer
dans la catalepsie deux phases diverses en ce qui con-
cerne l'organe de la vision. 1° Dans la catalepsie pro-
fonde, celle qu'on obtient, par exemple, par un bruit
soudain, les yeux restent fixes, sans clignement de
paupières ; dans cet état, on peut toucher impunément
la conjonctive, sans provoquer de réflexe. 2° En agi-
tant plusieurs fois un objet devant les yeux de la cata-
leptique, on arrive à fixer son regard et à lui faire
suivre les mouvements que l'on fait, et on peut lui
donner des suggestions. Si alors on touche la conjonc-
tive, les paupières réagissent immédiatement comme
chez un sujet sain, tandis que la sensibilité géné-
rale reste abolie sur tout le corps. On peut, en
replongeant la malade dans la catalepsie profonde, ré-
péter l'expérience autant de fois qu'on le veut; le
résultat est toujours le même : sitôt que l'oeil perd sa
fixité, la sensibilité de la conjonctive reparaît. L'objet
mis en mouvement devant l'oeil excite la sensibilité
spéciale de l'organe comme, dans d'autres circons-
tances, une forte excitation locale ramène la sensibilité
cutanée ; et, avec la fonction visuelle, la sensibilité de
la membrane externe de l'oeil a reparu.
DE il111YSTPI',O-ÉPILEPSIE. 287
B. Phénomènes observés pendant l'attaque. Pas-
sons maintenant à l'étude de quelques phénomènes
observés du côté de l'oeil pendant l'attaque d'hystéro-
épilepsie. L'exploration de l'oeil pendant l'attaque
présente une grande difficulté, en raison des batte-
ments des paupières, de la convulsion des yeux qui se
portent souvent vers un des angles de l'orbite, et des
mouvements plus ou moins précipités du corps et de
la tête. Cependant, en répétant l'épreuve un nombre
suffisant de fois, il m'a été permis, à un certain mo-
ment, dans chaque période et pour chaque malade, de
constater que la pulpe du doigt posée au contact de la
cornée, dans le champ pupillaire, ne fait point changer
la direction de I'oeil. Chez quelques malades, ce con-
tact provoque une sécrétion lacrymale exagérée, chez
d'autres l'aeil reste sec. Non seulement l'aeil ne tourne
point, soit pendant la phase épileptoïde, soit pendant
la phase des grands mouvements, mais, chez certains
sujets qui, dans la phase du délire, regardent en face,
]'ceH largement ouvert, on peut constater que les pau-
pières ne bougent pas, malgré un contact de la cornée
durant plusieurs secondes. Les membranes externes de
l'oeil sont donc insensibles pendant l'attaque.
L'état de la pupille pendant l'attaque a été peu
observé : on trouve la dilatation notée dans les obser-
vations de M. Bourneville'; M. Bicher 2 dit que
dans la période épileptoïde la pupille est tantôt ré-
trécie, tantôt dilatée ; 31. Gowers, dans son traité tout
Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'leystéro-épileysee et l'hys-
téi-ie, 1876, p 120, 157; et Iconogi-. de la Stilpét-zèi-e.
2 Etudes cliniques sur ? ty<M;'0-3 ! p ? e, 1881, p. 38.
288 clinique nerveuse.
récent, manque de clarté et de précision quand il dit
que les pupilles sont généralement contractées pen-
dant la convergence des yeux et quelquefois sans con-
vergence par un spasme de l'accommodation'. En
somme, c'est un point qui ne paraît pas avoir été le
sujet d'une étude bien détaillée et qui nous semble
cependant digne d'attention.
Pendant l'attaque, la pupille n'est que peu influencée
par l'action de la lumière, qui provoque cependant un
rétrécissement très net dans certains cas. Elle est le
siège de mouvements spontanés très intéressants à ob-
server, mais qu'on ne voit pas avec la même facilité
chez toutes les malades et pendant toutes les attaques ;
cependant, cette étude est grandement favorisée par la
répétition de ces attaques, dont les différentes phases
se succèdent avec une régularité prévue, et que l'on
peut interrompre à volonté par la compression ova-
rienne, ou reproduire par l'excitation des points hys-
térogènes. Tel est, en résumé, le résultat de nos
observations. Au début de la première phase, de la
phase épileptoïde, la face se convulsé, se tourne d'un
côté, les yeux deviennent fixes, les membres se rai-
dissent et restent un moment fixes, puis la trépidation
commence. Au moment où la face commence a se figer
par la contraction tonique qui précède la torsion de la
tête, on voit la pupille se rétrécir rapidement, puis
rester immobile. Pendant toute la première partie de
cette première phase, pendant la période tonique, la
pupille reste contractée. Sitôt que les mouvements
cloniques se produisent, la pupille se dilate fortement,
1 L7pileps ! l cascl ollter chrouic convulsive cliacases; London, 1881, p. 155
DE l hystero-épilepsie. 289
et la dilatation persiste pendant la seconde partie de
la phase épileptoïde et pendant toute la durée de la
phase des grands mouvements. Quand arrive la phase
du délire et des attitudes passionnelles, on voit des
oscillations très remarquables de la pupille, des alter-
natives de dilatation et de rétrécissement qui varient
avec l'attitude du sujet, et qui paraissent dues à la
nécessité du mouvement d'accommodation provoquée
par les différences d'éloignement des objets ou des
personnes qui figurent dans l'hallucination. Certaines
malades sont sujettes à des attaques incomplètes, qui
augmentent les difficultés de l'observation de l'état de
la pupille, surtout pour la contraction du début, qui
est souvent extrêmement brève. Cependant on s'y re-
trouve assez facilement, par un examen prolongé. Ces
irrégularités offrent même quelquefois un intérêt par-
ticulier. Ainsi, chez une de nos malades qui, dans ses
états de mal, a des attaques incomplètes constituées
seulement par une période de grands mouvements avec
arc do cercle, j'ai observé plusieurs fois, avant le début
de l'attaque, sans aucune trace de contraction tonique,
une contraction pupillaire très énergique, constituant
une sorte d'épileptoïde larvée ; de sorte que ses
attaques sont plus incomplètes en apparence qu'en
réalité.
Nous avons insisté sur ces signes fournis par la sen-
sibilité oculaire et par l'état de la pupille, qui nous
paraissent avoir une grande importance, pour établir
l'absence de simulation ; car, à ce point de vue, ils ont
une grande valeur, même à l'état d'isolement. En
outre, ces phénomènes oculo-pupillaires paraîtront
tout à fait caractéristiques dans l'hystéro-épilepsie,
19
290 CLINIQUE NERVEUSE.
quand j'aurai dit qu'ils sont nettement inlluencés par
compression ovarienne. Pendant la dilatation pupillaire
inséparable des mouvements, la compression ovarienne
ramène instantanément le petit cercle de l'iris à ses di-
mensions normales. Chez les malades qui, au début de
la période tonique, offrent une contraction pupillaire
de quelque durée, on peut, par une compression
brusque de l'ovaire, ramener brusquement la pupille
à la dilatation normale, en même temps que l'on arrête
l'attaque.
Il serait très important de pouvoir comparer l'état
de la pupille pendant l'attaque dans l'épilepsie et dans
l'hystéro-épilepsie. Cela est facile pour la période clo-
nique, dans laquelle l'épileptique offre une dilatation
pupillaire comme l'hystérique ; mais le début de l'at-
taque est beaucoup plus difficile à observer chez l'épi-
leptique, qui n'est point prévenu. Malgré des tentatives
nombreuses, nous n'avons jamais pu arriver dans les
attaques isolées à constater la contraction du début
que M. Gowers a quelquefois observée ; dans plusieurs
cas d'épilepsie partielle, il n'existait rien de semblable.
Mais ces faits diffèrent de l'épilepsie véritable à plu-
sieurs égards, et on n'en peut tirer de conclusions.
Dans l'état de mal épileptique, on semblerait se trouver
dans de meilleures conditions : mais les attaques
subintrantes rendent encore l'observation très difficile.
Cependant, dans un de ces cas, nous avons pu cons-
tater, dans quelques accès, une contraction de la pu-
pille au début de la période tonique ; mais il s'agit là
d'un fait isolé, auquel nous ne pouvons attacher une
grande importance; d'autant moins que dans une cir-
constance analogue, M. Charcot a observé un phéno-
DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 291
mène tout opposé, c'est-à-dire une forte dilatation
dès le début des accès.
V. MOUVEMENTS DE LA PUPILLE ET PROPRIÉTÉS DU
PRISME DANS LES HALLUCINATIONS PROVOQUÉES DES
HYSTÉRIQUES '.
Une des choses qui ont le plus retardé l'étude
scientifique de l'hystérie, c'est, avec la bizarrerie de cer-
tains phénomènes qui semblaient en opposition avec
les lois physiologiques, la crainte de la fourberie, qui
est pour ainsi dire un des symptômes de la maladie.
Pour se mettre à l'abri des erreurs qui peuvent être
attribuées à la prédisposition au mensonge que l'on
accorde à toutes ces malades, il était bon d'étudier,
dans les manifestations spontanées ou provoquées de
l'hystérie, les modifications que peuvent éprouver cer-
tains organes, qui, à l'état normal, ne sont pas sou-
mis à la volonté. La pupille peut fournir à cet égard
un utile champ de recherches, soit dans l'étude des
phénomènes spontanés de l'hystérie, soit dans les expé-
rimentations sur les phénomènes que l'on peut provo-
quer chez certaines hystériques. Les modifications
pupillaires, aux différentes phases de l'attaque d'hys-
téro-épilepsie, viennent d'être étudiées. Rappelons
qu'à la période des attitudes passionnelles, ou observe
dans la pupille des alternatives de dilatation et de
rétrécissement, qui ont semblé en rapport avec la dis-
tance à laquelle se trouve l'objet qui figure dans
l'hal lueination.
1 Ch. Féré. Société de biologie, décembre 1SS1.
292 CLINIQUE NERVEUSE.
Nous sommes parti de cette idée pour rechercher
si, dans les hallucinations provoquées, on peut amener
dans la pupille des modifications qui obéissent à une
loi physiologique. Chez deux hystériques avec les-
quelles on peut entrer en communication par la parole
pendant la catalepsie , voici ce que nous avons
observé : lorsque nous leur ordonnons de regarder un
oiseau au sommet d'un clocher ou s'élevant tout en
haut dans les airs, la pupille se dilate progressive-
ment jusqu'à doubler, ou peu s'en faut, son diamètre
.primitif; si nous faisons redescendre l'oiseau, la pu-
pille se rétrécit graduellement ; et on peut reproduire
le même phénomène autant de fois que l'on évoque
l'idée d'un objet quelconque qui se meut.
Ces modifications de la pupille que l'on provoque
ainsi chez une cataleptique, qui ne cesse pas d'ailleurs
d'offrir tous les phénomènes propres à la catalepsie,
montrent que, dans celte hallucination, l'objet fictif est
exactement vu comme s'il existait, et provoque par ses
mouvements des efforts d'accommodation suivant les
mômes lois que si c'était un objet réel. Il s'agit donc
bien d'une hallucination véritable, qui n'a rien à faire
avec la supercherie. On peut objecter, cependant, que
quelques individus peuvent contracter volontairement
leur pupille. -
Il faut convenir toutefois, avec Leeser dont nous
rappelons les études critiques, que ces mouvements de
la pupille, qui se produisent à vrai dire sous l'in-
fluence de la volonté, ne sont pas pour cela des mou-
vements volontaires; ce sont des mouvements associés
1 Leeser. Die pupillar bemegung. Wlesbatlen, 1881. 1.
de l'hystéro-épilepsie. 293
à des mouvements volontaires. Ces mouvements soi-
disant volontaires de la pupille, on les observe dans
les grands mouvements respiratoires, dans la dégluti-
tion, la mastication, mais surtout dans les grands
efforts musculaires (R. Vigoureux)' qui S'accoiii-
pagnent de dilatation pupillaire. Dans ces cas, la
volonté n'agit que d'une manière indirecte, par exci-
tation des centres volontairement excitables.
Seitz-Zehender 2 raconte le cas d'un étudiant en mé-
decine qui pouvait dilater sa pupille de 3 millimètres,
quand il inspirait profondément, puis arrêtait sa respi-
ration en même temps qu'il contractait les muscles du
cou. Lorsqu'il fixait un point rapproché, l'expérience
réussissait encore mieux. Ce cas est peut-être le môme
que celui que Kùgel3 rapported'unD'Szonta. Celui-ci,
ayant sa pupille large de 4 à 5 millimètres à un éclairage
moyen, pouvait la dilater jusqu'à 9 millimètres, c'est-
à-dire jusqu'au maximum ou à peu près, quand il fai-
sait une inspiration lente et contractait en môme temps
les muscles du cou et de la nuque ; l'inspiration lente
et profonde pouvait, à elle seule, déterminer une dila-
tation appréciable.
Cette dilatation de la pupille, comme celle qui se
produit dans tout effort musculaire, est tout à fait in-
dépendante de la volonté, mais seulement associée à
des mouvements volontaires. D'après tout ce que nous
savons sur les mouvements associés de la pupille,
ajoute Leeser, le phénomène s'explique en admettant
' Comptes-rendus de l'Académie des sciences, 1863, t. VIII, p. 581.
Uundbuch .luyetehetll ? p. 314.
3 Uber (lie IViliit-liche (lei, plipiliceigl-âsse. il, 1('ieuer med.
1l'oclemsck., 1J60, u 3 : .> ct 33.
2M se CLINIQUE NERVEUSE.
une irritation du centre oculo-pupillaire vaso-moteur,
en même temps que celle du centre respiratoire, vrai-
semblablement sous l'influence de l'acide carbonique
accumulé dans le sang. Kùgel admet d'ailleurs que
l'anémie -et l'anoxémie correspondante, déterminées
dans le cerveau par l'inspiration profonde et la con-
traction musculaire énergique, déterminent une para-
lysie du centre constricteur pupillaire. Leeser admet
que, dans les cas de ce genre, il y a excitation du
centre dilatateur, tandis que, dans les cas d'effort
respiratoire et musculaire, l'anoxémie s'y surajoute,
amenant une paralysie du centre constricteur permet-
tant la dilatation extrême de la pupille.
Le cas rapporté par Budge (beweqztngeii de ? * iris,
p. 163) semble propre à faire admettre des mouve-
ments volontaires de la pupille ; ainsi, le professeur
Béer (de Bonn), pouvait volontairement contracter et
dilater sa pupille, en faisant naître en lui certaines
idées ; quand il se représentait un lieu très éclairé, sa
pupille se contractait; elle se dilatait au contraire
quand il imaginait un endroit très obscur. Budge, qui
a rencontré plusieurs personnes dont la pupille se dila-
tait par l'évocation de l'idée d'un lieu obscur, remarque
ce qui suit : « On ne devra pas conclure de ces obser-
vations que les mouvements de l'iris sont volontaires;
le phénomène est comparable à la sécrétion de salive
qui se fait dans la bouche à l'idée de certains mets. »
Ce dernier fait prouve au moins que, dans certains
cas, la pupille peut se contracter sous l'influence de
l'imagination. Si quelques sujets peuvent contracter
ou dilater leur pupille eu s'imaginant des objets rap-
prochés ou éloignés, ils sont rares. Nous avons soumis
DE L'HYSTàPO-LPILEPSIE. 295
nos malades à l'expérience à l'état de veille, mais sans
succès.
Une autre expérience, d'ailleurs, servira à prouver
encore que, dans ces hallucinations provoquées, l'objet
est bien vu comme un objet réel et qu'il est vu des
deux yeux suivant les lois physiologiques ordinaires.
Sur les deux malades déjà étudiées et sur plusieurs
autres, nous avons observé ce qui suit. Pendant le
sommeil hypnotique ou pendant la catalepsie, on leur
inculque l'idée qu'il existe sur une table de couleur
sombre un portrait de profil ; à leur réveil, elles
voient distinctement le même portrait. Si alors, sans
prévenir, on place un prisme devant un des yeux,
immédiatement le sujet s'étonne de voir deux profils,
et toujours l'image fausse est placée conformément
aux lois de la physique. Deux de ces sujets peuvent
répondre conformément dans l'état cataleptique ; ils
n'ont aucune notion des propriétés du prisme ; d'ail-
leurs, on peut facilement leur dissimuler la position
précise dans laquelle on le place ; et il est aisé de les
rapprocher assez de la table pour que celle-ci ne soit
point elle-même doublée, ce qui pourrait servir d'in-
dice ; nous avons répété la même expérience avec
succès sur un mur à surface uniforme. Si on presse
latéralement sur un globe oculaire de façon à déranger
l'axe optique, on provoque la même diplopie, qui a
déjà, du reste, été notée par ce procédé dans les hallu-
cinations spontanées chez certains aliénés (Brewster) '.
M. Despine a a pu constater, par la pression latérale
1 C'té par Despine. '
' P. Despine. Etude scientifique sur le somnambulisme, etc., 1880,
p. 328. - 1liéoiie physiologique de l'hallucination, 1881, p. 8.
296 CLINIQUE NERVEUSE.
du globe oculaire, ce même dédoublement de l'objet
fictif dans les hallucinations spontanées d'un hystérique
mâle ; M. Bail ' a observé un autre fait semblable.
Un point intéressant à remarquer, c'est que, pour
une distance donnée, le prisme provoque ou ne pro-
voque pas un dédoublement de l'image, suivant qu'on
le place devant l'oei) le plus près de l'état normal, ou
devant l'oeil le plus amblyope. Du reste, à l'état de
veille, on observe le même phénomène dans la vision
des objets réels. Une de nos malades, complètement
achromatopsique d'un oeil, ne peut avoir d'halluciua-
tions colorées de cet eeil ; et, si on lui suggère l'idée
d'une figure géométrique colorée en rouge , par
exemple, cette image ne peut pas être dédoublée par
le prisme. Il n'y a aucune contradiction entre tous ces
faits.
Les expériences de MM. Schiff, Foa, Vulpian, ont
montré que, des excitations portées sur un nerf sen-
sitif peuvent produire la dilatation de la pupille, et
Mosso a pu considérer la pupille comme un véritable
aesthésiomètre.
Il existe donc certains moyens efficaces de faire
mouvoir la pupille indirectement sous l'influence de la
volonté; mais il est facile de s'assurer que rien de
semblable n'intervenait chez nos malades ; on peut
s'assurer qu'il s'agit, non de phénomènes simulés,
mais d'hallucinations en tout analogues à celles qui
se produisent spontanément. Les hallucinations provo-
quées des hystériques peuvent donc servir à l'étude
des hallucinations spontanées.
1 B. Bail. Théorie des hallucinations. lu Revue scientifique, 1880,
p. 1881.
DE l'hystéro-épilepsie. 297
Ces divers faits, mouvements de la pupille et dédou-
blement de l'image par le prisme, peuvent être cités
à l'appui de la théorie psycho-sensorielle des halluci-
nations.
VI. LA. DOULEUR DITE OVARIENNE DES HYSTÉRIQUES
A POUR SIÈGE L'OVAIRE
Nous ne reviendrons pas sur les anciennes discus-
sions au sujet du siège de la douleur hypogastrique
des hystériques, que les uns considéraient comme cu-
tanée, que d'autres localisaient dans les muscles, etc.
C'est surtout sur des idées théoriques qu'on s'est basé
tout d'abord pour rattacher cette douleur à l'ovaire,
qui, cependant, avait pu quelquefois être atteint par
la palpation abdominale (Charcot'). Toutefois, on
n'avait point assez nettement constaté la coïncidence
de la douleur ovarienne avec l'existence de la tumeur
formée soi-disant par l'ovaire, et, d'ailleurs, certains
accoucheurs, et en particulier M. Duncan2, avaient
pu contester que l'ovaire pût être atteint par la palpa-
tion abdominale, et qu'il occupât le siège habituel de
la douleur hypogastrique des hystériques. La question
devait donc rester pendante, d'autant plus que le tou-
cher vaginal et rectal qui, combinés à la palpation
abdominale, auraient pu donner des résultats plus
précis, ne pouvaient guère être mis en usage chez ces
1 Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux, 4e édition
1880, p. 320 et suiv.
* Duncan. l3riti.sh. med. Assoc. in Cambridge, 1878. (Bi-ilish. med
Journ. August 28, 1878, p 329.
298 CLINIQUE NERVEUSE.
sujets, dont le caractère particulier rend ces manoeuvres
délicates ou même dangereuses.
Une circonstance s'est présentée, qui a favorisé la
solution de la question : nous avons pu suivre la gros-
sesse de deux hystériques. Rappelons tout d'abord que,
pendant la grossesse, les ovaires se déplacent avec ?
fond de l'utérus, et que, dans les derniers temps de
la gestation, ces organes deviennent accessibles et fa-
cilement reconnaissables par le palper abdominal. Il
est rare, toutefois, que les deux ovaires puissent être
sentis en même temps; mais, la pression sur les points
qu'ils occupent détermine une sensation spéciale. Ces
détails ont été mis en lumière par M. Budin', et dé-
veloppés par son élève M. Chaignot dans sa thèse$.
Premier cas. La nommée B..., dont l'histoire se trouve
en détail dans Y Iconographie photographique de la Salpêtrière1
est hystéro-epiteptique. Elle était sortie guérie du service de
M. Charcot, au mois de juin 1880. Elle n'avait plus alors ni
anesthésie, ni attaques convulsives, ni points hystérogenes, et
résistait à tous moyens d'hpynotisation. Quelques mois après
sa sortie, elle redevint hémianesthésiquo droite et hypnoti-
sable. Elle se trouva enceinte, et, pendant toute la durée de sa
grossesse, elle resta hémianesthésique et hypnotisabte, mais
les attaques ne se reproduisirent pas, et on ne pouvait pas les
provoquer par la pression sur les anciens points hystérogenes.
Pendant les quatre premiers mois de la gestation, elle fut
sujette à des vomissements, qui se répétaient quelquefois
jusqu'à dix fois dans les vingt-quatre heures et qui amenèrent
un amaigrissement notable. Elle n'éprouva rien de particulier
pendant le reste du temps : les symptômes permanents de
l'hystérie persistaient seuls.
1 Bull. Soc. biol., 1879.
8 Etude sur l'exploration de la sensibilité de l'ovaire et en particulier
de la douleur ovarique chez la femme enceinte. Th. de Paris, 1 S79.
3 Bourneville et Regnard. Iconographie photographique de la Salpé-
trière, t 11, p. 187 et t. III, p. 300.
DE L'HYSTEI20·EPILEPSIE. 299 9
A la fin du huitième mois, elle rentra à la Salpêtrière. Le
jour même de son entrée, on se livra à l'exploration des ovaires,
la malade déclarant elle-même que ses points douloureux étaient
remontés. Ces manoeuvres déterminèrent le lendemain des
coliques utérines, qui firent craindre un avortement, mais
cédèrent à des lavements laudanisés : 1\ous fûmes alors frappés
de ce fait que la malade, qui était facilement hypnotisable le
jour de son entrée, ne le fut plus par aucun procédé pendant
toute la journée que durèrent ses coliques ; elle le redevint
dès que ces douleurs eurent cessé. C'est là un fait intéressant
à noter, parce que nous le verrons se reproduire au moment
du travail.
30 octobre. Le fond de l'utérus remonte jusqu'à quatre
travers de doigt au-dessus de l'ombilic. L'ombilic lui-même,
porté en haut et en avant, est distant de 205 millimètres de
chaque épine iliaque antéro-supérieure et de 18 centimètres
du pubis.
Si on mène, de chaque côté, une ligne, fictive de l'ombilic
à l'épine iliaque antéro-supérieure, on constate que le point
douloureux, qui a à peu près 2 centimètres de diamètre de
chaque côté, se trouve du côté gauche, à 55 millimètres au-
dessus de la ligne indiquée et à 85 millimètres en dedans de
l'épine iliaque ; du côté droit, le point douloureux est à 35 mil-
limètres au-dessus de cette ligne, et à 70 millimètres en dedans
de l'épine iliaque. ·
On hypnotise la malade à plusieurs reprises, et on peut se
convaincre que ce n'est qu'au niveau des petites régions dou-
loureuses, que nous venons de localiser, que la pression peut
provoquer le réveil. Le doigt, introduit dans le vagin, peut
comprimer autant que possible de chaque côté du col sans pro-
duire rien qui ressemble aux phénomènes qui accompagnent
la pression sur le point douloureux abdominal.
En cherchant à constater directement la présence des
ovaires par la palpation abdominale, M. Budin ne peut y par-
venir. On n'arrive point à les sentir sous les doigts ; les parois
utérines sont molles, dépressibles, il n'y a pas de plans
résistant sur lequel on puisse les comprimer et les isoler.
M. Budin reconnaît, toutefois, que les points douloureux
correspondent au siège des ovaires à cette période de la gros-
sesse.
Le travail a commencé dans la nuit du t9 au 20 novembre,
300 CLINIQUE NERVEUSE.
vers neuf heures et demie du soir. Quand nous sommes arrivé,
à deux heures du matin, avec M. Budin, l'orifice utérin était
dilaté et mesurait 2 centimètres environ de diamètre. L'enfant
se présentait par le sommet, en position occipito-iliaque gauche
antérieure; le travail marchait normalement. Le point doulou-
reux ovarien gauche se trouvait sur une ligne allant de l'épine
iliaque antérieure et supérieure à l'ombilic, à 9 centimètres de
l'épine et à 12 centimètres de l'ombilic. Le point droit était à
un centimètre au-dessous de la même ligne, et seulement a
8 centimètres de l'épine iliaque. On voit donc que. depuis
le 30 octobre, les points ovariens se sont notablement abaissés,
en suivant le fond de l'utérus.
Pondant toute la durée du travail, l'hypnotisalion a été
absolument impossible, soit par la fixité du regard, soit par la
pression oculaire ; le bruit du tam-tam, la lumière du magné-
sium n'ont eu aucun effet. Cependant, à l'aide des inhalations
d'éther, de chloroforme ensuite, on détermine l'analgésie, mais
les mêmes moyens d'hypnotisation ne réussissent pas alors
davantage, malgré la bonne volonté du sujet. La malade, qui
a conservé son intelligence et qui auparavant gémissait presque
continuellement, déclare qu'elle ne souffre plus. Il semble
donc que si, en ayant recours aux différents procédés qui réus-
sissent habituellement, on ne peut pas obtenir le sommeil
hypnotique, ce n'est pas seulement à cause de la douleur.
Nous n'avons donc pas pu, pendant le travail, contrôler par le
réveil le siège des points ovariens ; mais la pression sur ces
points provoque toujours une sensation de boule qui remonte
à l'épigastre et à la base du cou, en déterminant des mouve-
ments de déglutition.
On pousse plus loin l'administration du chloroforme, on
arrive à l'anesthésie complète, la malade ronfle, puis on cesse
le chloroforme. A aucun moment, entre l'anesthésie totale et
le retour à l'état normal, on ne peut, par aucun moyen, déter-
miner le sommeil hypnotique.
Toutefois, une constatation plus importante a pu être faite
au moment des contractions utérines. M. Budin a pu nous
faire toucher, à plusieurs reprises, du côté gauche, une petite
tumeur ovoïde, grosse comme la phalangette du pouce, mobile
, et glissant sur la surface de l'utérus qui formait alors sous les
doigts un plan résistant. La pression sur cette petite tumeur
provoquait les phénomènes ordinaires de la pression sur le
DE L HYSTUITO -ÉPILEPSIE. 301
point douloureux dit ovarien (sensation de boule qui remonte,
mouvements de déglutition, etc.). Cette tumeur, dont le siège
est celui de l'ovaire au moment de l'accouchement, a pu seule-
ment être sentie à gauche.
A sept heures et demie, la dilatation était complète ; on
rompit les membranes. La malade, souffrant davantage, récla-
ma avec insistance le chloroforme. On la plongea de nouveau
dans l'analgésie, et elle accoucha d'une fille bien constituée à
huit heures quarante-cinq, sans en avoir conscience. Aussitôt
après l'accouchement, on chercha, mais en vain, à sentir
l'ovaire ; au moment de la contraction utérine, on sentait le
ligament rond qui formait sous le doigt une corde dure ; mais
le corps globuleux formé par l'ovaire n'était pas perceptible.
A neuf heures, le placenta était expulsé. L'hypnotisation était
encore impossible à ce moment.
A neuf heures vingt-cinq, la malade est hypnotisée par la
fixité du regard, mais péniblement. La lampe au magnésium
n'avait produit aucun effet cinq minutes auparavant.
L'ovaire gauche n'est plus senti ; mais, à neuf heures et de-
mie, il est possible de déterminer la position des deux ovaires
par la sensibilité spéciale que l'on constate sur une petite
région de 2 centimètres de diamètre environ de chaque côté.
Le fond de l'utérus, fortement incliné vers la droite, dépasse
le pubis de 19 centimètres. Le corps a une largeur de 11 cen-
timètres. L'ombilic s'est abaissé, n'est plus qu'à 1 4 centimètres
du pubis et à 13 centimètres des épines iliaques antérieures et
supérieures. Le point ovarien gauche est à 2 centimètres au-
dessous de la ligne qui va de l'ombilic à l'épine iliaque et à
5 centimètres en dedans de cette épine. Le point droit est
à 1 centimètre au-dessous de la même ligne et à centimètres
en dedans de l'épine iliaque. On voit donc que, bien que la
ligne ilio-ombilicale prise pour point de repère se soit notable-
ment inclinée vers l'horizontale, les points ovariens ont encore
subi, par rapport à cette ligne, un mouvement'de descente
très appréciable. '
Ce mouvement de descente s'est encore accentué les jours
suivants. Le 25 novembre, l'ovaire gauche se trouvait à 30 mil-
limètres en dedans de l'épine iliaque et à 35 millimètres au-
dessous de la liânc bi-ilialuc ; l'ovaire droit était à 5 centi-
mètres en dedans de l'épine et à 2 centimètres en dessous de
la ligne bi-iliaque.
302 CLINIQUE NERVEUSE.
Le 20 décembre, les points douloureux sont devenus plus
profonds et par conséquent moins faciles à bien limiter ; ils
paraissent à peu près symétiiquement placés à G centimètres
au-dessous de la ligne passant par les deux épines iliaques
supérieures et 5 centimètres en dedans de ces épines. Si, après
avoir cataleptisé la malade, on pratique le toucher vaginal, et si
l'on presse fortement à gauche du museau de tanche, on pro-
voque le réveil, tout comme si on pressait sur l'abdomen dans
la région ovarienne. On ne peut pas produire le même phéno-
mène du côté droit. (Notons que, pendant tout le travail, nous
avons pu constater la persistance de l'anesthésie toutes les fois
que nous l'avons cherchée quand la malade n'était pas sous
l'influence du chloroforme.
Deuxième cas. La nommée Y..., dont l'observation est
rapportée en détail dans l'Icoîzogi,ariltz»e photographique de la
Salpêtrière1, n'avait plus d'attaques quand elle est sortie de
l'hospice il y a un an ; mais elle avait conservé son anesthésie
totale. Elle s'est mariée depuis et rentra à la Salpêtrière à la
fin de novembre ; elle était alors au neuvième mois de sa gros-
sesse. '
Les attaques ne se sont pas renouvelées depuis qu'elle est
enceinte, mais l'état de la sensibilité ne s'est pas modifié.
Elle déclare spontanément que ses points ovariens ont
remonté, et quand on lui demande de montrer avec le doigt le
siège de la douleur, elle désigne deux points symétriques, situés
sur un plan horizontal passant par l'ombilic et situés environ
à 15 centimètres en dehors (l'ombilic se trouve alors à 20 cen-
timètres au-dessus du pubis). La pression sur ces points pro-
voque une douleur vive et la sensation de quelque chose qui
remonte vers la gorge. La malade, interrogée à différentes
reprises pendant le dernier mois de la gestation, a toujours
fait des réponses identiques, et la position des deux points
douloureux n'a pas varié. Toutefois, comme elle n'est pas
hypnotisable, nous n'avons pas pu faire les expériences de con-
trôle qui donnent tant de netteté au fait qui précède.
26 décembre. Les premières douleurs se sont manifestées
à trois heures du matin, mais éloignées et peu intenses jusqu'à
1 Buutneville et liegnard. Iconographie photogi aphique de la Salpci-
trière, t. 11, p. 93.
de L'flYS1'131tU-131'lL ! ·;L S1L. 303
dix heures. A partir de ce moment, elles sont venues plus
fortes et presque continues. A onze heures et demie, lorsque
nous pratiquons le toucher, la tête est déjà très engagée dans
l'excavation, le col est effacé ; mais son orifice laisse à peine
pénétrer la phalangette de l'index.
A deux heures, les douleurs augmentent d'intensité, mais
se sont espacées. De trois à quatre heures, bain tiède. A
quatre heures, l'orifice utérin offre un diamètre de 3 centi-
mètres environ : position occipito-iliaque gauche antérieure.
Depuis que les douleurs sont devenues un peu fortes, c'est-à-
dire depuis dix heures, la malade éprouve de temps en temps
des crampes très douloureuses dans le membre inférieur droit
et exclusivement dans sa partie externe. Rien de changé dans
l'état de la sensibilité.
Depuis le bain, les douleurs se rapprochent ; à sept heures
et demie, elles reviennent toutes les cinq minutes, la malade
se met au lit.
A sept heures cinquante-cinq, au moment d'une douleur, la
malade est prise d'une attaque de contracture avec perte de
connaissance et ronflement, les bras sont en croix, les
jambes dans l'extension, la malade geint et la résolution se
produit, en commençant par le côté gauche, à huit heures
deux minutes. Deux minutes après, deuxième attaque de con-
tracture, le bras droit étendu, et le gauche en flexion sur la
poitrine, les jambes étendues ; la malade ronfle, mousse et
geint ; la contracture a duré trois minutes, et a cessé encore
par le côté gauche d'abord. Une minute après, nouvelle attaque
analogue à la seconde. Depuis le commencement de la pre-
mière attaque jusqu'à la fin de la troisième, la malade n'a pas
repris connaissance. Alors, la malade se plaint, geint, ne peut
se tenir en place, sans pouvoir déterminer cependant où elle
souffre.
A huit heures et quart, elle se plaint de nouveau de crampes
très vives dans la jambe droite; puis elle s'assoupit..
A partir de huit heures et demie, chaque fois qu'elle a une
douleur un peu forte, elle éprouve en môme temps une sensa-
tion de compression au-dessus du sein gaucho ; elle sent quel-
que chose qui lui remonte à la gorge en déterminant une vive
anxiété et une dyspnée considérable.
A neuf heures et demie, une douleur, qui s'est accompagnée
des sensations dont nous venons de parler, est suivie d'une
30t clinique nerveuse.
attaque de contracture analogue aux précédentes et qui dure
trois minutes.
A neuf heures quarante-cinq, nous faisons respirer à la ma-
lade quelques gouttes de chloroforme et, à partir de ce mo-
ment, les douleurs ne se' sont plus accompagnées d'aucun
phénomène particulier. La malade réclame, du reste, le chlo-
roforme avec insistance à chaque fois qu'on suspend quelque
temps les inhalations, qui ont toujours été faites à faible
dose. -
Les deux points douloureux, dits ovariens, sont situés envi-
'ron 2 centimètres au-dessous d'une ligne passant par l'om-
bilic et symétriquement à 15 centimètres en dehors de ce
point. Pendant une forte contraction, j'ai pu sentir, du côté
gauche, un petit corps ovoïde du volume d'un marron environ,
s'échappant dès que je pressais un peu. Je n'ai pas pu obtenir
une sensation analogue du côté droit.
L'anesthésie n'a pas été modifiée un instant.
A partir de dix heures, nous avons augmenté un peu le
chloroforme, la malade ne sentait plus ses douleurs ; mais,
vers onze heures un, quart, il survint une nouvelle attaque de
contracture, le chloroforme fut suspendu. Nous pûmes cons-
tater quelques minutes après que l'insensibilité n'était pas
modifiée. Les douleurs étant devenues très fortes, nous avons
donné le chloroforme jusqu'à résolution, et la malade accoucha
sans en avoir conscience, à onze heures trente-cinq minutes,
d'une fille bien constituée. A minuit dix, le placenta était
expulsé.
Après la délivrance, la malade s'est plainte pendant plu-
sieurs heures de douleurs vives dans tout le ventre. Ce n'est
qu'à cinq heures du matin que nous avons exploré la position
des points douloureux, qui étaient redescendus : le gauche, au
niveau de la ligne bi-iliaque, et 4 centimètres en dedans de
l'épine ; le droit, à 1 centimètre au-dessous de la même ligne
et à 5 centimètres en dedans de l'épine iliaque.
Les deux points douloureux ont continué leur descente, et,
six semaines après l'accouchement, nous avons pu vérifier
qu'ils avaient repris leur position primitive dans le petit bas-
sin, au voisinage du point où on sent battre l'artère iliaque.
Eu somme, nous avons pu constater deux fois, pen-
dant la grossesse, un déplacement des points doulou-
DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 305
reux, qui subissaient un mouvement d'ascension pro-
portionnel au développement de l'utérus gravide.
Dans ces mêmes cas, nous avons pu, après l'accou-
chement, constater la descente des mêmes points doulou-
reux, encore proportionnelle à l'évolution utérine. Dans
ces différents moments, les points douloureux conser-
vaient une situation qui est précisément celle qu'oc-
cupe l'ovaire, puis au terme de la grossesse, après
l'accouchement et à l'état de vacuité. Aussi nous nous
croyons fondé à considérer comme établi que le siège
de la douleur iliaque des hystériques est bien l'ovaire,
comme le soutient depuis longtemps M. Charcot.
Ces deux faits sont en outre intéressants, en ce
qu'ils montrent que les perturbations les plus violentes
peuvent ne pas modifier les phénomènes permanents
de l'hystérie et particulièrement l'anesthésie.
VII. Compression DE l'ovaire.
Depuis que M. Charcot a remis en honneur la com-
pression ovarienne pour arrêter l'attaque d'hystérie,
on a tenté, à différentes reprises, de remplacer la com-
pression manuelle, qui ne peut être longtemps main-
tenue, par la compression mécanique dont la durée ne
peut être limitée que par la tolérance des malades.
Le premier appareil a été imaginé par M. Poirier '.
Cet appareil, qui présente une grande analogie avec
les compresseurs de l'aorte, remplissait le but qu'on se
proposait d'atteindre, en ce sens qu'il permettait d'ar-
1 Progrès médical, 1878, p. 993.
20
306 CLINIQUE NERVEUSE.
rèter l'attaque aussi longtemps que la malade pouvait
le supporter; mais il n'était applicable que dans le
décubitus dorsal, et, au bout de peu de temps, la
patiente, fatiguée du séjour au lit, préférait enlever le
compresseur et laisser partir son attaque.
L'appareil de M. Ballet, constitué par une ceinture
formée intérieurement d'armatures en fer, mobiles,
supportant des'tampons également mobiles, présente
l'avantage d'être portatif, mais il est compliqué et un
peu coûteux.
Le compresseur que nous avons fait construire par
M. Aubry est beaucoup plus simple. Ce n'est pas un
appareil nouveau ; il consiste en un bandage à ressort
très analogue au bandage français pour la contention
des hernies; mais le ressort est plus résistant, élargi et
fortement rembourré à la partie postérieure où il repose
sur la colonne vertébrale qui sert de point d'appui. En
avant, il est tordu de haut en bas et d'avant en arrière,
de sorte que la pelote qui s'applique du côté qui sup-
porte le ressort est dirigée obliquement en bas et en
arrière, vers la partie externe de l'excavation où l'on
sent battre l'artère iliaque. Du reste, on jugera mieux
Ftg. 24. Compresseur ovarique simple, pour le côté droit. - A, Pelote
de caoutchouc répondant à la région ovarienne. B, Point d'appui
dorsal, bien garni. - C, Courroie d'attache, se fixant au bouton de la
pelotte.
DE L'HYSTÉRO-àPlLEPSIE. 307
de la forme générale de l'appareil par la figure 24,
que par une longue description.
La pelote A a la forme d'un cône émoussé, de quatre
centimètres et demi de hauteur environ, et elle est
constituée par une sorte de godet en caoutchouc, de
un centimètre d'épaisseur; de sorte que, bien qu'elle
soit assez résistante pour donner une pression suffi-
sante, elle conserve une certaine mollesse qui permet
de la supporter longtemps sans douleur. Comme on le
voit dans la lîg. ,5, le ressort peut s'appliquer comme
celui d'un bandage herniaire; il peut se placer facile-
ment au-dessous de la crête iliaque, de sorte que les
malades ont la possibilité de porter un corset, de se
vêtir et d'agir sans plus ,de gêne que si elles avaient
une hernie contenue.
Bien que la compression obtenue par cet appareil
ne soit pas très forte, elle est toujours suffisante. On
sait d'ailleurs que, s'il faut un effort de pression assez
Fig. 25. Compresseur ovarique gauche, en place. (D'après une
photographie de M. Loreau.)
308 clinique nerveuse.
considérable pour se rendre maître d'une attaque com-
mencée, les malades peuvent ordinairement, lors-
qu'elles la sentent venir, éviter elles-mêmes sa produc-
tion par l'application d'un ou deux doigts sur la région
ovarienne. Il-n'était donc pas nécessaire de rechercher
un appareil très énergique; on pourrait, d'ailleurs,
faire varier la force du ressort, suivant les sujets.
Pour quelques cas spéciaux, nous avons fait cons-
truire un appareil un peu plus compliqué permettant
de déplacer la pelote dans tous les sens et de modifier
à volonté la pression ( Ifig 26).
Pour les rares malades qui ont besoin d'être com-
primées des deux côtés, M. Aubry nous a construit un
bandage double qui s'applique aussi très facilement
('g. 27), et qui est susceptible des mêmes perfection-
nements que le bandage simple.
Ces compresseurs, qui sont très simples et d'un prix
modique, ont l'avantage non seulement d'être porta-
tifs, mais encore de comprimer sans serrer le ventre
qui est généralement ballonné quand les malades sont
Fig. 26. Compresseur simple modifié. A, Pelote mobile. B, Tou-
rillon permettant d'incliner plus ou moins la pelote. - C, Coulisse
permettant d'allonger ou de raccourcir le bandage et de faire avancer
la pelote vers la ligne médiane ou de la rapprocher de l'épine iliaque.
- D, Brisure du bandage, munie d'une vis de pression permettant de
fermer plus ou moins le ressort, et d'augmenter ou de diminuer à
volonté la pression.
de L'HISTI : .RO-FI'ILRPS1E. 309
sous le coup d'une attaque. Nous avons pu constater,
depuis six mois que nous les expérimentons dans le
service de M. Charcot, à la Salpêtrière, qu'ils sont sup-
portés sans aucune gêne, et nous avons vu des malades
suspendre leurs attaques pendant des périodes inouïes
auparavant; l'une d'elles, par exemple, a pu garder le
compresseur pendant trois semaines.
Nous ne voulons pas dire que la compression puisse
arriver à supprimer les attaques. Cependant, nous
devons enregistrer un fait important : une de nos ma-
lades, après avoir, sous les menaces permanentes de
l'attaque, gardé le compresseur pendant plus de vingt
jours, put l'enlever sans avoir d'attaque; mais, au lieu
de rester deux semaines ou plus sans éprouver de
nouvelles menaces, comme cela lui arrivait lorsqu'elle
avait été déchargée par une attaque, il lui fallut re-
prendre le bandage au bout de cinq jours. Ce fait
montre que l'action de la compression est surtout sus-
pensive ; toutefois, la possibilité de la suspension des
attaques chez les hystériques qui vivent de la vie com-
mune est assez importante pour qu'on doive chercher
à rendre aussi pratiques que possible les moyens qui
la produisent.
Fig. 2% Compresseur double. A, A7, Pelotes en caoutchouc répondant
aux deux régions ovariennes.
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES
HYSTÉRIQUES; DU PHÉNOMÈNE DE L'HYPEREXC1TABILIT
NEURO-MUSCULAIRE {Suite) < ;
Par MM. CHARCOT et PAUL RICHER.
État catalepti forme.
Il est des cas dans lesquels l'hyperexcitabilité neuro-
musculaire donne naissance à une sorte de catalepsie
qu'il importe de ne pas confondre avec la catalepsie
véritable et que pour cette raison nous avons proposé
de désigner sous le nom d'état catalepti forme. Pour
l'intelligence de ce qui va suivre, il est nécessaire de
rappeler ici les caractères de la véritable catalepsie,
tellequ'elle se présente chez nos malades pendant une
des phases du sommeil nerveux désigné sous le nom
d'hypnotisme.
L'état cataleptique survient d'emblée à la suite de
l'impression brusque d'une vive lumière sur la rétine
(lumière électrique, lampe Bourbouze, etc.), sous l'in-
fluence des vibrations d'un grand diapason, ou bien
encore à la suite d'un bruit violent inattendu (coup de
gong)-
' Voir le n° 5, p. 32 ; n° 6, p. 173 ; n° 8, p. 129.
ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES HYSTERIQUES. 311 1
Il succède également à la léthargie hypnotique ob-
tenue le plus souvent directement par la fixité du re-
gard. Il suffit, dans ce cas, de soulever les paupières
d'une malade léthargique pour la rendre immédiate-
ment cataleptique. Les caractères de cet état catalep-
tique sont les suivants : '
1° Les yeux sont ouverts, et le regard possède une
fixité sur laquelle nous insistons comme un des signes
les plus importants. La physionomie est impassible et
expressive à la fois, la malade paraît absorbée. Ce vi-
sage est très vraisemblablement celui de l'extase cata-
leptique des auteurs ;
2° Le clignement a disparu. La conjonctive estrouge,
les larmes coulent quelquefois sur la joue. L'anesthésie
a envahi, le plus souvent, la conjonctive et jusqu'à la
cornée. L'état de la pupille varie;
3° Les membres gardent les positions qu'on leur
communique. Ils paraissent d'une grande légèreté,
lorsqu'on les soulève ou qu'on modifie leurs attitudes.
La 17exibilitas cerea ou la roideur des mannequins de
peintre n'existe pas. On modifie l'attitude des membres
avec la plus grande facilité et sans le moindre effort.
Les attitudes ainsi communiquées sont gardées par les
sujets pendant fort longtemps et le massage ou la fric-
tion des masses musculaires ne les modifient pas. En-
fin cet état cataleptique est uniformément développé
sur tous les membres et le tronc;
4° L'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'existe pas.
Les réflexes tendineux sont complètement abolis;
5° L'anesthésie cutanée est complète. Persistance
partielle des sens ;
6° Suggestion. Influence du geste sur la physionomie.
312 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Phénomènes psychiques sur lesquels nous n'avons pas à
insister ici : automatisme, hallucinations provoquées,.
L'état cataleptique dont nous venons d'indiquer les
principaux traits constitue un des modes du sommeil
nerveux, bien distinct de cet autre mode que nous
avons décrit sous le nom de léthargie hystérique provo-
qitée dont l'hyperexcitabilité neuro-musculaire cons-
titue un des principaux caractères.
L'on sait comment ces deux modes du sommeil ner-
veux peuvent se succéder chez un même sujet, ou
même s'y montrer simultanément en n'affectant cha-
cun qu'une moitié du corps (hémi-iéthargie, hémi-ca-
talepsie). Mais il n'en est pas toujours ainsi ; à côté des
cas que l'on pourrait appeler les cas types et réguliers
dans lesquels tous les symptômes offrent le caractère
de précision sur lequel nous venons d'insister, il en est
d'autres moins parfaits dans lesquels le sommeil hyp-
notique n'est plus susceptible 'd'être divisé en deux
périodes distinctes : état léthargique avec hyperexcita-
bilité neuro-musculaire, et état cataleptique. C'est
une sorte d'état mixte qui paraît tenir des deux à la
fois, et qui compte au nombre de ses manifestations
les symptômes cataleptiformes dont il est question.
Dans l'exemple suivant l'hypnotisme est caractérisé
par un délire spontané ou provoqué. Il s'y joint l'état
musculaire spécial sur lequel nous insistons ici.
1 En résumé cet état cataleptique, à cause de la fixité du regard, de
la légèreté et de la souplesse des mouvements, de l'harmonie qui existe
entre Ips gestes et l'expression de la plysomomie, pourrait être désigné
sous le nom de catalepsie plastique. Elle permet d'imprimer aux sujets
les attitudes les plus variées, susceptibles même de satisfaire aux lois de
l'esthétique et si les sculpteurs de l'antiquité ont fait poser, comme mo-
clèles, des femmes cataleptiques, ainsi que le prétendent quelques auteurs,
bien certainement il s'agissait de la catalepsie que nous venons de décrire.
ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES HYSTÉRIQUES. 313
H..., hystéro-épileptique, anesthétique totale et achroma-
topsique excepté pour le violet; a des grandes attaques con-
vulsives dans lesquelles le spasme laryngé se montre à un degré
peu ordinaire. Les réflexes tendineux sont manifestement
exagérés aux genoux, ils offrent même une légère tendance à
la généralisation. Par contre, aux coudes et aux poignets, ils
sont très peu marqués.
9 féa·air 9881. Tentative d'hypnotisme par le procédé de la
fixité du regard, en convergence supérieure. Au bout de cinq
minutes environ, les yeux se ferment tout à coup, la tête se
renverse, le cou se gonfle et la respiration devient laborieuse.
Il se produit un spasme laryngien analogue à celui qui se mon-
tre pendant ses grandes attaques convulsives, avec cette
différence toutefois, qu'il est ici bien moins violent. Bientôt le
spasme cesse, et sans ouvrir les yeux, ni reprendre connais-
sance, la malade se met à divaguer, en proie à un délire qui ne
tarde pas à être interrompu par une nouvelle crise de spasme
laryngien. L'état de sommation ainsi produit se compose de
deux phases distinctes qui se succèdent alternativement à la
façon de ce qui a lieu dans ses grandes attaques convulsives.
La phase délirante présente ceci de particulier : le délire sur-
vient bien spontanément comme il arrive dans la grande at-
taque, il est parfois incohérent, d'autres fois il roule sur des
sujets variés se rapportant aux incidents qui ont marqué la vie
de la malade ; mais de plus il peut être provoqué par l'observa-
teur et conduit dans une direction déterminée. Les sens de la
malade ne sont pas complètement fermés au monde extérieur.
Elle entend les questions qu'on lui adresse, y répond d'une
façon plus ou moins juste, et il est facile de provoquer chez
elle des hallucinations variées.
Pendant tout ce temps l'état musculaire est intéressant à
noter et c'est sur lui que nous appelons particulièrement l'at-
tention. Il persiste avec les mêmes caractères pendant la phase
de spasme ou celle de délire, et que la malade ait les yeux
ouverts ou fermés. En premier lieu nous constatons une
exagération très marquée des réflexes tendineux aux coudes et
aux poignets. Aux genoux, le choc sur le tendon rotulien, en
outre de la secousse de la jambe, provoque un soubresaut dans
les deux bras. Mais les manifestations de l'hyperexcitabilité
neuro-musculaire ne se bornent pas là.
La percussion répétée ou la friction des tendons du poignet
314 4 PIIYSIOI,OGIE PATHOLOGIQUE.
amènent la contracture de la main soit en flexion, soit en
extension, suivant les tendons excités.
La malaxation des masses musculaires de l'avant-bras pro-
duit également la contracture ; la même chose se produit aux
cuisses.
Le sterno-mastoïdien se contracture aussi sous l'influence
de l'excitation mécanique, mais les muscles de laface demeurent
inexcitables. L'excitation du nerf cubital en arrière de l'épi-
trochée provoque la contracture du poignet et de la main dans
la flexion; la griffe cubitale est imparfaite. Ces contractures
diverses cèdent par la friction des muscles antagonistes.
Jusqu'ici nous voyons que l'hyperexcitabilité neuro-mus-
culaire présente, à peu de chose près, la plupart des caractères
que nous avons décrits précédemment; mais nous constatons
en outre une aptitude spéciale des membres à conserver les
attitudes communiquées. Il semble que l'état cataleptique et
l'état d'hyperexcitabilité neuro-musculaire soient ici confondus
et existent en même temps. Avec un peu d'attention cependant
il est facile de se convaincre qu'il ne s'agit pas ici de l'état
cataleptique véritable ; mais d'une sorte d'état' cataleptique
déjà décrit par l'un de nous, et qui ne saurait être considéré
que comme une nouvelle manifestation de l'hyperexcitabilité
neuro-musculaire.
En effet les membres sont toujours lourds à soulever; ils ne
conservent qu'imparfaitement les attitudes communiquées, et
la friction amène toujours la détente du membre, et la résolu-
tion musculaire complète. En soulevant les paupières de la
malade et en maintenant ses yeux ouverts, l'état cataleptique
véritable ne saurait être obtenu. Les réflexes tendineux persis-
tent, et si les membres gardent les attitudes communiquées,
c'est avec les mêmes caractères que précédemment. De plus la
contracture par excitation mécanique directe est toujours
possible.
Que les yeux soient ouverts ou fermés, la motilité, chez
cette malade, présente les mêmes modifications. Nous avons
remarqué que les yeux maintenus ouverts présentaient tou-
jours un certain degré de convergence.
Nous avons pu observer cet éta4beataleptiforme chez
plusieurs de nos malades, les caractères qu'il présente
ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES HYSTÉRIQUES. 315
se sont montrés identiques et il est inutile d'en multiplier
les exemples. Il ressort des faits que nous avons pu
étudier que cet état, qui paraît tenir à la fois et de la
léthargie et de la catalepsie, caractérise pour ainsi dire
un degré inférieur de l'hypnotisme. Il se montre chez
les sujets peu aptes à ce genre de recherches, ou bien
s'il se rencontre chez les sujets bien prédisposés, ce
n'est que dans les premières expériences, avant que
l'état hypnotique, par la répétition des séances, se soit
pour ainsi dire perfectionné. En effet, les malades
chez lesquelles on l'observe ne présentent générale-
ment ni l'hyperexcitabilité neuro-musculaire dans son
état complet de développement, tel que nous l'avons
décrit, ni l'état cataleptique parfait, dont nous avons
rappelé les caractères. L'occlusion ou l'ouverture des
paupières ne le modifient pas sensiblement. Nous
avons pu noter que le plus souvent, dans ce cas, les
yeux ne se laissent pas ouvrir facilement ; un spasme
maintient les paupières fermées, la pupille fuit la lu-
mière en se cachant soit sous la paupière supérieure,
soit sous la paupière inférieure; lorsque néanmoins
on arrive à la découvrir on constate un degré des tra-
bisme plus ou moins accusé , ou bien si le regard
paraît direct, il est sans fixité et les paupières ont
une tendance invincible à se fermer. Cependant nous
avons pu remarquer quelquefois que lorsque les yeux
étaient ouverts, quelqu'imparfaitement que ce soit,
l'aptitude des membres à conserver les attitudes com-
muniquées augmentait, sans que la tendance à la con-
tracture provoquée fut pour cela diminuée.
En résumé, les caractères de l'état cataleptiforme
sont les suivants :
316 H PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
1° Les yeux sont le plus souvent fermés, s'ils sont
ouverts la convulsion des globes oculaires empêche
toute fixité du regard.
2° L'aptitude des membres à garder une situation
communiquée présente les particularités suivantes :
a.) Souvent cette aptitude est inégalement déve-
loppée sur les différents segments du corps.
b.) Le membre est lourd à soulever et il existe dans
les articulations une certaine roideur(/ ? ejr ? ace ? 'e<7).
c). Pour que le membre garde la position dans la-
quelle on le place, il faut insister quelque peu, et le
maintenir au moins quelques secondes avant de l'a-
bandonner.
d). Dans le plus grand nombre de cas, le membre
retombe bientôt de lui-même.
e). Enfin la friction et le massage cles rnasses muscu-
laires amènent toujours la résolution du membre qui
retombe inerte.
3° L'hyperexcitabilité neuro-musculaire existe à un
degré quelconque. Les réflexes tendineux sont exaltés.
4° Que les yeux soient ouverts ou fermés, l'état mus-
culaire reste le même, présentant toujours ce double
caractère d'hyperexcitabiiité et d'état cataleptiforme.
Il nous paraît facile de saisir de quelle manière l'état
cataleptiforme se rattache au phénomène de l'hyper-
excitabilité neuro-musculaire.
Le membre qui paraît cataleptique n'est, en somme,
qu'un membre contracture. La contracture s'y déve-
loppe sous l'influence des manoeuvres de l'expérimen-
tateur qui cherche à déplacer le membre. Nous avons
vu, en effet, qu'il est nécessaire d'insister un peu pour
faire garder au membre l'altitude communiquée. De
ÉTUDE DE L'HYPNOTISME CHEZ LES HYSTÉRIQUES. 317
plus, lorsqu'on cherche à modifier l'altitude du membre,
on constate une roideur, indice certain de contracture.
Enfin cette contracture cède sous l'influence de la ma-
laxation du membre.
Pour terminer, nous rapporterons l'observation sui-
vante qui met bien en relief et les différences qui sé-
parent l'état cataleptiforme de l'état cataleptique véri-
table et les liens qui rattachent cet état cataleptiforme
au phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
31 janvier 188t. C.. s'endort facilement par la pression sur
les globes oculaires et sur les tempes. L'état de somniation ainsi
produit se caractérise par l'exaltation des réflexes tendineux
et par la tendance des muscles à la contracture, sous l'influence
de l'excitation mécanique soit des tendons, soit des nerfs, soit
des masses musculaires.
L'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'est pas générale. Elle
n'existe pas à la face'.
Nous essayons de produire l'état cataleptique par l'ouverture
des yeux. Les paupières se laissent assez facilement soulever,
mais les globes oculaires sont convulsés en haut et à droite.
L'état cataleptique que nous obtenons ainsi est imparfait,
les membres conservent bien les attitudes communiquées ; mais
les frictions à la surface du membre les font cesser ; l'hyperexci-
tabilité neuro-musculaire est conservée, et les réflexes ten-
dineux persistent. Il est aisé de reconnaître là l'état catalepti-
forme. - En effet, en insistant sur l'ouverture des yeux, les
globes oculaires s'abaissent et le regard devient fixe. Dès lors
la catalepsie est parfaite. Les membres sont souples, légers
à mouvoir; les attitudes communiquées ne sont plus modifiées
par la friction du membre; plus de réflexes tendineux, ni
d'hyperexcitabilité neuro-musculaire.
Ce qui précède montre bien les différences qui existent entre
l'état cataleptique vrai et l'état cataleptiforme. Dans le cours
de la même séancenous avons fait sur cette même malade une
expérience destinée à mettre en lumière les connexions qui
1 L'hyperexcitabitité neuro-musculaire s'est développée plus tard à la
face chez cette malade.
318 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
relient cet état cataleptiforme au phénomène de l'hyper-
excitabilité neuro-musculaire.
Cette expérience consiste à produire sur un segment de
membre l'état cataleptiforme pendant la phase de léthargie.
Il suffit simplement pour cela de malaxer légèrement toute
la surface de ce segment de membre, pour obtenir au lieu d'une
contracture localisée, une sortederoideur généralisée, qui per-
met à cette partie du membre de conserver les diverses atti-
tudes communiquées. C'est alors qu'on observe, lorsque l'on
cherche à varier les positions, la véritable flexibilitas cerea,
ou bien encore la roideur des mannequins de peintre dont
parlent les auteurs.
Il semble alors que cette sorte d'état cataleptique est bien
due à un léger degré d'hyperexcitabilité neuro-musculaire
développée par la manoeuvre que nous avons dite ; car il suffit
d'exercer quelques frictions sur le membre pour faire cesser
toute roideur et en même temps toute apparence d'état catalep-
tique.
E. L'hyperexcitabilité neuro-nzusculaire qui se montre
à son plus haut degré de développement pendant le
sommeil hypnotique, peut exister à quelque degré
pendant la veille.
Enfin nous avons reconnu, dans le cours de nos
expériences, que l'hyperexcitabilité neuro-musculaire
pouvait être observée chez nos malades en dehors de
l'état hypnotique, pendant la veille.
. Ce n'est ordinairement qu'un premier degré de l'hy-
perexcitabilité neuro-musculaire que l'on observe
alors. Cela se borne, le plus souvent, à la transforma-
tion en contracture du réflexe tendineux. Mais parfois
le phénomène peut devenir plus complet : la contrac-
ture localisée peut être obtenue parla malaxation des
masses musculaires, et la pression des nerfs. D'ailleurs
les résultats que l'on obtient dans ces conditions n'é-
RECUEIL DE FAITS. 319 j
gâtent jamais ceux qui sont observés pendant l'état de
sommation. Nous ajouterons que ces phénomènes n'ont
rien de général. Ils ne s'observent pas chez toutes les
hystéro-épiteptiques, et telle qui, pendant la veille,
n'offre aucune tendance à la contracture musculaire,
peut n'en présenter pas moins, pendant l'état de som-
mation, les signes les plus complets de t'hyperexcitabi-
lité neuro-musculaire. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
Note sur les altérations DE la moelle épinière RLNCON-
TRÉES dans un cas DE pied BOT VARUS équin; par le
Dl A. PITRES.
Le nommé B..., âgé de soixante-treize ans, mort de broncho-
pneumonie le 33 décembre 1879, était depuis plusieurs années à
l'hospice des incurables de Bordeaux (service de M. le Dr Solles).
Cet homme, d'une intelligence très bornée, presque idiot, était
atteint d'un tremblement général, sur le début duquel il n'ajamais
pu fournir aucun renseignement précis. Il avait en même temps un
pied bot varus équin du côté gauche. Le pied était fortement ren-
versé en dedans, et pendant la marche, ilreposait sur le sol par son
bord externe. Le malade affirmait qu'il était venu au monde avec
cette infirmité. Toutes les masses musculaires du membre inférieur
gauche étaient plus grêles que celles du côté opposé. La sensibilité
générale était parfaitement conservée.
A l'autopsie, les muscles de la jambe et du pied n'ont pas été
disséqués. Seuls le cerveau et la moelle ont été l'objet d'un
examen attentif qui a révélé les particularités suivantes :
L'encéphale est volumineux. Les vaisseaux de la base sont sains.
La pie-mère présente çà et là quelques adhérences avec la substance
320 RECUEIL DE faits.
corticale. Les ventricules latéraux sont très dilatés et remplis de
liquide séreux. L'épendyme ventriculaire est très épaissi, avec
une apparence chagrinée ou réticulée selon les points. Le septum
lucidum est ferme, résistant, satiné sur ses deux faces ; pas de
tractus fibroïdes réticulés, semblables à ceux qu'on observe dans
les autres points des parois ventrieulaires. Nulle part dans l'encé-
pliale on ne trouve de lésions en foyer. La moelle a été durcie
dans une solution à 2 p. 100 de bichromate d'ammoniaque. Après
durcissement, elle parait à l'oeil nu tout à fait normale, depuis son
extrémité supérieure, jusqu'à l'origine du renflement lombaire.
Au niveau de ce renflement et dans une longueur de cinq centi-
mètres environ, les racines antérieures du côté gauche sont
manifestement atrophiées. En pratiquant des sections transversales
dans la portion du renflement qui correspond aux racinesatrophiées,
on remarque une diminution de volume très appréciable de la
moitié gauche de la coupe. La corne antérieure de substance grise
est d'un bon tiers moins volumineuse à gauche qu'à droite. La
corne postérieure gauche parait également un peu moins développée
que la droite. ( ? 8.)
-Sur des coupes fuies colorées au carmin et montées dans le
baume de Canada par les procédés ordinaires, il est facile de
constater que la corne antérieure gauche est profondément alté-
rée dans sa structure. Elle présente une coloration rouge vif uni-
forme, son tissu dense fibroïde est traversé par de gros vaisseaux
sanguins à parois épaisses. Avec un grossissement de quarante
à cinquante diamètres, on y distingue une grande quantité de
fig. 28.
recueil DE faits. 32)
corps granuleux. Enfin les cellules nerveuses y font absolument
défaut.
La corne antérieure du côté droit présente au contraire toutes
les apparences de l'état normal, les cellules nerveuses y sont en
grand nombre, munies de beaux prolongements. Les vaisseaux qui
la traversent sont sains; on n'y aperçoit pas de corps granuleux.
Les commissures, les cordons de substance blanche, les cornes
postérieures ne paraissent pas altérées. La corne postérieure
gauche est un peu plus grêle que la droite, mais sa structure ne
parait pas sensiblement modifiée. Au dessus du renflement lombaire,
dans les régions dorsale et cervicale, ou ne trouve aucune altéra-
tion. Les cornes antérieures ont le même développement à droite
et à gauche et renferment la même quantité de cellules nerveuses
saines.
Réflexions. Autant qu'on peut en juger par les faits pu-
bliés jusqu'à ce jour, le pied bot est dans un certain nombre
de cas la conséquence des lésions limitées de la moelle épinière.
Michand en 15î0', M. Déjerine en 1875 en ont rapporté
chacun une observation très démonstrative. Le fait qu'on vient
de lire présente certaines analogies avec ceux qui ont été pu-
bliés par Michaud et par M. Déjerine. Dans notre cas cepen-
dant, les altérations sont plus exactement limitées à la corne
antérieure de substance grise. Il ne s'agit pas là d'un foyer
de myélite banale. Et s'il était bien démontré que dans ce cas
le pied bot fût réellement congénital, il faudrait en conclure
qu'une lésion nettement systématisée de la corne antérieure
peut se produire pendant la vie foetale et donner lieu à des pa-
ralysies atrophiques limitées, tout à fait semblables à celles
qui caractérisent les paralysies atrophiques spinales de l'en-
fant et de l'adulte.
11 est à peine besoin d'ajouter que tous les cas de pied bot
ne dépendent pas des mêmes conditions pathogéniques. Il
existe en ell'et des observations très régulières de pied bot
anciens, dans lesquelles la moelle méthodiquement examinée
a été trouvé tout à fait saine. 1\111. Coyne et Troisier3. M. Tho-
' Miehaud. Note sur la pathogénie du pied bot congénital à propos
d'un exemple d'une difformité de ce genre paraissant liée à une lésion
congénitale de la moelle épinière. (Archives de Physiologie, 1S74, p. 586).
' Déjerine. Note sur l'état de la moelle épinière dans un cas de
pied bol varus équin. (Archives de Physiologie, 1815, p. 253).
- Coyne et Troisier. Pied bot varus congénital double : examen de
la moelle épinière. (Archives de Physiologie, 1871-1872, p. 655).
' 21
322 RECUEIL DE FAITS.
rens ' ont rapporté des cas qui ne laissent aucun doute à cet
égard et qui démontrent la nécessité d'établir dans l'histoire
du pied bot un certain nombre de divisions correspondant à
des altérations anatomiques différant les unes des autres.
HÉMIPLÉGIE SPINALE AVEC ANESTHÉSIE CROISÉE DANS UN CAS
DE mal DE POTT sous-occipital ; par E. Troisier, Pro-
fesseur agrégé, et LETULLE, ancien interne des hôpitaux.
On connaît la théorie de M. Brown-Séquard sur la transmis-
sion des impressions sensitives dans la moelle épinière; cet
éminent physiologiste soutient que les éléments sentitifs s'en-
trecroisent d'une façon complète au niveau des commissures,
de sorte qu'une impression produite sur la moitié gauche du
corps, se transmettrait à l'encéphale par la moitié droite de la
moelle, et réciproquement. M. Brown-Séquard cite à l'appui
de cette hypothèse un certain nombre de faits observés chez
l'homme, où la paralysie du mouvement existait d'un côté
du corps avec conservation de la sensibilité, taudis qu'il y
avait une anesthésie plus ou moins complète du côté opposé.
L'observation suivante est un exemple très net de cet
ensemble symptomatique si curieux, sur lequel M. Brown-
Séquard a le premier attiré l'attention s.
Ferdinand F..., âgé de dix-neuf ans, ouvrier relieur, fut admis
le 2 ! ) avril 1880 à l'hôpital de la Charité, dans le service de
M. Vulpian (suppléé par M. Troisier).
Ce jeune homme fait remonter le début de sa maladie au mois
d'octobre de l'année précédente ; a cette époque il commença à
ressentir au niveau de la nuque une douleur sourde qui s'accompa-
gnait d'élancements vers la région occipitale; les mouvements de
1 Thorens. -- Documents pour servir à l'histoire du pied bot varus
congénitale (Thèse de doctorat, Paris, 1873, Obs.III'.
' Brown-Séquard. Journal de la Physiologie de l'homme et des
animaux, vol. Yt. Archives de Physiologie normale et pathologique,
t. Il, 1869. Voyez également à ce sujet les Leçons sur les maladies du
système nerveux de 5 ! . Charcot (7e leçon) et le remarquable article de
M. Vulpian sur la physiologie de la moelle épinière dans le Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales. -
RECUEIL DE faits. 323
la tête s'exécutaient avec une certaine gêne. Cet état s'aggrava
insensiblement et quelque temps avant son entrée à l'hôpital,
F... s'aperçut que sa force musculaire diminuait notablement du
côté droit. Depuis huit jours, il existe une véritable paralysie du
'membre supérieur droit; le membre inférieur est atteint, mais à
un moindre degré; F... peut marcher et, le 29 avril, il vient à pied
à la Charité.
Etat actuel. La tête est immobile, légèrement inclinée à droite ;
cette attitude s'accompagne d'un certain degré de torsion du cou,
de sorte que le menton est rapproché de l'épaule droite. Les mou-
vements volontaires de la tête sont très gênés : la rotation à gauche
est presque impossible, la rotation à droite est très limitée. La
flexion s'exécute d'une façon à peu près complète, la tête restant
inclinée à droite; mais le mouvement d'extension est si limité, que
c'est à peine si le malade peut relever le menton de la position
qu'il occupe. Les mouvements communiqués ne sont pas plus éten-
dus que les mouvements volontaires. Dans l'exécution de ces
mouvements, il se produit une vive douleur au niveau de la nuque.
La partie postérieure du cou présente une déformation très
accusée, qui est en rapport avec la torsion que nous venons de
décrire; cette région présente, à la palpation, un empâtement
profond. La pression y est douloureuse. Les ganglions cervicaux ne
sont point engorgés. Le toucher de la gorge ne révèle rien
d'anormal.
Le malade éprouve de temps en temps des douleurs lancinantes,
qui s'irradient de la nuque vers le crâne en suivant la direction des
branches sous-occipitales.
11 existe une paralysie incomplète des membres du côte droit.
Les mouvements volontaires du membre supérieur sont encore
possibles, mais très limités. La force musculaire est considérable-
ment diminuée; mesurée au dynamomètre, elle est de cinq
divisions, tandis qu'elle est de vingt-huit à gauche. La parésie est
moins prononcée au membre inférieur; la jambe traîne à peine
pendant la marche, le malade peut même se tenir debout sur le
pied droit pendant quelques instants. Il n'a pas d'hémiplégie
faciale.
La sensibilité est conservée à droite au niveau des membres, du
tronc et de la face. 11 n'en est pas de même à gauche; de ce côté
elle est diminuée au simple contact, à la piqûre, au pincement et
au froid, dans toute l'étendue du membre supérieur, du membre
inférieur et du tronc, jusqu'à cinq centimètres environ au-dessous
du mamelon. L'anesthésie se retrouve sur le côté gauche du scro-
tum, de la verge, du gland, de la marge de l'anus. Elle s'arrête
exactement, en avant et en arrière, à la partie médiane du corps ;
mais elle ne dépasse pas en hauteur le mamelon gauche ; elle
n'existe ni au cou, ni à la tête.
324 RECUEIL DE FAITS.
Les mouvements réflexes provoqués par le chatouillement de la
plante des pieds sont à peu près les mêmes à gauche et à droite ;
le réflexe rotulien est un peu plus prononcé à droite qu'à
gauche.
La peau du côté droit est plus chaude que celle des parties liomo-«
logues du côté gauche; cette différence est très appréciable à la
n).>in. Avec le thermomètre on obtient les résultats suivants :
RECUEIL DE FAITS. 325
d'une façon moins nette qu'adroite; la sensibilité à la température
n'est point encore revenue, l'application d'un corps froid ne donne
lieu qu'à une sensation de contact, sauf en quelques régions (au
niveau des dernières côtes, sur les fesses) où elle produit des four-
millements.
La paralysie du 'côté droit tend t diminuer, les mouvements
du membre supérieur sont un plus étendus, mais la force muscu-
laire ne dépasse pas encoie cinq divisions au dynamomètre; la
marche est plus facile.
Les phénomènes locaux ne s'amendent point beaucoup. On con-
tinue les cautérisations ponctuées tous les huit jours.
VA juillet. Du côté gauche, l'état de la sensibilité au contact, à
la piqûre et au pincement s'est encore amélioré, sans être normal
cependant; le froid détermine toujours une sensation de fourmille-
ments. Du côté droit, la force musculaire ne s'est point accrue,
mais les mouvements volontaires du bras sont plus étendus. Les
mouvements de rotation de la tête sont un peu plus faciles; le cou
est moins raide, la nuque est moins large, moins empâtée. L'état
général est excellent, le malade engraisse visiblement. Il pèse
quarante-huit kilogrammes.
26 août. La sensibilité au contact et à la douleur est encore très
légèrement émousséc à gauche; la sensibilité au froid est revenue-
La paralysie du bras droit diminue de jour en jour.
5 octobre. L'anesthésie complètement disparu du côté gauche.
A droite la sensibilité tactile de la main a subi une modification
singulière ; le malade sent bien qu'il tient quelque chose, mais il ne
sait apprécier la forme de l'objet qu'il touche. Les mouvements
d'extension et d'élévation du bras droit se font très facilement ; la
force musculaire donne au dynamomètre vingt-cinq divisions pour
la main droite et quarante-cinq pour la gauche. Il s'est produit un
peu d'atrophie de la main droite, l'éminence thénar est moins
saillante que du côté opposé. Il n'y a plus de claudication, seule-
ment le malade ressent encore de la faiblesse dans la jambe droite
lorsqu'il a marché pendant un certain temps. La rotation de la
tête à gauche s'exécute un peu plus facilement qu'au début ; la
pression sur les apophyses épineuses des deux premières vertèbres
cervicales ne détermine presque plus de douleur ; l'empâtement du
cou diminue.
^'novembre. L'exploration de la force musculaire donne
quarante-trois divisions à droite et quarante-six à gauche. Le poids
du malade est de 12 kilogrammes.
La sensibilité tactile est toujours modifiée à la face palmaire de
a main droite et des doigts, le malade ne se rend pas compte de
la forme et de la nature des objets qu'il louche; il a cerendan
conservé la sensation de contact et la notion du poids. Il lui arrive
326 RECUEIL DE FAITS.
lorsqu'il n'est pas guidé par la vue, de laisser tomber ce qu'il a
dans la main, comme son assiette, sa cuiller.
27 novembre. F... se sent en état de reprendre son travail ;
M.Vùlpian.qui a repris son service depuisle 13 octobre, l'autorise à
quitter l'hôpital. A cette époque, l'hémiplégie droite avait pour
ainsi dire disparu, et il n'y avait plus d'anesthésie à gauche. L'ob-
tusion de la sensibilité tactile de la main droite persistait avec les
mêmes caractères, mais à un moindre degré.
Les mouvements delà tête étaient presque normaux, à l'exception
de la rotation à gauche. Ils n'étaient accompagnés d'aucune douleur;
même lorsque le malade les exécutait brusquement.
Nous avons revu ce malade pour la dernière fois le 10 décembre
1881, c'est-à-dire plus d'un an après sa sortie de l'hôpital. La rota-
tion de la tête à gauche se faisait toujours d'une façon incomplète ;
les autres mouvements de la tête sur le cou étaient faciles et non
douloureux. L'axis présentait surtout du côté droit un épaississe-
ment très appréciable à la palpation, sans empalement des parties
molles.
La force musculaire était peut-être un peu moins prononcée à la
main droite qu'à la maingauclie; c'étaitle seul vestige del'hémiplé-
gie dont il avait été atteint. Quant à la sensibilité, elle était
conservée dans tous ses modes, à droite comme à gauche.
L'observation qui précède nous paraît remarquable à plusieurs
titres. L'hémiplégie spinale avec anesthésie croisée qui s'est
produite lentement et progressivement dans le cours du mal de
Pott sous-occipital dont notre malade était atteint depuis plu-
sieurs mois, ne pouvait dépendre que d'une compression de la
moelle épinière au niveau de la région cervicale; et l'on peut
supposer que la compression était due, comme dans la plupart
des cas de ce genre, àunépaississementlimité de la dure-mère.
Mais dans quelle étendue la moelle a-t-elle été comprimée ? à
quel degré était-elle altérée ? C'est ce que nous ignorons,
puisque ces accidents ont été transitoires et que l'affection ver-
tébrale elle-même a subi un temps d'arrêt qui permet d'espérer
une guérison définitive du mal. Il est probable que la pachy-
méningite caséeuse était peu étendue, qu'elle siégeait princi-
palement à droite et qu'elle atteignait la moelle épinière de ce
côté. Mais la lésion était-elle exactement limitée à la moitié
droite de la moelle, et la compression ne s'exerçait-elle que sur
cette moitié ? Quoiqu'il en soit, cette observation démontre une
fois de plus la disposition de la paralysie motrice et de l'anes-
thésie par suite d'une compression ou d'une altération partielle
RECUEIL DE FAITS. 327
de la moelle épinière ; et il est permis, avec les réserves que nous
avons faites, de la présenter en faveur de la théorie de M. Brown-
Séquard sur la transmission des impressions sensitives dans la
moelle épinière.
Nous avons exploré bien souvent l'état de la sensibilité du
côté droit ; jamais nous n'avons constaté la zone transversale
d'anesthésie qui, d'après M. Brown-Séquard, limiterait par en
haut la paralysie motrice.
La paralysie du mouvement était plus prononcée au membre
supérieur qu'au membre inférieur, tandis que l'anesthésie
était égale en intensité et présentait les mêmes caractères dans
toute la partie du côté gauche qu'elle occupait. Quant au
retour de la sensibilité, il s'effectua progressivement et pour
ainsi dire parallèlement au retour du mouvement du côté
opposé. La sensibilité au simple contact et la sensibilité aux
excitations douloureuses (piqûre, pincement) reparurent d'abord
. peu à peu et devinrent de moins en moins obtuses ; lasensibilité
à la température fut la dernière à se montrer et à redevenir
normale. Pendant plusieurs jours, l'application d'un corps
froid ne donnait lieu qu'à une sensation de contact ou pro-
voquait une sensation de fourmillements; ce sont là des parti-
cularités qui se retrouvent dans un grand nombre d'observa-
tions.
Notons en terminant la terminaison favorable du mal verté-
bral chez un malade d'ailleurs indemne de tuberculisation
pulmonaire ou autre. Nous ne croyons pas nous abuser en
attribuant aux cautérisations ponctuées une grande part de
l'amélioration qui s'est produite.
1'IÉ ? IINGO-EVCÉPIIALITE CHRONIQUE GÉNÉRALISÉE CHEZ UN ENFANT ;
- par BOURNEVILLE et WUILLAMIÉ.
Un examen attentif des idiots permet de distinguer un cer-
tain nombre de classes différant les unes des autres par des
symptômes cliniques et par des lésions anatomo-patho-
logiques. A côté des idioties par hydrocéphalie, par micro-
eqoAa/M, il y en a qui reconnaissent pour cause tantôt une
sclérose atrophzque (atrophie cérébrale), tantôt une sclérose
328 RECUEIL DE faits.
hypertrophique ou tubéreuse ? D'autres idioties enfin sont dues
à une méningo-encéphalile chronique généralisée, rappelant
tout à fait par ses caractères antomiques les lésions de ]apM)'a-
lysie générale. C'est à ce dernier groupe qu'appartient le cas
suivant. -
OBSERVATIO,N. - 1(liOtiC, épilepsie. Abcès de la marge de l'anus.
Mère : convulsions dans l'enfance, migraines. Grand-père ma-
ternel : excès de boisson, crises convulsives. Dc : <a; coïMM.f :
aliénés. Pas de consanguinité. Premières convulsions ci trois
mois; prédominance à gauche, paralysie ci gauche, contracture.
Affaiblissement progressif : mort. Autopsie : méningo-encépha-
lite ; ablation presque totale de la substance grise.
Dub... (Cliarles-Antonin), âgé de douze ans, est entré à Bicêtre
(service de M. Bourneville), le 21 janvier 4881.
Antécédents. (Renseignements fournis par la mère de l'enfant.)
Père, 38 ans, marin, puis comptable. Bien portant, mais sujetà des
maux de tête depuis quatreans; doux quoique colérique , pas de trace
de syphilis, a chiqué autrefois dans ses voyages; aurait eu des con-
vulsions jusqu'à l'âge de six ou septans. [Son pére eslmorl subitement
(' ! ); il était sobre. Sa mère, mariée à quinze ans, mère à seize, « de
caractère volage », s'est séparée de son mari et a disparu. Ni frère
ni smtr; pas d'antécédents héréditaires nerveux dans la famille.]
Mère, 34 ans, couturière, a eu des convulsions jusqu'à l'âge de sept
ou huit ans; elle est nerveuse et sujette, depuis la puberté, à des
palpitations et à des migraines au moment et à la suite des règles;
elle a des cauchemars depuis quelque temps : rêve qu'elle court, qu'elle
cherche son enfant, etc. Elle n'a jamais eu d'attaque de nerfs, ni
de syncope ; elle est fortement marquée d'une variole contractée en
1780 ; pas de trace de scrofule, de dartre, ni d'herpétisme. [Son père
a toujours fait de nombreux excès de boisson (vin); il est très
nerveux et a tous les cinq ou six mois, depuis une dizaine d'années,
des crises convulsives dans lesquelles il se mord la langue. Sa mère est
bien portante, un peu nerveuse. Un frère est mort d'une fièvre
cérébrale à trois ans ; deux cousins de la troisième génération ont
été aliénés. Pas d'autres cas d'hérédité dans la famille.]
Pas de consanguinité.
Un seul enfant, notre malade. Grossesse agitée, antérieure au
mariage des parents : a J'aipleuré pendant les neuf mois et mon père
m'a battue plusieurs fois. » Au sixième mois peur, mais sans sjn-
1 Voir : Bourneville. - Notes sur l'idiotie (Archives de neurologie, t. 1,
p. 69, 391), et Recherches cliniques et </tn'6). sur l'epilepsie, l'hystérie
l'idiotie, p. 72-73.
RECUEIL de faits. 339
copc, à la vue d'un lion dans l'étalage d'un marchand de four-
rures ; accouchement naLurel à Lerme; Duh ? a été élevé au sein
par une nourrice jusqu'à un an. Les premières convulsions sont sur-
venues vers ou 3 mois et se sont renouvelées tous les mois. Dub...
a marché à un an. A partir de là, après chaque crise convulsive, il
était un ou deux jours sans pouvoir marcher. Il a été propre quinze
mois : la dentition a été régulière. 11 a eu à dix-huit mois un abcès
derrière l'oreille qui a suppuré si longtemps, que la nourrice,
« sur la recommandation d'un saint », est allée promener l'enfant,
'tête nue, dans « un champ de seigle au moment de la rosée ». Pas
de résultat immédiat à la suite de ce traitement. Sa mère le reprit
avec elle à l'âge de quatre ans. Il n'a pas eu de convulsions, durant
cet intervalle (18 mois-2 ans); il parlait bien et prononçait distincte-
ment tous les mots; il apprenait convenablement à lire, était très
caressant.
Les convulsions reparurent à quatre ans, sous forme d'Linét(it de mal
qui dura cinq ou six heures et daiislequel elles cl(ilis 1(t
moitié gauche du corps et de la face. Dub... se rétablit au bout de
deux jours et put marcher sans traîner la jambe. Comme par le
passé, les crises convulsives redevinrent mensuelles. Vers l'âge de
huit ans, il eut un autre état de mal qui dura 67 heures, dans lequel
on constata encore la prédominance des convulsions v gauche. Il dut
garder le lit pendant un mois et nous n'avons pu savoir s'il y eut
de la paralysie à la suite de ces convulsions; seulement, quelque
temps après, on remarqua «qu'il laissait tomber les objets de la main
gauche ». Bientôt les crises devinrent plus fréquentes ( plusieurs
par mois) et chacune durait trois ou quatre heures. Il les sentait
venir, et, dans les ingt minutes qui les précédaient, il disait sans
cesse : « Ma petite mère,je suis étourdi; ma petite mère,j'ai mal au
coeur », et à chaque fois sa ligure devenait jouge ; puis, à la suite
d'un étourdissement ultime. il poussait un cri sourd, plaintif, pro-
longé et était pris de convulsions. Un jour la crise débuta par une
sorte d'hallucination : « Oh ! ma petite mère, toutes ces couron-
nes ! » .
Ce fut le 12 juin 1880, que, après une crise de six heures, avec
prédominance des convulsions à gauche, on nota une paralysie du
bras et de la jambe de ce côté. L'enfant eut alors beaucoup de fièvre
pendant assez longtemps et on dit aux parents qu'il avait une
méningite. 11 ne vomissait pas, mais gâtait dans son lit. 11 put
se relever au bout de deux mois, mais ce ne fut que dans le troi-
sième mois qu'il put commencer à marcher en traînant la jambe.
Dans lasuite, la paralysie de la jambe a diminué, mais il la traîne
encore et le pied s'est déformé. Vers le même moment, le bras
paralysa s'est contracture. Durant les trois ou quatre mois qui
suivirent cette crise, pas d'autres accès, mais le malade se plaignait
souvent de la tête, des oreilles et criait. Enfin, il amoisenviron
330 RECUEIL DE faits.
que les accès sont revenus; ils sont presque quotidiens, durent
20 ou 30 minutes et sont identiques à ceux que nous avons décrits.
Depuis la crise de juin 1880, modification considérable de l'intel-
ligezzce, parole difficile, écriture presque impossible. Dub... est devenu
méchant, s'agace facilement, secoue les meubles, casse, déchire; une
fois il a voulu s'en aller et on a dû l'enfermer. Pas de gourmandise,
de kleptomanie, de pyromanie. Dès sa première enfance, son
sommeil était agité; il faisait des bonds dans son lit, mais n'avait pas
de peurs. « Avant sa dernière maladie, il n'avait peur de rien ;
maintenant, il est craintif comme il ne l'a jamais été. » 11 est rede-
venu propre depuis deux mois ; parfois encore il urine au lit, la
nuit. La mère ne signale pas d'onanisme.
État actuel. Le crâne offre une saillie spéciale de l'occipital
qui est divisé en deux plans par une crête transversale siégeant à
sa partie moyennne ; les apophyses mastoides sont très développées.
De la bosse occipitale externe à la racine du nez, en passant par
le vertex, on mesure 38 c.; d'une oreille à l'autre, 30 c. La circon-
férence de la base du crâne donne 52 c. La face est régulière,
symétrique, profondément émaciée. Le front est large ; la suture
médiane des deux moitiés du frontal est saillante; les bosses fron-
tales sont peu saillantes; aplatissement des arcades sourcilières;
excavation cachectique des fosses temporales; nez aquilin;- yeux
profondément excavés, cils bruns, pupilles égales, pas de strabisme ;
bouche moyenne, lèvres fines ; oreilles bien ourlées, lobules
bien détachés ; maxillaires réguliers, dents bien rangées, com-
plètes, mauvaises, petites, espacées; voûte palatine, voile du palais,
piliers normaux; luette rudimentaire, amygdales normales.
Le eoM est long et grêle. Le thorax offre une incurvation
générale de la colonne vertébrale avec concavité gauche, il est très
amaigri. Aucune malformation congénitale ni aux membres
supérieurs, ni aux inférieurs, qui sont longs et grêles. Le bras
gauche est contracture dans la demi-flexion, le pied gauche est
médiocrement déformé, et ne repose que sur la pointe dans la
marche.
Peau : cheveux noirs, clair-semés', sourcils et cils noirs, longs,
plus épais ; pas d'adénites. - 4rgn,rzes génitaux : verge petite, peu
développée ; testicules descendus.
Intelligence. A son entrée, le malade a été envoyé à l'école, mais
on n'a rien pu en faire. Il est donc resté soit à la petite école, soit
à l'infirmerie. Il passait parfois toute la journée sans rien dire;
d'autres fois il faisait avec la main signe d'approcher, et quand on
était près de lui : « J'ai faim, disait-il, j'ai soif, du pain, du chocolat,
maman va venir. » Son vocabulaire était excessivement restreint.
D'autres fois, il cherchait à donner des soufflets, 1 mordre ; il re-
connaissait sa mère, mais ne lui faisait aucune caresse. Il mangeait
seul, assez proprement, se servant d'une cuiller tenue de la main
RECUEIL DE faits. 331
droite; pas de voracité, ni de salacité; pas de bave. Il ne suce
pas, ne grince pas des dents. Il demande le bassin le jour, et
gâte la nuit; il n'aide pas à s'habiller.
28 février. Trois accès hier; le soir T. R. 38° ; nuit tranquille.
Ce matin, abattement, refus de manger. Cet état est la règle chez
lui à la suite des accès.
13 avril. Depuis deux jours, diarrhée à laquelle a bientôt suc-
eédé de la dysenterie, selles fréquentes, peu abondantes, pas de
ténesme. Décoction de poudre d'ipéca et 414 lavement avec 0,50 de
nitrate d'argent. T. R. 38", 4. Soir : T. R. 39°. Deux accès.
14 avril. T. R. 39°. Soir : T. R. 39°, 4.
45 avril. T. R. 39°. Soir : T. R. 39", 8. Trois accès.
16 avril. T. R. 38°,4. Les selles dysentériques et glaireuses per-
sistent, le sphincter est comme paralysé et laisse couler une certaine
quantité de liquide; langue humide, saburrale, pas de vomisse-
ments, ventre non ballonné. Donner 4 gr. d'ipéca comme vomitif,
continuer la décoction d'ipéca et les lavements au nitrate d'argent ;
eau albumineuse pour boisson; lait comme aliment.
17 et 18 avril. T. R. 38°. - Soir : T. R. 39°,4.
19 avril. T. R. 38°. Soir : T. R. 38°. Pas de sang dans
les selles. Continuer le régime.
20 avril. T. R. 37°,8. Soir : T. R. 37°,8.
21 avril. T. R. 37°,8. Soir : T. R. 39°,4. Cinq accès.
22 avril. - T. R. 38°. Apparition sur la marge de l'anus d'une
rougeur érysipélateuse, qui empiète surtout sur la fesse gauche
sous forme d'un bourrelet rouge, induré, large de trois travers de
doigt ; elle intéresse moins l'autre fesse. A son niveau on sent un
noyau d'induration. Application de compresses d'eau de sureau;
bouillons, potages, lait. Soir : T. R. 4G°,4.
23 avril. La verge n'est pas envahie; le scrotum se dégage :
disparition de la rougeur et du gonflement. T. R. 40°. Soir. T. R.
40",2.
24 avril. T. R. 39°,8 ? Soir : T. R. 39°, 8.
5 avril. - T. R. 39°. - Soir : T. R. 38°,8. La limitation de
l'érysipèle s'est bien effectuée et il ne persiste un peu d'induration
qu'a la marge de l'anus. Potion de Todd et julep avec extrait de
quinquina, 3 gr.
26 avril. T. R. 38°,8. Soir : T. R. 39°.
27 avril. T. R. 39°. Soir : T. R. 38°,8.
28 avril. T. R. 38°,4. Diarrhée persistante. Pendant qu'on
nettoyait D..., il s'est ouvert un petitabcès dans le pli interfessier, un
peu à gauche. -1 gr. 50 d'ipéca; bouillon et lait.
29 avril On sonde la plaie avec un stylet ; il existe un décolle-
ment considérable à gauche du périnée s'étendant en avant, mais
332 recueil de faits.
surtout en arrière; le stylet glisse en avant sur les téguments jus-
qu'à la racine des bourses; en arrière il glisse entre les téguments
et l',tpoiiévros-- jusqu'au coccyx. Débridement des clapiers en de-
dans et en arrière; pansements avec des mèches; injections phéni-
quées deux fois par jour. T. R. 38",4. Soir : T. R. 39°.
30 avril. L'écoulement du pus se fait très incomplètement vu
la profondeur du clapier; on fait une contre-ouverture avec le
trocart courbe, et on passe un drain de moyen calibre. Le malade
est très faible. Traitement : Sulfate de quinine 0,0. Julep avec 3
gr. d'extrait de quinquina et HO gr. de rhum. Vin de quinquina.
Café. Deux pansements par jour. T. R. 381,6. Soir : T. R. 39",8.
1°r mai. T. R. 391,&. Dans la nuit un frisson suivi de convul-
sions internes ( ? ). - Ce matin, D... est prostré, pâle, les yeux
caves; le pouls est à I ? 0. Nouvelle dose de 0.20 de sulfate de quinine ;
sirop d'éther 40 gr. ; sinapismes. - Soir : T. R. 39°, 2.
2 mai. T. R. 391,2; l'état local esL excellent, la plaie a bon
aspect, le pus est bien lié; état général médiocre. Soir : t. R. 39".
3 mai. - T. R. 381,6. Soir : T. R. 38°,G.
4 mai. - T. R. 38",2 2 la plaie est belle, peu d'inflammation au
pourtour; un peu moins d'abattement; appétit médiocre. Côte-
lette. Soir : T. R. 38",2.
3 mai. T. R. 38°. Malgré son aspect cachectique, le malade ne
tousse pas; tout état inflammatoire a disparu autour de la plaie.
Soir : 38°.
6 mai. T. R. 38°. - Soir : 381.
7 ? n(ti. T. IL 38°. - Soir : 3S°,2.
8 moi. T. R. 38°. On enlève le drain ; la plaie est devenue un
peu fongueuse ; on la pansera au vin aromatique. Sirop d'iodure
de fer et viande crue : ;0 gr. -Soir : T. H. 38°.
9 mai. T. R. 38°,8. Soir : T. R. 38",8.
10 mai. T. R. 38°, i. Soir : D... a eu un accès dans l'après-
midi ; T. R. 39°.
1 mai. T. R. 381,6. Constipation : limonade purgative.
Soir : T. R. 38°,8.
il mai. T. R. 38°,2. Soir : T. R. 38".
13 mai. T. R. 38°. La plaie marche vers la cicatrisation com-
plète. - Soir : T. R. 38°,h. Le I 4, deux accès, etc.
30 mai. Depuis quinze jours la température oscille entre 38°
et 38°,8 ; la plaie est presque fermée ; mais le décubitus prolongé
a provoqué des eschares qui, bien que superficielles, vont en s'é-
largissant. Panser avec de la poudre de quinquina et coucher le
malade sur un matelas à air.
9 juin. La température oscille toujours autour de 38°. La ci-
atrisation est presque complète ; les escharres persistent et bour
RECUEIL DE faits. 333
geonnent : on les cautérise au nitrate d'argent. Bain salé tous
les deux jours. Même prescription et même régime reconstituant.
T. R. 3 î°,S. - Soir : T. R. 38°.
33 août. La plaie est depuis longtemps absolument cicatrisée ;
néanmoins Dub... est trop affaibli pour être levé ; il reste au lit,
recoquevillé sur lui-même, indifférent à ce qui l'entoure ; pas de
fièvre ; depuis hier la diarrhée, arrêtée à grand'peine, a reparu avec
assez d'intensité ; peu d'appétit. Julep avec 4 gr. de sous-nitrate de
bismuth.
4 totit. Moins de diarrhée ; l'état cachectique s'accentue de
jour en jour : pas de fièvre; pouls petit et misérable ; bouche et
langue sèches, pas de muguet, pas de vomissements, refus de man-
ger ; le ventre est rétracté en bateau; amaigrissement profond,
saillie des apophyses malaires, excavation des joues et des tempes,
yeux creux, cernés, ternes, rictus sardonique, saillie des côtes, du
sternum, des reliefs du bassin, des ischions; les membres montrent
les reliefs musculaires et les fosses iscliio-rectales sont comme évi-
dées. 'Traces de duvet cachectique à la lèvre supérieure et au niveau
des branches du maxillaire inférieur; quelques poils aux membres,
sur le dos, le sacrum, au pubis ; rien aux aisselles. Ulcérations ca-
chectiques : le sur la tête du troisième métacarpien gauche ; 2° à
la jonction du pouce droit et de l'index; 3° sur le tendon d'Achille
gauche ; 4° sur le bord externe du pied gauche; 50 sur la crête
iliaque, sur le sacrum. D... affectionne le décubitus latéral gauche,
les genoux presque collés au menton. Rien au coeur, rien dans la
poitrine, respiration faible. L'auscultation est difficile. C'est un
affaiblissement progressif. T. R. 38° ,2. Soir : T. R. 39 ? ? .
2 : ! août. T. R. 38°. Soir : T. R. 38°,2.
26 août. T. R. 39°. Pas d'amélioration, ajouter au bismuth
2 gr. de diascordium, et donner un lavement avec un blanc
d'oeuf et douze gouttes de laudanum de S3 deiillain. - Soir : T. R.
38°, 6.
2-1 T. R. 38°,8. D... est mourant, il respire à peine ; al-
gidilé des extrémités; diarrhée continuelle, selles involontaires.
Soir : T. R. 39o. Décès à 10 h. du soir. T. R. post nzortcnz :
411,6.- Les accès ont eu la marche suivante : janvier, 4 ; février»
27; mars, 14; avril, 2 1 ; mai, 3 et 4 vertiges; juin, 20;
- juillet, 5; - août, 14. Les accès ont été suspendus durant la
période aiguë de l'éiysipéle.(22 avril 4 mai).
Autopsie le 27 août 1 î 8 1.- Lavotitecmtlniemze est très épaisse, le
tissu osseux est dense : la dure-mère est épaissie, adhérente çà et
là à la boite osseuse ; la base du crâne est régulière et symétrique.
L'encéphale pèse 1210 grammes ; les artères de la base, les nerfs, le
chiasma, les pédoncules paraissent symétriques. Les hémisphères
ne paraissent pas égaux; du côté droit les lobes frontal et occipital
3 a se RECUEIL DE faits.
sont en retrait sur ceux du côté gauche. L'hémisphère droit ne me-
sure que 17 c. dans sa plus grande longueur, et paraît moins large
aussi que le gauche qui mesure 17 r. 1/2 de longueur ; de même
l'hémisphère droit pèse 170 gi. de moins que le gauche.
HnHSF/tët'edt'Ott.Lorsqu'on essaie d'enlever lapie-mérequi n'est
guère plus épaisse que d'habitude, mais qui est finement vasculari-
sée, on entraîne avec elle la substance grise ; après plusieurs essais,
et malgré le plus grand soin, on constate que c'est toute la couche
de substance grise qui suit la pie-mère, laissant ainsi ci nu le squelette
de substance blanche des circonvolutions. Ceci se produit sur toute
la face convexe de l'hémisphère, hormis au niveau du lobule de
l'insula, et des 2/3 antérieurs du lobe temporal. La même chose se
reproduit sur la face interne, où nous dépouillons successivement
la première circonvolution frontale, le lobule I)cii@(tceîzt7-(tl, 1'tivait-
coin, le coin, le lobe occipitahde toute leur substance grise, la-
quelle ne résiste, mais incomplètement, que sur la circonvolution
du corps calleux, et sur la moitié antérieure du lobe temporo-occi-
pital. La substance blanche, ainsi mise à nu, est indurée, ferme, et
est hérissée de petites crêtes, rendues plus visibles par l'immersion
dans l'eau. Il nous reste, d'autre part, dans la main, une véritable
coque résultant de la soudure de la pie-mère ci la substance grise, et
reproduisant par ses reliefs et ses dépressions le dessin des circonvo-
lutions dépouillées. (PI. VII.)
Le ventricule latéral est un peu dilaté, la corcte d'Elmmon est
indurée.
Hémisphère gauche. On constate aussi des adhérences à peu près
généralisées de la pie-mère, sauf au niveau des deux circonvolu-
tions ascendantes du lobule paracentral/ de l'extrémité du lobe
occipital, et de la face interne du lobe temporal. Mais on n'en-
traîne que des fragments de substance grise et non la totalité
comme du côté opposé. La corne d'Ammon est aussi indurée, le
ventricule latéral paraît normal. Le corps calleux et les corps
ohto-striés des deux côtés ne présentent pas d'altération.
Le cervelet et l'isthme réunis pèsent z0 gr. ; les plis du cervelet
offrent au toucher une dureté assez notable, surtout à gaucho ; la
, décortication de la pie. mère est facile. La protubérance, le bulbe
ne présentent aucun asymétrie, aucune trace de sclérose descen-
dante.
il y a quelques adhérences antéro-Iatérales au sommet du pou-
mon droit qui est liépatisé dans son lobe inférieur ; le gauche n'est
que congestionné et oedématié ; les sommets sont sains. Le coeti7,
pèse 170 gr. et n'est le siège d'aucune lésion valvulaire ; quelques
caillots cruoriques dans l'oreillette et le ventricule droits, du sang
fluide dans le gauche, rien à l'aorte. Aucune lésion de l'sopz7eaye,
de l'estoznac ni de l'intestin la muqueuse du gros intestin est,
surtout vers l'extrémité inférieure, boursoufflée, épaissie, marbrée;
RECUEIL DE FAITS. 335
pas de cicatrice d'ulcérations. Le foie, jaunâtre, gras au toucher,
friable, pèse 800 gr. ; la rate, 40 gr.; les reins, dont la substance
corticale est décolorée, pèsent l'un 80 gr. et l'autre 60 gr.
I. L'histoire pathologique de cet enfant comprend trois
phases bien distinctes. -
a) La première est marquée par des convulsions qui se
reproduisent presque tous les mois, jusqu'à un an et demi,
sans avoir, en définitive, affecté d'une manière notable soit
le mouvement, soit l'intelligence. En effet, de dix-huit mois à
quatre ans, Dub... se développe, marche librement, parle sans
difficulté, est propre, apprend à lire, etc.
b) La seconde phase débute par des convulsions, revêtant
la forme d'un état de mal et prédominant dans la moitié gauche
du corps. A partir de là, on note le retour des convulsions
mensuelles; puis un autre état de mal, offrant les mêmes carac-
tères que le précédent, suivi d'une parésie à gauche et d'une
augmentation des crises convulsives. Durant cette phase, les
facultés intellectuelles, parait-il, n'auraient été que médiocre-
ment affaiblies.
c) La troisième phase commence en juin 1880. De même
que la seconde, elle s'annonce par un état de mal. Les convul-
sions prédominent toujours à gauche. Autrefois, quelques
jours après les états de mal, D... se levait, semblant revenu
à sa situation habituelle. Après celui-ci, il se plaint de douleurs
de tête, a de la fièvre, etc. ; et, tandis que le premier état de
mal n'avait pas intéressé la motilité, que le second n'avait
produit qu'une parésie elle-même transitoire, ce dernier état
de mal se termine par une hémiplégie gauche et par une déchéance
intellectuelle si accusée que, à l'entrée de l'enfant à l'hospice,
nous sommes amenés à porter le diagnostic : idiotie, probable-
ment consécutive à une méningo-encéphalile, plus avancée à
gauche, en raison de la paralysie.
La débilité intellectuelle a continué de progresser; il est
survenu une diarrhée abondante, un érysipèle phlegmoneux,
un abcès avec des délabrements considérables : tous ces acci-
dents graves ont guéri. Mais, bientôt, la diarrhée a reparu ;
l'amaigrissement s'est accentué de plus en plus ; des ulcé-
rations se sont formées de tous les côtés et l'enfant a suc-
combé avec une hépatisation terminale d'une partie du pou-
mon droit.
336 RECUEIL DE FAITS.
II. Disons de suite que l'autopsie n'a révélé aucune lésion
tuberculeuse, que la diarrhée n'a laissé aucune trace ' et pas-
sons aux lésions cérébrales qui, à notre avis, méritent tout
particulièrement d'attirer l'attention.
Elles consistaient en une znézziz7go-ezzcéltalite à peu près
généralisée des deux hémisphères et parvenue à des degrés
divers. Çà et là, principalement sur Y hémisphère gauche, en
enlevant la pie-mère, on entraînait des portions plus ou moins
larges et plus ou moins profondes de la substance grise. Il en
était de même sur le lobe temporo-sphéno'idal droit. (PL. VIL)
Mais, et c'est là le point le plus important, sur les trois
quarts environ de la face convexe et de la face interne de l'hé-
misphère droit, la pie-mère entraînait avec elle toute l'épais-
S,WR DE la substance grise, mettant ainsi à nu le squelette de
la substance blanche atrophiée et indurée. (Dans la Pal. VII,
M. Leuba a rendu avec une scrupuleuse exactitude et avec un
remarquable talent, l'aspect des lésions que nous avons dé-
crites.)
C'est, croyons-nous, la première fois que l'on signale des
lésions de ce genre chez un enfant de douze ax ; tout le monde
sait, en effet, qu'on les rencontre, sinon aussi étendues, du
moins aussi intenses dans la paralysie générale progressive. Et,
depuis que nous avons communiqué notre observation à la So-
c/e<e<MM<om ? <e (novembre 1881), M. Baillarger a publié dans
les Annales médico-psychologiques (janvier 1882), une note
dans laquelle il rappelle trois cas de paralysie générale où il a
trouvé la même lésion, caractérisée par la séparation de la
substance grise et de la substance blanche 1. Mais, dans ces trois
cas, cette séparation était circonscrite etn'aifectait paslapresque
totalité de l'hémisphère comme nous l'avons observé 1.
1 Nous avons observé plusieurs cas, de diarrhée idipathique chronique
chez, des enfants idiots des deu\ sexes, se terminant, au bout de plusieurs
semaines ou de plusieurs mois, par la mort, et dans lesquels nous n'avons
relevé aucune lésion macroscopique. Nous publierons prochainement une
note sur ce sujet.
2 Note sur une altération du cerveau, caractérisée par la séparation de-
la substance grise et de la substance blanche des circonvolutions. Voir
aussi : Cabuoit, Traité des maladies inflammatoires du cerveau, etc.
3 Dans plusieurs cas, chez des enfants idiots, également, nous avons
constaté la même lésion, mais circonscrite à quelques circouvolu-
tionsde même que dans les cas de M. Baillarger.
REVUE CRITIQUE
AMBLY0P1E CROISÉE ET IIÉMIANOPSIE
D'ORIGINE CÉRÉBRALE;
ParCB.FÉRÈ.
De GMFE. Comptes rendus de la Société de biologie, 1860, p. 151-154.
CHARCOT. Leçons sur les localisations dans les maladies cérébrales,
4873. Scaôn. Die Leh ? ,e vo2n Gesichtsfelde uiidsie7zen A ? : cma : 6n,
1 874. 13rr,r.ouann. De l'hémianopsie, précédée d'une étude d'analomic,
sur l'origine et l'entre-croisement des nerfs optiques. Thèse de 1880.-
Gille. De l'lvémiopie avec hémiplégie ou héiiiiaîzesthésie. Thèse de
1880. Alora ! ven. Oehii-ii und Azige. 1881. - II. Wilbrand. Weber
Ilenciazzopsie zczzd ihr Verhaltniss zu topischen Diagnose der Gehii)1-
t ! '(tnA7te : <e ? t, Berlin, 4881. Ch. FËRE. Contribution a l'étude des
troubles fonctionnels de la vision par lésions cérébrales, 1882.
Lorsque de Groefe émit l'opinion que dans les lésions céré-
brales, le seul défaut visuel qui pût être observé était l'hémia-
nopsie, il ne trouva pas de contradicteurs. L'hémianopsie d'o-
rigine cérébrale fut acceptée universellement comme une sorte
de dogme. Ce ne fut qu'au boutade quinze ans, que M. Char-
cot, se livrant à une critique serrée des faits observés, arriva à
conclure que non seulement l'hémianopsie n'était pas exclusive-
ment la conséquence d'une lésion cérébrale, mais encore que son
existence n'était nullement démontrée par l'examen anato-
mique, tandis qu'il existait un autre défaut visuel, l'amblyopie
croisée, dont la relation avec certaines lésions cérébrales parais-
sait hors de doute. Mais cette opinion ne fut pas acceptée sans
contestation.
L'étude anatomique des nerfs optiques, du chiasma, des
bandelettes et du faisceau sensitif de la capsule interne ne
' 22
338 REVUE CRITIQUE.
fournit pas de données assez précises pour trancher la ques-
tion. Les rapports de la bandelette, comme on le voit sur la fi-
gure suivante, montrent seulement la possibilité de sa com-
pression par des lésions très diversement situées du cerveau
et de la base du crâne.
Lorsqu'on étudie isolément les résultats obtenus par les au-
teurs qui ont étudié la question par l'expérimentation, on croit
y trouver la solution du problème ; mais si on compare leurs
conclusions on n'y voit plus que contradiction. En ne consi-
Ftg. 9. - Coupe transverso-verticale de l'hémisphère gauche, un peu en
ai nere de la commissure grise. On voit au-dessous de l'expansion pédon-
culaire, sur une ligne verticale passant en dehors de la couche optique,
a coupe irrégulièrement triangulaire de la bandelette optique. (Fere.
Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la vision, etc., p. 5.)
AMBLYOPIE CROISÉE ET HÉMIANOPSIE. 339
dérant que les résultats obtenus sur le singe, par exemple,
nous voyons MM. Ferrier et Yeo placer leur centre visuel à la
fois dans le lobe occipital et dans le gyrus angulaire, tandis
que M. Munk le limite dans le lobe occipital seul. M. Munk,
MM. Lucianni et Tamburini produisent l'hémianopsie exclu-
sivement. M. Couty, au contraire, n'a jamais provoqué que
l'amblyopie croisée, mais il l'a provoquée aussi bien par des
lésions frontales, que pariétales et qu'occipitales. Comment
comprendre que dans les expériences de Ferrier et Yeo,
l'ablation d'un gyrus angulaire peut déterminer une amblyopie
croisée temporaire, que l'ablation d'un lobe occipital peut ne
produire aucun trouble visuel, tandis que la destruction de
ces deux régions ensemble provoque l'hémianopsie du côté
opposé, c'est-à-dire la paralysie de la moitié des deux rétines
du côté correspondant.
En somme, les résultats obtenus par la physiologie expéri-
mentale ne sont pas de nature à entraîner une conviction. Si,
en outre, on tient compte de la difficulté qu'on doit éprouver
pour constater chez un animal l'étendue d'un défaut visuel,
déjà si difficile à préciser chez l'homme, on reste très sceptique
sur l'hémianopsie et l'amblyopie des singes et sur les moyens
de les provoquer.
D'ailleurs ces résultats fussent-ils aussi nets qu'on a voulu
le dire, ils ne prouveraient rien pour l'homme, car rien ne
démontre que l'entre-croisement des fibres optiques est le
même chez le singe que chez l'homme. M. Munk ne dit-il pas
qu'il a constaté que les mêmes lésions produisaient des
troubles divers chez des chiens de race différente.
Il n'y a donc que les faits de pathologie humaine qui
puissent éclairer la question ; l'expérimentation ne peut que
servir à guider et à corroborer l'observation clinique.
Les faits tirés de la pathologie humaine sont loin d'avoir
tous la même valeur; la plupart en effet manquent de contrôle
anatomique et, dans bon nombre de faits où l'autopsie a été
faite, la localisation de la lésion manque de précision.
Si nous considérons l'ensemble des faits cliniques dans les-
quels nous trouvons des défauts visuels coïncidant avec des
troubles imputables à une lésion unilatérale du cerveau ; nous
voyons que ces troubles visuels répondent à deux types bien
distincts, l'amblyopie croisée et l'hémianopsie.
340 REVUE CRITIQUE.
L'amblyopie est caractérisée par un rétrécissement concen-
trique du champ visuel avec achromatopsie absolue ou partielle
et diminution de l'acuité visuelle. Cette amblyopie prédomine
du côté opposé à la lésion cérébrale, mais elle existe ordinai-
rement à un certain degré du même côté.
L'existence de cette amblyopie en relation avec les lésions
cérébrales était déjà mise en lumière par ce fait qu'on la ren-
contre à l'état typique, pour ainsi dire, dans l'hémianesthésie
des hystériques, qui semble bien due à un trouble unilatéral
du cerveau. Ce trouble visuel est le seul que l'on puisse ren-
contrer chez les hystériques, malgré les faits en apparence
contradictoires cités par 1M. Bellouard et Rosenthal; il n'existe
pas d'observations prouvant l'existence de l'hémianopsie
d'origine hystérique. Mais l'amblyopie des hystériques peut
présenter des variations dans la forme et l'étendue du rétré-
cissement concentrique. ,
Toutefois, en l'absence d'autopsie, l'amblyopie hystérique
pourrait n'être pas considérée comme suffisante pour démon-
trer l'existence d'une amblyopie liée à une lésion cérébrale dé-
terminée : une observation de M. Charcot concernant une hé-
miplégique hémianesthésique, non hystérique, constituait une
preuve qui n'avait pas été considérée par tous comme irré-
futable. Mais, depuis lors, les observations de Pitres, de Muiler,
de Bernhardt, de Petrina et les nôtres sont venues démontrer la
relation qui existe entre l'amblyopie et certaines lésions céré-
brales ; et, sauf le fait de Petrina dans lequel le trouble visuel
est en rapport avec une lésion corticale du lobe occipital, tou-
jours il s'agit de lésions siégeant à la partie postérieure du
pied de la couronne rayonnante ou dans son expansion. Cette
localisation confirme pleinement l'opinion émise tout d'abord
par M. Charcot. Cette amblyopie d'origine cérébrale est toujours
associée à un certain degré d'hémianesthésie ou, comme nous
l'avons montré, d'hémidysesthésie. Toutefois, et c'est encore un
point sur lequel nous avons insisté particulièrement, l'anesthé-
sie cutanée peut être limitée à la région qui avoisine l'oeil.
Quand une lésion cérébrale détermine des troubles seusitifs
des téguments de l'oeil, il faut chercher les troubles sensoriels
de l'organe et on les trouve ; ces troubles sensoriels manquent
au contraire lorsque l'hémianesthésie n'atteint pas la face,
comme nous en avons rapporté un exemple. Cette relation
des troubles sensoriels et des troubles sensitifs des téguments
AMBLYOPIE CROISÉE ET HÉMIANOPSIE. 341
qui recouvrent l'organe atteint se retrouvent d'ailleurs avec la
plus grande netteté chez les hystériques, comme nous l'avons
indiqué ailleurs '.
Lorsqu'il s'agit d'amblyopie cérébrale, les faits cliniques
purs ont presque la même valeur que les faits suivis d'autopsie,
car le trouble visuel ne peut guère être déterminé à distance
parla lésion qui produit les autres symptômes cérébraux. Les
faits purement cliniques d'hémianopsie qui peuvent, comme
l'amblyopie, se trouver associés à l'hémiplégie, à l'hémianes-
tésie, etc., sont loin d'avoir la même valeur; car on peut, pour
la plupart des cas, être autorisé à soupçonner une action à
distance sur la bandelette optique, et un grand nombre de faits
anatomiques que nous avons rapportés montrent bien que
cette action à distance n'est pas rare et qu'elle peut se rencon-
trer dans des circonstances très variées. Aussi doit-on. rejeter
comme peu démonstratifs les faits de traumatismes, de tu-
meurs, d'abcès, de vastes foyers hémorrhagiques, car dans ces
cas il n'est guère possible d'apprécier réellement l'action de la
lésion. Toutefois, certains faits d'hémorrhagie assez bien limi-
tés, comme ceux de MM. Baumgarten et Dreschfeld, méritent
considération, surtout si on les rapproche des faits de ramol-
lissement, dans lesquels l'action à distance ne peut jouer aucun
rôle ; ils semblent prouver qu'une lésion limitée du carrefour
sensitif peut déterminer une hémorrhagie associée à l'hémia-
nesthésie. Mais les faits de ramollissement, rapportés
par MM. Curcshmann et Westphal nous paraissent sur-
tout péremptoires, et démontrent nettement qu'il existe une
relation entre l'hémianopsie et les lésions très étendues^du lobe
occipital. D'autre part, un fait de M. Hujuenin, dans lequel
l'hémianopsie était en rapport avec une lésion située au voisi-
nage de la partie inférieure du sillon de Rolando semble indi-
quer que si les larges pertes de substances observées dans les
faits de MM. Curschmann et Westphal ont déterminé les mêmes
symptômes, ce pourrait bien être parce qu'ils touchaient en ar-
rière la même région, c'est-à-dire la limite postéro-inférieure
de la zone motrice. Cette localisation du centre de l'hémianop-
sie dans la partie postéro-inférieure du domaine de l'artère
sylvienue pourrait encore s'appuyer sur certains faits de
migraine ophtalmique dans lesquels, on voit coïncider l'hémia-
1 Archives de Neurologie, 11- 9, p. 281 et suiv.
3V2 REVUE CRITIQUE.
nopsie, avec l'aphasie un engourdissement avec parésie de la
moitié de la face et du bras, etc., phénomènes qui peuvent être
attribués à un trouble circulatoire de la sylvienne par irrita-
tation du plexus carotidien.
AMBLYOPIE CROISÉE ET HEMIANOPSIE. 313
Mais un fait important et sur lequel nous avons appelé l'at-
tention, c'est que dans les cas d'hémianopsie avec hémianes-
thésie, lorsque le champ visuel a été pris d'une façon régu-
lière, on semble avoir presque constamment noté l'existence
d'un certain degré de rétrécissement concentrique prédominant
du côté de l'hémianesthésie. Ce pourrait bien être là la carac-
téristique de l'hémianopsie d'origine cérébrale(rir.30)'. I. Fer-
rier avait observé que l'intégrité de la vision centrale et de la
région avoisinante semblait spéciale aux hémaniopsies d'ori-
gine cérébrale, mais nous ferons remarquer que dans le cas
de M. Westphal en particulier, le défaut atteint la vision cen-
trale.
En somme, il parait démontré aujourd'hui que l'amblyopie
et l'hémianopsie peuvent résulter d'une lésion cérébrale avec
intégrité des nerfs optiques et des bandelettes ; il est bien
prouvé que l'amblyopie est en rapport avec les lésions de la
@partie postérieure de la capsule interne ; mais elles semblent
aussi pouvoir être déterminée par certaines lésions du lobe
occipital (fait de Petrina). Quant à l'hémianopsie, elle semble
aussi pouvoir être déterminée par des lésions soit corticales,
soit centrales : les lésions corticales ne peuvent qu'être grossiè-
rement localisés en arrière de la région motrice ; les lésions
centrales siègent aussi au voisinage du carrefour sensitif, mais
il n'est guère possible, dans l'état actuel, de la différencier de
celles qui produisent l'amblyopie. Cette difficulté de différen-
ciation tient-elle à ce qu'il existe des variétés d'entre-croisement
de fibres optiques analogues aux variétés d'entre-croisement que
l'on observe dans le bulbe pour les fibres motrices ? La chose
est possible mais non démontrée.
Si on considère qu'une lésion cérébrale produisant l'amblyo-
pie croisée détermine en même temps un certain degré d'am-
blyopie du côté correspondant, que d'autre part une lésion
cérébrale peut déterminer la paralysie des fibres rétiniennes de
la moitié externe de l'oeil correspondant, et de la moitié interne
de l'oeil opposé, la vision centrale étant presque toujours res-
pectée dans tous les cas, on est forcé d'admettre que chaque
oeil a une relation bilatérale avec les hémisphères cérébraux,
qui ont surtout des relations multiples avec le centre physio-
logique de la rétine.
1 réré, loc.cit., p. 84.
34le revue d'anatomie.
Il faut convenir, toutefois, que les connexions du cerveau et
de l'oeil ne peuvent pas être établies d'une façon assez claire
pour qu'on puisse en faire une construction théorique, une
schématisation qui vaille beaucoup plus qu'un moyen mnémo-
technique.
REVUE D'ANATOMIE
I. SUR QUELQUES POINTS DE l'anatomie ET la. physiologie DU
cerveau ET LEURS applications pratiques; par Ambrose-L.
RANNEY. (7%eM;-ym ? ? nMM/OM)'Ha/, mai 1881, p. 5t3-
546.)
Ce travail, rédigé d'après un ouvrage de l'auteur, n'est qu'une
compilation, d'ailleurs intéressante, des recherches antérieures
sur le même sujet.
II. Du ciiiasma des nerfs optiques; par le Dl Stilling (de Strasbourg).
(Congrès de Bade, 1880. Arch. f. Psychiatrie.)
Les deux corps quadrijumeauxsont des noyaux du nerf optique,
celui-ci, aux termes de ces recherches, ne possédant pas moins de
10 racines cérébro-médullaires. P. K.
III. DE la DISTRIBUTION DU NERF OPTIQUE dans la rétine DU
lapin; par le D1 Bum,i, de Munich. (Congrès de Bade, 1880.
Archiv. f. Psychiatrie.)
Déjà Gudden (A ? ,ch. f. oplatlealmol., XXVI) avait démontré
que l'entre-croisement des fibres du nerf optique dans le chiasma
n'est que partiel ; le Dl Bumm fournit la preuve expérimentale
et ophthalmoscopique que le faisceau non croisé de ce système
REVUE d'anatomie. 3t5
vient s'épanouir sur la surface temporale de la rétine ; il montre
en outre, par les mêmes procédés, que l'expansion du nerf
optique est indépendante des autres couches de la rétine, y
compris celle des cellules nerveuses. P. K.
IV. Anatomie des tubercules antérieurs des corps quadrijumeaux; par
le Dr Causer, (de Munich.) (Congrès de Bade 1880. Archiv. f.
Psychiatrie.)
Cette étude faite chez la chauve-souris, la taupe et le lapin,
entraine la conviction que la couche moyenne des fibres de ces or-
ganes contient le système de projection centrale du sens de la vue,
entre autres parties constituantes. P. K.
V.Du FAISCEAU LONGITUDINAL POSTÉRIEUR DE LA CALOTTE ' DANS
la moelle allongée; par le Dl ROLLER, de Strasbourg.
(Congrès de Bade, 1880. Arch. f. Psyclaziztrie.)
M. Roller confirme en partie les vues de Meynert et, suivant le
trajet de ces fibres dans les noyaux du 4° ventricule, il conclut
en disant que le faisceau en question représente un trajet
direct entre la base du cerveau et les noyaux du plancher du
ventricule cité ; qu'il constitue en outre un trait d'union direct
avec la moelle, plus direct sans nul doute que les pyramides
perdues dans la protubérance. P. K.
VI. DÉCUSSATION DES FIBRES INHIBITOIRES DE LA MOELLE ; par OTT
et SniITH. (7oM'Kao/'7Ve ? 'uoMS,aH ? en<a7)M<'sse. Chicago
Janvier 1880.)
On observe chez certains animaux paraplégiques une con-
traction rhythmique du sphincter anal : Gluge et Goltz sont
les auteurs qui les premiers ont observé ce phénomène.
MM. Ott et Smith ont été amenés par des travaux antérieurs
au présent mémoire à admettre, dans les couches optiques, des
centres inhibiloires empêchant les contractions rhythmiques
des sphincters anal et vaginal ; les fibres émanées de ces cen-
1 On peut, à propos de la terminologie allemande, se reporter au
livre de Huguenin sur les centres nerveux. (Traduction française, 1879.)
3t6 revue d'anatomie.
très seraient contenues dans les cordons latéraux de la moelle.
D'après ces notions, c'est à la solution de continuité de ces
fibres que serait due l'apparition des contractions spasmo-
diques des sphincters. MM. Ott et Smith ont entrepris une
série d'expériences dans le but de déterminer si ce faisceau
subissait la décussation, et dans ce cas où celle-ci avait lieu.
Ces expériences, dans le détail desquelles nous ne pouvons
entrer ici, ont été faites d'après la méthode suivante : les ani-
maux sont trachéotomisés, chloroformisés et la respiration
artificielle est établie ; on pratique alors par une fenêtre de
trépan la section d'un hémisphère cérébral immédiatement eu
arrière de la couche optique, puis une hémi-section de la
moelle ou seulement du cordon antérn-latéral, tantôt du côté
correspondant, tantôt du côté opposé; cette section est faite
au-dessus ou à la limite de la région lombaire, de manière à
laisser le centre ano-spinal en dehors de l'expérience.
Les examens histologiques pratiqués à la suite de ces vivi-
section, ont conduit MM. Ott et Smith à conclure que les fibres
inhibiloires arrêtant les contractions rhythmiques des sphinc-
ters, prennent naissance dans les couches optiques, puis des-
cendent dans l'axe gris, et, à leur extrémité inférieure, subissent
la décussation pour rejoindre le cordon latéral du côté opposé,
dans lequel elles continuent leur route vers le centre ano-spi-
nal. H.D'O.
VII. STRUCTURE DU PIED DU PÉDONCULE cérébral ET DU noyau
lentiforme ; par J. PASTËRNATZKY, 1881.
Les recherches de M. Pasternatzky ont été faites au moyen
de coupes transparentes très étendues sur lesquelles il a pu
suivre à la loupe ou même à l'oeil nu le trajet de certains
groupes de fibres. C'est par erreur que l'auteur dit que ces
coupes sont pratiquées suivant une direction oblique de haut
en bas et d'arrière en avant, c'est en sens inverse qu'elles sont
faites, c'est-à-dire parallèlement, ou à peu près, aux fibres du
pédoncule cérébral. Du lobe occipital du cerveau on voit
partir quatre groupes de fibres : 1° les unes se dirigent vers la
capsule externe ; 2° d'autres vont former en partie les tractus
blancs antéro-postérieurs qui séparent les segments du noyau
lenticulaire du corps strié; 3° d'autres se jettent dans la couche
revue d'anatomie. 34Î
optique et les corps genouillés; 4° d'autres enfin vont former
la partie externe du pied du pédoncule, le faisceau sensitif de
Tiirck. Ce dernier faisceau peut être suivi dans la partie externe
et inférieure du pont de Varole; il se distingue des faisceaux
moteurs en ce que ses fibres au lieu d'être rectilignes sont on-
dulées. Il existe des fibres, très fines qui paraissent naître
des cellules pigmentées de la substance de Soemmering et qui
se rendent dans la partie interne du pied du pédoncule.
D'autres fibres partent du noyau rouge pour se diriger aussi
vers la partie interne du pied du pédoncule. Du tubercule
quadrijumeau postérieur sortent des faisceaux qui vont dans
la partie externe du pied du pédoncule, immédiatement en
dedans du faisceau de Tiirck. Presque toute la partie interne
du pied du pédoncule est constituée par des fibres venues de la
capsule interne et du noyau lenticulaire du corps strié.
Tous les faisceaux qui passent du tegmentum dans le pes du
pédoncule s'entrecroisent dans le noyau lentiforme (noyau de
Luys), qui reçoit des fibres venant : 1° du noyau rouge, 2° de
la substance de Soemmering, 3° du tubercule quadrijumeau
postérieur, 4° du pied du pédoncule. Le faisceau de Türck est
tout à fait libre de toute connexion avec ce noyau ; il est tou-
jours situé en dehors.
D'après l'examen de ces préparations, l'orateur dit que le
noyau lenticulaire du corps strié est divisé en quatre segments
au lieu de trois comme on l'admet généralement. Nous avons
recherché cette disposition sur des cerveaux frais, en prati-
quant des coupes parallèles à la direction du pédoncule et pas-
sant par la commissure blanche antérieure et par le locus niger,
'et nous nous sommes assuré qu'en effet, à ce niveau, le segment
interne du noyau lenticulaire est divisé par un tractus blan-
châtre a direction oblique d'avant en arrière et de dedans en
dehors, et le segment moyen est divisé de la même manière ;
mais les subdivisions sont beaucoup moins marquées que les
divisions déjà connues. Ou. F.
VIII. Variétés des circonvolutions cérébrales DE l'homme ;
par C. Giacomini, Torino, Ermano Loescher, 1882.
L'auteur pense que les variétés si fréquentes dans la dispo-
sition de l'écorce cérébrale, ne sont pas des déviations du type
3 4s REVUE d'anatomie.
normal, mais plutôt de légères modifications survenues dans
l'exécution de celui-ci; d'ailleurs, le type normal serait encore
bien loin d'être fixé, à tel point qu'on ne pourrait reconnaître
actuellement les caractères ethniques que doivent présenter
les cerveaux des différentes races. Un grand nombre des
variétés relevées sur les cerveaux humains peuvent se retrouver
comme en germe dans les cerveaux des animaux. Dans l'état
actuel de nos connaissances, il est impossible d'affirmer que
la disposition de l'écorce cérébrale soit en connexion avec le
degré du développement intellectuel.
L'auteur a recherché quelle était la fréquence des sillons
anormaux ou des circonvolutions anormales sur l'un et l'autre
hémisphères. Sur 164 cerveaux examinés, il a trouvé
93t sillons surnuméraires à droite, et 1,005 à gauche ; 617 plis
de passage et d'anastomose à droite et 621 à gauche ; de
cette statistique, il résulte que les variétés des sillons sont un
peu plus fréquentes que celles des plis de passage ; la moyenne
pour les sillons est de 6,12 pour l'hémisphère gauche, et de
5,67 pour l'hémisphère droit, celle des plis serait de 3,76 égale
pour l'un et l'autre hémisphère.
L'auteur fait les plus entières réserves au sujet de la disposi-
tion qu'auraient, d'après Benedikt, les circonvolutions chez les
criminels; d'après ses statistiques, loin de dire qu'ils constituent
un type à sillons confluents, on devrait plutôt les considérer
comme ayant des plis anastomotiques plus fréquents; mais en
somme il est plus juste de ne pas leur reconnaître de type
spécial.
Quelque asymétrique que paraisse être la disposition de
l'écorce dans les deux hémisphères, on peut cependant, en
général, retrouver dans un des hémisphères, l'indice des varié-
tés nettement caractérisées dans l'autre ; cependant il est cer-
taines variétés dans les lobes pariétaux et temporaux qui
semblent rester tout à fait unilatérales.
L'auteur ajoute que l'étude des variations dans l'arrange-
ment de l'écorce cérébrale ne doit pas porter seulement sur
la disposition extérieure, mais aussi sur la structure de celle-ci
et qu'il est indispensable de persévérer dans la voie tracée par
les travaux deBetz. P. M.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XIX. NOTE SUR la relation ENTRE la SYPHILIS ET l'ataxie
locomotrice; par J. Althaus, (TVte Laîteit, 17 septembre
1881.)
Sur trente-deux hommes atteints d'ataxie locomotrice,
M. Althaus eu a trouvé vingt-huit qui avaient des antécédents
syphilitiques. L'ataxie s'était manifestée de dix-huit mois àvingt
ans après l'apparition de la syphilis ; mais ils ne prouvent pas
qu'il y ait relation de cause à effet entre les deux maladies
pour-des raisons très diverses. Le tabes existait certainement
en Europe longtemps avant l'apparition delà syphilis. L'ataxie
n'est pas une conséquence inévitable ou commune de la syphi-
lis ; elle parait se développer chez les syphilitiques qui ont
une constitution névropathique, à lasuite d'accidents, d'excès,
etc. L'iodure de potassium, même à haute dose, n'est qu'ex-
ceptionnellement utile aux syphilitiques ataxiques qui se
trouvent soulagés comme les autres par des remèdes qui n'ont
aucune action sur la syphilis. Il est possible que la syphilis
puisse imiter l'ataxie; mais les symptômes cliniques du tabes
syphilitique ou non syphilitique sont identiques. Que l'ataxie
soit si souvent associée à la syphilis, cela peut tenir à la dété-
rioration de la constitution déterminée par la diathèse.
Ch. F.
XX. Contribution A l'étude DES crises laryngées tabétiques ;
par CHERCHEWSKY. {Revue de médecine, 1881.) .)
L'auteur, après avoir rapporté dix-huit cas de crises laryn-
gées tabétiques, passe à l'analyse de ces faits signalés pour la
première fois par M. Féréol et qui, d'après M. Charcot, se-
raient beaucoup plus fréquentes qu'on ne le croit générale-
ment. Le caractère général des troubles laryngés tabétiques,
3b0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
consiste essentiellement dans une toux spasmodique, analogue
à celle de la coqueluche, apparaissant par attaques et s'ac-
compagnant parfois de spasmes de la glotte, d'étouffements
plus ou moins forts, d'asphyxie et quelquefois même de con-
vulsions. Ces attaques présentent une intensité variable qui a
permis à M. Cherchevsky de les classer en trois catégories :
faibles, moyennes, fortes. Elles surviennent tantôt subite-
ment, soit au milieu d'une conversation, interrompant un mot
commencé, soit pendant le sommeil, tantôt après des pro-
dromes, qui consistent en une sensation de brûlure ou de
corps étranger ; elles peuvent être déterminées par un rhume,
un effort, un courant d'air, etc. Leur durée peut varier de
quelques secondes à une demi-heure ; quelquefois même elles
se prolongent plusieurs heures. Leur apparition n'est soumise
à aucune règle ; elles paraissent cependant plus fréquentes
pendant le jour; elles peuvent se répéter jusqu'à cinquante
fois dans les vingt-quatre heures. Dans les quelques cas où
l'examen laryngoscopique a été fait, on a pu s'assurer qu'il
s'agit de phénomènes purement spasmodiques. Quelquefois
cependant, on a constaté des paralysies ou des parésies limitées :
M. Krishaber explique cette existence simultanée de la paralysie
avec les spasmes, en disant que la paralysie d'un muscle pro-
voque facilement le spasme de son antagoniste. Quant à la
physiologie pathologique de ce spasme, M. Charcot pense
qu'il s'agit d'une hyperesthésie de la muqueuse du larynx et
d'une byperexcitabilité des centres nerveux, par suite de
laquelle l'irritation du larynx provoque une action réflexe con-
sidérable. L'anatomie pathologique se résume dans les deux
autopsies de Cruveilhier et de Jean : dans la première, il y
avait une dégénération grise des cordons postérieurs et des
corps restiformes ; dans le second, on trouva un amincissement
considérable des origines des nerfs pneumo-gastrique et spi-
nal, dégénération grise des pyramides etdes cordons postérieurs
et un petit foyer de ramollissement dans le corps restiforme
gauche. Ces phénomènes, qui appartiennent bien nettement à
l'ataxie, peuvent apparaître dès le début de l'affection et rester
longtemps isolés ; mais souvent même lorsqu'ils se sont asso-
ciés les autres troubles pathognomoniques du tabes dorsal,
leur intensité leur fait conserver une importance prédomi-
nante dans le tableau symptomatique. C. F.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 351
XXI. DE la paralysie DU nerf MOTEUROCULAIRE EXTERNE CONSÉ-
CUTIVE aux traumatismes du crâne ; par F. Panas. {Archives
d'ophthalmologie, nov. et déc. 1880.)
Frappé depuis longtemps de la fréquence de la paralysie
traumatique de la 6° paire et peu satisfait de l'explication don-
née par son élève Chevallereau, M. Panas étudia minutieuse-
ment le trajet intra-crànien du nerf.
Dans la fosse cérébrale postérieure, l'arachnoïde et la dure-
mère le séparent de la paroi osseuse. Parvenu au niveau du
rocher, il perfore la dure-mère qui l'applique directement
contre le sinus pétreux inférieur, puis contre la face postérieure
de l'os. Au moment où il se réfléchit sur son bord supérieur,
il passe sous le sinus pétreux supérieur qui contribue à le fixer
encore plus solidement. Dans le sinus caverneux, un mince
feuillet celluleux le sépare seul de la face externe de la caro-
tide, rapport important. Au-delà de la fente sphénoïdale, la
dure-mère l'enveloppe et l'isole si bien qu'exceptionnellement
les fractures de l'étage antérieur peuvent l'intéresser. Quant à
la troisième et la quatrième paires, elles sont parfaitement iso-
lées du rocher et de la carotide. - La fréquence des fractures
du rocher, les rapports particuliers du nerf moteur oculaire
externe avec cet os, son bord tranchant surtout, et sa fixité,
tout est réuni pour faciliter sa lésion dans les fractures du
crâne. Une remarquable observation de Jacobi corrobore
par l'autopsie l'opinion de M. Panas. A la production de la pa-
ralysie, la rupture du nerf n'est pas nécessaire. Sa compres-
sion, sa contusion, son inflammation par propagation suffisent.
Cette dernière éventualité explique l'apparition tardive de la
paralysie. D. BERNARD.
XXII. CONTRIBUTION A l'étude de la migraine ophthalmique ;
par Ch. 1 >JRS. {Revue de médecine, 1881.)
L'auteur se propose d'établir l'autonomie trop souvent mé-
connue de cette affection, décrite d'ailleurs depuis longtemps
sous des noms divers, en mettant en lumière et les traits prin-
cipaux de la maladie et certaines particularités de son évolu-
tion importante pour le pronostic, d'après les observations
prises surtout à la consultation de M. Charcot à la Salpêtrière.
352 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Maladie de l'âge adulte et de l'âge mûr, plus fréquente chez
les goutteux, les anémiques, les nerveux, la migraine ophthal-
mique, atteint souvent des sujets de bonne santé habituelle,
et à peu près également les deux sexes. Spontanément ou
à la suite du travail intellectuel prolongé, d'un excès, de trou-
bles gastriques, l'affection apparaît d'emblée avec tous ses ca-
ractères. Exceptionnellement les troubles oculaires s'entent
sur une migraine habituelle simple. Obnubilation passa-
gère de la vue, hémiopie transitoire homonyme, rarement
croisée, supérieure ou inférieure, cécité complète, tels sont les
divers phénomènes qu'on peut observer du côté de la vision et
que domine par sa spécialité le scotome scintillant, isolé ou
combiné à eux, sous ses diverses formes. C'est un scotome
latéral limité par un bord étincelant. Le malade ne le dit
externe que parce qu'il prédomine dans l'oeil affecté du côté
externe ; il est véritablement hémiopique. Il faut plusieurs atta-
ques pour que les malades se rendent bien compte d'un symp-
tôme qui ne fait d'abord que les éblouir. Pareil à un globe
de feu, à une zone dentée rouge ou blanche, phosphorescente,
vibrante et tournante qui s'élargit et s'ouvre d'un côté, tandis
que son centre s'obscurcit et que ses bords se découpent de plus
en plus, il ne consiste plus finalement qu'en une ligne verticale
brisée et irisée qui disparaît. Durant l'attaque, on a constaté
avec la dilatation ou le rétrécissement de la pupille, une ané-
mie papillaire, origine de plusieurs théories pathogéniques.
Des accidents névralgiques, une sensation de tension oculaire
ont fait croire à un glaucome aigu. Après un temps variable
de quelques minutes à une heure et plus, éclate la douleur
céphalique frontale, temporale, ou pariétale. Très limitée
d'abord, elle envahit tout un côté du crâne, tout le crâne même
et s'accompagne de vertiges, qui ont pu être constatés dès la
période précédente. Des nausées et des vomissements ter-
minent l'accès.
Tel est le syndrome type, complet, à, côté duquel l'auteur
étudie les migraines apthalmiques frustes. Alors les troubles
oculaires constituent seuls, pendant longtemps, toute l'affection.
Une migraine légère les suit ou au contraire, ils sont si fugaces
qu'on croit à une migraine simple. Les divers symptômes sont
dissociés, séparés dans leur apparition par plusieurs jours.
L'aphasie dans ces diverses modalités est l'accident qui se
surajoute le plus fréquemment aux phénomènes décrits plus
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 353
haut, celui qui impressionne le plus fâcheusement le malade.
Puis viennent par ordre de fréquence les troubles de la sensi-
bilité (fourmillement, endolorissement, sensations de froid) et
beaucoup plus rarement ceux de la motilité (parésies ou para-
lysies). Ils occupent le membre supérieur, tout un côté du corps,
le corps entier parfois. En outre, la migraine ophthalmique
coïncide avec des attaques épileptiformes, peut se substituer
à de véritables attaques d'épilepsie. Serait-elle alors de l'épi-
lepsie larvée ? On ne devra pas confondre ces cas avec les trou-
bles oculaires prémonitoires de l'attaque d'épilepsie qui ne
ressemblent aucunement à ceux de la migraine ophthalmique.
Si le caractère de ces symptômes et de ces accidents est
d'être transitoires, de courte durée, M. Charcot a montré qu'ils
peuvent , l'hémiopie, les scotomes, l'aphasie surtout, persister,
s'établir même définitivement; ce qui, non moins que les rela-
tions de la maladie avec l'épilepsie, rend fort incertain l'avenir
d'une migraine ophthalmique.
Quant à la physiologie pathologique, fort obscurcie par ces
accidents, M. Féré, s'appuyant principalement sur les travaux
de M. Reynaud, sur l'aphyxie locale des extrémités, pense que
la migraine ophthalmique dépend d'une anémie cérébrale con-
sécutive elle-même à une excitation du sympathique. Des con-
gestions, de la nécrobiose même pourraient la suivre et ainsi
s'expliqueraient les troubles permanents. D. BERNARD.
XXIII. CONTRIBUTION A l'étude DES phénomènes NERVEUX,
nommés réflexes tendineux ; par J.-L. Prévost. {Revue
anéd. de la Suisse Romande, 1881, nos 1, 2, 3.)
Le travail très intéressant de M. le professeur Prévost est
divisé en deux parties. La première est en quelque sorte une
revue, ayant pour objet les réflexes tendineux ; la seconde,
contient les expériences et les conclusions de l'auteur.
Pi entière partie. M. Prévost rappelle les expériences par
lesquelles Brown-Séquard, en lésant la moelle, obtint l'épilep-
sie spinale (1858) ; puis les travaux de Charcot et Vulpian
(1866) et de leurs élèves (Bouchard, P. Dubois, 1868), sur la
trépidation épileptoïde des membres (phénomène du pied, clonus
du bras). En 1874, Erb et Westphal rapprochent de ces faits,
23
354 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
la contraction du triceps crural qui suit la percussion de son
tendon (phénomène du genou). Mais, tandis que le phénomène
du pied n'apparaît que dans les cas pathologiques, celui du
genou est physiologique. Berger n'a constaté son absence que
dans 1,56 cas sur 100. L'absence de ce phénomène est consi-
dérée comme un symptôme important du début de l'ataxie
locomotrice, quand la sclérose atteint la région lombaire
(Westphal, Erb, Erlenmeyer). Le réflexe patellaire fait égale-
ment défaut dans les polyomyélites antérieures aiguës ou
chroniques. Au contraire, les phénomènes tendineux sont
exagérés dans tous les cas où l'on observe une certaine rigidité
musculaire (scléroses du faisceau pyramidal primitives ou con-
sécutives, contracture hystérique).
L'interprétation physiologique de ces phénomènes a été
diversement donnée. Westphal admet qu'il s'agit d'une con-
traction directe, produite par les vibrations du tendon. Erb en
fait un réflexe déterminé par l'excitation de fibres nerveuses
tendineuses (Tschiriew a démontré l'existence de ces fibres);
Schulze et Furbringer, ayant constaté que la section du crural
abolit la contraction du côté correspondant, et que la percus-
sion détermine quelquefois un mouvement qui se propage
jusqu'au membre du côté opposé, se rangent à l'idée qu'il
s'agit d'un phénomène réflexe.
Quelques auteurs ont cherché à résoudre la question en
étudiant les phénomènes tendineux par la méthode graphique.
Le temps qui s'écoule entre l'excitation du tendon et la contrac-
tion du muscle a servi particulièrement d'argument ; mais les
divers observateurs sont arrivés à des opinions absolument
discordantes. G. Burckhardt pense que les phénomènes tendi-
neux sont des réflexes, dont les ganglions spinaux sont le
centre ; Brissaud en fait des réflexes médullaires ; Gowers
pense que le clonus du pied résulte de l'excitation directe,
tandis que le phénomène du genou est de nature réflexe ; enfin,
A. Waller rejette l'idée d'un réflexe et pense que la moelle
n'agit qu'en maintenant le tonus musculaire qui est néces-
saire à la production du phénomène.
Par des sections méthodiques portant sur la moelle et les
racines, Tschiriew pense avoir démontré que les phénomènes
tendineux sont des réflexes qui utilisent pour se produire la
6° paire lombaire chez le lapin, probablement la 3° et la 41
chez l'homme. '
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 355
Deuxième partie. -Ici M. Prévost rapporte trois séries d'ex-
périences qu'il a entreprises dans le but d'élucider la question
de la nature du réflexe tendineux.
Par la première série de recherches, il a confirmé les faits
suivants : Il la section du crural abolit le réflexe du genou
(Schulze et Fùrbringer) ; 2° la section de la racine postérieure
de la 6° paire lombaire, chez le lapin, abolit le réflexe du genou
(Tschiriew) ; celle des racines postérieures voisines n'a pas
d'inflence sensible, à moins que l'on n'atteigne les racines du
sciatique; dans ce cas on obtient une augmentation du réflexe,
de même façon que lorsque, ainsi que l'a fait Tschiriew, on
sectionne le sciatique lui-même.
Dans la seconde série d'expériences, M. Prévost étudie l'effet
du curare et des anesthésiques. Le premier de ces corps abolit
le réflexe, ainsi que l'ont démontré Schulze et Fùrbringer.
L'anesthésie par le chloroforme aboutit au même résultat,
quand elle est très profonde ; il semble en être de même pour
l'éthérisation ; mais la morphine n'agit nullement dans le
même sens, peut-être même exa,ère-t-elle le phénomène ;
c'est ce dernier effet qui s'est également produit à la suite d'une ! injection intraveineuse de chloral.
Enfin dans la troisième série de ses expériences, M. Prévost,
emploie un procédé nouveau pour l'étude du réflexe tendineux :
l'anémie médullaire obtenue par la compression de l'aorte. On
sait, par les travaux de Brown-Séquard, Schiff, Kùsmaul,
Vulpian, etc., que l'anémie abolit rapidement les propriétés
physiologiques de la moelle, tandis qu'elle laisse persister assez
longtemps celle des muscles et des nerfs. Or, la compression
de l'aorte produit d'abord l'exagération des phénomènes tendi-
neux ; mais bientôt (i-0-45 secondes) elle les abolit, et cet état
d'inertie persiste d'autant plus longtemps après rétablissement
de la circulation, que l'espace de temps pendant lequel celle-ci
est resté interrompue, a été plus considérable. De ces faits,
M. Prévost conclut que le phénomène du tendon est bien un
réflexe, lequel est provoqué par l'excitation du tendon lui-
même, et non par celle de la peau ; ce réflexe use pour se
produire de la 6° paire lombaire chez le lapin (3e ou 4° de
l'homme).
Cependant on pourrait, dit-il, « se demander, avec M. A.
Waller, si le phénomène du genou, tout en ayant besoin de
l'intégrité de la moelle pour se produire, n'est pas dû à l'exci-
356 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
talion directe du muscle. » La transmission du réllexe du
côté opposé lui semble un fait incompatible avec cette manière
de voir. Mais dans un mémoire ultérieur, publié avec la colla-
boration de M. A. Waller ', M. Prévost reconnaît que le mou-
vement du côté opposé est un mouvement d'ensemble du
membre, et non une contraction du triceps crural seul. En
effet, lorsqu'on a sectionné toutes les racines postérieures d'un
membre, et même, en outre, tous les nerfs de ce membre, on
abolit bien le réflexe de ce côté, mais sans détruire le mouve-
ment du côté opposé. Celui-ci serait produit par la transmission
directe des vibrations auxquelles donne lieu la percussion. Ces
faits sont de nature à faire subsister le doute entre la théorie
du réflexe et celle de M. Waller. A. MAYOR.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XII. SUR LA CONNEXIONQUI EXISTE ENTRE L'ÉTAT MENTAL ET L'INÉ-
GALITÉ DES PUPILLES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE ; par
Francis WYAT-THURNAIL (M. B.), médecin à l'asile de Bristol.
Analyse du Dl Ch. Guyot, de Tirlemont. ( Bulletin de la
Soc. de Iléd. mentale de Belgique, 1880.)
D'une statistique établie sur soixante-treize cas, il résulte que
la dépression mentale est généralement associée, dans la para-
lysie générale , à la dilatation de la pupille droite et à la contrac-
tion de la gauche. Par contre, une certaine exaltation s'accom-
pagne d'une contraction de la pupille droite avec une légère
dilatation de la gauche ; proportion, 67. p. 100 ; cas opposés, 25 ;
cas douteux, 11 p. 100. Voici les déductions qu'en tire l'au-
teur :
1 Rev. med. de la Suisse Romande, t. I", 1881, il- 6. '
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 357
1° La dépression précédant ordinairement l'exaltation dans
la paralysie générale, la maladie était probablement à une pé-
riode initiale quand il trouvait la pupille droite dilatée avec la
dépression mentale; à une période plus avancée, quand il
rencontrait les phénomènes opposés.
2° De la relation entre les phénomènes pupillaires et le fonc-
tionnement de la troisième paire, de la connexion de la troi-
sième paire avec les corps quadrijumeaux (le centre de
l'expression réflexe des émotions d'après Ferrier), l'auteur
passe à la connexion supposée qui, existant entre l'état de l'in-
telligence et celui de la pupille en général, remplace l'impres-
sion sensitive du nerf optique par l'impression d'une idée mentale,
et considère les lobes optiques comme le centre réflexe com-
mun à ces deux ordres d'impressions.
3° Rappelant le siège particulièrement à gauche du centre
du langage, s'en référant à Ferrier qui appelle l'attention sur
le pouvoir volitionnel moindre et sur le pouvoir automatique
plus considérable de l'hémisphère droit; se rangeant à la sup-
position de M. Voisin sur l'existence d'un centre de grandeur,
l'auteur signale la possibilité de l'existence dans l'hémisphère
droit « d'un centre d'exaltation » dont l'initiative produit les il-
lusions de grandeur, les idées exaltées, et dans l'hémisphère
' gauche d'un « centre de dépression » dont l'initiative provo-
querait les états intellectuels qui se dessinent dans la mélan-
colie.
4° Enfin poursuivant l'existence de ces centres, s'appuyant
sur Austin, qui avait remarqué, sauf deux cas exceptionnels,
la dépression mélancolique avec la dilatation de la pupille
droite, et l'excitation, l'exaltation avec la dilatation de la pu-
pille gaucho, l'auteur admet des noyaux celluloïdes, présidant
au plaisir d'un côté du cerveau, àla peine, dans l'autre. En dé-
finitive, il localise les émotions tristes dans les couches optiques
droites, et les gaies dans les couches optiques gauches. Le tra-
ducteur admet les opinions de l'auteur sur l'existence de ces
centres dans leurs hémisphères respectifs sans les localiser
davantage. A notre avis, il serait prudent de ne pas cher-
cher à les localiser, d'autant qu'en saine physiologie, la dé-
pression et l'exaltation ne constituent pas des fonctions, mais
bien des modes de fonctionnement : point besoin n'est de cher-
cher des organes pour remplir des fonctions qui n'existent
pas. E. ClIAPENTIER.
358 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XIII. LETTRE médicale sur GHEEL ET LE patronage familial ,
adressée au comte DE Bêla (de K,,tlnoicy), membre de la
diète de Moravie ; par le Dl J. Peeters, médecin inspec-
teur de Gheel. (l3ull. de la Soc. de AIéd. mentale de Belgique,
1880.) - ,
Gheel, dans le département des Dcux-Nèthes, est une colonie
d'aliénés, composée d'un village avec de nombreux hameaux,
habités par des paysans, dits nourriciers,chez lesquels sont placés,
moyennant une faible rétribution, les aliénés. Cette colonie
comprend de plus une infirmerie où sont transportés les aliénés
malades ou en proie à un paroxysme, et où sont mis en obser-
vation les malades amenés à Gheel, pour être répartis après un
séjour aussi court que possible dans les hameaux. Pour seize
cents aliénés, l'infirmerie, n'en contient jamais plus de trente-
cinq. Le chiffre des guérisons parait peu élevé, à cause du
grand nombre d'incurables et d'idiots inoffensifs, dont se débar-
rassent les hospices encombrés. La proportion des décès di-
minue chaque année; les évasions y sont fort rares, malgré
l'emploi restreint des moyens de coercition. Depuis la création
delà colonie, il n'y a eu que trois crimes commis; les sui-
cides sont exceptionnels, un seul cas en cinq ans. En prenant
le chiffre des aliénés entrés avec des chances favorables ou
douteuses de curabilité, soit 103 de cette catégorie, la propor-
tion des terminaisons heureuses sera de 83 p. 100.
L'auteur termine ainsi sa lettre : « Notre colonie peut mon-
trer les bienfaits de la vie de famille et de la liberté octroyée
à des milliers de malheureux, et cela sans charges pour le trésor.
En effet, au lieu d'un établissement qui devait recevoir qua-
torze cents aliénés, et qui à trois mille francs par malade coûte-
rait plus de quatre millions, nous avons une infirmerie qui a
coûté deux cents mille francs et des finances qui se soldent
chaque année par un boni considérable. » E. C.
XIV. LETTRE médicale SUR GHEEL ET LE patronage familial,
adressée à M. le Dr INGELS, médecin de l'hospice Guislain,
à Gand;par le DIJ.-A. PFETERS, médecin inspecteur à Gheel.
La première lettre insérée dans le numéro des Bulletins,
année 1880, était adressée au comte Bêla (de Kalnolcy), qui vient
de mourir. Le docteurPeeters, dans cette deuxième lettre, insiste
' revue de pathologie mentale. 359
surtout sur les avantages du patronage familial et tout d'abord au
point de vue du traitement moral, sur l'isolement tout parti-
culier dans la colonie, isolement répondant à l'idée que s'en
faisaient Esquirol, Griesinger, Lowens,bien différent de l'isole-
ment par séquestration dans un établissement fermé. -A Gheel
le malade est isolé, mais jouit de la liberté et de la vie de
famille. En-décembre 18f ? à la Société médico-psychologique,
M. Jules Falret reconnaissait à la colonie les avantages sui-
vants : grande liberté de circulation laissée aux aliénés, le bien-
être moral plus grand résultant pour eu\' d'une manière de
vivre moins monotone et de la vie de société, enfin le travail
rendu plus attrayant et plus facile. La création à Gheel d'un
asile au petit pied, il est vrai, n'a rien changé à ses conditions
fondamentales; car sur 1,600 aliénés à Gheel, 35 seulement
sont à l'infirmerie. Toutefois il ne faut pas exagérer, et tous les
aliénés ne peuvent être admis à Gheel : exemple les aliénés
dangereux, et encore parmi ceux-là faut-il distinguer et ne les
considérer comme tels que lorsque le délire implique chez eux
une tendance expresse aux agressions contre les personnes et
les choses (suicide, homicide, blessures, coups, destruction,
vol, incendie), aux actes propres à troubler la tranquillité
publique (cris, tapage nocturne, vagabondage), et aux offenses
à la morale publique (actes et paroles obscènes, atteintes aux
moeurs). Ces aliénés, non plus que ceux dont les évasions
auraient été trop fréquentes, ne peuvent être conservés à Gheel.
L'auteur examine ensuite les avantages de Gheel pour les
aliénés incurables et inoffensifs,et montre que la colonie répond
aux indications que demandait pour eux M. Moreau (de Tours)
dans son étude sur la colonie en 1862. « Il suffit de placer le
malade dans les conditions d'hygiène les plus avantageuses,
et de lui créer une existence qui s'éloigne le moins possible de
celle dont il jouissait avant que la maladie l'eût frappé, exis-
tence à laquelle tout aliéné a un droit absolu, il ne faut pas
l'oublier, et qu'on ne peut léser sans injustice. » Quant à a
valeur thérapeutique du patronage familial, elle est indiscu-
table en raison des avantages qu'il présente sur les établis-
sements fermés. Pour la question de dépense, M. Lunier
a dit que l'isolement dans une maison de santé est le mode
d'existence des aliénés le moins dispendieux en France; cela
est vrai, dit en terminant le Dr Peeters, pour la France ; mais ne
l'est pas pour la Belgique. E. C.
360 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XV. Rapport médico-légal concernant l'état mental DU
SIEUR M. K. B., ACCUSÉ DE TENTATIVE DE MEURTRE SUR LA
personne DE M. W...; par M. le Dl RAMAER. (Bull. de
la Soc. de Méd. mentale de Belgique, 1 S80.)
Folie morale se transformant graduellement en folie raison-
nante, puis en folie caractérisée par l'idée fausse d'être la victime
d'autrui, pour aboutir à la folie persécutive. Le méfait a été
commis sous l'influence de la maladie. Acquittement. Séquestra-
tion dans une maison de santé. E. C.
XVI. UN cas d'atrophie DU cervelet; par le Dl SEPPILI.
{Bulletin de la Société de Médecine mentale de Belgique. Année
1880, il, fascicule, p. 91.)
Conclusions : 1° les altérations microscopiques qui consti-
tuent généralement l'atrophie du cervelet sont : le développe-
ment considérable du tissu conjonctif interstitiel et l'atrophie
des cellules de Purkinje. Celles-ci disparaissent complètement
ou sont petites de volume, irrégulières de contour, à contenu
granuleux, à noyaux ou nucléoles peu ou point apparents, à
prolongements rares et grêles. Les fibres nerveuses ont aussi
diminué en nombre et en épaisseur ;
2° Le principal phénomène morbide qui accompagne l'atro-
phie du cervelet est l'incoordination des mouvements. Elle ne
constitue pourtant pas un phénomène constant, mais elle peut
manquer dans quelques cas ;
3° La circonstance que l'ataxie demeure latente dans l'atro-
phie du cervelet peut s'expliquer par la structure normale de
l'organe, quoique celui-ci soit devenu plus petit, ou par l'aug-
mentation de l'activité fonctionnelle de ces parties du cervelet,
non sujettes à l'atrophie, ou bien par l'intégrité des veines, ou
enfin par un effort conscient, volontaire et répété, par suite
duquel le cerveau supplée à l'activité coordinatrice du cer-
velet ;
4° Il ne se présente pas de désordres delà sensibilité cutanée
dans l'atrophie du cervelet;
5° C'est une erreur de localiser l'appétit vénérien dans le
cervelet. E. C.
sociétés svvantes. 361
XVII. Des altérations DU pigment choroïdien chez les aliénés ;
par le Dl Riva. {Bulletin de la Société de Médecine mentale
de Belgique. Année 1880, 1 ? fascicule, p. 91-92.)
Dans les maladies mentales, et de préférence dans les formes
intermittentes, paroxysmatiques, quand bien même elles
dépendent de la cachexie pellagreuse, l'aspect du fond de l'oeil
présente certains caractères spéciaux consistant en une dépig-
mentation de la choroïde et de l'épithélium pigmenté de la
rétine, ainsi qu'en une décoloration et un état trouble de la
rétine. , E. C.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ 111 : DICO-PSYCOLOGIQLiE
Séance du 12 décembre 1881. Prlsidence de M. DErASlAUVE.
M. Dally offre à la Société un travail sur l'ethnologie considérée
au point de vue sociologique.
Siiite de la discussion sur les aliénés criminels. M. FALRET
n'avait pas l'intention de revenir sur cette question, qu'il a déjà
traitée en 1869. Cependant comme elle vient d'être remise sur le
tapis par M. Motet, il ne croitpas inutile de rappeler les arguments
qui aujourd'hui, aussi bien qu'en 18 9, s'opposent à la création
d'un asile d'Etat. La question, dit l'orateur, n'a pas avancé d'un seul
pas. Partisans et adversaires font valoir les mêmes arguments.
Néanmoins comme elle est actuellement à l'ordre du jour des pou-
voirs publics, au point de vue de l'étude et non pas, je l'espère, au
point de vue delà réalisation, je crois qu'il est bon de la développer
devant la Société, qui pourra se prononcerensuite avec connaissance
de cause. Je ne reviendrai pas sur l'historique de la proposition que
nous a faite M. Motet, à la suite de son voyage à Londres. Je
362 sociétés savantes.
rappellerai seulement que l'idée de traiter dans les asiles spéciaux,
régis par des lois spéciales, des aliénés dits criminels, a germé
pour la première fois en Angleterre en 1801, el la suite d'une ten-
tative d'assassinat, commise sur le roi par un aliéné ; elle a donné
lieu à la construction, en Irlande, de Broadmoore, que vous
connaissez. Les difficultés pratiques, rencontrées dans l'exécution
de cette nouvelle organisation, ont motivé un grand nombre de
lois très complexes sur lesquelles il serait trop long d'insister.
Quand cette même question a été soulevée en France, la plupart
de nos confrères, je dois le dire, se sont prononcés en faveur de
l'asile spécial ; je me suis donc trouvé dans une situation très
difficile, car je suis encore presque seul à lutter contre cette créa-
tion. Mais quellelue soit l'autorité de mes adversaires, je suis loin
d'être convaincu par les raisons qu'ils mettent en avant. Elles se
divisent en trois groupes qu'on peut ainsi résumer : motif de sécu-
rité, motif moral et motif législatif.
C'est le premier qui frappe le plus; tout le monde, en effet, se
montre très effrayé des actes violents auxquels se livrent les aliénés,
et il vient naturellement à l'esprit de chercher à préserver la
société par une loi spéciale, de plus en plus nécessaire. Les ten-
dances actuelles, par l'extrême liberté qu'elles laissent aux malades
dans les asiles, enlèvent toutes les garanties de sécurité. Ce motif
parait d'abord puissant; mais quand on y regarde de près, on
s'aperçoit qu'il n'est d'aucune valeur dans l'argumentation, car les
aliénés dangereux, auxquels ils pourraient s'appliquer, ne sont
pas des aliénés criminels, et ne seront nullement atteints par la loi
qui placerait ceux-ci dans l'asile dont nous nous occupons.
Le motif moral ne doit pas nous arrêter davantage. II est pénible,
nous dit-on, de voir mélanger à des malades calmes des aliénés
condamnéspour des actesinfamants ou violents. La grande notoriété
de certains crimes rend impossible à cacher aux familles cette
promiscuité.
Je comprends à la rigueur cet argument, qui peut s'appliquer à
quelques cas très rares. Pour ceux-là, je crois que Gaillon suffirait
largement. D'ailleurs, nous avons dans nos asiles des malades tur-
bulents, bien plus ennuyeux pour les autres, que ne le sont les
criminels, passant le plus souvent inaperçus; leurs compagnons les
supportent très bien.
D'après ceux qui invoquent le motif social, les malades con-
damnés par les tribunaux devraient être soumis comme tels à une
certaine législation, différant de celle qui régit les aliénés ordinaires.
Le médecin seul ne devrait pas être responsable de leur sortie dont
les conséquences peuvent être fort graves, et partant de ce principe
on en arrive à proposer la séquestration perpétuelle de tout aliéné
homicide.
Il yalà, en effet, une difficulté énorme au point de vue de lapra-
SOCIÉTÉS savantes. 363
tique, et tous les médecins aliénistes se sont trouvés souvent en
présence de cas très embarrassants; mais la loi spéciale, à laquelle
on voudrait soumettre les malades dont je parle, ne, résoudrait
aucunement cette difficulté. En fin de compte, ce sera toujours
le médecin qui sera appelé à décider si tel aliéné peut sans danger
être rappelé à la liberté. Si vous craignez que des aliénés crimi-
nels et dangereux ne parviennent a s'échapper des asiles, faites
dans chaque établissement ce qu'on a fait Bi,oLLlinoore : augmentez
dans un quartier le nombre des gardiensetvous vous trouverez dans
les mêmes conditions, puisque M. Motet nous a dit que cet asile
d'Etat était tout à fait semblable aux autres asiles. Parchappe, du
reste, n'a-t-il pas demandé depuis longtemps qu'on organisât un
service spécial pour les mélancoliques à idées de suicide et les
malades violents ?
En agissant ainsi, nous éviterons de traiter en criminels dangereux
des malades absolument inoffensifs, comme il y en a tant à Broad-
moore. Autrement nous ferons un pas en arrière, nous ramenant
vers l'époque où les aliénés étaient considérés comme des pri-
sonniers.
M. Lunier, qui ne partage pas la manière de voir de M. Motet,
voudrait qu'on soumît ces malades a une législation spécialeet qu'on
installât une commission qui en ferait le classement.
M. Motet se défend d'avoir considéré Broadmoore absolument
comme un asile ordinaire. Broadmoore ne relève que de l'Etat, qui
l'entretient; c'est le ministre et non plus le préfet qui signe l'entrée
ou la sortie des individus qui y sont séquestrés suivant le bon plaisir
de Sa Majesté, pour employer l'expression consacrée. M. B.
Séance du 26 décembre 1881. Présidence de M. Lors.
M. Motet raconte l'histoire d'un malade mort d'étranglement
interne dans le service de M.D.tg'ui]et,,et, que le directeur de Sainte-
Anne, surla simple dénonciation d'un délirant persécuté, soupçonnait
d'avoir été étranglé... par un interne. Cette idée plaisante provoqua
une enquête. On devine quel en fut le résultat, mais on s'étonnera
sans doute d'apprendre qu'elle fut commencée à l'insu de M. Da-
gonet, et que le parquet était déjà saisi alors qu'on cachait
soigneusement l'affaire au chef de service.
M. Dally s'élève avec indignation contre de semblables procédés
et tous les membres, s'associant à cette protestation, décident de
l'insérer au procès-verbal. Un extrait en sera remis officiellement à
M. Dazotiet comme un témoignage de sympathique considération.
3fi'a 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La Société passe ensuite au renouvellement de son bureau, qui est
ainsi composé pour 1882 :
M. Dally, vice-président, devient président de droit.
Sont nommés : MM. Motet, vice -président ; RITTI, secrétaire
général; Charpentier et GAR,-41ER, secrétaires annuels ; VOISIN,
trésorier.
Comité de publication. MM. J. Falret, DAGONET, DUMESNIL.
Membres adjoints au bureau pour le conseil de famille.
II. LEGn.1\D DU SAULLE et LUIS.
Commission du prix lubi7zel. 11\I. DvGO\ET, Falret, Legrand
DU S.1ULLE, NES\GT, Gll.lltl'I ? rll : n.
Commission du prix Esquirol. 111. B.11LLAHGEn, illN.T1\'iEn,
LuKI. ! R,BLAKCnEetGARKIER.
M. Lumer lit une note de M. Baillarger, sur une lésion de la
paralysie générale, que l'auteur a rencontrée^ quatre fois. Quand
dans ces cas on essaie d'enlever les méninges, elles entraînent toute
la substance grise qui est sous jacente aux points attérésetamenent
ainsi une véritable décortication de la substance blanche '.
M. Dally fait ensuite une communication sur les contractures
qu'il divise en trois espèces, suivant qu'elles dépendent des muscles,
de la moelle ou du cerveau. Il s'étend plus longuement sur les
dernières et les désigne du nom de contracture par appréhension.
Elles surviennent chez les jeunes sujets dont on a remué un peu
violemment les articulations douloureuses, pour en explorer l'état.
Il rapporte l'observation d'une malade non hystérique offrant une
contracture de la jambe et qui refuse depuis de laisser examiner
son membre. M. Dally a employé ce qu'il appelle le traitement
moral. Il a engagé la malade à tenter de faire elle-même de petits
mouvements. Ce traitement semble vouloir donner de bons résultats.
M. Charpentier demande comment se comportent les muscles
pendant le sommeil en général et la cbloroformisation en parti-
culicr.
M. DALLY. - La jeune fille a été endormie une fois il y a fort
longtemps par un de nos confrères, mais il s'est produit de fols
accidents, que la famille n'a pas voulu consentir à une nouvelle
épreuve.
M. Charpentier rappelle que chez certains hémiplégiques l'appré-
hension devoir examiner leurs membres augmente la contracture.
1)1. B.
1 Voir plus haut, p. 336.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 365
Séance du 30 janvier 1882. - Présidence de M. Dalle.
M. Luys, après avoir retracé en quelques mots les principaux
travaux soulevés au sein de la Société dans le courant de 1881,
cède le fauteuil à M. Dally qui exprime à son tour, en paroles élo-
quentes, le légitime orgueil qu'il éprouve d'être appelé à la
présidence.
M. Motet remercie ensuite la Société des appuis bienveillants et
sympathiques que chacun de ses membres n'a cessé delui prodiguer
pendant qu'il remplissait les fonctions de secrétaire général; il fait
ensuite part de la mort du regretté Brierre de Boismont et donne
lecture du discours prononcé sur la tombe.
M. Rrru, avant de procéder au dépouillement de la correspon-
dance, prononce également quelques paroles de remerciement à
la Société qui l'a nommé secrétaire général.
La correspondance comprend les différents mémoires déposés
pour le prix Aubanel et pour le prix Esquirol.
Sept concurrents se sont présentés pour le premier de ces prix,
et ont envoyé les mémoires suivants :
Azam : Des troubles intellectuels consécutifs aux traumatismes
du crâne. Vennaue : D'une forme non décrite d'hallucinations
panoramiques. - DEBACHER : Des hallucinations et terreurs noc-
turnes chez les enfants. Régis : Etiologie de quelques formes de
paralysie générale. BERGERON Folie de la puberté. BRIAND :
Du délire aigu et de quelques altérations du sang dans le délire
aigu. Pu cacheté : De l'hérédité dans le crime.
Deux mémoires ont été déposés pour le prix Esquirol :
Il De l'évolution du délire dans les vésanies. 2° Des conges-
tions dans la paralysie générale.
M. LEGRrND du SAULLE donne lecture du rapport à la commission
des finances ; il fait appel aux membres de la Société qui ne sont
pas encore inscrits sur la liste de souscription dressée pour élever
une statue a Pmcl. Il annonce en terminant que, grâce à son
initiative, la famille de Belhomme vient de verser entre ses mains
une somme d'argent destinée à fonder un prix qui portera le nom
de prix Belhomme.
M. Foville communique à la Société quelques considérations
médico-légales sur la responsabilité des faibles d'esprit. M. B.
366 .SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 27 février 1882. Présidence de M. Dally.
Prix Belhomme. - La somme d'argent que la famille Belhomme
se dispose à verser à la Société, pour la fondation d'un prix, est
acceptée. Ce prix, d'une valeur de 900 francs, sera triennal et
portera le nom de Prix Belhomme. 11 sera décerné pour la preniièt e
fois en avril 1,883 à l'auteur du meilleur travail sur l'Idiotie. Les
conditions du concours seront fixées ultérieurement :
Hydrocéphalie. M. Christian présente les pièces anatomiques
d'un hydrocéphale dont l'histoire peut être ainsi résumée : Cet
homme mort à quarante ans a eu une enfance très tourmentée et ne
paraissait pas devoir vivre longtemps. Il se fit cependant remarquer
de. bonne heure par un goût spécial pour la musique et une aptitude
particulière à apprendre les langues étrangères. Son caractère a
toujours été un peu difficile, maisce n'est qu'à l'âge de trente-neuf ans
qu'il a donné des signes bien manifestes d'aliénation mentale : il
devint vers cette époque triste, maussade, emporté, violent, et pré-
senta même des impulsions à l'homicide et au suicide. Dans les
derniers mois de sa vie il eut, en outre, des attaques épileptiformes
auxquelles il finit par succomber.
L'encéphale pèse 1400 grammes et les ventricules contenaient au
moment de l'autopsie 1100 grammes de liquide. La substance grise
est amincie; tout le cerveau s'est étalé sous l'influence de la pres-
sion du liquide ventriculaire, de sorte qu'il semble avoir gagné en
étendue ce qu'il perdait en épaisseur. Le crâne est complètement
ossifié; il est symétrique; son diamètre autéro-postérieur offre
une longueur de 24 centimètres; la circonférence est de 70 centi-
mètres.
M. Charpentier demande si les ventricules communiquaient avec
a cavité aracbnoidienne par la fentecérébrale. Si la communication
existait, on ne voit guère comment le liquide comprimant le cer-
veau à la fois en dehors et en dedans aurait pu en accroître le
développement; il devait au contraire en diminuer le volume.
M. Christian n'a pu vérifier ce point de doctrine.
M. Faluet. J'ai observé autrefois, dit-il, ce malade qui m'a vive-
ment intéressé : c'était un véritable aliéne à forme mélancolique
avec impulsions dangereuses; il a de tout temps appartenu à cette
catégorie de faibles d'esprit qui présentant quelques facultés par-
tielles très développées peuvent en imposer tout d'abord et passer
aux yeux du monde pour avoir une certaine intelligence, mais ne
sont en réalité que des imbéciles.
M. LuNiER connaît quelques idiots qui passent pour être d'excel-
lents musiciens.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 367
Présentation de malade. M. Régis lit une note relative à un
malade présenté déjà par M. Bail à l'Académie de médecine. Le
sujet de l'observation est un jeune homme de dix-huit ans qui présente
des hallucinations unilatérales de l'ouïe, consécutives à une otite
moyenne. L'otite serait elle-même la conséquence d'un soufflet. Il
résulte de cette note deux points saillants : d'abord l'hallucination
se rattache à l'otite et en second lieu le malade ne serait pas aliéné.
M. Blanche demande si M. Bail n'a pas dit à l'Académie que le
malade avait des tendances et même des impulsions au suicide. Ce
serait alors un aliéné ordinaire.
M. BALL. C'est vrai, mais je ne le considère cependant pas comme
aliéné.
M. Blanche. Si je me suis permis de vous faire cette petite observa-
tion, c'est que vous avez aussi parlé de violences qui semblaient
constituer de véritables actes délirants, et de plus que vous avez
fait séquestrer le malade.
M. B\LL. 11 a en effet commis quelques actes qu'à la rigueur on
pe.ut qualifier de délirants; j'ajouterai m6mequ'ila,àdiSerentes re-
prises, manifesté l'intention de se tuer; mais je ne crois pas qu'il
y ait dans ces faits des éléments suffisants pour constituer un
véritable délire.
M. Blanche. Ne pensez-vous pas alors que ces impulsions au
suicide étaient déterminées par une certaine croyance en ses hallu-
cinations ? Enfin il était par moments très violent et a menacé dans
la rue des personnes dont il se croyait insulté.
M. BALL. Je ne le crois pas. Ses violences reconnaissaient pour
causes des choses futiles. Cet enfant a quitté l'école, débile, triste,
lypémaniaque, irritable, et depuis une fièvre tpliolde n'a jamais été
ce qu'il paraissait être auparavant. Ces faits justifient parfaitement
sa séquestration à l'asile.
M. Lunier. Il ne me semble pas absolument démontré que cet
individu soit aliéné; il offre des anomalies dans les actes et il lui
suffit d'avoir des impulsions pour entrer dans la catégorie de ceux
qu'on séquestre, parce qu'ils ne peuvent se soustraire à leur pre-
mier mouvement. 11 y a en somme de fortes réserves à faire sur ce
point. De plus, je considère les autres phénomènes présentés
par le malade comme des illusions et non pas des hallucinations.
L'hallucination a en effet son siège dans le centre même, l'illusion
au contraire dans l'organe du sens ou l'appareil de transmission.
L'otite ne peut donc déterminer que des illusions.
M. BALL place définitivement son malade dans la catégorie des
incorrects. S'il offre, dit-il, des troubles intellectuels, c'est dans
l'ordre de la volonté et non pas de la pensée qu'il faut les cher-
cher ; de plus, le véritable intérêt de l'observation porte sur la dis-
368 bibliographie.
tinctiou entre une hallucination et une illusion. Peut-être un jour
toutes les hallucinations ne seront-elles que des illusions.
M. BouMM, qui tient aussi pour les illusions, se demande s'il n'y
aurait pas, par hasard, une simple coïncidence entre l'otite et les
troubles intellectuels présentés par le sujet.
M. Régis répond que le phénomène, illusion ou hallucination,
tend à disparaître sous l'influence du traitement local.
14L112CLL Blll.\\D.
BIBLIOGRAPHIE
XII. liecllerches sur la localisation des fonctions dans le cerveau de
l'Ivonxme; par Sigismond Exner. Vienne, 1881. 1.
Cet ouvrage est certainement le plus considérable de tous ceux
qui ont été consacrés à une étude d'ensemble des localisations céré-
brales chez l'homme. Mais il ne faut pas s'attendre à y rencontrer
de nouveaux faits cliniques ou expérimentaux, attendu que
l'oeuvre entière ne renferme que des observations déjà publiées; et
encore l'auteur s'est-il arrêté dans ce travail de compilation, à
l'année 880, c'est-à-dire à une époque depuis laquelle une tren-
taine de cas importants sont venus s'ajouter aux autres. 11 n'est
pas non plus à dire pour cela 'que l'étude de M. Exner soit dé-
pourvue d'originalité, tant s'en faut. D'ailleurs cette seule qualité
pouvait justifier une tentative dans laquelle il s'agissait de tirer un
nouveau parti d'une matière déjà fructueusement exploitée.
Il faut convenir que certains Locvlisuteurs, impatients de fixer
avec la rigueur mathématique la topographie fonctionnelle de l'é-
corce cérébrale, ont péché par excès de précision, au risque de dis-
créditer la cause qu'ils voulaient servir. M. Exner a su éviter cette
tendance. Frappé du défaut de coïncidences des lésions dans un
certain nombre de cas, où les relations cliniques présentaient une
analogie étroite, sinon une identité parfaite, il s'est borné à con-
fronter tous les faits mis en circulation depuis l'origine de la doc-
trine localisatrice : on conçoit que la totalité des observations em-
ployées à une pareille enquête fournisse des conclusions plus
Bibliographie. 369
légitimes que celles qui ont été formulées sur l'examen d'une
quantité relativement restreinte de cas.
D'un autre côté, il n'était pas possible de cherchera utiliser dans
la même mesure les milliers de faits accumulés depuis tantôt uu
siècle dans les recueils médicaux. L'auteur n'a conservé de cet
immense dépouillement d'observations que celles qui concernaient
des lésions corticales ; et, qui plus est, parmi celles-là, il en a élagué
encore un grand nombre, pour la raison que l'indication du siège
des altérations à la surface des plis cérébraux ne présentait pas la
précision nécessaire.
Après avoir ainsi réduit le nombre des cas de localisations pu-
bliés jusqu'à janvier 1880 au chillre de IG7, M. Exner s'est livré à
un véritable jeu de patience, consistant à figurer sur des schémas
de l'écorce cérébrale les lésions mentionnées dans ces 167 obser-
vations en les superposant les unes aux autres. Or, de ce travail de
synthèse qui semblait devoir aboutir à la conclusion que l'aire mo-
trice est plus étendue qu'aucun auteur ne l'a dit, il est résulté ceci :
c'est qu'il existe en effet une très vaste région de la face externe et
de la face interne du cerveau, dont l'altération peut produire des
troubles de la motilité; mais aussi qu'il existe certaines circonvolu-
tions ou certaines portions bien circonscrites de la même région,
dont l'altération entraîne non pas éventuellement, mais fatalement,
des phénomènes de spasme ou de paralysie.
Il va sans dire que, parmi les 167 cas utilisés par ill. Exuer, un
bon nombre est relatif à des lésions sans symptômes. Ceux-là, qu'il
appelle cas négatifs, ont d'abord été employés tous seuls à la déli-
mitation de l'aire corticale, dont les modifications ne produisent
pas de troubles moteurs; mais ils ont du même coup servi à cir-
conscrire l'aire motrice, car sur les schémas où les lésions sont re-
présentées par une série de teintes superposées ou juxtaposées, le
champ moteur reste nécessairement incolore. En apportant le plus
grand soin à la collation et à la figuration de ces cas négatifs, l'au-
teur a donc été fort bien inspiré. De là résulte encore une notion
fort curieuse, à savoir que la région coiticale , dont les lésions ne
produisent pas de troubles de la motilité, et que l'on peut appeler
région latente, est beaucoup plus étendue dans l'hémisphère droit
que dans l'hémisphère gauche ; ou, en intervertissant les termes,
que les centres moteurs dans l'hémisphère gauche, ont une impor-
tance quantilive supérieure à celle des centres homologues dans
l'hémisphère droit. Si l'on rapproche ce fait de la localisation du
langage dans le lobe frontal gauche, on est en droit d'admettre,
d'une façon générale, la proéminence de cette moitié du cerveau
sur celle du côté opposé, du moins chez l'homme, l'hoiiio sapiens
de Cuvier.
Entrant ensuite dans le détail, M. Exner démontre que les cir-
convolutions peuvent être répaities physiologiquement en trois
24
370 bibliographie.
catégories, ou anatomiquement en trois régions qu'il appelle : ré-
gion latente, région relative et région absolue. La région latente
est celle dont les altérations pathologiques ne donnent jamais lieu
à des symptômes paralytiques. La région relative est celle dont
la destruction totale ou partielle entraîne quelquefois des troubles
moteurs. Enfin la région absolue est celle dont les localisations
morbides produisent toujours et fatalement ces troubles. A pre-
mière -vue, il peut paraître singulier qu'un territoire cortical soit,
suivant les cas, psycho-moteur ou indifférent. En d'autres tenue ?
on peut s'étonner qu'il existe une région relative. On comprend
néanmoins qu'ilensoitainsi quand on rélléclut qu'une altération pa-
thologique, si limitée qu'elle soit, détruit en même temps des por-
tions motrices de l'écorce et des portions non motrices. Or, dans
les régions cérébrales où siègent les centres de mouvement, la
destruction du tissu cortical empiète le plus souvent sur des parties
dépourvues de propriétés motrices, de telle sorte qu'il est fort dif-
ficile de déterminer, à l'aide d'un petit nombre de cas seulement,
quelles parties sont dévolues aux mouvements volontaires et quelles
parties ne le sont pas Mais en superposant une grande quantité
de lésions analogues, on arrive à circonscrire un département de
substance grise dont la lésion ne manque jamais dans tel ou tel cas
de paralysie localisée. Ce département relativement restreint re-
présente le champ absolu d'un centre moteur , le reste représente
le champ relatif. Il peut se faire que, chez un sujet, le champ rela-
tif soit seul intéressé, le champ absolu restant indemne, et que ce-
pendant une perversion de la motilité en soit la conséquence.
Chez un autre sujet, le même champ relatif peut présenter les
mêmes altérations et les fonctions motrices auront conservé in-
tactes leurs attributions physiologiques. La conclusion qui découle
nécessairement de la comparaison de ces faits, en appaience con-
tradictoires, est la suivante : la forme et les dimensions du champ
relatif varient suivant les individus. Autant le champ absolu est
fixe dans sa situation et dans ses propriétés fonctionnelles, autant
le champ relatif de chaque localisation est changeant dans son
étendue et dans ses rapports anatomiques. 11 va sans dire que le
champ relatif lui-même ne dépasse jamais certaines limites. ·
On doit savoir gré à tll. Exner d'avoir insisté sur les champs t'c-
latifs 'des centres moteurs, qui permettent de comprendre quel-
ques divergences d'opinion relatives iL la détermination exacte de
certaines localisations.
Les champs absolus, au dire de M. Exner, sont très rapprochés
les uns des autres, mais ils ne se confondent pas. Ils ne corres-
pondent pas non plus d'une façon rigoureusement exacte aux ter-
ritoires qui ont été délimités par MM. Charcot et Pitres : ainsi ces
auteurs placent le centre cortical des muscles de la langue dans la
partie la-plus inférieure et la plus postérieure du gyrus frontalis in-
BIBLIOGRAPHIE. 371 l
férieur et le font empiéter sur la partie inférieure du gyrus central
antérieur (circonvolution frontale ascendante). M. Exner localise ce
centre un peu plus haut.
De même, pour MM. Charcot et Pitres, les muscles du visage ont
leurs centres dans les extrémités inférieures des deux circonvolu-
tions rolandiques, tandis que toute la portion supérieure de ces
circonvolutions, avec le lobule paracentral, est affectée aux deux
membres; quant au tiers moi en des circonvolutions rolandiques,
il appartiendrait exclusivement au membre supérieur et même
seulement à l'avant-bras et la main. Exner, a rencontre de celte
opinion, signale douze observations de paralysie des membres sans
lésions du lobule paracentral ou des parties les plus élevées des
circonvolutions rolandiques.
Enfin, contrairement à l'opinion la plus généralement admise,
Exner prétend que la partie la plus élevée des circonvolutions cen-
trales renferme le champ absolu du membre supérieur et non pas
celui du membre inférieur, etc..
On pourrait, à notre avis, adresser un reproche à M. Exner.
Pour établir toutes ces localisations, d'après les cas si nombreux
qu'il a anal) ses, il s'est servi des schémas de Ecker. Ces schémas
sont sans doute très suffisants pour représenter une localisation,
dans sa forme générale et ses dimensions approximatives, mais
pour limiter les champs relatifs, ces figures sont par trop propices.
Le mieux eût été de prendre avec grand soin l'empreinte de
chaque hémisphère et d'y reproduire fidèlement le calaclère topo-
graphique de la lésion.
On conçoit qu'un travail si consciencieux ait permis à l'auteur de
se faire une opinion et de la proclamer : « Je ne croirai, dit
M. Exner, a l'uniformité fonctionnelle de toutes les circonvolutions
que lorsque une collection de faits analogues à celle-ci, aura dé-
montré que le champ absolu du membre supérieur siège a la face
inférieure du lobe sphénoïdal, celui de <'/t.)o<o&'6'(; dans le lobe occi-
pital cl celui de l'oeil dans le lobe frontal. » E. li.
XIII. Etudes cliniques sur ? M/4<d ! 'o-t'pepStC ou grande hystérie; par
P. IRcno. 1. éditeurs. I vol. iii-81. 1881.
Certainement depuis Carwvell jamais médecin M'a mis au service
de la science plus habile crayon que M. P. hucher. On n'estimera
pas moins que les planches z Le, gravées par lui-même, les
croquis qu'il a si libéralement répandus dans le texte et qui tra-
dutbeut, avec une exactitude à laquelle une desci iption écrite ne
saurait que difficilement prétendre, les divers et fugaces épisodes
de l'hystéro-épilepsie.
La première partie de cet ouvrage traite de la grande attaque
372 BIBLIOGRAPHIE.
hystérique complète et régulière. L'auteur étudie d'abord en détail
l'ovarie, les zones hysléro-épileptogènes, les hallucinations, les
divers prodromes.
Le myographe lui a permis de faire des deux premières périodes
é,pileptoide et de elowitisine, là où tout parait désordonné, une des-
cription très précise dans les moindres détails, de les différencier
exactement. Le retour incomplet de la sensibilité sensorielle, la
variété du délire distinguent de la troisième période (des poses
plastiques), la'quatrième (de délire), tandis que les hallucinations,
les soubresauts, les contractures rapprochent celle-ci de la pre-
mière, fait important. La température constamment normale,
la reprise rapide de la conscience, la fatigue légère qui suit l'at-
taque aussi bien que les états de mal hystéro-épileptiques les plus
prolongés ne permettent la confusion ni avec l'accès, ni avec
l'état de mal épileptiques.
Ces descriptions parfaitement exactes, quant aux malades de la
Salpêtrière peuvent-elles s'appliquer à celles qu'on observe en de-
hors ? M. Richer, qui ne nie pas l'influence de l'imitation sur le
mal hystérique et la démontre même, répond à cette objection
.souvent faite par des observations d'attaque hystéro-épileptique
prises, la première sur une malade même du service de M. Charcot
avant son entrée, les autres sur des malades de la clientèle civile à
Paris et ailleurs, enfin par des observations puisées dans les
annales de la science, auxquelles s'applique nettement la division
en périodes établies par le professeur de la Salpétiière. M. Richer
a pu en outre, dans ce long dépouillement, relever bien des
erreurs de diagnostic et rapporter à l'hystérie des faits attribués à
l'épilepsie. 11 faut d'ailleurs rapprocher la grande attaque de l'at-
taque d'hystérie vulgaire. Elle n'est que le degré le plus intense de
l'hystérie et son étude approfondie jette un jour singulier sur toute
la symptomatologie de la névrose.
En abordant, dans la deuxième partie, la description des princi-
pales variétés de la grande attaque hystérique, variétés dépendant
soit de l'extension, de la prédominance d'une période, soit de
l'immixtion d'éléments étrangers de somnambulisme, de cata-
lepsie, de léthargie, M. Richer déclare que c'est là la partie
la plus intéressante de sa tâche, la plus pratique et la plus
propre à éclairer certaines parties obscures do l'histoire. Sur
ce dernier point l'espoir du lecteur sera quelque peu déçu, ici
comme dans l'appendice. Qu'est devenu le projet d'un cha-
pitre dont le titre avait paru fort original : « De l'hystérie dans
l'art ? »
Dans la question difficile de la catalepsie, de la léthargie et du
somnambulisme hystériques provoqués, rien n'a été négligé pour
emporter la conviction du lecteur, pour le conduire sur un terrain
solide. Les faits les plus simples, les plus grossiers, les signes did-
BIBLIOGRAPHIE. 373
gnostiques physiques, et facilement appréciables des divers états
nerveux, ont été recherchées à la Salpêtrière. A l'appareil des ma-
gnétiseurs, on substitue la lumière Drummond, le bruit du gong,
les vibrations du diapason, etc... L'hyperexotabilité neuro-muscu-
laire caractérise, sans fraude possible, la léthargie hystérique pro-
voquée, la distingue de la catalepsie, du somnambulisme hystéri-
que. Ce dernier est une léthargie dans laquelle fuit défaut l'lryper-
excitabilité. Ces deux états si divers, léthargie et catalepsie, peuvent
d'ailleurs coexister chez le même sujet, comme l'a montré M. Des-
courtis le premier. Ce nom a été oublié par l'auteur si empressé à
rendre à chacun justice.
La troisième partie a rapport à des faits trop souvent exposés et
discutés en ces derniers temps pour y insister. Il s'agit de l'anes-
thésie hystérique et des agents oesthésiogènes, de la paralysie et de
la contracture hystériques.
Le phénomène du transfert pour l'anesthésie, 1'li-perexcitabilité
neuro-musculaire, pour la catalepsie mettront le médecin à l'abri
de la simulation. L'action d'arrêt de la compression de l'ovaire, des
interversions électriques, de l'excitation des zones bystéro-épilepto-
gènes, jointe aux signes déjà indiqués, distinguera 1'li,stéro-épilep-
sie de l'épilepsie. La quatrième et dernière partie se termine par
un exposé des divers traitements proposés. L'internement loin du
milieu habituel et l'hydrothérapie méthodique combinés, l'élec-
tricité statique sont les seuls dont l'expérience ait sanctionné la
valeur. D. Bernard.
XIV. Des lésions de la corne d'Ammon dans l'épilepsie ; par Georges
Coulrault. Thèse de Paris, 88't.
Y a-t-il une relation de cause à effet entre les lésions de la corne
d'Ammon et l'épilepsie ? Tel est le problème que se proposait de
résoudre l'auteur de ce travail, écrit sous l'inspiration éclairée de
M. Bourneville. A notre sens, doux sortes de facteurs peuvent con-
duire à la solution d'une aussi importante question. En premier
lieu, l'étude-clinique des malades apporte par les constatations s
anatomo-pathologiques un ensemble de probabilités en fa\eur
ou non d'une corrélation entre lès phénomènes cliniques et les
lésions. s'agissait,en second lieu, de dégager la notion de causa-
lité qui comporte un triple examen, savoir : Il l'altération a-t-elle
précédé ou du moins accompagné l'explosion des manifesta-
tions convulsives ? 2° par quel mécanisme doit-elle être considérée
comme génératrice des phénomènes ? 3" le même complexus symp-
tomatique ou une fraction de celui-ci peut-il être produit par l'ex-
périmentation ?
Tel est d'ailleurs le plan suivi par M. Coutbault. Apres avoir briè-
vement, mais d'une façon suffisante, résumé l'historique etl'étal
371 l BIBLIOGR.11`fIIE.
de nos connaissances sur l'anatomie et la physiologie de la corne
d'Ammon, il groupe par l'exposé concis de qu tre- ing t-treize obser-
vations les matériaux pathologiques Nous y comptons quatre-vingt-
sept faits tirés des auteurs et six appartenant à M. Bourneville. Un
semblable nombre, évidemment faible, si on le compare à l'im-
mense quantité des épileptiques quelconques, suffit déjà i affirmer
qu'il ne s'agit point làd'une coïncidence fortuite; d'autant, comme
le fait remarquer l'auteur, que tous les épileptiques autopsiés en
dehors de ceux-ci n'ont pas été examinés à ce point de vue, et
que beaucoup d'entre ceux qui ont été considères cornnu ayant
leurs cornes d'Ammon saines en eussent peut-être présenté des
dégénérescences si l'examen micioscopique avait été pratiqué. En
réalité, les recherches dirigées sur l'organe qui' nous occupe ont
déjà fourni quatre-vingt-treize résultats consistant, le plus habi-
tuellement, en l'induration scléreuse du tissu. On n'en possède
actuellement que trois analyses histologiques qui semblent établir
que le processus dans son intimité doit être considéré comme une
hyperplasie conjonctive aboutissant à la destruction granulo-grais-
seuse des vaisseaux et des cellules pyramidales. (\111. 13oucliard et
Sommer.)
La corrélation clinique avec localisation spéciale une fois établie,
l'auteur se demande si l'épilepsie a été dans l'espèce la consé-
quence de la maladie de l'hippocampe. La multiplicité des cas col-
1,LLioniiC, le fait qu'on avait généialement affaire a de l'épilepsie
acquise, l'intensité et l'âge des lésions rapprochés de l'époque du
début des symptômes, la haute valeur de l'opinion de M. Charcot
en pareille matière, tranchent pour lui on faveur de cet avis. Quant
aumécanisme,b)enquec)ie/cesmaladesonaitnotédestroubles
de la sensibilité générale confirmant les résultats expérimentaux
de Ferrier, quoique Sommer, en r111emagne, admette un rayonne-
ment de l'excitation de la corne sur le centre épiieptogéne vaso-
moteur, M. Coulbault incline à penser que toute décision concer-
nant la pathogénie doit être réservée.
En somme, c'est la un mémoire consciencieux qui délimite par
la condensation de tous les éléments d'une question, l'aire du ter-
rain gagncsans négliger de mettre en évidence les points obscurs
que les cliniciens de l'avenir auront a coeur d'éclaircir. P. K.
XV. Des hallucinations et des terreurs nocturnes chez les enfants
et les adolescents; par F. Debackeu. Thèse de Paris, 1881.
L'auteur divise les hallucinations et les terreurs nocturnes en
deux groupes distincts : les unes sont d'origine cérébrale, les autres
ont leur source ailleurs. Ces dernières sont le plus souvent pro-
duites par des indigestions gastro-intestinales, déterminées par une
dentition difficile et laborieuse, des vers intestinaux, la constipa-
BIBLIOGRAPHIE. 375
tion, la diarrhée, etc. Les autres dépendent quelquefois des mala-
dies guéries qui ont laissé dans les fonctions cérébrales un trouble
plus ou moins durable ; on les rencontre dans la convalescence de
la fièvre typhoïde, delà pneumonie ; on peut les rencontrer encore
chez les individus surmenés, où elles constituent une sorte de délire
d'inanition. D'autres fois, elles sont les symptômes de maladies
cérébrales actuelles, comme dans l'idiotie, etc.; elles sont alors
permanentes. D'autres fois, enfin, elles sont les prodromes d'affec-
tions cérébrales à venir ; c'est alors qu'on doit tenir compte de
l'hérédité : elles peuvent précéder la méningite tuberculeuse, l'épi-
lepsie, l'hystérie, l'idiotie. Plus rarement elles ont pour cause des
intoxications (belladone, opium, sulfate de quinine). Cil. F.
XVI. De la pseudo-paralysie générale alcoolique ; par A. LAC.IILLE.
Thèse de Paris, 1881.
Contrairement t ce qu'on a cru, l'auteur pense que l'alcoolisme,
non seulement n'est pas la cause la plus fréquente de la paralysie
générale, mais même qu'il paraît incapable de l'engendrer de
toutes pièces. L'erreur des anciens auteurs tient à quatre causes :
4° beaucoup de paralytiques généraux étaient considérés comme
alcooliques alors qu'ils ne l'étaient pas en réalité; 21 d'autres,
considérés comme paralytiques par alcoolisme, n'avaient commis
d'excès que depuis le début de la maladie, qui était en somme la
cause de l'alcoolisme; 3° certains cas d'alcoolisme chronique, res-
semblant plus ou moins à la paralysie générale ont été confondus
avec cette maladie, jusqu'à Magnus Iluss, Lasègue, J. Falret;
4° enfin certains cas, considérés aujourd'hui comme constituant la
véritable paralysie générale alcoolique, ne sont pas à proprement
parler de véritables cas de paralysie générale, et ils diffèrent des
autres cas par leur mode de début, leur symptomatologie, leur
marche et leur pronostic. Dans la pseudo-paralysie des alcoo-
liques, il n'est pas rare de voir les symptômes propres à l'affection
parah tique succéder à des attaques épileptiformes répétées, ou
encore à un accès d'alcoolisme subaigu. Cette pseudo-paralysie se
caractérise en outre : Il par des symptômes qui lui sont propres,
(embonpoint, coloration rouge de la face, troubles gastriques
divers, troubles visuels, attaques épileptiformes ou apoplecti-
formes, troubles intellectuels particuliers); 2° par des particularités,
des symptômes qui lui sont communs avec la paralysie générale.
L'inégalité pupillaire, qui manque une fois sur trois dans la para-
lysie générale, est la règle dans la pseudo-paralysie alcoolique, et
en outre, dans cette dernière affection, la pupille est presque tou-
jours immobile et plus ou moins déformée. Les troubles de la sen-
sibilité sont la règle dans la pseudo-paralysie, qui se distingue
'encore en ce que la paralysie y commence toujours par les extré-
376 BIBLIOGRAPHIE.
mités, qui sontplutôt engourdies, inhabiles, qu'affaiblies, tandis que
dans la paralysie générale, la paralysie est plus étendue d'emblée,
et en outre est progresssive. Dans la paralysie alcoolique, le trem-
blement est général, il est limité dans la paralysie générale et il est
fibrillaire. L'embarras de la parole est le plus souvent très marqué
dès le début de la pseudo-paralysie, etc. Au lieu d'être progressive,
la pseudo-paralysie arrive brusquement à son apogée, elle présente
en outre des rémissions tant dans son ensemble que pour plusieurs de
ses symptômes en particulier; ces rémissions sont quelquefois assez
longues, et assez complètes pour faire croire a une guérison. En
somme, la pseudo-paralysie des alcooliques se distingue autant par
sa marche que par ses symptômes; elle parait aussi distincte, autant
qu'on peut en juger, par son anatomie pathologique. Cu. F.
XVII..RM/iO'c/tes cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie ; par Martial
fIU13LÉ. Thèse de Paris. Aux bureaux du Progrès médical. 4831. 1.
S'il est dans les sciences un terrain dont le défricltement exige
une observation et une expérimentation opiniâtres autant que judi-
cieuses, c'est à coup sûr celui de la thérapeutique. On n'en saurait
aborder les problèmes si délicats sans compter sur un guide et une
méthode éprouvés, surtout lorsqu'il s'agit de maladies du système
nerveux. Ces conditions, M. Hublé les a réalisées grâce l'illiptil-
sion savante de M Bourneville. Il a eu soin d'ailleurs, limitant son
champ d'inquisition, de s'adresser à quatre médicaments d'une im-
portance capitale dans le traitement de la névrose, et l'on peut se
convaincre par la lecture des nombreuses observations du mémoire
que, malgré l'ancienneté de la maladie, en dépit de l'influence épi-
leptogène du milieu, selon l'expression de M. Bourneville, les suc-
cès ont répondu IL la persévérance du chercheur.
La scrutation des quarante-six faits, exposés en détail, peut seule
renseigner sur la mesure et l'individualité des résultats, les condi-
tions dans lesquelles a lieu l'intervention devant, à notre sens, tou-
jours guider le thérapeute. Nous nous proposons donc simplement
de retracer les grandes lignes de ce travail.
L'auteur le divise en quatre chapitres correspondant tout natu-
rellement aux quatre agents considérés : bromure de camphre, de
zinc, d'arsenic, de sodium. Chacun d'eux débute par l'histoire natu-
relle, chimique et médicale Ju médicament. En effet, a propos du
bromure de camphre notamment, la question de légitimité de
l'eiilité : cliiiiiique se posed'emblée. M. llublé la tranche dansl'espèce
en i appelant les travaux de Swartz dlehaud, de Ed. Dubois (1874)
et Clin (1873) qui ont obtenu des cristaux clinorhombiques (pro-
fesseur Friedel, de l'Ecole des mines) de la substance La bibliogra-
phie des premières recherches instituées avec elle se résume dans
les publications de M. Bourneville bientôt confirmées par Lawson.
BIBLIOGRAPHIE. 377 7
La thèse de M. Hublé apporte neuf cas nouveaux venant en majo-
rité à l'appui de l'action curative du camphre monobrome. L'inges-
tion de doses croissantes (de 0,10 à 6 grammes) et longtemps con-
tinuées fait d'abord diminuer puis disparaître les accès et vertiges;
2 grammes administrés en lavement (Obsetvation XX), a plusieurs
reprises (on a dû donner simultanément par les voies buccale et rec-
tale, 6 grammes), guérissent l'état de mal ou les accès graves en
ramenant la température de 42 à 40 puis de 40 à 38 en faisant dis-
paraître le coma. Plusieurs exemples de guérison maintenue après
cessation de l'ingestion médicamenteuse.
Le bromure de zinc, préconisé par 11. Harnmond, de Philadelphie,
aurait l'avantage d'éviter, môme employé à hautes doses, l'in-
toxication bromique et les éruptions cutanées. Sur les neuf obser-
vations présentées par M. Ilublé concernant des quantités graduel-
lement ascendantes de 0,20 à 4 gr. 30 par jour, nous notons quatre
exemples topiques d'amélioration considérable tant pour les accès
que pour les vertiges. Telle l'Observation XUX, caractérisée par
l'aggravation constante do l'épilepsie au moment où l'on commence
à administrer le bromure de zinc; au bout d'une année de traite-
ment, on note au lieu de trois cent quatre-vingt-six, cent soixante-
quatre accès. - De l'influence heureuse du bromure d'arsenic,
M. Hublé ne nous relate qu'un cas concluant dans lequel un double
essai aux doses progressives de 0,001 à 0,01, puis de 0,002a0,03.
déterminait chaque fois une amélioration aboutissant en dernier
ressort à la disparition des accès et vertiges pendant trois mois. Le
médicament semblerait convenir de préférence aux épileptiques
atteints de dermatoses.
Avec le bromure de sodium, nous abordons la grave question de la
sélection des agents chimiques basée sur le plus ou moins de rapports
physiologiques que possède le métal avec les humeurs de l'écono-
mie, l'alcalinité du sang, par exemple, dérivant de la soude. Est-il
plus actif et cependant moins dangereux que le bromure de potas-
sium ? Les indications bibliographiques émanées d'autorités telles
que IlosenLhal, Martin-Damourette et Pelvet, Trousseau et Pidoux,
Gubler, Dumont, Iluette, Bennett d'Edimbourg, W. Hammond, pa-
raissent affirmatives. Ainsi en est-il de la pratique deM. Hublé, qui
prescrit des doses croissantes (I gr. à 10 gr ) et se garde bien, l'ef-
fet thérapeutique obtenu, de diminuer graduellement les quotités ;
attendant, à l'exemple de M. Legrand du Saulle, que le bien-être
persiste quelques mois, il ne diminue pas la quantité mais l'admi-
nistre tous les deux jours la première quinzaine et tous les jours
pendant la seconde. Dès que l'épilepsie a disparu pendant dix-huit
mois, le bromure de sodium est donné tous les trois jours pendant
la première quinzaine, tous les jours durant la seconde, ceci peu-
dant deux ou trois ans encore après la rétrocession totale des
accès et vertiges. Suivent quinze observations dont la première
373 i BIBLIOGRAPHIE.
(Observation XXXII) équivaut à une guérison complète au moins
pondant huit mois chez une petite enfant de trois ans, les autres
témoignant, a l'exception des trois dernières, d'un effet très puis-
sant de la médication.
En somme, sans vouloir s'engager dans des considérations de
thérapeutique comparée au moins prématurées, l'auteur, tout en
maintenant au bromure de potassium sa suprématie, lui reproche
son inertie en certains cas, son action toxique à hautes doses. Il
n'en serait pas de même pour les trois autres bromures. Le mono-
bromure de camphre mériterait d'être choisi dans l'épilepsie verti-
gineuse, le délire postepitcptique, et l'état de mal. Au bromure de
zinc, il faudrait réserver les accidents convuisisssm vivant a l'ad-
ministration des bromures alcalins. Egalement inoffensif et bien
toléré, le bromure d'arsenic conviendrait chez les épileptiques af-
fectés concurremment de dermopathies. Enfin c'est le bromure de
sodium qui, se rapprochant le plus dans sa base de la constitution
chimique des éléments séreux de l'organisme, semblerait devoir
mériter la préférence. Et de fait, les arguments présentés nous
paraissent rationnnels. P. K.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
Enseignement des sourds-muets par la parole; par L. Guyot ; thèse de
Paris, 1881.
De l'emploi de la Fève de Z dans le traitement du tétanos ; par
G. E. Cnantcn; thèse rle Paris, 1881.
De la coexistence de la méningite suppurce et de la pneumonie au troi-
sième degré ; par B. Sm.vx ; thèse de Paris, 1881.
Essai sur l'a n 711,sie l-ri iini(ili qîie 7.çolée; 1),ii- Il. Crnnt : ;thèsrtle Paris, issi.
De la révulsion iz la nuque dan* les affections chroniques du cerveau et
de ses enveloppes ; 1r Emm. 13c thèse de Paiis, 1881. 1.
Considérations cliniques sur la folie épileptique et particulièrement sur
l'aura; par P. A1119 ; thèse de Paris 188 1.
Contribution il l'étude de* modifications rl(, la sensibilité dit membre
supérieur consécutives aux lésions nerveuses; par G. 111mcnnt.r; thèse de
Paris, 1881 .
Des lésions syphilitiques du raclas; par L. LEtOT; thèse de Paris, 1881.
Contribution it l étude de la névrite trattnzalrtte; par J. 12cr-Dnnucnu;
thèse de Paris, 1881.
Description d'un nouvel excitateur électrique ; par Tunctuff (atec une
planche), (in La SI)ej,li ? e21tale, 1881, fasc. 9.)
Contribution an traitement de la gastralgie (nerveuse) par les courants
constants- par ]taffae ! eVt/.<0[i, 1, in // Morgagni, 1881, fasc. G.
De l'aphasie par t'. A. Cu.onnc; thèse, 1 882.
Elude. sur le traitement des fractures indirectes récentes du rachis; par
S ? M.CAXAD, thèse, 1881.
Les Eaux de Lanzalou et l'ataxie locomotrice; par A. CoT. ; thèse, 1SS2.
Etude sur les tumeurs malignes des os du crâne', par Mercieh-Yalen-
Tov; thèse, 1881.
Quelques observations derhiimalisme céreLrol; par\Lllnnntcox; thèse 1881. t.
Essai sur la diminution de l'urée dans l'atrophie musculaire progres-
sive ; conséquences qu'on peut en déduire au point de vue du siège de la
formation de l'urée dans l'organisme; par H. I'E4LEGnla; thèse, 1881.
FAITS DIVERS
Académie royale de -médecine de Belgique. Prix. Extrait du p ? 'o-
gramme des concours. foi2élé2)a, un anonyme. Elucider par des
faits cliniques et au besoin par des expériences la et
la thérapeutique des malidies des centres nerveux et principale-
ment de l'épilepsie. Prix : 8 000 francs. Clôture du concours :
31 décembre 1833. Des encouragements, de 300 à 1,000 francs,
pourront être décernés a des auteurs qui n'auraient pas mérité le
prix, mais dont les travaux seraient jugés dignes de récompense.
Une somme do 25,000 francs pourra être donnée, en outre du
prix de 8,000 francs, à l'auteur qui aurait réalisé un progrès capi-
tal dans la thérapeutique des maladies des centres nerveux, tel
que serait, par exemple, la découverte d'un remède curatif de
l'épilepsie.
Conditions des concours. Les mémoires, lisiblement écrits en latin,
en français ou en flamand, doivent être adressés, francs de 1)0 ? 'I,
au secrétaire de l'Académie, à Bruxelles. Seront exclus du concours :
1° les mémoires qui ne rempliront pas les conditions précitées;
2° ceux dont les auteurs se seront fait connaître directement ou
indirectement ; 3° ceux qui auront été publiés, en tout ou en par-
tie, ou présentés 1 un autre corps savant ; 4° ceux qui parvien-
dront au secrétariat de la Compagnie après l'époque fixée. L'Aca-
démie exigeant la plus grande exactitude dans les citations, les
concurrents sont tenus d'indiquer les éditions etles pages des livres
auxquels ils les emprunteront. Les mémoires doivent être revêtus
d'une épigraphe, répétée sur un pli cacheté, renfermant le nom et
l'adresse des ailleurs. Le pli annexé i un travail couronné est ouvert
en séance publique par le président, qui proclame immédiate-
ment le lauréat. Lorsqu'une récompense seulement est accordée
à un mémoire de concours, le pli qui y est joint n'est ouvert du';1
la demande de l'auteur, faite dans le délai d'un an Après l'expi-
ration de ce délai, la récompense ne sera plus accordée. Le
manuscrit envoyé au concours ne peut être réclamé ; il est déposé
aux archives de l'Académie. Toutefois, l'auteur pourra toujours,
après la proclamation du résultat du concours, en faire prendre co-
pie à ses frais, en fournissant au secrétaire de la Compagnie la
preuve que ce mémoire est son oeuvre. L'Académie accorde gratui-
Lement, aux auteurs des mémoires dont elle a ordonné l'impression
cinquante exemplaires de ces travaux tirés à part et leur laisse
la faculté d'eu obtenir un plus grand nombre à leurs frais.
383 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
l ota Les membres titulaires et les membres honoraires de l'Aca-
démie ne peuvent prendre part au concours.
Asile de Baox. Concours pour l'internat. A la suite de ce con-
cours, ont été nommés : internes titulaires : 111\I : I ouclierand, TaLi,
Roussel; - internes suppléants : MM. Domeck et Laurent. L.
Prix Hammond. Sous le litre de Prix Hammond, l'Association
neurologique de Kew-York propose un prix de ? i00 fr. à décerner,
au mois de juin 1882, à l'auteur du meilleur mémoire relatif aux
fonctions de la couche optique chez l'homme.
Les conditions du concours sont les suivantes : 41 le concours
est ouvert à toutes les nations ; 2° les mémoires doivent s'appuyer
surdos observations et des expériences originales recueillies sur
l'homme et sur des animaux inférieurs; 3° les mémoires doivent
être écrits en anglais, en français ou en allemand (dans ce der-
nier cas ils doivent être en caractère italien); 4° les mémoires
doivent être adressés, affranchis, avant le Il, février 1882, au
Dl E.-C. Seguin, 41, West, rue n° 20, cité de New-York; chaque
mémoire portera une devise, qui devra être répétée dans une en-
veloppe cachetée contenant la carte de visite de l'auteur ; 1° le
mémoire couronné sera la propriété de l'Association, qui se char-
gera de le publier.
Nominations M. rwcln : n, directeur-médecin de l'asile de
Rodez, est nommé directeur-médecin de l'asile de Limoges, en
remplacement de M. Bonnet, admis dans le cadre de disponibilité.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Aliyoixe (J.). Traitement et delà 1)li th iicpii ln ? oiiai-e par
l'éleclricrté. Brochure de 19 pages, Paris, librairie .1. Delili[tye et
E. Prix : 1 fi. 50.
l3cwo (G.-M.). llie case of Guiteait a p<yc/)0<o.'y ! 'c< ! / study. Brochure
in-8" de 3G pages, Kew-Yoik. (Extrait du Journal o/ nervous and mental
flese(7.çe, 1882.)'
- 71-niipe muscle rcading. Brochure in-8^ cart. de 40 pages et
grauires intercalées dans le texte.
CnoTUens(1 ? D.). The trance stale ir7eLriety nieclico-legal-elatio71s.
Brochure m-8 de 39 pages, Hartford, Conn., The case Loclwvoodet-Brw-
nard company.
Durand (.M.). De l'écritureea miroir (étude sur l'écriture de la main
gauche dans ses rapports avec l'aphasie). Brochure in-8^ de -)5 pages.
l'ati,, librairie A. Dt,i,iliae. et E. Lecrosnier. Prix : 1 fr.
Fini fih.). Contribution à l'cliulc des troubles fonctionnels de la
vision par lésions cerébiales (Anibljopie croisée et hémianopsie). Un vo-
lume in-8" de 240 pages .née 49 figures dans le texte. Anx bureaux des
3rchicesder\'eurologie. Prix : 3 h'.bû. Pournosabonn6s,pux : 2fr.50.
TABLE DES MATIERES
/Esthésiogènes, par VigOLII-011X, 86.
Aliénés criminels, 226.
Amaurose consécutive aux lésions
du sourcil ou de la région orbi-
tawe, par Santos Fernandez, 98.
Amblyopie croisée et hémianopsie
d'origine cérébrale, par Ch, Féré,
338.
Anatomie comparée du système
nerveux central, 237.
Anomalie de formation particulière
du cerveau et de la moelle, 233
Anthrax rave (améboration chez
un paraij tique général a la suite
d'un), 221.
Antonomasie, 106.
Aphasie (coutrib. à l'étude de 1'),
par Raymond et I)re51'uus, 80.
Apoplexie bulbaire avec paralysie
croisée de la sensibilité, 229.
Asile d'aliénés de Ceylan (cas ob-
senésà l'), 1)il Pltxtoli, 223.
Asiles d'aliénés de la Seine, 121,
268.
Asile (le Yillcjuif, 269; - de Sir-
reguenniies,108; pourles aliénés s
criminels, 107; - Sailite-Anne
(scandale à 1'), 363.
Asphyxie locale des extrémités,
230.
Ataxie locomotrice (et syphilis),
par Althaus. 3'9 - (conservation
des réflexes tendineux dans l'),
par Tlnème, S'il.
Béribéri au Brésil , par Tarlssan,
245.
Cachexie z par
Biaise, 60, 15t.
Cerveau (sur quelques points de
l',watomie et de la physiologie
du), har Bauney, 3r"i.
Cervelet (atrophie du), 360.
Chaire de clinique des maladies du
système nerveux, 268.
Cloree dite électrique, 213.
Choroidien (altérations du pig-
ment) chez les aliénés, 361.
Circomolutions cérébrales (variétés
des), par Giacomiui, 318.
Commotion rétinienne el commo-
tion cérébrale, 238.
Congrès médical tle Sévillc, 270
des neurologistes et dcaaliémstes
de l'Allemagne du sud-ouest,
23'). i.
Contractures, 361.
Corne d'Anunoii (chez 1'lioiiiiiie et
quelques singes) , par M.
Ducal, 1 ; (lésions de la) dans
l'épilepsie), par Coulbault, 373.
Crâne (fractures non iiioilelles de
la base du), 99 ,-(trél : ,maLOn du),
chez un aliéné, guérison complète
par Mackensie Bacon, 225.
Délire chronique, 10'i.
Délire des grandeurs (il n'est pas
un signe exclusif de la paralysie
générale par Lau-
tac, 21s.
Démence aiguë chez une jeune
femme, moi par phttiisic pul-
molaire deux ans plus tard,
sans guérison de la maladie
mentale, par Z
222.
Diplopie paralytique, 931.
Eczéma chronique âué : i par les
courants galvaniques, par 11,1111-
inotil], 93.
Elongation désuets, partit-
l.ovohi, 96 (les cépliali-
ques, 211 L - du nerf sciatique
pour une névralgie, par Mac-
intosh, 93.
382 TABLE DES MATIÈRES.
Empyème (accidents reflètes ala
suite de l'), 2115.
Epilepsie (lésions de la corne
(l ? 111111pn ClallS l'), 373 ;-(mnl ifi-
cation du poids du corps à la
suite des acci;s), 23fi;-(accèsd')
pendant le sommeil clilorofor-
micpie, 239; - (roclierclles cll-
niques et thérapeutiques sur l'),
376.
Ergot de seigle (action (10 l') sur
le système nerveux central, 242.
Er«onsme (psclioses claus l'), 1>ar
Siemens, 218.
Galvanomètre (question du), par
ltem;tl., 9 ? - tar l3cruli.tnlt, 93.
Gcullal (iwersion du sens), par
Chiircot et Magnan, 53.
"Gheel (lettres sur), 358.
Hallucinations (et terreurs noc-
turnes chez les enfants et les
adolescents), par Debacker, 371 ;
- (dans la Sie
par Ginna, 217.
116mianopam d'oriiue ci·rébrale,
338.
Iléniiathétose, 230.
Hémiplégie spasmodique infantile,
231.
llbmorrliayes pwmitles, immé-
diates ou (litectes des ei)tti-
cules cérébraux, par Sanders,
tOO.
Hydrocéphalie, 366.
it\pefe\cttabitttéiieuro-muscutai-
1-29, 310.
Hypnosis reliviv·u, liar'l'ul.e, 223.
Hypnotisme chez les hystériques
(contribution à l'étude de l'), par
Charcot et Richer, L ? 9, 310.
Hystériques (caractères, moeurs,
état mental des), par Hucbard,
187.
111'SLet'O-i'1111el1Sle (étmlcs cliniques
suri'),par Richer, 371 ; - (notes
llour servir à l'histoire de l'),
par Féré, 160, 2SI.
Insula (lésiou ancienne du lobule
de l'), par Bourneville et Boit-
naire, 176.
Laryngées (crises) tabétiques, par
CliercLewshi, 319.
Localisation dans les fonctions du
cerveau, par Seguin, 105 par
Exner, 368.
Magnétisme animal (nouvelles exl)é-
riences sur le), par Grutzuet, 91. 1.
Maladies mentales (leçons de Guis-
laiu sur les), 110.
Maladies mentales et nerveuses (in-
fluence de notre civilisation pré-
sente sur le développement des)
par Jewell, 21 î. î.
Manie aiguë, 212
Métalloscopie, métallotbérapie, a;s-
1),Ir \'iâuurou, 8G.
Alet11ti,c (rapport 11l(-(IICO-Iégal sm
un cis de tentative de), 360.
Microcéphale (crâne et cetveau
d'une), Jeiiseli, 211. 1.
Mmrninc ophthalmique, liar Cli.
Féré, 331.
Moelle allongée (faisceau longitu-
tlmnl postérieur de la calotte
dans la), par Rollei, 345.
Moelle épinière (décussation des
fibres inbibitoires de la), par Ott
et Smith, 31 ? i ; - (lésions de
l'axe gris de la), dans un cas de
syphilis pil' .1LI-ISCII, 103 ;
- (un cas (le la),
par Gilbert, 273. (altération de
la), clans un cas de pied bot va-
rus équin, par Pitres, 319.
Moteur oculaire externe (paralysie
tiainnatique du), par Panas.
331.
Neil' atitlitit' (structure du), par
Eihtzky, 36.
lwCa (élongation des), 93, 96, S'il.
Ne\ra)gieuah0-orh]tijn'eiutcruut-
tente, par Seciginuller, 91.
\cvralgie il(·o-lomb;nrc syptuma-
ti(illo (les affections des organes
génitaux de la femme, 216.
Nominations : JIM. Bavle, Bergeron,
Bui,tlierail(l, Billoti, Boudin, Boii'
teiller, l3riaud, 127 ; - Caryle
270; - Faucher, 380; Faure,
127; Gallulain, ('ii-oLi, 270 ;
lltllcnr,uul, 27U; - l.t ? ras,
127 Laborde, Llautn. 26) »
Longaud, 270 ; Marchant,
l'uus, 1 ? 7;-Scluti, ? B.
Novau lenU(urttte (structure du),
6.
Oculaires (ipiclques points de la
pathologie des lésions de la sy-
1)1)ilis céi-él)rale et spinale), par
Stelll,Lll Bull, 95.
Olilitlialntie sympathique, 238.
Ophthalmique ( 1 i..Izllllc), 351.
TABLE DES MATIÈRES. 383
Optique (bandelette, chiasma),936.
.( ? (distubution du nerf
dans la tétme). 311.
Organes centraux (action de la
lymphe sur les), 210,
Paralysie agitante guérie, etc., par
Mann, 95.
Paralysie ascendante aiguë, 'i0,
Paralysie du nerf
pnuiimogastiiqiie, par Gulat,
2'ili.
Paralysie générale (Hallucinations
dans la), 217 ; - (état mental et
pupille dans la), 356 ; - Décoiti-
cation de la btil)-3taiitle blanche
dans la), 36n; - (lr.emlo-)rvr.tly-
sie, d'oiigiue saturnine), 217; -
( Iseu<lo-puraly sie alcoulutue,, 376.
l'.u.uny'olclunu, multillu; v3S,
Patronage familial (lettres sur le),
358.
Pédoncule cérébral (structure du
pied du et du noyau leuti-
lonne), par Pasternatzky, 316.
Pied bot varus équin (altération de
la moelle dans un cas de), 310.
Piacidia crythrina, par Ott, 9.
Pneumogastrique (paralysie diph-
thérique du), 216.
Pouls carotidien (étude expérimen-
tale sur l'état du - pendant le
travail intellectuel), par Glcy,
216.
Prix 3611 - de l'Aca-
démie de médecine de Belgique,
379; Ilannnund, 380.
Procès Laros (le) au point de vue
psychologique; par Mann, 220.
Psychoses (les) dans l'ergotibille, ! )8.
Pupille (fixité de la', 231; - dans
la paralysie générale, 336.
Quadrijuineaux (anatomie des tu-
bercules antéiieurs) par Gan-
sor, 3 iJ.
réflexes tendineux (élude sur les',
par Prévost, 353; - (conserva-
tioii des dans locolilo-
hic['),2t ?
1LIleaca (accidents survenant après
l'opération de l'cil] 1) par J.
.Martin, 215.
Sabbat (le`, par etteiii-
tuiet',t,9't9.
S;ttormnc (pseudo-paialysie géné-
ralC, d'myiuo', 217. *
Sens génésique (inversion du), par
Charcot et Magnan, 53.
Sclérose cliltidie (contubution à
l'étude de la), par Eikholt, 86.
Sci,ttl(ltl(3 ,Iléiie
longation, 93.
Société nW lico-ls5cltulogiyuc, 10>, >,
226, 361. - (10 la
I)LOVIII(;(3 du Lilnn, IOS. - de 1 ?
cliiiitiie et des maladies nerveuses
de Berlin, 529. d'anthropolo-
iC ? 7J.
Syphilis (et ataxie locomotiice),
3'iU; - (lésions de l'axe glis de
la moelle épinière dans un cas de
récente), 103.
Système noivuux central (action
de l'ergot de seigle sur le), 212.
Tabès dorsal (sur cei laines phases
peu connues du), par Blizzard,
103. - (crises laryngées du), 3b9
Terreurs nocturnes chez les Cu-
Inuta et les adolescents, 37 i.
Tétanie, 23 j.
Travail intellectuel (pouls ctioti-
(licii pendant le', 216.
Trépanation du crâne chez un
aliéné, goW amt complète, par
Mackintosb, 223.
Ventiiciilcs cérébraux (étude sur
les héinorihagies primitives, im-
médiates ou directes des), par i-
E. Sanders, 100.
TABLE a
DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Althaus, 319.
Bacon (Mackcnsie), ? 3, ? 5.
Baillarger, 361.
Bail. 307.
Baumgartner, 239.
Becker, 238.
l3crliu, ? 3S.
Bernard ID.), 331, 333, 373.
Benibardt, 93, 230.
Bosser, 109.
Biaise, 60, lil. l.
Blanchard, 93.
Blanche, 367.
lilumenthal, 231.
Bonnaiic, 176.
Bourdon, IOG, 107, 3(i8.
Bourneville, 115, 176.
Briand, 107, 229, 363, 361.
lîrissaud, 371.
(Steman), 95.
Bumm, 344.
Buzzard,103.
Causer, 345.
Charcot, 53, 120, 310.
Charpentier, 107,357, 358,359,360,
3G1, 3G1, 3GG.
Cberchevvskv, 319.
1'J : i, WG, 227, 228, 366.
Coullrmlt, 371.
Dally, 229,361, 363,361.
Delwher, 's74.
Delasiauve, 106.
Drevlbus, 80.
Duval, 1.
Eickholt, 86.
Erlitzkv, 36.
Exner, '368.
Falret, 106 929, 361, 366.
léré(Ch.), 103, 101, 160, 241, 213,
246, 247, 248, 281, 337,347,3'.9,
350, 331, 375, 376.
Foville, 107. 228.
Friedjeich, 233.
Z
Carnicr, 114.
Giacomini. 347.
Gilbert, 273.
Girnm, 247.
Gley, 216.
Grutzner, 91.
Gucrtin, 213.
('tiislitiii, 110.
Gulat, 216.
tl,iminoii, 93.
Ilirscliberg, 231.
llotimatiii (con), ? 2'il. t.
Hublé, 376.
Huchard, 187.
Jarislt, 103.
Jensen, 21 1.
Jevvell, 217.
Jolly, 236.
I raval (l'.). 91, 9S, 110 217, 220,
3,i, 345, 374, 378.
Kronecker, 230.
Lacaille, 375.
I,acassat;ne.26S.
Lautar, 218.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 38à
Le Bailly, 246.
Legrantl du Saulle, 106.
Léo, 109.
Lidell, 99.
Limier, 22S, 363, 3(;1.
Luys, 103, 106, 365.
Mackintosh (Norman), 93.
Jfaun (L.-C.), 95, 220.
Magnan, 53, 106, 107.
\Iarie (l'.), 3nS.
llat'L t (G.), N43.
\Iay'or, 3.>G.
(A.), 247.
Motet, 107, 227, 3G3, 3G. ,
Musgrave-Clay (R. de), 96, 100,
103, 221, 222, 223, 22'1, 2'- ? i.
Nasse, 108.
Olier (H. d'), 346.
Ott (J.), 9l, 3-i.
Panas, 331.
Z
Pignol, 93.
Pitres, 319.
Plaxton, 223.
Prévost, 353.
Ramier, 341.
Raymond, 80.
Ileinak, 01,230, 234.
Richard, 101.
Richer, 129, 310, 369.
Ripping, lOS.
Roller, 236, 313.
Rumpf, 250.
Sanders, 100.
Savage, 221.
Schuchanlt. I OS.
Schultze, 210.
Seeligmuller, 91.
Seônin, 104
Senator, 229, 231, 231. i.
Scemens, 21s.
Smith, 345.
Stilling, 236, 311. i .
Talamon, 93, 91, 93, 96, 217.
Tarissait, 233.
Teinturier, t[5. 249.
Tiiieme, 21#4.
Tuczek, 242.
(tiacl.), 23.
Viuurou, Si. 91, 92.
Voisin, lOi, 106.
Westphal, 233. 231. «
Wie(leislie,iiii, 2.37.
Wilkowski, 96, 212.
Zaeher, 235.
EXPLICATION DES PLANCHES
EXPLICATION DES PLANCHES
LANCI1E PREMIERE
Fig. 1. Coupe Site de l'encéphale de l'homme au nireau des
corps genouillés; - C0, couche optique; CC, corps genouiIIGs; - V, ca-
N lié du rliverUcule sphénoidal du vennicule latéral H, saillie blanche
mtra-ventriculaue de la corne I'-lmmon; - CH, circonvolution de l'hip-
pocampe (2 circonvolution temporu-occipitale). Crossisc. 3 fois.
Fig. 2. - La corne d'Ammon de la ligure précédente grossie 10 foi3.-
Il, saillie intra-rentriculaire de la coine; - CB, corps bordant; PC,
plexus choroïdes, - 1, entrée de la pie mère dans le repli mésentén-
forme; - 0, subiculum; e, entrée du sillon qui sépare la circonvolu-
tioii de l'hippocampe de la circonvolution godroimée; a, couchedesubs-
tance amorphe; - b, stratum yanulosum ; - c, stratum radiatum; -
z couches des cellules nerveuses étoilées; ? couche de substance
blanche médullaire.
390 EXPLICATION' DES rLNC11r ?
PLANCHE Il
Fil. 3. Coupe transversale de la corne d'Ammon d'un singe cynocé-
pltale (Grossiss. 12 fois). - Lettres comme pour la figure 2.
Fig. 4. Idem chez un singe cébien (Grossis ? 6 fois). Lettieç
comme précédemment; de plus : Cp, corps calleux; CC, circonvo-
lolion du corps calleux ou gyrus fomicatus; h, bandelette du tiigone.
7 ? y. 5. Coupe de la moitié iiiféiteiii,e, et figure 6 coupe (le la moi-
lit, supérieure (sous-calleuse) de la corne (lit mouton. Let-
tres connue ci-dessus.
EXPLICATION' DES P7.\\C1TI : C. 39) 1
PLANCHE III
Fey.7. - Rat; coupe lioricontale; roc51se. 8 fois; lettres comme ci-
dessus.
Fig. S. Rat; coupe verticale; idem.
Fy. z coupe transversale. Gi-osmss 5 fois et demi. Les por-
tions sous-calleuses des deux cornes d'Ammon sont «ondées sur la ligne
médiane; 1', cavité de l'hémisphère; - CC, partie coiticale homologue
du gyrus furmcatus; - CI), corps calleux; C ? cncon\olution de 1 hip-
pocampe ; /i, b, stratum graiiulosum do la ciiconvolulion godronnée; -
e, sillon qui sépare la circonvolution godronnée d'avec la circonvolution
de l'hippocampe; C13, coips bordant.
Fig. 10. Taupe; cmpe horizontale, rssiss.7 7 fois. Lettres comme
ci-dessus.
11 1 1 . Cliaiive-souiis; coupe horizontale. 16 fois. Lettres
comme ci-dessus.
392 EXPLICATION DES PLANCHES.
'LANGUE 1\'
Développement de la corne d' luuuon et des plerus rhorniiles.
Fig. 12. - Coupe 110li70lltllC de l'encéphale d'un embryon de mouton
long de 16 millimètres. - cavité des hémisphùies (ventricules laté-
iau\) ; 2, cavité de la couche optique (3e ventricule); 3, cavité des
tubercules quadrijumeaux; CS, corps strié; pm, pie-mcie en \oie
de formation, - P, plexus choioides.
Fig 13. - Même coupe, mouton long de SI millimètres. Lettres comme
ci-dessus, de plus F, fente de Monro.
Ilig. il. - Coupe homoutale de l'encéphale d'un emlnyon de lapin,
long du 17 millimètres; lettres comme ci-dessus, A', licti de la forma-
tion de la corne d'Ammon.
Fiq. 13. - rmlyon de lapin, long de 36 millimètres ; ? vaisseaux
placés dans le sillon qui sépare deux plis, lesquels vont former les deux
circonvolutions de la corne d'Aimnon.
Fig. 16. - Lapin presque à terme, et figure 17, lapin a terme. Lettres
comme dans les figures de la Plaxuic 111. (Comparez notamment avec la
figu, e 8.)
EXPLICATION DES PLANCHES. 393 ? ,
PLANCHE V
Fig. I. - 3/7 Ilart. - Coupe transversale du tronc du neif auditif
traitée par le picro-carnmaate. Faisceau postétteur supérieur montrant des
tubes nerveux à myéline volumineuse et presque égale avec des cylindres
d'axes larges et colorés vivement.
Fig. ? 3/711art. : Trois tubes nerveux à myéline du faisceaupostétieur
supérieur du nerf auditif soumis a l'action de l'acide osmique à 1/2 pour
100.
Fig. 3. z Hart. : Coupe transversale du tronc du nerf auditif trai-
tée par le hicro-carmmate. Faisceau iiloiitrliit des tubes
nerveux de diverse dimension avec des cylindres d'axes sous l'aspect de
petits points qui ne se colorent pas par le picro-carmin.
Fit. fi. 3/7Hart. : Deux tubes nerveux à mvéline du faisceau antéro-
inférieur du nerf acoustique soumis l'action de l'acide osmique. Sur
toute la longueur de ces libres se présentent beaucoup de rendements de
diverse forme. On ne reconnaît pas les noyaux de la gaine de Sclmanu
et des étranglements.
Fig. 5. 3/1 Ilirt. : Coupe transversale du tronc du nerf auditif titi-
ée par le picro-carniiu montrant au milieu une large cloison conjonctive.
A, Tubes nerveux avec (les cylindres d'axes larges et colorés. Il, Tubes
nerveux avec des cylindres d'axes fins qui ne se colorent pas.
Fig. 6. 3/1 Hart. : Coupe transversale du tronc du nerf auditif trai-
tée par le picro-cainmiate. Faisceau postéro-supéiieur montrant parmi
des tubes nerveux volumineux un îlot de la substance grise avec beau-
coup de cellules ganglionnaires vivement colotées. Il s'échappe de la
substance grise des conjonctifs jusqu'au boni du nerf.
171g. 7. 3/1 Hait. : Coupe transversale semblable de l'autre individu
montrant deux îlots de la substance grise avec des cellules ganglion- 1 -
naires.
rit. 8. 3/9 Hart. : Trois cellules ganglionnaires de la substance grise
des îlots mentionnés. On voit la membrane propre autour des cellules,
protoplasma finement grenu, un grand noyau ovale avec un nucléole
et des prolongements protoplasmatiques.
394 EXPLICATION DES PLANCHES.
l'I,ATCIIL '1
L, 1, l'ojer ancien .y,mV ilIruV le loblile de l'insula.
F2, atrollW de la tloiièllie circonvolution frontale.
F u, cuconvoliition Iroutaie ascendante dont l,t 1),ti'lle niléiieuie Clt
atrophiée
l' (1, ciicomoluliun pariétale ascendante dont niléiieuie est
atrophiée.
1 ? lésion de la preniioie Lulli I)OI'O-b [)Il é il 01
T=, deuxième cireomolution temporale dont est
lésée
-, lobule du pli combe.
0, lobe orbitaire (face intérieure du lobe frontal).
.1/, membrane résultant . des repli» de la pie-inèie qui enveloppaient
entte inities la 1)1.elllièie. ureomolution temporale (L le lulmle panétal
inférieur; ^° des débris de ces même» circonvolutions.
EXPLICATION DES PLANCHES. 195
PLANCHE VIS
.llcainyo-eie : éphalile chronique gèncraliséc.
Séparation de la substance (le la substance blandie sur toute la
face convexe de 1'liéiiiibl)llèic droit, excepté sur le lobe teniporo-sphé
nudal, au imeau duquel il n'existait que des adhéiences partielles.
1, I.L ItlhUahY, .my. - 582