(1890) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 03] : clinique des maladies du système nerveux
/ 200
(1890) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 03] : clinique des maladies du système nerveux

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DR E

LA SALPÊTRIÈRE

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

4740. - Imprimeries réunies, B, rue Mignon, 2. - MAY et MoTTEnoz, directeurs.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION

Du PROFESSEUR CHARCOT (DE L'INSTITUT)

PAR

PAUL RICHER GILLES DE la TOURETTE

CHEF DU LABORATOIRE ANCIEN CHEF DE CLINIQUE

ALBERT LONDE GEORGES GUINON

DIRECTEUR DU SERVICE PHOTOGRAPHIQUE CHEF DE CLINIQUE

PAUL BLOCQ.

CHEF DES TRAVAUX ANATOMO-PATHOLOGIQUES

TOME TROISIEME

Avec 79 ligures intercalées dans le texte et 51 planches

. PARIS

LECROSNIER ET BABÉ, LIBRAIRES-ÉDITEURS

PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE

1890

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

DEUX CAS DE MALADIE DE MORVAN

Les deux malades dont nous donnons ici l'histoire ont été observés

dans le service de M. le professeur Charcot et ont fait l'objet de ses

leçons cliniques. Le premier d'entre eux est un exemple typique de

l'affection décrite pour la première fois par M. Morvan (de Lannilis).

Mais chez cet homme, comme on le verra, la maladie n'est pas isolée ;

elle se complique d'une autre affection nerveuse à laquelle la maladie

de Morvan a servi en quelque sorte d'agent provocateur, de concert

avec d'autres circonstances sur lesquelles nous insisterons. Cette ma-

ladie est l'hystérie. L'observation suivante est donc intéressante à un

double titre, tout d'abord parce qu'elle présente un exemple typique

d'une affection dont les cas publiés n'abondent pas encore aujour-

d'hui, et de plus à cause de la complication qui pouvait en rendre le

diagnostic difficile au premier abord.

Voici l'histoire de ce malade :

Ous. I. - Carcan.... Jean, cinquante-six ans, charretier, né à

Cantoin (Avcyron). Les antécédents héréditaires ne décèlent rien de

bien important. Son père, bien portant, est mort de vieillesse àquatre-

vingt-dix-sept ans. Sa mère est morte en couches à quarante-six ans. Il

était très jeune (9 ans) quand il a quitté ses parents, de sorte que les

renseignements qu'ildonnesontforcément incomplets. 11 n'aconnuque

son grand-père paternel, qui est mort très vieux, et ne sait pas grand'-

cliose sur ses collatéraux des deux côtés.

Il est célibataire, sans enfants.

Pas grand'chose non plus dans les antécédents personnels.

Il ne se rappelle pas avoir été malade étant petit, ni plus tard.

m. 1

2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Il nie la syphilis, et toute espèce d'habitude alcoolique.

11 y a six ans, il était à Pont-Saint-Esprit, où il travaillait à la con-

struction d'une digue sur le Rhône. Il renversait des tombereaux de

terre le long d'un talus finissant dans la rivière. En déchargeant sa voi-

' tur la terre s'éboula sous ses pieds et il tomba dans le Rhône, où il

- resta la tête sous l'eau quelques minutes, les jambes prises sous la

terre éboulée; on le sortit de là et après avoir beaucoup toussé, il reprit

son travail jusqu'à la fin de la journée. Pas de perte de connaissance.

Mais le soir en rentrant chez lui il fut pris de frisson. Le lendemain le

médecin de l'hôpital de Pont-Saint-Esprit le prit dans son établisse-

ment, où il resta six mois etfit, dit-il, une fièvre typhoïde. Ce qui est par-

faitement sûr, c'est qu'il fit une maladie grave, fébrile, puisqu'il se

souvient d'avoir été pendant dix-sept jours attaché dans son lit avec du

délire.

Au moment où il sortit de l'hôpital pour venir travailler à Paris, il

avait déjà le bras gauche comme engourdi, et il y ressentait, principa-

lement dans la main, des espèces de fourmillements. Rien de plus

pendant quatre ans. Il continua à travailler de son métier, sentant dans

son travail de charretier-terrassier que sa main gauche pour porter

la pelle était plus faible que la droite. Pendant cette période également,

le bras, le tronc du côté droit et la moitié droite de la face étaient le

siège d'une transpiration beaucoup plus abondante que du côté opposé.

Rien à la jambe.

Quatre ans plus tard, c'est-à-dire il y a trois ans, en juillet 1886, le

malade s'aperçut que sa main gauche s'engourdissait davantage, puis

apparut un gonflement du pouce, qui suppura. Le malade l'ouvrit lui-

même avec un canif. Bientôt (septembre 1886) la paume de la main se

mit à gonfler à son tour et il s'y développa « quelque chose qui res-

semblait à un durillon forcé ». Le pus pénétra dans les gaines tendi-

neuses. Deux nouveaux panaris, ce qui en porte le nombre à trois, se

formèrent dans la même année au médius et à l'annulaire ; le malade

resta ainsi pendant huit mois avec sa main malade. Lorsque la guérison

fut obtenue (le malade ne consulta personne et se soigna lui-même tout

le temps) la moitié terminale des dernières phalanges du médius et une

bonne partie de celle du pouce étaient disparues.

De ces trois panaris, le premier s'était accompagné de douleurs ex-

trêmement vives, qui empêchaient le malade de dormir et le faisaient se

promener des nuits entières dans sa chambre. Mais les deux derniers

furentmoins douloureux, etle troisième (annulaire) ne le fut même pas

du tout. Des morceaux d'os provenant. du pouce et du médius avaient

été plusieurs fois enlevés par le malade pendant les pansements. Ceux-

ci furent faits tout le temps avec des cataplasmes de farine de lin. Le

DEUX CAS DE MALADIE DE MORVAN. 3

malade prenait en outre des bains de main prolongés dans la décoction

- de guimauve.

Une fois les panaris guéris, le malade s'aperçut qu'il n'avait plus au-

cune- force dans le bras et que sa main ne pouvait rien tenir. Alors,

étant à bout de ressources, il se décida à entrer à l'hôpital Saint-An-

toine, où il fut admis dans le service de M. IIanot. Pendant son séjour

on remarqua les déformations que nous décrirons plus bas et, de plus,

l'absence des ongles qui étaient tombés au pouce, au médius et à

l'annulaire, des crevasses indolores, de l'atrophie des éminences thénar

et hypothénar, de la parésie, une analgésie complète du bras et de

l'avant-bras. [Ces renseignements sont puisés dans l'observation

publiée par M. Ilanot dans les Archives générales de médecine.] Déjà

lui-même avait noté l'anesthésie de la main et de l'avant-bras

gauche, par ce fait qu'il avait pendant l'hiver attrapé des crevasses

et que celles-ci saignaient, s'ulcéraient sans qu'il ressentît la moindre

douleur. Ceci se passait après l'évolution et la guérison des panaris.

Pendant son premier séjour on l'électrise, on lui donne quelques

potions à l'intérieur.

Depuissa sortie de l'hôpital de Pont-Saint-Esprit, le malade était sujet

à des bourdonnements dans l'oreille gauche, accompagnés d'un vertige

presque continuel, mêmela nuit lorsqu'il était couché et ne dormait pas,

Son vertige ne l'a jamais fait tomber à terre, mais il dit que quelque-

fois, et surtout aujourd'hui, il est obligé de se retenir à quelque chose

sous peine de tomber. Il n'avait pas à cette époque, pas plus

qu'aujourd'hui, de graves lésions de l'oreille, pas d'écoulement.

L'examen otologique, pratiqué par M. Gellé, montre qu'il s'agit d'un

simple vertige de Ménière avec lésion scléreuse de l'oreille qui ne parait

pas avoir de rapport avec l'affection qui nous occupe actuellement.

Sorti de l'hôpital en juin z1888, il reprit son travail, mais ne put con-

tinuer, malgré un essai de cinq mois, à cause de la faiblesse du membre

supérieur gauche. Il n'avait pas la force de harnacher ses chevaux

et était obligé de payer un homme pour faire ce travail a sa place

matin et soir.

Après un certain temps de chômage il fut obligé de rentrer de nou-

veau dans le service de M. IIanot; aucun nouvel accident depuis cette

époque, sauf que la jambe du côté gauche commença s'affaiblir comme

le bras et lui fit éprouver une grande difficulté à marcher. Son séjour

à l'hôpital, qui dura jusqu'à aujourd'hui, fut interrompu pendant'

deux mois, pendant lesquels il tenta de travailler à un nouveau métier,

celui de cocher de fiacre. Mais dès qu'il était sur son siège les bour-

donnements d'oreilles et les vertiges le prenaient de telle façon, qu'il

fut obligé de renoncer à cette tentative. Les résultats de l'examen de

4 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

M. Ilanot en 1888 sont consignés dans la thèse de M. d'Oger de Spé-

villc sur la maladie de Morvan. Ils sont identiques à ceux que nous

avons observés nous-mêmes en 1889, sauf qu'il existait à cette époque

à la main gauche, au talon de la main,[dans*les plis digito-palmaires

du pouce, du médius et de l'annulaire, et aussi un peu à la main

droite, des crevasses indolores en voie d'évolution, dont on ne trouve

plus trace aujourd'hui.

Etat actuel. Ce qui frappe au premier abord en voyant marcher

le malade, c'est la position qu'il prend et sa démarche. Il s'avance

le dos légèrement voûté, la tête inclinée sur l'épaule gauche (action

de sternomastoïdien gauche), les bras tombent et sont animés de

temps en temps, surtout à droite, de sortes de petites secousses

choréiformes, de très petite étendue, mais facilement visibles néan-

moins. Pas de troubles bien accentués dans la position et les mouve-

ments des jambes. Le bras droit n'est pas agité pendant la marche,

mais pend toujours comme inerte le long du corps; les doigts demi-

fléchis recouvrent le pouce, qui se cache dans l'intérieur de la paume

de la main.

Cette position de la tête, qui est très accentuée même au repos com-

plet, est due à la sensation continuelle de bourdonnements et de

vertige que le malade éprouve dans l'oreille gauche.

La force est absolument nulle dans la main gauche, tandis qu'elle

est, sinon très grande, du moins conservée dans la- main droite.

Dynamomètre fil D = 10

M G=0.

Elle est très certainement diminuée aussi dans l'avant-bras, le bras

et l'épaule gauches, mais non absolument nulle. Le malade semble

d'ailleurs exagérer légèrement l'impotence du membre.

Réflexes rotuliens diminués, mais présents. La position de la

main au repos est celle que nous décrivions plus haut pendant la mar-

che. L'index et le petit doigt seuls sont indemnes de toute lésion,

sauf un certain degré de rétraction du tendon fléchisseur.

Le pouce a perdu la moitié de sa dernière phalange, mais il reste,

adhérente à la face interne de l'ongle une portion de peau qui donne

au bout du doigt une apparence de griffe toute particulière.

Le médius est raccourci, un peu en fuseau, la moitié inférieure de

la dernière phalange manque et avec elle l'ongle, qui est réduit à un

morceau de corne coiffant à plat le sommet du moignon. La peau a

perdu ses plis et ses stries et est adhérente aux tissus profonds.

Il en est de même en ce qui concerne la peau pour le doigt annulaire.

DEUX CAS DE MALADIE DE MORVAN. ô

Pour celui-ci la rétraction du tendon fléchisseur est encore plus con-

sidérable. De plus la dernière phalange, dont il manque aussi l'extré-

mité, est subluxée en arrière sur l'avant-dernière (psi. II).

Chose remarquable, la peau du petit doigt, qui n'a eu aucun pana-

ris, présente le même aspect dépourvu de plis et de stries que le médius

et l'annulaire. Le pouce n'a rien de semblable.

Il existe aussi un cerlain degré de diminution apparente de longueur

des doigts de la main gauche, comparés à ceux de la main droite.

Mais il faut remarquer que le malade ayant eu des panaris des gaines,

il s'esL produit là, dans les tissus profonds, des modifications notables.

Cependant d'une façon absolue, en prenant les doigts indicateurs, par

exemple (doigts sans panaris), on remarque qu'il existe entre les deux

une différence. A la face palmaire, la distance qui sépare le premier

pli digital du troisième et dernier est différent à droite et à gauche

C NOUVELLE IGOVOGIta1111E DE LA SALPÊTRIÈRE.

(4 cent., à gauclte,. oc. cent. 3/4 à droite). Cette mensuration ne peut

être faite pour le petit. doigt à cause de la rétraction considérable

du tendon fléchisseur, non plus que pour les autres, qui ont été consi-

dérablement déformés.

Il existe une hémianesthésie' gauche complète et absolue pour le

contact (pinceau de blaireau), la piqûre, le chaud et le froid, avec perte

du sens musculaire au niveau de la main (iig. il, 2).

L'examen des yeux pratiqué par M. Parinaud le 20 novembre 1889 a

donné les résultats suivants : oeil gauche atteint d'amaurose très pro-

bablement hystérique, vision binoculaire rétablie par le prisme (di-

plopie à l'aide d'un prisme placé devant l'oeil droit, sain). OEil droit

sain. Rien au fond de l'oeil (fig. 3, 4). Dans un second examen, le réta-

blissement de la vision binoculaire par le prisme ne s'est pas reproduit.

L'examen de l'ouïe perd de son importance en l'espèce, à cause de

la sclérose otique et du vertige de Ménière.

Le goût est absolument nul sur la moitié gauche de la langue,

certainement très émoussé à droite.

L'odorat est absolument nul du côté gauche (eau de Cologne, sul-.

fure de carbone, ammoniaque). Il existe à droite, quoique pas très

aigu. Pas de douleurs, sauf une céphalée très vive, presque constante.

Pas de points hyperesthésiques. Pas de zones hystérogènes (testicule,

point pseudo-ovarien, etc., etc.). Le malade n'a d'ailleurs jamais eu de

crises de nerfs.

Il n'y a en aucun point du corps de traces visibles à l'oeil nu

d'atrophie musculaire ! ' Les avant-bras donnent des résultats identiques

à la mensuration, les bras, les cuisses et les jambes également. Le

malade est d'ailleurs parfaitement musclé. Les réactions électriques

des muscles de la main, qui paraissent seuls atrophiés, sont normales

etidentiques des deux côtés, quoique masquées en partie par l'énorme

résistance due à l'épaisseur et la dureté de la peau.

Pas de déformation de la colonne vertébrale. Pas la moindre sco-

liose. Lemalade, comme il a été dit, s'est un peu voûté, et quand il est

tout nu on s'aperçoit que son épaule gauche est un peu plus haute

que la droite, ce qui tient surtout à la position dans laquelle le malade

tient sa tête, qu'il penche de côté, en même temps qu'il soulève son

épaule.

Appétit assez bon. Etat général pas mauvais. Le sommeil est conti-

nuellement troublé par des cauchemars, toujours les mêmes (chute

dans des précipices).

Le malade reconnaît qu'il a beaucoup changé de caractère depuis

son accident à Pont-Saint-Esprit et l'apparition consécutive d'abord de

ses bourdonnements d'oreilles, puis de ses panaris et de son impo-

1) Il' t') CAS DE MALADIE DE MORVAN. i

tence dubras gauche. Autrefois il était toujours entrain de chanter. De-

puis il est devenu triste, morose; sauf cela, pas d'état mental particulier.

On le voit, il y a d'eux états morbides à considérer chez ce malade.

D'une part la maladie de Morvan, affection distincte, on peut déjà le

8 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

dire aujourd'hui, et- d'autre part l'hystérie. La première affection a

été constatée avec certitude antérieurement à nous par M. IIanot d'après

le travail de qui nous la rapportons. Quant à nous, nous n'avons pu

voir que ses reliquats, assez nets 'encore pour attirer l'attention et ne

pas confondre ces déformations de la main, et en particulier des doigts,

avec des panaris simples, non plus qu'avec 'une autre affection quel-

conque pouvant produire aussi des déformations de ces régions, la

sclérodermie, la lèpre mutilante, la maladie de Maurice Raynaud par

exemple. Ces déformations, sans être tout à fait spéciales à première vue,

ainsi qu'on peut le constater dans les planches ci-jointes (V. pl. I, Il).

sont cependant encore assez caractéristiques. Ce qui les distingue

plus particulièrement au point de vue de l'évolution, c'est la présence

d'un ou de plusieurs panaris suivis de nécrose des phalangettes avec

issue d'os au dehors. A ces lésions s'ajoute l'anesthésie spéciale occu-

pant la main, l'avant-bras, souvent le bras tout entier.

Mais à cette anesthésie de la maladie de Morvan se superpose chez

notre homme une autre anesthésie, bien différente, celle-ci, non pas

dans ses modes (c'est une anesthésie, avec analgésie et athermesthésie

comme la précédente) mais dans sa localisation et surtout dans son

extension aux organes des sens. Il s'agit en effet, ainsi qu'on l'a vu

dans l'observation, d'une hémianesthésie sensitivo-sensorielle gauche

complète avec amaurose hystérique du même côté. Voilà qui est

bien franchement hystérique. Supposer ici l'existence d'une lésion

de la partie postérieure de la capsule interne ne paraît nulle-

ment justifié. Rien dans* l'histoire du malade ne prête à une sem-

blable hypothèse. Il faut donc admettre l'hystérie, laquelle s'est

développée sous l'influence de deux agents provocateurs : d'une part

la maladie de Morvan, d'autre part le chagrin, la dépression morale

résultant de l'incapacité' de travail et de l'impossibilité pour ce mal-

heureux de gagner désormais sa vie en travaillant.

Le second exemple que nous donnons plus bas est beaucoup moins

caractéristique en ce qui, concerne la maladie de Morvan. Il s'agit là

véritablement d'un cas fruste, présentant, il vrai dire, de nombreux

points de ressemblance avec le précédent. ,

Obs. II. Jean Wolt... âgé de quarante-quatre ans, journalier, est

entré à la Salpêtrière dans le service de M. le professeur Charcot le

16 juin 1889.

Un de ses frères après avoir commis des excès de toutes sortes, s'est

suicidé. C'est la seule particularité que nous ayons pu relever dans les

antécédents héréditaires de cet homme. 1

Antécédents personnels. z. Sa santé avait toujours été parfaite

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. III PL I.

ASPECT DES DOIGTS

DANS UN CAS DE MALADIE DE MORVAN

LECROSNIER ET BASÉ, ÉDITEUHS

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. III PL II

PHOTOTYPE Négatif A LONDE

PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne Je Longuet

FACE DORSALE DE LA MAIN

DONT LA FACE PALMAIRE EST REPRÉSENTÉE DANS LA PLANCHE I

LFOHOSNfEH ET BABÉ, ÉDITEURS

DEUX CAS DE MALADIE DE MORVAN. 9

lorsqu'il fut victime à l'âge de vingt-huit ans, il y a par 'conséquent

seize ans, d'un accident grave qui semble avoir été l'originè des troubles

divers qu'il- a présentés depuis. Voici ce qu'il raconte à ce sujet : au

mois de mars 1873, il était un jour occupé à transporter des sacs de

grains sur un camion. Comme il passait portant un sac sur ses épaules

au-dessous d'une trappe sur laquelle on était en train de hisser au

moyen d'un treuil un ballot très lourd, ce dernier se détacha et vint

s'abattre sur sa nuque. W... fut violemment projeté sur le sol et perdit

immédiatement connaissance. Quand il revint à lui quelques heures

après, il était couché à l'hôpital de la Pitié dans le service de M. le

professeur Verneuil, où ses camarades l'avaient transporté. On l'avait t

mis dans une gouttière de Bonnet; il se sentait tout courbaturé, et il

éprouvait une douleur assez vive vers la partie moyenne du dos et au

niveau de l'épaule droite. Les jambes n'étaient pas paralysées; elles

n'étaient pas non plus insensibles; il pouvait uriner sans difficulté. Au

bout de vingt-cinq jours on le tira de son appareil, il resta encore

alité pendant quelques jours, après quoi il commença à se lever et

put aller et venir dans la salle. Quand il sortit de l'hôpital, cinquante

jours après l'accident, il marchait péniblement; ce n'était pas, nous

dit-il, que ses membres inférieurs fussent paralysés à un degré quel-

conque, mais il avait de la peine à marcher « parce qu'il était affaibli

de partout et que le dos lui faisait toujours mal ». Cet affaiblissement

général, cet état douloureux de la région dorsale et de l'épaule persils-

tèrent encore longtemps; pendant une année entière il fut incapable de

travailler. Au bout d'un an il put reprendre ses habitudes et son travail.

Il « servait » les maçons dans les chantiers de construction; il roulait

les pierres de taille, montait aux échelles, etc. Il avait donc recouvré

ses forces et la liberté de ses mouvements, lorsqu'il fut pris trois mois

après d'une série de troubles qui se développèrent successivement dans'

le cours des années 1875 et 1876 à des époques qu'il ne peut pas pré-

ciser.

, Il commença par avoir ce qu'il appelle « des névralgies dans le côté

droit du crâne et du cou » ; voici la description qu'il en donne : Ce

sont des crises de douleurs à début subit. Tout à coup il éprouve une

douleur rapide et violente qui commence dans le côté droit du front,-

contourne le pavillon de l'oreille en décrivant une courbe à concavité

inférieure et descend jusqu'à la nuque ou jusqu'aux parties infé-

rieures et latérales du cou, où elle s'arrêLe généralement. Les élance-

ments douloureux se succèdent en suivant toujours ce même trajet. Il

compare sa douleur à celle que produirait un couteau enfoncé dans la

tempe. droite et qu'on traînerait en suivant le parcours indiqué. La

violence des élancements douloureux est telle qu'il ne peut ni travailler

10 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SaLI'1 : 'l'IIlI : r.E.

ni dormir pendant les deux ou trois jours que dure l'accès. Pendant

ces accès, qui se reproduisent une ou deux fois par mois en moyenne,

il éprouve aussi des bourdonnements dans l'oreille droite; en outre sa

vue est troublée; il voit parfois les objets doubles. Jamais il n'a eu ni

nausées, ni vomissements, ni vertiges pendant ces crises douloureuses

qui cessent subitement comme elles ont commencé. Depuis l'époque

de leur première apparition, c'est-u'dire depuis l'année 1875, ces crises

névralgiques ont toujours persisté; il en est de même des autres symp-

tômes que nous allons énumérer : .

Un endolorissement presque continu de la partie moyenne du dos et

de l'épaule droite, une douleur continue, contusive au niveau du cou-

de-pied droit; de la diplopie, intermittente, passagère, se produisant

en dehors des accès douloureux;

Un affaiblissement lentement progressif du membre inférieur et du

membre supérieur du côté droit; '

Enfin des troubles Irophiques qui ont pour siège la main droite le

plus souvent et parfois le. membre inférieur du côté correspondant.

]Nous avons pu observer à plusieurs reprises ces troubles trophiques

depuis que le malade est entré dans le service de la Clinique. Voici en

quoi ils consistent : ,

Tous les mois ou tous les deux mois, la main droite du malade est

le siège d'une éruption de bulles ou phlyctènes qui se crèvent et

laissent après'elles des ulcérations. La poussée éruptive est 'précédée

et annoncée par un état douloureux de la main et des doigts. C'est une

sorte d'agacement, d'cndolorisement vague et profond; le malade ne sait t

trop commentle définir (pl. III). En même temps que cette gêne doulou-

reuse, il se produit un léger gonflement- de la main et des doigts mais

sans rougeur, sans : aucun 'changement de coloration des téguments.

Tout cela dure deux ou trois jours ; alors sans douleur locale, aux

points précis où les bulles vont apparaître, inopinément le malade

s'aperçoit qu'il a quatre, cinq et jusqu'à huit phlyctènes siégeant sur

la face palmaire ou dorsale des doigts, ou sur le dos de la main,

jamais à bras. Ces bulles, sont bvalaires, leur étendue varie de

celle d'une lentille à celle d'une pièce de cinquante centimes ! » Elles

consistent en 'un soulèvement de l'épiderme par un liquide clair,

transparent. Aucune aréole inflammatoire ne les entoure; elles sont

peu ou point douloureuses il la pression. Au bout de quelques heures,

un jour ou deux, chaque bulle se crève, et il reste une ulcération,

superficielle le plus souvent, mais dont le fond atteint parfois les

couches sous-dermiques; les bords en sont taillés à pic, comme à

l'emporte-pièce. La cicatrisation ne tarde pas à se faire, et en dix ou

douze jours, ayant passé par toutes ces phases, l'éruption est terminée.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE.

T. 111. PL III

FACE DORSALE DES MAINS D'UN MALADE

ATTEINT DE MALADIE DE MORVAN FRUSTE

(LE COTÉ GAUCHE EST SAIN)

NOUVELLE ICONOGRAPHIE.

T. III. PL. IV

Phototype Négatif A. LONDB.

PHOTOCOLLOGRAPRIE 133RTHAUD

SCOLIOSE DANS UN CAS DE MALADIE DE MORVAN FRUSTE

. DEUX CAS DE MALADIE DE MORVAN. Il

Les ulcérations les plus profondes laissent après elles des cicatrices

étoilées, blanchâtres. Sur la peau de- la jambe, de la cuisse et du

genou droit des bulles semblables se sont développées à deux reprises

différentes. Mais c'est à la main droite que l'éruption se produit le

plus souvent. '

Ces divers troubles, faiblesse des membres du côté droit, douleurs

dans la région dorsale et l'épaule droite, crises névralgiques accom-

pagnées de diplopie, troubles trophiques, etc., tiennent depuis quinze

ans cet homme dans un état d'infirmité relative. Incapable de se livrer

à des travaux de force, il gagnait sa vie comme il pouvait; tantôt

balayant les rues, tantôt gardien de chantier, il a fait durant ces

dernières années de nombreux séjours dans les hôpitaux.

État actuel. - C'est un homme d'une taille élevée, d'apparence

robuste. Lorsqu'il est debout, il tient sa tête fortement penchée en

avant et un peu inclinée à gauche; la partie supérieure du tronc est

elle-même notablement inclinée à gauche; l'épaule droite est suré-

levée et la main de ce côté descend moins bas que la gauche, le dos

est voûté; le malade boite légèrement; cette attitude, ces déformations

sont dues à une double déviation qu'a subie la colonne vertébrale.

Dans sa portion cervico-dorsale elle est incurvée en avant (cyphose);

en outre il existe une déviation de la colonne dans le plan transversal,

déviation telle que la crête vertébrale décrit une S italique, dont la

concavité supérieure (portion cervico-dorsale) regarde à gauche et

dont la cavité inférieure (portion dorso-lombaire) est tournée à droite.

A la courbure latérale supérieure se rattache une proéminence très

accusée de la région scapulaire droite, et à la déviation inférieure une

inclinaison latérale du bassin qui explique l'inégalité des membres

inférieurs et la boiterie (pl. IV).

Toutes ces courbures de l'épine du dos sont à grand rayon, et on ne

constate en aucun point une saillie anguleuse d'un ou de deux corps

vertébraux. '

Cette déformation n'existait pas, au dire du malade, lorsqu'il quitta

l'hôpital après son accident, il ne sait à quelle époque elle a commencé

à se produire. Cela s'est fait progressivement . dans le cours de ces

dernières années.

Les troubles de la motilité sont les suivants : nystagmus très prononcé.

Parésie des membres du côté droit. Le malade peut porter sa main

et son bras droits dans toutes les directions. Mais il est incapable de

déployer une résistance égale à celle qu'il oppose avec le membre

supérieur du côté opposé.

12 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

d'un état de raideur, d'ankylose incomplète de l'articulation scapulo-

humérale et des tissus périarticulaires. Quand on fait mouvoir cette

jointure on perçoit quelques craquements. Le membre inférieur droit

est aussi plus faible que le gauche; le malade ne peut se tenir debout

sur son : pied droit. Les mouvements de flexion et d'extension des

divers segments de ce membre sont peu énergiques. Les réflexes

tendineux sont affaiblis mais égaux des deux côtés.

Atrophie musculaire. - On constate : 1° une atrophie très pro-

noncée de la moitié droite de la langue. i

La partie atrophiée est le siège de mouvements vermiculaires.

2° Une atrophie notable des éminences thénar et hypothénar, des

interosseux dorsaux de la main droite (pl. V).

" "Sensibilité à la dou1elll' (¡oÏtI'Îre) rt a la l,empél'atllre (challd et froid). ';

NOUVELLE ICONOGRAPHIE.

T. 111. PL. V

FACE PALMAIRE MONTRANT L'ATROPHIE MUSCULAIRE

DES ÉMINENCES

' DEUX CAS DE MALADIE DE MORVAN. 13

Les muscles de l'avant-bras, du bras, de l'épaule, du tronc, du

membre inférieur droit ne sont pas atrophiés (mensurations).

Cependant, il existe des contractions fibrillaires dans toute la mus-

culature de la moitié droite du corps, la face exceptée.

Pas de réaction de dégénérescence des muscles atrophiés. Réactions

normales.

Sensibilité générale. - 11 existe une hémianesthésie droite à peu

près totale pour les trois modes de la sensibilité (tact, douleur, tem-

pérature) (fig. 5, 6, 7, 8).

Le sens musculaire n'est pas intéressé.

Sens. -Odorat aboli à droite. '

Vision. - Indépendamment du nystagmus que nous avons déjà

signalé, il existe (fig. 9, 10) un rétrécissement concentrique à 60° du

champ visuel de l'oeil droit; de la micromégalopsie, de la diplopie inter-

mittente. Pas de lésions du fond de l'oeil; les pupilles sont égales

et réagissent normalement. Il n'y a pas de dischromatopsie. -

9d NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÊRE.

Ouïe. - L'acuité auditive est très diminuée à droite.

Le goût est aboli à droite.

Il existe donc, en résumé, une hémianesthésie sensitivo-sensorielle

dû côté droit intéressant les sens supérieurs (vison, odorat, le goût,

' DEUX CAS DE MALADIE DE MORVAN ? ? - 15

Fouie) et portant sur les divers modes de la sensibilité générale sans

participation du sens musculaire. 1

Ces deux malades présentent entre eux de nombreuses analogies.

Chez tous deux nous retrouvons des troubles trophiques fort accentués,

panaris véritables chez l'un, éruptions bulleuses et atrophie muscu-

laire chez l'autre. Le premier doit être, de toute évidence, classé dans

la maladie de Morvan. En est-il de même du second ? Cela parait vrai-

semblable, mais on ne saurait, somme toute, être absolument affirmatif

à ce sujet. Que l'on veuille bien remarquer cependant combien nos

deux malades se ressemblent jusque dans certains traits qui peuvent

paraître accessoires au premier abord, mais qui ont cependant leur

importance, comme le nystagmus, par exemple. De plus, ce qui vient

encore compléter la ressemblance, tous deux sont hystériques, et hys-

tériques de la même manière, c'est-à-dire simplement par la présence

des stigmates consistant en une hémianesthésie sensitivo-sensorielle,

sans zones hystérogènes ni attaques.

Quel que soit d'ailleurs le diagnostic ferme auquel on s'arrête pour

le second malade, la similitude de l'un et de l'autre de ces deux cas

légitime absolument, il nous semble, l'idée de les rapprocher l'un de

l'autre.

GEORGES Guinon, A. Dutil,

Chef de-Cliiiiqlie des .. Ancien

maladies du système nerveux. interne do la Clinique.

RHUMATISME ARTICULAIRE. CHRONIQUE

DÉFORMANT T

AVEC ATHOPUIE MUSCULAIRE CONSIDÉRABLE

CHEZ UNE FILLE DE DIX-SEPT ANS,

AYANT DÉBUTÉ DANS L'ENFANCE VERS L'AGE DE HUIT ANS

La nommée Julie Reiter, âgée de dix-sept ans, sans profession,

demeurant habituellement à Vienne (Autriche), née u Lember (Galicie),

malade depuis l'âge de huit ans, entrée dans mon service le 16 sep-

tembre ·1889, sortie et partie pour Vienne le 3 décembre'.

Antécédents héréditaires. - Père asthmatique ; mère migraineuse,

dyspeptique et très nerveuse; une soeur aînée idiote; une tante (la

soeur du père) poitrinaire. Pas d'autres renseignements sur les anté-

cédents héréditaires.

Antécédents personnels. - Diverses manifestations strumeuses

marquent l'enfance de la [malade : impétigo du cuir chevelu, écoule-

ments d'oreille, ulcération des gencives, des lèvres et des joues,

glandes au cou, etc.

Vers l'âge de huit ans, la malade fut prise pour la première fois de

douleurs articulaires, avec gonflement notable et immobilisation pres-

que absolue des grandes jointures durant trois il quatre mois.

A cette époque, comme avant et après, pendant de longues années,

sa famille habitait un sous-sol froid, obscur et surtout très humide.

C'est ainsi que, sous l'influence persistante de ces mauvaises con-

ditions d'hygiène, elle eut des atteintes de plus en plus sérieuses et

prolongées de rhumatisme articulaire. Les grandes jointures d'abord

et les petites ensuite devinrent le siège de douleurs presque con-

tinuelles, de gonflements périarticulaires et épiphysaires, et, à la

longue, de déformations notables, d'ankyloses, avec atrophie mus-

culaire consécutive et contracture des membres supérieurs et infé-

rieurs. En même temps, elle eut une série de troubles oculaires d'ordre

inflammatoire (sur lesquels des détails précis nous manquent) jusque

vers l'âge de douze ans, et, à partir de ce moment, il se serait produit

chez el.e progressivement une exoph 1 halmie symétrique très prononcée.

1. Observation recueillie par M. Diamantbcrger, interne du service.;

RHUMATISME ARTICULAIRE CHRONIQUE.» 17

Après avoir subi des traitements nombreux et prolongés dans les

hôpitaux de. Vienne et de Pesth, de même que dans les stations ther-

males de Halle (Autriche) et d'Herculesbad (Hongrie), elle nous arrive

à Paris et entre à l'hôpital dans l'état suivant :

Jeune fille, petite, ratatinée, ayant l'air d'avoir huit à dix ans et

non pas dix-sept, son âge réel. Les seins sensiblement développés et

l'abondance des poils sur la région pubienne, tout en faisant un

contraste étrange avec l'aspect enfantin de la malade, rappellent pour-

tant qu'elle est à l'âge de la puberté. Elle n'a jamais été réglée.

Elle ne peut ni marcher, ni même se tenir debout.

Les membres sont comme desséchés, la peau est sèche et rugueuse ;

il y a une atrophie musculaire considérable et un degré très prononcé

de contracture des avant-bras sur les bras, des jambes sur les cuisses

et des cuisses sur le bassin, lequel à son tour se trouve immobilisé du

côté des lombes. Presque toutes les articulations, grandes et petites,

présentent une augmentation de volume, des ankyloses plus ou moins

complètes et des déformations très prononcées. 1

Aux doigts, les têtes phalangiennes sont notablement hyper-

trophiées, dans le sens transversal surtout; les phalanges, les pha-

langines et les phalangettes sont diversement déviées- et nous offrent

à côté les unes des autres les différents types d'attitudes vicieuses, le

premier principalement, décrits par M. le professeur Charcot.

Les poignets, les coudes, les genoux et les cous-de-pied sont aug-

mentés de volume et sensiblement ankyloses ; quelques mouvements

limités peuvent encore être provoqués dans toutes ces articulations,

sauf pourtant aux cous-de-pied, car les pieds sont immobilisés dans

'^l'extension.

Du côté des orteils, il y a également un certain degré de déviation

articulaire, mais beaucoup moins prononcé qu'aux mains.

En outre de ces déformations articulaires, la malade présente un

arrêt de développement assez marqué du côté de la cage thoracique et

surtout, ce qui frappe le plus, du côté de la partie inférieure de la

face.

Le maxillaire inférieur est, en effet, presque atrophié, petit, rétréci.

Les lèvres, le nez et les pommettes sont, au contraire, en rapport avec

son âge. Quant aux yeux, ils sont fortement propulsés hors des

cavités orbitaires; il y a exophthalmie. Les globes oculaires sont un

peu augmentés de volume, surtout dans le sens tranversal ; mais il n'y

a ni modifications pupillaircs, ni autres troubles oculaires quelconques.

Cette exophthalmie donne avec l'atrophie du maxillaire, un aspect

des plus étranges à la figure de la petite patiente.

Elle ne souffre plus de ses articulations, n'a pas de troubles car-

ut. 2

18 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

diaques ni pulmonaires; a très bon appétit, est très intelligente et- a

tous les. sens; intacts,- sauf un léger- degré' de surdité, dé date récente

paraîtrait-il/ Il n'y a non' plus aucun trouble de la sensibilité soit

générale ou spéciale- (froid,; chaleur,- courants continus et inter-

mittents). ' . ' ' , ... : -

Les réflexes tendineux sont pourtant abolis; mais cela paraît tenir

surtout à l'état morbide des articulations et'de la' musculature.

' Le d"' octobre, on la soumit au traitement suivant : ' .

a. Tous les jours, une' séance de 15 minutes d'électricité, courants

intermittents (pile de Chardin) au niveau même des articulations;

courants continus (appareil Trouvé de quarante éléments) le long des

muscles. '

. Bains sulfureux (durée de 20 minutes), tous les deux jours.

c. Régime tonique, huile de foie de morue, etc.

Au bout d'un mois de ce traitement elle commence déjà à marcher

à l'aide de béquilles, ce qu'elle ne pouvait pas faire auparavant.

Quelque temps après, elle pouvait même se tenir debout sans béquilles

et faire quelques pas en glissant les pieds sur le parquet ou en sau-

tillant légèrement. La contracture avait à peu près disparu; tant aux

membres supérieurs qu'inférieurs, le système musculaire paraissait en

voie de régénération, et les têtes osseuses avaient certainement un

peu diminué de volume (pi. VI) : ,

En un mot, l'état de la petite malade était notablement amélioré

lorsque la mère vint nous la reprendre, le 3 décembre, pour la ramener

à Vienne.

Nous ne savons pas ce qu'elle est devenue depuis.

Nous n'ajouterons que quelques mots à cette observation si inté-

ressante, pour en signaler seulement les points les plus importants.

1° L'âge de la malade au, début de la maladie. - Inutile d'insister

sur la rareté du rhumatisme déformant chez; les très jeunes enfants.

2° La généralisation de l'affection et l'arrêt de développement sur-

venu chez- la petite malade immédiatement après les premières

atteintes. '

3" L'étiologie. - Antécédents héréditaires, arthrites, nervosisme et

tuberculose .

Antécédents personnels. - Scrofule et influence prolongée du froid

humide.

4° Le début de la maladie par poussées aiguës du côté des grandes f

jointures, ce qui est loin d'être la règle dans l'espèce.

5- L'exophthalmie symétrique sans goitre ni tachycardie. - Pas

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. 111. PL. YI

RHUMATISME ARTICULAIRE CHRONIQUE GENERALISE

CHEZ UNE PETITE FILLE

AVEC ATROPHIE MUSCULAIRE CONSIDERABLE

RHUMATISME ARTICULAIRE CHRONIQUE. 10

de troubles visuels, aucun autre symptôme qui puisse faire croire à la

maladie de Basedow (le fond de l'oeil n'a pas été examiné).

6° L'atrophie du maxillaire inférieur concordant, il est vrai, avec

l'arrêt de développement du tronc et des membres, mais formant un

contraste absolu avec les autres os de la face et du crâne qui ont leur

volume normal et en rapport avec l'âge de la malade. (Nous avons

actuellement dans le service une petite malade, âgée de quatorze ans,

qui a eu du rhumatisme articulaire des grandes jointures à l'âge de

onze ans et présente également des signes de l'arthrite déformante aux

mains seulement. Il n'y a pas eu chez elle d'arrêt du développement,

mais son maxillaire inférieur est aussi sensiblement atrophié. S'agit-

il d'une simple coïncidence, ou faut-il voir dans le fait une relation

de cause à effet ? ) 1

7° Les bons effets du traitement employé au point de vue du réta-

blissement des mouvements et de la marche, de la diminution de

volume des têtes osseuses et de l'amélioration de l'atrophie mus-

culaire.

Dr A. WEILL,

Médecin de l'hôpital Rothschild.

DU ROLE DE LA GRAISSE

DANS LA CONFORMATION EXTÉRIEURE DU CORI'S HUMAIN

[Presque en même temps que cc numéro, paraîtra chez Pion, Nourrit

et Cie l'important ouvrage de notre collaborateur le Dr Paul Riclier

sur rA)M<one des formes extérieures du corps humain. Bien que

plus spécialement destiné aux artistes, ce livre intéresse à un haut

degré les médecins, qui, dans leur propre intérêt, et surtout dans celui

des malades doivent posséder des notions exactes et précises sur la

conformation normale des diverses parties du corps.

C'est un point que M. le professeur Charcot, avec la haute autorité

qui s'attache à son enseignement, faisait ressortir il y a peu de temps

dans une de ses Leçons du mardi.

« Je ne saurais trop vous engager, messieurs, disait-il, surtout

lorsqu'il s'agit de neuro-pathologie, à examiner les malades mes toutes

les fois que des circonstances d'ordre moral ne s'y opposeront pas.

« En réalité, messieurs, nous autres médecins, nous devrions con-

naître le nu aussi bien et même mieux que les peintres ne le connais-

sent. Un défaut de dessin chez le peintre et le sculpteur c'est grave,

sans doute, au point de vue de l'art, mais en somme cela n'a pas, au

point de vue pratique, des conséquences majeures.

« Maisque diriez-vous d'unmédecin ou d'un chirurgien qui prendrait,

ainsi que cela arrive trop souvent, une saillie, un relief normal pour

une déformation, ou inversement ? Pardonnez-moi cette digression qui

suffira peut-être pour faire ressortir une fois de plus la nécessité, pour

le médecin comme pour le chirurgien, d'attacher une grande impor-

tance à l'étude médico-chirurgicale du nu. Bientôt, je l'espère, nous

serons en possession d'un grand ouvrage orné de planches admirables,

faites d'après nature, où vous trouverez cette partie de notre science

traitée avec tous les détails qu'elle comporte. C'est à M. le Dur Paul

Richer, mon chef de laboratoire, plusieurs fois mon collaborateur,

que sera dû ce monument où l'on verra, pour le plus grand profit de

tous, l'art et la science marcher de concert et se donnant la main`. »

Nous n'avons pas à faire ici l'analyse de cet ouvrage, qui va paraître

1. Leçons du mardi, 30 uet. 1888. 2e année, 2L

DU ROLE DE LA GRAISSE. 21

dans quelques jours. Qu'il nous suffise de dire qu'avec ses 110 planches,

sans compter les dessins compris dans le texte, il répond pleinement

au désir exprimé par notre éminent maître. La forme humaine y est

représentée sous tous ses aspects dans l'attitude du repos et aussi dans

les principaux mouvements.

Nous pensons être agréable à nos lecteurs en leur donnant la primeur

de quelques pages encore inédites. Nous avons choisi le chapitre con-

sacré au tissu adipeux, dans lequel on trouvera d'intéressantes indica-

tions sur le rôle que joue la graisse, même chez les gens maigres,

dans la conformation extérieure du corps humain. - N. D. L. R.]

La graisse affecte dans l'organisme deux localisations différentes :

Elle est disposée en couche entre la peau et l'aponévrose générale

d'enveloppe, c'est le pannicule adipeux. ,

Elle est distribuée dans les vides que laissent entre eux les organes

profonds, c'est le tissu adipeux d'interposition.

1° Pannicule adipeux.

Quelque importante que soit la part qui revient aux muscles dans la

conformation extérieure du corps, il ne faut pas oublier qu'entre la

surface de l'écorché et la forme du nu il y a loin encore, plus loin

peut-être qu'on ne pense généralement.

En effet, la peau n'est pas directement appliquée sur les muscles

revêtus de leurs enveloppes aponévrotiques. Autrement dit, pour vêtir

un écorché, il ne suffirait pas de le recouvrir du tégument dont le

rôle ne consisterait alors qu'à en atténuer les formes trop heurtées,

mais sans y rien changer d'essentiel. Entre la peau et les muscles

intervient cette nouvelle couche d'un tissu spécial, le pannicule adi-

peux, dont la présence, suivant les régions, modifie complètement les

formes de l'écorché. Et ceci se produit non seulement chez les sujets

doués d'embonpoint dont les formes disparaissent pour ainsi dire

noyées dans la graisse, mais aussi chez les individus jeunes, robustes,

bien portants et sans aucune surcharge graisseuse.

Cette couche cellulo-graisseuse, ainsi que je l'ai déjà dit, double la

peau dans la plus grande partie de son étendue et y adhère intime-

ment. Lorsque la peau se déplace, c'est cette dernière couche qui

glisse sur les aponévroses et non le tégument externe sur la couche

graisseuse sous-cutanée.

Le pannicule adipeux est d'ailleurs d'épaisseur fort inégale, suivant

les régions et suivant les individus.' Il existe chez tous les sujets, même

22 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

chez ceux qui sont qualifiés de maigres, et, à moins d'émaciatidn

extrême et morbide, il ne fait jamais défaut. Mais on comprendra

combien son développement plus ou moins grand influe sur les formes

extérieures. Elles seront plus enveloppées chez celui dont le pannicule

adipeux sera plus abondant, tandis qu'elles seront plus sèches, plus

dures, plus heurtées chez celui qui le présentera réduit à sa couche

la plus mince. Chez la femme et- chez l'enfant, c'est à l'abondance du

pannicule adipeux que l'on doit la forme plus généralement arrondie

et l'effacement presque complet des saillies musculaires.

Mais les variations que présente la couche graisseuse sous-cutanée,

suivant les régions chez un même individu, sont encore plus intéres-

santes au point de vue morphologique. Elles sont en effet considérables. : Des mensurations, faites sur une vingtaine de sujets dont les trois

quarts appartenaient à la catégorie des gens maigres et dont pas un

seul ne dépassait les limites d'un embonpoint fort modéré, nous ont

donné les résultats suivants` :

Le pannicule adipeux manque sous la peau du nez, des paupiè-

res, etc. ; il est très mince au dos de la main, du pied, au niveau des cla-

vicules z1 à 2 millimètres). C'est sur le torse qu'il est le plus épais, et il

y est répandu inégalement. Le maximum d'épaisseur est aux fesses

(1 centimètre en moyenne et jusqu'à 3 centimètres); puis vient la

partie postérieure du flanc (8 millimètres en moyenne et jusqu'à

1 centimètre et demi); puis la région mammaire, dans sa moitié infé-

rieure, aux environs du mamelon (6 millimètres en moyenne et jusqu'à

1 centimètre et demi). A l'abdomen, il est plus abondant au-dessus

qu'au-dessous de l'ombilic (en moyenne 6 millimètres et demi an-

dessus, 4 millimètres au-dessous). A la région sous-mammaire, il est

peu abondant (en moyenne 3 à 4 millimètres). Au cou, son épaisseur

est en arrière, à la nuque, environ double de ce qu'elle est, en avant, au

niveau de la pomme d'Adam. Aux membres, il diminue d'épaisseur

de haut en bas. Au bras, il est plus épais en arrière qu'en avant. Au

1. Ces mesures ont été prises sur le vivant. Me basant sur ce fait que, dans les replis que

l'on fait à la peau en la pinçant largement, l'épaisseur de ces replis varie en raison directe

de l'épaisseur du pannicule adipeux qui la double et qui se trouve entraîné avec elle, en

glissant sur les parties profondes, j'ai mesuré avec un compas d'épaisseur spécialement

construit pour cet usage les plis cutanés ainsi formés successivement dans les {diverses

régions du corps. En divisant par moitié les chiffres ainsi obtenus, j'ai eu l'épaisseur du

pannicule adipeux, y compris, bien entendu, celle de la peau. Mais comme les variations

de la peau elle-même sont relativement fort minimes, on peut, sans trop s'écarter de la

vérité, la considérer comme une quantité constante et mettre sur le compte du pannicule

adipeux sous-cutané les variations observées dans les chiffres. Quelques recherches sur le e

cadavre ont confirmé les résultats obtenus par ce procédé sur le vivant. En raison même

de son principe, ce procédé n'a pu être employé que sur les parties mobiles de la peau.

C'est pourquoi il n'est pas question dans nos mesures de l'épaisseur du pannicule adipeux

de la face palmaire de la main et plantaire du pied, à cause des adhérences étroites de

la peau de ces régions avec les surfaces aponévrotiques.

DU-* ROLE DE LA GRAISSE. 33

membre inférieur, la différence est notable entre la cuisse et la

jambe, de même qu'entre le haut et le bas de la jambe, où il acquiert

son minimum d'épaisseur.

On voit, par ces quelques indications, la part considérable qui revient

au pannicule adipeux dans la conformation extérieure. II intervient, en

effet, non plus seulement à la manière d'un voile pour atténuer les

heurts de l'écorché, mais comme facteur direct de la forme, au même

titre que les muscles et les os. Il y apporte un élément spécial destiné

à accentuer certaines saillies qui existaient déjà chezi'écorché, ou même

à en créer de nouvelles. Il est certaines régions du corps où, par sa

constance et son abondance relative même chez les maigres, il acquiert

une sorte d'autonomie. Sans empiéter sur les descriptions détaillées

dont seront l'objet dans la suite les diverses régions du corps, je crois

bon de signaler ici celles dans lesquelles le tissu graisseux joue vérita-

blement un rôle morphologique spécial.

En premier lieu vient la région de la fesse. La graisse y est accu-

mulée surtout vers le centre et au bord inférieur, au-dessus du pli

fessier. Elle entre pour beaucoup, surtout chez la femme, dans le volume

de la région. Elle contribue à lui donner la fermeté de consistance et

Fic. 11.

Fie. 12.

Stéatopygie chez les femmes boschimanes.

24

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : TRIRU.

l'élasticité que l'on observe chez les jeunes sujets. Son développement

exagéré constitue la stéatopygie des femmes boschimanes (fig. '11, l),

dont il est donné d'observer, pour ainsi dire, chez les Européennes di-

vers degrés d'atténuation.

Il convient de rattacher également à la stéatopygie une accumulation

graisseuse à la partie supérieure et externe des cuisses, dont les femmes

boschimanes présentent le maximum de développement, mais dont on

retrouve aussi presque toujours la trace chez l'Européenne à un degré

très variable, il est vrai (fin,. 13, 14).

A la partie postérieure des flancs, sur la limite des reins, il existe

constamment une sorte de- bourrelet graisseux qui, non seulement t

comble sur l'écorché le vide laissé entre la masse commune et le bord

postérieur du grand oblique, mais fait une saillie fort distincte et dont

le rôle morphologique n'a pas été, je pense, signalé jusqu'à présent.

Cette accumulation de graisse a pour effet de prolonger en arrière la

surface du flanc et d'en augmenter de ce côté la saillie, de telle sorte

que le relief formé par le flanc, et si nettement accusé sur les statues

antiques, est musculeux en avant et graisseux en arrière. Chez les sujets

qui commencent à avoir un peu d'embonpoint, le bourrelet graisseux

Fig. 13.

Fig. 14. .

Amas graisseux de la partie supérieure et externe de la cuisse chez doux sujets européens.

DU ROLE DE LA GRAISSE. 25

du flanc prend tout de suite un développement remarquable. Chez la

femme, il se confond, pour ainsi dire, en arrière du flanc, avec le tissu

graisseux de la fesse, si bien que celle-ci semble remonter jusqu'au

défaut des côtes, qui est la limite supérieure du flanc et qui marque la

taille (fig. z15, 16). Il résulte de cette disposition que le sillon delà

hanche, très visible chez l'homme, disparaît presque complètement en

arrière chez la femme, alors qu'il reste toujours bien visible, chez cette

dernière, dans toute la partie antérieure, malgré l'élargissement delà

crête iliaque.

Je signalerai également le tissu graisseux de la région mammaire.

Chez la femme, en outre de la présence de la glande mammaire, c'est

lui qui détermine et le volume et la forme des seins. Les seins volumi-

neux sont surtout formés par de la graisse, les médecins savent bien

qu'au point de vue de la qualité d'une nourrice, la grosseur des seins

n'est qu'un indice de médiocre valeur.

Il est intéressant de noter que, même chez l'homme qui porte une

mamelle toute rudimentaire, le tissu graisseux joue un rôle important

dans la morphologie de la région. Il en augmente la saillie dans toute

la partie inférieure, au-dessus du sillon sous-mammaire. Si bien qu'en

cet endroit, le relief de la région pectorale n'est point uniquement dû à

Fic. 15.

rio. 1G.

Bourrelet graisseux du flanc chez l'homme et chez la femme.

26 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

la saillie des fibres charnues du grand pectoral, ainsi que le pensait

Gerdy, mais que le tissu graisseux, même chez les gens maigres, y

entre pour une certaine part. Il n'est pas rare de voir des gens peu

musclés présenter une saillie assez considérable de la région mam-

maire, qui constitue pour ainsi dire un lieu de prédilection pour

l'accumulation de la graisse chez les personnes qui prennent de

l'embonpoint.

Enfin, je citerai, simplement pour mémoire, le tissu graisseux de la

face palmaire de la main et surtout de la plante du pied, qui, par sa

disposition spéciale dans les cellules d'un tissu conjonctif élastique qui

le comprime, forme une sorte de coussinet élastique destiné à s'adap-

ter plus exactement à la surface des objets et à supporter les pres-

sions.

2" Tissu adipeux d'interposition.

Le tissu adipeux d'interposition est celui qui est situé au-dessous de

l'aponévrose générale d'enveloppe. Il est bien moins important que le

pannicule adipeux et, chez les sujets gras, n'augmente jamais dans la

proportion de ce dernier. Il comble les interstices musculaires,

accompagne les vaisseaux, remplit les vides autour des ligaments, des

insertions musculaires, etc.

Au point de vue de la forme extérieure, il joue un rôle qui mérite

d'être signalé en plusieurs régions.

Il comble le creux de l'aisselle et le creux poplité.

Au-dessous du tendon rotulien, il forme deux reliefs latéraux, très

importants à connaître pour la morphologie de la région.

Enfin, à la face, la « boule graisseuse de Bichat » comble le vide

qui existe sur le squelette an-dessous de l'os de la pommette.

PAUL RICfIER

Chef du laboratoire de la Clinique des maladies du système nerveux.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE CLINIQUE

DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES

I

L'existence du tremblement se trouve mentionnée dans un certain

nombre d'observations d'hystérie recueillies il y a déjà fort long-

temps. Nous n'avons pas la prétention de présenter un relevé complet

de ces cas. La bibliographie de l'hystérie est trop étendue et' notre,

enquête serait nécessairement incomplète. Nous nous bornerons

à indiquer rapidement, parmi les observations qui ont été publiées

dans le cours de ces dernières années, celles où le tremblement se

trouve décrit d'une façon suffisamment explicite et rapporté à sa

véritable cause.

En 1879, Homolle a relaté dans le Progrès médical l'histoire d'une

malade observée par lui dans le service de M. le professeur Potain

et qui présentait, à côté de troubles hystériques, un tremblement du

membre supérieur droit que l'auteur a décrit dans les termes suivants :

« Tout le membre est agité de secousses rhythmiques très régulières,

égales en amplitude et d'une direction constante d'avant en arrière.

Ces saccades ou soubresauts semblent se produire exclusivement dans

le triceps crural et dans les muscles du mollet. Elles deviennent

presque nulles quand le corps est dans la position horizontale et au

repos complet; elles augmentent, au contraire, dès que la malade

s'émeut, dès qu'on l'examine, par exemple lorsqu'elle veut exécuter

un mouvement volontaire, surtout lorsqu'elle essaie de marcher, alors

le tremblement devient plus fort au point de se transmettre à tout le

corps. L'étude graphique de ces secousses démontre leur régularité

parfaite. Elles se reproduisent, identiques entre elles, au nombre de

300 par minute. Elles se font d'une façon simultanée à la cuisse et au

mollet, ou, du moins, le retard qu'elles présentent dans cette dernière

1. L'idée première de ce travail appartient a notre maître, M. le professeur Charcot.

Nous le prions de recevoir nos remerciements pour la bienveillance avec laquelle il a facilité

notre tâche en nous aidant de ses conseils dans ce travail fait à la Clinique des maladies du

système nerveux.

28 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTIUËRE.

région est-il douteux, tant il est minime. Le soulèvement du levier

est brusque et donne lieu à la production d'un crochet aigu sur le

tracée »

M. E. Chambard2 a rapporté, en 1881, dans le journal l'Encéphale,

l'observation d'une jeune femme qui, à la suite d'une attaque, avait été

prise à la fois de mouvements choréiques étendus à toute la moitié

gauche du corps et d'un tremblement du membre supérieur droit dont

voici la description : « Le membre est animé d'oscillations pendu-

laires qui l'écartent et le rapprochent tour à tour du tronc; aux mou-

vements pendulaires de la totalité du membre supérieur s'ajoutent des

mouvements alternatifs de pronation et de supination de la main,

accompagnés de mouvements de flexion et d'extension du poignet.

Tous ces mouvements sont d'une faible amplitude et se succèdent avec

beaucoup de régularité et de rapidité. C'est un véritable tremblement

dont les oscillations se répètent environ 160 fois par minute. »

M. Germain Sée3, dans une leçon sur la chorée électrique, a rapporté

également l'observation d'une jeune fille hystérique qui, à la suite

d'une contrariété, avait été prise d'un tremblement des jambes et des

membres supérieurs qui gênait considérablement la malade pour

marcher et pour travailler.

En 1887, dans une séance de la Société de médecine de Londres,

M. Ormerod', présenta à ses collègues une jeune femme de vingt-neuf

ans atteinte d'accidents hystériques non douteux et d'un tremblement

des mains survenu après une attaque et rappelant tout à fait le trem-

blement de la paralysie agitante. M. IIughlings Jackson formulait

son opinion sur ce cas en disant que c'était là un exemple de trem-

blement hystérique, et il ajoutait qu'à son avis beaucoup de trem-

blements dont l'origine est obscure relèvent de cette névrose.

En 1888, M. le Dr Letulle a relaté dans la France médicale l'histoire

d'un ouvrier affecté d'hydrargyrisme professionnel qui présentait, à

côté de divers symptômes de nature évidemment hystérique, certain

tremblement très intense, généralisé aux quatre membres et dont la

guérison fut rapidement obtenue par des applications de ligatures

élastiques et d'aimants. Et M. Letulle conclut après commentaires :

« ... Il est donc permis d'annoncer que, pour un grand nombre, je

n'ose pas dire pour la totalité des cas, les tremblements mercuriels

appartiennent à la grande névrose. »

1. Homélie. Hémianesthésic hystérique anormale avec contracture et tremblement du

membre inférieur droit; Progrès médical, 5 juillet 1879, p. 517.

2. Chambard. Hémichorée et hémitremblement hystériques. Encéphale, 1881.

3. Germain Sée. De la chorée électrique; Semaine médicale, 6 mars 1884.

4. Ormerod. British médical journal, décembre 1887, p. 1216.

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 29

Nous pourrions citer encore quelques exemples de tremblement

hystérique appartenant, soit à la littérature française, soit aux travaux

allemands, qui, dans ces derniers temps, ont été consacrés à l'étude de

« la névrose traumatique ». Il existe, notamment dans les mémoires

de MM. Oppenheim et Thomsen quelques faits qui nous paraissent être

des exemples indéniables de tremblements de nature hystérique.

Mais, en dehors de ces quelques observations éparses, dans les jour-

naux et revues, on chercherait en vain, dans les auteurs classiques,

une description régulière des tremblements* hystériques. ,

Briquet' en parle incidemment et de façon on ne peut plus som-

maire : s Le tremblement musculaire, dit-il, se rencontre assez

fréquemment chez les hystériques... Ce tremblement est toujours

passager; après une durée de quelques heures et au plus de quelques

jours, il se dissipe spontanément. Il est très peu de malades chez

lesquels le trouble des mouvements reste permanent, mais il se

reproduit avec une grande facilité. » Et c'est tout. ')

Les ouvrages les plus récents de neuropathologie, ceux de Wilhs,

Rosenstein, IIammond, Leyden, Grasset, sont complètement muets à

cet égard.

On peut lire cependant, dans les Leçons deM. le professeur Charcot,,

plusieurs passages dans lesquels notre maître signale d'une façon

incidente, il est vrai, mais très explicite, l'existence du tremblement

hystérique et de quelques-uns de ses cacactères. Dans une de ses

leçons sur l'hystérie de l'homme, M. Charcot décrit en ces termes le

tremblement qui existait chez le nommé Gui... « Le tremblement de la

main droite est remarquable par la régularité parfaite de son rhythme

constatée à l'aide des appareils enregistreurs. Il consiste en oscilla-

tions dont le nombre est de cinq en moyenne par seconde; à cet égard

il tient par conséquent le milieu entre les tremblements à oscillations

lentes, tel que celui de la paralysie agitante, par exemple, et les trem-

blements vibratoires ou autrement dits à oscillations rapides de la

paralysie générale et de la maladie de Basedow. Il ne s'exagère pas

sous l'influence des mouvements volontaires. Le malade peut se servir

de sa main pour boire ou pour manger et peut même écrire très

passablement à la condition d'appuyer fortement avec sa main gauche

sur son poignet droit, manoeuvre qui fait cesser le tremblement pour

un instant. » Et ailleurs, dans la leçon qui a pour titre : Tremblements

et mouvements choréiformes (t. III, p. 212), M. Charcot, après avoir

décrit les tremblements à oscillations lentes, dit encore textuellement :

1. Briquet. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, p. 478.

2. Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, 1887, t. 111, p. 272.

30 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

« Avant de passer à la catégorie des oscillations rapides, je veux vous

mentionner une espèce de tremblement qui tient le milieu entre les

deux : c'est le tremblement hystérique. Nous avons actuellement dans

nos salles deux hommes qui en sont affectés. Chez l'un, le nombre des

oscillations est de cinq; chez l'autre, de sept par seconde. Je ne fais

que vous citer en passant cette espèce de tremblement, me proposant

d'y revenir plus tard d'une façon plus détaillée'; j'en fais seulement

provisoirement, au point de vue de la rapidité des secousses, une caté-

gorie intermédiaire entre le premier et le second groupe. » Mais ces

faits isolés, et les descriptions auxquelles ils ont donné lieu, ne

répondent qu'à une seule variété de tremblements hystériques qui est,

il est vrai, la plus fréquente.

C'est à M. Rendu i que revient le mérite d'avoir, le premier, nette-

ment appelé l'attention des cliniciens sur la pluralité des formes du

tremblement hystérique et indiqué l'analogie frappante qui existe

entre certaines de ces formes et le tremblement, soit de la paralysie

agitante, soit de la sclérose en plaques. Dans une note présentée à la

Société médicale des hôpitaux à propos d'une communication de

M. Luys, M. Rendu a rapporté deux observations très démonstratives

à cet égard. On les trouvera plus loin, reproduites in extenso, ainsi

que celles que nous avons mentionnées dans ce chapitre. Dans une

leçon antérieure à la note de M. Rendu, mais qui ne fut publiée

que quelques mois après, dans le Progrès médical, M. le professeur

Pitres insiste également sur la diversité des formes que peut prendre

le tremblement hystérique. « Il n'y a pas, dit-il, un tremblement hys-

térique -toujours et partout identique, mais bien des tremblements

d'origine hystérique. » Et M. Pitres propose de les classer en trois

groupes distincts : 1° les tremblements trépidatoires; 2° les tremble-

ments vibratoires; 3° les tremblements intentionnels.

Les'faits que nous avons nous-même observés à la Salpêtrière, dans

le cours de l'année qui vient de s'écouler, nous ont conduit à adopter

une classification un peu différente de celle qu'on vient de lire. Mais

ils confirment pleinement et complètent peut-être à certains égards les

observations de MM. Pitres et Rendu en ce qui concerne la diversité

des formes que peuvent revêtir les tremblements hystériqnes et la très

grande analogie qui existe entre certaines de ces formes et la plupart

des tremblements déjà décrits et classés en pathologie nerveuse. Ce

sontlà, en effet, les deux données capitales qui nous paraissent se dégager

de l'examen comparatif des cas que nous avons observés. Elles donnent,

- 1. Rendu. Bulletins et mémoires de la Société médicalé des hôpitaux de Paris

(12 avril 1889).

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 31

ce nous semble, la mesure de l'intérêt pratique qui s'attache à cette

question des tremblements de nature hystérique que nous nous pro-

posons de décrire dans le présent travail.

II

Les tremblements hystériques se développent quelquefois d'une

façon tellement insidieuse que les malades, interrogés sur l'époque

de l'apparition de leur tremblement, ne peuvent fournir à ce sujet

aucune indication précise.

Mais ce mode de début est exceptionnel. En général, ils apparaissent

subitement, sous l'influence d'un traumatisme, d'une frayeur, d'un

choc moral quelconque et plus souvent encore à la suite d'une attaque

convulsive (Obs. I, II et III). En pareil cas, que l'attaque ait été

complète ou seulement ébauchée, qu'elle se soit accompagnée ou non

de perte de la connaissance, le sujet s'aperçoit, au sortir de la crise, eh

se levant par exemple, qu'il tremble de tous ses membres ou seulement

de l'un deux. C'est là, de tous les modes de début des tremblements

hystériques, celui qui nous paraît être de beaucoup plus fréquent.

Au lieu de se montrer à la suite d'une attaque vulgaire, le tremble-

ment débute quelquefois de la façon suivante : sous le coup d'une

émotion un peu vive, en apprenant une nouvelle fâcheuse, le malade

éprouve tout d'abord une sensation de boule ou de poids à l'épigastre,

il étouffe, il a le cou serré, puis il ressent des battements dans les

tempes, il entend des sifflements dans ses oreilles; et quand cet

ensemble de troubles qui caractérisent l'aura hystérique s'est prolongé

un certain temps, tout à coup, sans perdre connaissance, le malade se

met à trembler violemment de tous ses membres. Ce tremblement

peut s'apaiser au bout de quelques instants. Lorsqu'il succède ainsi

aux phénomènes de l'aicra, il se développe en quelque sorte au lieu et

place des convulsions de l'attaque vulgaire et l'on a affaire en pareil

cas à une véritable attaque de tremblement (Obs. II et V). Chez une de

nos malades le tremblement se montra ainsi d'une manière si brusque, '

si intense, qu'une personne du service croyant qu'il s'agissait d'un

frisson de fièvre releva la température centrale de la patiente, tempé-

rature qui fut trouvée d'ailleurs à son degré normal. Après une ou

plusieurs crises semblables, le tremblement peut s'établir à demeure

et persister sans relâche pendant des semaines et des mois.

Enfin il peut arriver que le tremblement se produise tout à coup,

sans cause provocatrice immédiate, sans avoir été précédé, ni d'une

attaque quelconque, ni des phénomènes de l'aura. Il apparaît ainsi chez

32 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SaLP);TI211.II1 ?

certains sujets comme l'accident hystérique initial auquel viendront

s'ajouter plus ou moins prochainement les autres manifestations de

la névrose hystérique (Observ. d'Armandine Roug...). Ces faits nous

paraissent particulièrement intéressants au point de vue du diagnostic.

Si rien n'est plus facile, en effet, que de reconnaître la nature hystérique

d'un tremblement lorsque ce trouble fonctionnel coexiste avec les diffé-

rents stigmates de la névrose, lorsqu'il succède à une attaque classique,

il n'en est pas de même dans ces cas où le tremblement constitue, pen-

dant un temps plus ou moins long, le seul symptôme de l'hystérie. En

pareille occurrence, on porte souvent le diagnostic de tremblements

« nerveux », de chorée, etc., et l'on méconnaît la véritable nature du

tremblement jusqu'au jour où une attaque, l'apparition d'une hémia-

nesthésie ou tel autre accident significatif vient révéler la névrose dont

il était l'unique et première manifestation. Tels sont les divers modes

de début des tremblements hystériques.

Ces tremblements peuvent être généralisés ou partiels; dans ce

dernier cas, ils se localisent tantôt aux membres d'un même côté du

corps (forme hémiplégique), tantôt aux membres supérieurs, ou bien

encore aux membres inférieurs (forme paraplégique). Enfin, on peut

les voir se cantonner à un membre, à un segment de membre.

Leur durée est également très variable; il y a des tremblements qui

persistent pendant plusieurs mois, plusieurs années même, sans aucune

interruption. Parfois ils se montrent par accès; apparaissant après

chaque attaque convulsive, on les voit alors, après quelques instants,

quelques heures, ou quelques jours de durée, s'atténuer peu à peu

et s'effacer au bout d'un temps variable pour reparaître à l'attaque

suivante.

Les tremblements sont quelquefois si légers qu'ils ne gênent en rien

les malades dans l'exécution de leurs mouvements, et qu'il faut, pour

les constater, placer les membres dans une certaine attitude qui favorise

le développement des oscillations (attitude du serment pour les

membres supérieurs; extension de la jambe pour les membres infé-

rieurs, etc.).

Par contre, le tremblement peut acquérir une intensité telle que la

marche des malades devient difficile, incertaine. De même, aux membres

supérieurs, il peut gêner considérablement la préhension des objets

et rendre à peu près impossible l'accomplissement des actes de la vie

commune.

Les tremblements hystériques présentent en général un rhythm 1'égu-

lier ; mais rien n'est plus variable que la rapidité, la fréquence des

oscillations qui les constituent; les uns sont d'une lenteur remarquable,

les autres sont très rapides, véritablement vibratoires. Entre ces deux

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 33

modalités extrêmes, il existe des variétés intermédiaires. Il en est qui

n'apparaissent qu'à l'occasion des mouvements volontaires. Laplupart

persistent à l'état de repos et pendant les mouvements actifs, mais ils

subissent parfois, sous l'influence de ces derniers, des modifications

diverses concernant la fréquence et l'amplitude de leurs oscillations.

Si nous ajoutons à ce qui précède que les tremblements hystériques

ne se montrent pas dissemblables d'un cas à un autre, mais que le

même sujet peut présenter simultanément ou successivement des

tremblements d'allures fort différentes, nous aurons, ce nous semble,

indiqué d'une façon suffisante que les tremblements d'origine hysté-

rique sont essentiellement polymorphes. Il s'ensuit qu'on ne saurait

les comprendre dans une description d'ensemble. Ils échappent évi-

demment, par la diversité de leurs caractères, à toute formule descrip-

tive univoque; de là la nécessité qui s'impose à nous de les classer

avant de les décrire.

- III

Envisagés au point de vue de la fréquence de leurs oscillations, les

tremblements hystériques peuvent être répartis en trois groupes :

le Les tremblements à oscillations rapides ou vibratoires (ayant de

8 à 12 oscillations par seconde) ;

2° Les tremblements de rhythme moyen (de 5 1/2 à 71/2 oscillations

par seconde);

3° Les tremblements à oscillations lentes (de 4 à 5 '1/ oscillations).

Parmi les tremblements qui appartiennent aux deux derniers

groupes (tr. lents et tr. de rhythme moyen), il en est qui n'apparais-

sent que pendant les mouvements volontaires et d'autres qui, tout en

persistant à l'état de repos, s'exagèrent notablement sous l'influence

des mouvements actifs. Il convient de ranger ces cas dans une caté-

gorie à part, celle des tremblements intentionnels. Tel est l'ordre

suivant lequel nous décrirons les tremblements hystériques que nous

avons observés.. -

Eu étudiant ces différentes formes de tremblement, nous ne nous

bornerons pas à l'analyse attentive, parfois même minutieuse, mais

forcément un peu aride du symptôme. Nous nous efforcerons, en même

temps, de montrer sous quels aspects les tremblements appartenant à

chacune des catégories précédentes se présentent dans la réalité cli-

nique. En d'autres termes, nous décrirons parallèlement les tremble-

ments hystériques et les hystériques trembleurs.

Il y a en effet des tremblements hystériques qui, par leur localisa-

nt. 3

34 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tion, leur rhythme, leur exagération sous l'influence des mouvements

volontaires, etc., impriment aux malades qui en sont affectés un

habitus extérieur qui rappelle à s'y méprendre l'aspect des malades

atteints de paralysie agitante, de sclérose en plaques ou d'une autre

maladie à tremblement. Ce fait que les tremblements hystériques peu-

vent simuler les tremblements propres à certaines affections organiques

ou inorganiques du système nerveux présente, au point de vue pratique,

une importance qu'il nous paraît inutile de faire ressortir. C'est en

lui que se trouve, selon toute vraisemblance, l'explication de ces guéri-

sons quasi miraculeuses de paralysies agitantes obtenues par un

simple jeu de miroirs, de ces scléroses en plaques sans plaques de

sclérose, etc.

A ce point de vue, nous croyons qu'il existe parmi les hystériques

trembleurs un certain nombres de types cliniques assez bien tranchés.

Nous essayerons de les mettre en relief dans le cours de ce travail.

IV

TREMBLEMENT A OSCILLATIONS RAPIDES

Tremblement vibratoire. - Cette variété de tremblement hystérique

est caractérisée par des oscillations très brèves, très rapides, qui

semblent se fondre en une vibration continue des parties qui en sont

le siège. Il n'est pas rare d'observer ce tremblement chez les hysté-

riques à la suite des attaques convulsives. Qu'il soit généralisé ou

partiel, il n'a le plus souvent qu'une durée éphémère; il disparaît au

bout d'une heure ou deux. Ce n'est alors qu'un phénomène post-

convulsif, un trouble moteur passager qui n'attire pas toujours l'atten-

tion des malades, mais que nous avons pu cependant constater maintes

fois chez quelques hystériques du service de la Clinique.

Par contre, il y a des sujets chez lesquels ce tremblement persiste,

sans interruption, pendant des semaines et des mois. En pareil cas,

s'il est quelque peu accentué, il constitue un trouble moteur impor-

tant, un symptôme marquant et tenace presque à l'égal des autres

symptômes de l'hystérie. Il en a été ainsi chez deux de nos malades

dont on trouvera plus loin les observations détaillées (Obs. 1 et II).

C'est sur ces deux cas que repose la description qui va suivre.

Lorsque ce tremblement à oscillations rapides est généralisé, très

prononcé et permanent, le malade se trouve dans un état de vibration

perpétuelle qui- frappe dès l'abord. Qu'il soit debout ou assis, il est

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 35

agité d'une trémulation continuelle et il suffit de poser les mains sur

ses épaules ou sur sa tête pour percevoir les oscillations rapides et

verticales dont tout le corps est animé. Si l'on fait déshabiller le

malade, on -peut constater que les muscles des membres et du tronc

sont animés de petites èontractions fibrillaires. Aux avant-bras, ces

palpitations musculaires sont quelquefois assez intenses pour déter-

miner de légers et brusques mouvements des doigts. Parfois même,

quand ce tremblement est à son maximum d'intensité, comme cela

arrive à la suite des attaques (V. Obs. I), ou lorsque le sujet est sous

le coup d'une émotion un peu vive', les muscles de la face participent

à l'agitation générale, les lèvres sont tiraillées par de petites secousses

musculaires, la parole est un peu tremblée et l'habitus extérieur du

malade rappelle assez exactement l'aspect bien connu que présentent

parfois les alcooliques et les sujets atteints de paralysie générale.

Mais on n'observe pas toujours cette trémulation de tout le corps

ni ces palpitations musculaires, et le tableau que nous venons de tracer

ne répond guère qu'aux phases d'acuité excessive du tremblement.

Dans les périodes de calme relatif, le tremblement semble localisé aux

seules extrémités. L'aspect du sujet est alors tout à fait comparable à

celui qu'on observe chez cette catégorie de malades que notre maître

et ami M. P. Marie, nous a appris à connaître et chez lesquels, en

l'absence de goitre et d'exophthalmie, un tremblement à oscillations

rapides est le seul symptôme apparent de la maladie de Basedow. La

légitimité de cette comparaison ressortira clairement, croyons-nous, de

l'examen méthodique que nous allons faire des caractères propres au

tremblement vibratoire que nous décrivons.

Prédominant tantôt aux membres supérieurs, tantôt aux membres

inférieurs, le tremblement ne s'efface que pendant le sommeil. A l'état

de veille il ne cesse jamais, même dans l'état de repos et de relâ-

chement musculaire le plus complet.

Il suffit, pour le voir, de jeter les yeux sur les mains du malade lors-

qu'il les laisse reposer tranquillement sur ses genoux ou sur une table.

Si l'on ordonne au sujet d'étendre les bras dans l'attitude dite du

serment, les oscillations dont tout le membre est animé se montrent

alors avec une grande netteté. Ces oscillations se produisent surtout

dans le sens vertical ; la main exécute de petits mouvements alternatifs

de flexion et d'extension qui ont évidemment pour centre l'articulation

du poignet. Les doigts participent au tremblement mais d'une façon

passive le plus souvent ; ce n'est que dans les moments de vive agitation

1. P. Marie. -Contribution à l'élude et au diagnostic des formes frustes de la maladie

de Basedow.

: ! f; NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SA LPÈTRl ÈRE.

yue l'on voit un soulèvement brusque et actif de ]'un des doigts, un

ressaut de la main ou de l'avant-bras tout entier traverser le rhythme

régulier et continu de la trémulation.

Dans les cas que nous avons observés, le tremblement des membres

inférieurs était toujours apparent, soit que le malade se tînt debout,

soit qu'il fut assis, les jambes fléchies à angle droit sur les cuisses,

et la plante des pieds reposant sur le sol.

Dans la position debout, les oscillations dont les membres inférieurs

sont animés s'effectuent dans le sens vertical ; elles consistent unique-

ment, à ce qu'il nous a semblé, en de légers mouvements de flexion

et d'extension de l'articulation du genou. Quand le sujet est assis, et,

dans les moments où le tremblement acquiert une certaine intensité,

les membres inférieurs exécutent parfois des mouvements rhythmiques

analogues à ceux que présentent les sujets atteints de paralysie spas-

modique lorsque le phénomène de l'épilepsie spinale vient à se pro-

duire, mais avec cette différence que chez nos malades. les réflexes

tendineux n'étaient pas exagérés.

Ce tremblement à forme vibratoire peut persister, nous l'avons déjà

dit, pendant des mois entiers sans interruption (Obs. I et II). Mais il

ne garde pas toujours chez le môme malade un même degré d'intensité.

Sous des influences diverses, il passe par des périodes de recrudescence

suivies d'apaisement. Voici ce que nous avons observé à cet égard. Si

le malade a une attaque, au sortir de la crise, le tremblement atteint

son maximum d'intensité ; il est alors pour ainsi dire à l'état aigu; cet

état dure pendant un, deux, trois jours, parfois quelques heures

seulement; après quoi le tremblement s'atténue progressivement

jusqu'à un certain degré; c'est la phase de calme qui dure jusqu'à

l'attaque suivante à moins qu'un mouvement de colère, une contrariété,

une émotion quelconque ne viennent renforcer momentanément la

trémulation. Chez un de nos malades, le nommé Hacq... la compression

des points hystérogènes provoquait l'exagération immédiate du trem-

blement. Dès qu'on pressait légèrement sur l'une de ses zones hysté-

rogènes, le malade était pris d'une quinte de toux convulsive, accom-

pagnée de suffocation et des autres sensations qui constituent l'aura

hystérique. Le tremblement s'accentuait aussitôt et se montrait à son

maximum d'intensité pendant une heure ou deux.

Pendant les périodes de calme relatif, ce tremblement n'apporte

aucune gêne dans l'exécution des mouvements. La démarche des

malades est ferme et assurée. Aux membres supérieurs, seuls, les

actes qui nécessitent des mouvements précis et délicats, tels que celui

de l'écriture, sont un peu troublés par la trémulation de la main et des

doigts. Mais les malades ne sont nullement gênés dans l'accomplisse-

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 37

ment des autres actes de la vie ordinaire ; ils peuvent s'habiller, bou-

tonner leurs vêtements, couper leur pain, porter un verre à leur

bouche, etc., sans difficulté. Il n'en est plus de même lorsque, sous

l'influence d'une des causes que nous avons indiquées plus haut, le

tremblement acquiert un certain degré d'intensité. L'écriture est alors

manifestement altérée dans sa forme, et parfois même impossible; les

autres mouvements d'un tour plus grossier sont également troublés;

un de nos malades avait beaucoup de peine à rouler une cigarette.

Dans ces moments de vive agitation, les malades sont encore capables

d'exécuter les différents actes de la vie ordinaire que nous citions tout il

l'heure, mais ils les accomplissent avec moins d'assurance. En saisis-

sant, par exemple, un crayon placé sur une table, après s'être portés

droit sur l'objet, les doigts hésitent et tâtonnent un instant ; la pré-

hension n'est pas aussi rapide, aussi immédiate qu'à l'état normal.

Aux membres inférieurs, le tremblement, lorsqu'il est très prononcé,

peut aussi amener des difficultés dans la marche et la station debout.

Voici du moins ce que nous avons maintes fois observé chez le nommé

Hacq... (Obs. I), à la suite d'une attaque spontanée, lorsque le trem-

blement vibratoire avait acquis son maximum de développement, ou

lorsque nous avions nous-même artificiellement provoqué son aggra-

vation en excitant une des zones hystérogènes : le stationnement debout t

devenait aussitôt difficile, les genoux du malade fléchissaient fréquem-

ment par un mouvement brusque dans lequel il perdait parfois l'équi-

libre et menaçait de tomber. Ce fléchissement involontaire se répétait

de temps à autre jusqu'à deux et trois fois presque coup sur coup; le

malade se plaignait alors d'une sensation d'agacement dans les genoux,

il écartait les jambes comme pour assurer son attitude, mais le dérobe-

ment des genoux continuait à se produire et le sujet demandait in-

stamment à s'asseoir.

Pendant la marche, ces flexions brusques et involontaires des jambes

gênaient notablement le malade. Il marchait les jambes écartées, avec

un léger balancement du tronc causé par le fléchissement alternatif

des membres inférieurs. Or, cette impotence fonctionnelle, qui persistait

quelquefois pendant une journée entière, n'était nullement en rapport

avec un affaiblissement des forces musculaires. Il n'y avait chez lui

parésie des membres inférieurs à aucun degré; car si l'on examinait

le malade assis ou couché, en ce qui concerne la force et la précision,

les mouvements d'ensemble ou partiels des membres inférieurs ne

laissaient rien à désirer. Tels sont les troubles moteurs que nous avons

vu se développer à plusieurs reprises chez ce malade et toujours con-

jointement avec une exagération du tremblement. Ils disparaissaient

en effet a peu près complètement dès que le tremblement avait repris

38 . NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

son allure habituelle. Notre second malade, le nommé Chérub... est

resté pendant longtemps astasique et abasique; mais lorsqu'il a pu

marcher, se promener dans les cours de l'hôpital, conservant toujours

le tremblement à forme vibratoire dont il était affecté depuis plusieurs

mois, il présentait, lui aussi, ce phénomène de dérobement des

jambes qui- n'existait chez Hacq... que dans les périodes de recrudes-

pence, du tremblement. -

. Cette remarque étant faite, ce trouble fonctionnel très particulier

(dérobement des jambes) est-il uniquement dû au tremblement ? est-il

une conséquence directe, mécanique des oscillations, dont les membres

inférieurs sont animés et de l'état d'instabilité de leurs masses muscu-

laires ? Nous ne pensons pas qu'il en soit ainsi, au moins dans tous les

cas. On sait en effet que le phénomène de dérobement se rencontre

chez les tabétiques, chez les hystériques, en dehors de tout tremble-

ment des membres inférieurs (astasie choréiforme) et très souvent

aussi chez les sujets atteints de maladie de Basedow où il peut se

montrer associé au tremblement vibratoire qu'a décrit M. P. Marie.

C'est précisément parce que ce trouble moteur (dérobement de jambes)

se voit communément chez les malades de cette dernière catégorie que

nous avons cru devoir signaler avec quelque insistance l'existence de ce

trouble fonctionnel chez nos deux hystériques. On comprend en effet

que, le cas échéant, il contribuera à rendre plus frappante l'analogie

d'aspect, la ressemblance que nous indiquions au début de ce cha-

pitre entre les malades atteints de maladie de Basedow avec trem-

blement, mais sans exophthalmie ni goitre, et le tremblement hysté-

rique répondant au type vibratoire.

Chez notre malade de l'Obs. I, le tremblement s'est développé

brusquement à la suite d'une attaque. Chez le nommé Chérub...

(Obs. II) l'apparition du tremblement a été précédée, non pas d'une

attaque convulsive complète, mais seulement des symptômes qui cons-

tituent l'aura hystérique. A plusieurs reprises et à des intervalles assez

éloignés, sous l'influence d'une contrariété, à l'annonce d'une nouvelle

fâcheuse, cet homme fut pris tout à coup d'une sensation de boule

remontant du ventre à la gorge. Il étouffait; il éprouvait des battements

dans les tempes, après quoi, sans perdre connaissance, il se mettait à

trembler violemment des quatre membres. Lors des premières crises,

le tremblement ne dura que quelques jours, et c'est après avoir ainsi

présenté une série d'attaques de tremblement, que ce symptôme

s'établit, à la suite de la' dernière crise, d'une façon définitive et devint

véritablement permanent. Il est vraisemblable que ce mode de début

(à la suite d'une attaque convulsive ou sous forme d'attaque de trem-

blement) n'est pas le seul. Chez une hystérique dont l'observation a été

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 39

rapportée par M. Pitres', le tremblement a débuté d'une façon insidieuse;

voici cette observation : « Éléonore L... âgée de dix-huit ans, sujette

depuis trois ans à des attaques convulsives tout à fait caractéristiques,

et marquée de stigmates hystériques non douteux (analgésie cutanée

générale, rétrécissement concentrique des champs visuels, etc.), pré-

sente un petit tremblement des membres tout à fait semblable à celui

de la maladie de Basedow. Si on lui demande depuis quand elle a

remarqué l'existence de ce symptôme, elle répond qu'elle n'en sait

rien. » On pourra voir aussi le tremblement hystérique à forme vibra-

toire apparaître à la suite d'une frayeur, d'un choc moral quelconque.

N'était le caractère d'incertitude inhérent aux observations de date un

peu ancienne et relatives aux phénomènes de l'hystérie (elles sont

nécessairement incomplètes), nous pourrions relever parmi les faits de

« tremblement émotif » ou « nerveux » qui ont été publiés çà et là,

plusieurs cas qui, selon toute vraisemblance, ressortissent au type de

tremblement hystérique que nous décrivons.

Nous allons maintenant exposer les résultats auxquels nous sommes

arrivé en appliquant la méthode graphique à l'étude de ce tremble-

ment°.

Les tracés I et II (fig. 17, 18) ont été recueillis sur le malade qui

fait l'objet de l'observation I. Le premier représente les oscillations

de la main droite posée sur une table. Le second a été obtenu la

main et le bras du sujet étant placés dans l'attitude dite du serment.

1. Pitres, loc. cit.

2. Technique. - Indépendamment des données que peut fournir l'exploration directe,

nous avons utilisé dans notre étude des tremblements hystériques les indications que donnent

les appareils enregistreurs et les procédés photographiques.

A. Méthode graphique. - Nous avons surtout fait usage du tambour à réaction de

M. Marey. Ce tambour est monté sur une plaque en métal que l'on fixe solidement sur la

surface dont on se propose d'enregistrer les oscillations. La paroi mobile porte à son centre

une petite tige sur laquelle on visse une masse métallique pesante. Les oscillations de cette

masse se communiquent à la membrane mobile du tambour qui les transmet par l'intermé-

diaire d'un tube en caoutchouc au tambour enregistreur dont le style se meut sur le

cylindre noirci du polygraphe. Nous avons toujours fait usage comme mouvement de l'axe

lent du régulateur Foucault. Nous nous sommes toujours servi des mêmes tambours et des

mêmes styles. Nous avons toujours fixé sur le tambour à réaction des masses aussi faibles

que possible. Les lieux d'application que nous avons toujours choisis sont les suivants : le

sommet de la tête; au membre supérieur, la face dorsale du métacarpe, la main étant en

pronation et étendue dans l'attitude du serment, ou reposant sur une table; au membre

inférieur, la face antérieure de la cuisse, un peu au-dessus de la rotule (le malade étant

assis ou tenant sa jambe horizontalement étendue).

Lorsque les oscillations étaient par trop violentes, nous avons exploré directement les

muscles en appliquant un tambour myographique soit sur la face postérieure de l'avant-

bras, soit sur la région antérieure de la cuisse.

Pour évaluer le nombre des oscillations produites dans un temps donné, nous avons inscrit

parallèlement au tremblement, soit les secousses d'un métronome marquant les secousses,

soit les vibrations d'un diapason 10 V. D., au moyen du signal de M. Deprez.

Nous devons faire remarquer que la méthode d'inscription à l'aide du tambour à réaction

ne nous a donné que le nombre, le rhythme et l'amplitude relative des oscillations verticales,

40 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Ce qui frappe tout d'abord dans ces tracés c'est la régularité non pas

absolue, mais à peu près constante du rhythme. Les intervalles qui

séparent les oscillations sont sensiblement égaux; pour un même temps

donné, le nombre des oscillations est toujours le même; il est de

9 à 9 1/3 par seconde.

On voit en outre que l'amplitude des oscillations est très variable.

Ces variations se produisent presque toujours suivant un mode suc-

cessivement progressif et décroissant. D'une manière générale, les

oscillations sont plus étendues lorsque le sujet tient sa main dans

car l'amplitude des oscillations ainsi enregistrées ne dépend pas seulement de la sensibilité

du tambour à réaction, du poids de la masse métallique, elle varie également avec la lon-

gueur et la sensibilité du style inscripteur, toutes conditions dont l'uniformité absolue et

constante ne saurait être réalisée. ·

B. Procédé photographique. - Ce procédé est plus précis que celui que nous venons de

décrire, pourvu qu'on ait soin de se placer dans des conditions invariables (même objectif,

mire au point exact, etc.).

Il a, de plus, l'avantage de fournir des tracés qui indiquent la direction des oscillations et

dans le sens vertical et dans le sens transversal. Mais il a le défaut d'exiger un dispositif

plus compliqué, d'être d'un maniement plus délicat que le procédé graphiqne ordinaire.

Voici en quoi il consiste essentiellement :

On fixe solidement sur le segment de membre dont on se propose d'inscrire les oscillations

une petite lampe électrique (type Edison) de 3 ou 4 volts. Cette lampe doit être aussi

petite que possible afin que sa lumière soit sensiblement ponctiforme. Puis, on placo le

sujet en face de l'objectif photographique derrière lequel se meut le cylindre du régulateur

Foucault recouvert d'une feuille de papier sensible ou bien une plaque qui glisse sur des

roulettes d'un mouvement uniforme et dans le sens transversal. Les choses étant ainsi

disposées dans la chambre noire et la mise au point de l'appareil ayant été réglée d'avance,

on comprend aisément que tous les déplacements verticaux ou transversaux du point lumi-

neux se reproduiront sous forme d'une ligne continue sur la plaque sensible ou sur la

feuille qui enveloppe le cylindre. On obtiendra ainsi le tracé photographique du tremblement.

Tel est le dispositif que nous avons pu utiliser dans quelques cas, grâce à l'obligeance do

M. Londc, chef du laboratoire do photographie du service de la Clinique, qui a bien voulu

nous prêter le concours précieux de sa compétence et de son habileté bien connues.

Fig. 17. - Tracé 1. droite au repos : oscillations de 9 a 9 1/ par seconde (11;tcq ...)

1-'iG. 18. - Tracé II. Main droite (attitude du serment) : oscillations de 9 à 1; ?

par seconde (Hacq..)

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 41

l'attitude du serment que lorsqu'il la laisse tranquillement reposer sur

ses genoux ou sur une table placée près de lui. Les tracés que nous

venons de produire ont été recueillis pendant une période de calme

relatif; ils représentent pour ainsi dire l'état moyen du tremblement.

Nous avons déjà dit qu'à la suite des attaques, ou bien sous l'influence

des émotions, ou bien encore lorsqu'on excitait une zone hystérique

(chez le nommé IIacq...), la trémulation s'accroissait d'une' façon

remarquable. Dans ces conditions, la rapidité du rhythme, le caractère

vibratoire du tremblement s'accentuaient à un degré tel que la main de

l'observateur posée sur l'avant-bras du sujet (celui-ci tenant son bras

horizontalement étendu) percevait une sensation tout à fait semblable

à celle que produit le contact d'une corde en vibration. Le tracé

ci-dessus indique assez clairement l'allure que présentait alors le

tremblement (fig. 19).

Les tracés du tremblement de notre second malade (Chérub...) pré-

sentent exactement les mêmes particularités (fig. 20).

Diagnostic. - Parmi les tremblements qui ont été méthodiquement

étudiés jusqu'à ce jour, seuls, les tremblements à oscillations rapides

présentent, tant par leur apparence extérieure que par leurs caractères

graphiques, une ressemblance réelle avec le tremblement hystérique

que nous venons de décrire : ce sont le tremblement alcoolique, celui

de la paralysie générale, et surtout le tremblement de la maladie de

Basedow. Tous ces tremblements sont, en effet, constitués par une série

d'oscillations brèves, menues, se succédant l'une l'autre avec une

grande rapidité, et au nombre de 8 à 9 ou 9 'lui2 par seconde. Il suffit

de jeter les yeux sur les trois tracés ci-après qui représentent ces

trois espèces de tremblements pour se rendre compte que, par leur

Pic,. 19. - Tracé III. Oscillations, 12 i, 13 par seconde <"aNI...

Frc,. 20. - Tracé Ir. Main droite (attitude du serment) : oscillations, 9 à 9 1/2

. par seconde (Chérub...)

42 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

rhythme, la fréquence des oscillations, l'inégalité de leur amplitude, ils

se ressemblent singulièrement (fig. 21, 22, 23). M. Marier dans son

intéressant travail, a cherché par quels caractères le tremblement de

la maladie de Basedow se distinguait des tremblements de l'alcoolisme

et de la paralysie générale. Le seul trait de dissemblance qu'il ait pu

relever est celui-ci : « Dans la maladie de Basedow, dit-il, les doigts ne

sont pour ainsi dire pas animés de secousses propres; leur tremblement

est plutôt un tremblement communiqué et dû aux secousses des autres

segments du membre supérieur, tandis que, dans les autres maladies

(alcoolisme et paralysie générale), les muscles des doigts sont particuliè-

rement atteints par le tremblement. » Cette particularité lui a été révélée

par l'examen comparatif des tracés obtenus en plaçant dans la paume de

la main de ses sujets une poire en caoutchouc communiquant avec le

tambour enregistreur. Tandis que, dans le cas de maladie de Basedow,

on n'obtient avec cet instrument qu'une ligne peu tremblée et dont la

direction générale peut être considérée comme rectiligne, bien au

1. P. Marie, loc. cit.

Fie. 21. - Tracé V. Hystérie.

FIG. 22. - Tracé VI. Paralysie générale.

Fie. 23. Trace VU. \Ial,mlie'Je Basedow.

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 43

contraire, dans la paralysie générale et l'alcoolisme, on obtient ainsi

un tracé composé d'une série de saccades.

En appliquant à l'étude du tremblement hystérique vibratoire le

même procédé d'exploration, nous avons obtenu, tantôt un tracé exacte-

ment rectiligne, tantôt une ligne irrégulièrement ondulée, selon que

nos malades étaient plus pu moins calmes au moment de la prise du

tracé. Le caractère indiqué par M. Marie ne nous paraît donc pas suf-

fisant pour différencier le tremblement hystérique à'forme vibratoire

des tremblements, soit de la maladie de Basedow, soit de l'alcoolisme

ou de la paralysie générale. En insistant sur la très grande analogie de

ces divers tremblements, il n'est pas dans notre pensée et nous ne vou-

lons pas donner à entendre que leur ressemblance même puisse être

jamais l'origine d'erreurs de diagnostic. Les états morbides auxquels ils

appartiennent sont eux-mêmes trop dissemblables.

L'hésitation serait peut-être un instant permise en présence d'un

de ces cas frustes de maladie de Basedow où le goitre et l'exphothalmie

font défaut et où le tremblement vibratoire propre.à cette affection en

est le seul symptôme apparent. Mais la constatation de la tachycardie

suffirait alors à lever tous les doutes; sans compter que l'hystérie a ses

stigmates propres, et que le tremblement à oscillations rapides est en

somme un symptôme à peu près constant de la maladie de Basedow et

relativement rare dans l'hystérie. Cependant, étant donné que l'hystérie

s'associe fréquemment chez un même individu, soit à la maladie de

Basedow, soit à l'alcoolisme, il pourra se présenter dans la pratique

tel cas où il sera difficile de décider auquel de ces deux éléments mor-

bides le tremblement devra être attribué.

Ces. I. - Hystérie et neurasthénie provoquées par le surmenage

chez un chauffeur de locomotives. - Tremblements à forme vibratoire.

Hacq... (Victor), âgé de trente-quatre ans, chauffeur de locomotives, est

entré dans le service de la Clinique le 17 avril 1889.

Antécédents héréditaires. - L'étude des antécédents de famille ne

fournit aucun renseignement intéressant. Les grands parents, tant du côté pa-

ternel, quedu côté maternel, jouissaient d'une santé parfaite et sont morts très

vieux. Son père s'est noyé involontairement à l'âge de quarante-cinq ans. Sa

mère n'a jamais souffert de maladies nerveuses, elle est âgée de soixante-

quatre ans. Réponses également négatives en ce qui concerne les autres

parents. Cependant il est à remarquer que, bien que sa femme et les membres

de la famille de sa femme, paraissent être indemnes de toute tare nerveuse hé-

réditaire ou acquise, la fille du malade, actuellement âgée de six ans, est at-

teinte de la maladie des tics.

Antécédents personnels. - Lui-même n'avait jamais été malade avant

l'apparition des premiers troubles nerveux qui marquèrent le début de son

44 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

affection. C'est un homme d'une taille au-dessus de la moyenne, d'appa-

rence robuste, aux traits énergiques. Il a toujours été actif, plein d'entrain

et nullement impressionnable. Il n'est pas syphilitique ; il ne s'est jamais

adonné à la boisson. Voici comment il est devenu malade. '

Il est employé à la compagnie du chemin de fer de l'Est. Depuis dix ans,

il exerce la fonction pénible entre toutes de chauffeur de locomotives. Chaque

jour, pendant seize ou dix-huit heures consécutives, il travaille il entretenir

le feu du fourneau, debout sur la plateforme de la locomotive en marche,

subissant constamment l'effet des trépidations et des secousses violentes que

déterminent les arrêts brusques produits par les freins l vapeur.

Le 17 août 1888, pendant une manoeuvre de gare, la locomotive qu'il con-

duisait heurta et brisa le fourgon d'un train de marchandises. Dans ce

fourgon qui fut, paraît-il, mis en pièces,' se trouvait un employé. Relevé sans

connaissance et transporté à Lariboisière, cet homme offrait quelques jours

après tous les symptômes d'un état neurasthénique des mieux caractérisés.

Ce sujet, le nommé V..., a été présenté à la Policlinique de la Salpêtrière,

par M. le professeur Charcot, dans la leçon du décembre 1888.

Notre malade, lui, n'éprouva, au moment du choc, qu'une très légère se-

cousse. Son émotion fut nulle; et il est à peu près certain que cet accident

auquel il n'attacha pas d'importance, n'est pour rien dans le développement

des troubles nerveux qu'il a présentés plus tard. Le fait est que, pendant les

trois mois qui suivirent (septembre, octobre et novembre), il continua fisc

bien porter et à travailler régulièrement, comme par le passé.

Dans les premiers jours du mois de novembre 1888 il remarqua que sa be-

sogne lui paraissait plus pénible. Bien qu'aucun surcroît de travail ne lui eùt

été imposé, il était plus fatigué qu'autrefois. Pendant le jour il avait cons-

tamment « mal aux jambes » ; c'était une sorte d'énervement, d'agacement,

qui le tenait aux genoux. Il était moins solide sur ses membres inférieurs ;

il était obligé d'écarter largement les jambes pour garder l'équilibre lors-

qu'il était sur sa locomotive.

La nuit, il était agité. Il ne rêvait pas, il n'avait pas de cauchemars ; seu-

lement sa femme lui disait qu'en dormant il avait des soubresauts très vio-

lents dans les membres.

A. DUTIL,

(A suivre.)

Ancien interne de la Clinique des maladies

du système nerveux.

LA QUEUE DES SATYRES

ET LA QUEUE DES FAUNES

ancien nous a laissé la tradition d'êtres fantastiques tenant par-

Lie de l'homme, partie d'animaux. Les satyres et les faunes peuvent

compter parmi les plus intéressants.

En général les satyres sont représentés avec un tronc postérieur

entier d'animal, bouc ou cheval ; leur tète est ornée d'oreilles en

conque et souvent de cornes; ils ont une queue qui fait suite au

sacrum et qui rappelle celle des solipèdes ou des ruminants.

Les faunesontdes membres postérieurs d'homme, quelquefois seule-

ment des jambes et des pieds de bouc. Leur tête est plus humaine que

celle des satyres et souvent ne présente d'autre déformation qu'une

oreille à pointe rappelant la forme soi disant régressive signalée par Dar-

win. Quant à la queue qui les caractérise, au lieu de représenter un organe

en apparence osseux et mobile comme la queue du bouc ou du cheval,

c'estune simple touffe de poils formant une mèche plus ou moins allon-

gée, mais ne faisant quelquefois qu'une saillie il peine appréciable,

comme dans le Faune à l'enfant. Mais la principale particularité de la

queue des faunes, c'est son insertion. Cet appendice ne fait pas suite il

la colonne vertébrale et ne continue pas la direction du sacrum et du

coccyx; elle est implantée dans la région lombaire, et prend une direc-

tion à peu près perpendiculaire à celle de la colonne vertébrale.

Quelques anomalies anatomiques semblent indiquer que ces formes

légendaires ne sont pas des inventions de pure fantaisie.

Si les oreilles de forme animale se retrouvent chez un -certain

nombre d'hommes appartenant souvent au groupe des dégénérés de

Dlorcl 1, les vestiges de la queue des demi-dieux peuvent aussi se ren-

contrer dans la même catégorie d'individus.

La queue des satyres qui rappelle le plus la queue des animaux est

quelquefois représentée chez l'homme par un appendice charnu con-

1. Ch. Féru et J. Séglas, Contribution à l'élude de quelques variétés morphologiques

du durillon de l'oreille humaine {Revue d'Anthropologie, 7Z;Sfi, 1). 2-26).

46

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tinuant la direction du sacrum et du coccyx'. Cet appendice qui a été

observé chez des foetus et des jeunes enfants (Gerlach, Monod, etc.) ne

coïncide pas nécessairement avec d'autres malformations susceptibles

d'altérer la viabilité, car on l'a vu chez des adultes (de Maillet, Max

Braun, Zaborowski, etc). Dans le cas de Maillet, il existait chez deux

frères. Quelquefois cette queue constitue une déformation considérable

et peut atteindre une longueur de 10 à 12 centimètres. En dehors de

ces monstruosités, on a assez fréquemment observé un développement

anormal en nombre et en volume des vertèbres coccygiennes ou de leurs

éléments embryonnaires.

Chez un certain nombre d'individus le coccyx présente une direction

1. R. Blanchard. L'atavisme chez, l'homme (Revue d'Anthropologie, 1885, p. 443).

FtG.28.

Configuration anormale de la région

. sacro-coccygienne.

Fila. 29.

Plaque velue de la région lombaire.

LA QUEUE DES SATYRES. 47

verticale, de sorte que sa pointe fait saillie sous la peau et rappelle la

terminaison en queue. Quelquefois cette déviation du coccyx coïncide

avec une adhérence de la face profonde de la peau à la partie posté-

rieure de l'os ou des os qui le constituent, et il existe à ce niveau un

infundibulum cutané qui paraît jouer un rôle dans la pathogénie de

quelques tumeurs sébacées de cette région1. Cette infundibulum paraît

correspondre à l'extrémité postérieure du sillon dorsal, comme le

tourbillon des cheveux correspond à l'extrémité céphalique du même

sillon'; du reste chez les jeunes enfants, on trouve aussi assez sou-

ventl'infundibulum coccygien entouré de poils implantés en tourbillon.

Ce redressement du coccyx et cette anomalie superficielle coïncident

souvent avec une forme particulière delà région sacrée. Le sillon inter-

fessier est ouvert à sa partie supérieure, et le sacrum s'y présente sous

la forme d'une surface en fer de lance divisée de haut en bas par les

saillies très prononcées des apophyses épineuses. Cette conformation

particulière est très marquée chez le sujet représenté sur la figure 28.

Quelquefois le coccyx, tout à fait superficiel, forme quelquefois une

espèce de cap à la partie supérieure de l'échancrure interfessière et

parfaitement visible à distance même lorsque les cuisses sont rappro-

chées.

Il faut bien convenir que ces différentes anomalies anatomiques, qui

rappellent plus ou moins la queue des animaux, sont à peine capables,

sauf lorsqu'elles se présentent sous la forme d'un appendice mobile,

comme dans quelques cas rares, d'inspirer les représentations qui nous

restent sous la forme des satyres. Ce n'est guère qu'en supposant des

difformités beaucoup plus fréquentes et beaucoup plus marquées que

l'on peut arriver à accepter cette interprétation. Ces figures légen-

daires peuvent s'expliquer plus simplement par le souvenir des fidèles

de Bacchus qui, dans les fêtes des vendanges, se couvraient de peaux

de bouc.

Laqueue desfaunes, qui, parleur configuration générale, reproduisent

presque exactement les formes humaines, ne paraît pas susceptible

d'une interprétation autre que celle que l'on peut baser sur une parti-

cularité anatomique, car elle ne peut, comme l'appendice bestial des

satyres, rappeler une sorte de déguisement.

Cette particularité anatomique consiste dans un développement anor-

mal de poils formant une touffe plus ou moins épaisse et étendue dans la

1. Gh. Fré. Cloisonnement de la cavité pelvienne; utérus et vagin doubles; infun-

dibulum cutané de la région sacroococcygienne (Bull. Soc. anatomique, pp. 309, 53 : 2).'

2. Ch. Féré. Nouvelles Reéherches sur la topographie crdnio-cérébrale; des rapports

du tourbillon des cheveux avec l'obélion (Rev. d'Anthropologie, : 2' série, t. IV, p. 483).

48 NOUVELLE ICONOGRAPHIE D 14 LA StlLl'1'l'lill.lal : .

région lombaire. Cette plaque velue qui a souvent la forme d'un losange

à deux angles situés sur la ligne médiane.-ne présente aucune altération

visible de la peau, qui conserve sa coloration,- son épaisseur et sa con-

sistance normales. A la périphérie; les poils se raréfient graduellement,

et la peau reprend,' sans ligne de. démarcation brusque, son aspect

glabre : Cette anomalie ne présente donc aucun des caractères d'hyper-

tricbose localisée, dans une région qui permet de soupçonner, un

rapport entre l'exubérance de production de poils et une anomalie de

l'évolution de la paroi rachidienne. Sous la forme où elles se présentent

assez souvent,' ces plaques velues constituent une difformité' a peine

remarquable, sauf pourtant lorsque le système pileux est peu développé

en général comme dans le cas représenté sur la figure 29 ; mais lorsque

lés poils atteignent une longueur considérable, elle présente non pas une

simple analogie mais une similitude complète avec la queue des faunes.

La planche VII qui représente la base de l'autel astrologique de Gables

(Musée du Louvre) montre un faune vu de dos; chez lequel la'touffe de

poil caudale est bien visible. Tel est le cas rapporté par. OhmanivDu-

mesnil, dans lequel la longueur des poils aurait été de trois pieds

anglais, et telle que le sujet était obligé de les couper à. cause de la

gêne qu'ils lui apportaient 4.

' Cn. Féré, '

' Médecin de Bicèll'c.

1. Ohmann-Dumcsnil, Circumscribed hyperlrichosis in the llllllbar région, (Journal oj

culaneous and genito-urinrtry diseases, 1888, p. 97). .

Le gérant,; Emile LEcnOS;o;IEI1.

8'J"J. -- llueCGItoc. - JIUp1ÍIllCI'ÏCS réunies, B, ruc Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE.

T. Ill. PL. VII

Phototype IWGATIP X.

Photocollographie BHRTHAUD

FRAGMENT DE L'AUTEL ASTROLOGIQUE DE GABIE

(MUSÉE DU LOUVRE)

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPETRIERE

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANEES

ET

SUR L'ÉTAT MENTAL DES HYSTÉRIQUES

Nous avons eu récemment l'occasion d'observer chez une jeune fille

hystérique l'apparition spontanée d'une ecchymose dont l'étude

nous a incidemment conduit à exposer les considérations qui vont

suivre.

Notre malade, âgée de dix-neuf ans, à hérédité nerveuse très char-

gée, appelait, le 9 décembre 1889, notre attention sur une « rougeur» »

siégeant à la face interne du tibia droit, qu'elle avait remarquée le

matin même en vaquant aux soins de sa toilette. La veille au soir, à

la suite d'une vive contrariété, elle avait eu une crise de larmes; son

sommeil avait été entrecoupé par des rêves terrifiants - ce qui lui

arrivait souvent d'ailleurs et, vers le matin, elle avait ressenti une

vive douleur à la face interne de la jambe droite. Elle fut toute sur-

prise en s'habillant de constater à cet endroit la « tache » que

nous avons indiquée, laquelle, de forme ovalaire à grand diamètre

vertical, mesurait environ cinq centimètres de longueur sur trois cen-

timètres de largeur. Elle fut encore plus surprise lorsqu'au cours de

nos recherches elle constata avec nous qu'elle présentait une hémi-

anesthésie droite particulièrement marquée au membre inférieur

qui avait été, pendant la nuit, le siège des douleurs spontanées qu'on

observe parfois chez les hystériques dans les région anesthésiées.

A quelles causes fallait-il attribuer le développement de celle

hémorrhagie sous-cutanée qui, les jours suivants, jusqu'à sa disparition,

)U..t

50 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S : 1LL'1 : 'l'l.ll : lil : .

passa par toutes les nuances ordinairement observées en pareil cas.

La malade affirmait, ne s'être pas heurtée; elle était sûre que l'ecchy-

mose n'existait pas le soir au moment du coucher; il était non moins

certain qu'il n'y avait pas eu pendant la nuit d'attaques convul-

sives.

Nous n'hésitâmes pas un instant, après avoir envisagé tous les

éléments d'un diagnostic différentiel qu'il serait trop long d'exposer

en cette place, à faire entrer cette lésion dans la catégorie des

ecchymoses spontanées des hystériques.

Ces ecchymoses spontanées sur lesquelles il n'existe pas à notre con-

naissance de travail d'ensemble, sont cependant beaucoup plus fré-

quentes qu'on ne le croit généralement et il en existe plusieurs obser-

vations des plus probantes, éparses cà et là dans la littérature

médicale. Il ne faudrait pas cependant les chercher sous ce titre, car

l'interprétation a, dans la circonstance, comme il arrive souvent en

médecine, été nuisible à la bonne observation et il règne à leur sujet des

opinions un peu particulières. Lorsqu'on les rencontre dans les faits

cliniques, les auteurs, décrivant par exemple l'hystérie convulsive,

n'hésitent pas à les attribuer aux chocs subis dans les accès. Cepen-

dant lorsque, comme dans un cas de Bergeret sur lequel nous

reviendrons, elles siègent à la partie interne des cuisses, il est assez

difficile, il nous semble, de leur attribuer cette pathogénie. Ou bien

encore, on les étiquette du nom de « purpura » lors qu'il existe con-

curremment d'autres troubles vaso-moteurs, épistaxis, meloena, phéno-

mènes absolument de même ordre. L'auteur, du reste, dans ce cas par-

ticulier, n'a pas manqué de rapprocher ces accidents les uns des autres

et il est bien près d'indiquer la valeur pathogénique des ecchymoses

qu'il a observées'.

C'est dans les recueils consacrés surtout aux hémorrhagies cutanées,

« aux stigmates » des hystériques qu'on les rencontre plus particu-

lièrement ; et il n'est guère d'observations où, à côté d'hémorrhagies

se faisant par le tégument externe, on ne trouve des ecchymoses,

premier degré de l'hémorragie. On consultera à ce sujet, avec le

plus grand profit, les observations de Magnus lIüss 2, d'Ashtlcy Cooper^

et de Froidefond 1.

Il s'ensuit, qu'à l'état individuel, ces ecchymoses sont le plus

souvent négligées ou passées sous silence. Pour notre part, nous

1. Clopatt. Etudes sur l'hystérie infantile (1888 ? Iletsingfurs. Obs. XIII, p. 7.), en français,

travail de la Salpêtrière).

2. Cas de maladies rares observés par le Dr Magnus llüss. Archives Ipnérales de méde-

cine, a° séric, t. X, 1857, p. 1; 129.

3. Cité par Layeoelc - A lreatise on the Mérous diseuses of oomett, 1840, p. 231.

.i. Contribution a l'élude de quelques bëniorrhagies nevropatbiquos.Tb. Paris, 1879.

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 51

sommes persuadé qu'elles sont beaucoup plus fréquentes qu'on ne l'a

dit jusqu'ici et, en attirant l'attention de ce côté, nous espérons qu'on

cherchera désormais avec plus de soin. C'est ce qui nous a engagé à

dire quelques mots du fait que nous avons observé tout incomplet

qu'il puisse ètre, en présence surtout d'autres cas absolument caracté-

ristiques.

Si nous cherchons à mettre en lumière les ecchymoses spontanées

des hystériques, c'est que celles-ci nous paraissent avoir un grand

intérêt au point de vue médico-légal, au même titre d'ailleurs que les

écoulements de sang par la peau dont elles sont les compagnes et que

nous envisagerons également dans cette étude.

Prenons par exemple le cas si magistralement observé par magnums

llüss, qui le rapporte à l'hémophilie. Une pauvre servante de vingt-

trois ans se plaint d'avoir été violemment souffletée par ses maîtres

et « d'avoir reçu des coups sur le crâne avec un corps dur ». Elle mon-

tre d'ailleurs, pour corroborer son dire, un écoulement de sang très

abondant qui se fait au niveau du vertex. Ne conviendrait-il pas

d'arrêter les auteurs de cette sauvage agression d'autant que les coups

ont déterminé chez elle « après des convulsions qui lui firent perdre

connaissance, un état de torpeur physique qui dura onze jours » ?

On la place en observation, à l'abri de toutes violences, et cependant

les hémorrhagies ne cessent pas; bien au contraire, elles apparaissent

au niveau des cils, la peau se couvre de taches ecchymotiques, il y

a des vomissements de sang. Magnus IIÜss, clinicien de premier

ordre, auquel il est donné d'observer la malade, non seulement nous

décrit d'une façon extrêmement remarquable ces hémorrhagies et les

attaques qui les entrecoupent ou les accompagnent, mais encore il

saisit sur le vif le mécanisme de leur formation.

La malade était devenue un objet de curiosité il Stockholm, on

venait observer ces écoulements de sang qui se faisaient au niveau

d'un tégument indemne de toute solution de continuité, et les cadeaux

témoignèrent de l'intérêt qu'on prenait il ce spectacle. Elle avait

tout bénéfice -IL s'entretenir en semblable état. Aussi arriva-t-elle a il

provoquer il sa fantaisie des accès d'hémorrhagics. Voici comment elle

s'y prenait. Elle cherchait à se prendre de querelle, il se disputer avcc

quelque autre malade et l'excitation qui s'ensuivait avait fort souvent

pour conséquence une hémorrhagie ; il a semblé aussi qu'elle pouvait

sans cause pareille, par l'effet de sa volonté, se mettre dans une dispo-

sition d'humeur telle qu'il en résultât une hémorrhagie ».

Ces dernières considérations sont à notre avis de la plus haute

importance et bien propres à jeter un grand jour sur l'état mental

des hystériques que nous voudrions également éludier.

52 . NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

II

, Certes, nous n'arrivons pas des premiers dans cette question et il

semble, à voir le nombre de travaux accumulés, qu'il ne reste rien à

glaner dans un champ si souvent exploré par des maîtres dont l'opinion

fait d'habitude autorité dans la science. Aussi, ne nous serions-nous pas

aventuré à notre tour dans ce domaine, si les opinions que nous allons

exposer n'étaient celles que nous avons puisées directement dans l'en-

seignement de notre éminent maître M. le professeur Charcot, et que

l'on trouvera éparses dans ses oeuvres, particulièrement dans le troi-

sième volume de ses Leçons sur les maladies du système nerveux, et

dans ces archives cliniques incomparables qui s'appellent les Leçons

du mardi à la Salpêtrière. Nous ferons remarquer encore que, grâce il

lui, dans ces dernières années, l'étude de l'hystérie chez l'homme a pris

un développement jusqu'alors inconnu et qu'en ce qui regarde l'état

mental de l'hystérie masculine, nous aurons il tenir compte des tra-

vaux d'un de ses élèves les plus distingués, M. Ballet i, professeur

agrégé, sans oublier MM. Marquézy 2 et Tabaraud 3, élèves à leur tour

de ce dernier. En 1888, dans un article sur « la conception qu'on

doit se faire de l'hystérie J », M. Moëbius a nettement caractérisé l'état

mental des hystériques, et, en 1889, M. Pierre Janet dans son livre

sur l'automatisme psychologique a émis sur le caractère des individus

suggcstibles des considérations dont nous aurons à parler pour en

faire ressortir toute la justesse 5. Un travail d'ensemble fait seul actuel-

lement défaut et notre contribution se bornera uniquement à combler

cette lacune.

L'état mental des hystériques femmes, en dehors des travaux de

l'École de la Salpêtrière, a été particulièrement aussi étudié depuis

longtemps déjà par Mortel, Tardicu, Moreau (de Tours), Lasègue et

Legrand du Saullc. En 1882, la mise au point en a été remarquable-

ment faite par M. Huchard 6 qui lui a apporté le précieux appoint de

ses observations personnelles.

L'hystérique (femme) représente pour ces derniers auteurs un type

extraordinairement complexe, d'une nature toute particulière, ver-

satile à l'excès, remarquable par son esprit de duplicité, de mensonge,

1. Etat mental des héréditaires dégénérés. - Arch. de médecine, mars-avril 1888.

2. L'homme hystérique. - Bulletin médical, 1888, p. 1126, 11 Il.

3. Des rapports de la dégénérescence mentale et de l'hystérie. Th. Paris, 1883.

h. Caractère, moeurs, état mental des hystériques. - Archives de neurologie, t. 111,

1882, p. 187.

5. Ueber den lJegri¡rder Hystérie; in Cenlralblalt {¡il' .1'cruenlaeilhutade, n° 3, 1888, p. G.

li L'automatisme psychologique, Paris, 1889, p. t.03.

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 53

de simulation. Nature essentiellement perverse, l'hystérique ne cherche

qu'à tromper ceux qui l'entourent, de même qu'elle a des impulsions

qui la poussent à voler, à accuser sans cause, à incendier sans raison :

Nous ne rapporterons pas plus au long cette description, édifice

auquel tant d'auteurs ont apporté leur pierre et que M. fluchard a

orné d'une note personnelle de grande valeur. Nous ne voulons que

dégager l'impression que nous avons ressentie à la lecture des textes

originaux; nous la formulerons ainsi : l'état psychique de l'hysté-

rique résume à peu près toute la pathologie mentale depuis le délire

aigu le plus franc jusqu'à la monomanie chronique la mieux caracté-

risée.

Eh bien, nous croyons qu'en réalité il n'en est pas ainsi, et que,

comme l'attaque d'hystérie, l'état mental hystérique a son déterminisme

qui ne ressort pas nettement des travaux précités. Incontestablement

les observations sur lesquelles il a été établi étaient et sont de premier

ordre, mais, à notre avis, un grand nombre de ces observations sont

beaucoup trop compréhensives dans l'espèce. '

Sous ce rapport, M. Charcot a, dans ces dernières années, introduit

dans l'étude de l'hystérie un nouvel élément d'appréciation qui, dans

la circonstance, nous tiendra.lieu de fil conducteur. Si c'est à lui que

revient l'honneur d'avoir nettement séparé l'hystérie de l'épilepsie et

d'avoir montré que l'hystéro-épileptique de la vieille nomenclature de

la Salpêtrière n'avait rien de commun avec l'épileptique, c'est encore

a lui qu'il faut attribuer l'extrême mérite d'avoir fait l'hystérie « une

et indivisible ». Elle « s'accole » très volontiers avec un grand nombre

d'autres maladies nerveuses, mais sans se fusionner jamais avec elles.

L'ataxie, la maladie de Friedreich, la sclérose en plaques, le goitre

exophthalmique, la myopathie atrophique progressive, ont souvent pour

substratum des individus hystériques, mais un oeil exercé permet

absolument de différencier les deux affections, alors qu'elles semblent

le plus intimement unies.

. Ce que M. Charcot a fait pour les phénomènes physiques de l'hys-

térie, il l'a aussi fait pour les phénomènes psychiques, puissamment

secondé par M. Ballet et ses élèves, sans oublier les observations de

M. Séglas '. '

L'hystérique, on le sait, est un nerveux héréditaire au premier chef,

et si, peut-être plus souvent qu'ailleurs, on retrouve chez lui l'hérédité

homologue dé Morel - mère hystérique, fille hystérique on note

aussi, dans les antécédents maternels ou paternels, toute une filiation

1. ])on\ cas d'onomatomanio : coexistence chez un malade de l'hystérie et d'une variété

spéciale U'onouuVomanicClIUVIIlC 111C11t1C. Bulletins de la Soc. mcil. des /td;)., séance du

SI)éciile ((écliolilie iiieiit,-tle). Ditlletiis (le la Soc. itéil. (les liôp., séiiice (Iii

12 amril 1SSJ.

Si NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETUÏËKE.

de vésaniques, d'aliénés, d'épileptiques, etc. En pathologie mentale, c'est

l'arbre héraldique le plus luxuriant qu'il soit donné d'observer. La

conclusion à en tirer, en se basant sur les faits, est que l'hystérique

pourra peut-être plus que tout autre, en dehors de l'état mental qui

lui est propre, présenter les stigmates psychiques de la dégénérescence

mentale si bien mis en lumière par M. Magnan et ses élèves.

Comment se formulent ces stigmates psychiques ? Par la folie du

doute, dit M. Magnan, les scrupules, le délire du toucher, l'agora-

phobie, la dipsomanie, la pyromanie, la kleptomanie, les impulsions

au suicide, les perversions, les aberrations sexuelles, etc., etc. Chacun

des termes de ce tableau nesemblc-t-il pas applicable il l'hystérie et ne

les retrouve-t-on pas à chaque instant dans les descriptions des

auteurs qui, avant la période actuelle inaugurée par les travaux de

M. Charcot, ont écrit sur l'état mental des hystériques. Hystériques les

voleuses dans les grands magasins, hystériques les incendiaires, hysté-

riques celles qui s'entourent d'animaux et sont atteintes de la « folie

des antiviv'isectionnistes », autre stigmate de dégénérescence mentale,

hystériques ces femmes à perversion sexuelle... Nous n'exagérons

pas et nous pourrions étiqueter les observations.

A nous voir ainsi démembrer l'étal mental des hystériques, on pourra

peut-être se demander s'il en restera quelque chose. Croirait-on, par

exemple, que nous ayons démoli pour ne pas réédifier. Bien au con-

traire ! Notre unique but a été d'élaguer, d'écarter le faux, pour mieux

mettre le vrai en pleine lumière, et cette vérité, ce quelque chose d'ab-

solument spécial se résume en ce mot gros de conséquences, la

suggestibilité. Nous n'inventons rien d'ailleurs, ce que nous allons dire

a été vu, noté, mais c'est à une sélection que nous nous livrons, c'est

à une mise au point que nous allons procéder à notre tour.

Pour élucider cette question nous nous sommes livré à l'étude atten-

tive de sujets nettement hystériques de par leurs stigmates physiques,

présentant en outre les stigmates psychiques les plus indéniables de

la dégénérescence mentale; puis nous avons également soumis à l'ob-

servation des hystériques non dégénérés. Dans tous les cas, après avoir

fait la part de la dégénérescence, cette notion de la suggestibilité nous

a paru être la caractéristique cherchée et trouvée. Si nous avons tant

désiré nous trouver toujours en présence des stigmates physiques, c'est

pour que, à l'inverse de bien des observations encore peu anciennes, le

diagnostic d'hystérie ne pût un seul instant être mis en doute.

Si l'état de suggestibilité est un, il n'en est pas moins extrêmement

complexe, tout particulièrement dans sa mise enoeuvre et dans les phé-

nomènes qui découlent de son activité. Les suggestions peuvent venir

du dehors, elles sont extrinsèques; lorsqu'elles sont intrinsèques, elles

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 55

constituent l'auto-suggestion dont l'importance est extrême en pareille

matière.

Étudions le mécanisme de la mise en oeuvre de cette suggestibilité.

Sous ce rapport, les attaques jouent un rôle prépondérant. L'attaque en

effet, ainsi que l'ont bien fait voir MM. Paul Richer, Bonrneville et

Regnard, ne commence pas uniquement avec les convulsions. La

période prodromique peutêtre assez longue, 1 jour, 2 jours, jours et

plus; pendant toute sa durée, les malades sont inquiètes, agitées; elles

réagissent d'ailleurs de diverses façons; les unes sont excitées, se dis-

putent avec les personnes qui les entourent, sont insupportables à tout

le monde, ont des rires sans causes et des pleurs sans motifs ; les autres,

au contraire, sont abattues, déprimées, cherchent la solitude et ne

répondent aux questions qu'on leur adresse qu'après maintes objurga-

tions. Puis survient l'attaque, ou celle-ci avorte, comme chez les enfants

par exemple, où M. Charcot a montré que l'attaque revêtait souvent la

forme maniaque et se passait pour ainsi dire toute en prodromes psy-

chiques entrecoupés de quelques contractions des bras, de quelques

convulsions des globes oculaires, placées lu pour ainsi dire pour mon-

trer que la période convulsive ne perd que bien rarement ses droits.

Tous ces prodromes ne sont pas constitutifs, a proprement parler, de

l'état mental des hystériques, ils appartiennent à l'attaque et doivent

être considérés comme des phénomènes transitoires; mais, chez certains

malades, chez les enfants en particulier, ils peuvent, par leur succes-

sion, créer une sorte d'état permanent qu'il était nécessaire de faire

ressortir au courant de cette étude, d'autant que, chez les enfants, ces

prodromes s'accompagnentdans la majorité des cas du rêve de la grande

attaque, rêve d'une importance capitale dans l'espèce.

C'est ce rêve, en effet, cette période des attitudes passionnelles si

magistralement étudiée par M. Charcot qui, chez les hystériques à

attaques, va singulièrement influencer l'état mental dans les intervalles

des accès. Lorsque l'attaque est terminée, le cerveau de l'hystérique a

gardé de ce rêve une impression profonde, créée par les souvenirs

anciens qu'il a réveillés - car le rêve est toujours, ou le plus souvent,

un rappel de faits passés, vécus - impression d'où nait la joie et la

tristesse, plus souvent cette dernière, car la phase triste est toujours

plus intense que la phase gaie. L'hystérique va pendant plusieurs

jours rester obsédé par le souvenir de cet acte de sa vie passée, consi-

dérablement agrandi, démesurément grossi.

L'impression du rêve a été telle qu'elle peut créer encore des halluci-

nations à l'état de veille. Nous avons vu un de nos malades, un homme,

l'attaque terminée, se lever brusquement, ouvrir les fenêtres, et chasser

le chat noir purement immatériel qui l'avait tourmenté dans son sommeil

Mi NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETKIEnn.

et qui le narguait encore sur son lit. C'est le rêve qui, l'attaque finie,

pousse soeur Jeanne des Anges à accuser Grandier de l'avoir ensorcelée,

Madeleine de la Palud à dénoncer Gauffridi, et Loyse Capel, ursuline

elle aussi, à faire monter sur le bûcher la malheureuse Honorée. Qu'on

relise ces procès de sorcellerie et l'on verra l'accusation se formuler

encore plus nette après chaque attaque infailliblement déterminée par

un nouvel exorcisme. L'héroïne d'une erreur judiciaire trop célèbre voit

encore son violateur, trois heures après son attaque, se promener sous

ses fenêtres, alors que, bien entendu, personne ne peut distinguer la

malheureuse victime de son hallucination.

C'est le rêve de l'attaque qui peut produire directement les troubles

physiques, une paraplégie si le malade a cru tomber dans.un précipice,

et aussi ces ecchymoses spontanées dont nous avons esquissé l'histoire

clinique. Qu'on relise les épidémies de possession, chemin faisant on

en rencontrera de nombreux exemples. Le diable, dans la circonstance,

est souvent acteur dans le rêve des hystériques, il les agile violemment,

les frappe, les roue de coups qui se traduisent par des ecchymoses que

les malheureuses possédées montrent aux assistants émerveillés, comme

signes indéniables de la possession.

En 161fla), dans la possession de Louviers, Madeleine Bavent voit le

diable sous la forme d'un petit cerf-volant fort noir '. On sait combien

la zoopsie est fréquente chez les hystériques et combien leurs halluci-

nations, point déjà noté par Briquet, se rapprochent de celles des

alcooliques. « Il se jettoit sur mon bras, dit-elle, quand je voulois

commencer il parler, me pesoit autant qu'une maison, me frappoit la

teste contre les parois; me renversoit par terre au parloir. Si je

changeois de place, en espérance d'estre plus libre, je ne le voyois pas

néantmoins toujours, et cela n'empeschoit pas que je ne fusse mal-

traittée jusques à faire compassion .et donner de la pitié aux per-

sonnes. Les coups qu'on me donnoit estoient ouïs et on me voyoit

toute meurtrie et livide, toute noire et plombée; toute gâtée et mal

accomodée sans sçavoir d'où pouvoient venir mes ballures. »

A une époque moins reculée, une hystérique montrait après ses

attaques, notamment sur les cuisses, des taches noires provenant des

contusions que le diable lui avait faites « en la frappant rudement avec

sa queue de fer parce qu'elle ne voulait pas céder à ses tentations* ».

Nous ne citons bien entendu que les cas où il est possible de donner

une interprétation et, dans.beaucoup, celle-ci ne saurait être trouvée, ce

1. Histoire de Madeleine Bavent, religieuse du monastère de Saint- Louis de Lauuiers.

Honen, J. Lemonnycr, 1878, p. 30.

5. Rcrgeret. Quelques causes d'erreur dans les recherches 111, : dico-légales. Annales

d'hygiène et de médecine légale, 18G3, l. XIX, p. 103.

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 57

'qni ne complique pas peu la situation. L'interprétation, en effet, ne

se base que sur ce que l'hystérique a rêvé ou dit avoir'rêvé pendant l'at-

taque ; mais faut-il encore qu'elle se souvienne de son rêve. Or, il en est

dont on a nettement observé les attitudes passionnelles compagnes

presque obligées du rêve et qui ne se souviennent en rien au réveil de

.ce qui s'est passé. Bien qu'ignoré, ce rêve avec ses phases parfois si

diverses, n'en a pas moins impressionné le cerveau ; il a modifié à son

gré l'état mental qui semble d'autant plus bizarre, heurté, que l'hys-

térique elle-même ne trouve aucun sujet à sa tristesse, aucune cause

à sa joie. Nous, sommes persuadés que ce sont des opérations cérébrales

-de. même ordre qui créent chez les hystériques ces lacunes de la

mémoire, l'abolition de toute une période de la vie passée, période

qui, le lendemain', peut revivre avec intensité pour s'effacer à nou-

veau les jours suivants. Ce sont ces lacunes de la mémoire qui leur

.font donner des versions différentes des mêmes faits et leur méritent

.les épithètes de menteuses, de simulatrices dont on a tant abusé.

Si l'aulo-suggestion s'effectuait uniquement sous l'influence de

l'attaque, les phénomènes qu'elle entraîne avec elle, et qui ont une si

grande place dans l'état mental des hystériques, seraient d'une facile

interprétation. Mais il est loin d'en être ainsi par ce fait qu'il est des

-hystériques chez lesquelles les attaques sont très espacées et d'autres

chez lesquelles l'attaque fait complètement défaut. '

, Aussi nous faut-il tenir désormais le plus grand compte d'une autre

série de faits se succédant pour ainsi dire sans relâche et qui pèsent

du plus fort poids sur l'état mental de l'hystérique. Nous voulons parler

des cauchemars et des rêves, déjà expressément notés par Sydenham

et qui sont l'apanage constant de ces malades. Etant donné leur état

d'impressionnabilité cérébrale, de suggestibilité, nous sommes persuadé

pour notre part que les rêves influent d'une façon extrême sur les actes

de la vie journalière des hystériques et créent chez elles cet état

mental versatile, inconstant, ou très décidé pendant un temps- court,

suivant la qualité et l'intensité du rêve. Le mécanisme est du reste

absolument le même que pour le rêve de l'attaque : comme lui, il est

susceptible de déterminer des phénomènes physiques, une paraplégie,

ainsi que M. Féré J cn a rapporté un remarquable exemple « consécutif

il un rêve de course prolongée ». «Hystériques, dit M. Mobius3,sont

tous ces troubles morbides du corps qui sont causés par les idées. » Les

paralysies « on idea » de Russel Reynolds sont aussi' des paralysies

suggestives.

Enfin ces suggestions et auto-suggestions existent également à l'état

1. Société de Biologie, 20 novembre 1SS6.

2. Op. cil., p. GG.

58 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

de veille. Les hystériques, en cela nous sommes d'accord avec la majorité

des auteurs, sont des êtres extrêmement impressionnables, et cette

impressionnabilité, cette suggestibilité peut se traduire mieux que

par des raisonnements, par des exemples empruntés au leçons de

M. le professeur Charcot. Ces exemples sont d'autant plus frappants

qu'on peut y étudier et la suggestion et sa mise en oeuvre par le cerveau

d'un hystérique. -

Un homme vigoureux âgé de vingt-neuf ans, attelé il unccharrettea Ú

bras, est culbuté par une lourde voiture de blanchisseur lancée a fond

de train. Il perd connaissance pendant quelque temps. Un sergent de

ville qui a assisté à la scène l'aide à se relever, il constate que si la char-

rette a été démolie, l'homme, qui n'a pas reçu directement le choc, est

absolument sans blessures. Mais le cerveau a été extraordinairement

impressionné, les nuits sans sommeil sont agitées par des cauchemars

épouvantables, toujours les mêmes : une voiture arrive lancée à fond de

train, le renverse et les roues lui passent circulairement sur l'abdomen.

Un matin, il se réveille avec une paraplégie hystérique qui dure

cinq mois et l'anesthésie qui l'accompagne se limite par une ligne cir-

culaire juste au niveau du passage présumé des roues de la voiture.

Un autre est- légèrement tamponné au niveau de l'épaule : la

scène se représente dans ses rêves et, peu à peu, s'installe une mono-

plégie brachiale avec anesthésie en gigot qui dure plus de deux

années. La suggestion 'traumatique, comme l'appelle M. Charcot,

germe plus ou moins vite suivant l'état de suggestibilité cérébrale de

l'hystérique. Elle peut être immédiate. Une femme gronde son enfant

qui désobéit : elle lui donne une giffle d'un revers de sa main qui reste

paralysée avec anesthésie en manchette2 : Un troisième3 (PL VIII) tombe

à l'eau en jetant l'épervier; la corde s'embarrasse autour de sa jambe

gauche et le retient au fond de l'eau : toute la portion du membre

inférieur serrée par la corde deviendra le siège .d'une vive hyperes-

thésie. .

En dehors de ces cas où la suggestibilité appose pour ainsi dire sa.

signature, on comprend combien il en est d'autres où il est difficile de

remonter à la source, et combien d'actes de la vie journalière faite

de joie ou de contrariétés peuvent : imprimer insconsciemment leur

cachet sur l'esprit si impressionnable des hystériques, impressions

qu'exagérèrent encore, en les agrandissant outre mesure, les rêves de la

nuit, professionnels pour ainsi dire, comme ceux des alcooliques. C'est

pour cela que, dans tous ces cas, l'isolement est le souverain baume de

1. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. III, p. 4 il. I.

2. Leçons du mardi à la Salpêtrière, 1888-1889, p. 6 1

3. Ibid., 9881-1888, p. 111.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. III. PL. VIII

10TOTY1'E NLOATtr A. LONDT :

Photocollockaphie Chêne & LONGUET T

Etat Mental ET Faciès dans L'HYSTÉRIE Masculine

LI : CROSNJER BnDL Editeur !

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 59

l'hystérie et, en l'instituant comme base d'un traitement qui n'en est

plus à faire ses preuves, M. Charcot, on le voit, n'avait agi qu'en parfaite

connaissance de cause.

Il est même des hystériques chez lesquels cet état de suggestibilité

est si grand, qu'à l'état de veille, ce sont de purs automates ; leur

état mental est absolument identique à celui des somnambules hypno-

tiques qui d'ailleurs sont eux aussi des hystériques, ainsi que nous

l'avons péremploirement démontre'. Nous connaissons une malade

de cet ordre, hospitalisée depuis plusieurs années, qui, il ce point

de vue, est un' merveilleux sujet d'étude. Son étal d'esprit est tel,

qu'à l'état de veille on ne manque jamais, avec un peu d'insistance, de

lui faire prendre la fiction pour la réalité : on lui fait accepter des

fleurs imaginaires, on détermine à volonté chez elle la joie ou la tristesse,

son cerveau est une cire molle à la merci delà suggestion. Dans l'inter-

valle des attaques elle est gaie, bonne pour ses camarades, surtout,

comme elle le dit elle-même lorsqu'elle a bien dormi; par contre,

trois ou quatre ours avant son attaque elle devient méchante, querel-

leuse, son sommeil est-entrecoupé de cauchemars et les surveillantes

de la sallene s'y trompent guère : « Bab... va être malade », viennent-

elles nous dire, et nous savons alors quels accès formidables vont

éclater.

M. Pierre Janet. a bien montré l'extraordinaire crédulité des

hystériques mise en oeuvre par la suggestibilité. « Lorsqu'on leur

raconte des histoires, dit-il, au lieu de les leur faire raconter, elles y

croient tout autant et les prennent également pour des réalités. Je ne

parle pas ici de ces hallucinations que l'on communique volontaire-

ment à une somnambule, je parle de faits journaliers qui se passent

dans la vie mentale de ces esprits faibles. Lucie, en passant dans une

rue, a entendu dire quelques mots sur une personne de sa connaissance.

Le propos tel qu'elle me le raconte est absurde et n'avait probablement

pas été dit de la même manière : elle en resta cependant complètement

convaincue et il me fut impossible de la faire changer d'idée. Le plus

invraisemblable exemple que j'aie vu de cette crédulité est le suivant : une

hystérique entend dire dans sa jeunesse, par un maladroit, que les

femmes atteintes de sa maladie mouraient à la ménopause. Vingt ans

plus tard, au moment des premières manifestations de l'âge critique,

elle se prépare à mourir, étouffe, et serait peut-être morte si nous

n'avions fini par découvrir son secret et par lui modifier, non sans peine,

sa conviction. Elle se décida à vivre, et depuis se porte très bien.

1. Gilles de la Tourelle. - L'hypnotisme elles états analogues au point de vue médico-

légal, ° éd., 1889.

GO NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.

« Rose était malade et paralysée : aucun remède ni physique ni moral

ne semblait avoir de prise sur elle. Pendant t le délire d'une crise d'hystérie

je l'entends dire : « On ne me guérira pas : ce n'est pas une maladie

que j'ai, je suis ensorcelée par ce vieux sorcier que j'ai fâché contre

moi; il n'y a rien à faire. » Je lui fis avouer cette singulière histoire

et parvins, avec bien des difficultés, à lui enlever cette conviction vrai-

ment délirante et je n'cus plus de peine à supprimer la paralysie.

Mais laissons de côté ces cas extrêmes où la crédulité a des conséquences

dramatiques; constatons d'une manière générale que les hystériques

éveillées ou endormies, peu importe, sont comme les petits enfants,

qu'elles n'ont point besoin des pratiques hypnotiques pour être con-

vaincues et qu'elles croient tout ce qui frappe leur esprit. »

, Voilà comment, croyons-nons, il faut comprendre dans sa pureté

l'état mental de l'hystérique, femme ou homme, adulte ou enfant, quitte

à revenir sur les particularités. Suggestibilité et sa mise en oeuvre, voilà

les termes du problème parfois difficile à résoudre, car on ignore sou-

vent les agents de cette mise en oeuvre.

Avant de pousser plus profondément l'analyse, d'étudier les cas

associés', nous voudrions dire quelque mots de l'influence des troubles,

des stigmates physiques,sur ce que nous appellerionsvolontiers l'allure

générale des hystériques. On a beaucoup parlé de leur coquetterie, de

l'amour des femmes pour tout ce qui était voyant, pour ce qui « tirait

l'oeil », comincon dit vulgairement. Il ne faut pas oublier que l'hystérique

femme est le plus souvent dyschromatopsique. Si elle orne son chapeau

d'une fleur rouge, c'est qu'elle voit « tout gris » hormis cette couleur;

si elle mangedes citrons, des oignons crus, c'est que son palais anesthé-

sique ne trouve pas de saveur à nos mets journaliers. Quant aux excita-

tions génésiques, on sait aujourd'hui qu'en penser; lorsqu'elles sont

exagérées, elles sont le plus souvent anormales. Nous aurons l'occasion

d'en reparler.

Enfin, nous avons vu un hystérique qu'on traitait d'excentrique

parce qu'il se promenait dans les cours de la Salpêtrière, en hiver, vêtu

seulement de sa chcmise et d'un gilet. Or il était anesthésique total, le

froid ne lui importait donc guère ! L'hystérique n'est pas un être à part

qui, comme l'a dit M. Empereur °, ne mange pas parce qu'il pas

besoin de manger, n'assimile pas parce que, chez lui, les excrétions ne

se font pas. L'hystérique, nous l'avons démontrée mange et désas-

1. Leçons du mardi (loc. cit.), 1888-1889, p. 392. « Hystérie et dégénérescence chez

l'homme. »

2. Essai surla nutrition dans l'hystérie. Th. Paris, 187G.

3. Gilles de la Tourelle et Cathelineau, la Nutrition dans l'hystérie, in. -8 de 116 p.

Paris, 1890, Lecrosnier et Ilalu, é.t.

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 61

simile parfaitement comme tout le monde : son alimentation est peut-

être un peu particulière et voilà tout. Il n'est pas besoin de créer pour

lui une catégorie d'individus au-dessous de celle des animaux hiber-

nants, car au moins, si ceux-ci ne mangent pas ils maigrissent, tandis

que l'hystérique, pour ne pas manger, n'en maigrirait pas davantage.

III

L'hystérie, nous l'avons dit, peut se trouver associée à des stigmates

de dégénérescence mentale. Après ce que nous avons exposé, la

question se résume tout entière dans le diagnostic, et ces stigmates de

dégénérescence qu'on a encore de la tendance à englober dans le

chapitre hystérie, sont assez bien connus aujourd'hui pour que nous

n'ayons pas à les passer tous en revue. Nous voudrions seulement

montrer comment ils s'associent avec l'hystérie, et aussi faire voir que,

même lorsqu'ils dominent la scène morbide, ce qui arrive parfois, la

suggestibilité sait parfaitement de temps en temps recouvrer tous ses

droits.

Un exemple nous servira bien dans la circonstance. Nous avons

pendant près de deux ans très 'minutieusement observé une hysté-

rique mentalement, croyions-nous, aussi peu hystérique que pos-

sible, mais, par contre, .dégénérée au maximum. Entrée il la Salpê-

trière pour une contracture en voie de résolution, elle offrait le type le

plus accompli du délire du toucher. Il lui était extrêmement difficile

d'ouvrir une porte ornée d'un bouton de cuivre : non seulement elle

éprouvait une angoisse intense lorsqu'elle était forcée de mettre sa

main sur la plaque de métal, mais encore elle était prise, à ce moment,

de sensations génitales extraordinairement pénibles. Mettre une lettre

à la poste était pour elle une opération des plus compliquées. Et les

scrupules, son cerveau en était hanté outre mesure, nous en savons

quelque chose ! Quinze jours environ avant sa sortie de la Salpêtrière,

on plaça à côté d'elle une femme atteinte de cette maladie des tics

convulsifs dont le premier, sous l'inspiration de notre maître, nous

avons donné la description. Elle ne parut cependant que moyen-

nement incommodée à la vue de ces soubresauts, en entendant les

mois orduriers proférés par la coprolalique. Elle sortit alors de

l'hôpital, et, un mois après, elle se présentait a nous avec la copie la

plus parfaite de la maladie des tics convulsifs qu'il soit possible

d'imaginer. Le délire du toucher n'en existait pas moins, mais la sug-

gestibilité n'avait pas abdiqué devant lui et M. Charcot, en présentant à

ses auditeurs cette malade comme un type remarquable de la simu-

62 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1'1 : 'l'ltl$Itl : .

talion hystérique des tics convulsifs, insistait sur la coïncidence de ces

deux éléments : suggestibilité hystérique d'une part, stigmates de

dégénérescence mentale de l'autre. De plus, il avait bien soin de

faire remarquer que le terme de simulation, n'entraînait pas dans son

esprit la conception qu'on s'en fait d'ordinaire chez les hystériques.

Le simulateur vrai est un être raisonnant, actif : l'hystérique qui

simule n'est pas conscient de sa simulation, c'est un être passif, une

plaque photographique qui a enregistré ses impressions et les sert

telles qu'elle les a reçues, parfois amplifiées cependant, mais

toujours avec la bonne foi de l'inconscience. La simulation, voilà un

terme dont on a outre mesure abusé dans l'hystérie au point d'en

faire la caractéristique de l'espèce morbide. Il faut bien dire que

l'ignorance était pour beaucoup dans la partie.

Il faut éliminer, en effet, de la simulation, les erreurs de diagnostic.

Nous nous souvenons très bien avoir vu autrefois, dans un service de

médecine, un cas type d'ataxie trépidante, détermination hysté-

rique alors absolument inconnue. Le malade, marié, père de famille,

vivant d'une modeste place de comptable, était considéré comme un

simulateur, venant à l'hôpital pour... là les interprétations man-

quaient. Comme les ventouses expulsives, autrefois employées dans de

pareils cas, étaient un peu démodées, on résolut de frapper l'esprit du

malheureux, en apportant à l'improviste, dans la salle, un appareil

électrique, dont la mise en marche renforcée pour la circonstance,

faisait un bruit épouvantable. A la première étincelle, longue d'un

pouce, le malade sauta à bas de son lit, et se mit à courir en criant.

Où trouver une meilleure confirmation du diagnostic de « simulation »

qu'on porta sur sa pancarte ? Et pourtant il avait guéri, comme

guérissent les hystériques !

Certainement il y a des simulateurs, et ces simulateurs peuvent être

hystériques, mais ils ne simulent pas, croyons-nous, du fait de leur hys-

térie. Il y a toujours eu de par le monde des êtres pervers, menteurs, des

cerveaux mal conformés, des dégénérés en un mot comme on les appelle

aujourd'hui, ou mieux des déséquilibrés ainsi que les nomme, plus jus-

tement, M. Charcot; ils peuvent être hystériques, comme J'ataxiqllc qui

a des attaques, mais ils n'en sont pas moins des dégénérés. L'hystérique

est un être tout autre; son cerveau ne se prêle pas aux combinaisons

de longue durée, il est esclave de la suggestion du moment, c'est le

moule où s'imprègne une suggestion inconsciente, et s'il manque aux

lois de la société, c'est bien souvent en dehors de son propre fait,

ainsi que l'a bien vu M. le D1' Laurent, ancien interne des prisons.

« Comment un hystérique devient-il criminel ? Rarement de lui-

même. Ce n'est point à lui, en général, qu'appartient l'initiative du

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. G : 1

crime; presque toujours une volonté plus puissante a pesé sur la

sienne... Il est par excellence l'être qui répond le mieux aux impres-

sions venues du dehors, et il y obéit sans contrôle \ »

Certainement, il y a le « crime hystérique », comme l'appelle

M. Charcot, mais lequel ? Nous allons en donner des exemples.

Un malheureux garçon, élève dentiste, pénètre en plein jour dans

la boutique d'un de ses voisins, marchand brocanteur. « Sans hâte,

sans gêne aucune, dit M. P. Garnier dans son remarquable rapport ?

il transporte successivement, dans la cour de sa maison, divers objets

mobiliers, et n'est interrompu dans sa besogne que par l'arrivée du

marchand qui l'appréhende aisément et requiert son arrestation. » On

l'amène au Dépôt et là, à peine sorti d'un ahurissement, d'une hébétude

toute particulière, il ne tarde pas à protester avec indignation contre

l'accusation qui pèse sur lui. Son passé est des plus honorables, et c'est

singulièrement débuter dans le métier de voleur que de déménager

en plein jour un marchand de meubles... C'est du reste un [hysté-

rique à stigmates, présentant des attaques de sommeil, facilement

hypnotisable, et l'expertise démontre facilement qu'il a agi dans un

accès d'automatisme somnambulique d'origine hystérique.

S'agissait-il là d'auto-suggestion ou de suggestion extrinsèque, on

ne saurait le dire, mais il n'en est pas de même dans le cas suivant

dont l'expertise fut confiée à notre éminent maître M. le professeur

Brouardel, alors que nous avions l'honneur d'être son préparateur.

C'est dire que nous avons assisté à toutes les phases de cette inté-

ressante affaire3. Le sieur T... était l'amant de la demoiselle G..., hysté-

rique à crises convulsives à forme léthargique ou de sommeil. La

liaison durait depuis deux ans et demi lorsque T... s'avisa de réclamer

à la dame G..., mère de la plaignante, une somme d'argent qu'il lui avait

prêtée. La mère, qui estimait probablement que T... devait au moins

acheter son silence, résolut de se venger et, au cours d'une des visites

ordinaires que T... faisait à sa fille, elle l'assaillit aidée de son fils,

garçon vigoureux qui, armé d'une énorme clé laissa l'amant de sa

soeur à moitié mort sur la place. Mais l'histoire ne finit pas là, et

comme sa fille est enceinte elle porte une plainte au parquet accusant

le sieur T... d'avoir violé son enfant pendant une attaque d'hystérie.

Le sieur T... est cité en cour d'assises : là il raconte simplement les

faits ; il est l'amant de la fille G... depuis longtemps au su et au vu de

1. Revue de l'hypnotisme, novembre 1889, n. 5, p. 131. « De l'action suggestive des

milieux pénitentiaires sur les détenus hystériques. »

2. L'automatisme somnambulique devant les tribunaux. Annales d'hygiène, avril 1887.

3. Gilles de la Tourelle, l'Hypnotisme et les états analogues au point de vue médico-

légal (toc. cIl.), p. 5W.

64 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

tout le monde, la mère et le fils y compris ; des témoignages irrécu-

sables en font foi, et il n'avait pas besoin d'attendre les attaques d'hys-

térie pour posséder sa maîtresse. La mère et le fils auxquels il ré-

clamait un argent dû ont voulu se venger et voilà tout.

Et la fille que devenait-elle là-dedans ? Elle ne se souvenait plus de

rien : elle se bornait à répondre qu'elle n'avait jamais eu de rapports

avec T..., ce qui, pour tout le monde, était assurément contraire à la

vérité. Aussi le ministère public abandonna-t-il immédiatement

l'accusation. Il est incontestable que ce n'était pas Mlle G... qui avait

joué un rôle actif dans cette affaire.

C'est encore à notre avis la suggestibilité qui explique le besoin que

certains hystériques ont de faire parler d'elles : une fois un rôle

accepté elles le jouent jusque dans ses conséquences les plus extrêmes.

Rien ne vaut que par elles ou mieux par la suggestion qu'elles subissent L

et qu'elles exagèrent encore dans ses applications à mesure qu'elle

s'ancre de plus en plus dans leur esprit. Et cela dans les sens les plus

opposés, dans le domaine ou mieux dans les effets physiques comme

dans les effets psychiques. « Marie, dit M. Pierre Janet (op. cit.

p. 309), ordinairement très douce et de bonne humeur, se fâche contre

une servante et prend subitement la résolution de ne plus dire un

mot à aucune des personnes de l'hôpital. Elle veut bien causer avec

moi quand j'arrive, mais reste muette avec les autres. Cela dura plus

de quinze jours et disparut subitement; l'accès passé, elle ne veut plus

qu'on lui en parle et dit que ce n'était rien. Il serait trop facile

d'ajouter ici une quantité d'exemples de ténacité que ces esprits faibles

montrent dans des actes qu'ils ont entrepris tout à fait au hasard et

qu'ils cessent de même. »

Une remarque du même ordre, faite depuis longtemps et bien

exposée par M. Huchard, est la « quiétude », l'indifférence d'esprit

que montrent certains hystériques atteints d'une détermination locale

de la névrose, d'une paraplégie par exemple. Une l'ois frappés, ils

semblent ne plus se préoccuper de la localisation morbide qui, dans

ces conditions, ne manque pas de persister.

Dans ces cas, pour que la guérison survienne, il faut en employant un

terme vulgaire « qu'une suggestion pousse l'autre ». M. Charcot a

parfaitement exposé ce mécanisme de la guérison chez les hystériques'.

Consulté une première fois pour une petite fille atteinte d'anorexie

hystérique, il conseille l'isolement. Les parents, nerveux héréditaires

eux aussi mais, en revanche, très peu suggestibles, refusent de se

séparer de leur enfant. Celle-ci continue à dépérir et va mourir

1. Leçons sur les mal. du sus. nerveux, (luu. cil.), t. III, lï6lcçuJI, p. 235.

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 65

d'inanition, car les hystériques meurent parfaitement d'anorexie quoi

qu'on en ait dit; M. Charcot a observé « au moins quatre cas » de

terminaison funeste dans ces circonstances. Les parents se décident

alors à obtempérer aux prescriptions de notre maître. La guérison

étant survenue, la fillette lui fit les confidences suivantes : « Tant que

papa et maman ne m'ont pas quittée, en d'autres termes, tant que vous

n'avez pas triomphé, car je savais que vous vouliez me faire enfermer,

j'ai cru que ma maladie n'était pas sérieuse et, comme j'avais horreur

de manger, je ne mangeais pas. Quand j'ai vu que vous étiez le maître,

j'ai eu peur, et malgré ma répugnance, j'ai essayé de manger et cela

est venu peu à peu. » Où trouver un plus bel exemple d'auto-suggestion

et de suggestion extrinsèque s'exerçant chez une hystérique dans deux

sens diamétralement opposés.

Il est, il ce propos, une remarque que nous avons faite : un observa-

teur atteN,if pourra parfois, en constatant le changement de l'état

mental d'un sujet, prédire, ou tout au moins prévoir, la guérison d'une

hystérie locale. Un exemple puisé dans nos observations de la Clinique

rendra mieux notre pensée. Une grosse fille de la campagne présentant

aussi peu que possible ce que l'on est convenu à faux du reste

d'appeler le « tempérament hystérique » conduisait à califourchon un

cheval à l'abreuvoir. La bête rue et voilà l'amazone projetée eu l'air et

retombant de tout son poids, sur le siège, au milieu de la rivière peu

profonde d'ailleurs. o Suggestion traumatique » comme dit M. Charcot :

la voici devenue triste, inquiète, toutes les nuits elle rève à l'accident

et, un beau matin, elle se réveille contracturée des deux jambes : tous

les cas sont coulés dans le même moule. La voici transportée dans

un petit hôpital de province où malgré la croix et la bannière, c'est le

cas de le dire, car on l'a quelque peu exorcisée, son cerveau reste

réfractaire à toute idée de guérison. On la conduit alors à la Salpê-

trière où l'on constate chez elle les stigmates les plus indéniables de la

névrose. Pendant un mois elle reste confinée au lit; de temps en

temps, on la transporte dans la cour, indifférente en apparence à tout

ce qui l'entoure. Puis, au bout de quelque temps, changement complet

d'allures : son caractère se modifie sans qu'il soit possible de savoir

pourquoi, elle devient plus gaie, son espritalors cherche à s'émanciper,

elle se livre à des facéties rappelant la fable de l'âne et du petit chien :

Ne forçons point notre talent

. Nous'ne ferions rien avec grâce, '

Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasse,

Ne saurait passer pour galant.

Nous lui proposons alors, en présence de ces symptômes, de faire

quelques pas hors du lit. Elle consent à essayer et, huit jours plus tard,

III. 5

6G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S1L1'$'l'ltll : hL.

notre paraplégique de deux ans marchait parfaitement bien. Personne

ne peut nier aujourd'hui que les guérisons dites miraculeuses ne

soient autre chose que la mise en oeuvre de phénomènes suggestifs.

Il est malheureux même que, quel que soit l'agent de cette mise en

oeuvre, la suggestion ne puisse toujours s'exercer complètement et

qu'il y ait des hystériques réfractaires, ou au moins désireux de la

puiser uniquement en eux-mêmes et en leur temps.

M. Charcot a d'ailleurs montré que, même dans les guérisons les

plus merveilleuses, la suggestion curative ne s'exerçait le plus souvent

que d'une façon incomplète, de même qu'elle a souvent aussi procédé

par saccades dans la production de l'effet morbide. Le membre para-

lysé, le bras par exemple, ne retrouve pas subitement sa force dyna-

mométrique normale, en l'absence même de troubles trophiques, et

les stigmates sensitifs persistent bien longtemps encore après la dispa-

rition des troubles moteurs.

Telles sont les réflexions que nous inspire l'étude de l'état mental

hystérique plus particulièrement peut-être étudié chez la femme.

Toutefois, tout ce que nous venons de dire est également applicable à

l'enfant et à l'adulte puisque, comme on l'a vu, nous avons chemin

faisant emprunté nos exemples aux trois catégories de sujets. Il nous

reste cependant il compléter notre description.

IV

Pour ces raisons, nous serons bref en ce qui concerne les enfants,

sujets à cerveau en voie d'évolution chez lesquels l'hystérie est de ce

fait très mobile et qui, à l'inverse des adultes, guérissent le plus sou-

vent de la névrose. M. Charcot enseigne, en effet, que l'hystérie infantile

revêt, dans la majorité des cas, un caractère transitoire, se basant en cela

sur l'observation. Qu'on étudie en effet les antécédents personnels des

hystériques adultes et on verra combien rarement l'hystérie chez eux

a débuté avant l'adolescence, lorsque même elle n'est pas apparue

dans l'âge mûr, tout au moins chez les hommes. La manifestation a

été fugace, l'hystérie a disparu pour ne plus revenir, sans préjudice bien

entendu des autres affections auxquelles sont prédisposés les nerveux

héréditaires. C'est que, nous le répétons, chez les enfants le cerveau

est en pleine période évolutive, l'impression reçue peut être vivement

ressentie, la forme maniaque de l'hystérie prédominant, ainsi que nous

l'avons dit, mais elle ne laisse pas le plus souvent de traces durables.

Une hygiène intellectuelle bien comprise, le simple développement des

facultés cérébrales triompheront d'accidents qui chez l'adulte resteront

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 67

à l'état de faits acquis. Quoi de plus commun que les épidémies

d'hystérie dans les collèges, dans les pensionnats de petites filles, mais

aussi combien n'est-il pas facile d'en triompher par l'isolement.

A ce propos, il faut bien se garder de confondre l'état mental des

jeunes hystériques avec celui de ces petits êtres dégénérés, vicieux,

intraitables, chez lesquels cependant l'hystérie peut éclore concur-

remment avec les stigmates de la dégénérescence mentale. Chez eux

l'hystérie peut guérir, mais ce qui ne guérira pas c'est leur perversion

d'esprit ; ces petites filles qui toutes jeunes étaient déjà exhibi-

tionnistes, recherchaient la société des petits garçons, les entraînaient

dans des endroits écartés pour les pervertir alors qu'elles-mêmes ne

connaissent physiquement rien de la perversion; qui plus tard

quittent leur famille en la volant, courent les aventures et échouent

enfin en cour d'assises en compagnie d'êtres de leur espèce; ces sujets,

disons-nous, peuvent bien avoir des attaques de nerfs, mais ce qui

domine, le fond immuable, c'est la dégénérescence mentale. Et pour-

tant combien de ces cas ne sont-ils pas étiquetés purement et simple-

ment hystériques 1 -

. V

L'état mental de l'hystérique homme parait au premier abord

différer de l'état mental de l'hystérique femme. Il est cependant le

même : c'est toujours le même fond de suggestibilité inconsciente.

C'est la mise en oeuvre de cette suggestibilité forcément différente,

dans les deux cas qui crée les différences tout au moins apparentes;

de plus, l'association très fréquente dans l'espèce d'un autre état ner-

veux, psychique lui aussi, rare chez la femme dans de pareilles cir-

constances, va souvent modifier le tableau morbide.

Nous procédons comme nous l'avons* fait pour la femme, en étudiant

d'abord l'état mental hystérique de l'homme, pur de tout mélange.

Cet état mental existe : il est plus particulièrement l'apanage des hysté-

riques qui ont été frappés de bonne heure par la névrose, dans

l'enfance, au sortir de l'adolescence. La suggestibilité domine la

scène morbide : elle est luxuriante comme les rêves qui peuplent le

sommeil, comme les attitudes passionnelles des attaques, car ce sont

ces malades qui ont des convulsions. L'allure générale peut être dite

efféminée, un étal mental commun faisant communs les états phy-

siques. Ce sont des romanesques, se vantant de bonnes fortunes sou-

vent imaginaires, de prouesses génitales qui cachent souvent une

vigueur tout ;f fait ordinaire1. A part cela bons sujets, quand la

1. Charcot. Leçons du mardi, (lue. ril.), 1888-1889, p. 191.

68 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S \LP);1'RIEItE.

dégénérescence mentale ne se met pas de la partie, beaucoup plus

avares d'actes que de paroles.

Mais il côté de ce type il en existe un autre incomparablement plus

fréquent et que les plus récents travaux de M. Charcot ont seulement

mis en lumière. Sa place est grande, très grande même dans la nosologie

nerveuse; alors qu'on ne le soupçonnait pas, au lendemain même de

sa découverte, on a pu s'effrayer de ses empiètements et la réaction a

suivi la découverte; nous n'avons ici à nous occuper que de cette

dernière'. . '

Un exemple emprunté encore il M. Charcot - et il n'est pas un des

types que nous ayions décrit qui- ne repose sur des observations prises

par nous dans le service de notre maître - un exemple, disons-

nous, nous servira bien dans la circonstance ?

Un homme de cinquante-trois ans, ouvrier laborieux, gagnant bien

sa vie, voit tout à coup son fils, couvreur, tomber à ses pieds et se tuer

net. La douleur qu'il ressent est tellement vive qu'il perd connaissance

pendant quelques instants. « A partir de ce moment-là tout est

changé en lui. Il ne se sent plus le même qu'auparavant. Lui autrefois

gai et remuant, il est devenu triste, maussade. Il évite la société qu'il

fréquentait dans le temps avec plaisir. Il dort mal où, quand il dort, son

sommeil est agité par des rêves très fatigants et très pénibles. Ils se

rapportent-à son fils qu'il revoit enfant et heureux, ou par un contraste

sinistre, pâle,, défiguré, ensanglanté, tèl qu'il était au moment de

l'accident. Il sent sa mémoire affaiblie, il est distrait, ne se souvient

pas de ce' qu'il a fait quelque temps auparavant. Il souffre de la tête

d'une façon il peu près. constante, Il a, dit-il, sur la tète comme un

casque lourd qui lui comprime le front, chaque tempe et l'occiput, et il

ressent au moindre mouvement du cou des craquements. Les fonctions

génitales sont très affaiblies; après avoir mangé il se sent tout gonflé, le

sang lui monte il la figure et'Il est tout somnolent. Il est faible, facile-

ment fatigué, pas assez cependant pour ne pas continuer son travail. »

Nous avons tenu à citer le tableau tout entier, on y voit se dessiner à

chaque ligne l'état mental de l'hystérique .homme, avec ses rêves si

particuliers, en même temps qu'on assiste il sa combinaison avec l'état

psychique du neul°asthésique, impuissant, incapable de rien faire

(PI. IX) 3. Cette combinaison, cette période de préparation neuras-

1. Pour la discussion, Voy. notre rapport avec M. Vibert au Congrès international de

médecine légale : « Les traumatismes cérébraux et médullaires dans leurs rapports av ec la

médecine légale. » Imprimerie nationale, 1889, et l'excellente thèse de M. Courges Guinou :

les Agents provocateurs de l'hystérie, 1889.

z. Charcot. Leçons du mardi 1888-1889 (loc. cil.) p. 293.

z3. La planche IX se rapporte à Tremblay, étudié par M. Charcot. Leçons du mardi, 1888-

1889, p. 285.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. III. PL. IX

PHOTOTYPE négatif A. LOHDt : Photocollocraphif. Chêne & Longuet T

Etat Mental ET Faciès dans L HYSTÉRIE Masculine

LRCROSNICR & HAH> : EDITEVqS

CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. G9

thénique, comme l'appelle M. Charcot, envisageant la prépondérance

de l'élément surajouté, dure plus ou moins longtemps, mais un jour

ou l'autre l'hystérie prend, au moins au point de vue physique, com-

plètement le dessus et alors elle se révèle avec son luxe habituel de

stigmates, ses attaques, ses paralysies ou ses contractures. L'état

mental ne se modifie guère, toutefois il s'accentue dans le sens hysté-

rique pur. Dans l'exemple cité, à partir de l'apparition d'une hémi-

plégie gauche hystérique avec hémianesthésie « les rêves ont un peu

changé de caractère. Ils ne sont plus relatifs à la mort de son fils. Il

voit maintenant surtout des animaux féroces, un chat gris qui le mord

et avec lequel il lutte. Il assure que ces animaux s'avancent vers lui

venant du côté gauche », car chez l'homme comme chez la femme les

hallucinations se présentent toujours du côté qui est le siège de

l'hémianesthésiei. Et l'état mental de « l'hystéro-neurasthénique » se

poursuit ainsi pendant des mois, des années, l'individu est irrémédia-

blement touché, car à cet âge de la vie, chez l'homme et dans ces condi-

tions, la névrose ne pardonne pas et ces malheureux qu'aujourd'hui

l'on compte par centaines parce qu'on a appris à les reconnaître,

errent de service en service, tourmentés par des attaques, par des

hémiplégies qu'on sait diagnostiquer, incapables de travailler et

finissant le plus souvent par échouer comme vagabonds sur les bancs

de la correctionnelle. « Serait-ce que le vagabondage conduit à

l'hystéro-neurastllénie ou que celle-ci inversement conduit au vaga-

bondage ? se demande M. Charcot2. Question délicate, intéressante

au premier chef au point de vue social, et qui méritera certainement

quelque jour d'être l'objet d'une étude approfondie. Pour le moment

je me bornerai à vous faire part de quelques observations que j'ai

faites dans cet hospice où la consultation en de certains jours ressemble

quelque peu à « une cour des miracles » , c'est que l'hystéro-neurasthénie

est une chose vraiment fréquente parmi les misérables, les loqueteux,

les gens sans aveu qui fréquentent tour à tour les prisons, les asiles

de nuit et les dépôts de mendicité. »

Tel est'l'état mental, l'allure générale de l'hystérie masculine si

souvent combinée à la neurasthénie. Nous sommes là bien loin de

« l'hystérie brillante », affectant les jeunes viveurs surmenés, les effé-

minés, comme on le croyait autrefois en concédant avec peine qu'il

existait quelques cas d'hystérie masculine. C'est de forgerons, de

mineurs, de manouvriers dont il s'agit et le tableau n'est guère moins

sombre lorsque ce sont des individus appartenant il une classe plus

1. Charcot. Progrès médical, n. 3, 1878.

2. Leçons du mardi, 1888-1889, p. 281.

70 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

élevée qui sont frappés. La déchéance intellectuelle, l'apathie céré-

brale coexistent avec les lacunes de la mémoire que nous avons signa-

lées et rendent naturellement tout travail impossible.

Ces lacunes de la mémoire sont très singulières et pourraient

entraîner encore à prononcer le mot de mensonge, de simulation dans

ces circonstances. Combien de fois ne nous est-il pas arrivé, alors que

.)[. Charcot commençait ses études sur cette question, de recueillir

les observations des malades, de les lui remettre et de remarquer le

lendemain, lors d'un interrogatoire par le maitre lui-même que le

sujet avait oublié tout ou partie de ce que nous avions la veille con-

signé par écrit, et rapporter en son lieu et place toute une autre série

d'incidents. Nos investigations avaient-elles donc été insuffisantes ? Y

avions-nous apporté un esprit trop distrait ? Il nous souvient aussi

d'un hystérique atteint d'intoxication mercurielle qui nous avait fourni

sur sa vie passée des renseignements qu'il déclarait ne pas lui appar-

tenir à quelques jours de là. Or, son histoire figurait tout entière dans

une thèse sur les accidents nerveux du saturnisme; jamais il ne put

se rappeler qu'il avait été soigné à la Pitié, trois années auparavant,

pour la première attaque de l'hémiplégie hystérique qui l'amenait

encore à la Salpêtrière '.

« Il est aujourd'hui admis comme axiome, dit M. Pierre Janet (op.

cit., p. 2J6), que les hystériques et les personnes du même genre

mentent continuellement et plus d'un répète cette formule, d'après

quelques-uns célèbre, sans avoir cherché a en vérifier l'exactitude. Je

ne tiens pas à réhabiliter leur réputation, mais je crois juste de dire

qu'elles ne mentent pas beaucoup plus que le commun des mortels.

Sur une quinzaine de personnes que j'ai étudiées et qui certes n'étaient

pas parfaites, je n'en ai guère rencontré qu'une chez qui l'habitude du

mensonge fût véritablement curieuse. Lorsque ce caractère existe, et,

comme je viens de le dire, il se rencontre, il ne faut pas s'indigner, ce

qui est ici parfaitement déplacé, il vaut mieux chercher à l'expliquer...

Si l'on songe au caractère hallucinatoire de toutes leurs idées, au lieu

de se scandaliser de leurs mensonges qui sont d'ailleurs très naïfs,

on s'étonnera bien plutôt qu'il y en ait encore autant d'honnêtes. »

Nous avons parlé de l'hydrargyrisme, et nous insistons sur ce terme

pour dire que l'état mental, dans ce que l'on a appelé l'hystérie

toxique, est absolument le même que dans l'hystérie ordinaire, par la

bonne raison qu'il n'y a pas deux variétés d'hystérie.

L'état mental dans l'hystérie, ou mieux dans l'hystéro-neurasthénie,

est de même entièrement superposable à celui des traumatisés de chemins

1. Leçons du mardi (/or. cil.), 1887-1888, p. 410.

'CONSIDÉRATIONS SUR LES ECCHYMOSES SPONTANÉES. 71

de fer, à cette fameuse névrose traumatique venue d'outre-Rhin pour

faire pièce à l'hystérie masculine, comme on a dans les mêmes régions

discuté et ergoté sur l'hémianesthésie et sur le rétrécissement du

champ visuel, sur la température dans l'hystérie. M. Charcot, dans

ses leçons, a souvent présenté à la fois 5 ou G hommes hystériques et

après avoir fait par l'interrogatoire et l'examen ressortir chez eux

l'identité des stigmates physiques et psychiques, il disait à ses audi-

teurs : « Maintenant je vous les livre, étudiez-les vous-mêmes, et je

vous défie, si vous voulez bien ne pas les interroger sur l'étiologie, de

me dire celui ou ceux d'entre eux qui ont été traumatisés. » On com-

prend sans peine l'importance qu'ont de pareilles affirmations dans

une bouche aussi autorisée, et étudiant l'état mental des hystériques,

il nous était absolument interdit de ne pas entrer dans de semblables

considérations.

Cet état mental de l'hystéro-neurasthénie n'est pas absolument spé-

cial à l'homme adulte, il se montre également chez la femme lorsque

les accidents hystériques débutent tardivement, à l'époque de la méno-

pause. Nous avons pu l'étudier tout particulièrement dans deux cas

rapportés par M. Charcot 1, et il nous a semblé qu'il était assez bien

caractéristique de l'état psychique de l'hystérie féminine à cette

époque de l'existence. Nous tenons à faire justice, en même temps, de

cet érotisme de la ménopause dont on nous semble avoir singulière-

ment abusé pour en faire l'apanage des hystériques femmes, en prê-

tant à Guéneau de Mussy une signification qu'il ne lui avait pas attri-

buée. Les observations qu'il en donne n'appartiennent nullement à

des hystériques, mais bien à des dégénérées les plus évidentes, et tout

ce qu'il dit dans ce chapitre à propos de l'hystérie se résume en ces

mots : ces espèces de pollutions féminines « sont habituellement

accompagnées de troubles névropathiques tels que des névralgies, de

l'hypocondrie, de l'hystéricisme ». Rien n'est plus vague, on le voit;

rien ne se rapporte mieux aussi à la dégénérescence mentale dont les

stigmates n'épargnent pas plus les hystériques adultes que les hysté-

riques jeunes, bien au contraire.

Arrivé au terme de cette étude, nous voudrions résumer en quel-

ques lignes ce que nous venons peut-être d'exposer trop longuement,

mais il fallait bien cependant interpréter notre pensée et l'étayer de

quelques matériaux.

L'hystérique, quel .qu'il soit, homme, femme ou enfant, mérite,

d'après les récents travaux de l'École de la Salpêtrière, d'être consi-

1. Leçons du mardi (loc. ci ? ), 1888-1889, p. 9.1, et ibid., p. 175.

2. Clinique médicale, t. 11, 1875, p. 3t : l.

72 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. '

déré au point de vue mental un peu différemment qu'on ne le faisait

autrefois. Sa caractéristique est l'impressionnabilité cérébrale, la sug-

gestibilité dont les principaux facteurs sont les rêves nocturnes et ceux

de l'attaque.

Chez l'enfant hystérique, l'impressionnabilité cérébrale est intense,

mais le cerveau étant en pleine évolution psychique, la durée de l'im-

pression n'est pas en raison directe de son intensité. Aussi l'hystérie

et l'état mental qu'elle comporte guérissent-ils dans la majorité des

cas chez l'enfant.

Il n'en est plus de même chez l'adulte où les modifications impri-

mées à l'état mental par la névrose sont le plus souvent a tout jamais

persistantes, avec des hauts et des bas, des fluctuations imprimées

par les divers facteurs qui mettent ordinairement en oeuvre la

suggestibilité.

Au premier chef, il ne faut pas oublier de distraire de cet état men-

tal les stigmates de dégénérescence qui pourraient dénaturer l'état

psychique des hystériques sans jamais cependant se fusionner avec lui.

Parmi ces stigmates psychiques alliés à l'hystérie, il convient tout

particulièrement de montrer la part que prend chez l'homme l'asso-

ciation de la neurasthénie à l'état mental des hystériques.

Gilles DE la TOURETTE,

Anrien Chef de clinique des maladies du système nerveux.

UN CAS DE CARCINOSE VERTÉBRALE

La malade dont je donne ici l'histoire a été étudiée dans le service de

M. le professeur Charcot. Elle est un exemple d'une des généralisations

secondaires du cancer les plus graves et heureusement les moins fré-

quentes. On l'observe cependant quelquefois et M. Charcot, après Cazalis,

a été l'un des premiers à attirer l'attention sur les phénomènes qui la

caractérisent*. Il a étudié sous le nom de paraplégie douloureuse un

ensemble de phénomènes, un syndrome toutàfait caractéristique dont 1

la présence est révélatrice d'une compression de la moelle ou des racines

rachidiennes. Tumeurs intra-rachidiennes, compression par de la pa-

chyméningite tuberculeuse ou par les vertèbres écrasées et déviées

dans le mal de Pott; enfin cancer des vertèbres avec tassement et écra-

sement de celles-ci, telles sont les lésions qui donnentle plus habituel-

lement naissance au syndrome.

Cette expression de paraplégie douloureuse contient deux termes bien

distincts : l'élément paraplégique et l'élément douloureux. A l'inverse

de ce que l'on pourrait penser au premier abord, ce n'est pas la para-

plégie qui constitue l'élément dominant dans le syndrome; quand elle

existe bien caractérisée elle s'accompagne presque toujours d'une exa-

gération plus ou moins grande des réflexes rotuliens, en un mot c'est

une paraplégie spasmodique. Pour que cela arrive, il faut qu'il existe

une compression de la moelle elle-même, circonstance qui est réalisée

dans le cas de tumeur localisée du canal rachidien, de mal de Pott avec

déviation angulaire très accentuée ou pachyméningite bacillaire consi-

dérable.

Mais il n'en est pas toujours ainsi. Dans bien des cas la moelle elle-

même n'est pas comprimée, mais seulement les racines des nerfs ra-

chidiens au niveau des trous de conjugaison. Dans ces cas la para-

plégie n'est pas le symptôme dominant. L'élément douleur prend la

place la plus importante dans le syndrome qui résulte de cette com-

pression des racines rachidiennes ; l'impotence fonctionnelle reste

relativement au second plan. C'est ce qui arrive souvent dans les cas de

cancer de la colonne vertébrale, où celle-ci n'est pas considérablement

déviée, ne fait pas d'angle saillant bien accentué, mais est comme

1. Charroi. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. t.

74 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

lassée sur elle-même par une sorte d'effondrement de plusieurs ver-

tèbres. La moelle même reste à peu près indemne ; au contraire les

racines, au niveau des trous de conjugaison se trouvent prises dans

cet écrasement et ce sont elles qui souffrent. Il suffit d'avoir vu une

colonne vertébrale cancéreuse pour se rendre compte de ce fait.

M. le professeur Charcot a fait voir

clans ses. leçons cliniques une colonne

lombaire cancéreuse dont nous repro-

duisons ici le dessin (fig. 0), qu'il a

bien voulu nous confier. On voit que

plus de deux vertèbres ont à peu près

complètement disparu. Tranformées par

l'infiltration du tissu cancéreux en

une masse molle, élastique, dans laquelle

le couteau pénètre sans difficulté, elles

ont cédé sous le poids des vertèbres su-

périeures et se sont laissé écraser. On

conçoit facilement comment les racines

rachidiennes doivent être comprimées

il leur passage à travers les trous de

conjugaison, dans un cas semblable.

Notre malade, on le verra par la lecture

de l'observation, présente un remar-

quable exemple de ce tassement de la

colonne vertébrale sous l'influence de

l'envahissement des corps vertébraux par

le tissu cancéreux. De là toute une série

de troubles dans lesquels l'élément pa-

raplégique est relativement peu accentué,

si l'on veut bien se rendre un compte

exact de tous les phénomènes et les rap-

porter à leur véritable cause.

La nommée Ma..., Céline, âgée de

trente-huit ans, couturière, est entrée à la Salpêtrière dans le service

de la clinique des maladies du système nerveux, le 1 février 1890.

Antécédents héréditaires. - Père mort à soixante-quinzeansavecde

l'anasarque généralisée. Mère bien portante, n'a jamais eu aucune ma-

ladie, au dire de la malade. Pas de tumeurs, pas de cancers dans la

famille. Rien chez les collatéraux.

Antécédents personnels. - La malade ne se rappelle pas avoir fait

de maladies pendant son enfance. Elle a eu une fièvre typhoïde à l'âge

de vingt-deux ans.

FIG. 30. - C.ircinose de la colonne ver-

tébraie. - Infiltration des vertèbres

par le tissu cancéreux; écrasement

presque complet de deux vertèbres

qui sont réduites et deux coins su-

perposés ; diminution de hauteur de

plusieurs autres.

UN CAS DE CARCINOSE VERTÉBRALE.

75

Réglée à quatorze ans, elle l'était assez irrégulièrement étant fille.

Mais depuis qu'elle s'est mariée, à l'âge de dix-sept ans et demi, elle l'a

toujours été parfaitement bien jusqu'aujourd'hui. Neuf mois après son

mariage elle a eu une fille, qui est actuellement âgée de dix-neuf ans et

demi et remarquablement bien constituée et bien portante.

A l'âge de trente-trois ans, c'est-à-dire il y cinq ans, elle s'aperçut

qu'il lui poussait une petite grosseur dans le sein droit, laquelle

augmenta progressivement. Au début elle sentait comme une petite

noisette qui roulait sous le doigt. Puis la tumeur acquit graduellement

le volume d'une petite mandarine et « s'attacha à la peau du sein ».

Elle ne s'accompagna jamais de douleurs bien violentes, mais simple-

ment d'élancements pas très intenses.

Il y a trois ans les ganglions de l'aisselle étaient pris et la malade

subit au mois de janvier 1887 l'amputation du sein droit et l'extraction

de quelques ganglions axillaires, qui furent pratiquées par M. le pro-

fesseur Guyon il l'hôpital Necker.

La guérison paraissait obtenue, lorsque huit mois plus tard de

nouveaux ganglions reparurent dans l'aisselle, qui furent enlevés par

M. Campenon. Enfin, un an plus tard, d'autres ganglions furent encore

extraits par le même chirurgien (septembre 1888).

A partir de cette époque la malade se croyait guérie et de fait il ne

se forma pas de nouveaux ganglions dans l'aisselle, ni de générali-

sation visible du néoplasme en aucun point. '

Vers le mois de juin 1889, il y a environ huit mois, la malade

commença à souffrir des reins. Néanmoins elle continua encore son

métier pendant trois mois, essayant de travailler assise, de diminuer

autant que possible la fatigue des reins. Mais au bout de ce temps, elle

fut obligée de s'arrêter et de prendre le lit, les douleurs devenant de plus

en plus intenses et l'empêchant presque complètement de marcher. A

ce moment elle affirme qu'elle ne présentait aucune déformation de la

colonne vertébrale, aucune faiblesse des jambes. C'était seulement

la douleur qui l'obligeait à prendre le lit et à cesser tout travail actif.

Le séjour au lit amena une diminution de la douleur et la malade se

releva, mais pour passer tout son temps dans un fauteuil.

Au bout de deux mois de ce régime, elle s'aperçut que son buste

se déformait, se tassait, que son ventre devenait saillant en avant, un

pli profond séparant l'abdomen du thorax, au-dessous de l'appendice

xyphoïde, dans la région épigastrique. En même temps les douleurs

continuaient. Tandis qu'au début c'était une simple sensation de

courbature, à ce moment c'étaient des élancements très violents dans

la région lombaire, a à crier », qui nécessitèrent l'emploi des injections

sous-cutanées de morphine, ou bien des coups violents dans la cein-

76 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SaLPTR($IiE.

turc, ou encore des douleurs névralgil'ormes alternativement dans

l'une et l'autre cuisse.

De la déformation du tronc résulte un abaissement progressif de la

taille qui alla en augmentant. La malade nous dit qu'elle était autrefois

un peu plus grande que sa fille et aujourd'hui elle est notable-

ment plus petite qu'elle. Celle-ci mesure la taille de 1 mGL On peut

donc évaluer approximativement la taille première de noire malade à

'il62. Aujourd'hui elle ne mesure plus que lm53. Elle a donc perdu

neuf centimètres. -

De plus la marche devint de plus en plus difficile. Outre les dou-

leurs, la malade ressentait une espèce de fatigue continuelle dans les

jambes et une faiblesse qui s'accentuait de plus en plus.

La malade fut soignée tout d'abord pour une sciatique. Puis un

autre médecin lui fit des applications de pointes de feu sur la région

lombaire de la colonne vertébrale. Mais aucun de ces traitements

n'amenant d'amélioration, elle se décida à entrer à l'hôpital.

- Depuis qu'elle a pris le lit ou le fauteuil, elle est sujette de temps en

temps à des troubles vésicaux consistant en envies fausses d'uriner.

Jamais de douleurs, de dysurie, de rétention ni d'incontinence d'urine.

Etat actuel. - Douleurs. Elles sont absolument continuelles,

occupant principalement la région lombaire de la colonne vertébrale,

lancinantes, ou consistant en sensation de violente courbature. Elles

gênent la malade pour marcher, sont en grande partie cause du

trouble de la démarche que nous allons décrire plus bas et la tour-

mentent également quand ,elle est assise ou couchée. Elle ne peut

coucher pour cette raison que sur un lit à plusieurs matelas, le moin-

dre trou dans son lit lui causant des douleurs violentes par distorsion

de la colonne vertébrale. Aujourd'hui les douleurs en ceinture ont

notablement diminué, mais celles des cuisses et des fesses sont très

violentes. C'est dans la position horizontale que la malade souffre le

moins. Assise, elle souffre davantage, beaucoup moins cependant que

debout, position dans laquelle les douleurs sont les plus vives et

qu'elle est incapable, pour cette raison, de conserver quelques minutes

consécutivement.

Ces douleurs sont réveillées par certaines manoeuvres, ainsi qu'on

le verra plus loin.

Démarche. - Le trouble de la démarche consiste en ceci : la

malade s'étant mise à grand'peine debout, à l'aide de ses mains

appuyées sur ses cuisses, absolument comme pourrait faire un individu'

atteint de paralysie pseudo-hypertrophique dont les muscles sacro-

lombaires n'agiraient plus, se met en marche, le tronc absolument

rigide, les mouvements de la marche se passant exclusivement dans

Nouvelle Iconographie-

Z..À 11 9, i

Phototype négatit A. Londe £

PHOTOCOLLOGRAPHII : Chêne & Longuet

CARCINOSE DE la RÉGION lombaire DE la COLONNE Vertébrale

Déformations vues de face. - Les modifications du côté de la peau sont dues

a des traces de pointes de feu

LEfRO$NICR & BADI.I Editeurs

Nouvelle Iconographie

T. III. PL. XI

PHOTOTYPE négatif A. LONDE

Photocollographie Chêne et LONGUET

CARCINOSE DE LA COLONNE VERTÉBRALE

Plis transversaux profonds de la peau dus au rapprochement de l'abdomen et du thorax

produit par le tassement de la colonne lombaire.

(On voit aussi les traces de l'ancien cancer du sein opéré)

L £ CROSNIER BAHJ : 1 Editeurs

Nouvelle Iconographie

T. III. PL. XII

Phototype niIcatit A. LoNDi.

PHOTOCOLLOc.nAHHJF. Chêne & Longuet

CARCINOSE DE la RÉGION lombaire DE la COLONNE Vertébrale

La Malade est vue de profil pour montrer l'effacement de la courbure lombaire

W .caosNiLR & RABI., 1=..DI1EUS

UN CAS DE CARCINOSE VERTÉBRALE. 77

les membres inférieurs, sans que les muscles du tronc y prennent part

en rien. Les pas sont courts, rapides, c'est-à-dire que la malade

s'efforce, à cause de la douleur des reins, de rester appuyée sur un

seul pied le moins de temps possible. Cette absence de participation

des muscles du tronc aux mouvements de la marche lui donne l'air de

marcher comme un canard.

Il n'y a pas en réalité de paraplégie. La force est conservée parfai-

tement dans les jambes et les cuisses, sauf pour la résistance au

mouvement passif d'extension de la jambe sur la cuisse. Cela provient,

non pas d'une faiblesse des fléchisseurs, mais de ce fait que la résis-

tance aux mouvements passifs d'extension entraîne un certain travail

du côté des muscles des lombes, lequel travail étant douloureux, la

malade préfère céder au mouvement passif que d'essayer de résister.

Les réllexes rotuliens sont assez notablement augmentés des deux

côtés. Pas de trépidation épileptoïde de pied. ,

Déformations, pl. X, XI, XII; fig. 31, 33. Si l'on examine la

malade toute nue, placée de profil, voici ce que l'on constate : le dos est

presque complètement vertical à partir des dernières vertèbres cervi-

cales. La concavité normale qui comprend les dernières dorsales et les

lombaires est absolument effacée. Par suite de ce changement de direc-

tion, le bassin est projeté en avant par un mouvement de rotation

autour d'un axe fictif qui passerait à peu près par les articulations

sacro-iliaques. Les fesses sont plates, tombantes; le pli fessier a à peu

près disparu. Les pointes des ischions sont profondément cachées sous

les muscles et légèrement dirigées en avant.

De cette translation du bassin en avant résulte une déformation

de la face antérieure du tronc, que l'on remarque en examinant la

malade de face. Le ventre semble remonté, comme pointant en haut.

La face antérieure du thorax, au contraire, est plutôt oblique en bas et

en arrière, de sorte que, grâce à ce changement réciproque de direc-

tion, il existe entre les deux parties, entre l'ombilic et l'épigastre, un

pli profond de la peau de direction horizontale et transversale. De ces

déformations résulte une augmentation de la circonférence du corps à

sa partie moyenne, de ce qu'on appelle la taille. La-malade a beau-

coup maigri, ses corsages lui sont beaucoup trop larges. d'en haut et

cependant plus bas, à cause de, cet épaississement de,la taille, elle ne

peut plus les boutonner, ils sont devenus trop étroits.

M. le Dr P. Richer, à la plume habile de qui nous devons les dessins

ci-joints, a bien voulu nous donner au sujet de l'anatomie des formes

de cette malade la note ci-dessous :

« La déformation du tronc dont est atteinte cette malade est carac-

térisée par ce fait que la colonne lombaire, par un effet de tassement,

78 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 5 : 11.1'I : 'I'111$I1 : .

a diminué considérablement de hauteur, au point d'être réduite à

presque rien. Il semble que la colonne dorsale, qui a conservé sa

courbure normale, mais un peu exagérée, vienne s'implanter direc-

tement sur la base du sacrum, et ce sans tenir compte de l'angle que la

colonne* lombaire fait dans l'état normal avec le sacrum. Il en résulte

un changement dans la direction du bassin, dont l'axe, au lieu d'être

dirigé obliquement, devient vertical. Par.suite de cette diminution

FIG. 31. Curciuosc de la colonne vertébrale. Cotte figure montre l'ellacell1nt

de la concavité lombairo normale.

UN CAS DE CARCINOSE VElt'l'É131 : .1LG. 7U

considérable de la hauteur de la colonne lombaire, le thorax descendu

se rapproche du bassin, au point que les dernières côtes pénètrent

presque dans les fosses iliaques. Le rapprochement de la cage thora-

cique et du bassin a pour conséquence obligée la diminution de

hauteur du ventre, d'où la saillie de l'abdomen en avant et la produc-

tion du pli profond qui le traverse au-dessus de l'ombilic.

« Le tassement de la colonne lombaire a également pour conséquence

la suppression de l'ensellure normale et l'immobilisation de. la colonne

vertébrale dans une attitude vicieuse caractérisée par ce fait que, de la

partie supérieure de la région dorsale à la pointe du sacrum, elle suit

dans son ensemble une même courbure à concavité dirigée en avant

et à peine atténuée au niveau de la région lombaire. ? ?

« Enfin, au point de vue de la forme extérieure, cette déformation

osseuse a pour effet la suppression presque totale de la région des reins

et complète de la région du flanc, sans parler de la diminution de hauteur

fit. 32, - L : ai ci') ose vertébrale. Celte figure montre, outre la déformation lombaire, le rapprochement

des cûtes et du bassin, dû à l'écrasement des vertèbres lombaires.

80 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.

de l'abdomen, du pli qui le traverse et de son volume exagéré dont il a

déjà été fait mention. »

Pas d'atrophie musculaire nette au niveau des membres inférieurs.

Il existe plutôt un certain degré d'amaigrissement général.

Pas de troubles de la sensibilité. La piqûre, le contact sont parfaite-

ment perçus dans toute l'étendue de la moitié inférieure du tronc et les

membres inférieurs.

On provoque une douleur vive en percutant la région lombaire de

la colonne vertébrale, en appuyant avec force sur les deux épaules de

la malade, comme pour tasser les corps vertébraux les uns sur les

autres. Il n'existe pas de points douloureux aux fesses, aux cuisses, ni i

au niveau des espaces intercostaux. On en trouve quelques-uns çà et

là sur le corps, un en particulier au niveau de la face antérieure du

sternum, mais qui ne paraissent pas relever de la même cause.

La malade a notablemant maigri depuis cinq mois. Elle pesait, il y a

unan environ, 72kilogr.. Ellepéseau,jourd'bui beaucoup moins. De plus

son appétit a beaucoup diminué et elle manifeste depuis quelque temps

undégoût très accusépour la viande et lesaliments gras. Ellen'ajamais

eu de vomissements, bien qu'elle ait éprouvé quelquefois des douleurs

dans l'estomac. Elle a pris une teinte jaune paille assez prononcée,

non pas encore tout à fait cachectique, mais très appréciable à pre-

mière vue. Jamais de diarrhée; la constipation est plutôt son état

habituel.

Jamais d'oedème des jambes; rien au coeur; rien dans la poitrine.

On peut suivre pas à pas chez cette femme les progrès de la lésion

vertébrale par la succession des signes qu'elle a présentés depuis le

jour où la métastase du cancer s'est produite. Une longue période

latente suit l'extraction des derniers ganglions axillaires. Puis les

douleurs sourdes, la courbature indiquent l'envahissement des corps

vertébraux et le début du travail qui s'opère à ce niveau. Plus tard ces

corps vertébraux désorganisés se laissent écraser avec une facilité

remarquable, car il est à noter que la malade a cessé de marcher et de

travailler avant le début de la diminution de la taille. Celle-ci s'est

opérée, la malade restant continuellement couchée ou assise dans un

fauteuil.

Enfin, une fois que le tassement de la colonne lombaire a commencé

à s'effectuer, les symptômes de compression des racines rachidiennes

ont débuté à leur tour. Les douleurs ont changé de caractère : tandis

qu'au début c'était une simple sensation de courbature, à ce moment

'étaient des élancements d'une violence considérable, ayant nécessité

les injections hypodermiques de morphine. De plus, les douleurs ne

restaient plus localisées aux lombes, elles s'irradiaient en divers sens,

. UN CAS DE CARCINOSE VERTÉBRALE. 81

en ceinture, sous forme de névralgie le long des deux cuisses et au

niveau des fesses.

Toute la marche des lésions se dessine sous les yeux du clinicien avec

une netteté parfaite et l'on pourrait presque faire ante mOl'lem l'ana-

tomiepathologiquedece cas,parun simple raisonnement. Quoi qu'il en

soit, l'évolution clinique est ici bien caractéristique et ne permet point

le doute quant au diagnostic à poser. En outre l'intensité des déforma-

tions, leur aspect si typique, représenté sur le dessin et les photogra-

phies ci-jointes nous ont paru mériter d'arrêter spécialement l'attention

à cause de la valeur qu'ils présentent pour le diagnostic de la carcinose

vertébrale. Il est facile de se rendre compte en effet combien peu ces

déformations ressemblent à celles du mal de Pott, les seules d'ailleurs

avec lesquelles on pourrait les confondre à un examen superficiel. Ici

point d'angle, point de gibbosité due à l'effondrement d'un ou deux

corps vertébraux au plus, mais tassement de plusieurs vertèbres, efface-

ment des courbures normales. Et cela sans parler de la inarche et de

l'évolution, toutes différentes dans les deux cas et dont la constata-

tion, jointe à la connaissance du cancer du sein antérieur, lèverait

immédiatement tous les doutes, s'il en pouvait exister.

GEORGES CUINON,

Chef de clitii,itte des maladies du s ? lèlllc nerveux.

lit. 0

HÉMIPLÉGIE SPASMODIQUE INFANTILE

ÉPILEPSIE PARTIELLE GÉNÉRALISÉE

MOUVEMENTS ATII);TOSIQUES DE LA MAIN ET DU PIED

CONTRACTIONS FASCICULAIRES DES MUSCLES LARGES

Les mouvements anormaux qui se passent dans les membres du

côté paralysé dans l'hémiplégie spasmodique infantile ont été l'objet

de descriptions nombreuses 1; les tremblements, la chorée, l'athétose

ont donné lieu à des études détaillées. Cependant les mouvements

anormaux qui ont particulièrement frappé l'attention sont ceux des

segments périphériques des membres, et surtout ceux des extrémités.

C'est à peine si dans quelques faits M. Oulmont signale des mouvements

des muscles de l'épaule2, et encore ces mouvements de rotation ou

d'abduction dont la localisation n'est pas précisée, paraissent coïncider

avec d'autres mouvements des membres. Il existe quelquefois d'autres

mouvements anormaux qui ne sont pas sans intérêt, mais que l'on ne

peut observer que lorsque le malade est complètement à nu : ce sont

des mouvements spasmodiques plus ou moins lents qui atteignent non

pas un muscle en totalité, mais soit isolément un faisceau, soit succes-

sivement plusieurs faisceaux dès muscles larges de la racine des

membres.

Uns. - Le nommé P..., Eugène, tripier, âgé de 22 ans, entre àBicêtre

le 8 mai 1888. Dans ses antécédents héréditaires, on ne relève aucun

accident névropathique, sauf chez sa mère qui a eu de l'incontinence

nocturne d'urine jusqu'à 13 ans. Le père est irascible, mais sans trou-

bles caractérisés. P... est l'aîné de six enfants, dont trois se portent bien

et ne présentent aucune anomalie; le troisième, garçon de dix-neuf

ans, est peu intelligent et serait hydrocéphale; le cinquième est mort

d'une affection intestinale à trois semaines.

P... a eu, à l'âge de ans, des convulsions à la suite desquelles il

lui est resté une hémiplégie gauche qui s'est atténuée peu à peu. Il est

resté chétif, peu intelligent, et il a conservé une difficulté dejla parole.

1. F. Raymond, Elude sur l'hélllichorée, (l'kémiaxeslhésie et les tremblements sym-

plomatiques, th. 1876. - P. Oulmont, Elude clinique sur l'athétose, titi. 1878. - P. Marie,

Art. Hémiplégie spasmodique infantile (Dict. encycl. des sc. méd.) Burlureaux, Art.

liéiiiieliorée (Ibid.). t'.h. Vite, les Epilepsies elles Epileptiques, 1890.

2. Loc. cit., pp. : 3b, 58, 73.

HÉMIPLÉGIE SPASMODIQUE INFANTILE. 83

A 14 ans et demi, deux ou trois jours après une peur, il eut pen-

dant le repas sa première crise qui parait avoir été une crise verti-

gineuse ; il serait restéimmobile, la bouche ouverte pendant une minute

environ. A partir de cette époque les crises se seraient répétées très

souvent et sont devenues plus intenses. Sans prodromes, les yeux

deviennent fixes, la bouche se dévie à gauche, toute la face grimace de

ce même côté ; il tombe dans une sorte de contracture généralisée,

suivie de mouvements cloniques plus ou moins intenses, mais prédo-

minant à gauche. En général il ne se mord pas la langue, n'écume pas,

n'urine pas dans ses vêtements. Il perd connaissance, mais revient vite

à lui; ses accès ne sont pas suivis de stupeur; quelquefois il se met à

courir en se relevant et parait terrifié comme si on le poursuivait. Son

caractère qui a toujours été assez doux n'a pas été altéré par les

attaques. Jusqu'au moment de son entrée il avait presque quotidienne-

ment des attaques ou des vertiges. Pendant les premiers temps de

son séjour il n'avait guère qu'une crise tous les deux jours, elles se

sont éloignées depuis sous l'influence du traitement.

Examen physique. - Taille, 1 ni. 53; envergure 1 m. 60; circonfé-

'rence thoracique, Om.7; capacité cérébrale, 2,500 cent. cubes, poids

45kil. 500. Le crâne n'est pas mal conformé, et ne présente pas d'asy-

métrie. Du côté de la face on remarque pas non plus d'asymétrie bien

nette, cependant les saillies osseuses paraissent moins accentuées du

côté gauche ; l'apophyse orbitaire par exemple est très effacée de ce

côté. L'ouverture palpébrale est moindre à gauche, il existe un peu de

contracture des muscles de la joue ; le pli naso-génien est plus profond à

gauche et peu mobile. Pas d'inégalité pupillaire, pas d'asymétrie chro-

motique des iris. Exagération du réflexe massétérin, surtout à gauche.

Le maxillaire inférieur est peu développé dans son ensemble, aussi les

dents présentent-elles une implantation vicieuse : à la partie antérieure

elles sont placées sur deux rangs irréguliers. A un examen superficiel,

la langue ne présente aucune déviation, aucune asymétrie, et elle paraît

mobile dans tous les sens; cependant ses mouvements sont d'une fai-

blesse remarquable, la résistance à la pression dans toutes les direc-

tions n'atteint pas 100 grammes; à un contact sur le bout du nez le

malade ne réagit avec sa langue qu'en 51 centièmes de seconde (l'état

normal étant de '10 à 20 centièmes de seconde)1. Il existe d'ailleurs

un bégayement assez marqué quand le malade a eu récemment un

accès ou est fatigué; en général la parole est lente et traînante comme

i. C.h. Feré, Vo<e SM)' 'e.forattOM des ))M) ! <MmeH de t )MC, (C. r. oc. de

1. Cli. Féré, Note sur l'exploration des mouvements de la langue, (C. r. Soc. de

biologie, 13 avril 1889). L'énergie et la vitesse des mouvements volontaires (flev. philoso-

phique, juillet 1889). - D. Bernard, De l'aphasie et de ses diverses formes, 2° édition;

1890, avec des notcs par Gt. Féré, p. 259.

84 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S1LI ? l'ltlliltl;.

chez bon nombre d'épileptiques ; le malade allonge démesurément

certaines syllabes.

P. a l'attitude et la démarche des hémiplégiques, cependant ses mem-

bres ne sont pas dans une position fixe et invincible ; il est capable de

les redresser dans tous les sens lorsqu'il le veut. Mais lorsqu'il est à

l'étal de repos, le bras gauche est rapproché du corps, l'avant-bras

fléchi etlamain « droppe ». Les doigts sont animés de mouvements

involontaires, lents, qui leur donnent momentanément des atlitudes

forcées; cependant ils peuvent se mouvoir dans les différents sens

mais sans force et sans habileté. Tandis que la pression dynamomé-

trique est de 18 à droite, elle est à peu près nulle à gauche. Les

mouvements athétosiques les plus marqués se font dans le pouce, qui,

dans la flexion, va toucher la paume de la main. Le poignet fait de

temps en temps des mouvements d'abduction. La percussion du tendon

du triceps et des tendons des 11échiseurs donnent lieu à des réflexes

assez forts, mais qui diffèrent peu de ceux du côté opposé. Il n'existe

pas de raccourcissement sensible des divers segments du membre

atteint de parésie. '

Le membre inférieur a une tendance à se porter dans la flexion et'

l'adduction, le genou est entraîné vers la partie antérieure de la cuisse

droite, et le pied prend la direction de l'équin varus. Les orteils s'ani-

ment de temps en temps de mouvements lents de flexion et d'exten-

sion, et prennent les attitudes forcées de l'athétose. De temps en temps

le pied se relève en masse et les tendons de l'extenseur commun

apparaissent comme autant de cordes faisant relief sous la peau. Le

membre inférieur comme le supérieur est facilement ramené à la

rectitude. La contracture est peu marquée; toutefois le réflexe patel-

laire est plus exagéré que les réflexes tendineux du membre supérieur.

Le redressement de la pointe du pied ne provoque pas de trépidation

èpileptoïde. '

L'atrophie des membres est peu marquée. La circonférence du bras

est égale des deux côtés, 20 à l'avant-bras, on trouve 21 et demi du côté

droit, 20 et demi à gauche; à la cuisse 40 et demi à droite, 38 et demi

à gauche; à la jambe, 29 des deux côtés. La longueur des divers

segments du membre supérieur est égale des deux côtés; mais au

membre inférieur, la jambe mesurée de l'interligne articulaire du

genou à la malléole externe a un centimètre et demi de moins du

côté gauche. Température de surface : bras droit, 83 ? bras gauche,

e°8; jambe droite, 39o9; jambe gauche, 81°8. La sensibilité parait

intacte sur tout le tégument, aussi bien à la face qu'aux membres, au

contact, à la température, à la douleur. Pas de troubles grossiers de la

vision, de l'audition, du goût, de l'odorat.

Nouvelle Iconographie

T. III. Pl. XIII

PHOTOTYPE négatif X.

PHOTOCOLLOGRAPHir Chêne LONGUET

Contractions Fasciculaires DES MUSCLES DE L'EPAULE

Lecrosnier Bwrfi, Editeurs

NOUVELLE Iconographie T. III. PL. XIV

PHOTOTYPE négatif X.

PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne & Longuet

Contractions FASCICULAIRES DES MUSCLES DE l'Epaule

LECROSNIER x Babé, EDITEURS

HÉMIPLÉGIE SPASMODIQUE INFANTILE. 8 ?

Lorsque le malade est complètement nu, on constate qu'il ne se

passe dans les membres aucun autre mouvement que ceux qui ont été

signalés au niveau des extrémités; mais on remarque que l'omoplate

gauche est moins exactement appliquée contre les parois du thorax

que la droite : son bord spinal fait une forte saillie en arrière (pl. XIII).

En outre, de temps en temps, le muscle rhomboïde est le siège de

contractions fasciculaires lentes : on voit ses divers faisceaux se

soulever alternativement et entraîner l'omoplate en dedans. Le

faisceau inférieur se contracte plus énergiquement que les autres; il

rapproche l'angle. inférieur de l'omoplate de la ligne médiane en

même temps qu'il le porte en haut et fait basculer l'os dans- sa totalité.

Lorsque la contraction du faisceau inférieur du rhomboïde est très

énergique, le faisceau homologue du côté opposé se contracte quel-

quefois en même temps (pl. XIV). '

On voit quelquefois aussi le faisceau supérieur du grand dorsal

gauche s'animer de contractions lentes, analogues à celles du rhom-

boïde. ,

Le même phénomène se reproduit au niveau de la fesse gauche. Le

muscle grand fessier est animé des mêmes contractions fasciculaires

que le rhomboïde; mais les contractions, au lieu de se produire

comme dans le premier muscle à intervalles plus ou. moins éloignés,

sont àpeu'pi'ès constantes : on. voit un faisceau large de'3 à 4 cçnli-

mètres se contracter pendant que les faisceaux voisins sont' complète-

ment immobiles; quelquefois deux faisceaux éloignés se 'contractent 1.

ensemble, de sorte que la région est animée d'ondulations lentes.

Les réactions 'électriques de ces muscles ne sont pas altérées, pas

plus que celles' des muscles des membres.

Dès son entrée Il... a été soumis àdes cautérisations superficielles du

cuir chevelu sur la région pariéto-frontale droite, cautérisations

répétées deux fois par semaine au nombre de vingt à vingt-cinq

pointes. Les bromures avaient été antérieurement donnés à divel ses

reprises sans résultat, peut-être en raison de l'insuffisance des doses.

Les crises paraissent avoir diminué de moitié sous l'influence du trai-

tement externe. A partir du 2-2 août 1888, on ajouta 4 gr. de bromure

par jour; l'heureux effet du bromure s'est manifesté alors d'une façon

très nette, comme on peut le voir sur le tableau ci-après. Le US sep-

tembre 1889 la dose quotidienne de bromure a été portée à 5 grammes.

Les pointes de feu sont toujours continuées. A dater de cette époque,

les crises convulsives et vertigineuses sont devenues beaucoup plus

rares et les mouvements athétosiques ont aussi notablement diminué

d'intensité et de fréquence.

L'existence de ces spasmes fasciculaires lents atteignant succès-

8U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'l : Tli1);ItG.

sivemenl -ou simultanément plusieurs faisceaux de certains muscles

larges mérite d'être rapprochée des spasmes athétosiques des doigts

qui s'agitent isolément : les mouvements isolés des doigts trahissent

en effet des contractions fasciculaires des fléchisseurs et des extenseurs

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE CLINIQUE

DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES

(Suite,)

Vers la fin du mois de novembre, il commença à souffrir d'une céphalée

constrictive, s'étendant à tout le crâne. Ce mal de tête ne le quittait guère, et

il y avait des jours où il devenait très violent. Alors, à la sensation de serre-

ment, venaient s'ajouter des battements, des élancements douloureux dans

les tempes, un malaise général tel que le malade devait se reposer pendant

un ou deux jours.

En outre, il se plaignaitfréquemment d'une sensation de lourdeur insuppor-

table dans le bas du dos, à la partie inférieure de la région lombaire et sur la

ligne médiane ; cette sensation n'était pas continuelle. Quand il en souffrait,

il ne pouvait ni se baisser ni se redresser, parfois même il marchait le tronc

incliné en avant « comme quand on a un tour de reins » ; cela durait huit,

dix jours, quelquefois plus. Puis cette gène douloureuse tendait à disparaître

et même disparaissait complètement pendant quelque temps pour se montrer

de nouveau.

Enfin le malade maigrissait, il avait peu d'appétit. Tous ces troubles per-

sistèrent pendant les mois de décembre 1888, janvier et février 1889.

Cela l'inquiétait. Il continuait à faire son service, mais à grand'peine. Il

attribuait sa maladie à la trépidation de la machine, aux secousses des arrêts

brusques, aux fatigues excessives de son métier. Il avait remarqué, nous dit-

il, que « plusieurs de ses camarades avaient été pris par les jambes » ; il

craignait de voir la faiblesse déjà très marquée de ses membres 'inférieurs

se changer en paralysie. « Il avait cette idée-1 : ') en tête ».

Tel était l'état du malade lorsqu'il eut sa première attaque dans les cir-

constances que voici :

Le 26 février dernier, vers huit heures du matin, il venait de rentrer chez

lui, il était en train de déjeuner tranquillement lorsque, tout à coup, sans

motif apparent, sans prodromes, il s'affaissa sur lui-même en perdant con-

naissance. Il resta ainsi inerte, insensible, jusqu'à trois heures après-midi ;

alors il fut pris de convulsions ; il se tordait sur son lit, mordait les draps,

poussait des cris (ces renseignements nous ont été fournis par la femme du

malade). Les cris, les grands mouvements, les convulsions continuèrent jusqu'à

sept heures du soir. A ce moment, les attaques cessèrent, le malade reprit

1. Voy. le n° 1, t. III, 1890

88 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

connaissance et puis s'endormit d'un sommeil calme. Le lendemain eu s'éveil-

lant, quand il voulut se lever, il lui fut impossible de se tenir debout, ses

genoux fléchissaient il chaque pas ; il tremblait de tous ses membres, il était

dans un état d'anxiété, d'angoisse inexprimable. Il resta ainsi chez lui cons-

tamment alité, jusqu'au 2 mars. Comme la faiblesse des jambes et le Irem-

blement général persistaient, il se fit transporter à l'hôpital Lariboisière. Là,

on lui donna du bromure. Il sortit de l'hôpital le 12 mars ; aucune modi-

fication ne s'était produite dans son état.

Depuis cette époque, il a été soigné chez lui par le médecin de la Compagnie

qui lui a prescrit le bromure de potassium à dose faible. Dans les premiers

jours du mois d'avril, il a eu deux nouvelles attaques, l'une s'est produite

à deux heures, l'autre il sept heures et demie du soir. Chacune d'elles a é tépré-

cédée d'une aura bien caractérisée. Le malade a senti que quelque chose lui

montait à la gorge, puis il a éprouvé une certaine angoisse respiratoire, des

bourdonnements d'oreilles, des battements précipités dans les tempes; après

quoi il a perdu connaissance, s'est débattu violemment, en poussant des cris

terribles, cherchant à mordre, à déchirer ses habits..., etc.

Dans ces derniers temps, le malade est devenu triste, soucieux ; son intel-

ligence toutefois paraît n'avoir subi aucune atteinte, non plus que sa mémoire.

Seulement, il lui arrive parfois, durant le sommeil de la nuit, de se lever de

son lit, de parler à haute voix à des êtres imaginaires, de s'entretenir avec eux

de ses voyages, ou. bien des choses de sa profession. Une nuit, il a saisi sa

femme par le cou comme pour l'étrangler. Au réveil, est très étonné en

entendant sa femme lui raconter ces rêves en actions dont il ne conserve

aucun souvenir.

Etat actuel (19 avril 1889). Motilité. - Il n'existe chez cet homme, à

proprement parler, ni paralysie ni contracture. Pas traces d'hémispasme

glosso-labié notamment. Peut-être existe-t-il un léger affaiblissement du

membre supérieur droit. A l'exploration dynamométrique on obtient en effet :

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMI1LEMENTS HYSTÉRIQUES. 89'

d'aslasie-abasie incomplète ou en voie de guérison. Toutefois ces troubles

n'existent pas chez IIacq... d'une façon permanente. Ils ne se montrent qu'à

la suite des attaques, ou bien sous l'influence de' la compression des zones

hystérogènes, lorsque le tremblement des membres acquiert son plus haut

degré d'intensité. Au bout d'un laps de temps variable, quelques heures, un

jour, quelquefois plus, la trémulation des membres s'apaise, sans dispa-

raître jamais complètement; le dérobement des jambes cesse de se pro-

duire et le sujet reprend sa marche ordinaire.

2° Le tremblement est apparu chez cet homme à la suite de sa première

attaque, c'est-à-dire le 26 février 1889. Il a toujours persisté depuis cette

époque. C'est un tremblement rapide, véritablement vibratoire. Généralisé

aux quatre membres, il prédomine tantôt aux membres supérieurs tantôt

aux membres inférieurs, mais il est toujours plus prononcé dans les

membres du côté droit (côté de l'hémianesthésie). Les tracés graphiques

montrent qu'il est constitué par des oscillations bien rhythmées, mais d'am-

plitude variable, au nombre de 9 à 9 1/2 par seconde. Il existe au repos et

pendant les mouvements volontaires, il semble s'accroître un peu.

Ce tremblement s'exagère d'une façon remarquable sous l'influence des

émotions, des attaques spontanées ou provoquées et lorsqu'on excite légère-

ment l'une des zones hystéro5ènes qui existent chez le malade. Tandis que

dans les périodes de calme il ne gêne que peu ou point les mouvements

du sujet, il apporte alors un trouble notable dans l'accomplissement des

actes usuels qui exigent des mouvements précis ou délicats (écriture, action

de rouler une cigarette) ; en outre, la rapidité de son rhythme s'accroît à un

tel point que, dans les tracés pris dans les mouvements de vive agitation, le

nombre des oscillations s'élève à 12 ou 13 par seconde.

Sensibilité. Sens. Vision. - Dyschromatopsie pour le violet; polyopie

monoculaire. Rétrécissement concentrique du champ visuel de l'oeil gauche,

à 70" (fig. 33, 3 >.).

L'odorat est aboli à droite; le goût très émoussé à droite ; l'ouïe est normale.

Sensibilité générale (fig. 35, 36). - On constate 1° une diminution très

nette de la sensibilité générale pour tous ses modes (contact, douleur, tempé-

rature) dans toute la moitié droite du corps, soit une hémianesthésie droite

incomplète; 2° une plaque d'analgésie absolue correspondant à peu près à

l'étendue qui sépare l'épine dorsale de l'omoplate du côté droit ; 3° deux

zones hystérogènes siégeant, l'une près du bord spinal de l'omoplate du

côté gauche, l'autre à l'hypogastre au-dessus du pli de l'aine du côté droit.

La pression exercée au niveau de ces points détermine d'abord une douleur

très vive, puis le malade accuse une sensation de serrement ci la gorge avec

angoisse respiratoire, il a des battements dans les .tempes, sa face se con-

gestionne, sa vue se trouble, le regard devient fixe et l'attaque commence..

Les attaques se présentent toujours avec les mêmes caractères, soit qu'elles

aient été ainsi provoquées, soit qu'elles se produisent spontanément.

Elles se composent : 1° d'une phase épileptoïde très courte; 2° d'une

phase de grands mouvements (salutations, arcs de cercle, contorsions) accom-

pagnés de cris ; 3° d'une phase de délire dans laquelle le malade rit, se

90

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1LP>;'CItI$R.

moque d'un camarade, ou bien, s'imaginant qu'il est sur sa locomotive, peste

contre le feu qui ne va pas, interpelle le mécanicien..., etc.

Les crises sont assez fréquentes, elles se succèdent en série de trois,

quatre attaques subintrantes, quelquefois plus; elle apparaissent générale-

ÉTUDE CLiNIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 91

ment le soir, et deux ou trois fois par mois, comme l'indique le tableau

suivant : .

9 juin, attaque à 8 heures du soir.

Le 21 juin, attaque à 7 heures 30.

4 juillet, attaque à 5 heures.

Le 13 juillet, attaque à 5 heures.

Le 24 juillet, attaque à G heures.

11 août, allaque à midi et demi.

Le 17 août, attaque à 9 heures 30.

Le 27 août, attaque à 8 heures.

Depuis son entrée dans le service de la Clinique, l'état du malade, en dépit

du traitement auquel il a été régulièrement soumis (hydrothérapie, électri-

sation statique, médication tonique) ne s'est guère modifié; et même, à la

suite de l'attaque qui se produisit le 24 juillet, l'hémiauesthésic droite qui

était jusque-là très légère est devenue complète, absolue. On peut loucher.

92 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

piquer, pincer la peau, tordre les articulations, presser fortement le testicule

droit sans que le malade accuse la moindre douleur, le moindre contact. Il

ne perçoit non plus ni la chaleur d'un thermomètre à cuvette métallique,

porté à une température de 901, ni le froid d'un bloc de glace. Le sens mus-

culaire enfin est complètement aboli dans les membres supérieur et in-

férieur du côté droit.

Les zones hystérogènes précédemmentjudiqnées persistent.

La marche et la station debout sont toujours un peu troublées. Après

chaque attaque, la faiblesse des jambes et le tremblement s'accroissent;

cela dure 3 ou i jours, après quoi, le malade se sent un peu plus solide sur

ses membres inférieurs ; le tremblement qui ne s'efface jamais complète-

ment s'atténue et les choses vont ainsi jusqu'à l'attaque suivante.

Chez ce malade il n'y a ni goitre ni exophthalmie ; nous avons compté

maintes fois les pulsations de la radiale et nous avons toujours trouvé que

leur nombre se tenait dans les limites de la normale.

Ons. II. - Astasie et abasie paralytiques chez un hystérique. - Trem-

blement vibratoire généralisé.

Le nommé Cher... ni, âgé de 44 ans, exerçant la profession d'artiste dra-

matique, est entré dans le service de la Clinique, le 10 mai 1889.

Antécédents héréditaires. - Ses antécédents de famille méritent d'être

relevés.

Il serait le petit-fils, du coté paternel, du grand musicien dont il porte le

nom.

Son père était artiste dramatique; il a été tué à Blidah en 18,-)[, lors d'une

révolte des Arabes. Il a été fort peu connu de son fils qui avail à peine 7 ans

lorsque cet événement eut lieu.

Du côté maternel : grand'mère « nerveuse » ; serait morte d'hémorrhagie

cérébrale. Le grand-père n'a pas été connu du malade.

Sa mère exerçait, elle aussi, la profession d'artiste dramatique; elle abu-

sait des boissons alcooliques : elle est morte, à l'âge de 57 ans, à l'hôpital

Saint-Antoine.

Un des frères de sa mère, comédien, buvait beaucoup d'absinthe; il est mort

également à l'hôpital Saint-Antoine.

Antécédents personnels. - Jusqu'à l'âge de 31. ans, sa santé avait été par-

faite ; seulement il était très nerveux, très émotif. Il pleurait pour les motifs

les plus futiles quand il allait au théâtre comme spectateur; il lui arrivait

souvent de pleurer au moment des scènes pathétiques; le coeur lui battait, il

se sentait serré à la gorge et se mettait à sangloter. Par contre, lorsqu'il est

de l'autre côté de la rampe, jouant son rôle d'acteur, il ne s'émeut jamais

hors de propos. Il joue les comiques, les « queue-rouges » comme on dit

dans le métier.

Il y a dix ans, il apprit que sa femme le (rompait, il en éprouva un violent

chagrin; et ce fut là, semble-t-il, l'origine des premiers accidents nerveux

bien caractérisés qu'il a éprouvés. Un jour, en sortant d'une répétition, il

sentit tout coup que quelque chose lui montait il la gorge, il étouffait.

ÉTUDE CLINIQUE DES TREMBLEMENTS HYSTÉRIQUES. 93

Quelques instants après, survinrent des battements dans les tempes, puis

un tremblement général très violent, entrecoupé de sursauts, de brusques

secousses dans les membres. Il ne perdit pas connaissance. Ces troubles se

calmaient pendant quelques heures, puis reparaissaient comme de plus belle.

Cette crise dura près de dix jours et, pendant tout ce temps-là, il dut garder

la chambre.

A partir de cette époque il eut des attaques semblables, tous les six ou huit

mois, toujours iL.la suite de contrariété, et c'est à peu près constamment

vers minuit ou une heure du matin, après le spectacle, qu'elles éclataient.

Il y a deux ans, en avril 1887, il était alors à Angoulême régisseur d'un

concert-théâtre où il jouait la comédie, lorsqu'il apprit tout à coup que le

directeur de cet établissement avait fait faillite et s'était enfui. A cette occa-

sion, il fut pris d'une nouvelle crise de tremblement précédée d'une aura carac-

téristique ; pendant deux jours le tremblement des membres fut si intense

que le malade ne put pas quitter le lit. Au bout de cette période, le tremble-

ment des membres s'étant amendé, mais sans disparaître complètement, il

voulut se leverpour reprendre ses occupations. A son grand désappointement,

à peine les pieds avaient-ils touché le sol, qu'il s'affaissa et tomba lourdé-

ment sur les genoux. Il était abasique et astasique et se trouvait exactement

dans l'état où nous le retrouvons aujourd'hui. Le malade raconte, en effet,

d'une manière très nette, que les membres inférieurs, qui, dans la station

debout, ne pouvaient pas le supporter, étaient capables cependant, lorsqu'il

était couché sur son lil, d'exécuter tous les mouvements possibles avec

force et précision. L'abasie-astasie dura alors près de quatre mois, pendant

lesquels le malade fut traité à l'hôpital d'Angoulme. L'amélioration ne

s'est produite que très lentement. Ce n'est qu'après deux mois de séjour au

lit absolu, que la station et la progression ont été possibles, mais avec le

secours de béquilles. Enfin la marche put s'exécuter simplement à l'aide

d'une canne. Mais la guérison n'a pas été complète.

Depuis celle époque il a été impossible à Cherub... de remonter sur la

scène. C'est qu'en effet, bien qu'il put se tenir debout et marcher, les mem-

bres inférieurs, tantôt l'un tantôt l'autre, se dérobaient tout à coup sous lui

de temps en temps, et plusieurs fois des effondrements l'ont précipité à terre.

Avec l'amélioration des troubles fonctionnels dont ses membres inférieurs

avaient été le siège, le tremblement des quatre membres s'était atténué et

avait fini par disparaître. Les choses étaient en cet état, lorsque, à la fin de

l'année dernière, le 13 novembre 1888, en apprenant une nouvelle perte

d'argent, il fut pris de rechef d'une crise de tremblement précédée de l'aura

hystérique semblable aux précédentes. Au bout de deux jours, le trem-

blement s'étant un peu calmé, le malade voulut sortir du lit, mais l'astasie

s'était reproduite et ce syndrome et le tremblement qui l'accompagne per-

sistent encore aujourd'hui « depuis huit mois ».

A. Dutil,

Ancien interne de la Clinique des maladies du système norvew.

(A suivre.)

UN DESSIN INÉDIT D'ADRIEN BRAUWER

Dans leur livre si intéressant : les Malades et les Difformes dans

l'art1, livre dont la Nouvelle Iconographie a eu la bonne fortune de

publier plusieurs extraits, M. le professeur Charcot et son collabora-

teur M. Paul Richer nous ont fait connaître le talent si particulier

d'Adrien Brauwer l'auteur du Médecin de village. Ils ont attiré, de plus,

l'attention sur deux autres oeuvres du même peintre, le Pédicure et

l'Opération chirurgicale qui ne le cèdent en rien au précédent tableau

comme facture et comme finesse d'observation.

Nous reproduisons aujourd'hui le premier de ces deux tableaux

et nous analysons l'autre d'après des épreuves qui nous ont été com-

muniquées par notre ami Paul Richer, pour mieux mettre en valeur un

petit dessin inédit de la collection particulière de M. Charcot que

notre éminent maître, avec sa libéralité habituelle, a bien voulu mettre

à notre disposition.

Ce dessin, nous le croyons inédit, et son histoire paraît être intime-

ment liée aux deux toiles de Brauwer, l'Opération chirurgicale du

musée de Munich, et le Pédicure du musée de Vienne.

Examinons d'abord notre dessin (pl. XV). Dans l'échoppe d'un rebou-

teur, barbier, chirurgien quelconque, un pauvre diable, tâcheron ou

paysan, est assis sur une chaise dont l'un des montants supporte son

chapeau de feutre. Le pied gauche repose sur un billot carré, les deux

mains se rejoignent en anse sous le creux du jarret. La figure exprime

l'attention, sinon l'anxiété; peut-être une pointe de douleur perce-

t-elle dans la physionomie.

C'est que le maître du lieu, le chirurgien de campagne, est occupé à

pratiquer sur le pied du patient une opération, bien simple d'ailleurs,

et qui semble n'être autre qu'un pansement, l'enlèvement d'un em-

plâtre par exemple. Au premier plan git le soulier du voyageur, soulier

commun, encore en usage dans certaines congrégations religieuses;

sur le même plan et par terre une paire de ciseaux. A droite deux

1. Lecrosnier ct Babé, éditeurs, 1885.

NOUVELLE Iconographie T.ttI.PL.XV

1

PHOIOCOLLOGRAPHIE CHI'"NE & Longuet

DESSIN Inédit D'ADRIEN BRAUWER

(Collection du P'' J.-M. Charcot)

. LECROSNIIIR & BABÍ, Editeurs

NOUVELLE Iconographie T. III. P. XVJ

PHOTOCOLLOGRAPHIE CHI'oNt : & Longuet

ADRIEN BRAUWER - LE PÉDICURE

(Musée de Vienne)

Lecrosnier Je Babé, Editeurs

UN DESSIN INÉDIT D'ADRIEN BRAUWER. 95

vases, deux dames-jeanne, probablement remplies de quelque liquide

bienfaisant. Sur l'une d'elles se lit, assez mal d'ailleurs, le mot Rose ou

Rosat. Nous n'insistons pas.

Au deuxième plan, la maîtresse de céans assise devant un comptoir

contemple la scène avec beaucoup plus d'intérêt que d'émotion. Sa main

droite plonge dans une petite boite de forme assez singulière, qui

renferme peut-être des objets de pansement.

Au fond et à gauche, dans une officine, un homme vu de dos pile des

drogues dans un mortier. '

Le tableau du musée de Munich est plus important et plus intéres-

sant encore. Un voyageur s'est blessé le pied, il a quitté son soulier,

pareil à celui de notre dessin, et l'a déposé à côté de son léger bagage

de voyageur pédestre. Le barbier - car c'est bien un barbier, les

figures du dernier plan de droite représentant un employé rasant un

client en font foi -s'est agenouillé dans une posture pleine de naturel.

La main droite tient d'une façon absolument correcte « comme une

plume à écrire » le bistouri qui fouille dans la peau pour arracher

quelque écharde. D'ailleurs, si l'instrument ne coupe pas, madame la

barbière en tient un de rechange tout préparé. Il est vrai qu'elle

n'obéira pas très rapidement à l'ordre donné s'il y en a - car elle

semble fort absorbée dans lacontemplation d'un ami qui cntr'ouvre la

porte et lui fait des signes d'intelligence pendant que.son mari est tout

entier à son opération.

Le tableau dii musée de Vienne (pl. XVI) se rapproche encore plus de

notre dessin.

Au premier plan, le patient dont les bras passés sous le jarret

donnent au corps une attitude particulière. Le pied gauche - près

duquel se trouve le soulier - repose sur un billot cette fois rond et

non carré; le montant de la chaise supporte toujours le chapeau du

blessé. Le maître barbier également à genoux enlève cette fois très

nettement un emplâtre, qu'il va du reste bientôt remplacer par celui

que sa femme est en train de couper. La boîte quadrangulaire assez

énigmatique du dessin est remplacée par un pot rond contenant à n'en

pas douter quelque matière emplastique.

A gauche, au fond, appuyé sur sa canne, un assistant regarde la

scène avec un intérêt ému. Adroite, au premier plan, les dames-jeanne

soigneusement étiquetées sont à leur place. Au fond un joyeux drille

cntr'ouvre la porte et se gausse des cris arrachés au malheureux par

l'opération car il paraît que, cette fois, celle-ci ne s'est pas faite

sans douleur, si nous considérons la physionomie de l'infortuné

patient.

Et tout cela merveilleusement observé : soin attentifs du barbier;

96 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1'l : 'I'PII : E.

indifférence de la commère qui, lorsqu'elle ne coupe pas l'emplâtre, fait

des signes d'intelligence à quelqu'un qui ne lui est certainement pas

indifférent; cris de douleur du patient; pitié ou raillerie des assis-

tants, tout cela forme un ensemble de détails parfaitement observés et

soigneusement mis en lumière.

Que devient dans tout cela notre dessin qui n'est en aucune façon la

copie servile des deux tableaux ?

Deux hypothèses se présentent. Est-il dû à un élève de Brauwer qui

voulut faireTesquisse d'un tableau en interprétant les oeuvres de son

maître ? Cela est peu probable.

N'est-ce pas simplement une idée jetée sur le papier par le maître

lui-même avant la peinture des deux oeuvres des musées de Vienne et

Munich ? Cela est très vraisemblable.

Mais ce qui nous paraît plus probable encore c'est que le dessin sert

d'intermédiaire aux deux tableaux. Incontestablement Brauwer fit avec

quelques variantes deux tableaux sur le même sujet. Le premier fait-

nous supposons que c'est celui du musée de Munich - désireux d'en

faire un second, il chercha une variante et nous voyons dans notre

dessin l'expression d'un de ses efforts.

Les deux hypothèses se confondent d'ailleurs. Mais, pour satisfaire

toutes les opinions, nous intitulerons la planche XV : Dessin d'Adrien

\BraMwe}'; élude pour les tableaux des musées de Vienne et de Munich.

GILLES DE la TOURNETTE,

Ancien Chef de clinique des maladies du système nerveux.

Le gérant : Emile LECIt05\IEIi.

3Ja;l. - MO'iikiio ? - 1-éliiiies, B, lue Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS;

HYSTÉRIQUES !

1

L'étude des bâillements hystériques est de date récente, car nous ne

connaissons aucun travail sur ce sujet avant la Leçon du mardi, 23 octo-

bre 1888, dans laquelle M. le professeur Charcot présenta aux audi-

teurs de la Clinique la malade qui fait l'objet de notre première

observation i. 1

Avant cette date, les recherches bibliographiques que nous avons

faites sont restées muettes sur cette manifestation dont nous pouvons

aujourd'hui rapporter cinq observations, y compris celle qui sert de

base à la leçon de M. Charcot. Trois d'entre elles ont été recueillies

dans le service de la Clinique. Nous pouvons en conclure, en nous

basant surtout sur le grand nombre d'hystériques qui fréquentent la

Salpêtrière, que c'est là une manifestation assez rare de la' névrose.

A ce titre, ces phénomènes méritaient d'être le sujet d'un travail

d'ensemble dans lequel nous rapporterons les opinions de notre émi-

nent maître, les corroborant par les nouveaux faits que nous avons

recueillis. '

Nous ne pouvons cependant passer sous silence un travail de M. Ch.

Féré, publié ici même', sur les Bâillements chez un épileptiq1le,

dans lequel cet auteur distingué parle également du bâillement chez

1. J ? I. Clarcot, Leçons du mardi à la Salpêtrière; lSS ? lSS\J, p. 1 et suiv.

- ? Nouvelle Iconographie de la Salpètrière, 1888, L. I, p. 163.

m. 7

98 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

les hystériques. « Ce phénomène, dit-il, estfréquentdans les psychoses

à forme dépressive', dans l'hypocondrie, la mélancolie; on le voit

aussi dans l'hystérie. Dans cette dernière névrose, il peut tenir au

ralentissement général des phénomènes nutritifs ou constituer une

sorte de spasme. »

Le passage est trop court pour nous fournir des matériaux à utiliser

dans une description; nous emprunterons toutefois à ce travail les

éléments d'un diagnostic différentiel. Aussi bien, du reste, n'est-ce pas

presque toujours avec l'épilepsie que le diagnostic s'impose lorsqu'il

s'agit de manifestations hystériques ?

Nous ajouterons qu'il ne s'agira pas dans notre description des bâil-

lements qui peuvent survenir dans l'hystérie comme dans tout autre

état pathologique ou même physiologique, mais bien de phénomènes

relevant directement de la névrose au même titre que la toux, la

dyspnée, la chorée rhythmée qui, du reste, comme l'a montré M. le

professeur Charcot, s'entremêlent parfois avec la manifestation patho-

logique dont nous allons parler.

II

On peut concevoir que les bâillements soient la première révélation

de l'hystérie, mais cela ne ressort pas de nos quatre observations où

toujours ils ont été précédés d'autres phénomènes ne laissant aucun

doute sur l'état pathologique du sujet. Ces manifestations antérieures

peuvent être fort variées : on s'en fera, du reste, une idée par la lecture

des quatre cas suivants, particulièrement du premier et du troisième

qui furent pendant longtemps l'objet d'une observation attentive.

Ler..., Augustine, dix-sept ans, domestique, est entrée le 7 août

1888, à la Sapêtrière, service de la Clinique des maladies du système

nerveux.

Antécédents héréditaires. -Père inconnu. Mère, trente-cinq ans,

domestique, est nerveuse, vive et emportée, mais n'a jamais eu d'at-

taques de nerfs. Les grands-parents maternels ne paraissent pas avoir

eu d'antécédents nerveux. Une tante, âgée actuellement de vingt-

quatre ans, a eu, à dix-huit ans, « une maladie de nerfs » caractérisée

par un hoquet persistant qui a duré trois mois; elle n'a jamais eu

d'attaques convulsives. Une autre tante (trente et un ans) et deux oncles

(dix-neuf et sept ans) sont bien portants.

Antécédents personnels. - La malade a été élevée à la campagne,

chez sa grand'mere,. jusqu'à l'âge de quatorze ans. Son dévelop-

chez sa gran mer jusqu'à 1"go de quatorze ans. Son dévelop-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 99

pement, pendant la première enfance, paraît avoir été régulier jusqu'à

l'àge de trois ans. Depuis cet âge jusqu'à huit ans, elle a eu fréquem-

.ment des attaques convulsives revenant par moments presque tous les

jours et même plusieurs fois par jour; elle tombait, perdait connais-

sance, mais, d'après ce qu'elle a entendu raconter, elle se débattait

peu, tout son corps se raidissait et la face était violacée ; pas de mor-

sures de la langue, pas de mictions involontaires. A huit ans, elle eut

une série d'attaques plus longues, ayant duré plus de vingt-quatre

heures. - Un peu plus tard, elle fut atteinte d'une chorée qui dura

trois mois. A cette époque, les personnes qui la soignaient essayèrent

à plusieurs reprises d'arrêter les mouvements choréiques en lui

attachant les bras, mais ces manoeuvres n'eurent d'autre résultat que

de déterminer des attaques convulsives avec perte de connaissance.

Un an après, elle fut reprise de chorée, pendant le même temps environ.

De neuf à dix-sept ans, Ler... n'a pas eu d'attaques et est restée

indemne de manifestations morbides. Elle n'a jamais eu de rhuma-

tisme.

Elle était, depuis l'âge de quatorze ans, domestique chez une vieille

dame aux environs de Paris, lorsque, vers le commencement du mois

de mai de cette année elle fut prise, sans cause appréciable, d'enroue-

ment en môme temps que d'une toux quinteuse et continuelle. L'en-

rouement était très prononcé et la voix se trouvait presque entièrement

voilée. La toux sèche et quinteuse persistait pendant toute la journée,

puis disparaissait pendant la nuit pour reparaître le matin au réveil.

Néanmoins la malade avait un sommeil très agité et tombait souvent

de son lit, mais elle ne saurait dire si, à ce moment, elle avait des

attaques convulsives. Comme ces troubles persistaient, elle se décida,

au bout d'une quinzaine jours, à consulter un médecin. Parmi diverses

médications employées, des injections sous-cutanées, d'éther, dit-elle,

pratiquées tous les deux jours, ont réussi seules à calmer sa toux

mais seulement pour quelques heures, ou un jour entier au plus.

L'enrouement disparut bientôt et, quelque temps après, la toux se

calma; mais, vers le commencement de juin, apparut un bâillement

continuel, entrecoupé par moments de quintes de toux, semblable à

celui qui persiste encore aujourd'hui.

En outre, dans le courant de juillet, elle fut prise d'anorexie

«'accompagnant de vomissements dès qu'elle essayait de prendre

quelque nourriture. Toutefois, l'intolérance de l'estomac pour les

aliments n'était pas complète; si, après avoir vomi ce qu'elle venait

de prendre, elle persistait à manger, l'estomac conservait alors les

aliments. (On la nourrissait presque exclusivement, à ce moment, avec

du lait et de la poudre de viande.)

100 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAI.I'LThIÈIIL.

Celte anorexie et ces vomissements cessèrent bientôt, au bout d'une

quinzaine de jours; mais comme les bâillements persistaient et ne se

trouvaient modifiés par aucune médication, pas même par les injec-

tions sous-cutanées, qui précédemment avait arrêté pour un instances

quintes de toux, la malade se présenta'j'au commencement du mois

d'août à la consultation de la Salpêtrière et fut admise dans le service

de la Clinique.

Actuellement, le phénomène prédominant est le bâillement, qui se

continue sans trêve pendant la journée entière et ne cesse que pen-

dant le sommeil. Par moments, les bâillements sont entrecoupés de

quintes de toux. Le rhythme respiratoire se trouve complètement mo-

FJG. 37. - Respiration costale supérieure de Ler... Augustine. inscrite avec le pneumographe de

Marey pendant 4 minutes consécutives (11 août 1888). -'Amplitude du levier au maximum. Chaque

ligne représente une fraction de minai 'e z secondes (une demi-grandeur naturelle).

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 101

difié et la respiration ne s'effectue pendant plusieurs minutes consécu-

tives que par bâillements seuls ou par bâillements entrecoupés de se-

cousses de toux. Les tracés suivants, recueillis avec le pneumographe

de Marey, permettent de se rendre compte de ces modifications.

Sur la figure 37, le mode respiratoire a été inscrit pendant quatre

minutes consécutives. Pendant les deux premières minutes, représen-

tées par les deux lignes inférieures (la figure représente 32 secondes

de chacune de ces minutes), la respiration normale est remplacée

par des bâillements. Pendant les deux autres minutes (voir les deux

lignes supérieures), des secousses de toux apparaissent entre les bâil-

lements.

Sur la figure 38, les secousses de toux sont encore bien plus mar-

quées.

Les bâillements, comme on peut le voir sur les tracés qui précèdent

ou sur ceux qui suivent, sont parfois simples, c'est-à-dire figurés par

une seule inspiration suivie bientôt d'une expiration brusque, mais, le

plus souvent, ils sont composés par deux ou plusieurs mouvements ins-

piratoires successifs, séparés par une expiration incomplète.

Ils s'accompagnent rarement de pandiculations; seulement la ma-

lade porte fréquemment l'une ou l'autre main devant sa bouche pour

masquer son bâillement.

Il existe des stigmates permanents de l'hystérie : anesthésie totale

du bras droit; anesthésie de la moitié droite du tronc, en arrière

seulement; rétrécissement concentrique du champ visuel à ! 0°, des

deux côtés; dyschromatopsie pour l'oeil droit : le rouge et le jaune

sont seuls nettement perçus; abolition presque absolue du goût et de

l'odorat des deux côtés; diminution delà sensibilité pharyngée; dimi-

Fin. 38. - Respiration costale supérieure de Ler... (Il août. 1888).

1'ow (T) et bâillements (B). -. Mêmes conditions que pour la figure 37.

102 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

nution de l'ouïe du côté droit; douleur provoquée par la pression

de la région ovarienne gauche. ,

La malade a été réglée pour la première fois à l'âge de treize ans;

depuis cette époque, les règles ont été régulières jusqu'au début des

accidents actuels, mais elles n'ont pas paru depuis le mois d'avril. Il

n'existe cependant aucun signe de grossesse.

De taille moyenne, elle conserve un embonpoint'modéré et un bon

état de la santé générale malgré les troubles anorexiques et les vomis-

sements dont elle a souffert. pendant quelques semaines avant son

entrée.- - ... . . ,

le.. septembre. - Les bâillements persistent à peu près aussi fré-

quents et conservent les mêmes caractères; toutefois les secousses de

toux nerveuse qui les accompagnaient souvent sont devenus beaucoup

plus rares.

Le tracé suivant (fig. 39), représente la respiration de la malade

pendant 8 minutes consécutives (chaque ligne correspond il 32 secondes

de chacune de ces 8 minutes). Il montre que la respiration s'effectue

uniquement par bâillements; les intervalles séparant les bâillements

sont marqués presque tous par une apnée complète en expiration,

durant de il 7 et 9 secondes. Il existe en moyenne de sept à huit

bâillements par minute. - Le pouls est régulier mais peu fré-

quent, cinquante-six pulsations par minute, aussi bien avant qu'après

l'inscription du tracé.

Dès les premiers jours de sa présence la Salpètrière, on a ^remarqué

des crises un peu spéciales, revenant irrégulièrement à deux ou trois

jours d'intervalle, et se montrant principalement après les quintes de

toux : lamalade s'endort tout à coup, lecorps et les membres sont raides

et contracturés, et elle reste inconsciente pendant un temps variable,

de un quart d'heure à une ou deux heures. Elle présente souvent

du délire, pendant quelques minutes, au moment où elle se réveille..

Depuis quelques jours les crises sont plus complètes et se rapt

prochent davantage de l'attaque d'hystérie ordinaire. Elles sont annon-

cées actuellement par un sentiment d'étouffement ou par la sensation

d'une boule montant de l'épigastre à la gorge ; en même temps, la

malade entend des bourdonnements dans les oreilles, puis elle perd

connaissance.

Des convulsions cloniques assez étendues apparaissent alors, puis

l'attaque se termine habituellement par un sommeil analogue à celui

des crises précédentes. D'autres fois, les bâillements représentent de

véritables crises précédées des phénomènes d'aura que nous venons

d'indiquer. Pendant ces crises, on observe presque toujours un

mélange de quelques autres phénomènes appartenant à l'attaque ordi-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES, 103

naire : raideur des bras avec contracture, secousses classiques des

quatre membres, demi-inconscience au réveil avec léger délire.

Les mêmes stigmates que ceux qu'elle présentait à son entrée exis-

tent toujours. 1

z15 octobre. -Les troubles précédents se sont notablement amendés. 1

1

La malade reste de plus en plus longtemps sans être prise de ses bail- 1

lements; lorsque ceux-ci reviennent, ils sont moins fréquents et sur- ' 1

tout il existe entre chaque bâillement des mouvements respiratoires

ordinaires se rapprochant plus ou moins de la respiration normale.

Les deux tracés suivants en fournissent la preuve. *

La figure 40 représente la respiration de la malade inscrite pendant'

FIG. 30. - ncspilalion costa)es))perioredoLor...in9critependant8 8 minutes consécutivos (1er sep- li'

tembre 1888). Amplitude du levier au minimum. - Chaque ligne représente une fraction de '

minute de 32 secondes (une demi-grandeur naturelle), ,

1

10-1- NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

5 minutes consécutives (chaque ligne reproduite ici correspond à

49 secondes de chacune de ces minutes). Il existe encore quelques

bâillements séparés par une apnée complète en expiration; mais entre,

la plupart des autres les mouvements respiratoires reparaissent; peu

o

"

.2 '5'

ii z

S s

00 ' " ·

..= 9'= "S

0"" "=

o c

en v ? ? ==

0'" Cï "^

3 c

1 1

C

E "S

a g

il .- ? 3

. .g

t; C)

S g : £

"s

a

C) of :

S&

u

= C

l te

*o ^

c-

s «

if

V "

s I

c

O . :

'S.'g "

PC =

1 ;

I *

g

..¡; :

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 10;;

nombreux et superficiels par moments, ils sont, par d'autres, plus fré-

quents et plus amples bien que encore assez irréguliers.

La figure 41 présente les mêmes caractères, avec celle différence

toutefois, qu'en plusieurs endroits, les mouvements respiratoires sont

plus réguliers et se rapprochent davantage des mouvenen ts '1'espira-

e

55-ë c

ce .

00 : :

- S ?

C c

»

o

GO

3 o .1 "

s °

0> -

.ji

«o 3 : :

o 0

- g

en n

.§ -5 : J

g : : »

S '"

0 ?

y *

r o

.5.f

"

'" "

U GO C

;- : E j

I

ao =

'5 5

0.=

u s

c ?

o - z

S S

0..

en O

S s

G <o

... ? "3

""0 U

2 3

"* «

go

C

I

106

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

toires normaux, comme on peut s'en assurer en jetant les yeux sur la

figure 42. Celle-ci représente la respiration d'une autre hystérique du

service. Ici les mouvements respiratoires sont normaux, plus fréquents

cependant que d'ordinaire, en raison de l'émotivité très grande de

S

s

- <

I

- S

a

v

s

OE-

G 'B

§1 n F

« 5

11 F G

- ta

o i

si 'S U

o «

'" «

m a

'S G

o c

7 S

g- g

- G

·G ^

"" 3

O X

g .Si ë

o «

v

o

s

«

es

ni

ni

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 107;

cette malade; ils présentent aussi, par intervalles assez longs, des ins-

pirations plus profondes et supplémentaires (soupirs).' . , >

(Nous reproduisons encore ici (tï. /.3), à titre de comparaison, le

tracé de bâillements produits chez une hystérique, mise en .nrésence

de la malade qui fait l'objet de cette observation, après avoir été placée

c© *

' : 2 ?

Y.

'

.

> o . --t.

p O

"-0.; : .= : «

" . i.

h7

" "

E 2

m 0 "'il

o ï3 S

.3 .2 a s

,,2-

03 S

" " - E " " 3

11 E

'" ..

s '" '-

] £

ë)';

' ! ? '"

S .3

. c :

¡;<

a '

C

o

. E

«

I

3 ? ci

w

108 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 8ALPf;TRIERE.

en état de somnambulisme provoqué. Bien que ces bâillements pro-

duits par imitation représentent assez bien, à première vue, les bâil-

lements de la malade, le tracé y décèle des différences notables : les

bâillements y sont presque tous uniques, composés d'un seul temps

et non de deux ou trois bâillements secondaires, comme chez la

malade; de plus, l'inspiration et l'expiration sont séparés par un pla-

teau inspiratoire assez prolongé).

La malade a quitté la Salpêtrière, le 31 octobre 1888, à peu près

guérie de ses bâillements. Ceux-ci ne reviennent plus qu'à de longs

intervalles et par accès assez courts. En dehors de ces accès, la respira-

tion est redevenue normale. Les quintes de toux ont disparu depuis

longtemps. Les crises convulsives sont aussi devenues très rares, mais

les stigmates hystériques, que nous avons signalés plus haut, persis-

tent.

Le traitement suivi a consisté en électrisatiou statique, hydrothé-

rapie; et, a l'intérieur, préparations ferrugineuses.

ORS. Il. - Mme X... vingt-cinq ans, vient à Paris consulter le

Dr Auvard, pour des troubles utérins (octobre 1888).

La mère de la malade a des crises d'hystérie. A partir du moment

où elle a commencé à être réglée, Mme X... a souffert de douleurs très

vives dans le bas-ventre à chaque période menstruelle. De plus clic

riait et pleurait sans motifs d'une façon excessive.

Elle s'est mariée il y a deux ans, et est accouchée il y a huit mois

d'un enfant bien portant. Pendant sa grossesse sont survenus chez elle

des accidents nerveux variés. Elle avait parfois la sensation d'une

boule qui lui remontait jusqu'à la gorge; elle avait alors des siffle-

ments d'oreille, des battements dans les tempes; il lui semblait qu'elle

allait défaillir. Parfois alors survenait une attaque véritable avec cris,

contorsions, etc.

Quelque temps après l'accouchement, survint un gonflement du

ventre avec douleur dans le flanc gauche. Ce gonflement d'abord inter-

mittent devint ensuite permanent et la malade se croyant atteinte

d'une péritonite ou d'une affection des organes génitaux vint consul-

ter le Dr Auvard qui, ne trouvant aucune altération de ces organes et

pensant à des troubles purement nerveux voulut bien demander

à M. Gilles de la Tourette d'examiner la malade avec lui.

Nous constatons chez MmeX... une hémianesthésie gauche incom-

plète avec perte du sens musculaire de ce côté, sensation de pesanteur

des membres gauches qui sont faibles; la main gauche laisse parfois

échapper l'objet qu'elle tient. Ovarie gauche.

'Mais, ce qui frappe le plus vivement notre attention, ce sont les bail-

Nouvelle Iconographie Dr In SALTÍ.7F : 1F1-F T. 111 PL. XVII

P.H)TOr\lPJ : , ) 11·o.e7nr A. LONDE

PN070C0170GRAPIiIF CIiINF h L('INt' :

BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES (état normal)

Llrl,O"'N11- &. U",¡ ? pO7ltVRb

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 100

lements réitérés qui affectent la malade pendant la durée de notre

examen. A des intervalles très rapprochés, elle porte la main à sa bou-

che essayant de retenir un bâillement qu'elle ne peut vaincre. Inter-

rogée par nous au sujet de ces bâillements, elle nous dit que depuis

trois mois environ elle est obligée de bâiller sans cesse toute la

journée. ,

Ces bâillements sont régulièrement espacés, au nombre de douze

par minute, tout au moins pendant la durée de notre examen ; quel-

quefois ils sont incomplets, ce qui, dit la malade, la fatigue beaucoup.

Elle semble éprouver une sorte de soulagement lorsque le bâillement

est [franc et large. Ces bâillements ne sont pas accompagnés de pari-

diculations. ,

OBs. 111. - La nommée Rosalie Gay... (pl. XVII) est entrée à la Sal-

pêtrière au mois d'avril 1890. Elle est âgée de,vingt-trois ans et exerce

le métier de couturière.

Antécédents héréditaires. ° Côté paternel. - Son père est atteint t

d'une maladie de coeur. Il est sujet à de violentes colères. Son grand- I

père est mort fou et sa grand'mère avait des attaques de nerfs. 1

2° Côté maternel. - Là mère est emportée, coléreuse, elle n'a jamais

eu d'attaques de nerfs. La grand'mère est peu connue. Le grand-père

est mort d'accident. , .

La malade a une soeur qui est bien portante. , ,

Antécédents personnels.. z Elle eu la rougeole étant enfant. Vers

douze ans, elleeut unebronclitc et, depuis celte époque, elle futsujefte à

des crises nerveuses précédées d'étourdissements et accompagnées de

perle de connaissance. Ces attaques ne duraient que peu de temps. La

malade poussait des cris aigus, se plaignait d'une violente douleur au

coeur et à l'estomac. De plus, les membres supérieurs étaient agités de

mouvements convulsifs d'une. certaine violence. Les crises revenaient

périodiquement deux ou trois fois par mois. , .

Plus tard, elles augmentèrent de fréquence et d'intensité et, en février

1886, elle fut soignée à la Salpêtrière dans le service de M. le' Dr .Joll'rqy

qui la soumit à un traitement hydrothérapique. Elle sort de- l'hôpital

en juillet de la même année; les crises nerveuses n'étaient .point

guéries. Elles persistèrent ainsi jusqu'au commencement de 1889.

A cette époque, la malade- voyant que tous les traitements employés

restaient sans résultat, eut l'idée d'aller consulter le zouave' Jacob.

.Elle se rendit chez cet individu quatre fois. A la quatrième fois, il

parvint, dit-elle, à l'endormir; mais, à la suite de cette séance, elle eut

une grande crise de nerfs pendant laquelle se manifestèrent pour la

première fois des bâillements incoercibles tels qu'on les remarque

110 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1'1 : 1'Itll : r.l;. '

aujourd'hui. Pendant cette première attaque, il y eut une courte

période de convulsions avec perte de connaissance, puis les buille-

ments succédèrent et durèrent environ une demi-heure.

Depuis lors, les attaques se sont succédé très fréquentes et très vio-

lentes. La malade dit en avoir de deux espèces différentes, les unes

simples, les autres avec bâillements.

, Les premières,en réalité les mêmes que celles dentelle soutirait depuis

l'âge de douze ans, reviennent toujours deux ou trois fois par mois. La

malade peut les prévoir près de douze heures à l'avance, car elles sont

précédées, pendant tout ce temps, de vives douleurs dans la tête. Elle ne

tombe pas par terre, mais reste dans la position où elle se trouve, se

cache la figure avec ses mains et pousse des cris aigus. En même temps

des mouvements choréiformes rhythmiques agitent les membres, en

particulier les membres inférieurs. Le pied frappe violemment le sol.

De temps en temps interviennent des mouvements de salutation

rhythmés, assez lents, d'une violence modérée.

Les attaques n° 2 au contraire des précédentes, qui ne se repro-

duisent guère que de temps en temps, surviennent avec une très

grande fréquence, sous l'influence de la moindre contrariété.

Elle ressent, avant ces crises, au niveau de l'estomac, une sensation

de boule qui remonte vers la gorge, l'étouffe et l'empêche de respirer.

Puis elle se met à bâiller d'une façon convulsive et incoercible pen-

dant un temps qui peut dépasser une demi-heure.

Pendant ce temps, la connaissance est absolument conservée. La

malade entend ce qu'on dit, mais ne peut répondre, car elle ne cesse

de bâiller et ses muscles abaisseurs et élévateurs de la mâchoire sont

alternativement dans un véritable état de contracture.

Puis surviennent quelques mouvements rhythmiques des membres

supérieurs et inférieurs, ainsi que des mouvements lents de salutation.

La malade se penche en avant et finit par se trouver complètement

pliée en deux, la poitrine contre les genoux.

Enfin les bâillements reviennent, mais moins violents, quoique tout

aussi incessants qu'au début de l'attaque. Ils permettent cependant à

la malade de marcher et même de vaquer à ses occupations tout en

bâillant ainsi pendant un temps qui peut être assez long.

Etat actuel. - Les stigmates hystériques ne sont pas très déve*

loppés, mais suffisants néanmoins pour confirmer le diagnostic.

La sensibilité est conservée dans tous ses modes à droite. Elle est

légèrement diminuée à gauche. 11 existe une légère hyperesthésie pour

la chaleur au niveau de la cuisse gauche. '

L'odorat, normal à l'examen, esl, dit-elle, obnubilé certains jours

' lorsqu'elle doit avoir sa crise nul. - L'ouïe est normale. 1 ;

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

T. III. PL. XVIII

PHOTOTYPE I;f'GATIr A. LONdE £

BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES

Lecrosnier A 13ne, Éditeurs

PHOTOCOLLOGRAPHIF CptXE 3, 1-0OUFT

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 119

Il est à noter que les bâillements qui surviennent à l'état isolé sans

se. grouper sous forme d'attaques n'influencent pas les phénomènes

nutritifs. Il faut, pour les bâillements comme pour les autres mani-

festations hystériques, qu'il y ait crise pour que les modifications se

produisent. Nous insistons sur ces données chimiques, car si le doute

pouvait exister entre les attaques de bâillements hystériques et les

accès de bâillements épileptiques, l'analyse des urines trancherait vite

la question, étant donné, ainsi que l'ont démontré MM. Lépine et Mairet,

que l'accès d'épilepsie, à l'inverse de l'attaque d'hystérie augmente

considérablement le taux du résidu fixe et particulièrement de l'urée

sans inversion de la formule des phosphates.

Terminons en disant que, ainsi que l'avait fait M. Charcotà son cours,

nous avons pu reproduire par imitation ces bâillements chez une

hystérique mise en somnambulisme hypnotique. Dans ce cas, ainsi

qu'on pourra le voir sur le tracé (fit. 43), l'amplitude de l'inspiration

constitutive de ces bâillements simulés nous a paru se rapprocher

beaucoup plus de l'amplitude du bâillement physiologique que de

celle du bâillement hystérique proprement dit.

GILLES DE la TOURETTE, 11UET, GUINON,

Clinique des maladies du système nerveux.

UN CAS DE M T L A N (; 0 L r E . (; A TA LEP TT Ii' 0 fLvI E

Kahlbaum, en 187, décrivit le premier une forme nouvelle d'affec-

tion mentale qu'il désigna du nom de catatonie. Si les auteurs

étrangers lui font, pour la plupart, depuis cette époque, une place

dans les traités des maladies mentales, on ne la connaît guère en

France que depuis l'étude critique très soignée que nous en ont

donnée MM. Séglas et Chaslin en 1888, dans les Archives de Neuro-

logie. Ainsi que le remarquent ces auteurs, les observations de Kahl-

baurn et de ceux qui l'ont suivi sont loin de répondre complètement,

pour la plupart, au tableau clinique qu'en a tracé Kahlbaum lui-

même, et l'on est encore en droit de se demander si l'on a affaire à

une entité morbide spéciale, ou à une simple variété de mélancolie.

M. Séglas est assez hésitant encore pour ne pas désigner du nom de

catatonie, mais simplement de celui de mélancolie cataleptique, un

cas très complet et très intéressant, qu'il a publié ici même l'an

dernier', et qui cependant se rapporte à beaucoup de points de vue

au tableau de la catatonie typique. Nous imiterons cette sage réserve

dans la désignation de l'observation qui va suivre, et que nous avons

cru utile de publier à titre de document, les cas de ce genre étant

relativement rares, surtout chez nous.

Emile J..., âgé de vingt-trois ans, entré le 2 août 1889, salle Pruss,

dans le service de M. le professeur Charcot.

Antécédents héréditaires. - Nous ne relevons rien de bien parti-

culier au point de vue nerveux, ni du côté de son père ni du côté de

sa mère. Son père est bien portant; il n'est ni alcoolique ni arthri-

tique. Les grands-parents paternels sont morts sans avoir présenté,

ni dans le cours de leur existence, ni dans la maladie terminale, aucun

accident nerveux. Il en est de même pour les collatéraux de la même

branche.

Sa mère et les parents du côté maternel ne présentent pas davan-

tage d'hérédité nerveuse.

Deux soeurs sont mortes en bas âge, mais on ne sait de quelle maladie.

1. Nouvelle, Iconographie t. II, p. 65, 1889.

UN CAS DE MÉLANCOLIE CATALEPTIFORME. 121 1

Deux frères sont actuellement bien portants et n'ont jamais eu le

moindre trouble nerveux.

. Antécédents personnels. - Quoiqu'il ait toujours été chétif il n'a

cependant jamais été malade dans sa première enfance. Mis en classe

de six à douze ans, il s'y est montré intelligent et a toujours eu de

bonnes notes et de bonnes places.

A treize ans, il a eu la variole. Il venait d'entrer en apprentissage

chez un plumassier. Depuis cette époque il a toujours conservé son

métier, ne changeant de maison que pour gagner davantage et sans

que ses patrons aient jamais eu à se plaindre de lui.

A dix-huit ans, il a fait connaissance d'une femme plus âgée que

lui. Il ne paraît pas avoir fait d'excès vénériens et ne s'est jamais

adonné à la boisson.

En 1887, au mois de novembre, il est parti pour faire un an de

service militaire; sans manifester de tristesse ni trop de regrets, il a

quitté sa famille et sa maîtresse.

Les lettres qu'il écrivit dans les premiers mois ne témoignaient

d'aucun trouble psychique et sa famille ne remarqua rien de parti-

culier lorsqu'il vint en permission, à Pâques, en 1888. Pendant ses

trois semaines de' congé, il alla même travailler chez son ancien

patron pour gagner quelque argent. Croyant que sa classe allait être

libérée, il a quitté ses parents, convaincu qu'il allait les revoir bientôt.

Pendant ce temps, sa maîtresse ayant entendu dire que la nouvelle

loi militaire, la loi de trois ans, allait être appliquée et qu'Emile

allait être retenu sous les drapeaux, prit un autre amant. Emile J...

n'en parut pas trop contrarié, car il songea à se marier dès son

retour, et chargea ses parents de lui trouver femme.

Peu de temps après, apprenant qu'il n'allait pas être libéré, il s'en

affecta, et c'est à partir de ce moment qu'on commença à constater

chez lui quelques troubles psychiques. Il écrivit peu à sa famille et

son écriture, au dire de son père, n'était plus la même, mais rien

cependant ne révélait de trouble mental.

Bientôt, il ne donna plus de ses nouvelles. Il serait tombé malade de

janvier à Pâques 1889, mais on n'a que très peu de renseignements

sur les accidents qu'il a présentés à ce moment. Des camarades du

régiment ont raconté qu'il n'avait déjà plus à cette époque sa tête à

lui ; il allait à l'exercice, restait immobile, n'obéissait plus au com-

mandement et ne pouvait plus suivre les marches militaires. Aussi

fut-il placé à la cantine, exempté du service actif. Il put cependant le

reprendre au bout d'un certain temps.

Mais un jour, des camarades lui ayant jeté de l'eau sur la tête en

manière de plaisanterie et l'ayant enfermé au lavabo, il se mit dans

122 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

une violente colère, brisa des carreaux et se fit aussi au bras des

blessures qui nécessitèrent son admission à l'hôpital et dont on voit

encore les traces.

En juillet, renvoyé dans ses foyers, sous prétexte de convalescence,

on prévint ses parents de venir le chercher à la gare. Il arriva accom-

pagné par un sergent et deux hommes qui racontèrent que depuis

quelque temps il ne disait plus rien, restait immobile, urinant dans

son lit. - -

Quand il vit ses parents, il ne parut pas les reconnaître, ne leur

adressa pas un seul mot et ne répondit à aucune question. Ce n'est

que quelque temps après qu'il dit tout à coup : « Bonjour, papa; je

vais m'asseoir, puis je vais chanter. » Il s'est ensuite mis à manger et

a dormi dans un fauteuil toute la journée.

Ayant été vu par un médecin, il fut envoyé tout de suite à la Salpê-

trière.

A son arrivée, il restait assis dans un fauteuil, ne disant absolument

rien, la tête inclinée, les poings fermés placés sur ses genoux, le corps

penché en avant. Les piqûres, les pincements, les menaces, les ordres

ne parvenaient pas à le sortir de son attitude.

Lorsqu'il était dehors, il se promenait la tête baissée, à grands pas;

puis, tout à coup, se mettait à courir au pas gymnastique et s'arrêtait

brusquement en criant : Halte ! Il venait inopinément auprès des

personnes, les regardait en face, leur riait au nez ou leur faisait des

grimaces menaçantes, puis repartait sans rien dire, comme il était

venu. Ses façons étaient si bizarres qu'on se demanda au début si l'on

n'avait pas affaire à un simulateur.

D'autres fois, il faisait de la boxe ou dansait, ou manoeuvrait mili-

tairement et courait quelquefois des heures entières dans le jardin sans

s'arrêter.

Lorsqu'il était immobile et qu'on voulait le faire se lever et marcher,

il refusait et opposait une résistance systématique préférant se faire

traîner ou porter que d'obéir. Il offrait la même résistance, si on

voulait l'arrêter quand il était en mouvement.

Au mois de janvier 1890, il a présenté pendant trois- semaines

environ, une phase d'excitation. Il se levait la nuit criant au voleur, à

l'assassin, hurlant comme si on le maltraitait, puis, un moment après,

se mettait à chanter. Il cassait tout ce qui lui tombait sous la main;

ramassait toutes les saletés qu'il rencontrait, en bourrait ses poches ;

il mangeait de la terre, des feuilles mortes, il buvait son urine, défé-

quait dans ses mains et disait qu'il voulait manger ses excréments

ou les conserver en souvenir. 1

Pendant cette période d'excitation, il refusait de manger et on était

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière

III FIL. XIX

Phototype NÉGA711, A. LONDE PF1070COLLOGRAPfIIE CH}Nl : & L0l : f.VFT

Attitude spontanée dans la mélancolie CATALEPTIFORME

L. CROSNI1 : : R & BABÉ, LDITkURS

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES, lit

' La perception des sensations gustatives est notablement moins vive

sur la moitié droite de la langue que sur l'autre moitié.

Il existeun rétrécissement concentrique un peu irrégulier du champ

visuel dans les deux yeux. ,

. La malade porte plusieurs points hystérogènes caractéristiques, l'un

dans la fosse iliaque droite, l'autre dans la même région à gauche. Il

existe aussi un point sous-mammaire du côté gauche. Les points ovariens

arrêtent assez facilement l'attaque Ils la produisent aussi quelquefois,

mais non toujours. De plus, une simple émotion, par exemple le fait

d'entrer dans l'amphithéâtre des leçons à la Salpêlrière; pour-y être

présentée par M. le professeur Charcot à ses auditeurs, suffit pour

provoquer une attaque. - "

Il est bon de dire que les attaques ne sont pas-toujours aussi nette-

ment séparées que leur description, telle que nous l'avons donnée',

pourrait le laisser croire. Les deux se mélangent souvent. Cela est

même arrivé pour la plupart des attaques que nous avons observées.

L'attaque simple se manifeste seule quelquefois ; mais, le plus souvent,

actuellement du moins, elle est suivie ou précédée de l'attaque de

bâillements. ' . , ? ,

Ce ne sontpoint des bâillements ressemblant exactement à ceux que

l'on a l'habitude d'observer chez les personnes normales. Il y a chez

cettejeune fille une exagération de l'àcC'I)hysioI6gique tellè qu' qn 'a pu ?

sans la moindre difficulté, prendre à l'aidé de procédés qui n'ont' rien

d'instantané, les photographies quiontservi à établir la planche ci-contrè

, (pl. XVIII). L'exagération eh effet n'est pas seulement dans la répétition

, fréquente des bâillements, mais dans l'intensité extraordinaire et la

- \ durée de chacun d'eux. C'est véritablement dans un cas semblable que

1 l'expression « bâiller à se décrocher la mâchoire » paraîtrait justifiée.

\ Ce bâillement convulsif diffère encore du bâillement physiologique

^ par un autre point ; il n'est point accompagné de cette inspiration

\\ profonde, proportionnelle en- général, dans l'état normal, à l'intensité

\ du bâillement. Quand elle a la bouche ouverte la malade est ëninspi- ? <ration, et èlle ne fait point' d'expiration pendant tout le temps qu'elle

reste ainsi. Mais il's'agit lir d'une inspiration ordinaire, ne. soulevant

ipas le thorax outre mesure; D'ailleurs, quand la malade ouvre labbuche,

commençant un bâillement, on n'entend poinrie bruit, si caractéristique

-" et si difficile à masquer dans l'état physiologique,- qui vçcompabné

1 l'entrée brusque d'une grande quantité d'air dans la poitrine.1 A' la fin

du bâillement', l'expiration qui le' termine est en proportion d ? I'expr-

ration qui en a riuilqù'{le'c'oàÚn(mcemeni, c'est.à : dÍl;e forOE et : s'oüveIÍt

un peu bruyante a l'état normal. 'Chez notre. malade, on note aussi u'n'e

expiration forcée, souvent accompagnée d'un « Ah h), comme bâillerait

112 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI)È'1'111LI',E.

un individu mal élevé. Mais cela ne se remarque point toujours et la

plupart du temps le baiUcment, de la malade n'est point sonore.

OBS. IV. - Mlle Léontine M..., dix-neuf ans, se présente à la con-

sultation externe de la Clinique des maladies du système nerveux,

avril 1890.

Antécédents héréditaires. - Père cinquante-deux ans, rhumatisant.

Mère quarante-huit ans, rhumatisante, aurait eu des attaques étant

jeune. Soeur morte il dix-neuf ans de la fièvre typhoïde. Elle a eu des

attaques. Une autre soeur nerveuse, rit et pleure sans motifs. Frère

apathique, inintelligent.

Antécédents personnels. Histoire de la maladie. -La malade a été

réglée avant douze ans, assez régulièrement, si ce n'est que depuis

quelque temps elle perd beaucoup plus. Elle n'a jamais eu de

maladies antérieures, notamment jamais de danse de Saint-Guy.

Depuis environ un an elle s'est surmenée beaucoup. Elle est modiste,

et elle a dû veiller tard. Le soir, quand elle rentrait très fatiguée, elle

bâillait. Mais à ce moment ces bâillements n'avaient rien de morbide.

Elle avait très sommeil, en même temps elle était très fatiguée : son

bâillement s'expliquait.

Ce n'est que plus lard que ces bâillements sont devenus une véri-

table infirmité. Ils prennent la malade parfois le matin mais plus

généralement le soir vers 8 heures. Ils sont très longs, et la malade ne

peut les arrêter. Ils sont précédés d'une aura qui l'avertit que la crise

va la prendre.

Elle sent sa poitrine se serrer, une boule qui remonte à la gorge el

l'étouffe. Elle a en même temps des bourdonnements et des sifllemenls

dans les oreilles, les tempes battent avec force.

A ce moment, elle éprouve à l'épigastre une douleur plus ou moins

violente, avec sensation d'une poche énorme, faisant glou-glou et lui

semblant remplie de liquide.

Le bâillement arrive, répété, impossible il arrêter et durant parfois

une demi-heure et plus. En même temps, elle est très altérée.

Ces crises la prennent régulièrement deux à trois fois par semaine,

de 6 à 8 heures du soir. Elles rompent néanmoins parfois leur régu-

larité et sont matinales.

A la suite du bâillement survient une attaque, convulsive caractéris-

tique ; elle étend ses bras, les tourne en pronation, sa mâchoire infé-

rieure tremble au point de l'empêcher de parler correctement. Ce

tremblement s'étend jusqu'aux mains et aux membres inférieurs. La

malade dit même avoir perdu connaissance plusieurs fois pendant ces

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 113

crises ; on n'a pas pu avoir de détails sur ces pertes de connaissance,

savoir si elle s'est étendue en arc de cercle, etc.

La malade a de fréquents cauchemars la nuit. Elle tombe dans la

Seine, elle descend plusieurs marches et tombe soudain dans un

trou, etc.

Il a été impossible d'assister à une de ses crises de bâillement.

A l'examen, la malade se présente assez intelligente; elle accuse une

habitude assez bizarre pour son sexe, elle s'exercer à soulever des

poids; son sternum est couvert de pytiriasis vcrsicolor. - Pas de

réflexe pharyngien, pas de troubles de la sensibilité générale.

Champ visuel normal à droite, à gauche 60.

Un peu de micromégalopsie du côté droit.

La malade voit nettement les couleurs. i

Goût aboli il droite. Ouïe très légèrement diminuée à droite. Sens

musculaire intact. ,

OBS. V. - La nommée Marguerite Mon..., âgée de trente ans,

employée, se présente à la consultation de la Clinique des maladies du

système nerveux, au mois de mai 1890.

Antécédents héréditaires. - Son père est mort de la rupture d'un

anévrysme. Il était rhumatisant. La malade assure qu'il n'avait jamais

souffert d'aucune maladie nerveuse ou mentale. Il était parfaitement

sobre et n'avait jamais exercé de métier où il pût être soumis à aucune

intoxication. Sa mère est morte à l'âge de cinquante-cinq ans, à la

suite d'un accident. Elle était nerveuse, sujette à des colères violentes.

La grand'mère maternelle est morte paralysée; mais on ne peut avoir

de renseignements précis sur la nature de cette paralysie.

Antécédents personnels. - Rien de bien remarquable pendant l'en-

fance. La malade a eu la coqueluche, la rougeole deux ou trois fois ( ? )

et un zona ( ? ). Elle a eu de la gourme étant petite. Elle est d'un tem-

pérament lymphatique.

Réglée à douze ou treize ans, elle l'est assez régulièrement depuis

cette époque.

Elle est d'un caractère violent et emporté. La moindre remontrance

la met en colère. Elle est aussi très émotive et très impressionnable.

. Il y a cinq ou six ans elle eut les jambes enflées pendant quelques

jours. En même temps, elle souffrait de douleurs vagues qui chan-

geaient continuellement de place, siégeant tantôt dans le ventre, tantôt

dans la poitrine, d'autres fois dans la tête ou dans les reins. On ne

peut guère être renseigné par elle sur la nature de ces douleurs.

Elle a toujours été sujette à des flucurs blanches très abondantes.

Depuis longtemps déjà, elle ne peut préciser exactement l'époque où

III.. 8

114 . NOUVELLE ICONOGRAPHIE DÈ LA SALPÉTRIEttË.

ces troubles ont débuté, elle éprouve de petites pertes de connaissance,

soit spontanées, soit provoquées par une contrariété ou une émotion.

A peu près au même moment où ont commencé ces pertes de connais-

sance, elle s'est mise à bâiller d'une façon anormale, convulsivement

et sans raison. Ces bâillements dont la répétition, en dehors de toute

cause, constituait déjà un symptôme morbide se produisaient tantôt

spontanément, la malade bâillait alors toute la journée sans savoir

pourquoi et sans pouvoir s'en empêcher; d'autres fois les bâillements

étaient provoqués par une émotion ou une contrariété, ils étaient dans

ce cas beaucoup plus intenses et beaucoup plus fréquents.

Etat actuel. - La malade a l'apparence d'une femme faible, ané-

mique. Son teint est pâle, ses conjonctives décolorées légèrement ainsi

que ses lèvres et ses gencives. Elle est très impressionnable.

Pendant que nous l'examinons, nous la voyons bâiller trente ou

quarante fois devant nous. Elle bâille, dit-elle, parce qu'elle éprouve

une sensation d'étouffement qui la force à faire de grandes inspirations

en ouvrant la bouche. Elle sent comme une boule qui lui remonte de

l'estomac dans la gorge et l'étouffe. Il ne s'agit pas ici d'une véritable

attaque d'hystérie caractérisée par un phénomène inusité, le bâille-

ment, mais d'un mouvement involontaire presque continuel, dû à une

sensation identique à l'aura ordinaire de l'attaque hystérique. Il est

impossible d'obtenir de renseignements détaillés sur ces pertes de

connaissance dont souffre la malade et de savoir si elles sont ou non

accompagnées de convulsions ou de bâillements. On apprend cepen-

dant qu'elles sont précédées d'une aura analogue à l'aura de l'attaque

vulgaire : contraction de la gorge, battements dans les tempes, siffle-

ments dans les oreilles. 11 est donc certain qu'il s'agit là véritablement

de petites attaques d'hystérie.

La malade se plaint en outre de phénomènes dyspeptiques assez

accentués. Son ventre est ballonné après les repas, et, il ce moment,

elle souffre de battements de coeur assez violents. La digestion est

lente, laborieuse. Elle s'accompagne souvent de crampes d'estomac

violentes, quelquefois d'une espèce de vertige, n'allant jamais, il est

vrai, jusqu'à la chute sur le sol. Elle mange très peu et éprouve du

dégoût pour les aliments.

Les stigmates de l'hystérie sont très peu accentués chez celle malade.

Il existe néanmoins un léger trouble de la sensibilité dont la présence

acquiert ici une grande importance, en l'absence de tout phénomène

morbide autre que les petites perles de connaissance et les bâillements

que nous avons déjà mentionnés. La sensibilité au contact est con-

servée sur toute la surface cutanée, ainsi que la sensibilité au chaud

et au froid. Mais il n'en est pas de même pour la sensibilité à la

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 115

douleur et il existe sinon une analgésie, du moins une diminution no-

table de la sensibilité à la figure et dans toute la moitié droite du corps.

De plus, on constate la présence de deux points hyperesthésiques,

l'un dans la région ovarienne droite, l'autre sous le sein gauche. La

pression en ces points, si elle ne provoque pas d'attaque proprement

dite, donne lieu néanmoins à la production de l'aura hystérique :

douleur au coeur épigastrique, constriction du pharynx, sensation de

boule remontant de l'estomac à la gorge.

Pas de troubles sensoriels. La vue est parfaitement conservée et on

ne note pas le plus léger rétrécissement du champ visuel ni à droite ni

à gauche. Pas non plus de dyschromatopsie ni de micromégalopsie,

ni de polyopie monoculaire.

- Le goût, l'ouïe et l'odorat sont absolument normaux.

Les poumons sont entièrement sains. On note, à l'auscultation du

coeur, la présence d'un très léger souffle anémique. '

III .

Les bâillements hystériques peuvent se présenter à l'observateur,

en dehors ou concurremment avec d'autres phénomènes hystériques,

sous deux aspects différents. 1 -

Dans le premier, la malade, - car nos cas se rapportent unique-

ment à des femmes - se met tout à coup à bâiller, et les bâillements

sont surtout remarquables, à l'investigation superficielle tout au moins,

par leur persistance même. La malade de l'observation I, avant de

présenter des crises véritables de bâillements, deuxième forme de cette

manifestation, bâillait pour ainsi dire constamment : « A l'origine, dit

M. Charcot, elle bâillait environ huit fois par minute, 480 bâillements

par heure, soit 7,200 en quinze heures de veille. »

Dans ces cas, le sommeil seul interrompues bâillements qui repren-

nent au réveil et peuvent ainsi persister pendant des semaines et des

mois. sans que la santé générale semble en souffrir.

A cette période, ou même lorsque les bâillements revêtent cette

allure, il est, croyons-nous, assez facile de les différencier des bâille-

ments physiologiques et aussi de ceux, qui, physiologiquement pour

ainsi dire peuvent survenir dans l'hystérie comme au cours de tout

autre étal normal ou pathologique.

Nous avons noté la fréquence, nous noterons encore et surtout « le

rhythme et la cadence, caractères propres à nombre de phénomènes

hystériques » (Charcot).

De plus, le bâillement physiologique consiste en Une inspiration pro-

116 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

fonde : le thorax est alors à son summum d'ampliation, les mâchoires

sont écartées au maximum ; il se termine par une expiration bruyante

qui s'accompagne souvent de flux de salive et de sécrétion de larmes.

Souvent aussi, on note des pandiculations qui ne sont autres que des

mouvements d'élévation et de rétraction en arrière des épaules.

Or, on peut voir sur nos tracés, particulièrement sur la figure 40, que

l'inspiration dans le bâillement hystérique n'est guère plus profonde

qu'une inspiration normale. Peut-être cela tient-il à ce que les bâille-

ments sont tellement répétés que la malade n'a pas besoin de subvenir

à l'hématose insuffisante que provoquerait - à ce que l'on croit le

bâillement physiologique. Parfois, en effet, ils se rapprochent tellement

qu'il semble que ce soit le mode habituel de respirer des sujets

(fig. 39). Nous noterons aussi que les bâillements s'accompagnent ou

même s'entrecoupent de quintes de toux (fig. 38), phénomènes de

même ordre.

Ce qui est exagéré par exemple, ainsi qu'on peut s'en convaincre sur

la planche XVIII, c'est l'amplitude de l'écartement des mâchoires porté

à son maximum.

Le bâillement considéré en soi peut être simple, unique, mais aussi

il peut être double, se faire en deux fois, c'est-à-dire être formé de

deux inspirations assez rapprochées pour constituer un seul et même

bâillement (fig. 40).

Il peut être avorté ; dans ce cas la malade de l'observation III accu-

sait une sensation de malaise ; il fallait que le bâillement fût complet

pour que l'organisme se déclarât satisfait. On note, en effet, que les

bâillements s'accompagnent souvent, comme à l'état physiologique

d'ailleurs, d'une sensation de soulagement.

IV

Les crises de bâillements hystériques ne diffèrent pas, comme allure

générale, des autres manifestations convulsives limitées ou généralisées

de l'hystérie se groupant sous forme d'attaques. Il existe dans tous ces

cas un fond commun qui se juge par les phénomènes prémonitoires de

l'accès, par les signes et symptômes constitutifs de l'aura.

Avant la crise, ou même lorsque celle-ci va venir, la malade accuse

une sensation de boule qui remonte de l'épigastre; elle a des bour-

donnements d'oreilles, des battements dans les tempes; puis, après un

temps variable, éclatent les bâillements sous forme d'accès.

Ils se précipitent alors beaucoup plus rapidement que dans la forme

précédemment décrite, empiétant les uns sur les autres pendant un

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES'BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES. 117

temps plus ou moins long, un quart d'heure, une demi-heure et plus

suivant les cas. Puis la crise se termine, les bâillements cessent pour

passer à l'état intermittent ou revenir ultérieurement sous forme d'une

nouvelle crise.

Il est bien rare que la crise de bâillements soit absolument pure de

tout mélange des phénomènes ordinairement observés lors delà grande

attaque. On sait en effet, M. Charcot l'a montré, -qu'un observa-

teur attentif retrouve presque toujours dans les crises convulsives li-

mitées, chorée rhythmée, toux, dyspnée hystérique, des vestiges des

quatre périodes classiques.

Outre les phénomènes prémonitoires de l'aura qui sont communs, il

est fréquent d'observer au début de l'attaque des contractures des

membres supérieurs ou inférieurs, contractures qui, de toniques, ne

tardent pas à devenir cloniques. Enfin, lorsque la crise se termine, le

regard devient fixe, la physionomie reflète des sentiments représen-

tatifs des attitudes passionnelles et de la quatrième période ou de délire.

La prédominance des bâillements fixe seule la forme de l'attaque.

Parfois l'attaque de bâillements peut se terminer par une véritable

attaque convulsive ordinaire, les bâillements représentant alors la

phase tonique de l'accès ; quelquefois, cependant, on voit alterner

sans se confondre (obs. III), les attaques convulsives proprement dites

et les attaques de bâillements.

Le diagnostic différentiel des bâillements ne nous arrêtera pas long-

temps ; presque toujours il existe concurremment des stigmates qui,

en dehors des bâillements eux-mêmes, ne permettront pas au diagnostic

de s'égarer. Mais enfin on peut supposer que ce soit là une manifes-

tation monosymptomatique de l'hystérie. Dans ce cas, la question du

diagnostic différentiel peut se poser. Lorsque les bâillements ne sont

pas groupés sous forme d'attaques, le rhythme et la cadence sont des

éléments différentiels de premier ordre qui ne paraissent pas exister

dans les bâillements épileptiques jusque-là seulement observés dans

les intervalles des accès (Féré). '

Dans le cas de crises, on peut faire intervenir un élément d'appré-

ciation qui permettrait, très probablement, d'établir un diagnostic

certain avec les accès de bâillements épileptiques qui, comme nous

l'avons dit, n'ont pas encore été observés. Ce critérium est tiré de

l'analyse des urines.

On sait en effet que MM. Gilles de la Tourette et Cathelineau, ont établi

par des recherches entreprises dans le service de M. le professeur

Charcot, que l'analyse des urines de la période des vingt-quatre heures

comprenant l'attaque, donne des résultats qui permettent d'établir

que l'attaque a eu lieu. ,

118 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. !

Dans ces cas, l'attaque se juge par l'abaissement du résidu fixe, du

taux de l'urée, et par l'inversion de la formule dés phosphates, à

savoir que les phosphates terreux qui, normalement, sont aux phos-

phates alcalins comme 1 est à 3, deviennent comme 1 est à 2, 1 est à 1,

et même quelquefois plus.

Or, l'attaque de bâillements hystériques ne fait pas exception à cette

règle.

Il suffit, pour s'en convaincre, de considérer le tableau suivant relatif

aux attaques de la malade dont l'histoire est rapportée dans notre

première observation.

ATTAQUE DE BAILLEMENTS HYSTÉRIQUES,

UN CAS DE MÉLANCOLIE CATALEPTIFORME. 123

obligé de le faire avaler de force. Depuis lors, il est complètement

galeux nuit et jour. Souvent il va jusqu'à la porte des cabinets, l'ouvre

puis revient à sa place et fait dans son pantaton ou dans son lit.

A la suite de cet accès d'excitation il est resté alité, et s'est livré à

une masturbation effrénée, surtout la nuit.. " -

Étal actuel. -- Il est actuellement dans une période de torpeur. Il

reste continuellement assis, les bras croisés le plus souvent. Au point

de vue des attitudes, il en a trois principales qui se succèdent sans

qu'on voie aucune raison dans ce changement. Ces attitudes sont les

suivantes :

1° Les avant-bras allongés reposent sur les cuisses par leur bord

cubital, les mains à demi fermées dans la position du repos (pl. XIX).

2° Les bras sont croisés.

3° La ^main droite est placée devant le menton, cachant un peu la

bouche, dans l'attitude de la réflexion.

Quant aux membres inférieurs, ils restent toujours dans la position

ordinaire de la station assise.

La tête est ordinairement tournée un peu à gauche et inclinée en

avant. Le masque est impassible, les yeux sont souvent fermés, les

paupières animées d'un clignotement continuel ou plus rarement

immobiles. Quand les yeux sont ouverts, le' regard est fixé sur un point

indéterminé. Si on l'appelle fortement ou si on l'excite d'une façon

quelconque, en le pinçant par exemple, il tourne la tête, retire le-

membre pincé, sourit si l'excitation est légère, ou se défend si on lui

fait mal en proférant quelques mots : « Assez, oh non, alors ! » etc. Puis»

brusquement son visage reprend son impassibilité. Par moments, il

prononce quelques mots, tels que : «un duel..., Charcot..., un fou..., c'est;

pourtant vrai..., prix d'honneur... », etc., etc. Quelquefois c'est en chan-

tonnant qu'il les prononce.

Il lui arrive aussi de se livrer spontanément et sans cause apparente

à cette mimique : tout à coup il se met à. rire, fait quelques gestes,

profère deux ou trois paroles puis reprend son attitude. Souvent aussi

il fait la moue ou bien se livre à des gestes automatiques. C'est ainsi

qu'on le voit brusquement se lever, rester immobile debout quelques

instants et se rasseoir aussitôt. Le passage de l'immobilité au mouve-

ment, aussi bien pourlesmembresquepourlaface, et réciproquement,

se fait avec une brusquerie tout à fait caractéristique. On observe une

lenteur considérable dans l'obéissance aux injonctions. Il ne paraîtpas

les entendre tout d'abord, puis, tout d'un coup il se met à les exécuter.

Si on soulève le bras on constate qu'au lieu de retomber immédia-

tement il reste dans la position qu'on lui a donnée, puis il retombe

lentement, sans secousse, et tout à coup reprend sa position pre-

121 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊT)UËRE.

mière vraisemblablement sous l'influence de la volonté du malade.

On peut ainsi lui faire prendre différentes attitudes peu compliquées,

en général bien différentes de celles qu'on peut obtenir dans la cata-

lepsie hypnotique. C'est ainsi par exemple qu'on ne peut pas arriver à

le faire tenir sur un seul pied. Il reste seulement le genou plié, la

pointe du pied reposant encore sur le sol. On constate aussi qu'il

n'a pas cette flexibilité cireuse caractéristique des cataleptiques vrais,

mais que ses~membres présentent une certaine raideur comparable

à celle d'un membre d'un sujet normal soumis volontairement à la

même expérience (pl. XX).

On remarque aussi que les attitudes, passionnelles ne déterminent

aucun jeu de physionomie correspondant (pl. XXI). Quand on lui a

donné une attitude cataleptoïde et qu'on lui demande pour quelle raison

il la garde, il dit parfois : « Pourquoi changerais-je ? x - Autrefois il

opposait une résistance systématique pour se laisser conduire n'im-

porte où. Aujourd'hui il obéit assez facilement surtout quand on lui

fait un commandement brusque, et va ainsi à la douche lorsque ses

camarades le lui disent. Il progresse à grands pas, le tronc penché en

avant, les jambes écartées. Il évite de marcher sur les rayons de soleil,

sur les bouches de chaleur, etc., etc. Quand il ne peut pas les contourner

il s'arrête et, après hésitation, les enjambe. C'est toujours à regret

qu'il se déplace et lorsqu'on lui dit de retourner à son lit il y va en

manifestant son contentement par sa'précipitation.

Il sait du reste très bien retrouver sa -place habituelle et ne se

trompe jamais de lit..

Il bave presque continuellement et dans de certains moments a une

sputation persistante. Il mange seul maintenant, mais ne mâche pas

ses aliments. Le plus souvent il prend la moitié de la bouchée dans ses

mains et jette l'autre par terre, puis il la ramasse un instant après et

l'engloutit. '

Le jeudi et le dimanche,' sans que personne le prévienne, il sait que

ses parents doivent venir et lui apporter des gâteaux. Aussi refuse-t-il

énergiquement le déjeuner de l'hôpital ce jour-là, et attend-il, pour

manger,.la visite de sa famille. '

Par moments, il se metà parler puis s'arrête brusquement au milieu

d'une phrase ou même d'un mot. A plusieurs reprises, il lui est

arrivé de raconter ainsi une partie de son séjour au régiment toujours

la même et dans les mêmes termes.

D'autre fois, il commence à chanter une chanson, toujours la même,

et s'arrête subitement au bout de quelques mots. Dans le même ordre

d'idées, à un moment donné, il commençait sans cesse une lettre à ses

parents sans jamais arriver à la finir.

NOV\ELtE ICOhOOFnPHIE OF LA SnIPE ? R1 £ 1.F

T. III P. XX

Pvororvrc nf·.nnnr A. LONDE

YFIOIOCOLLOORApUii· CIILN1. & LONLUF.T

Attitude PROVOQUÉE dans la mélancolie CATALEPTIFORME

Ll : CIOSNlh - 13.%Bp, 1 DI ItURS

NOUVI LL : C ICONOGRAPHIE vr LA SaLPI TK1Î KF

T. III PL. XXI

PHO'tOT'VPI : Nlif.A771' A. LONDE PHOTOCO.OGRAPHir CIiLNL R LONCV1 : T

Attitude provoquée dans la mélancolie CATALEPTIFORME

LEfROSNIkR k BANF EDITEURS

UN CAS DE MÉLANCOLIE C.4,TALEPTIFORIE. 125

On ne l'a jamais vu avoir de verbigération ni d'attitude pathétique.

Quelquefois il se mêle à la conversation avec à propos, mais s'arrête

toujours au milieu d'une phrase. Il présente parfois de l'écholalie,

'répétant le dernier mot qu'il vient d'entendre. Lorsqu'on lui dit le

premier mot d'un commandement militaire, il termine le comman7

dement.

Assez souvent, mais surtout autrefois, il a des accès de colère. Il en

aurait eu au début quand on lui parlait de sa maîtresse.

Sensibilité. -La sensibilité générale semble conservée; quant aux

sensibilités spéciales, il est impossible de les apprécier. -

Les réflexes rotuliens sont normaux et le réflexe pharyngien n'est

pas aboli.

Le pouls est à 70; la respiration à 20 et la température oscille entre

37° et 37°2.

Il existe des troubles vaso-moteurs assez marqués aux extrémités qui

sont toujours froides et violacées, mais il n'existe aucun trouble

trophique. Toutefois il perd ses cheveux d'une façon très appréciable

depuis son arrivée à l'hôpital.

Le crâne présente une légère asymétrie, la bosse frontale gauche

étant moins saillante que la droite et la bosse pariétale gauche étant

au contraire un peu plus saillante. Il existe donc un très léger degré

de plagiocéphalie. Le front est assez élevé mais étroit; la voûte

palatine sensiblement ogivale; les yeux normaux, les oreilles symé-

triques, le nez un peu dévié à gauche.

Le coeur est normal ainsi que les autres organes.

Si l'on compare les phénomènes présentés par notre malade à ceux

qu'on décrit habituellement dans la catatonie, on constate qu'il en

existe un grand nombre de semblables, mais que certains autres

considérés comme tout à fait caractéristiques font au contraire défaut.

Au point de vue de la marche générale, on note bien en effet

l'existence de trois stades consécutifs de dépression mélancolique,

d'excitation et de catatonie, mais il est juste de remarquer que les

phénomènes catatoniques qu'on observe aujourd'hui, ont toujours

plus ou moins existé en dehors du stade catatonique. Sous le rapport

de l'évolution, ce cas ne répond donc pas tout à fait au tableau

classique. D'autre part, certains symptômes soi-disant spéciaux à la

catatonie ne se sont jamais montrés, tels que le caractère pathétique

des actes, des paroles sous forme d'exaltation théâtrale ou d'extase

religieuse, et la verbigération. '

Par contre les attitudes bizarres, qui, au début, étant donné surtout

la situation militaire de notre malade, avaient fait penser à la possi-

126 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊT RIÈ HE.

bilité de la simulation, les gestes stéréotypés, les grimaces spéciales,

le mutisme, les actes et les paroles brusques, subits, la résistance systé-

matique, le refus des aliments, la stupeur avec gâtisme, les idées

érotiques avec masturbation effrénée, et au point de vue physique, les

troubles vaso-moteurs, la cyanose des extrémités, tout cela répond

bien à la catatonie. Nous n'avons plus qu'à y ajouter toutefois les

phénomènes moteurs caractéristiques, soit sous forme de convulsions

toniques ou cloniques, soit plus souvent sous forme de raideurs

musculaires ou d'état cataleptoïdes. Ici il est nécessaire d'examiner en

détail les attitudes de notre malade. -

Évidemment nous n'avons pas affaire à de la vraie catalepsie, telle

qu'on l'observe chez les hypnotiques par exemple. Aucun jeu de

physionomie ne répond aux attitudes passionnelles provoquées. De

plus, quand on place un des membres *dans une situation quelconque,

on remarque qu'il ne présente pas la flexibilité cireuse si caractéris-

tique de la catalepsie. On éprouve la même résistance que celle qu'on

éprouverait en opérant la même manoeuvre sur un sujet normal qui

s'y prêterait en faisant, comme on dit vulgairement, le bras mort. Il y

a même quelque chose de différent encore : en effet il semble que le

malade, comprenant le geste qu'on veut lui faire exécuter, le

commence lui-même quelquefois, et aille plus loin aussi que le point

où on veut l'arrêter.

Ce phénomène est encore plus net quand on se dispose à placer le

membre dans une attitude un peu différente. A peine le malade se

sent-il ou même se croit-il touché, qu'il ramène brusquement ce

membre dans la position de l'autre. Enfin la durée de ses attitudes

cataleptoïdes est en général très courte si on laisse le malade livré à

lui-même. Tout à coup, il fait une grimace ou profère quelque parole,

et de lui-même replace. son membre dans sa position habituelle. Si on

lui donne l'ordre de ne pas bouger, il reste plus longtemps immobile.

M. Séglas a aussi noté cette influence de l'attention sur les attitudes

cataleptoïdes provoquées. En réalité, la volonté, ou pour mieux dire lé

défaut de volonté paraît jouer un rôle important dans ces phénomènes.

On a la preuve de cette diminution considérable de la volonté dans

tous les actes du malade : il lui faut toujours très longtemps pour se

décider il se mettre en mouvement, il faut des ordres réitérés pour le

tirer de sa torpeur. Il a horreur de tout déplacement, et ce besoin

d'inertie a été poussé assez loin pour qu'il opposât une résistance

souvent violente à ceux qui voulaient le déplacer. Il est possible que

le mot qu'il laissa échapper un jour qu'on lui demandait pourquoi il

gardait la position qu'on lui avait donnée, fournisse l'explication de

ses attitudes cataleptoïdes : « Pourquoi changerais-je ? » dit-il.

UN CAS DE MÉLANCOLIE CATALEPTIFORMË. 127

11 semble qu'il n'ait pas d'autre raison en effet, sauf la fatigue, pour

modifier son attitude, qu'elle soit générale ou partielle, spontanée ou

provoquée. Il ne fait du reste aucun effort pour y résister, la volonté

étant trop faible chez lui pour permettre cet effort. Le gâtisme dans

lequel est tombé notre malade prouve également bien le trouble

profond de la volonté chez lui.

La mémoire est assez bien conservée, à ce qu'il semble, puisque,

sans que personne lui indique le jour, il sait toujours exactement

quand arrivent le jeudi et le dimanche, ce qui prouve également . une

assez grande suite dans les idées. Il parait d'ailleurs suivre parfaite-

ment ce qui se passe et ce qui se dit autour de lui, car lorsqu'il lui ?

arrive de s'y mêler spontanément, il le fait toujours avec un mot à ''

propos. X^

Quant aux gestes, aux grimaces auxquels il se livre inopinément^

et aux paroles qu'il prononce de temps à autre et qui n'ont aucun -.

rapport avec ce qui l'entoure, il est certain qu'elles se rapportent à

un délire intérieur, peut-être à des hallucinations. Sauf celles qu'il a

eues pendant sa période d'excitation, ces hallucinations, si tant est

qu'elles existent actuellement, ne paraissent pas de nature terrifiante,

car on ne surprend jamais chez lui la moindre attitude, ni la plus

légère expression de crainte.

. Faut-il voir dans cette observation un cas de vraie catatonie ? Cela est

possible si l'on n'admet pas comme caractéristiques et indispensables

de cette forme pathologique certains symptômes qui font défaut dans

notre cas, et si l'on considère que c'est l'exception de rencontrer chez

un même sujet tous les symptômes de l'affection dont il est atteint.

Mais peut-être n'est-il pas nécessaire d'y voir une entité morbide

à part, et est-il plus rationnel de considérer ces cas comme une

simple variété de mélancolie avec stupeur, et. les états cataleptoïdes

qu'on y rencontre comme de fausses catalepsies. On sait, du reste, que

chez certains mélancoliques avec stupeur on peut observer des phéno-

mènes cataleptoïdes analogues. Chez notre malade, cet état mélan-

colique paraît être primitif. L'exploration de sa sensibilité, si imparfaite

qu'elle ait. pu être, ne permet pas de supposer la moindre trace

d'hystérie, et rien dans ses antécédents de famille ou personnels ne

nous autorise à en chercher la cause dans l'hérédité névropathique ou

vésanique.

PAUL SOLLIER, A. SOUQUES,

Interna ah) Satpctriere. Interne de la Clinique

des maladies du système nerveux.

MODIFICATIONS APPORTÉES

A LA TECHNIQUE DE LA SUSPENSION

- DANS LE TRAITEMENT

DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE ET DE QUELQUES AUTRES MALADIES

DU SYSTÈME NERVEUX '

Depuis que M. le professeur Charcot a publié le résultai de ses

recherches sur le traitement de l'ataxie locomotrice et de quelques

autres maladies du système nerveux par la suspension', de nombreux

travaux se sont succédé sur la matière, les uns vantant la méthode, les

autres se montrant plus réservés, quelques-uns émettant des doutes

sur son efficacité.

Notre intention n'est pas d'analyser ces différents travaux, dont on

trouvera la critique fort bien faite dans les Revues de M. Raoult3,

auxquelles nous renvoyons le lecteur. Nous croyons plus intéressant

d'exposer quels résultats ont été obtenus à la Salpêtrière, depuis le

20 mars 1889, date de la dernière communication de M. Charcot, et

aussi d'insister sur quelques nouveaux détails de technique.

Cependant nous ne pouvons résister au désir de dire quelques mots

de deux récentes communications faites, le 21 avril et le 5 mai z1890,

à la Société de médecine interne de Berlin, par MM. Rosenbaûm et

Guttmann, car les résultats énoncés par ces auteurs se rapprochent'

tellement de ceux que notre éminent maître a obtenus dans son

service, qu'ils sont, par leur identité même, la meilleure confirmation

de l'efficacité du traitement.

Exposons d'abord les résultats obtenus dans le service de M. Charcot.

Depuis le 20 mars 1889, un très grand nombre de malades se sont

présentés à la Clinique des maladies du système nerveux pour être

traités, par la suspension, d'affections d'ailleurs très variées.

Trois groupes de malades méritent seuls d'être retenus, car les essais

qui ont été faits dans les divers autres sont restés infructueux.

Le premier groupe, de beaucoup le plus considérable, comprend les

1. Progrès médical, 19 janvier 1881). - Leçons du Mardi ri la Salpélrière, 1888-1880,

10° leçon.

2. Progrès médical, 22 juin 1889 el 3G août 18UO.

MODIFICATIONS DE LA TECHNIQUE DE LA SUSPENSION. 129

ataxiques; le second, les paralytiques agitants, le troisième les sciati-

ques chroniques. Nous ne faisons que signaler ce dernier dans lequel

nous noterons quelques résultats encourageants.

Presque tous les paralytiques agitants, surtout lorsqu'ils se présen-

taient à la période moyenne de leur maladie, ont retiré des bénéfices

de la méthode, portant principalement, comme l'avait déjà montré

M. Charcot dans sa 10° Leçon du Mardi, sur l'amélioration de l'état

général, du sommeil, sur la grande atténuation des phénomènes de

rigidité douloureuse. Nous suivons ainsi, depuis plus d'un an, des

malades que seul ce mode de traitement a pu soulager; nous insistons

sur ce fait qu'il ne faut pas, au début du traitement, que l'affection

soit arrivée à la période d'impotence complète.

Nous arrivons à l'ataxie locomotrice, comprenant la grande majorité

des cas représentant un total de plus de 500 individus avec grande

prédominance du sexe masculin, ainsi qu'il est de règle pour cette

affection.

D'une façon générale, nous n'avons rien à ajouter aux considérations

exposées dans la 10. Leçon du Mardi, mais, tablant sur une statistique

plus étendue, nous dirons :

100 ataxiques à la période moyenne de leur affection, soumis à la

suspension, peuvent, après trente à quarante séances, ètre divisés

ainsi qu'il suit :

20 à 25 sont améliorés suivant la totalité des symptômes de leur

maladie, particulièrement les douleurs fulgurantes, l'incoordination

motrice, les troubles génito-urinaires, sans qu'il y ait de changement

dans les troubles oculaires et le signe de Wcstphall.

30 à 35 ressentent, à des degrés divers, une amélioration d'un ou

plusieurs, mais non de la totalité des symptômes.

Les autres, 35 à 40 p. 100 environ, ne retirent aucun bénéfice, ou du

moins ne retirent que des bénéfices trop passagers pour entrer en ligne

de compte dans les résultats favorables à mettre à l'actif du traitement

par la suspension.

Dans les deux premières catégories, les résultats obtenus sont

durables àla condition que la suspension soit continuée, tout au moins

dans certaines conditions que nous indiquerons bientôt. Nous appuyons

ces considérations sur des malades que nous observons depuis plus

d'un an et demi..

En résumé, amélioration très marquée dans 25 p. 100 des cas; amé-

lioration incomplète, quanta la totalité des symptômes, dans 30 à 35

p. '100; résultat négatif pour le reste des malades.

A part quelques cas de syncope passagère, deux cas de paralysie

radiale temporaire par compression, nous n'avons jamais vu survenir

m. 9

13U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALl'ÈTRIËUË.

d'accidents sérieux sur un total de plus de 10,000 suspensions prati-

quées à la Salpêtrière.

Voyons maintenant les résultats obtenus par MM. Guttmann etRosen-

baüm, et rapportés il la Société de médecine interne de Berlin.

« A l'hôpital Moabit, dit M. Gutlmann, on a traité un certain nombre

d'affections nerveuses par la suspension : 10 cas de tabes, 2 casdemyélite,

1 cas de compression traumatique de la moelle, 7 cas de sciatique, etc. »

Nous ne retenons de cette communication que ce qui a trait au

tabes et à la sciatique. « Le résultat a été négatif pour 3 cas de tabes;

dans 5 autres cas de la même affection il a été, au contraire, très

remarquable. Les phénomènes ataxiques, la paresthésie, les douleurs

lancinantes, ont été notablement améliorés. Dans aucun des cas on n'a

pu constater une influence quelconque sur le rétablissement du réflexe

patellaire ou sur les phénomènes pupillaires... Parmi les 7 cas de scia-

tique, 4 furent soumis exclusivement au traitement par la suspension;

les douleurs furent diminuées, mais ce résultat ne fut pas permanent.

Les autres cas qui furent soumis en même temps à une médication

par l'antipyrine furent radicalement guéris. »

La communication de M. Rosenbaüm est encore plus intéressante,

car elle porte sur un grand nombre de malades.

Q Pendant ces deux dernières années, 85 tabétiques furent soumis à

la suspension, à la Policlinique du professeur Mendel, comprenant un

total de 2,400 suspensions; 24 d'entre eux doivent être éliminés, le

traitement ayant été insuffisamment prolongé (200 suspensions pour la

totalité). Sur les 01 autres, 25 furent améliorés, dont 5 d'une façon très

notable et persistante; chez 9, le résultat-fut douteux; chez les 27 autres,

il n'y eut pas de résultat favorable, mais on n'observa jamais d'accidents

ultérieurs, si ce n'est dans deux cas de légères syncopes. L'action géné-

rale favorable se manifesta par une mine meilleure, l'augmentation du

sommeil, de l'appétit, du poids du corps. Parmi les symptômes locaux,

ce sont surtout les douleurs, l'ataxie, l'incontinence vésicale, moins

l'incontinence anale et la puissance virile qui s'améliorèrent; dans

quelques cas, cette dernière augmenta très notablement. L'anesthésie

diminua; par contre, la paresthésie se maintint avec opiniâtreté, et les

paralysies des muscles de l'oeil, l'atrophie du nerf optique ne présen-

tèrent pas de changement.

« On a publié un certain nombre de cas de mort à la suite de la sus-

pension dans le tabes; ils ne sont cependant pas il craindre quand on

prend certaines précautions. En tout cas il ne faut suspendre que les

personnes d'un poids léger et dont les poumons et le coeur sont sains.

Outre les deux syncopes précédemment signalées, nous avons observé

comme accidents anormaux : 1° une paralysie du bras droit (il y avait

MODIFICATIONS DE LA TECHNIQUE DE LA SUSPENSION. 131

dans ce cas une atrophie musculaire progressive, la paralysie peut donc

à peine être considérée comme une suite de la suspension) ; 2° des dou-

leurs vives à la suite du choc violent des pieds du malade sur le sol par

suite de la rupture d'une corde. En tout cas, cette méthode de traite-

ment paraît donner de meilleurs résultats dans le tabès que toute autre.

Mais, si après vingt ou trente séances de suspension il n'y a pas une

amélioration notable, il vaut mieux les abandonner ! . »

Nous n'insisterons pas sur l'énoncé de ces résultats qui ne font que

corroborer ceux obtenus par M. le professeur Charcot. Il nous semble

préférable d'insister sur quelques détails de technique qui complé-

teront ceux que nous avons déjà donnés ici-même2. Avant tout, on le

comprend, il est nécessaire que la suspension soit tolérée. Or, une

pratique déjà longue nous a appris que les lipothymies, les syncopes,

étaient le principal, sinon le seul obstacle à cette tolérance. Certains

malades supportent assez facilement une à deux minutes de suspension ;

puis surviennent des bourdonnements d'oreille, des vertiges, et la syn-

cope se montrerait infailliblement si l'on n'interrompait pas la séance.

Nous laisserons de côté tous les autres accidents qu'on a pu signaler,

et qui sont plus que négligeables lorsqu'on procède avec prudence.

Les menaces de syncope nous ont paru surtout se montrer, - les

cardiaques étant éliminés, chez les sujets jeunes, pâles, anémiques,

chez lesquels la suspension, dès les premières séances, est la cause

d'une vive appréhension. Dans ces cas, on devra procéder graduelle-

ment, n'augmenter le temps de suspension que très lentement, et, sur-

tout, pendant que celle-ci a lieu, tenir l'esprit du malade constamment

en éveil. On lui parlera, on attirera son attention sur tel ou tel sujet;

puis on l'avertira qu'on l'élève un peu plus de terre ou on le descendra

légèrement; en un mot, on le distraira de toutes les manières pos-

sibles. Dans ces cas, nous avons souvent réussi où, sans ces précautions,

nous aurions certainement échoué, 'et, en donnant, par exemple, l'as-

surance au malade qu'il n'est suspendu que depuis une minute ou une

minute et demie, nous avons pu faire tolérer les trois minutes, terme

moyen de la suspension suivant le poids de l'individu. Le médecin joue

dans ces cas un rôle tout personnel. Lorsque, dans ces conditions, la

suspension a été bien tolérée deux ou trois fois, les syncopes ne se

montrent plus. '

Enfin, dans tous les cas, on aura le plus grand avantage à substituer

à l'appareil de Sayre, généralement employé, l'appareil modifié par le

1. La Médecine moderne, nn 19 et 22, 1890.

2. Progrès médical, 23 février 1889 : De la technique à suivre dans le traitement par la

suspension de l'ataxio locomotrice progressive et de quelques autres maladies du système

nerveux,

132 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'ËTRIËRE.

Dr Motchowkowsky, inventeur de la méthode, et que lui-même a bien

voulu nous montrer et nous confier lors d'une récente visite dans le

service de M. le professeur Charcot.

Cet appareil, que produit la figure 44, ressemble, au premier abord,

il l'appareil primitif de Sayre. Il en diffère radicalement, toutefois, en

ce sens que si la pièce de la nuque reste fixe comme dans le premier,

la pièce du menton est au contraire mobile, susceptible d'être allongée

ou raccourcie à l'aide d'une petite courroie. L'appareil, après un

réglage qui ne comprend généralement pas plus d'une deux séances de

début, se moule exactement sur la tête du patient, à l'inverse de l'an-

cien appareil de Sayre, dont les deux pièces sont fixes, et qui, malgré

cela, était censé devoir s'appliquer indistinctement sur toutes les têtes.

De cette façon, la tête est maintenue, pendant l'opération, dans sa

rectitude physiologique. Dans ces conditions, il n'y a plus de gêne et

certainement aussi la cause de compression par attitude vicieuse se

trouve supprimée.

Enfin, la courroie qui relie les deux pièces a un jeu plus étendu par

suite de la présence de deux boucles fixées sur la pièce antérieure; on

peut la fixer de telle façon qu'il n'y ait plus de compression il craindre

du paquet vasculo-nerveux par la courroie elle-même.

Fis. 44.

MODIFICATIONS DE LA TECHNIQUE DE LA SUSPENSION. 133

Après vingt ou trente séances, s'il n'estpas survenu d'amélioration, on

devra interrompre; mais le malade ne devra pas pour cela avoir perdu

tout espoir. Après s'être reposé un mois et demi à deux mois, il pourra

reprendre le traitement et en retirer des bénéfices, mais le temps d'in-

terruption ne devra pas être inférieur à un mois et demi.

De même, chez certains malades qui se suspendent depuis longtemps

déjà, l'amélioration semble rester stationnaire. Dans ces cas, un repos

d'un mois et demi à deux mois nous a paru favorable, la reprise de la

suspension ayant amené une nouvelle amélioration sans que les béné-

fices des suspensions antérieures eussent disparu pendant le temps

de repos.

Les pièces des aisselles ne subissent aucune modification dans l'ap-

pareil de M. Motchowkowsky. On devra toutefois régler leur longueur

d'après les prescriptions que nous avons déjà formulées.

GILLES DE la TOURETTE,

Ancien chef de Clinique des maladies du système nerveux.

DEUX BAS-RELIEFS DE NICOLAS DE PISE

Les deux bas-reliefs dontnousdonnons ici la reproduction (pl. XXII

et pl. XXIII), sont d'un homme célèbre dans l'histoire de la sculpture.

C'est à Nicolas de Pise, en effet, qui vivait au xiii" siècle, qu'on a cou-

tume de faire remonter, en ce qui concerne la sculpture, la première

impulsion de ce grand mouvement artistique dont l'épanouissement,

deux siècles plus tard, fut la Renaissance. Pendant que Cimabué et

Giotto ouvraient à la peinture des horizons nouveaux en la ramenant

à l'étude de la nature, c'est Nicolas de Pise, architecte et sculpteur à

la fois, qui découvrait, dans la contemplation d'un bas-relief antique,

tout le parti que la sculpture pouvait tirer d'une méthode semblable.

Il s'étudia donc à l'appliquer dans ses oeuvres et dans les deux bas-

reliefs qui nous intéressent ici particulièrement, nous aurons à relever,

nous autres médecins, quelques détails bien typiques évidemment

pris sur nature.

Ces deux morceaux font partie du tombeau de sainte Marguerite,

dans l'église de Sainte-Marguerite à Cortone. Le sarcophage lui-môme,

sur lequel repose la statue couchée de la sainte est orné de plusieurs

bas-reliefs qui racontent les principaux événements de sa vie. Immé-

diatement au-dessous du sarcophage, entre les consoles qui la sou-

tiennent, se trouvent les deux sculptures sur lesquelles nous désirons

appeler l'attention. Toutes deux représentent des scènes de miracles

opérés par l'intercession de la sainte près de son tombeau.

Sur le bas-relief gauche (pl. XXII), on voit, au pied du tombeau,

quatre personnages dont trois sont atteints de maux divers. Le pre-

mier, à genoux et appuyé sur un bâton, porte au membre supérieur

droit la déformation caractéristique de la main-bote cubito-palmaire,

signe de l'atrophie cérébrale de l'enfance.

Cet infirme est un adolescent. Sa figure est imberbe, mais sa taille

est bien au moins égale à celle du personnage barbu qui vient après

lui ; ce n'est donc plus un enfant. La traduction de son infirmité dans

le marbre a été faite par l'artiste avec une conscience qui mérite d'être

signalée, L'avant-bras droit et la main, siège de la déformation, sont

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE

T. III. Pt,. XXII

PNOTOTVPF négatif A. LONDE

PHOTOCOIIOCRAPHIF Chêne 6 LONGUET

FRAGMENTS DU TOMBEAU DE STr-MARGUERITE, par NICOLAS DE PISE,

dans L'ÉGLISE STr-MARGUERITE A CORTONE

Lecrosnitr A BAnk, EDITEURS

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE

T. III. PL. XXIII

PHOTOTYPE : iÉGAT11 A. LON DE

PHOTOCOLLOC,RAPHIF Chênk LOHO : )f7

FRAGMENTS DU TOMBEAU DE S ? MARGUERITE, par NICOLAS DE PISE,

dans L'ÉGLISE s^-marguerite A CORTONE

' DEUX BAS-RELIEFS DE NICOLAS DE PISE. 135

manifestement atrophiés et l'on peut très clairement reconnaître ce

signe donné comme caractéristique de l'atrophie cérébrale et qui

consiste dans l'atténuation des angles et des saillies qui se forment à

la région dorsale d'une main normale fléchie, -de telle sorte que la

main-bote dont il s'agit présente, dans sa région dorsale, une surface

régulièrement convexe se continuant sans soubresaut de l'avant-bras

jusqu'aux dernières phalanges. Notre sculpture du siècle répond

parfaitement à cette description et se trouve en tous points conforme

aux données de la science.

Le deuxième infirme du même bas-relief, sain des membres supé-

rieurs, a la jambe gauche contracturéc en flexion, la pointe du pied

dirigée en bas dans la forme du pied-bot équin direct. L'autre jambe

est saine, car ce malade ne possède qu'une seule béquille dont il se

sert du côté contracturé. Quelle est cette forme de contracture ? Si

l'on tient à un diagnostic, on peut formuler sans trop de crainte

de se tromper celui de contracture hystérique. Le pied et le reste du

membre ne paraissent pas, en effet, diminués de volume si on les com-

pare au membre droit demeuré 'sain. Le sexe et l'aspect barbu du

sujet ne sont plus aujourd'hui pour nous faire hésiter. Nous ajoute-

rions même volontiers que l'anxiété de la physionomie et l'ouverture

de la bouche (ce qui semble indiquer que cet infirme pousse des cris)

ne peuvent que confirmer cette manière de voir. Dans cette hypothèse,

la maladie de ce dernier est bien de la matière dont on fait les miracles.

Avec plus d'assurance et d'espoir que le jeune porteur de la main-bote,

il peut se présenter au tombeau de la sainte.

Enfin, assise à terre, une femme d'aspect dolent complète le trio. Elle

est soutenue par une compagne et le volume de l'abdomen indique que

là est le siège du mal, hydropisie, tumeur ou simplement grossesse.

Le second bas-relief (pl. XXIII) ne nous montre qu'un seul malade,

mais il est d'une espèce toute particulière et non moins intéressante

pour nous. C'est un jeune possédé dont l'attitude, sans être fort caracté-

ristique témoigne d'une certaine agitation, nécessitantmême le concours

de deux aides pour le maintenir. Il est renversé, sa tète tournée sur la

droite et il gesticule des bras et des jambes. En haut à gauche, le diable

s'enfuit sous la forme d'un petit génie ailé suivant la tradition que les

premiers artistes chrétiens avaient emprunté à l'Antiquité. Enfin, une

femme d'un certain âge qui, selon toute vraisemblance, doit être la

mère du jeune convulsionnaire, assiste, les mains croisées sur la

poitrine et l'angoisse peinte sur le visage, à cette scène émouvante.

Nous avons réuni, dans un ouvrage spécial'1, de nombreux

1. Les Démoniaques dans l'art.

136 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTHIÈRE.

spécimens d'art (gravures, miniatures, ivoires, fresques, peintures,

sculptures, etc.), relatifs aux possédés. Nous n'avons pas à revenir ici

sur les considérations dans lesquelles nous sommes entrés à ce sujet.

Nous nous bornons à signaler le présent document qui manquait à

notre collection et qui mérite de prendre place à côté des figures de

Victore Carpacio, de Raphaël, de Déoda Delmont, du Dominiquin, de

Jean Collaert, de Callot, etc., toutes relatives également à de jeunes

garçons possédés du démon.

J. -M. Charcot, Paul Richer.

(de l'Institut).

Le gérant : émise Lecrosnieh.

3981. - Ilio'rrEttoz. - Imprimeries réunies, B, rue Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES

Travail du Laboratoire de M. le Professeur Cnutcor.

I

Le débat est loin d'être clos sur la question des rappports qui

existent entre les poliomyélites et les polynévrites, non plus que sur

la signification véritable de celles-ci.

L'exposé de l'état de cette controverse a été formulé, il y a peu

de temps, avec beaucoup de clarté par M. Raymond2; aussi nous

suffira-t-il de nous reporter à son remarquable ouvrage, 'sans qu'il

soit nécessaire de retracer un historique suffisamment connu.

Deux hypothèses ont été proposées, auxquelles se rattachent les

noms d'Erb et de Strümpell, une version éclectique enfin a rallié une

partie des observateurs, et en particulier l'auteur que nous venons de

citer. ,

Erb admet que tous ces cas de paralysie amyotrophique sont sous

la dépendance d'une altération des cellules ganglionnaires des cornes

antérieures de la moelle; les névrites multiples observées dans quel-

ques-unes sont des troubles trophiques à l'égal de l'atrophie muscu-

laire concomittante. Toutefois la lésion primordiale de la substance

grise peut être seulement dynamique, et alors l'examen nécropsique

ne permet de constater de modification de structure que dans les nerfs.

Pour Strïtmpell, la polynévrite représente une entité morbide ayant

une individualité propre, et qu'on peut opposer à la poliomyélite

antérieure « comme on oppose les unes aux autres les maladies qui

n'ont de commun qu'une grande analogie dans les symptômes mais

1. Les principaux résultats de cette étude ont été communiqués à la Société de Biologie

(Séance du 5 juillet 1890).

2. Raymond, Maladies du système nerveux, Paris, 1889, p. 375 et suivantes. ,

m. 10

138 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

qui diffèrent entre elles par la nature et le siège des lésions et par

leurs causes ».

M. Raymond est porté à croire « que les paralysies amyotrophiques

en rapport avec une névrite multiple et les paralysies amyotrophiques

d'origine manifestement spinale sont des états morbides similaires se

développant sous l'influence des mêmes causes, lesquelles peuvent

indifféremment atteindre n'importe quelle partie de l'appareil repré-

senté par ces trois organes : cellule ganglionnaire des cornes anté-

rieures, fibre motrice, fibre musculaire ». Mais il est d'avis aussi « que

l'élément dominant dans la pathogénie de ces amyotrophies, c'est

l'altération dynamique oustructurale des centres trophiques spinaux ».

Depuis, la question au point de vue doctrinal, du moins,

n'a guère été qu'effleurée dans la thèse de Mme Déjerine-KIumpke1.

Dans les chapitres de ce travail qui sont consacrés a la symptoma-

tologie des polynévrites, l'auteur décrit un type de polynévrite à forme

de paralysie générale spinale, mais n'insiste pas sur la paralysie

spinale aiguë. Toutefois, Mme Déjerine-KIumpke admet, au point de

vue des rapports de la myélite aiguë centrale diffuse et de la poly-

névrite, « qu'il s'agit d'affections extrêmement voisines résultant de

l'action tantôt sur le système nerveux périphérique, tantôt sur le

système nerveux central, d'un seul et même agent pathogène, virulent,

infectieux ou toxique ».

Cette opinion se rapproche, comme on voit, de celle de M. Raymond,

elle était intéressante à mentionner, bien que l'auteur n'envisage pas

ici le diagnostic de certaines formes de polynévrite avec la paralysie

spinale aiguë de l'adulte, et n'ait en vue, semble-t-il, que la paralysie

générale spinale diffuse de Duchenne.

Nous ne trouvons ensuite à relater qu'un certain nombre d'obser-

vations de polynévrites, parues dans ces derniers temps, jusqu'au

travail publié récemment par M. Déjerine3. Cet auteur, étendant aux

paralysies spinales en général et à la paralysie spinale antérieure

aiguë de l'adulte en particulier, les conclusions formulées autrefois

par Leyden sur la paralysie générale spinale de Duchenne, affirme la

nature périphérique de la paralysie spinale aiguë. L'un de nous a

combattu cette opinion dans un article paru il y a quelques mois dans

le Bulletin médical*.

1. 11 ? Déjerine-Klumpkc, Des polynévrites. Th. Paris, 1880, p. 31 ell9.

2. J. Déjerine, De la nature périphérique de certaines paralysies dites spinales aiguës

de l'adulte (Archives de Physiologie, 1890, n. 2, v° série, t. II, p. 218-261.

3. Lcyden, Ueber l\"eurilis und Poliottyelilis (Zeilschrijï (¡il' klinische Medicin, 13d I,

1880-1881, p. 387-131).

4. Paul Blocq, De la nature « centrale » de la Paralysie spinale aiguë de l'adulle

(Bull. méd., 20 avril 1890, n. 32, p. 361).

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 139

Disons tout d'abord que ce sont surtout des documents que nous

apportons dans ce débat, où nous considérerons seulement les rapports

de la polynévrite à forme amyotrophique avec la paralysie générale

spinale antérieure aiguë et subaiguë de l'adulte (laissant de côté la

paralysie générale spinale diffuse). Il nous a été donné, en effet, grâce

à l'obligeance de MM. Dutil et Marie, d'étudier anatomiquemcnt un

cas de polynévrite et un cas de poliomyélite de cette catégorie. Chacun

de ceux-ci, pris en particulier, présente quelques points méritant

d'être mis en lumière. De plus, il nous a semblé que leur comparaison

comportait certaines considérations sur la controverse actuelle. Il

paraît avéré, et l'une de nos observations en fait foi, qu'il est des

formes attribuées à la polynévrite qui revêtent jusqu'à un certain

point l'appareil clinique de la paralysie spinale aiguë. D'autre part, il

importe de maintenir dans les cadres nosologiques cette dernière

entité, qui repose, bien qu'on en ait dit, sur des faits positifs que nous

avons rassemblés.

Il y a donc encore place, en réalité, dans la nosographie actuelle,

pour deux groupes de paralysies amyotrophiques à symptomatologie

et à étiologie plus ou moins analogues : poliomyélites et polynévrites.

C'est ce qui ressortira au moins, en tout état de cause, de l'exposé des

observations concluantes que nous avons choisies pour les rapprocher

des nôtres, ainsi que de ces dernières elles-mêmes; car, pour la

solution du problème des relations qu'affectent ces deux groupes

entre eux, nous ne devrons formuler que des hypothèses, ainsi qu'en,

ce qui concerne la nature même de la polynévrite.

II

La poliomyélite de la paralysie infantile n'est pas actuellement mise

en doute, et ce sont les formes de paralysie spinale de l'adulte qui ont

été seules discutées : paralysie spinale antérieure aiguë de l'adulte,

paralysie spinale de l'adulte à marche subaiguë ou chronique, et

paralysie générale spinale antérieure subaiguë. N'ayant pu recueillir

de documents personnels sur cette dernière affection nous la négli-

gerons volontairement ici.

Nous reproduirons d'abord deux cas de paralysie spinale aiguë, qui

ne paraissent pas jusqu'à présent avoir été mis en valeur, du moins

en nous en rapportant, non seulement au travail de M. Déjerine,

mais encore au Traité cependant si complet de M. Raymond. L'histoire

anatomo-pathologique de la poliomyélite antérieure aiguë, dit ce

110 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

dernier auteur se réduit à très peu de chose. Le bilan peut s'établir

ainsi :

1° Une' observation (Gombault) -avec altérations spinales discu-

tables, interprétées par l'estphall comme étant l'expression pure et

simple de l'état sénile de la moelle.

2° Une observation (d'Eisenlohr) passible d'une critique du même

genre, car les lésions spinales constatées à l'autopsie du malade ont

été considérées, par quelques histologistes, comme ne préexistant pas

aux manipulations techniques que nécessite l'examen de la moelle au

microscope.

3° Enfin deux observations (d'Immermann et de Leyden), qui se

rapportent à la paralysie spinale ascendante aiguë de Landry, plutôt

qu'à la paralysie spinale antérieure aiguë de l'adulte.

L'auteur ajoute, qu'il aurait été moins affirmatif sur l'identité de

nature de la paralysie spinale infantile et de la paralysie spinale

antérieure aiguë de l'adulte, si l'histoire des formes subaiguës et

chroniques de cette dernière ne devaient fournir des preuves plus

convaincantes à l'appui de cette identification. '

Ce sont ces preuves que représentent les deux observations qui

suivent et qui, provenant d'auteurs dont la compétence est établie,

ont une importance décisive en la matière.

OBs. I (Rissler'). Résumé. Femme de vingt et un ans, morte

huit jours après le début de la maladie. A la suite d'un accouchement,

elle est prise de fièvre vive avec céphalée et rachialgie pendant vingt-

quatre heures. Le lendemain elle est paralysée des membres inférieurs

sans douleurs ni paresthésie. En même temps la main droite se prend.

Elle entre à l'hôpital le quatrième jour. On constate alors de la

dyspnée, une cyanose légère des lèvres; la température est de 38° 2.

Il existe un affaiblissement considérable de la motilité des quatre

membres. Le membre inférieur gauche est complètement paralysé, la

jambe droite a conservé quelques mouvements de l'articulation coxo-

fémorale. Les membres supérieurs sont très parésiés, de même que

les muscles du tronc. Il y a impossibilité de s'asseoir et de changer de

position dans le lit. Intégrité des muscles des yeux, de la langue, du

pharynx et de la face. Aucun trouble de la sensibilité ni des organes

des sens, ni de l'intelligence. Sphincters indemnes. La mort survient

trois jours après l'entrée à l'hôpital.

Autopsie. Macroscopiquement. Rien à noter dans l'encéphale,

1. Rissler, Zür Kenlniss der r eriinderUI1{fen des Nervensyslems bei l'oliolllljelitis

anlerior acula (Nordiskl medicinskt, Arldv, 1888, \ol. 22, n. 2, p. 1).

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 141

le bulbe, les méninges, et les racines rachidiennes. La moelle a une

apparence et une consistance normale; à la coupe on note une colo-

ration rouge intense des cornes antérieures au niveau du renflement

lombaire. Les cordons latéraux depuis le renflement cervical jusque

dans la région dorsale ont une coloration grisâtre, et présentent de

place en place de petites taches rouges.

Hislologiquement. -Il s'agit d'une dégénérescence aiguë des cellules

ganglionnaires des cornes antérieures. Celles-ci présentent un proto-

plasme à gros noyau dans un premier degré d'altération, puis on les

voit claires,. remplies de vacuoles, enfin visiblement atrophiées et

réduites à des blocs granuleux amorphes et réfringents. Les parties

avoisinantes sont relativement peu lésées. Les espaces péri-cellulaires

sont envahis par des leucocytes. Le réseau nerveux des cornes anté-

rieures est altéré, ainsi que les tubes des cordons latéraux; on y re-

marque lafragmentation de la myéline, et l'hypertrophie cylindre axile.

Les mailles de la névroglie sont aussi infiltrées de leucocytes.

Ces dernières altérations paraissent n'être que secondaires et sont

une conséquence de la réaction inflammatoire de la névroglie et des

vaisseaux, qui se développe à la suite de la destruction des cellules

ganglionnaires.

Le cas qu'on vient de lire est indiscutable au point de vue clinique

comme au point de vue anatomique. L'existence et la nature spinale

de la paralysie aiguë de l'adulte y sont établies et ce fait confirme

pleinement les vues hypothétiques de Duchenne. Aussi l'auteur ne

s'étend-il pas sur cette démonstration, mais présente cette observation

(ainsi que quatre autres de paralysie infantile) à l'appui des idées

émises autrefois par M. Charcot. On sait que notre maître pensait que

la lésion de la poliomyélite était due à une altération ¡primitive des

cellules ganglionnaires, alors que Roger, Damaschino et Roth émet-

taient l'avis d'une lésion plutôt vasculaire et interstitielle. L'occasion

qui s'offrait à Rissler d'étudier des cas de début, lui permettait de

prendre parti dans la querelle avec quelque autorité. Il conclut de ses

observations à la réalité de l'hypothèse de M. Charcot, et admet par

suite formellement la manière de voir de cet auteur : ce sont

les cellules ganglionnaires qui sont atteintes primitivement. Aussi

n'hésite-t-il pas à reconnaître et ce sont là ses propres expressions :

« qu'il fallait un homme du génie et de l'autorité de Charcot pour oser

faire, à l'aide d'une autopsie survenue chez un malade trente-trois ans

après le début de la maladie, une description des stades initiaux de

l'évolution anatomique de cette maladie, qui soit confirmée ultérieu-

rement. »

142 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP¡1 : THIÈRE.

OBS. II (Schùltze1). Résumé. B..., âgé de quarante-deux ails,

sans antécédents ni syphilis. On ne relève d'autre cause que le froid.

Le 21 février, au matin, il est pris de fièvre; l'après-midi, l'avant-bras

gauche est paralysé; une heure après, c'est le tour de la jambe droite.

Le lendemain tous les membres sont paralysés. Pas de douleurs. Tem-

pérature : m. 38°, s. 39°. Le 23, la paralysie reste complète. Le 24,

le 25, le 26, la température oscille entre 38 et 39°; on observe de -plus

quelques troubles vésicaux et la formation d'une escarre.

Dès le 27 (six jours après le début), la température redevient nor-

male, la paralysie est encore généralisée, mais plus accentuée aux

membres inférieurs. Les réflexes rotuliens sont abolis. M. Erb peut

constater à ce moment la présence de la réaction de dégénérescence

dans le jambier antérieur gauche.

Sept mois après (août), on constate une paralysie atrophique des

muscles de la ceinture scapulaire gauche et du triceps brachial de ce

côté, des muscles du dos, enfin de tous les muscles inférieurs.

Le membre supérieur droit est complètement indemne. Il existe de

la réaction de dégénérescence (examen de Erb) dans les muscles des

jambes, et de l'absence de contraction dans ceux des cuisses. Les

réflexes tendineux sont abolis. Sensibilité intacte. Pas de troubles des

sphincters ni de décubitus.

Peu de temps avant la mort, l'auteur a pu constater l'état station-

naire des phénomènes nerveux.

Autopsie. - Dlacroscopihcemerai. - Au niveau du renflement cer-

vical la corne antérieure gauche est plus petite que la droite et est

réduite de un tiers de son volume. La substance grise est à cet endroit

parsemée de points rougeâtres se distinguant du reste de la corne. Au

niveau de la moitié du renflement lombaire il existe un foyer tout

à fait semblable siégeant dans les cornes antérieures de la substance

grise. Les racines antérieures sont minces et grises dans ces deux

régions. Il n'y a rien au bulbe ni dans l'encéphale.

Examen histologique. - Dans les parties visiblement atteintes, on

constate sur les pièces fraîches des lésions de sclérose type. Sur les

coupes (après durcissement) on voit : à la région lombaire, une alté-

ration considérable des deux cornes antérieures. Les cellules ganglion-

naires ont àpeu près disparu sur toutes les coupes, ou sonttrès réduites

de nombre. De même, les prolongements du cylinder-axis et les fibres

nerveuses qui traversent la substance grise n'existent plus. Les cellules

1. Sclültze, Ziir Lehre von der Spinalen f(inderldhmung dei- Erivachseneil (Poliomye-

lilis acula anlerior). Arch. Virchow, 1876, 61 rase. 8" partie, p. 128. - Beilrlige sur

Pathologie und Palhologischen anatomie des Centralen Nervensyslem inbesondere des

IIuckcnmarks (Arch. Virchow, 1878, 7° rase., 3" partie, p. 443).

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 143

névrogliques sont plus abondantes et leurs prolongements sont t

épaissis. Il existe enfin des infiltrations nucléaires, et des altérations

vasculaires au même niveau. La substance grise des cornes posté-

rieures et la substance blanche sont intactes. Dans la région dorsale

et dans la région cervicale, il existe des lésions analogues de la

substance grise des cornes antérieures plus prononcées à gauche qu'à

droite.

Nous n'insisterons pas sur le diagnostic clinique à propos de cette

observation. Il nous suffira de rappeler qu'à l'époque où M. Schültze

observa le malade, deux ans avant l'autopsie, l'auteur allemand faisait

remarquer que son cas pouvait être considéré comme classique (eÏ1

Schulfall von Duchenneschen Paralysis).

On voit, d'après la relation de l'autopsie, qu'il existait une sclérose

très prononcée avec atrophie cellulaire des cornes antérieures de la

substance grise de la moelle épinière, sclérose plus accusée dans les

régions du névraxé correspondant aux membres atteints pendant la vie.

Cette autopsie établit formellement d'après Schültze, et l'on ne peut

que partager son opinion, l'analogie supposée antérieurement entre

les lésions de la paralysie infantile et de la paralysie spinale aiguë de

l'adulte. Dans ces deux cas, il s'agit d'une poliomyélite aiguë antérieure.

Il n'est peut-être pas sans intérêt de faire observer que l'une et

l'autre de ces autopsies se rapportent à des cas récents,' car ce dernier

examen a eu lieu deux ans seulement après le début de la maladie.

OBs. III (Oppenheim) i. Résumé. - Il s'agit d'une femme de cin-

quante-deux ans qui a été atteinte au mois d'août z1883 d'une faiblesse

du bras droit. Au bout de quatorze jours, le membre inférieur gauche

se prit; enfin, quelques mois après, le bras gauche puis le pied droit

furent atteints. Cette faiblesse augmenta graduellement de telle sorte

qu'en octobre 1884, la paralysie était assez avancée pour qu'il fût

impossible à la malade de marcher et de se servir de ses membres

supérieurs. Il n'existait aucun trouble ni de la sensibilité, ni des

sphincters.

A l'entrée de la malade à l'hôpital, en février 1887, on constata que

les troubles portaient exclusivement sur la motilité. Il existait une

paralysie flasque avec atrophie musculaire des quatre membres. Les

divers groupes musculaires étaient inégalement atteints, mais la

répartition de la paralysie n'était conforme à aucun type. Le deltoïde,

le biceps, le brachial antérieur, le long supinateur étaient frappés

1. Oppenheim, Polionyelilis anterior chronica (Berliner G. sur Psychyatrie,

14 nov. 1887).

144 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

d'une impuissance motrice très accentuée, tandis que .le triceps fonc-

tionnait encore assez bien. Aux membres inférieurs, les, muscles

innervés par le nerf sciatique poplité externe étaient complètement

paralysés, alors que les autres étaient seulement parésiés. 1

L'exploration électrique fit reconnaître l'existence de la réaction de

dégénérescence (complète et partielle) dans certains groupes. Aux

extrémités inférieures, cette réaction intéressait seulement le territoire

musculaire innervé par le nerf péronicr. Aux membres supérieurs on

la constate dans la sphère du radial, et d'une façon plus accusée à

gauche qu'à droite. Les muscles atrophiés présentent des contractions

fibrillaires notables. Les réflexes cutanés sont intacts. Les fonctions

de la vessie et du rectum sont respectées. ,

Il n'existe aucun trouble dans la sphère des nerfs crâniens ni

bulbaires.

Enfin on ne constate pas de fièvre, ni d'affection quelconque des

organes thoraciqucs et abdominaux.

Ultérieurement la paralysie progressa et attaqua les muscles encore

indemnes, bien que les fléchisseurs des membres supérieurs conser-

vassent encore un certain degré de motilité. Lorsque le triceps crural

fut atteint, le phénomène du pied cessa de se manifester. On nota aussi

des oedèmes légers des pieds et des mains. Vers la fin, les muscles du

cou et de la nuque furent pris, puis après les muscles masticateurs,

bien que la langue et les lèvres restassent indemnes. 11 survint en der-

nier lieu des troubles de la respiration, et la malade succomba trois

ans après, en 1886, dans un accès de suffocation.

Autopsie. - A l'oeil'nu, la moelle présente une apparence absolument

normale. L'examen microscopique montre, sur toute la hauteur de la

moelle, une atrophie très prononcée des cellules ganglionnaires. Cette

lésion atteint son maximum d'intensité au niveau des renflements

cervical' et lombaire. En certains endroits, il ne reste plus trace de

cellules nerveuses, ailleurs leur nombre est très réduit, et ceux de ces

éléments qui ont échappé au travail de destruction sont ratatinés et

privés de leurs prolongements. Dans les mêmes cornes antérieures, la

névroglie est envahie par un grand nombre de cellules araignées dont

les prolongements forment un réseau très serré. Rien d'anormal du

côté des vaisseaux. Les autres parties de la substance grise de la

moelle, de même que les cordons blancs sont indemnes. Les racines

antérieures sont atrophiées, ainsi que l'examen à l'oeil nu avait permis

de le constater, mais cette atrophie n'est pas, quant à son intensité,

proportionnelle il l'atrophie des cellules glanglionnaires des cornes

antérieures. Les nerfs périphériques sont indemnes, à l'exception des

ramifications intra-mu scÙlaires qui scdistribuentauxmusclesatrophiés.

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. Ho

Cette observation de M. Oppenheim acquiert une très grande valeur,

que M. Raymond a pris soin de mettre en lumière. « .le constate, dit

cet auteur, que voici un fait resté jusqu'ici sans pareil, comme netteté

dans l'expression clinique, et comme netteté dans les résultats fournis

par l'examen microscopique. Ce cas lève tous les doutes que pouvaient

susciter les autopsies précédentes de poliomyélite antérieure subaiguë

que je viens de passer en revue ; il démontre l'exactitude des prévi-

sions de Duchenne. Ce sagace observateur avait donc raison de soutenir

que la paralysie spinale antérieure subaiguë ne différait de la para-

lysie spinale enfantile et de la paralysie spinale aiguë de l'adulte que

par une évolution moins rapide, et qu'à l'instar de ces formes aiguës,

elle devait dépendre d'une lésion atrophique des cellules ganglion-

naires des cornes antérieures. »

L'observation qu'on va lire, est malheureusement incomplète, au

point de vue clinique, mais elle ne laisse rien à désirer au point de

vue histologique. Cette fois encore, les altérations spinales sont des

plus intenses, et limitées exactement aux cornes antérieures.

Cas. IV (notes communiquées obligeamment par M. Souza-Leite).

La nommée Ham... entrée au mois de juin 1884 à la Salpêtrière, salle

Duchenne, de Boulogne, dans le service de M. Charcot, y est morte

six mois après, en novembre.

A son entrée, Ham... marchait à peine, même avec l'aide d'une

canne. Elle se plaignait d'un affaiblissement des membres supérieurs,

qui aurait été plus notable encore quelques semaines auparavant.

Pendant les deux mois qui suivirent son admission, la malade

s'asseyait encore facilement sur son lit, et pouvait avec une certaine

difficulté, en.s'aidant de ses mains et de ses bras, mettre ses membres

inférieurs hors de son lit. A ce moment les membres thoraciques

étaient libres et assez forts.

De plus, elle se plaignait de temps à autre de quelques légers four-

millements à la plante des pieds et aux jambes.

Pendant les premiers jours de septembre 1884, l'affaiblissement des

membres inférieurs devint plus accentué et ceux-ci furent pris d'une

atrophie très prononcée. Dès lors, la malade est incapable de marcher

malgré l'appui qu'on lui prête. Il y a presque impossibilité de remuer

les cuisses et les jambes; pieds tombants. Elle se plaint de fatigue, est

découragée, mange peu. Il n'y a pas de troubles sphinctériens; ceux-ci

se montrèrent plus tard, sept à huit jours avant la mort.

A la fin de septembre, elle est moins fatiguée, elle peut remuer

quelquefois les jambes, plier très légèrement les genoux, mais ne pent

pas rapprocher ses cuisses du bassin.

146 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

En octobre, cette petite rémission disparaît, et les troubles aug-

mentent. Elle accuse quelques douleurs aux membres inférieurs, et à

la partie inférieure du tronc. La respiration est anxieuse, rapide,

dyspnéique.

Les membres supérieurs s'affaiblissent et bientôt la malade peut

difficilement se tenir à l'aide de ces mêmes membres. Elle ne peut pas

s'asseoir complètement, de telle sorte que son tronc arrive à former un

Lavée les jambes.

Les réflexes cutanés sont conservés à la plante du pied et aux jambes.

Les troubles s'aggravent, la respiration est de plus en plus difficile,

la malade manque d'air. Battements cardiaques précipités. Mort par

asphyxie.

M. le Dr Marie a bien voulu nous confier les pièces provenant de

l'autopsie de cette malade, ce dont nous le remercions infiniment.

Voici le résultat de l'examen que nous avons fait des régions cervicale,

dorsale, et lombaire de la moelle épinière, des nerfs médian, cubital,

et sciatique, des nerfs cutanés et des muscles mis à notre disposition.

PAUL BLOCQ, G. MARINESCO,

Chef des travaux nnatomo-pathologiqucs Assistant à l'Institut do pathologie expérimentale

à la Salpètrière. * de Bucarest.

(A suivre.)

ACROMËGALIE A DÉBUT PRÉCOCE

L'observation qui suit a trait à une malade rencontrée par nous à la

clinique de M. de Lapersonne à l'hôpital Saint-Sauveur (Service

ophthalrnoloique de la Faculté de Lille). Les faits d'acromégalie

paraissant être assez rares jusqu'ici, surtout en France où ils ont cepen-

dant été décrits pour la première fois, et, d'autre part, notre cas s'éloi-

gnant par quelques traits du tableau de l'affection tel qu'il a été dressé

par M. Marie, nous avons cru, sur le conseil de ce maître, devoir le

publier en le faisant suivre des réflexions que suscitent ses particu-

larités.

Obs.1 Alphonsine Prev.... est une jeune fille de dix-huit ans et

demi qui paraît à première vue bien plus âgée, vingt-cinq ans au moins.

Lourde, massive, la voix forte, le faciès indifférent, elle a un aspect

anormal qui attire tout de suite l'attention.

Antécédents héréditaires. - Elle est la troisième de neuf enfants

dont six sont encore vivants; les autres ont succombé, l'aîné à la coque-

luche, le septième à une méningite ( ? ) qui l'a enlevé à l'âge de dix

mois, le neuvième enfin est mort de faim dans la première semaine

par suite d'une malformation congénitale (imperforation de l'ceso-

phage très probablement) qui rendait toute alimentation impossible.

Sauf un enfant de neuf ans strabique, les autres frères et soeurs sont

bien portants. Un seul est plus âgé que la malade, c'est un vigoureux

garçon de vingt ans.

La mère atteinte de strabisme interne et le père sont bien portants

tous deux et n'ont aucun signe d'alcoolisme ou de syphilis. Ils sont de

taille moyenne, le père est plutôt petit.

Les grands parents paternels sont morts, l'un d'apoplexie (soixante-

seize ans), l'autre des suites d'un accident (chute d'un escalier à

soixante-sept ans). Les oncles, et tantes paternels vivants (au nombre

de quatre) sont d'une bonne santé sauf deux oncles atteints de bron-

1. l'risc en juin 1889..

148 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

chite chronique professionnelle (tailleur de pierres et peigneur de lin).

Ce dernier vient d'être atteint (avril 1890) de délire des persécutions;

il a dû être interné. Une tante est morte d'apoplexie à quarante ans.

La grand'mère maternelle est bien portante malgré ses soixante-

quinze ans. Le grand-père est mort subitement à soixante ans. Sur six

oncles et tantes, trois sont vivants et bien portants, trois 'sont morts

en bas âge (un écrasé, un brûlé, un diphthérique). -"

Bref, la longue enquête à laquelle nous nous sommes livré sur les

antécédents de famille de notre malade fait ressortir nettement la fré-

quence des altérations du système nerveux, apoplexie (grand-père et

tante), délire des persécutions (oncle) dans la ligne paternelle.- En

outre, la mère est strabique et, sur ses neuf enfants, on trouve la ménin-

gite, une fois, des, malformations diverses (strabisme, imperforation

de l'oesophage) deux fois et l'acromégalie, une fois. Ces faits méritent

d'être soigneusement retenus aux point de vue de l'étiologie de l'acro-

mégalie. , ' ,

Antécédents personnels. - Alphonsine Prev... a été atteinte d'une

fluxion de poitrine à un an,-puis de la rougeole. Son enfance s'est

écoulée ensuite sans autre incident pathologique, mais elle est restée

jusqu'à quatorze ans de petite taille. Cette affirmation de la malade et

de ses parents est corroborée par ce fait qu'à l'atelier où elle travail-

lait avec des enfants de son âge, on avait dû lui placer un tabouret

sous les pieds pour la grandir.

Elle a eu ses règles une seule fois à cette époque et elle nous raconte

qu'à ce propos elle fut fort grondée par sa mère pour avoir couru

nu-pieds sur des dalles de pierres. L'écoulement menstruel fut sup-

primé dès ce moment; il n'a pas reparu depuis.. C'est à cette époque

que la malade commença à grandir d'une manière démesurée. Sa

mère et elle sont très affirmatives sur cette question de date. En même

temps, elle constatait une augmentation notable de son appétit et, à inter-

valles variables, ressentait des douleurs vagues dans les membres. Tou-

tefois, ces douleurs n'étaient- rien en- comparaison d'une céphalalgie

frontale violente, opiniâtre, qui la tourmente depuis dix-huit mois,

s'exagérant par accès, accompagnée d'un état nauséeux prononcé et

améliorée parfois par le sommeil. Il y a huit mois qu'Alphonsine

Prev... s'est aperçue de la diminution de son acuité visuelle. Aujour-

d'hui l'amblyopie est telle qu'elle a peine à se conduire. C'est là pré-

cisément ce qui l'amène à M. de Lapersonne.

Etat actuel. -Il suffit de jeter les yeux sur le sujet (Pl.lXIV, XXV)

pour être immédiatement frappé de son aspect massif et du dévelop-

pement particulièrement exagéré des pieds, des mains et de la face.

La taille (lu ,68) dépasse notablement la moyenne féminine et en par-

IVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIÈRE T. : 11, , XXIV.

PROTOTYPE NÉGATIF Xi' PHOTOCOLLOORAFHIE CHÊNE ET LONGUET T

ACROMÉGALIE

Lkcrosnier et BABÉ

éditeurs

Nouvelle iconographie de la Salpètrière

T. ni . p. XXV.

Phototype négatif X"

PHQTOCOLLOGRAPUIE Chêne ET LONGUET

ACROMÉGALIE

L¡'CROpNIEJ{ ET HAHE

Éditeurs

ACROMÉGALIE A DÉBUT PRÉCOCE. 119

ticulier celle de la famille de la malade; le développement des mem-

bres supérieurs a été proportionnellement plus rapide que celui des

membres inférieurs et du tronc, car l'envergure est de lm,83, c'est-

à-dire dépasse de 0 ? 15 la hauteur de la malade.

Pour bien faire ressortir les symptômes primordiaux de l'affection,

nous extrayons du tableau des mensurations annexées il l'observation

les chiffres suivants qui sont les plus probants, et nous les comparons

à un chiffre moyen établi d'après les mesures prises par M. Verstrae-

tent, sur cinq femmes bien portantes. La similitude des races et le voi-

sinage des lieux d'observation (Gand et Lille) fait de la moyenne ainsi

obtenue un point de comparaison tout à fait applicable à notre

malade.

Tête. - Les mensurations mettent bien en évidence l'allongement

de la face et font voir qu'il tient en grande partie à l'hypertrophie du

maxillaire inférieur.

Le crâne est de dimensions normales :

Diamètre antéro-postérieur de la glabelle à l'occiput : 18cm,01 en

moyenne; 18 COI,5 chez notre malade.

Diamètre transverse entre les deux apophyses mastoïdes : 1 ? Z7

en moyenne; 12cl,5 chez notre malade.

Dès que la face intervient dans la mesure, le tableau change :

Le diamètre mento-occipital passe de 9.1 ? 07 (moyenne) à ? 4 ? 8 ;

La longueur depuis la racine des cheveux jusqu'au menton, de

17cm,36 (moyenne) à 19 centimètres;

Et cette augmentation tient aux maxillaires, car le compas nous

donne comme longueur depuis la partie inférieure du vomer jusqu'au

menton 7cm, 35 chez notre malade, au lieu de 5COI,9 (moyenne). Les

grandes dimensions de la mâchoire inférieure sont encore affirmées

par une autre mesure; son pourtour est de 24 centimètres d'un angle

à l'autre, au lieu de 21CI",86.

Outre ces caractères tirés du squelette, à noter chez Alphonsine

Prev... la largeur du nez à son implantation sur la face. Le nez n'est

pas allongé, mais élargi, étalé. Les joues sont plates, les lèvres épaissies

surtout la lèvre inférieure qui est légèrement renversée en dehors, les

paupières un peu tombantes par suite d'un allongement du tarse; le

pli cutané qui surplombe la paupière supérieure est très accentué à

cause de l'épaississement de la peau. La physionomie est indifférente,

sans expression, bien que les facultés physiques soient intactes.

Les oreilles sont grandes, sans exagération considérable cependant,

mais elles sont très épaisses, surtout l'oreille gauche.

1. Revue de médecine, mai 1889.

150 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTMËRE.

La langue est grosse, large, mais n'atteint pas le degré d'hypertro-

phie qui a été noté dans beaucoup de cas d'acromégalie.

Membre supérieur. - L'hypertrophie des mains est bien évidente

sur les photographies de la malade; je n'y insiste pas et je renvoie au

tableau pour le détail. Cette hypertrophie porte plus sur la largeur de

la main que sur les autres dimensions. Un fait que je tiens à relever en

passant parce qu'il prouve que l'on se trouve en présence d'un pro-

cessus pathologique et que, d'autre part, il est bien évident sur les pho-

tographies, est l'allongement tout particulier de l'annulaire gauche qui

atteint à peu près à la longueur du médius tandis qu'entre les doigts

correspondants de la main droite on retrouve la différence habituelle.

Cet accroissement de l'annulaire gauche porte surtout sur la phalan-

gine. La peau est pigmentée en brun au niveau du dos de la main et de

la face dorsale du poignet; elle est' épaissie, ce qui détermine la for-

mation de plis permanents très accentués à hauteur de la face pos-

térieure de l'articulation radio-carpienne.

Les avant-bras et les bras sont en rapport avec la haute stature d'Al-

phonsine Prev... mais n'ont pas les dimensions exagérées des mains.

Du reste la réaction dynamométrique est égale à la moyenne à droite

et un peu inférieure à elle à gauche.

Membre inférieur. - On y retrouve aussi accentuée qu'au membre

thoracique, l'hyperthrophie de l'extrémité. Le pied est surtout très

large, la malade ne trouve pas, de ce fait, de souliers à sa pointure, elle

est obligée de les commander sur mesure. Ici comme au membre supé-

rieur, l'hypertrophie ne porte pas seulement sur le squelette, les

parties molles, muscles, peau, etc., y prennent une large part.

Après avoir bien mis en évidence les trois grands signes précédents :

à savoir l'hypertrophie des pieds, des mains et de la face, il nous

reste à terminer l'exposé des autres signes rencontrés chez notre

sujet.

La tête penchée en avant repose sur un cou très gros, court, sans

saillie du cartilage thyroïde ni de la glande. La circonférence est de

40 centimètres; il est parsemé d'une dizaine de grains de molluscum

pendulum.

La poitrine est bien large, le dos est voûté. Je n'ai pas trouvé d'hy-

pertrophie notable des clavicules ni de projection du sternum. Les

seins présentent un développement moyen ; les mamelons ne sont pas

hypertrophiés. Il n'y a pas de matité rétro-sternale telle qu'elle a é.té

signalée par Erb. '

Rien d'anormal à noter du côté de l'appareil digestif. L'appétit

autrefois exagéré est aujourd'hui normal, la digestion physiolo-

gique.

ACROMÉGALIE A DÉBUT Pi,Éc.0-cL,. 151

L'appareil circulatoire est intact de même que l'appareil respiratoire.

Les urines sont normales.

Les règles sont supprimées depuis longtemps, nous l'avons vu; l'ap-

pétit sexuel est nul.

Nous n'avons trouvé aucune altération des sensibilités générales

ou spéciales. La voix et la vue sont seules altérées.

La voix est grave, un peu enrouée, masculine. La vue diminuée au

point que le sujet a besoin d'un guide. L'examen ophthalmoscopique

pratiqué par M. de Lapersonne a donné les résultats suivants :

OEil droit. - La papille est d'un blanc chatoyant avec petite exca-

vation centrale; son bord supéro-interne (image ophthalmoscopique)

est encore légèrement diffus. Dans sa partie interne, elle est traversée

par trois veines volumineuses et légèrement tortueuses; deux petits

vaisseaux accompagnent la veine, on ne trouve pas de vaisseaux ail-

leurs, même à un fort grossissement. Pas de lésions du côté de la

macula ni à la périphérie.

OEil gauche. - La papille est moins blanche, les bords en sont

légèrement diffus surtout en haut et en bas où la papille semble se

prolonger au niveau des vaisseaux par suite de l'existence d'un peu

d'oedème rétinien. En outre des vaisseaux principaux, il existe encore

un peu de vascularisation propre de la papille visible surtout à un

fort grossissement. Rien d'anormal à la macula ni à la périphérie.

En résumé, le processus qui conduit notre malade à la cécité est

celui de la névrite optique avec stase, telle qu'on l'observe dans les

inflammations du nerf d'origine intra-cranienne.

Voici pour compléter l'observation un tableau des principales men-

suration pratiquées chez Alphonsine Prev. '

i 52

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIËRE.

ACROMËGALLE A DÉBUT PRÉCOCE. 153

L'état général reste bon, mais le sujet affligé de sa cécité rapide

devient mélancolique et chagrin'.

L'observation qui précède peut se résumer en quelques mots : Une

enfant de quatorze ans prend froid au moment de l'apparition des

premières règles; celles-ci sont supprimées brusquement et, de ce jour,

l'enfant commence à grandir d'une façon exagérée : les extrémités, pieds,

mains, face, prenant toutefois les devants dans l'hypertrophie générale.

Quelques douleurs vagues dans les membres, plus tard une céphalalgie

violente, puis une névrite optique double aboutissant à la cécité, tels

sont les signes qui complètent dans ses lignes générales le tableau

morbide présenté par Alphonsine Prev... et font tout de suite songer à

l'affection si magistralement décrite par M. P. Marie, à l'acromégalie.

Toutefois, deux traits un peu spéciaux individualisent mon observa-

tion et méritent l'attention : ce sont, d'une part, le début précoce de

l'affection et d'autre part l'accroissement total du corps. Or de ces deux

particularités l'une n'est à notre avis que la conséquence de l'autre.

J'espère en convaincre le lecteur.

Le début habituel de l'acromégalie est assez difficile à préciser, l'af-

fection n'attirant d'ordinaire l'attention que lorsqu'elle est notable-

ment accentuée et ne se manifestant au début, pour le sujet, que par

un peu de céphalalgie et l'obligation de changer fréquemment la poin-

ture des chaussures et des gants. Dans son article du 16 mars 1889,

dans le Progrès médical, M. Marie fixe l'âge ordinaire du début entre

vingt et vingt-six ans; dans une leçon plus récente (Bulletin médical,

5 déco 1889), il l'avance toutefois un peu : « L'acromégalie, dit-il, n'est

pas congénitale, elle ne s'observe pas chez les enfants, et apparait

d'ordinaire entre dix-huit et vingt-six ans. » Virchow (Soc. de méd.

inG. de Berlin, 1G janv. 1889) en présentant le squelette d'un malade

observé par Fraentzel et considéré comme acromégalique ajoutait que

la fille de cet homme, âgée de onze ans seulement, est déjà aeroméga-

lique ; mais M. Marie ayant des doutes sur le cas de Fraentzel, nous ne

pouvons tirer de conclusions du diagnostic porté chez sa fille l'affec-

tion étant la même chez tous les deux. La précocité du début dans mon

cas (quatorze ans) reste donc une rare exception et c'est par ce début

précoce que j'explique la seconde particularité de mon observation :

l'augmentation de la taille.

On conçoit en effet que l'incitation ostéogénique qui, somme toute,

est la caractéristique essentielle de la maladie de Marie se manifestant

chez un sujet dont le squelette est encore en voie de formation,

comme une enfant de quatorze ans, amène l'accroissement exagéré d'un

1. La malade a été présentée à la Société centrale do médecine du Nord dans la séance

du Il mars 1890.

III. 11

154 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

nombre d'os plus considérable que dans les cas où, débutant plus tard,

elle évolue dans un organisme dont le développement osseux est achevé

ou près de l'être. De plus, dans ces conditions, et à cause de leur allon-

gement même, les extrémités doivent paraître moins élargies.

Dans l'acromégalie, la cécité est due à la compression des nerfs

optiques par le corps pituitaire hypertrophié jusqu'à atteindre le

volume d'une pomme d'api. La marche rapide de l'amblyopie dans

notre cas s'explique aussi tout naturellement par le développement

accéléré des tumeurs de tout ordre chez les jeunes sujets.

La haute importance qui s'attache en la matière à l'opinion de

M. P. Marie me fait un devoir d'ajouter que j'ai soumis à son obli-

geante attention les photographies de la malade et un résumé de son

observation. M. Marie a bien voulu me répondre qu'il ne se refusait

pas à admettre l'explication proposée par moi et à voir dans mon fait

une acromégalie atypique. Je n'insisterai pas sur la valeur consi-

dérable de cette appréciation de notre jeune et savant maître.

En résumé je crois légitime de tirer du fait qui précède les conclu-

sions suivantes :

1° L'acromégalie peut avoir un début précoce;

2° Dans ce cas, l'hypertrophie, quoique toujours prépondérante aux

extrémités, y est moins étroitement cantonnée ;

3° L'affection paraît revêtir alors une marche plus rapide.

' Dr IL SUR111ONT,

Chef de Clinique à la Faculté de médecine de Lille.

NOTE SUR LA RÉTRACTION NÉVROPATIIIQUE

DE LA PAUPIÈRE SUPÉRIEURE

Les mouvements des paupières sont encore parmi les points obscurs

de la physiologie. L'antagonisme de l'orbiculaire animé par le nerf

facial et du releveur de la paupière supérieure innervé par le nerf

moteur oculaire commun n'est pas encore élucidé. Dans le sommeil,

c'est certainement l'orbiculaire qui l'emporte; mais si, au moment de

la mort, le mouvement d'élévation conserve plus longtemps son éner-

gie, puisque l'oeil reste en général ouvert, cette action ne doit pas être

nécessairement attribuée au releveur des paupières. La rétraction

posthume de la paupière supérieure peut être le fait du muscle de

Millier, muscle à fibres lisses qui serait capable de conserver son acti-

vité plus longtemps que les muscles rouges.

L'ouverture et l'occlusion de la fente palpébrale s'effectuent le plus

souvent d'une manière réflexe : si ces mouvements peuvent s'exécuter

aussi sous l'influence de la volonté, ce n'est pas avec une égale facilité.

La plupart des individus sont capables de fermer isolément un oeil ;

mais lorsque les deux yeux sont ouverts, beaucoup de sujets sont inca-

pables d'exagérer l'ouverture d'un seul. Il semble que l'élévation soit

moins absolument sous l'influence de la volonté.

Du reste, à l'état normal, l'ouverture palpébrale présente des varié-

tés individuelles très considérables. En général, dans le regard hori-

zontal, la tête droite, la paupière supérieure ne laisse pas voir la sclé-

rotique au dessus de la cornée; elle recouvre même le plus souvent

une petite étendue de la cornée : aussi, l'exposition d'une certaine

étendue de sclérotique au-dessus de la cornée est-elle considérée

comme un phénomène morbide.

Ce phénomène peut se présenter dans des conditions assez dif-

férentes.

Dans la paralysie faciale, par le faitde l'impotence de l'orbiculaire,

l'ouverture palpébrale prend des dimensions exagérées, surtout lorsque

la paralysie résulte-d'une section totale du nerf facial. Ce trouble est

moins marqué dans la paralysie dite a frigore; il manque dans la

156 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S1L1'1 : TPII : RE.

paralysie d'origine centrale, qui pourtant produit plus souvent qu'on

ne le dit un certain degré de paralysie de l'orbiculaire.

En outre de cette logopllthalmie paralytique, il existe une autre

forme, logophthalmie active ou spasmodique, dans laquelle l'action de

l'orbiculaire restant normale, l'anomalie porte sur les mouvements

d'élévation.

L'élévation exagérée de la paupière supérieure s'observe à l'état

normal, sans aucune anomalie de volume ou de saillie du globe oculaire;

sous l'influence d'émotions sthéniques, comme la colère, le plaisir, il

se produit une apparence d'exophthalmie : on dit que les yeux sortent

de la tête. En général, il existe en même temps une diminution de la

fréquence du clignement.

Dans l'étonnement et dans l'attention soutenue l'ouverture de la

bouche s'associe à la dilatation palpébrale. Du reste, la dilatation

associée des sphincters palpébraux et du sphincter buccal se rencontre

dans maintes circonstances : on la voit dans l'ouverture forcée de la

bouche pour un examen buccal ou laryngoscopique et dans les efforts

volontaires pour ouvrir l'oeil, qu'il soit douloureux ou non (de Wec-

ker).

L'élévation- exagérée de la paupière supérieure se produit chez

quelques individus à propos de tout effort violent, et alors, comme

dans l'agression, elle a souvent pour caractère particulier d'être asso-

ciée à une contraction énergique du muscle pyramidal, qui amène le

sourcil en avant de telle sorte que le bord libre de la paupière est

recouvert et que l'exposition d'une portion de la sclérotique laissée à

nu au-dessus de la cornée peut passer inaperçue.

Cette exagération symétrique de l'élévation de la paupière supé-

rieure sous l'influence de quelques excitations générales, pourrait,

être attribuée dans quelques cas à une longueur exagérée de la fente

palpébrale qui permettrait un plus grand écartementdans le sens ver-

tical. Cependant cette circonstance est rarement en cause, et c'est sur-

tout lorsqu'elle manque que l'arc formé par la paupière supérieure

forme une convexité très marquée : la surface découverte de la scléro-

tique s'arrondit, c'est l'oeil en boule de loto.

Cette logophtllalmie active, émotionnelle, intéressante seulement au

point de vue de l'étude de la physionomie, doit être attribuée en grande

partie àl'action de l'élévateur de la paupière, caries individus qui la pré-

sentent sont souvent capables de la produire volontairement. Cepen-

dant, le muscle de Mutler entre peut-être en jeu pour maintenir la

position et s'opposer au clignement, qui devient souvent plus rare dans

les mêmes circonstances.

C'est aussi dans l'élévateur que l'on localise le spasme si curieux

RÉTRACTION W\'It01'.1TIIIQUE DE LA PAUPIÈRE SUPÉRIEURE. 157

dans lequel le mouvement de la paupière supérieure s'associe aux

mouvements du maxillaire inférieur et particulièrement aux mouve-

ments de la latéralité de] cet os. Ce spasme de la paupière supérieure

apparaît surtout lorsque le malade mange en regardant en bas : la

paupière se relève brusquemeut d'un seul côté. C'est le plus souvent

chez des jeunes filles qu'il se produit; mais on l'a signalé aussi chez

des hommes adultes, notamment dans un cas de M. Meyer. Mon ami

M. Valude, médecin des Quinze-Vingt m'en a rapporté un exemple

chez un homme d'une quarantaine d'années, sans autre trouble d'ail-

leurs. Ce singulier spasme coïncide généralement avec un certain

degré de ptosis congénital du même côté. Signalé pour la première

fois en France par M. de Wecker ' il avait déjà été observé en Angle-

terre par Marcus Gnnn et en Allemagne par IIelfreich, Fuchs,

Fraenkel 3, Bernhardt ', Uhthoff', et enfin par Bull °.

Cette association a été expliquée par l'hypothèse d'anastomoses

centrales du nerf moteur oculaire commun avec la branche motrice du

trijumeau ou avec le facial; mais sa cause reste jusqu'à présent au-

dessus de toute interprétation rationnelle.

La rétraction de la paupière supérieure se rencontre encore, mais

d'une manière permanente, dans certaines conditions pathologiques.

MM. de Wecker etlandoltl la signalent dans l'ataxie locomotrice, où i

on la trouve combinée avec la mydriase : ils l'auraient aussi observée

dans l'hystérie et dans la grossesse, mais dans des conditions qui ne

paraissent pas nettement déterminées. Mais c'est surtout dans le

goitre exophthalmique qu'on l'observe fréquement, et on peut

même dire que lorsqu'elle se présente avec l'ensemble de caractères

que nous allons énumérer, elle passe pour pathognomonique de cette

maladie.

La rétraction de la paupière supérieure peut exister dans la ma-

ladie de Graves en l'absence d'exophthalmie, et elle suffit à elle seule

à donner au regard son expression d'effroi si caractéristique. Cette

rétraction de la paupière supérieure a été signalée par White Cooper

et par de Gracfe ; mais son caractère de permanence avec absence de

1. Bull. de lit Soc. d'oplttltalntoloie de Paris, 1889, t. II, p. 2.

2. 7'i-aiis. of lite ophthal. soc. ol' the 1mited Kingdom, III, 1883, p. 883.

3. Congrès des o/)/t</t. tt lleirlelberg, 1887.

4. Centralbi. f. Nervenlteilk.. 1888.

5. l3erl. klill. \1 oeil., 1888.

6. Arch. of Ophthal., 1888, XII, 2.

7. De Wecker et Laudolt. - Traité complet d'oplitlialmologie, t. I, p. 145.

8. On /intrusion or Ille oyes ire connexion witlr amenda, palpitation and goitre

(Lattcel 1849, p. 551).

9. Ueber- die Basedotusche lirnnkh. (llerl. l.lira. lI'oclt., 1861, n° 16.- Deulsch. Idin.,

n" 16. ? ,Vonf ! h&<ft«c)',p. 183).

158 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S,1LI'CTRIERG.

clignement a surtout été mis en lumière par Stellwag von Carrion',

aussi la rétraction de la paupière, supérieure avec suppression du cli-

gnement est-elle quelquefois désignée sous le nom de signe de

Stelhuag. ' z

Mais, dans le goitre exophthalmique, la rétraction de la paupière

supérieure se manifeste encore par un autre phénomène, c'est l'ab-

sence de synergie du mouvement de la paupière supérieure et du globe

oculaire lorsque le regard est dirigé en bas. Cette absence de synergie,

qui entraîne la mise à nu d'une partie plus ou moins étendue de la

sclérotique au-dessus de la cornée est désignée sous le nom du signe

de de Graefe qui l'a décrite le premier. (

Les signes de Stellwag et de de Graefe, surtout lorsqu'ils sont réu-

nis, sont considérés comme. appartenant enpropre.au goitre exophthal-

mique et on les attribueau spasme du muscle de Millier. Cette

hypothèse a- pour elle la permanence du spasme et l'absence dé syner-

gie dans l'abaissement de l'oeil et de la paupière. '

En dehors du goitre exophthalmique et des cas rares et mal déter-

minés relevés par MM. de 'Wecker et Landolt, le signe de Stellwag a

été rencontré sans autre symptôme physique par M. Byrom l3ramwell°-

chez deux individus affectés de troubles mentaux et le même auteur

a observé la combinaison des signes de et de de Graefe

chez un homme paraissant' absolument sain à tous égards °. j

.1'observeÏactuellement un malade qui présente, comme on peut

le voir sur les figures 2 et 3 de la planche XXVI, les signes de Stclhvag

et de de Graefe'. Ce malade, âgé de quarante-deux ans, est épilep tique

depuis l'âge de treize ans et l'intelligence a éL'6 -foi-lieheit-"âtièin-le.

Depuis près'd'un an, iln'a-plus d'attaques : L'attention n'avait pas été

appelée sur'ses yeux'; il n'est pas sûr que les troubles actuels soient

de date récente. Depuis quelques mois, sous l'influence de la dimi-

nution des accès, l'intelligence a éprouvé une- amélioration notable e

et il est actuellement assez facile de. l'étudier.. ? ', '

Il ne présente aucun des troubles viscéraux qu'on peut rattacher

au goitre exophthalmique, aucun trouble cardiaque; 'le pouls, examiné

à différentes reprises, ne dépasse guère 80 battements par minute,

même dans les moments d'excitation : il n'existe non plus ni

f *

tremblement ni' goitre. Il n'y a pas d'exophthalmie. Aucune ano-

malie de l'oeil, les pupilles sont égales, moyennement. dilatées et

mobiles. Lés paupileont ausi movilés sous l'influence de la volonté;

1. Wiener mecs. Jahrbiicher, 1869, t. XVII, p. 135.

2. Sludies in clinical medicine, t. I", n° 17, p. 280, 1890.

3. Ibid., p. 306. ,

4. Ch. Féré, les Epilepsies elles Épileptiques, in-8°, 1890, p. 560.

NOUVELLF JCONOr.I{APHJ'F DF LA SALPLTRIIRR

T. III, P. XXVI

Phototype NÍ : GATJr X ?

PFIOTOCOLLOf.f[APHIC CH1'NL : ET LONGULT

RETRACTION NÉVROPATHIQUE DE LA PAUPIÈRE SUPÉRIEURE

RÉTRACTION N$VROPATIIIQUE DE LA PAUPIÈRE SUPÉRIEURE. 159

le malade ferme bien les yeux (fig. 1). Quand il regarde en face,

on voit(fig. 2) que la paupière laisse à découvert, au-dessus de la cor-

née, une bande de la sclérotique et que le clignement est très rare. Ce

signe s'accentue lorsque le malade est excité, il découvre alors

au moins 4 millimètres de sclérotique. La comparaison des figures

1 et montre que les rides frontales ne sont pas plus marquées

lorsque les yeux sont ouverts que lorsqu'ils sont fermés; la con-

traction des muscles périorbitaires n'est donc pour rien dans la

production des phénomènes.

Lorsqu'on le fait regarder en bas, la paupière supérieure ne descend

pas en même temps que la pupille et elle laisse entre son bord libre

et le bord supérieur de la cornée un espace de à 3 millimètres

(fig 3).

En somme, les signes de Stellwag et de de Graefe sont bien carac-

térisés et il n'existe aucun autre trouble pouvant être rattaché au

tableau du goitre exophthalmique. On a cité des cas dans lesquels le

goitre exophthalmique est apparu après la cessation d'attaques épilep-

tiques*. L'avenir montrera s'il s'agit ici d'un fait de ce genre. Cette

observation prouverait en tout cas que le syndrôme palpébral peut

être le premier signe de la maladie de Graves.

Sur deux autres épileptiques, j'ai relevé un phénomène qui mérite

d'être rapproché de ce fait. L'ouverture palpébrale ne présente rien de

particulier; mais le clignement est rare et lorsque le sujet dirige son

oeil en bas, la paupière supérieure suit le mouvement, mais avec une

lenteur remarquable, laissant momentanément à découvert une large

étendue de sclérotique. Ces deux malades ne présentent non plus aucun

trouble qui puisse être rapporté au goitre exophthalmique.

cl. Féré,

Médecin de Bicètre.

1. G. Ballet. De quelques troubles dépendant du système nerveux central observés

chez les malades atteints de goitre exophthalmique (Rev. de médecine, 1883, p. 256).

UN CAS D'ACROMÉGALIE A DEBUT RÉCENT

Dans tous les cas d'acromégalie publiés jusqu'aujourd'hui, il s'agit

toujours de malades présentant l'affection dans son entier développe-

ment. Le cas que nous allons rapporter ici nous semble intéressant

en ce sens que la maladie est encore presque à son début. De là sans

doute le peu d'intensité des déformations en certaines régions et leur

développement caractéristique en certaines autres. 11 eût été intéres-

sant, après avoir observé la malade en z1890, de la suivre régulière-

ment pendant deux, trois ou quatre ans et de reprendre à nouveau son

observation au bout de ce temps. Malheureusement cela n'était pas

facile. Il ne s'agit point d'une malade d'hôpital, admise à demeure à

la Salpêtrière, comme étaient les premières acromégaliques de M. P.

Marie. Je n'étais nullement sûr de la retrouver plus tard au moment

voulu et de pouvoir constater alors le progrès des lésions que j'obser-

vais aujourd'hui. C'est pourquoi, tout en gardant par devers moi

l'espoir que je pourrai quelque jour confirmer mon diagnostic en

constatant l'extension et l'augmentation des lésions, je donne ici cette

observation, intéressante seulement aujourd'hui par l'âge de la ma-

ladie :

La nommée Emma R..., couturière, est âgée de trente ans.

Ses antécédents héréditaires sont muets du côté paternel. La famille

de son père et son père lui-même lui sont inconnus. Elle sait seule-

ment qu'il était israélite.

Sa mère était atteinte d'une maladie de foie avec crampes d'estomac.

Elle prenait des pilules de térébenthine. Il s'agit probablement là de

lithiase biliaire.

Elle n'a ni frères ni soeurs. Elle a eu un frère, mais qui n'était pas

du même père qu'elle et qui est mort tout petit.

'l'rois oncles maternels, dont deux parfaitement sains à tous égards.

Le troisième est.un peu écervelé, a fait des coups de tète, n'a jamais

voulu apprendre aucun métier, quoique très intelligent.

UN CAS D'ACROMÉGALIE A DÉBUT RÉCENT. 1G1

Le grand-père maternel est mort fou. Sa femme, fort jolie et dépen-

sière, l'avait ruiné; et à la suite de chagrins, il a perdu la raison et est

mort dans un asile aux environs de Grenoble.

Antécédents personnels. La malade, née à terme et bien portante

lors de sa naissance, a été plus tard fort mal soignée en nourrice. Elle

a été ensuite « nouée » et n'a marché qu'à trois ans. Jusqu'à sept ans,

elle a été continuellement sujette à des troubles digestifs, vomissant

tout ce qu'elle prenait. On lui donna pendant cette période beaucoup

d'huile de foie de morue, de sirop antiscorbutique, etc.

De sept à seize ans, elle vécut à Grenoble, chez un oncle. Pendant ce

temps elle resta bien portante, sauf qu'elle était sujette de temps en

temps à des étouffements produits par une boule qui lui remontait à

la gorge. Cela survenait surtout sous l'influence d'une émotion ou

d'une contrariété.

Je possède la photographie de la malade à l'âge de quinze ans. Il est

facile de voir sur ce portrait qu'elle est un peu grosse; mais la face ne

présente pas la forme particulière qu'elle a aujourd'hui. Elle est à peu

près ronde, nullement allongée en ovale, comme elle devint plus

tard, les saillies osseuses étant beaucoup plus masquées par le tissu

adipeux qu'actuellement. On ne saurait mieux rendre cet aspect que

par une locution vulgaire : c'était une grosse joufflue. On peut voir

aussi que les mains sont grandes; mais la petitesse de l'épreuve que

j'ai entre les mains ne permet pas de tirer des conclusions bien sé-

rieuses au point de vue de leur forme.

Vers dix-sept ans, elle entra comme demoiselle de magasin dans un

établissement de pâtisserie qu'elle fut obligée de quitter à cause d'une

anémie considérable pour laquelle elle se soigna chez elle. De là elle

part en Angleterre rejoindre sa mère et y reste- quatre ans en qualité

d'institutrice dans une pension anglaise. Enfin elle revint à Paris, et

un an après se maria (juillet 1885).

A ce moment la malade, qui était assez grosse, n'avait cependant pas

la forme de face qu'elle présente aujourd'hui. Elle est très affirmative

à ce sujet. Presque juste neuf mois après son mariage, elle eut une

petite fille, née à terme, dans un accouchement très laborieux. L'ac-

coucheur de l'hôpital Lariboisière recommanda même à la malade, si

jamais elle redevenait enceinte, de se présenter à l'hôpital au septième

mois de sa grossesse, si elle voulait éviter les accidents qui s'étaient

produits la première fois. Il s'agit là probablement de vestiges du

rachitisme dont la malade dit avoir souffert en nourrice. Ce sont,

d'ailleurs, à peu près les seuls, ainsi qu'on le verra par la suite de

l'observation.

La malade a été réglée à quinze ans. Jusqu'à son mariage, elle l'était

162 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

très irrégulièrement, restant jusqu'à trois et six mois sans voir venir

ses règles. Depuis son mariage, l'irrégularité a persisté; mais une

trop grande fréquence a remplacé les arrêts et les retards. La malade

a ses règles tous les quinze jours, quelquefois toutes les trois se-

maines.

Début de la maladie actuelle. Ce n'est qu'il y a deux ans z1888) que

la malade s'est aperçue qu'elle changeait beaucoup : sa face s'allon-

geait, surtout dans sa moitié inférieure. Ses mains augmentèrent en

même temps de volume. Elle porte habituellement des gants très

larges, presque toujours en fil, et a été obligée de supprimer les gants

de peau, non pas que sa main fut devenue plus longue, mais les pro-

portions normales qui existent entre la longueur, la largeur et l'épais-

seur des mains et des doigts avaient été détruites. Aujourd'hui - et

cela a commencé il y a deux ans - pour trouver des gants qui lui

aillent comme largeur, elle est obligée de prendre une pointure

dont la longueur des doigts se trouve être beaucoup trop consi-

dérable.

Les doigts ont augmenté aussi pour leur compte en largeur. L'al-

liance de la malade, qui autrefois était très large à l'annulaire, est

devenue aujourd'hui extrêmement serrée.

Il en est de même pour les extrémités inférieures. La malade ne

trouve pas facilement de chaussures à son pied. Son ancienne pointure

ne lui est pas devenue trop courte, mais beaucoup trop étroite, de

sorte que pour avoir la largeur aujourd'hui nécessaire, elle est obligée

de prendre beaucoup trop long.

En ce qui concerne la mâchoire, elle a remarqué que, depuis deux

ans environ, les dents d'en bas s'avancent en avant et qu'elles ne sont

plus de niveau avec les dents de la mâchoire supérieure.

Autrefois la malade était sujette de temps en temps à quelques maux

de tête, à quelques. névralgies dentaires. Mais depuis, deux ans a com-

mencé une céphalalgie d'un caractère absolument différent, presque

continue et fort gênante pour la malade. ' .

Etat actuel (avril 1890).' Extrémité céphalique. Il n'existe pas, à

première vue, de grandes modifications du côté du crâne. La mensu-

ration à l'aidé d'un cordeau montre que la distance entre la racine du

nez et la protubérance occipitale externe mesure 30 centimètres. Il

n'existe pas de saillie anormale des sutures. Les protubérances ne

sont pas anormalement accentuées.

La face présente un aspect tout à fait caractéristique (voir plan-

ches XXVII, XXVIII). Elle est énorme et c'est sur elle seule, pour ainsi

dire, que porte l'hypertrophie de l'extrémité céphalique. L'ovale est

nettementexagéré. Le front paraît fuyant et cette apparence est rendue

ONOORAPHIT nF TA SATP1'TRtI'-RR y : n, °. XX%11

PHOTOTYPE négatif A. LONDE

PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne ET Longuet.

ACROMÉGALIE

LFcRosNiF.n ET Babé.

Nouvelle iconographie de la SALPL7RIPRE T 111 P. -11

PHOTOTYPE NÍ.GA1ïf' A. LONDN PHOTOCOLLOGnAP111E CH1 : NC ET La

ACROMÉGALIE

LECROSNIER FT Babé

Nouvelle icohocraphp de LA SAL1.TRItRt' T. III p y,l

ACROMÉGALIE

Comparaison de la main d'acromégalique (situé ,i droite)

avec tannin d'une fille de même â¿e

PROTOTYPE NI : CATII A. LONDE

PHOTOCOLLQGRAPHIE Chiche ET LONCUET.

Mua. cl"acromé £ a11glle (à droite)

Main d'.me fille de même âge ayant de grosses mains (à gauche)

UN CAS A DÉBUT RÉCENT. 163

encore plus visible par la saillie considérable de la paroi supérieure

de l'orbite. i

' Les yeux sont un peu saillants. Les paupières sont épaisses; les

cartilages tarses, augmentés de volume. L'examen ophthalmoscopique,

pratiqué par M. le Dr Parinaud, a donné les résultats suivants : aucune

lésion du fond de l'oeil. La réduction de l'acuité visuelle est due à une

anomalie de la réfraction (astigmatisme myopique) qui n'a jamais été

corrigée par l'usage des verres. Les pupilles réagissent bien à- la

lumière. , (

Le nez est énorme. Les orifices des narines ne sont pas très larges,

mais il existe une épaisseur considérable des ailes du nez et de la peau

qui recouvre la cloison. i ,

La lèvre supérieure est très grosse et très longue, c'est-à-dire que

la distance entre le nez et le rebord muqueux labial est considérable.

La lèvre inférieure est énorme et présente à un haut degré la dispo-

sition dite « en rebord de pot de chambre ».

Le menton est allongé, proéminent, très volumineux et donne

lieu à un prognathisme très accentué. Au toucher, on constate

que le maxillaire inférieur est notablement plus épais qu'à l'état

normal.

Les apophyses zygomatiques sont très saillantes.

Les oreilles ne sont pas très grandes, mais notablement épaissies.

La langue est de volume considérable, épaisse et large, plus épaisse

cependant que large, relativement. Il n'existe aucun-trouble delà

prononciation, ni de la déglutition.

" La voûte palatine présente une étendue considérable. Elle paraît

fortement allongée d'avant en arrière et légèrement ogivale.. ,

Mains. La main droite est un peu plus grosse que la gauche : 'La

malade, on l'a vu plus haut, dit que ses mains se sont élargies et épais-

sies, mais n'ont point augmenté en longueur, ainsi qu'elle a pii;le

constater par ses gants. Elles sont larges et un peu camardes. Les

doigts sont élargis, aussi gros à l'extrémité qu'à la racine. Les ongles

sont petits. Les déformations, bien que faciles à distinguer de l'état

normal (voir planche XXX), sont cependant beaucoup moins accen-

tuées qu'à la face. La circonférence de la main au niveau' des arti-

culations métacarpo-phalangiennes, mesure à droite 20 centimètres, à

gauche 19 centimètres.

Les poignets sont plutôt minces au-dessus de l'articulation radio-

carpienne. Mais au niveau même de celle-ci,, on constate une saillie

un peu exagérée des apophyses styloïdes radiale et cubitale. A ce

propos, il est bon de rappeler qu'air- dire -de la malade elle auraifété

« nouée » pendant son enfance.

16 ! NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Les bras et les avant-bras ne présentent rien de particulier à

noter.

Le cou est penché en avant et il existe une cyphose supérieure

cervico-dorsale, caractérisée par une saillie anormale de la septième

cervicale et un certain degré de rapprochement du menton vers le

sternum.

Le thorax est remarquable par la saillie considérable des clavicules

qui sont énormes et dont les courbures sont extrêmement accentuées,

avec de larges et profondes « salières » au-dessus d'elles. La malade a

constaté qu'il existait une notable diminution du volume des seins.

De plus, au-dessus d'eux, de chaque côté, on voit une sorte de gibbo-

sité antérieure. On pourrait, il est vrai, en présence, de cette bosse,

penser au rachitisme dont la malade a souffert pendant son enfance,

mais le sternum n'est point en carêne,le chapelet costal est totalement

absent, de sorte qu'on ne peut faire de cela, semble-t-il, une

déformation d'origine rachitique. Pas de zone de matité rétro-

sternale.

Il n'existe pas de déviation antéro-postérieure ni latérale de la

colonne dorsale et lombaire. D'une façon générale, le thorax est

plutôt aplati dans le sens transversal, et bien que cette disposition

soit assez peu accentuée, la malade elle-même l'a cependant re-

marquée.

Je n'ai pas pratiqué de mensurations spéciales du bassin, dont il

n'existe pas de déformations bien appréciables à première vue. 11 est

certain cependant qu'il doit présenter un certain degré de déformation

probablement d'origine rachitique. L'histoire du premier accouche-

ment de la malade, qu'on a lue plus haut, ainsi que les recommanda-

tions de l'accoucheur de Lariboisière en font foi.

Les cuisses et les jambes ne présentent rien de particulier à

signaler.

Pieds. On constate de chaque côté une saillie considérable de la

malléole externe qui est augmentée de volume. Les orteils sont très

gros (voir planche XXIX) et très larges, le premier surtout, et cette

augmentation de volume est due aussi bien aux os qu'aux tissus mous

qui entrent dans la constitution des orteils. En arrière, le calcanéum

est très saillant et déborde notablement le tendon d'Achille (voir

planche Il est facile de se rendre compte qu'il n'en est point

ainsi à l'état normal. Le même os est également très épaissi et aug-

menté de volume en largeur.

La plante du pied (voir planche XXXI) est uniformément large dans

toute son étendue, plus large que normalement chez une ouvrière de

même âge et de même taille. Les os sont gros et les tissus sont égale-

i ..

ÏLLI-F ICONOGRAPHIE PELA SALPETRIERE 7. 1 : 1 P. X : -C : X

OTYPE NLOATIF A. LONDE

ACROMÉGALIE

PHOTOCOLLOCRAPHIE Chêne ET Longuet

Comparaison d'un pied d'acromégalique (situé à gauche) avec le pied

d'une grosse fille de même âge.

LECROSNIER ET Baei

1111Tr : tlp'<;

il NOUVLLII : ICONOGRAPHIE DELA SAL=irrIfRE : il : P. K\% :

Le pied droit est un pied noimal ; le g2t"(he qui est celui

d'une acromégalique montre la saillie considérable du

caleauéum.

PHI.J1.0"[\PIi Nl.G.\T : r A lONDh. PHOTOCOLLOGRAPHIE CHÈNI : ET LONGUET.

ACROMÉGALIE

, Plante du pied d'une acromégalique (situé à drotte)

Plante du pied d'une giosse fille de même âge (.situé il gauche)

LrCROSNI1 : .R 1 : .T BaBK

EDITEUR*

UN CAS D'AGROMÉGALIE A DÉBUT RÉCENT. 105

ment épaissis, mous au toucher. La circonférence du pied droit au

niveau des articulations métatarso-phalangiennes mesure 21 centi-

mètres. J'ai rapporté plus haut que la malade s'était aperçue de cette

hypertrophie des pieds en largeur par l'obligation où elle s'était trouvée

de changer la pointure de ses chaussures qui devenaient trop étroites,

mais non trop courtes.

Il existe un certain degré d'asymétrie faciale, mais non crânienne,

à première vue. Il est d'ailleurs remarquable que cette asymétrie

persiste dans tout le corps, toutes les parties gauches du corps,

face, membres, étant moins volumineuses que celles du côté

opposé.

Nulle part aucune trace d'atrophie musculaire. L'examen électrique,

pratiqué par M. le Dr Vigoureux, est resté négatif à ce sujet. Il a fait

voir d'autre part qu'il n'existait point de signe positif de maladie de

Basedow à laquelle on aurait pu penser en raison de la légère exoph-

thalmie que présente la malade. Au contraire, la résistance électrique

est considérable et bien au-dessus de la moyenne. On ne trouve

d'ailleurs aucun autre signe de maladie de Basedow, ni goitre, ni

tachycardie, ni tremblement.

La malade se plaint d'une grande impressionnabilité au froid. Elle

éprouve quelquefois des douleurs dans les membres; quand elle est

fatiguée, et elle se fatigue facilement, elle ressent de légers élance-

ments dans les jambes et dans les pieds. Jamais de douleurs la

nuit.

Elle se plaint beaucoup d'une céphalée continuelle, diurne et

nocturne, consistant non pas en des élancements ou des douleurs

aiguës, mais en une lourdeur et une sorte d'engourdissement. -

Il n'existe nulle -part d'anesthésic cutanée, sauf quelques plaques

dysesthésiques aux deux poignets. Il n'existe en outre aucun trouble

du côté de la peau.

L'ouïe, l'odorat et le goût sont conservés.

Les cheveux sont gros et rudes, et elle a beaucoup de cheveux blancs

pour son âge (sa mère était, paraît-il, toute grise à 35 ans).

La voix a baissé, et est devenue plus faible en même temps. La ma-

lade ne peut plus crier à très haute voix.

Bien du côté des organes digestifs. Pas de boulimie, pas de poly-

depsie.

Organes urinaires normaux. Pas de polyuric; point d'albumine ni

de sucre dans l'urine. La peptonurie n'a pas été recherchée.

Les règles ont persisté, mais elles sont irrégulières, ainsi qu'il a été

dit plus haut.

Le coeur est peut-être un peu gros, mais il ne s'agit point là d'hyper-

16G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTIUEUE.

trophie caractérisée. Pas de bruits anormaux, battements régu-

liers.

La taille est petite (1"'51) nullement en rapport avec la face énorme

et les grosses extrémités.

La force est plutôt diminuée. Au dynamomètre, la main droite et la

main gauche amènent toutes deux le chiffre 25.

Les réflexes rotuliens sontforts des deux côtés. Il en est de même des

réflexes tendineux de l'avant-bras et du coude.

A tous ces symptômes viennent s'en ajouter quelques-uns qui

montrent que la malade n'est pas seulement une acromégalique, mais

encore une hystérique. On a vu plus haut la présence des plaques

dysesthésiques au niveau des poignets. Il existe en outre une ovarie

droite et un point douloureux xyphoïdien parfaitement caractéris-

tiques.

Enfin la malade a de petites attaques de nerfs de nature nettement

hystérique. Elle n'a point d'autres stigmates.

Son caractère est sombre, triste, presque hypocondriaque.

Il n'y a point, dans ce cas, àépiloguer longuement sur le diagnostic.

Il ne pouvait s'agir d'ostéo-arthropathie hypertrophiante en raison de

l'absence d'affection broncho-pulmonaire, de la prédominance des

lésions sur la face et des déformations peu accusées des mains. Toutes

les autres affections qui prêtent à confusion avec l'acromégalie peuvent

être aussi facilement éliminées, y compris le rachitisme dont la malade

à été autrefois atteinte, mais dont les déformations ne ressemblent

nullement à celles que l'on constate ici.

Mais s'agit-il en réalité de la maladie de P. Marie ? Le peu de défor-

mation des mains, la persistance des règles qui sont, il est vrai, irrégu-

lières, pourraient peut-être permettre le doute à cet égard. On serait

alors simplement en présence d'une femme à grosse face, à gros pieds

et à grandes mains. Mais il faut remarquer que ces phénomènes ont

débuté il y a deux ans, à l'âge de vingt-neuf ans, sans raison, sans

maladie fébrile ou infectieuse à l'origine, en un mot spontanément et

à une époque où le développement du squelette est définitivement

arrêté ou peu s'en faut.

Depuis ce moment la face a revêtu l'aspect très caractéristique de

l'acromégalie et on ne peut guère émettre de doute en ce qui la con-

cerne. J'en dirai à peu près autant des pieds. Seules les mains prêtent

un peu à la critique, et dans un autre ordre d'idées, la persistance du

flux menstruel ? Mais je serais porté à penser que ces deux phénomènes

de l'acromégalie ne sont pas encore arrivés à leur entier développement.

L'observation ultérieure de cette malade peut seule me donner raison

à ce sujet. Malgré tout cependant, on ne peut nier qu'il existe une

UN CAS D'ACROMÉGALIE A DÉBUT RÉCENT. 167

certaine augmentation de volume des mains, et c'est sans conteste du

type acromégalique qu'elle se rapproche le plus près.

Reste enfin un petit point qui ne manque pas d'un certain intérêt.

Cette femme est atteinte en outre d'hystérie. D'après son histoire, on

peut déduire que la névrose était chez elle antérieure à l'acromégalie.

Il ne semble donc pas qu'il y ait entre l'une et l'autre de ces deux affec-

tions aucun rapport de cause à effet.

- GEORGES Guinon,

Chef de clinique des maladies du système nerveux.

ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE

DE QUELQUES TROUBLES D ARTICULATION

L'opinion généralement admise que les troubles de l'articulation

peuvent exister sans altération de la motilité de la langue doit être

absolument rejetée; elle ne peut s'appuyer que sur une observation

tout à fait superficielle. Si en effet, dans bon nombre de troubles de

l'articulation, la langue paraît capable d'exécuter normalement tous

les mouvements, ce n'est qu'une apparence. L'examen des mouve-

ments de la langue ne peut donner des résultats positifs que s'il com-

prend la pesée de leur énergie et la mesure de leur vitesse; c'est

d'ailleurs une règle générale qui doit s'appliquer à l'exploration

scientifique de tous les mouvements.

L'examen dynamométrique et l'étude du temps de réaction, qui

peuvent être pratiqués commodément à l'aide de mon glosso-dyna-

momètre et du chronomètre de d'Arsonval m'ont permis de constater

que- même en l'absence de toute déviation apparente de la langue,

cet organe présente ordinairement un affaiblissement et une lenteur

notable aussi bien dans l'hémiplégie par lésions organiques que dans

l'hémiplégie par trouble soi-disant dynamique des hystériques. Lors-

qu'il existe de l'aphasie, la langue montre un affaiblissement considé-

rable prédominant du côlé droit et un retard encore plus évident des

réactions 1. L'aphasie hystérique ne fait pas exception à cette règle, et

tout récemment j'observais une hystérique à paralysie nocturne avec

amnésie verbale permanente, chez laquelle, malgré une intégrité

apparente des mouvements de la langue, l'affaiblissement était tel

qu'elle était incapable de fournir une pression de plus de 50 grammes

et que le temps de réaction était quatre fois plus long qu'à l'état

normal. L'aphasie hystérique est souvent précédée ou suivie (Charcot,

I. Cli. fur, Note sur l'exploration des mouvements de la langue (C. r. Soc. biologie,

188J, p. 1278 - L'énergie et la vitesse des mouvements volontaires (Revue philos.. 1889,

t. \\1111, p. 31).

3. Cri. Féré, .1 contribution lu llc pallolo of niyhl (Drain, 1889).

Il',

c

c

en

o

c

n

c

c

B

0

C

0 :

1

cr.

CI

ci

c"

;....

'0

CD

c

1·'c. 15. C, T.acé du doiiiianl 100 vibrations doubles par seconde. B, Courbe de la main dioile hémiplégique.

A, Courbe de la main gauche saine.

170 N0U\ELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.

Cartaz) d'un autre trouble d'articulation qui s'accompagne aussi de

parésie de la langue, le bégtyemeiii.

L'étude de l'hémiplégie brachiale met en lumière quelques faits qui

peuvent rendre compte des rapports qui existent dans les impotences

en général entre l'énergie et la vitesse des mouvements volontaires.

La figure 45 donne la représentation graphique de la pression des deux

mains sur deux tubes élastiques fermés à une extrémité et communi-

quant de l'autre avec deux tambours inscripteurs, pression faite au

commandement, par un malade atteint d'hémiplégie droite incomplète

avec contracture légère et hémichorée. Cette figure montre que,

malgré sa bonne volonté, le sujet est incapable de faire un mouvement

simultané des deux mains, la main paralysée agit toujours en retard

de 25 à 30 centièmes de seconde, et la forme du tracé présente une

ascension plus lente, plus graduelle de ce côté, bien que la résistance

à vaincre soit à peu près nulle. Cette lenteur des contractions (tracé

en escalier) se retrouve dans l'exploration dynamographique des

sujets normaux dans la fatigue, chez quelques hystériques d'une

façon constante', chez les épileptiques à la suite des accès2.

La figure 45 montre encore que la courbe du côté hémiplégique

retombe plus tard que celle du côté sain, c'est-à-dire que le malade

éprouve la même difficulté à faire cesser la contraction qu'à la

commencer.

La même lenteur se trouve associée à la même faiblesse dans les

impotences de la langue, que ces impotences soient dues à des lésions

anatomiques grossières du cerveau ou à des troubles dits fonctionnels

d'origine indéterminée. La faiblesse des mouvements de la langue et

leur lenteur se retrouvent aussi bien dans les vices congénitaux de la

prononciation que dans les défauts acquis. Elles sont très marquées

chez les sourds-muets et chez les bègues. Bien que Sauvages ait rangé

le bégayement parmi les faiblesses, et que Itard ait distingué l'affaiblis-

sement de la langue dans ce vice d'articulation, les troubles grossiers

de la motilité de la langue chez les bègues et chez les sourds-muets

n'ont pas suffisamment attiré l'attention. Ils méritent pourtant une

place à côté de ceux de la motilité du thorax. La connaissance des

défauts des mouvements les plus simples paraît en effet indiquer la

voie du traitement de ces troubles, qu'ils soient congénitaux ou

acquis. Lorsqu'il s'agit de développer les fonctions des membres, on

1. Ch. Féré, Hystérie el Fatigue (C. r. Soc. de biologie 188.i, p. 197). Sensation et Mou-

vement (Bibl. de phil. conte1l ! JI., in-18°, 1887, p. 20).

2. Ch. Féré, Note sur l'étal des forces et sur le tremblement chez- les épileptiques après

les attaques (Nouv. Icon. de la Salp., L889, t. Il, p. ;38).- Les Epilepsies et les Epileptiques,

in-8°, 1890, p. 172.

ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE DE TROUBLES D'ARTICULATION. 171

procède par des exercices qui ont pour but de développer l'énergie et

la rapidité des mouvements les plus simples de flexion et d'exten-

sion. C'est le plus sûr moyen d'arriver graduellement à augmenter

la force et l'habileté des mouvements les plus complexes. Le sourd-

muet ou le bègue n'ont pas une faiblesse de la langue limitée aux

Eig. 16. - Clossoprnphc. vu du profil. - A, B, Plaque destinée ;1 s'appliquer sur le. maxillaire Infé-

lieur et sur les parties latérales lie la bouche. - C, Bouton collé sur la mcmbr.mc du tambour pou-

vant être rapproché ou étarté de l'oiilicr dc la plaque A Il, le lube qui le fait communiquer avec

l'apparcil ouregistcur glissant dans une irolc, D, munie d'une vis à pression. - E, F, Cotiiroies se

réunissant derrière le cou pour fixer l'appareil.

FIG. 17 - Glossographe vu par sa face infnricurc. - A, B, Plaque d'appui,

C, Tambour sur le boulon duquel vient s'appujer la langue.

li> \(1U1'I : LLP II : U\UGIS.\Pllll's I)l : LA S A L l'È ! R 1 1, 1 ! C.

mouvements. complexes d'articulation, cette faiblesse se montre surtout

.évidente dans les mouvements les plus simples.qu'il faudrait perfec-

tionner tout d'abord par des exercices de force et de rapidité comme

on le fait dans la gymnastique ordinaire.

Nous résumerons plus loin, dans un tableau, les observations que

nous avons recueillies sur ces diverses catégories de sujets; mais, aupa-

ravant, nous nous arrêterons sur quelques faits qui ne manquent pas

d'intérêt au point de vue de l'étude des conditions physiologiques des

* troubles de la parole et, en particulier, de l'articulation.

A la suite des attaques, les épileptiques présentent souvent des

troubles de l'articulation, du bégayement, du bredouillement ou plus

souvent une lenteur très particulière de la parole. Quelques épilep-

tiques d'ailleurs conservent d'une manière permanente ces divers

troubles qui ne font que s'exagérer dans la période postparoxystique.

Quelquefois ces divers troubles se combinent; mais le plus remar-

quable et le plus fréquent est la lenteur de la parole qui frappe sur-

tout par des pauses plus ou moins prolongées sur certaines syllabes,

et en particulier sur lapénultième des mois polysyllabiques. Ces divers

troubles de la parole coïncident avec une faiblesse très évidente des

mouvements de la langue qui, cependant, est capable de remplir ses

fonctions dans la mastication et de s'agiter dans toutes les directions, et

par une lenteur très remarquable de ces mêmes mouvements. Ces carac-

tères physiologiques s'exagèrent à la suite des paroxysmes, ou appa-

raissent seulement alors s'il n'existait pas de trouble permanent de la

prononciation. La faiblesse et la lenteur des mouvements peuvent s'ob-

jectiver non seulement par la pesée de l'effort et par la mesure du temps,

mais encore par la représentation graphique, que l'on peut obtenir à

1 l'aide d'un tambour fixé à distance devant la bouche (fil ? j6 et 47) et

muni d'un pivot sur lequel la langue vient buter dans son mouvement

de propulsion, permettant ainsi d'inscrire la rapidité de la propulsion

et la stabilité de la position acquise ou le tremblement.

Chez les sujets normaux, la propulsion de la langue s'inscrit par

une ligne d'ascension brusque (fig. 48) : la conservation de la position

n'est pas fixe absolument; elle produit en général un plateau à ondu-

lations irrégulières. Chez les individus qui sont atteints des diverses

formes d'impotence que nous venons de passer en revuc, et en parti-

culier chez les épileptiques dans les conditions que nous venons de

déterminer, l'ascension se fait obliquement et par saccades, en esca-

lier, comme les courbes dynamométriques de la main dans la fatigue

et dans les états d'épuisement en général. En outre, le plateau est plus

trémulant qu'à l'état normal. La figure 49 reproduit la courbe d'un

épileptillue avec lenteur permanente de la parole : les caractères de

ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE DE TROUBLES D'ARTICULATION. 173

Fie. 48. - Courbe de la propulsion de la langue chez un sujet normal.

I 1 4D. - Courbe de la propulsion de la langue chez un épileptique dans l'intervalle des paroxysmes.

Fie, 50. Courbedelapropulsion de la langue chez le mêmc épileptiquc une heurr après un accès convulsif. f.

Fisc. 51. - Courbe de la projection de la langue chez un paralytique général.

... ? ....... ? - ? 1 " ^^^^^^ ^ . , ,r ?

fin. 5 ? Tourbe de la proportion de la langue chez un paralytique général.

174 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËT)MËHE. ! sa courbe s'exagèrent après le paroxysme comme on le voit .sur la

figure 50.

'Il est il remarquer que ces troubles de la motilité de la langue ne

'sont pas les seuls qui peuvent gêner l'exercice de la parole chez les ! épileptiques. Nous avons vu déjà en effet que les épileptiques présentent

souvent à l'état habituel, mais surtout dans la période postparoxys-

tique une forme particulière du tracé pneumographique, une expiration

'graduelle en escalier qui trahit aussi la fatigue des muscles chargés de

régler l'expiration'.

Les troubles de la parole des épileptiques et en particulier leurs

troublespostparoxystiques paraissent à un examen superficiel avoir une

grande analogie avec ceux des paralytiques généraux. Mais il résulte des

observations multipliées de ceux qui ont étudié les mouvements des

paralytiques généraux que, jusqu'à une période avancée et même quel-

quefois jusqu'à la finales troubles moteurs qui'ilsi présentent sont sur-

tout de forme ataxique, plutôt que formellement paralytiques* et chez

,ces mêmes malades le temps de réaction peut rester longtemps à peu

'près normal. Cette intégrité relative de-la puissance motrice se retrouve

à la langue.

Sur huit des paralytiques généraux qui ont été mis obligeamment à ! ma disposition par mon collègue et ami M. Charpentier, ce n'est que

-chez le seul qui fût arrivé à la période de démence que la force de

;projection de la langue était tombée au-dessous de 700 grammes.

'Chez tous les autres, elle atteignait au moins ce chiffre, c'est-à-dire

'qu'elle n'était pas au-dessous de la moyenne normale; et chez ces

mêmes malades le temps des réactions variait de O ? 181 à 0 ? ? 08,

-c'est-à-dire qu'il ne diffère guère de celui qu'on trouve chez les indi-

vidus de même développement et de même culture intellectuelle.

'Pas plus que l'instabilité des mains et les troubles de la marche, les

' troubles du langage ne sont dus chez les paralytiques généraux à

tune paralysie. Ce sont des troubles ataxiques ou spasmodiques. Les

graphiques fournis 'par la projection de la langue (Gb. 51, .52) ne

montrent pas la même forme d'ascension en escalier que danslaparésie

,postépileptique (fig. 4 ! J) et le plus souvent, le tremblement s'objective

par des oscillations plus étendues et plus irrégulières (fig. 53, 5, : 55,55G).

1. Cli. réré, Note sur les phénomènes mécaniques de la respiration chez les épilep-

liyue.s (.1'ouv. Jcon. de la Srtlp., 1888, p. 70). - Les Epilepsies elles Epileptiques (in-8°, 1890),

2. Chambard, Myographie el dYlll/liloyrapltie des paralytiques généraux (Gaz-, IIIM.,

z 1880). Chamhard, J ? 0f/rf;/) ? e e< f<i/))«)Of/)'a/)A/c t<M p(HYf/j/<tfes tremblement et l'ataxie

tl880). llecherches )));/or)/tM/Me.<e/ (111 ? iatio ! ii,(tphi(liieç sui- le tretemen et 1'(ilaxie

des paralytirJuesflénéraux (/lev. scienli ? 1881, p. 74). Christian, De la nature des troubles

musculaires dans la paralysie générale, 1881. - Descourlis, Étal de forces chez les

paralytiques généraux (Encéphale, 1884).- Morsclli, Sulla dillalltoyralia (Heggio-Eillilia,

1885, p. 20).

ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE DE TROUBLES D'ARTICULATION. 175

Fig. 53.

rIG..n'4.

FIO. 50.

FIG 53, 51, 55, 56. - la l¡¡ngul' pendant propulsion chez des paralytiques

]pCucr.m\.

176 1'OU\'ELÎ,I; II;oIVOGltl1'llll's U1 : L.\ S.\LI'È'lltlÎ;lih : .

Dans le tableau suivant j'ai groupé quelques observations relatives à

l'énergie de la propulsion de la langue et à la rapidité de celle propul-

sion réagissant à un contact cutané sur le nez, les yeux étant soigneu-

sement clos. On ne pourrait pas établir des rapports mal hématiques

entre ces divers chiffres qui sont cependant intéressants à comparer

entre eux.

L'ÉNERGIE ET LA VITESSE DES MOUVEMENTS DE L\ LANGUE.

LE NARGHILÉ

ET SES FUMEURS EN ORIENT

De tout temps les hommes ont cherché, pour se soustraire aux pré-

occupations de la vie matérielle, à se procurer par lotis les moyens

possibles un état de béalitude ou de charme passager qui pût leur

faire oublier momentanément leurs chagrins, tout en les transportant

dans un monde idéal et chimérique au sein duquel ils voyaient se

réaliser leurs plus vifs désirs.

Mais cette nécessité se faisait sentir avec plus de force sous- le beau

ciel de l'Orient, dont le climat doux et modéré favorise pour ainsi dire

l'expansion de l'imagination et de l'émotivité.

Aussi, pour atteindre leur but, les Orientaux se sont-ils adonnés

passionnément aux usages de l'opium et du haschich; les Occidentaux,

il leur tour, se sont adonnés d'une manière effrénée aux boissons alcoo-

liques sous toutes les formes; et on peut dire que l'abus de ces der-

nières n'a pas causé moins de désastres en Occident que l'opium ou le

haschich en Orient. A parcourir les statistiques des principaux pays de

l'Europe, on est frappé de voir des chiffres effrayants de mortalité.

Mais, heureusement, dans plusieurs pays de l'Orient on est revenu de

ces funestes habitudes, grâce aux progrès de la civilisation et à la

connaissance plus exacte des choses, et on n'en compte guère actuelle-

ment, si ce n'est des cas tout à fait exceptionnels. Car aujourd'hui c'est

le tabac qui a pris une large place, el quelques nations seulement

de l'Orient font un usage exclusif du « narghilé » (les Persans et les

Arabes).

Or, une telle habitude étant si répandue et enracinée dans les

moeurs de ces peuples, pouvait en quelque sorte influencer la santé

des fumeurs ; et c'était le devoir du médecin d'en étudier les effets afin

d'instituer une thérapeutique et une hygiène appropriées, dans le but de

pouvoir combattre les différents états morbides qui en sont la consé-

quence. C'est ce que j'ai entrepris.

En laissant à part toutes les questions qui sont du domaine du

178 NOUVELLE I CONOCHAPIIIE DE LA SALI'1'ItII : ItE.

législateur et de l'hygiéniste, j'ai voulu considérer la chose sous un

point de vue purement médical.

Je n'ai point la prétention de relater des nouveautés, mais je serai

assez heureux si je puis mettre en lumière les troubles nerveux, les

phénomènes respiratoires et les lésions pulmonaires chez les fumeurs

de narghilé. -

Maintes fois il m'est arrivé d'examiner des malades souffrant de la

poitrine; ayant voulu remonter à la cause génératrice, j'ai été frappé

de la coïncidence très fréquente des affections pulmonaires avec l'habi-

tude du narghilé chez ces sujets.

J'ai voulu examiner la chose sur une large échelle, pour pouvoir

arriver à des conclusions exactes.

Pourtant la question n'était pas aussi facile à élucider qu'on le croi-

rait de prime abord; car, outre qu'il y avait la nécessité de connaître les

antécédents de chaque sujet, il fallait encore prendre en considération

la prédisposition individuelle, le tempérament, l'idiosyncrasie, l'héré-

dité, la position sociale, etc., puisque sans ces connaissances préalables

je risquais d'arriver à des conclusions fausses; j'aurais pu attribuer au

narghilé ce qui n'était en réalité qu'une manifestation d'une diathèse

acquise ou innée. Aussi, pour éviter toutes ces complications, j'ai pré-

féré me borner à l'étude de sujets possédant une position plus ou

moins aisée et n'ayant aucun antécédent diathésique ou héréditaire,

sauf une dizaine chez lesquels un examen minutieux a pu révéler une

hérédité collatérale.

En faisant abstraction de ces dix cas, j'ai un total de 300 fumeurs

exempts de toute maladie antérieure.

Description de l'appareil. - Avant d'aborder la question, qu'il me

soit permis de dire deux mots concernant la construction du narghilé.

Je ne veux point discuter ici son origine ni faire son historique; je me

contenterai de dire que le narghilé, dans sa plus grande simplicité, se

compose de trois parties distinctes, savoir : '1° une partie inférieure,

qui est une carafe en cristal à parois épaisses et ordinairement de la

contenance de deux litres ou deux litres et demi, ayant un goulot un

peu long. On la remplit jusqu'au deux tiers d'eau dans laquelle on

laisse quelquefois en suspension des feuilles d'eucalyptus globulus ou

de laurier, soit dans le but de la rendre d'un aspect verdoyant, soit

dans celui de communiquer à l'eau des propriétés antiseptiques ; 2° une

partie moyenne, qui est la partie la plus compliquée de l'appareil : elle

se compose d'un cylindre tubulé en métal, qui se termine en haut par

une partie large et aplatie appelée plateau (tabla), où on adapte une

espèce de culot de terre cuite (lulé) contenant le tabac (tembéki).

Ce cylindre, à sa partie inférieure, est terminé par un long tube

LE NARGHILÉ ET SES FUMEURS EN ORIENT. 179

immergé dans l'eau de la carafe. Enfin, du milieu du cylindre, part un

tuyau cannelé, courbe, à concavité inférieure et externe, qui est

adapté sur la carafe et qui s'ouvre par son extrémité inférieure dans le

goulot, et par la supérieure à l'air libre.

Ce tuyau est muni d'un autre tuyau flexible, long de deux à trois

mètres, tapissé intérieurement par une spirale de fil de fer, et que

l'on tient à la main, tandis qu'on aspire par l'autre bout libre qui se ter-

mine en embout.

3° Finalement, la partie supérieure n'est, comme je l'ai dit, qu'un

culot de terre de brique que l'on ajuste sur le plateau après l'avoir

rempli de tembéki.

Cela dit, le mécanisme est des plus simples. On aspire par le tuyau

flexible l'air contenu dans le goulot, et la pression atmosphérique y fait

pénétrer de nouvelles quantités d'air qui, sous forme de courant, tra-

versent le tabac en attisant le feu et entraînent avec elles la fumée.

Celle-ci sort de l'orifice inférieur du tube plongé dans l'eau, etaprès

s'y être lavée elle se rend dans le goulot, et de là elle parvient aux

poumons, après avoir circulé tout le long du tuyau (nia ? oudje). Le

fonctionnement de l'appareil est annoncé par un gargouillement, en

même temps qu'on voit une fumée plus ou moins blanche et épaisse

remplir le goulot.

Voilà en peu de mots ce qu'est un narghilé en Orient. Il ne me reste,

pour en finir avec le narghilé, qu'à dire deux mots de la manière dont

on prépare le tembéki destiné à l'usage du narghilé. Pour l'obtenir,

on prend les feuilles d'un tabac particulier (dont je me réserve de faire

l'étude botanique dans une autre occasion), préparées expressément;

on les divise grossièrement au moyen d'une machine particulière, on

humecte la masse en la trempant dans l'eau, on l'exprime ensuite, et

cela à plusieurs reprises. Cette légère macération a pour but proba-

blement d'enlever au tabac une partie de sa causticité, en dissolvant

une quantité minime de son principe actif; ce qui le rend doux et lé-

ger. D'autre part, cette humectation préalable ralentit plus ou moins

la combustion du tembéki.

Or, quels sont les effets du narghilé ? En d'autres termes, quels sont

ses effets locaux ou généraux, primitifs et consécutifs ?

Voilà les questions que je me suis proposées et à la solution desquel-

les j'arriverai par ordre chronologique des symptômes, tout en réser-

vant la pari qui revient a l'action mécanique du narghilé.

Pour un commençant, le narghilé, par sa fumée, qui contient de la

nicotianine (Berlioz), cause, comme le tabac aspiré, une véritable

ivresse, caractérisée par de la céphalalgie, des vertiges, nausées, vomis-

sements et une prostration telle que le fumeur est forcé, pour quelque

180 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIÈRE.

temps au moins, de renoncer à son narghilé. Mais à mesure que des

tentatives souvent répétées en ont rendu l'usage plus supporlahle, ces

accidents diminuent peu il peu d'intensité et finissent par disparaître

complètement, pour être remplacés par des phénomènes d'un ordre

différent. C'est une stimulation cérébrale, légère il la vérité, mais qui

se traduit par une netteté d'esprit facilitant le travail intellectuel.

Si on aspire trop de fumée à la fois, on sent il la gorge une acreté,

une brûlure qui provoque de violentes quintes de toux.

Ces symptômes locaux quelquefois se prolongent pour un certain

temps, après même qu'on a cessé de fumer, et surtout au début de

l'usage du narghilé.

Fumé le matin, celui-ci agit en guise d'expectorant en nettoyant les

voies aériennes de ces mucosités qui, s'accumulant pendant la nuit,

peuvent plus ou moins obstruer leur calibre.

Cette vertu expectorante du narghilé est une de celles qui sont le

plus accusées; il n'y a qu'a faire l'essai pour s'en convaincre.

A quels ordres de phénomènes faut-il donc attribuer cette propriété

du tembéki, qui, administré sous toutes les formes pharmaceutiques

par la voie gastro-intestinale, ne la possède pas, ou du moins la pos-

sède d'une manière fort douteuse ?

L'explication la plus plausible qu'on en puisse donner, selon moi,

est de supposer que la fumée du tembéki, qui a une action plus ou

moins irritante incontestable, se trouvant au contact immédiat de la

muqueuse bronchique, peut exciter les filets nerveux qui président a)a

sécrétion du mucus, tout en y provoquant, par une action réflexe,' l'hy-

peractivité du champ sécrétoire.

Mais quand on arrive il fumer de dix à quinze narghilés par jour, et

cela pendant un grand nombre d'années (minimum cinq ans), on voit

alors se dérouler devant les yeux toute une série de désordres qui ont

été étudiées, à propos de l'usage immodéré du tabac, par MM. Beau,

Sichel et Fleury, et notamment par un auteur anglais, M. Richardson,

qui a relaté ses observations dans sa communication faite à l'Associa-

tion britannique. Ses conclusions, bien qu'un peu trop sévères, n'en

sont pas moins réelles dans une foule de circonstances.

Je puis dire, en thèse générale, que les effets généraux consécutifs

il l'usage du narghilé sont, à peu de chose près, identiques à ceux pro-

duits par le tabac, fumé sons forme de cigare ou cigarette. Un seul

point digne de remarque, c'est l'époque de l'apparition qui est plus

tardive.

Est-ce là une conséquence du lavage qu'on fait subir préalablement

au tembéki, ou du passage de sa fumée à travers la masse de l'eau ? Ou

bien faut-il admettre que la fumée, obligée de parcourir tonte la Ion-

L I ;-¡ ,\ Il (; III LEE 1 S E r Li l E Li Ji S L : i () nIE : \ 1'. 181

gueurdu tuyau, y dépose une partic de ses produits empyrcumatiques ?

Je ne saurais le dire. Mais c'est là un fait très facile à observer.

. Par contre, ses effets locaux, tant primitifs que consécutifs, sont pré-

coces.

Ils débutent le plus généralement par une phlegmasie catarrhale du

pharynx d'emblée chronique,qui cède la place à une angine granuleuse.

Au sur et à mesure que l'on continue de fumer, le processus morbide

gagne de proche en proche la trachée, les bronches, en y pro\oquant

une bronchite chronique.

Or, comme la cause génératrice n'a nullement disparu, il survient

à la longue un emphysème plus ou moins généralisé et dans quelques

cas une dilatation des bronches ou bronchectasie.

On peut voir etétudier toutes ces phases évolutives sur des sujets aux

différents âges ou différentes époques, pourvu qu'on prenne la précau-

tion de calculer le temps écoulé depuis le début.

On peut dire, en thèse générale, que les lésions sont d'autant plus

avancées qu'on est plus éloigné de l'époque où on a contracté l'habitude

du narghilé.

La genèse de l'emphysème pulmonaire est en accord parfait avec les

données cliniques, puisqu'une inspiration forcée, prolongée, peut Lli-

later les vésicules du parenchyme pulmonaire.

Mais on m'objectera que ce sont plutôt les expirations exagérées qui

donnent lieu la formation de l'étal emphysémateux des poumons, puis-

que la puissance expiratrice est de deux tiers supérieure à la puissance

inspiratrice, comme cela résulte des recherches de Mendelsohn et de

Ilutchiuson.

Mais faut-il pour cela rejeter complètement l'influence de l'inspira-

tion ? Non, certes. Laënnec considérait l'emphysème pulmonaire

comme résultant des efforts inspiratoires. D'autre part, l'appui de

mes assertions je puis encore citer comme exemples l'emphysème

de certains asthmatiques (G. Sée) et l'emphysème des nouveau-nés

produit par l'insufflation (Leroy, d'Etiolles).

Enfin l'emphysème pulmonaire, aidé des inspirations longtemps

continuées, peut donner lieu à des complications cardiaques avec

lésions tricuspidiennes. Aussi n'est-il pas rare de voir des fumeurs

manifester les symptômes de l'asystolie avec tout son effrayant cortège.

L'angine de poitrine n'est pas rare non plus chez les fumeurs du

narghilé. On la rencontre du reste fréquemment dans le tabagisme.

Il paraît que c'est à peu près le même mécanisme qui la fait éclore,

c'est-à-dire le poison du tembéki se dissolvant dans le mucus bron-

chique et allant irriter les dernières ramifications du pneumogastrique.

Pourtant les cas d'angine de poitrine s'observent plus fréquemment

182 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËrniËKË.

chez les fumeurs du narghilé que chez les fumeurs de tabac. Car ces

derniers n'avalentpas tous la fumée, tandis que les fumeurs du narghilé

sont obligés d'avaler la fumée par une aspiration forcée et prolongée,

ce qui fait que la pénétration des principes délétères du tembéki se

fait plus intimement. D'autre part, n'y aurait-il pas aussi à remar-

quer que la grande quantité de fumée Rajoutant à celle de l'air, dimi-

nue ses propriétés vivifiantes en diminuant le champ de l'hématose ? ' ?

Quelle qu'en soit la cause, cette action nocive de la fumée est d'au-

tant plus redoutable qu'on fume dans un milieu plus limité. Ainsi, le fait

rapporté par Gélineau est resté célèbre dans la science. C'est une véri-

table épidémie d'angine de poitrine parmi les matelots qui, contraints

de rester dans l'entrepont d'un navire, passent leurs journées en

fumant. Eh bien, ces sortes de phénomènes s'observent surtout parmi

les sujets qui ont l'habitude de fumcr leurs narghilés dans des esta-

minets mal entretenus, où l'air est saturé continuellement par les pro-

duits de la combustion du tembéki. On est forcé d'expliquer de la sorte

ces différents cas d'angine de poitrinecontractés dans des circonstances

semblables, car on sait fort bien que la maladie en elle-même n'a

rien qui soit contagieux.

On comprend donc, d'après ce qui vient d'être dit, que si le

narghilé ne peut pas engendrer à lui seul une entité morbide, au moins

il joue inévitablement le rôle de cause prédisposante à l'égard de la

pathogénie de certaines affections pulmonaires, soit en facilitant

l'éclosion d'une maladie sur un terrain qu'il prépare d'avance, soit en

augmentant le degré d'aptitude morbide par une action particulière.

Pour terminer ce que je viens de dire au sujet du narghilé, j'expo-

serai ici le tableau qui contient mes observations. Elles sont réparties

comme il suit :

1° Cent sujets, âgés de vingt-cinq à trente-cinq ans, fumant de 4 à 7

narghilés par jour, durant cinq il dix ans. A l'examen extérieur de la

poitrine, rien d'anormal.

Sur 23 sujets, la percussion trahissait une sonorité sourde et

tympanique, et l'auscultation révélait une inspiration brève et sifflante

masquant à peu près le bruit vésiculaire.

Dans 18 cas on entendait nettement des rlionchus sonores (sibilants

et ronflants), ce qui tenait précisément il l'existence d'une bronchite

concomitante. Du côté du coeur, rien d'anormal. J'ai rencontré deux

cas d'angine de poitrine qui m'ont paru essentielles, sans aucune

complication vasculaire appréciable. C'était probablement une né-

vralgie ou une névrite du plexus cardiaque provoquée par l'action du

tembéki, puisqu'un traitement et des règles hygiéniques institués à

propos ont été suivis d'une guérison prompte et radicale. Faut-il

LE NARGHILÉ ET SES FUMEURS EN ORIENT. 183

ajouter que, sur le reste des sujets, je n'ai pas pu constater l'existence

d'une lésion pulmonaire quelconque, sauf du côté du pharynx un léger

catarrhe ? Donc :

181 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'l : 'l'I;II;I,E.

ryngiennes et bronchiques; rarement une paralysie de la septième

paire, plus souvent une angine de poitrine.

3° Par son action mécanique (inspirations forcées et prolongées), il

peut produire, à la longue, une dilatation des voies aériennes, aboutis-

sant généralement à un emphysème pulmonaire plus ou moins géné-

ralisé qui, à son tour, retentissant sur le centre circulatoire, donne

lieu à des lésions ventriculaires, le plus souvent du côté droit.

Or, peut-on préciser la part qui revient à chacune de ces causes dans

l'étiologie des affections pulmonaires ? Dans l'état actuel des choses,

il serait téméraire de se prononcer, mais il est certain que, pour r

atteindre le but, ces deux causes se réunissent pour agir simultané-

ment.

Hâtons-nous d'ajouter que ces vieux fumeurs, quand ils viennent de

consommer plusieurs narghilés dans la journée, éprouvent un soula-

gement considérable.

C'est là un fait paradoxal en apparence, mais qui trouve son expli-

cation dans l'action narcotico-sédative des principes du tembéki.

Ainsi, ces fumeurs sont pour ainsi dire les esclaves de leurs narghilés,

ils ne peuvent s'en abstenir qu'au prix des sensations les plus pénibles,

tandis que la dose de 30 à 40 grammes de tembéki dissipe momenta-

nément chez eux les accidents narghiléiques.

. D' P. EMIRZH,

MdeLin en chef de l'hôpital arménien de SJ1lrnc.

Le Gérant : Ému i. I.h(,IW ? n.lI.

4018. -- Impimcrirn vunic, B, rue Mignon, n - et lloi eEnOt, nlirn·Ucure.

- ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

DE L'OPIITIIALMOPLÉGIE EXTERNE

COMBINÉE A LA PARALYSIE LABIO-GLOSSO-LARYNG1 : E

ET A L'ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE

LÉSION SYSTÉMATIQUE DES NOYAUX MOTEURS

(Polioencéphalomyélite)

Dans sa dernière leçon du semestre d'été, M. le professeur Charcot

présentait à ses auditeurs deux malades atteints d'ophthalmoplégie

externe et d'atrophie musculaire, et rapprochait dans une vue synthé-

tique l'ophthalmoplégie externe de laparalysie glosso-labio-laryngée et

de l'atrophie musculaire, en insistant sur le caractère systématique des

lésions. Négligeant à dessein les paralysies musculaires extérieures de

l'oeil par tumeurs, hémorrhagies, ramollissements, névrites et par

névrose, nous avons recherché les cas ressortissant au groupe des

altérations nucléaires systématiques et montrant la colonne motrice

adultérée en un ou plusieurs points de son étendue. Nous avons ainsi

réuni bon nombre d'exemples de paralysie bulbaire supérieure isolée

ou combinée à la paralysie bulbaire inférieure et il la poliomyélite. Ce

sont ces exemples, pris en dehors de toute autre affection du système

nerveux, et les observations recueillies à la Clinique de la Salpêtrière

que nous exposons dans le présent travail, avec les réflexions qu'ils

nous ont suggérées.

,

. 1

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

On sait, depuis les recherches de Meynert, Huguenin, Forel etMathias

Duval, que le moteur oculaire commun prend naissance dans une

m. 13

186 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPTTRIÈRE.

colonne grise située sur les parois de l'aqueduc de Sylvius et du troi-

sième ventricule. Cette colonne est formée d'une série de noyaux éche-

lonnés, distincts les uns des autres, ainsi que l'ont bien montré Dark-

schewitsch, Edinger, Westphal, V. Gudden.

Voici, d'après Perliai, qui a publié l'an dernier un intéressant

mémoire sur l'anatomie de l'oculo-moteur chez l'homme, quelle est la

disposition réciproque des différents noyaux. Il en existe deux : l'un

antérieur, plus petit, comprend deux noyaux médians et deux noyaux

latéraux (Darkschewitsch); l'autre postérieur, beaucoup plus impor-

tant, constitue le groupe principal. Il est composé de chaque côté de

deux noyaux dorsaux (antérieur et postérieur, Gudden) et de deux

noyaux ventraux (antérieur et postérieur); plus en avant se trouve à

droite et à gauche le noyau d'Edinger-Westphal, qui contourne les pré-

cédents ; enfin la ligne médiane est occupée par un 'dernier noyau dit

central. - -l

Ainsi que le fait remarquer Perlia, la valeur physiologique des diffé-

rents noyaux n'est pas élucidée. On s'accorde depuis les recherches

expérimentales de Hensen et Woelkers à considérer le groupe anté-

rieur comme le centre des filets nerveux destinés à la musculature

interne du globe de l'oeil; mais on discute encore sur le rôle des diffé-

rents noyaux du groupe postérieur.

Hensen et Woelkers avaient donné la nomenclature suivante en allant

d'avant en arrière : 1° muscle de Briie\oe; 2° sphincter de la pupille;

3° droit interne; 4° droit supérieur; 5° releveur de la paupière supé-

rieure ; 6° droit inférieur; 7° oblique inférieur. Le releveur de la pau-

pière étant presque toujours libre ou peu atteint dans l'ophthalmoplégie

nucléaire, on ne peut s'expliquer, en admettant cette succession des

noyaux, comment il se fait que les deux premiers noyaux soient libres,

le troisième et le quatrième paralysés et le cinquième indemne. Aussi

Mauthner admet-il comme plus exacte la nomenclature des noyaux

indiquée par Pick et Kahler, à savoir :

1. muscle accommodatcur.

. 2. Sphincter de l'iris.

DE .L.'OPjHTHALMOPLÉGIE EXTERNE. 187

point de vue anatomique qu'au point de vue expérimental. La clinique

est du reste d'accord avec l'anatomie et l'expérimentation et donne

fréquemment l'occasion d'observer la paralysie des muscles extérieurs

de l'oeil avec l'intégrité de la musculature interne. Ce caractère a une

telle importance, que l'ophthalmoplégie externe non compliquée est

devenue pour ainsi dire synonyme de paralysie nucléaire.

Sans doute l'ophthalmoplégie externe pourrait être réalisée par une

lésion des centres .corticaux régissant les muscles des yeux et des

faisceaux cortico-nucléaires, ou encore des faisceaux allant des noyaux

au tronc nerveux basai; rnais une telle ophthalmoplégie s'accompagne-

rait fatalement de symptômes pédonculaires et, d'autre part, on ne

connaîtpas d'exemple d' ophthalmoplégie corticale. Une compression du

tronc oculo-moteur à la base du crâne n'expliquerait pas davantage la

paralysie exclusive des muscles extérieurs des yeux, à moins de faire

passer les filets pupillo-accommodateurs dans le trochléaire ou dans

l'abducens; mais est-il plausible d'accepter cette manière de voir en

face du nombre considérable d'ophthalmoplégies totales purement

extérieures ? La paralysie par compression du nerf porte donc presque

fatalement sur toute la musculature de l'oeil.

Pour que l'origine périphérique de l'ophtllalmopléie externe

devienne admissible, il faut aller plus loin et localiser la lésion dans

la partie terminale du nerf. Il estpossible, ditMoebius, que cesymptôme

se produise sous l'influence d'une lésion périphérique frappant les nerfs

extérieurs du globe de l'oeil et respectant les nerfs ciliaires. A l'appui

de celle manière de voir, l'auteur rapporte l'observation suivante :

OBs. I. - Ophthalmoplégie externe d'origine périphérique (Moehius) ! .

Il s'agit d'un homme de vingt ans qui, après s'être exposé à un courant

d'air en chemin de fer, fut pris, deux jours plus tard, de douleurs vives dans le

voisinage de l'oeil droit et dans toute la moitié droite du visage, avec gonflement

de la paupière supérieure droite, diplopie, ptosis, paralysie complète de tous

les muscles moteurs de l'oeil; lorsque Moebius l'examina, il constata, déplus,

une égalité complète des pupilles avec réaction normale à la lumière. Sen-

sation d'engourdissement de la joue droite et aussi un peu de diminution de

la sensibilité dans cette région, l'acuité visuelle n'était pas modifiée, l'amé-

lioration fut progressive et aboutit à une guérison à peu près complète en

quatre mois.

L'ophthalmoplégie s'est développée ici dans les mêmes circonstances que

la paralysie faciale périphérique dite rhumatismale. Ainsi que cela se voit

parfois dans celle paralysie, il y avait des signes d'une affection périphérique

du trijumeau : sensibilité à la pression et légère ancsthésio du territoire de

la 2° branche. La lésion nucléaire paraît invraisemblable.

1. MoelJius, Ueber die Localisation der Uplatlaalnaoplegèa exlerior (Cenlralbl. 1..\'er-

M)t/te;7 ? 1886, p. 514).

188 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËHE.

La thèse de lorell, inspirée par M. Dianoux (de Nantes), renferme

un autre exemple d'ophthalmoplégie externe, d'origine vraisemblable-

ment périphérique. Dans ce cas, c'est à la suite d'un coup de fleuret

que la paralysie atteignit successivement les différents muscles externes

de l'oeil. ' ' ., 'l, j

Meyer a fourni la première et jusqu'ici la seule vérification anato-

mique des idées de Moebius concernant la possibilité d'une ophthalmo-

plégie externe par lésion périphérique des nerfs moteurs. Cette fois

l'examen du système nerveux central à l'oeil nu et après durcissement

resta absolument négatif. Par contre, l'examen des fibres et des troncs

nerveux périphériques démontra l'existence d'une névrite multiple

des mieux caractérisées. Toute intéressante que soit cette observation,

nous ne devons pas oublier qu'il ne s'agit là que d'un fait isolé, tandis

que la lésion nucléaire a déjà été rencontrée trente et une fois°.

Nous résumons ici l'observation de Meyer : .

OBs. II. Ophthalmoplégie progressive par névrites périphériques

(Meyer)3.

Unmaçon de soi xante-deux ans, usé, fatigué par une ancienne bronchite

avec expectoration abondante, présentait tous les symptômes de l'ophthalmo-

plégie classique : paralysie à peu près complète de tous les muscles de l'oeil

des deux côtés, même des releveurs de la paupière, intégrité de l'accommo-

dation et des mouvements pupillaires. Les jours suivants, on constata succes-

sivement de la dysphagie, de l'anesthésie de la conjonctive, quelques pares-

thésies le long des membres et des parois thoraciques. Notons qu'il n'y avait

ni diphthérie ni alcoolisme. Ce malade succomba au bout de peu de jours

dans un profond marasme.

L'examen du système nerveux central à l'oeil nu et après durcissement

resta absolument négatif. Notons spécialement que la moelle allongée, le

pont de Varole et la' région des tubercules quadrijumcaux furent examinés

sur une série de coupes soigneusement colorées, et que, ni dans les centres

moteurs, ni dans les fibres radiculaires des nerfs de l'oeil, on ne put révéler la

moindre lésion appréciable à nos moyens d'investigation.

Par contre, l'examen des fibres et des troncs nerveux périphériques démontra

l'existence d'une névrite multiple des mieux caractérisées. Les nerfs oculo-

moteur commun, oculo-moteur externe, pathétique, étaient absolument

dégénérés; le facial, l'hypoglosse, le losso-pharyngien, quelques branches

du trijumeau présentaient des lésions déjà fort appréciables; le phrénique,

les intercostaux, plusieurs nerfs des membres étaient également en voie de

dégénération.

En somme, il s'agit d'un cas de névrite multiple, amenée probable-

1. More), Contribution fit l'élude de l'ophtlialmoplégie externe (Th. Paris, l8ll0).

2. DuroLLr, Annales d'oculislique, 18JU.

3. )'. Meyer, Soc. de méd. de Strasbourg (Bulletin médical, 1888). '

DE L'OPIiTIIAL1V10PLÉGIE EXTERNE. 189

ment par l'état cachectique du sujet, ayant frappé tout particulièrement

les nerfs de l'orbite et se traduisant parle tableau complet de l'ophtha)-

moplégie progressive. Aussi, au point de vue du diagnostic différentiel,

cette observation présente-t-elle une certaine valeur.

De ce qui précède nous concluons avec Mauther que, abstraction

faite d'une cause orbitaire ou périphérique, toute ophthalmoplégie

externe double, sans autres phénomènes en foyer notables, est une

paralysie nucléaire; car il n'y a pas moyen d'expliquer autrement

l'intégrité complète de l'iris et du muscle accommodateur. Ce dernier

signe a donc une valeur incontestable pour le diagnostic de la paralysie

nucléaire. Est-ce à dire que la participation de la musculature interne

de l'oeil à la paralysie s'oppose à ce diagnostic ? Evidemment non; la

lésion nucléaire peut frapper en même temps la colonne motrice tout

entière de l'oculo-moteur. Nous aurons du reste l'occasion de rappeler,

chemin faisant, les signes propres à cette dernière localisation.

Enfin nous ne devons pas oublier que la paralysie oculaire se pré-

sente parfois comme véritable névrose. Ce sont les faits de ce genre

que M. Ballet* a réunis dans son intéressant mémoire sur l'ophthal-

moplégie externe et les paralysies des nerfs moteurs bulbaires dans

leur rapport avec le goitre exophthalmique et l'hystérie. Dans deux

cas, l'un de Jendrassik', l'autre personnel, l'ophthalmoplégie externe

combinée à la paralysie du facial et de l'hypoglosse faisait partie du

tableau symptomatique de la maladie de Basedow; les deux autres

observations sont considérées par l'auteur comme des exemples

d'ophthalmoplégie externe chez des hystériques. Nous n'en citons

qu'une seule, recueillie par Warner3 et Bristo\ve; elle est d'autant

plus intéressante que la malade, atteinte de maladie de Graves avec

hémianesthésie droite sensitivo-sensorielle et hémiplégie droite,

mourut incidemment de bronchite, et que l'autopsie restée négative

permet d'accepter sans réserves le diagnostic d'ophthalmoplégie-

névrose.

1. Ballet, Revue de médecine, 1887.

2. Jendrassik, Von l'erllàltnisse der Poliomyelencepltalitis xurBasetlowsc4enskran6heit.

(Arch. /. l'.sclt., M, XVII, lift, 2).

3. Fr. \ramer, Op/¡//¡almoplegia externa complicaling a case o/' Graves disease (Med.

chir. trans., vol. LXVI, p. 107, lSS3). '

4. S. firistowc, Cases of oplrllhalmoplegia, complicaled willt varions ollter aJ/eclions

of the nervous sstent (Drain. 1885, p. 313).' .

19C NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Il

POLIOENCÉPIALITE SUPÉRIEURE ET INFÉRIEURE.

Paralysie bulbaire supérieure avec ébauche de paralysie bulbaire

inférieure. - Le noyau du moteur oculaire commun représente la

partie terminale de la colonne grise antérieure de la moelle prolongée

dans le bulbe et la protubérance. Rappelant que Kussmaul décrit sous

le nom de poliomyélite antérieure l'affection systématique des cornes

antérieures de la moelle, Wernicke propose par analogie d'appeler

poliencéphalite l'affection correspondante des noyaux sous-jacents au

plancher du quatrième ventricule. Il en décrit trois formes : aiguë,

subaiguë et chronique, et deux variétés, l'une supérieure, l'autre infé-

rieure, en leur donnant comme limite de séparation une ligne trans-

versale passant par les noyaux de l'abducens et du facial. L'analogie

est évidente lorsque, laissant de côté la poliencéphalite aiguë d'origine

alcoolique ou infectieuse, on considère les cas subaigus et chroniques;

elle s'impose en face des cas complexes intéressant à la fois les noyaux

moteurs de la moelle et ceux de la région bulbo-protubérantielle. C'est

ainsi qu'on peut assister, comme nous le verrons plus loin, à la com-

binaison de l'ophthalmoplégie avec une atrophie musculaire du type

Duchenne-Aran (poliomyélite antérieure chronique) ou avec une para-

lysie spinale antérieure subaiguë, qui anatomiquement est représentée

par une lésion des cornes antérieures de la substance grise spinale.

Déjà, en 1868, de Grade comparait un cas d'ophthalmoplégie avec

intégrité des mouvements de l'iris et du muscle ciliaire à la paralysie

labio-glosso-laryngée. Dans sa leçon sur le sujet qui nous occupe,

M. Charcot insistait aussi sur ce rapprochement, d'autant plus légi-

time que l'on voit parfois les deux affections se confondre l'une avec

l'autre. La paralysie de la musculature extérieure de l'oeil constitue

une sorte de paralysie bulbaire supérieure comparable à tous égards à

la paralysie bulbaire inférieure. Dans les deux cas il y a lésion isolée

et systématique des noyaux moteurs, les noyaux sensitifs étant respec-

tés, tout comme lorsqu'il s'agit de la moelle, dans l'atrophie muscu-

laire du type Duchenne-Aran, l'altération porte exclusivement sur les

cornes antérieures.

« Je fais allusion ici, dit M. le professseur Charcot, à la paralysie

bulbaire inférieure sans participation du faisceau pyramidal. On a pré-

tendu bien à tort et fort légèrement, dans ces derniers temps, où le

vent est,aux publications hâtives, que cette espèce-là n'existe ¡;pas et

DE L'OPHTIIALMOPLÉGIE EXTERNE. 191

que toute paralysie labio-glosso-laryngée appartient nécessairement à

la sclérose latérale amyotrophique : c'est une erreur. Outre cinq ou six

autopsies autrefois publiées et qui mettent hors de doute l'existence de

la paralysie glosso-labio-laryngée dégagée de toute lésion des faisceaux

latéraux, il faut ajouter aujourd'hui deux nouveaux cas de ce genre,

également suivis d'autopsie. L'un appartient à M. Reinhold; l'autre est

de MM. Marie et Onanoff; il a été recueilli dans mon service et sera

bientôt publié. »

Ainsi envisagée, l'ophthalmoplégie externe est pour le bulbe supé-

rieur ce qu'est la paralysie glosso-labio-laryngée pour le bulbe infé-

rieur, c'est-à-dire l'expression d'une altération systématique limitée

aux noyaux moteurs de l'une ou de l'autre région. Les observations que

nous rapportons prouvent clairement que si les noyaux oculo-moteurs

peuvent seuls être atteints, dans bon nombre de cas la colonne motrice

est affectée systématiquement sur tout ou partie.de sa longueur.

Avant d'aborder l'étude des cas complexes, rappelons en quelques

mots les caractères cliniques de l'ophthalmoplégie externe.

D'ordinaire, les deux yeux sont affectés à un égal degré, à peu de

distance l'un de l'autre ou en même temps; mais il n'en est pas tou-

jours ainsi, témoin le cas rapporté par Birdsall2, où l'oeil droit fut frappé

de paralysie un an et demi avant l'oeil gauche. Exceptionnellement

l'ophthalmoplégie reste unilatérale.

Le début est insidieux, les muscles sont pris l'un après l'autre sans

ordre bien régulier. Le premier symptôme qui attire l'attention du

malade est soit la chute de la paupière, soit la diplopie; encore cette

diplopie est-elle peu fréquente et plutôt passagère. Parfois l'invasion

se fait avec une remarquable lenteur : chez un malade de Lichtheim,

le ptosis précéda de trois ans la paralysie des autres muscles.

Une fois l'ophthalmoplégie complétée, la physionomie du malade

présente un cachet tout particulier bien décrit par Hutchinson dans

un mémoire' publié dans les Transactions médico-chimrgicales z1879).

Les paupières sont demi-tombantes, ce qui donne au malade un air

endormi, et couvrent à moitié la cornée transparente; le regard en

même temps est d'une fixité singulière, les yeux regardant en face

vaguement, parce que les axes visuels ne convergent pas exactement.

Pour regarder de côté le malade est obligé de tourner la tète; il ne

peutporterlesyeuxni en haut ni en bas, ou il ne le fait que très impar-

faitement. Dans certains cas, la motilité des globes oculaires est telle-

ment abolie que a les yeux semblent figés dans de la cire (Benedikt) ».

1. Reinhold, Deutsch. Arch. f. klin. Med., Bd. 46, lift, 1, 1889.

2. Birdsall, Progressive paralysis of the externat oculnr muscles, or ophthalmoplegia

externa (Journal of nervous and mental diseuses, 1887, Iebruary, p. 65).

192 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIÈRE.

Régulièrement, dans la paralysie oculomotrice isolée, les deux yeux

sont dirigés en dehors et un peu en bas, le grand oblique et le droit

externe étant sains. Il faut donc pour avoir cette fixité du regard, cette

immobilité des yeux sans déviation, une paralysie de toute la muscula-

ture extérieure. Souvent les sourcils sont arqués, le front plissé, le

malade cherchant à suppléer à l'insuffisance du releveur par la contrac-

tion du frontal. La gêne occasionnée par le prolapsus est en rapport

avec son intensité. Dans les cas les plus heureux, le bord libre de la

paupière arrive à peu près au milieu de la pupille et le malade se sert

efficacement de ses yeux pour la vision des objets situés au-dessous de

l'horizon; mais la vue des objets placés au-dessus de ce plan devient

très difficile et pour y remédier il renverse plus ou moins fortement la

tête en arrière;

Fait remarquable, la paralysie du releveur de la paupière n'est

jamais aussi complète que celle des autres muscles. C'est pour ce motif

que Pick et Kahler, comme nous l'avons déjà dit, ont modifié la nomen-

clature de Hensen et Voelkers et ont placé le noyau commandant ce

muscle en avant de tous les autres, immédiatement derrière les centres

photo-moteur et irien. En outre, le ptosis est variable, moins accusé

le matin que le soir, moins marqué à certains jours et peut disparaître

en partie sous l'influence de la volonté : le malade possède donc plu-

sieurs moyens de le corriger; parfois il les perd tous successivement.

Ce facies si typique que l'on pourrait appeler du nom de celui qui en

a le premier nettement fixé les caractères, faciès d'Hutchinson, con-

traste, ainsi que l'a fait remarquer notre maître, avec le masque de la

maladie de Parkinson, qui en raison de la fixité du regard ne manque

pas de présenter quelque analogie. Mais la fixité des traits tient ici à

une rigidité des muscles et non à une paralysie; l'oeil est plutôt grand

ouvert; les sourcils sont élevés et le front plissé de rides transversales

comme dans l'ophthalmoplégie il est vrai, mais pour une cause diffé-

rente.

Un rapide examen permet de se renseigner sur le degré de parésie

ou de paralysie des différents muscles extérieurs de l'oeil. Point inté-

ressant à noter, la diplopie est rare. Dans sa thèse, Blanc cite l'observa-

tion d'un malade chez qui il lui fut impossible d'obtenir les images

doubles même avec le verre de couleur; et cependant la vue était bonne

et il y avait un strabisme divergent manifeste. Il attribue l'absence

habituelle de diplopie à la lenteur avec laquelle s'est effectuée la dévia-

tion oculaire : dans ces conditions l'oeil parvient, comme dans le stra-

o

1. Blanc, Le Nerf moteur oculaire commun et ses paralysies. Thèse de Paris, 1886,

p. 92.

DE L'OPHTUALMOPLÉGIE EXTERNE. 193

bisme concomitant vulgaire, à faire abstraction des doubles images. Il est

vrai que d'autres auteurs admettent en pareil cas la paralysie simultanée

des muscles antagonistes, ce qui supprime leur rétraction.

Le symptôme capital est fourni par l'intégrité du muscle ciliaire et

du sphincter irien, qui se contractent également bien par la lumière et

pour l'accommodation. Pas n'est besoin de revenir sur l'importance de

ce signe, considéré en général comme pathognomonique.

Quand nous aurons signalé l'absence de céphalalgie, de vertiges, de

toute réaction cérébrale en un mot et le bon état général du malade,

nous en aurons fini avec le tableau symptomatique de l'ophthalmoplégie

, externe.

De même que la paralysie glosso-labio-Itryngée se complète peu à

peu, avec une rapidité plus ou moins grande, de même l'ophthalmo-

plégie externe met d'ordinaire un certain temps avant de se présenter

sous sa forme achevée. Sans doute, elle peut être uniquement consti-

tuée par laparalysie oculo-motrice, qui en est toujours l'élément prin-

cipal ; mais très fréquemment le pathétique et l'abducens participent à

la paralysie, qui s'étend ainsi à toute la musculature extérieure de l'oeil.

Cette ophthalmoplégie externe totale se traduit par l'immobilisation du

globe de l'oeil, ou tout au moins par la limitation de ses mouvements

dans toutes les directions : d'où cette fixité du regard si bien rendue

par l'expression de Benedikt.

En voici deux observations suffisamment démonstratives pour qu'il

soit inutile d'en rapporter d'autres :

Obs. III. - Ophthalmoplégie totale (Birdsall)'.

Jeune homme de dix-huit ans atteint d'une paralysie totale des droits, des

obliques et des releveurs de la paupière, avec intégrité de l'iris et du muscle

ciliaire. Fond de l'oeil normal. Le développement de l'affection s'était fait len-

tement : deux ans auparavant, le malade avait remarqué le ptosis de la pau-

pière droite; peu à peu, parésie des autres muscles et, depuis six mois, pa-

résie de l'oeil gauche. Immobilité des yeux complète. Obligation de tourner

la tête pour fixer un objet placé de côté; pas de diplopie. Bouche, langue,

pharynx dans un état normal, pas de modification électrique. Pas de signes

de tabes. Ni syphilis, ni tare héréditaire. A l'âge de neuf ans, chute et ébran-

lement cérébral (6A ! )'MfrcMMerMM).

La galvanisation, la noix vomique, n'amenèrent aucun changement notable;

certain degré d'amélioration par l'iodure de potassium. -Depuis cet examen,

deux ans et demi se sont écoulés sans que la maladie ait fait de progrès

sensible. Pas de symptômes bulbaires, pas'de tabes.

1. W. Il. Birdsall, Progressive Paralysis of llie externat ocular muscles, or ophlhrilmo-

plegia e.4lei-ia (Journal of' nervous and mental diseases, 1887, FelJ\'I1.l ? p. 05).

194 NOUVELLE ICONOGRAPHIE'DE LA SALPETRIERE.

Obs. IV. - Ophthalmoplégie totale (Gayef)1.

Mme X..., soixante-six ans, atteinte depuis quinze à vingt jours de la grippe,

s'aperçoit le 27 mars, en se mettant à la fenêtre, qu'elle voit double. Son mé-

decin constate une chute légère des deux paupières, une paralysie prononcée

du droit externe droit et déjà une certaine paresse de tous les muscles des

yeux. Les pupilles avaient conservé leurs mouvements normaux et l'accom-

modation ne paraissait pas avoir souffert.

Le 24, les yeux étaient tous deux immobiles dans l'orbite; à ce moment, et

pour cause, la diplopie avait disparu. En même temps, la malade scrupuleuse-

ment étudiée accusait un léger fourmillement aux extrémités des doigts des

deux mains, mais si léger qu'elle ne l'aurait peut-être pas remarqué sans l'in-

sistance qu'on mettait à l'en faire apercevoir.

Le 28, je constate une chute incomplète des deux paupières avec possibilité

de les soulever par un effort de la volonté. Une immobilité absolue des deux

yeux avec le regard dirigé à l'infini dans un plan horizontal. A part cela,

les globes sont sains, ni enfoncés ni saillants, la pupille est moyennement

dilatée, un peu paresseuse, et tout le reste normal.

L'ophthalmoscope ne révèle absolument rien, l'accommodation est possible

et l'acuité ne laisse rien à désirer.

Aucun des muscles de la face n'est paralysé, et à part le fourmillement des

doigts la sensibilité est normale partout. Les fonctions sensorielles sont in-

tactes et la motilité ne présenterait rien à noter, si les nouvelles conditions

optiques dans lesquelles se trouve la malade n'étaient pour elle la cause d'un

vertige très pénible surtout lorsqu'elle se meut.

Nous sommes en face d'une paralysie qui a frappé à la fois toutes les paires

motrices des deux yeux, à savoir les 3', 4- et 6-. C'est même à cet en-

semble que les globes doivent de n'être déplacés ni par enfoncement ni par

protrusion.

Les urines sont très chargées, ne donnent ni sucre ni albumine, tout au

plus sont-elles riches en phosphates, Spontanément la malade m'a raconté

qu'elles étaient devenues plus rares.

Après une légère amélioration, état stationnaire au 12 avril.

Ni syphilis, ni diphthérie.

L'auteur croit à une lésion centrale nucléaire.

GEORGES GUIGNON,

Chef de clinique à la Salpêtrière.

(A suivre.)

ENIILE PAHMENTÏER,

Interne, médaille d'or des hôpitaux.

1. Gayet, Paralysie totale de tous les muscles moteurs des deux yeux, sauf des élévateurs

des paupières et des pupilles, qui ne sont que paresseux.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA îALP&'l'R1ERE

Tome 111. PL XXXII

POLIOMYELITES ET POLYNEVRITES

LCCPU6NIEN Se Babé, éditeurs

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES

Travail du Laboratoire de M. le professeur Charcot

(Suite') 1)

Examen histologique. Moelle. Région cervicale. -On est frappé tout

d'abord de l'apparence spéciale que présente la zone des cornes anté-

rieures correspondantau groupe cellulaire antérieur.' Cette région est

constituée par une substance homogène presque amorphe tout à fait

analogue à du tissu cicatriciel fibroïde qui siège de préférence autour

des vaisseaux (PL XXXII, fig. 5, a). Les fibres nerveuses des cornes

antérieures, très raréfiées dans le reste de la région, ont tout à fait

disparu à ce niveau. De même les cellules nerveuses ont en grande

partie disparu, et celles qui persistent sont réduites à de petits blocs

fortement granuleux, sans aucun prolongement, et qui se colorent très

difficilement. Certaines cellules présentent une véritable tuméfaction

trouble : toutes offrent des différences de volume entre elles très

EXPLICATION DE LA PLANCHE

Fig.l. - Coupe de [la moelle lombaire de polynévrite, colorée par la méthode de

Weigcrt, vue à un faible grossissement : a, cornes antérieures; b, cornes postérieures; c,

cordon latéral; d, cordon postérieur.

Fig. 2. - Coupe de la moelle cervico-dorsale de poliomyélite, colorée par la méthode de

Pall, vue à un faible grossissement : a, cornes antérieures altérées; b, cornes postérieures;

c, faisceau pyramidal dégénéré; d, cordon postérieur sain; e, racine postérieure; /, aspect

spécial pris par la corne antérieure à la suite de la lésion du groupe des cellules antéro-

externes.

Fig. 3. - Coupe du nerf médian de polynévrite à la région inférieure de l'avant-bras,

colorée à l'acide osmique et au carmin : a, fascicule fortement dégénéré; b, b, fascicules

presque sains; c, fascicules moyennement dégénérés ; d, vaisseaux du tissu conjonctif péri-

fasciculaire ; e, gaine secondaire un peu épaissie ; ? tissu périfasciculalre.

Fig. 4. - Coupe du muscle interosseux de polynévrite colorée parla méthode de Weigert :

a, région du muscle sclérosé, où les fibres persistent avec des dimensions diverses ;

a', atrophiées; a", presque normales, et entourées d'un tissu conjonctif dense; d, région

du muscle extrêmement dégénéré où les fibres ne sont plus représentées que par des débris,

mal colorés d', d', d'; e, e, ramuscules nerveux où persistent des libres à myéline ; c,

c, espaces vides laissés par les fibres musculaires ; /, faisceau neuro-musculaire ; g, ses

filets nerveux; h, ses libres musculaires; /., sa gaine lamelleuse ; i, artériole.

Fig. 5. - Région dégénérée de la corne antérieure de la moelle de poliomyélite, colorée

par le picro-carmin, vue à un fort grossissement : a, substance amorphe remplaçant la

substance normale; b, b, débris de cellules ganglionnaires; c, leucocytes; d, débris de

tubes nerveux ; e, vaisseau.

1. Voy. le n' 4, 1890.

196 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIÈRE.

remarquables. L'espace péricellulaire contient un grand nombre de

cellules migratrices fortement colorées. Des cellules analogues se

remarquent dans toute la région, et malgré cette prolifération on ne

constate pas de signe de division indirecte (Pl. XXXII, fig. 5 c).

Les vaisseaux sanguins et lymphatiques sont très dilatés. La gaine

lymphatique et les parois des artères sont épaissies.

Cette' lésion capitale des cornes antérieures s'accompagne d'une

atrophie notable, mais l'altération porte comme nous l'avons dit, sur

le groupe antérieur de la corne exclusivement : aussi semble-t-il que

le groupe externe et la zone qui lui correspond dans la corne antérieure

sont plus développés. Il résulte de là une apparence tout à fait particu-

lière (PL XXXII, fig. f).

D'autre part cette même lésion n'est pas exactement symétrique par

rapport aux deux moitiés de la moelle, le côté droit est plus intensément

intéressé. t '

y

Le faisceau pyramidal est atteint d'une sclérose systématique

d'origine vasculaire.*Ces tractus interfasciculaires, ainsi que les parois

des vaisseaux sont très épaissis, et beaucoup de fibres nerveuses ont

disparu. La sclérose est exactement limitée à la région qui correspond

à Kys du schéma de Flechsig. Les cordons postérieurs sont indemnes.

Les racines antérieures présentent des altérations de névrite paren-

chymateuse, en même temps que leurs capillaires sont très dilatés. Les

racines postérieures sont indemnes.

Les méninges ne présentent non plus aucune altération.

Région dorsale. -Les lésions ont .ici la même distribution, mais

elles sont plus accusées encore, ce qui permet de constater quelques

nouveaux détails.

Presque toute la corne est altérée, à peine reste-t-il une bande péri-

phérique de tissu sain. Dans la région la plus lésée, on observe au

niveau du tissu fibroïde amorphe qui la constitue, un petit îlot qui

s'en distingue par sa constitution, il se montre formé, en effet, de

fibrilles nerveuses plus ou moins dégénérées, de globules rouges et de

granulations. Celles-ci représentent soit des débris de tubes nerveux,

soit de la fibrine. z

La région externe de la corne présente un petit foyer hémorrha-

gique qui a détruit la substance nerveuse.

La plupart des cellules sont détruites, mais il en persiste quelques-

unes qui sont relativement bien conservées.

Outre la sclérose pyramidale qui persiste, on observe de la sclérose

de la commissure grise.

Dans toutes les parties altérée*, le système vasculaire offre des lésions

très accusées. Certaines artérioles SJllt tout à fait oblitérées par suite

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 197

de la prolifération de leur endothélium. D'autres ont une tunique

externe tuméfiée. Il en est enfin qui sont entourées d'une zone hémor-

rhagique. Du reste, on trouve disséminés dans la région sclérosée des

globules rouges au milieu d'une substance granuleuse claire qui

paraît être de la fibrine.

Région lombaire. Bien que très évidente encore, la lésion n'est

pas aussi accusée que dans les régions supérieures. Les cellules des

cornes antérieures n'ont pas diminué de nombre, mais elles sont varia-

blement altérées. Quelques-unes ont dégénéré, d'autres sont trans-

formées en de petits globes amorphes d'apparence hyaline. La plupart

sont dépourvues de prolongements, et ont perdu leur noyau ou

bien ce noyau se colore mal.

Le réseau fibrillaire est diminué et raréfié, quelques fibres ner-

veuses sont hypertrophiées, quelques autres présentent une apparence

moniliforme. Le tissu interstitiel est semé de petits foyers hémorrha-

giques. Les commissures blanche et grise sont indemnes.

Le faisceau pyramidal est atteint d'une sclérose naissante symé-

trique, et en rapport avec l'altération des cornes antérieures. Les fais-

ceaux et les racines postérieures sont indemnes. Les racines anté-

rieures sont un peu altérées.

Nerfs cutanés. - Il ne présentent aucune altération.

Nerfs médian et cubital. Indemnes.

Nerf sciatique. - Quelques fascicules de ce nerf présentent des alté-

rations de névrite parenchymateuse simple.

Muscles. - Les divers faisceaux d'un même muscle offrent des

lésions très inégales. L'altération dominante est la sclérose atrophique.

Dans les parties les plus atteintes, les fibres musculaires ont diminué

de nombre et de volume, de plus elles sont entourées d'un tissu con-

jonctif qui les sépare les unes des autres. Ce tissu est fibrillaire com-

pact, etcontient relativement peu de noyaux. Les fibres ontconservé leur

striation.

Pour les raisons que nous avons dites, nous ne pouvons tirer un parti

suffisant des quelques notes cliniques qui nous ont été remises sur la

malade qui a fait l'objet de notre examen anatomique. Il semble cepen-

dant qu'il s'est agit dans ce cas d'une forme de paralysie spinale

subaiguë.

Les altérations anatomiques sont par contre caractéristiques. Nous

avons affaire à une lésion intéressant systématiquement la substance

grise des cornes antérieures de la moelle. Le maximum d'altérations

siège il la région dorsale, ce qui explique assez bien la paralysie atro-

phique du diaphragme constatée pendant la vie, et il laquelle la malade

a succombé. Celte lésion a entraîné consécutivement la dégénération

198 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

du faisceau pyramidal par la destruction des fibres d'association,

dépendant des éléments cellulaires détruits des cornes. Ces dernières

altérations présentent dans les diverses régions la topographie clas-

sique du schéma de Flechsig. Il est à remarquer, que malgré l'inté-

grité des rameaux nerveux périphériques, nous avons constaté une

dégénération relative du nerf sciatique. C'est là un fait assez particu-

lier pour retenir l'attention,- car c'est d'ordinaire une apparence

inverse que l'on observe. Cela contribue à démontrer qu'il peut exister

une myélite antérieure entraînant une dégénération consécutive des

nerfs.

En résumé les exemples typiques provenant d'auteurs dont la com-

pétence est établie, de même que le fait anatomique que nous produi-

sons, établissent péremptoirement l'existence de paralysies aiguës,

subaiguës et chroniques de l'adulte liées à des altérations de la sub-

stance grise des cornes antérieures de la moelle. Notre observation

montre aussi que des névrites dégénératives peuvent coexister avec des

lésions profondes des cornes antérieures.

III

La connaissance des polynévrites est encore trop récente pour

qu'on ait pu isoler les diverses variétés qui, par leur réunion, forment

le groupe qu'on a appelé névrites multiples. Nous n'avons pas l'in-

tention d'examiner ici les documents déjà très nombreux qui ont été

publiés sur cette question, et nous ne rappellerons que celles d'entre

les observations qui paraissent affecter une certaine parenté avec la

nôtre.

Toutefois, il importe auparavant que nous exposions cette observa-

tion, que nous devons pour la plus grande partie à M. le professeur

Ilayem (qui a aussi consenti à examiner nos préparations histolo-

giques), ce dont nous lui sommes très reconnaissants.

Après en avoir fait ressortir les particularités les plus importantes,

nous aurons l'occasion, à propos des discussions auxquelleb prête son

interprétation, de signaler les cas plus ou moins analogues, et d'exa-

miner les rapports qu'on a trouvés à ces faits, dès les premières obser-

vations, avec les poliomyélites.

Uns. V (Communiquée par M. le professeur Hayem). - Annette

Péron, âgée de quarante-neuf ans, ouvrière en ivoire, entrée le 20 dé-

cembre z1873 à l'hôpital Beaujon, salle Saint-Paul, lit nu 22, dans le

service de M. IIayem.

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 199

Bonne santé habituellement. Rougeole dans son enfance, variole à

la Salpêtrière pendant la guerre. Pas de traces de scrofule ni de syphilis.

Une seule grossesse il y a quinze ans. Elle a toujours habité des lieux

sains (3e et 4° étages), est à Paris depuis huit ans. Bonne alimentation,

pas d'excès de boisson. Toujours bien réglée.

Il y a douze ans, à Guingamp, où elle exerçait le métier de

blanchisseuse, et fatiguait beaucoup du bras droit, elle éprouva pour

la première fois des douleurs dans ce bras au niveau du biceps. Ces

douleurs disparurent sans laisser de traces au bout d'une douzaine de

jours.

Le 14 février 1873, elle tomba malade et entra alors à l'hôpital Saint-

Louis. Depuis huit jours elle était souffrante et avait perdu l'appétit,

lorsque sous l'influence d'une mauvaise alimentation (cidre), elle eut

des coliques et de la diarrhée. Quatre jours après, elle était prise de

délire et de convulsions et était transportée dans cet état à l'hôpital

(14 février). La malade n'avait pas encore perdu connaissance, car elle

se souvient très bien qu'elle vit ses jambes et ses bras se paralyser peu

à peu et qu'elle eut très bien conscience de son transport à l'hôpital.

A son entrée à l'hôpital, son état présentait, paraît-il, tout à fait les

caractères de l'ivresse. C'est seulement à partir. de ce moment qu'elle

perdit connaissance, et qu'elle cessa de se souvenir de ce qui s'était

passé. Il paraît qu'elle eut beaucoup de délire et que l'emploi de la

camisole de force fut jugé nécessaire. Le septième jour, lorsqu'elle

reprit conscience d'elle-même, elle était paralysée de tous les membres,

avec prédominance de la paralysie à gauche.

Après un séjour de trente-six jours à Saint-Louis, elle part pour le

Vésinet dans l'état suivant : elle marche sans boiter, le bras droit n'est

plus paralysé, mais le bras gauche ne remue presque pas.

(L'observation de cette première atteinten'ayantpas été recueillie ne

peut être reconstituée que par les souvenirs de la malade; la statistique

consultée porte la mention « hémorrhagie cérébrale » ( ? ).) La malade

reste dans cet état sans amélioration notable jusqu'en décembre.

A cette époque, elle eut des envies de vomir, des douleurs épigas-

triques et de la diarrhée. Peu à peu le bras gauche devient de plus en

plus faible, et le bras droit lui-même commence à se paralyser. C'est

dans cet état qu'elle entre le 20 décembre à l'hôpital; les jambes n'étant

encore nullement atteintes car elle put faire facilement le trajet à pied.

A son entrée, elle fut comme la première fois prise de délire et on la

crut en état d'ivresse. Son délire nécessita encore l'emploi de la cami-

sole de force et dura trois jours. Lorsqu'elle revint à elle, les quatre

membres étaient paralysés. Comme la première fois, la paralysie avait

été progressivement et la malade avait vu ses membres s'affaiblir peu

`l00 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

àpeu, et les uns après les autres. La sensibilité a toujours été conservée,

Les réflexes étaient intenses. Embarras de la parole.

10 janvier. - Pas de fièvre. Etat cachectique, alternatives de diar-

rhée et de constipation. Lorsqu'elle a de la diarrhée, la malade laisse

aller sous elle.

Pas d'incontinence d'urine. Pas d'eschares. Bras gauche beaucoup

plus faible que le droit, paralysie des extenseurs plus marquée que des

fléchisseurs. Atrophie considérable des muscles du bras et de l'avant-

bras. Les jambes jouissent de quelques mouvements. Insomnie presque

continuelle. Lorsqu'elle dort un peu, elle est prise de cauchemars et de

rêves effrayants où elle voit des bêtes (pas d'alcoolisme).

`0 janvier 1874. - La malade se lève un peu, et fait quelques pas

(en étant soutenue).

Fin janvier. - Toujours insomnie persistante, intelligence intacte,

Amaigrissement considérable. Paralysie incomplète des quatre

membres, plus marquée à gauche. Face très amaigrie. Rien du côté de

la langue, ni des yeux.

Membres supérieurs. - M01wements. - Côté droit : presque tous

sont conservés dans le bras. Mouvements de l'avant-bras sur le bras

conservés, sauf ceux de supination et de pronation qui sont faibles.

Flexion delà main sur l'avant-bras, ainsi quel'extension. Doigts recour-

bés en griffe ? Côlé gauche ; c'est à peine si elle peut soulever le coude.

Paralysie complète du deltoïde et des muscles qui s'insèrent à l'omo-

plate.

Atrophie. - Côté droit : atrophie des interosseux et des muscles

thénar et hypothénar, bien plus prononcée qu'à gauche. Côté gauche :

le deltoïde qui est complètement paralysé, n'est pas du tout atrophié,

ainsi que les muscles du bras. Les muscles épitrochléens sont bien

plus atrophiés que les épicondyliens.

A aucun moment elle n'a eu de secousses ni de soubresauts dans les

doigts.

Exploration électrique (courants induits). - Conctractilité des

muscles de l'épaule très faible. Contractilité très faible de tous les

muscles atrophiés, et du deltoïde gauche (paralysé et non atrophié).

Membres inférieurs. Elle se tient assez bien sur ses jambes. Les

muscles des cuisses sont amaigris et non atrophiés. Contractilité bien

plus grande ici pour un courant électrique faible. Paralysie du dia-

phragme. Dépression épigastrique pendant l'inspiration.

1r février. - Diarrhée colliquative qui épuise la malade. OEdème

cachectique des jambes (pas d'albuminurie). Ne se lève pas. Pilules

de nitrate d'argent.

5 février. Amélioration depuis qu'elle prend les pilules de nitrate

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 201

d'argent. Digestions plus faciles, moins de diarrhée; mouvements plus

faciles. Depuis quelques jours très grande difficulté pour réchauffer

les pieds.

7 février. - La main gauche qui est plus paralysée, est très oedé-

matiée. 11 est des jours où elle paraît très chaude, d'autres où elle est

froide, et où la malade a constamment l'onglée. Ces troubles vaso-

moteurs, oedème des pieds et de la main gauche, alternatives de cha-

leur et de refroidissements, sont très accusés et durent déjà depuis une

huitaine de jours (installation de l'appareil Faucher-Morin, un à trois

éléments pendant douze heures, presque tous les jours). Les parois

abdominales sont si minces qu'à travers elles on voitles circonvolutions

intestinales se dessiner pendant les contractions et former des noeuds,

comme un paquet de vers de terre. En appliquant un courant induit

sur la paroi abdominale, au lieu de faire contracter les muscles, on

fait contracter l'intestin. Grands droits : contractilité nulle. Grand

oblique : quelques contractions dans les faisceaux supérieurs. Muscles

latéraux : contractilité conservée.

21 février. - Amélioration dans le bras gauche, quelques mouve-

ments dans le deltoïde. Flexion des quatre doigts. Pouce immobile.

Extenseurs des doigts paralysés. OEdème de lamain et du bras gauche.

Chaleur plus grande à gauche. Différence de température entre la main

droite et la main gauche = 8° 5 en plus à main gauche. Même état

des muscles abdominaux.

. 23 février. - Très peu de différence de température le matin : pas

de différence appréciable avec la main. Diarrhée plus abondante.

Contractilité électrique, -A gauche. - Deltoïde se contracte facile-

ment. Pectoraux se contractent bien. Triceps, contraction nulle. Biceps,

contraction faible. Groupe postérieur de l'avant-bras, contraction nulle.

Fléchisseurs se contractent assez bien. Fléchisseur du pouce, contrac-

tion nulle. Thénar, contraction faible (sous l'influence de l'électricité,

la peau devient très rouge).

A droite. - Sensibilité électrique un peu plus considérable qu'à

gauche, mais peu de différence. Contraction nulle à l'avant-bras à

éminence thénar, hypothénar, triceps. Contraction faible biceps,

deltoïde.

24 février. Différence de t° entre main droite et main gauche,

4° en plus à main gauche.

d3 nzars. -Depuis quelques jours le gonflement de la main gauche

augmente. La main droite est un peu oedémaliée. Douleur assez vive

tout le long du trajet de la dernière côte gauche. Le deltoïde gauche

s'atrophie. Différence entre les mains presque nulle.

'i8 mars. - Pas de diarrhée depuis quelques jours. État général

m. ' 14

? 0° NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.VL1 ? fRIERE.

bien meilleur. Différence des deux mains 3° 4 en plus à gauche. Ventre

volumineux, parois toujours paralysées. Le diaphragme commence à

se contracter.

26 mars. - A la suite d'application de courants continus (machine

de Faucher-Morin, deux éléments) pendant quatorze heures (courants

descendants) sur le bras gauche, élévation de la température et aug-

mentation de l'oedème. Différence 7° 8. Fourmillements et engourdis-

sement dans les doigts. Renversement du courant. Le soir, disparition

de l'oedème, température des deux mains égale (appréciation à la main).

4 mai. Parois abdominales très épaissies. Encore une très légère

dépression épigastrique pendant les inspirations profondes. Très vive

douleur sur le trajet de la septième côte.

15 mai. - Disparition de la névralgie intercostale après vésica-

toires. Diaphragme n'est plus paralysé.

Fin de mai. -Depuis une quinzaine de jours, l'oedème de la main

gauche a complètement disparu; la différence de température entre

les deux mains s'efface de plus en plus et l'équilibre s'établit. - Les

progrès dans les mouvements du bras gauche continuent, et les deux

bras sont maintenant dans le même état.

L'attitude vicieuse des mains s'exagère. C'est le type de la griffe

dans la paralysie des interosseux. Très légère flexion du poignet sur

l'avant-bras; première phalange très étendue sur le métacarpien;

deuxième et troixième fléchies sur la première et entre elles.

2 juin. -- Exploration électrique (machine de Gaiffe, trois éléments,

tube enfoncé). Les muscles de l'épaule et du bras gauche, qui ont

repris un volume presque normal, et se contractent tous très bien

sous l'influence de la volonté, ont une très faible contractilité élec-

trique. Les muscles atrophiés sont les fléchisseurs de l'avant-bras, et

les muscles interosseùx et des éminences de la main; à droite plus

forte contractilité.

5 juin. - A la suite de l'exploration électrique faite hier avec la

machine à courants induits, la malade a éprouvé une très grande amé-

lioration. Progrès énormes. Tous les muscles se contractent sauf ceux

de la main. Les électrisations sont continuées chaque jour.

15 juin. - Les règles réapparaissent pour' la première fois depuis

la maladie.

Septembre, -Muscles de l'épaule, du bras et de l'avant-bras aussi

volumineux qu'avant la maladie. La malade est très forte aujourd'hui

et s'utilise activement dans le service.

Mains en griffe, articulations raides, flexion de l'articulation métacar-

po-phalangienne impossible. Très bon état général, embonpoint relatif.

Novembre. - Léger progrès dans les mouvements de la main.

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 203

Main droite : les muscles de l'éminence thénar sont moins atrophiés.

Les doigts s'allongent et se fléchissent bien. Main gauche : moins

avancée, raideurs articulaires.

En décembre 187 ? - La malade entre à la Charité, salle Sainte-

Madeleine, n° 23, dans le service de M. Hayem ; qui nous a de même

communiqué les notes suivantes.

État de la malade le 16 décembre 1874. Le corps est dans un état

d'embonpoint normal; les mains seules présentent, outre une

déformation caractéristique, un amaigrissement notable. Sur tout

le corps la peau conserve sa coloration habituelle. Les chairs sont

un peu flasques; le tissu graisseux ne semble pas très abondant.

La malade n'accuse aucune faiblesse des membres supérieurs; elle

peut soulever de lourds fardeaux; les mains seules sont incapables

d'accomplir leurs fonctions. Le poignet se fléchit et s'étend avec

facilité, mais les doigts présentent une déformation spéciale. La

première phalange est dans l'extension et ne peut plus se fléchir;

les deux dernières dans la flexion sur la première et ne peuvent

plus s'étendre (mains en griffe); de plus le pouce est rejeté en

arrière et en dehors sur le même plan que les autres doigts (main de

singe). Le pouce de la main droite semble plus rejeté en arrière que le

gauche qui se trouve surtout sur un plan externe. L'éminence thénar

a complètement disparu; l'éminence hypothénar ne fait plus saillie;

en somme toute la paume de la main offre l'aspect d'une surface plane,

la peau de cette région est lisse et tendue. Sur le dos de la main, on

voit des excavations assez prononcées entre les métacarpiens; ces

dépressions sont surtout sensibles au toucher, la peau qui les recouvre

est ridée et flasque. Les doigts fléchis dans leurs deux dernières pha-

langes sont très amaigris, la malade ne peut ni les étendre, ni les

fléchir complètement (Fig. 57).

La sensibilité cutanée est conservée sur les deux mains, la malade

perçoit même des différences de température assez délicates. La sensi-

bilité musculaire est très affaiblie et les courants électriques sont peu

sentis dans cette région.

Aucune douleur, aucune crampe ne se fait sentir dans les régions

atrophiées; malgré toutes les excitations de la peau, on ne parvient pas

à faire naître de secousses fibrillaires dans les muscles malades.

La température présente un abaissement notable aux deux mains

variable d'ailleurs pour chacune d'elles, et selon qu'elle est prise en

dedans ou en dehors du lit.

201 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

. Température dans les deux aisselles 3G°3.

L'application des courants faradiques ne détermine aucune contrac-

tion dans les muscles des éminences thénar et hypothénar; l'op-

posant du pouce lui-même ne se contracte pas. On a bien à chaque

interruption du courant une légère flexion de la dernière phalange du

pouce, mais il est à remarquer qu'elle ne se fait pas seule et qu'elle

est accompagnée de la flexion des autres doigts. Les interosseux sem-

blent complètement disparus; l'électricité ne réveille aucune contrac-

tion dans ces muscles. A la face palmaire, les courants n'agissent pas

sur la première phalange des doigts, ils se disséminent dans les mus-

cles voisins et amènent une légère flexion sans déterminer l'extension

des deux dernières phalanges. La malade perçoit très peu le passage

des courants dans les muscles de la main. L'atrophie et la déformation

qui en résultent semblent plus marquées à la main gauche. A l'avant-

bras, les muscles répondent bien à l'excitation faradique toutefois

les fléchisseurs se contractent avec plus de force que les extenseurs. La

sensibilité cutanée électrique est très vive dans cette région.

Dans les autres régions du corps, les muscles sont intacts comme

volume et comme contractilité. (On n'a pas recherché si les contrac-

tions se faisaient avec les courants galvaniques). La malade accuse une

certaine faiblesse des membres inférieurs et surtout des articulations

tibio-tarsiennes. Elle prétend que les pieds tournent lorsqu'elle, mar-

che ; cette faiblesse est plus marquée du côté gauche. Les muscles

du pied ne présentent aucune trace d'atrophie; la face plantaire semble

un peu creuse, mais la malade prétend que c'est une disposition natu-

relle chez elle.

La malade ne présente aucun symptôme général, pas de fièvre, bon

appétit, défécation et miction faciles, respiration et voix normales; pas

d'altération du côté du pharynx et de la langue. L'intelligence reste

1"16. ai. - (Dessin communiqué par M. le professeur Ilayem et représentant

la main de la malade en 1875.)

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 205

lucide; les sens jouissent de toute leur délicatesse. Pas de rétrécis-

sement pupillaire, ni de dilatation. On ne détermine aucune douleur

en pressant le long de la colonne vertébrale.

17 décembre. - L'électrisation a été faite pendant vingt minutes

avec la pile d'Onimus ; le pôle positif est appliqué à la région cervicale,

le pôle négatif alternativement sur l'une ou l'autre main. La malade se

plaint de sentir des élancements douloureux pendant le passage du

courant; ces élancements durent vingt minutes à une demi-heure après

la séance (Note de M. Boudet de Paris).

Salle Madeleine, n° 23. - Température des mains : main droite,

21 "2; main gauche, 32°.

Après l'application des courants continus : main droite, 21°4;

main gauche, 33°.

Après l'application des courants induits : main droite, 21°8 ; main

gauche, 33°8.

Pendant l'application des courants continus sur la main droite, la

température de la main gauche a monté de 33° à33°6.

L'application des courants a duré dix minutes pour chaque main.

Les courants continus étaient descendants.

18 décembre. - A la main droite, la griffe semble moins prononcée ;

l'index surtout s'étend plus complètement sous l'influence de sa

volonté. La main gauche présente également une légère amélioration.

21 décembre. - L'amélioration est très sensible, la malade peut

étendre presque complètement les doigts de la main droite; ceux de

la main gauche ne peuvent pas encore être étendus, mais, ils s'écartent

davantage les uns des autres. On continue les séances quotidiennes

d'électricité avec la pile d'Onimus. -

22 décembre. - Ce matin la malade présente un abaissement con-

sidérable de la température dans tout le côté droit du corps. Elle

assure que cette chute de la température s'est faite dans la nuit. Tem-

pérature des mains : main droite, 21 02; main gauche, 32°.

Après l'application des courants continus : main droite, 21°4; main

gauche, 33°.

Après l'application des courants induits : main droite, 21°8; main

gauche, 33°8.

L'application des courants a duré dix minutes pour chaque main.

Pendant l'application des courants sur la main droite, la température

de la main gauche a monté de 33° à 33° 6. '

23 décembre. - Dans l'après-midi d'hier, la malade a pris un bain.

L'abaissement de la température du côté droit a disparu très rapide-

ment sous l'influence de ce bain. Dans la nuit, un nouvel abaissement t

a eu lieu, et ce matin, il y a environ ï2 a'13° de différence entre la main

20(1 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'ËTfUËKE.

droite et la gauche, cette dernière présentant une température de 31°.

L'algidité s'est fait sentir également dans les extrémités inférieures

dans le même sens pour chaque pied que dans la main correspondante.

24 décembre. - La différence de température entre les deux mains

existe toujours; la main gauche a 31°, la droite 20°6.

29 décembre. L'amélioration est très grande. Les doigts de la main

droite arrivent à l'extension presque complète : le pouce est moins

rejeté en arrière. La main gauche va mieux aussi quoique l'améliora-

tion soit moins marquée de ce côté.

La sensibilité tactile est parfaite sur les deux mains. La diffé-

rence de température persiste; la main droite présente toujours un

abaissement de plusieurs degrés.

30 décembre. L'électrisation avec les courants continus descen-

dants a amené des changements dans la température. La main droite,

au lieu de l'abaissement de plusieurs degrés qui existait depuis plu-

sieurs jours, présente une élévation assez considérable : 38°2. La gauche

reste à peu près à la même température. Le pied droit est toujours

plus froid que le gauche, mais la différence n'est pas aussi sensible que

dans ces derniers temps. La sensibilité reste la même. Les muscles de

la main reprennent peu à peu leur volume; les creux interosseux ont

presque entièrement disparu; les doigts sont moins émaciés, la face

palmaire est moins plate. Cependant les éminences thénar et hypothé-

nar restent très atrophiées.

31 décembre. Ce matin, non seulement la température de la main

droite a encore augmenté, mais la main gauche au lieu d'être à la tem-

pérature normale comme hier, se trouve à 1° ou 2° au-dessous. En outre

la peau de cette main gauche est fortement cyanosée, tandis que celle

de la main droite est très rouge. Le pied gauche présente également

un refroidissement notable. Le droit est à peu près à la température

normale.

2 janvier 4875. - Ce matin le refroidissement est à peu près égal

aux deux mains.

5 janvier. - La malade se plaint de ne pouvoir marcher sans

souffrir beaucoup des jambes et du dos. Elle accuse des élancements

douloureux dans les membres inférieurs, mais pas de soubresauts. En

explorant la colonne vertébrale, on réveille une douleur assez vive dans

la région cervico-dorsale (irritation spinale). La température des mains

est peu près* égale. Il y a toujours une sensation de froid dans le

bras droit bien que la température y soit normale. La température a

suivi une marche très irrégulière les jours suivants.

18 janvier. - La malade se plaint d'une douleur très violente dans

le bras droit. En faisant mouvoir l'articulation scapulo-humérale, on

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. ' M7

obtient une crépitation qui indique une arthrite peut-être due à des

troubles trophiques.

19 janvier. Partie à la Salpêtrière.

La malade fut mise en observation, dans le service de M. Charcot,

et M. Brissaud, à cette époque interne du service prit de ses mains le

croquis ci-joint (Fig. 58 et 59).

Le registre de la salle dans laquelle elle se trouvait, contient une

description de l'état de la malade, que nous ne reproduisons pas, car

elle répète peu près exactement l'observation de M. Hayem. Toute-

fois nous y lisons relativement aux antécédents les notions suivantes,

que la malade a du reste'confirmées à l'un de nous.

Elle travaillait dans une usine où elle polissait du marbre avec une

tablette dont elle ne connaît pas la composition, mais qui atrophiait

les mains de toutes les ouvrières qui travaillaient avec elle. Sur

sept ouvriers qui travaillaient comme elle, cinq furent atteints,

trois sont morts, et tous avaient les mains atrophiées. Elle a travaillé

ainsi un an, sans ressentir de mal, mais ses mains maigrissaient.

Le 5 octobre 987, ayant vu deux ouvriers mourir, elle se décida

à entrer à Saint-Louis. L'un de nous, pendant son internat dans le

service de M. Charcot, relatait l'état de la malade à cette époque, dans

les lignes suivantes :

Etat de A. P... le 2 mars z1587. - Depuis que la malade est dans

Fie. 58.

(Communiqué pnr AI. Ic B Brissaod.)

Fic. 59.

Communiqué par M. le Dr Brissaud.)

208 ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

la salle, il ne s'est rien produit de notable au point de vue des

phénomènes nerveux sinon que le trouble nerveux amyotrophique,

tout en y restant cantonné, a progressivement mais très lente-

ment augmenté aux pieds et aux mains. Les muscles du tronc,

des jambes et des bras sont toujours indemnes. La malade vaque

comme autrefois à ses occupations, marche une partie de la

journée et se sert de ses mains pour tous les ouvrages de ménage

ou autre qui n'exigent pas de précision dans les mouvements. L'atro-

phie s'est surtout plus accentuée aux pieds qui présentent l'aspect de

varus équins, les premières phalanges des orteils étant dans l'exten-

sion.

Depuis l'éclosion d'une pneumonie qui n'en était probablement que

le premier signe, la malade est atteinte d'une bronchite chronique, et

présente actuellement les signes classiques de la tuberculose pulmo-

naire et laryngée. Toux fréquente, expectoration abondante de cra-

chats nummulaires,matité des sommets, souffle amphorique adroite...

etc. L'état de la malade fut en dernier lieu noté par M. A. Dutil alors

qu'il était interne du service : voici les notes qu'il a bien voulu nous

communiquer :

Etat de A. P... le 2janvier 1889. - Ni troubles de la sensibilité, ni

troubles trophiques.

Mains : atrophie localisée presque exclusivement aux interosseux et

aux muscles de la paume symétrique des deux côtés. Les espaces sont

creusés en gouttières, les éminences ont disparu. Les mains sont

déformées en griffe, les doigts et le pouce sont sur le même plan. Les

phalanges sont étendues dans l'axe des métacarpiens,)es phalangines et

les phalangettes sont fléchies (Fig. 60 et 61). Les mouvements du poignet

(flexion et extension) sont possibles, de même que tous les autres mou-

vements de l'avant-bras : extension, flexion, adduction et abduction.

Il en est de même aux membres inférieurs (Fig. 63 et 63). Réflexes rotu-

liens abolis. Pas de contractions fibrillaires. Pas de troubles vésicaux,

ni oculaires, ni sensoriels. Etat stationnaire.

La malade succomba des suites de sa tuberculose pulmonaire le

3 janvier 1890.

Autopsie. - Nous passons sous silence les lésions tuberculeuses des

poumons et des autres organes, pour ne mentionner que les lésions du

système nerveux. \

Le cadavre est très émacié; le tissu adipeux a disparu en général;^

les téguments sont pâles. I

Méninges normales : vaisseaux pie-mériens un peu injectés. Les

circonvolutions,- celles du lobule paracentral et des centres moteurs

en particulier, n'offrent aucune modification apparente. Sur les

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES.

209

coupes de Flechsig et de Pitres, on ne trouve pas trace d'altérations

anciennes ou récentes.

La moelle épinière (il n'y a pas de déviation de la colonne verté-

brale) conserve son volume normal. Les racines antérieures et posté-

rieures ne présentent aucune altération de couleur ni de volume.

A la coupe, la substance grise se dessine très bien et paraît un peu

injectée, en les diverses régions de l'organe.

Au membre supérieur, l'atrophie porte sur les muscles (interosseux

et éminences thénar et hypothénar) considérés comme tels pendant la

Pm. 60. - (Croquis de M. Dutil.)

Fic.. 61. ; (Dulil.)

FIG. 02. - (Dutil.)

Fic. 03. - (Dutil.)

210 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

vie. Ceux-ci sont de coloration rouge jaunâtre, et de consistance plus

ferme qu'à l'état normal. ,

Bien qu'à l'avant-bras et au bras les muscles paraissent un peu

atrophiés, ils ne présentent pas de modifications sensibles.

Au membre inférieur, on trouve les muscles interosseux atrophiés,

mais moins altérés qu'à la main.

Examen histologique. Moelle. - La moelle a été durcie dans la

liqueur de Mûller et la cello'idine. Des coupes ont été pratiquées

méthodiquement dans la région cervicale supérieure, moyenne et

inférieure, dans la région dorsale moyenne et inférieure, et dans la

région lombaire supérieure et moyenne. Elles ont été traitées par

différentes méthodes de coloration : carmin boracique, picro-carmin,

méthode de Pall et de Weigert.

On constate dans toute l'étendue de la moelle l'intégrité des fais-

ceaux blancs.

Dans la substance grise des cornes antérieures, principalement

dans la région du renflement lombaire, il existe une diminution évi-

dente du réseau des fibres fines qui, à l'état normal, est assez riche, et

s'entrecroise dans toutes les directions. Quant aux cellules, leur

nombre est diminué; quoique la différence avec l'état normal soit

extrêmement faible; les cellules ont presque toutes leur noyau et leurs

prolongements. Il en est quelques-unes de déformées, qui sont plus

petites, rondes et sans prolongements. Plusieurs sont fortement

pigmentées (Planche XXXII, fig. '1).

Les vaisseaux de la moelle sont un peu dilatés, et leurs parois sont

légèrement épaissies.

Muscles et nerfs. -- On a prélevé pour cet examen : le nerf

médian à la partie moyenne du bras, supérieure, moyenne et infé-

rieure de l'avant-bras, le cubital à la partie supérieure et inférieure

de l'avant-bras, enfin les deux branches profondes de ces deux nerfs.

Ces rameaux ont été traités par l'acide osmique et par la méthode

de Weigert, et examinés soit après dissociation, soit sur des coupes

longitudinales et transversales.

Tous ces trônes nerveux sont presque normaux; du moins les seules

particularités qu'ils présentent, consistent dans une très faible dimi-

nution des fibres à myéline, et dans la présence de quelques gaines

vides, ou à myéline fragmentée (Planche XXXII, fig. 3, a).

Les seuls ramuscules musculaires des nerfs présentent des alté-

rations : c'est pourquoi nous les décrirons en même temps que celles

des muscles. L'examen de ceux-ci a porté sur le fléchisseur du petit

doigt, le fléchisseur et le court adducteur du pouce, le premier et le

troisième interosseux. On a procédé au durcissement par l'acide

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 211

osmique et par la liqueur de Mûller. Les fibres dissociées, ou les coupes

ont été colorées au picro-carmin, et par la méthode de Weigert.

D'une façon générale, les lésions sont assez semblables dans les divers

muscles, maisplus intenses dans l'adducteur du pouce etles interosseux.

a. Sur les coupes transversales, on constate que les faisceaux mus-

culaires présentent des dimensions variables. Cette apparence résulte

de ce que le tissu conjonctif proliféré pénètre entre les faisceaux

musculaires et les partage en groupes inégaux. Ceux-ci apparaissent

alors circonscrits par une sorte d'anneau de tissu conjonctif. Dans

chacun des groupes ainsi isolés, les fibres musculaires elles-mêmes

sont séparées les unes des autres par du tissu conjonctif interfasci-

culaire qui forme une gangue beaucoup plus épaisse qu'à l'état

normal (Planche XXXII, fig. 4, b).

Les fibres musculaires offrent des dimensions très variables. La

plupart sont atrophiées, mais il en est quelques-unes qui se distinguent

par une hypertrophie notable. Celles-ci ont une réfringence hyaline,

elles se colorent plus fortement par le picro-carmin, et, sur les coupes

qui ont été colorées par la méthode de Weigert, elles prennent une

teinte noir foncé, qui tranche nettement sur la coloration brun

clair des autres fibres.

Le tissu conjonctif proliféré ne se présente pas partout sous le

même aspect. En certains endroits il revêt l'apparence du tissu

fibreux : il est compact, homogène et parsemé de quelques noyaux;

sur d'autres points, il a l'aspect et la structure du tissu tendineux;

enfin, il est des parties où il se compose surtout de tissu graisseux,

où ne se trouvent que de rares cellules embryonnaires.

Dans l'étendue du tissu de nouvelle formation, on distingue parfois

des sortes de traînées de fibres musculaires extrêmement atrophiées,

et sans trace de striation, qui présentent une grande abondance de

noyaux. Ces fibres sont très pâles, et vis-à-vis des réactifs colorants,

elles se comportent comme le tissu conjonctif. Leurs noyaux eux-

mêmes sont très riches en chromatine et se colorent fortement

(Planche XXXII, fig. 4, el, d').

Les petits nerfs musculaires qui se trouvent dans le tissu conjonctif

sclérosé sont pour la plupart altérés. Leur gaine lamellaire est extrê-

mement épaissie, le tissu intra-fibrillaire est hypertrophié, et beau-

coup de tubes nerveux ont disparu. Dans le territoire de ces traînées

de fibres musculaires très altérées que nous avons signalées, il y a

même des nerfs qui ne réagissent plus sous l'action des substances

colorantes de la myéline, tous les tubes nerveux en étant dégénérés.

On ne peut distinguer alors qu'il s'agit de rameaux nerveux, que

parce qu'on découvre à côté d'eux d'autres rameaux semblables, mais

212 ) NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËRE.

moins altérés et par suite reconnaissables. Il est à remarquer que

l'altération des nerfs, n'existe pas en général sur les rameaux intra-

musculaires d'un certain calibre : ce sont surtout les très petits

ramuscules qui sont lésés.

Les faisceaux neuro-musculaires (décrits par MM. Babinski et Roth)

sont plus rarement atteints. En certains endroits, cependant, leurs

fibres musculaires sont atrophiées et hyalines, en d'autres, leur gaine

lamellaire est très épaissie, et leurs fibres nerveuses ont disparu' ¡

(Planche XXXII, fig. 4, f).

Les parois des artérioles sont épaissies, surtout dans les foyers de

sclérose; souvent on trouve leur endothélium tuméfié et proliféré.

On observe les mêmes lésions sur les vaisseaux lympathiques.

b. Sur des coupes longitudinales, on remarque les mêmes lésions

scléreuses : on observe aussi que la plupart des fibres musculaires ont

conservé leur striation. Mais il en existe quelques-unes qui en sont

dépourvues : celles-ci se distinguent par une coloration très intense.

Dans leur voisinage on voit (à un fort grossissement) que la fibre

musculaire est dissociée en ses éléments primitifs par de grandes

cellules mononucléaires à noyau ovale, à protoplasma grenu, qui

pénètrent entre les éléments. Ces cellules sont le plus souvent disposées

en séries parallèles. Les fibres musculaires ainsi altérées sont tra-

versées par un réseau très riche de capillaires dont l'endothelium est

tuméfié et trouble. On remarque aussi, entre les cellules sériées que

nous venons de signaler, des sortes de cylindres hyalins d'une sub-

stance foncée qui paraissent provenir de la dégénérescence hyaline de

globules sanguins. On trouve enfin quelques cellules basophyles dans

les mêmes endroits.

Les plaques terminales motrices sont atrophiées, et ne sont plus

représentées que par quelques petits noyaux granuleux.

PAUL BLOCQ, G. Marinesco,

. Chef des travaux anatomo-patholoe-iques Assistant à l'Institut de pathologie expérimentale

à la Salpêtrière. de Bucarest.

(A suivre.)

1. Nous avons décrit spécialement ces faisceaux neuro-musculaires dans une note com-

muniquée à la Société de Biologie (Séance du 21 juin 1890).

TABES ET DISSOCIATION SYRINGOMYÉLIQUE

DE LA SENSIBILITÉ

L'histoire clinique que nous rapportons est celle d'un malade atteint

de symptômes tabétiques et de dissociation syringomyélique de la

sensibilité. Elle soulève une question de diagnostic d'un certain inté-

rêt : s'agit-il d'un cas de syringomyélie avec quelques symptômes leu-

comyéliques postérieurs rappelant le tabes, d'un cas de tabes avec

troubles anormaux de la sensibilité, ou encore d'une combinaison de

ces deux affections ? C'est ce que nous discuterons après avoir exposé

en détail les particularités de l'observation.

Curet..., trente-neuf ans, entré le 14 juin 1890, salle Prus, n° 11, service

de M. le professeur Charcot.

Antécédents hériditaires. - Son père, atteint de cécité, est mort à l'age

de quarante-quatre ans : ce sont là les seuls renseignements que nous ayons

pu obtenir, le malade qui nous les fournithabitantl'Amériqueà à cette époque.

Sa mère est vive, se met facilement en colère; elle n'a jamais eu de crises

nerveuses et jouit actuellement d'une bonne santé. Ses deux soeurs sont bien

portantes. Il n'y a pas de maladie nerveuse à signaler parmi les différents

membres de la famille.

Antécédents personnels. -Pas de maladiesérieuse dans son enfance. A l'âge

de dix-sept ans il part en Amérique, dans la campagne de Buenos-Ayres et

devient tour à tour berger, cultivateur, jardinier, employé de chemin de fer.

En 1878; il il contracte uneblennorrhagie qui durecinq mois. Pas desyphilis.Pas

d'excès de boisson. En 1878, il se marie ; sa femme fait une fausse couche de

trois mois une dizaine de jours après une chute; elle mène à bon terme deux

grossesses ultérieures et accouche de deux enfants mort-nés; enfin deux enfants

sont aujourd'hui vivants, en bonne santé.

Etant à la chasse, le 10 mars 1884, il cul tout d'un coup la sensation d'un

voile couvrant l'oeil droit; le même fait se reproduisit fréquemment dans la

suite; l'ombre était mobile de dedans en dehors et disparaissait après quel-

ques clignements de paupières; bientôt elle devint persistante, empochant la

vision distincte des objets. Pas de diplopie, pas de chute de la paupière. C'est

en avril 1884 que les premières douleurs apparurent dans les membres infé-

rieurs sous forme d'élancements, de tiraillements; parfois on eut dit que des

214 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

chiens le mordaient, lui rongaient les mollets. Il alla consulter un médecin

qui lui prescrivit des frictions sur les membres inférieurs, des instillations

d'atropine dans l'oeil et de l'iodure de potassium à l'intérieur. Il continua l'io-

durc pendant treize mois, prenant par intervalle du salicylate de soude.

En dépit du traitement les douleurs persistèrent, limitées aux jambes, plus

particulièrement au niveau des chevilles. Puis vinrent des crampes dans la

jambe et la cuisse, crampes très douloureuses, se répétant trois ou quatre

fois dans les vingt-quatre heures pendant plus de quatre mois.

En 1887, il commença à marcher avec difficulté. Il éprouva des fourmille-

ments dans la plante des pieds et n'eut plus une notion bien précise du

sol sur lequel il marchait; il ne lançait pas les jambes et ne frappait pas du

talon, mais il avait de la peine à monter ou à descendre l'escalier et sentait

de temps en temps les jambes se dérober sous lui au point de lui faire perdre

l'équilibre; il tombait ainsi une ou deux fois chaque jour. Il avait en outre une

sensation de fraîcheur aux mains toute particulière; le toucher était encore

assez délicat.

La même année, l'oeil gauche se couvrit à son tour d'une ombre qui l'em-

pêchait de distinguer les personnes tout en lui permettant la vue du jour.

De cette époque date la cécité partielle qui frappe encore aujourd'hui les

deux yeux.

En 1888, il resta pendant près de deux mois à l'hôpital de Buenos-Ayres;

on lui fit des injections de pilocarpine sans résultat.

Les pieds étaient constamment froids comme de la glace, dit-il, lourds et

insensibles.

A trois reprises le pied gauche enfla sans cause apparente, sans douleur,

sans rougeur ni fièvre notable ; il était gros, gonflé dans toute son étendue, à

peine plus chaud que l'autre; au bout de trois semaines la tuméfaction dis-

parut. Les mêmes symptômes se reproduisirent peu de temps après, et pour

la troisième fois au début de cette année.

A la fin de l'année 1888 et dans tout le courant de 1889, le malade fut

tourmenté par des douleurs fulgurantes dans les membres inférieurs surve-

nant par crises, huit à dix fois par jour ; chaque accès durait une seconde, la

douleur passait rapide comme l'éclair suivant la partie externe de la cuisse,

l'a jambe et s'échappant par le talon ; il éprouva également des douleurs en

coups d'épingle dans les mêmes régions.

La sensation de froid aux jambes, de glace sous la plante des pieds restait

persistante; les mains devenaient aussi froides et perdaient peu à peu leur

sensibilité.

Vers la même époque, il remarqua qu'il avait une certaine difficulté à

uriner, qu'il était obligé de pousser, d'attendre, de s'y prendre en plusieurs

fois. '

En même temps apparurent les premiers troubles trophiques cutanés,

caractérisés par des bulles remplies de sérosité siégeant au niveau des mains,

des pieds. Elles se développaient en quelques heures, se crevaient d'elles-

mêmes ou par le frottement. Pendant trois ou quatre jours il se produisait

TABES ET DISSOCIATION S1RINGO1111$LIQUE DE LA SENSIBILITÉ. 215

un léger suintement, puis une petite croûteuse se formait plus ou moins rapi-

dement, laissant à découvert après sa chute une petite plaque érythémateuse.

Devenu un véritable infirme, le malade quitta Buenos-Ayres pour venir à

Paris au débutde cette année.

État actuel. - Les grandes douleurs fulgurantes ont disparu. Le malade

ne se plaint plus que de picotements, d'élancements sous forme de petits traits

qui,partant des parties profondes de la jambe, s'échappent par la peau. Elles

sont peu vives du reste, supportables et ne reviennent qu'un petit nombre de

fois dans lajournée. Pas de douleurs dans les membres supérieurs, de douleurs

en ceinture, de serrement de la poitrine.

Pour uriner le malade éprouve de grandes difficultés ; il n'a pas l'envie

d'uriner ou cette envie est peu pressante; il est obligé de pousser pendant un

temps souvent fort long, ne sent presque pas et quelquefois' pas du tout le

passage de l'urine; il lui arrive parfois d'uriner sans s'en apercevoir. La mic-

tion n'a jamais été douloureuse.

Le sens génital est très affaibli.

L'appétit est très faible, les digestions paresseuses, la constipation habi-

tuelle. La respiration est facile, régulière, les poumons ne présentent aucune

lésion. Le coeur bat normalement, sans souffle. Le malade a eu à plusieurs

reprises des accès d'étouffement, dont le premier remonte au 15 août 1887 et

le dernier à un an et demi. Il était pris subitement, parfois au milieu de la

conversation, d'une sensation de picotement, de corps étranger au niveau du

larynx qui provoquait un accès de toux; il lui semblait que sa gorge était

serrée, qu'il allait étouffer, et devenait agité, anxieux. Jamais il n'est tombé

pendant la crise, qui au bout de huit à dix minutes cessait comme par enchan-

tement. ,

Le malade lance un peu le pied en marchant et frappe légèrement du talon;

il monte et descend l'escalier avec difficulté. Pas d'incoordination motrice des

membres supérieurs. 11 a beaucoup de peine à se boutonner; mais cela tient

beaucoup plus aux troubles de le sensibilité qu'aux désordres moteurs, non

appréciables.

Il peut se tenir debout les yeux fermés sans osciller.

Les réflexes rotuliens font complètement défaut; il en est de môme du

réflexe crémastérien et abdominal.

Bien qu'il n'y ait pas d'atrophie musculaire et que la puissance des membres

inférieurs soit considérable, le malade résistant bien aux mouvements de

flexion et d'extension de la jambe et du bras qu'on cherche à produire, les

mains serrent avec moins de force qu'à l'état normal ; il gauche le dynamo-

mètre. marque 17 kilogr. et à droite 11 kilogr. seulement; il est à remarquer

que de ce côté le médius est ankylosé dans l'extension.

Pas de tremblement des mains.

A la main gauche il porte des traces d'anciennes bulles au niveau de la

face palmaire du pouce, de la face interne de l'index, de la face dorsale du

médius (1" et 2° phalange) et de l'annulaire (1" phalange). Les bulles qui

siégeaient au niveau du pouce et de l'index sont encore recouvertes d'épi-

216 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE-LA·SALPTRIRE.· .. z

derme et se sont desséchées sur place.' Sur les autres doigts leur place 'est

marquée par la rougeur du 'derme bordé d'une fine' collerette épidermique

et par une petite croùtelle. La peau de la paume et du dos de la main est

toujours restée indemne. Au niveau des doigts. 'un peu amaigris, la peau a

perdu de son élasticité et de sa mobilité sur les'parties profondes.

A la main droite le médius est resté ankylosé à la suite d'un accident de

machine et. présente les cicatrices des anciennes plaies. Tous les' doigts ont

été couverts de bulles. Actuellement au niveau de l'annulaire -la peau est

rouge, épaissie, dépourvue de sillons, peu mobile. La face dorsale de la

première phalange du petit doigt présente une petite croûte. L'index montre

sur le bord externe de la dernière phalange un derme rouge, parsemé de

petits points'ecchymotiques (PL XXXIII).

Le pied gauche, qui à trois reprises a été gonflé, n'est nullement déformé.

Pas de gonflement inflammatoire ni d'oedëme..L'ongle du pouce est tombé. On

voit les traces d'une ancienne bulle sur la face dorsale du pouce.

Le pied droit présente une déformation très évidente. La.face plantaire est

plus creusée, le dos Llus saillant qu=dul' état normal; le métatarse est un peu

portéende,dans ; le tarse est gonflé ainsi que le pled;lii-saillié4dC's

malléoles est à peine apparente. Les ongles sont ridés, cannelés. Il existe des

traces d'anciennes bulles sur le pouce et sur le dos du petit doigt. A la partie

externe de la face plantaire, à la hauteur du métatarse, on voit une ulcération

des dimensions d'une pièce de un franc; cette ulcération qui atteint la pro-

fondeur du derme sécrète un liquide sérohurulcnt; autour d'elle l'épidémie

est décollé (Pl. XXXIII). Nous avons vu que le cou-de-pied était gonflé ; or, il

existe dans toute la région tibio-tarsienneune certaine chaleur très appréciable

à la main, surtout lorsqu'on procède par comparaison avec l'autre pied, qui

est plutôt froid. Le malade en a' du reste conscience; mais par instants il lui

semble que la face plantaire est glacée. ·

Troubles de la sensibilité. Sensibilité tactile (Fig. 64,05). - Le passage

du pinceau est bien senti partout, sauf au niveau de la partie interne des jambes

et du dos du pied sur une faible étendue. Sur la limite de ces régions et au

niveau des mains le frôlement du pinceau est perçu, mais plus faiblement

que partout ailleurs. Le malade conservé la notion du sol et distingue bien

le tapis, la terre, le plancher sur lequel il marche.

Tlternto-anesthésie (Fig. 66, 67). - Les extrémités des membres sont

insensibles au froid et au chaud. Au-dessous d'une ligne passant par les con-

dylcs du fémur, de chaque côté, une température de 70 degrés n'est pas sen-

tie ; il en est' de même pour les mains et le tiers inférieur des avant-bras.

Le malade sent le contact du thermomètre de surface élevé à la température

que nous venons d'indiquer- et' même 'au delà, mais ne sent pas la chaleur.

A la limite des parties précédentes la sensibilité revient. progressivement

à la normale' sur une largeur de trois quatre travers de' doigt.

L'anesthésie au froid (Fig. 68, 69) est complète pour les membres inférieurs

à partir des genoux et pour les membres supérieurs à partir du coude. On peut

appliquer sur la peau de la glace ou un corps à la température de 80.,

Nouvelle Iconographie DR la Salpètrière

T III, PL, XXXIII,

PHOTOTYPE NtGATIP A. LOND17 n PHOTOCOLLOGRAPHI £ CH ? NE ET LONGUET

LECROSNIER BABÉ

ÉDITEURS

TARES ET DISSOCIATION SYIUNGOMYËLIQUE DE LA SENSIBILITÉ. 217

l'impression est identique, le malade ne fait aucune différence entre le froid

et la chaleur. Du reste, il lui est arrivé plusieurs fois de saisir des corps

chauds par mégarde et de se brûler d'autant plus vivement qu'il n'en est pas

même averti par la douleur.

Analgésie (Fig. 70, 71). - Elle est absolue pour les mêmes segments de

membres. Le pincement de la peau, la piqûre, ne déterminent aucune dou-

leur. Sur la zone limitrophe de ces régions la piqûre produite par l'épingle

est de mieux en mieux perçue; à partir de la moitié supérieure de la cuisse

et du bras la douleur qu'elle occasionne est vive sans être exagérée.

Sensibilité électrique (Fig. 70, 71). Bobine à fil fin de l'appareil de Dubois-

Reymond. Le malade sent avec retard le frémissement, mais ne sent pas

la douleur dans les territoires déjà mentionnés. Une électrode à doubles

ni. 15

Fic. 61.

Fig. 63.

Topographie do la diminution ou de la perte de la sensibilité tactile (pinceau). Au niveau des mains les

hachures indiquent une simple diminution de la sensibilité tactile (le passage du pinceau est senti).

Au niveau de la face interne des jambes et du pied elles indiquent que le passage du pinceau n'est

plus perçu.

218 S

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

pointes doit èlrc laissée deux ou trois minutes en place pour que le malade

perçoive le frémissement; encore faut-il faire des interruptions de courant.

Lorsque les électrodes ont été laissées en place pendant un certain temps, la

sensibilité électrique revient progressivement au maximum, s'épuise pour

reparaître ensuite si l'excitation continue. A la main, quand la sensibilité

électrique (frémissement et sensation douloureuse) a été ramenée, la sen-

silililé il la piqûre est rétablie du même coup pour un temps très court,

comme la première.

Troubles oculaires (examen de M. Parinaud). - Pas de déviation des

globes oculaires. Le malade compte très difficilement les doigts à dix centi-

mètres. A l'ophtluUmoscope on distingue un trouble laiteux qui pourrait tout

d'abord faire croire à une opacité diffuse du cristallin ; mais à l'éclairage

oblique on remarque que cette opacité siège dans le corps vitré. Le fond de

l'oeil gauche n'est pas visible. A droite, ou voit quelques détails du fond de

l'oeil, au niveau de la partie supérieure seulement, et on reconnaît en même

F1G. 66.

Fic. 67.

TororaPlic de l;i tlicrno-anestliéie (chalenr-temrér,Vurc de 70").

TABES ET DISSOCIATION SYIi1NG0111$LIQUE DE LA SENSIBILITÉ. )IIJ

temps que l'opacité du corps vitré est flottante. Il ne s'agit pas ici d'un dé-

collement de la rétine, car le champ visuel n'est pas altéré, ce qui enlève

toute espèce de doute à cet égard.

Anesthésie presque absolue de la conjonctive et de la cornée, dont le con-

tact ne provoque ni douleur ni réflexe palpébral, bien qu'il soit perçu.

Pas de phénomènes douloureux.

Le goût et l'odorat sont intacts. La sensibilité de la- muqueuse buccale

n'est pas altérée.

L'ou'ie' est plus faible à gauche qu'il droite; cette diminution de l'ouïe

tiendrait à un certain degré de sclérose du tympan.

L'hypothèse d'une syringomyélie seule doit être rejetée, croyons-

nous, en présence des considérations suivantes. D'une part, les signes

tabetiques sont rares dans cette affection et, d'autre part, ils sont

très nettement accusés chez notre malade. Curct... a, en effet, sOl1f-

Fir..G8.

Fig. 69.

Topographie de la Lhernio-ancsthésie (froid-glace).

220 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'1;'l'I11LRE.

fcrt autrefois de douleurs fulgurantes; aujourd'hui encore il a des

élancements par accès dans les membres inférieurs; il présente des

troubles vésicaux, une abolition des réflexes, une démarche légèrement

ataxique, enfin des lésions du pied droit qui rappellent ce que l'on a

décrit sous le nom de pied tabétique. Le tabes paraît donc indéniable.

Une semble pas que jusqu'ici on ait examiné d'une façon régulière

et systématique l'élat des différents modes de la sensibilité dans cette

affection. La dissociation syringomyélique n'a guère été recherchée;

peut-être existe-t-elle plus fréquemment qu'on ne le suppose au ni-

veau des plaques d'anesthésie. Mais peut-elle trouver une explica-

tion légitime dans les lésions du tabes ? Herzen ayant observé,

dans un cas de myélite des cordons postérieurs avec intégrité des

1. Ilerzen, J>/IÚger's Archiv, XX\\H), p. 03. Yircli. Unsch Jaleresberichl, 1880, 1,

p. 208.

rtc. 70.

Fic. 71. J.

Topographie de l'analgésie et de la perte do la sensibilité électrique

TABES ET DISSOCIATION SYHINGOMYELIQUE DE LA SENSIBILITÉ. °31

cordons antéro-latéraux et de la substance grise, l'insensibilité des

membres inférieurs au contact et au froid et la conservation de la sen-

sibilité à la chaleur et à la douleur, avait conclu que les impressions

de douleur et de chaleur étaient transmises par la substance grise et

celles de froid et de contact par les cordons postérieurs. Goldscheider

s'éleva contre cette hypothèse en s'appuyant sur l'état de la sensibilité

thermique chez les tabétiques, qui est d'ordinaire aussi bien modifiée

pour le froid que pour le chaud. Comme le fait remarquer Ziehl, cette

objection serait fondée si toute l'anatomie pathologique du tabes résidait

dans l'altération des cordons postérieurs et si les racines postérieures

et les nerfs périphériques ne faisaient pas partie du processus morbide.

La sensibilité peut être fort diversement modifiée dans les né-

vrites. Dans un travail sur les troubles de la sensibilité d'ori-

gine périphérique et les voies de transmission des impressions ther-

miques, Ziehl1 cite entre autres un cas de paralysie du sciatique poplité

externe avec anesthésie à la douleur et à la température et conserva-

tion delà sensibilité tactile 2. Il n'est donc pas juste de dire que la

névrite ne peut jamais réaliser la dissociation spéciale il la syringo-

myélie. En voudrait-on d'autres preuves, que nous nous adresserions

à la lèpre dans sa forme anesthésique. Comme l'indique notre collègue

et ami Brühl dans son intéressante thèse sur la syringomyélie, il existe

dans la littérature médicale des observations de Steudener, de Lan-

gi1ans, de Rosenbach où le diagnostic était des plus difficiles. Langhans

même a publié l'histoire d'un malade diagnostiqué lépreux et qui

en réalité avait une syringomyélie comme l'autopsie l'a montrée.

Leloir a également rapporté plusieurs faits analogues où le diagnostic

eût été absolument impossible si les manifestations antérieures de la

lèpre n'eussent permis de rapporter à leur véritable origine l'ensemble

des symptômes nerveux présentés par les malades. Dans certains cas,

on a en effet constaté au niveau des macules la conservation de la

sensibilité tactile avec altération de la sensibilité à la douleur et à la

température. Cette dissociation syringomyélique s'observerait même

parfois sur des espaces fort étendus : dans une curieuse observation

de Jacoby3 elle existait au niveau des extrémités inférieures, des mains

et des avant-bras, des oreilles et du dos. M. le professeur Charcot nous

a fait voir tout récemment un cas analogue. Soit dit en passant, d'après

Jacoby, la persistance de la sensibilité au froid plaiderait en faveur

d'une névrite périphérique et la thermo-anesthésie complète appar-

tiendrait de préférence aux lésions d'origine centrale.

1. Ziehl, Deutsche merl. n'oeil., n° 17, 1889.

2. Berger, Wiener merl. Woch., 1872, p. 78lL

3. Jacoby, Journal of nervous and lIIl1 ! a ! rlisease, 18 : J, XIV, p. 33G.

222 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTHICRE.

Les troubles de la sensibilité présentés par notre malade pourraient

donc à la rigueur s'expliquer par les seules lésions propres au tabes.

Mais il est juste de faire remarquer que les anesthésies cutanées si fré-

quentes dans cette affection se produisent sur des surfaces générale-

ments circonscrites, procèdent par plaques, par îlots, intéressant la face

plantaire, les doigts, une partie des membres supérieurs et inférieurs;

que ces plaques plus ou moins nombreuses affectent une distribution

des plus irrégulières qu'on serait tenté de croire livrée au hasard

(Fournier); qu'il est exceptionnel enfin de les voir apparaître simultané-

ment aux membres supérieurs, d'une part, aux membres inférieurs, de

l'autre, et remonter ainsi de proche en proche suivant une marche pa-

rallèle. Il est juste encore d'ajouter que d'ordinaire la sensibilité à la

douleur est atteinte en première ligne ainsi que le sens du tact, que la

sensibilité à la température est en général conservée jusqu'au dernier

moment chez les ataxiques. Ce sont là des objections qui ne suffisent

peut-être pas à rejeter l'hypothèse précédente; il faut bien reconnaître

qu'elles ont en l'espèce une certaine valeur.

Sans insister sur la possibilité d'une réunion fortuite de la syringo-

myélie et du tabes, n'est-il pas admissible de considérer la première

affection comme une conséquence de la seconde, comme un effet de la

propagation à la substance grise de.la lésion des cordons postérieurs ?

C'est là une troisième hypothèse qui peut aisément se soutenir ; nous

soulevons la question sans vouloir la résoudre.

Er. PAUMENTIER,

Interne de la Clinique des maladies du syslème nerveux

NOTE SUR UN CAS DE PARALYSIE

DU MOTEUR OCULAIRE EXTERNE

ET DU FACIAL AVEC ATTEINTE DE L'ORBICULAIRE DES PAUPIÈRES

COMPLIQUÉ 1`'11L511PL1;GIE DU MÊME COTÉ

V

Dem... Berthe, ? s,. - x. ? âlée dans le départe-

ment de la Meuse. - ? .

Ses antécédents hérédt ? ne sont point chargés au point de vue

nerveux. Son père est mort d'une hydropisie probablement cardiaque,

avec crachements de sang. Sa mère est morte d'une peur survenue

pendant le sac de Bazeilles par les Allemands en 1871. Ni l'un ni l'autre

n'avaient eu de maladies nerveuses. Une soeur de la malade est morte

de la poitrine à vingt-sept ans; une petite fille de cette soeur est morte

quelque temps avant sa mère d'une méningite. Point d'oncles ni de

tantes dans aucune ligne. Les grands-parents maternels sont peu

connus ; ceux du côté du père ne le sont point du tout.

La recherche des antécédents personnels ne dénote rien de particulier

dans l'enfance. Pas de convulsions; pas de coqueluche. Rougeole en

1871. Elle n'a fait aucune autre maladie jusqu'en 1875, à l'âge de

Dans où elle ftittt Loin te d'un phlegmon delà main qu'on opéra et qui

laissa après lui des traccs indélébiles et des déformations considérables

(raccourcissement du médius gauche, atrophie ou peut-être adhérences

des interosseux...) que l'on constate encore aujourd'hui.

Au mois d'août 1889, c'est-à-dire il y a huit mois, la malade fut prise

d'un affaiblissement graduel des membres supérieur et inférieur du

côté droit. Cette faiblesse survint graduellement et si insidieusement,

que la malade est incapable de préciser exactement la date du début.

C'est surtout par la lourdeur et l'impotence du membre inférieur que

les phénomènes ont débuté. Puis des fourmillements apparurent dans

la jambe et dans le bras. Les troubles parétiques augmentèrent gra-

duellement jusqu'au mois d'octobre environ, date à laquelle de nou-

veaux phénomènes survinrent.

Des- douleurs de têtes apparurent, assez nettement localisées au côté

gauche du'crâne, à la moitié gauche du front et au-dessus de l'oeil du

même côté. Les douleurs de têtes ne se manifestèrent pas particulière-

ment la nuit. Elles survenaient par crises durant sept à huit heures

environ, quelquefois douze heures. De plus, à ce momentarrivèrent des

vomissements qui avaient, lieu à peu près sans efforts et ne coïncidaient

pas spécialement a cette époque avec les maux de tête. Il n'en est plus de

221 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTHIERE.

même aujourd'hui. Ils survenaient spontanément et aussi dès que la ma-

lade ingérait quelque nourriture. Enmême temps léger degré de diplo-

pie.

Environ une semaine après l'apparition de ces nouveaux phénomènes

tout à coup survint la paralysie faciale droite. Un matin en se réveillant

la malade s'en aperçut. Pas. d'attaque pendant la nuit précédente. A ce

moment la paralysie était plus accentuée qu'elle n'est aujourd'hui, la

commissure labiale gauche était tirée «jusqu'à l'oreille ». Cet état

persista pendant quatre ou cinq jours, puis diminua peu à peu pour

devenir ce qu'il est aujourd'hui. Dès cette époque la malade s'aperçut

que l'oeil n'accomplissait pas les mouvements vers l'angle externe.

Depuis lors jusqu'aujourd'hui la malade souffrit de temps en temps

de ses maux de tête (les vomissements isolés avaient à peu près

disparu), lesquels se terminèrent dès lors presque régulièrement par

une crise de vomissements.

L'état actuel de cette jeune fille est le suivant : les signes d'une

hémiplégie droite pour les membres sont aujourd'hni peu accentués,

mais existent encore néanmoins. Il n'y a pas de troubles nets de la

démarche, mais une diminution assez notable de la force dans les

membres de ce côté. Le dynamomètre ne donne pas de renseignements

comparatifs d'une grande valeur. La force est moindre du côté sain

z15 kilogrammes) que du côté malade (25 kilogrammes), mais cela est

dû aux déformations persistantes de la main droite dont nous as

parlé plus haut. Le réflexe rotulien, à peu près normal à gauche, est

très fortement exagéré à droite, et il existe de ce côté quelques

secousses de trépidation spinale.

La paralysie faciale droite a tous les caractères de la paralysie péri-

phérique, c'est-à-dire que le muscle orbiculaire des paupières est para-

lysé. Les autres muscles de la face sont également complètement pris.

La face est dépourvue de rides et de plis, l'air expiré soulève la joue,

les lèvres du côté droit restent immobiles, et tandis que la commis-

sure de ce côté est tombante, celle du côté opposé est fortement relevée

et tirée à gauche. L'aile du nez est affaissée. La langue est déviée, mais

non en crochet, du côté paralysé. Le peaucier du cou est également

pris à droite. Quand on dit à la malade de le contracter on voit les fibres

se dessiner sous la peau du côté gauche seulement, le côté droit restant

absolument immobile.

L'examen électrique des muscles a été pratiqué par M. le Dr Vigou-

roux le 8 mars 1890. Il montre qu'il existe une réaction de dégénéres-

cence complète dans les muscles faciaux paralysés et dans le peaucier

du cou, innervé par les rameaux cervicaux de la branche cervico-

faciale du nerf facial. Les autres muscles du corps sont sains.

Nouvelle Iconographie de la Salpètrière

Tome in, PL XXXIV

Phototype négatif A LONDE

PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne & Longuet T

PARALYSIE DU FACIAL & DE L'ABDUCENS DU COTÉ DROIT

Fig. i . La malade regardant droit devant

elle ; pas de strabisme appré-

ciable.

Fig. 2. La malade regardant ? gauche;

pas de déviations anomales.

Fig. 3. La malade regardant à droite ;

strabisme interne de l'oeil

droit par déviation secondaire.

LECROSNIER & BABÉ

éditeurs

NOTE SUR UN cvs DE PARALYSIE. 7

primitive et il fit de ce caractère un signe distinctif du strabisme

paralytique et du strabisme concomitant où la déviation secondaire

égale la déviation primitive. On sait que la déviation primitive est

celle de l'oeil qui louche, de l'oeil malade. La déviation secondaire est

celle que présente l'oeil sain quand on le couvre de manière à forcer

le mauvais oeil à fixer. On se sert dans cette épreuve d'un verre dépoli

qui tout en excluant l'oeil sain^de la fixation permet de voir la posi-

tion qu'il occupe. De Grade expliquait l'excès de déviation secondaire

par un excès d'innervation de l'oeil sain résultant de l'association

fonctionnelle des deux yeux et de leur innervation commune pour un

même mouvement.

'\

Chez notre malade il s'agit d'un trouble du même ordre mais qui

détermine une symptomatologie différente. Nous \ oyons d'abord qu'au

repos le malade ne louche pas (Fig. 1). Il n'y a donc pas de déviation

primitive. Si l'on fait fixer un objet placé devant la malade en cou-

vrant alternativement l'oeil paralysé et l'oeil sain, comme on le fait

habituellement, on constate qu'il n'y a pas non plus de déviation

secondaire appréciable.

Pour déterminer l'état particulier des yeux que nous venons de

décrire, il faut solliciter plus ou moins fortement la contraction du

droit externe paralysé en forçant la malade à regarder à droite; c'est

alors que l'oeil sain, sans qu'il soit besoin de le couvrir, se porte

brusquement en dedans. C'est ce qui constitue le spasme du muscle

associé. Le muscle droit interne de l'oeil gauche, innervé par le même

centre que le droit externe de l'oeil droit pour les déplacements laté-

raux (noyau de la G° paire) est le siège d'un excès d'innervation, soit

que la quantité d'innervation destinée aux deux muscles dérive sur lui

seul,, soit que cet excès d'innervation résulte d'un effort pour lutter 1

contre l'obstacle au mouvement de l'oeil droit.

Mais là ne s'arrête pas le trouble fonctionnel. Si l'on continue à

solliciter le déplacement de l'oeil droit en dehors, on voit, qu'à un

moment donné, il se porte comme l'oeil sain brusquement en dedans.

On détermine alors un état singulier dans lequel la malade ne fixe

plus avec aucun oeil l'objet qu'on l'invite à regarder (Fig. 3), bien

que l'oeil gauche puisse parfaitement le suivre dans toutes les direc-

tions quand l'oeil droit est couvert.

La déviation en dedans de l'oeil paralysé peut s'expliquer par la

prédominance d'action du droit interne privé de son antagoniste.

Cependant nous ferons remarquer qu'au repos les mêmes causes de

ruplure d'équilibre existent et que cependant il n'y a pas de strabisme,

que ce déplacement se produit sans que l'on provoque directement la

contraction du droit interne, et que, cependant, à la brusquerie de ce

228 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S,1LPETRI1;R1;.

mouvement, il semble que la contraction de ce muscle droit interne

intervienne. Ce déplacement actif de l'oeil droit en dedans peut s'ex-

pliquer par la mise en jeu du centre d'innervation des deux droits

internes pour la convergence. Il arrive, en effet, comme l'un de nous

l'a démontré dans le mémoire cité, que ces phénomènes spasmodiques

sont susceptibles de certaines irradiations qui résultent des con-

nexions assez complexes du centre d'innervation de l'oeil.

Les spasmes qui compliquent certaines paralysies de l'aeil semblent t

être le propre des paralysies périphériques.

Est-il possible chez cette jeune fille de porter un diagnostic positif

basé sur la connaissance des troubles dont elle est atteinte ? Au premier

abord on est assez aisément dérouté. Il paraît évident qu'il existe un

foyer quelconque dans la moitié inférieure de la protubérance. Cette

paralysie totale du facial et de l'abducens ne peut guère s'expliquer

autrement que par une lésion de ces deux nerfs au niveau de la partie

inférieure de la protubérance. S'agit-il là d'une lésion nucléaire, por-

tant sur les noyaux d'origine ? Cette hypothèse ne parait pas vraisem-

blable. On sait en effet que la destruction du noyau de l'abducens

s'accompagne généralement, outre la paralysie du droit externe, d'une

paralysie du droit interne du côté opposé et se caractérise clinique-

ment par la déviation conjuguée des yeux. Ce phénomène est d'ailleurs

parfaitement conforme aux résultats de l'investigation expérimentale.

M. Duval a trouvé en effet chez le singe et le chat que le noyau de l'ab-

ducens d'un côté est relié au noyau de l'oculo-moteur commun, de

l'autre côté par des fibres communicantes.

Il ne s'agit donc pas ici d'une véritable paralysie nucléaire. La lé-

sion, qu'on ne saurait cependant, en raison de la combinaison de la

paralysie du facial et de l'abducens, localiser ailleurs que dans la protu-

bérance, porte bien plus vraisemblablement sur le trajet intra-protubé-

rantiel des fibres de ces nerfs, entre leur noyau d'origine et leur point

d'émergence.

Quelle est la nature de cette lésion protubérantielle dont la présence

nous explique les troubles présentés par notre malade ? Les symptômes

relatés dans l'observation, la céphalée, les vomissements, font penser

tout de suite à une tumeur, et c'est en effet cette hypothèse qui paraît

la plus plausible. Nous voyons, d'autre part, que la malade présente

quelques signes, peu accentués il est vrai, mais indéniables cependant,

de tuberculose pulmonaire. Il est donc tout à fait rationnel de songer

à la présence d'une tumeur de cette nature dans la protubérance. Les

tubercules ne sont pas extrêmement rares dans cette région, et ce sont

même les plus fréquents relativement aux autres néoplasmes qui s'y

rencontrent. Des 30 cas de tumeurs de la protubérance, Bernhardt a

NOTE SUR UN CAS DE PARALYSIE. 229

relevé 11 tubercules, contre 5 sarcomes, 5 gliomes, 8 syphilômes,

2 kystes et 4 néoplasmes de nature inconnue. Les observations de

Nothnagel montrent également la prédominance des tubercules. On

peut donc très justement dire qu'il s'agit ici d'un tubercule intra-

protubérantiel, situé sur le trajet des fibres d'origine du facial et du

moteur oculaire externe, du côté droit. ^ i

Mais cette lésion est loin d'expliquer tous les phénomènes présentés 1\

par notre malade. Elle est atteinte, outre la paralysie du facial et de

l'abducens du côté droit, d'une hémiplégie du même côté, laquelle ne

saurait reconnaître comme cause le tubercule situé dans la moitié

droite de la protubérance. En effet, les lésions de la protubérance, lors- 1

qu'elles s'accompagnent de paralysies du côté des membres, ce qui 1

n'est d'ailleurs pas absolument nécessaire, se manifestent toujours par ',

une hémiplégie alterne, ainsi que Gubler l'a depuis longtemps dé-

montré. Nous devrions donc avoir ici une hémiplégie du côté gauche,

tandis que nous constatons une hémiplégie du même côté que la para-

lysie faciale. Si notre malade était gauchère, - et elle ne l'est pas, -

nous pourrions admettre peut-être qu'il n'existe point chez elle de dé-

cussation des pyramides. Mais rien n'autorise une pareille hypothèse,

et c'est peut-être aller chercher bien loin que de s'appuyer sur l'exis- J

tence problématique d'une anomalie relativement aussi rare.

Cette hémiplégie droite nous paraît justiciable d'une explication

beaucoup plus simple. Nous admettons tout d'abord que le tubercule

protubérantiel n'a donné lieu à aucun phénomène-paralytique du côté

des membres; rien de plus plausible, car on connaît des cas de ce

genre (Nothnagel). Outre ce tubercule, il en existe vraisemblablement

un autre, situé non plus dans la protubérance, mais dans la région mo-

trice de l'écorce du cerveau, du côté gauche. Ce dernier rend compte \

de l'hémiplégie droite. Cette double localisation, parfaitement compa-

tible avec l'idée de tuberculose, a déjà d'ailleurs été signalée. Nothnagel

en rapporte deux exemples. Dans l'un il y avait un tubercule dans la

protubérance du côté droit et un autre au-dessous de l'écorce. Dans

le second il existait un nodule tuberculeux dans le lobe occipital droit

avec un autre petit tubercule dans la protubérance, sur la ligne médiane.

Tout concorde donc en faveur de l'hypothèse d'un double tubercule,

l'un dans la moitié droite de la protubérance, l'autre dans la région

motrice corticale ou sous-corticale du côté gauche. Nous ajouterons que

c'est le diagnostic qui a été porté par M. le professeur Charcot dans la

leçon clinique qu'il a consacrée à l'examen de cette malade et à laquelle

nous avons fait dé nombreux emprunts.

Parinaud, Georges Guinon,

Chef du service ophlhallllologilllte Chef de Clillit1110 des maladies nerveuses,

de la clinique des maladies nerveuses.

SUR DEUX CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE

DE LA DÉFORMATION DU TRONC DANS LA SCIATIQUE

I

Le 5 septembre 188G, M. le professeur Charcot remarquait pour la

première fois une déviation spéciale du corps dans la sciatique. La

même année, trois mois après, un second cas se présentait à son obser-

vation.

Deux de ses élèves, MM. Ballet et Babinski, ne tardaientpas à appeler

l'attention sur cette attitude vicieuse. M. Ballet présenta, le 8 juil-

let'1887, à la Société médicale des hôpitaux de Paris, un malade atteint

de sciatique et offrant très nettement accusée cette déviation particu-

lière. C'est même l'existence de cette attitude signalée à l'auteur par

M. Charcot qui le fit songer à la névralgie sciatique. Il s'agissait en effet

d'une forme fruste que cette déformation du tronc fit soupçonner,

rechercher et découvrir.

M. Babinski alors chef de clinique à laSalpêtriére, ajoutant trois nou-

velles observations aux deux que lui communiquait M. Charcot, faisait

de cette question, dans un mémoire qui fait époque, la première étude

complète et originale.

Dès lors, l'attention se trouvant attirée sur ce sujet, on vit selon a

coutume surgir des réclamations rétrospectives et apparaître de nou-

veaux travaux.

M. le professeur Erb, dans une lettre publiée par le Nettrolog. Cen-

tralblatt, n° 24, 1888, p. G8'J, annonçait qu'il avait déjà remarqué

depuis longtemps cette attitude sciatique, et que M. Nicoladoni avait

publié deux cas de ce genre dans la Wien. mediz. Presse, l'un en 188G,

nO' 20 et 27, intitulé : Ueber eine art des Zusammenhanges zwischcn

Ischias und Scoliose; l'autre, sous le titre de : Ein M'encrer Fall von

dllrch Ischias bcdingle1' Scoliose, '1877, n°39, p. 1323.

Nous ajouterons simplement que la note de M. Nicoladoni publiée

1. Bahin.ski, Sur une déforinalton particulière du Ironc causée par la sciatique (Arch.

de neural., janvier 1888).

SUR DEUX CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE. 231

en 1886 était restée absolument ignorée de M. Charcot, lors de sa

première observation sur ce sujet, laquelle date, ainsi que nous l'avons

déjà dit, de la même année.

MM. Berbez', Bouchaud2, Texier3, 1'oralbo ç, Brissaud3, Gussen-

bauer0, Massalongo 7, sont venus à leur tour apporter leur contingent

de faits et d'études sur cette question.

Dans sa monographie, le professeur Gussenbauer revendique la prio-

rité pour son propre compte. Il rappelle qu'il a constaté cette affection

la première fois en 1878, à la clinique chirurgicale de Liège, qu'il en a

vu à cette époque deux cas et qu'il les a étudiés sous la rubrique de

« scoliose névropathiclue; scoliose à la suite d'une affection musculo-

nerveuse ». Dans un de ces cas, grâce à un traitement électrique pour-

suivi pendant deux mois, il obtint la guérison de la douleur et de la

déviation.

Il fait ensuite remarquer qu'avant Nicoladoni le professeur Albert

avait publié dans la Wien. merl. Presse, nos 1 et 3, 9886, un travail

intitulé : Veine eigenthiimliche Art der total Scoliose. Un des trois cas

relatés par Albert a trait à un médecin hongrois qui était venu le con-

sulter en 1882 pour une déviation du tronc et qui avait eu trois ans

auparavant une sciatique. Albert fit le diagnostic de tuberculose verté-

brale et fut fort étonné de voir son confrère venir le retrouver en

novembre '1885, guéri de son attitude vicieuse.

De son côté, Schudel, élève de Kocher, dans un travail publié en

z1888 sur ce sujet, réclame la priorité pour son maître.

Massalongo enfin, dans un travail récent, croit devoir faire honneur

de cette découverte au professeur Vanzetti.

C'est là en somme un point d'historique qu'il nous a semblé équitable

de mettre en lumière. Quoiqu'il soit aussi discuté que la naissance

d'Homère, nous avons dû, pour être conforme à la vérité, faire remar-

quer dès le début que toutes ces revendications ne s'étaient produites

qu'après le mémoire de M. Babinski.

Dans ces conditions, il nous semble superflu d'ajouter que tout

médecin faisant appel il ses souvenirs pourrait très vraisemblablement

exhumer de sa mémoire un ou plusieurs cas d'atlitudc sciatique. Assu-

1. l3crLcz, Deux cas de sciatique déformante (France ucrl., Iss7).

2. Iiuuch,mV, lllilurle du corps dans la sciatique (Journal des Scien. met. de Lille), 1SS8.

3. Simon Texier, Déformation particulière du tronc causée par la sciatique. Thèse de

Paris, 1888.

4. Toralbo, Eliologia délia scialica e di una deformadone ]Jtll'licolare del tronc cuusala

dalla sciatica (G(l ? med. long., Milano, 1889).

5. Itrissaml, Des scolioses dans les névralgies scialiques (.Irclr.'rlerl'eurol.,j.uwier 1890).

G. Gfisscnlj.uicr, Ueber Ischins scolrolica (Prag. med. 11-ochen., 18fJU, XV, 211, 2 ? ).

7. Massalongo, L'atrofia musculare nelle pamlise islerische (Anal, in Giorn. dr .1'cuorp.,

zut11110 V, p. 1G).

M2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 5AL1'L'l'IIIl.I.G.

rément une pareille déformation a existé de tout temps; de fout temps

elle a été vue, mentionnée peut-être même.

Mais autre chose est voir, autre chose regarder, décrire complète-

ment et rapporter les faits à leur véritable cause.

Aussi, si on veut bien nous accorder que celle dernière considération

a quelque valeur, nous nous permettrons à notre tour de faire valoir

les humbles droits de l'École française.

Et pour en finir avec cette question d'historique, nous signalerons

que M. Jasinski (de Varsovie) afait au dernier congrès des chirurgiens

polonais une communication sur la scoliose neuropathique. '

Depuis ses premières observations, M. le professeur Charcot a

maintes fois, dans ses Leçons du mardi, montré à ses auditeurs, avec

une complaisance et une prédilection presque « paternelles », des

exemples frappants de cette déformation. Il a même consacré une

leçon entière ! à l'examen d'un malade qui présentait l'attitude sciatique

et qui plus tard, à la faveur d'un traumatisme cranien, était devenu à

la fois neurasthénique et hystérique.

Il a fait remarquer, à ce propos, que la caractéristique de cette atti-

tude, ainsi formulée par M. Babinski : Inclinaison du, tronc du côté

opposé à la sciatique; absence complète du soulèvement du pieddu côté

malade, était un peu trop étroite et que le second terme de la formule

avait besoin d'un [correctif. En effet, le malade qui faisait l'objet de

cette leçon avait le talon, du côté de la sciatique, élevé de plusieurs

centimètres au-dessus du sol, comme dans quelques cas de coxalgie.

Tout récemment, M. Brissaud, dans sa très intéressante mono-

graphie2, apportait également un correctif au premier terme de cette

formule et citait trois cas de scoliose homologue. Dans ces trois cas,

le tronc, contrairement à la règle, s'était incliné vers le côté malade,

il s'agissait de scialique spasmodique avec exagération des réflexes

rotuliens et trépidation spinale.

Ce sont là assurément des faits utiles à connaître, mais qui ne sau-

raient infirmer la règle générale tracée par MM. Charcot et Babinski.

Grâce à tous ces travaux, cette déformation spéciale du tronc est

aujourd'hui chose bien connue. Aussi n'est-ce pas pour apporter deux

faits superflus que nous voulons publier ici les deux observations qui

vont suivre. C'est uniquement pour mettre en relief deux exemples

démonstratifs de guérison complète de la déviation sciatique, ainsi

qu'en témoignentlesphotographies annexéesici, eten fixer le pronostic.

inos observations, disait M. Babinski, ne peuvent nous donner des

notions complètes sur l'évolution de cette déformation, et en parti-

1. Chariot, Leçons du mardi ri la Srtlprilrière, 30 octobre 1888, p. 1J.

2. Brissaud, luc. cil.

SUR DEUX CAS DE GUÉRISON COMPLETE. 3

entier sur son mode de terminaison, car nous n'avons pu suivre les

malades assez longtemps. »

Ayant eu l'occasion, au cours de cette année, d'observer à la Salpè-

trière un cas de guérison absolue et durable, nous avons cru qu'il ne

serait pas sans intérêt de le rapporter. Notre maître, M. le professeur

Charcot, a bien voulu nous signaler un cas analogue que nous mention-

nerons également.

. Cette guérison, signalée incidemment dans quelques rares obser-

vations publiées jusqu'ici, ne semble pas avoir attiré l'attention des

cliniciens.

Les deux faits que nous allons citer offrent, au point de vue du

pronostic, un sérieux intérêt. En outre, cette terminaison heureuse

pourrait jeter quelque lumière sur la pathogénie obscure de la défor-

mation sciatique.

II

Edouard Fa...ché, dix-neuf ans, potier d'étain, entre le lOdécembre

188cl, salle Prüss, n° 8, dans le service de M. le professeur Charcot.

Antécédents héréditaires. -Père mort de pneumonie contractée sur

les remparts en 1871 ; il était distillateur et manifestement alcoolique.

Mère bien portante. Une soeur et un frère qui n'ont jamais été malades.

Le malade ne peut donner que des renseignements fort incomplets

sur ses grands-parents.

Il a, du côté paternel, un cousin germain qui est atteint de paralysie

générale et un autre très violent et très emporté.

Antécédents personnels. - Le malade n'a jamais eu de blennorrhagie

ni de rhumatisme articulaire. Pas de traumatisme.

Les seules maladies qu'il ait eues sont une rougeole dans sa pre-

mière enfance, et la fièvre typhoïde à l'âge de neuf ans. Cette dothié-

nentérie a été suivie de suppurations, et on voit encore aujourd'hui, à la

cuisse gauche, la cicatrice d'un vieil abcès.

Depuis l'âge de neuf ans il n'a jamais été malade.

La chambre qu'il habite n'est ni humide ni froide.

Il exerce un métier (potier d'étain) qui est bien fait pour exposer

aux refroidissements. Depuis deux ans, il travaille tous les jours du

matin au soir dans une pièce surchauffée au milieu de laquelle se

trouve une grande chaudière pleine d'étain en fusion. C'est autour de

cette chaudière que lui et ses camarades se trouvent assis en rond; ils

n'en sont séparés que parun étroit tabouret, et leurs pieds la touchent

presque. Incommodés par la chaleur, couverts de sueur, ils sont obligés

de travailler en bras de chemise et même en maillot. Plusieurs fois

III. ' - 16 '

231 Í NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.

dans la journée, le soir après leur travail, il leur arrive de sortir dans

la rue sans prendre aucune précaution, passant ainsi du chaud au froid

sans transition.

Il a du reste été victime de ces variations brusques de température.

Souvent, dès qu'il sortait dans la rue, il était pris d'épistaxis. Cependant

.il ne se rappelle pas avoir eu de refroidissement, quoiqu'il se soit

exposé au froid bien souvent.

Début de la sciatique. Le G mai 1889, jour de l'ouverture de l'Expo-

sition, il a fait aux environs de Paris (à Igny) une longue et fatigante

promenade. A peine rentré chez lui, le soir, il a été sur les hauteurs

de Ménilmontant pour voir le feu d'artifice. Il s'était assis quelque

temps par terre, lorsqu'il s'est aperçu qu'il ne pouvait étendre complè-

tement sa jambe droite sans éprouver une douleur assez vive dans la

fesse correspondante.

Il n'y a du reste pas prêté grande attention; il a pu se lever, marcher

comme d'habitude et continuer son travail ordinaire. Cependant,

lorsqu'il restait longtemps assis, il souffrait et était obligé de se lever,

ou de se déplacer sur sa chaise; de même, quand il voulait étendre le

membre inférieur droit, ce mouvement d'extension réveillait dans la

fesse une assez vive douleur.

En septembre 1889, la douleur jusque-là' simplement provoquée

devient spontanée et se généralise sur le trajet du sciatique droit, avec

prédominance au niveau des trois points suivants : fesse, mollet, partie

postérieure de la cuisse. D'abord modérée, elle devient rapidement

vive et térébrante. Elle n'est pas continue, mais éclate par accès; ces

paroxysmes durent de dix à quinze minutes et se renouvellent plusieurs

fois par jour.

Elle est à peine réveillée par la marche, qui n'est pas sensiblement

gênée; les mouvements du membre ne la provoquent pas davantage, à

l'exception de l'extension de la jambe, qui la ramène ou l'exaspère. La

position assise est douloureuse et ne peut être longtemps gardée.

En présence de ces phénomènes, il va au commencement, du mois

d'octobre à la consultation de M. Roques, à l'hôpital Tenon. On

diagnostique une sciatique et on lui fait un siphonnage sur le trajet du

nerf.

Huit jours après, il retourne à la consultation. M. Cuffér lui fait

appliquer, après avoirfait le même diagnostic, huit ventouses scarifiées

dans la région fessière droite.

Le 6 novembre, souffrant davantage, il se décide à rentrer à Tenon,

dans le service de M. Cuffer. On le siphonne encore le long du sciatique

et on lui applique quatre ventouses sur le mollet droit.

(On- voit encore aujourd'hui les traces de ces révulsions multiples.)

SUR DEUX CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE. 235

C'est pendant son séjour à Tenon, vers la fin de novembre, dit-il

trois semaines après sa rentrée qu'on se serait aperçu de la déformation

du tronc. Cette déformation se serait accrue peu à peu jusqu'aux limites

actuelles.

Le 10 décembre, le malade rentre à la Salpêtrière, dans le service de

la clinique.

Etat actuel. - Jeune homme de taille élevée (1 m. 78), bien musclé

et assez vigoureux.

Il présente une sciatique du côté droit. très nette. La douleur affecte

le siège et les caractères que nous lui avons assignés plus haut. Les

lieux d'élection de cette douleur sont classiques : émergence du nerf,

fesse, point rétro-trochantérien, face postérieure et médiane de la

cuisse, creux poplité, point péronier, mollet. Au niveau des malléoles

et du pied il n'existe ni douleur spontanée ni provoquée. C'est surtout

à la fesse et au mollet que ces douleurs sont le plus vives, atroces

parfois, à caractère térébrant. Elles surviennent par crises de durée

variable et se répétent plusieurs fois dans la journée. Dans l'intervalle

de ces paroxysmes, la douleur est très sourde; elle n'existe pour ainsi

dire pas.

La pression exercée au niveau de ces points d'élection ne la réveille

pas; la marche est également indolente et peu gênée par la douleur.

Dans la station debout, le malade se présente, le membre inférieur

droit légèrement fléchi, dans l'attitude indiquée par la figure.

La station assise est douloureuse, et le malade est obligé de se lever

ou de changer de place.

Au lit, il lui est impossible de se coucher sur le côté droit sans

réveiller aussitôt la douleur.

Les mouvements de la hanche sont normaux et indolents : la flexion,

l'abduction et l'adduction s'accomplissentphysiologiquement. L'exten-

sion est pénible et incomplète.

A la jambe, les mouvements volontaires et provoqués de flexion

s'exécutent comme du côté sain. L'extension seule est douloureuse et

reste inachevée à cause de la douleur qu'elle provoque. Si on veut

essayer de la compléter de force, le malade pousse un cri de douleur

en portant la main à la fesse et en localisant en ce point la souffrance.

On peut fléchir impunément la cuisse sur le bassin, suivant le procédé

de Lasègue, la jambe droite étant préalablement fléchie. Dans le cas

contraire, cette manoeuvre très redoutée du malade réveille la douleur,

d'abord à la fesse, puis dans tout le trajet, la malléole et le pied

exceptés.

La percussion sur le talon, sur le grand trochanter n'est nullement

douloureuse.

236 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI');'fltIl : RE.

Outre le signe de Lasègue qui réveille la douleur, outre les douleurs

spontanées paroxystiques, outre la flexion instinctive et permanente

du membre, cette sciatique droite se traduit encore par de l'amyotro-

phie généralisée. L'atrophie musculaire ne semble pas plus marquée

dans'un groupe musculaire que dans un autre. Elle est très visible

dans la région fessière,où, derrière le grand trochanter, règne une

gouttière longitudinale dans toute la hauteur de la fesse, gouttière

profondément excavée, large de trois ou quatre travers de doigt et qui

donne à la région un aspect qui contraste singulièrement, avec le relief

du côté opposé.

Dans le membre inférieur proprement dit, l'amyotrophie est nette-

ment appréciable par la mensuration :

T)EUX CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE. 237

crête iliaque, de telle manière que l'intervalle costo-iliaque ou hau-

te2r du flanc, suivant l'expression de M. Faut Richer, est complète-

ment effacé. On peut s'en convaincre facilement par la palpation. En

ce point existent quelques sillons transversaux cutanés. - ' .

Les deux membres inférieurs ne sont pas parallèles comme dans

l'attitude normale. Le membre inférieur du côté malade est légèrement

fléchi (la cuisse sur le bassin, la jambe sur la cuisse), dans une attitude

favorable à la diminution de la douleur. '

Le pied du côté droit repose sur le sol par toute la surface plantaire

(moins fortement toutefois que celui du côté sain) malgré o'u'plutôt à

cause du hanchement excessif.

Cette déformation du tronc résiste aux mouvements passifs, si on

veut essayer de la redresser. Celle-ci du reste, est toujours, dans, les

divers moments de la journée, identique à elle-même. Elle persiste,

dans les mêmes limites, dans la position assise. Au lit, dans la situation

horizontale; la nuit, pendant le sommeil, elle est invariable.' .

Un coup d'oeil jeté sur les planches XXXV et XXXVI complétera cette

aride description. Cette attitude vicieuse donne à la marche un aspect

tout à fait spécial et indescriptible. Elle est si caractéristique, dans la sta-

tion debout, qu'elle permet d'ordinaire de faire le diagnostic de sciatique

à distance, et même d'indiquer presque à coup sûr le membre affecté.

Le malade marche'sans boiter, avec une allure particulière; il marche

sans douleur, mais il se fatigue assez vite; en outre, il se plaint d'esr

soufflement, d'oppression, conséquence vraisemblable de la gène méca-

nique apportée aux divers organes de la respiration (diaphragmé,

viscères thoraciques) parla déformation du tronc. '

En dehors de cette sciatique déformante, le malade ne présente

aucune lésion appréciable. Les divers viscères sont normaux. Les urines

ne : renferment ni albumine ni sucre. L'état général est bon, l'appétit

plutôt diminué..

La sensibilité générale et spéciale, explorée avec soin à diverses

reprises, n'offre aucun trouble appréciable. , .

Le malade, est traité par la suspension : on le suspend trois fois par

semaine; les séances durent trois, quatre et cinq minutes, eton ajoute

un poids de kilogrammes au membre malade. Immédiatement après

chaque séance, la déviation semble un peu corrigée, mais dès qu'il a

fait quelques pas elle reprend son degré primitif. ' 1

Le 6 février 1890, il est renvoyé du service de la clinique pour cause

de désordre dans la salle. Sa déviation n'avait pas changé. ,

Il rentre bientôt dans un hôpital où il séjourne une quinzaine de

jours et où, dit-il, on aurait parlé d'affection osseuse des vertèbres et

porté un pronostic grave. '

238 NOUVELLE ICONOGRAPHIE E n ELA S ALI' ln n 1 [. : Il L

Puis, le 18 mars 1890, il rentre à l'hôpital Saint-Antoine, dans le

service de M. Monod.

Là on l'examine sous le chloroforme : à son réveil il se trouve placé

dans un appareil spécial, le torse un peu- moins dévié, dit-il; il reste

ciuq jours dans cet appareil et en sort peu amélioré.

On lui ordonne ensuite le repos; on l'électrise pendant deux mois.

La déformation du tronc s'atténue peu à peu et enfin s'efface. Au

commencement de juillet 1890 elle avait complètement disparu.

Les douleurs sciatiques avaient beaucoup diminué de fréquence et

d'intensilé, elles ne survenaient plus que lorsque le temps était humide

ou froid.

Il est sorti du service de M. Monod le 23 juillet, entièrement guéri

de son attitude vicieuse et de sa sciatique, du moins en apparence, car

il ne pouvait toujours pas étendre sa jambe droite. Nous verrons du

reste plus loin que sa sciatique n'est pas encore guérie. Il est rentré le

lendemain dans le service de M. Brissaud où il n'a séjourné que quel-

ques jours.

M. Monod, avec une obligeance dont nous le remercions vivement, a

bien voulu nous donner au sujet de ce malade les renseignements

suivants : « Ne reconnaissant pas dans ce cas les caractères de la scoliose

vraie, et croyant à une simple contracture musculaire, j'ai endormi le

malade et constaté que la déformation se réduisait complètement dans

le sommeil anesthésique.

« Je me suis dès lors contenté du repos absolu et sévère au lit, ce qui a

déjà amélioré la situation; j'y ai joint plus tard l'électrisation, faite

sous la direction du D' Larat. »

Le 11 août, le malade revient à la Salpêtrière. Il est guéri complète-

ment (pl. XXXVI) quant à son attitude vicieuse. Par contre, la sciatique

persiste toujours, quoique fort atténuée. Voici du reste les détails :

État actuel (1 août 1890). - Les douleurs sciatiques ne sont guéries

qu'en apparence; elles sont simplementmoins fréquentes et moins vives.

La pression sur les lieux d'élection ne les réveille point, pas plus qu'au-

trefois du reste. Mais il est facile de les raviver : le malade étant assis,

il suffit de lui dire d'étendre sa jambe droite, ou plutôt de l'étendre

soi-même de force; il pousse aussitôt un cri et accuse une vive douleur

dans la fesse correspondante, douleur qui se généralise rapidement le

long du sciatique dans les points où il souffrait jadis.

Au contraire, les douleurs spontanées qui s'étaient amendées progres-

sivement depuis son départ de la Salpêtrière ont pour ainsi dire dis-

paru ; elles sont de plus en plus rares et ne reparaissent qu'aux change-

ments de température (froid, pluie, humidité).

t La marche est aisée et indolore.

SUR DEUX CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE. 239

Les mouvements actifs et passifs dans la hanche, le genou et le pied

sont normaux et s'exécutent avec une souplesse et une amplitude phy-

siologiques. Si, par exemple, on dit au malade de fléchir sa jambe droite

sur la cuisse, il le fait avec facilité et sans douleur jusqu'à ce que le

talon vienne toucher la fesse. Il en est de même des autres mouvements,

à l'exception de l'extension. Celle-ci est toujours incomplète et dou-

loureuse. Nous avons essayé, le malade étant assis, de pratiquer l'exten-

sion forcée de la jambe, et nous n'avons réussi qu'à faire crier le patient

et à réveiller une crise douloureuse le long de son sciatique.

La sciatique n'est donc guérie qu'en apparence, puisque persistent

encore le signe de Lasègue et l'impossibilité de l'extension complète de

la jambe. En outre, l'atrophie musculaire est aussi marquée qu'aupara-

vant : il y a toujours à la cuisse et à la jambe un centimètre de diffé-

rence au détriment du membre droit. La fesse présente toujours la

même gouttière large et profonde. '

En résumé, au point de vue de la sciatique, si on excepte les douleurs

provoquées par une manoeuvre spéciale, l'extension incomplète de la

jambe et l'amyotrophie, les autres phénomènes ont disparu. Le membre

inférieur droit, dans la station debout, est dans la rectitude absolue,

parallèle à celui du côté opposé. Toute trace de flexion a disparu.

Si la sciatique n'est pas guérie, la déformation du tronc l'est complÓ-

tement. La comparaison des planches XXXV et XXXVI en dira plus

long que notre description.

L'épaule gauche est toujours un peu plus élevée que la droite; les

mains descendent approximativement au même niveau. La tête est dans

la rectitude physiologique.

L'inclinaison latérale du tronc du côté sain s'est complètement

effacée; c'est plutôt du côté opposé qu'on pourrait voir une légère cour-

bure d'apparence « féminine ».

La colonne vertébrale a repris sa direction normale; la scoliose avec

sa double courbure lombaire et dorsale n'existe plus.

Le tronc n'est plus fléchi en avant sur le bassin; il est tout à fait

redressé. Le rebord costal a retrouvé sa hauteur habituelle ; il n'y a

plus trace de plis transversaux cutanés.

Les deux épines iliaques droite et gauche sont à la même hauteur et

dans un même plan vertico-transversal.

Le membre inférieur droit n'est plus fléchi; il est droit et parallèle

à son congénère du côté opposé.

Tous les mouvements du tronc et du bassin ont retrouvé leur ampli-

tude et leur étendue physiologiques : l'inclinaison latérale à droite et à

gauche s'exécute dans les limites normales ; l'extension du tronc se fait

régulièrement. Seule la flexion du tronc en avant, dans la station

40 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'l;'fltlEItE.

debout, les deux membres inférieurs étant dans le parallélisme, est

très limitée et douloureuse lorsque ces membres restent dans l'exten-

sion. Si au`contraire le malade, dans cette même station debout, a soin

de fléchir au préalable le membre droit, cette flexion en avant rede-

vient normale et indolente, le sciatique ne se trouvant plus tiraillé

dans cette position. C'est du reste le procédé qu'il emploie instinctive-

ment pour se baisser ou pour ramasser un objet à terre.

La station assise n'est plus aussi douloureuse qu'autrefois; cepen-

dant, à la longue, elle finit par devenir pénible et par réveiller quelques

douleurs sur le trajet du nerf. Cette difficulté de la station assise le

préoccupe même au point de vue de son avenir : il ne sait pas s'il ne

sera pas, pour ce motif, obligé de changer de métier, le sien, qu'il n'a

pas encore repris du reste, l'obligeant à rester continuellement assis.

C'est enfin dans cette station assise, ainsi que nous l'avons déjà dit,

que l'extension de la jambe droite sur la cuisse est incomplète et

provoque une crise douloureuse si on veut la pratiquer de force.

L'état général est bon; l'appétit satisfaisant, la digestion facile. Les

divers viscères sont sains. Le malade avoue qu'il est un peu nerveux,

qu'il s'énerve facilement, se met en colère sans raison et que son

humeur est assez mobile. Hier, paraît-il, il avait été gai toute la journée;

le soir il a été repris d'un accès de douleur névralgique et il s'est mis

à pleurer, non à cause de la souffrance, mais sans trop savoir pour-

quoi. C'est là du reste, dit-il, un phénomène qui lui arrive de temps

en temps.

Nous avons exploré sa sensibilité générale et spéciale : elle était

normale.

Obs. II1. ex ? âgé de quarante-sept ans, examiné le 8 décembre 1886

par M. Charcot.

Sciatique gauche. Début remontant àun an. Douleurs intenses depuis

trois mois et déformation depuis cette époque. Le tronc est incliné à

droite. Le rebord costal droit touche la crête iliaque correspondante.

Les deux pieds portent à terre toute leur étendue. Il y a une légère

amyotrophie du membre inférieur gauche.

Ce malade a guéri depuis lors. Sa déviation (fig. 72, 73),dontM. Char-

cot avait pris le croquis dans son cabinet, a complètement disparu.

M. le D' Biron (d'Argenteuil) qui lui donnait ses soins et à qui nous

nous sommes adressé pour avoir des renseignements circonstanciés, a

eu l'extrême obligeance de nous écrire, le 5 septembre 1890, une lettre

d'où nous détachons le passage suivant : « Vers la fin de 1886 j'eus

1. Babinski, in Archiv de neurologie, 1888.

. SUR DEUX CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE. 211

l'idée de revenir au salicylate de soude et de le donner à haute dose;

un peu d'amélioration survint, mais pas assez marquée pour me donner

un espoir sérieux. C'est alors que j'appelai auprès du malade M. le

professeur Charcot. Se basant sur l'insuccès des autres médicaments

et sur l'action un peu plus favorable du salicylate, il me conseilla de le

continuer à dose progressivement ascendante et descendante (jusqu'à

6 grammes par jour avec un repos de vingt-quatre heures tous les dix

jours).

La médication fut reprise trois fois consécutivement; les douleurs

allèrent en diminuant; le malade put marcher quelques pas, puis se

redresser graduellement. Enfin, vers la fin d'avril z1887, près de deux

ans après le début de la maladie ; il pouvait reprendre ses occupations.

La guérison était complète. Elle ne s'est pas démentie depuis. La dévia-

Fin. 72.

Fin. 73.

Déformation du tronc dans la sciatique.

(D'après un croquis fait par M. Charcot.)

242 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTIUËRE.

lion avait complètement disparu en même temps que la douleur. »

On peut donc considérer cette guérison comme définitive, puisque

depuis trois ans et demi elle ne s'est pas démentie.

III

Dans les observations que nous venons de rapporter, le diagnostic

de sciatique ne saurait être mis en doute un seul instant ; il s'impose.

Aussi ne nous attarderons-nous pas à le discuter.

Nous avons hâte d'exposer brièvement quelques réflexions cliniques.

L'observation I que nous avons rapportée avec détails présente

quelques particularités intéressantes au double point de vue « sciatique

et déformation ».

1° L'élément sciatique n'a pas disparu complètement; il est latent.

Rien n'est plus facile, ainsi que nous l'avons déjà montré, que de

réveiller la douleur par des manoeuvres ordinaires. Celle-ci, du reste,

se montre encore de temps à autre spontanément, surtout à l'occasion

des variations atmosphériques; elle se traduit toujours par les

paroxysmes classiques, aux points d'élection.

En dehors de cette douleur provoquée ou spontanée, la sciatique

est encore stigmatisée par l'amyotrophie diffuse des muscles du

membre inférieur et par l'impossibilité, dans la station assise, de

l'extension complète de lajambe sur la cuisse.

Et cependant, malgré ces stigmates, le malade se croit et semble

guéri; il peut marcher, courir même, sans gêne et sans souffrance

appréciable. Mais sa guérison est plus apparente que réelle, plus fonc-

tionnelle qu'anatomique, si on peut ainsi dire.

Aussi commande-t-elle, pour l'avenir, certaines réserves, même au

point de vue de la déformation du tronc, la même cause pouvant, à

un moment donné, reproduire les mêmes effets.

2o L'élément déformation n'existe plus. La déviation était énorme,

excessive. La guérison est aujourd'hui complète.

Ce fait mérite de nous arrêter quelques instants.

Et d'abord, sous quelles influences cette guérison s'est-elle produite ?

Le malade a été soumis à un traitement complexe : pendaison, extension

continue au début, puis repos au lit, électrisation. Faut-il attribuer

le bénéfice de cet heureux dénouement à la thérapeutique employée,

et, dans ce cas, est-ce à l'action isolée de l'un de ces divers agents ou

à l'action de tous réunis ? La réponse nous semble bien difficile. Un

autre traitement, tel que vésication, pointes de feu, massage, injection

d'antipyrine, etc., etc., n'aurait-il pas pu produire le même résultat ?

SUR DEUX CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE. 243

Ce sont là des interrogations que nous nous bornerons à poser, sans

avoir la prétention de répondre d'une manière satisfaisante.

Kocher recommande l'élongation du nerf, il en a obtenu de bons

résultats; mais ceux-ci ne s'étant montrés que plusieurs mois après

l'opération, on peut douter de l'efficacité de la méthode.

Gussenbauer s'est bien trouvé du massage des extenseurs de la

colonne vertébrale et de l'électricité.

Dans un cas, les bains chauds auraient eu un effet curatif.

Bref, nous sommes convaincus qu'il n'y a pas de traitement spéci-

fique et que la guérison peut résulter d'une thérapeutique rationnelle

quelconque, voire même des seuls efforts de la nature.

Il est un autre point qu'il nous semble plus facile d'élucider. La

guérison est-elle sous la dépendance du traitement dirigé contre la

déformation, ou contre la sciatique elle-même ? Que l'intervention

dirigée contre l'attitude vicieuse soit utile, cela est incontestable;

qu'elle puisse même en amener la guérison, cela n'est pas douteux.

Mais c'est évidemment à la cause, à l'élément sciatique douloureux,

qu'il faut s'attaquer; c'est contre lui qu'il faut diriger tout l'arsenal

thérapeutique, si l'on veut obtenir un succès durable : la cause ayant

disparu ou s'étant au moins atténuée, la déformation pourra guérir.

Il est donc assez malaisé de déterminer l'influence du traitement sur

la guérison de l'attitude sciatique. Est-il plus facile de définir le rôle de

la forme de la sciatique et celui de la durée et du degré de la déviation ?

Non assurément. L'étude des déformations du tronc dans la sciatique

est de date trop récente; et nous n'avons pas l'intention d'étayer une

théorie sur nos deux observations.

On sait que c'est de préférence dans les sciatiques graves, dans les

névrites sciatiques, que se rencontrent ces attitudes vicieuses. Or, c'est

bien vraisemblablement de névrite qu'il s'agit dans nos deux cas : scia-

tique chronique, amyotrophie, etc. Pourquoi n'est-ce que dans quel-

ques cas de névrite sciatique que l'on rencontre ces déviations ? Et dans

ces cas quels sont ceux qui doivent guérir ? Y a-t-il des signes qui puis-

sent faire soupçonner la guérison ? Autant de questions que nous lais-

serons sans réponse.

Il en sera de même du rôle de la durée et du degré de la déviation.

Dans les obs. I et II l'attitude vicieuse a duré neuf et six mois au mini-

mzc7a; il est fort possible qu'elle existât déjà avant le jour où on l'a

remarquée ; sa disparition a été, comme son apparition, lente et progres-

sive. Elle est survenue (obs. I) sept mois après le début de la névralgie;

elle a disparu avant la guérison complète de celle-ci. D'autre part, il

s'agissait d'une déformation extrême, ainsi qu'on peut le voir sur la

planche XXXV.

244 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : : THIÈRE.

Mais ce sont là des données insuffisantes jusqu'ici pour tracer une

règle générale, et de nouvelles observations sont nécessaires à ce sujet.

Nous ne croyons pourtant pas que la durée et le degré de la déviation

puissent avoir une influence bien marquée sur le pronostic. Il est très

probable que la guérison peut survenir dans les déformations légères

comme dans celles qui sont accusées, dans les déformations qui datent

de plusieurs années comme-dans celles qui ne datent que de quelques

mois.

Et cependant ce sont là des éléments dont désormais il faudra tenir

compte. La nature de la sciatique, l'étendue, la durée de la déviation,

pourront donner, quand les observations seront plus nombreuses, des

notions précieuses pour le pronostic.

En dehors de toutes ces considérations, y a-t-il des sujets prédisposés

à cette terminaison heureuse ? Chez le malade de l'obs. I, un élément

hystérique n'aurait-il pas pu avoir quelque influence ? Ce malade est im-

pressionnable, coléreux; il est fils d'alcoolique et cousin germain de

paralytique général. Ne pourrait-on pas songer à une névralgie scia-

tique de nature hystérique ? Malheureusement, il ne manque à cet

homme qu'une chose pour être hystérique, c'est l'hystérie.

.C'est donc une hypothèse à laquelle nous ne pouvons nous ranger.

Cependant, en raison de l'état psychique spécial du sujet, de sa tare

héréditaire, il ne serait pas impossible que l'élément « nerveux », dans

le sens banal du mot, ait pu avoir une certaine part dans la guérison

de sa déformation. Il serait peut-être intéressant de rechercher à

l'avenir, chez les sujets atteints de sciatique déformante, l'existence de

troubles névropathiques héréditaires ou acquis, et de voir s'il n'y aurait

point là un élément favorable de pronostic.

Quoi qu'il en soit, la guérison de l'attitude sciatique est chose pos-

sible. Dans les deux cas que nous avons mentionnés, elle a été aussi

parfaite qu'on pouvait la désirer; et, fait plus remarquable, dans l'un

d'eux, elle s'est produite avant la guérison complète de la sciatique.

L'effeta disparu avàntla cause. Mais si cette sciatique n'étaitpas guérie,

.elle s'était amendée considérablement, et il est hors de doute qu'il y

a eu entre cette amélioration et la guérison de l'attitude vicieuse une re-

lation de cause à effet. Cette amélioration notable a suffi pour amener

la guérison complète, temporaire sinon permanente, de la déformation

du tronc. ,

Nous disons temporaire et non définitive. Il serait en effet prématuré

de conclure à la permanence de la guérison, et un avenir, peut-être

rapproché, pourrait bien démontrer la témérité d'une pareille asser-

tion et légitimer nos réserves. L'épine douloureuse n'est-elle toujours

pas là imminente ?

Nouvelle Iconographie DR la SALPRTRICR& T. 17 : 7 PL. XXXV

Phototype négatif A. LANDE

PHOTOCOLLocnAfHIE CHLNR ET LONGUET

DÉFORMATION DU TRONC DANS LA SCIATIQUE

LECROSNIER & Basé

éditeurs

NOUVELLE ICONOGRAPHIE Dr LA SLPP.'TTJIÈRE (\1., L. XXXV

Nouvelle ICONOGRAPHIE DR la Salpètrière y T.m,rL.XXXV[

GUÉRISON DE LA DÉFORMATION DU TRONC DANS LA SCIATIQUE

LECROSNIER & Babé

ÉDITEURS

SUR DEUX CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE. Ma

. De ces deux cas de guérison peut-on conclure à la guérison de tous

Les faits de déformation dans la sciatique ? Certainement non.

Cette guérison est possible, mais non certaine. Il est très possible,

ainsi que l'a fait justement remarquer Babinski, qu'il se produise à la.

longue, comme dans certains cas de contracture ou de paralysie spas-

modique', des rétractions fibreuses qui rendent la déformation indé-,

lébile. Dans ces cas le pronostic serait singulièrement aggravé.

Envisagée à un autre point de vue, cette terminaison favorable :

semble venir confirmer la théorie pathogénique émise par MM. Charcot

et Babinski : . '.

. Au début de la sciatique, par un mouvement instinctif, dans le seul

but d'atténuer la douleur, le tronc s'incline du côté opposé à la sciatique,

(généralement mais non toujours) en vertu d'une contraction muscu-

laire des muscles latéraux du tronc. Plus tard, sous l'influence de l'ha-

bitude, se développe un état spasmodique permanent des muscles, une

contracture pour ainsi dire, qui immobilise le tronc dans cette attitude

vicieuse.

A ce moment, l'évolution peut suivre deux voies diamétralement ou- -

posées. Ou bien il se formera des rétractions fibro-tendineuses qui ren-

dront la déformation permanente, ou bien la déviation disparaîtra, et

il y aura guérison. Dans le premier cas, une intervention chirurgicale

sera nécessaire pour rompre les adhérences et permettre la possibilité

de la guérison. Dans le second, l'explication est aisée. La douleur, cause

première de l'attitude vicieuse, s'atténue ou disparaît. Le malade ne

souffrant plus ou souffrant fort peu n'a plus aucune raison pour garder

cette attitude défensive. Alors, si sa déviation n'a pas trop duré, surtout

s'il n'y a pas derétractions fibreuses, le troncpourra reprendre son atti-

tude normale. Dans le cas contraire, la déformation survivra même à

la guérison de la sciatique.

C'est pour cette raison que désormais l'exploration sous le chloro-

forme doit être toujours pratiquée. Elle rendra compte del'existence ou

de l'absence de rétraction, et permettra dans les deux cas d'instituer

un traitement approprié. « Il serait intéressant, disait M. Babinski, de

savoir ce que cette déformation devient pendant le sommeil et sous l'in-

fluence de la chloroformisation, mais nous avons négligé de faire ces

recherches et nous ne pouvons pas, par conséquent, répondre à ces

questions. »

Cette réponse est aujourd'hui possible; on sait ce que deviennent ces

déformations sous le chloroforme; on sait qu'elles disparaissent plus ou

moins totalement. Néanmoins cet examen n'est pas toujours pratiqué.

I. Charcot, Progrès wéd., 1887

,2,t6 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1'E'l'ItILItE.

Nous croyons qu'outre les erreurs de diagnostic qu'il peut quelquefois

éviter, il donnera des indications précieuses au point de vue du pro-

nostic et du traitement, et qu'à ce double titre il devrait être fait d'une

façon systématique : , ·

En résumé, il nous semble que la guérison de ces deux cas de défor-

mation sciatique comporte plusieurs enseignements :

1° La déformation du tronc dans la sciatique peut guérir complète-

ment, d'une façon temporaire sinon permanente ;

20 Elle peut guérir, après une durée relativement longue, sous des

influences thérapeutiques diverses ;

3° Cette terminaison heureuse dépend essentiellement de la guérison

ou du, moins de l'amélioration de la douleur sciatique;

4° Il est encore impossible de déterminer l'influence pronostique de

ln forme de la sciatique, de la durée et du degré de la déformation.

A. SOUQUES,

lu6°rn° (le la ClillifIIiC dos maladie» du ? tèlUC lIüI'VOIt ?

PHOTOTYPE NLGATIT X PHOTOCOLLOGRAPHIE CHÊNE & LONGUET

LA TRANSFIGURATION DU SACRO MONTE DI VARALLO (Valsésie)

Lecrosnier & BASÉ

. EDITEURS -

PHOTOTYPE négatif X

PHOTOCOLLOGRAPHIE ChÊNE 8 LONGUET

LA TRANSFIGURATION DU SACRO MONTE DI VARALLO (Valsésie)

LECROSNIER & BASÉ

1. - - ? 1 i...

NOUVELLR Iconographie DE la Salpètrière

T. III, PL, XXX"

PHOTOTYPE NÍGATIl' A. LONDE

PHOTOCOLLOGRAPHIE CHÊNE ET LONG

LA TRANSFIGURATION DU SACRO MONTE DI VARALLO (VALSÉSiE)

LECROSNIER & BABÉ

ÉDITEURS

LA « TRANSFIGURATION »

DU SACRO MONTE DI VARALLO V : 1LSÉSIE

Nous possédons sur un curieux ouvrage de sculpture italienne du

XVII" siècle des photographies que nous avons cru intéressant de faire

reproduire ici. Ces photographies sont d'ailleurs une rareté, puis-

qu'on ne les trouve pas dans le commerce. Nous les devons à l'obli-

geance du Dr Vinaj de Turin. L'oeuvre d'art nous avait été signalée

quelque temps auparavant par MM. Giuseppe et Carlo Mariani de la

même ville. Il s'agit d'une représentation de la « Transfiguration »

par le groupement de vingt statues, enferre cuite peinte et de gran-

deur naturelle, dans la chapelle XVII du- sanctuaire du Sacro-pnte

di Varallo en Valsésie. Cette oeuvre importante due au concours' de

plusieurs artistes rappelle par la disposition générale des personnages

celle qui a été adoptée par Raphaël,dans son tableau si connu de 1

« Transfiguration » et suivie également par.un artiste flamand Deoda

Pelmont quia traité le même sujet. La composition est divisée en deux

parties ou pour mieux dire deux étages. E"it lu ! uÇc'e ? l.e sommet

radieux du Thabor avec le Christ transfiguré et' les trois *disciples .

extasiés. A l'étage inférieur, au pied du mont miraculeux se passcüne= '...

scène qui contraste avec la précédente. Elle est pleine de mouvement -*

et d'effroi. Un père amène son fils possédé du démon aux disciples

impuissants à le guérir. Nous n'avons pas ici à discuter le mérite de

l'invention qui revient tout à Raphaël, les autres artistes n'ayant été

que ses imitateurs. La partie inférieure de la comDiion seule nous

intéresse pour l'instant et c'est sur le personnage ducossédé » que

nous voulons appeler l'attention (Pl. XXXVII, 111 ? III; XXXIX).

Nous avons eu occasion déjà de dire notre sentiment sur le jeune

possédé de Raphaël et sur celui de Déoda Delmont. Nous ne nous répé-

tcrons pas ici. Qu'il nous suffise de rappeler notre conclusion :

« N'est-il pas intéressant, disions-nous en terminant notre étude, sans

vouloir établir de parallèle entre les deux artistes, de constater com-

ment le peintre flamand, du moins en ce qui concerne la figure du

jeune possédé, s'éloigna résolument du tableau du chef de l'école

4

248 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

romaine, et, à la place d'un personnage de convention, sut dessiner

une figure prise sur le vif et toute palpitante de réalité'. »

Les artistes valsésiens ont fait comme Déoda Delmont. Tout en-

gardant dans son ensemble les données principales de la composition

de Raphaël, ils y ont apporté de nombreuses modifications de détail,

surtout dans la scène inférieure dont le personnage possédé forme le

.. centre. Ce personnage lui-même a subi une transformation complète.

Cette fois ce n'est plus un jeune garçon, c'est une jeune fille tombant

à la renverse, en état de crise et soutenue par sa mère. Les cheveux

dénoués, la tête est rejetée en arrière, les yeux sont convulsés en haut,

la bouche est ouverte. Les bras s'agitent, et n'était les mains trop

ouvertes, nous devons reconnaître là, une bonne représentation de la

crise hystérique. Le lecteur jugera lui-même par les reproductions que

nous mettons sous ses yeux. Dans la partie supérieure de la composi-

tion, le Christ et les prophètes sont de Petera di Varallo. Sur le sommet

du Thabor les trois statues des disciples ont été faites par Jean d'En-

rico. Enfin toute la scène qui se passe au bas de la montagne est l'oeuvre

de Gaudenzio Soldo de Camasco. ,

J.-M. CHARCOT PAUL Richer.

(de l'Institut).

, (1) Les Démoniaques dans l'Arl.

Le Gérant : Emile LECIIOSNIER,

4UJi. - Imprimcrics ruutcs. B, ruc Mi,;nun,iMAY et llurl'Eliut. tlircctuurs

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE

Les épilepsies qui cèdent le mieux et le plus définitivement au bro-

mure de potassium, sont celles qui sont influencées par des doses quo-

tidiennes de 4 à 8 grammes,. Cependant il peut se faire que lorsque

ces doses n'ont produit aucune amélioration, ou n'ont donné qu'une

diminution peu importante des paroxysmes, la suppression des accès

soit obtenue, quelquefois même brusquement, lorsqu'on atteint des

doses plus considérables. Bien que la plupart des auteurs conseillent de

ne pas dépasser 12 grammes par jour, je suis plusieurs fois allé

jusqu'à "14 et 15 grammes, c'est-à-dire à des doses considérées comme

toxiques, et non seulement sans accidents, mais encore avec profit.

Je vais résumer quelques observations qui mettent en lumière

l'innocuité et l'utilité de hautes doses.

Ons. I. -P..., trente et un ans, entré en 1876; épilepsie datant de l'enfonce;

hérédité alcoolique. Grands accès et vertiges. A été soumis à divers traite-

ments. En 1887, il a subi des révulsions cutanées sur le cuir chevelu et

des pointes de feu avec un succès relatif.

"a0 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S1L1'1 ? l'RIEIiE. -

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE. 201

? 2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S : 1L1'TILIi : PE.

Obs. III. L..., vingt-sept ans, enfant naturel; la mère avait [quatorze ans

quand il est ne. Convulsions de l'enfance. Début il six ans. Grands accès et

vertiges fréquents, génuflexions, nystagmus.

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE. 2 : 3

ODS. IV. - C..., vingt-quatre ans. Entré à l'âge de neuf ans. Attaques très

fréquentes et vertiges. Au commencement de l'année 1887, il est complète-

ment incapable de travailler, répond à peine aux questions.

251 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP]Tr.IÈnE.

A celte faible dose on obtient une diminution notable des paroxysmes, de

plus de moitié.

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE. 200

256

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE.

257

258 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTMËRE.

Le tableau suivant montre que c'est seulement à la dose de 10 grammes

que l'on obtient la suppression des accès.

Tableau IX

11110fUIt.ITION ET ANTISEPSIE INTESTINALE. ? 3

lorsqu'on atteignai t des doses plus considérables. Les accidents cutanés

du bromisme sont fréquemment conjurés par les soins de propreté de

la peau : j'attribue en grande partie à la fréquence des bains la rareté

du bromisme cutané dans mon service. Chez les arthritiques, l'arsenic

donne souvent, comme on sait, de bons résultats.

Pourtant les accidents du bromisme cutané ne se montrent guère

isolément; les éruptions se présentent en général, en dehors de la

prédisposition aux dartres, chez les sujets qui souffrent il un certain

degré de troubles gastriques, avec fétidité de l'haleine, état sahur-

ral, etc. Contre ces troubles les purgatifs salins constituent un palliatif

il action momentanée, et les drastiques rendent des services dans les

cas de stupeur. ' '

L'intoxication bromique en général est plus efficacement prévenue

par l'entretien constant de la diurèse. Plusieurs remèdes secrets à base

de bromure n'ont d'autre raison de succès que leur association avec

des tisanes diurétiques qui permettent l'introduction sans accidents de

hautes doses de médicament. Mais si certains malades acceptent volon-

tiers la discipline des boissons diurétiques et en particulier du lait qui

peut leur être si utile; souvent on ne peut la leur faire accepter. D'ail-

leurs l'introduction journalière d'une grande quantité de liquide dans

l'estomac est loin d'être sans inconvénient : la dilatation qui peut en

résulter est en effet par elle-même capable de provoquer des phéno-

mènes réflexes.

Les malades soumis à des doses élevées ou même à des doses

moyennes de bromure ont fréquemment de la constipation et du

ballonnement du ventre qui peuvent être attribués a un certain degré

de paralysie des muscles intestinaux déterminée par le médicament. Une

grande partie des troubles digestifs et des troubles généraux du bro-

misme peut êlre mise sur le compte de la stase intestinale qui favorise

l'absorption des matières septiques.

C'est guidé par cette présomption que j'ai essayé de pratiquer l'an-

tisepsie intestinale chez les malades menacés de perdre les avantages

de la médication bromurée il cause des manifestations cutanées, souvent

douloureuses et des troubles gastro-intestinaux, quelquefois précur-

seurs d'accidents plus graves.

L'antisepsie a été réalisée par l'administration quotidienne de

4 grammes de naphtol j3, préconisé par M. Bouchard, et de 2 grammes

de salicylate de bismuth, pris en deux fois. Les résultais de cette pra-

tique ont été assez satisfaisants, comme on pourra en juger par les

observations qui vont suivre.

260 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

Ons. Y. - S..., vingt-cinq ans. Nombreux enfants convulsifs dans sa

famille; a eu lui-même des convulsions de l'enfance jusqu'à sept ans. Depuis

l'âge de quatorze ans a fréquemment des attaques et des vertiges; léger

embarras de la parole.

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE. 261

TABLEAU X

202 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'L'l'1;Il : liE.

membre inférieur gauche et au niveau du coude droit. Etat saburral très

prononcé.

Naphtol et salicylate de bismuth.

21 mai. - Il n'existe plus d'éruption.

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE. 263

5 mai. Même état de l'éruption : naphtol et salicylate de bismuth.

9 août. 11 n'existe plus que quelques boutons affaissés dans le dos.

261 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

Si l'on ne tient pas compte des séries du mois de janvier, on voit que la

moyenne mensuelle des accès s'est abaissée de 5,83 à 4,27.

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE. 265

266 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S : ILI'E1'RIItE.

Acné de la face, liqueur de Fowler, 8 gouttes par jour.

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE. 267

il juin. - Éruption d'acné confluent sur la face, naphtol et salicylate

de bismuth. L'acné a disparu, le malade travaille et prend plutôt de l'em-

bonpoint (50 kil. 500 le 12 août 18'JO au lieu de 48,500 le 24 avril 1889).

. Tableau XVI

268

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTIUËRE.

Tableau XVII

BROMURATION ET ANTISEPSIE INTESTINALE.

269

Tableau XVIII

270

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.H\'ITJ : 1ÈJ : E.

Tableau XIX

NOUVELLE Iconographie de la SALPLTRIÈtE T. : 1 : . PL XL

PHO'IOTYP6 NtGATi1' A. LOND6 PHOTOCOLLOGRAPHtECHLEEïLONGUCT

' ÉRUPTION BROMIQUE

LECROSNIER & BABÉ

NOUVELLE Iconographie de la SALPÊTRIÈRE £ T. : 1 : . PL xLi

PHOTOTYPE NSGATIF A. LONDE PHOTOCOLLOORAPHL6 Chêne ET LONGUET

' ÉRUPTION BROMIQUE

LECROSNIER & BABÉ

- ÉDITEURS

Il nO1 U £ lA TION ET ANTISEPSIE INTESTINALE.

271

Tableau XX

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES '

Travail du Laboratoire de M. le professeur Charcot

- (Suite el fini)

L'histoire clinique si soigneusement recueillie par M. le professeur

Ilayem offre un très grand intérêt. Disons tout d'abord que le dia-

gnostic qui avait été formulé il y a vingt ans par cet observateur était

celui de : paralysie spinale aiguë. Il est certain qu'à cette époque, où

toute atrophie musculaire était censée relever d'une altération de la

moelle, où il n'était pas même question des névrites en général, et

encore moins de la polynévrite amyotrophique en particulier, ce dia-

gnostic s'imposait pour ainsi dire.

On avait affaire, en effet, à une atteinte de paralysie atrophique

généralisée, précédée d'un raptus fébrile, paralysie ayant plus ou

moins rétrocédé ultérieurement, phénomènes dont le groupement

paraît, même aujourd'hui, caractéristique à un premier examen.

N'est-ce pas dans une erreur de ce genre, que semble être tombé

M. Déjerine à propos d'une observation qui offre avec la nôtre de

nombreuses analogies ?

Toutefois l'étude plus approfondie de ce cas va nous montrer qu'il

diffère cliniquement à bien des égards de la paralysie spinale aiguë de

Duchenne. Rappelons que cet éminent clinicien fait reposer le dia-

gnostic clinique de cette dernière forme sur les bases suivantes :

d, Début subit de la paralysie en général avec fièvre, ou quelquefois

sans fièvre, avec ou sans convulsions (fièvre ne durant guère que trois

à huit jours);

2° Paralysie complète ou en masse au début, allant en diminuant,

et se localisant ensuite dans un plus ou moins grand nombre de

muscles;

3° Contractilité électrique affaiblie dès la première période dans les

muscles paralysés, en raison directe du degré de la lésion de leur

innervation; retour après un certain temps de cette contractilité élec-

trique dans les muscles dont le tissu n'a pas été altéré ;

4° Déformations partielles et variées des membres dans une période

très avancée ;

5° Pas de troubles des sphincters, ni de la santé générale.

1. Voy. les n™ 4 et 5, 1890.

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 273

' Dans notre observation, l'affection a débuté insidieusement, et non

pas brusquement; ce sont tout d'abord, pendant une huitaine de jours,

des troubles généraux de la nutrition, et des désordres du côté de

l'appareil digestif qui ouvrirent la scène ; puis, il survint ensuite un

affaiblissement progressif des membres.

Enfin, à son entrée à l'hôpital, l'état de la malade « présente les

caractères de l'ivresse » ; elle a un délire intense, qui nécessite l'em-

ploi de la camisole, et qui se prolonge huit jours. Au bout de ce

temps, la paralysie rétrocède en partie. Cette histoire diffère considé-

rablement, comme on le voit, de celle de la paralysie spinale. :

De plus, il survient une récidive (c'est alors que la malade entre

dans le service de M. Ilayem), et cette fois encore ce sont des sym-

ptômes gastriques très accusés qui figurent les phénomènes initiaux.

De même qu'à la première atteinte il survient un délire violent. Enfin

un état général grave - état cachectique, alternatives de diarrhée et

de constipation, insomnie, cauchemars - se maintient pendant deux

mois. On se rend compte, sans qu'il soit besoin d'insister, du peu de

ressemblance qu'affecte, de même, cette deuxième attaque avec la

poliomyélite.

L'étude ultérieure de la malade confirme, au besoin, cette manière

de voir. Les muscles, des extrémités principalement, s'atrophient, et

on observe des phénomènes de régression, mais ceux-ci sont peu

marqués, et ne procèdent pas comme dans la paralysie spinale. Le

retrait de l'atrophie ne se fait pas par membres ou par groupes de

muscles, mais d'une façon générale, en diminuant régulièrement, du

tronc aux extrémités, qui, elles, demeurent atrophiées. Ajoutons

enfin, qu'à aucun moment, on ne peut ni constater ni provoquer de

secousses fibrillaires des muscles.

Ce n'est là, à aucun point de vue, la symptomatologie ni l'évolution

de la paralysie spinale.

Après ces signes négatifs en quelque sorte, il nous reste à faire

ressortir les particularités qui plaident en faveur de l'affection connue

sous le nom de polynévrite; quelques-uns des symptômes que nous

allons rappeler à cet égard sont déjà intéressants par eux-mêmes, en

dehors de leur valeur diagnostique. '

Ce sont l'état général grave, le délire, les oedèmes et les troubles

vaso-moteurs. Cet état d'adynamie, de cachexie même, avec troubles

gastriques très accusés, diarrhée et vomissements, le tout déterminant

un amaigrissement et une faiblesse intenses, a été noté lors des deux

poussées de la maladie, qui, quelle qu'elle soit, a laissé à sa suite l'atro-

phie irrémédiable. Des phénomènes du même ordre ont été notés en

des cas analogues, dits de polynévrite.

274 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1'L'l'ILI$RE.

Il en est ainsi du délire intense nécessitant l'emploi de la camisole.

Ce trouble est signalé dans l'observation de M. Déjerine et par d'autres

auteurs, en particulier par Korsakoff, à propos de la maladie qu'il

décrit sous le nom de psychose polynévritique '. Quant aux oedèmes

relevés dans notre observation, ils paraissent avoir été cachectiques.

Les troubles qui ont été surtout l'objet des études attentives de

M. Ilayem sont les désordres vaso-moteurs. Il y a eu, en effet, des varia-

tions de températures très manifestes d'un membre à l'autre, et même

du même membre à différents moments. Les détails de l'observation

que nous reproduisons donnent exactement la nature de ces oscilla- :

tions thermiques. Or, des troubles vaso-moteurs tout à fait compa-

rables ont été déjà rapportés en des cas de névrite traumalique.

Au point de vue des résultats de l'examen microscopique, les

lésions observées ont consisté, en ce cas, en des altérations intenses

pour les muscles, minimes pour les nerfs, presque nulles pour la

moelle.

Quelles relations existent entre ces dernières et diverses altérations ?

On peut, croyons-nous, mettre dès l'abord hors de cause les quelques

modifications que présentait la moelle. Elles se réduisaient, en effet, à

une diminution peu marquée du réseau fibrillaire, et du nombre des

cellules des cornes antérieures, ainsi qu'à de légères déformations, ou

à la pigmentation exagérée de certains de ces éléments. Ce ne sont pas

là les caractères d'une myélite diffuse, mais bien les désordres qu'on

constate ordinairement dans les moelles séniles. D'autre part, la région

des cornes ne présentait en aucun point de sclérose en foyer.

En réalité, ces marques de sénilité de la moelle épinière ne peuvent

être invoquées comme ayant déterminé l'atrophie musculaire qui,

elle, a débuté vingt ans auparavant. Bien que les altérations muscu-

laires soient intenses, il ne semble pas qu'il se soit agi d'une myopa-

thie primitive, au sens attribué à ce mot : l'histoire clinique, comme

la distribution anatomique des lésions plaident également contre

cette hypothèse.

Il ne nous reste à invoquer que les dégénérations des nerfs péri-

phériques. Or celles-ci présentent des particularités qu'il importe de

préciser. Dans ce qui suit, nous nous en tenons aux membres supé-

rieurs, qui offraient, en somme, le maximum de lésions.

Ainsi qu'on l'a vu, les troncs nerveux de ce membre, le médian et

le cubital, examinés même au niveau de leur terminaison, au poignet,

ne renfermaient qu'un très petit nombre de fibres dégénérées, et cela

au point que leurs lésions à cet endroit seraient presque contestables.

1. S. Korsakoff, Gazette de Rotkin, 1889, n" 5 et 7. - .1 ! erli<iniskoë Oborienié, 1889,

n° 13.

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 15

Dans les rameaux nerveux interfasciculaires, se distribuant à des

fascicules tertiaires par exemple, la dégénération est plus accentuée, il

est vrai, mais seulement sur quelques-uns de ces rameaux qui se

rendent à des fascicules sclérosés. La lésion n'est vraiment très marquée

que sur les rameaux qui se terminent dans des fascicules secondaires

fortement altérés eux-mêmes.

En somme, les lésions des nerfs sont tout à fait parallèles à celles

des faisceaux musculaires, et ne s'étendent pour ainsi dire pas en

longueur.

Au point de vue histologique pur, le diagnostic de névrite périphé-

rique ne peut à notre avis, dans un cas de ce genre, être formulé que

par exclusion.

Nous nous réservons de revenir sur l'interprétation qui nous parait

convenir à cette observation dans ce dernier paragraphe consacré à

l'examen comparatif des faits.

IV

De l'exposé seul de ces documents, il ressort suffisamment qu'il

existe des paralysies amyotrophiques qui présentent la symptoma-

tologie de la paralysie spinale, aiguë et subaiguë, de Duchenne, et sont

bien, comme l'avait pressenti cet observateur, la conséquence d'une

lésion des cellules ganglionnaires des cornes antérieures de la

moelle. De même il est permis d'affirmer qu'il existe également des cas

présentant avec les premiers une certaine analogie clinique, et dans

lesquels on ne peut déceler d'altérations fondamentales de la région

motrice de la moelle.

Il ne serait donc pas légitime de s'autoriser de ces derniers pour,

négligeant les premières observations, en conclure à l'abandon de la

théorie médullaire de paralysies spinales.

Mais ces faits présentent-ils entre eux d'autres rapports que les

analogies cliniques que nous avons signalées ? A cet égard, l'étude de

notre seconde observation pourrait être instructive. Cliniquement, elle

se rapproche d'un groupe morbide étudié récemment par Korsakoff,

ainsi que nous l'avons dit, sous le nom de « cérébropathie psychique

toxhémique » ou « psychose polynévritique ».

Cette affection a été décrite mais n'a pas été différenciée, jusqu'au

premier travail publié par cet auteur dans le journal de Mierjewski

(vol. IV, fasc. II).

Cette maladie serait caractérisée anatomiquemcnt par une poly-

névrite, et cliniquement par des signes plus ou moins accusés du

270 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

côté des extrémités et de la sphère cérébrale. Ce sont, d'une part, des

paralysies amyotrophiques et des troubles de la sensibilité, d'autre

part de l'agitation et du délire, ou encore de la dépression mélan-

colique, ou enfin et surtout de l'amnésie rétrograde.

Korsakoff a réuni seize observations sur lesquelles il base son travail ;

dans quelques-unes, nous notons un début subit avec fièvre, douleurs

abdominales (obs. IV, VII; VIII, IX, XII), vomissements, état adyna-

mique, puis agitation et délire, en même temps que parésie amyotro-

phique paraplégique, ou des quatre extrémités. L'auteur pense qu'il

s'agit d'une maladie générale selocalisant soit également sur l'encéphale e

et les nerfs périphériques, soit plus spécialement sur le centre ou sur

les extrémités. Borchtchoffl a publié, depuis, une observation sous le

même titre. On en peut rapprocher enfin un cas tout à fait récent de

Kahler2 ainsi qu'un fait de Pollc 3. L'affection, après ce stade aigu, d'une

durée variant entre quelques jours et un mois, se termine soit par la

mort soit parla guérison, ou encore laisse une paralysie amyotrophique

stationnaire. Ce dernier trouble présente aussi des améliorations.

On voit que notre cas, de même que celui qu'a publié récemment

M. Déjerine, offre une analogie assez étroite avec la « psychose poly-

névritique».Dans toutes ces relations, on note en effet un stade de début

sous forme d'état général fébrile, du délire, et des paralysies amyotro-

phiques ; celles-ci ultérieurement rétrocèdent plus ou moins ou restent

stationnaires.

Quoi qu'il en soit, les troubles de la nutrition et les phénomènes

cérébraux ont acquis dans l'observation que nous présentons une

intensité exceptionnelle et peu en rapport avec une lésion primitive

des nerfs périphériques.

Au point de vue anatomique, le même cas offre des difficultés

d'interprétation. il est entendu que les lésions de l'axe spinal ne

pouvaient être incriminées. Mais d'autre part les altérations des nerfs

eux-mêmes n'étaient certes pas en rapport avec l'intensité de l'atrophie.

Celle-ci, aux membres supérieurs en particulier, portait surtout sur

l'éminence thénar. Or, le nerf médian présentait, il est vrai, quelques

fibres ayant subi la dégénérescence parenchymateuse; mais cette faible

altérationne suffit, paspour expliquerl'atrophie. On pourrait supposer,

que la lésion du tronc nerveux a été intense autrefois, et que l'aspect

1. Borchtchoff. 11ledi : <iniskoë Obozrienié, f80, n° 6, p. G6,). Nous devons la connais-

sance et la traduction de ces documents à M. Zagueliuaun, que nous remercions avec

empressement de son obligeance.

2. Kahler, Ueber Nevrilis multiplex (Wiener medhinisclie Presse, 1890, 11" 2, 8, 10,

pu88).

3. Polk, Mania and Multiple nevrilis in prerJnancey (.1'ew-I'nrlr médical Journal, 25 jan-

vier 1890, p. 520).

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 277

actuel est la conséquence d'un processus de régénération; mais le

parallélisme des altérations des petits nerfs intra-musculaires et des

faisceaux des muscles eux-mêmes nous semble plaider plutôt pour

l'hypothèse d'un agent pathogène qui aurait exercé une action égale

sur ces deux ordres d'éléments.

Quelle serait la nature de cette maladie ? On ne saurait tenir grand

compte des allégations de la malade à l'égard du facteur étiologique

professionnel qu'elle invoquait; sa sincérité étant au moins douteuse,

à ce que nous a dit M. le professeur Ilayem.

On peut se demander s'il ne s'est pas agi d'une alcoolique qui, sous

l'influence d'une maladie générale grave, aurait réalisé des paralysies

toxiques particulièrement intenses ? Mais cette affection générale elle-

même n'est pas déterminée.

La distribution des lésions qui atteignent leur maximum aux extré-

mités semble assez en rapport avec l'hypothèse d'un agent toxique.

On conçoit en effet que les désordres aient un pareil siège dans cette

hypothèse pour deux raisons : la première serait le ralentissement de la

circulation périphérique y permettant une action plus prolongée des

substances nuisibles, la seconde, la moindre résistance de ces extré-

mités.

Quoi qu'il en soit, au point de vue des relations des névrites mul-

tiples avec les poliomyélites antérieures, ce cas semblerait tout d'abord

venir à l'appui de l'opinion de Strumpell, acceptée par M. Raymond,

opinion d'après laquelle une cause infectieuse pourrait atteindre soit

simultanément, soit séparément n'importe quelle partie de l'appareil

représenté par ses trois organes; cellules ganglionnaires des cornes

antérieures, fibre nerveuse motrice, fibre musculaire.

Cependant l'arc neuro-musculaire, envisagé dans sa conception la

plus générale, est beaucoup plus complexe. Cet arc se compose en réa-

lité, non seulement des cellules ganglionnaires des cornes antérieures,

de la fibre nerveuse motrice et de la fibre musculaire, mais encore et

surtout des régions correspondantes de l'écorce cérébrale, qui en re-

présentent même l'élément essentiel.

Or, à notre avis, on devrait, dans la question, tenir le plus grand

compte de l'influence que peuvent exercer certaines parties des centres

psycho-moteurs de l'écorce cérébrale sur la nutrition des muscles.

Leur action trophique en général ne fait pas de doute; récemment

M. Ch. Richet' avait occasion de le rappeler, à propos des résultats

expérimentaux qu'il communiquait à la Société de Biologie. Cet auteur,

tout en reconnaissant que des faits du même ordre ont été signalés

1. Ch. Richet, Soc. de Biologie, séance du 31 mai 1890.

278 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DL LA S1LP1 ? l'ltlÈltl : .

dans la pathologie humaine, rapportait des observations de troubles

trophiques bilatéraux survenus chez des chiens à la suite d'une lésion

cérébrale.

Quant à l'influence trophique des centres corticaux sur la nutrition

des muscles en particulier, elle a été mise en évidence par un ensemble

de faits d'ordre anatomique, clinique et expérimental.

On sait, au point de vue anatomique, que M. Babinski a observé un

cas d'hémiplégie, avec atrophie musculaire, dans lequel l'absence de

toute lésion des nerfs périphériques et de la moelle épinière lui a

fait rapporter logiquement le trouble amyotrophique à l'altération du

cerveau. Ce fait n'est pas isolé.

D'autre part, ne voit-on pas, cliniquement, les paralysies psychiques

de l'hystérie se compliquer fréquemment d'atrophie musculaire (Char-

cot, Babinski).

Le rôle de l'écorce vient d'être enfin démontré expérimentalement,

il y a peu de temps, par M. Raymond dans ses études sur la pathogénie

des atrophies musculaires d'origine articulaire'.

Cet observateur a constaté que l'atrophie musculaire qui se montre

dans un membre dont une articulation a été lésée était accélérée par

l'absence physiologique des cordons latéraux chez les animaux nou-

veau-nés, et par leur destruction chez les adultes. Il pense que ce

n'est pas dans les faisceaux blancs de la moelle eux-mêmes qu'il faut

chercher la cause de cette influence accélératrice. Il incline à croire

« que l'atrophie musculaire consécutive aux arthropathies traumatiques

n'est dans une certaine dépendance de l'état des cordons latéraux, que

parce que ceux-ci desservent les communications entre les centres

psycho-moteurs du cerveau et les centres trophiques de la moelle' ».

Voici, dit-il, comment nous nous représentons les choses :

« On sait que les centres psycho-moteurs exercent une influence régu-

latrice sur le pouvoir excito-moteur de la moelle. Que les communi-

cations entre les centres psycho-moteurs et la substance grise (système

antérieur de la moelle) se trouvent interrompues, et du même coup on

verra se développer une exagération morbide des phénomènes réflexes.

On peut se représenter que certaines portions des centres psycho-

moteurs exercent une influence régulatrice analogue sur les centres tro-

phiques (cellules ganglionnaires des cornes antérieures) de la moelle.

Que ces centres trophiques cessent d'être en communication avec leurs

centres régulateurs compris dans la zone psycho-motrice, et toute irri-

tation qui s'exercera sur eux engendrera des effets dystrophiques

beaucoup plus prononcés. Voilà comment peut s'expliquer l'influence

1. Raymond, Revue de médecine, mai 1890, p. 385. -

POLIOMYÉLITES ET POLYNÉVRITES. 279

accélératrice que la section des cordons latéraux exerce sur la marche

de l'atrophie d'origine arthropathique. »

Que l'on considère maintenant, au point de vue qui nous intéresse,

que la participation des centres corticaux au complexus clinique a été

attestée dans toutes les observations de polynévrite que nous avons

relatées. Rappelons, à cet égard, que des désordres psychiques et

moteurs sont mentionnés dans tous ces cas, où ils se sont montrés

en général sous forme de délire intense plus ou moins prolongé, de

paralysies et de convulsions.

Etant données alors, d'une part la notion du rôle que jouent les centres

cérébraux dans la pathogénie de quelques atrophies, d'autre part la

constance des manifestations cliniques d'ordre cérébral dans le tableau

de cette variété de polynévrites amyotrophiques, ne paraît-il pas

rationnel de supposer que ces cas ressortissent, jusqu'à un certain

point, à.une lésion primitive des centres cérébraux, lésion réparée ou

indéterminée au moment de l'examen nécroscopique ?

M. PillieL 1, qui a formulé une hypothèse semblable en ce qui con-

cerne la myopathie pseudo-hypertrophique, rappelle que cette concep-

tion, pour ce qui a trait à la paraplégie hypertrophique de l'enfance,

appartient à Duchenne de Boulogne2.

En résumé :

1° Il existe des formes morbides dont l'expression clinique corres-

pond exactement à la maladie décrite par Duchenne sous le nom de

paralysie spinale antérieure aiguë et subaiguë de l'adulte. Ces formes

sont en réalité, selon les prévisions de cet auteur, sous la dépendance

de lésions des cornes antérieures de la moelle.

2° On observe, d'autre part, des complexus symptomatiques plus ou

moins analogues aux précédents au point de vueclinique et dont l'évo-

lution peut même entraîner la confusion diagnostique, qui ne recon-

naissent pas pour cause des lésions appréciables de la moelle épinière.

3° On ne peut affirmer absolument, dans certains de ces derniers cas

que les désordres soient liés à la présence des névrites périphériques

qu'on y constate.

4° Il y a lieu, selon nous, de supposer que les centres cérébraux dont

la participation au processus est attestée par les signes cliniques jouent

un rôle pathogène dans les cas de ce genre (polynévrites amyotro-

phiques s'accompagnant de troubles psycho-moteurs).

5" Il ne nous paraît pas possible, actuellement, de fixer d'une façon

certaine les relations qu'affectent entre elles les paralysies amyotro-

1. l'lilial, Revue de médecine, mai 1890, p. 408.

2. Arch. (Gaz. de méd., 1868).

280 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËHE.

phiques des poliomyélites et des polynévrites. Toutefois l'hypothèse

qui nous semble la plus plausible à cet égard, hypothèse qui a déjà été

formulée, mais dans un sens plus restreint, est celle d'une lésion de

l'arc neuro-musculaire (cellules cérébrales motrices, cellules ganglion-

naires de la moelle, nerfs moteurs, muscles), par un agent pathogène

se localisant plus ou moins intensivement sur les diverses parties de

cet appareil. -

PAUL BLOCQ, G. MARINESCO,

Chef des travaux anatomo-patliologiqucs Assistant à l'Institut de pathologie

à la Salpêtiicre. expérimentale de Bucarest.

UN CAS D'ÉLÉPHANTIASIS NOSTRAS

SYMÉTRIQUE DU PIED ET DE LA JAMBE

On a cru pendant longtemps que l'éléphantiasis était une maladie

propre aux pays tropicaux. On sait aujourd'hui qu'elle n'est pas excep-

tionnelle chez nous : il en existe des cas incontestables quoique rela-

tivement rares.

C'est en raison de cette rareté relative et surtout de certaines particu-

larités cliniques intéressantes que nous rapportons l'observation qui

va suivre et que nous avons eu l'occasion de prendre dans le service

de M. le professeur Charcot.

Bathilde F..., âgée actuellement de cinquante ans, chemisière, est

entrée le 8 août z1882, salle Cruveilhier, à la Salpêtrière, dans le ser-

vice de M. Charcot.

Antécédents héréditaires. - Au point de vue spécial qui nous occupe,

les antécédents héréditaires de notre malade ne présentent rien d'inté-

ressantà noter. Sa mère est morte cette année même, à l'âge de quatre-

vingts ans, des suites de l'influenza ; elle souffrait depuis une quinzaine

d'années d'une bronchite chronique.

Son père était obèse; il est mort à quarante-neuf ans d'une attaque

d'apoplexie cérébrale.

- Elle a eu douze frères ou soeurs : huit sont morts en bas âge; deux

autres à l'âge adulte, l'un de tuberculose pulmonaire, l'autre d'accès

d'épilepsie dans une maison de santé. Il lui reste aujourd'hui deux

frères; l'un est rhumatisant et l'autre en parfaite santé.

Ses grands parents, ses collatéraux n'offrent aucune tare patholo-

gique digne de remarque. Aucun membre de sa famille n'a jamais pré-

senté une affection analogue àla sienne; ses parents n'ont jamais quitté

la Bourgogne, où ils sont nés. ,

Antécédents personnels . - Bathilde F... est née à Seicy, aux envi-

rons d'Auxerrc, dans un pays de vignobles, non marécageux, où la

fièvre paludéenne est inconnue; elle y a vécu jusqu'à l'âge de quatorze

ans, sans avoir eu d'autre maladie que la rougeole.

Réglée à onze ans, ses règles ont toujours élé régulières depuis.

A quatorze ans, elle vient à Paris, où elle est restée depuis lors;

d'abord femme de chambre, elle est entrée bientôt dans la bonneterie;

m. 19

3M NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 5.11.1'r : 'l'lill'sluls.

elle n'a connu ni la misère ni les privations; elle n'a jamais habité de

chambre humide. '

A vingt ans, elle se marie; elle n'a pas d'enfants et n'est pas heureuse

en ménage.

A vingt-cinq ans, elle a la variole.

Début de la maladie- actuelle. En 1871 (la malade avait alors

trente ans) elle avait été rejoindre son mari en Bourgogne. Un jour,

après une marche excessive à travers champs, elle fut prise de vives

douleurs dans le pied droit, qui se mit à entier; obligée de garder le

lit, elle fait appeler un médecin qui porte le diagnostic de goutte.

Ce gonflement du pied qui, au dire de la malade, ne se serait pas

accompagné de rougeur, ne disparut complètement qu'au bout de trois

mois. Et depuis cette époque elle a toujours ressenti de la douleur,

des crampes dans les jambes avec fatigue rapide dans la marche.

En 187, elle aurait eu une sciatique double accompagnée de gon-

flement dans les deux pieds. Cet oedème était blanc, douloureux, sans

adénopathie inguinale; il disparut complètement, au bout, de deux

mois, en même temps que les douleurs névralgiques.

En 1879, elle est prise de métrorrhagies et de douleurs abdominales

symptomatiques d'un corps fibreux de l'utérus ? qui l'obligèrent à

rentrer à l'hôpital Tenon, dans le service de M. Delens. Ces hémorrha-

gies cédèrent en trois mois à des injections hypodermiques d'ergotine.

En 18880, sans cause connue cette fois, elle éprouva de violentes dou-

leurs dans les deux pieds. En même temps elle ressentit quelques

vagues douleurs rhumatismales dans les poignets et dans les épaules.

Ces douleurs s'accompagnèrent de gonflement des deux pieds; comme

l'oedème, elles étaient beaucoup plus marquées du côté droit, et tandis

que le pied gauche reprenait bientôt son volume normal, le droit au

contraire est resté depuis oedématié. Cet oedème siégeait sur la face

dorsale du pied, sous forme de petite tumeur. C'est dans cet état

qu'elle rentrait en 1881 à Lariboisiôre, dans le service de M. Bouchard.

On lui aurait prescrit du salicylate de soude et des bains de vapeur.

En 1882, elle est admise à laSalpêtriére; elle portait alors unepetite

tumeur oedémateuse sur le dos du pied droit : c'est à peine si le pied

gauche présentait dans la même région une légère tuméfaction.

Depuis cette époque, c'est-à-dire depuis huit ans, sans nouvelle crise

aiguë, l'oedème du pied droit s'est progressivement accru; il a gagné

peu à peu le cou-de-pied et la jambe correspondante. Du côté gauche,

le gonflement est resté pour ainsi dire ébauché; ce n'est que depuis

trois ans qu'il a insensiblement augmenté de volume et d'étendue pour

aboutir à des déformations analogues à celles du côté opposé.

État actuel. - Ce qui frappe au premier abord chez notre malade,

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE la Salpètrière T. : 1 : , PL XLII

PHOTOTYPE N'GATIr A. LONDE PHOTOCOLLOGRAPH16 Chêne ET Longuet

ÉLÉPHANTIASIS NOSTRAS

LECROSNIER z bayé

UN G'.1S D'ÉLÉPHANTIASIS NOSTRAS. 283

c'est l'augmentation de volume et les déformations des pieds et de la

moilié supérieure des jambes; c'est la bilatéralité, la symétrie et la

localisation parfaite des lésions.

- La planche XLII et la figure 741 nous dispenseront d'entrer dans de

longs détails à ce sujet; elles parleront mieux aux sens qu'une descrip-

tion minutieuse. 1

Le membre inférieur droit présente depuis dix ans une déformation

qui est aujourd'hui considérable, presque monstrueuse. Celle défor-

mation, qui a débuté par le pied, est limitée actuellement au pied et à

la jambe, ou plus rigoureusement à certaines régions de ces deux seg-

ments qu'il nous faut préciser.

La plante du pied est complètement respectée ainsi, du reste que les

orteils, les bords interne et externe, le talon.

Sur la face dorsale, siège une saillie énorme, occupant la presque

totalité de cette face et débordant considérablement le bord externe du

1. Ces dessins sont dus à l'obligeance de M. Escat, externe du service de la Clinique.

Fie. ï 4.

284 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

pied, qu'elle recouvre et surplombe. Cette tumeur, nettement circon-

scrite il sa base d'implantation, est séparée en haut du cou-de-pied par

un sillon profond répondant à l'articulation tibio-tarsienne.

La jambe et le cou-de-pied forment une série de bosselures, de lobes

(éléphantiasis lobaire) au niveau de l'articulation. La tuméfaction inté-

resse le mollet, et immédiatement au-dessus va en s'atténuant peu à

peu, sans atteindre le genou, qui est tout à fait normal.

Au niveau des régions hypertrophiées la peau est lisse et unie (élé-

phantiasis loevis) sèche et glabre, luisante, sans changement de colo-

ration ni de température. Elle est intimement unie au tissu cellulaire

sous-cutané, ce qui en rend le glissement impossible. La moindre

pression y est douloureuse; sa consistance est assez ferme, élastique

et permet l'impression du doigt et la formation d'un godet lent à dis-

paraître.

Pas de réseauveineux superficiel, pas de cordons lymphatiques.

Pas de trouble trophique ni de la sensibilité, sauf une douleur

exquise sur laquelle nous allons revenir.

Impotence absolue. Lorsque la malade veut changer son pied de

position, pour se délasser, elle le prend avec ses mains, et cela non

sans précautions infinies.

Dans le membre supérieur gauche, les déformations semblent cal-

quées sur celles du côté droit, seulement la tuméfaction est un peu

moins considérable, à la jambe notamment, où elle ne dépasse pas le

tiers inférieur. L'aspect de la peau est absolument identique.

A droite comme à gauche, le genou, la cuisse, les organes génitaux

externes ont un volume et un aspect normal. Il en est de même des

membres supérieurs, du tronc, du cou et de la face. Nulle part, on ne

trouve aucun vestige d'oedème éléphantiasique, aucune trace

d'adénite.

Si nous ajoutons que les divers viscères, le coeur, le foie, la rate, etc.,

sont normaux, que l'état général est excellent, la nutrition aucune-

ment troublée, nous aurons pleinement justifié pour cette observation

d'éléphantiasis l'expression de maladie « locale et localisée »', que

lui donne M. Besnier.

Il s'agit donc de déformations oedémateuses localisées au pied, au

cou-de-pied et à une partie de la jambe. Cette localisation régulière-

ment circonscrite est du reste la règle dans l'éléphantiasis, « maladie

locale et localisée, le plus ordinairement limitée à certains départe-

ments organiques»2.

1. Besnier, Gaz. Hop., 1878.

2. Besnier, loc. cil.

UN CAS D'ÉLÉPIIANTIASIS N0STRAS. 285

- Dans les membres inférieurs, n'existe nulle part aucune trace

d'inflammation ancienne, d'ulcération, etc. ,

Par contre, au niveau des régions oedématiées, la sensibilité est alté-

rée. Le contact, la piqûre, le chaud et froid sont normalement perçus.

Mais il existe une douleur exquise que la moindre pression, le plus

petit mouvement, exaspèrent au point d'arracher des cris à la malade.

Aussi redoute-t-elle tout examen et tout déplacement. Les pieds et les

jambes enveloppés d'une épaisse couche d'ouate, les couvertures

maintenues à distance par un cerceau, elle garde l'immobilité la plus

absolue. Elle ne peut supporter qu'une infirmière lui enveloppe ses

membres; elle s'acquitte elle-même de ce soin avec la plus grande

précaution.

Ces douleurs se calment lorsque la malade reste immobile, sans dis-

paraître cependant. Elles sont continuelles quoique atténuées et tolé-

rables ; elles s'exagèrent lorsque le temps est orageux ou humide, et

parfois la nuit la privent de sommeil.

Soit à cause de cette douleur, soit en raison de l'énorme volume des

membres inférieurs, la malade est réduite à une impotence absolue.

Depuis huit ans elle n'a pas quitté le lit : sans mouvements, à demi

assise sur son lit, les jambes écartées et légèrement fléchies, elle garde

continuellement l'attitude de la planche XLII.

L'examen des urines ne révèle rien d'anormal; elles sont claires,

sans albumine ni sucre.

Nous avons fait l'examen du sang à diverses reprises, le soir à dix

heures, et nous n'avons jamais pu y déceler la présence de la fila1'ia

sangninis. Nous avons également cherché la filaire dans les urines,

dans la sérosité de l'oedème, et toujours avec le même insuccès.

L'observation que nous venons de rapporter avec quelques détails

rentre dans le cadre classique de l'éléphantiasis des Arabes. Elle est

classique en ce sens que l'affection siège aux membres inférieurs,

qu'elle est rigoureusement et nettement localisée à certains segments,

qu'elle s'est établie lentement à la suite d'une série deparoxysmes suc-

cessifs, etc., etc. '

Elle présente cependant quelques particularités originales, au point

de vue de son étiologie, de son siège, de son évolution et de ses carac-

tères cliniques.

Il y a vingt ans, premier accès éléphantiasique avec localisation

oedémateuse sur la face dorsale du pied droit. Après un intervalle de

trois ans, deuxième accès précédé de douleurs névralgiques le long des

sciatiques et localisé aux deux pieds. Les renseignements donnés par

la malade sont trop incomplets, à cette longue distance, pour qu'on

puisse se faire une conviction ferme sur la nature de cette goutte et de

zig NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈT)UËf ! E.

cette sciatique double. Il se pourrait bien qu'il ne se fut agi dans les

deux cas que d'une crise éléphantiasique douloureuse.

Quoi qu'il en soit, après une longue rémission de six ans, à l'occa-

sion de douleurs rhumatismales articulaires est survenue un nouvel

accès avec oedème bilatéral et définitif des pieds.

Ainsi cet oedème éléphantiasique, après trois crises douloureuses

séparées par des années d'accalmie complète, a mis dix ans avant de

s'installer définitivement. Et puis il a progressé sourdement, lente-

ment, avec une préférence très marquée pour le côté droit, sans nou-

velle poussée paroxystique. D'abord unilatéral, il n'est que plus tard

devenu bilatéral. Et aujourd'hui encore l'inégalité de volume des deux

pieds est une preuve objective de l'inégale ancienneté des lésions (cir-

conférence des pieds, à droite 38 centimètres, il gauche 33 centimètres).

Cette bilatéralité est en outre assez rare dans l'éléphantiasis. Tous

les auteurs s'accordent à dire que l'oedème hypertrophique ne frappe

d'habitude qu'un seul membre. Elle n'est pourtant pas absolument

exceptionnelle. En parcourant le musée de l'hôpital Saint-Louis, nous

en avons remarqué un exemple bien démonstratif qui est inscrit au

Fie. 73.

UN CAS D'ÉLÉPII.1NTI.1SIS NOSTRAS. 287

catalogue sous le numéro 292. Ce moulage ! représente (fig. 75) un

éléphantiasis des Arabes siégeant aux deux jambes et affectant, comme

dans notre cas, une symétrie parfaite. Nous avons également trouvé

dans ce môme musée un moulage dont nous donnons le dessin dans la

figure 76 et sur lequel le nôtre semble calqué, si, faisant abstraction

d'une ou deux ulcérations cutanées qui manquent dans notre cas, on

ne considère que la configuration extérieure et l'unilaléralilé de la

lésion.

Outre ces caractères matériels, nous avons mentionné dans notre

observation l'existence de douleurs spontanées et provoquées, conti-

nuelles, tolérables d'ordinaire, atroces par moments. C'est encore la un

fait exceptionnel. « Subjectivement, l'éléphantiasis de la jambe n'est

pénible que parce qu'il empêche de se servir du membre... Il ne devient

douloureux qu'au moment des manifestations inflammatoires ou à la

suite de complication ? »

Nous signalerons enfin l'absence, sinon antérieure, du moins actuel le,

d'adénopathie. 11 se peut cependant que l'adénite ait jadis passée

1. Muséodel'liùpital Saint-Louis, n°29-2. 1, lépha ii liasis (les 11-(1 bes (j(iiii bes), Gui lotit, 1S73.

2. Kaposi, Leçons sur les maladies de la peau (Tr.id. et annotées par MM. Résilier et

Doyon, 1881, 1). lu8).

Fic.76.

288 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

inaperçue, aussi bien que l'inflammation des régions affectées, dont la

malade ne semble pas avoir gardé le souvenir. Il faut du reste savoir

que dans nos pays l'adénopathie est d'ordinaire peu marquée. « Rare-

ment, dit M. Besnier, vous rencontrerez dans nos climats les adéno-

pathies inguinales intenses, les cordes lymphatiques saillantes ou même

les traînées rubanées de la dermo-lymphangite lacunaire qui signalent

d'une manière si remarquable les accès éléphantiasiques dans d'autres

contrées où l'affection s'observe à un degré plus intense'. »

En résumé, l'observation précédente a trait à un cas d'éléphantiasis

intéressant au point de vue clinique. Comme dans de nombreux

exemples, les conditions étiologiques y sont assez obscures : absence

d'inflammation aiguë ou chronique des téguments, d'ulcération,

d'eczéma, de phlébite, etc., absence de cause locale ou centrale de stase

prolongée, à moins qu'on ne veuille faire intervenir la présence d'un

corps fibreux de l'utérus dont il ne reste plus de traces et dont l'exis-

tence antérieure est purement hypothétique. '.

D'autre part, notre malade a-t-elle eu réellement une al laque de

goutte, une sciatique double, un rhumatisme articulaire ? Sans vouloir

le nier, nous sommes plutôt porté à croire qu'il ne s'est agi dans l'espèce

que d'accès éléphantiasiques douloureux ayant revêtu le masque de ces

diverses affections.

L'examen du sang, de la sérosité et des urines ne nous a rien appris

sur la ftlaria sanguinis. Mais ce ne sont là que des examens négatifs

dont, étant donné l'état actuel de la science sur la filariose, nous ne

pouvons et ne voulons tirer aucune espèce de conclusion.

. A. Souques,

Interne (médaille d'or)

de la Clinique des maladies du système nerveux.

1. Résilier, loc. cil., p. 1013.

DE L'OPIITHALMOPLÉGIE EXTERNE

COMBINÉE A LA PARALYSIE GLOSSO-LABIO-LARYNGME

ET A L'ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE

LÉSION SYSTÉMATIQUE DES NOYAUX MOTEURS

(Polioencéphalomyélite)

(Suite 1)

L'évolution^ de l'ophtlialmoplégie est variable. Tantôt elle guérit,

comme dans les' cas de Gayet, Block, Etter, roebius; tantôt elle présente

des alternatives d'amélioration et d'aggravation comme dans l'observa-

tion de Camuset; tantôt elle reste stationnaire durant des années.

C'est ainsi qu'Alfred von Graefe rapporte dans son Compendium des

maladies des yeux l'exemple d'un malade, atteint depuis quinze ans

d'ophthalmoplégie externe totale et se portant d'ailleurs fort bien.

Strümpe113 a signalé un autre cas d'ophthalmoplégie restée invariable

pendant vingt-cinq ans. Frappé par le faciès du malade qui était

venu le consulter pour des douleurs rhumatismales, Strumpeit l'inter-

rogea et put reconstituer son histoire. « Le processus anatomique,

dit-il, est vraisemblablement représenté par une atrophie dégénéra-

tive de l'oculo-moteur, de l'abducens et du trochléaire. Le fait est inté-

ressant en ce que la lésion paraît localisée et éteinte depuis longtemps. »

Dans ces cas l'ophthalmoplégie externe constitue une affection isolée,

autonome, vivant d'elle-même ; elle n'a pas toujours une issue aussi

favorable. Même après plusieurs années t'ophthalmoplégie peut de-

venir envahissante, et à ce propos nous aurons l'occasion de citer plus

loin une belle observation de Lichtheim complétée par Dufour.

L'ophthalmoplégie externe et la paralysie glosso-labio-laryngée de-

viennent parfois envahissantes. Progressant en sens inverse, elles

gagnent l'une les noyaux moteurs du bulbe, l'autre les noyaux de la

protubérance, de manière à se combiner réciproquement. La paralysie

1. Voy. le numéro 5, 1890.

2. Camuset, Union médicale, 187G, p. 90G.

3. Strümpell, Ueber einen Fall von progressiver Ophthalmoplégie (Neurolog. Cen-

iralblall, 188G, n" 2, p. 25).

290 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.

bulbaire supélieure, que nous suivrons tout d'abord dans sa marche

progressive, s'attaque successivement à chacun des noyaux; elle descend

par degré, si bien qu'au début la paralysie bulbaire inférieure qui la

complique est à peine ébauchée.

Voici, pour commencer, un exemple de paralysie du facial supérieur :

Ons. V. - Ophthalmoplégie avec parésie du facial supérieur (Birdsall).

Malade de vingt-neuf ans, atteinte au début, qui remonte à six mois, de

diplopie d'abord intermittente, puis permanente, et plus tard de ptosis avcc

immobilité des deux yeux. Excitabilité électrique des muscles commandés

par le facial supérieur paraissant quelque peu affaiblie.

Grâce à l'usage de la faradisation et de l'iodure de potassium, amélioration

et arrêt de l'affection, qui persiste depuis deux ans.

Cette diminution de l'excitabilité électrique des muscles animés par

le facial supérieur n'a rien qui doive surprendre, puisque d'après cer-

tains auteurs ce nerf prend naissance dans le noyau de l'abducens et

non dans celui du facial : or, dans le cas présent l'abducens était para-

lysé. L'explication de la participation du facial supérieur à l'ophthal-

moplégie est encore plus simple si l'on accepte comme démonstratives

les expériences de Mindel sur les lapins et les cochons d'Inde nou-

veau-nés : lorsqu'on leur enlève l'orbiculaire des paupières, il en résulte

des lésions non du noyau du facial au bulbe, non plus que de l'abdu-

cens, mais exclusivement limitées à la partie postérieure du noyau de

l'oculo-moteur commun; ce serait donc de ce noyau que le facial supé-

rieur tirerait son origine; on conçoit dès lors que les muscles qu'il in-

nerve soient paralysés au même titre que les muscles des yeux.

La paralysie du facial inférieur n'est pas très-rare au cours de l'oph-

thalmoplégie. Elle est signalée dans les observations de Uhthoff, Ro-

senstein, Hutchinson, Rosenthal, pour ne citerque les cas de paralysie

bulbaire partielle.

uns. VI. - Ophthalmoplégie externe avec parésie du facial (UhthofP).

L'auteur présente un malade de quinze ans atteint d'ophthalmoplégie externe

double. La mobilité des yeux est presque complètement perdue; ptosis

modéré, parésie légère du nerf facial de chaque côlé. Urine normale. Pas

de troubles de la sensibilité. Organes des sens normaux. Rien à l'ophtalmo-

scope ; réaction pupillaire, acuité visuelle, accommodation normales. L'affec-

tion date de trois mois el reste stalionnairc.

1. Mindel, Neurologisch. Cenlralbl., 1887, et Arch. de Neurologie, 1800, p. 112.

2. Uhtliotf, Olrlelleralmnplérlie externe, congrès de Berlin, 1880, section rl'ullitlialutolo;ie

(Neuroloyiscltes Genlrlllblllll, 1886, p. 61).

DE EXTERNE. 291 1

Ons. VII. - Ophthalmoplégie externe avec parésie du facial (Roseu-

Stein

Domestique de .vingt-deux ans. L'affection a débuté à l'âge de quinze ans

par la chute des paupières. Au bout d'un an le ptosis était tel qu'elle dut aban-

donner sa profession. Diminution de la mémoire depuis six ans. Céphalalgie

depuis un an. Pas de syphilis.

Légère parésie du facial. Ptosis double. Immobilité oculaire presque com-

plète. Pupilles égales. Réaction à la lumière et à l'accommodation normale.

Après usage de 21 gr. d'iodure de potassium, diminution de la céphalalgie

et du ptosis.

Cas. VIII. - Ophthalmoplégie avec parésie du facial (Rosenstein 2).

Femme de soixante-quatre ans (26 novembre 1877). Ptosis double. Diver-

gence des yeux. Perte de la motilité oculaire, sauf en bas où elle est incom-

plète. Pupilles rétrécies et égales, réagissant bien à la lumière et à l'accom-

modation. Myopie. Acuité visuelle surtout affaiblie à gauche. Facial non

intact.

La malade a fait une chute sur la partie postérieure de la tête quatre ans

auparavant. Deux ans et demi après, attaques de vertiges, puis chute pro-

gressive des paupières à droite d'abord, à gauche ensuite; enfin perte de la

mobilité des yeux. Douleurs de tête. A eu une fois pendant quelques jours

de la faiblesse et de l'apathie, avec parésie du bras gauche telle qu'elle ne

pouvait plus tricoter. Amélioration par Kl.

Symptômes ultérieurs : élévation de température vespérale, vomissements,

toux, céphalalgie, convulsions et vertiges le soir. Le matin les aliments

passent bien. Amélioration.

En février 1882, la malade revient : plus de parésie faciale, presque

plus de vertiges; même état oculaire. La malade avait été traitée par l'iodure

de potassium.

La portion sensitive du trijumeau est tout aussi souvent touchée que

le facial. L'émoussement de la sensibilité, ou même l'anesthésie de la

face, est indiqué dans les observations d'IIutchinson, Ilirschberg', Lich-

theim, Rosenthal.

uns. IX. - Ophthalmoplégie externe avec parésie du trijumeau et du

facial (Hutchinson3).

Jeune homme de dix-neuf ans. Ptosis bilatéral plus accusé il droite qu'à

gauche; parésie de tous les muscles, plus prononcée à droite également.

Réaction pupillaire bonne, accommodation normale. Des deux côtés, parésie

du trijumeau et des muscles innervés par le facial. Rien du côté des

organes des sens. Quelques douleurs de tête. Santé bonne. Syphilis douteuse.

1. Rotenstein, 1882, cité par ¡1Jalllhner (Fall 21).

2. Rotenstein, ibid. (Fall 201.

3. llutcltinson, 7'lie L(iiicet, vol. 1, p. ? 10, la féi-. 1879, cité pur j/< ! )ter(I'a)) 13).

292 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRI1`slir.

Il n'est pas jusqu'à l'hypoglosse qui ne puisse être paralysé, car

c'est vraisemblablement à une lésion nucléaire qu'il convient d'attri-

buer la déviation de la langue dont parle Benedikt et la difficulté à ava-

ler remarquée par Hirschberg chez son malade.

ans. X. Ophthalmoplégie externe avecdcviationdelalangue^cncdikl1).

Homme de vingt et un ans. Sans cause connue, sans complication, appa-

rition d'une paralysie incomplète de l'oculo-moteur gauche : pupille intacte.

Au bout de quelques mois, également sans cause, parésie de tous les muscles

innervés par l'oculo-moteur droit, avec intégrité du muscle irien. Langue

quelque peu déviée d gauche. Environ deux mois après les débuts de la paré-

sie de l'oculo-moteur droit, paralysie des deux droits externes qui se com-

plète en quelques jours. Parfois il semble au malade que ses oreilles sont

bouchées. Par moments, sorte de paralysie de l'extension il la main droite.

Même état à la sortie.

ans. XI. Ophthalmoplégie unilatérale avec anesthésie du trijumeau

et divers troubles de la déglutition (Hirschberg2).

Un homme vigoureux de cinquante ans souffre de diplopie depuis six se-

maines et l'on constate à droite une paralysie complète de la 3° paire avec

mydriase et parésie de l'accommodation. Six mois plus tard, ophtlhalmoplégie

mixte complète unilatérale avec anesthésie du trijumeau. Le côté gauche

est absolument normal. Un peu de difficulté a avaler.

Dans une observation publiée en 1870, Gayet rappelle comment le

souvenir des fameuses expériences de CI. Bernard concernant les effets

de la piqûre du e ventricule lui permit de porter le diagnostic de

paralysie oculaire d'origine nucléaire. Depuis lors, les ophthalmolo-

cistes ont eu plusieurs fois l'occasion de se servir de cette précieuse

donnée. Nous trouverons plus loin un cas d'ophthalmoplégie externe

compliquée de parésie du facial et de l'hypoglosse, de glycosurie et

d'albuminurie. Voici trois observations de Despagnet, Gayet et Stein-

heim qui se rapprochent des faits d'ophthalmoplégie externe à marche

descendante; il ne s'agit plus ici de paralysie du moteur-oculaire

commun, mais de paralysie du moteur-oculaire externe et du pathé-

tique avec glycosurie et polyurie : la lésion peut donc frapper la

colonne motrice bulbo-protubérantielle en des points différents, en

son milieu comme en ses deux extrémités.

OBs. XII. - Paralysie de la 3° paire droite. Glycosurie.- Paralysie

faciale gauche antérieure (Despagnet').

. 1.g13enedil,t, Eleclrolleérapie, p. 21-1, cité par Mauthner (Fall 2).

2. Hirschberg, 0/)/t<mo/ei'a unilaleralis molon. el sensiliv. (Arch. f. Augenheilk.,

t. VIII, p. 171, 1879).

3. Despagnet, Recueil d'oplitlialmologie, 1882, p. 117.

DE L'OPII'CII1LMOPL$GIE EXTERNE. 293

D..., soixante ans, n'a jamais eu la syphilis. En novembre 1879 il a eu une

paralysie faciale gauche avec déviation de la bouche et de la langue. On porta

le diagnostic de paralysie faciale a frigorie. - Guérison (purgatifs, bains de

vapeur, séjour du malade pendant six semaines dans un lieu à température

élevée et constante).

État général du malade bon. Vigoureux, sanguin. Pommettes rouges, un

un peu oedématiées. - Pas d'affection cardiaque. - Jamais d'oedème des

membres inférieurs. - Quelques douleurs dans les articulations. - Le

malade urine assez souvent; il est toujours un peu altéré.

Le 8 février 1881, tout à coup, il voit double. Progressivement la diplopie

est de plus en plus prononcée. En même temps la soif devient plus vive; le

malade boit beaucoup plus et a fréquemment besoin d'uriner. Il se lève

jusqu'à six fois par nuit.

Nous le voyons le 18 février. Nous constatons une paralysie très prononcée

de la 3° paire droite avec ptosis. Strabisme divergent. Diplopie aux images

croisées.

Pas de syphilis, pas d'ataxie, ni rhumatisme, ni refroidissement ayant

pu causer la paralysie.

Urine = 4 litres par jour. Densité = 1,038 à -f- 15°; pas d'albumine,

15 grammes de sucre par litre.

On soumet le malade au régime antidiabétique. La paralysie n'a disparu

qu'au bout de trois mois.

uns. XIII. - Paralysie du muscle droit externe du côté droit accom-

pagné de polydipsie et de polyurie (Gayet 1).

L'année dernière, au mois d'octobre, j'ai été consulté par un jeune homme

de vingt-huit ans, exerçant dans une petite ville du bassin de la Loire la pro-

fession de forgeron. Au premier aspect, à cette attitude décrite si soigneuse-

ment par Giraud-Teulon, je reconnus une paralysie du muscle droit externe.

L'oeil droit, en effet, était en déviation permanente vers le grand angle, et le

malade était incapable de le porter en dehors, quelque effort qu'il fit pour

cela.

L'affection s'était produite brusquement quelques jours auparavant, et le

patient en avait été averti par la diplopie. Il l'avait attribuée à un refroidis-

sement, cause banale à laquelle sont exposés tous les gens de sa profession.

Interrogé sur ses antécédents, le malade nia toute syphilis, etjen'ai aucune

raison de douter de sa véracité.

Je conseillai dans cette première entrevue un traitement légèrement anti-

phlogistique et révulsif, et le malade revint me voir au bout d'un mois comme

je le lui avais recommandé.

Cette fois je fus frappé de son apparence anémique et souffreteuse, il avait

beaucoup maigri. J'interrogeai les grandes fonctions, et j'appris que depuis

quelque temps une soif ardente se faisait sentir qui ne pouvait être satisfaite

qu'avec 1 : 2 ou 15 litres de liquide par jour; que les urines étaient en relation

1. Gayet, Gaz. hebdom., 1870, p. 262.

294 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE L 1 SaI,PTRI1;RE.

avec la soif et pouvaient remplir quatre à cinq vases de nuit dans les vingt-

quatre heures. Ces urines examinées immédiatement ne m'ont pas présenté

traces de sucre ni d'albumine, ni même de phosphates. Elles sont limpides

comme l'eau et à peine plus denses qu'elle.

Plus de doute, la question étiologique de la paralysie du droit externe

commençait à s'éclaircir, et j'étais autorisé à penser que la lésion initiale

siégeait à l'origine même du moteur-oculaire droit, tout près du plancher du

4e ventricule. ' ' . '

Certes, si nous n'aviolls pas eu les phénomènes urinaires, nous aurions

pu errer longtemps et croire à une paralysie rhumatismale ou a frigore sans

songer à la rattacher à une lésion centrale. La marche de la maladie nous

aurait peut-être égaré davantage, puisque le traitement révulsif rigoureuse-

ment institué nous a donné une amélioration telle de la paralysie, qu'à cette

heure elle est corrigée par une présence de trois degrés..Heureusement la

paralysie a participé parallèlement à cetle amélioration ainsi que la polydipsie.

Ces. XIV. - Paralysie nucléaire de l'abducens et polyurie (Steinheim 1).

Une femme de trente-sept ans, frappée d'une grosse pierre à l'occiput

et à la région pariétale, perd connaissance. Elle a une hémorrhagie par

le nez et l'oreille gauche et vomit. Quinze jours après l'accident, l'auteur cons-

tate une paralysie complète du moteur externe gauche sans autre lésion

oculaire; grande excitation, insomnie, terreurs nocturnes, polydipsie et po-

lyurie. Pas d'albumine, pas de sucre, poids spécifique 1,020.

L'existence de la polyurie et l'oplthalmoplégie permettent de localiser la

lésion traumatique au plancher du 1° ventricule. Au bout de quatre se-

maines la paralysie est en partie guérie, la polyurie a diminué, le sommeil

est calme.

Guérison complète dans la suite.

Parfois l'ophtlialmoplégie externe se propage dans les deux sens à la

fois; en même temps qu'elle descend vers le bulbe, elle envahit les

parois du 3e ventricule et détruit les centres photo-moteur et irien.

La lésion de ces centres se traduit par la parésie ou la paralysie

du muscle ciliaire et du muscle constricteur de la pupille qui cesse de

se contracter à la lumière et pour l'accommodation. C'est à cette para-

lysie de la musculature intérieure de l'oeil qu'on donne le nom d'oph-

thalmoplégie interne. Lorsque la poliencéphalite est aiguë ou subaiguë,

exceptionnellement lorsqu'elle est'chronique, il existe en outre des

vertiges, de l'apathie, de la somnolence, une tendance au sommeil in-

vincible. L'observation bien connue de Perrot, publiée par Gayet dans

les Archives de Physiologie en z1876, est particulièrement intéres-

sante à cet égard : « Pcrrot, dit-il, ne ressent pas de douleur, mais il

1. Slcillheim, Nucledre LlI/UIIUn[) des Abducens und Pol ! Jurie (Deulsclte med. 11'oc/e., '

n° 30, 1885, et Ilea. des se. méd., t. XXVIII, 188G, p. 85).

DE L'0111'l'111LJIUILI : G1G EXTERNE. 295

est dans un état de faiblesse, d'abattement, d'apathie générale, qui lui i

rend tout effort pénible. Après quelque temps survient une somnolence

invincible, si bien que le malade dort presque continuellement. Tels

sont les détails qui nous sont fournis par le patient lui-même avec une

lucidité complète, mais avec une lenteur et un besoin d'excitation qui

me frappent tout d'abord comme un point caractéristique de son état;

souvent pendant l'interrogatoire Perrot s'endort, et ce n'est qu'en le se-

couant vigoureusement qu'on parvient à le rappeler à la réalité. Plu-

sieurs fois il s'est endormi en mangeant. Pendant les premiers temps

de son séjour, j'ai souvent ordonné qu'on le fit lever et s'asseoir, mais

alors il s'endormait dans son fauteuil et serait tombé si on ne l'avait

retenu. »

Il serait facile de multiplier les exemples d'ophthalmoplégie externe

et interne isolée; mais il est plus intéressant, croyons-nous, de citer

deux observations d'ophthalmoplégie progressive avec atteinte des

noyaux bulbo-protubérantiels. Dans la première, qui appartient à

Rosenthal, l'affection commence par la mydriase et la paralysie de

l'accommodation. Puis, la lésion saute des centres photo-moteur et

irien du côté droit sur le noyau de la 6e paire gauche. Six mois plus tard,

les autres centres de l'oculo-moteur, jusqu'alors indemnes, sont pris à

leur tour, ainsi que les noyaux du trijumeau et du facial gauche.

Cette marche hésitante, serpigineuse méritait d'être indiquée.

Ces. XV. - Ophthalmoplégie nucléaire à la suite de la syphilis secon-

daire, avec symptômes de poliencéphalite supérieure et inférieure (Ro-

seiitlial 1).

Un syphilitique de trente ans fut atteint trois ans après un chancre d'une

mydriase avec paralysie de l'accommodation du côté droit. Trois mois après il

s'y ajouta une parésie de la 6° paire gauche. Six mois plus tard, on pouvait

constater en plus une parésie des droits inférieur et interne adroite, une my-

driase avec ptosis Il gauche. Enfin, trois mois après, malgré le traitement

antisyphilitique et la galvanisation, il survint encore une parésie du facial

gauche et du trijumeau droit, un ptosis droit et une limitation des mouve-

ments en haut et en bas. Pas de tabes.

Ons. XVI. - Paralysie des muscles oculaires de cause centrale (Licli-

theim).

Jeune fille de vingt et un ans. L'affection actuelle a débuté il y a trois ans

par une chute progressive des paupières supérieures. Présentement, celle

malade offre une paralysie bilatérale du moteur oculaire commun, et du

1. Roscntbal, Ueber llii-iisiII)hilis u. tlerett Localisation (Deutsch. ,1/"chiv ? Irlin.

Oled., p 278, 188G).

2. Lichllieim, Corrcspbl. sur sclilv..1c ? le, n" 1 et , 1882 iles se. méd., J881,

t. lxlV, p. 1GG).

296 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

côté gauche une paralysie presque complète du moteur oculaire externe et

du pathétique. En revanche, contraste surprenant, les pupilles et l'accom-

modation sont demeurées intactes.

Cette femme ne présente pas d'autres accidents cérébraux. L'iodure de po-

tassium, la strychnine et d'autres médications n'ont pu modifier les troubles

morbides, qui sont devenus stationnaires.

Vu l'intégrité des nerfs ciliaires, on ne peut songer à une paralysie péri-

phérique d'origine intra-cranienne, à une lésion de la base du crâne.

On ne peut admettre que les nerfs ciliaires viennent du moteur oculaire

externe, puisque, à gauche, on constate une paralysie de ce nerf.

L'origine intra-orbitairc se trouve exclue par la même raison.

(Dufour dans son mémoire donne la suite de l'observation).

La malade quitta la clinique médicale de Berne avec la mention « état

absolument le même depuis deux ans ».

En 1886, on constata une anesthésie du trijumeau, une faiblesse des extré-

mités gauches, surtout pendant la menstruation, une grande apathie et une

parésie unilatérale de l'accommodation. Enfin tout dernièrement (nov. 1889)

nous pouvions constater chez J. B... les mêmes symptômes de paralysie ocu-

laire décrits huit mois auparavant; l'affection oculaire n'a donc pas progressé.

En revanche, l'état général n'est plus si parfait, et J. B... se plaintde faiblesse

générale et d'apathie. De plus, lorsqu'elle veut s'occuper un peu longtemps à

coudre ou à lire, J. B... est souvent prise d'une somnolence invincible. Celle

somnolence, survenue assez tardivement il est vrai chez notre malade, est un

symptôme caractéristique quoique non constant d'une lésion de la région nu-

cléaire.

L'observation de Lichtheim complétée par Dufour dans son travail

d'ensemble sur l'ophthalmoplégie est d'autant plus remarquable qu'elle

porte sur une période de dix années. Cette fois l'ophthalmoplégie ex-

terne met trois ans à se développer et reste invariable pendant quatre

ans. Alors apparaissent l'anesthésie de la face, la parésie unilatérale de

l'accommodation et une grande apathie. Trois années s'écoulent de

nouveau sans que les symptômes se modifient d'une façon notable : la

malade se plaint seulement de faiblesse générale, d'apathie, d'une som-

nolence invincible.

Ces exemples nous dispensent d'insister longuement sur le mode

d'envahissement quelquefois régulier, le plus souvent erratique des

divers noyaux et sur la lenteur avec laquelle la maladie évolue. Ils

montrent avec quelle circonspection le pronostic de l'ophlhalmoplégie

nucléaire doit être formulé. A mesure que la lésion descend et gagne

les noyaux bulbaires le péril s'accroit; il est menaçant lorsque le facial

est touché, à plus forte raison l'hypoglosse. Nous verrons, dans les cas

qui vont suivre, la mort être la conséquence d'une ophthalmoplégie e

progressive. ,

DE L'OP11TH1LI01'L1;GIE EXTERNE. 297

Jusqu'ici il n'a été question que de paralysie bulbaire ébauchée; il

est temps d'arriver aux cas d'ophthalmoplégie externe accompagnée de

paralysie bulbaire complète. Dans cette polioencéphalite totale, le début

peut avoir lieu, soit par la partie supérieure soit par la partie infé-

rieure du champ moteur du 4e ventricule.

Paralysie bulbaire totale à début o7ellzcclmolégiqice. Les cas de

ce genre sont les plus nombreux; nous en'comptons dix avec les deux

cas inédits que notre maître a eu l'obligeance de nous communiquer.

11 est bien entendu qu'il ne s'agit dans ce chapitre que de paralysie

labio-glosso-laryngée se présentant sous une forme achevée et indé-

pendante de toute autre affection du système nerveux, poliomyélite,

tabes, etc.

Dans Ta première observation, la diplopie, le strabisme divergent

paralytique, la glycosurie, ont précédé de dix ans les premiers phéno-

mènes bulbaires. Lorsque Blanc examina son malade, il constata que

la langue était tirée difficilement hors de la bouche, que la parole était

difficile, que les lèvres étaient un peu tombantes, que la physionomie

avait un air pleurard et que le malade ne pouvait ni siffler ni souffler.

Aussi l'auteur conclut-il à une paralysie nucléaire de l'oculo-moteur

et de la 6' paire droite, des deux faciaux et des deux hypogiosscs.

Ons. XVII. Ophthalmoplégie progressive. Glycosurie, puis albl/1111-

nurie. Parésie du facial et de l'hypoglosse (Blanc'.)

Homme âgé de cinquante-huit ans, ouvrier carrossier; n'a jamais été

malade avant l'affection actuelle. On ne trouve dans ses antécédents ni rhu-

matisme ni alcoolisme, non plus qu'aucun signe de syphilis.

Il y a onze ans, apparition de diplopie qui n'a été précédée ni accompagnée

d'aucun mal de tête. Bientôt s'est établi un strabisme divergent paralytique

bilatéral qui n'a jamais cessé depuis.

Peu après l'apparition de la diplopie, il y a une dizaine d'années environ,

il est survenu de la glycosurie. Cette glycosurie a disparu à plusieurs reprises

pour revenir ensuite, alternant parfois avec de l'albuminurie. C'est ainsi que

l'an dernier on soignait ce malade pour sa glycosurie dans le service de

M. Audhoui a la Pitié, tandis que celte année il est traité pour une albumi-

nurie considérable dans le service de M. G. Sée à l'Hôtel-Dicu. Ce malade

n'a cependant pas l'aspect d'un diabétique, il mange modérément et ne boit

pas beaucoup; il n'a jamais été obèse; à l'auscultation, on constate que le

coeur bat normalement et qu'il n'y a pas de bruit de galop. La tension artérielle

n'est pas exagérée. On peut donc écarter, malgré l'albuminurie, l'hypothèse

d'une néphrite interstitielle, de même que l'état général du malade, qui se

promène constamment dans les couloirs de l'hôpital et qui n'est pas sensi-

1. Blanc, Thèse de Paris, 1881, p. 101.

m. 20

298 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S\LI'1 : 'l'ILIIRIs.

blement amaigri, permet d'affirmer qu'il ne s'agit pas d'un diabétique par-

venu à la dernière période de sa dyscrasic.

Il y a une dizaine d'années, en même temps que sa glycosurie, est survenu

un peu de surdité.

État actuel.

Strabisme divergent paralytique, angle du slrabisme : 42°.

Des deux côtés les muscles innervés par l'oculo-moteur sont tous plus ou

moins paralysés, il l'exception du releveur, qui fonctionne normalement. L'ana-

lyse des mouvements oculaires permel de constater ce qui suit :

OEil gauche : paralysie complète des muscles droits supérieur et inférieur.

Parésie du droit interne et du petit oblique.

Intégrité des muscles droit externe et grand oblique.

OEil droit : parésie de toutes les branches extrinsèques de roculo-moteur et

du droit externe. Grand oblique normal.

Pupilles : des deux côtés réflexe lumineux conservé. Réflexe aecommodateur

très diminué. L'état de l'accommodation est difficile il préciser à cause de l'âge

avancé du malade, qui a d'ailleurs une hypermétropie de près de 1 D pour

chaque oeil. Pour le faire lire à 25 centimètres, il faut lui donner des verres

convexes - 4 D.

Fond de l'oeil parfaitement normal.

T = : 0. D. 0. G. t-

Diplopie latente même avec l'emploi des verres colorés.

L'hypoglosse est certainement paré tique, la langue est difficilement tirée

hors de la bouche et la parole est difficile. Les lèvres sont un peu tombantes,

ce qui donne un aspect pleurard à la physionomie. Le malade ne peut ni

siffler ni souffler une chandelle (parésie du facial inférieur ? )

D'ailleurs le goût est intact; il n'y a pas de dysphagie ni d'accès de suffo-

cation. L'intelligence est très nette et très lucide, cependant le malade se

plaint que sa mémoire a un peu faibli. Sensibilité de la face parfaite. - Les

réflexes rotuliens sont conservés, et il n'y a aucun symptôme d'ataxie.

En résumé, paralysie des deux oculo-moleurs et de la Ge paire droite,

parésie des deux faciaux et des deux hypoglosses, glycosurie et albuminurie,

tel est l'ensemble symptomatique qui semble indiquer chez ce malade un

processus bulbo-protubérantiel.

Ons. XVIII. - Ophthalmoplégie externe et interne. Phénomènes bul-

baires. Mort. Autopsie (Duboys').

S..., cocher, âgé de trente ans, se présente le G juillet 1803 il la clinique

des Quinze-Vingts, l'oeil fixe, immobile, regardant en avant, les yeux « parais-

sant sortir de la tête ». Les mouvements des yeux sont absolument impos-

sibles dans tous les sens, tous les muscles extérieurs étant paralysés des deux

côtés. L'accommodation est perdue, les pupilles dilatées réagissent cependant

un peu. Double ptosis. Ce malade est nettement rhumatisant et a déjà les

1. Uuboys, Bull, clinique des Quinze-Xingls, 1883, p. 125.

DE L'01'II'l'119L111OPL>JGIE EXTERNE. 2UU

déformations articulaires. Il raconte qu'il est pris depuis six ans, au Jlrin-

temps, des mêmes accidents oculaires qui s'amendent ordinairement au

bout de quelques semaines. Pas d'antécédents syphilitiques manifestes.

On donne au malade une solution iodurée à dose progressive.

Quelques jours après son entrée à l'hospice des Quinze-Vingts, le malade

est pris de paralysie du pharynx avec anesthésie complète. Les aliments et

les boissons refluent par le nez et le malade peut à peine avaler. On le trans-

fère dans le service de M. Duguet à Lariboisière, où il est électrisé. Pendant

quelques jours son état paraît s'améliorer, il avale plus facilement, quand

soudain se déclare une parésie du bras droit; les muscles de la respiration se

prennent à leur tour, et bientôt le patient ne peut plus respirer que la tête en

bas. On pratique la respiration artificielle pendant deux jours à intervalles

rapprochés, mais enfin le malade succombe avec tous les symptômes de

l'asphyxie.

L'autopsie ne laisse voir qu'une congestion légère des enveloppes ménin-

gées, sans lésion des centres nerveux : cerveau, bulbe, moelle épinière.

L'examen microscopique ne fut pas pratiqué.

C'est six ans après l'apparition de l'ophthalmoplégie que le malade

de Duboys fut atteint de paralysie bulbaire inférieure. Au dire du

malade, les accidents oculaires revenaient chaque année au printemps

et disparaissaient après quelques semaines : l'oplltbaltnoplégie était

donc intermittente. Toujours est-il que le pharynx, le voile du palais,

finirent par se paralyser et que la mort survint par asphyxie.

Dans les cas rapportés par de Graefe, Bresgen, la marche de l'a(lëc-

tion nucléaire fut moins lente et entraîna la mort quatre ans après le

début des premiers symptômes oculaires.

Ons. XIX. Ophthalmoplégie et paralysie bulbaire (de Graefe').

Homme de quarante ans. Se présente avec de la parésie des branches de

l'oculo-moteur droit (releveur de la paupière, droit inférieur et droit

interne). Un an plus tard (après divers traitements antisyphilitiques), para-

lysie du trochléaire droit et, à gauche, léger ptosis et parésie du droit

interne.

En 1863, paralysie de l'oculo-moteur gauche, qui resta plus faible qu'à

droite.

. Actuellement le malade commence à se plaindre de douleurs de tête et de

difficulté de la marche (lourdeur), symptômes qui peuvent dépendre de

l'abus des spiritueux ?

Dans les derniers mois de la vie (la mort survint quatre ans après le dé-

but), déglutition difficile, étouffements, émaciation et perte des forces.

L'acuité visuelle est restée bonne et le fond de l'oeil normal. Aucune donnée

sur l'état des mouvements de la pupille et de l'accommodation.

1. De Graefe, 1K)6, cité par .Jlaullmcl', p. 38.

300 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 51L1'$'l'lill,lilr..

Yen Graefe et Romberg pensaient qu'il s'agissait d'un néoplasme siégeant

à la base du crâne. Klebs ne trouva rien.

Les noyaux oculo-moteurs ne furent pas examinés au microscope.

Ces. XX. Ophthalmoplégie externe progressive. Phénomènes bul-

baires. Mort (Bresgen 1).

Marguerite K..., âgée de vingt-cinq ans, paraît bien constituée et n'a jamais

été malade. - -

Au mois de septembre 1875, elle est atteinte d'une paralysie de la

6e paire droite avec diplopie.. '

Au printemps de 18-16, double ptosis et faiblesse croissante de tous les

muscles de l'oeil gauche. Rien à l'ophthalmoscope.

L'orbiculaire est parétique et la malade ne peut fermer complètement les

yeux.

. Tous ces phénomènes s'étendent et s'accentuent graduellement, et en 1879

les deux yeux sont immobiles.

A partir de 1879 (quatrième année de la maladie), gêne croissante de la

parole et bientôt dysphagie. Peu à peu la paralysie labio-glosso-larYI1(Jée

s'affirme. La malade ne peut bientôt plus parler ni avaler et finit par mourir

d'une syncope en février 1880. On ne put faire l'autopsie. '

Pendant toute la durée de la maladie l'iris et le sphincter pupillaire con-

servèrent tous les mouvements. L'accommodation demeura normale.

Dresgen rapporte la maladie à une lésion des noyaux bulbaires et rapproche

son observation des cas semblables émanant de Fôrsler.

OBs. XXI. Ophthalmoplégie et paralysie bulbaire (Rosenstein 2).

Femme de quarante et un ans. Diplopie subite au commencement de

septembre 1877. Le 15 septembre, chute de la paupière droite, puis de la

paupière gauche, mobilité des yeux très affaiblie.

Le 18 avril 1878. paralysie du voile du palais; le 30 avril, difficulté de

la parole, gêne des mouvements de la langue. Elle est reçue à la clinique

le G mai.

Ptosis double accusé, moins cependant qu'autrefois, moins marqué le soir

que le matin. Parahsie complète de tous les muscles des yeux. Réaction

pupillaire et accommodation conservées. - Signes de la paralysie de l'hypo-

glosse. Acuité visuelle à droite Fo- 1 ) à gauche presque normale.

Le 1G mai, la malade se plaint d'étouffement; l'impossibilité d'avaler fait

des progrès rapides, le soir particulièrement le plus petit morceau de pain

ne peut être avalé. Paralysie faciale évidenle.

Le 8 juin, parésie de tous les extenseurs des mains, faiblesse des jambes.

La malade quitte la clinique. (.(Evidemment, elleest morte de paralysie bul-

baire progressive peu de temps après. »

1. 131-es-et), Ueulsck. med. Zeil., 1880, p. 32 : 1, cité par Blanc, p. il ?

2. Rosenslein, 1882, cité par Mauthner (Fall '22).

DE L'OPHTHALMOPLËGIE EXTERNE. 301

Les observations précédentes permettent de distinguer dans l'évolu-

tion de la polioencéphalite totale trois phases successives : la première,

phase ophthalmoplégique, pendant laquelle la paralysie de la muscula-

ture extérieure des yeux se complète, dure plusieurs mois, un an et

davantage; la seconde, phase d'arrêt, lui succède et persiste plus ou

moins longtemps, parfois même quatre ans, dix ans; la troisième phase

bulbaire est en général fort courte et ne paraît pas dépasser une année

(Bresgen). Quelquefois, comme dans le cas de Rosenstein, il n'y a pour

ainsi dire pas de temps d'arrêt : six mois après le début de l'ophthal-

moplégie l'invasion bulbaire s'affirme par la paralysie du voile du

palais, la difficulté de la parole, la gêne des mouvements de la langue.

La phase intercalaire peut même faire complètement défaut. La

paralysie est totale d'emblée chez le malade d'Etter; mais contrairement

à ce qui se voit d'ordinaire, elle rétrocède au bout de deux mois pour

aboutir à la guérison.

Ois. XXII. Paralysie bulbaire supérieure et inférieure à marche

aiguë. Guérison (P. Etter').

Dans l'espace de trois jours se développe chez une jeune fille de vingt-sept

ans, jusque-là bien portante, une paralysie en partie partielle, en partie totale

des nerfs suivants : Optique, oculo-moteur, trochléaire, abducens, facial,

glosso-pharyngien moteur (douteux), vague moteur, vague accessoire.

L'affection commença par la parésie de l'accommodation. La malade ne

pouvait lire le journal, bien qu'elle vît encore nettement les objets éloignés;

le lendemain, elle vit double et ses paupières tombèrent.

L'examen, pratiqué le treizième jour de la maladie, démontra une para-

lysie presque complète des deux oculo-moteurs, avec paralysie de la pupille

et de l'accommodation et ptosis double. Les deux abducens étaient presque

complètement paralysés (plus à gauche qu'à droite), ainsi que les trochlëaires.

Les mouvements des globes oculaires étaient très faibles dans tous les sens.

Au repos, les axes oculaires étaient parallèles. Pas de diplopie, sauf dans les

mouvements en dehors tout à fait forcés.

En ce qui concerne les autres nerfs crâniens, il est à remarquer que, le

lendemain du début de l'affection (paralysie de l'accommodation), il existait

déjà une grande gêne dans la déglutition, si bien même que trois jours

après la malade ne pouvait plus boire.

Cette attaque subaiguë continua sans vertige, sans céphalalgie, sans

troubles du sensorium ni vomissements. Plus lard seulement survinrent

quelques légères douleurs occipitales.

Pas de changement jusqu'au quatorzième jour ; alors commence la rétro-

cession des phénomènes.

1. Paul Etter, Zwei Filile aculer bulbar Jllelilis (Correspondenzblall f. schweizer

.rEr/e, XII, 1882, n" 23, p. 769, et n° 21, p. 809, cité par ,¡faut/111er, p. 359 (Fait 31).

30 ? NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Les paralysies rétrogradent successivement et se dissipent dans l'espace

d'un mois et demi presque complètement. En somme, sept semaines après le

déhut de la maladie l'acuité visuelle, qui était déjà augmentée de moitié, et

l'accommodation n'étaient pas revenues à la normale. Au bout de six mois

tous les symptômes ont disparu.

A ces observations nous ajouterons la suivante, qui nous a été obli-

geamment communiquée par notre excellent maître M. le D' Troisier.

il s'agit d'un malade soigné par lui et vu plusieurs fois en consultation

par M. Charcot, qui a bien voulu nous remettre les notes qu'il avait

prises à son sujet.

Ons. XX111 (communiquée par MM. Charcot et Troisier). -Paralysie bul-

baire totale à début oplatlaalniopléiq2ce.

M..X..., âgé de quarante-quatre ans, Israélite, avait un père, vif et emporté,

qui est mort diabétique à l'âge de soixante ans. Sa mère est encore vivante et

est aussi diabétique.

Lui-môme, d'un caractère calme, n'a jamais eu d'accidents nerveux

avant l'apparition de la maladie actuelle. Il nie toute infection syphilitique.

En septembre 1887 il fit une chute de voiture, ayant causé une plaie con-

tuse du front du côté droit, sans commotion cérébrale, et des fractures des

bras.

En juillet 1889, M. X... prenait part aux travaux du jury de l'Exposition

universelle de Paris. Il déployait une grande activité et se surmenait. C'est

alors que survinrent les premiers troubles oculaires. Le Dl' )lever consulté,

constate d'abord « en septembre, une paralysie de la sixième paire gauche,

puis en octobre une paralysie incomplète de la troisième paire droite. Les

pupilles étaient normales; ni myosis, ni symptôme d'Argyll Robertson. Réac-

tion lente à la lumière. Réflexes conservés. Aucune lésion du fond de l'oeil. Les

fonctions visuelles, sauf la diplopie, sont normales ». Un certain degré de

ptosis et de strabisme divergent.

M. Peter, consulté à cette époque, constate la paralysie du moteur

oculaire commun du côté droit. Traitement : iodure de potassium, électri-

salion.

Le malade est vu pour la première fois par M. Troisier à la fin de sep-

tembre 1880. La paralysie de la troisième paire droite n'était pas modifiée.

Elle resta stationnaire. Il n'y avait alors ni céphalée ni douleur périorbitaire.

Pas de douleurs fulgurantes. Pas de vomissements.

Le 4 novembre, première consultation de M. Charcot. On note la paralysie

oculaire. Pas d'autres symptômes. Pupilles peu sensibles à la lumière.

Réflexes rotuliens conservés. Depuis une quinzaine de jours déjà il y avait

une légère difficulté de la parole, tenant à une gêne à peine appréciable

dans les mouvements des lèvres et de la langue. Mais ce phénomène était

passager, et il ne fut pas remarqué d'une façon très nette ce jour-là. Cet

embarras de la parole s'accenlua peu à peu, et ildevint très évident dans le

DE 1,'01111TIIAL.IOI'LÉC-IL EXTERNE. 303

courant du mois de décembre. En même temps il se produisait de la dyspha-

gie, mais à un faible degré tout d'abord.

12 janvier 1890. Consultation de M. Charcot. Copie de l'en-tête de

l'ordonnance : « Persistance des symptômes oculaires. De plus, depuis six

semaines, une certaine difficulté de la déglutition; voix nasonnée, un peu de

parésie de certains mouvements de la langue. »

19 février 1890. Nouvelle consultation. État stationnaire. On prescrit le

traitement antisyphilitique mixte (iodure de potassium, 3 grammes, et

frictions hy<lrargyriclnes pendant un mois) et des pointes de feu le long de la

nuque.

Dans la suite, les phénomènes signalés plus haut s'accentuent de jour en

jour. On remarque en outre de la difficulté à mâcher les aliments.

Le 27 mars, nouvelle consultation de MM. Charcot, Peter, Troisier et Mou-

tard-Martin. Outre les lésions oculaires sur lesquelles nous reviendrons plus

loin, on constate que le malade commence à parler du nez horriblement

depuis février. De plus, il avale souvent de travers ou laisse refluer les liquides

par les fosses nasales. Il ne peut manger que de la bouillie, et encore diffi-

cilement.

Aujourd'hui le nasonnement est tel que la parole est presque indistincte.

De plus, le malade sent ses lèvies « comme paralysées » et ne peut plus

siffler.

Il tire bien sa langue, qui a l'aspect normal, mais il ne peut en relever la

pointe en crochet, ni la creuser en gouttière.

Il peut ouvrir la bouche, mais il ne peut serrer quelque chose entre les

dents, ni mâcher, surtout du côté gauche. Le doigt placé entre les dents est à

peine serré. Il ne peut faire à droite ni à gauche aucun mouvement de dé-

duction de la mâchoire.

On ne constate aucune secousse fibrillaire dans les lèvres ni dans la langue.

Pas de troubles de la sensibilité, ni sur la face ni dans la bouche. Le réflexe

pharyngien est très développé.

Pas de céphalée. Pas de troubles intellectuels quelconques.

Pas de troubles vésicaux.

Rien aux membres; pas de parésie ni d'atrophie. Les réflexes rotuliens

sont présents.

L'appétit est conservé. La santé générale est intacte.

L'examen des yeux pratiqué par M. le D'' Parinaud donne les résultats

suivants :

Ophthalmoplégie externe double incomplète. Tous les mouvements

associés des yeux sont intéressés, principalement les mouvements de laté-

ralilé. Le mouvement d'élévation est incomplet, l'abaissement s'exécute

mieux.

La diplopie n'a rien de caractéristique, elle est surtout déterminée par la

prédominance de la paralysie sur l'oeil droit.

L'accommodation n'est pas altérée. Les pupilles égales et de grandeur

normale réagissent, mais faiblement, à la lumière et àl'accommodation.

II y a un léger ptosis de l'oeil droit.

3)1 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPI : TRIÈRE.

L'acuité visuelle est sensiblement normale dans les deux yeux :

O.D.II=- ? D.V= 7.O.G.II--3D.V= 5. z

Pas de modification du champ visuel ni de dyschromatopsie. Pas de lésion

du fond de l'oeil.

Au mois de mai 1890 : les symptômes étaient restés à peu près les mêmes.

- On ne constatait pas de nouveaux symptômes bulbaires : pas d'accélération du

pouls, pas de troubles cardiaques ni respiratoires. II n'y avait toujours ni pa-

résie ni atrophie au niveau des membres.

Nous terminerons ici la nomenclature des cas de paralysie bulbaire

totale il début ophthalmoplégique. Dans ceux dont nous allons nous

occuper maintenant, le début se fait au contraire par les signes de

paralysie labio-glosso-laryngée. On peut les classer sous la rubrique de

paralysie bulbaire totale à début glossoplégique.

Paralysie bulbaire totale if, début glossoplégique. - La paralysie

bulbaire inférieure à marche ascendante est le pendant de la paralysie

bulbaire supérieure à marche descendante et peut, comme cette der-

nière, intéresser les différents noyaux de la protubérance et du bulbe.

Les exemples en sont rares, car elle contourne difficilement la zone

dangereuse du pneumogastrique. Laissant donc pour l'instant le noyau

de la 10e paire,, la lésion monte les échelons de la colonne motrice,

saute parfois l'un deux, quitte à le reprendre plus tard, et finit dans

les cas exceptionnels par envahir la région de l'oculo-moteur.

Parmi les noyaux nerveux étages dans la moitié supérieure du

4e ventricule, l'affection s'attaque surtout aux cellules ganglionnaires

inférieures du facial et à la portion motrice du trijumeau. Les noyaux

situés latéralement et plus en avant sont plus rarement pris. Pourtant,

dit Rosenlhal, Eulenburg aurait observé comme symptômes initiaux

une parésie de l'un des oculo-moteurs externes et un affaiblissement

progressif de l'ouïe.

il est tout à fait exceptionnel que la paralysie affecte la partie supé-

rieure de la face; néanmoins dans le fait de Wachsmuth1, la figure

était lisse, sans rides et immobile, la paupière inférieure était para-

lysée. Le facial supérieur provenant du noyau de l'abducens suivant

les uns, du noyau oculo-moteur suivant les autres, nous voilà bien

près de la paralysie bulbaire supérieure; nous en avons une ébauche

dans les cas suivants.

Romberg, cité par Eulenburg, a vu survenir une paralysie bilatérale

1. Wachsmuth, Ueber progressive bulbure Paralyse, Dorpat, 1861.

DE L'OPHTHALMOPLËGIE EXTERNE. 305

du droit supérieur chez un homme de quarante ans atteint de para-

lysie bulbaire progressive. D'autre part, Rosenthal rapporte dans son

Traité des maladies du système nerveux que Hérard a vu deux fois

une paralysie unilatérale du moteur oculaire commun apparaître au

cours d'une paralysie glosso-labio-laryngée etBenedikt aurait constaté

dans deux cas de paralysie progressive de tous les nerfs crâniens les

mêmes lésions de dégénérescence inflammatoire dans les noyaux mo-

teurs des yeux que dans ceux des 90e, 11, 12e paires.

La malade de M. Hérard présentait, en même temps que les symp-

tômes classiques de la paralysie glosso-labio-laryngée, une chute incom-

plète des paupières supérieures, plus marquée du côté gauche, et de

l'affaiblissement de la vue. C'est le premier exemple de paralysie bul-

baire inférieure avec ophtlialmoplégie qui ait été publié (ol804).

Ons. XXIV. - Paralysie labio-glosso-laryngée compliquée de paralysie

du moteur oculaire commun chez une femme d'une trentaine d'années

(Hérard').

Chez cette jeune femme, la maladie a commencé insensiblement vers le

mois de mai 1866 sans qu'elle puisse en soupçonner la cause. Disons seule-

ment qu'elle était très impressionnable et qu'elle avait subi de violents cha-

grins. Le premier symptôme observé a été une fatigue éprouvée après une

lecture faite à haute voix, fatigue accompagnée d'un sentiment pénible de

strangulation au niveau du larynx. Presque en même temps la déglutition

devenait difficile et la parole légèrement embarrassée. Ces phénomènes

d'abord intermittents se reproduisaient surtout après des émotions, des con-

trariétés. Elle consulta, vers le mois de décembre de la même année, un

médecin qui, constatant la grosseur du cou, rapporta tous les accidents au

goitre et prescrivit des gargarismes astringents et des frictions avec une

pommade iodurée.

Au mois de janvier 1867, au moment des règles, la difficulté de la déglu-

tition augmenta d'une manière très sensible et fut accompagnée de nason-

nement avec retour des boissons par le nez. Cette dysphagie devint bientôt

tellement douloureuse que la malade préférait souvent se passer complète-

ment de nourriture plutôt que subir les angoisses résultant du passage du

bol alimentaire. En même temps, l'articulation des sons était très gênée; la

parole presque inintelligible ; la force expiratrice très affaiblie ; les mouve-

ments de la langue très difficiles, sans être complètement abolis. Il en était

de même des mouvements des lèvres, d'où résultait l'impossibilité absolue

de siffler, de souffler, de retenir les aliments et quelquefois la salive. C'est

alors qu'apparut un autre phénomène : la paupière supérieure gauche,

devenant de plus en plus faible, finit par s'abaisser presque complètement

sans pouvoir être relevée; la vue diminua notablement, il n'existait pas

1. Hérard, De la paralysie ,losso-labio-laryngée (Soc. méd. des hôpitaux, in Bulletin,

1868, p. 43).

306 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

de strabisme. La malade ressentit en outre vers la même époque des envies

fréquentes d'uriner et un engourdissemement des deux mains, surtout de la

main gauche, accompagné d'une diminution notable de la force musculaire.

C'est quelques mois après que je vis la malade, et je constatai les divers

symptômes que je viens d'énumérer. Toutefois, une légère amélioration

existait déjà : la parole était moins embarrassée, les mouvements de la langue

beaucoup plus faciles, la chute de la paupière moins complète. Cette amélio-

ration alla en augmentant sous l'influence du traitement institué, et qui con-

sista en vésicatoires à la nuque et iodure de potassium à l'intérieur; toutefois

le progrès ne fut bien sensible que le jour où M. Duchenne, auquel j'avais

adressé la malade, voulut bien la soumettre à un traitement méthodique par

l'électricité. Cette amélioration n'a été que passagère (mois d'août et de sep-

tembre). Depuis lors les accidents reparaissent comme en 18G7. J'ai revu la

malade il y a quelques semaines, et j'ai constaté de nouveau la chute incom-

plète de la paupière gauche et même de la paupière droite, avec affaiblis-

sement de la vue, le nasonnement, le défaut de contractilité du voile du

palais, la demi-paralysie des lèvres, de la langue, surtout à la pointe, l'émis-

sion fréquente des urines, la faiblesse du bras droit principalement dans

les mouvements d'extension. Ce qui fatigue le plus la malade, c'est la sen-

sation de plénitude de la poitrine. Elle ne peut prononcer une phrase sans

reprendre plusieurs fois haleine. L'inspiration est facile, mais l'expiration

est très courte et très faible. L'effort, quel qu'en soit le but, est complète-

ment impossible. Mort quelques jours après la communication de M. Ilérard.

Elle a été causée par les complications pulmonaires de la grippe.

L'autopsie n'a pu être faite.

Cas. XXV (personnelle). Paralysie bulbaire totale ci début glossoplégique;

paralysie faciale; ophthalmoplégie externe.

Jeune fille de trente et un ans, d'origine anglaise, née d'un père ataxique.

Début de la maladie il y trois ans par l'apparition lente et progressive du

trouble de la parole. Il y a deux ans les yeux se prirent à leur tour (la malade

s'en aperçut par la diplopie).

Aujourd'hui (mai 1890) maigreur extrême, due plutôt à de l'amaigris-

sement simple qu'à de l'atrophie musculaire véritable, car tous les mouve-

ments, bien que faibles, sont conservés. La malade n'a jamais été bien

grasse, mais c'est depuis trois ans que l'amaigrissement a fait de tels progrès.

Trouble de la parole extrêmement prononcé. Elle ne peut arriver à parler

qu'en mettant les doigts sous le plancher de la bouche, au-dessous du men-

ton, comme pour soulever le plancher et la langue, qui sont flasques et

tombent. Nasonnement très accentué. Elle ne peut souffler ni siffler.

Paralysie faciale supérieure pas absolue. Cependant impossibilité de fermer

les paupières complètement. Grande faiblesse et gêne des mouvements de

plissement du front et de rapprochement des sourcils.

La langue ne peut pas être tirée au dehors, ni mise en goullière; la pointe

ne peut pas être relevée en haut. Elle est très légèrement atrophiée, nullement

trémulante.

DE L'OPUTHALMOPLEGIE EXTERNE. 307

Le voile du palais est flasque et tombant.

Ophthalmoplégie externe double, presque complète. Possibilité de quelques

mouvements à droite et à gauche, en haut et en bas, mais très limités. Le

mouvement du globe oculaire en haut ainsi que le relèvement de la paupière

supérieure sont absolument impossibles. Le ptosis est d'ailleurs très accentué.

Jamais de crises d'élouffement, ni cardiaques. Pouls très fréquent = 132.

Faiblesse extrême.

Rien dans la poitrine. Enorme souffle au premier temps du coeur, remplis-

sant tout le devant de la poitrine, de sorte qu'il est à peu près impossible de

se rendre compte s'il appartient à la pointe, à la base ou s'il est simplement

d'origine inorganique.

Les réflexes tendineux des membres supérieurs et inférieurs sont normaux.

Le réflexe massélérin semble un peu augmenté.

III

PO1.I0\C1 : PIIAL011TliLITl;

De l'étude qui précède, il résulte que l'oplithalmoplégie ou paralysie

bulbaire supérieure est bien l'analogue de la paralysie labio-glosso

laryngée ou paralysie bulbaire inférieure, et que dans les deux cas il

s'agit d'une même affection systématique frappant les noyaux moteurs

du quatrième ventricule. On peut en dire autant de l'atrophie muscu-

laire et de la paralysie labio-glosso-laryngée qui la complique parfois;

la propagation du processus atrophique aux cellules d'origine de l'hypo-

glosse, du facial, du masticateur et du pneumogastrique prouve qu'ici

encore on a affaire il une même maladie systématisée (Charcot) et non

à deux maladies indépendantes fortuitement réunies comme le croyait

Duchenne. Il n'est donc pasétonnant que l'ophtlialmoplégie puisse se

trouver combinée à une atrophie musculaire plus ou moins généralisée,

à marche tantôt subaiguë, tantôt lente et progressive : c'est à cette

affection spinale et bulbo-protubérantielle qu'on a donné le nom

de poliencéphalomyélite.

Rosenthal paraît avoir signalé lepremier lacoïncidence de l'opbthal-

moplégie avec l'atrophie musculaire, indépendamment de toute autre

affection du système nerveux; il fit sa communication à la Société des

médecins de Vienne le 4 décembre 1885. Depuis lors des faits analogues

ont été publiés par John Brislowe, Seeligmiiller, Eichhorst et Sachs.

Avec les trois exemples que nous avons eu l'occasion d'observer cette

année, cela fait au total huit cas que nous allons analyser de façon il

bien mettre en lumière les caractères cliniques et différentiels de cette

intéressante affection.

308 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Les symptômes relevés dans les premières observations qui nous

sont personnelles et dans celles qui suivent impliquent forcément une

altération des noyaux moteurs du bulbe supérieur et des cellules des

cornes antérieures de la moelle. La lésion de la colonne motrice est en

effet la seule qui puisse expliquer l'ensemble des phénomènes. Il s'agit

donc d'une affection systématisée, causée par un processus topographi-

quement identique; mais quelque localisé qu'il soit à une plus ou

moins grande étendue de cellules ganglionnaires spinales et bulbaires,

il n'en est pas moins très différent d'un cas à l'autre à certains points de

vue. Il varie dans son évolution, dans sa nature, dans son origine et

sa cause.

Nous jugeons de son évolution par la marche stationnaire ou pro-

gressive des symptômes : or nous ne pouvons mettre en parallèle la

poliencéphalomyélite qui s'arrête à peine née et celle qui s'étend pro-

gressivement, la poliencéphalomyélite qui entraîne la mort du malade

en six mois et celle qui met des années à se développer. Nous ne sau-

rions rien de la nature intime de ce processus si nous n'avions pour

nous guider les lésions trouvées dans la paralysie spinale antérieure

chronique ou subaiguë et dans la poliencéphalite supérieure prises

isolément; la poliencéphalomyélite n'étant en somme qu'une combi-

naison des deux affections, nous pouvons, à défaut d'autopsie com-

plète, nous faire néanmoins une idée de la variabilité des altérations

cellulaires qui commandent les différentes formes. Enfin nous ignorons

à peu près complèlement quelle est la cause qui le produit. Ici, comme

dans bien d'autres affections du système nerveux, la cause nous échappe.

La syphilis a bien été mise en avant par quelques auteurs, mais

est-elle capable de produire une lésion aussi nettement systé-

matisée ? En supposant même qu'il en soit ainsi, la vérole ne serait

qu'un des facteurs, car il est inadmissible que des différences

aussi profondes dans l'évolution symptomatique soient le fait d'une

cause univoque. Du reste, les deux malades que nous avons observés

n'étaient nullement syphilitiques.

Georges Guinon, Emile Parmentier,

Chef ( Unique n la Snlpèlrièrc. Interne (mélhillc d'or) tics IrJlil;mv.

(A suivre.)

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ' 1

ICONOGRAPHIE PHOTOGRAPHIQUE

L'Atlas dont nous extrayons ces planches est destiné à faciliter

l'étude des lésions de la moelle épinière. La distribution topographique

de ses diverses altérations est actuellement assez bien connue, et les

nouveaux procédés de la technique histologique en permettent une

reproduction photographique suffisante pour en donner une idée assez

précise, ce qui justifie notre entreprise. Nous avons choisi pour l'Ico-

nographie de la Salpêtrière quelques types de chacun des grands

groupes des maladies de l'axe spinal : les myélites systématiques, les

myélites non systématiques et les tumeurs de la moelle.

Les myélites systématiques sont représentées ici par une préparation

de paralysie infantile (PI. XLIII). 11 s'agit d'une coupe faite dans la

région cervicale de la moelle d'un adulte ayant subi une atteinte de

poliomyélite dans son enfance. La pièce a été colorée par la méthode

de Weigert. On voit aisément la différence considérable du volume des

deux cornes antérieures : la droite est presque double de la gauche. On

remarquera de même l'homogénéité du tissu (cicatriciel) de la corne

altérée, alors que sa symétrique présente son réseau fibrillaire et ses

cellules ganglionnaires normales. Le manteau blanc de la moelle est

sain.

Les planches XLIV, XLV et XLVI sont consacrées à la sclérose en

plaques. La planche XLIV reproduit une coupe de la région cervicale

supérieure de la moelle, relativement peu altérée à ce niveau. La pré-

paration a été colorée par la méthode de Pall. On voit une petite plaque

de sclérose très prononcée dans la zone radiculaire postérieure droite.

Presque tout le cordon latéral gauche est envahi également, mais les

lésions y sont moins accentuées : elles existent, plus faibles encore, dans

le cordon latéral droit. La planche XLV montre une partie de ce dernier

1. Nous sommes heureux d'offrir à nos lecteurs un aperçu du bel Allas do uos collabo-

rateurs 11H. P. nIuC ! 1 et A. Londe, qui paraîtra proch,linementchez )Iasson, Nous adressons

tous nos remerciements à 11. Lumière (de Lyon), à l'artiste distingué qui a bien voulu,

spécialement pour la Nouvelle Iconographie, exécuter les planches que nous publions

aujourd'hui. (N. D. L. R.)

310 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

à l'aide d'un grossissement plus fort (objectif IF de Verick) : dans le nord

de la préparation, les tubes nerveux sont assez abondants, mais ils de-

viennent rares vers le centre, où tout le fond est constitué par du tissu

conjonctif parcouru obliquement par des travées pie-mériennes épais-

sies. La planche suivante XLVI reproduit une coupe de sclérose en

plaques dans une région extrêmement altérée : seules les zones margi-

nales et une partie de la substance fondamentale des cordons antéro-

latéraux sont respectées par la lésion, qui présente de plus cette parti-

cularité remarquable qu'elle est presque symétrique.

La planche XLVII a trait à un cas de syringomyélie. Le néoplasme

est central, sa cavité est en forme de fente perpendiculaire aux sil-

lons antéro-postérieurs de la moelle; les cordons latéraux présentent

un léger degré de dégénérescence.

C'est à un autre cas de syringomyélie que se rapportent les trois

planches suivantes (XLVIII, XLIX, L), qui montrent les degrés de la

lésion, énorme dans la première, à peine accusée dans la dernière.

La moelle n'est guère reconnaissable dans la région cervico-dorsale,

presque complètement détruite par le néoplasme. Une cavité centrale

est étalée transversalement, dans laquelle se distinguent quelques

bourgeons gliomateux. Le reste de la substance médullaire forme les

parois aplaties de cette cavité. La région dorsale inférieure est, elle

aussi, un peu élargie dans le sens transversal ; la cavité centrale est

moins grande, et toutes les parties de la moelle sont aisément recon-

naissables : on y remarque la sclérose descendante des cordons laté-

raux. Dans la région lombaire enfin, la cavité centrale et le gliome qui

l'entourent sont réduits à des proportions encore moindres; aussi la

forme générale de la coupe de l'axe spinal est-elle respectée : la sclé-

rose latérale descendante s'y remarque également.

Il s'agit de lésions de myélite diffuse dans la planche LI : la pièce qui

nous a fourni cette préparation nous a été obligeamment confiée par

notre ami Achard, qui l'a décrite dans les Archives de Médecine expé-

rimentale. La plaque de sclérose que nous représentons est figurée à

un fort grossissement. La lésion inflammatoire estsurtout remarquable

par les altérations vasculaires : la plupart des vaisseaux sont entourés

d'une gaine d'une épaisseur considérable, même dans les régions où le

tissu conjonctif est peu abondant, ainsi qu'on le voitdansla partie su-

périeure de la préparation.

PAUL BLOCQ, ALBERT LONDE,

Chef des Travaux anatomo-pathologiquea Chef du Service photographique

de la Clinique des maladies du système nerveux.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE T III PL XLI11

PARALYSIE INFANTILE

( RÉGION CERVICALE )

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE T 111 PL XLIV

SCLÉROSE EN PLAQUES

( REGION PEU ALTÉRÉE ) 1

T 111 PL XLV

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÉTRIERE T III PL XLVI

SCLÉROSE EN PLAQUES

; FORT GROSSISSEMENT ) >

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 311

EXPLICATION DES PLANCHES

Planche .lGlll. - Paralysie infantile ; Région cervicale, a, Corne antérieure normale ;

b, Corne antérieure altérée ; c, Foyer vasculaire ; d, Cordon antérieur; e, Cordon latéral;

f, Cordon postérieur.

Planche 1 LIV. - Sclérose en plaques. Région pou altérée ; a, Cordon antérieur sain;

b, Cordon latéral peu lésé; c, Cordon latéral assez sclérosé; d, Plaque très altérée de la zono

radiculaire postérieure. - .

Planche XLV. Sclérose en pluques (fort grossissement) : a, Tubes normaux; b, Tissu

conjonctif; c, Zone moyennement altérée; d, Tractus pie-mérien; e, Vaisseau.

Fc. 77. - Schéma do la paralysie infantile.

rtc. 78. - Sciérose en plaques.

su

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIËRË.

Planche 1L1'I. - Sclérose en ]>laques. Région très altérée; a, Partie saine; b, Zone mar-

ginale peu sclérosée; c, c', Faisceaux latéraux très altérés; d, Région du faisceau de Turck

sclérosée; e, Partie postérieure du cordon de Gull très altérée; ? Cloison postérieure très

épaissie.

Plarlclae 1G1'll. - Sringomélie. Région cervicale : », Corne antérieure; b, Cavité du

gliome; c, Paroi de la cavité; d, Substance du gliome; e, Corne postérieure; ? Faisceau

pyramidal dégénéré. ,

Planche \G1'lll. - Syringomijélie. Région CI'41C0-dUl'SaIC : a, Corne antérieure; b, Ca-

v ité du gliome ; c, Paroi de la cavité ; d, Substance du gliome; e, Faisceau pyramidal dégé-

néré ; ? Corne postérieure; g, Racines postérieures.

Planche 1Gl1. - Syringomijélie. Région dorsale inférieure : a, Corne antérieure; b, Ca-

vité du gliome; c, Paroi de la cavité; ti, Substance du gliome; e, Corne postérieure;

(, Faisceau pyramidal dégénéré.

Planche G.- Syringomyélie. Renflement lombaire : a, Corne antérieure; b, Cavité du

gliome; c, Paroi de la cavité; et. Substance du gliome; e, Faisceau pyramidal dégénéré; ? Corne postérieure.

Planche LI. - Myélite (fort grossissement) : a, Région peu altérée; b, Région très altérée :

c, c', Vaisseaux à gaines épaissies; (1, Tube nerveux.

Le gérant : Emile Lecnosmen.

4140. - IHlpl ill1ûrics réunies, B, rue Mignon, 2. - lA et MOTTE1\OZ, directeurs.

Fm 70. - Sclérose en plaques.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE

T Ili PL XLVI

SCLÉROSE EN PLAQUES

(Région TRÈS ALTERÉE )

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE . T 111 PL XLVIT

SYRINGOMYELIE

( RÉGION CERVICALE )

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE £

T. III PL XLVIII

SYRINGOMYELIE

( RÉGION CERVICO-DORSALE )

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE

T 111 PL XLIX

SYRINGOMYÉLIE

( RÉGION DORSALE INFÉRIEURE )

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE ' T 111 PL L

SYRINGOMYÉLIE

(RENFLEMENT LOMBAIRE )

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE T. 111. PL. LI

MYELITE

FORT GROSSISSEMENT )

TABLE DES MATIÈRES

Acromégalie à début précoce, par Surmont,

147 ; - à début récent, par Guinon, 160.

Adrien Brauwer (Un dessin inédit d' -), par

Gilles de la Tourette, 94.

Articulation(Etude physiologique de quelques

troubles d' -), par Ch. Féré, 168.

Bromuration et antisepsie intestinale, par

Ch. Féré, 249.

Carcinose vertébrale (Un cas de par

G. Guinon, 73.

Eléphantiasis nostras (Un cas d' symétrique

du pied et de la jambe), par Souques, 281.

Graisse (Du rôle de la - dans la conformation

extérieure du corps humain), par P. Ri-

cher, 20.

Hémiplégie spasmodique infantile, par Ch.

Féré, 82.

Hystériques (considérations sur les ecchymo-

ses spontanées et sur l'état mental des

- , par Gilles de la Tourette, 49 (Contri-

bution à l'étude des bâillements -), par

Gilles de la Tourette, Huet, Guinon, 97

(Contribution à l'étude clinique des trem-

blements -), par A. Dutil, 27, 87.

Mélancolie cataleplirorme (Un cas de-), par

Sollieret Souques, 120.

Moelle épinière (Anatomie pathologique de

la -), par P. Blocq et A. Londe, 309.

Morvan (Deux cas de maladie de -), par

G. Guinon et A. Dutil, 1.

Moteur oculaire externe (Note sur un cas

de paralysie du- et du facial avec atteinte

de l'orbiculaire des paupières compliqué

.. d'hémiplégie du même côté), par Parinaud

et G. Guinon, 223.

Narghilé (Le - et ses fumeurs en Orient),

par P. Eniirz-6, 177.

1 Ophthatmoplégie externe (De l' - combinée à

I la paralysie labio-glosso-laryngée et à

l'atrophie musculaire progressive), par

Guinon et I'armentier, 185, zut89. ' «

Nicolas de Pise (Deux bas-reliefs de -), par

J.-M. Charcot et P. Richer, 134.

Paupière supérieure (Note sur la rétraction

névropathique de là -), par Ch. Féré, 155.

Poliomyélites et polynévrites, par P. Blocq et

. Marinesco, 137, 195, 272.

Queue (La) des Satyres et la queue des Fau-

nes, par Ch. Féré, 45.

Rhumatisme articulaire chronique défor-

mant avec atrophie musculaire considérable,

par A. Weil, 16.

Sciatique (Sur deux cas de guérison complète

delà déformation du tronc dans la -), par

Souques, 230.

Suspension (Modification apportée à la tech-

nique de la - dans le traitement de

l'ataxie locomotrice et de quelques autres

maladies du système nerveux), par Gilles de

la Tourelle, 128.

Tabès et dissociation syringomyélique de la

sensibilité, par Parmentier, 213.

Transfiguration (La) du Sacro monte di

Varallo, par J.-M. Charcot et P. Richer, 247.

TABLE DES AUTEURS

Ctocq, 137, 195, 272, 309.

Charcot (J.-M.), 134, 217.

Outil, 1, ? 7, 87.

rmirzé, 177.

Féré, 45, 82, 155, 168, 249,

Gilles de la Tourette, 49, 91, 97, 128.

Guinon (G.), 1, 73, 97, 160, 185, 223, ` ? 89.

Huit, 97.

Londe, 309.

Marinésco, 137, 195, 272.

Parinaud, 223.

l'nrmenticr, 185, 213, 289.

Richcr (l'.), ` ? 0, 131, 217.

Sollier, 120.

Souques, 120, 231, 281.

Surmont, 147.

\vos)),16.

TABLE DES PLANCHES

Acromégalie, 24, 25, 27, 28; mains dans

l ? 30 ; pieds dans l ? 29, 31.

Adrien Brauwer (Dessin inédit d'-), 15; le

pédicure d ? 16.

Autel astrologique de Gabie (Fragment de

l'-), 7.

Bâillements hystériques, 18; état normal, 17.

Carcinose de la région lombaire de la co-

lonne vertébrale, 10, 11, 12.

Contractions fasciculaires des muscles de

l'épaule, 13, 14.

Déformation du tronc dans la sciatique,

35; guérison de la -, 36.

Eléphantiasis nostras, 42.

Eruptions bromurées, 40, 41.

Facial et abducens (Paralysie du -), 34.

Hystérie masculine (État mental et facies

dans l'-), 8, 9.

Mélancolie cataleptiforme(Atlitude spontanée

dans la -), 19; attitude provoquée dans

la -),20.

Morvan (Aspect des doigts et des mains dans

la maladie de -), 1, 2, 5; fruste, 3; sco-

liose, 4.

Myélite diffuse, 51.

Paralysie infantile, 43.

Pattpte7'etipefteUM(Retractionnévropathtque

de la -), 26.

Poliomyélites et polynévrites, 32.

Rhumatisme articulaire chronique généra-

lisé chez une petite fille, avec atrophie con-

sidérable, 6.

Sclérose en plaques, 44, 45, 46.

Syringomyélie, 47, 48, 49, 50.

Tabes (Troubles trophiques dans le -), 33.

Tombeau de sainte Marguerite (Fragments

du - par Nicolas de Pise), 22, 23.

Transfiguration (la) du Sacro monte di Va-

rallo, 37, 38, 39.

TABLE DES FIGURES

Amas graisseux de la partie supérieure et

externe de la cuisse, 13,14.

Articulation (Tracés représentatifs des

troubles d'-), 45, 48, 49, 50, 51, 52, 53,

54, 55, 56.

Bourrelet graisseux du flanc, 15, 16.

Carcinose de la colonne vertébrale, 30,31,32.

Eléphantiasis des Arabes, 75.

Eléphantiasis nostras, 74, 76.

Glossographe, 46, 47.

Hystérie (Champs visuels dans 1' ). 3, 4, 9,

10, 33, 34; schémas de sensibilité dans

l ? 1, 2, 35; 36.

Hystériques (Tracés de bâillements -), 37,

38, 39, 44, 41, 42, 43; tracés de tremble-

ments 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23.

Morvan (Schémas de sensibilité dans la ma-

ladie de -), 5, 6, 7, 8.

Paralysie infantile, 77. z

Poliomyélites et polynévrites, 57, 58, 59, 60,

61, 62, 63.

Région lombaire (Plaque velue de la -), 29.

Région sacro-coccygienne (Configuration

anormale de la -), 28.

Sciatique (Déformation du tronc dans la ), ),

72, 73.

Sclérose en plaques, 78, 79.

Sensibilité (Tabes et dissociation syringomyé-

lique de la -), 64., 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71. 1.

Suspension (Appareil à - du D' Motchow-

kowsky), .5. '

Stéatopygie chez les femmes boschimanes,

11, 2. i.