(1872) Revue photographique des hôpitaux de Paris. 4è année
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(1872) Revue photographique des hôpitaux de Paris. 4è année

REVUE

PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX DE PARIS

BULLETIN MÉDICAL

PUBLIÉ PAR

BOURNEVILLE A. DE MONTMÉJA

Avec la collaboration, pour l'aînée 1872, de MM.

CALL, G. BOUTE1LLIER, P. BROCA, P. BUDIN, CABTAZ, J.-M. CIIAECOT CAUCHOIS, J. CORMLLON, P. COYNE, BEFFAUX, L.-E. DUPUÏ, II. DURET, GIRALDÈS GIRARD, GOMBAULT, GRIPAT, V. IIANOT ÏÏERVIEUX, L. LARDÉ, II. LIOUVILLE, A. MALHERBE, ONIMÜS, G. PELTIER, CH.-H. PETIT, F. RAYMOND P. RECLUS, REL1QUET, F. ROQUE, E. TEINTURIER, L. TI1AOλ, TILLAUX, URBY, F. VILLARB VERRIER, A. VOISIN

QUATRIÈME ANNÉE

PARIS

ADRIEN DELAIIAYE, LIBRAIRE-ÉDITEUR

r L a C E DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

Planebe I.

PARALYSIE INFANTILE

F ORME P A II A P L É G I Q V E

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DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE MÉDICALE

GROUPE DES MYOPATHIES DE CAUSE SPINALE. - PARALYSIE INFANTILE

Leçon faite par M. CHARCOT, à la Salpêtrière (juillet 1870).

IL

Messieurs,

Je veux appeler votre attention sur un groupe nosographique* que je vous proposerai de désigner sous le nom de myopathies spinales ou de cause spinale.

Une lésion Irophique des muscles, plus ou moins étendue et plus ou moins profonde, est un trait commun à toutes les individualités du groupe et c'est là, de plus, leur caractère clinique le plus sail-lant.

D'un autre côté, les affections musculaires dont il s'agit parais-sent devoir être rattachées toujours à une altération qui occupe, d'une manière prédominante, sinon exclusive, certains éléments bien déterminés de la substance grise, c'est-à-dire l'appareil des cellules nerveuses dites motrices, lesquelles , comme vous le savez, ont pour siège les cornes antérieures de la substance grise de la moelle épinière.

Avant d'entrer dans l'étude particulière des diverses affections qui constituent ce groupe, permettez-moi de vous présenter quel-ques détails préliminaires, propres à mettre en relief les carac-tères généraux que je veux indiquer d'une façon tout à fait som-maire.

Bien qu'elle occupe, dans la moelle épinière, un espace relati-vement restreint, la substance grise centrale est cependant, au

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point de vue physiologique, la partie la plus importante du centre spinal. Qu'il me suffise de vous rappeler que ce cordon central de substance grise est un lieu de passage obligé pour la transmission des impressions sensitives, que les impulsions molrices volon-taires et réflexes doivent nécessairement, elles aussi, passer par la substance grise, — de telle sorte que, si cette voie était coupée, l'accomplissement de toutes ces fonctions serait du même coup rendu impossible. Mais il semble aujourd'hui démontré que toutes les parties de la substance grise ne sont pas indistinctement affec-tées à l'exécution de ces diverses fonctions. Dans cet espace si limité, je le répète, si circonscrit, qu'occupe la substance grise au centre de la moelle épinière, il y a lieu d'établir plusieurs régions, plusieurs départements bien distincts. C'est ainsi, par exemple, que M. Brown-Séquard, suivi en cela par M. Schiff, sépare physiologi-quement, d'une façon très-nette, ce qu'il appelle la substance grise centrale et les cornes de substance grise. La première aurait seule, avec les cornes postérieures, du moins pour une part, un rôle sé-rieux dans la transmission des impressions sensitives. Quant aux cornes antérieures, elles seraient destinées surtout à la transmis-sion des excitations motrices et aurait peu de rapport avec la sensi-bilité.

Messieurs, ces résultats, fondés sur l'expérimentation physiolo-gique, trouvent leur confirmation dans la pathologie. La maladie, en effet, mieux encore que ne peut le faire le physiologiste le plus habile, produit parfois des altérations qui affectent isolément ces diverses régions de la substance grise.

C'est là justement le cas des affections que nous allons décrire. Toutes sont déterminées par une lésion qui siège exclusivement, ou à peu près, sur les cornes antérieures et, en conséquence, tandis que la transmission des impressions sensitives n'est en rien modi-fiée, si ce n'est très-accessoirement et comme par hasard, les fonctions motrices, au contraire, sont lésées profondément.

Cette absence d'une modification de la sensibilité est un trait qui différencie les affections du groupe des diverses formes de myélites que nous avons étudiées jusqu'ici et qui, comme les premières, ont pour siège la substance grise centrale.

Dans ces myélites centrales, la lésion inflammatoire porte in-distinctement sur tous les points, sur toutes les régions de la sub-stance grise, d'où il résulte que la sensibilité et le mouvement sont, de toute nécessité, altérées simultanément. Les fonctions motrices

et la nutrition des muscles sont seules affectées au contraire dans les cas de myopathies spinales, du moins dans les types purs, exempts de toute complication, et, puisque nous en sommes à comparer la myélite proprement dite aux myopathies spinales, faisons ressortir encore les traits suivants, qui appartiennent à la première et non aux secondes.

L'affection musculaire est, dans celles-ci, bornée aux muscles de la vie animale, en particulier aux muscles des membres; le tronc, la tête ne sont pas épargnées, tant s'en faut ; niais les fonctions de la vessie et du rectum sont, en général, respectées.

Il est rare, aussi, contrairement à ce qui a lieu dans la myélite ordinaire, de voir des eschares ou d'autres troubles dénutrition de la peau se produire dans les myopathies spinales, même dans les cas les plus graves.

Enfin : l'exaltation des propriétés réflexes, les différentes formes de Vépilepsie spinale, qui se voient dans certaines myélites, la con-tracture permanente qui s'y surajoute et qui constitue aussi un des symptômes des maladies scléreuses des cordons blancs antéro-laté-raux parvenues à un certain degré de développement, — font dé-faut dans les myopathies spinales.

En somme, Messieurs, les lésions du système musculaire de la vie animale, se traduisant par une impuissance motrice et une atrophie plus ou moins accusées, sont, ainsi que je vous l'avais fait pressentir, le caractère clinique prédominant des maladies qui com-posent le groupe nosographique que nous nous proposons d'étudier avec vous. Mais, à ce propos, il convient d'établir une distinction importante.

Tantôt l'impuissance motrice survenue dans un certain nom-bre de muscles, ou groupes de muscles, est le premier symptôme que l'observation fasse reconnaître. Le muscle est d'abord paralysé, les fonctions motrices sont anéanties d'une façon plus ou moins complète ; la structure du muscle semble ne s'altérer que secon-dairement.

D'autres fois, au contraire, les muscles affectés sont dès l'origine le siège de troubles trophiques très-accentués, et l'impuissance motrice, en pareille circonstance, semble être proportionnelle au degré de l'atrophie subie par le muscle.

Ce sont là deux cas extrêmes, reliés par de nombreux intermé-diaires, car souvent, le plus souvent peut-être, les muscles malades

sont à la fois paralysés et atrophiés et, en outre, lésés plus ou moins profondément dans leur texture.

Les affections que nous allons réunir sous une même rubrique avaient été jusqu'ici tout à fait, séparées, en nosographie, comme s'il s'agissait là d'affections radicalement distinctes. Qu'il me suf-fise de citer, à titre d'exemple, la paralysie infantile spinale, la para-lysie générale spinale récemment décrite par M. Duchenne (de Bou-logne) et qui n'a pas reçu encore droit de domicile dans les cadres classiques, la paralysie glosso labio-laryngée, Y atrophie musculaire progressive. J'espère vous démontrer que le rapprochement que nous allons tenter mettra en lumière des caractères communs qui, jusqu'à ce jour, étaient restés méconnus.

§ n.

Mais il est temps, Messieurs, de laisser les considérations préli-minaires, trop générales pour n'être pas un peu vagues, et d'entrer dans l'analyse des faits. Nous choisirons comme étalon la maladie singulière qu'on désigne vulgairement sous le nom de paralysie in-fantile. C'est là, en effet, l'un des types les plus remarquables du groupe : les caractères spécifiques s'y montrent accusés de la ma-nière la plus frappante, partant, dans l'espèce, la paralysie infantile peut être présentée comme une maladie d'étude; car si nous réus-sissons à bien faire ressortir devant vous les traits les plus saillants de son histoire, la tâche qu'il nous restera à accomplir sera, vous le reconnaîtrez, je pense, rendue facile.

Nous n'ignorez pas qu'il s'agit là d'une maladie propre jusqu'à un certain point à l'enfance. En effet, c'est entre un an et trois ans qu'elle se développe le plus souvent1. Après cinq ans, les cas sont rares2, après dix ans ils sont tout à fait exceptionnels3. Mais il importe de reconnaître, Messieurs, qu'on peut voir se développer chez l'adulte, et même dans l'âge mûr, une affection qui ne diffère en rien d'essentiel de la paralysie infantile, de telle sorte que, à côté de la paralysie spinale de Venfance, il y a lieu de faire une place pour la paralysie spinale de Vadulte. C'est là un point que

1 Laborde, de la Paralysie (dite essentielle) de l'enfance. Paris, 1864, p.98.

2 Ibid., loc. cit., p. 65.— Heine, Spinale Kinderlahmung, Ie aufl. Stuttgart, 1860, p. 60.

3 Duchenne (de Boulogne) fils, de la Paralysie atrophique graisseuse de l'enfance. Paris, 1864, p. 21.

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DES HOPITAUX

PARALYSIE INFANTILE

forme généralisée. s* 1

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Planche III.

PARALYSIE INFANTILE

forme généralisée. N° 2

M. Duchenne (de Boulogne) a bien mis en lumière et que d'autres observateurs ont reconnu avec lui1.

Je vais rapporter en quelques mots les symptômes qui caractéri-sent cette affection et, pour plus de clarté, nous reconnaîtrons dans notre description l'existence de deux périodes.

Première période. 1° Le mode d'invasion de la paralysie infantile est, vous le savez, des plus remarquables. La maladie a un début brusque, soudain, annoncé le plus souvent par une fièvre intense, avec ou sans accompagnement de convulsions, ou d'autres sym-ptômes cérébraux et quelquefois des contractures passagères.

Cette fièvre initiale que nous venons de signaler à votre attention s'observe, je le répète, chez la plupart des enfants; toutefois, elle peut faire absolument défaut2.

Quoi qu'il en soit, les symptômes paralytiques s'accusent d'emblée ; du jour au lendemain, et dès l'origine, ils ont acquis leur summum d'extension et d'intensité. Ces symptômes paralytiques offrent de grandes variétés de siège. La paralysie est parfois absolue, com-plète, intéresse les quatre membres (Yoy. planche II et III) ou trois d'entre eux ; — ou bien elle n'affecte qu'un seul membre inférieur, ou encore l'un des membres supérieurs3 ; — d'autres fois,très-rare-ment à la vérité, elle frappe exclusivement les deux membres su-périeurs*; — enfin, il est des cas où la paralysie, atteignant seule-ment les membres inférieurs, revêt la forme paraplégique. (Yoy. plaische I.)

En résumé, on observe ici une paralysie complète, absolue, avec flaccidité des membres, avec abolition ou diminution de l'excitabilité réflexe, mais — et c'est là un point sur lequel j'insiste encore — sans qu'il y ait traces d'obtusion de la sensibilité, de nécrose der-mique, ni trouble fonctionnel, soit du rectum, soit de la vessie 5.

Existe-t-il, à l'origine, des douleurs, des fourmillements, indi-quant une participation au moins temporaire de la substance grise centrale? Quelques observations faites par MM. Duchenne et

1 Duchenne (de Boulogne), de VÉlectrisation localisée, 3° édit., 1872, p. 437, — M. Meyer, die Electricitat und ihre awoendung, etc. Berlin, 1808, p. 210. Roberts in Reynold's System ofmedicine, p. 169.

2 R. Volkmann, über Kinderlähmung und 'paralytische contracturen; in Samm-lung Klinischer Vortrage, n° 1. Leipzig, 1870, p. 3 et 4.

3 R. Volkmann, loc. cit.

4 Duchenne (de Boulogne) fds, loc cit., p. 13 et 18. — L. Clarke, Med. chir. Transactions, t. LI, 1868.

6 Wolkmann, loc. cit. Suivant cet auteur, les fonctions sexuelles, lors de l'âge adulte, ne sont pas entravées.

Heine, chez des enfants déjà d'un âge assez avancé pour fournir des renseignements à cet égard, tendent à établir qu'il en est ainsi. Ce qui se passe, en pareil cas, chez l'adulte, plaide dans le même sens. D'ailleurs c'est là, le plus souvent, un phénomène transitoire, acces-soire, et certes l'absence d'altérations un peu accusées de la sensi-bilité, contrastant avec une paralysie motrice aussi absolue, aussi complète, est un des caractères les plus frappants de la paralysie infantile1.

Yoici encore un nouveau trait. A une époque très-rapprochée du début des accidents, la contractilité électrique faradique est amoin-drie sur un grand nombre des muscles paralysés, éteinte, en appa-rence du moins, sur plusieurs d'entre eux : c'est là un phénomène important, constaté par M. Duchenne plusieurs fois dès le cinquième jour, mais qui se rencontre plus fréquemment le septième et le huitième jour. Je rappellerai, à ce propos, ce que je vous ai dit naguère, à savoir que, selon quelques auteurs, la contractilité'gal-vanique peut mettre encore en jeu les muscles que la faradisation n'affecte plus.

Tels sont, Messieurs, les caractères les plus saillants de la pre-mière période de la paralysie infantile ; je vous demande la per-mission de les résumer en quelques mots :

1° Invasion brusque de la paralysie motrice qui atteint du pre-mier coup son summun d'intensité, à la suite d'un état fébrile plus ou moins intense ou en l'absence de fièvre ;

2° Prompte diminution et même abolition apparente de la con-tractilité faradique dans un certain nombre de muscles frappés de paralysie ;

3° Absence de troubles marqués de la sensibilité, — de paralysie du rectum ou de la vessie, — absence d'eschares ou d'autres troubles trophiques cutanés.

— La suite au prochain numéro. —

PARAPLÉGIE DATANT DE LA PREMIÈRE ENFANCE

observation par les drs ball et liouvili.e

Paralysie des membres inférieurs, survenue après des accidents convulsifs, et persistant pendant l'âge adulte. —Déformations con-comitantes et consécutives de quelques régions. — Développement

1 Duchenne (de Boulogne), loc. cit. — Wolkmann, loc. cit., etc.

normal, an contraire, d'autres régions du corps. — Tubercidisation pulmonaire. Le malade qui fait l'objet de cette observation (Louis L...,âgé de 45 ans) est entré à la clinique médicale de l'Hôtel-Dieu (service de M. le Dr Béhier), en janvier 1871, il y a un an. Il venait pour se faire soigner d'accidents thoraciques qui le for-çaient à interrompre son état (marchand exposé à l'air) et l'obli-geaient à s'aliter depuis quelque temps.

C'est, en effet, de cette affection (bronchite tuberculeuse) que l'on fut d'abord préoccupé — il ne se plaignait que de cela ; — il ne parlait même que de sa toux, de son oppression et d'une expecto-ration très-abondante qui le minaient, disait-il, et le faisaient maigrir.

Il parlait aussi de fièvre, de sueurs nocturnes, d'insomnie.

En l'examinant, on était d'abord frappé des modifications de sa conformation extérieure : le thorax était déformé; il était bossu ; bien qu'il fît tous ses efforts pour ne pas le paraître, la difformité était même considérable; et, quoique le malade n'appelât pas l'at-tention sur l'affection qui avait fait de lui absolument un infirme, on devait pousser plus loin l'examen du corps et reconnaître les mo-difications importantes que nous allons décrire, c'est-à-dire les conséquences d'une paralysie dont le début remontait à l'enfance, à la première enfance, paralysie qui avait frappé certaines parties du corps, mais en n'empêchant pas le développement presque normal d'autres portions, au contraire.

Cet homme, qui s'intitule marchand ambulant (quoiqu'il ne puisse marcher qu'avec des béquilles et n'ait pu se servir que très-faiblement de la jambe gauche, qui appuyait un peu à terre quand il se rendait seul à sa place de marchand sur le pont), n'avait pas fait, dit-il. de maladies graves depuis celle de sa première en-fance, que ses parents lui ont racontée et qui est restée à peu près ainsi dans ses souvenirs :

Né à terme, d'un père mort depuis quelques années d'accident, et d'une mère qui a succombé à une affection de poitrine, il se se-rait tout d'abord développé normalement, comme ses frères et sœurs, dont quelques-uns ont toujours eu une bonne santé, et sont actuellement grands, forts et vigoureux. D'autres, au contraire, seraient morts de convulsions à des âges différents, 2, 4, 6 ans. Lui, aurait été frappé vers l'âge de 15 à 18 mois.

Il marchait; il ne souffrait pas avant, quand il fut pris d'une affection où l'on aurait remarqué surtout des convulsions, —

à ce qu'on lui a raconté souvent. Combien de temps dura-t-elle? Par quoi fut-elle en outre caractérisée? Il ne le sait; mais, à partir de là (en sortant des convulsions, dit-il), il serait devenu infirme. Voilà le début : nous ne pouvons naturellement le contrôler et sup-pléer à ses souvenirs, quoique son intelligence soit intacte et même assez bien développée. Il sait lire, écrire. L'expression de sa figure est plutôt intelligente. Il n'était pas le moins avancé des jeunes gens de sa classe, à l'école où il fut envoyé. Il réussissait assez bien dans son petit commerce. Mais quant à ses différentes diffor-mité, dit-il, il s'est toujours connu tel qu'il est aujourd'hui, où il a quarante-cinq ans, et voici ce qu'il présente :

État actuel (janvier 1872). — Aspect extérieur. — Tête. Maigreur notable. Apparence cachectique. Les muqueuse labiales et conjoncti-vales sont pâles, les joues sont creuses ; barbe abondante grison-nante; cheveux noirs; les yeux ont des traces de maladies antérieures: Leucome à gauche; à droite synéchie antérieure. La maladie de l'œil gauche date de dix ans, celle de l'œil droit, de quatre mois. — L'odorat est affaibli depuis dix ans, mais non perdu. Une allumette brûlée sous le nez est parfaitement sentie. Il a perdu le fumet du vin. — Le goût est moins net, dit-il, qu'il n'a été à un moment. Il n'a pas de céphalalgie, est sujet à avoir des rêves. Dort difficilement, a, à certain moment, des sortes de vertige, comme du délire. Le volume de la tête est normal. Il lit beaucoup. Il cause facile-ment ; a quelquefois des reparties malicieuses et est même un peu vaniteux. Il s'illusionne sur ses défauts physiques, et ne veut pas, à toute force, être bossu.

Tronc et membres. —A. Membres supérieurs. — Les éminences thénar et hypothénar sont effacées. Les bras ont une longueur nor-male de l'acromion à l'olécrâne, 0m,52; de l'olécrâne à l'apophyse styloïde du cubitus 0m,29; la peau est sèche, farineuse, pâle; les muscles sont peu développés. Bras maigres; la force est également conservée des deux côtés ; pas de contractures. Chaleur normale. Les mouvements se font bien; la sensibilité est intacte. —Les mains sont de grandeur ordinaire, sans déformation très-saillante, sauf le pouce gauche, dont la phalangette est inclinée latéralement sur la phalange, et forme avec elle un angle assez prononcé. Les doigts sont hippocratiques et maigres sur leur longueur, mais non aux ex-trémités, qui présentent la déformation en massue caractéristique.

B. Tronc : en arrière, la scoliose, déjà annoncée, est très-accusée à gauche. La colonne vertébrale forme un coude, depuis

la partie moyenne de la région dorsale, jusqu'au sacrum; cela est très-accusé. — En avant, le thorax est manifestement aplati ; côtes saillantes, émaciation; creux sus et sous-claviculaires très-apparents. Les clavicules mêmes ne sont pas déformées. La largeur des deux épaules, d'un acromion à l'autre, est de 0m,42. Examiné latérale-ment, le thorax paraît peu développé à la partie inférieure, relati-vement au diamètre de la partie supérieure; les côtes sont inéga-lement arquées des deux côtés à cause de la scoliose.

Bassin : l'atrophie est manifeste. Il est plus petit que ne le com-porte la longueur du tronc, lequel, mesuré de l'apophyse proémi" nente de la septième cervicale au coccyx, donne 0m,54, et 0m,61 en suivant l'inclinaison de la crête épinière.

L'épine iliaque gauche est plus élevée que sa congénère de 4 à 5 centimètres environ. Distance d'une épine iliaque supérieure et antérieure à l'autre, 0m,26. Le sacrum est fortement bombé en arrière. On remarque de plus une hernie inguinale à gauche.

Les organes génitaux ont un développement normal. Les désirs vénériens sont conservés. Depuis dix mois, qu'il est à l'hôpital, il n'aurait pas eu d'érection ; mais il croit en être capable s'il était encore en présence d'une femme. Il avait, dit-il, pratiqué le coït deux ou trois fois par nuit; cela il y a plus d'un an.

Membres inférieurs. Ils présentent les déformations les plus ma-nifestes ; elles sont, de plus, multiples. (Voy. Planche I.)

Cuisse droite. La cuisse est complètement atrophiée. A sa partie moyenne, elle peut être comprise aisément entre le pouce et le doigt médius, l'extrémité de ces deux doigts se touchant sans qu'il soit besoin de comprimer beaucoup les parties molles. Celles-ci n'exis-tent presque point pour ainsi dire, car l'atrophie musculaire semble complète. A peine voit-on quelques contractions dans le droit interne à sa partie supérieure, dont le tendon fait saillie sous la peau.

Longueur de l'épine iliaque antérieure et supérieure à la partie inférieure des condyles fémoraux, 0m,37. Diamètre (partie moyenne), 0'n,18.

Genou complètement déformé. Le tibia paraît luxé sur le fémur. En dehors et en arrière, le condyle interne forme une saillie très-accusée en avant et en dedans. Diamètre du genou, 0m,29.

Jambe. On ne sent pas la crête du tibia, évidemment émoussé. La jambe paraît un peu plus grosse que la cuisse. Les muscles du mollet existent encore un peu, mais fortement atrophiés. Peau pâle,

sèche et farineuse. Diamètre au-dessus de l'articulation tibio-tar-sienne, 0ra,17.

Longueur de la partie inférieure des condyles fémoraux à l'ex-trémité inférieure du tibia, 0m,29; — du pied, 0n,,17. Celui-ci présente la déformation dite : pied bot varus e'quin des plus accu-sées, apparence du pied de Chinois (voy. Planche 1); la jambe est assez fortement fléchie sur la cuisse et ne peut être étendue : aussi le malade affirme bien qu'elle lui a rendu et lui rendrait moins de services que l'autre jambe, laquelle peut être étendue.

Côté gauche. Quelques mensurations ont donné :

De l'épine iliaque antérieure et supérieure à la partie inférieure

des condyles fémoraux.............. 38 cent.

Diamètre à la partie moyenne............ 20 —

Diamètre au niveau du genou............ 30 —

De la partie inférieure des condyles fémoraux à l'extré-mité inférieure du tibia.............. 32 —

Longueur du pied................. 19 —

Diamètre de la jambe.............. 22 —

Diamètre de l'articulation tibio-tarsienne....... 17 —

Le genou est moins déformé que le droit. Il n'y a pas de luxation. Pied Equin très-prononcé (voy. Planche I). Le malade marcherait sur l'extrémité des orteils. La face dorsale forme une convexité en avant. Quoique bien fortement atteinte, la jambe gauche est moins complètement compromise que la droite.

La sensibilité est conservée aux membres inférieurs, des deux côtés, au pincement, à l'électricité, à la température sur la peau.

Mouvements en partie détruits, en partie conservés, suivant l'atrophie musculaire plus ou moins complète. L'action des muscles de la jambe sur le pied est à peu près abolie; à peine les orteils reçoivent-ils de légers mouvements de flexion et d'extension. Les fléchisseurs de la jambe sur la cuisse et les adducteurs de la cuisse, le couturier fonctionnent encore un peu. Le malade se met souvent dans la position des tailleurs.

Nous avons fait un examen avec l'électricité à courant inter-rompu, et nous avons noté les résultats suivants :

Membre inférieur gauche. Le tibial antérieur n'offre pas de réac-tion ; les muscles du mollet ne réagissent pas, le tendon d'Achille réagit un peu, très-peu; l'extenseur de même, ainsi le couturier. Toutefois il s'étend.

Membre inférieur droit. Il y a un très-petit mouvement des flé-chisseurs du pied, mais très-petit (tandis qu'à gauche il est plus

manifeste, cela est certain). Les muscles du mollet ne réagissent pas, non plus le tendon d'Achille. Les muscles de la cuisse ne ré-pondent pas du tout, sauf le couturier, qui se tend un peu, très-peu. Le pied a l'apparence du pied de Chinois. Les fléchisseurs ont ra-mené les doigts du pied en dessous, les extenseurs n'agissant pas du tout.

Donc l'examen avec l'électricité confirme ce que donnait l'examen précédent : Des deux côtés, les muscles du pied, de la jambe, delà cuisse, qui se remuaient sous l'influence de la volonté, sont bien sensibles à l'électricité, et ceux qui ne se remuaient pas, par la seule volonté, ne nous ont pas paru plus sensibles par l'électricité. Ainsi, également, le membre inférieur gauche nous a été constaté moins complètement compromis que le membre inférieur droit. La longueur totale du corps de ce malheureux infirme est de 1111,50.

THÉRAPEUTIQUE

DE L'EMPLOI THÉRAPEUTIQUE DU HACHISCH

par f. villard, interne des hopitaux — suite —

iv. épilepsie. — convulsions infantiles.

M. Moreau (de Tours) a employé le Hachisch pour combattre l'épilepsie ; mais il ne paraît pas en avoir retiré des avantages bien marqués. M. Bouteille, médecin au Caire, a été plus heureux chez un homme atteint depuis huit ans de cette terrible névrose. Les attaques, d'abord rares, étaient devenues plus fréquentes et se reproduisaient régulièrement et périodiquement deux fois par mois. 11 avait eu recours successivement au sulfate de zinc, au nitrate d'argent, à la strychnine, au valérianate de zinc ; enfin il admi-nistra la hachischine en pilules. L'accès devait se produire cinq jours après le début de ce nouveau traitement ; il fut enrayé et ne reparut plus. (Gastinel, loc. cit.)

M. A. Voisin a administré avec succès l'extrait de Hachisch, non contre l'épilepsie proprement dite, mais pour combattre les hallu-cinations terrifiantes qui surviennent chez quelques malades avant

les attaques et les poussent au suicide. (Nouv. Diction, de méd. et chirurg. prat., t. XIII.)

— Nous ne trouvons qu'un seul exemple de convulsions infantiles traitées par le Hachisch. Dans ce fait, observé par 0. Sanghuessy, la teinture de résine de chanvre indien fut donnée à un enfant de 55 jours, à la dose de trois gouttes. 11 y eut rapidement un amende-ment très-notable; mais la maladie se reproduisit ensuite et dura assez longtemps, malgré l'administration du médicament : l'enfant guérit cependant. (0, Sanghuessy, loc, cit.)

v, chorée

Le traitement de la Chorée par le Hachisch a donné quelques succès assez remarquables. Voici le résumé de trois faits qui sont consignés dans un travail de Corrigan (the Dublin Hospital Ga-zette, 1845).

Le premier a été rapporté par M. Birch; il est relatif à une petite fille de dix ans qui fut admise à Withworth Hospital, le 13 fé-vrier 1845. Les mouvements choréiques étaient généralisés; la langue pouvait être sortie hors de la bouche, mais ensuite elle était projetée dans tous les sens. Il était impossible à la malade de se tenir debout, sans être soutenue ; les paupières étaient continuel-lement en mouvement. Immédiatement, on prescrivit la teinture de Cannabis indica à la dose de cinq gouttes trois fois par jour. — Onze jours après, il y avait une amélioration considérable et la malade pouvait marcher; on porta alors à 15 gouttes trois fois par jour, la dose de teinture. Le 1er avril, il n'existait plus aucun symptôme anormal et la petite malade était tout à fait guérie.

Le second fait, observé par M. Robinson, est celui d'une jeune fille de quinze ans, qui, depuis un mois, s'était aperçue que les doigts de sa main et de son pied gauches étaient le siège de mouvements involontaires : elle devint bientôt incapable de tenir un objet avec cette main. Au moment de son entrée à l'hôpital, on constata que les muscles du côté gauche de la face, du bras et de la jambe gauches, étaient dans un état de mouvement continuel, excepté pendant le sommeil, et lorsque la malade était en repos, couchée au lit. — Le traitement dura vingt-quatre jours : on lui administra d'abord huit gouttes de teinture de Hachisch, trois fois par jour ; cette dose fut portée ensuite à 25 gouttes, puis à 30 gouttes. Huit jours après le début de l'administration du médicament, l'amèlio-

ration était notable : la malade pouvait marcher régulièrement, et tenir un objet avec la main ; sa guérison fut complète un mois après son entrée à l'hôpital.

Quant au troisième fait, également observé par M. Robinson, il se rapporte à une autre jeune fille, âgée de seize ans, qui, depuis dix ans, éprouvait comme une espèce de frémissement spontané dans les muscles des membres supérieurs et inférieurs. Depuis trois ou quatre mois, elle se plaignait d'une céphalalgie continuelle : elle entra à l'hôpital le 12 mai 1845. A ce moment, les muscles des membres supérieurs étaient continuellement en mouvement ; ceux des membres inférieurs étaient moins affectés, car la malade mar-chait assez bien. Il y avait en outre un balancement continuel du corps d'arrière en avant. Le 19 mai, on lui prescrivit 30 gouttes de teinture de Hachisch par jour, à prendre en trois fois. Un mois après, le 18 juin, la guérison était achevée.

Dans une leçon sur le traitement de la Chorée (the Lancet, i 849), le Dr Walshe parle des bons effets du Hachisch contre cette névrose et, à l'appui de sa manière de dire, il rapporte une observation intéressante dont voici le résumé en quelques mots. — Il s'agit d'une jeune fille de quatorze ans, non encore réglée, qui, après avoir été tourmentée par des ascarides pendant plusieurs mois, devint pâle, maigrit et perdit l'appétit. Dans cet état, à la suite d'une vive frayeur, elle fut atteinte de chorée : il n'y avait chez elle ni antécé-dent héréditaire, ni antécédent de rhumatisme ou de scarlatine. Les mouvements choréiques s'aggravèrent rapidement : la malade per-dit le sommeil et l'appétit; sa respiration devint irrégulière ; il y avait de la dysphagie, des contorsions de la face, du strabisme, de la difficulté de la parole, des mouvements désordonnés des mem-bres, des contractions douloureuses du diaphragme, etc. La bella-done, le datura stramonium, le sulfate de quinine, le sulfate de zinc, le nitrate d'argent furent tour à tour administrés, mais le résultat obtenu par chacun de ces médicaments était de courte durée. A la suite d'une consultation qu'il eut avec le Dr Thompson, le Dr Walshe prescrivit l'extrait de Hachisch concurremment avec le nitrate d'argent. Ce traitement fut commencé le 10 novembre: l'amélioration fut graduellement croissante, et vingt jours après, la malade était guérie.

A propos du fait qui précède, le Dr Walshe fait observer que l'ac-tion sédative du Hachisch fut, non-seulement Irès-marquée, mais qu'elle se manifesta rapidement, sans laisser de doute sur la rêa-

lité de son influence. On peut objecter cependant ici que le Hachisch n'étant pas le seul médicament administré, le nitrate d'argent doit revendiquer une certaine part dans l'issue favorable. Dans l'obser-vation suivante entièrement inédite, qui nous a été obligeamment communiquée par M. le Dr Bateman, médecin de l'hôpital de Norwich, c'est au Hachisch seul que reviennent tous les honneurs du succès.

Observation. — Robert Hoe.., âgé de seize ans, entra à l'hôpital de Norwich, dans le service de M. le Dr Bateman, le 30 jan-vier 1866. Il était malade depuis deux ans : les premiers symptômes qu'il éprouva consistèrent en des douleurs de tête et en une inflam-mation de la conjonctive oculaire. En décembre 1864, il eut une scarlatine, et pendant qu'il était convalescent de cette maladie, il lui survint une paraplégie partielle. Il y avait une anesthésie complète des parties situées au-dessous des genoux, et il lui était tout à fait impossible de se tenir debout ou de marcher.

Au moment de son entrée à l'hôpital, ses jambes, ses bras, et le tronc étaient le siège de mouvements spasmodiques plus marqués du côté droit, et augmentés considérablement par l'émotion qu'il éprouvait lorsqu'on lui adressait la parole. Lorsqu'il était couché sur le dos, le lit était ébranlé par la violence de ses contractions.

Il fut traité d'abord par le chloroforme qu'on administra à l'inté-rieur, concurremment avec la valériane ; ensuite, on eut recours à l'extrait de belladone, qui fut donné à la dose d'un sixième de grain trois fois par jour. Ces médicaments n'ayant procuré aucun avantage marqué, le Dr Bateman prescrivit l'extrait de chanvre in-dien à la dose d'un quart de grain toutes les six heures. Le lende-main, la dose fut augmentée et portée à un demi-grain. L'amélio-ration fut très-notable et, au bout de peu de jours, les mouvemenis convulsifs cessèrent complètement.

La particularité la plus intéressante de ce fait fut la production du sommeil, après lequel le malade se trouva complètement sous linfluence physiologique du médicament. Il avait la contenance d'un homme ravi et extrêmement hçureux : il semblait jouir de la suprême fécilité et paraissait extra ordinairement gai* Après un trai-tement de vingt-deux jours, on observa chez lui les symptômes d'in-toxication qui sont le résultat de l'ingestion d'une forte dose de Hachisch. Il marchait vivement dans la salle, riant et parlant comme un homme ivre. Il répondait aux questions sans délai, mais d'une manière dénotant de l'excitation. Bien qu'il vînt de prendre

son thé, il dit qu'il ne l'avait pas eu depuis longtemps : toutes ses idées paraissaient en même temps confuses ; ses pupilles étaient très-dilatées, égales, mais non contractiles. Il n'avait plus aucun mouvement anormal, ni tressaillement d'aucune sorte. Trois onces de limonade citrique lui furent administrées, et au bout de deux heures et demie, il revint dans son état intellectuel normal ; ses pupilles étaient moins dilatées et étaient sensibles à la lumière.

Nous avons eu nous-même occasion d'observer, il y a quelques mois, un cas de chorée guérie par l'emploi du Hachisch. Voici la relation de ce fait, dont les détails relatifs aux antécédents nous ont été communiqués par notre ami et collègue le Dr Peltier.

Observation. — Chop..., âgée de 20 ans, relieuse, est entrée à l'hôpital de la Pitié, salle du Rosaire, n° 2 (service de M. Marrotte), le 29 juillet 1871. Elle donne les renseignements suivants sur ses antécédents : son père est mort à l'âge de 70 ans d'une pneu-monie ; sa mère vit encore et jouit d'une bonne santé ; elle a un frère qui se porte bien. Quant à elle, jusqu'à l'âge de dix ans, elle n'a eu aucune maladie sérieuse : à cette époque, à la suite d'une émotion vive, elle fut prise de violentes convulsions dans les mus-cles de toute la partie latérale droite du corps. Elle entra à l'hô-pital Sainte-Eugénie, où elle resta cinq mois; elle en sortit complè-tement guérie. Trois ans après, elle retomba malade ; comme la première fois, les convulsions étaient limitées au côté gauche du corps, mais elles furent moins violentes : elle fut de nouveau trai-tée à l'hôpital Sainte-Eugénie. Un an après environ, à l'âge de 15 ans, les règles parurent pour la première fois. A 16 ans, elle eut encore des convulsions, mais elles durèrent peu de temps. Il y a trois ans, elle fut reprise de nouveau et cette fois beaucoup plus violemment : elle fut traitée à la Pitié dans le service de M. Marrotte, où elle resta trois mois. Pendant tout ce temps, les règles avaient été supprimées, et la santé ne revint qu'avec le rétablissement du flux menstruel. Enfin, le 20 mai 1871, pour la cinquième fois, elle fut reprise de convulsions qui coïncidèrent avec la suppression des règles. Pendant deux mois, la malade resta chez elle sans faire aucun traitement : à la fin de juillet, elle prit cependant le parti de venir à l'hôpital.

Etat de la malade au Ie1' août. Les règles sont supprimées de-puis deux mois et demi; la malade a eu depuis cette époque des nausées, quelques envies de vomir. Elle se plaint d'insomnie et d'inappétence.

Tout le côté gauche du corps est agité de mouvements convulsifs saccadés : les mouvements sont surtout marqués au membre supé-rieur ; la face est à peu près normale ; les mouvements du membre abdominal sont moins accentués que ceux du membre supérieur qui exécute continuellement des alternatives de flexion, d'extension, d'abduction, d'adduction, etc.: ce désordre musculaire est surtout manifeste aux doigts et à la main ; pendant le sommeil, il disparaît complètement. On administre à la malade une pilule d'un milli-gramme de strychnine ; ce traitement est continué tous les jours jusqu'au 20 août et ne donne aucun résultat. Alors on donne le tartre stibié à la dose de 50 centigr.; ce médicament, qui fut admi-nistré tous les deux jours jusqu'au 28 août, n'eut d'autre effet que de provoquer des vomissements, sans calmer les mouvements con-vulsifs.

Le 5 septembre, on a recours à l'extrait de Hachisch, qui est donné en pilules de un centigramme chacune. La malade en prend deux le premier jour : ce nombre est progressivement augmenté et porté jusqu'à six par jour. — Le 10 septembre, on constate une amélioration manifeste des symptômes choréiques : la malade pré-sente en outre un peu d'excitation; son sommeil est agité ; en même temps, on trouve les pupilles dilatées ; cette dilatation aug-mente encore les jours suivants; le 15 septembre,elle est très accen-tuée. — Le 22 septembre, les mouvements choréiques ont à peu près disparu ; la malade se plaint de douleurs dans le ventre et en même temps de nausées : en examinant l'abdomen, on constate l'existence d'une grossesse de quatre mois environ.

Le 25 septembre, il n'existe plus aucun symptôme de chorée et la malade est considérée comme guérie : elle quitte l'hôpital le 1er octobre. Nous la revoyons quinze jours après ; la guérison s'est maintenue.

En résumé, six cas de chorée : six guérisons. Nous n'avons pas rapporté, il est vrai, les faits observés par M. Moreau (de Tours), faits indiqués par quelques auteurs, et dans lesquels le traitement fut inefficace; mais nous n'avons pu faire autrement, car nous n'avons trouvé qu'une simple mention de ces faits, sans aucun détail.

Il résulte des exemples qui précèdent que, malgré leur petit nombre, ils établissent d'une façon incontestable l'influence salu-taire du Hachisch dans le traitement de la chorée. Suivant Corri-gan, cette substance aurait même la propriété de conduire sans

encombre les choréiques à la guérison, ce qu'on est loin d'obtenir avec les autres médicaments. Pour expliquer ses effets dans cette circonstance, il dit qu'il exerce une action spécifique sur les nerfs de mouvement. Quoi qu'il en soit de cette explication, toute hypo-thétique, les faits existent. Nous devons ajouter que l'action séda-tive du Hachisch rendra des services non douteux toutes les fois que la chorée sera accompagnée de douleurs dysménorrhéiques ou qu'il importera de rappeler le flux menstruel, ce qui pourra très-bien avoir lieu lorsque la névrose se développera chez des jeunes filles déjà menstruées.

PATHOLOGIE INTERNE

DE LA MICROCYTHÉMIE

par van lair et masius

La microcythémie, selon MM. van Lair et Masius, est une espèce morbide dont le caractère principal réside dans une altération particulière du sang qui se traduit morphologiquement par la pré-sence anomale d'une proportion énorme de globules rouges diffé-rents des globules ordinaires et auxquels on peut donner, en raison de l'exiguïté de leurs dimensions, la dénomination de microcytes.

MM. van Lair et Misais pensent avoir constitué l'individualité de la microcythémie; toutefois l'histoire repose sur un cas unique; et, avant de se hâter de conclure, il faut en appeler à l'observation et à la clinique. Dans ce but, il est nécessaire de connaître le fait pri-mordial, et de mettre sous les yeux du praticien le tableau sym-ptomatique d'une maladie non encore classée dans le cadre nosolo-gique. — Tel est le but de cet article, que nous allons essayer de rendre aussi clair, aussi compréhensible que possible.

La microcythémie désigne la présence dans le sang d'un nombre considérable de microcytes, comme le nom de leucocythémie a désigné jusqu'ici l'augmentation numérique des globules blancs.— Voici l'observation qui a donné lieu à la description que nous allons faire ; nous devons donc commencer par en donner un résumé succinct.

Observation. — Douleur dans la région splénique. — Crises gastriques et cardialgiques ; ictère. —¦ Augmentation progressive du

1*

volume de la rate. — Aphonie. — Paralysie incomplète des membres supérieurs, puis des membres inférieurs. — Douleurs dans les mem-bres inférieurs. — Examen du sang. — Amélioration. — Une jeune dame, sans maladie antérieure, d'un tempérament nerveux, accoucha d'un enfant bien portant vers le milieu de l'année 1869. Ce fut presque immédiatement après ses couches que commença son affection. — Le mal débuta par une douleur modérée dans la région spléniïjue, à laquelle se joignit bientôt une diminution sen-sible de l'appétit. Un peu plus tard se déclarèrent, sous forme d'ac-cès, des symptômes plus accusés : douleurs cardialgiques, vomis-sements bilieux, ictère général avec constipation. Les, déjections ne sont pas décolorées, et n'ont jamais donné de concrétion; l'urine est rouge brun. Dans l'intervalle de ces crises, l'appétit reste faible et la douleur splénique persiste; la malade accuse une grande faiblesse et elle est forcée de garder le lit.

Indépendamment de ces symptômes, on constate une augmen-tation progressive du volume delà rate ; dans les derniers jours de février 1870, l'étendue de la matité splénique dans les deux sens était de 12 centimètres. On pouvait la délimiter par le palper abdo-minal. Le foie n'avait que 7 centimètres dans la ligne axillaire, 6 dans la ligne mammaire, et ne dépassait pas le rebord costal. Vers le mois de mars, survint tout d'un coup une aphonie com-plète, à laquelle vint presque aussitôt se joindre une paralysie in-complète de la motilité des membres supérieurs, d'abord, puis des membres inférieurs ; l'intelligence restant néanmoins parfaitement intacte.

Dans les mois qui suivirent, on ne nota pas d'autre accident que des douleurs violentes, continues, gravatives dans toute l'étendue des membres inférieurs. Ces douleurs se faisaient sentir aussi bien dans les parties profondes que dans les parties superficielles ; il semblait à la malade que les os fussent atteints, et, d'un autre côté, une pression même légère, occasionnait des souffrances insuppor-tables. La station verticale, la marche étaient impossibles. Ces dou-leurs se dissipèrent spontanément, et vers le milieu du mois d'août la maladie parut entrer dans une phase plus favorable. — La voix revint, mais la paralysie des membres augmenta, et avec elle l'atrophie musculaire.

Le sang fut examiné quatre fois aux dates suivantes : 25 janvier, 3 février, 26 février et 19 août 1870 ; en voici les résultats microsco-piques. Les globules blancs sont un peu moins nombreux que dans

le sang ordinaire ; le diamètre ne dépasse pas 0mm,010. — Les glo-bules rouges discoïdes paraissent normaux, mais au milieu des es-paces vides ménagés par le réticulum irrégulier que forment les rouleaux de globules discoïdes, apparaissent en grand nombre les globules nains ou microcytes. — La forme de ces microcytes est par-faitement sphérique; le volume est de 0mm,004; la couleur est la même que celle des globules discoïdes et la réfringence est extrême ; cesmicrocytes ne s'agglomèrent pas ; ils restent libres, isolés ; ils offrent une grande mobilité. Ils-ne constituent pas de noyaux et ne possèdent pas de noyaux ; leur nombre est au moins égal, et souvent supérieur, à celui des globules discoïdes.

Pendant tout le temps de la maladie, il n'y eut aucune réaction fébrile; la malade alla passer quelque temps à la campagne, et les symptômes s'amendèrent peu à peu. — Au 8 avril dernier, le sang ne montre plus un seul microcyte, mais les globules rouges, parfai-tement conformés du reste, sont, en général, d'une petite dimen-sion (0mm,006 à 0mm,007). — On peut, dès maintenant, espérer une guérison relative.

Si l'on se représente la série de ces phénomènes, on devra con-venir qu'il y a là, aussi bien dans l'évolution du mal que dans la forme même des symptômes, quelque chose d'étrange qu'il paraît tout à fait impossible de classer sous une ancienne rubrique noso-graphique. Reprenons maintenant les symptômes, et avec MM. van Lair et Masius, essayons de les classer et d'en donner la patho-génie.

Io Mégalosplénie. Au point de vue anatomique, la tuméfaction chronique de la rate, portée à un pareil degré, ne peut être le fait que d'une dégénérescence amyloïde où d'une véritable hyperplasie; or, rien de tel ici; rien non plus qui ressemblât à l'hypertrophie paludéenne ou aux intumescences dues au tubercule, au carci-nome, etc.

2° Atrophie du foie. L'atrophie du foie peut dépendre, comme pour la rate, d'une inflammation chronique interstitielle, ou d'une atrophie pure et simple du parenchyme du foie, on d'une atrophie jaune aiguë. La première de ces affections a quelque rapport avec celle décrite par MM. van Lair et Masius, et mérite de nous arrêter quelque temps.

• Parmi les phénomènes concordants figurent l'inappétence, les vomissements, le gonflement de la rate, puis, plus tard, l'amaigris-sement et l'évacuation d'une urine foncée et souvent sédimenteuse.

Mais l'inappétence et l'amaigrissement vont le plus souvent de pair et peuvent se montrer l'une et l'autre dans une foule d'affections. Il en est de même des vomissements qui, du reste, n'ont été obser-vés que dans les premiers temps de la maladie. L'urine doit ordi-nairement, dans la cirrhose, sa teinte foncée au pigment biliaire et ce pigment faisait ici complètement défaut. Restent l'ictère et le gonflement de la rate. — L'ictère était complètement différent, nous le verrons plus loin ; quant au gonflement de la rate, il est toujours consécutif à la lésion du foie dans la cirrhose, tandis qu'ici la rate avait acquis déjà des dimensions énormes lorsque le volume du foie était à peine modifié. De plus, les phénomènes les plus caractéristiques et les plus .constants de la cirrhose, tels que la douleur initiale dans l'hypochondre droit, et le développement ul-térieur de l'ascite, n'ont pas été observés ici. Enfin, la cirrhose em-porte toujours le patient, tandis que la malade est en voie de guèrison. On pourrait par le même raisonnement écarter l'hypéré-mie chronique du foie, l'infiltration graisseuse, l'atrophie jaune et la pyléphlébite.

5° Altération morphologique du sang. C'est là le signe le plus important,; nous y avons insisté à propos de l'observation. Les caractères sont assez tranchés pour que les globules en question n'aient pu passer inaperçus, lorsqu'ils existaient, dans la quantité d'examens microscopiques, auxquels le sang a été soumis, aussi bien à l'état de santé qu'à l'état de maladie. Ces caractères sont : la sphéricité parfaite, la persistance remarquable de l'intégrité de leur forme, leur résistance aux réactifs, leur isolement constant dans le champ du microscope, leur excessive réfringence, la petitesse et l'uniformité de leurs dimensions.

Comment faut-il considérer ces microcytes, et quelle valeur phy-siologique et pathologique faut-il leur attribuer ? MM. van Lair et Masius pensent que les microcytes sont des globules atrophiques ; pour eux, les globules blancs représenteraient l'enfance, les glo-bules rouges discoïdes, létat adulte et, les microcytes, la période de sénilité. Entre ces phases bien distinctes on aurait des âges de transition.

Si maintenant nous voulons en arriver à la pathogénie, nous allons nous retrouver en face des hypothèses que la physiologie a faites sur les fonctions hématopoiétiques du foie et de la rate. Nous allons nous borner à enregistrer la théorie de MM. van Lair et Masius. Selon ces auteurs, la rate ne détruit pas les globules, mais

elle les prépare seulement à la destruction; elle ne fait que les vieillir ; en un mot, elle en fait des microcytes. Comme une partie des globules rouges échappent naturellement à cette transfor mation, le sang de la veine splénique apporte au foie un mélange de microcytes, de globules de transition et de globules ordinaires. Le foie lui-même ne fait que continuer l'œuvre commencée par la rate ; il emploie une partie des globules déchus à la fabrication de la bile et le restant de ces globules est versé avec les globules dis-coïdes par les veines sus-hépatiques dans la circulation générale. Là, les microcytes tombent au milieu d'une masse comparativement énorme de globules ordinaires, et cette circonstance explique leur rare apparition dans le champ du microscope, quand on examine le sang veineux ou capillaire de la peau. Mais que Y activité de la rate vienne à dépasser la mesure physiologique, et une élévation du chiffre des microcytes se manifestera immédiatement dans le sang de la veine splénique et consécutivement dans la circulation géné-rale. Si à l'hyperplasie de la rate vient se joindre une atrophie du foie, celui-ci détruira moins de microcytes, dont la proportion de-viendra par suite plus grande dans la circulation générale.

4° Ictère. Reste l'ictère; à quoi est-il dû? Selon la théorie que nous venons d'énoncer, les microcytes échappés au foie achèvent leur dissolution dans le cours même du sang; mais quand leur chiffre se trouvera exagéré, et que leur dissolution s'opérera sur une très-grande échelle, la proportion d'hémoglobine mise en liberté deviendra trop considérable pour être éliminée en totalité par les reins; ceux-ci, néanmoins, l'élimineront en grande partie sous forme à'urophéine, mais une autre partie ne pourra aban-donner le sang qu'en se déposant dans les tissus mêmes après avoir subi vraisemblablement une légère modification chimique. Pe plus, une forte proportion de microcytes échapperont encore au pouvoir dissolvant du plasma ; de là leur présence dans le sang.

5° Altération de l'urine. Les caractères principaux sont la colo-ration rouge brun, la richesse en acide urique et en uroérythrine ; l'absence de pigment biliaire et d'albumine. Ce que nous venons de dire de l'ictère rend parfaitement compte de ces altérations de l'urine.

6° Paralysie. Après avoir démontré que la paralysie observée n était ni une paralysie périphérique de cause locale, ni une para-lysie périphérique de cause générale, MM. van Lair et Masius en font nécessairement le résultat d'une modification morbide de l'inner-

nation centrale. Or une lésion permanente et appréciable de la moelle n'est pas admissible, et ils sont amenés à considérer ainsi cette paralysie comme étant de cause réflexe, et en effet, dans le cas par eux observé, il y avait un organe malade d'où partait l'exci-tation : la rate; il y avait une akinésie incomplète sans perte du pouvoir réflexe, sans anesthésie, sans contracture ; il y avait enfin une tendance marquée à la guérison.

Telle est, en résumé, la nouvelle affection décrite par MM. van Lair et Masius ; son individualité sera-t-elle reconnue par les clini-ciens, les physiologistes, les anatomo-pathologistes? entrera-t-elle dans le cadre nosologique à côté de la leucocythémie, avec laquelle elle paraît avoir de grandes analogies? C'est ce que décidera sans doute l'étade de nouveaux faits qui ne peuvent manquer de se pré-senter, et qui fourniront l'occasion de contrôler, de réformer peut-être sur certains points les opinions émises par les savants pro-fesseurs de l'Université de Liège.

G. P.

REVUE ANALYTIQUE

MALADIES DES ENFANTS

i. remarques sur le traitement de 21 cas de bronchite capillaibe

infantile, etc., par Bedford Bkovvn. — Éloigner l'obstruction mé-canique produite par l'exsudation muqueuse dans les voies aérien-nes, abattre la phlegmasie des bronches et la fièvre, empêcher le retour des mucosités et soutenir les forces de l'organisme, telles étaient les indications à remplir. Contre l'obstruction des bron-ches, l'ipécacuanha fut administré à dose vomitive, une fois dans chaque cas. Chez un certain nombre de malades, on remarqua que l'intensité de la fièvre accompagnait le premier stade, ou de séche-resse, diminuait pour quelque temps aussitôt qu'apparaissait une sécrétion abondante dénotée par des râles sous-crépitants nom-breux et la dyspnée. Lorsque ce premier stade était pris à temps et que les mucosités étaient expulsées par un vomitif, la marche ulté-rieure de la maladie était modérée et l'issue favorable. Laissait-on, au contraire, les mucosités s'accumuler durant vingt-quatre heu-res ou davantage, l'artérialisation ne s'effectuant plus, il survenait un engorgement permanent, l'affection traînait en longueur et de-

venait dangereuse. L'auscultation, pratiquée avant et après l'admi-nistration du vomitif, faisait constater une diminution notable et parfois même la disparition des râles sous-crépitants. Donné dans le premier stade, le vomitif prévient, dans une certaine mesure, l'arrivée ou le retour du râle crépitant.

La gêne de la respiration est due à deux causes : inflammation des bronches, exsudation dans les conduits aériens. La mort est ainsi moins le résultat du processus inflammatoire que de ses pro-duits. Les malades meurent rarement dans le premier stade ; c'est surtout quand l'exsudation, par son abondance, apporte un obstacle mécanique à l'accomplissement de la respiration. Aussi, pour que la bronchite capillaire marche vers la résolution, doit-on entretenir la liberté des bronches. La quantité de matières rejelées s'élève souvent à plusieurs onces.

Une obstruction transitoire, alors que l'inflammation a en grande partie disparu et qu'il n'y a plus de fièvre, peut amener la mort par apnée. Par suite de ces obstructions, surviennent une série d'en-gorgements veineux (poumons, cavités droites du cœur, grosses veines, cerveau et même les organes abdominaux) donnant lieu à des accidents variés. L'action rapide d'un vomitif, dans de sem-blables conditions et n'importe à quelle période de la maladie, avait une véritable efficacité ; la stase veineuse diminuait, la circu-lation artérielle était plus libre. La présence permanente du muco-pus dans les bronches a encore pour inconvénient d'amener des érosions, des ulcérations de la muqueuse pulmonaire, de petits ab-cès qui rendent l'haleine fétide. A ce moment encore, les vomitifs sont avantageux. Ainsi, chez un enfant mal soigné, qui était dans le collapsus, dont le pouls était presque insensible, quatre grains d'ipécacuanha, administrés dans une assez grande quantité d'eau-de-vie chaude, déterminèrent des vomissements énergiques, le rejet de mucosités abondantes, puis une réaction salutaire.

Dans tous les cas où la fièvre et l'inflammation persistaient après le vomitif, l'ipéca, donné par intervalle et à doses non vomitives, fut le meilleur moyen de combattre les symptômes, sans amoindrir les forces, en diminuant la sécrétion morbide. Les enfants, dans cette affection, tolèrent souvent de grandes quantités du médicament, sans nausées, ni aucun dérangement intestinal consécutif (cinq grains toutes les deux ou trois heures pendant deux ou trois jours). Cette tolérance paraît dépendre beaucoup du degré de la congestion du cerveau et de la veine porte.

Dans les cas avec diminution ou suppression de 1 expectoration et s'accompagnant d'une prostration telle qu'il était impossible de répéter l'emploi des vomitifs, l'ipéca à petites doses, uni à la quinine et aux stimulants alcooliques, fournit le meilleur moyen pour réveiller l'action des bronches paralysées et dilatées. Cette combinaison de l'ipéca et du sulfate de quinine fut mise à contribu-tion chez les deux tiers des malades. Le sulfate de quinine parut exercer : 1° une action sédative sur le système nerveux; 2° une ac-tion antifébrile ; 5° une action régulatrice sur la circulation. Quand la fièvre était intense et continue, l'effet du sulfate de quinine et de l'ipéca fut de la convertir en une forme rémittente, d'amener d'abord des intermissions, puis sa disparition.

L'essai des expectorants anodins ou stimulants ne fut pas heu-reux. Sous leur influence, la toux et le manque d'expectoration ne se modifièrent que momentanément, jamais assez pour soulager la res-piration. Pour exciter les fonctions nerveuses et réflexes, pour rani-mer les pouvoirs contractiles des bronches et la chaleur à la surface, la quinine, l'eau-de-vie, ajoutées à de petites doses d'ipéca, man-quèrent rarement d'apporter un secours prompt et efficace. Dans tous les cas, moins un, des cataplasmes chauds furent constamment appliqués autour de la poitrine et sur l'abdomen, lorsqu'il était distendu (engorgement veineux du système porte), moyens efficaces de provoquer l'expectoration, d'alléger les douleurs de la toux, en môme temps qu'ils activaient la circulation cutanée, et exerçaient une certaine act'on sudorifique. De temps à autre, des cathartiques légers furent prescrits, afin de prévenir la constipation et de mo-dérer l'engorgement de la circulation de la veine porte. Des 21 en-fants, 20 furent traités par la méthode que nous venons d'indiquer et guérirent. Un autre fut traité seulement par les expectorants, les stimulants diffusib'es, et la contre-irritation : il succomba. (The Americn Journal of the médical sciences, oct. 1870, p. 378.)

II. Diarrhée, avec seli.es vertes, chez les enfants nouveau-nés (Infants), par Stephen M. Mac Swiney. L'auteur rapporte avec détails l'observation d'un enfant nouveau-né qui eut des selles vertes, diarrhéiques, durant un temps assez long et en assez grande abondance pour donner des craintes sérieuses. L'infant n'avait pas de vomissements, mais il maigrissait chaque jour davantage; il ne semblait pas souffrir. On lui donna successivement trois nourrices. Ce fut avec la dermère et au bout de dix semaines oue les selles se ré-gularisèrent et devinrent normales. L'auteur fait suivre son observa-

tion de considérations assez étendues, qu'il résume en ces termes : « 10 La cause de la couleur verte des selles chez les infants n'est pas bien établie ; — 2° Il est possible de douter si la présence de la bile est nécessaire à la production de cette couleur ; — 5° Ces selles sont souvent dues à une délicatesse inhérente à l'enfant; — 4° Le lait de la femme varie beaucoup dans sa composition, et est parfois préjudi-ciable à l'infant qui s'en nourrit; — 5° Une bonne méthode pour re-connaître les qualités du lait du sein est encore à trouver (the Du-blin quarterly Journal of médical science, 1871, n° Cil, p. 596).

III. Thérapeutique du croup, par E. Bouchut.—Au sujet d'une en-fant âgée de six ans, atteinte du croup et admise à l'hôpital au commencement de la troisième période, dite d'asphyxie ou d'anes-thésie progressive et guérie par l'émétique à haute dose, l'auteur insiste sur cette médication et donne, sur son mode d'administra-tion les renseignements qui suivent : Quand l'émétique est bien employé, il ne produit pas d'accidents. Il n'épuise pas les enfants et ne détermine pas les accidents cholériformes que l'on connaît sous le nom de choléra stibié. Il importe de ne pas donner beau-coup à boire aux enfants. Les boissons données après l'émétique changent son effet vomitif en effet purgatif et font ce qu'on appelle de l'émétique en lavage. Il faut nourrir les enfants avec des potages assez épais. Grâce à ces précautions, le tartre stibié est parfaitement supporté. Il fait vomir sans fatiguer et ne purge pas, ou ne pro-voque qu'un petit nombre de selles.

Chez l'enfant dont il s'agit, M. Bouchut a donné deux jours de suite dix centigrammes de tartre stibié qui n'ont produit que des vomissements et pas de diarrhée. L'enfant, pouvant se nourrir, n'a pas dépéri, et « sous l'influence du médicament, elle a rejeté le large lambeau de fausse membrane qui l'étouffaity qui avait déjà provoqué des accès de suffocation, qui favorisait l'accumulation du gaz carbonique dans le sang et l'anesthésie, enfin pour l'extraction duquel il aurait fallu faire la trachéotomie. » (Gaz. des Hôpitaux, 1871, page 582).

IV. Note sur un cas de muguet du gros intestin, par J. Parrot. — Admis par quelques observaieurs, le développement du muguet dans l'intestin était loin d'être démontré puisqu'on avait négligé de déterminer, par l'examen microscopique, la véritable nature de la lésion. M. J. Parrot rapporte les résultats nécroscopiques et surtout histologiques, qu'il a observés dans un cas de muguet affectant la cavité buccale, l'œsophage et le gros intestin. Dans le gros intestin,

on voit, s'étendant au-dessous de la valvule iléo-cœcale, sur une longueur de 16 à 17 centimètres, des plaques marron foncé, mar brées de violet et de gris , allongées transversalement, faisant une saillie d'un à un millimètre et demi et ayant, en général, 15 mil-limètres de long sur 5 à 6 de large.

Ces plaques « sont constituées par les éléments du muguet, avec lesquels on trouve, du moins à la surface, de la graisse, des grains d'amidon et un grand nombre de corpuscules sphéroïdaux, brunâ-tres. Plus profondément, on voit, avec les spores et les tubes, un grand nombre de cellules polygonales d'épithélium et des culs-de sac glandulaires, ne contenant pas dans leur cavité d'éléments pa-rasitaires. Lorsqu'au niveau d'une plaque, on enlève, à l'aide de ciseaux courbes, un fragment de la muqueuse, on aperçoit encore là, disséminés dans sa trame, des filaments et des spores ; mais tandis qu'à la surface, le thallus est très-abondant et présente des filaments allongés et ramifiés; dans les coucbes profondes au con-traire, ce sont les spores qui dominent, les tubes étant infiniment moins nombreux et se montrant d'ordinaire à l'état naissant. » Sur des coupes faites après durcissement dans l'alcool, l'auteur a con-staté que les racines du végétal, si l'on peut ainsi dire, ont traversé la muqueuse pour pénétrer jusque dans la tunique cellulo-vascu-laire; c'estià une preuve évidente qu'il ne s'agit pas d'amas errants de la mucédinée.

La lésion ne se présente pas dans le gros intestin sous le même aspect que dans l'estomac : « Au lieu de petits amas isolés et de godets gris ou jaunes, ce sont, dit M. Parrot, de larges plaques saillantes et brunâtres, constituées par une végétation beaucoup plus riche que dans l'estomac, bien que pénétrant moins profondément dans l'épaisseur du viscère, probablement parce que le parasite trouve dans les matières intestinales une partie de son aliment et n'est pas dans la nécessité de vivre d'une manière exclusive aux dépens des tissus vivants. » (Archives de physiologie normale et pathologique, 1870, p. 621).

V. Cas d'hématurie intermittente, par Southey.— E. J. V..., âgée de quatre ans, avait rendu, le 4 mai, au dire de sa mère, trois onces de sang par l'urèthre. Jamais de rétention d'urine, ni de symptômes d'irritation du méat urinaire. L'enfant n'avait pas reçu de coups sur les reins, mais neuf mois auparavant elle avait dégringolé huit marches d'escalier. Santé excellente d'ailleurs. Elle aurait eu la rougeole (?) il y a un an. Le 8 et le 16 mai, pas de sang dans lu-

rine. Le 17 mai, il s'écoule environ 50 centilitres de sang* rouge clair, dans lequel le microscope fait reconnaître les globules, mais aucun autre caractère capable de renseigner sur le siège de l'hé-morrhagie. Une surveillance attentive ne permet de constater ni rétention d'urine, ni signes de calcul. — Le 24, l'enfant rend trois onces d'une urine semblable à celle du 17 mai. Elle avait accompli la miction quelques minutes auparavant et rendu de l'urine nor-male. La surveillante remarqua que le premier jet était semblable à du sang, qu'il coulait d'une façon continue, et sortait par l'urètbre. Il ne s'agissait pas là d'une hémorrhagie de l'urèthre, ni d'un cas de menstruation précoce, car l'examen, fait à ce moment par l'in-terne, montra que le sang ne s'échappait pas de la vulve, mais bien de l'urèthre.— Le premier juin, évacuation de quatre onces d'urine sanglante. — Le 15 juin, rougeole. — A partir de ce moment jus-qu'au 26 juillet, jour de sa sortie de l'hôpital, l'enfant n'a plus rendu de sang avec les urines (the Lancet, 1870, vol. II, p. 552). — Le Dr Greenhow a observé des phénomènes semblables chez un garçon de huit ans et demi (Transactions of the clinical Society, vol. I).

VI. Hémorrhagie vulvaire chez les petites filles, par Bonnal ej Ch. Dubreuilh.—M. Bonnal cite le cas d'une petite fille, âgée de 26 heures, atteinte d'hêmorrhagie vulvaire. Les seins avaient le vo-lume d'une grosse noix. Les organes génitaux externes étaient tuméfiés. L'accouchement avait été très-rapide. L'enfant tetait bien. Elle fut mise au bain. Bientôt on remarqua que la perte de sang allait en diminuant, en même temps que les seins perdaient de leur volume. 48 heures plus tard, tout était rentré dans l'ordre. — L'auteur compare ces pertes à des épistaxis utérines et repousse l'opinion d'Ollivier (d'Angers), qui admettait, en pareille circon-stance, une ovulation précoce. Il croit plutôt que a l'hémorrhagie est la conséquence d'une congestion intense des organes contenus dans le petit bassin, congestion due en partie à la rapidité de l'expulsion du corps de l'enfant.

M. Ch. Dubreuilh a observé six ou sept faits semblables. Deux fois il a vu l'hémorrhagie durer assez longtemps et se reproduire, même périodiquement, pendant cinq ou six mois, après lesquels toute hémorrhagie cessa pour ne reparaître qu'à la puberté. En général, ces écoulements s'accompagnaient de gonflement desseins et des grandes et petites lèvres. Il pense qu'ils étaient simplement occasionnés par une congestion de la muqueuse utérine (Mém. et

Bull, de la Société de médecine de Bordeaux, 1869, vol. ï, p. 85).

— Parlant de ces hémorrhagies vaginales, Vogel1 écrit qu'elles sont ordinairement peu intenses. « Dans les deux cas que j'ai eu, dit-il, l'occasion d'observer, il se présenta, au bout de peu de jours, un catarrhe intense de l'intestin, suivi d'un état de ma-rasme qu'il fallut d'ailleurs attribuer bien plutôt à la privation du lait maternel qu'à l'hémorrhagie elle-même. » — Se basant sur ce que l'hémorrhagie vulvaire n'est pas périodique, il pense qu'elle n'a aucune connexion avec l'ovulation. D'après lui, elle ne coïnciderait pas toujours avec le gonflement des seins.

bourneville.

BIBLIOGRAPHIE

Traité clinique des maladies aiguës des organes respiratoires, par E. J.

Woillez, médecin de l'hôpital Lariboisière. Vol. in-8° de 056 pages, avec plan-ches. Paris, Ad. Delahaye.

L'ouvrage de M. Woillez est un de ces livres trop rares qui résu-ment toute une vie d'étude. La main de l'auteur a été visiblement guidée par une conviction profonde et par le plaisir si naturel d'en-seigner aux autres ce qu'on croit être la vérité.

Ce travail, long et substantiel, se divise en deux grandes parties; la première comprend les maladies aiguës spontanées, et se subdi-vise en cinq chapitres qui sont : l°la congestion pulmonaire; 2°la bronchite ; 3° la pneumonie ; 4° la pleurésie ; 5° les maladies hi-brides ou de transition (bronchopneumonie, etc.), se rattachant à plusieurs de ces types à la fois.

La seconde partie comprend les maladies aiguës accidentelles des organes respiratoires et, sous ce titre, M. Woillez examine : 1° les complications aiguës de l'emphysème pulmonaire ; 2° l'apoplexie pulmonai: e ; 5° les obstructions sanguines de l'artère pulmonaire; 4° les infarctus du poumon ; 5° la gangrène pulmonaire ; 6° les accidents dus aux corps étrangers dans les bronches ; 7° les perfo-rations pulmonaires.

Cette seconde partie est de beaucoup la moins importante, bien qu'elle renferme des faits intéressants ; la première partie au con-

1 Traité élémentaire des maladies de l'enfance, trad. de L. Gulmann et Ch. Sengel, Paris, 1872, p. 479.

traire est traitée avec le plus grand détail et renferme surtout deux études très-sérieuses et même nouvelles, bien que les questions traitées aient déjà été soulevées, soit dans des travaux de M. Woillez lui-même, soit dans des publications dues à ses élèves : je veux parler de la congestion pulmonaire considérée comme maladie idio-pathique et des applications du cyrtomètre ou bien d'un ruban métrique à l'examen de la poitrine, cette mensuration fournissant pour le diagnostic de la congestion pulmonaire et des épanche-ments pleurétiques des indications extrêmement précieuses. Avec une bonne foi, qui de\rait être imitée de tous les inventeurs, M. Woillez convient que le cyrtomètre, instrument dont la manœu-vre exige quelque habitude, ne peut guère être employé dans la pratique ordinaire; cet instrument peut être remplacé pour la ma-jorité des praticiens par un simple ruban métrique qu'on trouve partout, et qu'on a toujours sous la main. Ce ruban ne peut, il est vrai, donner que le périmètre de la poitrine, mais M. Woillez nous apprend que cette donnée est la seule qui soit indispensable, tan-dis qu'on peut parfaitement se passer, dans la pratique, des élé-ments fournis par le cyrtomètre, qui sont la forme exacte de la courbe tlioracique, les divers diamètres et, en particulier, les dia-mètres vertébro-mammaires qui sont les plus intéressants à consi-dérer.

Laissons donc là le cyrtomètre, et voyons ce que M. Woillez est parvenu à faire avec son simple ruban. D'abord il a pu décrire ma-gistralement une maladie naguère obscurément indiquée, la con-gestion pulmonaire; en second lieu il a pu poser des indications précises, presque mathématiques, pour l'opération de la thoracen-tèse Qu'on nous permette d'esquisser rapidement les principaux traits par lesquels notre auteur caractérise la congestion pulmo-naire simple : c'est une maladie à évolution rapide et qui cède au traitement avec une remarquable facilité ; elle se caractérise comme symptômes par une douleur sous-mammaire souvent confondue avec une névralgie intercostale, par de la fièvre, de l'oppression, des cra-chats muqueux quelquefois striés de sang, et parles signes physiques suivants : à la percussion, tympanisme tlioracique et plus rare-ment submatité ; h l'auscultation, respiration affaiblie, expiration prolongée, bruit respiratoire ronflant ou sibilant, enfin vers la ra-cine du poumon respiration puéiile et souffle bronchique; à la mensuration,on trouve une augmentation du périmètre tlioracique, augmentation qui peut être plus ou moins considérable, et qui se

reconnaît par la rétrocession qu'on observe pendant que la maladie est en voie de décroissance.

Outre cette hyperémie simple sur laquelle nous ne pouvons in-sister, M. Woillez admet que l'élément congestion joue un rôle des plus importants quand il se montre comme accident secondaire, soit dans les maladies générales (fièvre typhoïde, etc.), soit dans les autres maladies des organes thoraciques ; par exemple, dans la bronchite simple, elle joue un rôle tellement important que, de tou-tes les maladies aiguës, c'est la bronchite qui présente, après la guérison, la rétrocession la plus considérable du périmètre thora-cique.

Notre auteur va même plus loin; pour lui cette congestion joue un rôle d'une telle valeur, que c'est à une hyperémie exagérée compliquant la bronchite qu'il attribue la formation des espèces nosologiques dites bronchites capillaires, catarrhe suffocant; il désigne ces maladies sous le nom d''hémobronchites et les divise en bénignes et graves.

Dans la pneumonie nous retrouvons encore l'hyperémie pulmo-naire ; nous la retrouvons, non-seulement comme premier degré de la maladie dans les points qui doivent arriver à l'hôpatisation, mais aussi comme lésion concomitante occupant, soit les parties non hépali-sées du poumon enflammé, soit le poumon du côté sain. Enfin nous retrouvons la congestion pulmonaire dans la pleurésie, et M. Woil-lez regarde cette congestion comme la cause probable de la mort subite ou rapide dans une partie des cas où cette terminaison a été attribuée à la syncope.

L'importance donnée à la congestion diminue d'autant celle de la bronchite, qui s'en distingue principalement par sa durée, par la lenteur de sa marche, par des crachats muco-puru-lents et par des râles humides qu'on entend surtout à la base. Nous ne pouvons, du reste, insister sur ces doctrines malgré leur intérêt et nous avons hâte d'arriver à la partie la plus utile et la plus importante de l'ouvrage, l'emploi du ruban métrique dans la pleurésie, et les éléments qu'il fournit pour poser les indications de la thoracenlhèse. Par ses mensurations, M. Woillez a pu constater: 1° que la période d'état, c'est-à-dire celle dans laquelle l'épanché* ment reste stationnaire, période qu'on croyait constante, est assez rare dans la pleurésie. Les tracés construits d'une manière ana-logue aux tracés thermométriques démontrent que le plus souvent la rétrocession a lieu presque aussitôt que l'ampliation a cessé de

se produire, el que la période d'état dure vingt-quatre ou quarante-huit heures tout au plus ; dans dix cas seulement, M. Woillez a con-staté à la mensuration l'existence de cette période d'état.

2° Vers le vingtième jour, la pleurésie a une tendance naturelle à se résoudre.

5° C'est au moment où la rétrocession commence qu'on voit ap-paraître dans un certain nombre de cas des phénomènes qui peu-vent être considérés comme critiques, et qui sont presque toujours des sueurs abondantes.

4U Enfin la mensuration peut démontrer l'augmentation de l'épanchement alors que tous les autres signes semblent indiquer la persistance, le statu quo ; pourtant il y a un certain nombre de pleurésies que M. Woillez appelle latentes vraies, dans lesquelles tous les signes manquent à la fois; le ruban mensurateur pourrait peut-être rendre des services, mais il n'a pas été appliqué à ces cas.

Les données que fournit la mensuration sont tellement précises, comme on vient de le voir, que M. Woillez a pu poser pour la tho-racentèse les indications suivantes : Tout épanchement qui fait des progrès rapides et inquiétants peut être opéré du quinzième au vingtième jour si l'état général du malade l'exige, et quoiqu'il n'y ait pas d'asphyxie menaçante. Il faut opérer tout épanchement qui augmente à partir du vingtième au vingt-cinquième jour, ou qui reste généralisé et stationnaire, ou enfin qui se résorbe trop lente-ment. Il ne faut pas opérer les épanchements abondants qu'on ob-serve à partir du vingtième au vingt-cinquième jour, si aucun traite-ment médical n'a encore été essayé; il faut commencer par essayer ce traitement médical.

Dans les pleurésies chroniques, on peut opérer, quelle que soit rancienneté' de l'épanchement, si la mensuration indique qu'il reste stationnaire ou qu'il fait des progrès.

Nous nous arrêtons, faute d'espace; aussi bien cet excellent livre devrait-il être cité presque en entier si l'on voulait y prendre tout ce qu'il y a d'intéressant. Au point de vue du style, il est sim-ple, clair et facile à lire, malgré l'emploi fréquent, dans l'exposé des observations, de la méthode numérique, qui donne toujours une certaine sécheresse à l'exposition. En résumé, c'est un ouvrage que tout le monde voudra lire; on n'y trouvera pas une assertion qui ne soit solidement étayée de faits à l'appui. Il n'y faut chercher que de la clinique, car c'est l'œuvre d'un clinicien faite tout entière au lit du malade ou bien à l'amphithéâtre.

Simplicité, clarté, conviction, science amassée par un labeur de longues années, telle sont les qualités qui distinguent cet ouvrage. Nous ne savons si l'avenir en adoptera toutes les conclusions, mais il fera époque nous, n'en doutons pas, dans la littérature des affec-tions thoraciques. A. Malherbe.

De la thérapeutique de l'œil, au moyen de la lumière colorée, par le docteur Louis Bœhm, traduit de l'allemand par N. Th. Klein. In-8° de 214 pages. Adr. Delahaye, éditeur.

11 s'agit de l'influence du bleu____sur les yeux.

L'auteur commence par douer la lumière bleue de propriétés surprenantes : 1° elle est plus réfrangible pour l'œil que la lumière blanche et bien plus que la lumière rouge; 2° la lumière bleue est plus perceptible que la lumière blanche et que les autres lumières colorées; 3° elle l'emporte sur les autres lumières, en soutenant mieux et en rendant plus durable la force visuelle.

La lumière bleue est donc la couleur noble, la privilégiée d'entre les couleurs du prisme. — Mais en raison même de ses propriétés bienfaisantes, elle doit être administrée aux yeux malades, avec mesure ; aussi le professeur Bœhm fait son choix. 11 adopte la so-lution aqueuse de sulfate ammoniacal de cuivre, comme très-homo-gène et inaltérable; il en fait préparer six solutions de titre différent et les enferme entre deux verres plans-concaves ou plans-convexes.

Armé de ce puissant moyen..... six verres bleus de nuances dif-férentes, il guérit les perturbations de la vision binoculaire; il amortit l'éblouissement, relève la faculté de distinguer les objets ; il rétablit la vue à distance, la vue de près, il calme la douleur, il rend à la vue la persistance. Aussi, quels accents de reconnaissance de la part des malades ! Un dévot déclare qu'il éprouve dans les yeux « le bien-être du dimanche, » etc., etc. Et la preuve de toutes ces vertus merveilleuses?... Elles ne manquent pas. On trouve des observations à chaque chapitre.

On ne saurait donc contester la profonde croyance de l'auteur... au bleu. Malheureusement ces études ne sont pas de date récente : elles appartiennent à une époque où les maladies du fond de l'œil étaient à peine ébauchées, celles de la réfraction complètement inconnues, où les ophthalmologistes ressemblaient un peu trop à des opticiens. Les immortels travaux de Brucke et d'Helmholtz sur les couleurs condamnent ces théories empiriques, ces guérisons trompeuses. Le Gérant : a. le montméja. L. Thaon.

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

A U TOPLASTIE

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DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE CHIRURGICALE

NÉCROSE CIRCONSCRITE DU MAXILLAIRE INFÉRIEUR ; GANGRÈNE PARTIELLE DE LA JOUE GAUCHE; AUTOPLASTIE

Par m. j. gikaldès. chirurgien de l'hôpital des Enfants-Malades.

Delor.., Ernestine, 13 ans, est entrée pour la deuxième fois à l'hôpital des Enfants-Malades, salle Sainte-Pauline, n° 21, le 14 dé-cembre 1871.

Avant de décrire l'affection qui a motivé son admission, l'opé-ration que nous avons pratiquée, nous allons résumer brièvement ses antécédents :

Jusqu'à 11 ou 12 ans, elle a toujours eu des croûtes du cuir chevelu qui atteignaient parfois une assez grande largeur. Vers 2 ou 3 ans, il serait survenu au-dessous du lobule de l'oreille, un abcès qui a été ouvert par sa mère. La plaie s'est gangrenée. La guérison a été lente et a laissé une cicatrice qui, commençant à 2 centimètres de l'oreille, vient aboutir à l'angle de la mâchoire inférieure. Cette cicatrice, fine, d'un brun jaunâtre, mesure 4 à 5 centimètres de longueur, et environ 12 millimètres de largeur. Elle est un peu affaissée par rapport à la partie saine de la peau avoisinante. Elle correspond sur la Planche IV, à la bande noire qui longe la branche descendante du maxillaire inférieur.

A son arrivée à Paris (3 ans), cette enfant a été atteinte d'une ophthalmie double, grave, qui a duré quatre mois. Un an plus tard, elle a été prise, après son frère et sa sœur plus âgés qu'elle, d'une fièvre typhoïde. Elle venait alors de retourner dans le pays de sa naissance où sa mère, par peur de la contagion, l'avait envoyée. A la fin de sa maladie, il s'est formé un abcès qui paraît avoir eu pour point de départ le périoste alvéolo-dentaire de la moitié gauche de

4a année. 2

la branche horizontale du maxillaire inférieur. Elle n'a pas voulu qu'on l'ouvrît. Au bout d'une dizaine de jours, alors qu'elle était convalescente de sa fièvre typhoïde et qu'elle commençait à se lever, on s'aperçut un jour quelle avait une petite plaque noire au niveau de la région inférieure de la joue gauche. Le médecin, appelé aus-sitôt, aurait appliqué un caustique. Malgré cela, en vingt-quatre heures, les parties avoisinantes se seraient sphacélées et il s'est produit une vaste perte de substance qui, partant du voisinage de l'angle de la mâchoire, arrivait à la commissure labiale gauche, qui fut détruite. (La disposition de la cicatrice, indiquée nettement par la Planche IV, donne une idée de ce qu'a dû être cette des-truction.)

Peu après, Delor... est revenue à Paris et a été admise à l'hôpital Sainte-Eugénie, où M. Marjolin luia enlevé un fragment dumaxillaire inférieur. Toutefois, la vaste brèche de la joue persistait. M. Marjo-lin s'étant absenté, M. B. Anger, son suppléant, tenta la restauration des parties, mais seulement avec un demi-succès. La commissure labiale a été reconstituée et l'extrémité externe de la plaie s'est fermée, mais il est resté au milieu une ouverture qui, à l'époque delà première admission de la malade, mesurait près de 2 centi-mètres de longueur et 1 centimètre et demi de largeur. Les parties molles correspondant à la mâchoire étaient amincies, très-adhé-rentes à l'os, formant en quelque sorte corps avec lui. C'était là une condition fâcheuse qui devait rendre laborieuse la dissection de la peau, et qui pouvait constituer un obstacle aune réparation efficace. Malgré cela, comme les fonctions qui s'accomplissent dans la bou-che s'effectuaient mal, que les aliments et la salive s'écoulaient au dehors, je me décidai à intervenir (12 mai 1870).

Voici le procédé que j'ai employé : J'avivai les bords de la plaie, je séparai les parties molles de la branche de la mâchoire. Ensuite, pour faciliter le rapprochement des bords avivés, je fis deux inci-sions, l'une au-dessus, l'autre au-dessous de la plaie. Enfin, à l'aide de sutures métalliques, je parvins à mettre en contact les parties avivées.

Les sutures métalliques lurent laissées en place jusqu'à ce que la cicatrisation fût à peu près complète. Néanmoins, il existait encore un petit pertuis répondant au milieu de l'ancienne plaie. Il n'avait pas encore disparu quand l'enfant quitta l'hôpital.

Cette jeune fille, avons-nous dit, est rentrée à l'hôpital en 1871* Nous allons décrire son état actuel (janvier 1872).

Ce qui frappe tout d'abord, c'est l'asymétrie du menton: la moitié gauche est notablement moins développée que la droite. H résulte delà que toute la partie située au-dessous d'une ligne hori-zontale qui continuerait la bouche en dehors et à gauche, est dé-primée au lieu d'être convexe, ce qu'explique l'adhérence delà peau, réduite à son derme, et privée de parties musculaires. A partir de cette même ligne, jusqu'au bord inférieur de la branche horizon-tale du maxillaire, se voient des cicatrices. (Voy. Planche IV.) De ces cicatrices, la principale décrit une ligne sinueuse en S, laquelle part de la commissure labiale et se termine à l'angle de la mâ-choire. Elle exerce une traction assez forte sur la commissure qui est déformée, froncée, et au voisinage de laquelle les lèvres sont renversées en dehors. Les autres cicatrices, moins longues, sont verticales, blanches et légèrement frangées. Les unes répondent à la première opération, les autres à celle que j'ai pratiquée. La peau adhère au bord inférieur du maxillaire, principalement auprès de l'angle de cet os. La moitié gauche de l'ouverture buc-cale est moins longue d'environ un demi-centimètre que la droite.

Lorsqu'on introduit le doigt dans la bouche, on constate : 1° qu'entre la grosse molaire du fond et les incisives, toutes les dents manquent; 2° que le maxillaire est moins épais à gauche qu'à droite, et surtout qu'il est moins haut d'au moins la moitié ; ce vide résulte de l'ablation de la nécrose.

Toutefois, la dernière opération n'a pas donné un résultat par-fait. En effet, il y a encore un petit trajet fistuleux, pouvant laisser entrer un stylet fin, et par où l'on voit suinter de temps en temps une gouttelette de salive.

La parole est libre, seulement l'émission de certains sons est un peu voilée : l'enfant zozote par moments, surtout quand elle com-mence à parler. — La mastication se fait bien ; elle s'accomplit principalement du côté droit ; ce n'est que par exception que les aliments sont broyés sur la dernière molaire gauche. —Lorsque l'enfant mange, l'écoulement de la salive est plus abondant par le petit orifice fistuleux, signalé plus haut, que dans l'intervalle des repas.

Le résultat incomplet de l'opération tient en grande partie à l'ad-hérence de la peau au maxillaire et à l'atrophie de la peau, condi-tions qui mettent obstacle au jeu normal de la joue et occasionnent un tiraillement constant sur le centre de la cicatrice.

Dans de pareils cas, c'est-à-dire lorsqu'on intervient en second

lieu, on fait ce que l'on peut. Le procédé employé ici était indiqué forcément par l'état des parties et par la tentative opératoire anté-rieure.

CLINIQUE MÉDICALE

IGROUPE DES MYOPATHIES DE CAUSE SPINALE. - PARALYSIE INFANTILE

Leçon faite par M. CHRCOT, à la Salpêtrière (juillet 1870). § Il (suite).

Deuxième période. Messieurs, la régression des symptômes dont nous venons de vous entretenir, inaugure la seconde période de la paralysie infantile. Elle commence à s'accuser du deuxième au sixième mois à partir du début ; parfois plus tôt, quelquefois plus tard. Elle met plusieurs mois à s'accomplir, six mois, dans cer-tains cas, au dire de Volkmann. Huit ou dix mois après le début, époque qui marque la terminaison de cette période rétrograde, les muscles qui n'ont pas recouvré leurs fonctions peuvent être con-sidérés comme lésés à tout jamais, comme perdus sans retour. Du reste, l'amendement ne se fait pas sentir en règle générale sur tous les points. Dans les cas ordinaires, il est toujours quelques muscles, ceux parfois de tout un membre ou seulement d'une région d'un membre, dans lesquels les lésions continuent à progresser au con-traire, pendant un certain temps encore, puis persistent d'une ma-nière indélébile, et présentent à l'observateur une série de phéno -mènes qui mérite de nous arrêter d'une façon spéciale.

a) Vatrophie devient bientôt manifeste sur ceux des muscles chez lesquels la contractilité famélique n'a pas reparu. On ne se rend pas toujours un compte exact de l'étendue de cette atrophie, parce qu'elle est souvent masquée, ne l'oublions pas, par l'accumu-lation du tissu cellulo-graisseux. Elle constitue, d'ailleurs, l'un des traits saillants de la paralysie infantile et elle semble s'accuser •plus vite, dans cette maladie, que dans les cas de lésions des nerfs mixtes où elle est cependant très-rapide. Ainsi, d'après M. Duchenne (de Boulogne), elle est, dans la paralysie infantile, déjà très appa-rente au bout d'un mois, et il est des cas, rares à la vérité, où elle peut s'accuser même dès les premiers jours.

b) Arrêt de développement du système osseux. Nous devons rele-ver, ici, un trait important que M. Duclienne (de Boulogne) et, après lui, M. Volkmann ont fait ressortir : c'est l'arrêt de développement du système osseux. L'atrophie qui affecte les os n'est nullement en rap-port nécessaire avec le degré ou avec l'étendue de la paralysie et de l'atrophie musculaires.

Ainsi, suivant une remarque de Duchenne (de Boulogne), un mem-bre frappé de paralysie infantile pourra avoir perdu la plupart de ses muscles, et cependant n'être plus court que celui du côté op-posé, resté sain, que de 2 à 3 centimètres seulement ; tandis que, dans un autre cas, la diminution en longueur du membre frappé de paralysie pourra aller jusqu'à 5 ou 6 centimètres, bien que, dans ce cas, la lésion musculaire soit restée localisée dans un ou deux muscles à peine et ait permis le prompt retour des mouvements1. M. Volkmann, de son côté, a observé des faits de raccourcissement considérable^du membre affecté chez des enfants qui, en raison du léger degré d'altération des muscles des pieds et du peu d'étendue des déformations essentielles, boitaient à peine et se tenaient sur leurs jambes une bonne partie du jour, il dit même avoir vu quatre ou cinq fois une paralysie infantile tout à fait temporaire, et aboutissant au bout de quelques jours à un retour complet des fonctions des muscles, être suivie cependant de lésions trophiques osseuses qui persistaient toute la vie2.

Il serait difficile de trouver un exemple plus propre à établir l'in-fluence directe des lésions du système nerveux central sur la nutri-tion des parties osseuses, puisqu'il est impossible d'invoquer dans cette circonstance l'action de l'inertie fonctionnelle prolongée.

c) Refroidissement du membre. Un autre phénomène qui mérite d'être signalé, au même titre que les précédents, c'est le refroidis-sement permanent souvent très-prononcé que présente tôt ou tard le membre paralysé. De même que l'atrophie, ce phénomène paraît s'accentuer plus dans la paralysie spinale infantile que dans toutes les autres formes de paralysie des membres3. C'est peut-être le lieu de faire remarquer qu'en outre de l'atrophie des muscles et des os, on trouve à l'autopsie, dans les cas de ce genre, une diminution re-

1 De l'électrisation localisée, 39 édition, 1872, p. 400.

2 R. Volkmann, loc. cit., p. 6. « Même dans la paralysie infantile très-limitée et très-incomplète, les troubles trophiques dont il s'agit peuvent affecter le membre dans toute son étendue; on en retrouve souvent des traces au tronc, au bassin, aux épaules et même, dans certains cas, à la têle. » — Id., loc, cit.

3 Heine, loc. cit., p. 15.

marquable du calibre des troncs vasculaires. Il est des circonstances où le refroidissement en question devient appréciable de très-bonne heure, quelques semaines parfois après le début, ou même plus tôt encore1.

cl) Un dernier caractère sera fourni par les déformations qui se manifestent dans les membres paralysés en conséquence de la pré-dominance d'action des muscles restés sains ou ayant, à un moment donné, récupéré leur tonicité. La patliogénie de ces déformations n'offre pas d'obscurités. Nous savons que l'atrophie n'est pas répan-due uniformément sur tous les muscles d'un membre ; elle prédo-mine dans certains muscles et groupes de muscles ; les antagonistes de ces muscles doivent imposer, à la longue, des attitudes vicieuses répondant à la direction de leurs mouvements. C'est d'ailleurs vers le huitième ou dixième mois que les difformités commencent à s'accuser. Ainsi se développe le pied bot de la paralysie infantile qui est le pied bot paralytique par excellence, et qui, dans l'immense ma-jorité des cas, revêt la forme varus-equin (Planche 1). La laxité des ligaments est extrême, et l'on peut facilement imprimer aux diverses parties du membre paralysé les attitudes les plus forcées et rappe-lant celles des membres d'un polichinelle. Jointe aux autres carac-tères, et ,en particulier au refroidissement permanent du membre, cette grande laxité des jointures permet de distinguer à coup sûr le pied bot résultant de la paralysie infantile du pied bot con-génital, alors même que l'on serait privé de toute espèce de ren-seignement concernant le mode de développement des accidents2.

A partir de l'époque où les lésions sont devenues définitives dans certains muscles, on peut dire que la maladie est arrêtée. Une s'agit plus dès lors que d'une infirmité plus ou moins pénible qui, suivant la remarque de Heine, ne parait pas avoir d'influence di-recte sur la durée de la vie. A l'appui de cette proposition, je puis vous présenter aujourd'hui une vieille habitante de cet hospice, la-quelle offre, à une distance de plus de soixante ans, les vestiges très-caractéristiques de la maladie qui l'a frappée à l'âge de cinq ans.

Tels sont les caractères fondamentaux de la paralysie infantile spinale considérée dans son mode régulier ; quelquefois il se produit

1 Duchenne (de Roulogne) dit l'avoir constaté déjà du quatrième au cinquième jour. — Loc. cit., dernière édit., p. 398.

2 Heine, loc. cit., pages 14, 15, 20.

dans l'évolution naturelle de la maladie des irrégularités qui, elles aussi, ont droit à notre intérêt.

Ainsi il est des cas où, après la fièvre, la paralysie, au lieu d'at-teindre tout à coup son plus haut degré d'intensité, se développe au contraire d'une manière progressive, dans l'espace de quelques jours ou même de quelques semaines.

Il est d'autres cas où dans la période de régression il se produit des temps d'arrêt ou même des retours agressifs1.

Je n'insisterai pas plus longuement sur ces faits anomaux qui paraissent, d'ailleurs, très-rares. Je n'ai pas cru devoir toutefois les passer sous silence, parce que, à mon avis, ils peuvent servir à établir un trait d'union entre la paralysie infantile spinale et les autres maladies du groupe.

§ III.

Je vais essayer actuellement de vous faire connaître les lésions que les recherches récentes ont fait constater dans la paralysie infantile et auxquelles se rattache l'ensemble si remarquable de phénomènes qui vient de vous être présenté. Nous traiterons en pre-mier lieu des lésions des muscles, et en deuxième lieu des lésions du système nerveux.

1° Lésions des muscles. Je serai bref sur ce qui est relatif à l'alté-ration des muscles, car c'est là un sujet qui réclame encore de nou-velles études.

A. Première période. C'est surtout relativement aux premières phases de la maladie que les données positives concernant l'altéra-tion histologique des muscles font défaut. D'après ce qu'on sait, la majeure partie des faisceaux primitifs subirait dans celte première période, l'atrophie simple, sans dégénération graisseuse. L'examen microscopique fait reconnaître en effet un grand nombre de fais-ceaux d'un très-petit diamètre qui ont conservé cependant leur striation normale, et qui ne présentent pas traces de granulations graisseuses. D'autres faisceaux encore en grand nombre, entremêlés aux précédents, renferment en outre, de distance en distance, des amas de noyaux du sarcolemme. On rencontre, enfin, çà et là un troisième ordre de faisceaux, le plus souvent en très-petit nombre, lesquels ont perdu leur striation et présentent à divers degrés les caractères de la dégénération granulo-graisseuse. Mais, c'est là, je

1 Voir Heine et Duchenne (de Roulogne) fils, loc. cit., p. 8.

le répète, un fait plutôt exceptionnel. En sommeil paraît constant que les lésions irritatives prédominent sur les lésions dites passives. Nous verrons bientôt que, contrairement à l'opinion généralement répandue, le même caractère se retrouve dans l'atrophie musculaire progressive de cause spinale.

Les lésions dont il s'agit paraissent s'accuser de bonne heure : M. Damaschino, d'après ce qui nous a été dit par M. Duchenne (de Boulogne), les aurait constatées, trois semaines après le début de la maladie sur un fragment de muscle obtenu à l'aide de l'emporte-pièce ; à l'aide du même procédé, MM. Volkmann et Steudener ont pu également étudier les muscles paralysés, à une époque assez voisine du début et ils y ont reconnu les mêmes altérations1. Ces derniers auteurs signalent, en outre, une hyperplasie du tissu con-jonctif qui ne se trouve pas mentionnée par les autres observateurs et que nous avons reconnue, pour notre compte, d'une façon très-nette, dans des cas de date ancienne.

B. Seconde période. Si l'on étudie les muscles altérés à une épo-que éloignée du début de la paralysie, ainsi que nous avons eu maintes fois l'occasion de le faire, à la Salpêtrière, on reconnaît que tous les caractères de la substitution et de la surcharge graisseuse, se surajoutent habituellement aux lésions qui ont é!é décrites plus haut. Des amas de granulations et de gouttelettes graisseuses s'ac-cumulent dans les gaines du sarcolemme et s'y substituent au fais-ceau primitif qui disparaît en totalité ou dont on ne retrouve que des fragments ; d'un autre côté des cellules adipeuses s'amassent en dehors du sarcolemme dans les intervalles qui séparent les faisceaux primitifs2. Ce tissu adipeux interposé est parfois assez abondant pour distendre les aponévroses d'enveloppe, de telle sorte que, ainsi que l'avait parfaitement reconnu M. Laborde3, le volume et la forme des masses musculaires peuvent être jusqu'à un certain point conservés, bien que la plupart des faisceaux primitifs aient dis-paru. Il est même des cas— et j'en ai observé un de ce genre4 — où la surcharge graisseuse est tellement prononcée que le volume du muscle est notablement accru de manière à reproduire exactement ce qu'on observe dans la période ultime de l'affection décrite par

1 Volkmann, loc. cit., p. 5.

2 Voir à ce sujet, dans le deuxième volume des Archiv. de physiologie, les observations de MM. Vulpian, Charcot et Joffroy, Parrot et Joffroy.

3 Laborde, loc. cit., p. 47.

4 Arch. de physiologie, t. II, p. 142.

Duchonne (de Boulogne) sous le nom de paralysiepseudo-hypertrophi-que ou myo-sclérosique. C'est là un point, sur lequel il importe que vous soyez bien fixés. Bientôt j'aurai l'occasion de vous faire recon-naître que malgré cette analogie d'ordre secondaire, la paralysie infantile diffère cependant essentiellement de la paralysie pseudo-hyperlropliique (atrophia musculorum lipomatosa de quelques au-teurs allemands) par un ensemble imposant de caractères cliniques et nôcroscopiques. Qu'il me suffise pour le moment de vous faire remarquer que la lésion spinale qui, dans la paralysie infantile, ne fait jamais défaut, manque au contraire absolument — si j'en juge du moins d'après mes observations, conformes d'ailleurs en cela à celles de Cohnheim — dans la paralysie myo-sclérosique.

La surcharge graisseuse bien qu'elle soit habituelle dans l'amyo-trophie infantile de date ancienne, n'y est cependant pas nécessaire ; à côté des muscles distendus par la graisse, il en est souvent d'autres qui sont réduits à un très-petit volume et dans lesquels le tissu adi-peux fait à peu près complètement défaut1. On ne trouve dans ces derniers muscles que des faisceaux primitifs d'un très-petit diamè-tre, mais ayant conservé leur sirialion : çà et là quelques gaines du sarcolemme renferment des amas de noyaux. Ces faisceaux primitifs atrophiés sont séparés les uns des autres par un tissu conjonctif fibrillaire évidemment de formation nouvelle. Les muscles qui ont subi ce mode d'altération ont à l'œil nu l'apparence du lissu fibreux ou encore celle du darfos. Userait intéressant de savoir si l'hyperpla-sie conjonctive interstitielle qu'on observe en pareil cas est un fait constant et si elle remonte, ainsi que les observations de MM. Volk-mann et Steudener portent à le penser, aux premières phases de la maladie. Mais, c'estlàun point qui réclame denouvelles recherches.

2° Lésions du système nerveux. -— Lésions spinales. Les lésions spinales dont je vais vous entretenir, constituent incontestablement à l'heure qu'il est, le point le plus intéressant à la fois, et le plus neuf de l'histoire anatomique de la paralysie infantile. Aussi crois-je utile d'entrer à ce propos dans quelques développements.

Beaucoup d'auteurs, vous ne l'ignorez pas, ont considéré l'affec-tion dont il s'agit, comme siégeant dans les parties périphériques, muscles ou nerfs ; d'autres ont voulu y voir une maladie essentielle — ce qui, dans l'espèce surtout, ne veut pas dire grand chose. — Il est juste toutefois de reconnaître que la majorité des médecins

1 Voir l'observation de W'ilson, in Arch. de physiologie, loc. cit.

qui se sont occupés particulièrement delà question, ont, d'un com-mun accord, désigné la moelle épinière, comme étant l'organe où les lésions primordiales et fondamentales de la paralysie infantile devaient être cherchées. C'était, de leur part une présomption exacte, mais qui, jusque dans ces dernières années, ne s'est appuyée sur aucune donnée vraiment positive. On avait invoqué les conges-tions, les exsudats, sans en démontrer rigoureusement l'existence, car, faute de moyens suffisants d'investigation, les résultats des examens nécroscopiques étaient à peu près toujours restés négatifs ou équivoques. C'est dans ces conditions que furent faites à la Sal-pêtrière les premières études régulières, relativement à la nécro-scopie du centre spinal dans la paralysie infantile.

Dès 1864, nous avions reconnu, M. V. Cornil, alors mon interne, et moi, à propos d'un fait recueilli dans mon service, une partie des altérations spinales qui président au développement de la para-lysie infantile. Mais c'était, il faut le dire, la partie la moins impor-tante. Ainsi, nous avions constaté l'existence d'une atrophie des cor-dons antérieurs de la substance grise et des cordons blancs antéro-latéraux, dans la région de la moelle d'où émanaient les nerfs se rendant aux muscles atrophiés ; mais nous n'avions pas remarqué la diminution de nombre et de volume qu'avaient subi les grandes cellules motrices, altération qu'on peut cependant très-nettement reconnaître sur une préparation faite à l'époque par M. Cornil et qui se trouve actuellement entre les mains de mon ami M. Duchenne (de Boulogne)1.

La lésion des cellules nerveuses motrices dans la paralysie infan-tile, a été pour la première fois signalée par MM. Vulpian et Prévost, en 1860, chez une femme de la Salpêtrière. Dans ce cas qui a été communiqué à la Société de biologie par M. Prévost, la plupart des cellules avaient disparu dans la corne antérieure du segment de la moelle correspondant aux muscles atrophiés, et, sur les points qu'elles avaient occupé, la névroglie présentait la transformation scléreuse2.

Un fait, rapporté en 1869 par MM. L. Clarke et Z. Johnson, sous le nom d'atrophie musculaire, doit être, croyons-nous, rapproché du précédent; la critique permet de reconnaître en effet qu'il s'est agi là d'un cas de paralysie infantile spinale. L'époque de la vie où

1 Comptes rendus de la Société de Biologie, 1804, p. 187.

2 Idem, 1866, p. 215.

la maladie a éclaté, la brusquerie de l'invasion des accidents, le mode de localisation de l'atrophie des muscles ne laissent guère subsister de doute à cet égard; or, dans ce cas encore, l'examen microscopique a fait reconnaître l'atrophie des cornes antérieures, la disparition ou l'atrophie granuleuse d'un certain nombre de cel-lules nerveuses motrices et, en outre, l'existence de plusieurs foyers de desintégration sur divers points de la substance grisel.

Mais, si je ne me trompe, l'étude qui a le plus contribué a déter-miner le caractère des lésions spinales de la paralysie infantile, est celle que nous avons faite l'an passé, M. Joffroy, mon interne, et moi, d'un cas très-remarquable, relatif à une femme de mon ser-vice nommée Wilson, qui succomba à la phthisie pulmonaire à l'âge de 45 ans. La paralysie chez cette femme s'était dévelop-pée tout à coup, à l'âge de 7 ans ; elle avait frappé les quatre mem-bres dont la plupart des muscles s'étaient rapidement atrophiés, Les membres d'ailleurs avaient subi un remarquable arrêt de déve-loppement et offraient des déformations caractéristiques2.

Ici les lésions étaient extrêmement accentuées et elles régnaient à peu près dans toute la hauteur de la moelle épinière ; elles occu-paient, partout principalement, et sur certains points exclusivement, les cornes antérieures delà substance grise. Dans loutes les régions de la moelle, les grandes cellules motrices étaient altérées profon-dément, bien qu'à des degrés divers et sur les points les plus sérieu-sement affecîés, des groupes entiers de cellules avaient disparu sans laisser de traces. Presque toujours la névroglie avait subi la trans-formation scléreuse au voisinage immédiat et jusqu'à une certaine dislance des cellules lésées ; mais il était des points— et c'est là un fait qu'il convient de faire ressortir — où cette lésion des cellules était la seule altération que l'examen histologique permît de consta-ter, la trame conjonctive ayant, dans ces points-là, conservé la transparence et, à peu de chose près, tous les caractères de la structure normale.

Enfin nous signalerons dans notre observation, une atrophie avec sclérose partielle des cordons antéro-latéraux et une atrophie très-prononcèe des racines antérieures, remarquable surtout au niveau des régions de la moelle le plus profondément atteintes, altérations déjà signalées dans les publications antérieures à la nôtre.

1 Medic. chir. Transact., t. LI. London, 1868. 4 Archives de physiologie, t. III, p. 155. 1870.

Dans le travail auquel notre observation sert de fondement, nous nous sommes cru autorisé à admettre que la lésion des cellules nerveuses motrices, qui se trouve déjà mentionnée dans les cas do MM. Vulpian et Prévost et dans celui de L. Clarke, est un fait con-stant dans la paralysie infantile spinale et d'où dérivent les princi-paux symptômes de la maladie, en particulier la paralysie ainsi que l'atrophie des muscles ; nous avons en outre émis l'opinion que sui-vant toute vraisemblance, c'est là le fait anatomique initial ; les lé-sions de la névroglie et l'atrophie des racines nerveuses devant être considérées comme des phénomènes consécutifs.

Je ne puis aujourd'hui développer devant vous tous les arguments qu'on pourrait invoquer en faveur de ces assertions ; cela m'entraî-nerait trop loin. Je réserve d'ailleurs cette tâche pour l'époque où j'aurai pu vous faire connaître les autres espèces morbides qui ap-partiennent au groupe des myopathies de cause spinale. Je compte alors entrer dans une discussion en règle à propos du rôle que je prête aux cellules nerveuses motrices dans la production des lé-sions trophiques des muscles. Pour le moment, je me bornerai aux considérations suivantes qui concernent plus particulièrement la paralysie infantile.

Relativement à notre première conclusion, il suffira de faire re-marquer qu'elle trouve sa confirmation dans tous les faits, actuelle-ment en assez grand nombre, qui ont été recueillis depuis la publication de notre travail. Ainsi la lésion des cellules motrices se trouve expressément signalée dans une observation de MM. Parrol et Joffroy, où il s'agit d'un enfant sur lequel la maladie remontait à peine à une année1 ; dans un fait recueilli par M. Vulpian à la Salpê-trière2 ; dans deux autres, cas enfin observés à l'hôpital des enfants, par M. Damaschino et dont je ne connais encore les détails que par la communication qui m'en a été faite par M. Duchenne (de Bou-logne) 3. Enfin, cette même lésion existai de la manière la plus nette dans trois nouveaux faits recueillis tout récemment dans mon ser-vice et dont l'anatomie a été poursuivie avec le plus grand soin par mes élèves, MM. Michaud et Pierref. Ces faits nouveaux joints aux faits anciens constituent incontestablement un ensemble assez im-

1 Archives de physiologie, t. III. 1870.

2 Idem, t. III. 1870.

Les observations, au nombre de trois, recueillies dans le service de M. Roger, par M. Damaschino, ont été récemment communiquées à la Société de Biologie et publiées in extenso dans la Gazette médicale, n09 41, 45, 45, 48, 51, octobre, novembre et décembre 1871.

posant, si l'on considère surtout que jusqu'à ce jour il n'a été relaté aucun cas contradictoire de quelque valeur. Les cas qui nous ont été opposés datant tous d'une époque où les procédés d'investiga-tion appliqués à l'étude anatomique de la moelle n'avaient pas at-teint le degré de perfection qu'ils possèdent aujourd'hui, et d'ail-leurs aucun de ces faits ne porte ce caractère de précision qu'on est en droit d'exiger actuellement dans les observations de ce genre.

Pour ce qui concerne la seconde proposition, je ferai ressortir ce qui suit : Si sur certains points les lésions de la névroglie envahis-sent la plus grande partie de la substance, grise et s'étendent même parfois aux parties adjacentes des cordons antéro-latéraux, il n'en est pas moins vrai que sur d'autres, elles restent exactement limi-tées aux cornes antérieures, qu'elles n'occupent même pas toujours dans toute leur étendue ; on les voit en effet quelquefois se localiser exactement et comme systématique:: ent dans l'espace ovalaire très-

Fia. 1.— Fragment d'une coupe transversale de la moelle épinière faile à la région lombaire, dans un cas de paralysie infantile spinale occupant le membre inférieur droit. La lésion porte exclusivement sur le groupe antéro-exlerne des cellules ner-veuses, a, cervix cornu posterions; — b, groupe postéro-externe de cellules ner-veuses; — c, groupe antéro-exlerne. Les cellules de ce dernier groupe ont complète-ment disparu, tandis qu'elles sont parfaitement nettes dans le groupe b et d;— d, groupe interne ; — e, la commissure.

circonscrit qui correspond à un groupe ou agrégat de cellules mo-trices. Gomment concevoir que cela puisse être, si l'altération avait

son point de départ dans le tissu conjonctif intermédiaire aux élé-ments nerveux; n'est-il pas plus vraisemblable qu'elle prend origine dans des organes spéciaux doués de fonctions propres, comme sont les grandes cellules nerveuses dites motrices. C'est ainsi que suivant la théorie émise par M. Vulpian, théorie à laquelle j'adhère complè-tement, les scléroses systématiquement limitées aux cordons postérieurs doivent être rattachées à une irritation occupant primi-tivement les tubes nerveux qui entrent dans la composition de ces faisceaux.

Il est des circonstances, d'ailleurs, — et l'observation de Wilson peut être rappelée à ce propos — où sur certains points l'altération d'un certain nombre, voire même d'un groupe entier de cellules nerveuses, est la seule lésion que l'examen histologique permette de constater: la trame conjonctive ayant dans ces points-là conservé la transparence et, à peu de chose près, tous les caractères de la structure normale. Dans d'autres régions, les lésions de la névro-glie pourront se montrer beaucoup plus accusées vers les parties centrales d'un agrégat de cellules nerveuses, que dans les parties périphériques ; beaucoup plus accentuées également au voisinage immédiat des cellules que dans les intervalles qui les séparent; de telle sorte que ces dernières paraissent comme autant de centres ou foyers, d'où le processus morbide aurait rayonné, à une certaine distance, dans toutes les directions.

On ne saurait admettre, d'un autre côté, que l'irritation se soit originellement développée sur les parties périphériques, et qu'elle ait remonté ensuite jusqu'aux parties centrales par la voie des raci-nes antérieures des nerfs rachidiens, car ces derniers, en général, — c'est là un point que MM, Parrot et Joffroy ont bien mis en lu-mière,— ne présentent au niveau des régions altérées de la moelle épinière , dans les cas récents , que des lésions relativement minimes et nullement proportionnées, quant à l'intensité, aux lé-sions de la substance grise.

Il nous paraît évident,d'après tout ce qui précède,que les cellules nerveuses motrices sont bien réellement le siège primitif du mal. Le plus souvent, sans aucun doute, le travail d'irritation gagne secon-dairement la névroglie et s'étend de proche en proche, aux diverses régions des cornes antérieures. Mais cela n'est nullement néces-saire. A plus forte raison, il faut considérer comme un fait consé-cutif et purement accessoire, l'extension observée dans certains cas, du processus morbide aux faisceaux antéro-latéraux.

La lésion en question des cellules nerveuses, à en juger d'après le caractère des altérations que présente la trame conjonctive, serait de nature irritative ; mais c'est là un point sur lequel l'examen di-rect, purement analomique, ne peut, quant à présent du moins, nous renseigner. De même, en effet que cela arrive pour les tubes nerveux, les cellules nerveuses irritées s'atrophient et, au dernier terme du processus, disparaissent, sans que le mode de l'affection dont elles sont le siège, se révèle par des caractères spéciaux.

Un mot, en terminant, relativement à ces altérations de la trame conjonctive, qui, suivant moi, seraient un fait secondaire, consécu-tif à l'affection des cellules nerveuses. Dans les cas de date ancienne, elles consistent principalement en une métamorphose fibrillaire ou fibroïde du réticulum, avec disparition plus ou moins complète des tubes nerveux et condensation du tissu ; mais ce sont là seulement les derniers vestiges d'un processus morbide depuis longtemps éteint, et il est difficile de préjuger ce que peuvent être les altérations dans les premières phases. Il est assez vraisemblable toutefois qu'on trouverait là les caractères histologiques de la myélite aiguë avec multiplication des myélocyles et des noyaux des gaines vasculaires, telle, en un mot, qu'elle a été décrite par Frommann et par Mann-kopf. L'existence de foyers de désintégration signalés dans l'obser-vation deClarke et dans quelques-unes de celles que nous avons re-cueillies récemment à la Salpêtrière, montre que, par places, le tissu enflammé peut subir une véritable dissociation ; les cas de M. Da-maschino établiraient même, paraît-il, qu'on peut, sur les points de la moelle le plus profondément atteints, rencontrer tous les carac-tères de la myélite destructive avec formation d'un foyer de ramol-lissement rouge. Quoi qu'il en soit, vous comprenez aisément, mes-sieurs, que rien dans tout cela ne vient infirmer la théorie d'après laquelle Vappareil des cellules nerveuses motrices serait le premier foyer et comme le point de départ du processus inflammatoire.

Il me reste à mettre les symptômes en présence des lésions et à rechercher comment ceux-là dérivent de celles-ci ; c'est ce que j'es-sayerai de faire prochainement.

OPHTHALMOLOGIE

COLOBOMA DE LA CHOROÏDE DANS UN SEUL ŒIL; ABSENCE D'IRIS DANS LES DEUX YEUX

par le docteur a. de montméja

En 1870, nous avons publié un cas intéressant de coloboma de la choroïde, observé à l'hôpital de Lourcine; ce coloboma s'accom-pagnait d'une fente congénitale de l'iris. Nous avons recueilli à l'armée de l'Est, pendant notre internement en Suisse, l'obser-vation d'un fait analogue dans lequel on remarquait de notables particularités, entre autres l'absence complète de l'iris.

Le nommé Pierre X..., 57 ans, soldat au 57e régiment d'infanterie de marche, fut atteint par la dysenterie qui régnait épidémique-ment parmi les internés. Un des caractères de l'épidémie consistait dans l'apparition prodromique d'un léger ictère, et c'est la consta-tation de ce signe qui m'amena à examiner les yeux du soldat qui fait l'objet de cette observation. Je m'aperçus que l'iris faisait entièrement défaut dans les deux yeux, et je procédai à un examen ophthalmoscopique qui me révéla un coloboma de la choroïde dans l'œil gauche, tandis que le fond de l'œil droit ne présentait aucun vice de conformation.

Comme le montre la planche V qui accompagne celte descrip-tion, ce coloboma est presque transversal, disposition fort rare, de môme que la forme du coloboma. Ce dernier, en effet, forme vers la macula un angle très-aigu et se porte vers la papille optique qu'il ne dépasse en aucun point.

La transition de la surface papillaire au coloboma est à peine marquée : le coloboma présente quelques taches pigmentaires, et il y a, comme toujours, une exagération dans la pigmentation des bords de l'ectasie.

La longueur du coloboma est un peu supérieure au diamètre de la papille ; les veines du fond de l'œil sont très-volumineuses, et les artères relativement petites. L'examen des signes fonctionnels des deux yeux n'a révélé aucune altération ni aucune différence dans l'acuité visuelle : le malade était cependant affecté d'un léger degré d'hypermétropie que nous n'avons pu déterminer exactement faute des verres nécessaires. A la lumière vive, le malade se sentait ébloui

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

COLOBOMA DE LA CHOROÏDE

et ses yeux étaient pris d'un clignement continuel, mais il fallait, pour obtenir cet effet, l'intervention de la lumière solaire. En dehors de cette situation spéciale, le soldat que nous avons observé n'é-prouvait aucune incommodité de son vice de conformation.

PHYSIOLOGIE

DU HACHISCH

par f. villard, interne des hopitaux

L'étude des différentes modifications que le Hachisch exerce sur les divers appareils de l'économie présente de grandes difficultés, et, malgré des expériences nombreuses, l'action de cette substance reste sur bien des points obscure ou mal définie.

Il est vrai que le plus grand nombre des observateurs se sont surtout préoccupés des troubles psychiques déterminés par l'ad-ministration du chanvre, sans chercher à se rendre un compte exact des troubles apportés par cet agent dans l'exercice des diffé-rentes fonctions. D'autre part, les effets du Hachisch sont incer-tains et varient suivant les idiosyncrasies individuelles : c'est là sou-vent la cause des résultats en apparence contradictoires, trouvés dans quelques auteurs. Nous avons tenu compte de cette dernière particularité, et, après avoir réuni le plus grand nombre possible de documents, nous allons essayer d'exposer brièvement les effets du Hachisch : nous diviserons notre description en : 1° intoxication aiguë ; 2° intoxication chronique.

I. Intoxication aiguë. — Les premiers phénomènes que l'on ob-serve chez un individu soumis à l'action du Hachisch se traduisent d'abord par un sentiment de chaleur commençant le plus souvent par les jambes et s'étendant ensuite au reste du corps, s'accompa-gnant d'une sensation de fourmillement et de picotement. La tête paraît chaude, lourde ; il y a des bourdonnements d'oreilles et une sensation de pression au niveau des tempes. Le sujet éprouve de l'oppression, du malaise, de la constriction à la gorge, delà séche-resse de la bouche, et un sentiment de pesanteur générale ; on peut observer en outre des nausées, des vomissements. Ces signes ne sont pas tous constants, mais ils se rencontrent fréquemment réunis : quelquefois, si la dose est faible, l'action du Hachisch se limite à

ces dernières manifestations, qui disparaissent après une durée va-riable, en général courte.

A dose plus élevée, le Hachisch est un puissant excitant du sys-tème nerveux : son action se traduit principalement par une acti-vité plus grande des facultés intellectuelles. Le délire provoqué par le Hachisch est souvent gai : quelques auteurs (Àubert-Uoche, Mo-reau, de Tours) ont considéré comme constant un sentiment de bonheur inimaginable « de bien-être physique et moral, de conten-tement intérieur, de joie intime ; » cette opinion est trop absolue, ainsi que le démontrent les faits auquels nous avons fait allusion précédemment(Mongeri, Mehemet-Aly-Bey,Schroff, etc.). D'une ma-nière générale, ainsi que le fait observer M. Gubler, le délire est en rapport avec le caractère des individus, avec la tendance de leur esprit, leurs pensées dominantes ou leurs passions. Il résulte de là que les idées peuvent être riantes, ce qui arrive le plus souvent ; mais elles sont quelquefois tristes. Dans le premier cas, elles s'ac-compagnent d'éclats de rire saccadés, convulsifs, présentant ceci de spécial qu'ils se succèdent plusieurs fois de suite et se repro-duisent alors que l'on croit qu'ils vont cesser. Ce rire a ordinaire-ment pour point de départ occasionnel des illusions ou des halluci-nations plus ou moins bizarres. Les illusions et les hallucinations de la vue sont les plus fréquentes ; quant aux autres sens, l'ouïe principalement, ils acquièrent une susceptibilité toute spéciale : l'individu soumis à l'influence du Hachisch est blessé par une note discordante, par un bruit malsonnant ; une musique modeste le charme et le captive (Moreau, de Tours, Grimaux). Les hallucina-tions du hachisché ont ordinairement pour objectifs les sujets sur lesquels il arrête le plus volontiers sa pensée en temps ordinaire ; elles se rapportent à des souvenirs le plus souvent agréables et même quelquefois à des circonstances que l'on croyait sorties de la mémoire depuis longtemps. Elles présentent ceci de particulier que « l'esprit est porté à transformer toutes ses sensations, à les revêtir de formes palpables, tangibles, aies matérialiser, pour ainsi dire. » (Moreau, de Tours). Les sujets placés sous l'influence du Hachisch entendent des murmures qu'ils comparent à des chutes d'eau ; ils se trouvent en présence d'un brillant feu d'artifice; ils sont trans-portés au milieu d'une riante campagne ou sur un bateau au milieu de la mer, etc.: ces phénomènes sont ceux que nous avons éprouvés dans une de nos expériences. Le délireest alors dans sa période d'état: les idées se pressent en foule, s'entre-choquent, se succèdent rapi-

dénient et semblent toujours en rapport avec les illusions ou les hallucinations existantes. Elles sont traduites quelquefois avec une loquacité extraordinaire ; dans d'autres cas, leur abondance est telle que la parole ne peut les exprimer (Schroff) ou qu'elle les exprime de façon à les faire paraître confuses et incohérentes. Un autre phé-nomène psychologique peut se produire, c'est l'erreur sur le temps et l'espace : une minute pour les uns a la durée d'un jour, d'un mois, d'une année, d'un siècle; d'autres franchissent en imagination des distances considérables et se transportent rapidement dans des con-trées les plus éloignées les unes des autres ; parfois ils sont soule-vés au-dessus du sol et portés dans les airs (Kœmpfer). Tous ces phé-nomènes se succèdent et s'enchevêtrent dans un ordre qui n'est pas toujours le même ; ils peuvent être interrompus par des périodes de calme suivies de périodes d'exacerbation; mais leurs plus grandes variations sont le résultat du tempérament et de la sensibilité des individus (de Luca, Moreau, de Tours.)

Les enfants et les femmes sont très-sensibles à l'action du Ha-chisch ; l'homme et les adultes la ressentent moins. Pour résumer l'ensemble des phénomènes qui précèdent, nous ne saurions mieux faire que de rapporter la phrase suivante de Lallemand, qui est l'expression assez juste et généralement vraie de l'action du Hachisch : « La propriété la plus constante et la plus remarquable du Hachisch, dit-il, est d'exalter les idées dominantes de celui qui en a pris, de lui faire voir d'une manière claire ses plans les plus compliqués se débrouiller sans difficulté, ses projets les plus chers se réaliser sans obstacle; de lui procurer l'intuition précise de ce qu'il recherche; enfin de lui faire savourer par la pensée la pos-session anticipée et sans mélange de tout ce qui est suivant ses goûts, ses vœux, ses passions habituelles, ou plutôt suivant ses désirs et là direction de ses pensées au moment où le Hachisch agit sur lui. » A la suite delà production de ces phénomènes, dont la durée est variable, le sommeil survient, sommeil paisible, pro-fond, souvent agréable, quelquefois cependant troublé par des cauchemars. Au réveil, on se trouve dans un état tout à fait nor-mal (Aubert-Roche) ; parfois il reste un peu d'étourdissement qui se dissipe rapidement sans laisser aucune fatigue (Léautaud) ; mais on a le souvenir complet de tout ce qui s'est passé.

A dose toxique, l'excitation cérébrale se produit également, mais elle peut revêtir la forme du délire furieux (Mongeri, Grimaux) ; ce délire est suivi non plus de sommeil, mais.de stupeur, et le malade

tombe dans un état de coma analogue au narcotisme (Gairdner). Ce dernier état peut survenir d'emblée et sans donner le temps aux phénomènes d'excitation cérébrale de se produire : il est suivi de fatigue et d'abattement qui peuvent durer plusieurs jours, et les sujets ne conservent ordinairement aucun souvenir net de ce qu'ils ont éprouvé.

Nous venons d'indiquer les troubles psychiques produits par l'administration du Hachisch; il nous reste à examiner ceux qui surviennent, sous son influence, dans les divers appareils de l'éco-nomie.

Action sur la sensibilité. — Nous avons parlé des modifications qui se produisent du côté des organes des sens, et principalement de celui de l'ouïe. Du côté de la peau, à close moyenne, on n'a signalé aucun changement apparent dans la sensibilité; mais à close toxique, on observe del'anesthésie etde l'analgésie (Mongeri, Croudace,etc); les propriétés anesthésiques du chanvre étaient déjà connues des Chinois au deuxième siècle (Stanislas Julien). Nous avons fait l'expé-rience suivante : nous avons versé deux gouttes de l'essence de chanvre préparée par M. Personne sur le dos de la main, en deux points différents, et nous les avons laissées évaporer ; après l'évapo-ration, nous avons constaté, avec la pointe d'une épingle, que ces deux points étaient notablement moins sensibles que les parties environnantes.

Action sur l'appareil musculaire. — Du côté du système muscu-laire, on observe des manifestations importantes : à dose moyenne, ces manifestations se traduisent par un besoin de locomotion inso-lite, quelquefois par des tremblements saccadés, convulsifs (Gri-maux), dans lesquels l'action des muscles fléchisseurs paraît pré-dominante (Moreau, de Tours). Les animaux eux-mêmes sont susceptibles de présenter ces phénomènes : Valentín, après avoir administré du Hachisch à des grenouilles, a observé chez elles une tendance à se mouvoir qui se traduisait d'abord par une plus grande légèreté des mouvements, puis par des sauts impétueux; après quelques heures, elles devenaient plus tranquilles et pa-resseuses. — A une dose plus élevée, on peut observer la résolution musculaire (Gairdner), des phénomènes cataleptiques (O'Sanghuessy, Croudace), choréiques (Moreau, de Tours). D'après MM. A. Voisin et H. Liouville, chez des cobayes, les mouvements sont devenus mal assurés, incoordonnés : l'incoordination est quelquefois uni-latérale et siège surtout dans le train postérieur. A la suite d'une

forte ingestion de Hachisch, des chiens présentèrent une marche incertaine et vacillante, puis s'endormirent (Léautaud). L'admi-nistration de 2 grammes d'extrait de Hachisch à un lapin du poids de 1,800 grammes détermina, au bout de trois heures, du sommeil, de l'abattement et de l'incoordination des mouvements dans lefrain postérieur qui persista pendant douze heures (À. Voisin et H. Liou-ville).

Action sur l'appareil digestif. — Les premiers phénomènes qui caractérisent l'ingestion du Hachisch sont, du côté du tube digestif, des nausées et quelquefois des vomissements. Si la dose du médi-cament n'est pas considérable, à ces premiers symptômes succède un sentiment de faim très-marquée, de faim presque canine (Ksempfer, Aubert-Roche). Quelquefois, il survient du malaise épigastrique et en même temps de la sécheresse de la bouche ; mais ces derniers caractères sont surtout accentués lorsque la dose est élevée : alors on observe en outre des nausées, des vomisse-ments pénibles ; il y a de la constriction des muscles du pharynx et de l'œsophage, de la difficulté et quelquefois de l'impossibilité de la déglutition. Du côté de l'intestin, on n'a signalé rien de par-ticulier : il n'y a ni diarrhée, ni constipation. Chez les animaux, l'appétit se perd ; ils restent plusieurs jours sans manger et mai-grissent considérablement en deux ou trois jours.

Action sur l'appareil respiratoire. — A dose modérée, la respi-ration ne semble subir aucune modification ; suivant M. Aubert-Roche, le Hachisch déterminerait l'engouement sanguin du poumon. A haute dose, on voit survenir de la constriction du pharynx et consécutivement de l'aphonie (Soubeiran) ; on peut observer un arrêt momentané de la respiration résultant de la contraction des pectoraux (Schroff). Chez des cobayes, MM. A. Voisin et H. Liou-ville ont noté d'abord une augmentation des mouvements respira-toires, puis de la gêne de l'inspiration et des troubles de l'expi-ration, qui devenait bruyante : finalement, le nombre des inspirations diminuait beaucoup.

Action sur l'appareil circulatoire. — On trouve les opinions les plus contradictoires au sujet des modifications subies parla circu-lation : suivant quelques-uns, elle ne serait pas augmentée (Aubert-Roche, Fronmùller). D'après M. Moreau, de Tours, les battements du cœur semblent avoir une ampleur et une sonorité inaccoutu-mées, mais ce n'est qu'une apparence, le cœur ne battant ni plus vite ni plus fort qu'à l'ordinaire. Pour d'autres auteurs, il y a

accélération dans les battements du pouls (Berthault, Judée). Suivant Schroff, la fréquence du pouls diminue légèrement en commençant, et plus tard monte considérablement au-dessus de la normale. Dans un cas que nous avons observé, nous avons noté qu'à la suite de l'administration du Hachisch, le pouls était devenu plus fréquent.

Nous avons cherché à étudier l'action du Hachisch sur la circula-tion de la membrane interdigitale de la grenouille. Nos premières expériences, faites avec le concours de notre excellent collègue M. Troisier, furent complètement négatives ; mais cela tenait, ainsi que nous avons pu nous en convaincre, à ce que la substance active appliquée à la surface d'une plaie au niveau de la cuisse de l'animal n'était pas absorbée et se trouvait précipitée par les liquides exha-lés. Nous avons repris ces expériences à Clamart, avec notre ami M. Grancher, non plus cette fois en appliquant l'essence de chanvre ou la solution alcoolique dont nous nous sommes servis, à la sur-face d'une plaie, mais en injectant directement la substance dans le tube digestif.

Dans une première série d'expériences portant sur plusieurs gre-nouilles, nous avons injecté chaque fois de 8 à 10 gouttes d'essence de chanvre ou de 10 à 12 gouttesde solution. Aussitôt après l'injec-tion, après plusieurs contractions violentes, l'animal s'affaissait tout à coup. La membrane interdigitale placée immédiatement sous le microscope montrait la circulation trôs-ralentie ; bientôt elle s'inter-rompait et il n'y avait môme plus l'ombre d'un vaisseau perméable. Le nombre des battements du cœur diminuait rapidement : le cœur d'une grenouille, mis à découvert quelques instants après l'injec-tion, ne présentait plus que 54 battements par minute. Dans ces expériences, aucune des grenouilles n'a survécu.

Dans une seconde série d'expériences, nous avons injecté 2 gout-tes d'essence de chanvre à chaque animal, quelquefois 3 ou 4 ; voici les résultats que nous avons obtenus. Aussitôt après l'injection, contractions violentes de l'animal, arrêt brusque de la circulation capillaire; après quelques secondes, on voyait les vaisseaux se di-later et le cours du sang devenir manifestement plus rapide qu'avant l'injection ; de temps en temps, on observait un moment d'arrêt instantané, brusque, puis immédiatement la circulation reprenait sa marche. Chez une forte grenouille, qui, pend'ant tout le temps qui fut consacré à la fixer, s'était livrée à de violentes contractions, on ne consîatait que par places des traces d'une circulation très-

ralentie; après l'injection de deux gouttes d'essence, on vit les vais-seaux se dilater petit à petit et la circulation se rétablir. — Ces der-nières grenouilles n'ont pas succombé.

Ces expériences, trop peu nombreuses, auraient besoin d'être va-riées et surtout d'être reproduites sur des animaux d'un ordre plus élevé, tels que des lapins, des chiens : malgré leur petit nombre, elles mettent cependant hors de doute l'action du Hachisch sur la circulation capillaire.

Action sur la température. — Suivant Fronmùller, la tempéra-ture de la peau baisse un peu ; d'après Schroff, elle serait sujette à diverses fluctuations. Après l'administration d'une forte dose d'ex-trait de Hachisch, MM. A. Voisin et H. Liouville ont noté chez des co-bayes une augmentation de température.

Action sur les sécrétions. — S'il y a de la sécheresse de la bouche et diminution de la sécrétion salivaire, on observe une légère action sudoriiîque (Pereira) ; la sueur est fétide (Gilibert). Le cours des urines est ordinairement augmenté et quelquefois d'une manière assez notable (Bryan, Gilbert). Dans ces cas, le Hachisch communi-que à l'urine une forte odeur de chanvre (Ballard, Garrod). — On a encore considéré le Hachisch comme pouvant favoriser la sécré-tion des muscosités bronchiques dans les maladies du poumon (Waring Curran).

Action sur l'œil. — Le Hachisch à dose élevée et même modérée détermine la dilatation de la pupille. Cette dilatation n'est pas con-stante (Gairdner, Croudace) ; de plus, on ne peut l'obtenir directe-ment par l'introduction du Hachisch dans l'œil, ce qui semble indi-quer qu'elle peut être symptomatique de la lésion des centres ner-veux qui cause la stupeur.

Action sur l'appareil génital. — Le Hachisch est à la fois aphro-disiaque et anaphrodisiaque, suivant les doses auxquelles il est administré. A dose modérée, c'est un stimulant énergique ; à haute dose, c'est un sédatif puissant : ainsi s'expliquent les divergences d'opinions qui se sont produites sur ce point. On a contesté les pro-priétés aphrodisiaques du Hachisch (Roubaux, Grimaux); Murray cependant les considère comme un des caractères de cette sub-stance. Elles ne nous paraissent pas douteuses d'après les renseigne-ments qui nous ont été communiqués par M. d'Arnaud-Bey ; du reste, la conversation des fumeurs de Hachisch en Egypte ne porte que sur des sujets lubriques. Une autre circonstance qui vient à l'appui de ce qui précède, c'est l'expérience faite par un de nos

amis. Après avoir pris 25 grammes de dawamesc, il éprouva des effets tels qu'il ne put douter de l'influence aphrodisiaque du Hachisch.

A haute dose, le Hachisch a une action sédative : ainsi s'explique l'administration faite de ce médicament par M. van den Corput pour combattre les érections douloureuses de la blennorhagie.

L'action la plus importante du Hachisch du côté de l'appareil génital est celle qui se manifeste du côté de l'utérus : cette action se traduit par la contraction des fibres musculaires utérines. On a utilisé cette propriété pour combattre la ménorrhagie (Churchill, Sylver), pour activer le travail de l'accouchement (Christison, M. Grégor).

II. Intoxication chronique. — Elle est caractérisée par un abatte-ment général plus ou moins profond. Les facultés intellectuelles semblent considérablement affaiblies; les individus ont l'aspect stu-pide ou farouche, quelquefois mélancolique. Ils paraissent indiffé-rents au monde extérieur : ordinairement, ils se tiennent à l'écart ; à leur attitude, on dirait qu'ils sont sous l'influence d'une profonde concentration delà pensée. Si on les interroge, souvent ils ne sem-blent pas entendre; s'ils entendent, ils paraissent ne pas compren-dre ce qu'on leur demande. Il n'y a ni anesthésie, ni analgésie bien manifestes. On constate de la roideur dans les membres, quelquefois du tremblement (Murray), de la lenteur dans les mouvements. Il y a un affaiblissement physique aussi bien qu'intellectuel : la face est pâle et on note un amaigrissement très-marqué.

On a dit que le Hachisch exerçait une action spéciale sur le foie, action qui se traduisait chez les individus par un certain degré d'ic. tère (Lacoste). En Egypte, nous avons observé plusieurs fumeurs de Hachisch, présentant une certaine pâleur ictérique ; mais comme dans cette contrée, ainsi que dans les pays chauds, cette coloration peut tenir à d'autres causes pathologiques, nous ne saurions dire la part qu'il faut attribuer à l'abus du Hachisch sur sa production.

D'après les expériences de MM. A. Voisin et H. Liouville, les ani-maux soumis depuis quelque temps à l'usage du Hachisch commen-cent par perdre l'appétit ; ils maigrissent, deviennent moins agiles, ont de la diarrhée. A la longue, on note de l'incoordination des mouvements dans le train postérieur, des frissonnements, et l'ani-mal meurt dans un état d'affaiblissement qui paraît être le résultat de l'absence d'alimentation.

REVUE ANALYTIQUE

MALADIES DE LA PEAU

I. Ulcérations de la peau consécutives a l'usage des rromures, par S. Weir Mitchel. — Tout le monde sait que les bromures peuvent produire des éruptions de furoncles ou de petits boutons, survenant par poussées successives et siégeant le plus souvent et seulement entre les épaules, quelquefois dans cette région et à la face ; enfin, dans des cas rares, ils sont disséminés. Aussi est on obligé de di-minuer les doses ou même de suspendre le médicament. L'auteur relate deux faits dans lesquels l'éruption a été plus grave.

1° 11 s'agit d'un jeune homme qui, à l'âge de 10 ans, éprouva de légers accidents épileptiques et chez lequel des accès complets se montrèrent deux ans plus tard. Depuis plusieurs années, les accès apparaissent à intervalles de 9 à 15 jours, et en 48 heures on en note deux ou trois. Le petit mal n'a pas cessé. Il y a plusieurs années déjà, le bromure a donné de bons effets : diminution du nombre et de l'intensité des accès. Le bromure, administré depuis neuf mois environ, à des doses de 20 à 30 grains, répétées 3 fois par jour, avait de bonne heure déterminé l'apparition de furoncles. A la fin de ces neuf mois, les furoncles s'élargirent, devinrent plus nombreux, non-seulement à la face, mais sur le péricrâne et sur les membres. Le bromure ayant été continué, un certain nombre de furoncles s'agrandirent et se transformèrent en ulcérations profon-des, à bords renversés et fournissant une suppuration qui se con-crétait en croûtes coniques. En un mot, les ulcérations avaient quel-que ressemblance avec le rupia. A un moment, on comptait neuf ulcérations n'ayant pas moins d'un pouce de diamètre ; une ou deux avaient des dimensions moitié plus grandes. Simultanément, mul-tiplication des furoncles. M. S. Weir Mitchel diminua la dose du bromure de potassium ; les furoncles ne commencèrent à guérir que quand la dose n'était plus que de 30 grains par jour.

Quelques mois plus tard, le bromure fut administré de nouveau à hautes doses : les mêmes accidents réapparurent. Le bromure de potassium fut remplacé par d'autres préparations bromurées; mais si ces divers sels agissaient assez heureusement sur les accès, ils avaient le plus souvent pour effet d'amener de nouveaux ulcères ou

d'aggraver les anciens ; tel fut, entre autres , le bromure de li-thium.

2° Un jeune homme, épileplique depuis 10 ans, s'imagina de prendre une préparation faite par un charlatan et qui contenait ap-proximativement 25 grains de bromure de potassium pour cha-que dose. Soulagement léger ; apparition de furoncles. La dose fut doublée de telle sorte que le malade absorba pendant au moins un mois 150 grains de bromure de potassium par jour. Quand M. S. Weir Mitchel vit cet homme, il avait au-dessus du genou droit un ulcère de deux pouces de largeur, couvert d'une croûte conique et simulant le rupia. On observait deux autres ulcères sur le même membre et trois sur le bras gauche et la nuque. Le bromure ayant été suspendu, les ulcères se cicatrisèrent avec une étonnante rapi-dité.

— Cette communication, faite au Collège des médecins de Philadel-phie, a été le point de départ d'une discussion dont nous résumons les principaux traits. M. J. Ashhurst dit avoir vu une ulcération suc-céder à l'injection sous-cutanée de 15 grains de bromure de potas-sium. Jamais il n'avait constaté une ulcération aussi persistante après l'injection hypodermique d'autres substances (voy. Procee-dings Pathological Society, in American Journ. of the Med. Sciences, jul. 1866, p. 150-153). — M. S. Weir Mitchel n'a rien observé de semblable après des injections de 5 à 10 grains de bromure de po-tassium. Une fois, après l'injection du bromure de lithium, il a vu se développer un petit abcès. — M. YV. Pepper pense qu'il faut invo-quer une disposition individuelle pour expliquer les accidents. Bien qu'il soit chargé d'un service de 200 épileptiques àPennsylvannialIos-pital, et qu'il ait fréquemment prescrit le bromure de potassium à dost.s même élevées, il n'a jamais remarqué que des éruptions d'acné. — 11 serait bon enfin, dans des cas analogues, selon la re-marque du Dr J. Darrah, de surveiller les fonctions de la peau (the American Journal of the Med. Sciences, n° cxx, p. 440).

II. Note sur la. tricoptilose, affection des cheveux non décrite, par M. A. Devergie. — Madame X... présente un beau développe-ment des systèmes osseux et musculaire. Menstruation régulière, leucorrhée abondante avec chloro-anémie. A partir de 1858, cette personne, alors âgée d'environ 30 ans, commença à être atteinte d'affections cutanées légères, mais multiples. Fréquemment, mais passagèrement, de grandes plaques rouges, rappelant plutôt l'éry-thème que l'urticaire, se manifestaient sur le cou et les épaules. L'abs-

lention de lotions savonneuses fortement alcalines, trop souvent employées, suffit pour faire disparaître et prévenir le retour de ces rougeurs. Depuis la même époque, des démangeaisons violentes et persistantes, sans rougeurs ni papules apparentes, se montrèrent sur tout le corps, principalement sur les épaules, le dos et les cuisses. De plus, éruptions fréquentes sur les épaules, à la face (nez et menton) de boutons acnéiformes, rouges à leur base, purulents au sommet.

En même temps (1858) que ces diverses affections cutanées, cette dame, « qui lors de son mariage avait des cheveux magnifiques, non-seulement par leur belle couleur noire, mais aussi par leur abon-dance et leur longueur exceptionnelle, » remarqua qu'ils devenaient secs et se brisaient en grand nombre. Le cuir chevelu paraissait sain.*. La maladie semblait résider exclusivement dans les che-veux. Chaque cheveu malade devenait sec et terne ; il grossissait en divers points de sa longueur et présentait alors des renflements fusiformes. Au niveau de chacun de ces renflements, deux ou trois petits filaments ne tardaient pas à s'écarter en dirigeant leur extré-mité libre soit en haut, soit en bas; enfin, cette dissociation en fila-ments multiples finissait par amener la rupture du cheveu, qui paraissait s'être tuméfié par suite du développement dans son épais-seur d'un tissu morbide, peut-être parasitaire. La maladie, après avoir atteint les cheveux de la partie supérieure de la région fron-tale, s'étendit à ceux des régions pariétales. Les cheveux, brisés à des hauteurs inégales et divisés en nombreux filaments entremêlés, offraient un aspect non seulement crêpé, mais feutré.

Les démangeaisons finirent par céder aux préparations arseni-cales. « Depuis longtemps cette dame, presque chaque jour, coupe un à un tout cheveu qui lui paraît devenir malade. Sous l'influence de ces coupes partielles, réitérées, et peut-être aussi d'une pom-made composée de turbith minéral, de beurre de cacao, d'huile d'amandes douces, etc., l'état de la chevelure s'est considérable-ment amélioré. Pareillement, les pustules d'acné ont cédé depuis plusieurs mois à un traitement énergique par les purgatifs, les pré-parations amères et ferrugineuses. Actuellement, l'affection des cheveux persiste encore, mais à un degré très-minime; l'état gé-néral est bien meilleur.... » L'examen microscopique, pratiqué par MM. Devergie et Gubler, a fait voir l'absence de toute végétation parasitaire. Multiplicité des filaments, sécheresse et friabilité ex-trêmes des cheveux, qui tombaient abondamment sous l'influence

du peigne; absence d'intricalions et d'odeur fétide; peau saine, sans démangeaisons, tels étaient en résumé les caractères de cette maladie.

2° M. Devergie, dans une pratique de 30 années, n'a observé que ce cas et un autre concernant un jeune médecin dont les circonstances l'ont empêché d'avoir l'histoire complète. Pour lui, cette affection n'a aucun rapport avec la plique, dans laquelle « la peau est sen-sible, douloureuse, suintante, les cheveux se tuméfient, s'intriquent les uns dans les autres et suintent une liqueur gluante d'une odeur fétide. » Quel nom donner à la maladie?... Dans mon insuffisance, dit M. Devergie, j'ai eu recours à M. Littré, qui a eu l'obligeance de me proposer le nom de tricoptilose, dérivé de ©pfg, cheveu, et de 7T-Tt)iwa-tî, disposition en forme de plume (Annales de dermatologie et de syphiligraphie, 3e année, p. 5).

111. Molluscum simplex, par Purser. — Une femme très-âgée pré-sentait sur toute la peau, depuis un grand nombre d'années, des tumeurs qui avaient depuis le volume d'une large tête d'épingle jusqu'à celui d'une petite pomme. La plupart avaient environ la grosseur d'un pois. Ces tumeurs, très-multipliées sur le tronc, étaient assez abondantes sur la face, au cou et sur les extrémités supérieures, mais beaucoup moins sur les membres inférieurs. Elles étaient indolentes, molles, et. se mouvaient facilement sur la peau, lisse à leur niveau. Les plus petites étaient sessiles, les plus larges pédiculées.

L'examen post mortem fit voir que ces tumeurs formaient des masses sphériques qui naissaient delà couche profonde du chorion. Elles étaient composées d'un tissu mou, juteux, jaunâtre et, à l'œil nu, ressemblant à de la graisse. A l'examen microscopique, on constata que ces tumeurs étaient composées de tissu fibreux, plus ou moins développé. Elles étaient recouvertes par la couche papil-laire de la peau et par l'épiderme dont la couche muqueuse (mu-couse layer) contenait plus de pigment qu'à l'état ordinaire. Par-tout, ces tumeurs étaient séparées des parties adjacentes par le tissu cellulaire sous-cutané, et elles étaient évidemment formées aux dépens des tissus fibreux de la peau. De nombreuses cellules fusiformes étaient mêlées au tissu fibreux, mais non au point de donner au tissu le caractère sarcomateux. Quelques-unes des plus petites tumeurs étaient composées en grande partie de tissu de gra-nulation (granulation tissue) développé dans le tissu fibreux. Les tumeurs étaient peu fournies de vaisseaux Ceux-ci, dans les plus

grosses tumeurs, étaient larges, à parois peu épaisses, et avaient une direction rectiligne, légèrement rameuse (the Dublin quar-terly Journal of Medical Science, août 1871, p. 221 ).

IV. Molluscüm pendulum, par Malassez. — H..., 49 ans, présente un certain nombre de tumeurs siégeant principalement sur le dos. Quatre d'entre elles étaient plus grosses que les autres. La plus vo-lumineuse de toutes siège vers le milieu de la hauteur et un peu à gauche de la ligne dorsale. Elle a la forme d'une petite poire pen-dant par sa queue est légèrement aplatie d'avant en arrière ; elle me-sure 5 centimètres de haut sur 4 de large et 2 d'épaisseur ; elle est molle, cède à la pression. Sa surface est lisse, mais offre des sail-lies, comme s'il s'agissait de petites tumeurs sessiles développées sur la tumeur principale,d'où l'aspect d'une framboise (moins la cou-leur, bien entendu) .On ne distingue ni poils, ni orifices glandulaires. Le tégument correspondant est plus rouge que celui des régions avoisinantes. Sur quelques-uns des mamelons existe une légère exfoliation épidermique et, dans quelques-uns des sillons qui sé-parent ces mamelons, on voit comme une excrétion jaunâtre. Le pédicule, à peu piès aussi long que large, mesure 3 à 4 centimètres de diamètre.

Des trois autres tumeurs principales, l'une siège un peu au-des^ sous de l'angle inférieur de l'omoplate gauche ; la seconde est placée au-dessus de la précédente ; la dernière occupe le milieu de la ré-gion lombaire. De plus, on note un grand nombre de tumeurs du volume d'une tête d'épingle, les unes sessiles, les autres pédiculées, hémisphériques, sphériques ou allongées. Elles sont plus abon-dantes à la face postérieure du cou et des épaules. Enfin, M. Malassez a remarqué dans les mêmes endroits de très-petites taches rosées, dont quelques-unes étaient légèrement saillantes et qui lui ont paru n'être que des petites tumeurs au début. Le malade dit avoir cer-taines de ces tumeurs depuis son enfance ; toutefois, dans ces der-nières années, il a observé que les tumeurs anciennes grossissaient et qu'il en poussait de nouvelles. Il est grand, gros, fort, de ce tempérament qu'on a décrit sous le nom d'arthritique. Il a eu pendant longtemps des habitudes alcooliques. Le diagnostic, porté par MM. llillairet, Bazin, Hardy et Lailler, a été molluscum pen-dulum.

Quelques-unes de ces tumeurs ont été excisées. Une coupe prati-quée de la périphérie au centre fait voir : Io une couche épidermi-que; 2° une couche dermique; 5° un centre de tissu cellulaire

lâche — avec des pelotons graisseux dans la grosse tumeur. Au mi-croscope, on constate que la couche épideimique est moins épaisse que celle de la peau voisine, qu'elle se compose de cellules épithô-liales qui se divisent, comme à l'état normal, en deux couches : le tissu de la couche dermique est de nature conjonctive. Il est formé : 1° de faisceaux de substance conjonctive s'entre-croisant en tous sens, à la façon d'un feutrage... ; 2° de fibres élastiques, assez nom-breuses, entourant en spirale les faisceaux conjonctifs ; 5° de cel-lules de tissu conjonctif... ; 4° de vaisseaux sanguins, qui ne sont pas très-multipliés. M. Malassez n'a trouvé ni fibres cellules muscu-laires, ni nerfs bien évidents. « Il résulte donc de cet examen micro-scopique que ces tumeurs, que la clinique nous apprend être des molluscum pendulum, sont, anatomiquement parlant, des fibromes. Que, si on se demande comment elles se sont développées, on peut dire, vu leur ressemblance avec le derme, vu aussi l'examen des tumeurs au début, qu'elles résultent de l'hypertrophie hyperpla-sique de la peau ; on pourrait même préciser davantage et dire : des couches superficielles de cette peau et d'une partie très-limitée de ces couches. »

L'auteur termine son intéressante communication en disant « qu'on décrit sous le nom de molluscum des tumeurs dont l'appa-rence extérieure pouvait bien avoir quelques points de ressemblance, mais qui diffèrent totalement parleur nature. Telles sont les espèces suivantes : I. Affections acnôiques (molluscum granuleux de Bazin ou acné miliaris de Hardy; — M. stéarique; — M. athéromateux ; M. contagiosum de Bateman ou acné varioliforme de Bazin); II. Af-fections sarcomateuses (cas de Hardy qui paraît être une tumeur à cytoblastions d'après Verneuil ;— cas de Guibout décrit sous le nom de fibromes généralisés ; — cancer mollusciforme de Rayer) ; III. Affections fibromateuses (molluscum pendulum ; M. éléphantiasi-que) ; IV. Tumeurs lymphatiques (molluscum fongoïde ou mycosis fongoïde) ; V. Tumeurs encore indéterminées (M. d'Amboyne ou des îles Moluques). (Bulletin de la Société anatomique, 1871, p. 25.)

V. Molluscum pendulum de la région lombaire (fibro sarcome), par Challand ; examen histologique, par Malassez. Il s'agit, dans ce cas, d'un homme âgé de 75 ans qui avait une tumeur de la région lom-baire depuis vingt-cinq ans. Elle s'était développée progressivement. Deux mois avant son entrée à l'hôpital, à la suite d'une chute, celle tumeur, qui avait alors le volume d'un petit œuf de poule, s'ulcéra. La production morbide fut enlevée à l'aide de l'écraseur. De l'exa-

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TORTICOLIS CONGÉNITAL

»• 2 .

s' 2

m en minutieux qu'il a fait, M. Malassez conclut « qu'on avait affaire, non pas à un fibrome enflammé, mais à un fibrome qui avait subi et subissait encore un travail de dégénérescences sar-comateuses; que la tumeur est un fibro-sarcome. » (lbid., 1871, page 89.)

bourneville.

BIBLIOGRAPHIE

De l'hyosciamine et de la daiurine ; étude physiologique et applications thérapeutiques, par le docteur Ch. Laurent, ancien interne des hôpitaux de Paris. In-8° de 122 pages, avec figures. Adrien Delahaye, éditeur.

Au début de son mémoire, M. Laurent fait un rapide historique des solanées vireuses, au point de vue de leurs propriétés toxiques et thérapeutiques. 11 parle aussi de la découverte, en 1820, de l'hyosciamine et de la daturine, des principaux procédés qui ser-vent à leur préparation, de la nécessité de l'expérience physiolo-gique pour découvrir ces substances dans un liquide. Il mentionne également les travaux relatifs à la thérapeutique et dont ces substances ont fait l'objet.

M. Laurent a divisé son mémoire en deux parties : 1° action physiologique de ces deux alcaloïdes ; 2° applications thérapeu-tiques.

Ire partie. — M. Laurent a mis à profit les nombreuses obser-vations d'empoisonnement par la jusquiame et le datura, dissémi„ nées dans les journaux et les ouvrages de toxicologie; d'un autre côté, et en collaboration avec M. Oulmont, médecin de l'hôpital Lariboisière, M. Laurent a fait, avec les deux alcaloïdes, de nom-breuses expériences sur les animaux, dont il rapporte quelques-unes avec tracés sphygmographiques et indications thermomé-triques. Ces habiles expérimentateurs ont étudié l'action de ces alcaloïdes sur f ensemble de l'organisme, puis sur la circulation, la respiration, la calorification, le système nerveux et musculaire.

De nombreuses expériences M. Laurent conclut :

L'hyosciamine et la daturine exercent spécialement leur action sur le système du grand sympathique et déterminent toujours la dilatation des pupilles et la sécheresse.delà gorge.

A faibles doses : ces alcaloïdes diminuent la circulation capillaire, augmentent la tension artérielle et le nombre des pulsations, accé-lèrent les mouvements de l'intestin, déterminent une légère augmentation de la température.

A hautes doses : ils déterminent une paralysie vasculaire, dimi-nuent la tension artérielle, la température, paralysent les mouve-ments de l'intestin. Dans tous les cas, la respiration est accélérée. Les propriétés de ces deux alcaloïdes sont jusqu'ici les mêmes, mais un point important à signaler : l'hyosciamine régularise les mouve-menlsducœur; la daturine produit souvent des intermittences et des arrêts du cœur.

IIe partie. — M. Laurent rapporte dix-huit observations détaillées de malades soumis au traitement par ces deux alcaloïdes. C'est là une chose nécessaire pour le médecin, qui juge mieux ainsi les différents cas et se rend compte de l'action du médicament : les conclusions d'un mémoire ne pouvant être toujours que générales. Voici les parties principales de ces conclusions : ces deux alca-loïdes peuvent servir de succédanés à l'atropine ; la daturine doit être maniée avec les plus grandes précautions ; l'hyosciamine, au contraire, peut être employée sans inconvénients. A petite dose, ces substances sont utiles dans les cas d'incontinence d'urine, de constipation; pour diminuer les sécrétions exagérées ; elles agissent d'une façon efficace dans les névroses douloureuses, convulsives, et dans les affections congestives de la moelle, au début.

Doses thérapeutiques — Il est prudent de débuter par des prises de 1 à 2 milligrammes par jour ; on peut porter la dose jusqu'à

5 ou 6 milligrammes. F. Roque.

Cancer du sein chez l'homme, par Fontagnères.

Nous avons publié l'année dernière divers travaux ou analyses de MM. Thaon, Peltier, Fontagnères. A propos du malade dont il a rapporté l'histoire, reproduite par nous et par la Gazette hebdoma-daire, M. Fontagnères a écrit à ce dernier journal (1871, p. 748) que son malade, opéré depuis deux ans, n'a pas eu de récidive et est complètement guéri.

Le Gérant : a. de montméja.

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TORTICOLIS CONGÉNITAL

N° l

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DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE CHIRURGICALE

DU TORTICOLIS

Leçons cliniques faites par M. le professeur BROCA, à l'hôpital de la Pitié (8 et 10 janvier 1872) et recueillies par G. Richelot, interne des hôpitaux de Paris.

Messieurs,

Le malade couché au n° 18 de la salle Saint-Louis est affecté d'un torticolis d'ancienne date. C'est à l'âge de deux ans, paraît-il, que remonte le début de sa maladie. Il est aujourd'hui dans sa trente et unième année. Comme la chirurgie peut, dans ce cas, intervenir utilement, malgré l'ancienneté de la déviation, je crois opportun d'établir devant vous, avec toute la certitude possible, le diagnostic de celte difformité.

Vous savez que le torticolis peut être primitivement osseux, ou primitivement musculaire. Ainsi, dans le cas de lésion des vertèbres, les leviers osseux étant tout d'abord altérés, l'équilibre des puis-sances qui meuvent ces leviers se trouve rompu. De l'attitude vi-cieuse du squelette résulte un trouble dans la force musculaire. Le muscle, gêné dans sa fonction, perd bientôt sa structure; pâle d'a-bord, diminué de volume, il subit enfin la dégénérescence granulo-graisseuse. Je ne vous énumérerai pas les diverses lésions verté-brales qui peuvent amener ces désordres : arthrites rhumatismales, abcès scrofuleux, etc.

D'autres fois, la déviation a sa source dans le muscle lui-même ou dans le nerf qui l'anime; et, dans ce dernier cas, il y a excès ou défaut d'action nerveuse. De là deux espèces de déviations mus-culaires : directes, ou par rétraction ; antagonistes, ou par paralysie.

4° année. 3

Le diagnostic entro ces deux ordres de laits est généralement la-cile.

Chez notre malade, il n'y a évidemment pas de paralysie. La tête est déviée à gauche (voy. Planche VI) ; le sterno-mastoïdien du côté droit est sain; le malade peut le contracter, et porter légèrement látete vers le côté droit, bien que ce mouvement soit très-limité. Le même résultat s'obtient par l'application de l'éleclricité. Je vous rappellerai, à ce propos, un bon caractère du torticolis par para-lysie : le malade ne peut redresser la tête; le chirurgien, au con-traire, lui rend facilement son attitude normale, tant qu'une ré-traction consécutive du muscle du côté sain n'a pas encore fixé la tête dans sa position anormale.

Il s'agit donc, chez l'homme que nous observons, d'un torticolis par rétraction. Mais quelle est la cause de cette rétraction? Nous la trouverons, ou dans le muscle lui-même, ou dans le système ner-veux central. S'agit-il du système nerveux? c'est le plus souvent chez les enfants, pendant une maladie accompagnée de convulsions, la méningite, par exemple, que se développe ce torticolis d'origine nerveuse. S'agit-il du muscle ? nous aurions affaire, dans cette hy-pothèse, à une affection rhumatismale, développée dans l'âge adulte.

Je vous ferai remarquer ici, messieurs, que, pour moi, les dou-leurs musculaires appelées rhumaslismales sont, à n'en pas douter, accompagnées d'une lésion de tissu, qui n'est autre chose qu'uu très-léger degré d'inflammation, et qui, d'une part, produit les phénomènes fonctionnels que vous connaissez (attitudes vicieuses dans le torticolis, dans la coxalgie musculaire), d'autre part, diminue la résistance des fibres, et amène des ruptures telles qu'on en ob-serve dans le lumbago.

L'affection rhumatismale du muscle peut avoir une durée suffi-sante pour amener dans son tissu un trouble de nutrition. Les élé-ments qui le composent, fibres, tissu conjonclif, gaîne, se raccour-cissent alors. Les muscles voisins, qui se nourrissent dans une altitude vicieuse, se raccourcissent également ; il en est de même des ligaments ; les os eux-mêmes se déforment par le tassement de leurs molécules. Et si la difformité date de l'enfance, elle peut at-teindre un degré extrême, car la croissance se fait librement du côté convexe, tandis qu'elle est entravée du côté concave.

Le sujet qui est actuellement dans nos salles a eu probablement dans son enfance une affection fébrile avec convulsions. Nous écar-

tons le rhumatisme musculaire, comme beaucoup moins probable, à cause de l'âge où le mal a débuté. Car vous savez que le rhuma-tisme musculaire est infiniment moins fréquent chez les enfants que le rhumatisme articulaire.

Mais, avant de poser notre diagnostic d'une manière absolue, di-sons qu'une affection osseuse primitive nous paraît ici invraisem-blable. La déformation du squelette est considérable, il est vrai. La colonne vertébrale est convexe à droite dans la région cervicale, et convexe à gauche dans la région dorsale (courbure de compensa-tion). (Voy. Planche VIII.) Mais cette déviation de la colonne n'est pas nécessairement primitive ; elle est la conséquence naturelle de la déviation de la tète.

D'ailleurs, si j'examine le malade avec attention, je vois que le sterno-masloïdien est le seul agent que je puisse invoquer. (Voyez Planche VII.) Lorsqu'une déformation osseuse amène consécutive-ment la rétraction musculaire, celle-ci ne porte pas seulement sur le sterno-masloïdien; les muscles voisins se déforment comme lui, et contribuent à maintenir l'attitude vicieuse. Ici, le sterno-mastoï-dien seul donne son cachet à la déviation. Un torticolis qui n'aurait pas ce muscle pour agent pourrait être plus exagéré encore, mais il n'aurait pas cette forme.

Concluons donc que notre malade est affecté d'un torticolis muscu-laire, par rétraction du sterno-mastoïdien.

Et maintenant, qu'avons-nous à faire? L'indication de la ténoto-mie se pose ici naturellement. Je puis vous dire d'abord que la section des attaches inférieures du sterno-mastoïdien est une des opérations les plus bénignes de la chirurgie. Mais qu'obtiendrons-nous par cette opération?

Le premier obstacle qui se présente à nous, c'est le sterno-mas-toïdien, avec ses deux insertions inférieures. Mais sera-ce le seul? Quand la section sera faite, les autres muscles accommodés depuis longtemps à la déviation, seront-ils plus obéissants que le sterno-mastoïdien? Et les ligaments? et les os surtout? parviendrons-nous, par des moyens mécaniques, à triompher de leur résistance?

En résumé, messieurs, en pratiquant la ténotomie, nous ferons line opération inoffensive, à coup sûr. Obtiendrons-nous une amé-lioration? Oui, sans aucun doute. Corrigerons-nous entièrement la difformité? Je n'y compte pas. Néanmoins, nous allons procédera la section du muscle, et nous lutterons de notre mieux contre les autres obstacles, à l'aide d'un appareil orthopédique.

Messieurs,

L'opération que nous avons pratiquée avant-hier sur noire ma-lade, affecté de torticolis a donné un résultat immédiat beaucoup plus favorable que celui auquel je m'attendais. La tète, comme vous l'avez vu, s'est redressée presque complètement après la section du sterno-mastoïdien. Bien que le crâne et la face soient encore déformés, comme de juste (et je vais tout à l'heure appeler votre attention sur ce fait), il nous est permis d'espérer que la difformité sera mieux corrigée que nous ne l'avions cru d'abord.

Je vous rappellerai aussi qu'immédiatement après l'opération et le redressement delà tête, le malade a été pris de convulsions clo-niques, qui ont duré à peine quelques minutes, et qui nous ont donné le spectacle d'une véritable attaque d'hystérie. Au premier abord, voyant le nombre des inspirations doubler tout à coup, j'ai pensé au nerf diaphragmatique, et je me suis demandé un instant si mon ténotome ne l'aurait pas atteint. Mais la chose était bien peu vraisemblable, et la véritable nature de ces convulsions passagères ne pouvait rester longtemps douteuse. Ce malade est nerveux, pu-sillanime, son intelligence est peu développée. L'émotion que lui a causée l'opération, le changement brusque d'altitude, de la tête, nous rendent un compte suffisant des phénomènes que nous avons observés.

Il reste maintenant sous la peau une corde comme tendineuse, occupant la place des attaches claviculaires du sterno-mastoïdien, et qui nous donne la pensée que nous n'aurions pas sectionné toute l'épaisseur des fibres à ce niveau. Néanmoins, et c'est là l'essentiel, la tête est complètement libre, et la présence de cette corde ne nous empêche pas de l'incliner sur l'épaule du côté opposé. Je ne pense pas que la section de cette bride fibreuse devienne plus tard néces-saire.

Nous avons fermé la petite plaie faite par le ténotome avec un morceau de diachylon. Inutile de vous dire qu'elle ne suppurera pas. Nous allons appliquer l'appareil que vous connaissez sous le nom de minerve.

J'ai à vous dire maintenant quelques mots de certains phéno-mènes physiologiques produits par ce torticolis. Il est résulté de l'attitude vicieuse un changement profond dans la nutrition et le développement de la tête.

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Planche VIH.

TORTICOLIS CONGÉNITAL

n° 3

Vous constatez sans peine l'inégalité des deux moitiés de la face (Voy. Planche VI). C'est là un résultat bien connu du torlicolis, surtout de celui qui date do l'enfance; il peut se produire néan-moins, quoique à un moindre degré, à la suite du torticolis déve-loppé dans l'âge adulte.

Observez bien ce malade : le nez n'est plus vertical, la ligne des sourcils n'est plus horizontale. L'angle de la mâchoire, du côté malade, est beaucoup plus rapproché du sourcil que celui du côté sain. Et, pour ne pas vous tromper, comparez la direction de la ligne sourcilière à celle des autres diamètres transverses de la face ; vous verrez que, lorsque la tête n'est pas maintenue par l'appareil, tous sont déviés par suite de l'inclinaison vicieuse, mais que l'obli-quité de la ligne sourcilière l'emporte notablement sur l'obliquité des autres diamètres.

Mais ce n'est pas seulement sur la face que porte la déformation. A priori, le crâne doit y participer; et c'est, en effet, ce qui a lieu, bien que les auteurs n'en parlent pas. J'ai fait raser le cuir chevelu de ce malade, et j'ai constaté une déformation notable du crâne. La bosse pariétale gauche est sensiblement moins convexe que la droite. On constate sans peine celte inégalité sur le moule que j'ai fait faire par M. Stahl et qui sera déposé dans la galerie d'an-thropologie du Muséum.

L'encéphale et les organes des sens doivent avoir souffert comme le crâne lui-même. Continuons donc, à ce point de vue, notre exa-men. Le malade est peu intelligent, fantasque, hystérique, comme je vous l'ai déjà dit. Son corps est peu développé, sa taille ne dé-passe pas lm,52. Et ceci ne doit pas nous étonner, car on ne peut nier l'influence du cerveau sur le développement total de l'orga-nisme. Les microcéphales restent petits ; tous les vrais nains sont des. microcéphales.

Nous avons exploré au dynamomètre l'état de ses muscles. Ici encore nous avons obtenu des résultats dignes d'intérêt : le côté gauche, dans aucune expérience, ne s'est montré plus faible que le côté droit; plusieurs fois, la différence a été nulle ; généralement, le côté droit s'est montré plus faible de quelques kilogrammes, et cependant le malade n'est pas gaucher. Vous voyez donc que, chez cet homme, c'est le cerveau droit qui prédomine, tandis que, dans l'état normal, c'est le cerveau gauche qui l'emporte sur l'autre, non-seulement chez l'homme, mais chez les oiseaux, qui, comme vous le savez, perchent presque tous sur le pied droit. Cette faiblesse

relative du cerveau gauche de notre malade est bien en rapport avec l'atrophie de cette moitié de la tête.

L'exploration des organes des sens nous a démontré que l'un des deux yeux est moins bon que l'autre; même résultat pour les oreilles. iMais cette fois, c'est sur le côté correspondant au torticolis que porte la différence. Et ce résultat s'explique aussi bien que le pré-cédent. L'œil, en effet, estsousla dépendance des deux hémisphères, mais surtout de l'hémisphère correspondant. De son côté, l'oreille ne dépend évidemment que de l'hémisphère correspondant; car il n'y a pas de chiasma des nerfs auditifs.

Enfin, messieurs, nous avons exploré la sensibilité cutanée à l'aide du compas. Mais ici, nous n'avons obtenu que des résultats con-tradictoires, grâce au défaut d'intelligence du malade.

J'entends murmurer le nom de Bichat. Bichat avait les sutures du crâne déviées, mais n'en doutez pas, messieurs, les deux moitiés de son cerveau étaient égales. Le crâne et le cerveau sont, il est vrai, corrélatifs dans leur développement, mais autonomes cepen-dant dans de certaines limites, et, s'ils ne se gênent pas récipro-quement, l'un d'eux peut se développer irrégulièrement sous quel-ques rapporls, sans que l'autre cesse de se bien développer.

Par quel mécanisme un torticolis peut-il amener ces anomalies de développement? La tête, ont dit quelques-uns, est inclinée vers la terre, tandis qu'elle est destinée à regarder en haut... Os homini sublime dédit..., et cette explication leur a suffi. Trop poétique pour nous, elle n'est pas du domaine de la science. Nous cherchons une cause plus tangible, et surtout qui nous rende compte de l'en-semble des phénomènes, un mécanisme applicable à la totalité de la tête. Nous le trouvons dans le système artériel. La courbure exagérée de la carotide, résultat de l'attitude vicieuse, augmente le frottement du sang sur les parois vasculaires et diminue la force de la circulation dans toute une moitié de la tête. Sans doute, la carotide clu côté sain subit aussi une augmentai ion de courbure, mais cette déviation est beaucoup moins considérable, et ne produit pas à beaucoup près le même trouble circulatoire. Tel est, messieurs, le mécanisme le plus rationnel que nous puissions invoquer pour expliquer les phénomènes d'atrophie dont le torticolis est le point de départ.

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GRIFFE CUBITALE

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

GRIFFE CONSÉCUTIVE A UNE LÉSION TRAUWATIQUE DU NERF

CUBITAL

par ii. duret, interne des hopitaux de paris

Le 24 janvier, est entrée dans le service de M. Charcot, à la Sal-pêtrière, une femme nommée Mahau, âgée de 75 ans, présentant des phénomènes de coma et de contracture. Elle était urémique et succomba vingt-quatre heures après son entrée à l'infirmerie avec une basse température. On s'aperçut que les deux derniers doigts de la main gauche étaient fléchis et ne pouvaient être étendus. Elle portait une cicatrice au poignet, et, tout ce qu'on a pu savoir, soit de ses parents, soit d'une voisine, c'est, qu'il y a quinze ans, elle était tombée sur un têt de bouteille et s'était coupée, et que la plaie avait donné lieu à une hémorrhagie abondante. Peu à peu, sans que les personnes qui nous donnent des renseignements puissent nous dire le temps précis où cela a commencé, ses doigts s'étaient re-courbés, et la griffe s'était formée en commençant par l'annulaire et le petit doigt.

Voici ce que Y examen nécroscopique nous a appris. À l'extrémité inférieure de l'avant-bras gauche, près du bord cubital, on observe une cicatrice linéaire, transversale, légèrement sinueuse, représen-tée sur la Planche IX par une traînée blanche. Elle a son siège pré-cis entre le pli supérieur et le pli moyen de l'articulation radio-carpienne, commence au-dessus du pisiforme et finit un peu au delà de l'axe de l'avant-bras.

La main, légèrement inclinée sur le bord cubital, est petite et aplatie. La région hypothénar, non-seulement n'offre plus aucun re-lief, mais paraît creusée.

Une saillie marque encore la région thénar; toutefois, elle s'étend moins loin en haut et vers l'axe de la main; il semble qu'un man-chon de parties molles emboite la racine du métacarpien; mais au lieu d'une saillie qui gagne, en mourant, la partie moyenne de la main, c'est une sorte de gouttière très-nette qui, en dedans, limite cette région. La face palmaire du pouce regarde normalement un peu en dedans; ici, elle semble forcée et répond au bord externe de l'indicateur. L'angle qui sépare le pouce de l'indicateur est aussi plus profond et moins arrondi.

L'indicateur est légèrement fléchi clans son articulation phalango-phalanginienne, mais peut cependant être étendu assez facilement. Le médius est fléchi davantage, et l'angle existe dans les deux der-nières articulations des phalanges. Il est complètement impossible d'étendre la deuxième phalange sur la première; au contraire, l'extension de la troisième sur la deuxième peut s'accomplir. (La Planche IX donne une idée très-exacte de l'attitude des doigts et permet de bien suivre notre description.)

L'annidaire et le petit doigt sont fortement infléchis dans les ar-ticulations des deux dernières phalanges, et leur pulpe touche la paume de la main. De plus, leurs axes sont inclinés vers l'axe mé-dian. Il est complètement impossible de redresser la phalangine sur la phalangette et celle-ci sur la première phalange. Au contraire, les articulations métacarpo-phalangiennes de tous les doigts, même des deux derniers, sont mobiles et exécutent leurs mouvements de flexion et d'extension comme à l'état normal.

Signalons encore la présence singulière d'une espèce d'échan-crure en forme d'ulcération au bord libre des ongles des deux der-niers doigts. Peut-être l'atrophie du filet sous-unguéal des rameaux digitaux du cubital était-elle la cause de cette lésion assez net'e-ment caractérisée.

La région dorsale de la main n'offre de particuliers, que la saillie du dos des métacarpiens et le creux très-prononcé des es-paces interosseux.

Dissection. — Nous avons disséqué de manière à laisser les or-ganes compris dans la cicatrice adhérente à celle-ci. Le feuillet aponévrolique est adhérent au derme d'un côté et relié de l'autre, par des tractus fibreux, à l'os pisiforme et au bord interne du cu-bitus.

Dans la cicatrice, vue par sa face interne, nous trouvons en al-lant de dedans en dehors : le nerf cubital, l'artère cubitale, le nerf médian, et, sur un plan plus superficiel, le tendon du grand pal-maire et celui du petit palmaire.

Le nerf cubital a déjà fourni, à ce niveau, sa branche dorsale, qui, par conséquent, n'est pas comprise dans la cicatrice. Il parait com-plètement sectionné : son bout supérieur se termine par une ex-trémité renflée en massue; son bout inférieur ne présente pas de renflement ; ils sont reliés l'un à l'autre par des tractus fibreux trans-versaux qui font corps avec la cicatrice ; à l'œil nu, on n'y trouve pas de tractus longitudinaux.

Vartère, elle aussi, a été coupée complètement ; accolée par des brides au côté du nerf, elle passe un peu en arrière de lui et il devient impossible de la suivre sans rompre la cicatrice : ses ra-meaux subjacents ont un volume normal. La gaine du médian a con-tracté quelques adhérences avec la cicatrice.

Le tendon du cubital antérieur recouvre les organes précédents et est très-adhérent. Comme il s'insère au pisiforme, on s'explique fa-cilement les adhérences au niveau de cet os. Le petit palmaire déjà épanoui est adhérent à la peau et à la cicatrice.

L'étude de ces lésions de la cicalrice rend facilement compte des désordres consécutifs. A Y avant-bras, nous trouvons les deux ten-dons du fléchisseur sublime, qui répondent au petit doigt et à l'annulaire complètement sectionnés. Les deux bouts ne sont pas restés accolés à la cicatrice, mais sont remontés à k ou 5 centimètres au-dessus du ligament annulaire, tandis que les deux bouts infé-rieurs sont descendus au-dessous de celui-ci, mais lui sont restés adhérents par un repli assez résistant de la synoviale. Leur surface de section est froncée et ressemble à celle d'un moignon d'amputé.

A la paume de la main, les muscles de l'éminence hypothénar sont presque tous atrophiés ; l'adducteur du petit doigt est le mieux con-servé; le court fléchisseur est pâle et entouré de graisse; l'opposant est presque fibreux. Le palmaire cutané était formé d'un quadrila-tère graisseux, où il était impossible de retrouver des fibrvs mus-culaires à l'œil nu; on le reconnaissait cependant à une direction transversale vaguement fibrillaire : nous avons retrouvé son rameau nerveux venant du cubital.

Les deux lombricaux internes, animés par le cubital, n'ont laissé aucune trace. Les lombricaux externes sont hypertrophiés : on re-trouve facilement les filets que leur fournit le nerf médian.

Les muscles de Véminence thénar sont petits, mais assez colorés. Il manque l'adducteur du pouce, qu'on reconnaît à son tendon et à la direction de quelques trousseaux fibro-graisseux.

Les interosseux palmaires sont tous atrophiés, graisseux, pâles et décolorés : on peut cependant les disséquer en suivant leurs ten-dons : nous n'avons pu découvrir les filets nerveux que de deux d'entre eux. Des interosseux dorsaux, le premier est le mieux con-servé, mais réduit à une lamelle fibreuse, pâle : entre ses deux insertions aux métacarpiens passe l'artère radiale. Les autres, quoique considérablement atrophiés et graisseux, peuvent être re-connus.

.Dans les deux doigts fléchis, annulaire et auriculaire, on trouve la peau adhérente par des tractus fibreux et rougeàlres à la gaine, et celle-ci est elle-même très-rétractée sur les tendons des fléchis-seurs, qu'elle serre étroitement contre la phalange, Enfin, au ni-veau des angles de flexion, les artères et les nerfs collatéraux sont flexueux et injectés.

Parmi les rameaux du cubital, on retrouve : les collatéraux du petit doigt, la branche interne de l'annulaire, qui offre ici une anas-tomose avec une branche du médian, les branches pour les muscles de l'éminence hypothénar, mais elles sont entourées de graisse. Son rameau profond est petit, mais peut être suivi jusqu'à l'adduc-teur du pouce, où il se termine : quant aux filets des interosseux, nous en avons retrouvé deux seulement. Les filets des deux derniers lombricaux sont absents, comme ces muscles eux-mêmes.

Le nerf médian n'offre de remarquable que ses adhérences à la cicatrice et l'anastomose déjà signalée.

A la région dorsale, nous retrouvons tous les filets nerveux du radial et de la branche postérieure du cubital.

Avec ces connaissances, il est facile de s'expliquer la forme de la griffe. Les travaux de M. Duchenne (de Boulogne) nous ont ap-pris que les interosseux ont pour fonction d'étendre la troisième pha-lange sur la deuxième et celle-ci sur la première, en même temps qu'ils fléchissenl la première sur le métacarpien. D'un autre côté, les extenseurs n'ont le pouvoir que d'étendre les premières phalanges sur les métacarpiens. Or nous avons vu que, pour tous les doigts, ce dernier mouvement était conservé : mais il n'en était plus de même pour les mouvements des deux dernières phalanges. L'im-mobilité était complète pour l'annulaire et le petit doigt, parce que pour ces deux-là, 1rs interosseux et les lombricaux étaient atrophiés; pour le médius et l'indicateur, la flexion était incomplète, surtout pour l'articulation phalangetto-phalanginienne, car les lombricaux assesseurs des interosseux étaient intacts, hypertrophiés même : ces derniers ont surtout pour fonction, d'après M. Duchenne, d'é-tendre la troisième phalange sur la deuxième. Ajoutons que, par suite de la durée et de la persistance de la flexion, il s'était formé une espèce, d'inflammation chronique qui avait produit un tissu rétractile, et ankylosé les articulations.

Il semble qu'en raison de la section des deux derniers tendons du fié hisseur sublime et del'atrophie des interosseux, les premières phalanges auraient dû s'incliner en arrière sur les métacarpiens,

comme dans l'exemple cité par M. Duchenne ; mais nous croyons que les extenseurs n'ont pu entraîner les phalanges en arrière, à cause des adhérences au ligament annulaire du bout inférieur des tendons sectionnés.

Le fléchisseur profond avait cependant suffi à produire la flexion des deux dernières phalanges, mais non celle de la première sur le métacarpe, car l'extenseur pouvait lui résister, d'autant plus qu'à l'état normal l'équilibre n'existe entre les fléchisseurs et les extenseurs, que parce que les interosseux agissent sur les premières phalanges dans le sens des fléchisseurs les plus faibles.

La face palmaire du pouce était tournée en dedans, parce que l'adducteur du pouce élait atrophié : il y avait prédominance des autres musc'es de l'éminence thénar, qui s'insèrent à l'os sésamoïde exlerne; ceux-ci sont surtout opposants et rotateurs en dedans.

Enfin, si les doigts étaient inclinés vers l'axe de la main, il n'y avait là que l'exagération d'un mouvement normal qu'il est facile de constater quand on fléchit les phalanges. Ce mouvement est produit par le fléchisseur profond qui, en se contractant, ramène pour ainsi dire les doigts les uns sur les autres : de plus, son action n'était plus contre-balancée par les interosseux atrophiés, qui ont aussi le pou-voir d'écarter fortement les doigts les uns des autres.

Histologie. — M. Gombault, interne de M. Charcot, a bien voulu nous guider dans l'examen histologique, et voici ce que nos recher-ches nous ont appris.

a) Muscles. Une portion d'un interosseux dorsal, examinée vingt-quatre heures après la mort, nous a montré des fibres muscu-laires pâles, ayant perdu une grande partie de leurs stries et deve-nues surtout graisseuses.

Plus tard, après quelque temps de séjour dans l'acide chromique, nous avons examiné les muscles et les nerfs.

Un muscle animé par un rameau du nerf cubital avant la cica-trice, le muscle cubital antérieur, nous a offert des stries très-nettes.

Un faisceau du muscle petit adducteur du petit doigt, qui reçoit une des branches du cubital après sa section, et qui, à l'œil nu, pa-raissait un des moins atrophiés, avait des fibres nettement striées ; d'autres, striées dans un point de leur longueur, présentaient ail-leurs des plaques de granulations très-caractérisées ; d'autres fibres enfin étaient dans toute leur étendue granulo-graisseuses. Ces gra-

nidations, en effet, traitées par l'acide acétique n'ont pas disparu, mais sont devenues plus nettes.

Si, enfin, on prenait une portion d'un muscle complètement grais-seux, comme le palmare cutané, ou l'adducteur du pouce, on trou-vait le sarcolemne rempli et entouré de granulations et de vésicules adipeuses.

b) Nerf. Par la dissociation, les tubes du nerf cubital, avant la cicatrice, paraissaient normaux ; on distinguait le cylindre-axe entouré de myéline et les noyaux delà gaine de Schwann.

Sur des coupes horizontales, faites à un ou deux centimètres au-dessus du renflement, le tissu conjonctif fin, qui sépare immédia-tement les tubes nerveux les uns des autres, formait des tractus beaucoup plus larges qu'à l'état normal. Ces tractus étaient renflés çà et là par des amas de noyaux; ils se coloraient vivement par le carmin. Ce fait devenait évident quand on comparait avec la coupe d'un autre nerf, par exemple, du nerf médian du môme côté. 11 s'a-gissait, d'après M. Charcot, du premier degré d'une névrite ascen-dante.

Au niveau du renflement, la névrite était encore plus accusée. En effet, on voyait les faisceaux de tubes entourés de tissus fibreux ; celui-ci les avait comme dissociés, et il n'était pas rare de rencon-trer un seul tube nerveux entouré d'une couronne fibreuse très-épaisse et distincte. Sur une coupe de nerf normal, les faisceaux primitifs ont une forme arrondie; ici, l'épaississement du tissu con-jonctif les avait déformés ; ils étaient aplatis ou polygonaux. Dans leur intérieur, les tubes nerveux avaient été en certains points comme étouffés par le tissu conjonctif : on voyait des groupes de tubes très-atrophiés, surtout quand on comparait avec un nerf normal. Parfois des cylindres-axes étaient très-hypertrophiés.

Plusieurs fois, nous avons rencontré la particularité suivante : un vaisseau avec une gaine très-épaissie ; de cette gaine partaient des tractus fibreux entourant des tubes nerveux qu'ils séparaient un à un. Les plus voisins étaient très-atrophiés, les plus éloignés deve-naient peu à peu normaux.

Au-dessous de la cicatrice, par la dissocialion, nous avons trouvé peu de tubes nerveux à l'état normal, et beaucoup de tissu con-jonctif.

Sur des coupes, le tissu fibreux, coloré par le carmin, occupe presque tout le champ du microscope, conservant peu sa disposition en faisceaux primitifs et secondaires. On voit çà et là des tubes vides

de myéline, et aussi, sans cylindre-axe ; en certains points on reconnaît nettement la gaine de Schwann vide de son contenu.

En résumé, le nerf cubital présentait une névrite très-accusée au niveau du renflement; une névrite au premier degré, au-dessus du renflement; au-dessous, beaucoup de tubes nerveux avaient dis-paru, et le nerf ne formait plus guère qu'un cordon fibreux.

THÉRAPEUTIQUE

DE L'EMPLOI THÉRAPEUTIQUE DU HACHISCH

par f. villard, interne des hopitaux — SUITE —

vi. tétanos.

1. Tétanos idiopathique. — Nous n'avons trouvé qu'un seul exemple de tétanos idiopathique traité par le Hachisch : il a été rapporté par le Dr Babington. Il s'agit d'un homme de quarante ans qui subitement fut pris de spasmes tétaniques : on l'apporta à Guy's Hospital, et immédiatement on lui administra l'extrait de Cannabis à la dose de trois grains toules les demi-heures. L'influence du médicament se traduisit par une légère excitation, par une aug-mentation de la fréquence du pouls, et par des sueurs abondantes, plus marquées à la face et aux mains. On nota également une dimi-nution de la rigidité musculaire; mais, les jours suivants, malgré l'administration du Hachisch, les spasmes devinrent plus fré-quents et plus violents : le malade mourut. (The Dublin Hospital Gaz., 1845.)

2. Tétanos traumatique. — Contre ce redoutable accident des plaies, un grand nombre de remèdes ont été employés : l'opium, le bromure de potassium, la fève de Calabar, etc., ont été administrés tour à tour, quelquefois avec avantage ; plus souvent ils sont restés impuissants. Actuellement, on semble donner la préférence au Chloral et nous devons dire que, depuis quelques années, on a rap-porté un assez grand nombre de cas de guôrison due à l'influence de cet agent. — Avant le Chloral, avant même la fève de Calabar et le bromure de potassium, le Hachisch avait eu des jours heureux

dans le traitement du tétanos : l'exposé succinct des faits suivants parlera plus éloqueminent que nous ne pourrions le faire.

Les premiers exemples que nous ayons rencontrés de tétanos traumatique guéri par l'emploi du Hachisch ont été rapportés par O'Sanghuessy, dans son intéressant travail sur le chanvre indien. Ce médecin en a observé trois pour sa part : le premier est relatif à un Indien qui, à la suite d'une large ulcération occupant le face dor-sale du poignet, fut pris de tétanos. L'opium et le calomel furent a iministrés sans résultat ; on eut alors recours à la résine de chanvre, à la dose de deux grains toutes les trois heures, puis tou-tes les deux heures ; quatre jours après les spasmes tétaniques avaient disparu. Ce malade mourut ensuite, mais sa mort fut le ré-sultat de l'épuisement déterminé par une longue suppuration. — Le second cas se rapporte à un tétanos survenu consécutivement à un coup de pied de cheval. Le Hachisch fut administré pendant un mois; les doses furent considérables et portées jusqu'à 154 grains par jour : le malade guérit. — Le troisième cas, enfin, est celui d'une femme qui fut prise de tétanos à la suite d'une plaie du coude; sa guérison fut complète au bout d'un mois. L'emploi du Hachisch provoqua chez elle, à diverses reprises, la manifestation de phéno-mènes cataleptiques.

0. Brien a employé le Hachisch chez cinq malades atteints de tétanos traumatique : quatre d'entre eux se trouvaient dans un état désespéré. L'administration du médicament fut suivie presque immédiatement du relâchement des muscles et de la cessation des crises convulsives : sur ces cinq malades, quatre guérirent.

Le Dr Bain a eu recours au même remède contre trois cas de té-tanos traumatique, observés à l'hôpital de Calcutta : il obtint deux guérisons. Dans un autre cas de tétanos survenu à la suite d'une plaie du scrotum, R. O'Sanghuessy put également constater les bons effets du Hachisch.

Dans le journal « the Dublin quarterly of médical Science » de 1847, nous trouvons un nouvel exemple très-détaillé de tétanos traumatique observé par le Dr O'Sanghuessy et traité par le Ha-chisch. 11 s'agit dans ce fait d'un homme de vingt-trois ans, qui, consécutivement à une blessure légère siégeant au niveau des doigts de la main droite, présenta au bout de dix-sept jours les premiers symptômes du tétanos. Cinq jours après, ces symptômes s'étaient considérablement aggravés ; il y avait de l'opislholonos; les parois abdominales étaient tendues et extrêmement dures; le corps du

malade ne reposait sur le lit que par la lête et les talons ; les crises tétaniques étaient fréquentes et duraient chaque fois plusieurs mi-nutes. On prescrivit alors l'administration de vingt-cinq gouttes de résine de chanvre toutes les deux heures. A partir de la seconde administration du médicament, les crises convulsives devinrent moins longues et plus éloignées. Le lendemain, elles ne se reprodui-sirent pas et le malade put dormir. L'amélioration continua les jours suivants et, au bout de dix jours, la guérison fut achevée.

Le professeur Miller (d'Edimbourg) a administré le Hachisch avec succès à une petite fille âgée de sept ans et qui fut atteinte de té-tanos consécutivement à un écrasement du médius de la main droite. Vingt jours après ce dernier accident, il survint pendant la nuit une espèce d'accès avec rigidité dans les membres, difficulté à ouvrir la bouche et à bâiller, douleurs dans les mâchoires Au bout de trois jours, le tétanos était confirmé : mâchoires rapprochées, massélers et temporaux durs, tendus et fort douloureux, membres rigides, surtout les supérieurs, parois abdominales dures, opistho-tonos, etc. Les crises convulsives étaient fréquentes ; on pratiqua alors l'amputation métacarpo-phalangienne. Le Hachisch avait été administré dès le début des accidents : à ce moment, on porta la dose de teinture à trente gouttes toutes les demi-heures. Les accès tétaniques ne tardèrent pas à s'éloigner, mais l'enfant demeura as-soupi et conserva de la rigidité. Pendant huit jours, elle resta à peu près clans le même état, avec un ou 'deux accès par jour; peu à peu cependant la roideur diminua, elle put écarter les mâchoires et avaler : au bout de trente-six jours la petite malade sortit guérie de l'hôpital (the hondón and Edinburgh Journal of Medicine, 1847).

Le Dr Heister a eu également à se 1 .mer de l'emploi de l'extrait de chanvre indien dans un cas de tétanos traumatique. Il prescrivit cette préparation à la dose de deux grains toutes les demi-heures jusqu'à ce que le sommeil s'ensuivit. Dès la seconde dose, le ma-lade devint tranquille, et, après la quatrième, il eut un sommeil qui dura deux heures. Les spasmes revinrent à son réveil, mais avec moins d'intensité : on reprit l'usage du chanvre à la dose de cinq grains toutes les heures, et Je malade s'endormit après la troisième fois. A son réveil, les spasmes se trouvèrent fort diminués : au bout de trois jours, le malade ouvrait librement la bouche et entrait franchement en convalescence. — Ce fait, suivant le I)1' Heister, prouve d'autant plus en faveur de l'efficacité du Hachisch, que la

guérison eut lieu clans la période où la maladie a l'habitude de se terminer parla mort (Journaldes connaiss. me'd.-chirurg., 1848).

Dans le Médical Times de 1852, le Dr Ch. Hodgson rapporte l'histoire d'un enfant de sept ans, qui, consécutivement à une plaie située au voisinage de l'angle externe de l'œil droit, fut pris de té-tanos : pupilles dilatées, œil droit fixe, démesurément ouvert, mâ-choires fortement serrées, difficultés pour avaler, spasmes tétani-ques provoqués par h s mouvements de déglutition, tendance à l'opisthotonos. La résine de chanvre indien fut administrée, à la dose d'un grain loutes les trois heures : l'état du petit malade resta le même pendant quelques jours, après lesquels l'amélioration se ma-nifesta franchement, et au bout d'un mois la guérison était com-plète. La quantité de résine qui fut administrée pendant toute la durée du traitement s'éleva à 162 grains : pendant les neuf pre-miers jours, le malade en prit 64 grains.

Le Hachisch a été employé avec succès par les D,s Gaillard et Saussure pour combattre le tétanos des enfants nouveau-nés. Chez l'un des enfants, le cordon était tombé et la cicatrice complète avant le début du trismus ; chez l'autre enfant, la plaie du nombril n'était pas cicatrisée, mais elle offrait un bon aspect. Les symptômes principaux étaient le trismus des mâchoires, la convulsion des muscles de la face et même des membres chez l'un des malades. Le traitement employé dans les deux cas consista dans l'emploi de la teinture de Hachsch unie à l'eau camphrée dans un cas, au sirop de cerise dans l'autre. On fit prendre une cuillerée à café toutes les deux heures, puis toutes les heures et enfin toutes les demi-heures, d'une potion composée de 8 grammes de teinture de Hachisch pour 60 grammes de véhicule. M. Saussure administra sous cette forme et sans inconvénient jusqu'à 15 grammes de tein-ture en vingt-quatre heures. L'amélioi ation se produisit lentement dans les deux cas, mais la guérison fut complète (Charlestown médi-cal Journ., 1855, et American Journ. of the med. Science, 1854).

Voici le résumé d'un fait rapporté par M. Ew. Skue, chirurgien adjoint d'élat-major à Honduras : une pettte fille de sept ans fut atteinte de tétanos à la suite d'une blessure produite par des frag-ments de verre au bord radial du poignet droit. Un mois après ce dernier accident, elle fut prise subitement de roideur dans le bras et la jambe du côté droit : ces membres étaient contractures, la main fléchie sur l'avant-bras, le genou à demi fléchi, le pied droit tourné en dedans. Les jours suivants, les symptômes s'aggravèrent; on ob-

serva du trisraus, et il survint de fréquentes attaques d'opisthotonos. On administra alors l'extrait alcoolique de chanvre indien à la dose d'un quart de grain d'abord, puis progressivement d'un grain jus-qu'à deux grains, de façon à maintenir constamment la petite ma-lade dans le narcotisme. Il y eut une amélioration rapide; les atta-ques de spasmes tétaniques s'éloignèrent de plus en plus, et au bout de douze jours on put cesser l'administration du remède (Edin-burgh médical Journal, 1858).

Au mois de décembre 1870, pendant le siège de Paris, nous avons eu occasion d'observer un assez grand nombre de cas de tétanos à l'ambulance militaire du Jardin des Plantes. Sur le désir que nous lui en avons manifesté, M. le professeur Broca voulut bien nous autoriser à administrer le Hachisch à un soldat dont l'état était désespéré. Il avait une fracture comminutive de la jambe gauche avec suppuration abondante : depuis huit jours il était atteint de tétanos. Les crises convulsives étaient fréquentes et se succé-daient toutes les cinq ou six minutes ; les mâchoires étaient forte-ment serrées ; depuis plusieurs jours, la déglutition était impossible ; le malade était dans l'immobilité la plus absolue; tous les muscles, ceux du corps et des membres, étaient durs, rigides et tendus. On avait eu recours à l'opium, au bromure de potassium, aux bains de vapeur, mais sans aucun résultat; le Hachisch fut alors administré à la dose de 1 gramme d'extrait dissous dans l'alcool, à prendre par cuillerée toutes les trois heures. Le lendemain, nous eûmes la satisfaction de voir les crises s'éloigner et diminuer d'intensité : le malade, qui auparavant ne pouvait desserrer les dents, parvint à ouvrir la bouche suffisamment pour prendre des bouillons et des potages. Le jour suivant, les crises convulsives avaient complète-ment cessé, mais il existait encore de la rigidité musculaire ; le malade cependant ouvrait la bouche assez pour qu'on pût introduire l'index entre ses dents. La prostration des forces était considé-rable : le malade succomba pendant la nuit. — Malgré cette termi-naison fâcheuse, nous n'hésitons pas à considérer ce fait comme plaidant en faveur de l'efficacité du Hachisch, et, sous l'influence de ce médicament, l'amendement des symptômes tétaniques fut si évident, que nous regrettons de n'y avoir pas eu recours dans d'au-tres circonstances analogues.

Si maintenant nous faisons la statistique de tous les faits que nous venons de résumer, nous voyons qu'ils sont au nombre de vingt, et qu'il y eut dix-sept guérisons. C'est là, assurément, un

fort beau résultat, car aucun des autres médicaments employés contre le tétanos n'a fourni une proportion aussi considérable de succès. Toutefois, avant d'admettre d'une façon absolue un pareil résultat, nous devons nous demander s'il est l'expression exacte de la vérité. Il est probable que tous les exemples de guérison ont été publiés, mais en est-il de même des cas où le traitement a échoué? Il est permis d'en douter, car, par une tendance regrettable et mal-heureusement trop générale, si on n'hésite pas à faire connaître un fait heureux, trop souvent on passe sous silence un insuccès. Quoi qu'il en soit, l'exposé qui précède démontre l'influence salutaire du Hachisch dans le tétanos traumatique, et doit engager les chirur-giens à se souvenir d'un moyen souvent efficace pour combattre cette redoutable complication des plaies.

REVUE ANALYTIQUE

MALADIES MENTALES

I. G. Griesinger, par Brierre de Boismont. — A part une statistique des alcooliques entrés à l'asile de Sainte-Anne, et une consultation médico-légale sur un mariage in extremis sur lesquelles nous re-viendrons plus loin, le dernier numéro des Annales médico-psycho-logiques (janvier 1872), ne renferme d'autre travail original que celui de M. Brierre de Boismont sur Griesinger. Son titre Etudes psychologiques sur les hommes célèbres, indiquant une série de no-tices semblables, nous a paru, après lecture, un peu ambitieux dans l'espèce. L'appréciation des ouvrages de Griesinger, nécessaire sans doute pour mieux établir le jugement à porter sur le médecin aliéniste allemand, a pris, sous la plume de M. Brierre un dévelop-pement trop grand. Nous disons sous la plume de M. Brierre, bien qu'une grande partie, la plus grande peut-être de cette apprécia-tion, celle qui a trait aux maladies infectieuses de Griesinger, soit l'œuvre de M. Lasègue. Mais M. Brierre cite de telle façon qu'il est impossible de savoir, et le cas se représente souvent, si ce qu'on lit est de lui ou de l'auteur cité. Quelques guillemets enlèveraient toute incertitude. Quoi qu'il en soit, l'étude des ouvrages de Griesinger, qui n'aurait dû être qu'un des éléments le plus important, nous le Voulons bien, de la caractéristique à établir, usurpe une place trop considérable. Et ce défaut est d'autant plus grave qu'elle porte

moins sur les procédés intellectuels de Griesinger que sur la discus-sion de ses vues. Elle constitue plutôt une controverse de patholo-gie qu'une étude psychologique, et quelle qu'en soit la valeur intrinsèque, elle ne tient pas la promesse du titre. C'est sans doute la faute de M. Lasègue ; il peut dire à sa décharge, qu'en analysant le Traité des maladies infectieuses de Griesinger, il pensait bien plus à faire connaître l'ouvrage que l'auteur, mais il est inexcusable d'a-voir entraîné M. Brierre à négliger, à son exemple, l'ouvrier pour l'œuvre, dans l'appréciation des autres publications de Griesinger.

De ces deux éléments d'information qui permettent de dresser le signalement psychologique d'une personnalité quelconque, ses œu-vres et sa vie, M. Brierre n'a su tirer qu'une esquisse assez effacée, à contours flottants et indécis. L'étude des œuvres de Griesinger pou-vait lui permettre de surprendre sur le fait, en flagrant délit, le processus sapiendi, le mode de genèse des idées de Griesinger, de caractériser ce qu'il y avait d'original, de particulier dans son intel-ligence, de montrer au lecteur les routes suivies par cet esprit. M. Brierre nous dit bien, après Westphal, que la faculté maîtresse de Griesinger était la puissance de généralisation ; mais cela ne res-sort pas suffisamment de l'étude de ses œuvres. Autant d'ailleurs qu'ait pu nous permettre de le comprendre, le style un peu confus de M. Brierre et sa langue parfois douteuse, cette facilité de géné-ralisation était moins réelle qu'on ne veut bien le dire et représentait plutôt une défectuosité qu'une faculté positive. Elle nous semble ré-sulter de la prédominance d'une imagination active sur un sens critique peu développé. Il est facile de généraliser ce qui ne veut ou ne peut tenir compte que des faits similaires ; seulement la généra-lisation est fausse.

Quant aux renseignements particuliers intimes sur Griesinger, ils n'abondent pas dans le travail de M. Brierre. C'est cependant d'après ces particularités, bien authentiquement constatées, que l'on peut le mieux juger d'un caractère. Pourtant, ici encore, on peut constater la grande prédominance de l'imagination dans l'ensemble psycho-logique de Griesinger. D'après Wimderlich, « tantôt il émettait des opinions en rapport avec l'entretien du moment, tantôt il en soute-nait qui étaient en désaccord complet avec les premières. » Sans nous arrêter à l'obscurité de la première de ces propositions, ob-scurité pouvant tenir à la traduction, il en résulte pour nous que Griesinger soutenait avec la même facilité et la même conviction le pour et le contre, sans doute parce que, généralisant toujours, il

ne généralisait jamais qu'en négligeant les faits contraires à son point de vue du moment. Wunderlich ajoute que « sa conviction durable était tout à fait différente de celles qu'il avait alternative-ment manifestées dans les deux cas. »

Le cas est curieux, il pose ce problème psychologique: comment le même homme peut-il, sur un même sujet, exprimer deux opi-nions opposées et en garder par devers soi une troisième « tout à fait différente » des deux autres? A résoudre ce problème, Hegel lui-même eût échoué et la véritable solution n'en peut être demandée qu'aux professeurs de morale en action que nous avons vus à l'œuvre pendant la dernière guerre. Nous risquerons cependant la nôtre, pour le cas particulier de Griesinger, solution bien française, partant bien simple : c'est que Griesinger ne savait se faire « une conviction du-rable, » faute de tenir un compte suffisant de tous les faits réels.

II. Mariage in extremis; consultation médico-légale, par A. Tardieu et Ch. Lasègue. — La consultation médico-légale de MM. Tardieu et Lasègue est relative à un mariage in extremis contracté par un nommé Humbert, sous le coup d'une congestion cérébrale, ayant amené un état comateux tel qu'on ne put obtenir du malade que des monosyllabes à peine articulés, bien qu'il n'y eût pas d'embarras mécanique de la parole. La mort est survenue une heure à peine après le mariage. Les deux consultants n'hésitent pas à conclure que M. Humbert n'était pas en état de comprendre l'importance de l'acte qu'il faisait, et en présence des faits, aucune hésitation n'était en effet possible. Aussi n'avons-nous pas signalé ce cas litigieux, (ad/iuc subjudice) pour son intérêt médical, nul en raison de sa grande clarté, mais parce qu'il présente une particularité sur la-quelle il nous est défendu d'insister ici : l'intervention d'un ecclé-siastique dans les préliminaires du mariage.

III. L'alcoolisme. — Tel est le sujet traité dans les trois brochures de MM. Magnan l, Challand2 et Despine5, mais à des points de vue tout différents. M. Magnan, suivi par M. Challand, dont la thèse n'est guère que la reproduction avec preuves nouvelles des doctrines pro-fessées parle médecin de Sainte-Anne, M. Magnan a étudié les alcools au simple point de vue médical; il a institué des expériences com-paratives qui, confirmées par des observations cliniques, ne laissent

1 Étude expérimentale et clinique sur l'alcoolisme ; alcool et absinthe, épî— lepsie absinthique, par le Dr Magnan. Paris, Adr. Delahaye.

2 Étude expérimentale et clinique sur V absinthisme et l'alcoolisme, par le docteur Challand. Même éditeur.

5 Le Démon alcool, par Despine. In-8* de 48 p. Paris, F. Savy, éditeur.

plus de doute sur la nécessité de distinguer, dans les symptômes bien connus de l'alcoolisme, ceux qui sont dus à l'alcool pur et ceux qui relèvent des substances surajoutées à cet agent. Il établit que l'absinthe provoque, à certaines doses, des phénomènes épilepti-formes que ne détermine pas l'usage de l'alcool seul. Ce n'est là toutefois qu'un premier pas dans une voie qui promet d'être féconde en résultats, et l'on ne saurait trop engager M. Magnan à y persévé-rer. On a confondu jusqu'ici, sous le nom d'alcoolisme, aigu ou chronique, diverses espèces ayant toutes un fonds commun, dû à l'action de l'alcool, mais qui doivent se différencier par des sym-ptômes attribuables aux substances qui s'adjoignent à l'alcool dans les diverses boissons. M. Magnan l'a établi d'une façon irréfutable pour l'absinthe, et il lui appartient d'en faire autant pour les autres boissons. La clinique seule est impuissante à faire le départ entre les deux ordres de symptômes, car il est rare, si cela se voit, qu'un buveur n'absorbe que de l'alcool pur, et presque aussi rare qu'il s'adonne à une seule boisson alcoolique. L'expérimentation si bien maniée par M. Magnan peut seule débrouiller cette confusion ; les occasions où la clinique pourra la contrôler se présenteront rare-ment, sauf peut-être pour certaines espèces de liqueurs alcooliques; nous avons par exemple, en ce moment-ci, un malade sous les yeux qui depuis longtemps n'a plus fait de choix dans ses boissons ; mais il y a quinze ans, il faisait exclusivement usage ou plutôt abus de vin blanc, et ce liquide n'avait paru porter aucune atteinte à l'intelligence ; la motilité seule était complètement et partout abolie.

La brochure de M. Despine n'a aucun caractère scientifique; c'est une amplification rhétorique sur le « démon alcool. » Les effets per-nicieux de ce liquide y sont bien présentés dans un style facile, c'est tout ce que nous en pouvons dire. Quant aux moyens d'arrêter la propagation de l'alcoolisme, M. Despine préconise l'interdiction de la vente au détail. Nous ne saurions avoir grande confiance en cette mesure, si tant est qu'elle soit applicable ; on ne combattra effica-cement cette tendance funeste que par un ensemble de mesures tendant à relever le niveau de l'instruction et de l'éducation géné-rales, qu'en inspirant à chacun le sentiment delà dignité humaine. Et ce ne sera pas l'œuvre d'un jour, tant le mal est profond.

IV. Psychologie morbide, par J. V. Laborde. — L'alcool, tel pour-rait être encore le titre du livre de M. Laborde sur les hommes de la Commune, s'il s'était plus occupé du grand nombre que de quel-

ques individualités saillantes. Au point de vue psycho-pathologique, dégagé de toute appréciation politique, le mouvement communal ne manque certes pas d'intérêt. Des causes politiques nous n'avons pas à nous occuper, mais en se restreignant à la seule face du problème qu'ait touchée M. Laborde, il faut reconnaître qu'il n'en a vu qu'un point qui lui est commun avec bien d'autres tourmentes politiques.

Toujours on a vu surgir, dans les grandes commotions, des indivi-dualités pathologiques qui se trouvaient mises alors en plus grand relief. Mais ce qui est particulier au mouvement qui s'est appelé la Commune, c'est l'influence réelle exercée par ces individualités qui, dans nos troubles précédents, n'avaient été qu'un accident, une bulle sans importance à la surface du flot. Cette influence exercée par des malades, maniaques et paralytiques généraux, ce rôle po-litique joué par des hommes dont la place était marquée dans les asiles d'aliénés, ont évidemment frappé M. Laborde et lui ont inspiré son livre. La question s'est dressée devant son esprit, mais elle pa-rait y être restée dans un certain vague, et bien qu'elle ressorte avec sa réponse de l'ensemble du livre, on ne l'y trouve pas nette-ment posée ni résolue. M. Laborde nous donne de curieux détails sur certains chefs de la Commune, sur un certain nombre de membres du fameux comité central, et il démontre facilement que tel, de par ses prédispositions héréditaires, avait déjà perdu l'équi-libre mental et intellectuel qui constitue la raison, sans avoir en-core complètement versé dans l'abîme de la folie ; que pour tel autre la chute était complète, qu'elle avait même été déjà certifiée par une séquestration antérieure. Mais il ne répond pas à cette ques-tion : Comment de tels hommes ont-ils pu entraîner le grand nombre après eux ? Et cependant, de son livre, la réponse ressort : Ce grand nombre était alcoolique. Mais il ne l'a pas formulée ; le lecteur est obligé de le faire pour lui ; il ne fait qu'y tendre. Est-ce un défaut de précision, de netteté de vue ou seulement hésitation, réserve de la part de M. Laborde? JNous aimons mieux croire à la dernière hypothèse. Rien ne prouve que ces meneurs apparents n'aient pas été de purs instruments, rien ne prouve surtout que l'alcoolisme était, la cause efficiente du mouvement ; tout au plus pour nous en a-t-il été une cause adjuvante, tout au plus a-t-il contribué à lui imprimer ses plus fâcheux caractères. La vraie cause du mal date de plus loin, elle réside dans le défaut de cul-ture intellectuelle des masses, dans le vice de notre éducation, qui _ nous prédispose tous à accueillir, sans réflexion, sans examen, les

opinions, les bruits, les théories les plus étranges, qui nous ap-prend à croire plutôt qu'à raisonner. L'alcool n'a fait qu'exagérer cette fâcheuse tendance1.

Et la preuve pourrait peut-être s'en tirer delà statislique des al-cooliques reçus à l'asile Sainte-Anne, établie par MM. Magnan et Bouchereau ; elle constate que, pendant l'année 1870-71 jusqu'au mois de mars, le nombre des entrées pour alcoolisme est moindre que pour les mois correspondants de l'année précédente. On peut objecter que pendant le siège, tous les alcooliques n'étaient pas séquestrés aussi régulièrement qu'auparavant ; mais, en tenant compte de cette objection, tout au plus peut-on dire que la diffé-rence s'efface. 11 est vrai qu'après la fin de la Commune, la propor-tion des entrées subit un accroissement notable. Mais ces alcoo-liques reçus en mai et juin s'étaient faits pendant la Commune, et rien n'autorise à dire qu'ils aient fait la Commune en tant qu'al-cooliques. E. Teinturier.

BIBLIOGRAPHIE

Traité des opérations des voies urinaires, par le docteur Reliquet. — Un fort volume de 814 pages, avec 191 figures intercalées dans le texte. — Ad. Dela-liaye, libraire-éditeur.

Dans toutes les opérations que l'on pratique sur les voies urinai-res, de la plus simple jusqu'à la plus compliquée, on cause une lé-sion des parois de l'urèthre ou de la vessie, depuis la chute ou l'éro-sion épithéliale que peut déterminer le cathétérisme jusqu'à une véritable plaie. Or tous les accidents de l'intoxication urineuse sont dus à la pénétration de l'urine dans le sang, soit par une plaie, soit par l'absorption au travers du chorion dénudé des muqueuses vési-cale ou uréthrale ; il est donc naturel que, dans son Traité des opérations des voies urinaires, M. Reliquet ait commencé par une étude aussi complète que possible de l'intoxication urineuse. Ces* ce qui forme i'introduclion de l'ouvrage que nous avons à analyser. Deux divisions principales se présentaient tout naturellement à l'au-teur : opération de l'urèthre — opération de la vessie. C'est là d'ail-leurs le plan qu'il a adopté et exécuté avec beaucoup de talent.

1 Les Hommes et les actes de la Commune, etc. In-18 de 152 p. Germer-Bail-ière, éditeur.

La première partie comprend l'étude du cathétérisme, la descrip-tions des opérations nécessitées par la rétention d'urine, par les rétrécissements de l'urèthre, par les fîslules urinaires, par le phi-mosis, par le paraphimosis, par les vices de conformation de l'urè-thre ; si à cet exposé, nous joignons encore l'examen de l'urèthre avec les instruments spéciaux et les différents procédés pour porter les topiques dans le canal uréthral, nous voyons que le champ à parcourir est vaste, et que le sujet, pour être bien traité, demande la plume d'un praticien exercé.

Le cathétérisme est l'introduction dans l'urèthre, jusque dans la vessie, des instruments destinés, soit à l'exploration de l'urèthre et de la vessie, soit à l'évacuation complète du liquide contenu dans la vessie, soit aux opérations pratiquées dans l'urèthre et la vessie. De là trois genres de cathétérisme : 1° l'explorateur; 2° l'évacua-teur; 3° celui des opérations spéciales. Cette division, utile dans la pratique journalière, selon l'indication chirurgicale à remplir, entraîne à des redites continuelles si l'on s'en sert dans l'exposition des manœuvres opératoires ; aussi M. Reliquet a-t-il employé une autre division, et il a classé , avec raison, le cathétérisme d'après les manœuvres spéciales qu'il nécessite, c'est-à-dire d'après la sonde ou l'instrument employé.

Le cathétérisme est pratiqué, selon l'indication chirurgicale avec des sondes rigides, métalliques ou avec des instruments flexibles. Les premières ont forcément une direction et une forme fixes ; les seconds ont, au contraire, une direction mobile et une forme varia-ble; delà résultent des manœuvres spéciales dans l'introduction de ces deux genres de sondes.

Les sondes rigides présentent trois types ; de là trois cathété-risines différents : 1° cathétérisme curviligne (Gély, Récamier, Bé-ni que); — 2° cathétérisme avec la sonde à petite courbure (Mercier); — 3° cathétérisme rectiligne (Amussat). A ces trois cathétérismes répondent des manœuvres différentes que M. Reliquet indique avec soin,, mais avant tout, il est deux sensations auxquelles d'abord doit s'habituer le chirurgien, quelle que soit la forme de la sonde; c'est: 1° la sensation de résistance produite par un obstacle situé au-devant de rextrémité de la sonde; 2° la sensation de résistance due à une pres-sion sur la surface latérale de la sonde. Pour percevoir ces sensa-tions données par la sonde, la règle dont le chirurgien ne doit jamais s'écarter est celle-ci : la sonde doit être poussée dans Vurèthre par des mouvements continus et saccades.

Quelles sont maintenant les règles exigées dans les différents cathélérismes? quels sont les différents temps que doit exécuter l'opérateur? Nous allons les indiquer brièvement d'après l'exposé de M. Reliquet.

Les manœuvres chirurgicales du calhélérisme curviligne exigent cinq temps :

Premier temps. Introduire la sonde dans l'urèthre, la courbe embrassant le haut de la cuisse, jusque dans le cul-de-sac du bulbe.

Deuxième temps. Incliner la sonde de façon que son bec libre s'élève au-dessus du fond du cul-de-sac du bulbe et soit devant l'o-rifice du collet du bulbe ; alors la courbe de la sonde embrasse le pubis, le pavillon est toujours incliné obliquement dans la direction de l'aine ; et introduction du bec dans le collet du bulbe.

Troisième temps. Placer la sonde dans le plan médian du corps en relevant le pavillon au-devant du pubis.

Quatrième temps. Propulsion et abaissement du pavillon néces-saire pour faire glisser la courbure de la sonde dans celle de l'urè-thre.

Cinquième temps. Pour retirer la sonde, on élève le pavillon au-devant du pubis ; le bec dans le bulbe, on ramène le pavillon vers l'aine droite, et l'on relire la sonde.

Dans le cathétérisme avec les sondes à courbure plus petite que celle de l'urèthre, le pavillon de la sonde doit toujours être dans la position la plus oblique possible, par rapport à Vaxe de la région de l'urèthre occupé par'le bec; de là les quatre temps suivants néces-saires à l'introduction de cette sonde.

Premier temps. La verge légèrement ramenée vers le pubis, intro-duction de la sonde jusqu'au cul-de-sac du bulbe.

Deuxième temps. Diriger le bec vers le collet du bulbe, alors la concavité de la sonde regarde le pubis, et introduction du bec dans le collet du bulbe.

Troisième temps. Placer le plan de la sonde dans le plan médian du corps, en élevant le pavillon, le bec étant fixe.

Quatrième temps, Propulsion-et abaissement du pavillon néces-saire pour faire franchir au bec la portion profonde de l'urèthre.

Dans le cathétérisme rectiligne, il faut que pendant tout le temps de l'introduction, l'axede la sonde soit autant que possible dans l'axe du point de l'urèthre occupé par le bec de la sonde, ce qui est pos-sible, grâce à la mobilité de la paroi inférieure de la région posté-

rieure de l'urèthre, et à la longueur du ligament suspenseur de la verge.

M. Reliquet passe alors au cathétérisme avec les instruments flexibles, et là encore, comme pour les parties précédentes, d'excel-lentes figures rendent bien nets les principes du cathétérisme mi-nutieusement exposés.

Viennent ensuite les opérations nécessitées par la rétention d'urine ; or, quand il est urgent d'évacuer l'urine pour éviter un accident grave, tel que la rupture de la vessie ou la rupture de l'urèthre, en raison soit de la nature de l'obstacle au passage de l'urine dans l'urèthre qui est infranchissable, soit de l'état de distension exagé-rée de la vessie, il faut, par une voie artificielle, mettre la vessie en communication avec l'extérieur.

Le procédé le plus habituellement suivi est celui de la ponction sus-pubienne. Avec untrocart courbe, on ponctionne la paroi abdo-minale antérieure sur la ligne blanche, à 6 ou 7 centimètres au-dessous d'une ligne horizontale, qui réunirait les deux épines ilia-ques. L'infiltration urineuse est fort à redouter après cette opération ; la vessie peut en effet abandonner très-facilement la canule du bro-cart. Un accident plus tardif s'est produit plusieurs fois; la vessie contractait des adhérences avec la paroi abdominale; le retrait de la vessie ne pouvant plus s'exécuter, elle ne pouvait se vider com-plètement, d'où altération de l'urine, usage continuel de la sonde.

M. Voillemier, en 1863, a imaginé un nouveau procédé par le-quel il espère éviter presque tous les accidents ; malheureusement, il n'a encore été mis en pratique qu'une seule fois. L'auteur pénètre dans la vessie entre la verge et les pubis au travers du ligament suspenseur de la verge. Par cette opération qu'il a nommée ponction sous-pubienne, on ouvre la vessie un peu au-dessus de l'orifice de l'urèthre. — M. Reliquet condamne ce procédé, car si on sait où l'on va, si les points de repère sont justes, on traverse forcément un riche réseau veineux dont les parois adhérentes au tissu serré am-biant rendent encore ce procédé le plus dangereux de ceux propo-sés. — Nous nous contenterons, pour notre part, de signaler une méthode toute nouvelle, mais qui cependant peut rendre des ser-vices dans certains cas donnés. Nous voulons parler de la ponction de la vessie à l'aide de l'aspirateur sous-cutané. Cette opération a déjà été pratiquée plusieurs fois, notamment par M. Labbé, à l'hô-pital Saint-Antoine, et les résultats en ont été consignés dans une

thèse récemment soutenue à la Faculté de Paris, par M. Watelet, ancien externe des hôpitaux.

Ne pouvant tout analyser, nous signalerons avec éloges les cha-pitres traitant de l'examen de l'urèthre avec les instruments spéciaux et des différents procédés pour porter les topiques dans l'urèthre, et nous arrivons ainsi à une partie bien importante : les opérations dirigées contre les rétrécissements de Vurètlire.

Les opérations dirigées contre les rétrécissements de l'urèthre ont toutes pour but de rétablir le calibre du canal, de rétablir l'émis-sion facile de l'urine, défaire disparaître tous les troubles de la miction, tels que stagnation d'urine dans la vessie et dans l'urèthre, et consécutivement catarrhe vésical et suppuration de l'urèthre.

Trop longtemps, on a ignoré la nature des rétrécissements, leurs propriétés physiologiques de même que la physiologie pathologique des plaies des muqueuses. Aussi a-t-on proposé et pratiqué toutes espèces d'opérations capables de rétablir immédiatement le calibre de l'urèthre, sans tenir compte du mode d'action de l'opération elle-même quelle qu'elle soit. Ainsi, on a longtemps cherché la cure du rétrécissement, en déterminant son altération au moyen d'une sonde rigide à demeure ; dans le même but, on cautérisait le rétré-cissement avec un caustique quelconque, toujours on ne voyait que le résultat immédiat, le rétablissement du calibre de l'urèthre ; on ne se demandait même pas quelle était la nature de la cicatrice obte-nue. On ignorait absolument la cause des accidents consécutifs aux opérations pratiquées sur l'urèthre ; et ces terribles accidents, si bien étudiés actuellement, de l'intoxication mineuse, amenaient sou-vent la mort des opérés. On s'explique parfaitement comment beau-coup de chirurgiens éminents ont toujours eu une grande appré-hension contre les opérations proposées successivement contre les rétrécissements de l'urèthre.

Après avoir étudié les propriétés physiologiques des rétrécisse-ments de l'urèthre et la physiologie pathologique des plaies des mu-queuses, M. Reliquet pose à peu près en ces termes les indications opératoires.

Deux méthodes, la dilatation temporaire progressive et l'uréthro-tomie interne sont les seules qui, dans l'état actuel de la science, remplissent les indications que doit réclamer le chirurgien.

La dilatation temporaire est suffisante seulement si le rétrécisse-ment a une contractilité et une élasticité faible, et si sa rétraclilité, par suite de l'organisation fibreuse avancée de son tissu propre,

ne limite pas son extension. Les indications de l'uréthrotomie in-terne sont donc les contre-indications de la dilatation temporaire progressive. En effet, ces deux méthodes de traitement se complè-tent l'une l'autre dans la thérapeutique générale des rétrécissements de l'urèthre. Gomme le dit fort bien M. Reliquet, « la dilatation tem-poraire progressive est un moyen d'exploration de la résistance du rétrécissement qui peut rétablir le calibre de l'urèthre. » De là toutes les causes qui entravent la dilatation temporaire progressive sont des indications de l'uréthrotomie interne :

Io La résistance physique du rétrécissement, qui ne permet pas de passer une bougie d'un calibre plus élevé ;

2° La rapidité avec laquelle le rétrécissement revient sur lui-même, après le rétrécissement du calibre de l'urèthre obtenupar la dilatation simple ;

5° La dilatation physique se fait bien, mais le cathétérisme dilata-teur est suivi du frisson et de l'accès de fièvre ;

4° Toutes les fois qu'au premier examen on juge la dilatation tem-poraire ou impossible, ou trop lente dans son action, il y a indications immédiates de l'uréthrotomie interne.

Nous signalerons encore, dans la première partie de l'ouvrage de M. Reliquet, quelques chapitres traitant des opérations que récla-ment le phimosis, le paraphimosis, les fistules urinaires, et les vices de conformation de l'urèthre, et nous arrivons ainsi à la seconde partie, qui comprend les opérations delà vessie.

Dans cette seconde partie, deux sujets surtout priment tous les autres : la lithrotritie et la taille; toutefois, avant de les aborder, l'auteur donne d'excellents préceptes sur l'évacuation de l'urine par les sondes, sur les injections vesicales, sur l'examen de la vessie ; il indique avec soin comment doitse faire l'exploration de la puissance contractile de la vessie, l'exploration du col, l'examen des parois et de la cavité. Suivant d'ailleurs en ce point la mélhode généralement adoptée pour tout l'ouvrage, M. Reliquet expose d'abord les soins préliminaires, puis le mécanisme de l'exploration, les manœuvres qu'elle nécessite, alors que la vessie est pleine ou alors qu'elle est vide, et enfin il termine par les soins consécutifs. . Un chapitre qui mérite encore d'être signalé, c'est celui qui com-prend la description des opéralions pratiquées sur le col de la vessie par l'urèthre. Ces opérations sont : la cautérisation, la dépression ou compression delà lèvre inférieure, la dilatation forcée du col, la

section delà lèvre inférieure, l'excision d'unlambeau de la lèvre in-férieure. Toutes, sauf la cautérisation, ont pour but de modifier la surface muqueuse, d'en faire cesser l'état inflammatoire chronique. Ainsi elle agit sur la cause ordinaire, de la valvule musculaire; en faisant cesser l'inflammation de la muqueuse à ce niveau, elle fait disparaître les troubles de la miction.

Nous arrivons à la lithotritie. — 11 n'y a peut-être pas dans la chirurgie une opération qui ait été repoussée avec plus d'énergie par certains chirurgiens, et d'autre part soutenue et sans cesse perfec-tionnée avec plus d'ardeur et d'enthousiasme par d'autres. « La cause de cette divergence est celle-ci: les hommes qui savaient pratiquer la lithrotritie la vantaient, montraient les résultats heu-reux qu'ils obtenaient, mais ils ne disaient jamais complètement et exactement comment ils faisaient. Les autres, ceux qui la condam-naient, ne sachant pas faire avec l'habileté nécessaire toutes les délicates manœuvres de cette opération essayaient de la pratiquer ; mais en raison de leurs mauvaises manœuvres, ils avaient des acci-dents graves, leurs malades mouraient en quelques jours, quelque-fois en quelques heures : de là leur pessimisme absolu. Actuellement, ces divergences d'opinion existent et certainement elles tiennent aux mêmes causes. La découverte de l'intoxication mineuse est venue nous montrer combien les qualités d'habileté de main de l'opérateur sont indispensables; combien une mauvaise manœuvre, en faisant une plaie à la vessie ou à l'urèthre, expose les malades aux accidents ? qu'autrefois on appelait accidents consécutifs à la lithotritie, et que maintenant nous savons être des manifestations de l'intoxication urineuse. »

Les manœuvres de la lithotritie se résument à : 1° introduire l'instrument dans la vessie ; 2° saisir la pierre ; 3° la broyer ; 4° re-tirer l'instrument : ce sont là, en effet, les manœuvres nécessaires à l'art de broyer la pierre; puis viennent les manœuvres consécu-tives, c'est-à-dire l'application des moyens propres à favoriser la sortie des graviers. Ce sont les manœuvres d'évacuation des gra-viers. — Nous ne pouvons résister à l'envie de résumer quelques-uns des préceptes formulés avec tant de soin par M. Reliquet.

Dans la lithotritie, la position du sujet doit être telle que la pierre occupe le point postérieur de la paroi vésicale ou touche le talon du lithotribe dans le mouvement direct de va-et-vient. De là la po-sition couchée propre au cathétérisme. Le sujet est couché hori-zontalement sur le dos, la tête légèrement relevée, la bouche

ouverte ; les jambes fléchies et écartées doivent reposer, non pas sur les talons mais sur la face postérieure.

La manœuvre d'introduction du lithotribe est la même que celle de la sonde coudée ; une fois pratiquée, il faut prendre certaines précautions pour ne pas pincer la paroi vésicale et pour saisir le calcul ; M. Reliquet en indique toutes les phases, et analyse tous les cas qui peuvent se présenter.

Vient ensuite le broiement, qui se fait à l'aide des becs disposés d'une façon spéciale et qu'on peut rapprocher avec plus ou moins de force à l'aide d'un appareil approprié. Mais nous nous aperce-vons que, pour une simple analyse, nous nous laissons entraîner beaucoup trop loin; nous signalerons donc seulement, sans y insis-ter, les chapitres qui ont trait à l'évacuation des graviers et aux accidents de la lithotritie, dont M. Reliquet étudie ensuite les manœu-vres spéciales chez la femme et chez l'enfant.

Nous ne terminerons cependant pas sans formuler au moins les indications de la taille, telles qu'elles résultent du savant article con-sacré par l'auteur à ce sujet important.

« Pour débarrasser la vessie de la pierre, il y a deux méthodes en présence : la première, c'est la lithotritie; la seconde consiste dans les ouvertures faisant communiquer Ta vessie avec l'extérieur : ce sont les tailles périne'ale, hypogastrique ou rectale. On peut combi-ner le broiement avec la taille. Dans cette seconde méthode, que la pierre soit extraite entière ou par morceau, la vessie en est toujours complètement débarras ée en une seule opération. — La lithotritie doit toujours être faite dès qu'elle est possible, et cela en raison de l'état si remarquable où se trouve le sujet, aussitôt le dernier frag-ment de pierre évacué. Il y a là un résultat complet qui étonne toujours le malade et qui donne à l'opérateur cette satisfaction si belle d'avoir fait cesser toutes les souffrances du malade, sans qu'il persiste la moindre infirmité due à l'opération.

Mais quand doit être pratiquée la lithotritie? quand doitêtrepra-tiquée la taille? quelles sont, en un mot, les indications et les contre-indications de ces opérations? Nous dirons tout d'abord, et cela simplifiera beaucoup notre étude, que les indications de la lithotritie sont des contre-indications de la taille, et que les contre-indications de la lithotritie sont au contraire les indications de la taille.

1° Si l'état général physique du malade est tel qu'on ne puisse par aucun moyen rétablir les fonctions digestives, faire cesser le

mouvement fébrile aux exacerbations fréquentes, c'est là une con-tre-indication à la lithotritie; car faire l'opération serait s'exposer à voir survenir, sitôt la première séance, les phénomènes généraux graves de l'intoxication urineuse aiguë. —Alors, parla taille, on espère voir cesser tous ces phénomènes graves, en débarrassant la vessie, de suite et par une large voie, de la pierre et des liquides pu-trides qu'elle contient. De plus, la taille permet de nettoyer com-plètement et souvent la vessie ;

2° Si les spasmes de l'urèthre et de la vessie se produisent au passage de chaque instrument, et que i'anesthésie générale ne puisse les faire cesser, il faut laisser de côté la lithotritie et prati-quer la taille ;

3° L'état de suppuration persistant de la vessie, surtout quand il y a en même temps des cavités vesicales, doit faire renoncer à la lithotritie, à moins qu'on n'ait affaire à une petite pierre facilement broyable et dont on peut de suite évacuer les fragments ;

4° Quand la pierre est très-grosse et dure, quelles que soient les bonnes conditions générales et locales du sujet, il faut encore re-noncer à la lithotritie et avoir recours à la taille ;

5° Il en sera de même quand la pierre est logée dans une cavité dont elle ne sort pas et où il y a impossibilité de la saisir.

Nous aurions voulu encore indiquer le choix de la taille suivant les cas, mais cela nous entraînerait trop loin et nous sommes forcé d'y renoncer. Qu'on nous pardonne de nous être attardé si long-temps, mais nous avions à cœur d'indiquer au moins les parties principales de ce volumineux ouvrage; puissions-nous avoir réussi comme nous l'aurions voulu ! Nous ne terminerons cependant pas sans une phrase qui résume notre pensée : le livre de M. Reliquet, malgré une certaine sécheresse dans le style, une certaine aridité dans les descriptions, est un livre essentiellement pratique, très-étudié, très-travaillé; c'est un complément nécessaire à tous les ou-vrages traitant des maladies des voies urinaires, et à ce titre, il doit occuper une piace des plus honorables dans toute bibliothèque mé-dicale.

G. Peltier.

Traité élémentaire de chirurgie, par le docteur Fano [suite). — 2 Torts volumes in-8*, cliez A. Delahaye.

Nous avons apprécié déjà la valeur de la pubücalion du D1' Fano dans le compte rendu que nous avons fait du premier volume de ce traité de chirurgie. (Voy. Revue photogr., année 1870, pag. 45.) Aujourd'hui nous n'avons plus qu'à teñirnos lecteurs au courant du contenu des deux premières parties du tome second du môme ou-vrage, la troisième partie n'étant pas encore livrée à la publicité.

Les maladies du globe oculaire sont exposées dans les 288 pre-mières pages qui représentent la substance du Traite' des maladies des yeux de l'auteur. Il est difficile de mieux condenser un aussi vaste chapitre de la pathologie médico-chirurgicale: nous voyons avec plaisir que, sans omettre lhisloire des maladies purement mé-dicales du globe de l'œil, le DrFanoa eu à cœur d'insister avec plus de détails sur celles des affections qui appartiennent plus spéciale-ment au domaine de la chirurgie.

Viennent ensuite les maladies du nez, des fosses nasales, des sinus frontaux, des sinus et des os maxillaires, de la bouche et des appareils de sécrétion qui sont annexés aceite région; les maladies du cou. L'auteur expose ensuite les maladies chirurgicales de la poitrine, et parmi ses descriptions celle des maladies du sein nous a particulièrement intéressé.

La dernière section de ce volume inachevé comprend l'histoire des maladies de l'abdomen. Celte partie, une des plus importantes, résume convenablement l'état actuel de la science ; la division clas-sique des hernies est assez nettement poursuivie dans les descrip-tions des variétés, et quelques figures schématiques aident à l'intel-ligence de faits pathologiques dont l'obscurité se trouve ainsi bien amoindrie.

La fin delà publication comprendra un seul fascicule dont l'ap-parition est annoncée pour la fin du mois courant.

A. de M.

Nota. M. II. Duret a fait voir à la Société de biologie la griffe cubitale représentée dans la Planche IX, en indiquant les princi-paux résultats de sa dissection.

le Gérant : a. de montméja.

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DES HOPITAUX

ENCÊPHALOCELE

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DES HOPITAUX DE PARIS

TÉRATOLOGIE

SPINA BIFIDA RACHIDIEN ET CRANIEN (M ÉNINGO-ENCÉPH ALOCELE)

par p. budin, interne des hopitaux de paris

Observation. — Chauve...., célibataire, âgée de 24ans, primipare, entra à la Maternité le 12 janvier 1872. La dernière apparition de ses règles datait du 12 juin 1871. Le soir de son entrée, à 8 heures 15 minutes, elle accoucha spontanément d'un fœtus mort-né. Cette enfant, du sexe féminin, pesant 750 grammes, paraissant à peine âgée de 7 mois, n'élait pas altérée, et sa mort ne semblait pas re-monter à plus de deux ou trois jours. Elle présentait une tumeur volumineuse siégeant à la partie postérieure du crâne et occupant en haut la région moyenne de l'occipital. Cette tumeur, qui nais-sait au-dessous de l'angle supérieur de l'occipital descendait jus-qu'aux premières vertèbres sacrées, jusqu'au niveau du bord supérieur de l'os coxal.

Un fil mené du point de sortie de la tumeur en haut jusqu'à son point d'arrivée en bas donne la mesure de l'arc vertical qui est de 11 centimètres. L'arc transversal est de 16 centimètres. Un troi-sième arc mesuré d'une apophyse, mastoïde à l'autre et passant par le bord supérieur de la tête, est de 10 centimètres 1/2. En avant de la tumeur, du sommet de l'occipital à l'épine nasale, la distance est de 7 centimètres. On trouve des cheveux sur la peau qui recou-vre le segment antérieur de la tumeur ; toute la partie postérieure et inférieure en est dépourvue. (Voyez Planches X et XI.)

Une incision veiticale faite le lendemain de la naissance par mon collègue et ami, Cornillon, sur la partie moyenne de la tumeur, en arrière, permit de constater l'épanchement d'un liquide séro-san-guin entre l'enveloppe cutanée et la dure-mère.

4e année. 4

Une seconde incision faite parallèlement à la première ouvre les méninges ; il en résulte l'écoulement d'une sérosité assez abondante accumulée entre les méninges et la substance cérébrale. Le fœtus, est mis alors dans l'alcool et il ne nous est donné d'achever son examen que le 16 février.

La section de la peau étant complétée, on voit que, au niveau de l'orifice, il existe des adhérences solides entre le tégument externe et les méninges. A droite, ces adhérences sont limitées au pourtour de l'orifice. En haut, elles sont plus étendues et plus fortes. A gau-che, elles sont plus étendues encore et envahissent la moitié de cette partie latérale de la tumeur.

La section des méninges est.ensuite achevée et on découvre le cerveau. La substance cérébrale est molle, un peu diffluente. La scissure inter-hémisphérique s'étend sur toute la tumeur. Elle se trouve, en haut, sur la ligne médiane ; elle dévie ensuite légèrement à gauche. Cependant la substance de l'hémisphère gauche existe dans la tumeur en quantité plus considérable que celle de l'hémi-sphère droit.

Si, au-dessous de la masse encéphalique extra-crânienne, masse formée par la partie moyenne et la partie postérieure des hémi-sphères cérébraux, on cherche le cervelet, on ne le trouve pas. Il est resté dans la cavité crânienne reposant en grande partie sur la fesse occipitale gauche. De ce côté, en effet, il persiste une lame de l'occipital large de 2 centimètres, tandis que, du côté droit, la lame osseuse est réduite à 1 centimètre un quart.

Au-dessous du cervelet, on trouve le bulbe et la moelle épinière qui se dirigent d'avant en arrière et pénètrent dans la tumeur. Après avoir été en rapport avec la face inférieure du cervelet, ils sont en contact avec les cornes occipitales, formant au-dessous d'elles une sorte de cordon plus résistant que la masse encéphalique. Puis la moelle se replie sur elle-même, marche alors d'arrière en avant et parvient ainsi à l'orifice du canal rachidien dans lequel elle se continue : elle est dans ce double trajet considérablement aplatie. Il n'existe pas de liquide dans les cavités ventriculaires du cerveau ; ces cavités ne sont du reste nullement distendues.

L'orifice par lequel fait hernie la substance nerveuse est formé aux dépens de l'occipital, des vertèbres cervicales et des six pre-mières vertèbres dorsales. Les dernières vertèbres dorsales et les vertèbres lombaires sont seules intactes.

Dans cet orifice, on peut distinguer trois parties : une supérieure

de beaucoup la plus considérable, une moyenne et une inférieure. La partie supérieure forme un trou presque régulièrement arrondi, mesurant 2 centimètres et demi dans son diamètre vertical et 2 cen-timètres et demi dans son diamètre transversal. Ce trou est constitué aux dépens de l'occipital.

La partie inférieure donne un orifice terminé en pointe, ayant un peu l'aspect d'un bec de plume; elle est formée aux dépens des 4e, 5e et 6e vertèbres dorsales.

Quant à h partie moyenne qui comprend les vertèbres cervicales et les trois premières vertèbres dorsales, elle n'établit que peu de séparation entre lés parties supérieure et inférieure qui, vues de loin, paraissent se continuer. Voici comment est composée cette partie moyenne, et quelle disposition présentent à ce niveau les vertèbres cervicales et dorsales.

Toutes les vertèbres cervicales et les trois premières vertèbres dorsales sont soudées les unes aux autres. Les deux lames de cha-que vertèbre ne se sont pas réunies en arrière, mais elles sont res-tées sur le même plan antérieur que le corps delà vertèbre. Ainsi se trouve constitué un plan osseux assez large formé au milieu par le corps et,de chaque côté, parles lames des vertèbres.Ce plan, aulieude descendre verticalement en bas, comme à l'état normal, se dirige ho-rizontalement d'arrière en avant, puis, se recourbant sur lui-même marche alors d'avant en arrière pour revenir près du point de dépait et se continuer avec les 4e, 5e et 6e vertèbres dorsales. Il y a donc là une anse assez considérable, à convexité antérieure, à concavité postérieure (fig. 2).

Cela explique pourquoi la troisième partie ou partie inférieure de l'orifice se trouve si voisine de la première ou partie formée aux dé-pens de l'occipital. L'occipital n'existe donc plus que dans son pourtour en haut et de chaque côté. Le tissu osseux qui forme les bords de l'orifice est mince, régulier, et ne présente aucun épaisisse-ment. En bas et en avant, la gouttière basilaire est normale. Les pariétaux et le frontal, à la voûte du crâne, les temporaux, le sphé-noïde, l'ethmoïde, à la base, ne présentent aucune modification.

Les six dernières vertèbres dorsales, les vertèbres lombaires, le sacrum et les os coxaux sont aussi normalement conformés. Mais la cage thoracique présente des modifications, conséquences de la défor-mation du rachis, conséquences surtout de l'anse osseuse qu'il fait en avant dans sa moitié supérieure. De chaque côté des six premières vertèbres dorsales qui concourent à former le spina bifida, partent

comme dans l'état normal, les six premières côtes. Mais, au lieu de se diriger presque horizontalement en avant, cette marche étant impossible, elles descendent presque verticalement. L'ouverture supérieure du thorax, formée par la réunion des deux premières côtes au sternum, est donc très-oblique de haut en bas et d'arrière

Fig. 2. a, orifice osseux de la tumeur, — b, tumeur. On voit nettement, ici, l'incurvation du rachis et la déviation des côtes.

en avant ; les autres côtes marchant parallèlement à la première suivent la môme direction. Elles font donc toutes avec la colonne vertébrale un angle très-aigu ouvert en bas. Leur ensemble consti-tué par des lignes parallèles et presque verticales donne à la cage thoracique un aspect tout particulier (fig. 2).

L'enfant présentait un autre vice de conformation : il existait un pied-bot varus du côté droit. (Voy. Planche X 1.)

1 Cette planche permet au lecteur de se rendre compte du rapport du vo-

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ENCÉPHALOCELE

Réflexions, — Spring dans son remarquable mémoire sur les her-nies du cerveau1 distingue trois variétés de tumeurs congeniales : Io La Méningocèle ou hernie des méninges distendues par un liquide ; — 2° WEnce'phalocèle ou méningo-ence'phalocèle, hernie des mé-ninges, aqueuse ou non, compliquée de hernie de l'encéphale ; — 3° L'Hydrencéphalocèle ou hernie du cerveau distendu par une hy-dropisie ventriculaire.

Après avoir décrit la méningocèle, Spring pense que la méningo-encépbalocèle congéniale a cons.animent son point de départ dans une méningocèle, dont elle n'est pour ainsi dire qu'un accident. « Pendant la vie intra-utérine, dit-il, il se forme une hernie des méninges. L'ouverture herniaire est due à la résorption du tissu osseux provoquée à son tour, soit par la pression de la poche ara-clmoïdienne, soit par un travail inflammatoire. Chaque fois que cette ouverture est grande, il y a prédisposition à la hernie cérébrale ; mais celle-ci ne saurait se former qu'après la naissance, attendu qu'avant cette époque aucune force propulsive n'agit sur le cer-veau.

« La méningocèle seule est donc congéniale, elle prépare les voies à l'encéphalocèle, en formant une fpoche dans laquelle une portion de l'encéphale peut s'engager sous l'action de certaines cir-constances, d'efforts de toute espèce, tels que cris, vomissements, toux, etc. »

Il y aurait donc nécessairement pour Spring deux périodes dans la méningo-encéphalocèle : dans une première période, antérieure à la naissance, la tumeur ne contiendrait que de la sérosité ; dans une seconde période, postérieure à la naissance, la tumeur contien-drait de la sérosité et des parties encéphaliques.

Étudiant ensuite l'hydrencéphalocèle, il dit que celte hernie ne se produit jamais sur la ligne médiane, qu'elle correspond toujours à l'extrémité d'une corne ventriculaire remplie de liquide. Il invo-que donc pour la production dé ces hernies une cause mécanique. Ilrepousse l'opinion qui rattache ces tumeurs à un arrêt, ou mieux, à une anomalie primitive du développement (Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Malgaigne, Ricbet). Il n'accepte pas l'assimilation des her-nies crâniennes avec le spina bifida du rachis.

Sans essayer de réfuter la plupart des idées émises par Spring, ce

lume de la tumeur avec celui du corps, et en outre elle donne une idée exacte de la malformation du pied.

1 Spring. Mémoires de l'Académie de Belgique, t. III.

que Leriche 1 a récemment fait dans sa thèse, nous ferons remar-quer que la méningo-encéphalocèle, aussi bien que l'hydrencé-phalocèle, peut se développer avant la naissance. Elle peut même exister au septième mois de la vie intra-utérine. Les deux périodes indiquées par Spring ne sont donc nullement nécessaires.

Dans le cas que nous avons eu sous les yeux, il n'existait sur les parois de l'occipital aucune trace d'altération ou de prolifération annonçant qu'il y avait eu là un travail de résorption ou d'inflam-mation du tissu osseux.

L'orifice de la hernie occupait la ligne médiane, et ce siège est assez fréquent. (Leriche.) Cet orifice se continuait avec un spina bifida des vertèbres cervicales et des six premières vertèbres dorsa-les. 11 paraît donc y avoir une analogie bien réelle entre l'encépha-locèle et le spina bifida, puisqu'ils peuvent coexister. De là le nom de spina bifida crânien employé par Cruveilhier2.

Enfin la raison mécanique invoquée par Spring, c'est-à-dire la perforation des parois osseuses du crâne par la pression du liquide contenu soit dans les ménimges (méningocèle qui précéderait tou-jours la méningo-encéphalocèle), soit dans les cavités ventriculai-res (hydrencéphalocèle), cette raison mécanique ne paraît pas être la véritable cause, des hernies congeniales de la substance nerveuse. La méningo-encéphalocèle paraît donc être due à une anomalie de développement ainsi que Leriche, avec de nouveaux arguments, l'a rappelé pour l'hydrencéphalocèle. D'où il est permis de conclure avec M. Richet, « que, dans ces cas, le cerveau n'a point fait vérita-blement hernie à travers les membranes qui devaient le protéger, mais qu'il s'est développé simultanément au dedans et au dehors de la cavité5. »

1 Leriche. Du spina bifida crânien, 1871.

2 Gruveilhier. Anatomie pathologique : Spina bifida occipital et spina bifida cervical antérieur réunis, dans Maladies du système nerveux.

5 Riche t. Anat. médico-chirurgie, 3e édit., p. 298.

CLINIQUE CHIRURGICALE

CALCUL VÉSICAL — CONTRACTURE DE LA VESSIE SUR LA PIERRE

action comparée des courants électriques continus et de lanesthésie chloroformique sur cette contracture de la vessie taille médiane-guérison

par le docteur reliquet

Lel8 septembre 1871,M. le docteur Ilacherelle m'adressa M.X... officier supérieur, âgé de 70 ans. Il y a douze ans, étant en Afrique et faisant une longue étape à cheval, il fut pris subitement d'une en-vie d'uriner violente et douloureuse ; il s'écoula beaucoup de sang avec l'urine. Cet accident n'eut pas de suite. —A partir de 1869, les envies d'uriner deviennent de plus en plus fréquentes. La mic-tion est très-douloureuse et les urines sont de plus en plus chargées de mucosités purulentes. — Avant la guerre, M. X... consulte un médecin qui, après examen, lui dit qu'il n'a pas la pierre.

Pendant la guerre, il survient brusquement une rétention d'urine qui oblige le docteur Hacherelle à pratiquer le cathétérisme. La vessie vidée, les accidents généraux, fièvre et prostration, cessent vite, mais la vessie reste indolente. Le malade n'urine pas sans se sonder, et, par la sonde, il fait tous les jours des injections dans la vessie. — C'est dans cet état qu'il part prisonnier en Allemagne.

— Bientôt la miction spontanée se rétablit, mais, en même temps, elle est de suite très-douloureuse.

Le médecin allemand, consulté, conseille les bains de siège froids, et défend l'usage de la sonde et des injections dans la vessie.

— Les mictions deviennent de plus en plus fréquentes et de plus en plus douloureuses. — En même temps, les garde-robes sont très-difficiles. — Les envies d'uriner arrivent tous les quarts d'heure ; le jet d'urine est accompagné d'une douleur, allant de l'anus au méat, qui s'accroît progressivement jusqu'à laTin de la miction, après laquelle elle persiste encore pendant plusieurs minutes. — Les garde-robes composées de petites crottes dures, d'une couleur vert foncé, ne s'effectuent le plus souvent que grâce à un ou deux verres d'eau de Pullna. La peau est sèche, le teint est pâle et terreux.—La langue est recouverte d'un enduit noirâtre. — H y a une très-grande sen-sibilité au froid. —- Tous les soirs, la fièvre est un peu plus forte.

Malgré cela, l'appétit est satisfaisant, et, quand le malade est trop fatigué, il boit une bonne quantité de thé de bœuf que M. le doc-teur Hacherelle lui a conseillé, et du bon vin de Bordeaux coupé d'un peu d'eau. — Les urines, incolores, ont une odeur de macé-ration, elles laissent déposer une forte quantité de muco-pus ver-dâtre et filant.

Voilà l'état dans lequel est le malade lorsque je le vois pour la première fois. Pour rétablir les fonctions de la peau, je fais faire de temps en temps une lotion d'eau vinaigrée tiède, suivie d'une friction générale énergique, ce qui réussit très-bien.

L'urèthre est parfaitement libre. — Je passe une sonde en gomme à béquille n° 22 qui, en arrivant dans la vessie, heurte un corps dur et rugueux ; par elle, je ne peux pas injecter plus de 30 grammes d'eau tiède sans provoquer l'envie d'uriner. — Je passe ensuite une sonde coudée en métal qui arrive facilement dans la vessie et qui heurte de suite une pierre à surface rugueuse. — A peine ai-je commencé cette exploration avec l'instrument en mé-tal, que le liquide est violemment chassé de la vessie, et que les vives douleurs qui succèdent à toutes les mictions se produisent.

— J'essaye, durant quatre jours, de calmer l'état spasmodique de la vessie, en faisant très-lentement des injections d'eau tiède et d'eau phéniquée, par une petite sonde molle. Mais je n'obtiens rien. — Plusieurs fois, dans le liquide des injections, je remarque des cris-taux calcaires de phosphate, qui me font craindre des incrustations calcaires de la paroi vésicale. Alors, de concert avec le docteur Hacherelle, pour calmer les spasmes de la vessie, et détacher les plaques d'incrustation calcaire, semblables à celles que j'ai obser-vées*, nous appliquons les courants électriques continus. Pour cela je me sers d'une sonde en gomme à béquille, munie d'un mandrin en laiton très-souple qui est libre dans la sonde, sans aller jusqu'à son extrémité et qui traverse la paroi de la sonde à 3 centimètres de son pavillon pour se terminer extérieurement par un bout libre.

— Cette sonde mise dans l'urèthre, je place la canule d'une serin-gue pleine d'eau tiède dans son pavillon. Je fixe le pôle positif de la pile portative du docteur Onimus au mandrin. Je fais tenir la plaque du pôle négatif sur le ventre au-dessus du pubis. Immédia-tement avant que le courant soit établi, j'injecte un peu d'eau, de façon à remplir la sonde et à dilater très-peu la vessie. Puis, à me-

1 Voy. Traité des opérations des voies urinaires, par Reliquet, p. 758, 1871.

sure que le courant continu agit, qu'il fait cesser l'irritation spas-modique de la vessie, j'injecte l'eau tiède. — A la première séance d'électricité je peux injecter 130 grammes d'eau tiède au lieu des 30 grammes que la vessie pouvait supporter.

Je répète la séance d'électricité 12 fois en 10 jours. — Voici ce que j'observe. — Après les premières séances, il y a un état de calme de la vessie qui dure de une heure à une heure et demie. — Le malade n'urine qu'une fois pendant ce temps, il rend alors de 100 à 60 grammes d'urine. Mais bientôt les spasmes se réveillent, les envies d'uriner redeviennent fréquentes et sont accompagnées et suivies des mêmes douleurs. Peu à peu l'action de l'électricité diminue; aux dernières séances, au lieu d'injecter 130 grammes d'eau, il m'arrive de ne pas pouvoir en faire supporter à la vessie plus de 70 à 80 grammes sans provoquer l'envie d'uriner, et le temps de calme qui suit la séance est plus court. — Sous l'influence de ces dilatations inusitées et répétées de la vessie, il ne sort pas de plaques calcaires, ce qui me fait rejeter l'existence d'incrustations calcaires de la vessie.

Devant la réapparition rapide des spasmes de la vessie, après l'application de courants électriques continus, je pense à proposer la taille. Mais pour appuyer mon opinion près du malade, je crois devoir explorer la pierre avec le lithotribe. Pour cela M. X... veut être endormi.

h octobre. Après avoir, avec l'assistance des docteurs Hache-relle et Paul Dubois, chloroformisé le malade jusqu'à résolution, je lemets dans la position propre à la lithotritie. En voulant dilater la vessie je ne peux y injecter que 30 grammes d'eau tiède. J'intro-duis un lithotribe à bec plat explorateur, mais, aussitôt qu'il arrive dans la vessie, celle-ci chasse le liquide par-dessus lui. Je saisis très-facilement la pierre. Je constate qu'un de ses diamètres a 3 cen-timètres, et je retire l'instrument. — Fort de la connaissance du volume de la pierre, je décide le malade à la taille.

6 octobre. Je fais l'opération assisté de MM. les docteurs Hache-relle, Wowikoski (d'Odessa), Gollineau et Paul Dubois. —Le ma-lade est chloroformisé jusqu'à résolution. La vessie ne peut pas sup-porter plus de 30 grammes d'eau tiède. —Je fais la taille médiane en me soumettant de la façon la plus absolue au mode opératoire que j'ai décrit dans mon livre. — J'évite le bulbe en découvrant et en coupant l'insertion bulbeuse du muscle sphincter anal. — Pour faire l'incision du col vesical, la saillie de la lame du lithotome

simple est fixée à 2 centimètres. — La pierre est facilement retirée ; les couches superficielles molles se brisent, mais les morceaux sont extraits. — La vessie fortement revenue sur elle-même, je peux en explorer la surface avec le doigt. Je fais les injections de la vessie avec la sonde évacuatrice ordinaire. D'abord le liquide revient par-dessus la sonde puis la vessie se dilate un peu et retient du liquide, le col vésical se contractant sur la sonde.

Je place une grosse sonde en gomme à demeure dans la plaie. — Le malade est l'objet des soins consécutifs les plus exacts. — Vé-rification du fonctionnement de la sonde, — injections dans la vessie de temps en temps, — lavement soir et matin, — bonne nourriture. — Aussitôt après l'opération, une fois dans son lit, le malade s'est endormi du sommeil le plus calme qui a duré douze heures. Il se réveillait de temps temps pour boire du thé de bœuf et du vin.

9 octobre. La plaie étant, bien organisée, je retire la sonde. Le 10 octobre, M. X... aune envie violente et persistante d'uriner avec douleur, quoique de l'urine s'écoule par la plaie. — Je passe une sonde en gomme coudée de moyen calibre et je retire 300 gram-mes d'urine. Je conseille au malade dont l'état général est très-bon de se sonder lui-même toutes les trois heures. — Grâce à ces me-sures les douleurs cessent.

Les jours suivants, la miction se fait bien et l'urine commence à passer par l'urèthre. — Le 20 octobre, il ne passe plus rien par la plaie, dont la cicatrisation se fait régulièrement en entonnoir. Les urines reprennent leur couleur normale. — L'enduit noirâtre de la langue a complètement disparu. — Les envies d'uriner n'ont lieu que toutes les deux ou trois heures. Dès qu'il y a du dépôt dans les urines, le malade se fait lui-même une injection d'eau phéni-quée dans la vessie. — M. X... sort de chez lui le 28 octobre.

Le 23 novembre, ayant pris froid en se promenant, M. X... a une pleurésie, pour laquelle M. le docteur Moissenet lui donna ses soins. — Cette affection, tout à fait indépendante de l'opération, guérit vite, et M. X... reprend bientôt toutes ses habitudes.

La pierre (fig. 3) a la forme générale d'un galet; les couches superficielles que montre la coupe, sont composées de phosphate, aussi elles sont molles, mais le noyau est très-dense et est formé d'urate.

Mon but, en appliquant les courants électriques continus, était de

calmer les spasmes de la vessie pour arriver à faire la lithotritie. Déjà j'avais observé cette action immédiate de l'électricité dans un cas de contracture vésicale sur une pierre (fait cité plus haut). — J'avais bien remar-qué que cette diminution subite de la sen-sibilité de la vessie durait peu, et que tous les phénomènes spasmodiques de la vessie se reproduisaient promptement. — Mais alors il s'agissait d'une pierre enchatonnée, avec inscrutation calcaire des parois de la vessie, et je pouvais espérer que, dans un cas simple, la vessie aurait pu être calmée d'une façon durable par l'électricité.— Il est évident que la pierre, cause des spas-mes vésicaux, étant toujours là, les reprovoquait de suite.

Quand j'ai eu à déterminer le volume de la pierre, pour décider le malade à la taille, et pour me permettre de choisir la taille qui convenait, je me suis borné à donner du chloroforme jusqu'à réso-lution, me réservant d'observer ce qui se passerait, étant tout prêt à appliquer l'électricité, si je ne pouvais pas saisir la pierre avec le lithotribe. — Ainsi j'ai pu me rendre un compte exact de l'action du chloroforme sur la contracture de la vessie : elle est nulle. Les courants électriques continus, au contraire, agissent en faisant cesser immédiatement cette contracture.

Ce fait, de la non-action du chloroforme sur la contracture d'une vessie irritée, est tout à fait en désaccord avec ce qui se passe lors-qu'on donne du chloroforme aux sujets atteints de sensibilité exa-gérée et de spasmes de l'urèthre. Ici l'action anestbésique du chlo-roforme sur l'urèthre est complète. —Les faits de Sédillot, repro-duits dans le travail de Gaujot1, celui si caractéristique que j'ai publié dans la Gazette des hôpitaux (1866), et ceux que j'ai observés depuis, montrent d'une façon très-précise, que tous les spasmes de l'urèthre sont suspendus par le chloroforme.

Philips, donnait une importance très-grande à Yenduit noir de la langue. Pour lui, il était du pronostic le plus fâcheux; il indiquait qu'il y avait néphrite ; et ce chirurgien n'hésitait pas à conseiller de ne pas opérer dès que la langue était noire.—J'ai dit ailleurs ce que je pense de cette interprétation. Ici le fait de la disparition de

1 Vrétkrotomie interne, par Gaujot. (1806.)

l'enduit noir de la langue, dès que la vessie est débarrassée de la pierre, et que l'état général se relève est trop net pour que je n'in-siste pas sur l'exagération du pronostic attaché à ce signe.

Conclusions. — 1° Les courants électriques constants font cesser instantanément la contracture delà vessie, permettent de dilater la vessie. Ainsi ils rendent possible l'examen complet de la pierre. Ils peuvent même permettre de faire la lithotritie si la pierre est telle qu'elle peut être extraite en une seule séance.

2° L'anesthésie chloroformique poussée jusqu'à résolution est sans action sur la contracture de la vessie causée par la pierre.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

CHONDROME CALCIFIÉ DE LA TROISIÈME COTE GAUCHE

par ch. h. petit, interne des hôpitaux de paris

Cette tumeur a été recueillie à l'autopsie d'un vieillard de 71 ans. Transféré d'un service de médecine à la Clinique chirurgicale de l'Hôtel-Dieu, pour une fracture de l'extrémité supérieure de l'humé-rus droit, dont le diagnostic était rendu très-difficile par un gon-flement considérable, ce malade succomba, quatre jours après son entrée, à une broncho-pneumonie gauche.

Cette tumeur donnait lieu à une notable déformation de la partie supérieure gauche du thorax; elle formait, à deux travers de doigt environ au-dessous de la clavicule gauche, une saillie transversale de forme irrégulière, avec un gros renflement à chacune de ses extrémités, interne et externe ; toute sa surface était hérissée de bosselures mamelonnées d'un petit volume, dont quelques-unes parfaitement appréciables à la simple vue. La peau qui la recou-vrait avait conservé sa coloration et sa mobilité; jamais elle n'avait été le siège de la moindre ulcération ; entre les deux renflements terminaux, on sentait facilement par la palpation une surface con-tinue, inégale, qui formait entre eux une sorte de gorge. La masse morbide ne jouissait d'aucune mobilité propre, et les mouvements qu'on lui imprimait se transmettaient manifestement à la paroi thoracique ; son extrémité externe paraissait seule susceptible de

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

CHONDROME CALCIFIÉ

quelques faibles mouvements. Dans tous les points accessibles, elle fournissait au doigt qui la touchait une sensation de dureté consi-dérable. 11 était impossible d'arriver à sentir une base d'implantation ou un pédicule, et on se trouvait réduit à de simples conjectures sur le point d'insertion de la tumeur et sur l'étendue de ses con-nexions avec la cage thoracique.

Le malade dit avoir eu, à l'âge de 4 ans, une côte « déman-chée », et c'est à cette époque qu'il fait remonter le début de sa tumeur. L'interrogatoire n'a révélé aucun antécédent syphilitique ; la santé a toujours été bonne. La tumeur se développa très-lente-ment ; quand le malade atteignit l'âge de 20 ans, elle avait envi-ron la moitié de son volume actuel. Dupuytren la vit alors, et se pro-nonça contre toutes tentatives d'ablation, à cause, toujours au dire du malade, du siège de la tumeur à gauche, mais plus vraisembla-blement en raison de l'incertitude qu'on devait garder sur l'étendue de la tumeur du côté de la cavité thoracique, ou sur les dimensions et le siège précis de sa base d'implantation. La tumeur était indo-lente à la pression et n'avait jamais été le siège d'aucune douleur spontanée. Jamais de battements de cœur. Dans ces derniers temps, le malade avait, par intervalles, de la dyspnée ; mais ce symptôme pouvait être rapporté à de l'emphysème, dont sa poitrine offrait les déformations caractéristiques et les signes stéthoscopiques. En somme, cette tumeur n'a été pour lui qu'une difformité, qui ne l'a jamais ni gêné ni fait souffrir.

Dégagée des parties molles qui l'entourent, la tumeur se pré-sente sous la forme d'une masse jaunâtre, irrégulière, hérissée de saillies, les unes arrondies et lisses, les autres légèrement angu-leuses et moins polies que les précédentes. Au niveau de ces saillies, sa dureté est considérable ; en quelques points peu nombreux et peu étendus, correspondant presque tous à des surfaces plus ou moins planes, sa consistance est beaucoup moindre et rappelle tout à fait celle du tissu spongieux des os. Elle adhère à la troisième côte gauche et à son cartilage par la face postérieure de sa partie interne ; en dehors de ce pédicule, elle est libre et longe assez exactement la côte, en restant séparée d'elle par un intervalle de 1 centimètre en moyenne; cette disposition explique la mobilité observée pendant la vie vers son extrémité externe.

La forme de la masse morbide est trop irrégulière pour qu'il soit possible d'en faire la description ; je me bornerai à indiquer ses principales dimensions. (Voy. planche XII.)

Longueur ou diamètre transversal.....

Épaisseur du diamètre antéro-postérieur : Au niveau du pédicule, côte comprise....

Au niveau de la partie moyenne......

Au niveau de la partie externe.......

12 cent. 1/2

6 cent. 1/2 5 cent. 1/2

7 cent. 1

C'est la partiemoyenne qui offre le maximum de hauteur, soit 8 cen-timètres ; les deux extrémités ont des dimensions verticales un peu moindres. Les anfractuosités de la surface de la tumeur sont comblées par une graisse jaunâtre très-molle. Les points les plus saillants sont séparés des fibres du grand pectoral par des bourses séreuses très-distinctes ; un certain nombre de fibres de ce muscle parais-sent s'implanter sur le pédicule même de la tumeur. Un tissu blan-châtre assez résistant, quoique peu épais, la recouvre immédiate-ment et lui adhère assez intimement, surtout au niveau de ses anfractuosités.

Elle s'implante au niveau de l'union de la troisième côte gauche et de son cartilage : sur toute la hauteur de la face antérieure de la côte, dans une étendue transversale de 3 centimètres et demi, et sur la face antérieure du cartilage dans une étendue de 1 centimè-tre et demi dans le même sens. L'extrémité interne de la côte est notablement renflée au niveau de son union avec son cartilage, et fait une légère saillie du côté de la cavité thoracique ; sa largeur, au niveau de l'articulation chondro-costale et dans les points corres-pondants du pédicule de la tumeur, est de 2 centimètres et demi. Sa face postérieure ne présente, non plus que sa coupe, rien où l'on puisse voir des traces de fracture.

La tumeur est extrêmement dure à scier ; sa coupe est marbrée de jaune foncé et de blanc jaunâtre ; les points jaunes ont une dureté extrême; les endroits blancs sont moins consistants, quel-ques-uns même sont friables comme du plâtre. Çà et là, surtout vers les points les moins résistants de la surface, on trouve des ca-vités remplies de graisse rougeâtre et traversées par des trabécules semblables à celles du tissu spongieux des os. Le pédicule est con-stitué par une^coque d'aspect osseux continu avec le tissu compact de la côte ; cette coque circonscrit une cavité remplie de graisse rougeâtre et traversée également en tous sens de trabécules conti-nues avec celles du tissu spongieux de la côte ; sa paroi ossiforme se perd presque sans transition dans le tissu de la tumeur. Celle-

1 L'image photographique est dans la proportion de 2/5. Les lignes noires transversales répondent à des incisions.

ci parait n'être que juxtaposée au cartilage, qui, sur la coupe, offre une limite très-nette du côté où il est en rapport avec elle. — L'exa-men histologique de cette tumeur, pratiqué par M. Renault, dans le laboratoire de physiologie expérimentale du Collège de France, a montré qu'elle possédait tous les caractères des chondromes calcifiés.

CLINIQUE MÉDICALE

CANCER PRIMITIF DU PÉRITOINE; INJECTION IODÉE

par rournevili.e

Nous avons été obligé, par les besoins de la mise en pages, d'in-sérer, dans le dernier numéro de l'année 1871, une observation de cancer primitif du péritoine, sans pouvoir la faire suivre des réflexions qu'elle nous semble comporter. Ceci nous force à rap-peler sommairement les principaux symptômes offerts par le malade.

Il s'agit d'un homme qui entra pour la première fois avec une ascite. Les bruits du cœur étaient réguliers, les urines normales. On ne sentait aucune tumeur dans l'abdomen. L'état général était bon. La distension du ventre par l'hydropisie ne permettait pas d'avoir une idée exacte des dimensions du foie. Cependant, comme le malade avait commis quelques excès de boisson, on songea à une cirrhose. Du 15 mars 1869 au 5 octobre, sept ponctions furent pratiquées. C'est peu après la dernière que M. Hardy vit le malade pour la première fois. Il rejeta l'idée d'une cirrhose et, en raison de la forme particulière du ventre, il pensa qu'on avait à faire à quelque affection spéciale, peut-être à un kyste. De là l'idée d'in-jecter une solution iodée (huitième ponction, celle-là incomplète). Cette injection fut suivie assez rapidement du retour du liquide, phénomène analogue à celui qu'on observe à la suite de l'injection iodée dans l'hydrocèle. Une neuvième ponction fut faite le 17 novem-bre,etdepuis lors, jusqu'au mois de septembre 1871, cet homme fut débarrassé de son hydropisie. A cette époque, elle se reproduisit, et il survint une pneumonie mortelle. A l'autopsie nous trouvâmes le péritoine transformé en une sorte de cuirasse, plus épaisse dans la moitié antérieure gauche de l'abdomen que dans les autres régions.

Ce résumé rendra plus facilement compréhensibles les remarques qui vont suivre.

I. Influence de la ponction sur la température. — À deux reprises nous avons noté la température avant et après la ponction : la pre-mière fois, la température s'éleva d'un dixième de degré après l'opération; la seconde fois, il n'y eut aucune modification. Ce résultat diffère notablement de celui que nous avons consigné chez les deux malades suivants, atteints de pleurésie et auxquels on fit la thoracentèse.

1° Lenen, P., 32 ans; pleurésie à gauche. Avant l'opération : P. 84 ; R. 18 ; T. R. 58°. On retire 1200 grammes d'un liquide citrin. Après l'opération : P. 88; R. 24; T. R. 38°,4.

2° Dubos, 18 ans ; pleurésie à droite. Avant la thoracentèse : P. 104 ; R. 24 ; T. R. 38°,9. On fait écouler trois litres d'un liquide clair. Après l'opération : P. 104 ; R. 24; T. R. 39»,4.

Tandis que l'évacuation du liquide renfermé dans la cavité abdo-minale n'a pas changé la tempéralure d'une manière bien sensible, nous voyons une élévation de la température à la suite de la thora-centèse. Il nous a paru utile de mettre ces faits en regard. Repre-nons maintenant nos commentaires.

II. Injection iodée. —a). lodisme. L'influence immédiate de l'in-jection s'est traduite par une douleur très-vive qui a duré 15 mi-nutes ; puis, le malade a eu du larmoiement; il a éprouvé du vertige, de la pesanteur de tête et s'est plaint d'une soif vive et de sécheresse à la gorge. Une heure plus tard, il a vomi des glaires et, après avoir ressenti une grande chaleur il s'est assoupi. La tempé-rature, qui était à 36°, 9 après l'opération, était, le soir, à 38°,5.

Les détails qui précèdent indiquent que l'absorption de l'iode est très-rapide. Un auteur anglais, M. Richardson, a donné, à cet égard, des renseignements que nous allons résumer, en raison de leur intérêt. Chez un homme qui avait un vaste abcès de la bourse séreuse du grand trochanter, on injecta, quelques jours après l'évacuation du pus, 42 grammes de teinture d'iode dans le sac. Une sonde préalablement introduite dans la vessie et fermée par le doigt d'un aide, permettait d'obtenir à volonté de petites quantités d'urine qu'on examinait à l'aide de l'amidon et de l'acide nitrique. Au bout de trente secondes, les réactifs commencèrent à déceler la présence de l'iode dans l'urine; une minute après l'injection la réaction violette était plus franche, et après une minute et demie

elle était très-marquée. Quelquefois l'iode disparaît promplement de l'urine. Ainsi, dans un essai, la réaction violette était extrême-ment accusée quatre minutes après l'injection, et, une minute plus tard, toute trace d'iode était effacée. (The Dublin quart. Journal of the med. Science, 1871, n°CIV, p. 272).

b) Effets consécutifs. Dans les dix ou douze jours suivants, nous avons observé de légers accidents de péritonite, avec augmentation de la température, plus forte le soir (39°,4 au maximum). — Le li-quide, dont on n'avait extrait qu'une partie par la ponction, s'est vite reproduit : au bout de seize jours, le ventre avait une circon-férence de 1 mètre 16 centimètres; il arrivait là ce qui a lieu d'ordinaire à la suite de l'injection iodée dans la tunique vaginale. C'est alors que fut pratiquée la neuvième et dernière ponction. Après celle-ci, le ventre n'avait plus que 64 centimètres. Dans les huit jours qui suivirent, sa circonférence atteignit 1 mètre; ensuite elle diminua peu à peu et descendit à 85 centimètres. L'injection iodée eut pour effet de s'opposer à la reproduction du liquide depuis décembre 1869 jusqu'en août 1871.

III. Analyse du liquide. — Nous manquons trop de compétence sur ce sujet pour insister longuement sur les différentes analyses qui ont été faites avec soin par M. Ménière, interne en pharmacie du service. Nous nous bornerons à signaler la diminution de l'albumine après la ponction. Y a-t-il là une simple coïncidence? C'est à la rigueur possible, car déjà la précédente analyse avait montré que la proportion de l'albumine baissait.

IV. Symptomatologie et anatomie pathologique. — Nous avons mentionné les doutes émis sur la cause de l'ascite. Après avoir éliminé l'idée d'une affection cardiaque, d'une néphrite albumi-neuse, on songea à la probabilité d'une cirrhose du foie. Après la première évacuation du liquide, on vit que le foie avait un volume à peu près normal, et qu'il n'y avait pas apparence de tumeur abdo-minale. Ce ne fut que beaucoup plus tard que nous constatâmes la présence, au niveau du flanc gauche, d'une sorte de large plaque. L'état général, au moins en 1869 et dans les premiers mois de 1870, ne pouvait mettre sur la voie d'un diagnostic exact : les différentes fonctions s'accomplissaient avec régularité, les forces étaient en grande partie revenues. Le malade, du reste, n'accusait aucune douleur. En résumé, la symptomatologie se réduisait à ceci :

V

1° ascite, donnant au ventre une forme particulière, rappelant l'as-pect du ventre d'une femme ayant un kyste de l'ovaire; 2°indura-tion en forme de plaque paraissant occuper la paroi abdominale.

L'étendue des lésions faisait un contraste frappant avec la Symp-tomatologie. Tout le péritoine, et surtout le péritoine pariétal, était envahi par le cancer (feuillets antérieur et latéraux, région diapbrag-matique, épiploon gastro-splénique, etc.). On avait sous les yeux un spécimen de la dégénérescence diffuse et plate du péritoine. A part quelques petits noyaux dans le foie, tous les viscères étaient sains, car, en ce qui concerne l'estomac, la lésion n'affectait que les ganglions situés le long de la petite courbure et la portion avoi-sinante de la tunique peritoneale. Aussi, sommes-nous autorisés à considérer ce cas comme étant bien celui d'un cancer primitif du péritoine (1).

REVUE ANALYTIQUE

ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE

Le bilan scientifique de l'année 1871 se ressent des événements terribles qui, à époques assez rapprochées, sont venus fondre sur notre malheureuse patrie. Ces événements, suite inévitables de ceux de l'année 1870, et qui eux-mêmes sont la conséquence forcée de ces vingt années d'avilissement, qui, en France, résument la deuxième épopée impériale, ont ralenti un peu l'ardeur des hom-mes voués aux progrès scientifiques. Quoi qu'il, en soit, même dans deux branches spéciales, Yanatomie et la physiologie, les travaux pro-duits ont une certaine valeur. Nous en présenterons l'analyse dans l'ordre de leur apparition.

I. Tissu muqueux du cordon ombilical, par Renault. — Nous signa-lerons d'abord une étude sur le tissu muqueux du cordon ombilical communiquée en juillet 1870 à la Société de Biologie, par M. Renault.

Après avoir présenté l'historique delà question, et par conséquent les diverses opinions émises relativement à la structure du cordon, M. Renault arrive à ses recherches personnelles et conclut ainsi :

« Le tissu muqueux du cordon est, dans les parties riches en mucine, formé par un réseau de fibres conjonctives tapissé de cel-

(1) Voy. Colin, Obs. de cancer eneéphaloïde du péritoine à marche aiguë [Gaz. hebd.,m%, p 712).

Iules plates, ne différant guère du tissu conjonctif lâche que par la présence delà mucine qui distend ses mailles. Quant au tissu péri-vasculaire du cordon, il n'est pas sans présenter quelque analogie avec le tissu delà cornée transparente; dans tous les cas, il n'existe dans le cordon ni réseau plasma tique constitué, comme le préten-dait Virchow, par un réseau cellulaire canaliculé, ni système par-ticulier de canaux vecteurs du suc, comme Karter a cru pouvoir dernièrement l'établir.

« L'épithélium, prolongement de celui qui recouvre l'amnios, est formé de couches, l'une superficielle, l'autre profonde. Au-des-sous de ces deux lames épithéliales, existe une couche de cellules plates qui les sépare des tissus muqueux proprement dits.

« Ces cellules plates sont analogues à celles de la couche con-jonctive qui revêt la surface des tendons. » Tels sont les points principaux mis en évidence par les patientes recherches de M. Re-nault, sous l'habile direction d'un de nos meilleurs histolo-gistes, M. Ranvier.

il. Vaisseaux capillaires musculo-élastiques des veines, par Muron. — Le h août 1870, M. Muron, interne des hôpitaux, communique à la même société, une série de faits établissant de la manière la plus évidente qu'il existe des vaisseaux capillaires dans la tunique mus-culo-élastique des veines, et que, de plus, ces vaisseaux y sont très-nombreux.

C'est surtout en examinant des tronçons de veines enflammées depuis peu de temps (36 heures) que M. Muron est arrivé à ces conclusions. — Le réseau que forment ces vaisseaux ressemble en tous points au réseau vasculaire du tissu osseux.

III. De la contraction musculaire, par P. Dupuï. — Après plusieurs expériences pratiquées sur lui-même, M. Paul Dupuy est arrivé aux conclusions suivantes, relatives à la contraction musculaire, ques-tion non encore complètement élucidée : 1° Dans les épreuves stati-ques, on constate une faible augmentation de volume qu'on pour-rait, à la rigueur, expliquer par une erreur de mensuration. '2° Dans les épreuves dynamiques, les augmentations deviennent très-apparentes (de 0, 01 à 0, 015), lorsque l'expérience persiste, sans interruption, pendant trois à quatre minutes.

IV. DO système veineux DU crane et de l'encéphale, par P. TliUL-

lard. — Malgré les nombreux travaux dont il a été l'objet, le système veineux du crâne et de l'encéphale, présentait encore, au point de vue de sa description, certaines lacunes qui ont été eom-

blées par les travaux du docteur P. Trullard ; son livre est ainsi résumé par M. Sistach.

L'attention des anatomistes est appelée : « 1° Sur l'existence de cavités, sortes de réservoirs sanguins logeant les corpuscules de Pacchioni et siégeant sur les côtés du sinus longitudinal supé-rieur. Ces cavités pacchioniennes communiquent avec les veines cérébrales et méningées, avec les canaux veineux et avec le sinus longitudinal supérieur.

« 2° Sur la présence d'une veine qui établit une grande communi-cation entre le sinus longitudinal supérieur et le sinus de la base du crâne (sinus pétreux ou sinus caverneux) : M. Trullard propose de l'appeler grande veine anatomique.

« 3° Sur la terminaison du sinus pétreux supérieur, qui se jette dans la veine jugulaire interne, et non dans le sinus latéral.

« 4° Sur un nouveau sinus situé au niveau de la suture pétrc-occipitaie (sinus pétro-occipital inférieur).

« 5° Sur un confluent veineux qui occupe le trou condylien anté-rieur et qui reçoit cinq veines ou sinus.

« 6° Sur le canal veineux qui entoure la carotide interne depuis son entrée dans le canal carotidien jusqu'à son arrivée dans le sinus caverneux (sinus carotidien).

« 7° Sur les rapports de la veine et de l'artère vertébrales ; comme la carotide dans le sinus caverneux, l'artère vertébrale, dans son canal vertébral, est presque complètement entourée par la veine sa-tellite. »

Au point de vue physiologique, l'auteur a cru devoir considérer le sinus longitudinal inférieur comme le diverticulum de la circu-lation veineuse intra-encéphalique, et les aréoles diploïques comme le diverticulum de la circulation extérieure du cerveau.

V. De la stéatose, par J. Parrot. — Le 10 juillet 1871, M. Parrot a communiqué à l'Académie des sciences, une série de recherches d'où il résulte que : « Dans l'état physiologique, dans l'espèce hu-maine, comme chez les animaux, le cerveau est le siège d'une stéa-tose diffuse ; que celle-ci peut-être considérée comme un indice de son imperfection et comme essentiellement liée à son développement; que les poumons, le foie et les reins sont également stéatosés, mais ces deux derniers viscères, à un degré moindre que chez les animaux ; enfin que cette stéatose viscérale, après avoir débuté, pen-dant la vie intra-utérine, à un moment que nous ne pouvons préci-ser, va croissant jusqu'à la naissance, époque à laquelle elle atteint

son maximum, pour décroître ensuite progressivement, et disparaî-tre même dans quelques organes, le cerveau par exemple. »

VI. Influence de la diminution brusque de la pression, par P. Bert. — Le 17 juillet 1871 M. Bert a fait à l'Académie des sciences une communication qui peut être ainsi résumée : « Lorsqu'on diminue brusquement la pression à laquelle est soumis un vertébré à sang chaud, jusqu'à l'abaisser à 15 ou 18 centimètres de mercure, on voit l'animal bondir, être pris de convulsions et succomber rapide-ment, avec une écume sanguinolente dans les bronches. — Relati-vement à l'épuisement de l'air pour une même pression, les ani-maux qui laissaient le plus d'O. et qui formaient le moins deCOs ont été les cresselles, les chouettes et les chats adultes, puis les moi-neaux, les grenouilles et les chats nouveau-nés, enfin les cochons d'Inde pour les pressions supérieures à 26 centimètres; au-dessous, les grenouilles et les petits chats épuisaient davantage l'air. — La quantité d'O. qui reste dans l'air après la mort est d'autant plus grande que la pression est plus faible, la quantité de CO2 formé varie en sens inverse. »

VII. Structure du rein, par Muron. — Dans un travail communi-qué à la Société de Biologie, M. Muron a exposé certains points re-latifs à la structure du rein.

Partant de cette idée admise par un certain nombre de physio-logistes que le rein est tout à la fois organe sécréteur, et organe éli-minateur, M. Muron a recherché dans le rein du lapin, s'il était possible d'isoler les parties préposées à l'une et à l'autre fonction. 11 paraît y être arrivé; voici la démonstration :

« Lorsqu'on examine les tubulis du rein du lapin, on est frappé immédiatement de la différence d'aspect que présentent les cellules épithéliales, suivant qu'on les considère dans la substance corticale ou dans la substance médullaire. Dans la première, les cellules sont granuleuses et ressemblent plus ou moins à celles que l'on rencon-tre chez l'homme. Dans la substance médullaire, au contraire, les cellides sont plus volumineuses; beaucoup d'elles sont infiltrées par une matière transparente tout à fait analogue à celle que l'on ren-contre dans les cellules des glandes salivaires. Le protoplasma est également refoulé à la périphérie avec le noyau, et toute la cellule se trouve convertie en une véritable ampoule vésiculaire. Chacune de ces cellides examinée isolément ressemble en tous points aux cellu-les qu'on trouve dans les culs-de-sac glandulaires : ce sont de véri-tables celhdes sécrétoires.

Il faut ajouter que pareille disposition n'a pu être rencontrée chez l'homme par l'auteur, et que, du reste, on n'est pas définiti-vement fixé sur la question de savoir si le rein a la double fonction d'être à la fois un organe sécréteur et excréteur.

VIII. Aconitine et curarine, par Gréhant et Duquesnel. —MM. Gré-hant et Duquesnel, dans une note communiquée à Y Académie des sciences, établissent, par des expériences analogues à celles de M. Cl. Bernard sur le curare, que les propriétés physiologiques de Y aconitine sont analogues à celles de la curarine. C'est ainsi que l'aconitine détruit le pouvoir moteur des nerfs ; administré à hautes doses, le poison arrête primitivement le cœur, et par suite l'absorption.

IX. Des variations de la proportion des gaz dans le sang artériel, par Mathieu et V. Urbain.— Dans la même séance, MM. Ed. Mathieu et Y. Urbain, donnent le résultat des travaux qu'ils ont entrepris sur les circonstances qui font varier la proportion des gaz du sang dans le système artériel. Ces travaux établissent : 1° que l'influence dépressive des saignées provient de la perte d'une plus ou moins grande quantité de globules sanguins, et surtout de la diminu-tion de la pression intra-vasculaire, l'abaissement de cette dernière ayant pour conséquence l'accélération de la circulation, et acces-soirement le ralentissement de la respiration;— 2° Que les analyses indiquent toujours une proportion d'O. et de CO2 plus élevée dans le contenu du vaisseau le plus volumineux ; — 5° Que le sang artériel des animaux à température constante contient plus d'O. en été qu'en hiver ; — 4° Que le sang artériel contient davan-tage d'O. et de CO2 lorsque la pression atmosphérique est plus élevée et réciproquement.

X. Influence de l'air comprimé sur la circulation pulmonaire, par Gréhant. — Le 24 juillet 1871, communication de M. Gréhant à l'Académie des sciences, établissant que « l'air comprimé arrête la circulation dans le poumon. » — Ce travail est la confirmation de celui dePoiseuille, publié en 1855.

XL Appareil électrique de la torpille, par Marey.—Les 9 et 16 oc-tobre, études de M. Marey sur l'appareil électrique de la torpille. — « Les expériences myographiques poursuivies par l'auteur ont confirmé de tous points les prévisions qui les lui avaient fait entreprendre; elles ont montré qu'une parfaite analogie existe entre la décharge électrique de la torpille et la secousse d'un muscle de la vie animale, tant au point de vue du retard de ces phénomènes

sur l'excitation qui les provoque qu'à celui de la durée de chacun d'eux. »

XII. Des tubes nerveux, par Ranvier.— Note de M. Ranvier établis-sant que les tubes nerveux sont plongés dans une cavité séreuse ; les fluides nutritifs circulent dans cette cavité et se mettent en rapport avec les cylindres d'axe par la voie colloïde des anneaux constric-teurs des tubes nerveux décrits précédemment par l'auteur (Acad. des sciences, 15nov.).

XIII. Digitale et digitaline, par Gourvat. — M. Gourvat, dans une série de communications faites à la Société de thérapeutique a exposé le résultat de ses recherches sur l'action physiologique de la digitale et de la digitaline, sur les tissus et fonctions de l'économie. De l'ensemble de ce travail, il résulte : « que la digitaline n'agit pas sur un organe unique à l'exclusion des autres, comme l'avaient pré-tendu certains auteurs, mais bien sur tous les appareils et sur toutes les fonctions, sinon simultanément, du moins successi-vement et progressivement. » L'action physiologique de la digita-line, suivie pas à pas par l'auteur, est indiquée et résumée dans les trois périodes suivantes :

Première période : Digitaline ci doses thérapeutiques. — Elle produit une légère stimulation de tout le système grand sympathi-que, ganglions cardiaques, filets vaso-moteurs, etc., et par son intermédiaire comme action immédiate : 1° une faible excitation des muscles lisses du tube digestif, de la vessie, de l'utérus, etc. ; 2° la dilatation de la pupille par la contraction de son muscle radié : 5° la contraction des vaisseaux artériels en général et de leurs branches capillaires en particulier ; — 4° l'augmentation de la tension artérielle et la diminution de la tension veineuse; 5° le ralentissement, la régularité et l'énergie des battements du cœur; — 6° la régularisation, l'uniformité et le ralentissement du cours du sang ;

Comme action médiate :

7° La sédation du système nerveux volontaire central et péri-phérique ; — 8° le ralentissement de la respiration ; — ^l'amoin-drissement des fonctions de l'hématose, de la combustion et de la Hbrination du sang, en un mot, modération des fonctions bémato-poïéticpies ; — 10° abaissement de la température ;—11° diminution des sécrétions excentriques, muqueuse, cutanée, salivaire, bi-liaire, spermatique, etc. ; — 12° exagération de la sécrétion la plus concentrique, la sécrétion urinaire; — 15° comme conséquence,

résorption des liquides et solides, morbides d'abord, et. normaux ensuite.

Deuxième période : à doses contro-stimulantes.—Il y a deux actions parallèles et simultanées : excitation plus prononcée du grand sym-pathique et excitation du nerf dépresseur du cœur.

Lapremière action détermine : 1° L'exagération des contractions de l'intestin, de l'estomac, de la vessie, de l'utérus et de la dilata-tion pupillaire ; — 2° l'augmentation de la force du cœur et de la fréquence de ses battements.

La deuxième action détermine : 1° La paralysie réflexe des vaso-moteurs ; — 2° le relâchement et la dilatation des vaisseaux arté-riels en général et de leurs divisions capillaires en particulier; — 3° la diminution de la tension artérielle et l'augmentation conco-mittante de la tension veineuse; — 4° l'accélération consécutive des battements cardiaques ; — 5° l'accélération du cours du sang ;

— 6° l'augmentation du chiffre des mouvements respiratoires ; — 7° augmentation de la température ; — 8° la diminution de la sécrétion urinaire; — l'augmentation des sécrétions excentriques, cutanée, muqueuse, salivaire, biliaire, etc.

Troisième période: à doses toxiques. On observe deux temps suc-cessifs et bien distincts. Au premier temps : Exagération de tous les phénomènes de la deuxième période.

Au deuxième temps : 1° hyposlhénisation des centres nerveux et nerfs volontaires ; — 2° paralysie de tout le système musculaire ;

— 3° extinction plus prompte de la contractilité du muscle car-diaque que celle de tout autre muscle ; — 4° circulation lympha-tique intacte; — mort par syncope. Prochainement, nous présente-rons le résumé des objections faites à ce travail par M. Constantin Paul.

Signalons, en terminant, deux thèses d'agrégation ; l'une de M. Gariel, des Phénomènes physiques de l'audition, l'autre l'Étude physique des sons de la parole, dont l'auteur est le docteur Deles-champ, le traducteur autorisé du livre du Père Secclii.

L'espace accordé à cette revue analytique, nous force de ren-voyer à un prochain numéro l'analyse de plusieurs travaux impor-tants : le livre de physiologie comparée de M. Colin, les leçons du semestre d'hiver de M. Cl. Bernard, sur la physiologie expérimen-tale, les travaux de MM. Béchamp etEstor, sur les microzymas, et la nouvelle brochure, sur le même sujet, du docteur L. Caizergues, etc.

F. Raymond.

CH IRURGI E

I. Physiologie pathologique de l'ébranlement des tissus par les projectiles de guerre, par Muron. — Cette intéressante étude de physiologie pathologique nous révèle une des causes les plus puis-santes des insuccès si nombreux de nos chirurgiens dans les der-nières guerres. Lorsqu'un projectile vient frapper un os dans sa diaphyse et le fracture, il produit en même temps un ébranlement du tissu osseux dont voici les principaux effets : La moelle osseuse présente une infiltration sanguine et même, par places, des ecchy-moses et de petits épanchements ; ces altérations s'étendent au tissu spongieux des épipbyses. En d'autres termes, il se produit une contusion du tissu médullaire arrivant jusqu'au deuxième degré, et cela dans toute l'étendue de l'os.

Cet ébranlement, peut s'étendre également aux os voisins à tra-vers les articulations et les parties molles ; ce qui prouve que l'in-filtration sanguine n'a point lieu de proche en proche à partir du point frappé et qu'elle est, au contraire, le résultat d'une véritable commotion.

Abordant ensuite la partie véritablement pratique de son mémoire» M. Muron se demande ce que va devenir ce sang ainsi épanché au loin dans les tissus. Ici deux faits peuvent se produire : ou bien le sang est résorbé et ce sont là les cas heureux ; ou bien il subit la décomposition putride et alors donne lieu à ces accidents redou-tables auxquels ont succombé tant de nos blessés ; je veux parler de la septicémie, de l'ostéo-myélite et de l'infection purulente. Si l'on craint d'admettre que ces accidents aient leur point de départ ailleurs que dans le foyer de la fracture, on comprendra du moins combien l'ostéo-myélite doit se propager facilement dans un tissu médullaire ainsi altéré et causer consécutivement l'infection puru-lente. Aussi M. Muron, sauf certaines réticences, se résume dans les propositions suivantes :

1° Lorsqu'un projectile, animé d'une grande vitesse, vient frap-per un os dans sa diaphyse, et broyer en même temps les muscles, en raison des contusions à distance qui se produisent dans ces deux ordres de tissus, le plus souvent il faudra faire la désarticulation. La faire primitivement, c'est enlever au malade toute une série d'ac-cidents qui peuvent le faire mourir : septicémie aiguë, infection purulente, ostéo-myélite des blessés; c'est de plus le guérir radicale-

ment en quelques semaines au lieu de perpétuer ses souffrances un temps indéfini, pour arriver finalement à la désarticulation ;

2d La résection n'est réellement indiquée que dans les cas de lésion des épiphyses. La balle traversant le tissu spongieux ne fait en somme que peu de désordres et la résection de toute l'épiphyse et d'une partie de la diaphyse dépassera certainement les limites du mal. (Société de biologie).

II. Absence de l'utérus et du vagin ; opération podr remédier a l'ab-sence de ce dernier; par Pooley chirurgien à Saint-John's Piiver-side hospital (Yonker's). — Eliza Baggart, 21 ans, d'ailleurs bien conformée, ne présente ni vagin, ni utérus. Au-dessous du méat urinaire, existe une fossette peu profonde ne présentant aucune ou-verture. Au moment des époques menstruelles, cette femme avait des douleurs de reins, du gonflement des seins et de la céphalalgie.

Pensant qu'il existait un utérus plus ou moins développé, M. Poo-ley, tenta de créer un vagin par l'opération suivante :

Un cathéter étantintroduitdans la vessie et une bougie rectale volu-mineuse dans le rectum, on pratique une incision étendue du méat urinaire à la commissure postérieure de la vulve, puis on dissèque lentement et avec précaution dans l'axe du bassin jusqu'à une pro-fondeur de quatre à cinq pouces. Malgré de minutieuses recherches, il fut impossible de retrouver l'utérus; mais on forma ainsi un canal artificiel de la profondeur indiquée ci-dessus et assez large pour permettre aisément l'introduction du plus gros tampon vagi-nal en verre d'Ernmet (plus volumineux que le spéculum cylindri-que ordinaire).

Cette opération fut suivie de symptômes fébriles et de rétention d'urine avec ballonnement du ventre; néanmoins la malade fut en état de quitter l'hôpital quelques jours après.

Plus tard, bien que l'usage du tampon ait été négligé, le canal artificiel ne se rétrécit que très légèrement.

M. Pooley, lui-même ne s'exagère pas le mérite de cette opération qui n'a point procuré d'avantage très-sérieux à la malade; il fait cependant remarquer avec raison que celte pratique eût été plus justiciable et même indiquée si cette femme eût été mariée.

— Dans une leçon clinique publiée récemment dans ['Union mé-dicale, M. Richet discute avec sagacité l'opportunité de ces sortes d'opérations. Consulté dans un cas à'uterus deficiens, par une jeune fille désirant vivement l'opération moins pour être mère, avouait-elle, que pour pouvoir être épouse, le savant professeur fait res-

sortir les difficultés anatomiques que doit rencontrer le chirurgien : « Huit ou dix autopsies nous apprennent de quelle manière se trouve constitué le plancher périnéal chez les femmes qui man-quent de vagin d'utérus et détrompes. La vessie est adossée direc-tement au rectum et n'en est séparée que par une cloison recto-vésicale analogue à celle de l'homme.

« Une sonde introduite dans le réservoir urinaireest sentie par le toucher rectal comme elle le serait chez l'homme au-dessus de la prostate, et les deux viscères ne sont séparées que par une couche en général assez mince de tissu cellulaire, mais de tissu cellulaire seulement. Il existe bien entre l'anus et l'urèthre un petit enfonce-ment qui répond à un espace triangulaire, dit recto-urélhral, dans lequel on manœuvre chez l'homme pendant l'opération de la taille; mais cet espace est long de un à deux centimètres et sou sommet aboutit au point de contact de la vessie et du rectum ; c'est donc entre ces deux cavités qu'il faudrait creuser un canal, et il serait presque impossible, si l'on poussait loin la dissection, de ne pas ouvrir l'une ou l'autre. » En terminant, M. Richet repousse toute opération entreprise dans d'aussi fâcheuses conditions.

M. Pooley a su vaincre les difficultés chirurgicales mentionnées plus haut; il nous semble même probable que l'emploi de l'éponge préparée à la place d'un tampon vaginal volumineux, eût permis d'éviter les phénomènes inflammaloires qui suivirent l'opération.— Mais si ce succès mérite d'être pris en considération, n'oublions pas les sages réserves de M. Richet.

III. CoNSTRICTION du pénis par un anneau nuptial, par M.DuMAREST.-

M. G..., marié, 59 ans, s'introduit la verge dans son anneau nuptial. — Celui-ci reste arrêté en arrière du gland et du prépuce et pro-duit les accidents suivants : turgescence considérable du gland, ulcération très-profonde au dos de la verge, superficielle sur le canal à la face supérieure.

Le prépuce est à l'état de paraphimosis ; la miction, quoique difficile est possible. On sectionne l'anneau en deux endroits; la cicatrisation s'opère rapidement et deux jours après le malade quitte l'hôpital à peu près guéri.

Voici un nouveau fait à ajouter à ceux qui existent dans la science à ce sujet.-—Leteinturier cite un paysan qui introduisait son pénis, en guise de sortilège, dans l'anneau, gage d'amour donné par sa maîtresse. Nat. Guillot rapporte également l'histoire d'un boulanger, lequel, dans les premiers mois de son mariage, s'était laissé passer

autour de la verge par sa femme l'alliance qu'elle portait au doigt. — Citons enfin le malade observé par M. Guibout qui s'était intro-duit le pénis dans sept anneaux de cuivre très-étroits et très-forts, le soldat que Larrey trouva le pénis engagé dans la douille de sa baïonnette et le baigneur qui s'était suspendu par le pénis au robinet de sa baignoire. M. Dumarest constate que, dans le cas ob-servé par lui, il y a eu ulcération et non pas gangrène du pénis, mal-gré l'énergie de la constriction. — Allant plus loin, il regarde cette gangrène comme rare, soit qu'il y ait constriction artificielle, soit qu'il y ait paraphimosis.

Celle affirmation nous semble trop absolue et M. Diday l'a traitée d'inexacte, remarquant que, si la gangrène du gland n'existe pas, il se produit néanmoins une gangrène au niveau de la constriction. L'ulcération constatée par M. Dumarest est précisément un des ter-mes de ce travail de gangrène partielle. (Lyon médical, n° 5.)

L. E. Dupuy.

BIBLIOGRAPHIE

De l'influence du progrès des sciences sur la thérapeutique. — Étude des connaissances chimiques et pharmacologiques nécessaires au traitement des maladies, par le docteur Deelon, ex-interne des hôpitaux de Paris. — Brocli. in-8° de 180 pages. Adrien Delahaye, éditeur.

La thérapeutique doit emprunter des ressources à toutes les sciences ; la physiologie, la chimie, la physique, la mécanique elle-même doivent servir à interpréter l'action des médicaments pour le traitement des maladies. Nous n'en sommes plus à la doctrine de nos pères qui, dans l'art de guérir, avaient cru que la maladie constituait une manière d'être spéciale, dans laquelle il n'était plus possible d'appliquer les notions scientifiques que la physiologie normale nous donne. Les progrès de l'esprit humain ont fait jus-tice de toutes ces théories, et les découvertes qui ont enrichi suc-cessivement la physiologie, la chimie, la physique, ont donné à la thérapeutique une action nouvelle. Tout doit entrer en ligne de compte; il ne faut rien négliger de ce qui peut nous renseigner sur la nature de la maladie et l'état du malade. Aucun système exclusif ne doit être adopté, et la gloire de notre époque est d'éclairer tour à tour les questions à l'aide des lumières de l'anatomie, de la phy-sique, de la chimie et de la physiologie.

Quels progrès ont fait réaliser à l'art de guérir ces diverses bran-ches des sciences? Quelles connaissances chimiques et pharmaceu-tiques sont nécessaires au thérapeutiste ? Ce sont les points que M. Derlon a entrepris de traiter dans un travail riche de faits, d'idées et d'aperçus ingénieux. Initié surtout, par de laborieuses études, aux travaux de la chimie et de la pharmacologie, l'auteur s'est attaché à démontrer quelles ressources leur connaissance peut donner au praticien, et quels dangers et quels insuccès peuvent résulter de l'ignorance des éléments de ces sciences, dites acces-soires.

Nous ne pouvons analyser tout cet ouvrage déjà très-condensé en lui-même, mais nos lecteurs nous sauront gré de leur en montrer quelques parties, et de leur permettre ainsi déjuger le point de vue auquel s'est placé l'auteur.

Prenons, par exemple, le quatrième chapitre, un des plus im-portants sans aucun doute, et consacré à la chimie et à la pharma-cologie appliquées à la thérapeutique, et aux causes d'erreur qui résultent de la connaissance incomplète des sciences dites acces-soires. Entrant dans le vif de la question, M. Derlon traite de la qua-lité des médicaments, jugée d'après leur aspect et leur analyse, et de leur étude au point de vue commercial. « Les produits du règne animal, dit-il, sont souvent falsifiés ; je n'ai qu'à citer le musc, la civette, le castoréum, l'ambre gris. Le règne végétal semble devoir échapper à toute falsification, mais il n'en est rien; d'abord, les substances achetées en poudre sont vendues le plus souvent par le pharmacien telles qu'elles lui sont fournies par un droguiste qui est souvent plus épicier que pharmacien. Leur préparation et leur pu-reté me paraissent offrir peu de garantie, lorsque le pharmacien n'a pas lui-même préparé ses produits. Certaines substances ont été chauffées outre mesure pour faciliter leur pulvérisation, ce qui peut être nuisible pour des plantes dont le principe actif est volatil ou altérable à une certaine température, comme la ciguë, l'aconit. Il faut être pour ainsi dire du métier pour en comprendre toutes les difficultés. Certaines substances s'obtiennent difficilement à l'état de poudre fine, et, d'un autre côté, le commerce de la droguerie les fournit si bien pulvérisées qu'elles seraient à peine vendables si elles étaient préparées par le pharmacien lui-même, avec les moyens dont il dispose. »

Nous voyons donc l'importance de l'analyse chimique appliquée à la pharmacie, parce que le médecin est toujours sous la dépen*

dance du pharmacien, quand il s'agit de l'efficacité d'un remède et que la première hypothèse à poser en thérapeutique est celle d'un médicament aussi pur et aussi parfait que possible. « Non-seule-ment la substance prescrite peut avoir été falsitiée ou altérée, mais elle est souventtrès-différente de ce qu'elle devrait être pour répondre à l'opinion que s'en fait le médecin qui la prescrit. Des substances préparées par un procédé très-louable peuvent être altérées à plai-sir, afin de leur donner une forme commerciale et un aspect qui les rendent plus attrayantes. J'ai vu des personnes très-intelligentes refuser du vin de quinquina parfaitement préparé, parce qu'il était trop bienfait et quelles étaient habituées à prendre ce médicament dans des officines où il devait avoir une amertume excessive, due à la gentiane ou au quassia-amara. Le fond de toutes les falsifications est l'économie, et presque tous les pharmaciens ont une espèce de gri-moire où sont entassées des recettes dont les modifications sont pres-que toutes dictées par un motif d'intérêt. Us vous diront que les préparations ainsi faites sont de meilleure qualité, mais le plus souvent n'en croyez rien, c'est qu'il y a avantage pour le prépara-teur ou dans la rapidité d'exécution de la formule, ou dans les béné-fices qu'elle produit. C'est ainsi que les pharmaciens prépareront leur vin de quinquina au Bordeaux, par déplacement, sans alcool, pour économiser celte dernière substance et obtiendront un pro-duit qui agit facilement, ou bien encore le feront avec de la tein-ture qui ne représente plus le même poids d'écorce ; c'est ainsi que d'autres se garderont bien de faire le sirop antiscorbutique par distillation. Je n'en finirais pas s'il fallait énumérer les exemples de faits analogues. »

Ces questions sont très-importantes ; elles intéressent au plus haut point le médecin pratiquant, mais ce qui l'intéresse peut-être davantage, c'est la connaissance complète des incompatibilités si sou-vent méconnues et qui entraînent ainsi des fautes dont il est, sans le savoir, l'instigateur et le complice. « Que de fois, dit M. Derlon, l'ignorance de la pharmacie conduit les médecins à faire des mé-langes impossibles. Je ne ferai que citer les potions contenant à la fois de la gomme et du perchlorure de fer, de la gomme et de gran-des quantités d'alcoolats, de la gomme adragant en même quan-tité que si c'était de la gomme arabique, des acides associés au kermès ou au calomel, des loochs avec du calomel, etc. »

Nous n'avons pas besoin d'entrer dans de plus grands détails sur ce travail qui nous paraît éminemment utile, et qui sera consulté

avec beaucoup de fruit par les médecins non complètement initiés aux préparations chimiques et pharmaceutiques. Pour notre compte, nous l'avons lu avec grand profil, et nous ne doutons pas que notre jugement ne soit partagé par ceux qui voudront lire ou consulter cette étude sérieusement élaborée. G. Peltier.

Pneumonies et fièvres intermittentes pneumoniques avec tracés thermo-graphiques, par le docteur Armaixgaub. In-8° de 40 pages; Ad. Delabaye éditeur.

Cette brochure est destinée à prouver l'existence d'une forme de la fièvre intermittente qui est peu connue des médecins de Paris. Je ne crois pas que, parmi les praticiens qui exercent dans les pays à fièvres paludéennes, il en soit un seul qui mette en doute l'alliance de ces deux éléments: fièvre intermittente, pneumonie. Quanta savoir s'il est fréquent que la pneumonie disparaisse et revienne à chaque accès, la question est plus délicate, et s'il est facile de com-prendre que les poumons se congestionnent au moment où revient la fièvre, il est plus difficile d'admettre qu'une congestion portée jusqu'à F exsudât, ce qui caractérise la pneumonie, disparaisse com-plètement en dehors des accès. Cependant c'est là une question de fait, et, si les observations de M. Armaingaud nous paraissent un peu insuffisantes pour la trancher, nous croyons qu'il ne faudrait pas hésiter à se rendre à son avis s'il apportait des faits un peu plus nombreux. Les deux observations de M. Rousseau et de M. Saillard qui sont citées comme cas analogues sont très-intéressantes, sur-tout celle de M. Saillard, qui serait un cas-type de pneumonie inter-mittente tierce, guérie sous l'influence du sulfate de quinine.

Le plus souvent, il- faut le dire, la chose n'est pas aussi tranchée et l'hépatisation ne disparaît pas complètement entre les accès ; l'amélioration porte surtout sur l'état général. Dans ces cas, on remarque, suivant la prédominance de l'élément intermittent ou de l'élément pneumonique, on remarque, dis-je, que la maladie cède soit au traitement antipériodique, soit au traitement autiphlogis-tique. Cette remarque' ne manque pas d'intérêt au point de vue de la pathologie générale; en effet tantôt une pneumonie débutant avec les allures de la pneumonie franche et constituant la maladie prin-cipale se complique d'accidents intermittents dus à l'influence du pays; tantôt la fièvre intermittente, et c'est là le cas auquel se rap-

porte l'étude de M. Armaingaud, prend la forme d'une pneumonie : c'est une vraie fièvre larvée.

Ces faits sont utiles à connaître, non comme curiosité scienti-fique, mais comme difficulté pratique d'importance majeure pour les praticiens qui habitent les pays à fièvre. En effet, il n'est pas besoin d'insister sur l'urgence qu'il y a à faire dès le début le dia-gnostic des fièvres pernicieuses. Or les fièvres larvées sont quel-quefois pernicieuses et présentent alors un danger double à cause de la difficulté du diagnostic.

La seconde partie du travail de M. Armaingaud est l'exposition de six observations de pneumonies guéries sans médication éner-gique et représentant, suivant l'auteur, la marche naturelle de la pneumonie.— Je remarque que dans plusieurs des tracés la défer-vescence est un peu tardive. Peut-être si l'auteur avait usé des moyens thérapeutiques ordinaires l'aurait-il obtenue un peu plus rapidement.

On voit aussi dans les tracés de M. Armaingaud, et lui-même le fait remarquer, que les variations de température entre le matin et le soir sont très-minimes et plus faibles que celles qu'on observe habi-tuellement. Dans une des observations, la ligne thermique est abso-lument droite pendant les 6e, 7e et 8e jours; sans révoquer en doute l'exactitude de ce fait exceptionnel, il est bon de faire quelques réserves ; la température était prise dans l'aisselle, ce qui peut être une cause d'erreur, et, de plus, pour donner toute la valeur possible à ce fait, il aurait fallu des observations thermométriques plus nombreuses chaque jour, comme l'auteur en convient lui-même.

En résumé, la brochure de M. Armaingaud contient quelques observations intéressantes, des réflexions sensées, et montre, ce qui ne saurait nous être indifférent, que l'usage du thermomètre dans la clientèle civile tend à se répandre. Nous croyons que cet instrument peut rendre les meilleurs services aux praticiens ; certaines maladies, comme la fièvre typhoïde, ne sauraient être traitées désormais sans thermomètre.

Applaudissons donc aux efforts des praticiens qui suivent le cou-rant de la science. Travaillons, et la médecine française reprendra le rang qu'elle a perdu. A. Malherbe.

Le Gérant : a. de montméja.

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DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE CHIRURGICALE

CHONDRO SARCOME DÉVELOPPÉ A L'EXTRÉMITÉ INFÉRIEURE DU FÉMUR

amputation de la cuisse. — mort par infection purulente

Observation recueillie et rédigée par L. URDY, interne du service, et suivie de réflexions par M. l. labbé, chirurgien des hôpitaux de Paris, etc.

Chabozy, Jean, cultivateur à Laroche-Blanche ( Puy-de-Dôme), âgé«de 52 ans. —Rien dans ses antécédents qui puisse se rapporter à la diathèse tuberculeuse ou cancéreuse. — Nulles traces de scro-fule ni de syphilis; santé parfaite jusqu'au mois de mai de l'année 1869. A cette époque, sans cause appréciable, le malade ressentit dans le membre inférieur droit, principalement au niveau de la crête du tibia et des condyles fémoraux, des tiraillements douloureux et quelques élancements qui revenaient principalement le soir. Cou-rageux, et d'ailleurs, comme les gens de la campagne en général, peu soucieux de sa santé, il ne se préoccupa pas autrement de ces symptômes, et continua de vaquer à ses occupations de chaque jour.

Six mois après le début de ces accidents, il s'aperçut que les mouvements de l'articulation du genou devenaient limités et dou-loureux ; en même temps, en examinant la partie inférieure de la cuisse, il constata, pour la première fois, la présence de deux petites grosseurs : l'une d'elles siégeait à la partie externe de l'articula-tion, elle avait le volume d'une petite noix, était indolente et molle ; — la deuxième s'était développée au niveau du condyle interne du fémur; elle était de la grosseur d'une noisette, très-mobile et très-dure à ce qu'assure le malade. A l'origine, l'accroissement de ces tumeurs fut relativement lent; elles n'étaient le siège d'aucune dou-

4* année. 5

leur, et ne gênaient le malade que par la difficulté qu'elles appor-taient dans l'accomplissement des mouvements de flexion et d'ex-tension de la jambe sur la cuisse.

Au mois d'avril 1871, c'est-à-dire environ deux ans après l'appa-rition des premiers symptômes, les deux tumeurs que nous venons de signaler conservant toujours les mêmes caractères, et continuant à grossir, finirent par se rejoindre vers la partie anléro-inférieure de la cuisse ; en même temps, celle qui siégeait à la partie externe se porta en haut, et gagna le tiers moyen, pendant que l'autre se portait en arrière et gagnait le creux poplité.

A partir de ce moment, il n'y eut plus qu'une seule tumeur, laquelle augmenta rapidement de volume, si bien que, au bout de peu de temps, le malade dut cesser tout travail. La marche était devenue fort difficile, tant à cause du poids de la masse morbide, que de la douleur qu'occasionnait la pression du pied sur le sol. — Pendant un an, le malade essaya de nombreux remèdes, mais n'ob-tenant aucun soulagement, et d'ailleurs le volume de la tumeur allant sans cesse en augmentant, il se décida enfin à venir à Paris consulter M. le docteur Labbé, qui le reçut dans son service à l'hôpi-tal de la Pitié, salle Saint-Gabriel, n° 26.

Examen du malade à son entrée (17 février). — Santé générale bonne; appétit et embonpoint conservés ; teint coloré; apyrexie complète. Le malade est assis dans son lit, le corps incliné du côté du membre malade qui est dans une position demi-fléchie. Au niveau du tiers inférieur de la cuisse droite et du genou du même côté, existe une tumeur volumineuse dont voici les principaux caractères : elle est assez régulièrement ovoïde, à grosse extrémité tournée en bas, à petite extrémité tournée vers la racine du membre. Elle com-mence brusquement, à 10 centimètres au-dessous de l'arcade cru-rale, et paraît manifestement implantée sur le corps de l'os ; de là, elle s'étend jusqu'à la partie supérieure de la jambe, après avoir envahi l'articulation du genou. En arrière, elle remplit complète-ment le creux poplité, et contourne la partie postérieure de l'os ; elle se continue également avec le tiers supérieur du fémur, mais la transition entre l'os et la tumeur se fait d'une manière un peu moins brusque qu'en avant, de telle sorte que la saillie qu'elle fait sous la peau est beaucoup moins sensible. En dehors, on remarque une saillie considérable, dont la base très-large s'implante sur le reste de la masse morbide. Voici d'ailleurs quelques chiffres qui donneront une bonne idée de son volume :

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DES HOPITAUX

Planche XIII.

CHONORO-SA RCOIY1E DE L'EXTRÉMITÉ INFÉRIEURE DU FÉMUR

La grande circonférence prise vers la partie moyenne est de

Le diamètre vertical mesure...............

Le diamètre transversal................

0m,85 0»,43

0™,o7

Cette énorme masse (voy. Planche Xill), nous venons de le dire, fait corps avec le fémur, et soulève les muscles ainsi que la peau de la cuisse. Cette dernière est fortement tendue, luisante, couverte de vergetures, et sillonnée en tous sens par des veines volumineuses s'anastomosant entre elles et formant un lacis à larges mailles, que l'on aperçoit par transparence à la surface de la tumeur. —¦ La ma-tité est absolue sur tous les points ; l'auscultation ne fait percevoir aucun bruit. — Pour ce qui est de la consistance, elle est molle sur tous les points, excepté toutefois vers la partie interne, au voisinage de l'extrémité inférieure du fémur; à ce niveau, elle est dure et donne à la main la sensation d'une masse fibreuse. La main, appli-quée sur un point de la tumeur, perçoit, lorsqu'on percute sur un point diamétralement opposé, la sensation d'un choc produit par le déplacement du liquide qu'elle renferme. Cette fluctuation est sur-tout évidente à la partie interne, point qui correspond à la saillie kystique dont nous avons parlé précédemment. — Ces svmptômes indiquent bien que de grandes cavités sont creusées au sein de celte masse; mais, vu l'épaisseur des tissus, on ne saurait décider si ces cavités communiquent entre elles, ou même s'il n'existe pas une poche unique. — Ganglions inguinaux de volume normal.

La flexion de la cuisse sur le bassin est impossible, ce qui tient bien certainement au poids énorme de la tumeur, qui occupe l'ex-trémité du levier que le malade doit mouvoir pour accomplir ce mouvement. Dans les efforts qu'il fait alors, on voit distinctement les muscles de la partie antérieure de la cuisse glisser à la surface de la masse morbide et lui communiquer de légers mouvements de latéralité.-s—'Le droit antérieur se dévie légèrement en dedans, pour venir s'attacher à la rotule, qui se trouve, elle aussi, déplacée dans cette direction. — Il est inutile d'ajouter que les mouvements de l'articulation du genou sont tout à fait abolis. — Notons enfin, par suite de la compression exercée sur les veines profondes du membre, un léger œdème au pourtour des malléoles, ainsi que la dilatation variqueuse de quelques veines delà jambe de ce côté.

La marche n'est pas absolument impossible ; le malade peut encore faire quelques pas en s'aidant de fortes béquilles. Dans ces mouvements, il commence par incliner le bassin du côté du membre qui est le siège de la tumeur ; en môme temps, prenant un fort

point d'appui sur le pied gauche et réunissant lous ses efforts, il parvient à projeter le pied droit de quelques centimètres en avant. Ce résultat est atteint par un mouvement de glissement, le soulève-ment du pied étant absolument impossible. La station debout sans béquilles est possible, quoique très-fatigante.

Quinze jours après son entrée, on constatait que la tumeur avait augmenté de volume; en effet, la distance de son bord supérieur à l'arcade de Fallope n'était plus que de 9 centimètres au lieu de 10 (voy. Planche XIII). En même temps, la peau de la partie pos-térieure et externe sur laquelle reposait la tumeur était devenue tellement mince, que l'on pouvait craindre une rupture à ce niveau. — Ces symptômes ne permettaient pas de différer plus longtemps l'amputation de la cuisse, qui était le seul mode de traitement auquel on pût songer. — L'opération fut en conséquence fixée au samedi 2 mars.

Opération. — Amputation circulaire au tiers supérieur, à environ 4 centimètres au-dessous du grand trochanter. — L'opération fut marquée par un incident qui faillit devenir fatal au malade. M. Labbé, après avoir sectionné toutes les parties molles, et fait la ligature de la fémorale, s'apprêtait à scier l'os, lorsque le malade fut pris d'une syncope causée, soit par le chloroforme, soit par la perte de sang qu'il venait de subir. — On dut aussitôt le placer la tête en bas, et pratiquer la respiration artificielle. Ce ne fut qu'au bout de six minutes que toute crainte de danger disparut et que l'opération put être continuée. Toutefois, pendant les mouvements violents que l'on avait dû imprimer au malade, l'os s'était brisé juste à la limite supérieure de la tumeur ; cette section était oblique, et laissait voir un amincissement considérable de la substance com-pacte à ce niveau. L'os fut scié, un peu au-dessus, et bien que la surface de section ne parût pas tout à fait saine, il fut impossible de remonter plus haut. (On se trouvait à quelques centimètres à peine du grand trochanter.) — Le moignon fut alors lavé avec de l'alcool camphré, et on appliqua un pansement ouaté en suivant les règles posées par M. Alphonse Guérin. Nous ferons seulement remarquer que, vu la brièveté du moignon, il fut très-difficile à appliquer, et qu'il fut impossible d'empêcher absolument la pénétration de l'air par les points situés en arrière au voisinage du sillon interfessier.

Soir. — L'état du malade est aussi bon que possible, il ne souffre nulle part. —- P. 84.

3 mars.— Pendant la nuit, il s'est écoulé par la partie postérieure

du bandage une certaine quantité de sérosité sanguinolente ; en con-séquence on ajoute de la ouate, que l'on fixe autour du moignon par quelques tours de bande. — L'état général continue à être bon.— Les jours suivants, on constate que les bourses, ainsi que la fesse, sont le siège d'un très-léger œdème. On attribue cet accident à la pression exercée par l'appareil sur la partie supérieure de la cuisse et le bassin ; en outre, le moignon est devenu un peu douloureux; le malade se plaint de ne pouvoir dormir, et d'être trop serré. Le pouls oscille entre 90 et 108 pulsations. — (T. 38° à 39°,2.)

Dans la soirée, le malade est pris d'un délire violent qui dure jusqu'au lendemain matin. Pendant la nuit, cette agitation devient telle qu'on est obligé de l'attacher. Il fait des efforls pour se lever, se découvre à tout instant. Pouls 128, respiration 42. Langue sèche, peau couverte de sueur. Dans la matinée du 7, l'état du malade s'améliore, mais il reste toujours grave. Pouls 128, respiration 44. L'œdème des bourses et de la fesse a augmenté ; il se plaint de souffrir dans son moignon et dans le bas-ventre. Trai-tement : potion deTodd; 1 gramme de sulfate de quinine.

La journée du 8 fut relativement bonne, tout délire avait cessé, et le pouls était tombé à 116. La dyspnée était moins considérable, et la température n'était plus qu'à 39°,2. D'un autre côté, l'œdème des bourses a de la tendance à diminuer. Malheureusement cette amélioration n'a été que temporaire, et, dès le lendemain, le pouls remontait à 120, la température à 39°,8. En même temps le malade accusait quelques petits frissons erratiques.

10 mars. —Jugeant que peut-être ces symptômes étaient sous la dépendance d'une rétention de pus, on se décide à enlever le pansement. La suppuration n'est pas fort abondante ; le moignon a un bon aspect, une teinte rosée, et se couvre de bourgeons charnus. En revanche, il existe entre les masses musculaires de la face pos-térieure de la cuisse, une fusée purulente considérable, s'étendant par en haut jusqu'à la tubérosité ischiatique. Par la pression on en fait sortir environ 200 grammes d'un pus fétide. On fait des injec-tions d'alcool phéniqué dans cet immense foyer ; on lave le moignon, après quoi on applique un nouveau pansement ouaté, en ayant grand soin de faire de la compression sur le trajet que nous venons de décrire.

11 mars. — L'état du malade est resté le même, il n'est survenu aucune amélioration. Pouls 136; sueurs froides, langue sèche. Dans la nuit du 11 au 12, le délire revient avec son intensité

primitive. On défait de nouveau le pansement le 12, et on le rem-place par des badigeonnages avec du perchlorure de fer à 50°. À dater de ce moment, l'état s'aggrave d'heure en heure. Mort le la dans la soirée.

Autopsie, 30 heures après la mort.—Dans l'interstice des muscles de la région postérieure de la cuisse, existe un vaste cloaque, re-montant jusqu'aux attaches supérieures de ces muscles à la tubé-rosité ischiatique. Au niveau de la section, le fémur est nécrosé dans une étendue de 1 centimètre environ ; la surface de section est recouverte en partie de bourgeons pâles et décolorés dont le point de départ se trouve dans la substance médullaire. Le périoste, à ce niveau, se décolle facilement. L'articulation coxo-fémorale est tout à fait saine.

Poumons emphysémateux ; congestion hypostatique à la base. —-Cœur sain. — Le foie est le siège de plusieurs abcès métaslatiques en voie d'évolution. Ils sont situés à la périphérie de l'organe immé-diatement au-dessous de la capsule de Glisson. Les autres organes n'offrent rien de particulier.

Examen de la tumeur. — On fait une incision longitudinale sur la partie antérieure et médiane de la tumeur. On dissèque alors la peau et le tissu cellulaire sous-cutané. Ces deux couches ne, nous offrent rien de remarquable, si ce n'est les veines volumineuses précédemment décrites. Il n'en est pas de même de la troisième couche constituée par l'aponévrose fémorale et les muscles de la région antérieure de la cuisse (droit antérieur, vaste externe, vaste interne). Tous ces muscles sont complètement recouverts par l'a-ponévrose, qui nous paraît épaissie en certains points, principa-lement au niveau des cloisons intermusculaires. Le vaste interne, considérablement élargi (18 centimètres), mais aussi d'une épais-seur bien au-dessous de l'état normal, s'étale au-dessus de la surface externe de la tumeur sur laquelle il prend de nombreux points d'insertion. Il en est de même pour le vaste externe et le droit antérieur; ce dernier se dévie un peu de l'axe du membre pour venir s'insérer à la rotule, qui se trouve légèrement déjetée en dedans. Le tenseur du fascia lata et le sous-crural se comportent de la même manière et offrent les mêmes caractères; c'est-à-dire qu'ils s'insèrent tous sur la tumeur absolument comme s'il s'agis-sait du fémur. Ces trois couches une fois enlevées, on arrive sur la surface externe. Celle-ci est irrégulière, bosselée, d'un blanc mat, dure en certains points, molle et fluctuante dans quelques autres,

surtout àla partie externe. On sent aussi très-bien avec le doigt des îlots de substance osseuse disséminés çà et là. Ces îlots affectent le plus souvent une forme irrégulière ; quelques-uns sont arrondis et s'enfoncent plus ou moins dans l'épaisseur des parois.

En laissant tomber par mégarde la tumeur sur la table d'am-phithéâtre, on provoque la rupture du kyste volumineux qui se trouvait à la partie externe. Il en sort aussitôt environ trois litres d'un liquide d'une couleur brun chocolat, mêlé à des stries san-guines et à des caillots fibrineux dont quelques-uns atteignent le volume d'une petite noix. C'était en un mot un kyste sanguin.

Poussant plus loin notre examen, nous avons pratiqué une coupe médiane de la tumeur, ou plutôt de la paroi antérieure de cette énorme poche creusée en son milieu, et qui représentait le canal médullaire du fémur de la même manière que les parois de cette même cavité en représentaient la substance compacte.

On mit ainsi à découvert la surface interne de cette énorme poche kystique dont le diamètre transverse n'était pas moins de 0m,22. Cette surface est irrégulière, bosselée comme la surface externe, tapissée en outre de caillots fibrineux, blanchâtres, adhérant fortement à la paroi, surtout vers la partie moyenne. Ces caillots ne forment pas une couche continue, mais sont irréguliè-rement disposés et offrent un aspect qui rappelle celui des colonnes charnues des ventricules cardiaques ; on y voit des aréoles de dif-férentes grandeurs dont les contours font une saillie plus ou moins considérable dans la poche kystique. Quant à la paroi du kyste, nous avons déjà dit que son épaisseur était très-inégale. Fort mince vers la partie médiane et antérieure, où elle mesure à peine quelques millimètres, elle s'épaissit considérablement vers la partie supé-rieure, point où elle se continue avec le fémur non altéré. La même chose existe inférieurement.La partie qui repose sur les condyles du tibia, c'est-à-dire ce qui représenteles condyles fémoraux, atteint même une épaisseur de 0m,05. D'ailleurs, à la coupe le tissu de la paroi paraît blanchâtre, fibreux, dur, et criant sous le scalpel ; sur plusieurs points ce tissu nous paraît ramolli, et semble avoir subi une dégénérescence graisseuse ; il prend alors un aspect gris sale qui tranche nettement sur les parties blanches non altérées.

Si maintenant nous retournons la tumeur de façon à pouvoir l'examiner par sa face postérieure, nous trouvons à noter les parti-cularités suivantes : cette face correspond au creux poplité, qui est considérablement élargi; les muscles qui limitent cet espace (biceps

demi-tendineux, demi-membraneux d'une part, jumeaux d'autre part), ne sont pas étalés comme les muscles de la partie antérieure de la cuisse, mais ont conservé leur forme fasciculée. Quant à leurs insertions, elles sefont sur la surface extérieure delà tumeur qui représente les condyles du fémur. Les rapports des vaisseaux et nerfs qui traversent le creux poplitée ne sont pas changés, ils sont simplement exagérés. C'est ainsi que le nerf sciatique, qui normale-ment recouvre la veine poplitée, en est distant de 1 centimètre et demi vers la partie externe. Le paquet vasculo-nerveux repose donc sur la face postérieure de la tumeur et se trouve protégé contre toute espèce de compression par le relief que forment les muscles du creux poplité. C'est ce qui explique le peu de gène sur-venu durant la vie dans la circulation de la jambe malade.

Voyons maintenant ce qu'est devenue l'articulation du genou au milieu de tous les tissus morbides. La tumeur, qui représente exac-tement le fémur avec ses condyles, repose sur le tibia, qu'elle dépasse en arrière et en avant de plusieurs centimètres. L'extrémité supé-rieure de ce dernier os n'est pas saine; le tissu est raréfié, injecté et se laisse couper avec la plus grande facilité. 11 nous offre en un mot tous les caractères de l'oste'ite. Le cartilage diarthrodial existe encore du côté du tibia, quoique fort altéré ; il a complètement disparu du côté du fémur, et a subi la même dégénérescence sarco-mateuse que l'os lui-même. Les ligaments sont simplement amincis, et paraissent avoir perdu beaucoup de leur force; les ligaments croisés existent encore et vont s'attacher par leur extrémité supé-rieure à la base de la tumeur. La synoviale a disparu. Enfin, disons en terminant que le poids de cette énorme masse, y compris la jambe, était de 17 kilogrammes.

Examen histologique de la tumeur, par M. Coyne , sous la direc-tion de M. Vulpian. — Il n'est fait aucun examen de la tumeur à l'état frais et par raclage. Les parties qu'on a voulu étudier ont été mises à durcir dans l'alcool, sauf pour la partie qui supportait le cartilage articulaire, qu'on a fait macérer dans une solution d'acide picrique.

On examine en premier lieu l'extrémité supérieure de la tumeur qui, sous forme d'un bouchon arrondi, faisait saillie dans la cavité médullaire de la partie sous-trochantérienne du fémur et au niveau de laquelle l'os s'était rompu. Le tissu est ferme à la coupe, compacte. — Aspect blanc laiteux. Les coupes fines traitées par le carmin et l'acide acétique font voir que cette partie de la tumeur est presque

uniquement formée de gros éléments fusiformes très-allongés ayant en longueur de douze à quinze fois leur diamètre et rangés en fais-ceaux volumineux, suivant leur grand axe. Ces éléments sont sépa-rés les uns des autres par des traînées hyalines et qui ne sont pas colorées. Les faisceaux formés par l'accumulation des éléments fu-siformes dans la même direction sont très-volumineux et, en se réu-nissant, circonscrivent de petits nodules dans lesquels on retrouve quelques points de tissu osseux rudimentaire.

Dans des coupes perpendiculaires à la direction des faisceaux, on peut reconnaître que chaque élément fortement coloré est séparé de ses voisins par des espaces de substance hyaline circonscrits par des tractus colorés qui convergent vers les éléments fusiformes; d'où il résulte que chacun de ces corps ressemble à des corpuscules volumineux de tissu conjonctif d'où partiraient de nombreux pro-longements.

Dans le centre de la tumeur, l'apparence est un peu modifiée. D'abord on retrouve le même aspect blanc opaque, mais interrompu par places par des nodules, jaunâtres, transparents, qui, àla coupe, paraissent plus durs que les autres points de la tumeur et formés par un tissu un peu différent. On retrouve les éléments à prolonge-ments multiples, très-clairsemés en certains endroits, accumulés au contraire au pourtour des nodules transparente qu'ils circon-scrivent. — On retrouve dans ces îlots des capsules de cartilage arrondies, contenant clans leur intérieur un noyau très-fortement coloré par le carmin. — Absence complète de substance fondamen-tale; les capsules sont serrées les unes contre les autres. En certains îlots, elles sont grandes, espacées et le processus irritatif est peu marqué; très-peu ont leur noyau en voie de prolifération. Dans d'autres îlots les capsules sont plus petites, accumulées les unes sur les autres. La prolifération est tellement abondante, que quelques capsules contiennent cinq ou six noyaux et même plus.

Vers la périphérie de tous ces nodules cartilagineux, les éléments se sont modifiés dans leur forme. Et, d'arrondis ou d'ovalaires, ils tendent à devenir fusiformes et commencent à présenter une appa-rence de prolongement. Par place, dans certains de ces nodules, commencement de calcification sous la forme de granulations cal-caires se déposant à la périphérie des capsules.

Le cartilage diarthrodial n'a pas échappé à l'altération et, dans des coupes perpendiculaires à sa surface, on peut s'assurer qu'il existe dans le centre de ce cartilage des nodules arrondis ou ova-

laires de tissu fibromateux formés par des éléments fusiformes, mais plus petits que clans le reste de la tumeur. Les capsules de cartilage qui entourent ces nodules sont en voie de prolifération. Certains de ces nodules paraissent complètement isolés au sein du cartilage, tandis que, pour d'autres, on peut s'assurer que le tissu morbide, après avoir détruit la couche calcifiée qui sépare le cartilage de l'épiphyse osseuse, a fait hernie dans l'épaisseur du tissu cartilagi-neux.

En résumé, la tumeur est formée : Io par des éléments fibro-plastiques assez avancés dans leur développement et se rapprochant presque du tissu fibreux ; 2° par du tissu cartilagineux à tous les degrés de développement. Aussi croyons-nous être en droit de la ranger parmi les tumeurs chondro-sarcomaieuses.

Réflexions. — Quelques points de cette observation doivent être mis particulièrement en lumière :

Io Cette tumeur s'est développée lentement, sans douleur ; elle a acquis un volume considérable et amené la disparition complète des deux tiers inférieurs de la hauteur du fémur, sans pour cela altérer d'une façon notable la santé générale du malade, et sans présenter la moindre tendance à la généralisation. Elle n'est devenue grave, que parce qu'elle nécessitait une amputation de la cuisse très-près de la racine du membre. Aussi, au point de vue clinique, devons-nous la ranger parmi les tumeurs relativement bénignes, fait en-tièrement d'accord avec ce que l'observation la plus habituelle nous a permis de constater, lorsque l'élément cartilagineux entrait pour une certaine proportion dans la composition des tumeurs.

2° Avant l'opération, j'ai fait remarquer aux élèves du service que, en raison du point très-élevé où l'amputation devait être faite, et vu la présence d'une circulation veineuse superficielle très-développée et devant probablement donner lieu à une perte de sang rapide et abondante, il serait sage, aussitôt après la section des parties molles, de pratiquer la ligature de Vartère fémorale avant de terminer l'opération.

L'événement a justifié l'opportunité de celte manière défaire; le malade ayant été pris d'une syncope, que l'on pouvait attribuer à l'ac-tion du chloroforme et peut-être aussi à la perte considérable du sang veineux, des manœuvres actives ont dû être faites pour rappeler le malade à la vie; à ce moment la compression de la fémorale n'eût pu être continuée efficacement, et le malade eût succombé rapidement à l'hémorrhagie artérielle.

5° Le pansement ouate' de M. Alphonse Guérin, qui m'a donné les résultats les plus favorables, n'a pas été suivi de succès dans ce cas ; mais il faut remarquer que la brièveté extrême du moignon, jointe à la grande étendue de la surface de section, en rendait l'application très-difficile, et, malgré l'insuccès final, le bien-être dans lequel le malade s'est trouvé pendant plusieurs jours, l'aspect que la plaie a présenté, plaident encore en faveur de ce remarquable mode de pansement des amputés.

TUBERCULES GÉNÉRALISÉS DES ORGANES GÉNITO-URINAIRES

PAU P. RECLUS, interne des HÔriTAUX de paris

Si chaque jour des observations nouvelles viennent démontrer combien était inexacte l'opinion chère à Velpeau qui, dans la plu-part des cas, faisait de la tuberculisalion du testicule une affection purement locale ; si maintenant l'opinion est unanime pour consi-dérer cette tuberculisalion comme une des manifestations nom-breuses de la diathôse, on est peut-être encore trop porté à décrire une marche spéciale, et toujours la même, à l'infiltration tubercu-leuse du testicule ; et au lieu d'affirmer que dans cette glande il en est du tubercule comme dans les autres organes ; que, comme le poumon, elle peut être parfois envahie tout entière et d'une seule poussée, les auteurs classiques se bornent presque toujours à nous montrer la glande atteinte d'abord dans la tête de rôpididyme, bien plus rarement dans la queue, en formant des bosselures et des saillies irrégulières de consistances très-différentes; puis, tandis que ces parties se ramollissent et s'abcôdent, que les bourses de-viennent adhérentes et s'ulcèrent, que des fistules s'établissent, le corps du testicule se prend lui-même pour se ramollir et s'abcôder à son tour. — Aussi certains auteurs ont-ils pu, l'esprit trop préoc-cupé de ce tableau clinique, englober avec d'autres tumeurs, et sous le nom d'orchite chronique, par exemple, des testicules durs, volumineux, sans bosselures, partout également résistants, et cepen-dant dûment tuberculeux, mais infiltrés de granulations partout du même âge et dans toute leur épaisseur. C'est à ce point de vue que l'observation suivante, recueillie à l'hôpital Saint-Antoine, dans le service de M. Féréol, présente un très-grand intérêt. Mais ici, à vrai dire, le diagnostic de la tumeur était singulièrement éclairé par

les symptômes de cavernes pulmonaires et d'une méningite conco-mitante. Voici cette observation^:

Le 24 février, entrait à la salle Saint-Louis, nn 18, le nommé Neuv..., Etienne, journalier, âgé de 45 ans. Nous ne pûmes par lui obtenir aucun renseignement : en proie au délire, il s'agitait dans son lit, poussait des gémissements et prononçait des mots sans suite. En le découvrant pour examiner l'adomen, on constata une double tumeur tesliculaire. Les deux glandes, de grosseur presque égale, étaient aussi volumineuses qu'un œuf de dnide. Ces tumeurs étaient lourdes, dures, résistantes, sans mamelons ou bosselures, sans points ramollis; la peau glissait facilement sur le testicule, dont l'épididyme et le corps semblaient se confondre et ne pou-vaient être distingués l'un de l'autre. Le scrotum distendu par la seule glande, car il n'existait pas d'hydrocèle, était partout d'ap-parence normale, si ce n'est qu'il présentait, en un point peu étendu, une coloration plus rouge, mais il n'y avait pas d'adhé-rence à ce niveau et, je le répète, la tunique glissait facile-ment sur la tumeur. —Le cordon paraissait sain, les ganglions voisins n'étaient pas engorgés. Le toucher rectal ne fut point pra-tiqué pour reconnaître l'état de la prostate.

Rapprochant des tumeurs du testicule les symptômes encépha-liques, M. Féréol diagnostiqua une méningite tuberculeuse. Les renseignements fournis par les parents ne firent que le confirmer dans cette opinion. Ils nous apprirent que, dix jours auparavant, le malade vaquait à ses occupations, lorsque tout à coup il fut saisi de violents maux de tête, de nausées ; la fièvre s'alluma, le délire survint, délire doux, peu bruyant. C'est alors qu'il fut amené dans nos salles. Il y resta vingt heures à peine, car il tomba promple-ment dans le coma et mourut le lendemain de son entrée.

Les renseignements fournis à la sœur de service sont très-incom-plets, et nous n'avons rien appris sur le mode de développement de la tumeur du testicule.

L'antopsie nous a permis de constater les lésions suivantes : Dans h cavité crânienne, léger épanchement, granulations tuber-culeuses sur les méninges, abondantes surtout au niveau de la protubérance et de la scissure de Sylvius.

Dans les poumons, cavernes aux deux sommets, masses tubercu-leuses plus ou moins ramollies dans toute l'épaisseur de l'organe. Dans la cavité abdominale, péritonite tuberculeuse; le mésentère

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TUBERCULES DES ORGANES GÉNITAUX

est recouvert d'un sablé de granulations grises; les ganglions mé-sentériques sont infiltrés.

Les organes génito-urinaires sont représentés dans la planche XIV; sur cette planche qui nous offre en diamètre le tiers des pièces elles-mêmes, on peut voir la face postérieure de la prostate et des vésicules séminales, la face postérieure de la vessie, les canaux dé-férents, le testicule droit ouvert par une section antéro-postérieure intéressant le corps de la glande et l'épididyme, enfin le testicule gauche. Voici ce que nous avons constaté :

Le testicule droit est très-volumineux : son diamètre longitudinal est de 85 millimètres au lieu de 50, chiffre moyen donné par les analomistes; son diamètre vertical de 70 millimètres au lieu de 30. Sa circonférence, prise en différents points, varie de 19 à 25 cen-timètres. Dépouillé de ses enveloppes, il est dur, résistant, comme nous l'avions constaté pendant la vie, lisse, sans bosselures, sans points ramollis. Sur une coupe antéro-postérieure, la glande pré-sente en tous les points une coloration uniforme, et paraît com-plètement envahie par une substance jaunâtre. Cependant on dis-tingue des traclus blancs, convergents vers le corps d'IIighmore et dus à l'hypertrophie des cloisons lobulaires. Quoique dure et ré-sistante, la glande se déchire assez facilement, et, sur la surface ainsi dilacérée, on distingue très-bien les tubes séminifères enroulés et augmentés de volutre. La coupe antéro-postérieure, prolongée dans l'épididyme, permet de reconnaître des altérations plus avan-cées que ne le dévoilait le toucher extérieur : au niveau de la tête et de la queue, un point caséeux, ramolli et presque diffluent, de la grosseur d'un pois environ. A l'examen microscopique pratiqué par MM. Coyne et Hayem, on trouve les tubes séminifères dilatés; ils sont remplis d'une matière granuleuse dans laquelle il est impos-sible de reconnaître des éléments figurés. Les parois tubulaires épaissies offrent en grand nombre des noyaux allongés. Entre les tubes séparés par une étendue de tissu plus considérable qu'à l'état normal, on rencontre du tissu conjonctif en voie de prolifé-ration et représenté par une accumulation de noyaux. En certains points, les altérations ont déjà passé à l'état de régression granulo-graisseuse. Enfin, parfois les tubes séminifères atrophiés ont tota-lement disparu.

Le testicule gauche est un peu moins volumineux : son diamètre longitudinal est de 80 millimètres, le vertical est de 60 millimètres. Quant à sa circonférence, elle est de 16 centimètres 1/2 environ.

La glande, du reste, n'est pas aussi uniformément altérée ; autour du tractus des cloisons lobulaires hypertrophiées on trouve, sur-tout en arrière, des tubes séminifères avec leur coloration normale, et en avant la substance envahie se présente, à la coupe, sous l'as-pect de petits noyaux, irrégulièrement sphériques, de la grosseur d'un grain de chenevis et circonscrits par des tubes séminifères rougeâtres. Les vaisseaux du corps d'Highmore, invisibles sur le testicule droit, se dessinent dans le gauche d'une manière très-nette et donnent du sang à la coupe. La tête de l'épididyme offre un point diffluent, la queue est infiltrée et jaunâtre. Au microscope, rien de spécial, si ce n'est que les altérations des points envahi paraissent plus profondes.

Les canaux déférents sont normaux. — Les vésicules séminales, volumineuses, épaissies, adhérentes, font corps avec la prostate. Un abcès les fait communiquer entre elles.

La prostate présente un diamètre transversal de 65 millimètres au lieu de 40, chiffre moyen donné par Cruveilhier. Uniformément hy-pertrophiée, sa surface de section permet de constater une colora-tion complètement analogue à celle des testicules. L'examen micro-scopique n'a pas été fait, mais de la ressemblance d'aspect on peut conclure, ce me semble, à la ressemblance d'altération.

Telle est cette altération qui, quoique assez rare, n'en a pas moins été très-bien observée, et dans la seule thèse de Dufour nous en trouvons deux beaux exemples. Dans l'un « le testicule ne forme qu'une masse homogène, ovoïde, avec l'épididyme, sans limite de séparation, excepté à la coupe par une ligne celluleuse...; les élé-ments normaux de la glande ont tout à fait disparu et ont été rem-placés par une masse compacte de tubercules crus. On dirait, à la coupe, un de ses ganglions, semblable à une châtaigne ouverte, qui ont été complètement envahis par la tuberculisation; la tumeur a le volume d'un gros œuf de poule. » Sur le vivant, M. Ricord diagnostiqua une orchite chronique. Cette erreur a dû être commise bien souvent, et Curling n'y a point échappé. La matière jaune, ho-mogène, qui distend les tubes séminifères et qui, d'après lui, est la caractéristique de l'orchite, paraît n'être que du tubercule.

Cependant il est peut-être possible de s'entendre; et si à la déno-mination d'orchite chronique on ajoutait tuberculeuse, peut-être serait-on dans le vrai. Notre observation n'en serait-elle pas un exemple et ne pourrait-on pas l'interpréter ainsi ? Des granulations

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PSEUDARTH ROSE DE LA JAMBE

grises se développent dans le testicule; elles y agissent comme épine, les éléments voisins s'irritent et prolifèrent: de là l'hyper-trophie des cloisons lobulaires, l'épaississement de la paroi des tubes sperroatiques et leur dilatation, altérations qui toutes ont pour conséquence de donner à la glande un volume considérable. Puis ces éléments s'étouffent, leur nutrition ne se faisant plus, et la dégé-nérescence granulo-graisseuse ne tarde pas à survenir. De là cette coloration jaunâtre des tissus envahis; le processus serait bien celui de l'orchite chronique, mais avec des tubercules comme point de départ.!

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

PSEUDARTHROSE DE LA JAMBE

par gombault, interne des hôpitaux de paris

Observation. — G..., âgée de 81 ans, est morte dans le courant du mois de mars 1872, à la Salpêtrière (service de M. Ciiarcot) à la suite d'une affection thoracique. — Elle portait à la jambe droite une fracture non consolidée, datant de l'âge de 14 ans. Il n'y eut, au moment de l'accident, ni issue des fragments, ni plaie au niveau du foyer de la fracture, mais il survint un gonflement énorme et, l'indocilité de la malade aidant, toutes les tentatives de contention échouèrent. Depuis cette époque, elle marchait sur le genou à l'aide d'une béquille.

Soixante-sept ans plus tard, nous la trouvons dans l'état suivant: le membre inférieur gauche et la cuisse droite ayant acquis un dé-veloppement normal, la jambe de ce côté contraste avec eux par son petit volume. Vers sa partie moyenne, au niveau du point frac-turé, les fragments sont soudés à angle très-aigu, et le sommet de cet angle, dirigé en avant, vient faire saillie immédiatement sous la peau, à laquelle il adhère dans une certaine étendue. La fausse articulation ainsi constituée ne possède que des mouvements fort restreints.

Le pied, constamment fléchi sur la jambe, ayant subi un mou-vement de torsion sur son axe qui relève son bord interne à la ma-nière du pied-bot varus, est presque parallèle au fragment supé-rieur. L'extrémité inférieure du tibia a subi une sorte de torsion

qui porte la malléole interne en arrière ; la saillie du calcanéum est presque entièrement effacée.

Voici maintenant ce que la dissection de la pièce a permis de constater : la peau n'est adhérente nulle part, excepté au niveau du fragment supérieur du péroné et dans une très-faible étendue au fragment inférieur du tibia. Le derme est à ce niveau très-notable-ment aminci.

État des muscles. — Tous les muscles de la jambe présentent une coloration jaune très-prononcée ; à côté de faisceaux ayant encore conservé l'apparence de fibres musculaires, on en trouve un grand nombre qui ne sont plus représentées que par de longues traînées jaunâtres. Tous ces muscles ont en même temps subi une diminu-tion considérable de leur volume.

Ceux de la région antérieure occupent leur position normale, au-dessus de la fracture, mais arrivés à son niveau, il se dévient en dedans, traversent obliquement la crête et la face interne de l'os pour reprendre au niveau du cou-de-pied leur situation normale jusqu'à leurs points d'insertion habituels. Le jambier antérieur tendu par le fait de cette réflexion concourt manifestement à relever le bord interne du pied.

A la région postérieure, les muscles, parvenus à la base de l'angle formé par les deux fragments, viennent se réfléchir sur une sorte d'anse aponévrotique, et vont gagner ensuite les coulisses tendi-neuses du cou-de-pied. Lespéroniers latéraux décrivent la même courbe que les muscles postérieurs mais leurs fibres s'insèrent aux deux bords et au sommet de l'angle formé par les deux fragments du péroné.

Les vaisseaux et les nerfs principaux ne semblent avoir subi aucune altération. L'artère tibiale antérieure et le nerf du même nom ont conservé leur volume normal ; ils suivent le même trajet que les muscles et se dévient avec eux.

Il en est de même pour les vaisseaux et nerfs postérieurs ; ils se réfléchissent à la base de l'anse, échappant ainsi à toute com-pression.

État des os. — La fracture ne siège pas au même point sur les deux os : elle est située plus haut sur le tibia que sur le péroné.

Tibia. — Le fragment inférieur est long d'environ 10 centi-mètres. Le périoste qui le recouvre est épais et s'en détache avec facilité. Il est constitué par une épaisse masse de tissu spongieux recouvert d'une mince lamelle compacte. Son tissu, composé

de larges aréoles remplies d'une graisse jaune, s'écrase facilement entre les doigts et laisse suinter une grande quantité de liquide huileux. Le fragment supérieur tout en présentant une solidité plus grande est cependant profondément altéré. Il consiste essentielle-ment en un cylindre mince bien qu'assez résistant de tissu compacte circonscrivant un large canal central rempli de moelle jaune. L'os a pris une forme arrondie par suite de la disparition de toutes les saillies normales, la crête du tilia fait complètement défaut et les différentes faces de l'os ne sont plus distinctes l'une de l'autre. Le périoste à la surface de ce fragment est mince et très-adhérent. Ces deux fragments se mettent en rapport par deux surfaces obliques taillées toutes les deux aux dépens de leur face postérieure, et cette juxtaposition se fait dans une étendue d'environ quatre centi-mètres. Leur union est assurée par deux ordres de moyens.

Io Une sorte de capsule très-forte, surtout en arrière, et due à un épaississement dupérioste, englóbeles deux extrémités sur lesquelles elle se continue jusqu'à une certaine distance de la fracture en di-minuant graduellement d'épaisseur. Elle manque à l'extrémité an-térieure de l'angle osseux et ne forme nulle part de ligament distinct.

2° Les surfaces de section sont réunies par de nombreux trous-seaux de fibres très-courtes allant directement de l'une à l'autre. Après la section de ces fibres, les surfaces fracturées présentent un aspect tomenteux et velouté ; nulle part on ne trouve de surface lisse recouverte d'un enduit cartilagineux. L'examen microscopique, fait au moyen de coupes comprenant l'os et le tissu fibreux qui le re-couvre, n'a démontré nulle part l'existence de cellules de cartilage. Le fragment supérieur du péroné est de beaucoup le plus volumi-neux et se termine par une extrémité arrondie, immédiatement située sous la peau. L'inférieur présente en haut deux ou trois minces aiguilles osseuses reliées au foyer de la fracture par autant de faisceaux fibreux assez longs. La malléole externe, extrêmement grêle, est formée comme l'interne d'un tissu aréolaire s'écrasant sous le doigt rempli de suc huileux.

L'articulation tibio-tarsienne est modifiée dans sa forme ; la mal-léole interne est portée en arrière immédiatement au-dessus de la saillie calcanéenne qui, du reste, est peu volumineuse. La poulie astragalienne, beaucoup plus petite qu'à l'état normal, a son cartilage érodé dans certains points, et en rapport avec la flexion perma-nente du pied sur la jambe; les deux facettes articulaires antérieures s'avancent très-loin sur le col.

Tous les os du tarse, et, en particulier, le calcanéum et l'astragale, ont subi un arrêt de développement très-prononcé en même temps que leur tissu est d'une friabilité excessive. Déjà, au niveau de la rangée antérieure, ces caractères commencent à s'atténuer. Les métatarsiens et les orteils, par leur volume et leur consistance se rapprochent beaucoup de l'état normal. Il convient d'ajouter qu'au même niveau les muscles delà région plantaire présentent à peine cet état graisseux si prononcé dans ceux de la jambe.

GRIFFE CONSÉCUTIVE A UNE LÉSION TRAUMATICHE DU NERF

CUBITAL

par h. duret, interne des hopitaux de paris

M. Duchenne (de B.), m'ayant appris qu'il avait démontré par l'exploration électrique l'atrophie de la portion interne du court fléchisseur du pouce, dans les lésions du nerf cubital, j'ai recherché si je pourrais constater le faitanatomiquement, sur la griffe cubitale de la femme Mah... que nous avons étudiée dans le numéro de mars (page 71).

J'ai, en effet, trouvé le faisceau interne du court fléchisseur du pouce complètement graisseux, tandis que la portion qui va à l'os sésamoïde externe était normale. Malgré la difficulté de préciser les limites de muscles graisseux, j'ai acquis la certitude de l'a-trophie du faisceau interne du court fléchisseur, parce que, si, inférieurement à Los sésamoïde interne, le tendon de cette portion du court fléchisseur était confondu avec celui du court adducteur, supérieurement, son insertion avait lieu plus en haut et plus en avant, au bord inférieur du ligament annulaire et à la partie la plus supérieure du grand os; enfin, la direction générale de ce faisceau graisseux différait de la direction des fibres voisines du court ad-ducteur, dont il était, du reste, séparé, sans aucun artifice du scal-pel, par un espace linéaire. Ce fait démontre que la portion interne du court fléchisseur du pouce reçoit, comme le court adducteur* un filet du nerf cubital.

REVUE ANALYTIQUE

THÉRAPEUTIQUE

I. DU traitement du tremblement mercuriel par les bains élec-triques. — Le tremblement est une des manifestations les plus fréquentes de l'intoxication mercurielle. Sans présenter aucune gravité pour la vie du malade, ce tremblement est un accident fâ-cheux pour l'ouvrier qui est obligé de gagner sa vie chaque jour par son travail. La marche de la maladie est lente; de plus, elle récidive fréquemment si les individus s'exposent de nouveau aux mêmes influences.

Le traitement employé contre le tremblement mercuriel consiste dans les sudorifiques, les toniques, les antispasmodiques, les bains de vapeur, les bains alcalins, les bains sulfureux ; l'opium aussi a été préconisé, mais sans avoir produit de résultats véritablement satisfaisants. Dans ces dernières années, on a eu recours à diffé-rents agents non encore employés : nous voulons parler des bains électriques, de l'hyoscyamine et de la daturine. C'est de ces médi-cations dont nous voulons nous occuper, en utilisant les renseigne-ments que nous trouvons dans des travaux récents dus à MM. Cha-pot1, Oulmont*, Laurent3 et Gairal*.

Avant le travail de M. Chapot, on n'avait encore, croyons-nous, publié aucune observation de tremblement mercuriel traité par les bains électriques. M. Lallier ayant fait installer à l'hôpital Saint-Louis un appareil spécial, inventé par M. Potin, tenta de traiter par l'électricité les tremblements mercuriels, et il obtint de très-bons résultats. — M. Paul voulut à son tour savoir quelle était la valeur thérapeutique de ces bains dans le tremblement. Les observations que nous allons donner, d'après M. le Dr Chapot, démontrent que l'on ne pouvait désirer mieux des bains électriques dans le traite» ment de cette maladie. Mais disons d'abord rapidement en quoi consiste l'appareil pour bain électrique.

1 Chapot-Duvert, de Quelques applications de l'électricité à la thérapeutique. Paris, 1870. Adr. Delaliaye, libraire-éditeur.

* Oulmont el Laurent, Recherches sur les alcaloïdes du datura et de la jus-quiame. [Archives de physiologie, 1869.)

3 Laurent, de l'Hyoscyamine et de la daturine. Paris, 1870- Adr. Delahaye* libraire-éditeur.

4 Gairal, du Tremblement mercuriel. Thèse dé Paris; 1872;

Cet appareil se compose des éléments suivants : 1° un couple de Bunsen, moyen modèle; — 2° une bobine, à gros fil unique, munie d'un régulateur de cuivre qui augmente ou diminue la force de l'appareil en couvrant ou découvrant une portion plus ou moins grande du fer central de la bobine, lequel sert à interrompre le courant au moyen d'un trembleur. À chaque interruption, l'extra-courant se répand dans l'eau. Le pôle positif, constitué par un gros charbon, correspond aux pieds, et le pôle négatif, constitué lui, par une plaque de zinc, correspond à l'extrémité céphalique. Tels sont les principes de l'appareil ; voyons maintenant les observations :

Observation I. — Tremblement mercuriel. — Traitement par les bains électriques. — Amélioration rapide. — Guérison complète après 20 bains. ¦— El..., 26 ans, miroitier, est entré à l'hôpital Saint-Louis, service de M. Paul, le 12 janvier 1870.

Antécédents. Cet homme, d'une constitution robuste, sans maladie anté-rieure, est à Paris depuis cinq ans seulement. Jusqu'à vingt ans, il s'est livré aux travaux des champs, et ce n'est qu'en arrivant à Paris qu'il a commencé son métier d'étameur de glaces; au bout de quelques mois, il fut pris d'une stomatite qui dura trois semaines. Il reprit son métier, et n'eut aucun accident pendant deux ans. Alors, de nouveau, il eut une stomatite assez intense, qui disparut après un mois de Iraitement. — Pas d'alcoolisme, pas de syphilis. — Vers la fin de décembre, il commença à éprouver une grande faiblesse dans les membres; cet état persista pen-dant huit jours, puis le tremblement survint. La main droite trembla deux ou trois jours plus tôt que la main gauche. — Le tremblement a toujours été en augmentant.

État actuel. Le malade peut bien saisir un objet, mais il éprouve beau-coup de difficulté pour le déposer, et ce n'est qu'après avoir fait exécuter plusieurs oscillations à sa main qu'il y parvient. Sa main droite tremble tellement, qu'il est impossible au malade de s'en servir pour manger; il ne peut porter sa fourchette à sa bouche. Les jambes sont agitées d'un tremblement considérable; le malade ne peut plus marcher du tout. Il ressent des fourmillements très-incommodes dans les avant-bras et les mollets.— La sensibilité est intacte aux membres supérieurs et intérieurs; la contractilité musculaire s'exerce bien aux avant-bras. De même aux membres inférieurs.

Traitement. Le 14 janvier, El... prend un bain électrique pour la pre-mière fois. Il reste dans le bain vingt minutes. Tous les jours il prend un bain.—Après 7 bains, le malade marche beaucoup mieux; le tremblement a beaucoup diminué dans les bras. 11 se sert de sa main droite pour manger. — Après 12 bains, l'amélioration est encore plus sensible. Le malade mar-che d'un pas assuré ; il court facilement, tandis qu'il ne pouvait se tenir debout lorsqu'il est entré à l'hôpital. — Après 20 bains électriques, El...

demande à quitter l'hôpital ; il est parfaitement guéri ; le tremblement a complètement disparu.

Voilà certainement une guérison rapide, un résultat excellent. Toutefois l'on pourrait dire que la maladie était peu ancienne, peu invétérée, sans grandes racines dans l'organisme, et que tout autre traitement en serait venu facilement à bout. A ces objections nous répondrons .par l'observation suivante :

Observation II. — Tremblement mercuriel remontant à environ un an. — Traitement par les bains de vapeur et les bains sulfureux. — Résultats nids.

— Emploi des bains électriques. — Guérison complète en moins de deux mois. — Lib... Théodore, miroitier, entre à l'hôpital Saint-Louis, salle Napoléon, n° 14, le 14 avril 1870. Il est âgé de 25 ans.

Antécédents. Jusqu'à l'âge de 8 ans, il a habité le Havre, où il travaillait sur le port. Il y a sept ans, il est venu à Paris pour apprendre l'état de mi-roitier. — Pour la première fois, en mars 1869, il commença à éprouver les effets de l'intoxication mercurielle. 11 s'aperçut d'abord que ses bras et ses jambes perdaient de leur force; puis ses bras commencèrent à trem-bler, et le tremblement arriva bientôt à un tel degré qu'il ne pouvait presque plus se servir de ses mains. Ses jambes n'étaient atteintes que d'un tremblement léger. Les gencives étaient gonflées; les dents vacillantes.

— Il resta à l'hôpital pendant trente jours ; on lui fit prendre des bains sulfureux et des bains de vapeur; il sortit sans être guéri. — Il voulut re-prendre son travail, mais le tremblement devint bientôt tellement violent, que le malade dut suspendre ses occupations. La parole devint traînante et embarrassée. — Il entra alors à l'hôpital Saint-Antoine, dans le service de M. Guyot, qui lui prescrivit des bains sulfureux. Il y resta pendant tout le mois de février, et prit 25 bains sulfureux. — Cependant son état ne s'améliorait pas; il rentra chez lui, mais revint bientôt à l'hôpital Saint-Louis, dans le service de M. Bazin, qui lui fit prendre des bains sul-fureux. Après dix-huit jours de traitement sans amélioration aucune, M. Bazin l'adressa à M. Paul.

État actuel. C'est un homme d'apparence chétive ; il est maigre, le teint pâle et décoloré. Sa parole est embarrassée, il parle en traînant. Les gen-cives sont décolorées. — Rien d'anormal dans la sensibilité, ni dans la contraclilité des muscles. — Les membres supérieurs sont agités d'un violent tremblement; le malade ne prend que difficilement son verre pour le porter à sa bouche. Ses jambes tremblent également beaucoup, il y éprouve parfois des douleurs assez fortes. — Il ne peut marcher ni se tenir debout.

Le traitement consiste dans l'emploi des bains électriques :

15 avril. Le malade est envoyé pour la première fois au bain électrique ;

il y reste 20 minutes. — Tous les deux jours il prend un bain de même

durée.

28 avril. Il a pris 5 bains ; le tremblement a un peu diminué dans les membres supérieurs ; les jambes tremblent toujours beaucoup.

15 mai. Les mains ne tremblent presque plus après 13 bains ; l'amélio-ration des jambes est moins sensible.

\0 juin. Le malade marche maintenant d'un pas assuré; ses mains ne tremblent plus. Il a pris 26 bains; il quitte l'hôpital.

Nous citerons encore les trois observations suivantes, qui vien-nent corroborer ce que nous venons de dire touchant l'efficacité des bains électriques dans le traitement du tremblement mercuriel.

Observation III. — Tremblement mercuriel. — Traitement par les cou-rants continus. — Résultats nuls. — Bains électriques. — Amélioration rapide. — Guérison après 23 bains. — Jacq..., miroitier, âgé de 29 ans, est entré à l'hôpital Saint-Louis, salle Napoléon, dans le service de M. Paul, le 18 janvier 1870.

Antécédents. D'une santé habituelle excellente, Jacq... vint à Paris, comme étameur, en 1859. Pendant dix ans, il n'a éprouvé aucun effet fâcheux du mercure, qu'il maniait pourtant journellement. C'est vers le 20 décembre 1869 que les premières atteintes du mal se firent sentir. Il commença à s'apercevoir, à cette époque, que ses bras étaient moins sûrs et moins forts que de coutume. Il ne s'inquiéta pas davantage de son état, et continua à travailler. Mais au bout de cinq ou six jours, ce vacillement qu'il ressentait d'abord se changea en un tremblement qui devint bientôt lui-même très-intense, à tel point que le malade ne pouvait plus se servir de ses mains pour manger ; il ne pouvait rien approcher de sa bouche. Cependant il n'avait encore rien ressenti dans les jambes ; il allait et venait comme d'habitude. Mais le 17 janvier, lorsqu'il voulut se lever, ses jambes refusèrent de le porter et il tomba par terre. Il n'avait rien éprouvé d'anormal ; ses jambes étaient agitées d'un tremblement très-violent que le repos ne parvenait même pas à calmer.

Traitement. C'est dans cet état que le malade se présenta à l'hôpital. M. Paul le soumit d'abord à l'influence des courants continus. Mais au bout d'une douzaine de séances, voyant l'inutilité de ce traitement, M. Paul envoya le malade aux bains électriques, tous les jours, et 20 minutes chaque fois. Après 8 bains, un mieux sensible s'était opéré dans l'état du malade, le tremblement avait beaucoup diminué, et après 23 bains, le ma-lade sortait, le 5 mars 1870, parfaitement guéri.

On voit que, dans le traitement par les bains électriques, une amélioration sensible ne tarde pas à s'opérer, et que la guérison est complète après 20 ou 25 bains. Les observations précédentes le prouvent ; il en est de même de la suivante : si le résultat n'a pas été parfait, il faut s'en prendre, non à la médication elle-même, mais à des circonstances particulières qui n'ont pas permis de l'em-ployer pendant un temps suffisant.

Observation IV. — Tremblement mercuriel remontant à deux mois envi-ron. — Bains électriques. — Amélioration sensible après 16 bains. —-Long..., 28 ans, est entré à l'hôpital Saint-Louis, salle Napoléon, service de M. Paul, le 19 février 1870. Cet homme est étameur en glaces depuis quatre ans ; quoique soumis journellement aux influences délétères du mercure, sa santé ne s'était altérée en rien, lorsqu'il y a deux mois envi-ron, il s'aperçut que ses mains étaient agitées d'un léger tremblement. Néanmoins il continua son travail, mais aussi il vit le tremblement aug-menter assez rapidement, et bientôt il devint si intense, que le malade ne put plus travailler et entra à l'hôpital.

État actuel. Le tremblement des mains, en effet, est très-intense, à tel point que le malade est obligé de se servir de ses deux mains pour porter son verre à sa bouche ; les jambes ont été épargnées, et c'est à peine si on y aperçoit un léger tremblement, qui cependant est évident; sa démarche est assez assurée. Depuis quinze jours les gencives saignent assez facile-ment; elles sont, en effet, épaisses, enflammées. Les dents sont déchaus-sées, le ptyalisme est abondant.

Traitement. Le malade est soumis à l'influence des bains électriques. Après 16 bains son état s'est sensiblement amélioré. Mais il ne peut termi-ner son traitement ; la santé de sa femme le réclame chez lui, et il quitte l'hôpital non parfaitement guéri, mais avec un mieux sensible dans son état.

Nous terminerons par l'observation suivante que nous emprun-tons, comme les précédentes, à l'excellent travail de M. le docteur Chapot.

Observation V. — Tremblement mercuriel. — Traitement par les bains électriques. — Guêrison après 30 bains. — Réapparition du tremblement. — Même traitement. — Amélioration rapide. — Marie March..., 45 ans, ouvrière en peaux de lapins, entre à l'hôpital Saint-Louis, à la fin de décem-bre 1869. Elle est d'une bonne santé habituelle ; employant tous les jours le nitrate acide de mercure depuis trente-cinq ans, elle avait toujours résisté à l'influence délétère des émanations mercurielles. Mais, le 14 novembre 1869, elle fut prise d'un étourdissement et se laissa tomber par terre. Revenue à elle, au bout de quelques instants, il lui fut impossible de se tenir de-bout; ses bras, ses jambes étaient agités d'un tremblement violent. Pen-dant un mois elle se reposa chez elle, mais voyant que son état ne s'amé-liorait pas, elle entra à l'hôpital.

Ses mains alors étaient agitées d'un tremblement considérable qui rendait la préhension des objets difficile et même impossible. Ses jambes tremblaient également beaucoup, la malade ne pouvait marcher ni se tenir debout. On prescrivit immédiatement les bains électriques. Après 30 bains, la malade quittait l'hôpital parfaitement guérie ; tout tremblement avait disparu.

Quelques jours après sa sortie, elle reprit son métier d'apprêteuse de

peaux de lapins; mais à peine avait-elle travaillé quelques jours, quelle fut reprise de tremblement. Les bras et les jambes tremblaient autant que la première fois. Elle rentra immédiatement dans le service de M. Paul, qui l'envoya aux bains électriques. Le 20 juin l, la malade a pris 14 bains; le tremblement a presque complètement disparu ; encore quelques bains, et la malade sera parfaitement guérie.

Nous ne savons pas si cette médication, qui a donné de si beaux résultats entre les mains de M. Constantin Paul, est toujours en vi-gueur à l'hôpital Saint-Louis ; elle n'est peut-être pas d'une appli-cation très-facile dans la clientèle privée ; toutefois elle doit être conservée comme pouvant rendre des services éminents dans la pra-tique hospitalière. (A suivre.)

PATHOLOGIE COMPARÉE

Des maladies de la rate chez les animaux. — Les affections de la rate sont fréquentes chez les animaux. Cet organe, dont le rôle physiologique est assez énigmatique malgré de nombreuses recher-ches expérimentales, est, le plus souvent, le siège d'altérations es-sentielles dans un grand nombre de maladies générales, princi-palement, comme nous le verrons, dans celles qui dérivent d'une modification primordiale des qualités du fluide sanguin, ou bien, et ce sont là les cas les plus rares, il est malade primitivement et ce n'est qu'ensuite que se traduit, par l'état général du sujet, l'atteinte portée par la maladie à l'intégrité de son fonctionnement.

Quelques mots sur le rôle physiologique de la rate, ou du moins sur ce qui en est connu chez les animaux, et sur la pathologie gé-nérale de cet organe, permettront de mieux comprendre les varia-tions rencontrées dans les lésions, dans les maladies, suivant les espèces que l'on envisage.

En prenant en considération la structure de l'organe, ses rapports établis par des vaisseaux volumineux, avec l'estomac et le foie, on voit qu'il faut le considérer comme un diverticulum du système de la veine porte. Quelques mots feront mieux comprendre notre pensée.

On rencontre la rate chez tous les vertébrés ; mais sa forme, son volume, sa consistance, ses connexions varient beaucoup. Chez le

1 C'est vers cette époque que parut le travail de M. Chapot; voilà pourquoi l'observai ion n'est pas tout à fait complète.

cheval, par exemple, on (rouve fréquemment des rates accessoires ayant leurs vaisseaux et leurs nerfs particuliers.

La rate peut subir des variations considérables dans ses dimen-sions. Ainsi, après des courses rapides, chez des chevaux, elle peut tripler de volume. La nature de son tissu, l'étude de sa circulation amène facilement à l'explication de ce fait; ce phénomène se pro-duit, dans cette circonstance particulière, par suite de la difficulté du retour du sang veineux. Dans les cas pathologiques comme dans le sang de rate des animaux ruminants, il en est très-souvent ainsi. C'est même en se fondant sur ces faits qu'un professeur d'Alfort, M. Goubaux, après une série d'expériences très-consciencieuses, a cru pouvoir dire (Société de biologie, 24 juillet 1852), que pendant la digestion les liquides de l'estomac étaient transportés dans la rate et augmentaient ainsi son volume ; mais comme le fait remar-quer M. Colin dans sa Physiologie, ces expériences ne prouvent rien; en effet, l'estomac du cheval absorbe très-peu, et lorsqu'on ouvre l'abdomen d'un animal vivant, la rate comme l'estomac, comme le foie, et mieux qu'eux encore en raison de sa vascularité, se congestionne très-vite; du reste, chez les ruminants, aucune branche de l'estomac ne va se rendre dans la veine splénique.

Il y a longtemps déjà que Magendie avait indiqué que le volume de la rate d'un chien dont l'abdomen est ouvert et auquel on i -jecte une pinte de sang augmente de volume, et que si, au con-traire, on saigne le chien à blanc, son volume diminue. Chez le cheval l'observation a fait voir que la course, les efforts, etc., en un mot tout ce qui active la circulation, ou bien tout ce qui entrave celle du sang veineux, fait augmenter le volume de la rate.

Incontestablement donc, la rate appartient au système de la veine porte, mais quel est son rôle exact? On peut l'enlever impunément sans troubler les fonctions physiologiques, et l'expérimentation n'apprend rien sur son rôle ; les faits de M. Béclard ne sont peut-être pas suffisants pour élucider la question de savoir si oui ou non la rate détruit des globules du sang.

La rate du cheval, de la chèvre, celle du porc, du chien, du chat ont une texture plus ferme que celle du bœuf et du mouton ; aussi, chez ces derniers animaux, cet organe résiste-t-il moins longtemps à la décomposition putride; mais ce qu'il importe de bien savoir, c'est que la rate subit très-vite les altérations cada-vériques ; ses rapports avec l'estomac et le gros côlon chez le cheval, ceux qu'elle contracte avec le sac gauche de la panse sur

laquelle elle est appliquée dans toute sa longueur chez les rumi-nants, donnent raison de ces faits. Si l'on ne veut pas se tromper» et confondre comme cela a été fait souvent le ramollissement cada-vérique avec rhémorrhagie de l'organe, il faut procéder à l'autopsie le plus vite possible.

L'altération cadavérique commence d'abord à la base ; bientôt la rate tout entière devient molle ; elle prend une couleur verdâtre, et se déchire avec la plus grande facilité. Dans les maladies, ses altérations ont quelque chose de spécial.

Principales maladies générales dans lesquelles les altérations de la rate se rencontrent. — En lisant, soit les ouvrages spéciaux de la médecine des animaux, soit les recueils ou écrits périodiques con-sacrés à l'avancement de cette branche de la médecine générale, nous avons été frappé de l'absence d'examens histologiques dans presque toutes les observations publiées; il ne nous sera donc pas possible dans ce rapide travail d'ensemble de pouvoir toujours spé-cifier exactement la nature des modifications morbides subies par la rate ; quoi qu'il en soit, les résultats connus sont importants, et quelques considérations générales que nous tâcherons d'indiquer en ressortent clairement.

Il est une maladie du cheval, fréquente, bien observée, et qui a donné lieu, relativement à sa nature, à des discussions sans nom-bre. Diathèse typhoïde pour les uns, affection, maladie typhoïde pour les autres, analogue absolument à la fièvre typhoïde de l'homme, cette maladie sévit plus particulièrement sur les jeunes chevaux, dans l'armée surtout.

Si on prend le mot typhoïde dans son sens étymologique, l'appel-lation nous paraît exacte ; mais si, poussant plus loin l'analogie, on veut absolument comparer ces affections à la fièvre typhoïde de l'homme, nous l'avouons, rien, ni dans les symptômes, ni dans l'a-natomie pathologique, ne nous paraît justifier cette manière de voir; c'est là du reste l'opinion soutenue par M. C. Leblanc dans son rapport à la Société vétérinaire en 1859 : c'est celle à laquelle la plupart des membres de la savante compagnie se sont ralliés; ce nous paraît être une entérite épizootique de forme spéciale. Quoi qu'il en soit, dans cette affection générale, la rate est hypertrophiée, gorgée de sang noir ; son tissu se déchire avec la plus grande faci-lité; il en est de même des ganglions mésentériques.

Le sang est profondément modifié dans ses caractères physiques ; dans les cas graves, il n'y a pas séparation de ses éléments ; il est

noir, foncé, sirupeux; quelquefois il charrie de nombreuses bulles de gaz, et souvent un liquide huileux.

Les affections charbonneuses se voient chez le cheval, le porc, le bœuf, le mouton, etc. ; chez ce dernier animal, le charbon prend plus spécialement le nom de sang-de-rate. Quelle que soit la forme que rêvet le charbon (charbon essentiel, fièvre charbonneuse, tu-meur charbonneuse), le fait capital qui ressort de l'étude des lésions cadavériques, c'est l'altération profunde subie par le sang, et la rate, quelquefois démesurément grossie comme dans le charbon du mouton, participe, plus que tous les autres organes, à la modi-fication du fluide nourricier. On a trouvé dans la boue splénique des bactéries; ce liquide inocule le charbon; il est fâcheux que l'his-tologie n'ait pas fait connaître d'une façon exacte la nature des al-térations intimes subies par l'organe.

La cachexie aqueuse, appelée autrefois pourriture dans le langage imagé des bergers, dépend aussi d'une lésion profonde de la nu-trition et d'une altération du sang. Ce qui la caractérise, en effet, c'est la pâleur et la mollesse des tissus, l'amaigrissemenL, la fai-blesse, les infiltrations séreuses. Les globules du sang sont altérés; la partie séreuse de ce liquide est accrue notablement. La rate est rétractée, affaissée sur elle-même et considérablement décolorée. Le mouton, plus souvent que les animaux des espèces chevaline et bovine, est atteint de la cachexie aqueuse.

Les fièvres intermittentes, chez les animaux, niées par les uns, ad-mise ; par les autres, existent en réalité ; tel est du moins l'avis des vétérinaires ayant exercé en Sologne ; on les rencontre chez le cheval, chez le chien : elles peuvent affecter le même type que chez l'homme. Quand les animaux succombent aux suites de l'empoi-sonnement du sang par le miasme paludéen, on trouve à l'autopsie une hypertrophie de la rate très-manifeste, absolument comme dans l'espèce humaine.

Nous pourrions, poursuivant cette analyse, prendre encore plu-sieurs maladies générales, dans lesquelles l'altération du sang est le fait principal, et faire voir que toujours, alors que ce liquide est altéré, consécutivement la rate subit des modifications importantes ; mais celles que nous avons choisies sont assez probantes par elles-mêmes pour qu'il nous soit permis de conclure que, dans toutes les maladies générales caractérisées par une modification profonde du liquide sanguin, corrélativement la rate subit des altérations essen-tielles mal connues encore dans leur nature intime, mais impor-

tantes à prendre en considération au point de vue de la pathologie générale.

Nous examinerons successivement les allérationstraumatiques de la rate et ses maladies spéciales ; nous terminerons par l'étude des tumeurs signalées dans cet organe chez les animaux.

I. Traumatisme. — Les altérations traumatiques de la rate peuvent être de divers ordres. 11 peut y avoir contusion de la rate sans plaie; chez le cheval à la suite de coups de timon de voiture dans l'hypo-chondre gauche, on a rencontré des déchirures de l'organe ayant occasionné une hémorrhagie mortelle.

Il peut y avoir plaie pénétrante ; ainsi, à la suite de coups de cornes, ou à la suite de coups de fourche, ou bien encore dans des plaies par baïonnette, ou bien dans celles déterminées par des projec-tiles, la rate a été blessée; dans les observations citées, une mort rapide a été la conséquence de l'hêmorrhagie.

II. Congestion de la rate. — La congestion de la rate s'observe dans plusieurs circonstances. Le Journal des vétérinaires de Lyon (année 1848) a publié deux observations intitulées: Ramollissement de la rate, qui nous paraissent être unevéritable congestion de cet organe. Dans la première observation, il s'agit d'un cheval de 10 ans qui tombe malade le 3 septembre ; on constata des phéno-mènes généraux assez graves et une douleur extrêmement vive dans l'hypochondre gauche. Le cheval succomba le 11. A l'autopsie, la rate avait le double de son volume naturel ; elle était d'une mollesse telle qu'on ne put l'enlever sans la déchirer ; sa couleur était très-brune ; sa substance semblait une pulpe noirâtre qui s'écoulait par la moindre pression. Les vaisseaux du foie étaient également gorgés 'de sang. Rien du reste de saillant dans les autres organes.

Dans la deuxième observation, le cheval, âgé de 8 ans, mourut au bout de 17 jours, après avoir présenteles mêmes symptômes. Dans les Bulletins de la Société vétérinaire (année 1855), on trouve un rapport sur un travail de M. Heu, ayant pour titre : Notice sur l'apoplexie de la rate chez la vache. Dans une des observations, il est dit que la rate pesait 6 kilogrammes.

M. Charrier, vétérinaire à la Compagnie des petites voitures, a fréquemment observé des congestions apoplectiques de la rate sur les jeunes chevaux nourris avec une abondance relative à leur arrivée au dépôt.

Chez ces jeunes animaux, souvent la mort était presque subite. On a observé la congestion de la rate dans plusieurs cas de pylé-

phlébite (Colin,Société vétérinaire, 1860).— En même temps que la congestion intestinale, si fréquente chez le cheval, on observe sou-vent la congestion de la rate. La disposition de l'appareil digestif de cet herbivore rend compte de ce fait, car ces sortes de conges-tions s'observent surtout chez les chevaux, lorsque le caecum ou le côlon est rempli de matières alimentaires tassées, car les or-ganes compriment alors la veine porte ; cela arrive plus particuliè-rement aux chevaux dont la denture est mauvaise. F. Raymond. — La fin prochainement. —

BIBLIOGRAPHIE

Lymphatiques utérins et lymphangite utérine. Su rôle que joue la lym-phangite dans les complications puerpérales et les maladies utérines,

par le docteur Jusl Lucas Championnière, ancien interne en médecine et en chirurgie des hôpitaux de Paris, lauréat des hôpitaux. In-8°; Paris, Asselin.

M. Just Lucas Championnière, qui porte un nom justement estimé, a pris pour sujet de sa thèse inaugurale l'étude de la lym-phangite utérine. Nous nous proposons défaire passer sous les yeux du lecteur quelques points de ce travail intéressant. L'auteur, par suite de son séjour dans les maternités, a été conduit à étudier spé-cialement les maladies puerpérales, et les recherches microscopi-ques auxquelles il s'est livré lui ont révélé sur la disposition des lymphatiques utérins et les complications puerpérales tout un sys-tème pathologique qui permet de rendre compte de quelques points obscurs en pathologie utérine, et tend à renverser en même temps des théories que la situation de leurs auteurs rendait recomman-dables.

M Lucas Championnière commence par un exposé de l'anatomie des lymphatiques utérins, dans lequel il insiste surtout sur certains points qu'il a étudiés spécialement dans ses dissections. Ainsi, il nous démontre, au niveau du col de l'utérus, l'existence de deux ou trois ganglions. Un exemple nous en est fourni par une des plan-ches qui se trouvent à la tin de sa Ihèse. Lorsque ces ganglions n'existent pas, on peut voir clans le même point un réseau lympha-tique important, immédiatement au-dessus et en arrière du cul-de-sac vaginal latéral. Or, nous ferons remarquer avec l'auteur que les ganglions ou le plexus correspondent « au point où se dévelop-pent des inflammations, des douleurs, des tuméfactions, au fond du cul-de-sac latéral. » Nous voyons ensuite les lymphatiques du

corps de l'utérus se séparer des vaisseaux sanguins, pour se diriger vers la surface externe et l'angle de l'utérus. Ils sont en partie, au moins, dans ce trajet, sous-péritonéaux ; deuxième point important à considérer et qui permettra à l'auteur d'expliquer la propagation au péritoine de l'inflammation des différentes parties de la matrice.

Dans divers chapitres, M. Lucas-Championnière étudie successi-vement la lymphangite en général, l'anatomie pathologique de la lymphangite puerpérale, le siège de la douleur, la théorie de la production des péritonites puerpérales et autres accidents consécu-tifs aux couches, la péritonite par rétention du placenta, etc., etc. A propos de l'anatomie pathologique, vient l'étude de certains abcès utérins qui paraissent être simplement des vaisseaux dilatés. Les abcès utérins ont une paroi lisse, d'origine vasculaire, sur laquelle on retrouve parfois des valvules. On les rencontre constamment, dit l'auteur, dans les mêmes points, vers les angles de l'utérus ou au niveau de l'union du corps et du col. Au lieu d'être placés au milieu du tissu musculaire utérin ou dans sa partie profonde, ils sont le plus souvent superficiels, presque sous-péritonéaux. » Comme, de plus, il est rare qu'on ne trouve pas, en même temps que ces abcès, des lymphatiques purulents sur le même utérus, l'au-teur les attribue à la lymphangite.

Mais la partie la plus importante de sa thèse, celle sur laquelle il insiste le plus, c'est la relation de l'inflammation des lymphatiques utérins et de la péritonite. M. Just Lucas-Championnière ayant vu que les lymphatiques purulents occupaient les points qui avaient été tout d'abord le siège de la douleur et qu'ils étaient sous-jacents aux régions péritonéales atteintes les premières, a été conduit à attribuer aux lymphatiques la propagation de l'inflammation au péritoine. Une grande autorité est invoquée à ce sujet par l'auteur : c'est celle de Cruveilhier, qui, dans son Étude remarquable de la lymphangite, déclare que la lymphangite purulente s'accompa-gne presque toujours de péritonite et de phlegmon diffus du tissu cellullaire sous-péritonéal. Le même auteur, soit dit en passant, donne les caractères distinctifs de la phlébite et de la lym-phangite.

Nous recommandons surtout la lecture du chapitre vi, où se trouve exposée la théorie du développement des accidents périto-niques pendant les suites de couches. L'auteur y réfute, l'une après l'autre, les différentes hypothèses émises par les auteurs. Certaines

personnes attribuent la péritonite au voisinage du tissu utérin en-flammé ; mais, dans les autopsies, on ne retrouve, le plus souvent, aucune trace d'inflammation des muscles utérins. D'autres invoquent la transmission par la trompe de Falloppe ; mais cette explication tombe d'elle-même, puisque le plus souvent la muqueuse tubaire n'est pas enflammée. Lorsqu'on y constate de l'inflammation, on peut voir que le pus n'occupe jamais que les deux tiers externes de la trompe. On ne doit pas s'arrêter à la théorie de ceux qui expli-quent la péritonite par l'écoulement des liquides de l'utérus par la trompe dans la cavité abdominale. Nous les renvoyons à la thèse de M. Fontaine, dont nous avons donné le compte rendu aux lecteurs du Mouvement médical. L'opinion de M. Bernutz n'est pas plus soutenable. Aussi l'auteur, fort de ses recherches anatomo-patho-logiques, fort d'un passage du mémoire de Botrel, attribue à la lymphangite la production de l'inflammation pêritonéale. Nous avouerons que cette théorie nous séduit. Toutefois, certaines obser-vations de M. Béhier résistent aux critiques de l'auteur qui, tout en prétendant que la plupart ont trait à la lymphangite, est obligé dans quelques-unes de reconnaître la phlébite. Mais enfin l'idée est lancée. Espérons qu'elle fructifiera et que de nouveaux travaux viendront éclairer complètement la question.

Dr G. bouteillier,

L'ambulance n- 5. Notes pour servir à l'histoire médico-chirurgicale de la guerre franco-prussienne (18*70-71), par le docteur G. Pkltier, ancien interne des hôpitaux de Paris. Iii'8° de 112 pages; Adr. Delahaye, éditeur.

M. G. Peltier, ancien chirurgien aide-major de la cinquième ambu-lance internationale, dont M. Trélat était le chirurgien en chef, vient de publier les notes qu'il a prises au lit des blessés ; il a ajouté quelques réflexions sur les différentes plaies qu'il a observées, le traitement, etc. Cette brochure se divise en deux parties :

Ire Partie : Relation rapide des différentes étapes de l'ambulance, du nombre des blessés français et allemands, des plaies par région, leur nature et enfin la terminaison. Nous ne suivrons pas M. Peltier dans les nombreuses pérégrinations de l'ambulance ; disons seule-ment qu'on y a soigné 707 Français et 269 Allemands, qu'on a pratiqué 68 grandes opérations et qu'il y a eu 26 guérisons, 38 morts (le sort de 4 malades n'a pas été connu).

IIe Partie : Considérations générales sur les plaies de guerre. — Plaies par armes blanches. A Artenay seulement, on a eu à panser

des plaies de cette nature, produites par la lance, la baïonnette, le sabre. Quand les viscères n'étaient pas atteints, les plaies guéris-saient avec assez de facilité, souvent même on pouvait tenter la réunion immédiate.

Plaies par armes à feu. Les plaies produites par un obus qui éclate, ont été divisées : 1° en plaies simples, et 2° en plaies compli-quées. 1° Ce sont des plaies n'intéressant que les parties molles, sans lésion d'organe important. Elles ne sont pas très-graves, mais longues à se cicatriser complètement. M. Peltier étudie les diffé-rentes périodes de ces plaies, et donne le traitement employé.

2° Les plaies compliquées sont celles qui sont accompagnées de la lésion d'un organe ou d'un viscère plus ou moins important. Pour M. Peltier, toutes les fois que le squelette est atteint, le cas est grave.

Dans la question des amputations, l'auteur se prononce pour les amputations primitives. — Pour les plaies par balles, même division que pour les précédentes.

M. Peltier passe aussi en revue les plaies par régions, les plaies avec lésion des vaisseaux, des nerfs ; les plaies pénétrantes de l'ab-domen, de la poitrine, des articulations ; les plaies compliquées de fracture. Il note avec soin le traitement dans ces différents cas et les résultats obtenus. M. Peltier parle enfin des complications des plaies de guerre : 1° stupeur et commotion ; 2° délire nerveux ; 3° phlegmon ; 4° tétanos 5° infection purulente.

On doit remercier M. Peltier d'avoir pu recueillir ces notes, au milieu de si tristes épreuves. Autrefois les combats étaient éloignés les uns des autres, les chirurgiens pouvaient prendre les observa-tions des cas intéressants; mais aujourd'hui la rapidité de la lutte, le nombre des blessés, le besoin de changer souvent d'endroits, rendent cette tâche difficile. Faisons remarquer le nombre des bles-sés allemands soignés par cette ambulance, et on sera convaincu qu'on a observé à leur égard la convention de Genève, que leurs généraux ont si souvent et si indignement violée. L'ambulance n° 5 a eu surtout deux fois à souffrir de la brutalité de ces nobles messieurs. F. Roqoe. .

1 Voy. le résumé de ces cas clans la Revue analytique sur remploi du chloral dans le tétanos, pubiée par M. Peltier, dans: Revue phot. des hôpitaux de Paris, 1870, pages 210 et 238, et 1871, page 18.

Le Gérant : a. de montmwà.

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE MÉDICALE

DE L'ISCHURIE HYSTÉRIQUE

Leçon faite le 21 mai à la Salpêtrière par M. Gharcot. recueillie et publiée par M. Bourneville.

I

Messieurs,

J'ai l'intention de reprendre et de compléter dans les conférences de cette année la série d'études que nous avions entreprises, il y a deux ans, et que sont venus brusquement, interrompre les tristes événements que vous savez.

Au moment où nous avons dû nous séparer, par une application de recherches préalables concernant les troubles trophiques liés à une influence du système nerveux, j'essayais, vous vous en souve-nez sans doute, de montrer comment bon nombre d'affections du système musculaire, jusque-là rattachées à une cause périphérique, sont, en réalité, subordonnées à des lésions siégeant dans certaines régions bien déterminées de l'axe gris spinal.

Ce groupe d'affections musculaires, que j'ai proposé d'appeler myopathies spinales 1 ou de cause spinale, nous occupera d'une façon toute particulière. Je reviendrai aussi sur le groupe si inté-ressant des scléroses de la moelle épinière et, entre autres, sur celle qui détermine l'ensemble symptomatique désigné sous le nom à'ataxie locomotrice progressive. Le sujet est loin d'être épuisé et j'aurai l'occasion de signaler, relativement à ces affections, plusieurs faits nouveaux ou connus d'une manière imparfaite et que des tra-vaux entrepris dans cet hospice ont mis en lumière.

1 Voyez Revue, page 1, la leçon de M. Cuaucot sur la Paralysie infantile.

4e AXSÉE. 0

Je traiterai aussi des paraplégies produites par une compression lente, de la méningite spinale chronique et de quelques maladies du cerveau et de la moelle épinière dont l'histoire a été jusqu'ici très-négligée.

Mais, avant de vous ramener vers ces questions ardues, je ne puis résister, messieurs, au désir de mettre à profit un certain nom-bre de cas très-remarquables d'hystérie qui se trouvent actuelle-ment réunis dans nos salles. Il importe de saisir avec empressement celte bonne fortune car, en raison de la mobilité propre à la grande névrose que je viens de nommer, les symptômes qui s'offrent aujour-d'hui à un haut degré de développement pourraient être demain complètement effacés.

Parmi ces cas, il en est un, digne d'attention entre tous, qui fera l'objet de notre première entrevue : c'est — si je ne m'abuse — un exemple légitime d'une affection rare, très-rare, et dont l'existence même est contestée par la plupart des médecins.

Il ne faut pas dédaigner, messieurs, l'examen des cas exception-nels. Ils ne sont pas toujours un simple appât pour une vaine cu-riosité. Maintes fois, en effet, ils fournissent la solution de pro-blèmes difficiles. En cela ils sont comparables à ces espèces per-dues ou paradoxales que le naturaliste recherche avec soin, parce qu'elles établissent la transition entre les groupes zoologiques ou qu'elles permettent de débrouiller quelque point obscur d'anato-mie ou de physiologie philosophiques.

C'est de Vischurie hystérique que je veux vous parler. Dès l'abord, je dois entrer dans quelques explications au sujet de cette dénomi-nation que quelques-uns d'entre vous entendent peut-être pronon-cer pour la première fois.

À. Ischurie et impossibilité d'uriner, dans la langue technique, vous le savez, c'est tout un. La signification des mots ischurie hys-térique, toutefois, est plus restreinte.

Il ne s'agit pas là de la simple rétention d'urine dans la vessie, fait vulgaire chez les hystériques. On sait que très communément, en pareille circonstance, pendant des mois, des années même, l'in-tervention de la sonde est nécessaire ; mais alors, l'urine extraite de la vessie est abondante ou, tout au moins, son taux ne s'éloigne pas du chiffre normal.

Dans Vischurie des hystériques, l'obstacle n'est ni dans l'urèthre, ni dans la vessie. Il est plus haut, soit dans les uretères, soit dans le rein lui-même, soit plus loin encore ; il y a là une question à

juger. Le fait capital, c'est que la quantité d'urine rendue en vingt-quatre heures, à l'aide de la sonde,— car l'ischurie hystérique est presque toujours compliquée de rétention uréthrale, — cette quan-tité, dis-je, est notablement au-dessous du chiffre physiologique ; souvent même, elle est réduite à zéro et, pendant plusieurs jours, il y a, en définitive, suppression absolue d'urine.

B. Il convient d'ailleurs, dans l'espèce, d'établir des catégories.

h'oligurie, ou même la suppression totale d'urine, peut n'être qu'un phénomène passager chez les hystériques et qui, du reste, comme l'a fait remarquer avec raison M. Layeock, pourra fréquemment passer inaperçu. C'est ainsi qu'on observe quelquefois chez ces ma-lades, surtout aux époques cataméniales, une suppression complète d'urine qui ne dépasse pas vingt-quatre ou trente-six heures. Peut-être y a-t-il en même temps un peu de malaise et d'accélération du pouls ; mais bientôt quelques cuillerées d'urine sont expulsées et tout rentre dans l'ordre. (Layeock, a Treatise on tlie Nervous Diseases ofWomen. London, 1840, p. 229.)

Les faits sur lesquels je veux fixer votre attention sont bien dif-férents de ceux auxquels je viens défaire allusion. Ils offrent l'is-churie hystérique à son maximum de développement, à l'état de symptôme permanent. Durant des jours consécutifs, des semaines, des mois, la quantité d'urine rendue en vingt-quatre heures peut être insignifiante, à peu près nulle. Parfois même, il y a, pendant une série de plusieurs jours, suppression complète d'urine.

Lorsque les choses prennent cette tournure, à la supression se joint, d'une manière en quelque sorte obligatoire, un autre phéno-mène qui est pour ainsi dire le complément du premier : je veux parler de vomissements se répétant tous les jours et même plusieurs fois par jour, aussi longtemps que dure l'ischurie, et dont la matière présente quelquefois, dit-on, l'aspect ou l'odeur de l'urine. Tou-jours est-il que, dans deux ou trois cas, l'analyse chimique a découvert dans ces vomissements la présence d'une certaine quan-tité d'urée.

En résumé, messieurs, l'ischurie hystérique nous offrirait, dans l'espèce humaine, la reproduction plus ou moins exacte de quel-ques-uns des phénomènes observés chez les animaux dans les cas de néphrotomie ou d'oblitération des uretères par une ligature.

Les expériences de Prévost et Dumas, et en particulier celles de MM. Cl. Bernard et Barreswill, nous apprennent, vous le savez, que, dans ces mutilations, il s'opère par l'intestin une élimination supplè*

mentaire, dans laquelle on retrouve, suivant les uns, du carbonate d'ammoniaque provenant de la décomposition de l'urée (Cl. Bernard), suivant les autres, Y urée elle-même (Munck). Quoi qu'il en soit, tant que s'effectue cette élimination, les animaux ne paraissent guère souffrir, et c'est seulement lorsqu'ils s'affaiblissent et que l'excré-tion supplémentaire n'a plus lieu qu'éclatent les accidents graves qui bientôt occasionnent la mort.

Vous saisissez les analogies et du même coup vous êtes frappés du contraste : les accidents cérébraux sont inévitables, à un mo-ment donné, dans les cas d'expérimentation chez l'animal, tandis que chez l'hystérique, le balancement entre l'excréLion rénale et l'excrétion supplémentaire peut persister pendant des semaines, des mois, sans qu'il en résulte jamais aucun trouble appréciable dans la santé générale. Mais je ne veux point m'arrêter, pour l'instant, sur ce point : j'y reviendrai par la suite.

II

Telle est, messieurs, l'ischurie hystérique, au moins dans ce qu'elle a d'essentiel, d'après les rares auteurs qui ont admis son existence, car, je le répète, la réalité de cet accident a été mise eu doute. Vous ne le verrez indiqué dans aucun des traités ou des ar-ticles i écents sur l'hystérie, même dans les plus complets et les plus justement estimés. Il n'en est nullement fait mention, entre autres, dans le grand ouvrage de M. Briquet. En somme, parmi les auteurs contemporains, M. T. Laycock, professeur à l'université d'Edimbourg, est peut-être le seul pathologiste qui, dans ses écrits, ait donné droit de domicile à lïschurie hystérique. Après avoir consacré à ce sujet une série d'articles (the Edinburgh medical and surgical Journal, 1838), où il relate deux observations origi-nales, M. Laycock y est revenu dans son livre bien connu sur les Maladies nerveuses des femmes (1840). Partout ailleurs, si l'ischu-rie hystérique est mentionnée, ce n'est qu'en passant, à titre de renseignement, et non sans une pointe d'ironie à l'adresse des ob-servateurs qui se sont laissés aller à prendre au sérieux ce prétendu symptôme.

Il n'est pas sans intérêt, par contre, de noter que les physiolo-gistes, Haller en tête, puis Carpenler et Cl. Bernard, ceux-ci toute-fois sans rien affirmer, se sont montrés, sous ce rapport, beaucoup moins sceptiques que ne l'ont été, par exemple, Prout et R. Willis.

Jusque dans ces derniers temps, j'ai par!âgé l'incrédulité pres-que générale à l'égard de l'ischurie hystérique, prévenu d'ailleurs par les enseignements de mon maître Rayer, qui ne manquait ja-mais de s'étendre longuement sur les supercheries de tout genre dont les hystériques se rendent coupables. Et il n'hésitait pas à confesser que lui-même — qui était un observateur sagace et d'une grande pénétration, — il avait failli plusieurs fois en être victime. Depuis, mes opinions se sont quelque peu modifiées en présence du cas que je vais vous exposer tout à l'heure.

Avant de vous placer en mesure de juger par vous-même si ma conversion a été trop précipitée, permettez-moi de rechercher avec vous les principales circonstances qui ont fait que certains auteurs passent entièrement sous silence l'ischurie hystérique, tandis que d'autres la citent uniquement pour la reléguer au nombre des chi-i:ères.

Io En premier lieu, il convient de remarquer que l'ischurie hystérique est un phénomène rare, du moins sous sa forme très-accentuée ; car il est possible, nous l'avons déjà dit, que souvent l'is-churie légère demeure inaperçue, a. Ainsi il. Laycock, qui a fouillé partout, n'a pu aligner que 27 cas sur lesquels deux seulement lui appartiennent, p. Ajoutons qu'une critique un peu sévère réduirait encore très-certainement ce chiffre. La majeure partie des observa-tions est très-ancienne (seizième et dix-septième siècles) et elles ne présentent pas le caractère de précision que nous exigeons à notre époque. D'autres sentent l'imposture d'une lieue. A qui fera-t-on croire, par exemple, qu'une femme puisse rendre par l'oreille, en 24 heures, 2400 grammes d'un liquide qui, soumis à l'analyse, contenait de l'urée? Et ceci n'est pas tout : la même femme rejetait simultanément par le nombril un liquide analogue qui s'écoulait par jet : « spirted out, » c'est l'expression qu'emploie le rédacteur de l'observation. Et cependant tous ces détails, et bien d'autres encore, sont consignés avec l'apparence du plus grand sérieux dans the American Journal of the medical Science (1828). Auto-risez-moi, je vous prie, à passer sous silence le nom du médecin qui a pris ce fait sous sa responsabilité.

2° Ceci m'amène à vous dire un mot de la simulation. On la ren-contre à chaque pas dans l'histoire de l'hystérie, et l'on se surprend quelquefois à admirer la ruse, la sagacité et la ténacité inouïes que les femmes qui sont sous le coup de la grande névrose mettent en œuvre pour tromper,... surtout lorsque la victime de l'imposture

doit être un médecin. Dans l'espèce, il ne me paraît pas démontré que la parurie erratique des hystériques ait été jamais simulée de toutes pièces et pour ainsi dire créée par les malades. En revanche, il est incontestable que, dans une foule de cas, elles se sont plu à dénaturer, en les exagérant, les principales circonstances du cas, et à lui imprimer le cachet de l'extraordinaire, du merveilleux.

Voici, en général, comment les choses se passent. L'anurie ou .'ischurie avec les vomissements existent seuls pendant un certain temps, et le phénomène est réduit par conséquent à sa plus grande simplicité. Mais bientôt, principalement si les accidents semblent exciter l'intérêt et la curiosité des médecins, de l'urine pure sera expulsée par les vomissements, en quantité considérable ; il en sortira par les oreilles, par le nombril, par les yeux et même par le nez, ainsi que cela eut encore lieu dans le fait tiré du journal américain. Enfin, si l'admiration est poussée à son comble, il s'y joindra peut-être des vomissements de matières fécales.

Parmi les cas du dernier genre, celui qui, en France, a eu le plus de retentissement, est relatif à une nommée Joséphine Routier, qui, durant plus de quinze mois, figura, vers 1810, à la clinique du professeur Leroux. La malade avait offert d'abord les sym-ptômes de l'ischurie simple avec parurie erratique. Nysten, qui rapporte le fait, avait analysé les matières vomies et y avait reconnu l'existence de l'urée. Peu après, survinrent l'écoulement d'urine par le nombril, les oreilles, les yeux, les mamelons, et enfin l'éva-cuation de matières fécales par la bouche. Vous voyez, messieurs, que c'est constamment la même série — quels que soient le pays, le siècle, où les observations sont recueillies. La fraude fut dé-couverte par Boyer. 11 suffit d'user de la camisole de force pour faire cesser les phénomènes extraordinaires, et on trouva dans le lit de la malade des boulettes de matières fécales dînes et toutes préparées ! Par malheur, les Recherches de physiologie et de chimie pathologiques venaient d'être publiées. Il fallut faire amende hono-rable. Une note fut insérée dans le Journal général de médecine, et une autre fut annexée à quelques-uns des exemplaires du livre de Nysten.

En l'ace de ces faits, faut-il conclure que tout est imposture dans i'ischurie hystérique? Je ne le crois pas, messieurs, et j'espère que vous vous rangerez à mon avis, quand vous aurez pris connaissance de toutes les particularités de l'histoire de ma malade.

Il est une dernière circonstance qui est bien propre à jeter

aussi un jour défavorable sur les observations d'ischurie hysté-rique : c'est que, en dehors de l'hystérie, la suppression d'urine, pour peu qu'elle se prolonge au delà de quelques jours (5, 4, 5 jours à peine), est un symptôme des plus graves et qui se termine à peu près, nécessairement par la mort.

Laissant de côté les cas d'anurie dépendant d'une maladie de Bright aiguë ou chronique, qui sont trop complexes pour prendre place ici, je choisirai pour type Voblitération calcúlense des uretères survenant chez des individus jusque-là en bonne santé. Bans ces conditions : tantôt l'un des reins a été réduit, par une maladie anté-rieure, à une coque fibreuse remplie de kystes et partant est devenu impropre à la fonction d'urinalion ; tantôt, et c'est le cas le moins fréquent, les deux uretères sont oblitérés à la fois. Peu importe d'ailleurs, pour notre objet, que cette oblitération se produise avec ou sans accompagnement des douleurs de la colique néphrétique. Eh bien, Halford 1, Abercrombie et tous les auteurs qui se sont attachés à l'étude de ces cas s'accordent à reconnaître que si d'anurie persiste plus de quatre à cinq jours, les symptômes coma-teux, avec ou sans convulsions, apparaissent inévitablement et sont bientôt suivis de mort. La vie se prolonge un peu, si une quantité même minime d'urine peut être rendue, mais le résultat final ne varie pas.

Il y a toutefois le chapitre des exceptions que nous devons d'au-tant moins négliger que nous en tirerons bénéfice.

Io Dans le cas du docteur Laing, deFochaber, cité par Robert Willis2, l'anurie dura dix jours, et il y eut guérison.

2° Chez un malade de W. Roberts(de Manchester) la somnolence ne survint que le huitième jour, quatre jours avant la mort5.

o° Le plus remarquable exemple de prolongation de la vie en semblable occurrence es!, à ma connaissance, celui qui a été pu-blié récemment par M. Paget dans les Dulleiins de la Société clinique de Londres*. Bien que l'anurie fût absolue, les symptômes coma-teux ne se montrèrent que le quatorzième jour. Le quinzième, le malade évacua une certaine quantité d'urine. Les accidents s'ag-

1 Med. Transad. published by the Collège of physicians, t. VI, 1820.

2 Urinary Diseuses. London, 1838, p. 35.

5 Voy. l'histoire de ce malade in Revue, 1871. p. 111, et la traduction du tra-vail de M. Roberts in Mouvement médical, 1871.

4 J. Paget, Case of suppression of urine very slotvly fatal. In Transad, of the clinical Society in London. T. II, 1869.

gravèrent néanmoins et la terminaison fatale eut lieu le vingt-troisième jour.

Quoi qu'il en soit, de même que lorsqu'il s'est agi de l'expérimen-tation chez les animaux, ici encore, le contraste est frappant entre Yischurie calcúlense, qui tue d'une manière à peu près certaine, et Yischurie hystérique, qui laisse vivre, sans troubles notables de la santé générale, pendant de longs mois. Il y a là une difficulté sé-rieuse. Est-elle vraiment insurmonlable? C'est ce que nous nous proposons de rechercher plus tard.

III

Mais il est temps, messieurs, d'aborder l'étude du fait clinique qui sert de fondement à notre entrelien. En premier lieu, il faut bien établir sur quel terrain ont porté nos observations. Et, dans ce but, ce que j'ai de mieux à faire, c'est de vous montrer la malade et de faire ressortir d'abord devant vous les symptômes qui existent actuellement et parmi lesquels vous reconnaîtrez les traits de l'hystérie intense, invétérée, marquée par une réunion caractéris-tique de symptômes permanents.

Etchevery (Justine), née dans les Basses-Pyrénées, est âgée de 40 ans. Elle a exercé la profession d'infirmière. Elle est entrée à la Salpêtrière en 1869 ; nous suivons donc la marche de sa maladie depuis quatre ans.

Quelle est sa situation actuelle? Ce qui frappe tout d'abord chez elle, c'est la contracture énorme qui affecte les membres supérieur et inférieur gauches. Cette contracture, qui ne cesse ni pendant le sommeil naturel, ni pendant le sommeil chioroformique, à moins qu'il ne soit poussé en quelque sorte à ses dernières limites, s'est développée subitement le 20 mars 1870, à la suite d'une grande attaque. Disons toutefois que, antérieurement, le membre supé-rieur était tout à fait paralysé, mais flasque, et que déjà le membre inférieur correspondant était rigide. Cette dernière circonstance, jointe à la rapidité avec laquelle s'est produite la contracture, au-torisa à déclarer, dans ce temps-là, qu'on n'avait pas affaire à une lésion cérébrale en foyer.

Un autre trait distinctif qui existe chez cette malade, c'est une hémianeslhésie complète, occupant les deux membres contractures, le tronc et la face du même côté. Non-seulement l'anesthésie inté-resse le tégument externe, mais elle s'étend encore à la portion des

membranes muqueuses et aux organes des sens situés dans la moi-tié gauche du corps. Ainsi, pour ce qui concerne la vision, on note chez cette femme de Yhémiopie et de Yachromatopsie, phénomène signalé, dans de semblables circonstances, par M. Galezowsky et sur lequel nous reviendrons.

Parvenue à ce degré, l'hémianesthésie nous fournit, dans l'es-pèce, un ensemble de symptômes presque spécifiques ; je dis pres-que et non pas absolument spécifique, parce que nous verrons bien-tôt que des lésions cérébrales grossières, circonscrites à certains départements de l'encéphale, les reproduisent, au moins en partie.

Un symptôme très-important que nous offre encore Elchevery, c'est une douleur siégeant au-dessus de l'aine gauche. M. Briquet a donné à cette douleur le nom de cœlialgie, et il en place l'origine dans les muscles. Pour moi, d'accord en cela avec Négrier, Schut-zenberger et Piorry, je pense que c'est Y ovaire qui est en jeu. Quoi qu'il en soit de son siège exact, cette douleur, que j'appellerai hyperesthésie ovarienne, est jusqu'à un certain point patbognomo-nique. La pression, en l'exaspérant, détermine des sensations irra-diées, toutes spéciales. Ces sensations partent de la région ova-rienne et gagnent successivement : 1° l'épigastre; 2° le cou, en se traduisant dans ces régions par une oppression plus ou moins con-sidérable, la sensation bien connue de boule ou de globe; 5° la tête, où Yïrradiation est caractérisée par des bourdonnements, des siffle-ments, dans l'oreille gauche, de la céphalalgie avec battements, que la malade compare à des coups de marteaux, occupant la tempe gauche, et enfin une obnubilation de la vue dans l'œil correspon-dant. Je me contente, pour le moment, d'énumérer ces phéno-mènes qui méritent une description plus minutieuse.

Parmi les autres symptômes, je ne dois pas oublier la rétention des urines et le ballonnement du ventre qui, eux aussi, sont dans ce cas des phénomènes permanents.

Enfin, cette femme est sujette à des attaques spéciales, tantôt té-taniformes, tantôt épileptiformes, d'autres fois se rapprochant du type vulgaire de l'hystérie. Ainsi, ce matin, vous pouvez recon-naître un accident datant d'une attaque survenue il y a deux jours; c'est le trismus, convulsion qui empêche l'alimentation naturelle depuis ce jour-là.

La malade peut actuellement se retirer. Nous serons plus libre, en son absence, pour vous raconter les autres particularités de son histoire. C'est une véritable odyssée. Aussi, serai-je souvent obligé d'abréger, en ayant soin, néanmoins, d'indiquer la filiation des accidents.

La première attaque convulsive a éclaté en 1861. Dans quelles circonstances, nous ne savons. Il y a là tout un roman, une affaire de viol, dans laquelle il est difficile de se débrouiller. Ce qui est plus sûr, c'est que cette attaque paraît avoir été d'une violence extrême: la malade est tombée dans le feu; elle s'est brûlé la face, et vous avez pu voir les stigmates indélébiles qui sont résultés de cet acci-dent. A partir de cette date, les attaques ont continué à se reproduire de temps à autre, avec le même caractère, mais assez rarement, deux ou trois fois par an environ.

Cinq ans plus tard, la rétention d'urine apparaît. La malade est prise d'une hémiplégie avec flaccidité du côté gauche à la suite d'une attaque, et entre dans le service de M. Lasôgue.

Admise l'année suivante (1869) à la Salpêtrière, nous constatons : 1° une hémiplégie gauche, avec flaccidité du membre supérieur et contracture du membre inférieur; 2° une hémianesthésie et de l'a-chromatopsie du même côté. Les symptômes offerts alors par Etche-very sont consignés dans les thèses de MM. Hélot et Berger.

En 1870, les choses restent à peu près dans le môme état, si ce n'est qu'une nouvelle attaque est suivie d'une contracture du mem-bre supérieur gauche; et, lors de mes leçons, en 1870, je vous ai présenté cette malade comme un spécimen de la forme hémiplégique de la contracture hystérique1.

Dans le mois de mars 1871, une attaque donne lieu à une hémi-plégie flasque du côté droit. Au bout d'un mois, la contracture rem-place la flaccidité. En avril, nous avions donc sous les yeux une con-tracture aussi iniense que possible des quatre membres, contracture absolue, persistant nuit et jour, pendant le sommeil et la veille, ré-sistant même au sommeil chloroformique, ou, tout au moins, ne se résolvant qu'à la dernière limite.

1 De la Contracture hystérique, in Revue photographique des hôpitaux de Paris, 1871, p. 193. Voyez aussi la Planche XXV, qui représente cette malade.

Ainsi, cette femme, vous le voyez, était condamnée à un repos absolu au lit ; elle était dans l'impossibilité de se servir de ses mem-bres, conditions excellentes pour faciliter la surveillance. J'eus soin, en outre, de placer auprès d'elle deux infirmes dévouées, comme elle confinées au lit, et prêtes à tout me révéler si elles découvraient quelque supercherie. J'avais là la meilleure police, celle des fem-mes par les femmes ; car vous savez que si elles font des complots entre elles, il est bien rare qu'ils réussissent. Ces renseignements suffisent, je crois, pour vous convaincre, messieurs, que, dans cette première période, la simulation a été impossible. Mes amis, MM. les professeurs Brown-Séquard et Rouget, qui virent la malade à cette époque, se déclarèrent, d'ailleurs, satisfaits de toutes les précau-tions prises.

Il nous reste à vous montrer maintenant comment, au milieu de ces conditions favorables à une observation régulière, s'est produit le phénomène de l'ischurie.

L'ischurie a commencé dès le mois d'avril 1871. Antérieurement déjà, une femme, employée au service, qui sondait la malade plu-sieurs fois par jour, s'aperçut que parfois la quantité d'urine extraite par le cathétérisme était très-minime ; que d'autres fois elle était nulle pendant deux ou trois jours et même davantage, sans que jamais les draps du lit fussent mouillés.

A ces symptômes qui persistèrent en mai et en juin, il s'adjoignit bientôt des vomissements s'elfectuant, d'ailleurs, sans effort. Je fis mine tout d'abord de n'être point surpris de tous ces accidents. Je me bornai à recommander d'observer discrètement nuit et jour la malade : à aucun moment elle ne fut prise en défaut.

Je vous prie de jeter les yeux sur les tableaux queje vous présente, et où vous pourrez suivre dans les diverses phases de leur évolution les accidents qui se sont offerts à notre observation. Le tableau commence au 16 juillet 1871, époque à partir de laquelle je fis re-cueillir jour par jour, séparément, et les urines et les vomisse-ments. 11 s'arrête en octobre 1871. —Du 16 au 31 juillet, la quan-tité des matières vomies a varié de 500 à 1,750 centilitres, la moyenne quotidienne étant de i litre. La quantité des urines a varié entre 0 et 5 grammes : moyenne, 2sr,50 en 24 heures. Pendant cette période, l'ischurie a été absolue de deux jours l'un.

En août, la moyenne des urines a été de 3 grammes; celle des vomissements de 1 litre dans les 24 heures. Pendant ce mois, l'anu-rie s'est, à plusieurs reprises, montrée complète pendant plusieurs

jours. Mais remarquez que jamais l'absence totale d'urines n'a per-sisté pendant plus de onze jours.

Du 1er au 30 septembre, la moyenne des vomissements a été de 1 litre 1/2 par jour; celle des urines ne s'élevant pas au-dessus de 2sr,50.

Un fait mis en relief par l'examen et la comparaison des courbes consignées sur le tableau, c'est que la ligne des vomissements s'élève, d'une manière générale quand celle des urines s'abaisse, et inver-sement. 11 y a donc eu un balancement assez régulier entre les deux phénomènes.

Quel a été l'état général pendant cette longue période de quatre mois qu'a duré l'observation? A aucune époque nous n'avons remar-qué de troubles dignes d'être notés. L'alimentation, vous le com-prenez sans peine, éiait très-restreinte ; l'estomac rejetait presque aussitôt, sans fatigue, — caractère relevé avec raison par M. H. Sal-ter1 dans le vomissement hystérique,— la plus grande partie des aliments qui s'y introduisaient. Eh bien, malgré ces fâcheuses condi-tions, la nutrition ne souffrit guère. C'est là, du reste, un fait connu depuis longtemps, en dehors de l'anurie, dans les cas de vomisse-ments incoercibles des hystériques.

Notons encore que les matières fécales étaient rares. La peau n'offrit jamais ni sueurs, ni ces dépôts de poussière blanche, con-stituée par de l'urate de soude, que l'on rencontre quelquefois dans l'anurie qui vient compliquer certaines maladies, le choléra, par exemple.

J'avais pensé dès l'origine que les vomissements de notre malade devaient contenir de l'urée. Les premières recherches entreprises à cet effet demeurèrent infructueuses. Le procédé employé était in-suffisant. J'invoquai alors le concours de M. Gréhant, dont la com-pétence en ces matières est indiscutable. Il nous le prêta avec la plus grande obligeance.

22 centilitres cubes d'urine recueillis le 10 octobre, et représen-tant la totalité des urines rendues ce jour-là, donnèrent à l'analyse 0gl',l79 d'urée. Le 11 octobre, la totalité des vomissements, s'élevant à 1,460 centimètres cubes, donna 5«r,699 d'urée.

Afin de déterminer si le sang de notre malade renfermait une plus forte proportion d'urée qu'à l'état physiologique, nous nous déci-dâmes à pratiquer une petite saignée. Pour ce faire, et en raison des

1 The Lancet, n°» 1 et 2, t. II, 1808.

obstacles que la contracture opposait, à l'opération, il fut indispen-sable d'endormir la malade. M. Grôhant obtint 0sr,036 d'urée pour 100 grammes de sang obtenu chez Etchevery, et 0er,034 pour 100 grammes de sang d'une personne saine, examiné comparativement. On voit que le résultat des deux analyses a été identique.

Par malheur pour nos investigations, l'emploi du chloroforme eut pour conséquence de modifier profondément les symptômes que nous observions avec tant d'intérêt; il y eut à la suite, pendant plusieurs jours, une incontinence d'urine. La contracture disparut à droite : il ne fallait plus songer aux observations exactes. Les vomissements, d'ailleurs, se suspendirent bientôt, et les urines re-vinrent progressivement au taux normal.

V

Tels sont, messieurs, les résultats de la première série d'études qui nous ont décidé à entreprendre la réhabilitation de l'ischurie hystérique comme fait clinique réel. Les mêmes accidents, du reste, devaient reparaître bientôt, sous un aspect moins saisissant peut-être, mais tout aussi digne d'intérêt. Dans celte seconde phase, il n'y a pas eu d'anurie complète, même temporaire. Nous avons observé une simple oligurie. L'abondance des vomissements a été moindre. En un mol, si les accidents avaient été un peu moins accusés, et si nous n'avions pas été éclairé par l'observation anté-rieure, il eût pu se faire incontestablement quej'évacuation supplé-mentaire d'urée eût échappé.

Voyons succinctement ce qui s'est passé dans cette deuxième pé-riode. Après une rémission plus ou moins complète des symptômes, nous avons vu reparaître d'abord la rétention d'urine; c'était en janvier. Le mois suivant, à la suite d'une attaque, nous notons des alternatives de polyurie (2 litres d'urine par jour) et d'oligurie. En mars, la sécrétion urinaire diminue décidément, et, le 18 du même mois, les vomissements apparaissent de nouveau. Jusqu'au 31 mars, la moyenne quotidienne des matières vomies fut de 500 grammes et celle des urine: de 300 grammes. En avril, celte moyenne fut de 800 grammes pour les vomissements et de 100 grammes pour les urines.

Durant cette nouvelle phase d'expérimentation, nous n'étions pas dans des conditions aussi favorables que la première fois. Le mem-bre supérieur droit était redevenu à peu près libre. Partant, il était

urgent que nous nous missions à l'abri de toute cause d'erreur. Outre la surveillance ordinaire, dont on ne se départit pas un seul inslant, nous eûmes recours aux précautions suivantes : de temps en temps, on visitait avec soin le lit de la malade; on ne laissait à sa disposition, ni vases, ni sondes, etc. Enfin, je parvins à lui per-suader qu'il serait peut-être avantageux, pour remédier à sa con-tracture qui persistait à gauche, qu'on lui maintînt les bras à l'aide de la camisole ; elle y consentit. Le camisolement, toutefois, ne fut pas absolument continuel ; on le suspendait à l'heure des repas pendant lesquels la malade était, surveillée par la personne qui la faisait manger.

M. Gréhant a analysé, à diverses époques du mois, les urines et les vomissements de douze jours. Durant ce laps de temps, la moyenne quotidienne des urines a été de 206 grammes, contenant 5sr,09 d'urée. La moyenne quotidienne des vomissements, c'est-à-dire 362 grammes, renfermait 2§r,138 d'urée. En réunissant les deux quantités d'urée, nous avons un chiffre bien minime, 5gr,233. Je puis vous présenter un échantillon d'oxalate d'urée qui a été extrait par M. Gréhant des vomissements rendus pendant vingt-quatre heures. Nous utiliserons ce résultat dans un instant.

Pas plus que précédemment, nous n'avons constaté d'évacuation supplémentaire par l'intestin ou la peau. La malade est d'habitude constipée, et cette fois encore nous n'avons rien remarqué de par-ticulier vers le tégument externe. La santé générale n'a pas éprouvé de changements notables, et la température ne s'est jamais élevée au-dessus de 37° et quelques dixièmes.

Ainsi, messieurs, cette nouvelle épreuve ne fait que confirmer la première, et tout concourt, comme vous le voyez, à faire recon-naître Y existence de Vischurie hystérique avec parurie erratique, à titre de phénomène pathologique avéré, en dehors de toute simu-lation. Si cette conclusion est légitime, il est clair que les observa-tions anciennes reprennent quelque valeur. Il est nécessaire seu-lement d'y dégager le faux du vrai; d'en éliminer, par exemple, certains symptômes extraordinaires, tels que l'écoulement de l'urine par le nez, les yeux, etc., et les vomissements de matières fécales. Quelques-uns de ces cas se présentent d'ailleurs dans tous leurs détails avec les caractères d'un fait véridique. Dans cette ca-tégorie, nous rangerons, par exemple, le fait du docteur Gisldslone (dcYarmouth) et quelques autres encore.

Je voudrais maintenant rechercher avec vous, messieurs, si la contradiction que nous avons reconnue entre Yanurie ordinaire qui s'observe chez l'homme ou Yanurie expérimentalement produite chez les animaux d'une part, et Yischurie des hystériques de l'autre est aussi absolue qu'elle semble l'être au premier abord.

Dans le premier groupe de faits, la mort est à peu près certaine dans un bref délai; dans le second, la sanlé générale se maintient en quelque sorte parfaite pendant un temps indéfini. L'opposition est on ne peut plus tranchée. N'est-il pas possible, néanmoins, par un examen approfondi de toutes les circonstances, de saisir la rai-son de ce désaccord? Je ne suis pas, tant s'en faut, en mesure de résoudre le problème d'une manière décisive. Aussi, dois-je me contenter de vous présenter à cet égard une hypothèse qui, peut-être, vous paraîtra plausible, mais que je vous prie, en tout cas, de ne prendre que pour ce qu'elle vaut.

Que les animaux succombent constamment à la suite de la né-phrotomie ou d'une ligature permanente des uretères, il n'y a là rien que de fort naturel. Toutefois, on est en droit de se demander ce qui arriverait si l'on pouvait instituer une expérience dans la-quelle, par exemple, l'obstruction expérimentale des uretères serait intermittente. Prolongerait-on l'existence si, dans de pareilles con-ditions, il s'établissait un balancement régulier entre la fonction rénale et la fonction supplémentaire? Malgré tout l'intérêt qu'il y aurait à résoudre ce problème, je l'abandonne pour revenir à la pathologie de l'homme.

Reprenons donc l'exemple de l'obstruction calculeuse des ure-tères que nous avons invoquée plus haut.

Une première remarque qui vient à l'esprit est celle-ci : chez notre malade, l'anurie complète n'a jamais dépassé une période de dix jours. Or, d'après les explications qui précèdent, ce n'est pas encore là la limite extrême à laquelle, dans l'obstruction des ure-tères, les symptômes d'intoxication urémique se prononcent néces-sairement, puisque, dans l'observation de Paget, l'intégrité des fonctions, le maintien de la sanlé générale ont persisté jusqu'au quatorzième jour. Sans doute, chez Etchevery, la quantité d'urine expulsée dans les jours intercalaires est très-minime ; mais, quelque minime qu'elle soit, elle a une véritable importance, car tous les

auteurs, depuis Halford, ont reconnu l'amendement, le soulage-ment considérables qui surviennent dans l'ischurie uretérique des calculeux lors de rémission des plus petites quantités d'urine.

Autre particularité : Le calculeux est frappé, surpris pour a'nsi dire en pleine santé, tandis que, si j'en juge d'après notre observa-tion, l'ischurie hystérique n'atteint son apogée que d'une manière progressive. Peut-être y a-t-il là une question d'accoutumance dont il est juste de tenir compte. Loin de moi, toutefois, la pensée de croire que les hystériques jouissent d'une immunité particulière, d'une espèce de mithidratisme à l'égard de l'intoxication urémique. Cette résistance qu'elles offrent dans les conditions qui nous oc-cupent tient vraisemblablement à une autre cause : il y a plutôt là une question de doses. Je m'explique.

Le chiffre presque insignifiant d'urée évacuée dans les vingt-quatre heures par notre malade, soit par l'urine, soit par les vomis-sements a sans doute frappé votre attention. Durant une période de douze jours, avons-nous dit, elle n'avait rendu quotidiennement que 5 grammes d'urée. Ce chiffre est bien inférieur, vous le voyez, à celui que Scherer a trouvé chez un aliéné qui jeûnait depuis trois semaines ; 9 à 10 grammes d'urée en vingt-quatre heures, voilà quel était ce chiffre. Nous avons vu d'ailleurs qu'il n'y a pas lieu de faire intervenir dans notre cas une évacuation supplémentaire par les selles ou les sueurs. Or, dans toute intoxication, et l'urémie n'échappe sans doute pas à cette règle, il faut tenir compte de l'élément dose.

Ehbien,n*est-ilpasvraisemblabfe que cette diminution même du chiffre de l'urée, à laquelle correspondaitsans doute une diminution corrélative des matières dites extraetivss, doit rendre compte, dans notre cas, de l'absence de tout symptôme d'intoxication urémique ?

Nous sommes ainsi amené à admettre que, chez Ltchevery, il a existé pendant tout le temps qu'a duré l'ischurie un ralentissement dans les phénomènes de rlésassimilation, se traduisant par une di-minution absolue du chiffre des matières excrémentilielles.

Cette condition, d'ailleurs, est peut-être commune à tout un groupe d'hystériques. Il y a longtemps qu'on a remarqué, en effet, que certaines de ces malades résistent admirablement, dans le cas de vomissements incoercibles, à une alimentation Irès-restreinte, insuf-fisante, sans perdre de leur embonpoint et sans qu'il en résulte des troubles notables de la sanlé. Il serait assurément intéressant, en pareille occurrence, d'analyser comparativement, jour par jour, le

sang et les urines afin d'y déterminer la proportion de l'urée et des substances extractives. Il serait possible, qu'à l'aide de ce moyen, on obtint la solution du problème, que je ne puis qu'indiquer au-jourd'hui.

VII

Quel est le mécanisme de l'ischurie hystérique? où siège l'ob-stacle qui s'oppose à l'accomplissement de l'excrétion urinaire? L'u-rèthre et la vessie n'y sont pour rien. L'obstacle est-il dans l'uretère, dans le rein lui-même? Nul indice n'autorise à songer à une phleg-masie de la glande rénale ou des uretères ; la composition des urines, de même que les autres symptômes,protesteraient contre une pareille hypothèse. Il est plutôt admissible qu'il faut invoquer une action du système nerveux. L'influence du système nerveux sur l'ex-crétion urinaire n'est pas douteuse; qu'il nous rufiise de rappeler à titre d'exemple que, chez les chiens dont le ventre est ouvert, il peut se produire une suppression momentanée des urines (Cl. Ber-nard) ; que, dans l'opération de la fistule vésico-vaginale, il arrive également parfois que les urines soient supprimées pendant un certain laps de temps. (Jobert de Lamballe.)

S'agirait-il dans notre cas d'oblitération spasmodique des ure-tères? On sait que ces conduits jouissent de propriétés contractiles très-accusées; ainsi, Mulder les a vus se contracter énergiquement dans un cas d'exstrophie de la vessie, et Valentín a dit avoir vu, de son côté, survenir, sous l'influence d'une irritation des centres nerveux, une contraction très-prononcée de ces mêmes canaux L'analogie, à son tour, paraîtrait étayer cette présomption : chez les hystériques, il est assez fréquent devoir des contractures delà lan-gue, de l'œsophage, etc., de longue durée. L'ischurie hystérique, d'après cela, devrait être rapprochée de l'oblitération calcúlense des uretères. Malheureusement des objections d'une certaine valeur sont contraires à celte vue.

Les recherches expérimentales de MaxHermann démontrent, vous le savez,que la proportion cle l'urée diminue dans l'urinerelativement au volume de celle-ci, lorsqu'on établit dans l'uretère une contre-pression. Lapression parvient-elle è O"1,060 millimètres de mercure, on ne trouve plus d'urée dans l'urine.

1 Donder's Physiologie.

M. Roberts (de Manchester)1 a confirmé la réalité de ce fait chez l'homme. Dans un cas d'obstruction calculeuse de l'uretère, il s'é-chappa une petite quantité d'urine claire, contenant seulement 0gr,50 centigrammes d'urée pour 1000 grammes. Or, chez notre hystérique, les urines renferment 15 grammes d'urée pour 1000 grammes, chiffre qui se rapproche, comme on voit, du chiffre normal.

D'après cela, ce ne serait pas dans l'uretère que siégerait l'ob-stacle dans l'ischurie hystérique. Où réside-t-il? Faut-il invoquer ici une influence du système nerveux, analogue à celle que Ludwig a découverte à propos de la glande salivaire ? En l'absence de tout renseignement à cet égard, nous ne pouvons que laisser la question en suspens .......... .........

CLINIQUE CHIRURGICALE

CORPS FIBREUX DE LA GRANDE LÈVRE DROITE CHEZ UNE FEMME

ENCEINTE

accouchement naturel. — ablation de la tumeur six semaines après la délivrance. — gangrène, érysipèle. — guérison

par j. cornillon, interne des hopitaux

Jeannette P..., 27 ans, originaire du département de la Nièvre, est en apparence d'une vigoureuse constitution. Elle fut réglée à l'âge de 17 ans.— Il y a environ quatre ans, cette femme, montée au haut d'un cerisier, tomba à califourchon sur l'une des branches de cet arbre; elle éprouva sur-le-champ une vive douleur. Une large ecchymose apparut aux parties génitales, et quinze jours après une tumeur grosse comme une noisette se développait dans l'épais-seur de la grande lèvre droite. Je donne ces détails parce que, dans l'esprit de la malade, la chute qu'elle fit se lie étroitement à l'appa-rition de sa grosseur.

La tumeur s'accrut lentement ; au mois de mars 1871, elle était du volume d'un œuf de poule. A cette époque, survint une gros-sesse: la dernière époque des règles date du 19 mai 1871. Dès lors la tumeur s'accrut rapidement, et le médecin du pays qu'habitait

1 The Pathology of suppression of urine. In the Lancet, 1868, may 23 et 30; — 1870, june 18. — Mouvement méil, 1871, p. 22, 32 et 128.

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DES HOPITAUX

M Y O M E DE LA GRANDE LÈVRE

la malade, pensant que l'accouchement pouvait être gêné par une tumeur aussi volumineuse, l'envoya à la Maternité, où elle entra le 15 novembre 1871, salle Sainte-Marguerite, îv 2 (service de M. Tarnier).

La tumeur était alors aussi grosse au moins qu'une tête de fœtus à terme; elle était absolument indolente. La peau qui la recouvrait était mobile, très-épaisse, d'apparence éléphantiasique, la mu-queuse de la grande lèvre droite avait conservé son aspect normal. L'axe de la vulve était fortement dévié à gauche. La forme de la masse morbide était celle d'une poire, dont la petite extrémité di-rigée en haut se confondait avec le tissu même de la grande lèvre et constituait une sorte de pédicule. L'extrémité inférieure libre, volumineuse, arrondie pendait entre les cuisses. (Voy. planche XVI.)

La consistance de la tumeur était molle ; M. Tarnier crut même reconnaître de la fluctuation; il diagnostiqua un kyste à parois très-épaisses. Deux autres chirurgiens, MM. Depaul et Blot, furent appelés à donner leur avis ; M. Blot partagea l'opinion de M. Tar-nier; M. Depaul pensa au contraire que la tumeur était entièrement solide.

Cette grosseur était exclusivement limitée à la grande lèvre droite, sans prolongement du côté de l'excavation pelvienne, sans adhérence avec les os du bassin. Les ganglions inguino-cruraux n'étaient point engorgés ; l'état général de la femme était bon. Sous l'influence du repos, la tumeur qui gênait la marche par son poids diminua notablement, si bien que M. Tarnier crut à une ré-sorption partielle du liquide qui, dans sa pensée, devait se trouver dans cette masse. De plus, croyant, avec raison, qu'une opération faite pendant la grossesse pourrait être dangereuse, il attendit. C'est à cette époque que fut faite la photographie.

L'accouchement eut lieu le 19 janvier 1872, sans aucuue diffi-culté; tout se passa aussi naturellement que possible. Après la dé-livrance, la tumeur diminua d'une manière sensible, puis resta stationnaire. Quand tout écoulement lochial eut cessé, on fit des ponctions exploratrices sur le point le plus déclive de la tumeur; il sortit quelques gouttes de sang, mais pas de sérosité; on recon-nut alors qu'elle était entièrement solide, sans savoir toutefois quelle était exactement sa nature. Sur les instances pressantes de cette femme, qui avait hâte de quitter l'hôpital, l'opération fut dé-cidée pour le k mars.

La malade fut anesthésiée par le chloroforme : une incision pra-

tiquée sur la tumeur, parallèlement à la vulve, conduisit sur un tissu mollasse pourvu de nombreux prolongements dirigés en tous sens, et qui se laissa énucléer avec la plus grande facilité. L'opéra-tion dura environ trois quarts cl heure ; 300 grammes de sang s'écoulèrent par les lèvres de la plaie. Le poids de la tumeur était de 470 grammes ; son tissu était uniformément blanchâtre, se lais-sant aisément déchirer ; en un point, on remarquait un foyer jau-nâtre de la largeur d'une pièce de 2 francs.

L'examen microscopique fut fait avec beaucoup de soin par M. Muron, interne des hôpitaux ; il croit que cette tumeur est un corps fibreux. Sur des préparations qu'il a bien voulu me montrer, on voit en effet très-manifestement des fibres musculaires en assez grand nombre, beaucoup de vaisseaux à parois entièrement orga-nisées, et, plusieurs éléments embryonnaires disséminés un peu partout.

5 mars. La femme a de fréquentes envies de vomir, elle est pâle, abattue; ces accidents sont attribués à la chloroformisation. La forme de la plaie est à peu près exactement celle d'une vulve. Pansement à l'eau-de-vie camphrée.

6 mars. Vomissements bilieux. Le lambeau interne est sphacélô dans une partie de son étendue ; on y remarque deux eschares larges chacune comme une pièce de 2 francs. Ipéca.

9 mars. Les vomissements ont disparu ; l'état général est mauvais, le pouls petit, rapide ; on panse la plaie avec de la poudre de quin-quina.

11 mars. La surface de l'incision est recouverte en plusieurs points par des pellicules blanchâtres, diphthéritiques, très-adhé-rentes ; l'odeur de la suppuration est fétide. On remplace la poudre de quinquina par du jus de citron.

12 mars. L'aspect de la plaie n'a pas changé ; quelques petits frissons irréguliers dans la journée. Sulfate de quinine, 0gr,50.

15 mars. L'enduit pultacé persiste, la gangrène du lambeau in-terne ne fait pas de progrès. Frisson violent à minuit; la malade est très-affaissée. Sulfate de quinine, 0gI',50.

16 mars. Plusieurs vomissements dans la matinée ; on aperçoit à la partie postérieure et supérieure de la cuisse droite et de la fesse du même côté, une rougeur érysipélateuse très-sensible au loucher. Eau de Sedlitz, une bouteille.

17 mars. L'érysipèle s'est étendu sur la cuisse droite jusqu'à

son tiers inférieur. Pouls petit, fréquent. Poudre d'amidon sur les parties rouges et tuméfiées.

20 mars. L'érysipèle blanchit, la plaie se déterge, les eschares s'éliminent, l'état général s'améliore. La malade commence à dor-mir et à manger. Poudre de quinquina sur les lèvres de l'incision.

A dater de cette époque, la suppuration a été franche, et en ce moment-ci (30 mai) la malade se lève, est hors de danger. La plaie est presque entièrement cicatrisée. La grande lèvre droite, où siégeait cette énorme tumeur, n'a pas encore repris son volume normal ; on sent manifestement dans son épaisseur une petite masse char-nue de la grosseur d'un marron qui, vraisemblablement, est de môme nature que celle qui été enlevée le 4 mars. Une nouvelle opé-ration serait nécessaire, mais je doute que la malade y consente.

Réflexions. — Ce fut à propos de la malade dont nous venons de raconter l'histoire, qu'il s'éleva, dans le courant de mai s dernier, à la Société de chirurgie, une discussion du plus grand intérêt. Le débat roula sur les points suivants : 1° Doit-on opérer pendant la grossesse ? 2° Combien de temps après l'accouchement peut-on agir, avec chance de succès ?

M. Tarnier soutint d'une façon absolue qu'il ne fallait point por-ter l'instrument tranchant sur une femme enceinte ; il ajouta même qu'on devait attendre au moins deux mois après les couches pour tenter une opération sanglante. — MM. Blot et Depaul, tout en faisant des réserves à propos des cas urgents, adoptèrent celte manière de voir. M. Yerneuil se rangea complètement à l'avis de ses trois collè-gues, et apporta à la tribune des faits nombreux, publiés la plupart dans la thèse de M. E. Petit, et indiquant surabondamment que les opérations, même les plus légères et les plus insignifiantes, peu-vent être chez la femme enceinte suivis d'avortement et de mort. Pour ce chirurgien, l'état puerpéral est également une cause d'in-succès.

MM. Chassaignac et Després ne partagèrent point les opinions des précédents orateurs ; ils relatèrent plusieurs exemples de végé-tations vulvaires enlevées pendant la gestation, soit par l'écraseur linéaire, soit avec des ciseaux courbes, sans qu'il survînt ni hémor-rhagie, ni avortement. — M. Demarquay, de son côté, affirma qu'il avait fait très-souvent la suture du périnée quelques heures après l'accouchement, et que presque toujours il avait réussi.

Il sembla ressortir de cette longue discussion un enseignement

précieux: le chirurgien doit être très-prudent, lorsqu'il a à soigner une femme enceinte; il n'opérera que dans les cas tout à fait ur-gents, pour ne pas exposer d'un seul coup la vie de la mère et du fœtus. Une fois l'accouchement effectué, on attendra avant d'agir que les organes génitaux soient revenus à leur état normal et que la femme ait repris ses forces; trois mois seront nécessaires pour arriver à ce résultat.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

ANOMALIE DES REINS, DES BASSINETS ET DES ARTÈRES RÉNALES*

par le docteur henry liouville

Dans la séance du 8 mars 1872, à la Société analomique, nous •avons présenté, parmi les pièces relatives à un homme de 30 ans, qui avait succombé à une tuberculisation pulmonaire, pour laquelle il fut amené à la Clinique de M. le professeur Béhier (Hôtel-Dieu), un exemple des plus remarquables d'anomalie des reins, des bas-sinets et des artères rénales.

L'affection générale n'avait pas paru influencer, dans son sens, celte anomalie (les reins n'avaient pas subi l'altération tubercu-leuse), comme, par exemple, l'ont démontré d'autres présentations que nous avons faites en 1869 et en 1872, à la Société de biologie et à la Société anatomique. Ici, il ne s'agira, dans la description que nous résumons, que de l'aspect extérieur de l'anomalie.

Voici maintenant la description de l'anomalie du rein :

Les reins sont soudés sur la ligne médiane par leur extrémité inférieure présentant la forme d'un fer à cheval à concavité supé-rieure. (Voy. planche XVII.)

La portion de tissu rénal qui se trouve à la partie médiane et qui unit les deux reins était située au niveau de la troisième vertèbre lombaire, recouvrant en partie la deuxième. Elle mesure k centi-mètres dans son diamètre vertical ; son épaisseur est de 2 cen-timètres environ. De ce point les reins remontent vers la partie supérieure de la paroi abdominale, couchés de chaque côté de la

1 La pièce dont nous donnons la reproduction photographique a été dépesée au musée Dupuytren.

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REIN UNIQUE

colonne vertébrale, et recouvrant l'artère aorte et la veine cave in-férieure.

De leur jonction à leur extrémité supérieure, les reins mesurent chacun sur leur bord convexe 19 centimètres. L'intervalle qui sé-pare les bords internes de leur extrémité supérieure est de 7 cen-timètres.

Ils présentent un aspect lobule, surtout à leur partie inférieure, où l'on trouve cinq ou six sillons assez profonds.

L'aorte fournit à chaque rein deux artères : Lune pénétrant dans le rein à 6 centimètres de l'extrémité supérieure, l'autre à 1 centi-timètre et demi environ de la ligne médiane, tout à fait à la partie inférieure du rein.

L'anomalie, ici encore, est manifeste :

Les veines qui sortent du hile de chaque rein sont nombreuses et viennent former un gros tronc qui tombe de chaque côté de la veine cave inférieure, à 2 centimètres environ du tronc cœliaque.

Le bassinet gauche est volumineux; l'uretère qui lui fait suite passe dans un sillon situé à la partie antérieure du rein à 2 centi-mètres de la ligne médiane.

Dans le hile du rein droit l'on trouve six conduits qui viennent se réunir en une poche unique, volumineuse, située dans une dé-pression du rein de 2 centimètres de largeur. Celte dépression est à 4 centimètres de la ligne médiane. L'uretère droit passe comme le gauche à la partie antérieure du rein. Les deux uretères devenus symétriques sont normaux dans le reste de leur trajet.

La substance du rein, au point de jonction, se continue sans tran-sition appréciable; la couche corticale, la couche de Malpigbi, ne présentent aucun intervalle de séparation.

La vessie, Yurèthre n'offraient aucune anomalie.

TÉRATOLOGIE

PHOGOMÉLIE PELVIENNE UNILATÉRALE

par ded'faux, interne des hopitaux de paris

L'année dernière, notre ami, M. le docteur Villard, a publié dans la Revue (p. 164) l'observation très-cutïeuse d'un enfant qui, entre autres malformations, présentait celle qui est connue sous le nom

dephocomélie (1871, pl. XXI). En comparant ce cas avec le nôtre, nos lecteurs pourront voir combien ces malformations offrent de variété.

Il y a un mois environ, II... entrait à l'hôpital des Enfants malades, dans le service de M. Giraldès. Cet enfant est porteur d'une malfor-mation rare, intéressant la jambe et le pied du côté droit et diffé-rant des cas ordinaires de phocomélie en ce que le fémur n'a presque pas subi d'arrêt de développement.

Co'mmémoratifs, — Voici les renseignements que nous avons pu recueillir sur ses parents. Son père, âgé de 46 ans, jouit d'une très-bonne santé et ne s'est jamais livré à des excès alcooliques ; il est seulement atteint depuis quelques années, de surdité très-légère qui ne l'empêche pas de faire son service (il est gendarme). De son côté, sa mère, âgée de 41 ans, n'a jamais eu d'accidents nerveux et ses grossesses n'ont rien présenté de particulier.

II... est le huitième de neuf enfants ; tous ses frères et sœurs sont fortement constitués et bien portants. Un seul de ses frères a eu, dans son enfance, des convulsions qui ont disparu avec l'ado-lescence ; aujourd'hui il n'en reste aucune trace.

Notre phocomèle, âgé de quatre ans, n'a jamais été malade; il est intelligent, bien développé, si l'on en excepte le membre infé-rieur droit.

Description de la malformation. — La difformité porte surtout sur la jambe et le pied droits. La cuisse de ce côté offre un léger raccourcissement comparativement à celle du côté sain et un vo-lume un peu moindre. Voici du reste des mensurations qui donnent une idée de ces différences. En prenant pour point de repère l'épine iliaque antérieure et supérieure et le tubercule du condyle externe du fémur, on lrouve25ceniimètresetdemi pour le côtégauche, 22 seulement pour le côté droit. La différence est aussi minime pour la circonférence. Ainsi la mensuration donne, à la racine de la cuisse, 26 centimètres à gauche et 25 à droite; immédiatement au-dessus de la rotule 21 centimètres et demi à gauche, 19 centimètres à droite. Au niveau même de l'articulation du genou, on trouve une dilférence au moins de 5 centimètres à droite, différence qu'on ap-précie surtout très-bien par l'inspection : toutefois les surfaces ar-ticulaires ne paraissent pas déformées.

ha jambe droite est notablement plus courte que l'autre '. Elle pré-

1 La Planche XVIII donne une idée exacte de cette différence de longueur. Nous avons eu beaucoup de peine à photographier ce cas, en raiscn de l'âge de l'enfant et de la difficulté d'obtenir un repos absolu du membre sain.

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Planche XVIII.

MALFORMATION DU MEMBRE INFÉRIEUR DROIT

l Il O c O M É L l E

l Il O c O M É L l E

sente au niveau de la réunion des 2/3 supérieurs avec le 1/3 infé-rieur une incurvation en arrière, do telle sorte qu'elle fait un angle saillant en avant, sous la peau qui prései.te un petit sillon longitudinal répondant au sommet de cet angle. (Voy. planche XVIII.) On sent le tibia incurvé, mais il paraît plus volumineux et donne la sensation du cal d'une ancienne fracture. Par le fait de cette incur-va! ion de la jambe en arrière, le tendon d'Achille fait une forte sail-lie. Plus profondément et un peu en dehors, on arrive sur le péroné.

Les deux os de la jambe paraissent avoir subi une sorte de torsion et, autant qu'on peut en juger par la palpation, la mortaise e.4 très-déformée et son axe est surtout très-dévié. C'est ce qui, du reste, explique la position du pied, qui est tout à fait déjeté en de-hors et forme avec la jambe un angle presque droit, la face plan-taire regardant en arrière et un peu en haut. La planche XVIII rend bien compte Je cette disposition.

Ce pied, plus court que celui du côté opposé de quatre cenli-mètres environ, présente aussi un développement très-incomplet ; on ne peut que très-difficilement apprécier l'état du squelette. Cepen-dant il ne paraît pas exister plus de trois métatarsiens. Les orteils, à part le premier, qui est à peu près normal, sont représentés par un tubercule au sommet duquel on voit deux ongles rudimentaires. (Voy. planche XVIII.)

Mouvements. — H... se traîne plutôt qu'il ne marche; encore pour opérer cet acte est-il obligé d'adapter son membre sain à la longueur de l'autre ; ce qu'il fait en fléchissant fortement la jambe sur la cuisse, mais ce moyen est très-fatigant et il serait possible de remédier à son état en lui donnant un appareil prothétique : c'est du reste le motif qui a conduit ses parents à l'amener à l'hô-pital.

PATHOLOGIE EXTERNE

DE L ÉLONGATION HYPERTROPHIOUE DE LA PORTION SOUS-VAGINALE DU COL DE L'UTÉRUS

par l.-e. dupuy, interne des hopitaux de paris

On désigne sous le nom d'élongation sous-vaginale du col de l'utérus une hypertrophie partielle de cet organe, n'atteignant que

la portion siluée au-dessous de l'insertion du vagin. Les consé-quences de cette élongation sont faciles à prévoir : lorsque l'hyper-trophie est peu prononcée, le col fait saillie en avant dans le vagin; il apparaît à la vulve, ou même entre les cuisses, lorsqu'elle est plus accentuée.

On ne saurait confondre cet allongement hypertrophique du col avec le prolapsus utérin. En effet, ou bien ces deux affections exis-tent isolément, et, dans ce cas, la situation de la matrice, constatée par la palpation hypogastrique et le toucher vaginal ou rectal, fixe le diagnostic; — ou bien elles coexistent, et alors la mensuration à l'hystôromèlre indique un allongement du col se surajoutant au prolapsus.

En apparence, rien n'est plus simple, et il semble impossible de méconnaître une affection dont les signes ont, en quelque sorte, une ligueur mathématique Mais en réalité, il n'en est point ainsi ; la confusion de l'élongation du col avec le prolapsus utérin a été faite souvent par des chirurgiens, même expérimentés, et cette erreur a eu, pour un grand nombre de malades, des résultats désas-treux. L'emploi de pessaires et de divers autres moyens pour faire remonter un utérus dont la situation était parfaitement normale, devait, on le conçoit aisément, entraîner les accidents les plus fâcheux.

Le principal mérite d'avoir attiré l'attention des praticiens sur ce point revient à M. Iluguier, qui présenta à l'Académie, en 1859, un mémoire sur lequel nous aurons l'occasion do revenir souvent dans le cours de ce travail : l'histoire des diverses hypertrophies du col de l'utérus y est traitée de main de maître.

Depuis celle époque, un grand nombre d'observations d'élonga-tion du col ont été reproduites par la presse médicale; plusieurs monographies du plus haut intérêt ont contribué à élucider certains points qui n'avaient encore été qu'ébauchés. Rassembler ces divers faits épars dans la science, en y ajoutant quelques observations inédites, et faire de toutes ces parties un tout homogène, tel est le but que nous nous proposons ici. Nous le croirons suffisamment rempli si nous réussissons à frapper l'esprit du lecteur des progrès considérables accomplis depuis dix ans sur ce point, en apparence si restreint, de la pathologie utérine.

Historique.— Tout en faisant une large part aux travaux antérieurs de Desormeaux, Boyer, etc., M. Iluguier s'est attribué d'avoir, le premier, démontré l'erreur où l'on était tombé depuis longtemps

relativement au prétendu prolapsus de la matrice. Cette prétention souleva de nombreuses protestations parmi lesquelles nous citerons celles de M. Depaul à l'Académie1 et de M. Stoltz dans la Gazette heb-domadaire*. Néanmoins quelques auteurs, M. Courty entre autres, ont maintenu la priorité de M. Huguier. 11 nous semble donc utile d'entrer dans quelques détails historiques en remontant aux véri-tables sources.— Certains passages d'un livre resté célèbre3 in-diquent que Morgagni connaissait l'élongation du col de l'utérus. En effet, il décrit nettement, chez une femme de vingt-cinq ans, un corps cylindrique, semblable à un pénis, plongeant dans l'intérieur du vagin, et il reconnaît le col de l'utérus descendu au voisinage de la vulve. Ailleurs, il pense que c'est à une laxité primitive du col qu'il faut attribuer une élongation si rare*.

Dans le mémoire de Levret5, publié quelques années plus tard, nous trouvons plusieurs observations claires et détaillées de l'affec-tion qui nous occupe. — Les conclusions de Levret sont assez cu-rieuses pour que nous reproduisions ce document :

« Cette maladie est, comme on vient de le voir, un renversement total du vagin, avec un allongement considérable du col propre de la matrice, sans que le corps de cet organe y ait presque part. En effet, on voit que les quatre tumeurs dont il vient d'êlre question avaient de commun entre elles, savoir: 1° la figure conique, dont le moindre volume était en bas; 2° qu'à la partie déclive de chacune d'elles était situé l'os tincae; 5° que de cette ouverture s'écoulaient les règles; 4° qu'une sonde introduite par cette ouverture a péné-tré jusqu'à six pouces de profondeur, et même pu parvenir à toucher le fond... Ces tumeurs diffèrent de la descente complète de la matrice sans renversement en ce que, quoique l'os tincae soit réellement à la partie déclive de la tumeur, si on introduit une sonde par son ouverture, elle ne va guère au delà de deux pouces de profondeur, tandis que, dans notre cas, on a vu qu'elle va de six à huit et quelquefois plus. »

Celte description est remarquable, surtout lorsqu'on songe à l'époque où elle a été faite. Sans aucun doute le lecteur a été sur-

1 Depaul, Comptes rendus de l'Académie de médecine, 1859.

2 Stoltz (de Strasbourg), Gazette hebdomadaire, vol. VI, 1859, p. 316. 5 Morgagni, de Sedibus et causis morborum, 1761.

4 « Istani raram longitudinem. »

n Levret, Mémoire sur un allongement considérable qui survient quelquefois au col de la matrice, dans le Journal de médecine, chirurgie, par Roux, vol. XL, 1775.

pris, comme nous, en voyant qu'eu 1775 l'usage du cathétérisme utérin était connu et qu'il avait déjà servi à établir, d'une façon indubitable, le diagnostic différentiel de l'hypertrophie du col et de la descente complète de la matrice.

Il existe néanmoins une lacune regrettable dans le Mémoire que nous citons; nous vouions parler du traitement chirurgical de l'élongation. Levret et ses contemporains semblent bien éloignés de songer à l'amputation possible du col de l'utérus hypertrophié.

C'est à Brest 1, en 1780, qu'on pratiqua pour la première fois une opération de ce genre, par suite d'une erreur de diagnostic. On fit la ligature de la tumeur, qui avait été prise pour un polype utérin, et la malade mourut de métro-péritonite. Nous ne retrou-vons, vers la môme époque, le récit d'aucune opération analogue, et il nous faut arriver en 1846 pour citer les deux exemples d'élon-gation du col, auxquels Ph. Boyer appliqua la résection.

Dès lors l'attention était attirée sur ce point, et la science put enregistrer successivement les remarquables travaux de Bennet, Virchow, Herpin, Boivin , Scanzoni et Huguier. L'important mé-moire de ce dernier a été, depuis son apparition, sujet à de vives critiques. On a reproché à son auteur d'être trop absolu dans ses opinions et de ne point tenir suffisamment compte des études de ses devanciers et de l'observation générale. Poussant ses opinions à l'extrême, au point de nier complètement l'abaissement de l'utérus et l'élongation congénitale du col, M. Huguier a été formellement contredit par MM. Depaul, Bennet, West2 et plusieurs autres con-temporains. Nous tâcherons plus loin d'apprécier la véritable va-leur de ces objections.

ànatomie pathologique. — I. Considérations sur l'anatomie nor-male et l'élongation congénitale du col utérin. — Le col de l'utérus se trouve divisé naturellement en deux portions distinctes par l'in-sertion du vagin, qui forme une véritable rigole circulaire autour du museau de tanche. Nous n'avons pas à nous occuper ici de la partie supérieure, située au-dessus de celte insertion et nommée, pour cette raison, portion sus-vaginale du col. L'extrémité infé-

1 Segard, Dissertation sur les polypes utérins. Paris, 1804.

3 Dennet, Traité pratique de l'inflammation de l'utérus, de son col et de ses annexes. Tract, franc. 1801. — Bennet, des Ulcérations et des engorgements du col utérin. Thèse de Paris, 1845. — Virchow, in Vertsauvc der Gesellsckaft fur Geburt in Berlin, 1847. — Herpin, de l'Allongement démesuré du col de l'utérus. Janvier 1^'SO. — Scanzoni, de la Métrde chronique. Trad. Sif'ferman, 1806.

rieure, qui fait le sujet de celle étude, est désignée sous le nom de portion sous-vaginale ou vaginale; elle est entourée complètement par l'extrémité supérieure du vagin, dans lequel elle plonge libre-ment. Sa longueur varie, à l'état normal, entre 6 et 12 millimètres. Deux circonstances ont une influence manifeste sur ces dimensions : la portion vaginale diminue de longueur en raison du nombre des grossesses. (Cazeaux.) D'autre part, Cruveilhier fait remarquer qu'il existe fréquemment, chez les femmes avancées en âge, un effacement complet du museau de tanche, et il ne comprend pas comment il a pu se faire que Vélongation de ce dernier ait été con-sidérée, pendant si longtemps, comme l'état régulier à cette période de la vie. C'est donc chez les jeunes femmes nul upares que la lon-gueur du col est le plus considérable.

Très-souvent, le coït ne modifie point cette longueur; il tend, au contraire, à l'exagérer par le mécanisme suivant : la pression du membre viril s'effectuant, vu la conicité du col, en arrière de cet organe, a pour effet d'augmenter la profondeur du cul-de-sac utéro-vaginal postérieur, ce qui rend nécessairement plus considé-rable la saillie du museau de tanche. Ces derniers détails analomi-ques nous expliquent un dissentiment qui existe entre MM. Bennet et Huguier. Ce dernier, qui semble n'avoir observé que des femmes d'un certain âge, a été amené à nier formellement que l'élongation pût exister à titre de malformation congénitale, sans aucun état pathologique. Telle n'est point l'opinion de M. Bennet, qui a con-staté chez plusieurs jeunes femmes non mariées un allongement plus ou moins prononcé du col utérin, sans aucune espèce de cause inflammatoire. Nous ne voyons dans ces cas qu'une exagération parfaitement admissible de la disposition que nous venons de signa-ler comme étant la plus habituelle à cet âge.

11. De la coexistence possible des hypertrophies sus et sous-vagi-nales du col. — Nous n'avons en vue, clans celte étude, que l'élon-gation portant sur la portion sous-vaginale du col. Cette variété constitue une affection parfaitement distincte, se manifestant par des caractères quila différencient, avec la plus grande netteté, de Y hypertrophie sus-vaginale. Il ne faut pas oublier néanmoins que, mal gré ces différences symptomatiques, ces deux affections ont presque toujours un point de départ commun, c'est-à-dire une lésion de nutrition. Elles peuvent donc coexister, mais c'est là un fait très-rare; et, pour sa part, M. Huguier dit ne l'avoir jamais rencontré. L'observation suivante en est un exemple frappant : l'hypertrophie

ayant porté également sur la portion sus-vaginale, le vagin fut en-traîné dans la descente du col. Cette disposition vint compliquer singulièrement l'opération et la rendit plus dangereuse ; aussi, M. Alph. Guérin dut-il pratiquer la résection du col assez bas, pour ne point léser la paroi vaginale.

Observation I. — Hypertrophie des portions sus et sous-vaginales du col de Vutérus; chute du vagin; ulcération de la tumeur ; résection du col ci Vaide de Vécraseur ; guérison. (Obs. communiquée par M. Guérin à la Société de chirurgie le 15 février 1860).

Jeune femme de 23 ans ; réglée entre 16 et 17 ans, elle a eu, jusqu'ici, ses menstrues très-régulièrement. Le sang qu'elle perdait était rouge et abondant. La durée des règles, qui d'abord était de 3 à 5 jours, ayant aug-menté dans les dernières années jusqu'à 8 et 10 jours, la malade a été quelquefois effrayée de la quantité de sang qu'elle perdait.

A l'âge de 19 ans, devenue grosse, elle accoucha à l'hôpital St-Antoine. L'accouchement se fit naturellement à terme et les douleurs ne durèrent guère plus d'une heure. C'est pourtant à une époque voisine de son accou-chement que la malade rapporte le début de sa maladie, sans qu'elle puisse bien préciser, n'ayant jamais ressenti la moindre douleur dans la région.

État de la malade au moment de Vopération. Le museau de tanche con-sidérablement hypertrophié faisait hors de la vulve, entre les petites lèvres, une saillie du volume d'une pomme d'api. Rouge dans la plus grande partie de son étendue, il était le siège d'une ulcération à fond grisâtre, dont l'étendue était à peu près celle d'une pièce d'un franc. L'hystéromètre, in-troduit dans le col de l'utérus, pénétrait à une profondeur de 10 à 11 cen-timètres, suivant la pression exercée sur le manche de l'instrument. En portant le doigt indicateur dans le vagin, on sentait distinctement, une sorte de calus indiquant le point où finissait le col et où commençait le corps de l'utérus.

La cavité du corps de l'utérus, ayant la direction et le volume de l'état normal, est de 3 centimètres, tandis que la longueur du col est de plus de 7 centimètres.

L'opération ayant été décidée, M. Guérin s'attache à fixer l'étendue du col qu'il devait enlever et reconnaît ainsi la disposition suivante :

L'hypertrophie n'ayant pas seulement porté sur la portion sous-vaginale du col, mais aussi sur la portion sus-vaginale, le vagin relâché a suivi le col dans sa descente et le tapisse jusqu'à la distance de 5 centimètres de son orifice extérieur, de telle sorte qu'il eût été infailliblement coupé si la chaîne de l'écraseur eût porté un peu au-dessus de ce point.

Opération. La malade ayant été endormie par le chloroforme, M. Guérin opère à l'aide de l'écraseur. Bien que la section eût été faite promplement en 13 ou 14 minutes, il ne s'écoule que quelques gouttes de sang. L'utérus devenu libre remonte aussitôt, et il est impossible de constater si la coupe était concave ou convexe.

Résultat. 9 jours après l'opération, la malade dit n'avoir point souffert; elle mange bien, et, quoiqu'elle n'ait encore quitté son lit que pour aller au bout de la salle, on peut la considérer comme guérie. Notons, en outre, que la cavité du col n'a point disparu sous la constriction de l'écra-seur, bien qu'aucune précaution n'ait été prise pour s'opposer à son obli-tération .

Cette observation n'est pas intéressante seulement au point de vue où nous nous sommes placé plus haut ; notons dès mainte-nant plusieurs particularités sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir plus loin, à savoir : l'ulcération de la tumeur, l'absence d'hémorrhagie malgré la vascularité évidente du col, la persistance de la cavité cervicale après la résection, l'influence d'une grossesse ayant agi comme cause déterminante du processus hypertro-phique.

Nous avons trouvé dans la presse américaine un second cas qui nous semble devoir être rapproché de celui de M. Alph. Guérin. Il appartient au docteur Waren (de Boston). Les différents détails de cetle observation sont trop écourtés et trop obscurs pour se prêter à une discussion sérieuse ; nous les résumons ici sans aucune espèce de commentaires :

Observation II. — Élongation hypertrophique du col; descente du vagin et de la moitié de la vessie; résection du col, par M. Waren (American Journ. of (lie med. Science, 1864.)

Une femme de 66 ans présente un allongement hypertrophique datant de 26 ans. Le col a atteint une longueur de 5 à A pouces et fait saillie entre les grandes lèvres, entraînant avec lui la moitié de la vessie et une grande partie du cul-de-sac péritonéal. Après avoir séparé avec soin ces parties du col hypertrophié, M. Waren réséqua cet organe, et dès lors le col utérin et les organes adjacents reprirent leur position naturelle dans le bassin.

III. Formes et dimensions du col hypertrophié. — Les différentes formes que peut affecter le col de l'utérus hypertrophié ont été décrites d'une façon remarquable par Scanzoni. — Avec lui nous distinguerons les variétés suivantes :

Première variété. Le col hypertrophié et surtout épaissi est plus volumineux à son extrémité inférieure qu'au point où le vagin s'insère sur lui. Cette forme se rencontre chez les femmes qui ont eu et chez celles qui n'ont pas eu d'enfants, mais plus souvent chez les premières. Dans cette variété, il n'y a pas seulement élon-gation, mais hypertrophie à la fois dans les deux sens transversal et longitudinal.

Deuxième variété. Le col est conique, allongé et son orifice est plutôt rétréci qu'élargi. Celte forme appartient aux femmes qui n'ont pas eu d'enfants.

Troisième variété. Elle ne se rencontre aussi que chez les femmes qui n'ont pas eu d'enfants ; le col ayant subi un allongement cylin-drique descend jusqu'à la vulve et la dépasse quelquefois.

Quatrième variété. Le caractère essentiel de cette forme est le développement plus considérable d'une seule des lèvres du col. Elle ne se rencontre que chez les femmes qui ont accouché une ou plusieurs fois.

Cinquième variété. Elle consiste en une hypertrophie de chacune des lèvres, qui descend plus ou moins bas dans le vagin. L'orifice du col est alors constitué par une fente transversale, longue et irré-gulière.

La longueur du col hypertrophié varie généralement entre k et 6 centimètres, mais elle peut aller au delà et atteindre 9 centimètres. Dans ce dernier cas, le col fait une saillie considérable entre les cuisses et tend à simuler l'hermaphrodisme, tant il ressemble à un pénis. (A suivre )

REVUE ANALYTIQUE

OBSTÉTRIQUE

I. Note sur un nouvel excitateur utérin en cas d'accouchement prématuré artificiel, par M. le docteur Hïernaux. (Bull, de VAcadé-mie de méd. de Belgique, 1871, p. 1019.) — Un grand nombre de procédés et d'appareils ont été imaginés dans le but de déterminer l'accouchement prématuré. Les uns agissent sur la périphérie du museau de tanche, d'autres dilatent le col, d'autres enfin s'adres-sent à la cavité même de l'utérus. C'est parmi ces derniers qu'il faut ranger l'excitateur utérin, que M. le docteur Hyernaux a pré-senté à l'Académie de Belgique (séance du 28 octobre 1871).

(/est du corps môme de la matrice, qu'au terme de la grossesse, part le premier signal du travail : c'est donc là qu'il faut éveiller la conlractilité, sans se préoccuper beaucoup de l'orifice ; cette con-tractilité une fois mise en branle et bien établie, le col subira, comme dans l'accouchement spontané, toutes les modifications qui en sont la conséquence obligée et naturelle. L'injeclion intra-uté-

line, la sonde flexible de Krause, le dilatateur de Tarnier opèrent dans ce sens, ainsi que l'excitateur utérin de M. llyernaux. Celle dénomination est préférée par l'auteur, car, dans son opinion, ce n'est pas en dilatant, mais bien en excitant les parois utérines qu'agit son appareil, qu'agissent également les dilatateurs adoptés par MM. Mattei et Tarnier.

Après avoir employé successivement et inutilement les injections intra-utérines, les douches utéro-vaginales, l'éponge préparée à la ficelle, le colpcurynter de Braùn, la sonde flexible de Krause et la perforation des membranes pour déterminer l'accouchement pré-maturé chez une femme atteinte de rétrécissement du bassin, M. Hyernaux se trouva pris au dépourvu. « L'instrument de « M. Mattei ou celui de M. Tarnier auraient bien fait mon affaire, « dit-il, mais je ne les possédais ni l'un ni l'autre, et, je l'avoue, a quoique les connaissant, je n'y pensais pas. C'est alors que, tout « préoccupé de ce que j'allais faire, il me vint une idée que je mis « de suite à exécution et qui me les rappela. »

« Une sonde d'homme, en tissu gommé, flexible, de,'petit calibre, un sac en baudruche et une longue pince à polype, à.défaut de pince spéciale, ou bien encore un simple mandrin en font tous les frais. Dans bien des cas, on pourrait se passer de pince et de man-drin si la sonde offrait quelque résistance. Le bout fermé de la sonde fut enlevé d'un coup de ciseaux, el, tout contre l'extrémité ouverte, je fis un petit trou; trois ou quatre centimètres plus bas, j'en pratiquai un second. Cela fait, je pris du côté de son extrémité close une portion, cinq centimètres environ, du sac en baudruche ; le sommet fut alors plissé sur lui-même, et après y avoir passé une des plus petites de ces perles dont les enfants s'amusent, j'y fixai un fil solide qui, introduit en haut dans le canal de la sonde et re-passé ensuite en dehors par le trou supérieur que j'y avais pratiqué, me servit à attirer jusque dans l'ouverture de la sonde, en l'y faisant même pénétrer, le fond du godet en baudruche. Quelques tours de fil et un nœud fixèrent en place cette partie du godet. Celui-ci fut ensuite retourné puis rabattu sur la sonde, et sa cir-conférence ouverte, préalablement bien froncée, fut assujettie par quelques circulaires de fil autour et à la toute extrémité du tube.

« Le reste du sac, coupé à la longueur de 7 à 8 centimètres reçut alors sa destination. La sonde y fut passée, puis les ouver-tures du cy'indre membraneux ramenées et plissées sur elle, l'une un peu plus haut, l'autre un peu plus bas que le second pertuis,

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y furent solidement fixées par plusieurs tours de fil, le second trou se trouvant compris entre les deux points d'attache. Ainsi préparée, la sonde donne évidemment lieu, après insufflation ou injection d'eau, à deux ballons fixés sur la même tige, susceptibles d'être gonflés en même temps, distants de deux à trois centimètres et dont le supérieur, grâce au fil qui en maintient le centre contre la sonde, présente un enfoncement médian, froncé, qui l'aplatit et le fait ressembler à certains champignons à bords retroussés en haut.

« Au bout libre de la sonde on adapte un petit robinet qui livre passage à l'air et à l'eau, et en empêche la sortie suivant les besoins. Un simple lacet à nouer ou un cône en bois à passer dans le tube, après gonflement de l'appareil, rempliraient mieux le même office. »

Cet appareil a déterminé rapidement l'accouchement dans les deux cas où il a été employé. Il présente, suivant son auteur, les avantages suivants : les deux ballons étant invariablement assu-jettis, le supérieur excite la fa~c interne de l'utérus, l'inférieur excite le col.

De l'application immédiate du ballon utérin sur l'orifice du col, il résulte : que tout prolapsus du cordon est empêché; que la fuite des eaux en masse est arrêtée ; que le décollement du placenta ne peut avoir lieu, s'il est situé à une certaine distance du col ; que, en supposant le placenta inséré près du col et détaché par le ballon, la sortie du sang serait modérée et la formation d'un caillot obtu-rateur favorisée. Enfin, grâce à la forme particulière, aplatie, du ballon, le déplacement du fœtus ne serait pas aussi aisément pro-duit.

En résumé, l'excitateur de M. Hyernaux diffère surtout du dila-tateur de M. Tarnier en ce que, au ballon utérin, est ajoutée une seconde ampoule inférieure ou vaginale qui force la première à res-ter appliquée sur le col.

Les avantages qui résultent de cette disposition seront-ils aussi considérables que le suppose l'auteur? La pratique jugera cette question.

« Il est simple, ajoute-t-il encore, ne coûte rien, et tout accou-« cheur peut le confectionner lui-même en un instant. » Cela est très-vrai. Mais l'accoucheur pris au dépourvu ne pourrait-il pas aussi aisément, plus aisément même, en profitant des indications de M. Hyernaux, fabriquer à l'aide d'une sonde et d'un sac en baudruche, un dilatateur utérin beaucoup plus simple encore,

analogue à celui de M. Tarnier, et dont l'application serait presque constamment, sinon toujours, couronnée de succès?

II. Grossesse et maladies du cœur, par Peter. (Union médi-cale, 1872. ) — Par le fait même de la grossesse, la masse totale du sang augmente chez la femme enceinte: il en résulte une hypertro-phie physiologique du ventricule gauche. Le cœur de la femme doit désormais battre pour deux, ses poumons devront aussi respi-rer pour deux. S'il préexistait une insuffisance mitrale, la résultante de la contraction exagérée du cœur sera une accumulation de sang dans l'oreillette gauche et dans les poumons. De là des bronchites aisément contractées, bronchites congestives qui prennent les pro-portions du catarrhe suffocant et qui s'accompagnent d'hémopty-sie. C'est généralement vers le cinquième mois de la grossesse que commencent à apparaître ces accidents. Les poumons sont donc compromis ; le muscle cardiaque lui-même l'est davantage ; les accidents de la deuxième période des maladies du cœur sont préci-pités (troubles de l'hématose) et le passage à la troisième période est accéléré (troubles de l'hématopoièse). Des intermittences du cœur et du pouls apparaissent ; il y a asthénie cardiaque.

Tels sont les accidents de la grossesse dans l'insuffisance mitrale, accidents bien mis en lumière par M. Peter, et dans le style qu'on lui connaît. Il en résulte que, dans des cas semblables, on devra déconseiller des grossesses futures et interdire l'allaitement qui, lui aussi, nécessitant une circulation plus active, demande au cœur une somme plus considérable de travail.

III. Déchirure centrale du périnée pendant l'accouchement. Passage de l'enfant par cette ouverture. Opération. Guérison, par le docteur Letenneur. (Journal de méd. de l'Ouest, 1871, p. 9.) — Voici le résumé de cette observation très-intéressante. Une jeune dame de la Vendée, primipare, accouchait au mois de juin 1870. La sage-femme appelée n'arriva que bien des heures après l'appa-rition des premières douleurs ; elle annonça que les choses allaient à merveille et se termineraient rapidement. Elle ne voulut pas per-mettre que la patiente, couchée sur la plume et dont le siège était profondément enfoncé, fût placée sur un lit de sangles. Elle se borna à des paroles d'encouragement. En dernier lieu seulement, pour satisfaire aux demandes réitérées de la malade, elle passa sous les lombes une serviette au moyen de laquelle deux personnes soulevèrent le bassin.

A ce moment, une douleur violente survint, et la femme s'écria :

« J'accouche, prenez l'enfant ». En effet, la tête était entre les cuisses et l'accouchement se termina très-naturellement, du moins en apparence. Les suit .s de couche furent d'abord régulières, bien que la malade se plaignît de vives douleurs. Puis les lochies de-vinrent fétides, et huit jours après l'accouchement, un écoulement de sang survint tout d'un coup. On envoya chercher la sage-femme, qui examina les parties génitales avec attention, parut fort décon-tenancée, partit et ne revint plus.

Trois semaines seulement après la délivrance, les douleurs péri-néales persistant, on en reconnut la cause. Cette dame fut amenée à Letenneur, un mois plus tard. Le périnée avait, d'avant en arrière, 3 centimètres et demi d'étendue. Il existait une boutonnière centrale qui avait moins d\ 15 millimètres, et était distante de la vulve et de l'anus de 1 centimètre environ. Le sphincter de l'anus était intact. La vulve était pelite, portée très en avant. La commissure postérieure était entière. Les bords de la plaie périnéale étaient rapprochés. Le doigt introduit dans le vagin pénétrait au niveau ce l'ouverture du périnée, dans une dépression qui donnait la sensation d'un abcès largement ouvert.

Après quelques jours de repos et de préparation, la malade fut opérée, huit semaines environ après l'accouchement. L'avivement de la peau et de la muqueuse fut pratiqué. Les surfaces mises en état de cruentation furent rapprochées par quatre points de suture enchevilléc. La malade ayant été reportée dans son lit, les cuisses furent rapprochées l'une de l'autre et maintenues à l'aide de mouchoirs plies en cravate. Trois fois par jour le cathétérisme fut pratiqué. Le septième jour, on enleva les sutures profondes ; le hui-tième, les (lis qui réunissaient les bords de la peau ; le dixième, la cicatrisation était parfaite, il n'y avait plus extérieurement de traces de suppuration, et le vingtième la malade pouvait retourner chez elle parfaitement guérie.

IV. Déchirure IlNcomplète de ia membrane hymen, par Martinelli. — Si le périnée, dans certains cas, peut être rompu et traversé par la tête du fœtus au moment de l'accouchement, on voit dans d'autres circonstances la membrane hymen non déchirée et hyper-trophiée mettre obstacle au passage de l'enfant. Tel est le fait rap-porté par M. Martinelli. (Union médicale, 18 avril 1872.) Il s'agit d'une femme d'une trentaine d'années, mariée depuis dix ans et enceinte pour la première fois. Le toucher pratiqué au moment de l'accouchement ne permit pas de pénétrer jusqu'au col de l'utérus ;

le doigt était arrêté au fond d'un cul-de-sac de 4 centimètres envi-ron de profondeur et fermé de toutes parts. Lorsque la tête fut arrivée au niveau du détroit inférieur, elle repoussa devant elle la membrane hymen qui, bien que distendue outre mesure, était en-core assez dense, et assez résistante pour s'oppos:r à la terminaison de l'accouchement. Cette membrane présentait deux petits pertuis par lesquels le sang s'écoulait, quoique difficilement, au moment des règles, par lesquels aussi avait pu pénétrer le liquide fécon-dant. Après avoir, pendant dix années consécutives, résisté victo-rieusement aux assauts de la cohabitation, ce diaphragme obtura-teur dut être incisé pour permettre le passage de l'enfant.

V. Du cancer de l'utérus au point de vue de la conception, de

la grossesse et de l'accouchement, par G. Chantreuil — Un cas de cancer utérin observé par M. Chantreuil, à la Clinique d'accouche-ments, lui a fourni l'occasion de produire un excellent mémoire. A ce sujet, il a colligé les différents faits épars dans la science, en y ajoutant deux observations inédites dues à M. Guéniot, et il a montré quelle pouvait être l'action de cette maladie : A, sur la conception; B, sur la grossesse; C, sur l'accouchement.

A. La conception est possible, cela n'est pas douteux, mais elle doit être moins fréquente pour deux raisons : grâce à l'obstacle mécanique apporté par la tumeur, grâce à l'état cachectique qui, dans certains cas, s'oppose à l'ovulation.

B. La désorganisation du col ne s'oppose pas nécessairement à la marche régulière de la grossesse, car le développement de la cavité qui renferme l'œuf fécondé se fait presque exclusivement aux dé-pens du corps de l'organe. Cependant, si elle peut arriver jusqu'au terme normal, lorsque la tumeur est limitée à une lèvre du col ou à sa portion vaginale, dans d'autres circonstances l'accouchement peut avoir lieu avant terme ou bien être retardé. Dans le premier cas, la lésion s'étendant jusqu'à l'orifice interne, les contractions utérines se développent prématurément; dans le second, grâce à la résistance du col, la grossesse est prolongée.

C. L'influence du cancer sur Y accouchement diffère suivant la va-riété à laquelle la tumeur appartient. En effet: a, les productions pathologiques peuvent être mollasses, fongueuses; b, l'induration peut être squirrheuse.

a. Si la tumeur est mollasse et fongueuse, la dilatation peut être

1 Mémoire in-8° de 100 pages. Paris, Adr. Delahaye, éditeur.

plus ou moins lente à se produire, mais l'accouchement a lieu spon-tanément ; des exemples de ce genre ne sont pas rares.

b. Il en est le plus souvent autrement, lorsque l'induration est squirrheuse. L'envahissement est-il partiel, on a vu, il est vrai, la dilatation se faire parfois aux dépens des parties restées saines, mais le plus souvent l'intervention du chirurgien est nécessaire. L'envahissement au contraire est-il généralisé, la délivrance ne peut jamais avoir lieu naturellement. La terminaison sera donc diffé-rente suivant les circonstances : ou bien la malade sera momenta-nément guérie, l'accouchement ayant été naturel ou artificiel ; ou bien elle succombera, soit à l'épuisement, soit à une rupture de l'utérus, etc.

Un tableau résumant 60 observations et indiquant les résultats obtenus donne une idée de la gravité de celte affection : dans 55 cas les malades se rétablirent, dans 25 elles moururent pendant le travail ou des suites de l'accouchement.

Non-seulement on ne devra pas confondre la tumeur cancéreuse avec une présentation de la tête, une présentation des fesses ou une insertion vicieuse du placenta, comme cela a été fait plusieurs fois, mais encore on devra porter un diagnostic aussi complet que possible.—Du diagnostic, en effet, résultent des indications pour le traitement. Si, dans certains cas favorables, l'accouchement a lieu par les seules forces de la nature, l'expulsion du fœtus peut d'autres fois se faire attendre et l'existence de la mère être compromise. Alors il faut agir, et agir rapidement. La méthode le plus fréquem-ment suivie consiste en des incisions multiples, peu étendues, pra-tiquées de chaque côté du col. Le forceps est ensuite appliqué ; rarement on fait la version, car il faut une certaine violence pour passer la main à travers l'orifice utérin rigide. Dans certains cas exceptionnels, on devra tenter Y extirpation de la tumeur ; la crânio-tomie etYembryotomie ont été mises en usage, mais très-rarement; d'autres fois, enfin, si la femme est faible au point de ne pouvoir résister aux souffrances de la parturition et si l'enfant est vivant, c'est à Yopération césarienne qu'il faudra avoir recours. Nous ne pouvons que renvoyer le lecteur au travail de M. Chantreuil pour cette dernière partie si importante au chirurgien; on la trouvera bien discutée et clairement exposée.

P. BlJDIN.

PATHOLOGIE COMPARÉE

Des maladies de la rate chez les animaux. (Suite et pin.) — III. Inflammation. — On ne trouve à l'égard de la splénite, chez les animaux, aucun renseignement certain. Professée pendant quel-que temps, à Alfort, par Delafond, comme entité morbide, elle fut plus tard abandonnée par ce professeur;

On a cité quelques cas d'abcès isolés dans la rate ; mais généra-lement ceux-ci ne sont qu'une manifestation de l'infection puru-lente.

IV. Tumeurs. — On ne trouve pas à l'égard des tumeurs de la rate de nombreux renseignements ; cependant la pathologie des animaux possède quelques faits bien observés.

La rate peut être le siège de tubercules. On les trouve habituelle-ment dans la phthisie pulmonaire de l'espèce bovine. Chez ces animaux, l'évolution du tubercule présente deux types classiques ; ou bien les tumeurs évoluent dans leurs différentes phases comme chez l'homme ; leur terminaison ultime et fatale est alors la régres-sion graisseuse : c'est la phthisie proprement dite; ou bien les tuber-cules arrivent à former des tumeurs arrondies, dures, ayant le vo-lume d'une noix, et quelquefois celui du poing. C'est leur ressem-blance avec une pomme qui a fait donner à cette variété le nom de pommelière, à l'époque où l'on était plus préoccupé des caractères physiques que de la structure et du mode de développement.

La rate, dans l'un et dans l'autre cas, est souvent le siège de pa-reilles tumeurs.

Celles de la pommelière sont principalement formées, ainsi que l'analyse l'a démontré, de phosphate et de carbonate de chaux. Sans aucun doute, comme dans les calcifications en général, les élé-ments cellulaires du tissu conjonclif sont infiltrés par ces sels.

Chez le cheval, en même temps que l'on constate dans le poumon des abcès nombreux enkystés, entourés d'un véritable tissu de nou-velle formation, on en trouve quelquefois de semblables dans la rate. Cette forme de pneumonie, connue dans le langage vétérinaire sous le nom de vieille courbature, ne paraît pas devoir être rattachée à la tuberculose, car le tubercule, dans cette espèce animale, est encore à démontrer.

Dans la morve, dans le farcin, deux maladies de même nature, puisque l'une peut reproduire l'autre par inoculation, on trouve souvent dans le poumon, dans le foie, dans la rate, des granulations

miliaires, ou bien des dépôts formés d'une matière blanchâtre ou jaune, d'une consistance variable, mais jamais ramollie entière-ment, comme il est indiqué dans le mémoire de Gillet. (Commission d'hygiène hippique, 1847).

Ce sont là très-probablement des produits caséeux, car les re-cherches de MM. Cornil et Trasbot, communiquées à la Société de biologie, paraissent établir que les granulations du poumon, et les glandes lymphatiques subissent des modifications résultant de prolifération - cellulaires rapides, pouvant subir la transformation caséeuse.

Le cancer de la rate est assez fréquent. Rarement il est primitif ; le plus souvent il s est étendu par propagation, de l'estomac, ou du foie à la rate. On le trouve chez le cheval, le bœuf, mais surtout chez le chien. M. Trasbot en a rapporté plusieurs exemples ; c'est surtout le squirhe que l'on observe. (Recueil de médecine vétérinaire, août 1869).

Une autre variété de tumeur, dérivant de la mélanose, s'observe également dans la rate du cheval. « La propagation de la mélanose à la rate est extrêmement fréquente. Les tumeurs secondaires que l'on trouve dans cet organe sont souvent en nombre et en volume tels, qu'elles peuvent en décupler la masse et en altérer complète-ment la forme. On a vu des rates infectées de tumeurs mélaniques, dont le poids était de 15 à 20 kilogrammes, et les dimensions en longueur, largeur et épaisseur, doublées et quintuplées. Au lieu d'être plane et à peu près lisse sur ses faces, comme dans l'état phy-siologique, la rate présente alors des bosselures sphéroïdes, ovoïdes ou mamelonnées, tendues et élastiques, de couleur brune à reflets violacés, de la grosseur du poing d'un homme et quelquefois plus. Une coupe de l'organe est marbrée de tons rouges et sépia, et res-semble un peu à celle des muscles infectés de la même néoplasie. Dans les points envahis par la tumeur, la substance de la rate a com-plètement disparu. On n'y retrouve aucune trace de l'organisation pi'imitive. Leur tissu est, comme partout du reste, continu à celui de l'organe. Elles sont moins foncées en couleur que dans le tissu conjonctif et les muscles; très-dures, résistantes, elles crient sous l'instrument tranchant et restent toujours à l'état de crudité. » (Cornil et Trasbot, de la Mélanose, 1868.)

F. Raymond,

MALADIES DE LA PEAU1

VI. Pemphigus déterminé par l'iodure de potassium, par Bumstead. — Nous avons signalé naguère les éruptions produites, dans cer-tains cas, par le bromure de potassium. Nous avons vu que parfois on voit se développer des ulcérations. M. Fischer a constaté des ef-fets analogues à la suite de l'usage abusif de l'iodure de potassium (Union méd., 1860, numéro du 30 janvier). M. Cazenave a vu des éruptions huileuses suivies d'ulcérations difficiles à guérir (Iodothé-rapie, p. 65, 2e édit.). Voici un nouvel exemple irréfutable de cette action trop peu connue des sels de potassium sur la peau.

Un Irlandais, âgé de 28 ans, fut admis à l'hôpital pour des ulcé-rations ecthymateuses des jambes remontant à dix mois. La dernière siégeait sur le péroné droilr Deux blennorrhagies sans manifesta-tions syphilitiques. Depuis quatorze mois, œdème des pieds ; dou-leurs nocturnes dans les tibias. On lui donne 1 gramme d'iodure de potassium par mois. Dès la troisième dose, le malade se plaint de chaleur avec sensation de brûlure de la face et des mains, qui sont très-rouges. Vu quelque temps après par M. Bumstead, il fut trouvé dans un état cachectique très-prononcé, avec de nombreuses petites taches purpurines sur les pieds et la partie inférieure des jambes. Il y avait, en outre, depuis la veille au soir, de très-larges bulles, dont plusieurs avaient un pouce et demi de diamètre sur le derrière du cou, le front, la face et le dessus des mains, c'est-à-dire sur toutes les parties du tégument exposées à l'air. Ces bulles étaient remplies de sérum, clair ici, trouble là, rougeâtre ailleurs et mêlé de sang ; un cercle rougeâtre et œdémateux les entourait. Elles se rompirent en peu de jours, séchèrent et disparurent. Le malade re-connut là l'effet ordinaire de l'iodure de potassium. Ayant fait usage de ce médicament à trois reprises différentes, d'après l'avis de trois médecins, ce fut toujours avec le même résultat. C'est ainsi que M. Me. Cready, l'un d'eux, a observé les mêmes effets et a pu les comparer. La cause n'en saurait donc être douteuse. (Union méd., 1871, p. 551, n. 83.)

L'iodure de potassium a donné lieu, dans le cas qui précède, à une éruption huileuse; ce phénomène est exceptionnel. En effet, d'après M. Bazin, l'action de l'iode et des iodures alcalins em-ployés à l'intérieur se traduit sur le tégument externe par des

1 Yoy, Revue phot, des hôpitaux de Paris, 1872, page 57.

éruptions variées que l'on peut réduire à trois formes principales : Io une forme érythémateuse ; 2° une forme populeuse; 5° une forme pustuleuse. » (Leç. the'or. et clin, sur les affections cutanées artifi-cielles,]). 201). Il faudrait donc admeltre une quatrième forme, la forme huileuse.

BIBLIOGRAPHIE

Communication de la carotide interne et du sinus caverneux (anévrysme artério-veineux), parle docteur E. Delens. In-8° de 90 pages avec 2 planches coloriées. Paris, Adr. Delahaye, éditeur.

Un fait remarquable, rapporté dans la thèse d'Henri, attira en 1856 l'attention surla communication anévrysmale de la carotide interne et du sinus caverneux. L'exemple d'anévrysme présenté vingt années avant par Baron à la Société analomique avait passé inaperçu, et c'est à M. Nélaton que revint l'honneur de diagnosti-quer le premier celte affection sur le vivant. Les circonstances de cette observation sont assez intéressantes pour que nous les rappor-tions brièvement.

Un étudiant en droit avait reçu, dans une rixe, sur l'œil gauche, un coup de parapluie qui occasionna une plaie de la paupière dont la cicatrisation fut rapide. Mais, au bout de quelques jours, l'œil droit présenta les symptômes suivants : globe oculaire saillant dé-passant d'un centimètre l'arcade sourcilière, plus chaud que le gauche ; presbytie et tous les signes de la paralysie de Loculo mo-teur commun (chute de la paupière, mydriase, strabisme divergent]. L'œil était animé d'un soulèvement isochrone avec battements artériels et présentait, à l'auscultation, un bruit de souffle presque continu, avec renforcement correspondant à la diastole arté-rielle, etc.

Après s'être rendu compte des faits par une expérience sur le ca-davre, et avoir éloigné l'idée d'un anévrysme de l'artère ophlhal-mique qui aurait amené une arnaurose par compression du nerf optique, M. Nélaton n'hésita point à affirmer l'existence d'un ané-vrysme de la carotide interne au niveau du sinus caverneux. L'au-topsie, pratiquée plus tard par M. Sappey, vérifia l'exactitude de ce diagnostic.

En 1858, L. Hirschfeld communiqua à la Société de biologie un fait analogue, mais reconnu seulement sur le cadavre. Enfin, plus récemment, M. Nélaton diagnostiqua une seconde fois une commu-nication de la carotide interne avec le sinus sur une jeune malade de l'hôpital de la Clinique, et ici encore la vérification put être faite à l'autopsie.

A part l'étiologie et certains détails anatomiques, l'analogie entre les deux cas de M. Nélaton est complète ; les divers symptômes enu-meres plus haut se retrouvent avec une netteté frappante dans la deuxième observation.

Dès lors, l'histoire de l'anévrysme artério-veineux de la carotide interne et du sinus caverneux ne devait plus se borner à la simple mention des lésions anatomiques observées sur le cadavre. Les symptômes, conséquences de ces lésions, concordent si bien avec les données physiologiques ; ils sont si précis et semblent si constants, que la question peut être placée hardiment sur le terrain de la clinique.

Tel est en effet le but que s'est proposé M. Delens, qui a observé lui-même le dernier malade de M. Nélaton. « Malgré le très-petit nombre de cas authentiques que nous possédons, dit-il dans sa pré-face, il nous semble cependant possible d'établir nettement la symptomatologie de cette affection. La connaissance exacte de la lésion et des conséquences qu'elle entraîne, du côté de l'orbite, per-mettra sans doute de la diagnostiquer désormais. »

Ce programme a été largement réalisé, et certes nous ne nous avançons point trop en disant qu'après cet excellent mémoire, il sera donné à des chirurgiens moins expérimentés que M. Nélaton de diagnostiquer une affection qui semble avoir été si longtemps méconnue.

Les lignes suivantes, où l'auteur a pris soin de se résumer lui-même, font deviner un esprit éminemment scientifique.

« La communication de la carotide interne et du sinus caverneux consiste soit en une simple perforation de l'artère, soit en une di-vision complète ou à peu près complète avec écartement des deux bouts. La solution de continuité résulte tantôt de la rupture d'un sac anévrysmal préexistant ou d'une paroi athéromateuse (rupture spontanée), tantôt de la déchirure produite par un corps vulnérant venu du dehors ou par une esquille provenant d'une fracture de la base du crâne Rupture traumatique). Le mélange du sang artériel et du sang veineux détermine la plupart des symptômes que l'on

observe dans l'anévrysme artério-veineux des autres régions : troubles de la calorification, de nutrition, dilatations veineuses.

Ces symptômes se développent du côté de l'orbite, où ils pro-duisent l'exophthalmie, des pulsations isochrones aux battements artériels, un bruit de souffle continu avec renforcement, et plus tard une tumeur pulsatile à lapartie supérieure et interne de l'orbite.

Cette tumeur est formée par la dilatation de la veine ophthal-mique qui est le phénomène caractéristique de l'affection.

Le développement des symptômes est graduel. La tumeur vei-neuse pulsatile n'apparaît qu'au bout d'un certain temps. Les com-plications les plus ordinaires consistent en lésions des nerfs moteurs des muscles de l'œil (paralysie de la 3e et de la 6e paire). La vision est généralement respectée.

Lorsque la continuité du bruit de souffle est reconnue, le dia-gnostic ne peut hésiter qu'entre la dilatation cirsoïde de l'artère ophthalmique et l'anévrysme artério-veineux. Dans un certain nombre de cas, les observateurs paraissent avoir méconnu la lé-sion et l'avoir confondue avec l'anévrysme de l'artère ophthalmique. Les principaux moyens cbirurgicaux à opposer au développement de la maladie sont : la compression digitale, les injections coagu-lantes, et, comme dernière ressource, la ligature de la carotide pri-mitive.

L.-E. Duptjy.

De la congestion pulmonaire simple, par le docteur Ernest Bourgeois, ex-interne des hôpitaux de Paris, membre de la Société anatomique. Paris, Adr. Delahaye, éditeur.

Élève de M. Woillez, le docteur Bourgeois a pris pour sujet de sa thèse l'étude d'une entité morbide connue depuis peu de temps, et qui a été l'objet des longues méditations du maître. C'est, en effet, M. Woillez qui, le premier en 1851, a affirmé l'existence de l'hyperémie simple du poumon. En 1866, il publiait dans les Ar-chives de médecine un mémoire duquel il ressort clairement que la congestion pulmonaire existe comme maladie particulière. Enfin il y insiste de nouveau dans son Traité des maladies aiguës des organes respiratoires, dont M. Malherbe a fait ici même une étude analy-tique.

M. Bourgeois cite plusieurs observations à l'appui de cette opi-nion. De l'ensemble de son travail il paraît bien résulter qu'il existe

réellement une congestion pulmonaire simple. Malheureusement les meilleures preuves lui manquent. Nous voulons parler de la né-cropsie. Mais ce n'est pas une raison pour nier l'existence de la maladie, il y a seulement lieu d'affirmer son peu de gravité. Du reste, M. Woillez, dans son ouvrage, cite des autopsies qui lui ont permis de constater des congestions pulmonaires dans des points où, pendant la vie, il avait constaté les symptômes de cette ma-ladie.

Nous nous contenterons d'appeler l'attention sur deux points seulement. A propos du diagnostic de la congestion pulmonaire et de la pleurodynie, l'auteur proteste contre la théorie qui explique la faiblesse de la respiration par une suspension volontaire ou in-stinctive des mouvements de la poitrine, de même qu'il n'admet pas que, dans l'épanchement pleurélique unilatéral, le côté sain de la poitrine se développe davantage pour suppléer le poumon com-primé. Cette doctrine est en opposition avec les lois de la saine phy-siologie. « Étant données, dit M. Bourgeois, les conditions phy-siques et les lois suivant lesquelles se meut la poitrine humaine, il est impossible à un malade de faire que telle ou telle partie de son poumon ne respire pas, tandis que telle autre continue à fonc-tionner. » L'auteur part de là pour prétendre que la pleurodynie simple est une maladie très-rare et qu'elle a fait méconnaître beau-coup de congestions. Car une pleurodynie ne débute pas par des frissons et de la fièvre, et surtout elle ne cède pas aux évacuants d'une façon pour ainsi dire merveilleuse, comme la congestion. Disons, en effet, en passant, que dans les congestions pulmonaires simples, on voit constamment une amélioration rapide succéder à l'emploi d'un éméto-cathartique. Les émissions sanguines locales sont aussi d'un excellent effet. Mais la méthode évacua' le, par son action sur les vaisseaux pulmonaires et sur la circulation générale est le remède qu'il faut employer avant tout.

Le second point sur lequel nous voulons insister, c'est la tempé-rature. M. Bourgeois s'est livré, dans les hôpitaux, à l'étude thermo-métrique de la congestion pulmonaire, et il est arrivé à cette con-clusion que la fièvre et l'élévation de la température sont deux phénomènes constants dans la congestion qui n'est pas accompa-gnée de névralgie intercostale. Mais il conclut aussi en disant que cette élévation de température dépasse rarement 59 degrés, tandis que dans la pneumonie elle dépasse souvent 40 degrés. C'est donc un élément de diagnostic. L'auteur insiste sur l'étude du diagnostic

différentiel de la congestion pulmonaire et des maladies avec les-quelles on peut la confondre. Il ne peut trouver de signe pathogno-monique de cette affection, mais l'ensemble des symptômes, leur marche rapide et leur disparition quelquefois subite, surtout sous l'action d'un traitement approprié, lui permettent de justifier ses assertions. Dr G. Bouteiluer.

CONGRÈS MÉDICAL DE FRANCE

(4e session, tenue à Lyon.)

L'institution des congrès médicaux est trop en harmonie avec nos opinions pour que, à chaque occasion, nous ne nous empres-sions d'encourager son fonctionnement, ses progrès. La première réunion de ce genre a eu lieu à Rouen en 18(35 ; la seconde à Lyon (1864), la troisième à Bordeaux (1865). Depuis lors jusqu'à cette année, il n'y a pas eu d'autre séance du Congrès médical de France. Strasbourg avait été choisi pour siège du quatrième congrès, mais les circonstances ont empêché la réalisation de ce projet. Il est vrai que, comme compensation, nous avons eu les congrès internationaux de Paris (1.867) et de Florence (1869). Avant le congrès international qui doit se réunir à Vienne l'année prochaine,la villede Lyonajugô utile de reprendre la série interrompue du Congrès médical de France et nous ne saurions trop applaudir à son excellente initia-tive. Il est à espérer que ces réunions deviendront véritablement annuelles et qu'elle arriveront à dominer, par l'importance des travaux qui y seront apportés, toutes les sociétés officielles où la science et l'hygiène publique sont trop souvent sacrifiées à l'esprit de coterie. Aux académies, organisme usé du vieux inonde, nous espérons voir se substituer un jour les congrès médicaux plus en harmonie avec les aspirations démocratiques de notre époque. B.

STATUTS

Article 1er. Un Congrès médical sera ouvert à Lyon le 18 septembre 1872.

Art. 2. Le Congrès sera scientifique et professionnel; il aura une durée de neuf jours.

Art. 3. Le Congrès se composera de membres fondateurs et de membres adhérents. Seront membres fondateurs les docteurs en médecine, les phar-maciens, les médecins vétérinaires diplômés de Lyon et des autres dépar-tements qui en feront la demande à la commission d'organisation. Le prix de la souscription est fixé à 15 fr. Seront membres adhérents les docteurs en médecine, pharmaciens, vétérinaires, étrangers au corps médical lyon-nais, qui enverront leur adhésion à M. le secrétaire général (M. le docteur Dron, 5, rue Pizay, à Lyon). — Ils seront exonérés de toute rétribution pécuniaire.

Art. 4.— Les travaux du Congrès se composeront : Io de communications sur les questions proposées par la commission ; 2° de communications sur des sujets étrangers au programme.

Art. 7. — Les membres fondateurs ou adhérents qui désireront faire une communication sur une des questions du programme ou sur un autre sujet sont invités à adresser leur travail à M. le secrétaire général au moins une semaine (10 septembre) avant l'ouverture du Congrès. La commission décidera de l'opportunité des communications et de l'ordre suivant lequel elles seront faites.

Art. 8. — Les séances du Congrès seront publiques, mais les membres fondateurs ou adhérents auront seuls droit de prendre part aux discus-sions. 11 y aura une ou deux séances par jour suivant le nombre et l'im-portance des travaux.

Art. 0. — Chaque question n'occupera qu'un jour, et l'ordre du jour sera ainsi réglé: Io lecture sur les questions du programme; 2° discussion; 3° si le temps le permet, communication des travaux laissés à l'initiative indi-viduelle.

Art. 10. — Le temps accordé pour chaque lecture sera limité, s'il y a lieu, en vue de donner accès à un plus grand nombre de travaux.

Art. 11. — A l'ouverture de la première séance, le Congrès nommera son bureau, composé d'un président, de vice-présidents, d'un secrétaire général, de secrétaires des séances.

Art. 12. — Tous les mémoires lus au Congrès seront déposés, après chaque séance, entre les mains du secrétaire général ; ils sont la propriété du Congrès. Les travaux du Congrès seront publiés en totalité ou en partie par les soins de la commission d'organisation.

PROGRAMME

En faisant suivre de commentaires l'énoncé de quelques-unes des ques-tions, la commission n'a point voulu circonscrire à un nombre limité de points les recherches auxquelles elle fait appel; elle entend, au con-traire, laisser aux communications toute la latitude, toute la généralité

possibles. Elle n'a eu cl autre but que d'indiquer les côtés de la question qid lui paraissent plus particulièrement intéressants, soit par leur actualité, soit par leur caractère pratique 1.

lro Question. — Des épidémies de variole. IIe Question. — Des plaies par armes à feu. IIIe Quesiion. — Des ambulances en temps de guerre. IVe Question. — De la peste bovine ou typhus contagieux du gros bétail. Ve Question. — Des causes de la dépopulation en France et des moyens d'y remédier.

VIe Question. — Du traiter:znt [de la syphilis.

VIIe Question — De la réorganisation de l'enseignement de la médecine et de la pharmacie en France.

VIII0 Question. — Des moyens pratiques d'améliorer la situation du mé-decin et de la mettre en harmonie avec l'importance du rôle qu'il est appelé à remplir dans la société.

Ces questions seront traitées dans l'ordre de leur inscription au pro-gramme. Ainsi : la 1" question du programme sera traitée le mercredi 18 ; — la 2e, le 19 ; - la 3% le 20 ; — la 4% le 21 ; — la 5e, le lundi 25 ; — la 6% le 24; — la 7°, le 25; —la 8e, le 26.

Pour la commission d'organisation,

Le président, P. Diday.

Le secrétaire général, Achille Dron.

EXPLICATION DE LA PLANCHE XVII (p. 182) A. Aorte.

AI. Artères iliaques primitives.

VG. Veine cave inférieure.

U. Uretères.

ar. Artères rénales.

vr. Veines rénales.

Sur l'extrémité gauche du rein, on voit une incision qui a été pratiquée pour examiner la disposition de la substance rénale.

1 Les organisateurs du congrès ont fait suivre chaque question de longs com-mentaires. Ceux de nos lecteurs qui désireraient se les procurer pourront s'adres-ser directement aux organisateurs du congrès.

Le Gérant : a. m mo.ntméja.

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE OBSTÉTRICALE

TUMEUR IY10LLUSCOIDE CONGÉNITALE DE LA RÉGION FESSIÈRE

augmentant de volume a chaque grossesse et diminuant après l'accouchement

Par M. hervieux, médecin de la Maternité.

L'observa lion qui va suivre emprunte son principal intérêt à la discussion soulevée récemment à la Sociétéde chirurgie (séancedu 6 mars 1872) par une intéressante communication de notre dis-tingué collègue M. Tarnier, discussion relative à l'influence de la grossesse sur le développement de certaines tumeurs et à l'oppor-tunité de l'intervention chirurgicalel.

Cette discussion a mis en relief un fait considérable, à savoir que la grossesse imprime à toutes les tumeurs un mouvement hyper-trophique qui fait place, aussitôt après l'accouchement, à un mou-vement en sens inverse, en sorte que ces tumeurs tendent à revenir à leur volume antérieur. 11 en est ainsi de toutes les tumeurs fi-breuses, mais ce que l'on sait de l'hypertrophie du cœur chez les femmes grosses, de la tendance à l'hypertrophie du corps thyroïde chez certaines d'entre elles, explique ce développement. Dans cer-tains cas, le mouvement rétrograde que subissent les tumeurs aus-sitôt après l'accouchement est tellement prononcé, que celles-ci peuvent s'atrophier entièrement et disparaître, mais il n'en est pas toujours ainsi. De même que le col utérin conserve chez les multi-- pares un volume beaucoup plus grand que chez les primipares, de même certaines tumeurs, loin de s'atrophier, ne reviennent pas

1 La discussion a eu pour point de départ l'observation publiée dans le der-nier numéro de la Revue (p. 178) par M. Cornillon. Voy. aussi la planche XVI.

4e année. ?

même au point de départ et en définitive restent après chaque grossesse plus développées qu'elles n'étaient antérieurement,

C'est dans cette dernière catégorie qu'il faudrait ranger la tumeur congénitale dont nous allons présenter l'histoire : bien que nous ne puissions rien affirmer d'uiie manière absolue, puisque nous n'avons pas connu la malade avant son entrée à la Maternité, les renseigne-ments fournis par elle nous portent à penser que la tendance atro-phique de la tumeur après chaque accouchement n'a jamais été aussi accusée que le mouvement hypertrophique pendant chaque grossesse, eh sorte que la différence a toujours été finalement une différence en plus. Un autre côté intéressant de notre observation, c'est la confirmation qui en résulte pour les recherches de M. Bour-neville, relativement aux données fournies parle thermomètre dans ïéclampsie puerpérale. Notre malade, ayant été prise d'éclampsie pendant le travail, fut accouchée par le forceps dès la première attaque, et les accès s'étant répétés un certain nombre de fois après l'accouchement, nous avons pu reconnaître l'exactitude des déduc-tions tirées par M. Bourneville, tant des faits qu'il a rapportés dans son travail (Mouvement médical, numéros des 14 et 28 janvier 1872), que des observations conformes qui ont été signalées à la Société de biologiel.

M. Bourneville avait établi : 1° que l'on note au début de l'éclampsie une élévation de température, qui s'accroît assez rapi-dement, tant que les accès augmentent de fréquence et d'intensité, et qui s'accentue encore aux approches et au moment même de la mort ; 2° que la température s'abaisse progressivement au fur et à mesure que les accès s'éloignent et que le coma diminue ou cesse définitivement; 3° que le contraire a lieu dans l'urémie, c'est-à-dire que la température subit un abaissement progressif quand le mal s'aggrave, et au contraire remonte et tend à revenir au niveau nor-mal quand l'urémie disparait. Ces données diagnostiques sont pré-cieuses en ce sens que, si elles se confirment, elles ruinent une théorie qui a joui d'une certaine faveur dans ces derniers temps en raison de la grande autorité de ses auteurs, Virchow et Frerichs ; il est vrai que notre distingué collègue, M. Alfred Fournier, avait déjà, dans sa thèse de concours pour l'agrégation en 1863, singu-lièrement battu en brèche cette doctrine, mais il nous manquait la démonstration clinique, et cette démonstration nous est fournie par

*¦ Voy. aussi Revue photogi^ des hôpitaux, etc., 1871, p. 85.

le thermomètre, puisque le mouvement de la colonne de mercure se fait en sens directement inverse dans les deux maladies.

On verra, en effet, par les détails de notre observation que, dans la période ascendante de l'éclampsie, le thermomètre s'est élevé progressivement jusqu'à 59 degrés, tandis que, dans la période décroissante de la ma-ladie, il a baissé successivement de 59 degrés à 57 degrés. (Voy. Fig..)

Enfin, le cas que nous allons rapporter nous a fourni l'occasion d'appliquer dans l'ex-ploration de l'urine, un procédé de dosage de l'albumine, imaginé par M. Ch. Tanret1, in-terne en pharmacie, procédé qui se recom-mande : 1° par sa précision, puisqu'il permet de déterminer avec une exactitude presque mathématique la proportion d'albumine con-tenue dans l'urine; 2° par sa sensibilité, puis-

qu il fait découvrir 5 centigrammes d albumine dissoute dans un litre de liquide.

On a deux liqueurs appelées liqueur réactif titrante et liqueur témoin.

Fig. 4. -+- Température 19 heures après la pre-mière attaque. ± Tem-pérature 5 heures après la dernière attaque.

La liqueur titrante renferme :

Bichlorure de mercure.....

Iodure de potassium pur.....

Acide acétique.........

Eau distillée q. s. pour faire. . .

l«r,35 3«r,32 12 c. c. 44 c. c.

La liqueur témoin contient :

Bichlorure de mercure. Eau distillée......

1 gramme. 100 —

Pour opérer le dosage, on prend 10 centimètres cubes d'urine filtrée, et l'on y verse goutte à goutte la liqueur titrante, en agitant chaque fois. Quand le précipité ne paraît plus augmenter, on essaye, après chaque nouvelle addition, si une goutte mise sur une sou-coupe de porcelaine ne donne pas un précipité jaunâtre avec la liqueur témoin. A ce moment on s'arrête. Pour voir nettement le précipité, il faut d'abord verser trois gouttes ; ce léger excès de

1 Journal des connaissances médicales, mai 1872.

liqueur titrante est aussi nécessaire pour rendre le précipité com-plètement insoluble. Du nombre de gouttes employées, on retranche donc trois, et le nombre restant représente autant de fois 50 cen-tigrammes d'albumine par litre. Appliqué à notre malade, ce procédé nous a permis de suivre la décroissance progressive de la proportion d'albumine contenue dans l'urine, en même temps que la décroissance de la température et du pouls et le rétablissement graduel des fonctions sensoriales.

Observation. — Tumeur congénitale de la fesse. — Eclampsie.— Diminution de la tumeur après Vaccouchement. (Observation re-cueillie par M. Budin, interne du service.)

Pouj..., 35 ans, multipare, est entrée à la Maternité le 11 avril 1872. Examinée par la sage-femme au moment de son admission, elle n'attira pas l'attention, grâce à la faculté qu'elle possédait de dérober sa tumeur en s'asseyant dessus. Elle put même rester ainsi près d'un mois à l'infirmerie des femmes enceintes, où elle avait été envoyée à cause de ses varices sans que l'on soupçonnât l'exis-tence de sa tumeur. Ce ne fut que le 25 mai que nous fut révélée celte particularité pathologique, et voici les renseignements que nous avons recueillis.

La malade assure être venue au monde avec sa tumeur ; celle-ci aurait augmenté de volume avec les progrès de l'âge. Lamenslrua-tion, qui ne s'établit qu'à 22 ans, n'eut aucune influence appréciable sur son développement. Préalablement à toute grossesse, le volume de la tumeur était moitié moindre que celui qu'elle offre actuelle-ment. Cette tumeur était très-molle, mobile, indolente, ne gênait la malade ni pour marcher, ni pour s'asseoir, ni pour aucun autre acte physiologique.

Mariée à l'âge de 29 ans à un ouvrier relieur, elle l'accompagna à pied dans les nombreuses pérégrinations auxquelles il se livra en cherchant de l'ouvrage. Il ne résulta de ces fatigues aucune incommodité sérieuse. Elle traversa ainsi successivement un grand nombre de villes : Vesoul, Lyon, Dijon, Moulins, Bourges, Orléans, Angers, etc., etc. Pendant ce temps, elle devint enceinte. Vers le sixième mois de la grossesse, la tumeur acquit un volume presque double de celui qu'il offrait auparavant. Au septième mois, la ma-lade, partie d'Angers, était sur le point d'arriver à Nantes, lorsqu'elle ressentit tout à coup les douleurs de l'enfantement. Elle dut s'ar-rêter dans une ferme où l'accouchement eut lieu. Elle resta souf-

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

TUMEUR CONGÉNITALE DE LA FESSE

AVANT L'ACCOUCHE MENT

frante pendant deux mois et entra dans un hôpital de Nantes. Elle ne se souvient que d'une chose, c'est que son ventre et ses membres inférieurs étaient enflés. On examina son urine par la chaleur et un liquide, mais chaque fois l'urine restait claire. Quelque temps après l'accouchement, la tumeur avait repris son volume normal.

Guérie, la malade recommence sa vie errante, parcourt la Bre-tagne, la Normandie, et dans le cours de ses pérégrinations devient enceinte une seconde fois ; c'est alors qu'elle vint à Paris et se fit recevoir à la Maternité.

L'examen, fait le 25 mai, nous permet de constater les faits sui-vants : la malade est, selon toute apparence, parvenue à huit mois et demi de grossesse. Ce n'est que depuis un mois qu'aurait recom-mencé le développement anormal de la tumeur. Dans les derniers quinze jours surtout, le développement aurait été considérable. Cette tumeur, née de la partie inférieure de la grande lèvre gauche, s'étend en arrière sur la fesse du même côté jusqu'à sa partie supé-rieure et en se rapprochant du sillon interfessier. Elle présente des apparences assez diverses suivant l'attitude qu'on donne à la malade.

Lorsque celle-ci est placée sur le côté gauche, la tumeur apparaît sous la forme d'un énorme rein qui s'insérerait par un large hile sur toute la hauteur de la fesse gauche. Cette attitude laisse à dé-couvert le sillon interfessier qui est bordé, mais non envahi par la tumeur. Dans l'attitude sur le côté droit, le sillon interfessier dis-paraît, recouvert qu'il est par la tumeur, aussi bien qu'une partie de la fesse du côté opposé. (Voy. Planche XIX.)

Si la femme se couche sur le ventre, la tumeur se détache en saillie sur la fesse gauche. On dirait une seconde fesse superposée à la première. Dans le décubitus dorsal, la malade repose sur sa tumeur, qu'elle comprime comme un coussin, et sans qu'il en résulte pour elle de sensation douloureuse. Cette tumeur, ainsi aplatie, se montre par sa portion antérieure entre les deux cuisses lorsqu'on les écarte, et par sa portion la plus externe, elle fait saillie en dehors de la fesse, sous la forme d'une masse épaisse, charnue, convexe et arrondie sur les bords.

Enfin, lorsqu'on place la femme debout, la tumeur pend, comme un sac charnu sur la partie postérieure et supérieure de la cuisse gauche.

La peau qui recouvre le pédicule de la tumeur est molle, flasque,

terne, plissée et sans adhérence aucune avec les parties sous-jacentes. Considérée au contraire au niveau de la circonférence, et dans la partie la plus convexe de la tumeur, l'enveloppe cutanée est lisse, de couleur rosée et présente des traces non équivoques d'oedème. Elle conserve longtemps et profondément l'empreinte des doigts qui la compriment. Plus on se rapproche du pédicule, plus la surface de la tumeur est irrégulière et comme lobulée. Ces lobules ont peu de résistance, quoique l'ensemble de la tumeur forme une masse assez dure. Nulle part on ne sent de fluctuation, rien qui fasse soupçonner la présence d'un liquide. L'auscultation ne fait entendre aucun souffle vasculaire, aucun bruit morbide. Voici quelles étaient les dimensions de la tumeur à cette époque :

Grand diamètre......

Petit diamètre......

Circonférence du pédicule,

38 centimètres. 19 — 55 —

Le poids total de la tumeur était de 3,700 grammes.

Sur diverses parties du corps, et notamment aux membres infé-rieurs, on aperçoit de petites saillies brunâtres, arrondies, molasses, d'un centimètre de diamètre environ, se laissant déprimer par le doigt, mais n'offrant pas d'inégalités au toucher. Plusieurs de ces tumeurs se voient nettement sur les Planches XIX et XX. Le membre inférieur droit est en outre le siège de varicosités nombreuses, sur-tout au niveau de la jambe et du pied. Dans ces régions, les veines superficielles, très-flexueuses, forment un réseau bleuâtre à mailles très-serrées et se dessinant en saillies sous la peau.

kjuin. — Rupture spontanée des membranes. Présentation du sommet en O.I.G.A.

Une attaque d'éclampsie ayant eu lieu à minuit, la sage-femme en chef termina l'accouchement par une application de forceps à mi-nuit 15 minutes. — Délivrance spontanée à minuit 30 minutes. — Fille née morte pesant 3,700 grammes.

Second accès écïamptique aussitôt après la délivrance. L'urine, examinée les jours précédents, ne contenait pas d'albumine. De minuit 45 minutes, à 5 heures du matin, neuf accès. En tout, onze accès.

A 5 heures du matin, on fait passer la malade dans le service de médecine. De 5 heures du matin, à 10 heures 30 minutes du soir, dix accès qui se succèdent comme suit :

1er accès....... 5 h. 15 m.

2- —...... 6 h.

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

TUMEUR CONGÉNITALE DE LA FESSE

après l'accouchement

3e .6 h. 15 m. ' . : ~~ .

¥ —...... 7 h. Pouls, 142.; T. V. 38».

Saignée de 400 grammes.

5e . 7 h. 30 m.

6e — .... ... . 8 h. 15 m.

7e — ...... à midi.

8e — ... . . 3 h. 15 m. du soir.

9" . 6 h.

À 7 heures du soir (19 heures après la première attaque) tempé-rature vaginale 39°,2. — A 8 heures, saignée de 500 grammes. ftjuin. — Dernier accès, 5 heures du matin.

8 heures du matin. ...... T. V. 39°; P. 104

Midi.............. T. V. 38°,5;

6 heures du soir........ T. V. 38°,2; P. 96

10 heures —....... T. V. 38°.

La tumeur a conservé son volume, elle est un peu moins violacée et moins tendue que la veille. — La malade est en partie sortie du coma ; elle ne parle pas, mais la sensibilité est revenue.

7 juin. — A 7 heures du matin, T. V. 57°,8 ; P. 72. — La con-naissance revient; la malade parle; elle se plaint d'un grand mal à la tête. — La tumeur est plus molle, moins œdématiée, moins vo-lumineuse. — 6 heures du soir. T. V. 57°,1 ; P. 76.

8 juin. — 9 heures du matin, T. V. 37°,6; P. 80. — 4 heures du soir, T. V. 37°,9; P. 92. — La tumeur continue à diminuer de volume; sa flaccidité augmente.

9 juin. — 8 heures du matin, T. V. 58° ; P. 96.

10juin. — Matin, T. V. 38°; P. 96. — Soir, T. V. 38°; P 96. il juin. — Matin, T. V. 37°,8 ; P. 80. — Soir, T. V. 38°,2 ; P. 96.

iîjuin. — Matin, T. V. 37°,8; P. 96.

\^ et U juin. — Matin, T. V. 37°,9; P. 96.

15 juin. — T. Y. 37°,8; P. 96. — M juin. T. V. 37°,7; P. 96. — iS juin. T. V. 37°,4 ; P. 84. — juin. T. V. 37°,5 ; P. 80.

L'albumine de l'urine, ayant été dosée par le procédé Tanret, a présenté une diminution progressive, comme l'indique le tableau suivant :

5 juin...... 4«r,5 d'albumine par litre.

6 — ..... 4*'.0 —

7 —......3er,0. —

, 9 —..... 3s%0 —

10 —..... 5sr,0 —

11 —..... 5*r,0 —

17 —..... 2«r,0 —

21 juin. — Le volume de la tumeur a diminué de moitié. Elle est molle, flasque, ridée sans trace d'œdème (voy Planche XX). La peau qui la recouvre est terne, brunâtre. — Le poids actuel de la tumeur est de 1,800 grammes. — Les dimensions sont les sui-vantes :

Grand diamètre.......

Petit diamètre.......

Circonférence du pédicule. . Grande circonférence. . . .

26 centimètres.

15

58

58

L'état général est bon. La malade se lève et mange deux por-tions.

23 juin. — La malade quitte l'hôpital complètement rétablie.

29 juin. — Elle est présentée à la Société médicale des hôpitaux. Il résulte de l'examen qui a été fait de sa tumeur, par les médecins les plus compétents en matière d'affections cutanées, qu'il s'agit dans ce cas d'un molluscum pendulum gigantesque ou tout au moins d'une tumeur molluscoïde. On a été conduit à ce diagnostic non-seulement par l'examen direct de la production morbide, mais encore par la considération de la présence sur le membre inférieur correspondant d'un certain nombre de saillies appartenant mani-festement à l'espèce molluscum. (Voy. planches XIX et XX.)

ÉLECTROTHÉRAPIE

DE LA DIFFÉRENCE D'ACTION DES COURANTS ÉLECTRIQUES SUR L'ORGANISME CONSIDÉRÉ COMME CONDUCTEUR PHYSIQUE

Leçon faite le 22 juin à la Salpêtrière par m. onimus Messieurs,

M. Charcot, en me cédant aujourd'hui sa place, me fait un grand honneur et je suis certain que vous vous associez tous à mes remer-cîments, car je suis dans ce moment la preuve vivante des encoura-gements que M. Charcot sait donner indistinctement à tous ceux qui travaillent.

Je me propose, dans cette leçon, de vous indiquer les lois prin-cipales et les propriétés spéciales des divers courants électriques. Il est bien difficile de comprendre leur application thérapeutique, si on ne connaît point leur action physique, et c'est même de cette action que découlent la plupart des principes de l'électrothé' rapie.

On distingue en médecine deux espèces de courants électriques : les courants continus qui proviennent directement de la pile, et les courants induits, que l'on appelle encore quelquefois, mais à tort, courants interrompus. Dans les courants continus, il faut étudier successivement les phénomènes qui résultent de l'action chimique qui a lieu dans l'intérieur de la pile, et en second lieu, les phéno-mènes qui se passent dans le circuit extérieur, circuit dans lequel est interposé le corps humain.

Les phénomènes qui se produisent dans l'intérieur de la pile diffèrent d'une pile à l'autre par la quantité électrique et par la ten-sion. Pour bien comprendre ce que ces mots signifient et quelle idée nous devons nous faire de la quantité et de la tension, je crois utile de chercher des comparaisons dans d'autres phénomènes phy-siques.

On entend, en physique et en mécanique, par tension un mou-vement virtuel qui ne parvient pas à accomplir son effet par le fait de résistances antagonistes. Supposez deux kilogrammes, l'un est sur le sol et l'autre est élevé à un mètre de hauteur. Il n'y a entre ces deux kilogrammes aucune différence; ils représentent la même masse et le même poids ; ils ont la même quantité. Mais par cela seul que l'un est élevé à un mètre de hauteur, il peut tomber, et en tombant il produira une force d'un kilogramrnètre. Je puis donc dire qu'avant de tomber, il possédait en puissance, en réserve, en ten-sion une force d'un kilogramrnètre.

Si, au lieu d'être élevé à un mètre, il est élevé à dix mètres de hauteur, son poids, sa quantité seront identiques, mais son énergie potentielle, sa tension, sera de dix kilogrammètres.

Prenons encore cet autre exemple : Dans une chaudière de loco-motive, il y a également à distinguer la quantité d'eau élevée à une certaine température et la pression de la vapeur d'eau qui, selon l'expression consacrée, a une force d'une ou de plusieurs atmosphères. La quantité d'eau chauffée dépend de la grandeur de la chaudière et de la masse de charbon brûlée ; mais la

force de projection de la vapeur d'eau ne dépend nullement de la quantité d'eau chauffée ; elle est proportionnelle à la pression extérieure qu'elle supporte. De même dans une pile, la quantité d'électricité dépend de la surface des métaux et de l'énergie des liquides excitateurs, tandis que la tension qui correspond à la pres-sion de la vapeur d'eau représente la facilité avec laquelle le cou-rant électrique peut surmonter les résistances extérieures.

La pile doit être considérée comme une véritable machine en activité, accomplissant un travail actif; la source de la force vive est l'altération chimique des métaux en contact et l'on peut dire qu'une pile produit du travail en brûlant des métaux, comme une machine à feu ordinaire en brûlant du charbon.

Une partie du travail actif de la pile consiste à surmonter les ré-sistances, et plus elle aura de puissance pour surmonter ces résis-tances, plus on dira qu'elle a de tension. Ainsi, en interposant un corps entre les extrémités des rhéophores d'une pile, la force élec-trique, résultat du travail chimique de la pile, cherche à se recom-biner à travers ce corps, et pour traverser ce milieu résistant, il lui faut une certaine puissance ou tension. La résistance qu'un seul élément ne pourra pas surmonter, une série d'éléments pourront parvenir à la surmonter. De même supposons une série de locomo-tives dont la force motrice pour chacune peut, par exemple, pro-duire un trajet de 10 kilomètres. Toutes ces locomotives reliées entre elles ne parcourront exactement que les 10 kilomètres. Mais si, pendant ce trajet, elles ont des masses considérables à traîner, elles produiront ce travail bien plus facilement si elles sont nombreuses que s'il n'y en a qu'une, et plus il y aura de locomo-tives, plus facilement les masses seront enlevées, ou, ce qui revient au même, plus facilement les résistances seront surmontées. Il en est de même pour la pile; une série d'éléments, réunis en tension, ne donne pas plus de quantité qu'un seul élément, mais permet, sans accroître le courant, de surmonter des résistances extérieures et d'obtenir des effets impossibles à réaliser avec un seul élément. Plus vous aurez d'éléments, plus la force électrique aura de puis-sance ou de tension pour se frayer un passage et pour imprimer des modifications mécaniques aux molécules des corps qu'elle traverse. Car il est important de le remarquer, et nous verrons la conséquence de ce fait, non-seulement la tension permet au flux électrique de se combiner à travers les corps interposés entre les rhéophores, mais une fois la résistance vaincue, elle agit encore sur ces corps en for-

çant les molécules à prendre une certaine orientation, et facilite en même temps les actions chimiques.

La tension d'une pile peut donc se comparer à la force de pro-jection de la vapeur d'eau, à la pression d'un liquide, et l'appareil médical employé pour les douches filiformes nous donne une idée très-juste de la différence d'action d'un courant à forte tension et d'un courant à tension faible. Dans cet appareil, le poids de l'eau ou sa quantité est un élément insignifiant, tandis que l'action dépend uniquement de la force avec laquelle l'eau est projetée. Avec quel-ques grammes d'eau vous parvenez ainsi à traverser un morceau de carton ou à enlever l'épiderme. De même, un courant à grande tension passera à travers les corps interposés et imprimera des mouvements moléculaires considérables, sans que la quantité d'é-lectricité ait été augmentée.

— A côté de la tension déterminée par une réunion d'éléments il faut encore considérer la tension intérieure de la pile. Celle-ci dépend de la nature de l'action chimique, de l'éloignement des métaux et de la difficulté que les molécules ont à se combiner. Voici deux éléments qui tous deux sont composés des mêmes métaux et des mêmes sels, mais l'un, le plus grand, a une tension intérieure plus considérable, parce que le zinc et le cuivre sont plus éloignés et que les molécules qui se transportent d'un pôle à l'autre sont obligés de traverser une couche de liquide plus épaisse.

Quelle est l'influence de cette résistance intérieure plus consi-dérable? C'est, en premier lieu, une action chimique plus faible, et, en deuxième lieu, la production d'un courant qui conservera une intensité égale, malgré les variations des résistances extérieures.

Le courant qui est engendré par des piles dont la résistance inté-rieure est faible sera très-rapidement influencé par la résistance des corps interposés dans le circuit extérieur; il sera par exemple différent, selon que les rhéophores sur un membre seront placés à quelques millimètres de distance, ou à plusieurs décimètres ; tandis que le courant produit par des piles à grande tension inté-rieure se maintiendra le même, lorsqu'il aura à traverser un seul membre ou tout le corps, un seul muscle, ou tout un groupe de muscles.

En reprenant notre comparaison avec une locomotive, nous trouverons entre deux piles à tension intérieure différente la même analogie qu'il y a entre une locomotive qui marche sur des

rails unis et égaux, et celle qui fait le môme parcours sur des rails inégaux et rugueux. En voyant passer ces deux locomotives parcourant toutes deux par exemple 20 mètres en une seconde, vous devez admettre une force motrice égale, et cependant il y a entre elles cette grande différence : des résistances extérieures mo-difieront facilement et rapidement la marche de la première loco-motive, tandis que la seconde ne sera pas entravée parles mêmes obstacles.

Vous voyez donc combien il est important en électrothérapie d'employer des piles à résistance intérieure considérable, et c'est justement ce qui fait défaut dans les appareils portatifs.

Après avoir examiné les phénomènes qui sont dus à l'action inté-rieure de la pile, il nous reste à étudier ceux qui se passent dans le circuit extérieur, circuit dans lequel est interposé le corps hu-main.

Une des particularités les plus importantes du courant est d'avoir une direction déterminée et définie : il circule du pôle positif au pôle négatif. Ce fait est prouvé par la décharge électrique, car c'est au pôle positif que l'on constate l'état le plus intense et la plus grande longueur du jet lumineux. Mais l'expérience qui démontre le plus nettement cette direction du courant et en même temps le transport des molécules interposées du pôle positif au pôle négatif est la suivante : voici trois vases qui contiennent un endosmomètre dans lequel il y a deux jours, nous avons mis de l'eau albumineuse. Deux de ces endosmomètres reçoivent les extrémités des rhéophores d'une pile, et vous voyez que du côté du pôle négatif, le niveau de l'eau s'est tellement élevé qu'il a rempli tout le tube et que l'eau a débordé. Dans l'endosmomètre où le pôle positif était plongé, le niveau de l'eau a considérablement baissé et cela est d'autant plus remarquable, que d'après les lois de l'endosmose, l'eau pure qui est à l'intérieur aurait dû pénétrer dans l'endosmomètre qui ren-ferme de l'eau albumineuse, comme cela a eu lieu dans le troi-sième vase où nous avons laissé les phénomènes se produire nor-malement.

L'influence de la direction du courant est donc tellement consi-dérable, qu'elle est même plus puissante que les phénomènes en-dosmotiques, et qu'elle peut agir en sens inverse de ceux-ci.

— Le passage du courant dans les conducteurs présente trois

phases distinctes, l'état initial, alors que le mouvement commence dans le conducteur, l'état définitif quand le courant continu a tra-versé le conducteur, et l'état final au moment où le courant cesse de traverser le conducteur.

État initial. D'après les faits que la télégraphie a permis d'ob-server, on sait que l'intensité du courant est plus faible au com-mencement qu'à la fin, car le courant n'arrive que graduellement au maximum de son intensité ; il est même possible dans un câble télégraphique, si on interrompt le circuit aussitôt que la dépêche est lancée, de faire revenir en partie la dépêche au poste de départ. — En même temps il se produit, et spécialement si le courant traverse une bobine, un courant induit faible qui est de sens in-verse du courant de la pile. En résumé, le passage du courant mo-difie l'état moléculaire des corps, mais cette modification,si brusque qu'elle soit, est néanmoins graduelle et n'a point la rapidité qu'on observe au moment de la cessation du courant.

État définitif. Pendant toute la durée du passage d'un courant, l'influence du courant se manifeste par la décomposition des li-quides, par l'échappement des fils métalliques, par l'attraction ou la répulsion des aiguilles aimantées, par les rotations imprimées aux conducteurs mobiles. Sur tout son parcours, le courant élec-trique détermine des modifications dans les mouvements des molé-cules et cela même dans les corps conducteurs où, en apparence, on ne soupçonne aucun phénomène. Les fils qui ont servi pendant longtemps à transmettre le courant électrique présentent les signes d'une violente agitation intérieure, et leur structure moléculaire est modifiée.

État final. Au moment où le courant est interrompu, il se pro-duit un changement moléculaire, et il se forme dans un circuit métallique un courant induit qui a reçu le nom d'extra-courant. Ce courant est bien plus énergique que le courant qui a lieu au moment initial, et cela ne tient pas seulement, comme on le dit dans beaucoup de livres de physique, à ce qu'étant de même sens que celui de la pile, il s'ajoute à celui-ci. La cause de cette différence d'intensité est autre, et nous allons l'examiner avec quelques détails.

Disons de suite que, dans les courants induits proprement dits,

C'est-à-dire dans ceux de la seconde hélice, que le courant de la pile ne traverse jamais, on observe la même différence entre le courant initial ou de fermeture et le courant final ou d'ouverture. Le cou-rant qui se produit au moment où le courant cesse de traverser le circuit est de beaucoup le plus intense ; dans les appareils médicaux ordinaires, c'est presque lui seul qui agit. Sa force est à celle du courant de fermeture comme 6 est à 1 et les durées évaluées en unité de temps sont de 0,0042 pour le courant d'ouverture, et de 0,0114 pour le courant de fermeture. C'est donc le courant dont la durée est la plus faible qui est le plus énergique. De plus, la tension du courant d'ouverture est bien supérieure, car, lancé dans le fil télégraphique, il transmet une dépêche à une distance de 250 lieues, tandis que le courant de fermeture franchit seulement une longueur de 20 lieues.

Cette différence entre les courants d'ouverture et de fermeture s'expliquerait facilement si, à l'exemple de M. Marié-Davy et du R. P. Secchi, nous comparons le courant électrique au courant d'une masse d'eau.

Supposons un récipient R (Fig. 5) rempli d'eau, mis en com-munication avec une série de tubes par un tuyau NO, muni d'un

Fig. 5.

robinet en 0. Lorsque le robinet est fermé, l'eau se tient à la même hauteur dans tous les tubes ; mais dès que l'on vient à ouvrir le robinet O, on voit : 1° dans tous les tubes le niveau s'abaisser très-rapidement et descendre de beaucoup au-dessous de celui qu'il occupe pendant l'écoulement continu du liquide ;

2° Le courant étant établi d'une façon définitive, et le niveau étant maintenu constant dans le récipient R, la surface liquide li-bre des différents tubes sera située sur la ligne inclinée MO ;

3° Au moment où l'on ferme l'orifice O, le niveau du liquide s'élève subitement dans tous les tubes à une hauteur bien supérieure

à l'horizontale abc, et puis reprend son niveau primitif correspon-dant à cette ligne horizontale.

L'induction d'un courant au moment de la rupture du courant est comparable au coup de bélier, et l'on peut avec raison le consi-dérer comme un simple phénomène mécanique, dû à ce que le flux électrique qui circule, possédant une certaine force vive, ne peut perdre instantanément la vitesse dont il est animé et donne un coup de bélier.

Un exemple plus vulgaire rendra encore mieux notre pensée. Sup-posez que vous soyez dans un train d'abord immobile, mais dont la locomotive prenne instantanément une grande vitesse, vous éprou-verez au moment du départ une secousse plus ou moins forte, mais qui ne sera nullement comparable à celle que vous éprouveriez dans un train lancé à grande vitesse et qui viendrait à s'arrêter brusque-ment. La première secousse est comparable au courant de ferme-ture, et la seconde à celui d'ouverture.

En un mot, et c'est là, même au point de vue de l'emploi des courants continus, un fait très-important, plus la cessation d'un cou-rant est brusque, plus le courant qui se forme à ce moment est fort. On doit se représenter les courants induits comme un choc molécu-laire qui est d'autant plus énergique que la vitesse est plus grande et la durée moindre. On retrouve en physique cette loi d'électro-physiologie : l'excitation d'un nerf ou d'un muscle dépend moins de la valeur absolue de la tension d'un courant que de la modifica-tion de cette valeur d'un moment à l'autre.

C'est dans ce fait qu'il faut chercher l'action si énergique des cou-rants induits ; car ceux-ci naissent et s'éteignent avec une extrême vitesse, et, par conséquent, changent rapidement et brusquement l'état moléculaire du nerf et du muscle; et c'est également pour cela que cette excitation peut varier, même pour des courants in-duits, d'un appareil à l'autre.

Avec l'appareil ci-joint, que nous avons fait construire par M. Trouvé, on peut à volonté prendre un courant induit dont la ra-pidité de production peut être différente ; et l'on constate très-aisé-ment que les contractions musculaires sont plus énergiques lorsque le contact du levier est très-rapide ou lorsqu'il dure un peu plus de temps.

Dans la plupart des appareils induits, les courants induits de fer-meture et d'ouverture se suivent si rapidement qu'ils se confondent,

et c'est pour cela qu'on n'aperçoit qu'une seule contraction. Dans les recherches plus délicates, et surtout, lorsqu'on prend le tracé de la contraction musculaire, on remarque cependant dans le milieu de la courbe (Fig. 6) qu'on obtient une déformation due à cette double excitation.

M. Helmholtz attribuait cette déformation aux variations rhythmées dans le raccourcissement du muscle, et M. Marey suppose qu'elle est produite parles vibrations du levier. Nous croyons avoir démontré, avec M. Ch. Legros, que cette déformation est produite par les deux

Fig. 6.

courants qui se succèdent. On ne la retrouve pas, en effet, lorsque l'excitalion n'est produite que par un seul courant, celui d'ouverture ou celui de fermeture, et de plus elle devient d'autant plus pronon-cée que le temps qui s'écoule entre ces deux courants est plus long, comme cela se voit très-bien sur les tracés que nous avons obtenus dans ces conditions.

Ces deux excitations sont rendues très-sensibles lorsqu'on emploie un appareil à courants induits, qui ne donne qu'une secousse par seconde. Nous pouvons les rendre visibles, même à l'œil, avec cet appareil à courants induits, construit par M. Mangenot, et auquel, d'après nos conseils, pour avoir des interruptions rares, il a ajouté un métronome. Le courant induit ne se forme qu'à chaque double os-cillation. On peut ainsi avoir exactement une interruption par se-conde, ou à volonté un nombre un peu plus faible ou plus grand, selon que l'on met le poids du levier à une hauteur différente.

Avec cet appareil vous sentez très-distinctement les deux excita-tions ; et elles sont d'autant plus nettes que le mouvement du ba-lancier est plus lent, c'est-à-dire qu'il se passe plus de temps entre la fermeture et la rupture du courant. Vous pouvez encore constater très-facilement cet autre fait que je vous ai indiqué, à savoir que la contraction due au courant d'ouverture est plus forte que celle du courant de fermeture.

Avec un courant assez intense et une seule interruption par se-conde, on distingue toujours sur des muscles sains les deux con-

tractions ; mais il n'en est plus de'même dans certains cas patholo-giques; et depuis que nous employons cet appareil, nous avons eu l'occasion de consta-ter que dans les altérations nerveuses ou musculaires, on ne pouvait plus obtenir cette double contraction. C'est même là le premier caractère, et souvent le seul, d'un changement dans la contraclilité; et alors même que les courants induits ordinaires ou des courants continus n'indiqueraient au-cune modification dans des cas anciens de paralysie de cause cérébrale par exemple, nous pouvons constater cette différence dans la contraction entre les muscles du côté pa-ralysé et ceux du côté sain.

Cette double contraction disparaît éga-lement sur les muscles fatigués, et nous l'avons constaté dans des recherches phy-siologiques récentes faites avec notre ami, Ch. Legros. Cela est très-visible avec les courants induits, mais a également lieu avec les courants continus. A partir de la 9e ligne (Fig. 7), c'est-à-dire après 9 minutes de passage d'un courant continu, on n'obtient plus qu'une seule contraction; et, fait qui paraîtra étange et qui recevra tout à l'heure son explication, les courants continus, à l'opposé des courants induits, ne détermine-ront de contraction que par le courant de fermeture.

Vous voyez également sur ces tracés que lorsque le muscle est très-fatigué, on n'ob-tient plus aucune contraction dans les mômes conditions d'interruption du courant; pour les voir reparaître, il faut prolonger le temps pendant lequel le courant est interrompu, c'est-à-dire que plus la fibre musculaire est fatiguée, plus il faut de temps pour qu'elle puisse revenir à son état moléculaire primitif ; et, d un autre côté, pour y produire une excitation, il faut que l'agent excitant agisse

7 *

Fig. 7.

pendant un laps de temps plus long. Ce sont les mêmes phéno^ mènes qu'on observe dans les cas de paralysie faciale périphérique; et c'est probablement à cette cause qu'il faut rapporter la diffé-rence d'action, si remarquable dans ces paralysies, des courants induits et des courants continus.

Ces appareils, celui que nous avons fait construire par M. Trouvé, comme celui de M. Mangenot avec l'emploi du métronome, ont cet immense avantage en pratique, qu'ils donnent des courants induits à intervalles très-rares, et que les courants à intermittences rares sont infiniment moins douloureux que ceux à intermittences rapides. On peut supporter ainsi le maximum de la force que peuvent don-ner les appareils, tandis que cela est intolérable quand on emploie les interrupteurs ordinaires. Ce sont là de grands avantages quand on veut examiner la conlractilité des muscles et le degré d'atrophie, surtout lorsqu'on fait ces recherches chez des enfants. De plus, par le rhythme même des excitations, on est certain que les contractions électriques que l'on observe sont bien dues à l'excitation électrique et non à l'influence de la volonté ou à des actions réflexes.

— La suite au prochain numéro. —

PATHOLOGIE INTERNE

FLEXION PERMANENTE DES DEUX MEMBRES INFÉRIEURS

reconnaissant pour cause probable une attitude longtemps prolongée intégrité des articulations des muscles et du système nerveux

par gombault, interne des hopitaux de paris

La nommée C..., Marie Elisabeth, âgée de 55 ans, est entrée, le 16 février 1872, à l'infirmerie de la Salpêtrière (service de M. Charcot.) Les renseignements qu'elle donne sur son état anté-rieur sont les suivants :

Elle n'a jamais éprouvé dans son enfance d'autre accident scro-fuleux que des ophthalmies souvent répétées et dont le bord libre des paupières porte encore des traces très-visibles* — Vers l'âge de

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

CONTRACTURE DES MEMBRES INFÉRIEURS

g hez une l'hiiiisique

7 ans, elle a été atteinte d'une paralysie faciale sur laquelle elle ne peut du reste donner aucun détail. Il existe actuellement encore une forte déviation de la commissure gauche, qui est tirée en haut. Jamais elle n'a éprouvé de douleurs dans les jointures ou dans la continuité des membres. Réglée vers l'âge de 14 ans, elle s'est mariée et a eu quatre enfants.

Depuis 20 ans environ, elle a la respiration courte, s'enrhume facilement et prend même assez fréquemment des fluxions de poi-trine. La dernière de ces affections aiguës est survenue pendant le siège. Elle marchait encore très-bien à cette époque; ses occu-pations l'obligeaient même à faire chaque jour de longues courses. L'affection qu'elle eut alors, et qu'elle nomme fluxion de poitrine, s'accompagna d'accès de suffocation intense laissant dans leur in-tervalle un état de dyspnée habituelle. Obligée de garder le lit, elle ne pouvait respirer commodément que dans la position assise, les genoux à la hauteur du menton, les membres supérieurs croisés au-tour des jambes et prenant sur elles un point d'appui. La malade passait dans cette situation des nuits et des journées entières. Du reste, aucun trouble paralytique ni du côté des membres, ni du côté des sphincters ne survint; la colonne vertébrale ainsi que les join-tures ne furent le siège d'aucune douleur.

C'est dans ces conditions que graduellement les articulations des genoux s'immobilisèrent dans la flexion. L'extension, d'abord sim-plement gênée, devint plus tard impossible ; et la malade en est actuellement réduite à conserver toujours cette attitude in-commode.

État actuel (février 1872). L'amaigrissement est parvenu à un degré extrême; il est d'ailleurs général et s'accompagne de la dis-parition quasi complète des masses musculaires, aussi bien aux membres thoraciques qu'aux membres pelviens, qui sont pour ainsi dire réduits au squelette. Du reste, il n'y a pas de paralysie véri-table dans ces membres, et, à part une grande faiblesse, la malade fait parfaitement usage de ses mains. Les muscles, bien qu'ils aient subi une diminution si remarquable de volume, ne sont agités d'au-cune contraction fibrillaire. L'attitude de la malade a quelque chose de bizarre (voy. Planche XXI) ! Les cuisses fléchies à angle droit sur le bassin, les talons au niveau des fesses, elle demeure con-stamment accroupie, soit dans son lit, soit sur un fauteuil. Lorsqu'on cherche à étendre les membres inférieurs, on éprouve une résis-tance invincible en même temps que l'on provoque dans les genoux

une assez vive douleur. Les jointures ne sont du reste le siège d'aucune déformation; pendant les mouvements légers qu'on leur imprime, on ne perçoit pas de craquements. L'exploration des apo-physes épineuses ne révèle ni saillie anormale ni douleur rachi-dienne à la pression.

La sensibilité cutanée est conservée dans tous les modes, et la malade n'accuse dans les membres inférieurs ni fourmillements ni sensation anormale d'aucune sorte.

L'affection des voies respiratoires, cause vraisemblable de l'état cachectique actuel, est arrivée elle-même à une période avancée. La voix, qui pendant longtemps est demeurée rauque, s'est éteinte progressivement et l'aphonie est complète depuis six mois environ. Une toux fréquente fatigue la malade, provoque parfois des vomis-sements et donne lieu à une expectoration puriforme abondante. Il y aurait eu autrefois quelques hémoptysies. — Il existe de la ma-tité au niveau des deux fosses sus-épineuses, et l'auscultation y fait reconnaître les signes non douteux de deux vastes excavations. — A partir de cette époque, l'affection pulmonaire va en s'aggravant; l'affaiblissement fait des progrès rapides ; les membres inférieurs s'infiltrent de sérosité et la malade succombe le 5 mai 1872.

Nécropsie. — Le cœur est de volume normal, il n'y a de lésion ni de la fibre ni des orifices. — Au sommet de chaque poumon, existe une vaste cavité anfractueuse à parois indurées d'un centimètre au moins d'épaisseur. Dans le reste de l'organe, le tissu est dense, élastique; la surface de la coupe, d'une coloration ardoisée, est lisse et sèche. D'épais tractus de tissu conjonctif la sillonnent dans tous les sens; les parois des vaisseaux sont extrêmement épaissies. Nulle part, on ne rencontre de masse caséeuse ni de granulation mi-liaire. L'examen microscopique est venu démontrer qu'il s'agissait uniquement ici d'une sclérose pulmonaire très-prononcée.

L'orifice supérieur du larynx est couvert de nombreuses ulcé-rations qui se rencontrent et sur les cordes vocales et sur la face inférieure de l'épiglotte.

Aux membres inférieurs, malgré la cessation de la rigidité cada-vérique, la flexion des deux jambes n'en persiste pas moins. Les muscles uniformément amincis présentent tous une coloration jaunâtre. Au niveau de Varticulation du genou, les surfaces cartilagi-neuses et la synoviale sont dans un état d'intégrité parfaite. L'arti-culation étant ouverte par sa partie antérieure, il devient évident que les parties molles seules font obstacle à l'extension, et ce-

pendant les tissus périarticulaires et les ligaments n'offrent aucun épaississement anormal.

A l'ouverture du canal rachidien, on ne trouve dans la moelle et ses enveloppes aucune lésion visible à l'œil nu. Vexamen micro-scopique du cordon médullaire y a démontré Vabsence de toute lésion, du moins pour la région lombaire, qui seule a été examinée. — 11 en est de même pour les racines spinales et pour le nerf sciatique du côté gauche.

Les fibres musculaires, qui toutes ont conservé leur striation transversale et longitudinale, sont remarquables par leur finesse. Tandis que les plus grosses atteignent à peine 0,03, le plus grand nombre mesure environ 0,009 après un mois environ de séjour dans l'acide chromique. Ces dimensions s'éloignent notablement des chiffres habituels, la largeur normale de ces fibres oscillant, d'a-près Kôlliker, entre 0,011 et 0,067.

REVUE ANALYTIQUE

CHIRURGIE 1

Au mouvement de rénovation qui va s'emparer de la nation, surprise par le malheur, mais moins abattue que ne le voudraient ses implacables ennemis, disait M. Panas, dans la séance du 20 jan-vier 1872, la Société de chirurgie se fera un devoir de coopérer dans sa sphère, afin que le prestige de la science française survive à la haine et à l'injustice de nos confrères d'outre-Rhin. Pour cela, nous nous attacherons à faire de chaque hôpital une école, et de la So-ciété de chirurgie l'un des centres de notre activité scientifique.

Ce programme, la Société de chirurgie l'a-t-elle rempli? le rem-plit-elle tous les jours? Nous le croyons et nous essayerons de le prouver dans le cours de cet article. Presque toujours, les séances sont pleines d'animation et d'intérêt. Qu'on est loin de l'Aca-démie de médecine, qui depuis trop longtemps dort d'un sommeil que viennent seulement interrompre de temps en temps quelques communications faites, la plupart du temps, par des membres étran-gers à l'aréopage !

1 Voy. Revue, p. 121.

Du mois de janvier au mois de juillet 1872, les communications n'ont pas manqué à la Société de chirurgie"; elles ont donné lieu à plusieurs discussions vives, animées, intéressantes, instructives ; telles, par exemple, celles qui ont trait à la nécrose phosphorée, à la suppuration des lésions traumatiques interstitielles, à la mort subite due au chloroforme ou à l'entrée de l'air dans les veines l, à l'ovariotomie, à l'opportunité des opérations chez les femmes en-ceintes et les nouvelles accouchées2, à la valeur des résections sous-périostées, à la substitution des courants continus faibles, mais persistants, aux courants continus énergiques et temporaires; à l'é-rysipèle en général et à l'érysipèle traumatique en particulier, etc.

De ces communications, de ces discussions nous allons donner un court résumé, forcé que nous sommes encore de passer complète-ment sous silence bon nombre de faits importants, d'observations intéressantes, d'appareils ingénieux dont nous trouvons les descrip-tions dans les Comptes rendus de la Société. Voilà pourquoi nous ne pouvons que citer l'appareil spécial en gutta-percha pour le traite-ment des fractures de cuisse chez les enfants, par M. Guéniot; l'ap-pareil pour les fractures de la mâchoire, par M. Dubreuil; la pince polypotome pour les polypes des fosses nasales, par M. Petrini Mi-chael ; une série d'appareils destinés à obtenir la guérison des frac-tures de cuisse sans raccourcissement, par M. Beau, professeur à l'Ecole de médecine de Brest; un bandage pour la hernie ombilicale, par M. Dolbeau, etc.; voilà pourquoi nous ne pouvons que signaler les communications de M. Labbé sur un anévrysme cirsoïde de la face; de M. Champenois, sur la chirurgie conservatrice dans les plaies pénétrantes de l'articulation du genou; de M. Houzé de l'Aul-noit, sur les heureux effets de l'application d'un lambeau de périoste sur la surface de section dans les amputations ; de M. Demarquay, sur le rétrécissement de l'œsophage ; de M. Tarnier, sur une tumeur hématique de l'abdomen prise pour un kyste de l'ovaire, et sur une cicatrice du cuir chevelu chez un nouveau-né, etc.; ainsi que les rapports de M. Dolbeau, sur l'exostose des fosses nasales ; de M. E. Cruveilhier, sur la résorption progressive de la partie alvéolaire des maxillaires supérieurs; de M. Guyon, sur un polype du larynx,

1 L'observation complète du malade, qui a été le point de départ de cette dis-cussion, a été publiée par M. Cornillon (Revue phot. des hôpitaux, etc., 1871, p. 257 et planche XXXIII.)

2 Voy. sur ce sujet la note de M. Cornillon {Revue,.p. 179) et dans ce numéro le travail de M. Hervieux.

écrasé sur place par les voies naturelles ; de M. Panas, sur le traite-ment delà cataracte, etc., etc.

IV. Nécrose phosphorée de la mâchoire inférieure. — Parmi les affections osseuses qui ont attiré l'attention des chirurgiens dans ces dernières années ,1a nécrose phosphorée du maxillaire est une des plus curieuses au point de vue de l'ostéophyte caduc qui accompa-gne le séquestre, et des plus intéressantes pour la médecine opéra-toire. — MM. Trélat et A. Guérin en ont présenté différents cas à la Société de chirurgie; d'une manière générale, les membres de la Société ne sont pas partisans d'une intervention chirurgicale hâtive, qu'ils considèrent comme inopportune. MM. Guérin et Demarquay admettent cependant des exceptions. « Il est certain qu'il faut atten-dre, dit M. Demarquay; mais s'il y a une production abondante de pus qui épuise le malade, il faut opérer. » Selon M. A. Guérin, il est aussi des cas donnés où l'intervention devient impérieuse ; il en cite, comme preuve, un fait de sialorrhée excessive pour lequel l'abla-tion du maxillaire fut suivie d'un plein succès.—Dans cette discus-sion, M. Chassaignac fit observer que chez les malades qui ont une nécrose qui n'est pas encore limitée, on peut prévenir la chute du nouvel os et hâter l'élimination des séquestres en employant les tu-bes à drainage. C'est là un moyen terme entre l'intervention hâtive et l'opération retardée, et qui pourra être employé toutes les fois que le pus séjournera autour de l'os nécrosé. — A cette occasion, l'utilité des appareils dentaires prothétiques fut agitée; et de cette discussion il est résulté, croyons-nous, que si ces appareils sont loin d'imiter la nature, ils n'en offrent pas moins des avantages réels au point de vue de la mastication et de l'exercice de la parole.

V. Suppuration des lésions traumatiques interstitielles. — Depuis John Hunter, on sait que les lésions traumatiques se comportent tout différemment, suivant qu'elles sont exposées ou soustraites à l'ac-tion de l'air. La suppuration, qui constitue la règle pour les pre-mières, est, au contraire, pour les secondes, une rare exception. Toutefois, il n'est pas de chirurgien qui n'ait vu le pus se former dans le foyer d'une contusion simple, d'une fracture, d'une luxation, d'une rupture musculaire, etc., lors même que les désordres primi-tifs étaient peu graves en apparence et en réalité.— La suppuration se montre surtout dans les cas de lésions sous-cutanées intéressant une cavité naturelle ou accidentelle, dont le contenu agit sur les tis-

sus d'une façon plus nuisible encore que l'air atmosphérique. La suppuration se manifeste encore dans des cas où, à l'action vulnerante, vient se joindre quelque cause locale ou générale, telles que : une irritation trop forte, développée dans le foyer traumatique par un exercice intempestif de l'organe lésé, par une attrition trop considé-rable des tissus, par une thérapeutique intempestive, un mauvais étal de la constitution du blessé entraînant une disposition toute spéciale à la formation du pus.

Toutes ces explications sont acceptables et journellement confir-mées par l'observation clinique ; mais elles ne dissipent pas toutes les obscurités ; elles ne nous apprennent pas pourquoi les causes précitées restent souvent sans effet, et pourquoi l'anomalie en ques-tion, c'est-à-dire la suppuration, se montre dans des foyers trauma-tiques dépourvus de toute complication, et chez des sujets en appa-rence exempts de tout, vice constitutionnel. — M. Verneuil a eu l'oc-casion d'observer plusieurs cas de ce genre, qu'il a communiqués à la Société de chirurgie. Selon ce chirurgien, la suppuration des tissus contus doit être ainsi expliquée : Une intoxication du sang résultant de l'absorption des produits septiques qui se trouvent à la surface des plaies. Suivant lui, le sang, empoisonné par les matières infectieuses puisées dans les foyers ouverts, est venu baigner les foyers profonds que leur position, dans les circonstances ordinaires, aurait soustraits aux chances de la suppuration. Il s'est fait là une véritable inoculation interne, dans laquelle la lésion traumatique antérieure, représentant l'action de la lancette, a ouvert la voie à l'insertion toxique, d'où la formation d'un foyer purulent secon-daire, localisation, facile à prévoir, d'une maladie générale dont la tendance à produire du pus n'est ni contestable ni contestée.

VI. uvariotomie. — Trois nouvelles opérations d'ovariotomie ont été communiquées à la Société de chirurgie : deux par M. Panas, une par M. L. Lefort ; elles ont donné trois guérisons. L'opération en elle-même, dans ces derniers cas, n'a rien offert de particulier, quoique, chez deux malades, le kyste ovarique présentât des adhé-rences nombreuses ; aussi la discussion fut-elle courte. Elle porta surtout sur la cicatrice abdominale qui, chez ces diverses opérées, avait une solidité remarquable. Mais, comme l'a fait remarquer M. Bonnet, ce résultat avantageux ne dépend pas du mode de suture employé ; en effet, les cicatrices solides se rencontrent (diez les fem-mes qui ont la paroi abdominale épaisse et chez lesquelles on fait la

suture profonde en comprenant un centimètre du péritoine. Mais, avec cette même précaution, on a des cicatrices faibles chez les ma-lades dont la paroi abdominale est très-distendue ou amincie.

"VU. Blépharoplastie par un lambeau complètement détaché du bras et reporté sur la face. —Après une lecture faite dans un journal américain, lndian Annals, M. L. Lefort crut possible la transplan-tation, et il tenta l'expérience pour un ectropion des plus marqués de la paupière inférieure. Le 15 février, il procéda à l'opération. Il fit appliquer un sinapisme sur la partie externe du bras gauche, aviva le bord libre des deux paupières en arrière de l'implantation des cils, afin de pratiquer l'occlusion permanente. En même temps, il détruisit la cicatrice à la base de la paupière inférieure et vers l'angle externe; il disséqua la peau, de manière à remonter le bord palpèbral; mais il y avait ainsi entre la paupière et la région mo-laire un espace losangique cruenté, que le chirurgien se proposa de combler avec la peau empruntée au bras. Le lambeau fut suturé et tenu appliqué par une douce compression. — Au bout de quatre jours, tout le lambeau tomba; aucune partie n'avait repris.

Cette tentative infructueuse n'a pas découragé M. L. Lefort, qui a l'espoir de réussir ; et, en effet, nous voyons dans les bulletins de l'Académie de médecine que M. Lefort a présenté un malade chez lequel la transplantation d'un lambeau de peau a réussi. La méthode est donc jugée; elle peut donner de bons résultats. Nous devons dire toutefois que cette pratique n'était pas complètement inconnue dans notre pays. Aussi M. Panas a-t-il fait observer avec juste raison que, il y a plus de trente ans, M. Laugier, dans les Annales de la chirur-gie française et étrangère, a rapporté un fait où le chirurgien avait emprunté un lambeau à la peau du bras et l'avait transporté sur la plaie qu'il voulait réparer, et sur laquelle le lambeau a repris. — Reste à savoir quand et comment devra être employée celte méthode pour donner les meilleurs résultats ; reste à savoir si, dans la plu-part des cas, la méthode d'autoplastie par glissement ne donnera pas des résultats plus favorables que la méthode de transplanta-tion.

VIII. De la valeur des résections sous-périostées. —Une commu-nication de M. Chassaignac, d'un côté, et une lecture de M. Ollier, de l'autre, ont amené la Société de chirurgie à discuter la question de la valeur des résections sous-périostées.—Voici sur quelles bases repose

la méthode préconisée par M. Chassaignac, et dont les premiers imita-teurs sont Ch. White etPark : l°Ne faire pour chaque résection qu'une incision seule et unique à la place des incisions multiples couram-ment usitées dans ce genre d'opérations ; 2° dans toutes les résections articulaires, faire précéder la désarticulation par la section de l'os à désarticuler; 5° pratiquer l'extirpation isolée et successive de cha-que extrémité osseuse articulaire, en commençant toujours parcelle qu'il est le plus facile d'extraire, faisant en sorte qu'une extraction prépare celle qui la suit. C'est à cette pratique que M. Chassaignac attribue les résultats exceptionnellement heureux qu'il a obtenus; tandis que M. Ollier en fait honneur chez ses opérés au soin parti-culier qu'il apporte à la conservation du périoste et au mode de pan-sement adopté 'par lui. Pour le chirurgien de Lyon, une opération sous-périostée ne consiste pas dans le grattage plus ou moins régu-lier des extrémités osseuses et dans la conservation de quelques lam-beaux du périoste ; c'est une opération régulière, qui a pour but la conservation de tous les éléments de mobilité et dp. résistance de l'articulation future. Il ne sort pas de la gaine périostique; il ne pé-nètre pas dans les loges musculaires ; aucune insertion musculaire n'est compromise; et, par la conservation du périoste, il obtient la reconstitution de nouvelles masses osseuses qui, en s'arliculant en-tre elles, assurent la reconstitution d'une articulation nouvelle du même type que l'articulation enlevée. — Le traitement consécutif est de la plus haute importance : il faut de l'immobilité au début, pendant la période de la fièvre et des accidents inflammatoires. Elle constitue alors le meilleur antiphlogistique. Un bandage silicate bien ouaté, puis fenêtre, paraît à M. Ollier constituer le meilleur appa-reil.

M. Verneuil seul s'est montré partisan zélé et convaincu de la mé-thode de M. Ollier; il la trouve bien préférable à toutes les méthodes anciennes.' Il n'en est pas de même de MM. Demarquay, Guyon, Per-rin, Tillaux, L. Lefort, qui, sans nier les bons résultats de la mé-thode, ne croient pas cependant à la reproduction osseuse, au moins dans les cas traumatiques. Pour eux, la gaîne capsulo-pôriostée de M. Ollier ne représente rien à l'esprit; toutefois, cette opération, préconisée par M. Ollier, a cela de bon qu'elle amène à suivre le chemin le plus sûr, le moins dangereux ; en suivant l'os ou les frag-ments osseux, en détachant les insertions ligamenteuses et tendi-neuses, on limite le traumatisme. — Somme toute, la majorité des chirurgiens s'est montrée peu disposée à admettre comme parfaite-

ment prouvés les résultats avancés par M Ollier; de plus, elle a pensé que ce serait un peu exagérer que d'attribuer au chirurgien de Lyon tout ce qu'il y a de bon et de prouvé dans la résection sous-pôrioslée; elle a revendiqué pour la Société de chirurgie une bonne part des progrès qui ont été faits dans ce champ limité de la prati-que chirurgicale.

IX. Substitution des courants continus faibles, mais permanents, aux courants continus énergiques et temporaires dans les paralysies, les contractures musculaires et les lésions de nutrition. — dails la séance du 20 mars 1872, M. L. Leforta fait à la Société de chirurgie une communication sur les heureux résultais que semble promettre l'application permanente, ou du moins très longtemps prolongée, de faibles courants électriques ; dans un cas, il s'agissait d'une paraly-sie de l'avant-bras ; dans l'autre, d'une paralysie avec contracture des muscles du mollet et de la plante du pied. La guérison ne s'est pas fait longtemps attendre.

11 n'est plus de doute aujourd'hui que les courants continus peu-vent être d'un immense secours dans le traitement des diverses paralysies, contractures, lésions de nutrition. Remak l'avait déjà prouvé; et une excellente thèse1, soulenue en 1870 devant la Faculté de médecine de Paris, avait apporté à l'actif de cette médication bon nombre de faits bien observés. Les membres de la Société n'ont pas récusé les heureux effets obtenus par les courants continus ; mais quelques-uns, M. Bouvier entre autres, ont soutenu qu'il était impossible d'établir qu'il y a une différence entre l'action des cou-rants continus directs et les courants induits, du moins sur la nutri-tion des tissus. Telle n'estpas l'opinion de M. L. Lefort, qui prétend que les courants induits, placés sur les muscles, les tétanisent ou ne produisent rien, tandis que les courants continus y réveillent des contractions, alors que les courants induits sont impuissants. L'action des courants continus sur les tissus paraît être différente de l'action des courants induits. Si les courants induits font déve-lopper le muscle par une sorte de gymnastique, c'est-à-dire l'exer-cice du muscle, qui est tout à fait analogue à l'exercice de la gym-nastique ordinaire, les courants continus, là où la faradisation est impuissante, font rétrograder la dégénérescence graisseuse des muscles. Il se passe ici des phénomènes nutritifs.

1 Chapot-Duvert, de Quelques applications de l'électricité à la tliérapeutique. Ad. Delahaye, 1870.

En résumé, ce qu'a fait M. Lefort, c'est une étude de l'action des courants continus longtemps prolongés. Jusqu'à présent on em-ployait une pile à grands et nombreux éléments; M. Lefort a essayé de remplacer ces éléments par deux ou trois seulement, et d'en tirer des courants faibles, mais longtemps continués. Voilà ce qu'il y a de nouveau, de personnel, dans la communication du chi-rurgien de Lariboisière; voilà ce qui doit faire l'objet de nouvelles études.

X. Sur l'érysipèle en général, et, en particulier, sur l'érysipèle traumatique. — L'étiologie de l'érysipèle est la partie la moins avancée de l'histoire de cette maladie. Quelques auteurs ont assi-milé l'érysipèle à une maladie exanthématique et en ont fait une affection spontanée dans laquelle la lésion traumatique, quand elle existe, ne jouerait que le rôle de cause occasionnelle. M. Verneuil constate que la doctrine de la spontanéité perd tous les jours du terrain ; tout, dit-il, tend à faire croire que l'érysipèle est le résullat d'une cause d'irritation, pathologique ou traumatique, récente ou ancienne de la peau ou des muqueuses. Sans vouloir aborder la question si controversée de la contagion, il désire appeler l'atten-tion des chirurgiens sur une variété de l'érysipèle traumatique dans laquelle le malade se donne à lui-même un érysipèle par auto-ino-culation. Celte variété a pour caractère d'évoluer avec une extrême rapidité et de suivre le traumatisme de très-près. On les voit sur-venir quelques heures après une opération. La condition spécia'e de l'apparilion des érysipèles précoces serait, suivant M. Verneuil, une opération pratiquée sur une partie en pleine suppuration ; on ouvre alors une série de vaisseaux lymphatiques dans lesquels le foyer de matière purulente ou septique verse cette matière laquelle, absorbée, donne naissance, soit à un érysipèle, soit à une angioleu-cite, deux affections qui sont, pour M. Verneuil, une seule et même maladie.

La discussion s'est ouverte sur la communication de M. Verneuil, et comme il fallait s'y attendre, deux camps opposés se sont formés; M. Verneuil ne s'est guère vu soutenu que par M. Després, et, avec de grandes réserves, par M. Lefort, alors qu'il est battu complète-ment en brèche par MM. Chassaignac et Blot. Pour M. Trélat, l'éry-sipèle estime maladie infectieuse dont l'angioleucite est un élément; ce qui le distingue des fièvres éruptives, c'est que ces dernières sont, dès leur apparition, des maladies générales, tandis que l'éry-

sipèle reste toujours plus ou moins limité. Gomme conclusion, nous sommes forcé dédire que la question n'est pas élucidée ; restent tou-jours à résoudre ces divers points : l'érysipèle et l'angioleucite sont-ils une seule et même chose? l'érysipèle est-il une capillarité san-guine, comme le veut M. Cbassaignac, et l'angioleucite une inflam-mation des réseaux lymphatiques et des troncs qui vont des réseaux jusqu'aux ganglions ? ou l'érysipèle n'est-il, comme le prétend M. Trélat, qu'une maladie dont l'angioleucite est un élément? Disons d'ailleurs que la discussion s'est, quelque peu égarée, et que l'éry-sipèle par auto-inoculation est tout à lait i esté dans l'ombre.

G. Peltier.

NÉCROSE CIRCONSCRITE DU MAXILLAIRE INFÉRIEUR; GANGRÈNE PARTIELLE DE LA JOUE GAUCHE; AUTOPLASTIE

Nous recevons de M. Cartaz, interne des hôpitaux de Paris, les dé-tails complémentaires qui suivent sur la malade dont M. Giraldèsa rapporté l'observation dans le N° de février de la Revue (p. 53 et Planche IV).

« A la suite de la cicatrisation, il s'établit, à 0m,025 delà commissure la-biale gauche, un trajet fistuleux qui persiste encore aujourd'hui (fin mars). Ce trajet laisse passer le stylet dans la cavité buccale, au niveau des der-nières molaires. Il donne passage à de la salive et à un peu de mucopus. Cette infirmité fait refuser l'enfant dans différentes places où elle devait entrer comme apprentie. Des cautérisations répélées au nitrate d'argent n'amenèrent aucun changement dans l'état de la fistule.

« Vers le milieu d'avril, après avoir chloroformé l'enfant, je pratique au niveau de l'orifice extérieur un avivement circonférentiel de 0m,005 envi-ron de largeur, et pénétrant dans toute l'épaisseur de la fistule jusqu'au voisinage de la muqueuse buccale. L'orifice interne n'a pas été avivé. Réu-nion par trois points de suture métallique qu'on enlève le deuxième jour.

« Huit jours après la plaie était parfaitement cicatrisée, et depuis deux mois la guérison s'est parfaitement maintenue. J'ai revu l'enfant, il y a une dizaine de jours-, on ne trouve plus trace de fistule dans la bouche, et il n'existe à l'extérieur qu'une cicatrice linéaire qui se confond avec les ci-catrices anciennes. Il n'est absolument rien sorti comme liquide buccal et depuis son exéat, la plaie ne s'est jamais rouverte. » Cartaz.

BIBLIOGRAPHIE

Étude sur le cancer primitif des voies biliaires, par le docteur F. Villard, ancien interne des hôpitaux de Paris. In-8° de 104 pages. Paris, Ad. Dela-haye, éditeur.

Les lecteurs du Mouvement médical ont eu, en 1870, la primeur du travail que M. Villard a publié sur le Cancer primitif des voies biliaires, et qui forme une brochure de cent pages. Cette affection très-rare est à peine étudiée dans les ouvrages classiques. Frerisch y consacre cependant quelques pages. En France, M. Villard n'a trouvé trace de cette question que dans le Traité des maladies des vieillards de Durand-Fardel et dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, (t. IX, p. 337), qui contient un article spécial de MM. Barth et Besnier. Une observation recueillie par l'auteur dans le service de M. Besnier, à l'hôpital Saint-Antoine, lui a donné l'idée de réunir les faits analogues pour en composer une monographie.

Le cancer peut revêtir dans les voies biliaires les quatre formes qu'on lui connaît : 1° l'encéphaloïde, qui est la forme la plus com-mune; 2° la squirrheuse ; 3° la variété colloïde, qui a été notée quatre fois sur dix-huit observations. C'est là, ainsi que le font re-marquer MM. Barth et Besnier (loc. cit.), une nouvelle analogie établie entre le cancer des voies biliaires et celui de l'intestin; 4° la variété villeuse que l'auteur n'avait pas d'abord trouvée dans ses observations et qu'il décrit, d'après Frerisch, mais qu'il décrit ensuite à la fin de son travail d'après Rokitansky et deux de ses élèves, MM. Heschl1 et Klob2.

Toutes ces variétés commencent généralement à se développer dans la vésicule, quoiqu'il existe des faits de développement pri-mitif de cancer dans les canaux hépatique et cholédoque. De la vési-cule, il se propage jusqu'aux conduits et peut même gagner les organes voisins, tels que le foie, le pancréas, le duodénum, l'es-tomac et le côlon. Nous citons un passage des conclusions qui ter-minent cette étude : «.....Quelle que soit la forme sous laquelle se

présente la dégénérescence, l'altération débute toujours par le tissu cellulaire sous-muqueux et ce n'est que plus tard qu'elle envahit les

1 Wiener Zeitschrift, 1852. — 2 Wiener Wochenblatt, 1856,

tuniques muqueuse et musculaire. Parmi les particularités anato-mo-pathologiques intéressantes qui peuvent dépendre de la dégéné-rescence cancéreuse, il faut noter la formation des calculs et la di-latation des voies biliaires; consécutivement à cette dilatation, il survient souvent une inflammation et une suppuration des conduits hépatiques, qui peuvent se rompre et donner lieu à une hépalite in-terstitielle. »

Cette maladie, qui s'observe surtout chez des vieillards et plus souvent chez les femmes que chez les hommes, est d'un diagnostic trés-difficile. Au début, les symptômes ne sont pas assez nets pour permettre de préciser le siège de la maladie. Plus tard, ils ont sou-vent pris un tel développement, qu'il est plus facile de reconnaître la nature que le siège précis de l'affection. — M. Villard étudie cependant assez longuement la symptomatologie dans différents paragraphes : douleur, tumeur au niveau de la vésicule biliaire, ictère, cachexie cancéreuse, tels sont les principaux symptômes sur lesquels l'auteur entre dans quelques détails. Comme la terminaison de cette maladie est constamment fatale, on comprendra que le traitement ne doit avoir pour but que d'alimenter le malade et de calmer la douleur. Cette monographie, élaborée avec un soin tout particulier, acquiert encore un intérêt de plus par les emprunts faits par M. Villard à des leçons inédites de M. Charcot sur différents points de la pathologie des voies biliaires. C'est encore un nouveau motif qui nous engage à conseiller la lecture de ce travail.

Dr G. BOUTEILLIER.

Essai sur le pansement immédiat des plaies d'amputation par le perchlorure

de fer, par P. Fouilloux, ancien interne des hôpitaux de Clermont-Ferrand et de Paris. In-8°. Paris, Ad. Delahaye, éditeur.

M. Fouilloux, pendant son séjour à Clermont-Ferrand, avait été témoin des beaux résultats obtenus par M. Bourgade dans un hô-pital où la mortalité par opérations en était arrivée à ne le céder en rien à la mortalité des plus grands hôpitaux de Paris : ce mode de pansement immédiat des plaies d'amputation était l'emploi du perchlorure de fer. Dans neuf cas, M. Fouilloux a appliqué ce mode de pansement à Paris, dans un service où l'intoxication chirurgi-cale, dit-il, faisait tourner à mal les opérations bénignes ou graves, et il a été aussi heureux que son maître M. Bourgade. Les observa-

tions sont prises avec soin, la température est toujours indiquée pendant plusieurs jours. Suivant M. Fouilloux, le pansement agirait: 1° par occlusion; 2° par escharificalion. Le perchlorure de fer détruit ce qui peut donner lieu à des produits fétides et oblitère ra-pidement les vaisseaux jusqu'à une certaine hauteur de la surface de la plaie, opposant ainsi une barrière à la résorption de tout agent infectieux.

La douleur occasionnée par le pansement est déjà une objection assez grave; disons de plus que M. Gosselin ayant essayé le per-chlorure de fer, après les résultats de M. Bourgade, eut d'abord une série heureuse, mais bientôt des faits nouveaux le conduisirent à l'abandonner complètement1. En présence de la mortalité des opérés, dans les grands centres, il est indispensable de faire con-naître tous les moyens, même ceux qui ont été déjà soumis à la cri-tique, qui sont capables de contribuer à la guérison des opérés. Sans être un partisan fervent du perchlorure de fer, dont les phar-maciens et le public salissent trop souvent les plaies, nous ne répu-gnons pas à croire que cet agent, employé avec précaution, ne puisse rendre des services dans quelques circonstances : les faits de MM. Bourgade et Fouilloux viennent plaider en faveur de notre réserve.

F. Roque.

Études sur le molluscum, par L. Malassez, interne des hôpitaux de Paris. In-8°, avec une planche. Paris, Ad. Delaliaye.

Dans le numéro de février de la Revue, analysant divers travaux sur les maladies de la peau, nous avons résumé plusieurs faits com-muniqués par M. Malassez à la Société anatomique, et relatifs aux tumeurs de la peau, connus sous le nom de molluscum. M. Malassez a eu la bonne idée de réunir en un mémoire les résultats de ces investigations. Nous signalons d'autant plus volontiers son mémoire à l'attention de nos lecteurs que, dans ce numéro même, nous avons inséré (page 209) un exemple très-intéressant de molluscum.

1 Pans les Leçons cliniques sur les maladies chirurgicales des enfants, de M. Giraldès (p. 200), on trouvera des indications thérapeutiques relatives à l'ac-tion du perchlorure de fer.

Le Gérant : a. de mo.ntméja.

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DES HOPITAUX DE PARIS

ÉLECTROTHÉRAPIE

DE LA DIFFÉRENCE D'ACTION DES COURANTS ÉLECTRIQUES SUR L'ORGANISME CONSIDÉRÉ COMME CONDUCTEUR PHYSIQUE

Leçon faite le 22 juin à la Salpêtrière par m. onimus

— suite -

— Revenons aux. courants continus, et, pour comprendre leur in-fluence sur l'organisme, appliquons quelques-unes des notions physiques que nous venons d'étudier.

Le corps est interposé dans le circuit extérieur, mais ce n'est pas un conducteur ordinaire, car, môme au point de vue pure-ment physique, il est formé par diverses substances, il renferme en lui des liquides décomposables, des tissus ayant des mouve-ments moléculaires propres, des substances ayant entre elles des combinaisons chimiques, et enfin, une série innombrable de petits appareils électriques. Quelle va être sur tous ces phénomènes l'influence d'un courant électrique que l'on introduit artificielle-ment ?

Nous avons également à distinguer les trois phases : Io état initial; 2° état définitif; 3° état final.

État initial. — Au moment où le courant pénètre dans le corps, il détermine une modification de l'équilibre moléculaire, ce qui se traduit pour les nerfs et pour les muscles par une excitation fonc-tionnelle.

Etat définitif. — Pendant tout le temps où le courant est main-tenu, l'état moléculaire reste en équilibre, il n'y a donc pas d'exci-tation vive du fonctionnement des nerfs ou des muscles, mais le flux électrique impose, pour ainsi dire, son orientation aux autres

4e année, 8

mouvements secondaires des tissus et il empêche les irritations par-tielles d'avoir une influence prédominante. Comme un cours d'eau rapide qui traverserait une série de cours d'eau moins rapides et de sens divers, il imprime à tous son mouvement, et entraîne tous les courants secondaires dans sa direction. Ainsi, pendant le passage d'un courant électrique, les spasmes, les contractures, les actions réflexes disparaissent et cessent pendant un temps plus ou moins long.

C'est surtout pour obtenir ces effets, qu'il faut un courant à grande tension, caril ne faut pas seulement que le courant traverse les tissus, il faut encore qu'il puisse agir énergiquement sur les mouvements moléculaires des tissus qu'il traverse, et son action sera, sous ce rapport, d'autant plus efficace, qu'il aura plus de ten-sion, de même que, dans la comparaison que nous avons faite tout à l'heure, le cours d'eau principal aura d'autant plus d'action sur les cours d'eau secondaires, qu'il aura plus de vitesse et de rapidité.

État final. — Au moment de la cessation du courant, il y a de nouveau rupture de l'état moléculaire, et par conséquent excitation des nerfs et des muscles. La mise en activité du nerf et du muscle n'est en effet comme phénomène intime, même dans le cas d'excita-tion vitale, qu'une rupture de l'équilibre moléculaire, et quel que soit le mode de transmission que l'on admette dans un filet nerveux, il faut toujours ramener ce phénomène à un mouvement moléculaire. On conçoit ainsi que toute cause extérieure qui modifiera l'état mo-léculaire déterminera par cela seul une excitation, et c'est pour cela que le courant détermine une activité nerveuse ou musculaire au moment où il arrive, comme au moment où il cesse.

Mais ici nous trouvons une contradiction avec tout ce que nous avons dit plus haut sur les phénomènes qui ont lieu au moment initial et au moment final, car sur l'organisme, c'est le courant de fermeture et non celui d'ouverture qui détermine l'action plus éner-gique, et même souvent la seule que l'on puisse constater. Pourquoi cette différence et quelles sont les causes qui la produisent?

Pour comprendre ce fait, il faut savoir que la rupture du cou-rant ne détermine d'action énergique que sur les corps dont les mo-lécules sont très-mobiles, homogènes, vibrant facilement et surtout n'ayant pas par eux-mêmes de mouvements propres. Aucune de ces conditions ne se trouve dans l'organisme, et les variations de ten-sion et d'orientation s'y font très-lentement ; la vitesse de l'influx nerveux en est une preuve, lorsqu'on la compare à la vitesse de

l'électricité et même du son. Néanmoins, et cela est une conséquence logique, c'est dans les tissus qui peuvent le plus rapidement modi-fier leur état moléculaire, que la rupture du courant a le plus d'ac-tion. Sous ce rapport, le système nerveux, et surtout les nerfs sen-sitifs et les nerfs spéciaux des sens, sont les plus excitables par la rupture du courant, et lorsqu'on électrise un nerf, surtout le nerf optique, il faut bien faire attention à l'excitation très-vive qui a lieu au moment de la cessation du courant. Il faut, dans ce cas, ne jamais enlever lesrhéophores brusquement. Il en est de même lors-qu'on électrise les ganglions cervicaux ou la partie supérieure de la moelle : les syncopes ou les étourdissements se produisent au mo-ment de la rupture rapide du courant.

À l'instant où le courant cesse, il se produit dans les tissus qu'il a traversés une autre série de phénomènes, que nous avons observés dès nos premières recherches. Dès que le courant cesse, on con-state avec un galvanomètre sensible qu'il se forme un courant en sens inverse du courant primitif, et ce courant, dit courant de po-lorisation, dure un certain temps. Nous l'avons constaté plusieurs fois chez l'homme; il est très-manifeste dans l'expérience que je fais sous vos yeux. J'électrise cette grenouille dans une région située au-dessus de celle où sont implantées deux épingles communiquant avec un galvanomètre; au moment où le courant est établi, nous voyons l'aiguille dévier à droite fortement sous l'influence du cou-rant qui traverse les membres ; et maintenant en enlevant un des fds du galvanomètre afin que le courant ne passe plus par le galvanomètre et en laissant l'aiguille revenir au zéro, nous la voyons dévier fortement à gauche, dès que nous rétablissons le cir-cuit, après avoir préalablement cessé d'éleclriser le membre. Il se forme donc dans les tissus, au moment de la rupture du courant, un courant propre qui est dirigé en sens inverse du courant pri-mitif, et qui dure quelques minutes. Cela explique également pour-quoi le courant d'ouverture a une action si faible. Comme vous pourrez le constater, cela n'a jamais lieu avec les courants induits, et cela démontre bien que ceux-ci ont peu d'action sur les phéno-mènes chimiques des tissus.

Il y a encore entre les courants induits et les courants continus celte autre différence, que les courants se localisent facilement, et c'est avec raison que M. Duchcnne a pris le titre d'électrisation lo-calisée pour indiquer l'influence physiologique et thérapeutique de ces courants. Malgré leur grande tension, ils n'agissent pas aussi

profondément que les courants continus. Ceux-ci ne peuvent même être isolés dans une région limitée, et en électrisant le membre antérieur cbez des animaux, nous avons constaté des déviations de l'aiguille d'un galvanomètre communiquant avec des fils plongés dans le membre postérieur. Nous avons observé ces faits en 1868 avec M. Ch. Lcgros, et depuis cette époque, dans une leçon faite à Ileidelberg en 1870, M. Ilelmholtz relate des faits analogues, et il cite comme un fait curieux cette propriété des courants continus. Il a vu, comme nous, des courants induits ne pas agir sur des nerfs profonds, tandis que des courants provenant d'une pile et dont la force électro-motrice était bien moindre provoquaient des contrac-tons.

Les courants continus pénètrent donc dans tout l'organisme, et c'est une de leurs propriétés les plus importantes, car on est cer-tain d'arriver ainsi sur des organes profonds tels que la moelle. Mais est-ce pour tout le corps une réelle pénétration, ou n'est-ce pas plutôt une influence de proche en proche, due justement à ce que le corps entier est un assemblage d'un nombre infini de couples voltaïques? Le courant que nous faisons pénétrer artificiellement, étant plus intense, agit-il alors en augmentant les phénomènes élec-triques autonomes et en leur imprimant une certaine direction?

Cette question si intéressante nous amène à examiner les di-verses théories émises sur l'électricité animale, dont nous ne pouvons dans ce moment que vous esquisser les points principaux. — L'expérience qui fit découvrir à Galvani l'électricité est égale-ment celle qui la première a démontré l'existence d'un courant élec-trique dans les corps vivants. Plus tard Nobili, Matteucci et surtout M. du Bois-Reymond ont démontré des courants dans les muscles et dans les nerfs. A l'occasion de ces faits, M. du Bois-Reymond a établi toute une théorie dans laquelle la contraction musculaire et le fonc-tionnement du système nerveux ne seraient que des actions élec-triques, et la transmission de l'influence nerveuse se ferait par une série d'orientations électriques; en un mot, il a cherché à identifier l'agent nerveux et l'agent électrique. Aussi longtemps que M. du Bois-Reymond constate dans les tissus organiques des courants électriques, il est dans le vrai, mais où il cesse d'être exact, c'est quand il veut faire de ces courants électriques la cause des actions nerveuses et musculaires. D'un autre côté, dès les pre-miers jours de la découverte de M. du Bois-Reymond, Matteucci en talie et M. Becquerel en France démontraient qu'il se forme

des courants électriques dans toute espèce de tissu organique, aussi bien dans les végétaux que dans les animaux. Plus récemment même, Malteucci, avec un fil de platine entouré de coton imbibé d'eau salée, reproduisait le phénomène de l'électrotonus, et M. Becquerel, en découvrant les phénomènes électro-capillaires, a porté le dernier coup aux théories de M. du Bois-Reymond. Elles n'ont d'ailleurs jamais eu grand succès en France, et peut-être est-ce pour cela que M. du Bois-Reymond a voué une si grande haine à la France.

M. du Bois-Reymond a fait école en Allemagne, et physiologistes et médecins d'outre-Rhin ne parlent que d'état cathélectrotonique, et d'état anélectrolonique, de cathélectrotonus extra-polaire et d'anélectrolonus intra-polaire. Ils ont fait de grandes théories et établi des lois spéciales auxquelles ils ont donné leur nom, et tout cela uniquement pour expliquer ce simple fait, que l'excitabilité du nerf est plus faible aux environs du pôle positif et plus grande près du pôle négatif. La raison en est bien simple : c'est parce que les acides diminuent l'excitabilité nerveuse et que les alcalis faibles l'augmentent, ce que l'on sait depuis bien longtemps, aussi bien que cet autre fait que lorsqu'un courant passe à travers des corps chimiquement décomposables comme un nerf, les acides se rendent au pôle positif et les alcalis au pôle négatif. Voilà à quoi se réduit, en grande partie, l'influence du cathode et de l'anode.

Au lieu de nous égarer dans des hypothèses, il nous paraît plus profitable de ne considérer que ce fait, qui à lui seul est déjà très-importanl, à savoir qu'il se forme partout et dans toute espèce de substance organique des courants électriques. En général, on ne rattache l'idée de la production d'électricité qu'à un assemblage de liquides acides et de métaux, et l'esprit se fait difficilement à ce que des courants électriques puissent être produits par des substances organiques coagulables. On oublie trop facilement que des animaux possèdent des appareils spéciaux qui produisent des courants élec-triques très-intenses. Or ces appareils ne sont autres que des cloisons membraneuses renfermant une substance albumineuse. C'est la condition anatomique de presque tous les éléments de l'organisme, et l'on peut dire sans exagération que chaque fibre musculaire ou chaque cellule constitue une pile. On constate en effet des courants électriques dans tous les tissus, dans les tendons, dans les os, dans les artères, aussi bien que dans les muscles et les nerfs, et M. Bec-querel, dans ses belles recherches sur les phénomènes électro-capil-

laires, a montré que deux dissolutions de nature différente, sé-parées par une membrane ou par un espace capillaire, constituent un couple électro-chimique.

11 existe donc dans le corps un nombre incalculable de couples électro-capillaires donnant lieu pendant la vie à des courants élec-triques, et l'on peut dire que nous sommes formés par un assem-blage infini de petits appareils électriques. Les courants se com-binent dès leur formation et restent limités, au lieu de se condenser comme dans les appareils spéciaux de certains poissons.

Il est important d'étudier quelle peut être l'influence d'un courant électrique extérieur, sur les phénomènes électriques autonomes do chacun de ces petits couples. L'expérience la plus intéressante sous ce rapport serait de rechercher l'action d'un courant continu passant pendant quelque temps à travers l'appareil électrique des poissons; on verrait peut-être ainsi les courants électriques pro-pres augmenter ou diminuer selon la direction du courant arti-ficiel, et l'on pourrait en même temps étudier les rapports de la production de ces courants avec la nutrition de ces tissus.

Pour nous placer dans des conditions,à peu près analogues, nous avons cherché quelle était l'influence d'un courant extérieur sur l'action chimique de chaque élément, dans une série d'éléments formant un circuit fermé. Pour cela, nous avons réuni en deux

Fig. 8.

groupes quatre éléments en tension (fig. 8). Un de ces groupes nous servait de point de comparaison et nous permettait de juger

de la quantité de zinc qui était oxydée dans le même espace de temps, dans les conditions normales.

Dans le deuxième groupe, nous faisions passer d'un élément à l'autre, pendant huit à dix heures, un courant de trente éléments. Voici quelques-uns des résultats que nous avons obtenus. Lorsque le courant extérieur C passait par les quatre éléments, et en sens inverse f du courant propre de ces éléments qui est dirigé selon la flèche/et fv l'action chimique dans chaque élément était plus faible que dans la pile qui servait de comparaison et qui restait dans les conditions normales. Dans le même temps, les zincs de cette pile perdaient 10 grammes de leur poids, tandis que les zincs de la pile où l'on faisait agir en sens inverse un courant de trente éléments ne perdaient que 7 grammes de leur poids.

Si, au contraire, le courant était dirigé dans le sens du courant propre de la pile, les mêmes zincs perdaient 17 grammes de leur poids, et ceux de la pile servant de comparaison ne perdaient dans le même temps que 9 grammes.

Enfin, en ne faisant passer le courant extérieur que par deux élé-ments, il y avait également une différence de poids entre les deux piles ; l'usure du zinc était plus prononcée pour la pile où un autre courant était interposé dans une partie du circuit.

On peut objecter à cette expérience que l'introduction d'un cou-rant extérieur assez intense détermine lui-même des décomposi-tions chimiques, et que cette action peut influer l'oxydation du zinc, que ce n'est donc qu'une simple action chimique surajoutée, et que rien ne prouve ainsi que ce courant ait une action sur les phé-nomènes chimiques propres à la pile.

A cela nous répondons : 1° que l'action décomposante du courant surajouté est la même, quelle que soit la direction que l'on donne à ce courant ; que, par conséquent, la différence très-remarquable que nous constatons dans l'oxydation des zincs, selon la direction du courant, ne devrait pas exister ; 2° les effets sont bien moindres lorsqu'au lieu d'employer un courant à grande tension et à action chimique faible, on emploie un courant à tension faible et à action chimique forte, et cependant ce serait le contraire qui aurait lieu en admettant l'objection qui est faite.

Pourquoi donc un courant extérieur surajouté peut-il diminuer ou augmenter l'action chimique de chaque élément? L'explicetion de cette influence s'explique par la loi suivante: l'action chimique dans chaque élément est d'autant plus considérable que la résis-

tance extérieure est plus faible. Chaque fois qu'on diminuera la ré-sistance extérieure, l'action chimique dans chaque élément sera plus grande ; elle sera au contraire plus faible à mesure que la ré-sistance extérieure augmentera.

Voici deux cléments identiques ; dans chacun d'eux, avant-hier, j'ai mis la même quantité de sulfate de cuivre.

Dans l'une, il s'y trouve encore au complet, et le zinc n'est presque pas attaqué ; dans l'autre, le sulfate de cuivre a disparu et le zinc est fortement oxydé. Celte différence tient uniquement à ce que, pour le premier élément, les rhéophores sont restés éloignés l'un de l'autre, tandis que, dans le second élément, nous les avons réunis par un fil métallique. C'est donc ce seul contact qui a déterminé dans la pile une action chimique très-manifeste, tandis qu'ailleurs la résistance entre les deux rhéophores étant insurmontable, il n'y a pas eu d'action chimique. Si, au lieu de laisser les rhéophores sé-parés, nous les avions réunis par un corps mauvais conducteur, mais se laissant cependant traverser par le courant, nous aurions eu dans celte pile une action chimique plus grande qu'en laissant les deux rhéophores complètement séparés; mais cette action chimique eût cependant été bien moindre que dans l'élément où un corps n'offrant aucune résistance, tel qu'un fil de cuivre, eût réuni les deux piles.

Donc c'est bien la plus ou moins grande résistance extérieure qui règle l'action chimique autonome à chaque élément. Pour le prouver par une expérience directe, nous avons fait passer deux courants fournis chacun par quatre éléments à travers une couche d'eau de trois centimètres.

Les conditions étaient donc les mêmes pour ces deux piles; seu-lement, pour l'une, nous faisions en même temps traverser la couche d'eau par un courant fourni par 20 éléments.

Voici comment est disposée l'expérience : dans deux mêmes tubes T remplis d'eau, nous faisons arriver les deux extrémités des rhéo-phores des deux piles. Pour l'une, ces rhéophores sont représentés par PM et PN. La distance entre leurs extrémités est MN, et cette distance reste la même pendant tout le temps de l'expérience. Pour la seconde pile qui sert de comparaison, les choses sont disposées de la même manière, et l'espace qui sépare les deux rhéophores est le même. Ces deux piles fonctionnent donc de la même façon et se trouvent dans les mêmes conditions de résistance extérieure. Mais pour l'une, dans l'espace MN rempli d'eau, nous faisons de plus

passer le courant de vingt autres éléments, dont les rhéophorcs plongent dans l'eau et sont placés en B et en S au-dessus des extré-mités M et N.

Le courant CBSG ne s'ajoute donc pas au courant PMNP, mais il traverse le môme corps, détermine comme lui, et plus énergiquernent que lui, l'orientation des molécules et imprime par son passage un état dynamique particulier. Par cela seul, ce courant arrive à diminuer la résistance que l'eau placée en MN présente au courant PM et PN, car sans l'influence de ce courant extérieur CB et CS, l'action chimi-que augmente dans l'intérieur des éléments de la pile P. Au bout de huit heures de cette expérience, les quatre zincs de la pile P ont perdu cinq grammes de plus que ceux de la même pile servant de comparaison, et où aucun cou-rant extérieur ne venait changer les conditions.

Nous voyons donc par ces expériences qu'un courant extérieur, remarquable surtout pas une grande tension, influe sur l'action chi-mique propre de chaque élément, et il agit ainsi, non parce que son action chimique vient s'ajouter à celle de l'élément, mais parce qu'il diminue ou augmente les résistances. 11 agit ainsi par sa tension et plus la tension est grande, plus le travail chimique autonome de chaque élément sera augmenté.

Bevenons maintenant à notre étude sur les corps organisés. Chaque élément de notre pile représente une cellule de l'appareil électrique spécial des poissons, ou bien un tube nerveux, une fibre musculaire, etc. Dans chacun cle ces groupes, il y a en effet un cou-rant électrique autonome et des actions chimiques propres.—D'un autre côté, la nutrition n'est autre chose qu'un phénomène chimique, une série d'oxydations; les substances albuminoïdes brûlent dans les tissus, comme le métal dans la pile, et par conséquent lorsque nous faisons traverser un courant électrique par l'organisme, nous aurons la même action sur les petites, mais innombrables piles or-ganiques, que celle que nous venons de constater sur chacune de ces piles inorganiques, c'est-à-dire que nous augmenterons l'action

chimique autonome et propre à chaque tissu. Nous agirons ainsi sur la nutrition et c'est principalement à cette action des courants continus qu'il faut attribuer leur influence trophique.

Ainsi, et c'est là un point important que nos recherches physio-logiques nous avaient déjà démontré, un courant provenant direc-tement de la pile peut favoriser ou ralentir les actions chimiques des tissus. Je dirai même plus : je crois que, dans toutes les com-binaisons organiques, il faut faire intervenir cette loi principale: les actions chimiques sont d'autant plus énergiques pour des liquides formant un couple électrique, que les résistances sont moindres.

Les courants électriques qui se forment directement dans les tissus, ne se produisant pas d'une façon désordonnée, ils doivent être maintenus dans des relations réciproques, et le régulateur de l'action chimique des éléments organiques doit justement être la résistance extérieure. Ces courants, si petits qu'ils soient, ont tou-jours une résistance à vaincre ; il y a des équilibres moléculaires à rompre, des directions dynamiques à maintenir ou à créer. Plus ces résistances sont nombreuses ou considérables, moins les phé-nomènes chimiques sont prononcés. Ils peuvent au contraire deve-nir exagérés, ou changer même dans leur résultat et leurs combi-naisons, lorsque les résistances normales sont diminuées ou modi-fiées pour une cause ou pour une autre.

La corrélation de l'action chimique et de l'électricité est mani-feste dans tous les phénomènes inorganiques; mais, l'action chimi-que elle-même n'est qu'un effet mécanique, d'après les théories physiques modernes ; effet mécanique que l'on ne peut rendre ma-nifeste sous forme d'électricité que dans certaines conditions parti-culières.

Mais il n'en est pas moins exact que toutes les actions chimiques sont dépendantes de cette même loi ; c'est-à-dire qu'elles ont lieu d'autant plus énergiquement que les résistances soit moléculaires, soit de masse, sont moindres.

Ces faits nous montrent l'importance de la tension dans les cou-rants électriques, car c'est elle qui permet aux actions chimiques autonomes des tissus de se faire plus ou moins activement, et pour les corps organiques bien plus que pour les corps inorganiques, on peut définir le courant, selon l'expression de Faraday, une action chimique en mouvement.

Ces faits nous montrent en même temps combien il est nécessaire

de tenir compte de la direction des courants, et expliquent en même temps pourquoi la nutrition est modifiée différemment selon la direction des courants.

Il y a trois ans déjà, avec M. le docteur Legros, nous avons fait une série d'expériences qui nous ont fait découvrir ce résultat cu-rieux, que l'urée est diminuée lorsqu'on électrise la moelle par un courant descendant, et qu'elle est au contraire augmentée par un courant ascendant.

— Nous pouvons résumer cette leçon en disant que les courants induits diffèrent des courants continus par leur production plus rapide, par leur action plutôt mécanique que chimique, parla fa-cilité avec laquelle ils peuvent être localisés malgré leur grande tension. Les courants continus, au contraire, maintiennent pendant un temps plus ou moins long la même orientation moléculaire ; ils déterminent des mouvements de transport, ils impriment leur di-rection aux courants secondaires qui naissent dans les tissus, ils ont une action chimique directe et une influence indirecte sur les combinaisons chimiques des substances organiques, ils pénètrent profondément dans les tissus, ne peuvent êlre localisés, donnent lieu, après leur cessation, à des phénomènes de polarisation, et selon leur direction peuvent augmenter ou diminuer l'oxydation des tissus.

Mais, à côté de cette grande division, il est encore nécessaire de distinguer les courants induits entre eux, car, selon leur mode de production, ils ont encore des effets bien différents. Gomme M. Du-chenne l'a observé, il y a déjà longtemps, les courants de la pre-mière hélice ont des propriétés quine sont point identiques à celles des courants de la deuxième hélice. M. Becquerel a expliqué ces différences au point de vue physique, mais le fait n'en est pas moins exact, et, dans fous les cas, il est important, selon les cas, de savoir employer les courants de la première hélice ou ceux de la seconde ; on obtient encore des effets opposés, selon qu'on se sert de courants à interruptions rapides ou à interruptions lentes.

Il en est de môme pour les courants continus ; ils diffèrent entre eux par l'action chimique, la constance, la tension extérieure et la tension intérieure. Il faut tenir compte de tous ces éléments, et ne jamais croire qu'il suffit qu'un courant provienne directement d'une pile quelconque pour qu'il jouisse des propriétés thérapeutiques des courants continus.

Certes l'électricité est une, mais, surtout au point de vue médical,

nous devons tenir compte des différences qu'elle présente, selon sa source et selon les modifications qu'elle éprouve en traversant les corps. Comme toute espèce de mouvement moléculaire, l'électricité subit une série de métamorphoses et apparaît avec des formes et des propriétés différentes. De même que la chaleur delà chaudière se transforme, par des mécanismes spéciaux, en travail méca-nique, de même le mouvement moléculaire chimique de la pile se transforme à l'extérieur en effets chimiques, mécaniques ou calori-fiques. Pour vous montrer cette transformation d'une manière palpable, voici un appareil que nous avons également employé en médecine, et qui est remarquable au point de vue scientifique; c'est l'appareil de polarisation de Thomsens.

Il se compose d'une série de lames de platine par lesquelles passe le courant de piles de Bunsen, ou d'une pile, à force électromotrice et chimique puissante. J'emploie dans ce but l'appareil qui sert à la galvano-eaustique. L'électricité développée dans cette pile, si je la fais passer à travers un fil métallique, échauffe celui-ci, surtout si c'est un fil de platine ; voilà donc une transformation de l'électricité en chaleur ; si au contraire, comme dans cet appareil, je fais traver-ser le courant par une série de petites auges renfermant de l'eau, il y aura une décomposition chimique très-vive, et si les pôles sont en platine comme dans cet appareil, les gaz dégagés venant en contact avec le platine, l'électrisent par polarisation et donnent lieu à un cou-rant qui aura une grande tension ; ainsi, avec cette série de transfor-mations, j'aurai obtenu, avec deux ou trois éléments de Bunsen, un courant ayant les mêmes propriétés qu'un courant fourni directement par vingt ou trente éléments Daniell. Mais cela ne veut pas dire que l'électricité provenant directement de trois éléments Bunsen agit sur l'organisme comme celle de vingt éléments Daniell, pas plus que l'on ne peut confondre sous ce rapport le travail mécanique et la chaleur de la vapeur d'eau d'une locomotive.

Nous le répétons, il faut donc dans la pratique ne pas se laisser entraînera des considérations trop théoriques sur l'unité des cou-rants électriques, et s'attacher aucontraire à profiter des propriétés diverses des courants selon leur production et le genre d'appareil que l'on emploie.

RE VUE P H 0 T OGR APHIQUE

DES HOPITAUX

HYPERTROPHIE CONGENITALE DE LA JAMBE

CLINIQUE CHIRURGICALE

HYPERTROPHIE CONGÉNITALE DE LA JAMBE ET LIPOMES MULTIPLES

notes recueillies par m. poulain

En juin 1872 est entré à l'hôpital de la Pitié (service de M. S. Bu-tlay), salle Saint-Louis, n° 14, un jeune homme de 19 ans, natif de Beaugency. Il est atteint d'une hypertrophie générale et congénitale de la jambe gauche qui, à son dire, a un peu augmenté dans ces dernières années.

Cette jambe est le siège d'une tuméfaction très-considérable, ir-régulière, formée surtout aux dépens des parties molles et appa-raissant comme une masse flasque appenduc au membre. (Voy. Planche XXII.) Cette irrégularité jointe au développement congé-nital différencie cette affection de l'éléphantiasis des Arabes, dans lequel l'hypertrophie se fait accidentellement et d'une manière plus régulière, en général.

Cette masse semble formée d'un tissu mollasse ; elle donne à la main la sensation de petits lobules séparés par des cloisons comme fibreuses et est évidemment constituée par une hypertrophie du tissu cellulaire sous-cutané. La peau est complètement indépen-dante, nouveau signe qui exclut toute idée d'éléphantiasisLa sen-sibilité est obtuse dans toute la tumeur, comme on peut s'en con-vaincre en piquant successivement les deux jambes avec une épingle.

En un certain point, au-dessus de la malléole externe, on re-marque le développement de petites varicosités.

Cette hypertrophie considérable semble s'arrêter à l'aponévrose superficielle de la jambe. Toutefois le squelette est aussi notable-ment hypertrophié. La face antérieure du tibia est plus large d'un tiers environ que celle du tibia du côté opposé. Et le tibia paraît à la vue évidemment plus long du côté malade que du côté sain. Il en résulte un allongement de la jambe qui est parfaitement évident sur la Planche XXII ; on voit que la jambe droite est certainement allongée ; le malade est obligé pour rester droit de fléchir le mem-

1 On pourra comparer la Planche XXII à la Planche XVI de l'année 1869 de la Revue photographique des hôpitaux.

bre inférieur malade : il doit donc toujours garder dans la station la position hanchée.

Voici d'ailleurs les mesures qui ont été prises comparativement sur les deux jambes :

Distance du bord supérieur de la rotule à la partie

moyenne de la face plantaire...........

Circonférence du genou..............

— de la jambe au tiers supérieur . . , .

— — au tiers inférieur.....

— passant par le cou-de-pied et le talon. .

CÔTÉ DROIT CÔTÉ GAUCHE

0m,52 0m,ô5 0m,28 0m,20 0m,38 0»,59 0m,59 0m,Gö 0m,60 0m,31

Les mouvements de l'articulation tibio-tarsienne sont très-limités dans le sens de l'extension.

On remarque en même temps des hypertrophies multiples du tissu cellulaire sous-cutané.

A la face interne et plantaire de l'autre pied, au-dessous de la malléole correspondante, on remarque une tumeur de la grosseur des deux poings.

Sur le tronc et les membres on voit une foule de véritables li-pomes, non pédicules, de la grosseur d'une noisette. Les deux mamelles sont rendues plus volumineuses par le développement de tissu graisseux dans leur intérieur.

Le sujet jouit d'ailleurs d'une bonne santé.

ÉPITHÉLIOMA ULCÉRÉ DU PRÉPUCE ET DE LA VERGE

par girard, interne des hopitaux de paris

M. P..., cultivateur, entre à la Maison municipale de santé (ser-vice de M. Demarquay), le 30 avril 1872. C'est un homme de 50 ans, détaille moyenne, d'une bonne constitution, n'ayant jamais eu de maladie avant celle qui le décide à venir à l'hôpital. Les douleurs, la gêne causée par une tumeur ulcérée du prépuce et du gland, qu'à la première inspection on déclare être un épithelioma ; l'impos-sibilité de continuer son existence, jusque-là très-active et labo-rieuse, lui font désirer ardemment une opération, quel qu'en doive être le résultat.

Nous préférons dire de suite quel était l'état des organes géni-taux de cet homme quand il s'est présenté à notre observation, et exposer ensuite le mode de début et la marche de la tumeur.

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

EPITHELIOMA ULCÉRÉ DE LA VERGE

Comme on le voit, sur la Planche XXIII, qui représente très-bien l'état des parties, ce qui frappe tout d'abord, c'est une masse ul-cérée prenant naissance au niveau du pubis, à la partie inférieure du mont de Venus, s'étendant de là plus à gauche qu'adroite, pour envelopper en entier le prépuce et la verge. Au-dessous de la tu-meur on aperçoit les bourses teintées en rouge sombre, par un érythème chronique, résultat du contact irritant et de l'urine et de l'ichor cancéreux. Un peu déjetées à droite, dans la photographie, elles ne présentent du reste aucune autre altération ; en les pres-sant, on sent les testicules, dont le volume, la consistance, la sensi-bilité et la motilité sont ceux de l'état normal.

Agauche et inférieurement, entre les bourses et la masse ulcérée, on voit une partie plus sombre que les précédentes, présentant de petits tubercules variant du volume d'une grosse tête d'épingle à celui d'une lentille, représentés par des points blancs sur la pho-tographie : C'est la moitié inférieure delà couronne du prépuce qui n'est point encore détruite. Elle est considérablement augmentée de volume et pend sur les bourses ; nous donnons plus loin l'ana-lyse microscopique des saillies qui la surmontent.

Dans tout cela, où sont le gland, l'urèthre, le prépuce, les corps caverneux? C'est ce que la photographie ne pouvait pas rendre et ce que nous allons essayer de décrire. Si on examine attentivement la surface ulcérée, qui présente des excroissances plus ou moins dé-veloppées, séparées par des sillons remplis de pus ichoreux, de matières sanieuses, pultacées, on trouve à peu près vers le centre, un peu à droite, une excroissance qui diffère des autres en ce qu'elle paraît plus ferme, plus ridée. Au milieu, on voit une petite ouver-ture déformée, par laquelle on peut introduire une sonde jusque dans la vessie ; c'est le méat et le gland qui le supporte. Le prépuce est complètement détruit par l'ulcération, du moins quant à sa partie supérieure ; nous avons vu ce qu'il en restait à la partie in-férieure. Il est impossible de savoir à la simple inspection si les corps caverneux sont altérés ; ils sont dans tous les cas perdus dans la tumeur et depuis longtemps n'entrent plus en érection. Une cir-constance qui porterait à croire que la muqueuse uréthrale n'a point été épargnée par le produit nouveau, c'est que la sonde qu'on en retire est chargée de sang et de pus.

Les ganglions de l'aine et surtout ceux de gauche sont engorgés, leur volume ne dépasse point celui d'un œuf de poule ; ils sont peu ou point douloureux. L'état général du malade est bon, toutes les

fonctions s'accomplissent bien; il ne paraît pas se douter du danger qu'il court et attend avec confiance le moment où on voudra bien l'opérer.

Voici les renseignements qu'il nous donne sur les débuts etda marche de la maladie. Rien dans sa famille qui puisse faire suppo-ser un accident héréditaire ; pas d'antécédents syphilitiques. Vie toujours sobre et régulière; excès d'aucune sorte. Le prépuce était assez long, recouvrait complètement le gland, dont il se séparait quelquefois avec peine, sans cependant qu'il y eût phimosis. Pas d'irritants particuliers de la verge ou du prépuce, si ce n'est cepen-dant le manque des soins de propreté, qui paraissent assez inconnus au malade, à en juger par les balano-posthites assez fréquentes et les herpès qu'il signale.

Le début de la maladie remonte à trois ans; il fut caractérisé par une petite tumeur indurée siégeant sur la partie supérieure et libre du prépuce, au niveau du gland. Ce petit tubercule, qui n'était pas douloureux, gênait le découvrement du gland et n'incommodait le malade que lors des rapports conjugaux. Celui-ci ne s'en préoccupa pas davantage et, pendant un an, tout resta dans le même état, avec des alternatives d'augmentation et de diminution dues sans doute à l'irritation causée sur les tissus voisins.

Survient cette désastreuse guerre de 1870. M. P..., obligé de supporter l'invasion, voyant son petit avoir endommagé, en conçut un chagrin considérable. Les peines physiques et morales eurent un retentissement sur la tumeur du prépuce, tout autour de laquelle se développa bientôt un engorgement étendu et douloureux. — Sur les parties tuméfiées apparaissent de petites verrues, de petits condy-lomes analogues k ceux que nous observons sur les points non encore détruits. Ces petits tubercules se réunissent pour ne former qu'une seule masse qui augmente rapidement de volume et finit par s'ul-cérer à la partie interne du prépuce, ce que M. P... constata un jour en voyant couler du pus du sillon glando-prépulial. C'était au mois de décembre 1870; en janvier 1871, la face externe s'ulcère à son tour.

A dater de cette époque, l'ulcération, précédée de condylomes tt d'engorgement, marche avec rapidité; la suppuration devient abondante, à odeur très-fétide ; des hémorrhagies assez fréquentes sont dues aux fongosités que le moindre contact fait saigner. L'irri-tation retentit sur l'urèthre, qui s'enflamme au point de nécessiter plusieurs fois le catliétérisme pour vider la vessie ; la douleur pro-

duite par le passage de l'urine, soit sur l'urèthre enflammé, soit sur les parties ulcérées, engage le malade à retarder le plus pos-sible la miction ; de là, dilatation de la vessie et catarrhe de cet organe. Depuis plusieurs mois, le malade n'urine plus qu'avec dif-ficulté et goutte à goutte. Dans les premiers temps, les érections qui se présentaient encore quelquefois, étaient insupportables, elles distendaient les fongosités et les faisaient saigner; aujourd'hui, elles ont complètement cessé.

Depuis 1870, le mal n'a pas eu de temps d'arrêt; sa marche en-vahissante a détruit d'abord le prépuce, puis le gland presque en entier et il est probable que les corps caverneux et l'urèthre sont atteints, à en juger par les symptômes : érections impossibles et dysurie.

Quelle décision prendre? Une opération paraît bien difficile. — M. llicord, consulté, pense qu'il faut attaquer le mal avec des flèches caustiques, mais ne pas essayer de l'enlever, parce que les limites en sont difficiles à préciser et que du reste les ganglions de l'aine sont pris. — Cette solution ne plaît pas du tout au malade, qui annonce qu'il s'opérera lui-même si on ne veut pas le faire. M. De-marquay temporise, donne de l'iodure de potassium et du vin de Cundurango ; enfin, il se décide à opérer le 24 mai.

Des incisions limitent de tous côtés les parties saines ; après ce premier temps de l'opération, les corps caverneux et spongieux sont coupés un peu en avant du bulbe ; les artères sont liées, et elles sont en grand nombre, car outre les quatre principales, il en est encore une infinité d'autres qui ont acquis un volume considé-rable dans ces tissus, irrités depuis longtemps. Toutes les ligatures sont faites à l'aide d'un ténaculum; M. Demarquay enserre clans le nœud une assez grande quantité des parties environnantes. Celte manière de faire nous paraît avoir deux avantages : Io dans ces tissus friables, on s'exposait à placer en vain des fils, si la ligature n'était pas étendue ; 2° cette large ligature enlevait autant de bouches à l'ab-sorption, bouches d'autant plus dangereuses, que dans ces condi-tions, les petits vaisseaux restent toujours béants.

24 mai. — Soir. — Hémorrhagie en nappe, arrêtée par un pan-sement au perchlorure de fer. Peu de fièvre. — État général assez bon. — Dans la nuit du 24 au 25, rétention d'urine, cathétérisme. — Pansement de la plaie avec linge glycérine, charpie et vin aroma-tique.

Cathétérisme le 26 et le 27, pas de frisson, pouls à 100, temp.

à 37°. —Un peu d'appétit. — Le27 au soir, le malade prend froid: pleurésie sèche double qui l'enlève le 29 au matin.

Autopsie. — Plèvres présentant des dépôts fibrineux de deux à trois centimètres d'épaisseur, quelques cuillerées d'épanchement séro-fibrineux. Congestion des poumons, surtout du gauche, quelques tubercules crétacés dans l'intérieur de ces organes. — Rien de par-ticulier dans le coeur, le foie, la rate. — Les reins sont conges-tionnés, mais fermes et sans autre altération. — La vessie est. dis-tendue, la muqueuse est épaissie etrougeâtre. — La prostate paraît saine ainsi que le bulbe. —La muqueuse de Vurèihre est altérée, sanieuse ; les corps caverneux sont altérés aussi. Les ganglions de l'aine sont engorgés, ceux du pelvis ne présentent rien d'anormal.

Voici, du reste, l'analyse microscopique de ces parties, ainsi que de celles enlevées par l'opération que nous devons à l'observation savante et consciencieuse de M. le docteur Nepveu.

Examen microscopique. — Si en raclant avec le scalpel, les plaies ulcé-rées de la tumeur, on extrait un peu de la boue cellulaire, du détritus grisâtre qui s'y trouve, et qu'on le mélange avec de l'eau sucrée, salée, de l'urine ou de l'iod-sérum préférai dément, on aperçoit sous le champ du microscope une foule de cellules bizarrement conformées.

Quelques-unes présentent des appendices énormes en longueur; d'autres sont reliées entre elles par des prolongements fdiformes ; d'autres enfin sont reliées par un style très-grêle à d'autres cellules ou à des corps sphé-riques présentant un noyau en voie de scission

Ces corps sphériques sont très-petits et présentent généralement la moitié du volume des cellules auxquelles ils s'attachent ; ils sont parfois isolés dans le liquide, avec une portion plus ou moins longue de leur style, qui est quelquefois renflé dans son milieu et présente un peu de proto-plasma granuleux.

D'autres fois enfin, une cellule sphérique avec pédicule grêle se continue nettement avec une cellule irrégulière, épithéloïde. Nous désignerons celte variété sous le nom de cellules mucédiformes.

A côté de cette variété, s'en trouvent d'autres remarquables par leurs prolongements multiples et leur aspect irrégulier; elles présentent un noyau très-épais sans nucléole: cellules à prolongements multiples. — D'autres enfin ressemblent à des corps fusiformes dont une des extrémités manque-rait et serait terminée par une partie arrondie : cellules en massue. Ces dernières présentent un beau noyau dans leur intérieur ; leurs prolonge-ments arrêtent les quelques globules blancs qui nagent dans le liquide.

Telles sont les formes spéciales qu'on peut décrire. Il va sans dire que

1 II est impossible de confondre ces cellules avec une mucédinée quelconque dont le sporange, le style et le strorna d'implantation ou mycélium est caracté-ristique.

les cellules épidermiques, grandes et petites variétés de toute espèce, sont les plus nombreuses ; il y en a surtout un grand nombre qui possèdent de grands appendices flottants et qui en se repliant donnent parfois à leur en-semble une figure bizarre. — Si l'on fait des coupes sur les diverses portions qui ont été durcies dans facide chromique, on reconnaît facilement que la couche d'épithélium épidermique augmente de volume petit à petit, en al-lant des portions saines vers les parties malades.

L'épithélium cutané envoie des prolongements plus ou moins étendus dans l'épaisseur du derme, où l'on retrouve de petits amas épithéliaux et des perles d'épithélium. On peut reconnaître sur une partie de ces cellules les irrégularités de contour décrites par Max-Schultze et qui les ont fait désigner sous le nom de stachel-zellen ou cellules à engrenage, cellules épineuses. Les glandes sébacées, les glandes sudoripares, les follicules pi-leux présentent sur le prépuce une altération très-notable de leurs cellules épithéliales. — Dans tous ces organes, les cellules épithéliales ont un vo-lume considérable ; celui des glandes et des conduits a doublé et au delà.

Sur le gland, fépithélium n'est pas rangé sur une surface plane, il revêt une foule de végétations plus ou moins arborescentes, il pénètre dans l'in-térieur du tissu du gland qui était en grande partie détruit. Le tissu con-jonctif du gland, les trabécules du corps spongieux, des corps caverneux étaient remplies de cellules lymphoïdes, dont quelques-unes commençaient à prendre un volume considérable et un aspect épithélioïde. Les espaces caverneux étaient partout, presque effacés, les trabécules très-épaissis, in-filtrés. Ces altérations s'étendaient jusqu'à furèthre dans la portion pénienne-dans sa portion glandaire, furèthre était complètement détruit.

Chacune des saillies observées sur la portion inférieure du prépuce, étai t constituée par une hypertrophie considérable des papilles du derme. Ces papilles étaient infiltrées de jeunes cellules lymphoïdes.

Petit à petit, en- se dirigeant vers les parties centrales, on arrivait vers des points où l'épithélium plus épais commençait à les infiltrer directement, mais ce qu'il y avait de plus remarquable dans ces points, c'était le volume considérable des vaisseaux qui arrivaient près de la surface en droite ligne, tous parallèles les uns aux autres jusque dans les papilles du derme. — On ne voyait pas dans ces gros troncs de globules sanguins, mais des masses irrégulières dont l'aspect physique et la forme rappelait très-bien l'aspect des cellules épithéliales devenues hyalines ; je ne crois pas cependant qu'on eût affaire là à des cellules épithéliales, mais bien plutôt à des masses irré-gulières de globules rouges décolorés et soudés entre eux par petites masses^ sans qu'il ait été possible, il est vrai, de reconnaître s'il existait quelques traces de ces soudures; en tous cas, il fut impossible de découvrir paries réactifs colorants aucun noyau dans ces masses d'aspect épithélial.

Ne serait-il pas possible d'expliquer l'ulcération de la tumeur par ce phé-nomène qui s'était produit d'une façon si remarquable au niveau même de la partie ulcérée et spécialement dans les vaisseaux artériels, dont les parois étaient intactes, mais suivies d'une longue traînée de cellules lymphoïdes?

Un des ganglions inguinaux engorgés n'a pas offert d'autre signe d'alté-

ration qu'une quantité énorme d'éléments lymphoïdes et un volume beau-coup plus considérable que d'habitude. Le stroma ganglionnaire paraissait sain.

En résumé, on se trouve ici en face d'une tumeur qu'on peut dé-signer comme un épithélioma végétant et ulcéré du prépuce et de la verge, ou encore, d'après les idées de Waldeyer, comme un cancer épitbélial des mêmes points. — Il est évident que si l'on donne comme caractéristique du cancer l'alvéole et son fin réticulum, il n'est pas possible d'appliquer ici ce terme, car nulle part il ne s'est trouvé quelque chose de semblable. — On comprend facilement, au contraire, qu'on puisse ici appliquer le terme cancer, si on ac-cepte avec Waldeyer que le cancer est formé par un épithélium aty-pique, d'où sa division du cancer en trois classes : 1° cancer cutané; — 2° cancer des muqueuses ; — 3° cancer viscéral.

Dans toutes ces variétés, l'épithélium serait le point de départ de la tumeur.

LUXATION COXO-FÉMORALE CONGÉNIALE DOUBLE

par cartaz, interne des hopitaux de paris.

Mandon, Céline, âgée de 10 ans, entre, le 23 janvier 1872, à l'hô-pital des Enfants malades (service de M. Giraldès). —L'enfant ra-conte, qu'il y a huit jours, en descendant la dernière marche d'un escalier, elle est tombée sur des dalles, la chute ayant porté presque absolument sur la hanche droite. La contusion aurait été assez violente pour qu'elle ne pût se relever seule; et, depuis ce jour, elle souffre et ne peut marcher facilement.

A un premier examen, on ne constate aucune trace de contusion, pas de douleurs notables dans les mouvements communiqués, mais une déformation des deux hanches, caractéristique d'une luxation double coro-fémorale. La contusion n'est vraisemblablement qu'un prétexte pour faire admettre l'enfant.

Interrogés surles antécédents, les parents nous ont communiqué les renseignements suivants : La mère a eu quatre enfants, dont celle-ci est la dernière. Un an après son dernier accouchement, avor-tement à cinq mois, sans cause bien appréciable. Notre malade est venue à terme, a été sevrée à dix-huit mois. A sa naissance, on avait remarqué qu'elle avait les pieds un peu renversés en dedans, mais

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

Planche XXIV.

DOUBLE LUXATION CONGÉNITALE DE LA HANCHE

on n'y avait attaché aucune importance. A dix-huit mois, brûlure des parois abdominales, dont elle porte des cicatrices bien appa-rentes. A quatre ans et demi, arthrite (hydarthrose?) du genou droit, traitée par des vésicatoires et guérie au bout de quatre à cinq mois. Il y a trois ans, séjour d'un mois et demi dans ce même service pour sa luxation. Aucune tentative de réduction ne fut faite à cette époque.

L'examen permet de noter les particularités suivantes : Le tronc est déjeté en avant, les membres inférieurs étant repoussés en ar-rière. Ensellure des plus marquées. (Voy. Planche XXIV.) Les deux trochanters sont remontés du côté de la fosse iliaque, le gauche plus haut que le droit, sans qu'il y ait de raccourcissement apparent bien sensible. Le pied gauche est dans une rotation légère en de-hors: le pied droit n'a pas de déviation appréciable. Le tronc est lé-gèrement incliné du côté gauche, et la cuisse droite est fléchie sur le bassin dans la station verticale, le membre inférieur gauche étant dans l'extension. Claudication des plus prononcées; démarche par projection latérale, en portant le corps en avant et inclinant le tronc de chaque côté. La marche n'est cependant pas trop pénible, et l'en-fant a fait de longues courses sans en être incommodée.

Voici le résultat de diverses mensurations : 1° Taille de l'enfant, adossée contre un plan vertical et les deux pieds reposant autant que possible sur le même plan, lm,13;

2° De l'épine iliaque antéro-supérieure au condyle externe du fé-mur :

Côté droit......... O1"^?

— gauche........ O^^ô

5° De l'épine iliaque antéro-supérieure à la malléole externe (partie inférieure de la malléole) :

Côté droit......... 0m,58

— gauche........ 0m,57

4° Du grand trochanterau condyle externe du fémur, 0m,32 (éga-lité de mensuration pour les deux côtés); 5° Du grand trochanter à l'épine iliaque antéro-supérieure :

Côté droit......... Om,10

— gauche........ 0m,09

6° Circonférence du corps au-dessus du bassin, par une ligne passant au-dessus des crêtes iliaques par la colonne lombaire : 0m,52;

7° Circonférence du corps par une ligne passant au niveau du trochanter droit, perpendiculaire à l'axe du corps, les deux mem-bres inférieurs étant dans une même position symétrique par rap-port à ce même axe : 0m,61.

En dehors de cette lésion, l'enfant est bien constituée et jouit d'une parfaite santé. Après un court séjour à l'hôpital, elle a été re-tirée par ses parents. On n'a pas cru devoir tenter la réduction.

PATHOLOGIE EXTERNE

DE L'ÉLONGATION HYPERTROPHIQUE DE LA PORTION SOUS-VAGINALE DU COL DE L'UTÉRUS

par l.-e. dupuy, interne des hopitaux de paris — suite —

IV. Des diverses lésions qui compliquent parfois Vélongation.—-Très-souvent l'hypertrophie est simple, c'est-à-dire qu'elle ne s'ac-compagne d'aucune lésion réellement inflammatoire. Dans ce cas, le museau de tanche se présente avec ses caractères et ses éléments normaux. Ailleurs, sa surface est rouge, enflammée et même érodée ou exulcérée. Ces ulcérations peuvent être assez considérables ; ainsi, nous avons signalé, chez la malade de l'observation I, une ulcération, à fond grisâtre, dont l'étendue était à peu près celle d'une pièce d'un franc. Ces dernières lésions s'accompagnent géné-ralement d'une hypersécrétion muqueuse, muco-purulente ou san-guinolente.

Enfin, l'hypertrophie peut se compliquer de diverses lésions ou affections utérines plus sérieuses : tantôt celles-ci viennent aug-menter considérablement les difficultés de l'intervention chirur-gicale, voire même la rendre dangereuse ou impossible; tantôt elles deviennent, au contraire, une indication pressante d'opérer. Leur étude ne manque pas d'intérêt au point de vue de la pratique chirurgicale et nous devons leur consacrer quelcpues instants.

Les folliculites, les kystes folliculaires et divers états inflamma-toires ou néoplasiques peuvent se développer sur le col hypertrophié et ne point s'étendre au delà : alors ces diverses complications sont sans gravité. 11 n'en est plus ainsi lorsque la lésion, au lieu de rester limitée au col, s'étend au corps de l'utérus. Dans l'observation sui-

vante, une tumeur fibreuse développée dans la paroi postérieure de l'utérus donnait à la maladie un caractère beaucoup plus grave que s'il se fût agi d'un simple allongement, et contribua, avec l'état général, à faire rejeter la résection du col. Il importe donc, avant d'entreprendre cette dernière opération, de bien s'assurer si le corps de la matrice est sain et s'il n'existe aucune des complications que nous venons de signaler. L'oubli de cette précaution pourrait amener des résultats déplorables.

Observation III. — Elongation hypertrophique de la portion sous-vaginale du col. — Complication de tumeur fibreuse de la paroi postérieure de Vuté-rus. — Pas de résection du col. — Mort. — (Observation recueillie dans le service de M. Demarquay, par Launay, interne des hôpitaux, in Gazette des hôpitaux, 1861.)

Madame X., âgée de 50 ans, fait remonter à l'époque de son premier ac-couchement ce qu'elle appelle sa descente de matrice. En montant un esca-lier, elle fit un faux pas et éprouva la sensation d'un déplacement ou de la chute d'un corps dans les parties. En arrivant chez elle, elle constata avec le doigt l'existence d'une tumeur faisant fortement saillie dans le va-gin, et qui arrivait presque jusqu'à la vulve. — Une sage-femme lui appliqua, à plusieurs reprises, des pessaires qui ne purent être maintenus en place. Souffrant peu, elle éprouvait une simple gêne, une pesanteur insurmon-table qui augmentait quand elle faisait une marche un peu longue ou qu'elle restait longtemps debout. —Deux mois après l'apparition de cette tumeur, elle devint enceinte pour la deuxième fois; et fit une fausse couche à six semaines. Il lui est resté, depuis cette époque, un mal de reins presque continuel, un poids sur le bassin qui rend la marche difficile. Elle fut obli-gée, dès ce moment, de se servir d'une serviette pour soutenir sa tumeur qui, lorsqu'elle restait debout quelque temps, apparaissait à la vulve. Elle eut, deux et trois ans après, une troisième et une quatrième grossesses qui n'aggravèrent point son état.

Il y a deux ans, sans cause aucune, survinrent des pertes qui prirent bientôt un caractère sérieux. Ce fut d'abord une simple exagération des menstrues, puis l'écoulement sanguin apparut à des époques irrégulières et de plus en plus rapprochées; en même temps les douleurs s'exaspérè-rent dans les lombes et dans les aines, la marche devint de plus en plus difficile. Dans le mois de février dernier, un médecin essaya de faire ren-trer sa prétendue descente à l'aide d'un gros pessaire ovalaire ; il parvint, en refoulant de bas en haut la tumeur, à faire remonter dans le vagin la portion qui proéminait au dehors. A partir de ce jour, les pertes diminuè-rent et bientôt elles s'arrêtèrent tout à fait.

Mais, dès le lendemain de l'application du pessaire qui, déjà dans la pre-mière journée avait beaucoup gêné la malade, apparurent des douleurs vives dans les deux côtés de l'hypogaslre. Ces souffrances devinrent intolé-rables : la malade eut en même temps de la dyspepsie flatulente et sa con-

stitution commença à s'épuiser. — Elle garda le pessaire pendant sept se-maines; et, enfin, voyant que ses douleurs, au lieu de diminuer, allaient en s'aggravant de jour en jour, elle enleva cet instrument, décidée à en-trer à la Maison de santé. Là, on constate l'état suivant : Malade très-affaiblie par les souffrances causées par le pessaire et les métrorrhagies.—Douleurs périodiques; anorexie.— La marche est devenue impossible, à cause de l'exaspération des douleurs et de la gêne causée par la présence de la tu-meur entre les cuisses. — Située dans la cavité vaginale qu'elle remplit, cette tumeur est allongée, de forme conoïde à base supérieure. Si, avec le doigt, on fait le tour de cette base, on sent qu'elle se continue sans lignede démarcation avec les parois vaginales, qui semblent se replier sur elles-mêmes en faisant un cul-de-sac. L'extrémité inférieure ou sommet de ce cône est bifide. Une fente transversale, irrégulière, comme dentelée, la di-vise en deux lèvres : l'une antérieure, plus petite; l'autre, postérieure, plus grosse et descendant plus bas. Ces deux lèvres sont globuleuses, d'un rouge vif, non ulcérées. Quand la malade est dans la position verticale, la tu-meur faithors delà vulve une saillie de 2 centimètres. L'ouverture transver-sale qu'on y remarque n'est autre chose que l'orifice du col. En y introduisant le doigt, on peut, grâce à la facilité avec laquelle ce col se laisse dilater, péné-trer jusqu'à l'orifice cervico-utérin ; là , on sent une tumeur arrondie en avant paraissant du volume d'une petite orange et faisant corps avec la paroi postérieure de l'utérus, Cette tumeur est dure, de consistance fibreuse. Le cathétérisme utérin indique une profondeur de 13 centimètres, à partir de l'orifice inférieur du col. — La portion de cet organe qui fait saillie dans le vagin a 7 centimètres pour la paroi antérieure et 9 centimètres pour la paroi postérieure.

En raison de l'extrême débilité de la malade et de la présence de cette tumeur du corps de l'utérus, M. Demarquay rejette l'idée de la résection du col; et, cédant aux instances de la malade, il se borne à cautériser le col au fer rouge. Cette cautérisation fut faite de manière à produire une eschare d'un centimètre et demi d'étendue dans tous les sens.—Les jours suivants, on applique, chaque jour, dans le cul-du-sac postérieur du vagin, un tam-pon de coton fortement imbibé de laudanum. Cette médication procura à la malade un soulagement notable.

Madame X. mourut assez longtemps après, à la suide d'accidents abdo-minaux.

Outre la complication de tumeur fibreuse, plusieurs faits intéres-sants ressortent de la précédente observation, à savoir : 1° la cause déterminante de l'hypertrophie qui ne peut être attribuée sérieuse-ment qu'à la première grossesse de la malade; 2° la possibilité de concevoir malgré une élongation très-prononcée. Madame X.... con-tracta, en effet, quatre grossesses, dont une seule n'aboutit point; 3° l'emploi de pessaires, par suite d'erreur de diagnostic, ayant entraîné une aggravation fâcheuse; 4° les métrorrhagies répétées,

causées non par l'ôlongation, mais par la tumeur fibreuse qui la compliquait.

Un second groupe de complications est d'un pronostic moins défa-vorable : nous voulons parler des divers déplacements de la matrice : abaissement ou déviations. Très-souvent ils sont une conséquence de l'hypertrophie du col et guérissent rapidement après l'amputa-tion de ce dernier.....sublata causa tollitur effectus.

Pour l'abaissement de la matrice, le fait est incontestable : l'hy-pertrophie du col, qui parfois augmente considérablement de poids, peut être la seule cause de ce déplacement. Quant aux déviations en avant et en arrière, elles ne nous semblent pas très rares ; nous avons pu recueillir plusieurs cas d'élongation du col s'accompagnant soit de rétroversion, soit d'antéversion du corps de l'utérus. Aussi nous sommes-nous demandé s'il n'existait point de rapport de causalité entre ces deux ordres d'affections. L'élongation du col a-t-elle une tendance à produire la rétroversion de la matrice ? La proposition inverse serait-elle vraie ?

Et d'abord établissons a priori la proposition suivante : Étant donnée une élongation hyperlrophique, toute action exercée latéra-lement sur le col aura pour effet de faire basculer le corps de l'utérus en sens inverse, si toutefois les ligaments suspenseurs ont un certain degré de laxité. Pour peu que cette action soit continue ou qu'elle se répète souvent, elle pourra donner lieu à une déviation utérine.

Or, l'acte sexuel n'est pas impossible, même avec une élongation dépassant la vulve'; dans ce cas, le pénis presse sur les côtés du col hvpertrophié et le refoule devant lui. Nous nous trouvons donc exactement dans les conditions que nous venons de supposer. Les renseignements que nous avons recueillis auprès d'une malade, dont on trouvera l'observation ci-dessous, confirment pleinement notre hypothèse.

Observation IV. — Élongation hyperlrophique de la portion sous-vaginale du col de Vutérus. (Observation personnelle.)

Madame X., âgée de 42 ans, est entrée, le 16 mars 1872, à la Maison mu-nicipale de santé. (Service de M. Démarquât.)

Antécédents. —Sa santé est habituellement bonne; madame X. a tou-jours été bien réglée, depuis l'âge de 15 ans jusqu'à l'an passé. — Depuis cette époque, la menstruation est irrégulière. Elle a eu deux enfants qui n'ont point vécu ; d'autre part, elle a en outre fait une fausse couche. Il y a 23 ans que madame X. est mariée, et depuis ce moment elle a constam-

ment souffert de la matrice. Les rapports sexuels, nous dit-elle, ont tou-jours été pour elle excessivement douloureux, et elle ne les tolérait que par devoir.

Madame X. fait remonter à l'époque de sa dernière couche l'origine de ce qu'elle appelle sa descente de matrice. Il est probable que l'élongation primitive, d'abord peu prononcée, est restée longtemps stationnaire. En effet, M. Demarquay, consulté il y a un an environ, nous dit avoir trouvé le col utérin peu allongé. La lèvre antérieure lui sembla surtout hypertro-phiée ; on y sentait en outre de l'induration.

21 mars. — Nous constatons les symptômes suivants : le col utérin sort du vagin d'une longueur de 2 à 5 centimètres ; son diamètre transversal est peu considérable; il se termine sensiblement par une extrémité assez net-tement arrondie, quoique effdée vers le bas. Les deux lèvres du col sont également hypertrophiées; l'orifice externe est légèrement entr'ouvert, sa situation est transversale. Le col est flasque et sans la moindre turgescence ; il est d'aspect pâle et ridé. — Tous ces caractères lui donnent l'apparence d'un véritable pénis. Le doigt introduit dans le vagin pénètre facilement dans le cul-de-sac postérieur ; le vagin est très-large, et l'on sent le col allongé qui s'y maintient comme flottant. — En avant, le col est appliqué plus exactement contre la paroi vaginale antérieure et la symphyse du pubis. Dans l'acte sexuel, le pénis pénètre en arrière du col, et vient buter contre le cul-de-sac vaginal; il occasionne ainsi des tiraillements fort douloureux. — L'utérus est en position parfaitement normale ; non-seulement il n'est point abaissé, mais encore il ne présente aucune déviation latérale. — M. Demarquay constate à l'hystéromètre les résultats fournis par la palpa-tion hypogastrique et le toucher vaginal et rectal.

La longueur mesurée du fond de l'utérus à l'orifice externe du col est de 13 centimètres. En mesurant la longueur du col avec l'hystéromètre appli-qué contre celui-ci et poussé jusqu'au cul-de-sac vaginal postérieur, on trouve 7 centimètres.

Les signes fonctionnels que présente madame X. sont les suivants : Sur-tout après la marche, douleurs très-vives au bas-ventre, peu prononcées au contraire dans les lombes. Pertes blanches peu abondantes par l'orifice utérin. — Aucune douleur dans la miction; les gardes-robes ont une régu-larité parfaite. Nous n'avons pas à revenir ici sur les difficultés et les dou-leurs survenant dans l'acte sexuel.

L'état général est bon ; néanmoins madame X. souffre de palpitations, et nous trouvons les battements du cœur assez énergiques, mais aucune trace de bruits de souffle. — M. Demarquay propose à la malade de lui faire la résection du col : celle-ci avait d'abord consenti à l'opération et la désirait même vivement; mais elle changea d'avis dans la suite, et quitta brusque-ment la Maison de santé.

Bien que chez cette femme le col fût allongé au point de faire à la vulve une saillie de deux à trois centimètres, les rapports sexuels ne sont pas empêchés. Geux-ci néanmoins sont douloureux et suivis

d'une irritation assez forte pour avoir déterminé madame X... à réclamer les bénéfices d'une opération. Les explications qui nous ont été fournies, indiquent avec précision que le pénis, pendant l'acte sexuel, était introduit clans le cul-de-sac postérieur, en arrière du col hypertrophié. Dès lors, le coït a pour effet de pousser en avant le col de la matrice : celle-ci, éprouvant un mouvement de bascule, doit avoir une tendance à la rétroversion.

Cette complication n'est pas constante ; ainsi, elle n'existe pas chez notre malade, et voici pourquoi : ayant eu plusieurs enfants, elle a le vagin très-large et dilatable ; d'autre part, le col est long mais aminci et peu volumineux, de telle sorte que la pression du pénis sur celui-ci doit être insignifiante. Quant à la douleur causée par le coït, nous l'attribuons au tiraillement du cul-de-sac utéro-vaginal et de la paroi vaginale postérieure. (A suivre.)

REVUE ANALYTIQUE

'MALADIES DES FEMMES

I. Du Vaginisme, par M. Visca1. —C'est une intéressante question que celle du vaginisme et bien digne de fixer l'attention du médecin. M. Visca en a fait l'objet de sa thèse inaugurale : il a réuni trente-deux observations, dont quelques-unes entièrement inédites, de celte singulière affection que Marion Sims définit ainsi : hyperesthésie de l'hymen avec contraction spasmodique du sphincter du vagin. C'est en s'appuyant sur ces faits relativement nombreux que M. Visca a exposé l'histoire du vaginisme. Après plusieurs chapitres consacrés à l'historique, la division, les formes, les variétés de la maladie, chapitres dans lesquels nous accuserons l'auteur de traîner en lon-gueur, d'insister sur des faits accessoires, on arrive à la question pathogénique, qui se trouve exposée d'après les idées émises par M. Mauriac dans ses annotations des Leçons de West sur les maladies des femmes. « En résumé, dit M. Visca, toute condition capable d'augmenter l'afflux sanguin vers une partie sera une cause suffi-sante pour élever sa température, pour la rendre plus sensible, plus excitable et partant plus apte à produire un spasme musculaire par

1 In-8°. Paris, Ad. Delahaye.

action réflexe. La contracture vaginale ainsi comprise, on ne pourra plus conclure àl'existence d'un vaginisme essentiel par ce seul fait de l'absence d'une lésion bien déterminée. Douleur et spasme réflexe, voilà donc les deux termes essentiels de tout vaginisme au début, vaginisme passager ; altération consécutive de la fibre musculaire, voilà le vaginisme permanent. » M. Yisca examine ensuite les symptômes du vaginisme qui, outre la douleur, détermine encore chez la femme le découragement et la mélancolie, peut troubler un jeune ménage et détruire des illusions de bonheur et de riant avenir. Heureusement un traitement sagement ordonné peut intervenir avec efficacité. Il peut être chirurgical ou médical : le premier préconisé par Marion Sims qui dit avoir obtenu trente-neuf succès complets chez trente-neuf femmes, consisteà retrancher l'hymen, àinciser l'orifice vaginal et. à dilater cet orifice. Avant d'en venir et même sans en venir à une opération sanglante, plusieurs auteurs, Debout, Gallard, Gué-neau de Mussy, Mauriac, etc., pensent qu'il faut traiter la contrac-ture spasmodique du vagin par la dilatation brusque et violente ou lente et progressive : cette dernière suffit dans la majorité des cas. Sans bannir ce traitement chirurgical, M. Visca est d'avis d'attaquer d'abord le spasme vaginal par les moyens médicaux et de ne se dé-cider à une opération qu'à la dernière extrémité.

Nous n'insisterons pas davantage sur la thèse de M. Visca : si, à part quelques observations inédites et intéressantes, ce travail ne renferme aucune particularité nouvelle relative au vaginisme, il a du moins le mérite de présenter l'histoire complète d'une affection dont plusieurs livres classiques ne parlent même pas ou résument d'une façon trop concise.

II. Traitement de l'hyperesthésie vulvaire et du vaginisme. — M. Guéneau de Mussy a combattu le vaginisme avec avantage au moyen de suppositoires vaginaux ainsi composés :

Beurre de cacao.... Bromure de potassium . Extrait de belladone . .

2 grammes. 30 centigrammes. 10 centigrammes.

pour un suppositoire que l'on introduira le soir dans le vagin. Ce traitement doit être continué pendant deux ou trois semaines. — M. Guéneau conseille encore dans le même cas les injections sous-cutanées de quelques gouttes de la solution suivante :

Eau distillée......

Chlorhydrate de morphine Sulfate d'atropine. . . .

10 grammes.

50 centigrammes.

1 gramme.

Lorsque le vaginisme s'accompagne d'un prurit plus ou moins violent, en môme temps que les suppositoires, on peut administrer avec avantage une solution d'arséniate de soude à la dose d'une cuillerée à soupe par jour. (Gaz. des hôpitaux, 1871.)

III. Le permanganate de potasse dans quelques maladies des femmes. —Le Dr Williams, de Sprinborg, a retiré de grands avantages du per-manganate de potasse contre les lochies purulentes et de longue du-rée. 11 a constaté que non-seulement cet agent enlève la fétidité etmo-difie la qualité de la sécrétion, mais encore en diminue la quantité. Ce médecin pense qu'on pourrait l'employer aussi avec utilité contre les ulcérations de l'utérus. (Journal de médecine de Bruxelles, 1871.)

Ces propriétés du permanganate de potasse employé comme dé-sinfectant et modificateur des sécrétions ne sont pas nouvelles. De-puis longtemps on sait que ce sel agit par son excès d'oxygène pour détruire, en les brûlant, les matières organiques avec lesquelles il se trouve en contact. Comme le permanganate de potasse, à l'état so-lide ou en solution concentrée, est en même temps caustique, on s'explique son action efficace contre les ulcérations du col utérin.

IV. Anatomie pathologique du phlegmon péri-utérin. — Parmi les questions qui se rattachent aux maladiesdes femmes, sans contredit une des plus débattues depuis un certain nombre d'années est celle relative à l'existence du phlegmon péri-utérin. Admise successive-ment par Bennet, Valleix, Huguier, Gosselin, Gallard, l'inflammation du tissu cellulaire péri-utérin a été ensuite niée par Bernutz et Goupil, qui n'ont voulu voir dans les symptômes attribués au phleg-mon péri-utérin que le résultat d'une péritonite circonscrite à l'ex-cavation pelvienne. Cette dernière opinion est trop absolue, ainsi que le démontre une pièce mise récemment sous les yeux de l'Aca-démie de médecine par M. Gallard et dans laquelle l'inflammation et la suppuration du tissu cellulaire rétro-utérin se trouvent péremp-toirement démontrées.

Il s'agit dans ce fait d'une fille publique âgée de 52 ans, ayant eu déjà à plusieurs reprises des accidents inflammatoires, du côté des organes génitaux internes. Le 7 novembre 1871, elle entra à la Pitié: elle avait alors de la fièvre, de l'inappétence, sans nausées, ni vo-missements ; le ventre était tendu et un peu douloureux à la pres-sion. Par le toucher vaginal, on constatait que le col de l'utérus était légèrement dévié à gauche et en avant, repoussé qu'il était par une tumeur qui occupait le cul-de-sac latéral droit et se prolongeait en arrière du col. Elle était chaude, très-douloureuse à la pression,

résistante sous le doigt et présentant des battements artériels, in-dices de sa nature phlegmasique. •

A l'autopsie, on constata l'existence de l'inflammation de tous les organes péri-utérins, y compris le péritoine : il restait à rechercher dans quelle mesure le tissu cellulaire péri-utérin participait à cette inflammation si généralisée. Par une dissection attentive le rectum fut séparé du vagin : on arriva alors dans un foyer purulèm, dans lequel on pénétrait sans avoir sectionné le péritoine et qui était bien celui qui avait été formé par la suppuration du phlegmon constaté chez la ma-lade. Cette poche purulente se trouvait manifestement en dehors du péritoine. Il résulte de la description de cette pièce intéressante dont nous ne pouvons que donner le résumé, qu'il y avait au-dessous du péritoine, entre le vagin et le rectum, un véritable abcès phleg-moneux affectant le tissu cellulaire de la région et que l'existence du phlegmon péri-utérin ne saurait être mise en doute. (Académie de médecine, février 1872).

V. Ablation du col utérin avec ablation partielle du corps de l'utérus.—Pour favoriser l'ablation de tumeurs du col de l'utérus, M. Demarquay a utilisé le procédé imaginé par Jobert pour rendre plus complet l'avivement et la suture des fistules vésico-vaginales, placées près du col utérin ; c'est-à-dire qu'il a eu l'idée dans ces cas de décoller la vessie dans une certaine étendue de la face antérieure de la matrice. Ce pro cédé,qui a l'avantage de pouvoir éviter d'at-teindre la vessie, d'où pourrait résulter une fistule vésicale consi-dérable et une infirmité dégoûtante, a été employé avec avantage par M. Demarquay dans plusieurs circonstances et notamment chez une jeune femme, où il fut aussi possible d'enlever par ce moyen toute la lèvre antérieure du col et une portion de la partie antérieure du corps de la matrice atteints d'épithélioma. (Bull, génér. de thérap.,février 1872.) F. Villard.

BIBLIOGRAPHIE

De la dénudation des artères, par le docteur Albert Délbarre, ancien interne des hôpitaux de Paris, membre de la Société anatomique, lauréat des hôpitaux. Paris, Ad. Delahaye, éditeur.

M. Delbarre insiste tout d'abord sur la signification du mot dénudation, dont il ne trouve la définition que dans le Dictionnaire de

Nysten. 11 cite aussi un passage du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, dans lequel M. Nélaton (t.. III, p. 184) parle des inconvénients de la dénudation dans la ligature des artères. Son travail est divisé en plusieurs chapitres. Il étudie successiveineut la dénudation des artères dans les opérations, dans les cas de sup-puration abondante, de mortification de tissus et dans les liga-tures.

Dans les opérations telles que l'ablation de tumeurs du cou, de l'aine, de l'aisselle, etc., etc., les artères se trouvent souvent mises à nu ; on les voit très-bien battre au fond de la plaie. Si les vais-seaux sont pourvus de leur gaine celluleuse, ils sont bien vite recou-verts par les bourgeons charnus. C'est encore ce que l'on observe lorsqu'on a ouvert la gaine celluleuse en respectant les tuniques. Enfin, si dans une partie de l'épaisseur de l'artère, les tuniques moyenne et externe ont été enlevées avec une tumeur, le vaisseau résiste dans la grande majorité des cas ; il ne se produit ni hémor-rhagie, ni anévrysme, ni altération des parois, la cicatrisation suit sa marche habituelle. Telles sont les conclusions de la première par-tie du mémoire de M. Delbarre.

Il n'en est pas moins prudent, à la suite de l'extirpation d'une tu-meur au voisinage d'une artère, de se tenir en garde contre la pos-sibilité d'une lésion de ses tuniques, ainsi que le prouvent deux ob-servations de M. Verneuil citées par l'auteur.

M. Delbarre passe ensuite en revue la dénudation produite par les autres solutions de continuité. Les plaies par arrachement dans les cas rares où la rupture du vaisseau en laisse une partie saillante dans la plaie, et les projectiles tels que les balles ont donné lieu à quelques rares observations de dénudation artérielle, de même que les eschares produites par une pression continue dont M. "Verneuil a publié un exemple dans la Gazette hebdomadaire de 1869. Les eschares produites par les caustiques ont plus d'importance et chaque praticien devra avoir bien présente a l'esprit l'épaisseur à laquelle pénètre chaque caustique lorsqu'il s'agira de l'appliquer au voisinage d'une artère. Un des caustiques qui agit le plus pro-fondément et qui peut produire des hémorrhagies foudroyantes est le chlorure de zinc. La cautérisation en flèche ne doit donc pas être employée partout indistinctement.

A ce propos, M. Delbarre fait remarquer que le plus souvent ces hémorrhagies sont précédées de petits écoulements sanguins pré-monitoires qui devront donner l'éveil au chirurgien.

Les phlegmons diffus, la pourriture d'hôpital, le cancer, les ca-vernes tuberculeuses sont une cause de dènudalion des artères, mais ces affections produisent rarement la perforation des vais-seaux.

L'auteur cite cependant entre autres exemples une observation de M. Dolbeau1 qui constata une perforation de l'artère linguale à la suite d'un abcès sous-maxillaire. Les bulletins delà Société anato-mique, dit M. Delbarre, contiennent des faits de Leudet, Giraldès, Dionis, relatifs à des ulcérations de l'artère poplitée plongeant dans de vastes abcès du creux poplité.

Le chapitre le plus important du travail de M. Delbarre concerne la dénudation dans les ligatures d'artères. — Là, il ne s'agissait le plus souvent que d'une dénudation partielle; ici, il est question d'une dénudation occupant toute la circonférence du vaisseau. La plupart des auteurs ne se sont occupés que des vaso-vasorum ; M. Richet fait jouer un rôle important aux nerfs vaso-moteurs. Mais celte théorie du savant chirurgien n'est pas suffisamment dé-montrée. M. Delbarre s'efforce, dans son travail, de montrer les conséquences de la dénudation sur la ligature des artères. Il cite des passages d'un mémoire de M. Notta, dont voici les conclusions : (* En résumé, lorqu'une ligature simple est appliquée sur le trajet d'une artère, plus cette artère aura été dénudée, plus ses deux ex-trémités se rétracteront lors de la section par le fil. » — Pour éviter Fécartement des extrémités artérielles, il faudra donc dénuder les vaisseaux le moins possible. Aussi M. Delbarre peut-il conclure en disant : « Que tous les procédés anciens de ligature (ligatures mé-diates, d'attente, par écrasement, etc.), forçant à dénuder l'artère dans une étendue plus considérable que dans la ligature avec le fil simple, sont inférieurs à cette dernière méthode. »

Dr G. bouteillier.

i Bulletin de la Société de chirurgie, 1804.

Le Gérant : a. de montmé/a.

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE MÉDICALE

DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE

Leçon faite à la Salpètrière, en juin 1872, par M. CHAR GO T, recueillie par

Bourneville.

Messieurs,

Dans la courte description clinique que je vous ai donnée à pro-pos de chacune des malades qui ont passé sous vos yeux, lors de notre dernière réunion1, j'ai eu soin de mettre en relief les princi-paux caractères que présentent les attaques convulsives dont elles sont atteintes.

Vous avez pu reconnaître aisément qu'il ne s'agissait pas chez elles d'attaques vulgaires, rentrant du premier coup, sans discus-sion, dans le type classique. Ce n'est pas, d'ailleurs, seulement par l'intensité que ces accidents convulsifs se distinguent, c'est encore par la forme qu'ils revêtent, et, ce qui frappe le plus l'observa-teur, témoin de ces attaques, c'est de retrouver parmi les convul-sions cloniques de l'hystérie certains traits plus ou moins pro-noncés qui rappellent ïépilepsie.

De fait, la forme convulsivc, qui s'observe chez toutes ces femmes, est celle qu'on a désignée dans ces derniers temps sous le nom dliystéro-épilepsie, et, remarquez-le bien, c'est la seule forme qu'on rencontre chez elles. Toutes ces femmes ne seraient donc pas sim-plement des hystériques, ce seraient des hystéroépileptiques. En quoi diffèrent-elles des hystériques ordinaires? C'est là un point sur lequel il importe d'être fixé, et, pour atteindre ce but, je vous demande la permission d'entrer dans quelques développements.

• Voy. la leçon sur l'Hyper est hésie ovarienne in Mouvement médical, nos 3, i et 5.

4e année. 9

I. A s'en tenir aux termes mêmes de la dénomination mise en usage — hystéro-épilepsie — il paraît ne pouvoir exister aucune équivoque. Cela veut dire que chez les malades auxquelles ce nom est affecté, l'hystérie se montre combinée avec l'épilepsie, de ma-nière à constituer une forme mixte, une sorte d'hybride composé mi-partie d'hystérie et d'épilepsie. Mais cette appellation répond-elle à la réalité des choses ? A ne les regarder qu'à la surface, il semble en être ainsi, puisque nous avons reconnu dans les attaques quelques-uns des traits de l'épilepsie. C'est de celte façon, du reste, que paraissent l'entendre la plupart des auteurs modernes. L'hys-tôro-épilepsie serait pour eux un mélange, une combinaison, à doses variables selon les cas, des deux névroses ; ce n'est pas seu-lement l'épilepsie, ce n'est pas seulement l'hystérie ; c'est à la fois l'une et l'autre.

Telle est, je le répète, la doctrine la plus répandue. Toutefois, elle n'est pas, tant s'en faut, universellement acceptée, et le camp des opposants est nombreux encore. Là, on se refuse à admettre la légitimité de cet hybride, moitié épilepsie, moitié hystérie.

A la vérité, on ne nie pas que l'épilepsie et l'hystérie puissent se rencontrer chez un même individu. L'observation la plus super-ficielle protesterait contre une semblable assertion. Rien n'autorise non plus à croire qu'il y ait antagonisme des deux névroses, et il serait possible même, bien que cela ne soit pas démontré, que les sujets qui sont sous le coup de l'une d'elles soient par là même prédisposés à contracter la seconde. Mais, en pareil cas, ajoute-t-on, les accidents convulsifs restent distincts, séparés, sans s'influencer réciproquement d'une façon notable et surtout sans se confondre au point de justifier la création d'une espèce mixte, intermédiaire, en un mot, d'un hybride.

Quelle est donc, dans cette opinion, la signification de ces at* taques dont l'existence est si nettement établie par les cas mêmes qui servent de fondement à notre étude, et où l'épilepsie semble s'entremêler avec les symptômes ordinaires de l'hystérie convul-sive ?

L'épilepsie ne serait là que dans la forme extérieure; elle ne se-rait pas dans le fond des choses. En d'autres termes, dans ces cas, il s'agirait uniquement et toujours de l'hystérie revêtant l'appa-rence de l'épilepsie. Le nom d'hystérie épileptiforme, employé, si je ne me trompe, par Louyer-Villermay, l'un des premiers, convien-drait à désigner ces attaques mixtes. La convulsion à forme épilep-

tique y apparaîtrait comme elle apparaît dans tant d'autres affec-tions du système nerveux, à titre d'élément accessoire, sans rien changer à la nature de la maladie primitive.

II. Voilà, messieurs, la thèse à laquelle je me rattache pleine-ment. Elle a été soutenue déjà par quelques auteurs très-compé-tents. Parmi eux, je puis citer Tissot, Dubois (d'Amiens), Sandras, M. Briquet, qui se montrent sous ce rapport très-explicites. Les accès d'hystérie, dit Tissot, ressemblent quelquefois beaucoup à l'épilepsie. Aussi, en a-t-on fait une forme particulière de l'hystérie, sous le nom d'hystérie épileptiforme. Mais ces accès n'ont pas néan-moins le vrai caractère de l'épilepsie l.

M. Dubois (d'Amiens) considère l'hystérie épileptiforme comme de l'hystérie ayant un degré de plus dans l'intensité des symptômes2. Sandras exprime la même opinion \

M. Briquet, qui a écrit sur ce sujet un article marqué au coin de la plus saine observation, dit que cette espèce d'hystérie ci attaques mixtes n'est qu'une forme particulière de l'hystérie; ce n'est que de l'hystérie très-grave ; le pronostic ne s'en trouve pas essentiel-lement modifié ; le genre de la cause qui a occasionné l'hystérie, les conditions spéciales à l'individu affecté, sont la source de ces modifications dans la forme des attaques. La nature même de l'hys-térie n'en est pas foncièrement changée.

Veuillez remarquer, messieurs, qu'il n'y a pas là seulement une question de mots, il y a aussi une question de nosographie, et par conséquent une question de diagnostic et de pronostic. Ces circon-stances suffiront, je l'espère, pour justifier à vos yeux les détails dans lesquels je suis obligé d'entrer afin de faire pénétrer dans vos esprits la conviction qui m'anime à cet égard.

III. Recherchons donc sur quels fondements s'appuie la doctrine régnante. L'hystérie et l'épilepsie, dit-on, peuvent se combiner de diverses manières chez un même sujet. Sur 276 malades, M. Reau, qui a étudié dans cet hospice, aurait relevé cette combinaison chez 52 d'entre elles. Elle se fait d'après des modes variés et il y a lieu d'admettre les catégories suivantes.

A. Dans un premier groupe, les attaques hystériques et les accès

1 Maladies des nerfs, t. V, p. 75;

- Voy. Dunant, de l'Bystéro-épilépsie, p. 11.

3 Sandras, Maladies nerveuses, 1.1, p. 205i

d'épilepsie restent distincts : c'est ce que M. Landouzy a proposé d'appeler hystéro-épilepsie à crises distinctes. Eh bien, messieurs, ce serait là le cas le plus fréquent, car on en compte 20 exemples sur les 32 cas de M. Beau. Il convient d'ailleurs d'établir dans l'es-pèce deux subdivisions.

Io L'épilepsie est la maladie primitive ; sur elle, l'hystérie vient ensuite se greffer, à son heure, c'est-à-dire, et le plus souvent, à l'époque de la puberté sous l'action de certaines causes et, en par-ticulier, des émotions morales.

Un cas de Landouzy, cité par M. Briquet, mérite d'être résumé devant vous. Une jeune femme, épileptique depuis l'enfance, se ma-rie à l'âge de 18 ans. Bientôt sa maladie, qu'elle avait dissimulée, se révèle. De là des contrariétés vives qui engendrent l'hystérie. Les attaques étaient disjointes et conservaient, sans s'influencer, leurs caractères spécifiques. Un rapprochement, entre elle et son mari, motivé par une grossesse, en ramenant le calme dans le mé-nage, fait cesser l'hystérie, mais l'épilepsie persiste.

2° D'autres fois l'épilepsie succède à l'hystérie. Cette condition paraît être beaucoup plus rare que la précédente. M. Briquet, ce-pendant, en rapporte un exemple qui lui est personnel et dans lequel les accès étaient nettement séparés. Chez les malades de cette catégorie l'intelligence s'obnubile à la longue incontestablement par le fait de l'épilepsie.

3° On a encore mentionné d'aulres combinaisons d'ordre secon-daire. Ainsi, a) l'hystérie convulsive coexiste avec le pelil mal (Beau, Dunant) ; b) l'épilepsie convulsive est surajoutée à quelques-uns des accidents de l'hystérie non convulsive (contracture, anes-tbésie, etc.). Nous possédons, par devers nous, un cas de ce genre.

Mais ces diverses associations ne changent rien au fond de» cho-ses. Le plus souvent, les deux affections, dans l'bystéro-épilepsic, existent simultanément et marchent sans agir l'une sur l'autre d'une manière sérieuse, chacune d'elles conservant ses allures et le rro-nostic qui lui est propre. A l'égard de cette première forme de l'hystéro-épilepsie, tout le monde est d'accord. Le débat ne porte que sur la seconde.

B. Dans celle-ci, l'hystérie et l'épilepsie sont coévales ; elles se sont développées en même temps. Les crises, ici, ne demeurent pas distinctes ; elles ne l'ont jamais été. Dès l'origine, le mélange s'est effectué et, dans les attaques ultérieures, les deux formes convul-sives se montreront toujours combinées, bien qu'à des degrés di-

vers, sans être jamais à aucun moment complètement disjointes.

On a encore donné à cet état le nom (Yhystéro-épilepsie à crises combinées. Dans le jargon depuis longtemps usité, dans le service spécial de la Salpêtrière, les crises sont en pareil cas désignées sous le nom d'attaques-accès.

IV. Y a-t-il véritablement de Tépilepsie dans les crises mixtes ? Telle est la question que nous devons maintenant discuter. A cet effet, il convient de prendre la description de l'hystéro-épilepsie à crises mixtes consentie par les auteurs et de l'examiner sous tous ses aspects. J'emprunte à M. Briquet surtout cette description de l'attaque-accès. Elle me paraît concorder de tous points avec les ré-sultats de mon observation personnelle.

a) Dès l'origine, l'attaque mixte revêt son caractère propre; dès cet instant, c'est de l'hystérie épileptiforme. Je rappellerai à votre souvenir la malade Etchevery qui, dans son premier accès, est tombée dans le feu et s'est abîmé la figure1.

b) Il y a toujours des prodromes constitués par l'aura hystérique telle que nous l'avons décrite. Cette aura, en général de longue du-rée, occupe l'abdomen, l'épigastre et n'affecte pas, en tout cas, la face seule et d'emblée, ou l'une des extrémités, ainsi que cela a lieu dans Yépilepsie avec aura; aussi est-il parfaitement exact de dire que les hystérc-épileptiques à crises mixtes sont à peu près toujours averties assez à temps pour qu'elles puissent, lors du développement d'un accès, se garantir, trouver un abri.

c) Dans l'attaque convulsive, la phase dite épileptique ouvre en général la scène. Tout à coup, cri, pâleur extrême, perte de con-naissance, chute, distorsion des traits delà physionomie; puis une rigidité tonique s'empare de tous les membres. Cette rigidité est, remarquez le bien, rarement suivie de secousses cloniques, brèves, à courtes oscillations, et prédominant dans un côté du corps, comme dans Tépilepsie vraie. Cependant, la face peut être à un haut degré tuméfiée, violette ; il s'écoule de la bouche une écume quel-quefois sanguinolente, occasionnée par la morsure de la langue ou des lèvres. Enfin, il peut y avoir un relâchement général des mus-cles, du coma ou une respiration stertoreuse plus ou moins pro-longée.

d) A cette première phase sur laquelle, je le répète, porte prin-

1 II s'agit là de la malade qui a fait l'objet de la leçon sur VIschurie hysté-rique. (Voy. Revue phot. des hôpitaux, numéro de juin.)

cipalement la discussion, succède la phase clonique. Alors, tout est hystérie : on voit survenir les grands mouvements à caractère in-tentionnel qui expriment parfois les passions les plus variées, l'ef-froi, la haine, etc.; en même temps éclate le délire de l'accès.

é) La fin de l'attaque est marquée par des sanglots, des pleurs, des rires, etc.

Ces diverses phases ne se suivent pas toujours d'une façon aussi régulière ; elles s'enchevêtrent et, tantôt l'une, tantôt l'autre, pré-domine. Chez la nommée Cotte, entre autres, la phase tonique l'em-porte à un haut degré sur les autres et quelquefois se montre pres-que exclusive.

V. Nousjoici parvenus, messieurs, au point délicat. En quoi cette hystérie à crises complexes se sépare-t-elle de l'hystérie ordinaire, si elle s'en sépare réellement? en quoi se rapproche-t-elle de l'épi-lepsie vraie, s'il y a lieu d'élablir un tel rapprochement.

L'apparition de convulsions du type clonique est-elle donc un fait nouveau, insolite, dans la description classique de l'attaque hystérique vulgaire ? Certainement non. Il n'est pas vraiment exceptionnel de voir dans l'attaque d'hystérie commune, — alors que personne ne songe à faire intervenir l'élément épilepsie — de voir, dis-je, s'ébaucher des convulsions toniques à caractère épileptiforme, particulièrement au début de l'attaque; tous les au-teurs sont d'accord sur ce point. Ces convulsions sont parfois même tellement accentuées, que M. Briquet a été, par là, conduit à éta-blir à côté de l'attaque d'hystérie clonique, ou classique, une sorte d'attaque dans laquelle prédomine une roideur semi-tétanique, du tronc et des membres. Ne paraît-il pas d'après cela très-vraisem-blable déjà, que la forme dite épileptique, n'est à proprement par-ler, que l'exagération, le plus haut degré de développement de cette variété de l'hystérie ordinaire.

VI. Si d'un autre côté nous tournons nos yeux vers l'épilepsie vraie, nous rencontrons un certain nombre de traits distinctifs qu'il nous sera facile de mettre à profit.

Nous ferons remarquer, en premier lieu, que d'après la descrip-tion que nous avons donnée, le type épilepsie n'est jamais repré-senté, dans les attaques-accès, que d'une manière incomplète, et pour ainsi dire à l'état d'ébauche; mais, à la vérité, ce ne serait pas là encore un argument péremptoire. Voici un caractère plus significatif.

Jamais vous ne voyez apparaître soit le petit mal, soit le vertige épileptique dans les descriptions de l'hystéro-épilepsie à attaques mixtes. Nous pourrions ajouter encore, car il y a là matière à une ¦importante distinction, que dans cette forme de l'hystéro-épilepsie, l'attaque épileptiforme, même la plus intense, est d'après nos ob-servations, modifiée, parfois même arrêtée dans son développement par la compression de l'ovaire1.

Dans les attaques mixtes, alors même que leur retour est très-fréquent, jamais — c'est là encore un fait reconnu par les auteurs — jamais, dis-je, l'obnubilation de l'intelligence et la démence ne sont l'aboutissant des attaques, contrairement à ce qui aurait lieu, d'une manière presque fatale, s'il s'agissait réellement de l'épilepsie. Je ne crois pouvoir mieux faire que de vous rappeler à ce propos le cas de la malade Leroux, qui, depuis près de 40 ans, est sujette à l'hystérie épileptiforme la plus violente. Cette femme est, sans doute, bizarre, singulière dans ses allures, mais son intel-ligence est demeurée ce qu'elle était à l'origine. Les renseigne-ments que nous avons pris ne peuvent laisser subsister aucun doute à cet égard. En somme, dans les cas de ce genre, et telle est aussi l'opinion de M. Briquet, le pronostic n'est pas autre que celui de l'hystérie intense. De cette considération découle une consé-quence d'ordre pratique qui est bien de nature à fixer votre atten-tion.

11 est enfin un dernier caractère sur lequel je vous demande la permission d'insister, parce qu'il n'a pas, à ma connaissance, été relevé jusqu'ici et que, selon moi, il est décisif. Il s'agit d'un caractère fourni par l'exploration thermométrique : je saisis, non sans empressement, l'occasion qui se présente de vous montrer, par un exemple, le parti qu'on peut tirer de ce mode d'exploration dans la clinique des maladies du système nerveux.

Ce n'est pas, messieurs, que, sous le rapport des modifications imprimées à la température centrale, les convulsions toniques, épileptiformes, des hystériques, diffèrent en quoi que ce soit des convulsions de l'attaque épileptique. L'attaque hystérique tonique, pour peu qu'elle ait quelque intensité, élève la température d'un degré, voire même d'un degré et quelques dixièmes (38° — 38°,5), tout comme le fait l'attaque d'épilepsie vraie. C'est là un résultat

1 Yoy. dans le Mouvement médical (nouvelle série, n°3 3, 4 et 5) la leçon sur VHyperesthéste ovarienne.

dont nous avons eu maintes fois, dans ce service, l'occasion de contrôler l'exactitude1.

Mais si, en ce qui concerne le caractère thermique, l'accès d'hys-térie épileptiforme et l'accès d'épilepsie vraie se confondent, il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'accès qui s'agrègent et s'enche-vêtrent de manière à constituer ce que, pour l'épilepsie, on appelle les séries ou l'état de mal.

11 y a d'ailleurs, dans cet état de mal des épileptiques, à distinguer ce qu'on nomme les petites séries, composées de 2 à 6 accès, et les grandes séries, où l'on compte jusqu'à 15, 20 accès ou même plus dans les vingt-quaire heures. C'est à ces dernières que je m'adresserai exclusivement parce que le phénomène sur lequel je veux insister se montre alors, dans son type de complet développement. En pareil cas, messieurs, c'est-à-dire lorsque les accès de l'épilepsie vraie scrépètent en grand nombre, dans un court espace de temps, la température centrale s'élève d'une manière très-remarquable2; et très-certainement cette élévation thermique ne peut pas être ratta-chée à la répétition non plus qu'à l'intensité des contractions mus-culaires toniques, car les convulsions peuvent cesser complètement pendant plusieurs jours et la température néanmoins se mainlenir, pendant ce temps-là, à un tauxtrès-élevé. Nous pouvons reconnaître et suivre toutes ces particularités sur le tableau que je mets sous vos yeux et qui nous montre lesmodifications qu'a présentées la tem-pérature centrale chez la nommée Chevalier, pendant le cours de l'état de mal épileptique qu'elle vient de subir tout récem-ment (Fig. 10).

Il ne faut pas ignorer que cette élévation de la température est, dans la grande majorité des cas, même après toute cessation des convulsions, un indice du plus fâcheux augure ; elle s'accompagne d'ailleurs le plus souvent d'un état général qui, par lui-même déjà, donne beaucoup à penser; ainsi, tantôt il existe un délire plus ou moins accusé, — que M. Delasiauve rapporte à la congestion ménin-gitique, — tantôt au contraire un coma plus ou moins profond, — congestion apoplectiforme des auteurs ; — dans les deux cas il y a prostration des forces, sécheresse de la langue, tendance à la for-mation rapide d'eschares au sacrum; quelquefois enfin, production

1 Dans l'attaque hystérique vulgaire clonique, il n'y a pas, quelle que soit l'in-tensité des convulsions d'élévation notable de la température centrale.

* Voy. l'observation deFadayat, qui a succombé à un état de mal et le tracé qui l'accompagne dans la Revue photogr. des hôpitaux, 1869.

d'une hémiplégie transitoire, dont la raison n'a pas encore été ré-vélée par l'autopsie. Cependant, et c'est là une donnée fort impor-tante à consigner, cette élévation de la température, alors même qu'elle dépasse 41°, et qu'elle s'accompagne des symptômes graves qui viennent d'être énumérés, n'est pas un signe annonçant néces-sairement une terminaison fatale. Vous voyez par l'observation

Fie. 10. — Température prise un peu après le 12* accès. Du 1" jour (soir) au 2° jour (matin), 51 accès. —Température après une rémission de 4 heures. A partir de là, les accès s'éloignent et cessent le 3" jour. La ligne ponctuée répond au pouls.

même de Chevalier qu'on peut guérir, encore, au milieu de toutes ces fâcheuses circonstances. L'élévation de la température au-des-sus de 41° n'est donc pas nécessairement terminale, en pareil cas; et il y a par conséquent quelque chose à rabattre des assertions émises à cet égard par M. Wunderlich d'abord, et après lui par M. Erb.

Je vous rappellerai, en passant, que cette élévation rapide de la température n'appartient pas en propre, tant s'en faut, à l'état de mal

épileptique ; on l'observe encore, par exemple, dans les attaques dites congestives, apoplectiformes, ou épileptiformes de la paralysie générale progressive, ainsi que l'a, le premier, montré M. West-phall, qui, d'ailleurs, a donné du fait une interprétation vicieuse1. On l'observe aussi dans les attaques fort analogues aux précédentes qui peuvent survenir dans le cours de la sclérose en plaques2, et, enfin, dans les attaques, avec ou sans convulsions, qui s'observent dans les cas de foyer cérébral ancien (hémorrbagie ou ramollisse-ment) ou de tumeur cérébrale, quelle qu'en soit la nature. Cette élévation thermique contraste, d'une façon remarquable, avec l'abaissement initial qui existe à peu près toujours, au moment de la formation du foyer bémorrhagique cérébral, et c'est là, ainsi que je l'ai démontré, un caractère qui peut être utilisé pour le diagnostic.

Mais il est temps d'en revenir à l'hystérie épileptiforme dont cette digression nous a quelque peu éloignés. Tout comme dans l'épilep-sie vraie, les accès composés s'observent dans l'hystéro-épilepsie. Landouzy parle d'une hystérique qui avait eu jusqu'à 100 accès par jour. L'état de mal hystéro épileptique peut d'ailleurs se prolonger pendant un laps de temps considérable. Georget cite l'observation d'une femme chez laquelle les accès se sont montrés à peu près continus pendant une durée de quarante-cinq jours.

Chez notre malade Cotte, dont les crises ont un cachet épiiepti-forme si prédominant et si fortement accentué, l'état de mal a per-sisté pendant plus de deux mois et, par moments, les accidents ont été portés au plus haut degré d'intensité. Ainsi, le 22 janvier entre autres, les convulsions épileptiformes se sont succédé sans inter-ruption depuis neuf heures du matin jusqu'à huit heures du soir : de huit à neuf heures, il y a eu un temps de repos, puis les attaques ont repris comme de plus belle, sans le moindre retour à la luci-dité, et ont persisté à peu près pendant le même espace de temps. On peut, d'une manière approximative, — évaluer sans exagération le chiffre des attaques épileptiformes qu'elle a éprouvées à cette époque, dans l'espace d'un jour, à 150 ou 200 environ.

La persistance d'un tel état, sans que la mort s'en soit suivie, ne montre-t-elle pas déjà qu'un abîme sépare l'épilepsie vraie de l'hystéro-épilepsie ? — « Si ce n'était pas là de l'hystérie, » disaient en parlant de Cotte les personnes du service témoins de ses accès

1 Voy.àcesujet le travail lu à la Société de biologie, par M. Hanot, un interne de cet hospice.

1 Voy. Leçons sur ce sujet dans le Monv. méd., 1771, p. 124.

habitués à ce genre de malades, « si c'était de l'épiiepsie véri-table, il y a longtemps que cette femme aurait succombé. » Cette remarque, est parfaitement judicieuse, parfaitement fondée.

Eh bien, messieurs, — et voici le point sur lequel je veux surtout insister, —jamais pendant cette longue période convulsive la tempé-rature rectale ne s'est sensiblement modifiée; elle a été en moyenne de 57°,8; elle ne s'est élevée jusqu'à 38°,5 que d'une façon tout à fait exceptionnelle et transitoire (Fig. 11). — Je dois ajouter que ja-mais pendant ce temps l'état général ne nous a inspiré la moindre in-

FlG. 11.

quiétude, malgré l'alimentation insuffisante et l'énorme dépense de force musculaire qui a dû se faire. La situation mentale, d'un autre côté, n'était pas, tant s'en faut, aussi profondément modifiée que cela eût eu lieu, nécessairement, s'il se fût agi delà vraie épilepsie; à au-cune époque, il n'y a eu d'évacuations involontaires d'urines ou de matières fécales ; dans les courts répits que lui laissaient ses atta-ques, la malade se levait pour ses besoins. Dans ces intervalles aussi, d'ailleurs très-courts, la nature hystérique du mal, surtout dans les premières semaines, reparaissait dans tout son jour. Une fleur dans les cbeveux, des frisures bizarres, un vieux morceau de miroir, placé sur la planchette du lit, témoignaient suffisamment des occu-pations favorites de celte femme dans les temps de répit.

Mais je veux surtout signaler à votre attention le caractère ther-mique que l'observation nous a fait reconnaître, Il résulterait en somme de tout ce qui précède, que, si dans l'état de mal épileptique, à grandes séries, la température s'élève 1res-rapidement à un haut degré, en même temps que la situation devient des plus graves, au contraire, dans l'état de mal hystéro-épileptique à longue série, la

température ne dépasse guère le chiffre normal, et d'ailleurs l'état général concomitant n'est pas de nature à inspirer de l'inquiétude. Il n'est pas nécessaire d'insister longuement, je pense, pour mettre en relief un contraste aussi frappant.

Je ne voudrais pas, toutefois, messieurs, que vous prissiez absolu-ment au pied de la lettre le dernier terme de la proposition que je viens d'émettre ; sans doute il répond à la réalité, pour la très-grande majorité des cas, mais il y a le chapitre des exceptions. Il n'est pas, en effet, sans exemple que l'hystérie se soit, pendant la phase convulsivo, terminée par la mort. A la vérité, ce sont presque tou-jours des attaques d'un genre particulier, des attaques dyspnéiques, qui amènent ce triste résultat1; mais, je le répète, les attaques con-vulsives elles-mêmes peuvent y conduire. Je puis, à titre d'exem-ple, vous rappeler un fait de ce genre publié par M. Wunderlich. Il s'agit d'un cas d'hystéro-épilepsie comparable à beaucoup d'égards à celui dont je viens de vous entretenir. Pendant plus de huit semai-nes, la malade en question éprouva des attaques épileptiformes, en nombre d'ailleurs assez restreint, et qui ne s'accompagnaient pas d'augmentation notable de la température; sans cause connue, sans l'intervention d'accidents nouveaux, deux jours avant la mort, la scène changea tout à coup : la malade tomba dans le collapsus, et dans un court espace de temps la température s'éleva jusqu'à 45o2.

Cet exemple suffira, messieurs, pour vous montrer qu'en présence d'un cas d'état de mal hystéro-épileptique, de quelque intensité, malgré toutes les chances d'une issue favorable, il ne serait pas prudent de s'abandonner à une sécurité complète, absolue.

Voici la traduction, par notre ami E. Teinturier, de l'observation de Wunderlich à laquelle M. Charcot a fait allusion.

Observation. —Huit semaines de convulsions hystériformes à marche apy-rêtique et sans danger apparent. — Revirement fâcheux et subit, sans aug-mentation d'intensité des convulsions. — Mort au bout de quelques heures avec une température de 43° C. — Autopsie. — Anna Vogel, 19 ans, servante, menstruée deux fois dans les derniers 14 jours avant de tomber malade, d'ailleurs bien portante, fut prise, pour la première fois, le 15 août 1855,

1 Briquet, toc. cit. p. 385 et 538.

2 Wunderlich, Archiv der Heilkunde, t. V, p. 210.

soi-disant après une vive réprimande, de convulsions qui se répétèrent le 17 au soir et le 18 au matin et remplirent presque sans interruption la nuit du 18 au 19. Entrée le 19 à midi, elle présenta à minuit, dans le bras gauche, où l'on avait constaté de la paralysie, mais pas d'insensibilité, des soubresauts modérés ; puis elle éprouva un sentiment d'angoisse, poussa un léger cri, et éprouva des convulsions d'abord dans la moitié gauche de la face, puis dans la droite aussi ; la bouche était ouverte, les paupières alternativement ouvertes et fermées, le globe de l'œil fortement tourné en haut. Puis survinrent dans les extrémités inférieures et le bassin de vio-lentes et rapides convulsions cloniques projetant ces parties en avant, en arrière et de côté. La face devint cyanosée et l'écume sortit de la bouche. Au bout d'une minute, respiration profonde et supérieure et relâchement des membres et de la face. Ensuite sommeil paisible en apparence; enfin bâillement, ouverture dès yeux et retour de la conscience après 6 minutes.

La malade est en bon état, sa langue un peu chargée, la température à 58°, 12, le pouls à 140 (après l'accès), rien d'anormal. Elle dit seulement ne pouvoir remuer le bras gauche, et demande qu'on ne le touche pas, parce que, autrement, elle aurait des convulsions. Cependant elle serre fortement de la main gauche.

Dans la nuit du 19 au 20,6'accès et dans la journée du 20, 7. Pas d'albu-mine dans l'urine; fort sédiment urique. Langue chargée. Température matin et soir 38°, 12; pouls 152, R. 24-52. Dans la nuit du 20 au 21, 7 accès, 13 jusqu'au matin du 22. Température 57°, 75; selles normales; léger trouble albumineux de l'urine.

Les jours suivants de 8 à 16 accès par jour. Etat supportable d'ailleurs, pas d'élévation notable de la température (le plus souvent normale, jamais au-dessus de 58°, 12 sauf un soir à 58°75) pouls ordinairement au-dessus de 112, langue chargée; le 26, éruption miliaire, confluente en vésicules au bout des doigts. Urine chargée de phosphates, sans albumine. Dans les accès, tanlôt elle perd connaissance; tantôt ne la perd pas; crie quelque-fois beaucoup. La sensibilité persiste dans le bras et la jambe gauches.

7 septembre. — Les accès deviennent plus fréquents, durent plusieurs jours sans interruption; pendant les accès, elle parle souvent ou crie. Éva-cuations fréquentes d'urine et de matières dans le lit. Amélioration, puis état stalionnaire jusqu'au 2 octobre au soir, où la malade offre un aspect de col-lapsus marqué. Dans la nuit du 5, pas d'accès particuliers. Au matin, agitation des bras, strabisme divergent. La tête penche en avant et à gauche, connais-sance conservée, légère cyanose. A partir de 10 heures impossibilité d'avaler ; à 12 heures trismus ; à 1 heure 3/4 fortes convulsions respectant la tête ; pouls extrêmement fréquent, température 41°, 87, forte cyanose, écume à la bouche, râle trachéal. Mort à 2 heures 1/4; température 45°. Un quart d'heure après température 42°,75.

Autopsie. — Corps en bon état ; larges taches cadavériques aux endroits déclives ; pas de rigidité musculaire. Le crâne et ses viscères gorgés de sang ; circonvolutions postérieures un peu aplaties ; substance cérébrale un peu dure. Léger épaississement trouble de la pie-mère de la base. Cavités céré-

braies de capacité à peu près normale, à parois de consislance ordinaire. Pont et moelle injectés de sang rouge grisâtre sale. — Poumons injectés et œdématiés. — Cœur normal; foie graisseux çà et là, exsangue; bile claire et brun foncé. — Rate petite, molle, brun pâle, exsangue. —Esto-mac dilaté, d'ailleurs normal, comme les intestins. — Reins fortement gorgés de sang ; concrétion du volume de la moitié d'un pois dans un ca-lice du rein gauche. — Utérus normal. — Kystes nombreux de la grosseur d'un pois dans les ovaires (Archiv cler Heilkuncle, 1864, t, V, p. 210).

ÉLECTROTHÉRAPIE

DE L'ACTION THÉRAPEUTIQUE DES COURANTS CONTINUS

Leçon faite le 13 juillet à la Salpètrière par m. onimus.

Messieurs,

Dans cette leçon, nous chercherons surtout à vous indiquer les faits pratiques, les moyens et les procédés d'application des cou-rants électriques et principalement des courants continus. Exami-nons d'abord quels sont les appareils qu'il faut employer.

Comme je vous l'ai dit, il faut choisir une pile dont l'action chi-mique ne soit pas trop forte et qui ait une certaine tension inté-rieure, en même temps qu'une grande constance. Sous ce rapport, une des meilleures piles est la pile Daniell ou ses modifications. La pile Remak, et celle que nous employons depuis quelque temps, la pile Callaud et Trouvé, ne sont que de légères modifications de la pile Daniell. Les autres piles que l'on peut également employer avec avantage, sont la pile au protosulfate de mercure et surtout la pile Leclanché. Mais pour toutes ces piles, il ne faut guère songer à rendre les appareils portatifs; la pile au chlorure d'argent de Gaiffe est seule réellement portative, mais elle a d'autres inconvénients que n'ont pas les autres appareils.

En général, pour les hôpitaux, comme pour le cabinet du nlê-decrn* ou même pour les malades chez lesquels le traitement doit être long, il faut surtout employer les appareils non portatifs. Ii est également avantageux d'avoir des appareils simples, faciles à examiner et à réparer, où l'on puisse aisément s'assurer du fonc-tionnement dé chaque élément. Il faut préférer la solidité et la simplicité à l'élégance, et comme tous les métaux qui entrent dans

la construction de ces appareils s'oxydent et s'altèrent facilement, il faut que les fds conducteurs soient gros, recouverts de gutta-percha et que les contacts aient lieu sur une étendue assez large.

Pour les rhéophores, il faut surtout choisir des tampons assez grands, et dont la poignée soit longue ; ils doivent bien tenir en main. Les meilleurs sont ceux qui sont faits avec du coke pulvérisé et pilé, car ils ont J'avantage de ne pas s'oxyder; on les recouvre de toile ou d'un morceau de peau. Les rhéophores les plus mauvais qu'on puisse employer sont ceux qui sont, pour ainsi dire, de-venus classiques, car on les rencontre dans tous les appareils. Ils consistent en un tube en cuivre, dans lequel on introduit une éponge mouillée. Avec ces rhéophores, pour peu qu'on exerce de pression on met les bords du tube en cuivre en contact avec la peau, ce qui est toujours douloureux; et, de plus, l'eau qui se trouve dans les éponges inonde le malade.

L'appareil étant choisi, comment faut-il procéder pour électriser le malade? On humecte d'abord la toile ou le morceau de peau qui recouvre les tampons et on s'assure que le courant passe. Pour cela, le galvanomètre est un instrument presque indispensable pour tout appareil électrique à courants continus. Il est utile non-seulement au commencement de la séance, mais pendant tout le temps qu'on éleclrise, car la déviation de l'aiguille indique à chaque moment que le courant traverse le corps. Comme dans beaucoup de cas, la sensation que donne le passage du courant est presque impercep-tible ; on a besoin d'un moyen certain qui indique que le courant passe. D'ailleurs il ne faut jamais se fier aux sensations que certains malades disent éprouver, il ne faut tenir compte quedes indications que donne le galvanomètre, c'est le meilleur guide, et, pendant chaque séance, il faut le consulter plusieurs fois.

Les modes d'application, la durée, la force du courant, etc., dé-pendent évidemment de chaque cas, et il est impossible de donner des lois générales s'appliquant à tous les cas indistinctement.

Cependant, et c'est un point sur lequel nous avons toujouïs insisté, et qui nous a donné d'excellents résultats, il est toujours utile d'agir avec les courants continus sur les centres nerveux, même dans les lésions périphériques. C'est là le moyen le plus sûr d'avoir une action prompte et énergique. Dans nos recherches physiologiques, nous avons toujours observé que les effets étaient bien plus mani-festes lorsqu'on appliquait les courants sur les centres que lors-qu'on les applique directement sur les organes périphériques. C'esj;

ainsi que les mouvements des intestins sont influencés bien plus énergiquement par l'électrisation des centres nerveux que par l'élec-trisation locale. 11 en est de même pour la contractilité artérielle, pour les spasmes et pour les phénomènes d'irritation locale.

Nous avons déjà publié, dans notre Traité d'électricité, un certain nombre d'observations concluantes à ce point de vue ; nous pouvons y ajouter des faits que nous avons observés tout récemment à l'hô-pital de la Charité dans le service de M. Sée, de M. Blachez et de M. Bail. Chez six malades atteints de paralysie des extenseurs des doigts, par intoxication saturnine, paralysie remontant à une époque plus ou moins éloignée, nous avons employé les courants continus de la façon suivante : Nous mettions le pôle positif sur les vertèbres cervicales, et le pôle négatif sous l'aisselle ou sur le cou au-dessus de la clavicule. Nous n'électrisions jamais l'avant-bras, et cependant la lésion locale s'est, dans la plupart des cas, améliorée avec une grande rapidité et certainement plu s rapidement que si nous n'avions agi que localement.

Cela veut-il dire que dans ces cas il était inutile ou mauvais d'agir sur les muscles affectés ? Non, mais nous vous indiquons ces faits, comme un exemple frappant de l'influence de l'électrisation des centres sur les affections périphériques.

Ces paralysies saturnines me servent encore admirablement d'exemple pour vous montrer combien il faut plus ou moins varier les moindres opérations selon les complications de chaque cas. Nous avons en effet trois classes de paralysie saturnine et nous avons eu l'occasion de les constater d'une manière bien nette dans les cas que nous avons observés récemment. Dans une première classe, les muscles paralysés se contractent encore un peu par les courants induits, mais plus difficilement et plus faiblement que les muscles sains. Les courants continus déterminent des contractions, mais avec un courant assez énergique, et ces contractions sont plus faibles que pour des muscles homologues sains.

Dans la deuxième classe, les muscles paralysés ne se contractent pas par les courants induits, il se contractent par les courants con-tinus, mais il faut encore un courant plus énergique que pour les muscles sains.

Enfin, dans la troisième classe, les muscles paralysés ne se con-tractent pas par les courants induits, mais ils se contractent sous l'influence de courants continus, et, fait bien curieux, avec un

courant moins fort que celui qu'il est nécessaire d'employer pour faire contracter des muscles sains.

Dans la première classe, il est inutile d'agir localement et c'est surtout l'électrisation générale du plexus et même de l'organisme qu'il est nécessaire d'employer. Les muscles, en effet, ne sont pas encore altérés dans leur nutrition ; le système nerveux seul com-mence à être lésé. Permettez-moi de vous faire remarquer à ce sujet que la paralysie des extenseurs n'indique nullement une af-fection locale et purement périphérique. Ce n'est là qu'un des pre-miers symptômes de l'intoxication, car je crois que l'on peut faire de la proposition suivante une loi générale : chaque fois qu'une af-fection générale, une intoxication, une inflammation généralisée des centres nerveux, ou une cachexie déterminent des paralysies ou des atrophies musculaires, ce sont toujours les muscles extenseurs des membres supérieurs ou des membres inférieurs qui sont atteints en premier lieu et dont la lésion est la plus grave. Ce sont également ces mêmes muscles qui s'améliorent en dernier lieu, lorsque la gué-rison arrive.

Dans l'intoxication saturnine, les muscles extenseurs sont donc atteints avant les autres muscles, mais dans les cas anciens, on trouve également d'autres muscles, qui sont paralysés, et souvent sur le même membre on peut trouver les trois classes que nous avons établies et qui correspondent à une altération plus ou moins profonde.

Dans la deuxième et dans la troisième classe, il est également né-cessaire d'agir sur les centres nerveux, mais en même temps, il faut électriser directement les muscles paralysés, car dans ce cas, ceux-ci sont affectés et ont besoin d'une stimulation directe. Pour cela, on place le pôle positif sur les vertèbres cervicales et le pôle négatif sur l'avant-bras. On peut promener par instants le pôle négatif sur les divers muscles paralysés et faire de légères inter-ruptions.

Cette différence de contractilité des muscles dans certains états pathologiques est certainement un des faits les plus inattendus et les plus curieux, mais sans entrer dans toutes les considérations qui en ressortent et que nous avons étudiées ailleurs, nous dirons seu-lement que, lorsque les muscles ne se contractent plus par les cou-rants induits, le pronostic est meilleur, lorsque ces mômes muscles se contractent difficilement par les courants continus, que lorsqu'ils se contractent très-facilement. Ce fait paraît étrange au premier

abord, et je me hâte d'ajouter qu'il ne se rapporte qu'au cas où le muscle n'a pas subi d'atrophie bien considérable. On ne peut guère comprendre que, plus la contractilité est augmentée, plus la gué-rison sera lente, et d'un autre côté, qu'à mesure que l'amélioration aura lieu, cette contractilité ira en s'affaiblissant. Eh bien, cela est vrai pour les courants continus, mais dans les limites suivantes : il faut que le nerf moteur ait été affecté primitivement, que la fibre musculaire n'ait subi qu'une altération passive, que l'excitation des filets nerveux ne donne aucun résultat et enfin, que, par aug-mentation de la contractilité, on ne considère ni l'énergie, ni la forme normale de la contraction, mais bien le simple raccourcis-sement musculaire ayant lieu sous un courant plus ou moins faible.

M. Charcot nous a rapporté, il y a quelque temps, l'observation d'une femme qui avait succombé dans son service, et qui présentait des altérations très-curieuses du système nerveux central. On trou-vait disséminées à la base du cerveau des plaques spéciales et dont la cause était syphilitique. L'une de ces plaques se trouvait à l'ori-gine du nerf facial droit, et avait amené une paralysie des muscles de la face. A mesure que l'état de cette malade s'aggravait, la con-tractilité par les courants induits, ou farado-musculaire, s'affaiblis-sait et disparaissait, tandis que la contractilité par les courants con-tinus, ou galvano-musculaire, augmentait. Ce fait à lui seul indiquait que la maladie faisait des progrès ; si au contraire l'affection avait rétrogradé, la contractilité galvano-musculaire aurait diminué, et la contractilité farado-musculaire aurait reparu.

Je n'insisterai pas sur l'importance de ces différences d'action des courants électriques dans les paralysies faciales, dans les paralysies infantiles, dans certains cas hybrides d'atrophie musculaire pro-gressive, et à une certaine période de cette affection, dans les para-lysies traumatiques; nous n'avons pas le temps de faire aujourd'hui une étude approfondie de tous ces symptômes. Mais pour indiquer toute l'utilité qu'on peut tirer de ces recherches, surtout dans le diagnostic de certaines paralysies, je ne vous citerai que le fait sui-vant, que nous avons eu l'occasion d'observer tout récemment.

Un ouvrier de la maison Charrière, forgeron, au moment de son travail, et en frappant un fer chaud, éprouva tout à coup dans la face du côté gauche une sensation de crampe qui disparut aussitôt, mais les muscles de la face de ce côté restèrent paralysés. Il n'avait eu ni étourdissement, ni vertige, ni perte de connaissance. Nous le vîmes deux jours après, et, à l'exception de la paralysie des muscles

de la face, le malade n'accusait aucun malaise, ni aucun phéno-mène particulier. Nous crûmes, et vous auriez certes, pour la plu-part, porté le même diagnostic, à une paralysie périphérique du nerf facial due à l'influence d'un changement de température.

L'examen de la contractilitô électrique ne nous indiquait aucun changement entre les deux côtés de la face, et cela ne nous étonna pas, car nous n'étions qu'au deuxième jour de l'affection. Vous savez que, dans les paralysies faciales périphériques, la contractilité par les courants induits s'éteint complètement, tandis qu'elle augmente pour les courants continus.

Le surlendemain, la contractilité était encore la même, c'est-à-dire que, du côté paralysé comme du côté sain, les courants induits déterminaient de fortes contractions, et qu'avec les courants conti-nus, il fallait pour les deux côtés la même intensité de courant. Nous commençâmes à douter de notre diagnostic, d'autant plus qu'il nous semblait qu'il y avait un léger trouble fonctionnel dans les mouvements oculaires. Mais le malade nous affirma si énergi-quement qu'il ne constatait aucun changement dans sa vue, que nous ne nous arrêtâmes'pas plus longtemps sur ces phénomènes, d'autant plus que l'amélioration était déjà très-notable, et que nous croyions nous trouver devant un cas de paralysie périphérique très-légère et dont la guérison rapide ne permettait pas aux muscles ni aux nerfs d'éprouver de changement appréciable.

Une dizaine de jours après, nous revîmes ce malade, et quelques muscles, surtout les muscles de la partie supérieure de la face, étaient toujours paralysés, mais sans offrir aucune modification sous le rapport de la contractilité galvano-musculaire et farado-muscu-laire.

Ce seul fait nous porta à rejeter notre premier diagnostic, et nous fûmes forcé d'admettre une lésion centrale. Notre malade, sur de nouvelles instances, accusa alors un trouble léger de la vision. M. le docteur Georges Camuset, qui l'examina à ma prière, reconnut les symptômes d'une parésie siégeant dans plusieurs muscles de l'œil : à gauche, il y avait une insuffisance de l'accommodation, qui se manifestait par l'impossibilité de lire de près à la distance où l'œil droit lisait encore; ce symptôme a disparu depuis lors. A droite, un phénomène, beaucoup plus marqué, consistait en une diplopic s'ac-cenluant lorsque l'objet regardé s'éloignait vers le côté droit du malade. En plaçant un verre rouge sur l'œil droit et en promenant une bougie allumée à trois mètres en avant du malade, on lui faisait

percevoir deux images dès que la bougie dépassait le plan médian du corps pour passer au côté droit; l'image rouge était à droite, l'image blanche à gauche, à 30 centimètres environ de la première dans son plus grand écartement. Cette diplopie homonyme, croissant vers la droite, est symptomatique d'une paralysie plus ou moins complète delà sixième paire, moteur oculaire externe. Cette parésie était difficile à juger à première vue, car les yeux avaient conservé une mobilité apparente presque complètement symétrique dans tous les sens.

Cette complication du côté des yeux est une preuve évidente d'une affection centrale, et nous nous trouvons justement devant un de ces cas dont la dernière leçon de M. Charcot1 peut nous aider à déterminer facilement la localisation. La lésion très-limitée doit, en effet, se trouver dans cette portion supérieure du bulbe où sont si-tuées, tout près les unes des autres, les origines du nerf facial et du nerf moteur oculaire externe.

Nous avons également pu observer le fait que nous avait enseigné M. Charcot, à savoir qu'il y avait deux noyaux d'origine du nerf facial, l'un supérieur, et l'autre inférieur, plus petit, qui fournit surtout les nerfs du muscle orbiculaire des lèvres. Dans ce cas, en effet, l'action de siffler ou de souffler, qui reparaît si lentement dans les cas de paralysie faciale ordinaire, a été possible dès les pre-miers jours ; de plus, ce sont les muscles des paupières et du front qui ont été paralysés le plus longtemps, ce qui est également le con-traire de ce qu'on observe dans les autres paralysies faciales. C'est donc bien le noyau supérieur du facial, voisin du noyau d'origine du nerf moteur oculaire externe, qui a été affecté et môme unique-ment affecté.

Ce malade est guéri aujourd'hui, mais si l'examen de la contrae-tilité électrique ne nous avait pas fourni une indication certaine, nous aurions, sans grande difficulté peut-être, enregistré ce cas parmi ceux de paralysie périphérique conservant sa contractililô farado-musculaire et guérissant très-rapidement. De plus, nous avons également modifié notre premier pronostic, car il est bien différent et plus grave dans un cas de ce genre, même complète-ment guéri, que dans un cas de paralysie périphérique qui eût guéri plus lentement et moins incomplètement. (A suivre.)

1 Leçon sur les Affections du bulbe, 1872.

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ADÉNOME EPITHELIAL DE LA PAROTIDE

avant l'opération (profil)

CLINIQUE CHIRURGICALE

ÉPITHÉLIOME TUBULÉ VOLUMINEUX DE LA PAROTIDE (ADÉNOME ÉPITHÉLIAL)

OPÉRATION PAR LE GALVANO-CAUSTIQUE ET l'ÉCRASEUR LINÉAIRE

LIGATURE DE L'ARTÈRE TEMPORALE SUPERFICIELLE - ABSENCE d'ACCIDENTS

CONSÉCUTIFS - GCÉRISON

PAR M. CAUCHOIS, INTERNE des HOPITAUX DE PARIS.

Etienne P..., 48 ans, d'une taille au-dessus de la moyenne, d'une constitution robuste, n'ayant jamais eu de maladie antérieure, entrele 8 février 1872 à l'hôpital Lariboisière, dans le service de M. le professeur Verneuil, pour une tumeur volumineuse de la région parotidienne gauche, tumeur dont le début remonterait à une di-zaine d'années. Elle a d'abord attiré l'attention du malade, lorsque, mobile encore sous la peau, elle avait le volume d'une petite noix. — L'accroissement, continu, successif, n'a été, à aucun moment, accompagné de douleurs ou d'hémorrhagies, ni de retentissement sur les ganglions lymphatiques voisins, ni d'altération de la santé générale. — Actuellement, la tumeur se présente sous l'aspect d'une masse végétante qui occupe la région de la glande parotide gauche. Elle refoule en haut le pavillon de l'oreille et déborde l'ar-cade zygomatique. En arrière, elle dépasse le bord postérieur du muscle sterno-cléido-masloïdien; en avant, elle a pour limite une ligne verticale qui couperait le masséter par la moitié de sa largeur; enfin, elle descend jusqu'à trois travers de doigt au-dessous de l'angle de la mâchoire. La circonférence de sa base mesure 42 cen timètres et les contours en sont assez nettement délimités, sauf en avant, où un prolongement sous-cutané s'étend suivant le trajet du canal de Sténon.

En saisissant la tumeur à pleine main, on peut lui communiquer des mouvements de totalité, limités sans doute, dans tous les sens, principalement de haut en bas, sur les parties profondes.

La consistance est rénitente, quoique un peu molle au centre, plus ferme en approchant delà base; une sorte de lobule postérieur offre une fluctuation manifeste, indice de la présence d'un kyste.

Du reste, ni battements, ni souffle vasculaire.

La tumeur est ulcérée depuis quatre à cinq mois et l'ulcération

s'est établie à la suite de l'ouverture de deux petites collections purulentes développées à la partie la plus saillante de la masse. Les bords on sont actuellement constitués par une peau amincie, dessi-nant, comme le montre la Planche xxv, un contour très-irrêgu-lier, duquel partent des bandes de peau, larges de quatre à cinq millimètres, en partie adhérentes, en partie libres, décollées et jetées comme des ponts d'un point à l'autre de la surface ulcérée. Cette dernière, d'un rouge vif, mamelonnée, offre quelques dépressions anfractueuses.

Aucune odeur ne s'exhale de cette masse. La sensibilité cutanée est abolie en certains points sur les bandes de peau décrites plus haut. A la circonférence ou plutôt à la base, la peau est saine et mobile. — Rien à noter du côté des muqueuses buccale et pharyn-gienne, aucune gêne de la déglutition. —Rien non plus du côté des vaisseaux carotidiens.

Le refoulement du pavillon de l'oreille a, de ce côté, déterminé un peu de dureté de l'ouïe. Mais on constate les signes manifestes d'une paralysie du nerf facial gauche, savoir : effacement des rides de la moitié correspondante du front (voir la Planche xxvi), écarte-ment des paupières qui ne peuvent être qu'imparfaitement mises au contact, déviation de le commissure labiale droite, propulsion de la commissure gauche et de la joue indépendamment de l'effet dû au voisinage de la tumeur. — Il n'y a pas d'épiphora. La vision est restée bonne à gauche.

Les caractères cliniques de cette tumeur indiquent l'opération, et celle-ci est pratiquée par la méthode suivante :

Afin d'éviter autant que possible les hémorrhagies que font re-douter et l'apparence vasculaire de la tumeur qui saigne au moindre attouchement, et son siège, on rejette l'emploi du bistouri pour le galvano-cautère ou couteau galvanique. A l'aide de ce dernier ins-trument, M. Yerneuil circonscrit la tumeur à sa base par un sillon qui intéresse la peau et les parties molles jusqu'à une profondeur de deux centimètres et demi environ. Chemin faisant, on pratique deux ligatures artérielles, et, sur plusieurs points, on arrête parle fer rouge l'hémorrhagie, plutôt veineuse qu'artérielle, dont la source est surtout dans la tumeur elle-même. Ce premier temps de l'opé-ration terminé,. la masse tient encore aux parties profondes par une base large de dix centimètres, environ; l'opérateur glisse alors sous cette base une pince à pansements, chargée d'une chaîne d'écraseur linéaire, laquelle doit étreindre ainsi une moitié de la

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Planche 321.

ADÉNOME ÉPiTHÉLIAL DE LA PAROTIDE

avant l'opération ( f a g e )

tumeur; une seconde chaîne passée de la même manière embrasse l'autre moitié ; les deux instruments fonctionnent en même temps pour achever l'extirpation. À partir de ce moment, il n'a plus coulé, pour ainsi dire, une goutte de sang. La masse en tombant laisse à découvert une vaste plaie circulaire dont la surface présente les parties suivantes :

1° En avant, quelques fibres restantes du masséter; le bord pos-térieur de la branche montante du maxillaire inférieur dénudé de son périoste, par l'action de l'écraseur, sur une étendue de plus d'un centimètre ; le bord inférieur de la mâchoire et l'aponévrose cervicale.

2° En arrière,\e muscle sterno-cléido-mastoïdien, dont quelques faisceaux ont été détruits par le galvano-cautère ;

5° Entre ces deux régions, la gaîne des vaisseaux carotidiens en bas, et plus haut, la bifurcation de l'artère carotide externe en maxil-laire interne et temporale superficielle. Cette dernière était mise à nu sur une longueur d'environ cinq à six millimètres ; aussi crut-on prudent d'y appliquer deux ligatures préventives. L'une au-dessus, l'autre au-dessous de la partie dénudée du vaisseau.

Il ne reste dans la plaie aucune trace apparente, soit de la tumeur, soit de la glande parotide ; l'écraseur, passant au-devant des vais-seaux du cou, a véritablement énucléé toute la masse morbide.

Voici le résultat à"\m examen microscopique pratiqué avec le plus grand soin par le docteur A. Muron, mon collègue à l'hôpital, sur la pièce fraîche, et sur la pièce après macération dans le liquide de Mûller.

« La tumeur offre à la surface de sa coupe des zones de divers aspects. Le tissu fondamental est transparent, d'apparence fibreuse, et, au milieu, se trouvent agglomérées des masses blanchâtres ou jaunâtres, de volume variable, depuis celui d'un noyau de cerise jusqu'à celui d'une petite noix. On y voit, enoulre, plusieurs cavités ou lacunes à parois lisses, que soulèvent par places des végétations intralacunaires du tissu fondamental. Ailleurs,les lacunes sont par-courues par des brides; elles renferment un liquide rougeâtre ou rosé, filant et visqueux.

« Ce liquide, placé sous le champ du microscope, renferme des globules rouges du sang avec quantité de corps granuleux, au milieu d'une substance muqueuse légèrement striée. Le raclage de la surface des parois qui constituaient les cavités susdites ne parvient à enlever aucun revêtement épithélial, et ainsi se trouve éloignée

l'hypothèse de cavités par distension de conduits glandulaires pré-existants. Ajoutez que la présence des brides ou tractus intralacu-naires est plutôt en faveur de l'hypothèse de foyers de ramollisse-ment.

« Le tissu fondamental, dans les points où il est transparent, se montre constitué par une trame fibreuse, au milieu de laquelle ram-pent des conduits ou lobules terminés en cul-de-sac, anastomosés entre eux et remplis de tissu épithélial.

« Dans les masses jaunâtres, à aspect grenu, l'on trouve presque exclusivement les mêmes conduits remplis aussi de cellules épithé-liales ; çà et là, quelques-uns de ces conduits ont subi la dégénéres-cence graisseuse. Les cellules constituantes mesurent environ neuf à douze millimètres de diamètre et renferment un noyau ovoïde muni d'un nucléole.

« En résumé, cette tumeur se range dans la classe des épithé-liomes tubulés (adénome épithélial de quelques auteurs). »

Le pansement de la plaie a été de la plus grande simplicité ; re-nouvelé trois fois en 24 heures pendant les six premiers jours, il a consisté en pulvérisations d'eau phéniquée et application de char-pie imbibée de la même solution. — Le thermomètre n'a pas monté d'un demi-degré à la suite de l'opération, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de fièvre traumatique. La plaie s'est mise rapidement à bourgeon-ner, et dans le courant de mars le malade quittait nos salles pour achever chez lui sa guérison.

P... est revenu nous voir le 29 juin dernier; la cicatrisation était complète et la Planche xxvn montre les suites de l'opérai ion. 11 est resté naturellement une paralysie du côté gauche de la face, mais avec cette particularité tout à fait, digne de remarque et déjà signalée dans d'autres occasions, que la paupière inférieure seule prend part à la paralysie ; la supérieure peut encore recouvrir pres-que complètement le globe de l'œil gauche, quand le malade porte la pupille en dedans ; au contraire, l'œil reste ouvert dans les mou-vements de la pupille en dehors. Ce fait est donc à consigner pour l'étude de l'innervation des paupières.

M. Verneuil nous a déclaré n'avoir jamais opéré de tumeur paro-tidienne d'un aussi grand volume et occupant une pareille étendue en largeur. L'état de santé du sujet, la marche lente et le caractère de la maladie indiquaient clairement la nature bénigne du mal et la nécessité de l'extirpation, mais leur faisait craindre une exécution longue, laborieuse et surtout une perte de sang considérable, capa-

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ADÉNOME ÉPITHÉLIAL DE LA PAROTIDE

a près l'opération

ble d'affaiblir beaucoup le patient, de le prédisposer aux grandes complications traumatiques.

Dans un cas analogue, M. Verneuil a lié préventivement la carotide primitive avec succès, ce qui a donné lieu à une longue el intéressante discussion devant la Société de chirurgie.

Malgré ses avantages incontestables cette ligature préliminaire présente des dangers non moins évidents; aussi n'est-elle point gé-néralement acceptée. L'association du couteau galvanique et de l'écraseur linéaire l'ont rendue tout à fait inutile et ont permis de faire l'ablation, lentement à la vérité, mais sans le moindre accident. La totalité du sang perdu dans les divers temps de l'opération n'a pas dépassé 200 grammes au maximum. La plaie, après la chute de la tumeur, était absolument exsangue, elle avait d'ailleurs toute la bénignité des surfaces résultant de l'action du fer rouge et de l'écraseur.

M. Verneuil a déjà maintes fois combiné les deux puissants moyens et proclame hautement ces avantages de leur association.

PATHOLOGIE INTERNE

NOTES SUR LA TEMPÉRATURE DANS LES CAS DE RAMOLLISSE-MENT DU CERVEAU QUI GUÉRISSENT

par bourneville

Nous avons eu l'occasion de recueillir trois cas de ramollissement cérébral terminés par la guérison, avec ou sans paralysie, et dans lesquels nous avons suivi, aussi régulièrement que cela nous a été possible, la marche de la température. Après avoir rapporté en en-tier l'un de ces faits, nous nous bornerons pour les autres à l'étude de la température.

Observation. — Hypertrophie du cœur. — Rhumatismes. — Ré-trécissement de l'urèthre. — Malformation du prépuce. — Attaque apoplectique. — Hémiplégie droite incomplète. — Aphasie absolue.

— Amendement de la paralysie. — Incontinence nocturne d'urine.

— Intelligence conservée. — Spécimens du langage écrit. — État stalionnaire pendant un mois et demi. — Accidents dyspnéiques. — Mort. — Autopsie : ramollissement cérébral. — Oblitération d'une

branche de Vartère sylvienne. — Hypertrophie du ventricule gauche.

Veschambes, Pierre, âgé de 49 ans, employé, est entré le 1er dé-cembre 1870 à l'hôpital de la Pitié, salle Athanase, n°23 (service de M. Marrotte). D'après les personnes qui l'ont apporté, il aurait eu, il y a deux jours, une attaque apoplectique depuis laquelle il n'a pas recouvré la parole. Aujourd'hui encore (1er décembre, soir) on ne peut obtenir de lui aucune réponse. Le bras droit est incomplète-ment paralysé : le malade parvient à le soulever un peu et avec peine, Le membre inférieur droit est moins paralysé que le bras : V... fléchit et allonge la jambe, mais il ne lui est pas possible de se soutenir sur elle. P. 84 ; T. R. 38°, 4. Eau deSedlitz.

2 déc. P. 72 ; T. R. 37°,8. V... a eu plusieurs selles. La parole est toujours abolie. L'intelligence persiste, le malade comprend bien ce qu'on lui dit. La paralysie semble moins prononcée. Soir : P. 80; T. R. 38°, 4.

3 déc. P. 100; T. R. 39°, 8. Incontinence nocturne d'urine. — Soir : P. 72; T. R. 37°, 8. V... a été levé pour qu'on puisse faire son lit; il s'est recouché seul. Ce qui montre la diminution delà paralysie. Il parvient à mettre sa main droite sur sa tête ; il serre médiocrement fort; il ne peut pas allonger la langue. La parole est nulle, Vaphasie absolue.

4 déc. P. 60 ; T. R. 36°,7. V... prononce bien le mot « non » et assez bien le mot « oui. » Les diverses fonctions s'accomplissent d'une manière régulière. Une portion. — Soir : P. 64 ; T. R. 37°, 4.

5 déc. P. 60; T. R. 37°. Le malade urine toujours sous lui. — Soir : P. 68; T. R. 37°, 2. Voici ce que le malade répond par écrit lorsqu'on lui demande comment il est tombé malade : « M'aviez (ce mot est barré) Mous m'aviez fait une question, qu'une fausse position, qui m'avait prise. Qu'étant la dernière nuit dernière, sans secousse, sans me prendre à rien pour ce qu'un mal mal cruels (s barrée).

« Ainsi que vous m'aviez vu ainsi que vous m'avez vue. que vous que vous m'avez fait, ainsi car il faut ainsi (barré) une maladie sans secousse sans secousse (ces deux derniers mots sont barrés) seconde aucune perte qu'a ce ce (ces trois mots sont barrés) n'a napas cruelle, ce que qu'est parole sans (barré) ainsi subie. Veschambes. »

On voit qu'il fait de grands efforts pour trouver les mots ; il se dépite par instant de son impuissance. L'écriture, d'ailleurs, est parfaite au point de vue calligraphique.

6 déc. P. 76; T. R. 38ll,4. Même état de la parole : oui, non. — Soir : P. 60; T. R. 37°,2.

7 déc. P. 68 ; T. R. 37°. Constipation depuis deux jours. Lavement purgatif. Incontinence d'urine. V... descend de son lit et y remonte sans aide; il se sert de son bras. — Soir : garde-robe abondante. P. 68; T. R. 37°,5.

8 déc. P. 56; T. R. 37°, 1. V... nous remet l'écrit suivant : « Monsieur le médecin ayez Vobligeance de faire donner deux por-tions au malade. » Il n'y a pas un seul mot barré. — Soir : P. 64; T. R. 37°,6.

9 déc. P. 64; T. R. 37°,2. — Le 10, il nous écrit: « Monsieur ayez l'obligeance de faire donner trois portions au malade, je vous prie. » Le 15 décembre : « Monsieur le Médecin en chef est prié de donner une portion en plus s'il vous plaît. » Puis vient un mot barré, illisible et, entre parenthèses, « 4 ryntitions, » pour portions sans doute. Il semblerait donc que les mots ne reviennent pas. Il ne reste plus qu'une légère faiblesse dans le côté droit du corps,

24janvier 1871. Depuis la dernière note, le malade n'avait offert aucun accident particulier. La parole est toujours perdue: oui, non. V... se fait comprendre par signes. — A onze heures, il est pris d'un frisson intense avec tremblement général et douleur an-goissante à la région précordiale : T. R. 37°,3. — Soir : Le frisson a cessé vers midi. Rien ne l'explique. L'état du cœur (hypertrophie) n'a pas changé; la respiration est normale. Le malade se trouve mieux. P. 96; T. R. 37°,7. L'incontinence d'urine, qui avait cessé, se montre de nouveau.

^Sjanv. Amélioration notable. P. 84; T. R. 37J,2. Je lui demande de m'écrire ce qui lui est arrivé : « Rhumes, affections grave, diarrhée, contre R (barrés) C'est touj la (ces deux mots sont barrés) la dimanche pour qui suit (ces trois mots sont barrés) ça me tient. C'est la dernière et c'est la première que c'est. » Viennent enfin quatre mots barrés, illisibles. Loin de se rétablir, la fonction du langage écrit paraîtrait donc s'affaiblir, car il y a dans cet extrait plus de fautes que dans le premier.

Wjanv. V... est revenu à son état habituel.

27 janv. Nouveaux accidents : pâleur de la face, lipothymie, dyspnée. A l'auscultation, on constate en arrière, à gauche, des râles ronflants et sous-crépitants dans toute la hauteur du poumon ; — à droite les mêmes râles, mais moins nombreux ; en avant la respira-tion est ronflante. Jul. avec 50 gr. d'infusion d'ipéca et sirop dia-

code. — Rétrécissement de l'urèthre, qui joue peut-être un rôle dans l'incontinence d'urine. V... nous fait comprendre qu'il a eu cinq hémorrhagies. Il présente une curieuse malformation du pré-puce :il fait complètement défaut sur la partie antérieure du gland, de la base au sommet ; en revanche, la partie inférieure est hyper-trophiée, épaisse d'un centimètre à un centimètre et demi, dépasse le gland sur ses bords et descend au-dessous de lui dans mie lon-gueur d'un à deux centimètres ; en définitive, celte partie du pré-puce constitue une sorte de coussin sur lequel repose le gland. Celui-ci, d'ailleurs, est bien conformé, ainsi que le pénis.

29 janv. Les accidents thoraciques sont de plus en plus accusés. Dyspnée intense. Tendance considérable au refroidissement. Le ma-lade meurt à onze heures du soir.

Autopsie le 30 janvier. Tête. L'encéphale pèse 1 270 grammes. Les artères de la base sont à peine athéromateuses. L'hémisphère droit est sain et a le même poids que le gauche.

Hémisphère gauche. Lorsqu'on enlève les membranes en suivant le trajet de l'artère sylvienne, on découvre un foyer de ramollisse-ment occupant: 1° la troisième circonvolution du lobe antérieur; 2° la portion horizontale de la circonvolution d'enceinte de la scis-sure de Sylvius, portion située immédiatement au-dessus du lobule de l'insula; 5° la circonvolution qui précède immédiatement la circon-volution pariétale antérieure. Le foyer, qui a environ sept centimè-tres de hauteur, a une couleur jaunâtre qui tranche avec celle des parties environnantes. Au niveau du foyer et à sa périphérie, la pie-mère est un peu injectée. La terminaison de l'artère carotide est légèrement opaque. L'artère sylvienne n'est pas athéromateuse; sur l'une de ses divisions secondaires, se distribuant à la région ramollie, à deux centimètres de son émergence du tronc principal, on trouve un caillot jaunâtre long d'un centimètre, dur, se déta-chant assez facilement. Nul dépôt athéromateux ne correspond à ce caillot. Les autres divisions de l'artère sylvienne sont libres.

Cervelet, isthme (170 gr.) : sains.

Thorax. Adhérences pleurales au sommet des poumons. Poumon gauche sain. — Congestion et oedème des lobes supérieur et infé-rieur du poumon droit, dont les bronches sont hypérémiées. — Nombreuses plaques laiteuses à la surface du cœur. Caillots noirs et jaunes dans l'oreillette et le ventricule droits ; rien à gauche. Hypertrophie considérable du ventricule gauche, dont les parois ont trois centimètres d'épaisseur. Epaississement athéromateux de la

valvule mitrale, ne paraissant pas gêner son fonctionnement. Les valvules sigmoïdes de l'aorte sont souples ; l'un des nodules est athé-roinatcux ; de l'une des valvules part une bride celluleuse, filiforme, qui s'attache sur l'aorte. Pas de végétations. Le tissu du cœur est un peu décoloré, friable. Poids, 790 grammes. Plaques athèro-mateuses assez nombreuses sur l'aorte.

Abdomen. Foie (1720 gr.), rate (480 gr.), estomac, sains. — Rein guuche (90 gr.); décortication difficile; enveloppe épaisse; surface du rein mamelonnée, offrant une série d'infarctus. Les deux sub-stances sont confuses. — H. droit (130 gr.), l'une des moitiés est aussi altérée que le rein gauche; l'autre moitié est presque saine. — Vessie : parois épaisses d'environ un centimètre ; muqueuse parsemée d arborisations.

Relevons en quelques mots les traits importants de l'histoire de ce malade. C'est à la suite de rhumatismes, sur lesquels nous man-quons de détails, qu'est survenue l'hypertrophie du cœur. A cette lésion doit être rattachée l'attaque apoplectique symptomatique du ramollissement cérébral, et enfin les accidents dypsnéiques qui ont déterminé la mort. Le foyer de ramollissement siégeait au niveau du lobe frontal gauche et intéressait la troisième circonvolution ; l'hémiplégie existait à droite ; il y avait une aphasie absolue : sous tous ces rapports, ce cas rentre donc dans la règle.

Après une ascension à 59°,8 le matin du quatrième jour, la température est descendue promptement au chiffre normal, puis au-dessous. La figure 12 est très-instructive à cet égard. Pen-dant plusieurs semaines, le ma-lade reste dans une situation passable, bien que l'aphasie per-

. , fie. 12. — T. Température rectale. — 1'.

SISte; puis, SatlS Cause appre- Pouls. - I.a première température a été

ciable, apparaît une complica- Prise lô soir du deuxième jour de l'at-

\ - . • i» i- taîue-tion pulmonaire qui 1 enlevé en

quelques jours. L'autopsie nous a démontré que le diagnostic était exact, car il y avait un foyer de ramollissement envoie de cicatri-sation parfaitement, caractérisé.

Chez noire seconde malade, femme âgée de 72 ans, la tempéra-ture, deux heures après l'attaque, était à 37°,8, et le soir du pre-mier jour à 37°,8; le second jour, nous avions 38°,2 le matin et 38°,6 le soir ; enfin, le matin du troisième jour, le thermomètre marquait 39°,4 ; de là une ascension graduelle de la courbe (fig. 13). Le soir de ce troisième jour, la température était descendue à 37°,8. Jamais, dans l'hèmorrhagie cérébrale, à moins de production d'un nouveau foyer, nous n'avons observé une telle pointe, suivie d'une chute semblable. A partir de cette décroissance subite, la tempéra-ture est demeurée normale et la malade a guéri.

Fig. 13. —T. Température. — P. Pouls. — Température deux jours après l'attaque apoplectique.

Fig. 14. — T. Température va-ginale. — P. Pouls.— La première température a été prise le soir du troisième jour de l'attaque.

Dans notre troisième cas, concernant une malade âgée de 60 ans, nous n'avons qu'une portion du tracé thermométrique, car elle n'est venue à l'hôpital que le troisième jour au soir après le début des accidents (hémiplégie à droite, aphasie totale). Quoi qu'il en soit, le troisième jour au soir, nous 'observons un pic (fig. 14), de même que chez les deux autres malades. Puis à ce pic succède aussi un abaissement, pour ainsi dire brusque, de la température qui, dès le cinquième jour, était redevenue normale. Un coup d'ceil jeté sur les figures 12, 13,14 suffit pour montrer l'analogie qui existe entre ces tracés. Il en ressort que, vers le troisième ou le quatrième jour après l'attaque, la température subit une ascension assez rapide, assez considérable, mais momentanée, à laquelle succède le retour de la température au chiffre physiologique.

REVUE ANALYTIQUE

PHYSIOLOGIE

Cours de M. Claude Bernard (1872). — Le savant professeur du Collège de France a choisi, celte année, comme objet de son cours l'étude de l'une des questions les plus importantes de la physio-logie, celle qui, depuis quelques années, préoccupe au plus haut point les savants. Étudier plus complètement que cela n'avait encore été fait la chaleur animale, rechercher ses sources multiples, les causes de sa production, les manifestation s diverses de cette enseigne de la vie, appliquer autant que possible, dans l'état actuel de nos connaissances, les données physiologiques de cet ordre à la patho-logie, tel a été le but de M. Cl. Bernard.

1. La constitution physico-chimique du milieu intérieur. — Tout d'abord le professeur fait une comparaison très-nette entre la mé-decine d'observation et la médecine expérimentale, cette dernière poursuivant « le mécanisme caché des phénomènes morbides, cher-chant à en pénétrer les causes, non les causes premières, car cel-les-ci sont en dehors de notre portée, mais les causes prochaines des phénomènes, c'est-à-dire les conditions qui les déterminent. » Et plus loin : « Les deux médecines se confondent, se complètent, et leur réunion constitue la médecine scientifique. »

Or la médecine expérimentale n'est autre chose que de la phy-siologie, et il n'y a pas une physiologie normale et une physiologie pathologique, c'est là une distinction inutile, car les phénomènes de l'organisme malade, leur mode de production, leur mécanisme, sont soumis aux mêmes lois fixes qui se montrent dans l'organisme sain.

Passant ensuite à la discussion de la composition élémentaire, aujourd'hui mieux connue, des corps organisés, M. Cl. Bernard ajoute :« La physiologie cherche par l'analyse expérimentale à péné-trer jusqu'aux éléments anatomiques; pour atteindre ce but, elle doit faire l'étude des tissus à l'aide de l'histologie et demander à la physique et à la chimie de lui révéler les propriétés de ces élé-ments. « Comme conclusion, nous dirons : Pas de médecine scienti-fique sans physiologie, pas de physiologie sans le secours de l'expé-rimentation, de l'histologie, de la physique et de la chimie. »

Les éléments anatomiques vivent dans un milieu intérieur qui est le sang ; leur vitalité est tout entière subordonnée à celle de ce dernier; de toute nécessité donc, il importe de bien connaître tout ce qui se rapporte à lui.

II. La chaleur animale. — 1° La chaleur est une condilion vitale nécessaire du milieu intérieur ; 2° les èlres vivants ont la faculté de produire de la chaleur ; 3° les lois de la physique et de la chimie générales ne suffisent pas à expliquer tous les phénomènes de la chaleur animale.

« Nous aurons d'abord à constater, pour chaque animal, les limites dans lesquelles se maintient sa température, et en second lieu à expliquer par quel mécanisme, durant la vie, cette tempéra-ture se trouve maintenue. »

Le professeur établit la distinction classique entre les animaux à sang chaud et ceux à sang froid; il préfère les expressions : ani-maux à température constante, et animaux à température variable. Chez ces derniers, la température variable oscille avec celle du milieu ambiant, et les phénomènes de la vie suivent cette oscil-lation. Chez les mammifères, la température oscille entre 35° et 40°.

III. Les hypothèses vitalistes. Lathéorie de Lavoisier. — M. Cl. Ber-nard pose le principe suivant : « Comme toutes les questions scientifiques, celle de la chaleur animale a traversé deux phases ; 1° la phase des hypothèses; 2° celles des expériences. »

Puis passant en revue les opinions émises : cœur, source de la chaleur, âme, etc., ou bien théorie chimique, M. Bernard démontre qu'il n'y a que depuis la thermométiïe que la question est entrée dans sa véritable voie scientifique. Il examine, en premier lieu, la théorie de la combustion pulmonaire de Lavoisier, puis celle des capillaires généraux de Magnus. La théorie moderne justifie jusqu'à un certain point les vues de ce dernier, car il est prouvé aujour-d'hui, « d'une manière indubitable que la proportion d'O et de CCf2 est fort différente dans les sangs artériel et veineux chez l'animal vivant, et que c'est le sang veineux qui renferme le plus de CO2, c'est-à-dire qui est le plus brûlé. » Passant à la discussion de cette proposition, le professeur ajoute : « Je n'admets pas comme prouvé que la chaleur animale s'engendre par un procédé de combustion directe, comme l'ont avancé certains chimistes. »

IV. La température du sany. Historique des expériences depuis Haller jusqu'en 1872. —Des faits anciens, il résulte que, tantôt on

a trouvé le sang artériel plus chaud que le sang veineux, tantôt le sang veineux plus chaud que le sang artériel.

Y. Après avoir analysé les expériences anciennes, et indiqué leurs défauts, M. Cl. Bernard passe à la conclusion [qui] résulte de ses travaux : Le sang veineux est plus chaud que le sang artériel.

VI. Emploi des anesthésiques et du curare pour les expériences physiologiques. — Perturbations qu'ils peuvent introduire dans les phénomènes calorifiques. — Le curare supprime l'action des nerfs moteurs et laisse la sensibilité intacte. Le chloroforme est un anes-thésique agissant sur les nerfs sensilifs et les atteignant dans les centres nerveux eux-mêmes.

VIL Lorsqu'un animal est sous l'influence de l'opium ou de la morphine, il suffit des moindres quantités de chloroforme pour l'amener à l'état de détente, d'immobilité, d'anesthésie complète.

VIII. Mesure des températures dans l'organisme. — Indication précise des instruments employés par M. Cl. [Bernard ;| il termine ainsi : « La chaleur, pas plus que la vie elle-même, n'est concentrée en un seul point. Elle est partout et nulle part exclusivement; c'est un ensemble d'actions isolées ; c'est une somme de faits élémen-taires. »

IX. Température relative du cœur droit et du cœur gauche. — Description du galvanomètre et du mode d'expérimentation.

X. M. Cl. Bernard discute ensuite les conditions de l'expérimen-tation, et passe en revue les diverses critiques adressées aux expé-riences en général; il en conclut que lorsque deux expérimentateurs de bonne foi, répétant la même expérience, arrivent à des résultats opposés, cela veut dire que les conditions d'expériences dans les-quelles ils se sont placés n'étaient pas les mêmes.

XI. Discussion de l'explication de Heidenhaim et Karner attri-buant la chaleur plus élevée du sang dans le ventricule droit à une cause de simple voisinage de celui-ci avec le diaphragme. Or, chez le chien, le péricarde est libre d'adhérence inférieurement, et en mettant l'animal dans des positions diverses, on devrait faire varier la température, ce qui n'a pas lieu; en outre, dans les cas d'ectopie du cœur, la différence de température entre les ventricules a été trouvée la même.

Les expériences rapportées dans cette leçon « étabiissenf'claire-ment que la température des animaux à sang chaud n'est pas abso-lument fixe comme on pourrait le croire ; ellejDeut s'abaisser ou s'élever sous l'influence de causes énergiques de réchauffement] ou

de refroidissement. — Néanmoins, dans les conditions ordinaires ou normales, les animaux à sang chaud maintiennent la fixité relative de leur chaleur intérieure, par une prédominance constante et in-cessante de la température du sang veineux sur le sang artériel dans le cœur. »

XII. La température du sang artériel. — Le sang artériel est-il partout semblable à lui-même? « Le sang éprouve une réelle dimi-nution de température en s'éloignant du cœur vers la périphérie. i

XIII. La température du sang veineux. — « Dans la périphérie du corps et aux extrémités, le sang veineux est constamment plus chaud que le sang artériel; en pénétrant dans les cavités splanch-niques, la proposition se renverse. Immédiatement au-dessus de l'embouchure des veines rénales, la différence n'existe plus, elle est nulle; à partir de ce point, l'avantage reste désormais au système veineux. » En pénétrant dans la veine cave supérieure, le contraire a bientôt lieu.

Le point important des études que nous avons faites jusqu'ici, et sur lequel on ne saurait trop s'appesantir, c'est la connaissance de l'antagonisme entre les deux portions du système veineux : l'une étant une source d'échauffement, l'autre une source de refroidis-sement. Cet antagonisme, dans l'état normal, est constamment réglé par l'harmonisateur de toutes les fonctions, par le système nerveux , l'agent de la conservation de la chaleur animale. »

XIV. Les équilibres calorifiques. — Quelles sont les sources de la chaleur ? « La calorification est à nos yeux une propriété uni-verselle; elle appartient à des degrés divers, il est vrai, à tous les éléments, à tous les tissus, et dans tous il nous faudra la cher-cher. Le refroidissement ou le réchauffement d'une partie se pré-sente sous une double forme : d'abord un phénomène physique, et, à ce titre, indépendant du système nerveux ; puis un phénomène physiologique ; la prise de l'agent extérieur pour la déperdition physique est réglée, augmentée, diminuée par le système nerveux, régulateur de la circulation, et utilisée de cette manière pour l'équi-libre de la chaleur animale. »

XV. Rôle du Sang dans le phénomène calorifique. — îl ne faut plus localiser la production de la chaleur dans le sang soit au sein du poumon, soit dans les capillaires généraux, car « nous démontre-rons que c'est principalement un phénomène extra-sanguin qui dégage du calorique : ce phénomène est le contact et l'échange

entre les tissus élémentaires et le sang, au moment où se produi-sent les actions chimiques de la nutrition. »

XVI. Rôle calorifique du tissu musculaire. — Le muscle en se contractant augmente sa température. Si nous analysons le phéno-mène, nous voyons : « que les éléments anatomiques se comportent comme de véritables vibrioniens, comme des organismes élémen-taires. Ils respirent, ils empruntent au sang l'oxygène qui lui est combiné, et ils exhalent de l'acide carbonique, c'est la respiration élémentaire.))

Quelles modifications le sang et la circulation éprouvent-elles pendant la contraction du muscle? Il faut noter d'abord « que le muscle peut se contracter et produire de la chaleur sans être im-médiatement traversé par un courant sanguin, c'est-à-dire en dehors de la circulation. Il faut se garder de confondre le repos et la para-lysie; dans le repos, il y a une certaine tension active; dans là paralysie, l'anéantissement est complet. » D'une manière géné-rale, pendant la contraction musculaire, la combustion augmente.

XVII. La température du sang veineux au moment de la contrac-tion musculaire est-elle due à la combustion du tissu ou à la vei-nosité du sang? Elle est surtout due aux phénomènes chimiques qui se passent dans le muscle. •

« Les analyses les plus récentes distinguent dans le contenu musculaire du sarcolemne deux parties : les prismes musculaires et le plasma. Le plasma lui-même, dans certaines circonstances, peut se dédoubler, donner d'un côté un caillot (myosine), et d'autre part le sérum musculaire, composé d'eau, de sels, de créatine, de créatinine (C8H7Az502 -h 2H0), d'un principe cristallisable C8H9Az504 à réaction alcaline, d'un sucre particulier, l'inosite, C12H12012 + 4HO. La réaction de ce liquide, et par suite celle du muscle au repos, est alcaline. Dans le muscle qui vient de se contracter, il y a un chan-gement immédiat. La réaction est acide, et cette acidité est due à la présence de l'acide lactique. En même temps, la créatinine, prin-cipe alcalin, a diminué au profit de la créatine. »

En considérant la masse énorme du système musculaire, on com-prend qu'une grande partie de la chaleur animale doit provenir de cette source. — L'expérience démontre également que le repos diminue la température.

XVIII. La chaleur est pour les muscles un excitant direct, à la condition qu'elle ne dépasse pas 45° ; au delà, c'est la rigidité, le froid a une influence inverse*

« La chaleur qui se développe dans l'intimité du tissu des muscles ne fournit pas seulement le degré de température nécessaire à l'in-tégrité de ces organes et au maintien de leurs propriétés ; elle fournit encore toute la puissance mécanique développée par le sys-tème musculaire lui-même. »

XIX. Rôle calorifique du système nerveux. — Les expériences dé-montrent, aussi bien pour le système nerveux périphérique que pour le système nerveux central, que quand il entre en fonction, il développe la chaleur. On constate en outre, expérimentalement, que le sang qui sort des organes cérébraux est plus chaud lors de la mise en jeu de son activité particulière.

XX. Rôle calorifique des glandes. — « 11 y a une opposition com-plète entre le système des muscles et celui des glandes. Le système veineux des muscles qui fonctionnent est noir, d'autant plus noir qu'il travaille davantage ; dans les glandes, il devient d'autant plus rouge. »

XXI. Les glandes salivaires. — « Le système glandulaire intervient, pour une part importante dans la production de la chaleur ani-male. Chaque glande, au moment où ellesécrèle, augmente la pro-vision de calorique accumulé dans l'organisme. Le dégagement calorique fait cortège à l'activité fonctionnelle et à l'activité circu-latoire. Ces trois termes sont toujours corrélatifs. *

XXII. Les reins, le foie, le poumon et le cœur. — i Le tissu glan-dulaire est donc une source de chaleur. Source constante, car il y a un certain nombre de sécrétions qui ne tarissent jamais, mais, source inégale, car beaucoup de sécrétions sont intermittentes, et parmi celles qui sont continues, beaucoup éprouvent des alterna-tives de renforcement et d'affaiblissement. »

Le foie, la glande la plus volumineuse de l'économie, est aussi la plus chaude.

Le tissu du cœur, quand il est contracté, est plus chaud que le sang qu'il contient. De toutes ces considérations, nous pouvons donc conclure que : « la chaleur est une faculté générale apparte-nant à tous les tissus doués de la vie dans lesquels s'accomplissent des phénomènes de nutrition. »

XXIII. De l'asphyxie. — L'asphyxie s'accompagne de modifica-tions calorifiques importantes à noter. On peut la définir : «la cessa-tion des fonctions respiratoires et l'ensemble des phénomènes qui lui succèdent. » On peut distinguer deux espèces d'asphyxie : l'as-phyxie par intoxication produite par les gaz pernicieux toxiques, tels

que l'oxyde de carbone; 2° l'asphyxie par simple privation de l'air respirable, comme cela a lieu dans la submersion, la strangulation, le séjour dans quelques gaz inertes et inoffensifs, comme l'azote ou l'hydrogène.

Dans l'asphyxie, par privation d'air, il y a élévation de tempéra-ture, élévation passagère, non immédiate, mais constante. La raison d'être dé ce fait réside dans le système musculaire, dont la veino-sité s'accroît en proportion même des phénomènes asphyxiques.

XXIV. « Les caractères principaux de l'empoisonnement par l'acide carbonique sont : 1° La coloration noire du sang, de tous les vais-seaux et du cœur; — 2° L'élévation de température dans les pre-miers moments de l'asphyxie. »

On sait aujourd'hui, d'après les expériences de M. Cl. Bernard, que le gaz vraiment toxique est l'oxyde de carbone, et qu'il agit surtout sur les globules sanguins, en empêchant leur combinaison avec l'oxygène.

XXV. Influence du système nerveux sur la calorification. — « La chaleur extérieure tendrait à se propager dans l'organisme comme dans un corps brut, sans l'intervention du système nerveux, qui en règle le degré et la distribution. »

XXVI. « Les ramifications du sympathique sont portées par le système vasculaire; c'est le caractère général de la distribution de ce nerf. » « Le système grand sympathique n'est pas seulement un nerf vaso-moteur ; il influence directement la calorification parce qu'il agit essentiellement pour régler les phénomènes physico-chi-miques qui s'accomplissent au sein des tissus, lorsque ceux-ci entrent en conflit par le moyen delà circulation capillaire. »

XXVII. Les nerfs moteurs du grand sympathique. — « Le nerf sympathique est composé de filets moteurs dont les propriétés et les activités fonctionnelles rentrent dans le mécanisme du système nerveux en général. »

XXVIII. Le grand sympathique et la circulation sanguine. — « Il existe deux sortes de nerfs vaso-moteurs ; les uns dont l'action coïn-cide avec une constriction des vaisseaux : nerfs constricteurs ; les autres, dont l'action coïncide avec une dilatation vasculaire : nerfs dilatateurs. » L'existence des premiers est parfaitement démontrée par la section du grand sympathique au cou ; l'existence des se-conds par les phénomènes qui se passent dans la glande sous-maxillaire, après la section de la corde du tympan.

XXIX. Les nerfs vaso-moteurs et la pression du sang. — « Tous les

tissus, tous les organes, sont-ils pourvus de nerfs vaso-moteurs de deux espèces accompagnant leurs vaisseaux? » Pour le sympathique, dont les filets accompagnent tous les vaisseaux, il n'y a pas de doute; relativement aux nerfs constricteurs, outre la corde du tympan, l'auriculo-temporal, les extrémités des pneumo-gastriques excités resserrent les vaisseaux; la démonstration est encore à donner pour les autres points de l'organisme.

« Y a-t-il dans le système capillaire, des contractions et des dila-tations réflexes? » Ce qui se passe quand on met du vinaigre sur la langue d'un chien, l'état de l'estomac recevant des aliments, etc., le prouve surabondamment.

XXX. Les nerfs vaso-moteurs et la circulation du sang. — « Il y a des phénomènes nerveux réflexes vaso-moteurs de dilatations vas-culaires qui amènent une accélération considérable dans la circu-lation périphérique. »

XXXI. Action des nerfs sur le cœur. — Les nerfs cardiaques vien-nent de deux sources : du pneumo-gastrique d'une part, et du grand sympathique d'autre part.

XXXII. Le nerf de'presseur et la circulation du sang. — L'appareil d'équilibration de la circulation, pour être complet, doit compren-dre deux mécanismes, dont « l'un, produisant la contraction des capillaires, réalisera la déplétion des viscères et des organes péri-phériques au profit du cœur et des gros vaisseaux, et l'autre, pro-duisant la dilatation des capillaires, amènera la déplétion du cœur et des gros vaisseaux au profit des viscères et des organes périphé-riques. »

Le premier mécanisme, c'est le grand sympathique, le second, c'est le nerf dépresseur du cœur de Cyon. « Ce nerf agit comme paralysant du grand sympathique à la manière de la corde du tym-pan sur les nerfs vasculaires de la glande sous-maxillaire, avec la différence toutefois que le dépresseur agit sur les centres, tandis que la corde du tympan agit périphériquement. »

Relativement au mouvement du cœur, il y a des nerfs accéléra-teurs et des nerfs d'arrêt : le premier vient de la moelle dorsale au niveau de la deuxième paire dorsale ; le deuxième est une émana-tion du pneumo-gastrique.

XXXIII. Le pneumo-gastrique et la circulation. — « Les phénomè-nes de calorification sont de deux ordres : création de chaleur ; répartition méthodique de la chaleur créée. Il y a harmonie ordi-naire entre la circulation et la calorification, comme entre tous les

phénomènes d'un organisme constituant une unité ; mais souvent aussi ces phénomènes s'isolent et peuvent se montrer indépendants les uns des autres. »

XXXIV. Le nerf constricteur. — Le grand sympathique agit sur l'élément contractile des vaisseaux, et par eux sur la nutrition, par conséquent sur la source même de la calo ri fi cation.

XXXV. La sensibilité dans ses rapports avec la colorification. — Le mécanisme de la sensibilité sur la colorification est un phéno-mène nerveux connu ; il s'agit d'une action réflexe ordinaire.

XXXVI. « Le grand sympathique est un frein, un appareil d'arrêt pour les phénomènes organiques. Il refroidit les parties qu'il énerve, d'où le nom de nerf frigorifique ; il resserre les vaisseaux et rend ainsi les organes pâles et exsangues, d'où son nom de nerf con-stricteur ; il modère et ralentit le mouvement nutritif, et mérite le nom de nerf refrénateur. »

XXXVII. Rôle de la sensibilité dans l'organisme. — « La sensibilité est l'intelligence des organes. La sensibilité préside aux phénomènes de la vie de relation et dans le domaine de la vie organique ; elle provoque l'activité du grand sympathique, et donne ainsi le signal qui ralentit et accélère le mouvement de nutrition. »

XXXVIII. Influence du grand sympathique sur la constitution du sang. — « L'inertie et la suractivité du grand sympathique répon-dent à des phénomènes chimico-physiques bien déterminés et tout à fait opposés. »

XXXIX. Les températures locales dans l'organisme. — « Dans l'or-ganisme, tous les phénomènes frigorifiques et calorifiques isolés ne se produisent pas d'une façon anarchique et désordonnée. La vie serait impossible dans de pareilles conditions.

Ils sont, au contraire, associés, maintenus dans des relations réciproques, harmonisés, afin de réaliser pour l'animal des condi-tions déterminées, indispensables à l'accomplissement de ses fonc-tions.

Un appareil spécial préside à cette association nécessaire des par-ties isolées : c'est le système nerveux prédisposé pour être le lien commun et le régulateur des énergies individuelles. Il est le régu-lateur physiologique. Suivant les cas, suivant les localités, suivant les conditions extérieures qui l'impressionnent de mille manières, il commande la production de chaleur ou de froid. Il est calorifique ou frigorifique. »

— Le temps n'ayant pas permis à M. Cl. Bernard d'aborder le

côté pathologique de son sujet, cette partie du cours est renvoyée à l'année prochaine. — Nous avons extrait tout ce qui précède de la Revue des cours scientifiques, à laquelle nous renvoyons ceux de nos lecteurs qui désirent avoir de plus amples détails ; la rédaction des leçons du savant physiologiste ne laisse rien à désirer.

F. Raymond.

MALADIES MENTALES1

V. La liberté humaine, par M. Ch. Loomans. — On a voulu faire de la perte du libre arbitre la caractéristique de l'aliénation mentale ; et sur ce terrain deux écoles se combattent, l'une admettant, pour les aliénés, une responsabilité limitée, l'autre les déclarant absolu-ment irresponsables. Cette grave question se rattache intimement à la question préalable du libre arbitre chez l'homme sain, que les uns nient, que les autres affirment avec une égale assurance. Le débat date de loin, et, quoi qu'en dise M. Loomans1 dans son élégant Discours inaugural, durera longtemps encore. Ne pouvant après tant de philosophes apporter, malgré sa bonne volonté, aucun argu-ment nouveau, M. Loomans lui-même en est réduit à invoquer la prescription en faveur du spiritualisme. C'est une pauvre garantie pour la vérité d'une doctrine ; sur cet appui se sont étayées trop d'erreurs, on pourrait dire toutes les erreurs. — D'autre part, M. Loomans a le tort de considérer comme solidaires des doctrines indépendantes l'une de l'autre ; de là des coups sans portée. Le posi-tivisme, qu'il vise surtout, n'est pas le matérialisme, encore moins le « matérialisme athée. » Nier l'âme n'est pas nier Dieu ; pas même, à notre humble avis, nier la liberté humaine. — C'est là une confu-sion fâcheuse, commise tous les jours par les spiritualistes et les matérialistes. Pour être voisines, ces questions ne sont pas subor-données l'une à l'autre dans la hiérarchie admise ordinairement. Si l'âme suppose Dieu, Dieu ne suppose pas l'âme et encore moins le libre arbitre. Et toujours il nous a paru bizarre de voir les plus ardents défenseurs de l'existence d'un Créateur tout-puissant, lui re-fuser le droit de créer l'homme sans âme, ou de douer la matière, dans certaines conditions, d'une certaine liberté. — Il serait plus habile de prendre le problème inversement, en partant d'une bonne

1 Voy. Revue photographique des hôpitaux de Paris, p. 82.

2 De la Liberté humaine, considérée dans la vie intellectuelle et dans ses rapports avec le matérialisme. A. Delahaye, 1872.

et solide observation des faits. Mais pour cela « il faut renoncer à l'alliance entre les sciences naturelles et les sciences morales, sous l'égide de la métaphysique. » Distincts, comme les conçoit M. Loo-mans, ces deux ordres de sciences, s'il peut en être de deux ordres, sont nécessairement antagonistes; c'est leur identification qu'il faut d'abord reconnaître.

VI. Les sourds-muets sans éducation par le Dr Peet. — Plus que toute dissertation métaphysique, des travaux comme ceux de M. J.-L. Peet1 serviront à avancer cette question de libre arbitre et de res-ponsabilité. « Y a-t-il des idées innées? La pensée est-elle insépara-ble des mots, l'idée de Dieu de l'esprit humain? La conscience est-elle une faculté innée ou acquise? La responsabilité morale est-elle un principe applicable à ceux qui, possédant des facultés morales et mentales, n'en jouissent qu'à un degré de développement très-res-treint? » Telles sont les graves et nombreuses questions qu'éveille l'étude des sourds-muets n'ayant reçu aucune éducation.

Tout d'abord, comme le fait remarquer M. Peet, le mot idée, par son étymologie même, indique qu'une grande partie au moins de nos idées ne sont que des images dans l'esprit. C'est le témoi-gnage invariable de tous les sourds-muets interrogés sur ce sujet. « Ils pensent en images, et les signes qu'ils font résultent de ces images et les représentent. » Dans tout exercice de l'esprit, le sourd-muet, excepté quand il communique avec une autre personne, n'emploie aucun véhicule de la pensée, pas même de signes.

« Je ne connais pas, dit le Dr Peet, un seul cas bien avéré de sourd-muet ayant acquis, par la seule puissance de l'observation et de la réflexion, une idée correcte sur des sujets religieux. » Il conclut des témoignages de ces malheureux, que « pas un n'a donné la preuve qu'il eût aucune idée innée d'un être suprême, d'un Créateur, d'une Providence, d'une existence spirituelle, de récompenses ou de châ-timents dans une autre vie. » Les réponses des sourds-muets sont, en effet, concluantes.

Bon nombre ne s'étaient jamais interrogés sur l'origine de l'uni-vers ou la nécessité d'une première cause ; ils n'y avaient jamais pensé, ils « trouvaient tout naturel » que le monde fût commeil est. Quelques-uns s'étaient donné des phénomènes naturels une explica-tion par analogie de ce qu'ils avaient vu. Les étoiles étaient des lumières allumées le soir pour leur propre commodité par les

* The Psychical Status and criminal Responsibilily ofthe totally Uneducated Deaf and Dumb in the Journal of psych. Medicine, 1872, n° 1.

habitants du ciel ; le vent provenait d'un gigantesque soufflet, la neige, la pluie provenaient de réservoirs immenses situés dans le ciel et qui n'avaient pour eux rien de plus étonnant que les rivières de la terre.

Tous répondent négativement à cette question : Aviez-vous idée de l'âme comme quelque chose de distinct du corps et s'en pouvant sé-parer? Quant à la mort, tout en la redoutant beaucoup, ils s'imagi-naient pouvoir lui échapper. Dans ce but, l'un d'eux, ayant observé que les gens qui mourraient avaient pris des remèdes, résolut de n'en jamais accepter ; un autre s'était imaginé que la fonction du médecin était d'empoisonner les malades. Aucun n'avait d'idée de l'existence de l'âme après la mort ; un certain nombre s'imaginaient que les morts dormaient seulement dans la tombe et qu'ils se réveil-leraient peut-être ; une des pupilles de l'asile de New-York tremblait à l'idée qu'en s'éveillant alors, elle ne pourrait appeler au secours. — Du culte pas la moindre idée ; pour les uns, les réunions religieu-ses étaient simplement incompréhensibles, comme bien d'autres ac-tions humaines, pour d'autres un jeu, une récréation, d'autres qu'elles avaient pour but de faire honneur au prêtre.

Pour ce qui est de la conscience du sourd-muet sans éducation, elle est ce que la fait l'autorité d'où il dépend ; à défaut de cette autorité, le sourd-muet aura autant de consciences qu'il y aura de personnes qu'il craindra ou auxquelles il voudra plaire. Abandonné à ses seules forces, il ne s'élèvera pas à la notion du bien et du mal; il ignorera toute loi divine ou humaine. Sa conduite pourra être honnête et bonne, mais ce. sera sous l'influence d'une sage et ferme direction, du bon exemple, non par des motifs religieux ou de haute moralité.

Par suite le sourd-muet sans éducation ne peut guère être consi-déré comme responsable moralement. Aussi ne peut-on qu'approu-ver les tribunaux français qui ont maintes fois acquitté, comme ayant agi sans discernement, des sourds-muets accusés de vol. Leur accor-der une irresponsabilité morale absolue serait peut-être exagéré, car ils savent se cacher pour voler, et ils ont en général l'instinct de la propriété ; mais il nous semble difficile, en raison de l'obscu-rité de cet instinct, de les charger d'aucune responsabilité légale.

VII. Répression de l'alcoolisme, par J. Bergeron *. — L'usage ou plutôt l'abus des liqueurs alcooliques a fait en France des progrès alarmants que les médecins, il faut le dire à leur honneur, ont été

1 Rapport sur la répression de l'alcoolisme.

des premiers à signaler. Le mal est reconnu de tous aujourd'hui et l'on paraît disposé à le combattre. Mais, comme dans toute bataille il faut, au préalable, reconnaître l'ennemi auquel on a affaire, le rapport de M. Bergeron, où sont décrits, avec autant de précision que de sobriété, les effets funestes des alcools, a le mérite de reconnaî-tre et de signaler les forces véritables du fléau. L'alcoolisme est une résultante des modifications industrielles et de causes morales gé-nérales.

Ce que dit excellemment des masses M. Bergeron : « Pour que des masses cèdent aux entraînements de l'ivrognerie, il faut que déjà d'autres causes dissolvantes aient agi sur leur raison et attaqué leur sens moral, » cela est vrai aussi des individus. Ces causes dissol-vantes, nous n'avons pas à les signaler ici, pas plus que M. Bergeron n'a voulu le faire dans son rapport. E. Teinturier.

THÉRAPEUTIQUE1

II. Du traitement du tremrlement mercuriel par l'hyoscyamine et la daturine. —Nous venons d'essayer de montrer les avantages que l'on pouvait retirer de l'emploi des bains électriques dans le traite-ment du tremblement mercuriel ; mais nous n'avons rempli que la première partie de la tâche que nous nous sommes imposée; il nous reste maintenant à décrire les résultats que l'on a obtenus par l'em-ploi de l'hyoscyamine et de la daturine.

L'hyoscyamine est le principe actif de la jusquiame ; isolée pour la première fois, en 1820, par le chimiste Brandes2, elle fut mieux étudiée en 1824 par Runge5, et par Beisinger4 en 1826. Geiger et Iieisse5, en 1833, et plus récemment M. Clin6, en 1868, en firent l'objet de travaux sérieux. Toutefois ces différents auteurs se pla-cèrent surtout au point de vue chimique et pharmaceutique, et ce n'est qu'en 1869-1870 que MM. Oulmont7 et Laurent8 étudièrent com-plètement cet alcaloïde au point de vue thérapeutique. C'est surtout dans les affections du système nerveux que l'hyoscyamine a été em-ployée de tout temps : en effet, les solanées ont été préconisées dans

1 Voy. p. 147.

2 Journal de pharmacie, 1820, t. VI, p. 47. s Ibid., 1824, p. 24.

4 Archives de médecine, 1826, t. XVIII, p. 500.

5 Annales de chimie el de physique, t. VII, 1835. fi Thèse de pharmacie, 1868.

7 Archives de plvysiologie, 1869.

8 Thèse de doctorat, 1870.

les névroses et les névralgies, et toujours elles exercent une in-fluence salutaire sur le symptôme douleur. Ses propriétés sédatives ont été utilisées dans le tremblement mercuriel, et elles ont paru donner de bons résultats, ainsi qu'on peut s'en assurer par les observations suivantes, que nous empruntons aux travaux de MM. Laurent et Gairal.

Observation VI. — Intoxication mercurielle remontant à six ans. — Trai-tements variés par les bains sulfureux, les courants continus, Vextrait thébaïque, le bromure de potassium. — Amélioration très-sensible par Vhyoscyamine. — D... Louis, âgé de 45 ans, coupeur de poils de lapin, entre le 15 juin à l'hôpital Lariboisière, salle Saint-Charles, n° 15 bis. Ce malade n'a pas d'habitudes alcooliques. Depuis treize ans, il exerce un mé-tier qui l'oblige à se servir continuellement de mercure; pendant sept ans, aucun accident n'est survenu. A l'âge de 59 ans, pour la première fois, il fut pris de tremblement localisé aux mains, et entra à l'hôpital Saint-Antoine, dans le service de M. Axenfeld, où il resta quatre mois. On lui fit prendre du vin de quinquina, de l'iodure de potassium; on le soumit aux courants continus sans résultat bien appréciable, et le malade quitta l'hô-pital en conservant son infirmité. 11 travaille pendant six jours, et est pris subitement de céphalalgie avec douleur violente dans l'hypocondre droit ; il retourne à l'hôpital Saint-Antoine, où M. Jaccoud lui prescrit des bains sulfureux. Après deux mois et demi de traitement, il part pour Vin-cennes, sans être guéri.

Le tremblement ne gênait pas D... au point de l'empêcher de travailler, mais depuis un mois la maladie augmente sensiblement, et il ne peut plus se servir de ses mains ; il se plaint de douleurs de tête continues, occupant surfout la région occipitale ; la mémoire s'affaiblit progressivement, l'intel-ligence est conservée, la vision est moins nette. En même temps la marche devient difficile, les jambes fléchissent et ne peuvent plus porter le malade.

Lorsque le malade est couché, la têie seule tremble en présentant des mouvements de latéralité ; dès qu'il se lève, le tremblement se généralise. Quand on lui fait étendre les bras, ceux-ci exécutent des oscillations dans le sens vertical ; si le membre repose sur un plan résistant, les mouve-ments restent limités au poignet et aux doigts. Il est impossible au malade de porter un objet à sa bouche, même en le saisissant fortement avec ses deux mains. La force musculaire est moins grande, surtout à droite; la sensibilité cutanée a diminué. La parole est hésitante, coupée; les lèvres tremblent, les gencives sont tuméfiées.

M. Oulmont prescrit des bains sulfureux, et le 19 juin, du bromure de potassium, en débutant par 2 grammes et en élevant graduellement les doses jusqu'à 12 grammes. Ce traitement est supprimé le 14 juillet, parce que le malade a eu des étourdissements, de la céphalagie, de l'hébétude. Le tremblement a été légèrement amélioré, la main gauche est plus ferme et exécute des mouvements avec assez de précision. On prescrit : extrait

thébaïque 10 centigrammes et bain alcalin. Ce nouveau traitement n'amena pas une grande modification dans l'état du malade. Celui-ci, après quatre jours de repos, sans aucune médication, prend, le 4 août, trois pilules d'hyoscyamine de 1 milligramme chacune.

5 août. Le malade a eu de la sécheresse du pharynx, des rêves, de la céphalalgie, les pupilles dilatées, une soif vive.

6 août, k pilules. — 7 août. On constate un peu d'amélioration dans le côté gauche; 6 pilules. — 8 août. La céphalalgie a disparu; 8 pilules. — 9 août. Le malade peut porter un verre à sa bouche, à l'aide de la main gauche; 10 pilules. — 10 août. On donne 12 pilules. Les doses d'byoscya-mine, successivement augmentées, sont portées jusqu'à 17 pilules, qui ont déterminé une intoxication de peu de durée. On a constaté la présence de l'hyoscyamine dans l'urine du malade.

14 août. La céphalalgie a disparu; le sommeil est devenu calme, le ma-lade n'a plus ni rêves, ni hallucinations. Lt mémoire est plus nette, l'intel-ligence plus éveillée ; malgré la dilatation des pupilles, il passe une grande partie de la journée à lire. Le tremblement a diminué; la marche est assez facile, les mouvements des bras sont plus réglés, et il commence à tracer quelques caractères d'écriture.

Ce traitement est continué à la dose de 8 pilules jusqu'au 25 septembre. L'amélioration a persisté ; le malade écrit d'une manière assez correcte, le tremblement ne se produit guère qu'à la suite d'émotions morales ou d'une fatigue exagérée ; il n'est plus aussi accentué qu'auparavant et disparaît par le repos. On ne donne pas d'hyoscyamine pendant huit jours ; les mou-vements convulsifs reparaissent.

4 octobre. Le malade reprend 6 milligrammes d'hyoscyamine ; il n'a pas eu de céphalalgie. — 10 octobre. Le tremblement a de nouveau disparu. On suspend toute médication sans que le malade paraisse s'en apercevoir pendant trois jours. Cependant des secousses assez fréquentes se repro-duisent vers le 20 octobre. — A partir du 25 octobre, le malade prend (3 milligrammes d'hyoscyamine par jour, pendant trois jours, et les acci-dents disparaissent. Le tremblement est presque insensible; le malade écrit. 11 sort de l'hôpital le 1er novembre.

On ne peut nier l'action sédative de l'hyoscyamine dans ce cas de tremblement mercuriel ; en effet, son administration a toujours été suivie d'une grande amélioration ; malheureusement, le trem-blement reparaissait assez promptement alors que l'on avait cessé le médicament. On ne peut donc répondre ici d'une guérison com-plète et soutenue.

Observation Vît. — Tremblement mercuriel datant de plusieurs années.— inutilité des médications ordinaires. — Amélioration rapide et notable par remploi de l'hyoscyamine. — D... Pierre, ouvrier feutrier, âgé de 53 ans, entre à l'hôpital Lariboisière, salle Saint-Charles, le 15 mars 1870. Ce ma-lade travaille depuis vingt-six ans dans une fabrique de feutre, avec une interruption de quatorze ans ; il a toujours été employé à brosser des peaux

de lapin avec de l'acide nitrique et du mercure, dans une pièce fortement chauffée. Après neuf ans de travail, il commença à ressentir des douleurs vagues par tout le corps, et principalement dans les membres ; pendant son sommeil, il avait des secousses. Cet état dura quatre à cinq ans, sans que le malade s'en préoccupât, car durant le jour il était calme. Peu à peu les jambes commencèrent à s'affaiblir, et un matin, en se levant, il tomba de son lit sans force et sans connaissance ; il lui est arrivé de tomber plu-sieurs fois dans la suite, parce que ses jambes ne pouvaient plus le porter, mais sans qu'il eût jamais perdu connaissance. En même temps, il ressen-tait une céphalalgie sourde, gravative, continuelle, avec des hallucinations, des cauchemars ; ses mains ne furent plus aptes à aucun mouvement pré-cis, en raison du tremblement continuel qui les agitait.

11 y a deux ans, il entra à l'hôpital Saint-Antoine, et en sortit sans au-cune amélioration. A son entrée à l'hôpital, le malade présente un état ca-chectique très-prononcé ; la peau est terne, jaunâtre, profondément ané-miée, ainsi que la muqueuse gengivale ; les traits du visage sont altérés. Les dents sont noires et se brisent avec une grande facilité, surtout depuis quelques années. Lorsque le malade est couché dans son lit, son corps est assez tranquille; mais dès qu'il est préoccupé, on voit par moments des secousses convulsives. La tête reposant sur un oreiller est tout à fait calme; mais, quand elle n'est plus soutenue, elle exécute des mouvements de laté-ralité involontaires. La marche est difficile, chancelante ; la préhension des objets ne se fait qu'avec de grandes difficultés.

18 mars. Le malade prend 2 pilules d'hyoscyamine de 1 milligramme chacune; ce traitement est continué chaque jour.—22 mars. Aucun change-ment. Le nombre des pilules est porté à 3.—§3 mars. Sécheresse de la gorge. Pupilles largement dilatées.—24et25mars. L'état reste sensiblement le même. —26 mars. Le tremblement paraît diminué.—27 mars. On constate une amé-lioration très-sensible. Les mouvements saccadés des membres supérieurs ont beaucoup diminué d'étendue ; la démarche reprend de la fermeté. Le sommeil est plus calme.

1er avril. Après une période prodromique de trois jours, le malade est pris de varioloïde. La fièvre est presque nulle. On continue toujours l'usage de l'hyoscyamine.

4 avril. Les pustules sont presque entièrement desséchées. Les mouve-ments s'exécutent avec assez de précision ; bien qu'il ne puisse encore s'astreindre à ceux qui demandent une grande exactitude, comme les mou-vements pour écrire. L'amélioration se prononce de plus en plus; le malade demande à sortir de l'hôpital, le 8 avril, devant encore suivre son traite-ment par l'hyoscyamine.

14 avril. Le malade revient à l'hôpital, après une course très-longue accomplie sans fatigue. L'amélioration persiste. D... continue l'usage de l'hyoscyamine.

Voilà donc un tremblement mercuriel remontant déjà à plusieurs années, traité inutilement par les moyens ordinaires à l'hôpital

Saint-Antoine; l'hyoscyamine a produit des résultats véritablement très-satisfaisants, et en un temps relativement assez court. En moins de un mois de traitement, l'amélioration était très-notable, de sorte que l'on pouvait espérer la guérison par la continuation de l'admi-nistration de l'hyoscyamine. (A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE

Pathologie de la rate, par le docteur G. Peltier, ancien interne des hôpitaux de Paris. In-8° de 112 pages. Paris, Ad. Delahaye, éditeur.

M. Peltier a publié dans la Revue photographique de 1871 et de cette année, plusieurs des chapitres qui composent son mémoire. Nous allons seulement les rappeler : Kystes de la rate; Dégénérescence amyloïde et pigmentaire de la rate ; Hypérémie et inflammation de la rate; Ruptures de la rate; Maladies de la rate chez, les animaux.

Après avoir indiqué dans une courte préface le but qu'il se pro-pose, M. Peltier nous donne : 1° des indications historiques sur les progrès de la pathologie delà rate ; 2° un aperçu anatomique néces-saire pour l'interprétation des faits pathologiques. Ce mémoire est divisé en neuf parties :

I. Après avoir mentionné les Anomalies de la rate et montré qu'elles sont relatives à l'existence, au nombre, à la forme, au vo-lume et à la position de l'organe, l'auteur étudie les (il) Lésions hématiques : 1° hypérémie; 2° inflammation; 3° hémorrhagie; 4° in-farctus; 5° abcès.—L'hémorrhagie ou apoplexie delà rate est con-stituée par un épanchement de sang dans le tissu de l'organe ; on rencontre cet état dans les fièvres paludéennes, la fièvre typhoïde, la fièvre jaune; le scorbut, la morve, le charbon. L'épanchement san-guin peut s'enkyster et se résorber peu à peu, ou amener une rup-ture de l'organe.

II. Minfarctus, altération anatomique d'une portion plus ou moins grande du parenchyme, causée par l'oblitération artérielle, par em-bolie ou thrombose, se rencontre dans le rhumatisme, l'état puer-péral, l'alcoolisme, l'épuisement prématuré chez les individus âgés ou vivant dans la misère.—Les abcès idiopathiques de la rate sont rares. M. Peltier étudie avec soin les symptômes et le diagnostic, et donne les indications du traitement médical et chirurgical. — Les abcès métastatiques de la rate n'ont rien de particulier à cet organe.

III. La troisième partie est consacrée aux Lésions de nutrition :

Io atrophie : par lésion de la texture de la rate (échine-coques, car-cinome, tubercules, cirrhose, induration de la glande), par com-pression ; 2° hypertrophie : dans l'infection paludéenne, la leucocy-thémie ; pour le diagnostic, il faudra tenir compte des phénomènes produils du côté du thorax par le développement de la glande. — 3" Ramollissement de la rate : on l'observe dans les affections d'une gravité extrême : fièvres pernicieuses intermiltentes, la morve, le charbon, l'infection purulente, le typhus, l'état puerpéral; A0 In-duration de la rate; on la rencontre soit avec l'hypertrophie, soit avec l'atrophie de l'organe; 5° Gangrène de la rate.

IV. Dégénérescences de la rate : Io dégénérescence amyloide; 2° dégénérescence pigmentaire (voir la Revue); 3° dégénérescence cartilagineuse et osseuse; il n'y a pas, à proprement parler, de tissus cartilagineux et osseux, mais du moins des tissus d'apparence fibro-cartilagineuse et osseuse.

V. Tumeurs delà rate: Io Cancer, rare (squirrhe et encépha-loïde), pronostic des plus graves ; 2° Tubercules de la rate; se ren-contrent surtout chez l'enfant ; 3° Productions gommeuses de la rate; le pronostic est très-grave ; 4° Turnemos accidentelles : sarcomes, lymphomes, psammomes, gliomes; eues sont rares ; kystes (Revue).

VI. Maladies des vaisseaux de la rate : lu maladies de l'artère splé-nique : lésions traumatiques, spontanées (ulcérations, anévrysmes, oblitération) ; 2° maladies des veines de la rate.

VII. Lésions traumatiques de la rate : Io contusions; 2° plaies; 5° ruptures de la rate.

VIII. Des opérations qui se pratiquent sur la rate : Les maladies qui réclament l'intervention chirurgicale sont surtout les abcès et les kystes ; M. Peltier donne les indications de la splénolomie et le ma-nuel opératoire. Enfin, dans la dernière parlie, l'auteur résume, d'après M. Raymond, les notions principales concernant les mala-dies de la rate chez les animaux. Nous n'insistons pas sur ce cha-pitre qui, après avoir été développé, a paru ici même (1872, pages 452 et 199).

Ce mémoire constitue une monographie complète, et je ne puis mieux terminer cette analyse que par les paroles d'un des juges de cette thèse : « C'est un travail important que le chirurgien et le médecin pourront consulter avec fruit, » F. Roque.

Le Gérant : a. de montméja.

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE CHIRURGICALE

ANËVRYSME CIRSCIDE DE L'OREILLE GAUCHE

injections de perchlorure de fer; — modification de la tumeur ; - infection purulente; - mort.

Par P. COYNE, interne des hôpitaux de Paris.

D... L... est entrée à l'hôpital de la Pitié, salle Saint-Jean, n° 20, le 14 inars 1872 (service de M. le docteur Labbé). — Cette malade, assez bien constituée, sans êlre cependant très-robuste, est âgée de 35 ans. Sa santé a toujours été bonne; réglée à l'âge de 1.4.ans, elle l'a toujours été régulièrement, si ce n'est à l'époque de ses grossesses qui ont été au nombre de trois : la première il y a 7 ans, la seconde il y a 6 ans et la dernière il y a 20 mois. Elle entre dans le service pour se faire traiter d'un anévrysme cirsoïde de l'oreille droite, ayant également envahi tout le pourtour du pavillon dans la région temporale et la région mastoïdienne.

Antécédents. Notre malade ne se rappelle pas qu'on lui ait dit qu'à sa naissance, ou peu de temps après, elle ait présenté quelque trace de tumeur érectile du pavillon de l'oreille gauche : elle se souvient seulement que, vers l'âge de 5 ans, elle avait en bas et en arriére du pavillon de l'oreille gauche, au niveau de la base de l'apophyse mastoïde, un petit bouton qui a grossi assez rapidement, saignait assez facilement et a produit une hémorrhagie assez in-quiétante pour qu'on y fasse une application topique. Mais quel-ques jours après, l'hémorrhngie a recommencé et a nécessité une ligature sans qu'on puisse élucider le point de savoir si la ligature a été faite en masse ou sur une branche artérielle. En tout cas, dans le point qu'indique la malade on ne retrouve pas de cicatrice.

C'est à partir de cette époque, que le pavillon de l'oreille, au

4° année. 10

dire de la malade, a commencé à devenir plus volumineux que celui de l'oreille droite. C'est également à partir de cette époque qu'elle a entendu dans son oreille un bruit de souffle très-faible et très-doux. Cette augmentation de volume du pavillon de l'oreille, qui ne produisait aucune hémorrhagie pour cíes traumatismos légers, a été progressant insensiblement jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et ne subissant aucune augmentation à l'époque des règles.

Mais à partir de l'époque que nous venons de déterminer, à l'oc-casion de la première grossesse, le pavillon de l'oreille a pris un accroissement notable de volume, et il s'est formé une bosselure violacée en haut et en avant de l'attache de l'oreille.

Dans le cours de la seconde grossesse, nouvelle extension de la tumeur sans que cependant il se soit produit d'hémorrhagie. C'est seulement en 1867 qu'à la suite d'une petite écorchure très-su-perficielle , il s'est produit une hémorrhagie très-grave, après laquelle la tumeur a presque doublé de volume : les bruits de souffle, qui jusqu'à cette époque avaient été très-légers, se sont renforcés et sont devenus gênants pour la malade.

On a essayé en présence de cette augmentation rapide de traiter la tumeur par des injections de perchlorure de fer, mais, faites superficiellement, elles n'ont amené qu'une amélioration passagère. Car il y a deux ans, à l'occasion d'une troisième grossesse, la tu-meur a repris une marche extensive, a beaucoup augmenté de vo-lume et s'est étendue aux parties des téguments qui avoisinent le pavillon de l'oreille. La fin de la gestation n'a amené aucune amé-lioration.

État actuel. Le pavillon de l'oreille gauche a au moins une éten-due double dans toutes les directions de celui du côté droit. Il est, en outre, bien plus épais et très-déformé. 11 présente l'aspect d'un tissu éléphantiasique dont la couleur terne serait relevée par places par une teinte violacée. Les saillies de l'hélix et de l'anthélix et les dépressions qui les séparent, ainsi que la cavité de la conque, ne sont plus reconnaissables et sont recouvertes et masquées par des bos-selures plus ou moins volumineuses ou bien par des paquets de varicosités plus fines qu'on voit serpenter dans l'épaisseur de la peau. Le lobule seul, bien qu'augmenté de volume, ne parait pas tra-versé pas des dilatations artérielles. (Voy. Panche XXVIII.)

Vu par la face postérieure, le pavillon de l'oreille présente les mêmes modifications d'aspect, bosselures assez volumineuses, et surtout on peut y étudier facilement des modifications de volume

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DES HOPITAUX

ANÉVRYS ME CIRSOÏDE DE L'OREILLE

des petites aïiérioles de la peau; elles se sont dilatées, sont deve-nues superficielles, tortueuses, et forment plusieurs plaques de vari-cosités que l'on voit s'enchevêtrer les unes dans les autres, et battre et se dilater d'une façon synchrone au pouls radial.

Le pavillon de l'oreille est entouré, en forme de fer à cheval à concavité inférieure, par une extension du tissu morbide aux par-ties avoisinantes.

Cette partie surajoutée en dernier lieu est très-développée au niveau de l'arcade zygomatique, où elle est formée par trois ou quatre bosselures volumineuses.

Au milieu des dilatations a'rtérielles se trouvent d'assez grandes dilatations, sortes de lacunes si superficielles qu'à travers la peau très-amincie, on voit la coloration rouge avec un reflet bleuâtre du sang. Les autres bosselures plus récentes, qui se trouvent dans la région temporale en haut et en arrière, bien que volumineuses et remplies de dilatations très-considérables, ont la peau moins amin-cie à leur niveau. Le fer à cheval se trouve complété en bas et en arrière, vers la base de l'apophyse mastoïde, par un énorme paquet de varicosités dans lequel on voit et on sent du doigt très-manifes-tement les inflexions et les dilatations de l'artère qui forme cette partie de la tumeur totale.

Le pavillon de l'oreille se trouve soulevé en totalité par des bat-tements synchrones au pouls. Lorsqu'on le saisit entre les doigts, on perçoit dans tous les points, si ce n'est au niveau du lobule, des battements et un mouvement d'expansion également synchrones au pouls radial.

Au niveau de la partie supérieure du pavillon de l'oreille, et des bosselures de la conque, on entend à l'auscultation soit médiate soit immédiate un double bruit de souffle. Un premier continu et assez doux, l'autre sous forme de renforcement très-marqué à chaque diastole artérielle. Plus en arrière, il est difficile de faire la diffé-rence entre les deux bruits différents. La malade perçoit elle-même le bruit de souffle et en est très-gênée. A l'époque des règles, la tumeur devient plus grosse, plus sensible à la pression et même au toucher, les battements sont plus forts et les souffles plus inten-ses, soit pour un observateur, soit pour la malade. 11 est à remar-quer qu'à ce moment les hémorrhagies se produisent plus facile-ment qu'à tout autre.

La peau du pavillon de l'oreille paraît plus chaude au toucher que celle de l'oreille droite. Nous avons mesuré la différence au

thermomètre à plusieurs reprises avec toutes les précautions dési-rables, et nous avons toujours trouvé un degré de différence en faveur du côté malade. Ainsi pour le côté droit 36°,8 et pour le côté gauche 57°,6.

La peau du pavillon se recouvre de croûtes brunâtres ressem-blant à du cérumen sali par des produits hématiques et qui se reproduisent très-rapidement. Les artères qui se rendent dans le tissu morbide et qui l'alimentent de sang sont :

1° La branche externe de l'occipitale, qui se rend dans les lacs postérieurs et externes ; cette branche est très-diiatée et bat avec force.

2° L'auriculaire, qui se rend dans le pavillon de l'oreille, a égale-ment subi une augmentation énorme de volume.

3° La temporale, par sa branche postérieure, se jette directement dans l'angle antérieur et tient sous sa dépendance toute la partie supérieure du pavillon de l'oreille et toutes les bosselures qui se trouvent au niveau de l'arcade zygomalique.

Lorsque l'on comprime fortement l'occipitale et la carotide externe un peu au-dessous du lobule, la carotide en avant du bord antérieur du sterno-mastoïdien, on fait cesser les battements en masse de la tumeur, les mouvements d'expansion disparaissent et la malade cesse de percevoir les bruits de souffle. La tumeur pâlit, devient plus flasque et ridée, et si alors on presse sur les lacs vascu-laires, on voit qu'ils ont perdu de leur tension intérieure, la tumeur devient alors réductible, et l'on peut examiner le plan osseux sous-jacent que l'on trouve sain, et s'assurer également qu'il n'existe en aucun point de la tumeur de concrétions sanguines.

6 avril. L'époque menstruelle est annoncée par des phénomènes de turgidité et d'hyperesthésie du côté de l'oreille.

13 avril. La turgescence vasculaire est si marquée vers la fin de l'époque, qu'il se fait une hémorrhagie sur les lacs de la conque. On en vient cependant facilement à bout en établissant une com-pression avec de l'amadou.

15 avril. Première injection de 5 gouttes de perchlorure de fer dans le lobule antérieur et supérieur de la tumeur : on n'est pas certain que le perchlorure de fer ait pénétré dans le lac vasculaire ; le lendemain, on le trouve diminué de volume, mais on y retrouve des battements.

17 avril. Deuxième injection, 6 gouttes dans les lacs supérieurs et postérieurs; mêmes précautions que précédemment, c'est-à-dire

compression de la carotide et de l'occipitale pour diminuer le cours du sang. Le perchlorure de fer pénètre bien : au bout de six mi-nutes, le lobule est devenu dur, anémique, et est complètement so-lidifié au bout de dix minutes. La force d'impulsion et les batte-ments y ont également disparu et sont également diminués dans la partie de la tumeur qui est au-dessous. Les jours suivants, on s'aper-çoit que la solidification a marché en bas vers le tronc de l'occipi-tale, de telle sorte que le sang qu'apportait cette branche artérielle n'arrive plus à la tumeur.

22 avril. Troisième injection de 6 gouttes dans le lobule anté-rieur, où l'on avait tenté infructueusement b première injection. Vive douleur au moment où le perchlorure de fer pénètre dans le lac vasculaire. La tumeur pâlit rapidement, se durcit, il se forme une eschare superficielle le lendemain. Œdème delà moitié de la face très-marqué, surtout sur la paupière.

%3 avril. Quatrième injection dans la partie de la tumeur avoisi-nante et formée par la partie ascendante de l'hélix. Solidification de la partie et arrêt des battements. Les coagulations s'étendent dans le voisinage, et le soir, coagulations des bosselures qui se trouvent entre le tragus et l'attache du pavillon de l'oreille.

24 avril. Les injections coup sur coup ont produit un peu d'œ-dème collatéral, et les mouvements de déglutition deviennent dou-loureux.

28 avril. L'œdème est tombé : toutes les parties de la tumeur qui se trouvent en dehors du pavillon sont oblitérées et ne battent plus.

29 avril. En nettoyant le pavillon, on essaye d'enlever un caillot recouvert de croûtes se trouvant dans l'intérieur de la conque ; jet très-violent. Cinquième et sixième injections de six gouttes chacune faites coup sur coup dans le pavillon, et de façon à circonscrire le lac vasculaire qui donne lieu à l'hémorrhagie. Coagulation dans la partie supérieure; on arrête l'écoulement de sang par un petit tam-pon imbibé de perchlorure de fer.

1er mai. Septième injection dans la partie supérieure et antérieure du pavillon à l'origine de l'hélix dans la conque; durcissement de cette partie et disparition des battements.

5 mai. Huitième injection de 6 gouttes au niveau de l'attache du pavillon avec la région mastoïdienne, où l'on trouve des battements très-violents sous la dépendance de l'auriculaire. Arrêt des batte-ments.

4 mai. L'oreille est très-gonflée et œdémateuse. Dans presque toutes les parties, il n'y a plus de battements, on ne les retrouve distinctement qu'en bas, au voisinage du lobule. Engorgement dou-loureux des ganglions cervicaux.

G mai. L'œdème a diminué, on peut s'assurer qu'il existe des battements assez faibles, il est vrai, à la partie supérieure de la circonférence du pavillon dans la partie avoisinante de la tempe. Une neuvième injection durcit rapidement cette partie et fait dis-paraître les battements. Le soir, on s'aperçoit même qu'il y a for-mation d'eschares cutanées.

10 mai. Dixième et onzième injections, chacune de 6 gouttes, la première dans la cavité de la conque, et amenant l'oblitération des bosselures de cette partie, la deuxième dans la partie qui unit le lobule à la terminaison de l'hélix et de l'anlhélix, point où l'on trouve une artère volumineuse qui seule entretient les battements et les soulèvements de la partie avoisinante du pavillon de l'oreille.

Cette injection réussit et amène des coagulations très-étendues jusque dans la cavité de la conque. Douleur très-vive pendant l'in-jection et persistant jusqu'au soir.

Cette injection est suivie d'un gonflement œdémateux considé-rable du côté correspondant de la face et du pavillon de l'oreille ; les ganglions cervicaux les plus élevés soit en avant, soit en ar-rière du sterno-mastoïdien, deviennent très-volumineux et très-dou-loureux, et amènent une gêne assez considérable de la déglutition.

15 mai. Cataplasme de fécule et onction mercurielle sur les gan-glions. Le soir, hémorrhagie peu grave partant de l'attache supé-rieure et antérieure du pavillon de l'oreille vers l'arcade zygoma-tique. Cette perte de sang est arrêtée par unbourdonnet de charpie imbibé de perchlorure de fer, qui est tombé de lui-même environ un mois après, laissant au-dessous une surface cicatrisée.

14 mai. En défaisant le pansement, hémorrhagie avec jet assez fort partant de la face postérieure du pavillon de l'oreille en bas et en arrière; on l'arrête avec du perchlorure de fer et de l'amadou.

17 mai. Au niveau du point d'où était partie rhémorrhagie pré-cédente, tendance à la suppuration. Issue d'un caillot ramolli. Mais le soir, par ce même point, il se produit brusquement un jet de sang très-violent et de la grosseur du petit doigt. On l'arrête, en comprimant avec le doigt le point ulcéré du lac vasculaire. On par-vient à introduire dans la cavité du lac vasculaire des boulettes de charpie imbibées de perchlorure de fer. Puis, bandage compressif

difficile à établir et surtout à maintenir. La perte de sang peut être évaluée de 400 à 500 grammes. Frisson assez intense une heure en-viron après que l'hémorrhagie a été arrêtée.

18 mai. M. Labbé défait le pansement qui avait été fixé avec du diachylon. Il en est résulté un érythème assez intense dans tous les points où il a touché la peau. On comprime la carotide primitive, et pendant ce temps, le chirurgien éteint quatre cautères chauffés à blanc dans le lac vasculaire, qui donne lieu à l'hémorrhagie. Comme la perte de sang n'est pas arrêtée, tampon de charpie et perchlorure de fer. Bandage compressif le soir. La face est un peu œdémateuse, surtout à gauche.

19 mai. L'œdème de la face a notablement augmenté, la voix a perdu son timbre normal et la respiration est un peu gênée. On défait la partie du bandage qu'on supposait gêner cette fonction. Mais pres-que immédiatement après, nouvelle hémorrhagie qui oblige à réta-blir la compression dans toute sa rigueur, en ayant soin de faire porter les bandes sur le menton et non sur le cou. Le soir, l'œdème a considérablement augmenté et la gêne de la respiration est plus grande que le matin. La voix est éteinte. Un peu de tirage abdomi-nal. Difficulté de la déglutition des liquides.

20 mai. Les signes d'œdème périglottique se sont présentés dans le courant de la nuit, mais cet œdème n'était qu'un œdème de voi-sinage dû à l'inflammation produite par les compressions, car le soir il est en décroissance, de même que les autres symptômes in-flammatoires du pavillon de l'oreille. Dans la nuit, nouvelle hémor-rhagie sur le môme point. On l'arrête facilement.

21 mai. Tampon unique dans le lac vasculaire. Compression di-gitale toute la journée et jusqu'à 11 heures du soir. Le lendemain matin, on reprend la compression digitale, mais dans l'après-midi nouvelle hémorrhagie partant alors directement du pavillon de l'oreille. Le soir, on peut appliquer un appareil construit par M. Collin, présentant une pelote convexe d'avant en arrière, concave de haut en bas, qui embrasse l'attache du pavillon de l'oreille et chargée de faire la compression d'une façon constante.

25 mai. L'appareil tient très-bien en place.

27 mai. Nouvelle hémorrhagie; on défait l'appareil et tout le pansement. Le jet part du pavillon en un point qui correspondrait à l'extrémité inférieure de l'hélix. On l'arrête facilement avec le doigt ; on peut s'assurer que la place qui donnait lieu à de si re-doutables hémorrhagies était en pleine suppuration, se recouvrait

de bourgeons charnus el ne laissait se produire aucun suintement de sang. Pour être maître de l'hémorrhagie il suffit de remettre le pansement en faisant repousser en avant et en haut le pavillon de l'oreille par la pelote de l'appareil. A partir de ce moment, la ten-dance hémorrhagique a pu être considérée comme vaincue. Deux nouvelles tentatives d'hémorrhagie ont eu lieu, l'une le 1er juin et l'autre le 6 juin, et ont été amenées par l'application incomplète de l'appareil résultant du dégorgement des tissus. Comme l'appareil amène des plaques de gangrène cutanées sur le front, on se décide à l'enlever et à appliquer un pansement à l'ouate qui fait une bonne compression.

Sous l'influence de ce pansement, les parties ulcérées se recou-vrent de bourgeons charnus, le gonflement de l'oreille tombe et la malade reprend courage.

13 juin. De nouveau tendance à l'hémorrhagie, toujours par un petit jet ; on cesse le pansement ouaté et on emploie le pansement à l'alcool.

20 juin. Le pavillon de l'oreille est dans l'état suivant : il a di-minué de moitié peut-être, non en dimension verticale et transver-sale, mais du moins en épaisseur; toutes les parties érectilesqui se trouvaient en dehors du pavillon sont guéries, affaissées et recou-vertes de bourgeons charnus dans les points où il y a eu de la gan-grène, et un certain nombre de ces points sont même cicatrisés. Toute la moitié supérieure du pavillon de l'oreille est dure, lisse, ne bat plus, ne présente plus aucun mouvement d'expansion et peut être considérée comme absolument guérie.

La cavité de la conque est déformée, mais on n'y retrouve ni battement ni expansion. Le pavillon de l'oreille n'est plus soulevé en totalité comme avant et l'on voit bien manifestement que les battements désordonnés de la carotide ne se propagent pas à l'oreille.

La malade cependant prétend entendre les bruits de souffle comme avant, un peu affaiblis seulement.

Us n'auraient été arrêtés complètement, dit-elle, seulement pour quelques heures qu'après les deux injections dans les bosselures de la cavité de la conque. — En résumé, on a une guérison de l'ané-vrysme aussi complète qu'on peut la désirer.

21 juin. Embarras gastrique, constipation depuis cinq jours; les parties ulcérées sont recouvertes de très-beaux bourgeons charnus.

22 juin. Vomissements dans la journée et frissons.

25 juin. Les vomissements continuent, rien ne peut les arrêter. Glace et eau de Seltz, vésicatoire à l'épigastre, potion de Rivière : grâce à ces moyens, les vomissements s'arrêtent le soir. Aucune modification des plaies qui restent. On trouve quelques points où le pus séjourne ; débridements multiples.

24 et 25 juin. Les frissons erratiques et irréguliers conti-nuent; rien du côté du foie, rien du côté du cœur et de la poitrine. Pendant ces deux jours la malade a fait des efforts pour vomir et a eu quelques hoquets.

ffijuin. Aggravation des phénomènes, peau chaude et fièvre per-sistante. Embarras de la parole, côté droit de la face un peu tom-bant. Côté gauche un peu contracture. Par moments convulsions cloniques des muscles de la face. Délire la nuit, subdélirium le ma-tin, rien dans les pupilles, soubresauts des tendons, langue humide, mais tremblante.

La malade succombe, le 29 avril, à l'exagération des symptômes fébriles.

Autopsie faite le 50. — On pousse une injection solidifiable dans les carotides. — Cette injection est suffisante; on s'assure que la carotide primitive gauche est environ d'un tiers plus volumineuse que la droite.

Puis disséquant la peau du cuir chevelu et la rabattant en avant avec le pavillon de l'oreille, en rasant les os, on voit que celte par-tie du squelette ne présente aucune dépression au niveau du point où avaient existé des dilatations vasculaires.

On peut par ce procédé rejoindre la carotide interne et suivre do là toutes les artères qui arrivent dans le pavillon de l'oreille, ou dans les parties avoisinantes. On en trouve trois.

L'occipitale, dont le tronc est très-volumineux dans sa branche externe de terminaison qui se rendait à des bosselures vasculaires situées à la base de l'apophyse mastoïde, est oblitérée dans la moi-tié de son trajet, et une branche qui réunissait ces bosselures, sortes de lacs vasculaires, à l'auriculaire est également rétractée et rem-placée par un cordon fibrineux dur.

L'artère temporale est volumineuse à son origine, mais sa bran-che postérieure est trouvée oblitérée presque immédiatement après son émergence par un caillot ancien, et le cordon fibroïde qui rem-place cette branche artérielle conduit dans la partie antérieure et supérieure du pavillon de l'oreille. — Elle fournit avant d'être oblitérée une petite branche artérielle, assez flexueuse néanmoins,

qui contourne la partie antérieure du conduit auditif externe et se termine dans l'origine de l'hélix.

L'artère auriculaire postérieure, au moins quadruplée de volume, contourne en bas le conduit auditif externe et est celle qui a le moins subi l'action des injections coagulantes. — Elle se divise en bas du conduit auditif en trois ou quatre branches volumineuses très-flexueuses, pelotonnées les unes sur les autres. — Elles for-ment un paquet variqueux, correspondant au fond de la cavité de la conque, mais situé profondément. Les autres branches de l'au-riculaire, qui se rendaient aux dilatations vasculaires situées au ni-veau de l'attache du pavillon de l'oreille, se terminent en cul-de-sac lorsqu'on arrive dans le voisinage immédiat des surfaces suppu-rantes qui les ont remplacées.

En résumé, en dehors de la conque et du pourtour du conduit auditif, on ne retrouve aucune branche artérielle un peu volumi-neuse.

Cavité crânienne. A la face interne de la dure-mère, dans la fosse temporo-pariêtale gauche, néomembranes récentes encore peu vasculaires et qu'on enlève très-facilement. On n'en retrouve pas dans d'autres points. Rien dans les sinus; la dure-mère se décolle facilement des os, mais rien de particulier au niveau du rocher gauche. Les os y sont peut-être un peu plus friables, plus secs et plus décolorés. On ne trouve rien de particulier dans l'encéphale.

Cavité thoracique. Rien à noter. Un peu d'œdèmc hypostatique à droite. Pas d'infarctus. Rien dans le cœur.

Foie. Très-volumineux. Contenant un grand nombre d'abcès mé-lastatiques disséminés dans son intérieur et apparaissant à la super-ficie.

La raie est plus volumineuse qu'à l'état normal. On ne trouve rien de particulier dans les autres organes.

Examen microscopique d'une" branche artérielle flexueuse. L'ar-tère examinée était une branche de l'auriculaire postérieure; comparée à celle d'un sujet sain, elle offrait une épaisseur et un volume trois fois plus considérable. La paroi interne, détruite par une injection solidifiable, n'offrait rien d'anormal, au moins dans des couches excentriques.

La couche moyenne, considérablement épaisse, 0mm,l, se composait de fibres musculaires lisses, disposées transversalement, séparées par quelques rares fibres élastiques. Autour des noyaux des fibres

musculaires on remarquait quelquefois des granulations graisseuses. La tunique adventiveou externe n'offrait rien d'anormal. On y voyait beaucoup de nerfs, ce qui est en rapport avec la richesse muscu-laire de la tunique moyenne.

L'artère prise au même point sur un sujet sain offrait aussi les mêmes détails de structure, sauf les granulations graisseuses. En résumé, il y avait là des phénomènes d'hyperplasie avec tendance à la régression1. (Laboratoire d'histologie du Collège de France 1.)

L'examen anatomique des organes démontre, en résumé, que notre malade a succombé très-malheureusement à des accidents d'infec-tion purulente, terrible complication dont la production a été faci-litée par l'anémie dans laquelle elle était tombée, alors qu'on pou-vait considérer comme à peu près guérie la lésion artérielle qui l'avait amenée dans le service.

De l'étude de ce qu'il restait du tissu morbide nous avons égale-ment à tirer une conclusion importante :

C'est que, dans l'examen histologique des branches artérielles qui avaient échappé à l'action coagulante du perchlorure de fer et comprises dans le tissu morbide, la théorie de M. Virchow (ainsi que M. le docteur Terrier le fait remarquer dans sa thèse d'agré-gation), tendant à expliquer le processus morbide, par une hypertro-phie irritative de la couche moyenne à laquelle succéderait une dégénérescence graisseuse, trouve une confirmation dans notre fait.

De plus, l'existence des lacs vasculaires, tels que les a décrits M. le professeur Broca, est assez improbable si nous nous en rapportons à l'examen anatomique des parties dans lesquelles, pendant la vie, on eût été porté à croire à leur réalité. Nous ne pouvons pas néan-moins être très-affirmatif à ce sujet, eu égard aux modifications con-sidérables que la suppuration prolongée avait produites en ces points. Cependant l'arrivée , constatée à l'autopsie de nombreuses branches artérielles cirsoïdesà chaque bosselure, doit porter à croire qu'il y avait en ces endroits de véritables lacunes telles qu'on les a décrites, et que ces bosselures étaient plutôt constituées par des paquets d'ar-térioles sinueuses, enchevêtrées les unes dans les autres et présen-sentant par place des dilatations latérales plus ou moins volumi-neuses.

1 M. L\bbk a communiqué cette observation à In Société de chirurgie.

ÉLEGTROTHÉRAPIE

DE L'ACTION THÉRAPEUTIQUE DES COURANTS CONTINUS

Leçon faite le 15 juillet à la Salpètrière par M. ONIMUS. — fis —

Avant de vous présenter les malades qui depuis plusieurs mois ont été traités dans cet hospice par nous et par le docteur Lelorrain, qui a bien voulu nous seconder, je vous dirai quelques mots de l'intensité du courant à employer et de la durée de l'électrisation.

h'intensité varie selon les cas, depuis celle fournie par quatre jusqu'à cinquante et même soixante éléments. Mais en règle géné-rale, il faut que la sensation ne soit jamais douloureuse, et qu'elle puisse être supportée par les malades. On peut même employer des courants assez intenses, mais seulement dans les cas où l'on agit sur des paralysies périphériques, sur des atrophies muscu-laires, sur des contractures, sur des anesthésies, et même dans quelques cas d'affection chronique de la moelle, en un mot, dans tous les cas où il n'y a aucun danger à exciter la peau et la circu-lation. Il n'en est plus de même dans les cas de névralgie, d'irri-tation spinale, lorsqu'on agit près de la tête ou sur la tête. Dans ces cas, il faut que la sensation soit à peine perçue par le malade, et c'est surtout alors que le galvanomètre est d'une grande utilité, car lui seul doit indiquer que le courant traverse les tissus. Nous avons toujours insisté sur ce point, et nous sommes partisan de l'emploi d'un courant modéré et assez longtemps prolongé.

Mais il y a des limites forcées dans la modération et dans la durée, et je ne crois pas qu'il soit utile de vouloir, comme l'a fait récemment M. le docteur Lefort, préconiser les courants excessive-ment faibles et permanents. C'est une tentative qu'avait déjà faite autrefois Hiffelsheim avec les chaînes Pulvermacher, et il commen-çait à y renoncer vers la fin de sa vie, préférant des courants plus énergiques et d'une durée moins longue.

Certes, avec les éléments employés par M. Lefort, le courant est plus constant qu'avec les chaînes de Pulvermacher, mais ce procédé offre néanmoins de grands inconvénients. D'abord le courant n'est même pas constant, car la conductibilité de la peau varie certai-nement d'un moment à l'autre à mesure que l'épiderme est plus

Iure variant de 0,2 à 0,8 de degré, tandis qu'il y avait une éléva-tion à peu près correspondante dans le membre parcouru parle courant descendant. Mais cette différence de température ne s'ob-serve que pendant la première heure, elle disparaît les heures sui-vantes, et pour les deux membres la température reste alors la môme et un peu plus élevée que précédemment.

Quant à l'influence de la direction sur le système nerveux, ce n'est pas là une simple action locale due à une action chimique ou à la différence d'action sur la circulation ni même à une polarisa-tion spéciale, c'est une influence directe produite justement par la direction qui, par elle-même, a une action différente selon qu'elle est identique ou opposée à celle que parcourt le flux nerveux.

Néanmoins, dans les cas où il est difficile de bien limiter la direc-tion des courants, il faut se rappeler que le pôle positif est calmant et sédatif, tandis que le pôle négatif est excitant. Cette différence d'action est 'assez intéressante à rapprocher de l'action de l'électri-cité atmosphérique. Dans les temps ordinaires, l'électricité de l'atmosphère dans laquelle nous sommes plongés est positive, tandis qu'elle devient négative à l'approche des orages et pendant les orages, et vous savez combien les personnes nerveuses ressentent vivement les conditions atmosphériques.

Parmi les malades que nous avons soignées dans le service de M. Gharcot, nous vous présentons trois cas d'hémiplégie chez les-quels nous avons obtenu des résultats satisfaisants. Chez deux d'entre elles il y a eu, en même temps, une aphasie complète et qui durait jusqu'à ces derniers temps ; pour toutes deux la para-lysie est à droite. Chez la première, la maladie date de deux ans et demi, et ce n'est qu'au bout de onze mois qu'elle a pu commencer à marcher un peu. Quant au bras, il était presque complètement immobile et contracture quand nous avons commencé le traitement, il y a cinq mois. La parole était très-embarrassée et, de plus, la moitié droite de la figure était encore un peu paralysée. Aujourd'hui la parole est plus facile, elle peut presque porter le bras sur la tête, se servirmi peu de sa main, et étendre un ou deux doigts.

Chez la seconde, âgée de 32 ans et dont l'attaque remonte à deux ans, l'aphasie était complète et c'est à peine si la malade pouvait dire oui. Le membre supérieur était complètement inerte et aujour-d'hui après une quinzaine de séances, elle peut dire quelques mots de plus, et son bras a un peu plus de souplesse et fait plus de mou-vements.

Chez la troisième, âgée de 53 ans, dont l'attaque remonte à huit mois, l'usage des membres était revenu assez promptement, mais il lui restait un peu de difficulté dans les mouvements, de la pesan-teur du membre et de la faiblesse. Le traitement par les courants continus a fait disparaître la plupart de ces symptômes.

Dans les cas d'hémiplégie, nous agissons non-seulement sur les membres paralysés, mais encore nous faisons passer un courant à travers la tête. Ce courant de 8 à 12 éléments n'est maintenu que pendant une à deux minutes, et lorsqu'on a soin de ne mettre ni d'enlever les rhéopbores brusquement, il n'y a ni phosphènes, ni vertige et ce mode opératoire n'offre aucun danger.

C'est là un des grands avantages des courants continus, c'est qu'ils peuvent être appliqués sans inconvénient sur les centres nerveux et même sur l'encéphale. Jusqu'à présent, médecin et public, ont considéré l'électricité comme agissant toujours comme excitant énergique et ont craint de l'employer du côté de la tète. C'est une erreur, car les courants continus peuvent agir comme sédatif et comme calmant, et il n'y a peut-être aucun agent qui, dans certains cas, détermine aussi sûrement un sommeil calme et pro-longé. Cette influence est due à l'action incontestable des courants continus sur la circulation intra-crânienne. Mais c'est surtout dans ces cas qu'il faut tenir compte de la direction des courants.

Voici une expérience qui, sous ce rapport, est bien importante: Sur un chien robuste, nous avons trépané le crâne afin d'examiner l'état des vaisseaux cérébraux sous l'influence des courants continus. En mettant le pôle positif sur la portion du cerveau mis à nu et le pôle négatif sur une plaie du cou, on déterminait un resserrement des vaisseaux et le cerveau s'affaissait légèrement, mais d'une ma-nière visible. En mettant au contraire le pôle positif sur la plaie du cou et le pôle négatif sur le cerveau, on observait une injection des capillaires cérébraux et le cerveau faisait hernie à travers l'ouver-ture pratiquée sur la voûte crânienne.

Le meilleur moyen d'agir sur la circulation intra-crânienne n'est pas toujours de faire passer un courant à travers la tête, en met-tant par exemple le pôle positif sur le front et le pôle négatif sur la nuque ; on peut agir aussi efficacement en électrisant le ganglion cervical supérieur. Les phosphènes et les vertiges que l'on peut produire en électrisant le ganglion cervical en sont une preuve certaine. Mais cette influence peut même être observée directement en examinant en même temps l'état des vaisseaux de l'œil au moyen

humecté ou qu'il est détruit, comme cela arrive presque toujours.

En second lieu, comme nous vous l'avons démontré dans la der-nière séance, les courants électriques agissent surtout par leur ten-sion; or la tension de trois à quatre couples de Daniell est presque insignifiante. Elle ne commence à avoir réellement d'action, avec un si petit nombre d'éléments, que lorsque l'épiderme est enlevé, mais alors on détermine fatalement des eschares.

Le seul avantage de ce procédé, c'est que l'on peut, pour ainsi dire, abandonner l'électricité à elle-même, et qu'on n'est point obligé de maintenir soi-même les rhéophores. Mais cela n'est avan-tageux que pour le médecin et non pour le malade. Il est nécessaire, au conlraire, que le médecin soit constamment présent à l'applica-tion des courants électriques et que ce soit lui-môme qui maintienne les tampons. C'est à lui à savoir la pression nécessaire, le point spécial qui doit être éleclrisé, les trajets des nerfs; à surveiller et à diriger, en un mot, tous les détails. On ne se figure pas combien ces conditions, qui paraissent insignifiantes, sont au contraire d'une réelle importance. Il faut avoir la science nécessaire et l'expérience voulue, aussi bien pour appliquer un tampon d'un appareil élec-trique, qu'en hydrothérapie il est utile de savoir manier le jet d'eau, et personne ne soutiendra qu'il est indifférent que la douche soit donnée au hasard par des étrangers ou qu'elle soit administrée par un médecin expérimenté. lien est de même en électrothérapie, et si fastidieux que soit ce mode opérato;re, il faut l'accepter, sous peine de ne faire qu'un traitement incomplet.

Nous ne voulons pas dire pour cela que les courants très-faibles et appliqués pendant plusieurs heures consécutives soient nuisibles. La question se réduit uniquement à savoir quel est le meilleur pro-cédé; est-ce celui qui consiste dans des courants faibles et perma-nents ou celui qui consiste dans des courants plus énergiques et dont la durée varie de dix à trente minutes?

Dans les observations de M. Lefort nous aurions voulu trouver celte comparaison, afin de pouvoir juger de la valeur des deux pro-cédés. Celte comparaison, nous l'avons faite; dès le mois de décem-bre, avant la communication de M. Lefort, nous avons voulu re-prendre ces questions qui avaient tant intéressé Hiffelsheim et que posait également M. Becquerel dans son rapport à l'Académie des sciences. Eh bien, dans aucun des cas, ni dans des cas d'atrophie, de rhumatisme articulaire chronique ou de contracture hystérique, nous n'avons eu de meilleur résultat qu'en agissant avec des cou-

ranls plus énergiques et d'une durée moindre. Loin de là, nous avons observé des inconvénients très-grands chez quelques-unes des malades, les unes accusant des insomnies, les autres un peu de fièvre et d'excitation. Pour presque toutes, même avec quatre et six éléments, nous avons déterminé des eschares qui n'ont guéri qu'au bout de deux à trois mois.

En somme, les courants très-faibles n'agissent guère, que lorsque l'épiderme est parfaitement humecté et dénudé ; car dans les cas ordinaires, l'épiderme offre une telle résistance que l'action de deux à quatre éléments Daniell devient insignifiante. L'influence si émi-nemment utile de la tension est de plus presque nulle, et ne peut s'exercer que lorsque l'épiderme est détruit, mais alors l'action chimique des courants désorganise les tissus en contact avec les rhéophores, et il se forme des eschares qui mettent des mois à guérir et qui sont une cause d'excitation.

Le procédé ne peut donc tout au plus être employé que dans des cas très-limités, chez des personnes-peu excitables, et même dans ces cas, il n'offre aucun avantage sur le procédé ordinaire.

Dans l'application des courants continus, il est nécessaire de tenir compte de la direction des courants, car l'action du courant est différente sur la circulation et sur le système nerveux, selon que le courant est ascendant ou descendant. Avec M. Ch. Legros, nous avons découvert ces deux lois qui doivent toujours nous être présentes dans les applications électrothérapeutiques : 1° le courant ascendant resserre les vaisseaux et diminue la circulation, tandis que le courant descendant dilate les vaisseaux et amène une congestion plus ou moins forte ; 2° le courant ascendant excite la moelle et agit plus vivement sur les nerfs sensitifs, tandis que le courant descendant diminue l'excitabilité de la moelle, empêche les actions réflexes et agit principalement sur les nerfs mo-teurs.

L'influence de la direction des courants sur la circulation est très-manifeste dans beaucoup de cas et elle est très-nette dans les expériences physiologiques. Elle est également sensible au ther-momètre surtout pour des courants énergiques et momentanés. Avec des courants plus faibles et prolongés pendant quelques heures, cette influence existe encore, mais elle n'agit que pendant les.premiers instants. Nous avons, chez quelques malades, fait des recherches à ce sujet, et nous avons observé dans le membre par-couru par le courant ascendant un léger abaissement de tempéra-

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DES HOPITAUX

Planche XXIX.

CONTRACTURE HYSTÉRIQUE AVANT L'ËLECTRI S AT I O N

de l'ophthalmoscope. Nous avons, il y a quelque temps, fait ces re-cherches avec le docteur Daumas, et voici les phénomènes qu'on observe très-nettement. Au moment où l'on ferme le circuit, il y a un léger resserrement des artérioles et les veines au contraire se gonflent, puis, pendant tout le temps que dure l'électrisation, les artères sont plus grandes et plus apparentes, et les veines reprennent leur calibre normal. Au moment où l'on cesse le courant, il y a de nouveau un léger resserrement artériel et un gonflement des veines. Quelques minutes après l'électrisation, on trouve encore les artères plus pleines et pur conséquent une circulation plus active.

Si au lieu d'agir sur le ganglion cervical supérieur, on met un des pôles sur le front et l'autre sur la nuque, on observe les mêmes phénomènes, mais même un peu moins prononcés. Dans ce cas, lorsque le pôle positif est placé sur le front, les artérioles sont beau-coup moins dilatées que lorsqu'on y met le pôle négatif.

Ces changements dans la circulation intra-oculaire sont moins prononcés dans les cas d'atrophie de la pupille, mais ils existent cependant cl ainsi peut s'expliquer comment, dans quelques cas, on peut arrêter celte atrophie et même obtenir une amélioration. Dans trois cas d'atrophie de la pupille, nous avons incontestable-ment obtenu une amélioration notable, et uniquement en électrisant le ganglion cervical supérieur. Dans d'autres cas, la maladie sans s'améliorer a été enrayée et n'a plus fait le moindre progrès ; mais il en est d'autres enfin où nous n'avons pu obtenir aucun résultat, et l'atrophie a continué à envahir le nerf optique.

Chez deux des malades atteintes d'hémiplégie que nous venons de vous présenter, nous avons également observé un autre fait qui est très-important et qui démontre bien l'influence des courants continus sur la circulation. Chez une de ces malades les règles avaient disparu pendant un an après son attaque et ne revenaient depuis cette époque que très-irrégulièrement et très-faiblement. Dès les premières semaines du traitement par les courants continus, les règles sont devenues plus abondantes ef régulières.

Chez la dernière malade, qui n'est en traitement que depuis un mois ei. demi, les règles avaient complètement disparu depuis son attaque, qui a eu lieu il y a près de deux ans, cinq semaines après un accouchement. 11 y a dix jours, ses règles viennent de réappa-raître pour la première fois.

Ce n'est pas là une simple coïncidence, car chez d'autres malades nous observons les mêmes phénomènes. Une femme atteinte de

contracture hystérique, et une autre atteinte de myélite chronique, ont toutes deux, d'elles-mêmes, fait observer que leurs règles venaient plus abondamment et que, loin de relarder comme précé-demment, elles étaient plutôt en avance de quelques jours.

Chez ces deux dernières malades nous avons également obtenu des résultats avantageux. Chez la femme atteinte de contracture hystérique dans la jambe droite, la contracture était tellement forte, que le pied tout entier était roicle et comme d'une seule pièce, et qu'elle ne pouvait ni fléchir le genou ni remuer en aucun sens aucun doigt du pied. (Voy. Planche XXIX.) Aujourd'hui, elle peut fléchir un peu le genou, et elle peut mouvoir ses doigts de pieds. (Planche XXX1.)

Chez la femme atteinte de myélite, voici les principaux points qui ont été améliorés : la sensibilité des jambes est plus grande, les mouvements lorsqu'elle est couchée sont plus faciles et plus éten-dus, et elle peut mieux se tenir sur ses jambes. Les actions réflexes, qui étaient très-prononcées, sont plus faibles, et il se passe actuel-lement des journées entières sans qu'elle éprouve de soubresauts. Enfin elle peut mieux retenir ses urines et ses jambes, qui étaient enflées tous les soirs, ne présentent plus de gonflement.

Un des plus beaux succès de l'action des courants continus est celui que nous avons obtenu chez une malade qui avait une atrophie musculaire généralisée à la suite d'une fièvre typhoïde suivie d'acci-dents divers et d'une longue convalescence. La maladie aiguë date de cinq ans, et la malade est à la Salpêtrière depuis le 2 mars 1871. Elle ne pouvait, quand nous avons commencé le traitement, se ser-vir de son bras et de sa main ni pour manger, ni pour s'habiller; il y avait une atrophie visible à l'œil nu dans tous les muscles du bras et de l'épaule, et surtout dans les muscles de la main et dans les extenseurs de l'avant-bras. Aujourd'hui, elle se sert parfaitement

1 Les planches XXIX et XXX sont relatives à une malade nommée V... Clé-mence, dont nous avons publié ailleurs l'observation complète (de la Contracture hystérique permanente, par Bourneville et P. Voulct, obs. XIV, p. 9i). La pre-mière photographie a été faite avant le traitement par l'électricité (1871); on voit que, à cette époque, la contracture était très-prononcée, et que les pieds, surtout le droit, étaient fortement contractures et déformés. La seconde photo-graphie a été faite au commencement du mois d'août dernier. Elle nous montre que la malade peut fléchir ses jambes et que les pieds sont revenus à peu près à leur situation normale. Bien que la deuxième photographie soit faite à un grossissement un peu plus grand que la première, il est cependant facile de constater que les membres sont devenus plus volumineux : c'est en effet ce qui est incontestable (R).

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DES HOPITAUX

Planche XXX.

CONTRACTURE HYSTÉRIQUE APRES L'ELECTRISATION

de son bras et de ses mains, elle peut coudre, tricoter, se peigner elle-même; néanmoins, ses muscles sont loin d'être déjà revenus complètement à l'état normal.

Chez cette malade, on obtient avec une facilité étonnante ce que Remaka appelé les contractions galvano-toniques. Ce phénomène, bien difficile a obtenir dans tous les cas, tellement qu'il a élé nié par M. Duchenne, consiste dans un raccourcissement permanent de la fibre musculaire pendant tout le passage d'un courant continu. On sait qu'en général, les courants continus ne déterminent de con-traction qu'au moment de la fermeture et au moment de l'ouver-ture du courant, tandis que dans ces cas, il y a une contraction qui subsiste pendant tout le temps que le courant continu est appliqué sur les muscles ou sur les nerfs des membres.

La contraction galvano-tonique est un phénomène réflexe, et ne s'observe que chez les personnes très-excitables et surtout avec l'emploi d'un courant ascendant. Chez cette malade, nous avons également observé un phénomène très-rare et qui prouve aussi la grande excitabilité de son système nerveux. Nous ne pouvions jamais approcher un rhéophore des vertèbres cervicales, que ce fût le pôle positif ou le pôle négatif, sans qu'aussitôt la malade eût des envies de vomir. Si l'on maintenait malgré tout, les rhéc-phores, ou si on employait même sur les vertèbres dorsales, un courant très-fort, les vomissements se répétaient dans la journée et il survenait un léger accès de fièvre. C'est la seule malade où nous ayons observé ces phénomènes.

Chez une autre malade atteinte d'atrophie musculaire progres-sive, le résultat ne paraît pas bien satisfaisant au premier abord, mais néanmoins il est digne d'être noté. Celte femme, en effet, depuis onze ans, a vu successivement tous ses muscles des membres supérieurs s'atrophier les uns après les autres, en commençant par les muscles de l'éminence thénar. Depuis qu'elle est en traitement non-seulement la maladie n'a plus fait de progrès, mais elle peu t faire quelques mouvements plus étendus : elle peut par exempl e porter son bras en arrière, ce qu'elle ne pouvait plus exécuter. Quand on songe au pronostic terrible de celte affection, et à sa marche toujours progressive, on peu!, avec raison, considérer comme un fait très-heureux de voir la maladie s'arrêter, et se féliciter de l'amélioration, si légère qu'elle soit.

Nous avons encore employé les courants continus chez des femmes atteintes de paralysies agitantes ; elles prétendent avoir

moins de tremblement; mais, à vrai dire, le résultat n'est pas bien brillant. I! a été un peu plus réel chez des malades atteintes de chorée des vieillards.

Dans des cas de rhumatisme articulaire chronique et d'arthrite goutteuse, nous sommes parvenus à donner aux articulations un peu plus de mouvements, mais nous n'avons pas obtenu de gué-rison complète, ni une amélioration aussi notable que celle que nous avons obtenue dans d'autres cas identiques. Chez une de ces malades, l'amélioration très-grande au début a été arrêtée depuis l'époque où nous avons employé des courants faibles et permanents, bile a eu, à la suite de ce traitement, des eschares et des petits accès fébriles, qui ont fait disparaître les progrès qui avaient été obtenus précédemment avec des courants momentanés.

11 ne faut pas oublier que, dans cet hospice, nous travaillons en général dans le vieux et dans l'incurable, et cependant il est incontestable que, dans un certain nombre de cas, nous avons eu des résultats qu'il eût été difficile d'obtenir avec d'autres agents thérapeutiques. Nous sommes loin de vouloir exagérer cette action, et nous lutterons toujours contre ceux qui veulent faire de l'élec-tricité une panacée universelle ; mais nous avons le droit aujour-d'hui d'affirmer son utilité et son influence médieatrice. Certes, pas plus qu'aucun autre agent, elle ne peut guérir des lésions orga-niques profondes qui ont fait disparaître une portion du tissu propre, elle ne dissout pas les plaques scléreuses, et ne fait point disparaître les éléments de formation pathologique, pour les rem-placer par de nouveaux tissus. Comme tous les agents, elle ne peut qu'amener des modifications dont les éléments vivants peuvent pro-fiter pour rentrer dans l'état normal; comme tous les autres agents, elle est obligée de subir la fatalité des lois physiologiques et pa-thologiques.

Mais, nous possédons dans les différents courants électriques un .moyen puissant d'agir sur la circulation, sur la nutrition générale et sur le fonctionnement du système nerveux; il s'agit seulement de savoir à quel moment et comment cette action doit être dirigée. Comme tous les autres agents thérapeutiques, l'électrothérapie a besoin de l'expérience et de recherches calmes et sérieuses; mais, peut-être plus que toute autre science, elle doit reposer sur des notions exactes de physique, de physiologie et de clinique. Si elle n'est point fondée sur ces bases solides, elle n'est qu'un moyen

empirique, qui peut réussir quelquefois par hasard, mais qui sou-vent aussi peut être nuisible.

REVUE ANALYTIQUE

MALADIES DES FEMMES 1

VI. Péritonite mortelle a la suite d'un simple toucher vaginal.— Il est quelques circonstances dans lesquelles le toucher vaginal peut devenir fatal pour les malades. Récemment M. Verneuil a entretenu la Société de chirurgie de cas de polypes ulcérés de l'uté.us chez lesquels une seule exploration a déterminé la mort. Voici le résumé d'un fait rapporté par M. Gillette et dans lequel un simple toucher vaginal provoqua une péritonite mortelle.

Une femme de 40 ans entra à l'hôpital des Cliniques, se plaignant d'un malaise général et d'une pesanteur périnéale. Au bout de deux ou trois jours, on pratiqua le toucher vaginal qui fit constater l'exis-tence d'un léger abaissement de la matrice. Le jour qui suivit celte exploration, la malade fut prise de péritonite suraiguë: la mort arriva quarante-huit heures après. A l'autopsie, outre les lésions d'une péritonite généralisée, on trouva une congestion manifeste de la trompe gauche: l'ovaire gauche était tuméfié, rouge et entre cet organe et la trompe existait une petite cavité remplie de pus et de. fausses membranes.

Ces dernières lésions semblent évidemment avoir été le point de départ de la péritonite. Sans nul doute, on avait eu affaire à une de ces affections latentes, annexes de l'utérus, affections insidieuses dans leur allure et auxquelles une manœuvre opératoire quelcon-que, le toucher même, suffit pour imprimer une marche inflamma-toire suraiguë et susceptible, par son extension, de déterminer la mort. — (Gazette des hôpitaux, 1873.)

VIL De la guérison par résorption des tumeurs dites firreusfs de l'utérus. — Les tumeurs fibreuses de l'utérus peuvent disparaître, sans opération chirurgicale, de plusieurs manières : par expulsion spontanée, par destruction gangreneuse ou suppurative et aussi par

1 Voy. Revue photographique des hôpitaux, p. 267.

résorption. La disparition par résorption est rare: cependant plu-sieurs exemples de ce mode de guérison ont été signalés par Cazeaux, Scanzoni, MM. Courty, Béhicr, Depaul, Ilerpin. — M. Guéniot a eu également occasion d'en observer un cas remarquable. Il s'agit d'une femme portant un énorme fibrome de la matrice ainsi que plusieurs petites tumeurs de même nature sur le corps de l'organe. Cette femme était enceinte : elle accoucha sans accident, malgré la présence de la tumeur. Quelques mois après, cette tumeur commença à diminuer de volume, et le 27 décembre 1871, la disparition était définitive. Comment expliquer cette disparition? Autant qu'il est permis d'en juger, les myomes utérins, pour être susceptibles de résorption, doivent subir au préalable l'altération graisseuse de leur masse. D'après cette donnée, l'emploi des substances stôatogènes, arsenic, phosphore, semblerait indiquée, suivant M. Guéniot, pour amener ce résultat. C'est à l'expérience à confirmer cette manière devoir. (Bull, génér. de the'rap., mars 1872.)

VIII. Du cancer du col de l'utérus au début, par le professeur Hegar (de Fribourg-en-Br.). — Le cancer du col cle l'utérus est beaucoup mieux connu dans ses périodes avancées qu'à son stade de début. La plupart des ouvrages de gynécologie sont peu explicites à ce su-jet, ou du moins donnent des descriptions qui, évidemment, n'ont pas été prises d'après nature : celles-ci sont trop claires, trop nettes, trop embellies, suivant l'expression de M. Hegar, pour n'être point une fiction de l'esprit ou le simple résultat d'un raisonnement par analogie. — Ainsi Gusserow, dans un mémoire tout récent sur le carcinome (Sammlung Klinicher Vortràge von Yolkman, n° 18) prétend que celui-ci est toujours facile à reconnaître, même au dé-but ; il lui assigne, à l'imitation des ouvrages classiques, les carac-tères suivants : tubercules durs et bosselés, disséminés dans la por-tion sous-vaginale et recouverts par la muqueuse encore parfaitement saine.

Telle n'est point l'opinion de M. Hegar; le professeur de Fribourg a eu l'occasion d'observer un mode de début du carcinome du col essentiellement différent. 11 s'agit d'une femme présentant une ôlon-gation hypertrophique du col de l'utérus, avec saillie de celui-ci àla vulve. Deux faits frappèrent M. Hegar à savoir : l'âge avancé de la malade, qui avait 08 ans, et la consistance molle de la tumeur hy-pertrophique, qui ne présentait qu'une légère érosion au niveau de l'orifice externe.

La résection du col fut pratiquée, et à l'examen microscopique de la pièce enlevée, ou reconnut un épithélioma. D'autre part, la plaie ne guérit pas vite et présenta bientôt des végétations fon-gueuses qui durent être détruites par le fer rouge.

Bien que les autres faits reproduits par M. Ilcgar soient bien moins concluants, il reste hors de doute que le cancer du col peut débuter d une façon insidieuse, sans revêtir aucun des caractères qu'on lui assigne généralement. La preuve de cette assertion est la facilité avec laquelle on méconnaît cette affection dans son stade de début. Nous avons observé souvent des femmes atteintes de carci-nome dans une période avancée, traitée depuis longtemps par leur médecin pour un simple catarrhe, avec érosions ou ulcérations. Pendant qu'on faisait à ces malheureuses force promesses de prompte guôrison, le mal empirait rapidement... Le mémoire de M. Ilegar, fort incomplet, est néanmoins utile, car il attire l'attention sur un point important de la pathologie utérine et fait voir les difficultés réelles d'un diagnoslic réputé facile, bien à tort (Arch. de Virchoiv, 1872). F. VlLLARD.

CHIRURGIE 1

XI. Contribution a l'étude de la macroglossie, par le D1' Carl Arnsteln. — Un petit nombre de cas de macroglossie bien étudiés, l'intérêt histologique qui s'y rattache, ont engagé M. Arnstein à pu-blier le fait suivant dans tous ses détails :

Eudoxie J., âgée de 12 ans, présentait, depuis sa naissance, une langue excessivement grosse; il y a deux ans, celle-ci fit prolapsus hors delà bouche. Alors, la pointe de la langue descendit plus bas que le menton, les incisives et le rebord alvéolaire de la mâchoire inférieure furent repoussés en avant. — L'opération fut très-simple : on fit avec le bistouri une incision triangulaire, et l'on retrancha la plus grande partie de la langue : la plaie guérit par première in-tention. La portion enlevée mesure 5 centimètres en long et en large ; elle a 3 centimètres d'épaisseur. La pointe de la langue est fortement tronquée. Les papilles sont notablement hypertrophiées, de telle façon que le papilles fungiformes atteignent les dimensions des papilles caliciformes : la couche épithéliale est également épaissie.

La surface inférieure de la langue est assez régulière, cependant 1 Voy. Revue photographique des hôpitaux de Paris, p. 121 et 229.

çà et là se trouvent quelques saillies arrondies de la grosseur d'une tête d'épingle ou même d'un pois.

La coupe présente un aspect rose pâle : on aperçoit des traînées de tissu conjonctif séparées par un tissu spongieux et grisâtre, un tissu semblable sépare également la muqueuse des parties sous-jacentes, sous forme d'une mince couche grisâtre.

Ce tissu spongieux existe principalement à la face inférieure de la langue; là il semble percé de trous dont quelques-uns atteignent les dimensions d'une tête d'épingle.

Au microscope, on voit les faisceaux musculaires séparés par de larges traînées de tissu conjonctif : on peut distinguer dans ces dernières un syslèmc de lacunes, appréciable même à un faible grossissement. Muscle et élément intermusculaire ont été soumis à un examen approfondi par M. Arnstein ; nous ne pouvons que ré-sumer ici ses conclusions :

Pour l'élément musculaire de la tumeur linguale, il n'est pas possible d'affirmer qu'il n'y ait eu néoformation ; la largeur de cer-tains faisceaux musculaires varie, il est vrai, entre 0,18 et 0,03mm, mais ce fait n'est pas de grande valeur dans cette région.

Les formations intermusculaires doivent être décrites sous la dé-nomination de lymphadénome caverneuse, dont elles présentent tous les caractères.

M. Arnstein s'attache à démontrer que cette tumeur est due à un travail d'infiltration et non de prolifération. « La belle découverte de Conheim, dit-il, ne saurait recevoir une plus éclatante vérifica-tion que dans notre cas ; nous nions non-seulement l'existence du tissu adénoïde, mais encore tout processus proliférant dans le tissu primitif de cette tumeur ; il s'y produit, au contraire, d'une façon évidente une infiltration de cellules arrondies; l'infiltration augmen-tant, les fibres du tissu conjonctif sont séparées et écartées par les cellules ; il en résulte finalement un feutrage qu'on ne saurait con-fondre avec le tissu adénoïde proprement dit. » — Yirchow était-il de bonne foi en décrivant parfaitement ces accumulations de leu-cocythes dans les tumeurs leukémiques (tome 11, des Tumeurs), et en se gardant d'admettre qu'ils pussent provenir d'une extravasa-tion des éléments du sang? (Archiv. de Virchow, 1872.)

XII. Considérations sur la formation de l'éhderme a la surface des plaies, par le Dr Maximilian Schuller. — Quelle est la nature du travail qui se produit à la périphérie d'une plaie en train de bour-geonner et se recouvrant peu à peu d'une mince couche épider-

mique? Cotte question délicate a déjà été traitée antérieurement par Thierras et Billroth; plus récemment, M. Schüller s'est appli-qué à suivre le processus histologique qui amène la formation de Tépiderme. Ces dernières recherches confirment les résultats an-térieurs : la précision des détails, l'exactitude des dessins annexés au texte contribuent à élucider plusieurs points qui n'étaient encore qu'ébauchés ; en somme, le mémoire de Schüller constitue un pro-grès réel.

Voici, du reste, la façon dont l'auteur a procédé dans ses recher-ches : Un jeune homme avait eu le petit doigt complètement mutilé par un coup de feu; quatorze jours après l'accident, la plaie bour-geonnait activement, mais les désordres étaient tels que ce doigt ne pouvait jamais être que gênant pour le blessé. L'amputation fut pratiquée, et la pièce anatomique plongée immédiatement dans une solution d'acide chromique au i/50me, puis au bout de deux jours dans l'alcool.

La consistance des granulations devint telle qu'il fut possible de pratiquer les coupes les plus fines et d'apprécier nettement les rapports de l'épiclerme avec les bourgeons charnus. Les deux cou-ches superficielles de Tépiderme (zone cornée et zone pellucide) ne jouent qu'un rôle insignifiant; le corps muqueux de Malpighi, couche essentiellement vivante, présente, au contraire, des phéno-mènes très-intéressants. Elle passe sur les saillies formées par les bourgeons et s'enfonce dans leur profondeur. Par la prolifération active de ses éléments, le corps muqueux envoie des prolongements partout où il ne rencontre pas de résistance et s'étend aussi dans diverses directions. Un travail semblable s'établit autour des vais-seaux au voisinage desquels s'accumulent les cellules epitheliales. Les bourgeons eux-mêmes présentent les modifications suivantes : la substance intercellulaire devient plus dure, striée, souvent même réticulée; les vaisseaux comprimés par l'épithélium disparaissent en partie, et il ne reste plus que quelques ramuscules centrales. Finalement, la structure du bourgeon se rapproche complètement du tissu conjonctif : il en résulte un corps papillaire d'abord informe et irrégulier, mais qui, avec le temps, se rapprochera de l'état nor-mal. (Ibid.)

E. Dupuy.

1 Yoy. pages 147 et 515.

THÉRAPEUTIQUE

II. Du TRAITEMENT DU TREMBLEMENT MERCURIEL IAR i/lIYDOCIAMINE

et la saturine1. — Nous allons à présent donner un résumé de l'observation d'un malade en traitement, et qui a été communi-quée à M. Gairal, par M. Pillot, élève des hôpitaux.

Observation VIII. -- Tremblement mercuriel remontant a un mois envi-ron. — Traitement par l'emploi simultané de bains sulfureux et de l'hyos-cyamine.— Amélioration rapide. — M..., âgé de 52 ans, doreur sur cristaux depuis trente ans, a été pris pour la première fois d'accidents d'intoxication mercurielle, il y a un mois environ, vers le 10 décembre 1871. Le tremble-ment a commencé d'une façon brusque, et s'est manifesté à la fois dans les membres supérieurs et les extrémités inférieures, et dans la tête, mais là d'une façon insensible. Peu à peu, le tremblement devint continuel, et au-jourd'hui il est très-prononcé. La démarche est difficile et chancelante; la préhension des petits objets est impossible. Tel est, en résumé, l'état dans lequel on trouve le malade, le 9 janvier 1872, à son entrée à l'hôpital. Après quelques jours de repos, le malade est soumis au traitement suivant: Matin et soir, il prend 1 pilule d'hyoscyamine de 1 milligramme, et tous les jours un bain sulfureux.

16, 17, 18, 19 janvier. Pas de modification.

20 janvier. Le malade aies pupilles légèrement dilatées; son sommeil a été troublé par des rêves. On trouve une légère modification dans le trem-blement. Il est certainement moindre quand le malade est au repos, mais il conserve les mêmes caractères et la même intensité, quand il veut faire un mouvement et est préoccupé. — 24 janvier. Sécheresse de la gorge.

26 janvier. Rêves continuels; pupilles dilatées. Le tremblement a les mêmes caractères, mais avec une intensité infiniment moindre, car le ma-lade peut écrire quelques mots, chose qui, à son entrée, lui était absolu-ment impossible. Il peut manger et boire presque commodément, et ne répand plus ses aliments sur son lit, comme il le faisait auparavant.

50 janvier. Les secousses vives ont absolument disparu ; la tête ne tremble plus du tout; à certains moments, il y a un peu de gêne dans la parole, pas dans la mastication. Le malade prend très-facilement une épin-gle ; il n'arrive encore qu'avec peine à tourner les feuillets d'un livre. Le bras droit est toujours plus agité que le gauche ; la marche n'a plus d'in-certitude. — 2 février. L'amélioration persiste et continue.

Nous ne possédons pas la fin de cette observation. Quel en a été ou quel en sera le résultat ? Si nous nous en rapportons aux cas pré-cédents, nous sommes en droit d'attendre, sinon une guérison com-plète, du moins une amélioration considérable que l'emploi de riiyoscyamine, continué pendant un temps suffisant, pourra rendre continue et persistante.

A côté de l'alcaloïde de la jusquiame se trouve l'alcaloïde du da-tura slramonium ; leur histoire est intimement liée, car leurs pro-priétés thérapeutiques ont de grandes analogies. Rien d'étonnant donc à ce que la daturine soit ou ait été employée là où l'hyoscya-mine semblait produire des résultats satisfaisants. Nous ne trouvons pourtant, dans les thèses de MM. Laurent et Gairal, qu'une seule observation de tremblement mercuriel traité par la daturine ; c'est par cette observation que nous allons terminer notre revue analy-tique.

Observation IX. — Tremblement mercuriel. — Début remontant ci 1854. — Amélioration passagère par diverses médications : bains sulfureux, bains de vapeur, phosphore. — Rechute en 1809. — Traitement sans résultat, par le bromure de potassium. — Traitement par la daturine. Même état. — B... Jacques, 47 ans, coupeur de poils de lapin, entre le 15 juin 1869, à l'hôpital Lariboisière, salle Saint-Charles, n° 16.

Antécédents. Pas d'habitudes alcooliques; pas de syphilis. Il a commencé à apprendre son métier à l'âge de 23 ans, en 1846, et depuis il a toujours travaillé dans une atmosphère chargée de vapeurs mercurielles. Jus-qu'en 1854, il a pu y séjourner sans aucun inconvénient. A cette époque, il a vu survenir des secousses convulsives qui se sont répétées, et, l'année suivante, il a été affecté de tremblement avec affaiblissement de l'intelli-gence et de la mémoire; diminution de la vue, du sens du goût et perte de l'appétit. Il entre à l'hôpital Beaujon, dans le service de M. Barth, où il reste 52 jours ; on lui prescrit de l'iodure de potassium, des bains sulfu-reux et des bains de vapeur ; il en sort amélioré. Le tremblement disparut à peu près vers 1858, et se reproduisit en 1864, en se généralisant. En 1868, dans le service de M. Sée, on lui fait prendre du phosphore à l'intérieur, des bains de vapeur, des bains sulfureux. À sa sortie, le malade retourne à son travail, et est repris fortement au mois d'avril dernier. Le tremblement devient assez fort pour empêcher tout travail, et B... entre à l'hôpital Lariboisière.

État actuel. Lorsque le malade est au repos, la tête a de légers mouve-ments de latéralité. Les muscles des membres supérieurs ont des secousses qui ne permettent pas de porter directement un objet à la bouche. La pa-role est hésitante. Toutes les fois, le tremblement s'est accompagné de salivation; de temps à autre, les gencives tuméfiées, d'une couleur blafarde, sont saignantes au moindre contact. Les premiers accès sont précédés de céphalalgie. Le sommeil est calme et suspend tous les accidents.

M. Oulmont soumet ce malade au régime suivant : Bromure de potas-sium, 2 grammes, en élevant graduellement les doses jusqu'à 12 grammes. Bain sulfureux tous les deux jours. La céphalalgie s'est calmée sous l'in-fluence de ce traitement ; les mouvements convulsifs n'ont pas été modifiés ; de plus, l'intelligence et la mémoire s'affaiblissent. Le bromure de polas-

sium est supprimé le 14 juillet, et le malade prend chaque jour 0*r,10 d'ex-trait thébaïque. Bain alcalin tous les deux jours.

4 août. Le malade prend 5 pilules de daturine de 1 milligramme cha-cune. — 5 août. Dilatation pupillaire ; troubles de la vue ; céphalalgie assez violente; 4 pilules. — 6 août. Secousses convulsives et douleurs dans les membres ; la céphalalgie ne s'est pas reproduite ; les troubles de la vision sont les mêmes que la veille ; 5 pilules.

7 août. Les mouvements sont plus fréquents pendant la nuit, et plus marqués dans les jambes que dans les bras; mais les douleurs ont disparu ; la sécheresse de la gorge est très-grande sans gêner la déglutition. 6 pi-lules. — 8 août. Le sommeil a été lourd, agité par des rêves. 7 pilules.

9 août. La nuit a été plus calme; le tremblement a toujours la même intensité. — 10 août. 9 pilules. 11 août. 10 pilules. — 12 août. Les se-cousses sont plus fortes après que le malade a pris ses pilules; mais elles s'apaisent à mesure qu'on s'éloigne du moment où le médicament a été administré.

15 août. Soubresauts violents; marche incertaine, difficile. Céphalagie. Les pilules de daturine sont supprimées.

Le tremblement persiste; il n'y a pas d'amélioration. Le malade sort bientôt de l'hôpital, à peu près dans le même état qu'au moment de son entrée.

La médication n'a produit ici aucune amélioration sensible; il y a eu quelque sédation dans quelques-unes des manifestations de l'intoxication ; toutefois, le tremblement n'a pas été sensiblement influencé. — Nous ne possédons pas d'autre observation de trem-blement mercuriel traité par la daturine ; il nous est donc impos-sible, pour le moment, de tirer des conclusions.

Il résulte toutefois des observations que nous avons analysées que le tremblement mercuriel peut être sinon guéri, du moins nola-blemenl amélioré, considérablement diminué par deux médications jusqu'alors peu usitées dans la pratique : les bains électriques et l'hyoscyamine. Nous croyons donc pouvoir dire, avec MM. Ghapot et Laurent :

1° Les bains électriques améliorent rapidement les accidents dus à l'intoxication mercurielle, et en particulier le tremblement;

2° L'hyoscyamine et la daturine, mais surtout l'hyoscyamine, combattent d'une façon efficace les névroses douloureuses et les affections spasmodiques ; elles peuvent être d'une grande utilité dans le traitement du tremblement mercuriel.

G. Peltier.

BIBLIOGRAPHIE

Sur une forme d'arthropathie, par le docteur Collltte, ancien interne des hôpitaux de Paris. Adr. Delahaye, libraire-éditeur.

« Dans le cours de certaines phlegmasies mono-articulaires et sous des influences morbides encore mal déterminées, dit l'auteur, les différents groupes musculaires disposés autour de la jointure malade s'atrophient en même temps que la couche de tissu celfulo-adipeux qui double la peau devient plus épaisse. Fait important sur lequel M. Gubler attira le premier notre attention, et que nous allons étudier. »

La lésion musculaire a pour conséquence l'amoindrissement du membre: on le constate par la mensuration des deux membres. M. Collette est porté à admetlre une diminution de volume des fibres musculaires primitives. Quant au tissu cellulaire sous-cutané, il forme une couche plus épaisse, que M. Gubler mesure avec un com-pas d'épaisseur qu'il a fait construire. La peau semble conserver ses aptitudes physiologiques ; sa température dépasse 37° lorsque les accidents inflammatoires débutent; à une période plus avancée, elle est inférieure à celle de la région symétrique, et cette différence est appréciable à la main. M. Collette donne ensuite la relation de quatre observations. La première est surtout intéressante; en voici le ré-sumé : arthrite du genou gauche, épaississement unilatéral du tissu sous-cutané, atrophie simultanée des muscles, intumescence de la mamelle et atrophie du testicule correspondant. Cette relation entre l'intumescence de la mamelle et l'atrophie du testicule correspon-dant étudiée, d'abord, par M. Gailhet, a été confirmée souvent par M. Gubler, qui a également observé des cas extrêmement remar-quables où l'homme droit semblait en quelque sorte différent de l'homme gauche.

Chez un malade, la syphilis se traduisit par des lésions unilaté-rales, de même chez un autre, la scrofule. Cette disposition mor-bide préexiste à la lésion, dit l'auteur, et il suffit d'une circonstance souvent banale pour la révéler. « Chez notre malade, les modifica-tions de la mamelle et du testicule ont précédé l'arthrite 1 : il y avait

1 La mamelle devient plus volumineuse ; la caractéristique mâle s'affirme moins nettement, grâce à la diminution de volume de l'organe dominant du système génital. (Page 24.)

diminution de la vitalité, qui a sans doute favorisé la production de l'arthropathie. »

Nous avons essayé de résumer cette première partie du mémoire qui est la partie clinique ; nous mentionnerons seulement la deuxième, dans laquelle M. Collette s'occupe de la physiologie pathologique; car ce point est encore bien obscur. Nous nous bornerons à signaler les faits intéressants qu'elle contient, et à dire que, pour M. Collette, dans les cas qui nous occupent, la dystrophie s'opère par le méca-nisme des actions réflexes.

Dans cette thèse, on trouve la description d'un fait important en clinique; malheureusement, la lecture n'en est pas toujours facile, et ce défaut est encore aggravé par le véritable abus que fait l'au-teur de mots nouveaux. F. Roque.

Étude sur la réduction des luxations anciennes d'origine traumatique par les machines, par Ch. Gremiox-Menuau, br. in-8 de 64 pages. Adr. Delahayc, libr. édit.

Parmi les questions les plus ardues de la chirurgie, il faut à coup sûr ranger le traitement des luxations anciennes ; sur ce point dé-licat, on voit encore se produire les doctrines les plus opposées. C'est que là en effet les règles précises font trop souvent défaut et que la détermination du chirurgien dépend uniquement de son caractère.

M. Gremion-Menuau n'a pu prétendre résoudre ces questions, que n'ont pas élucidées nos plus éminents chirurgiens; jeune encore dans la pratique chirurgicale, il a voulu exposer surtout les faits dont il a été témoin dans les hôpitaux de Paris pendant ses études médicales, et il a essayé de faire ressortir les avantages que pré-sente, pour la réduction des luxations anciennes, l'appareil de M. Mathieu.

11 nous serait difficile de donner ici une description satisfaisante de cet appareil, qui ne remonte qu'à l'année 1865, et qui valut à son auteur le prix Barbier, à l'Académie de médecine, il faudrait pour cela nous étendre longuement sur les diverses parties de l'in-strument, et encore nous ne pourrions qu'avec peine nous faire com-prendre sans figures à l'appui. Disons toutefois que cette machine, construite sur les principes de celle du docteur Jarvis, fait à la fois l'extension, la contre-extension et la coaptation. Un dynamomètre, instrument si utile pour indiquer la force déployée, complète l'ap-

pareil qui, on peut le dire, a réalisé un véritable progrès et répond dans une certaine limite aux exigences de la pratique.

Doit-on toujours essayer la réduction des luxations anciennes? Y a-t-il des limites de temps au delà desquelles on ne doit plus essayer les manœuvres et où il faut déclarer la luxation irréductible? Goo-per repousse les tentatives de réduction après trois mois pour les luxations du bras et huit semaines pour les luxations de la cuisse. Il prétend que le membre réduit n'est pas plus utile qu'il ne l'eût été en restant clans sa position anormale. M. Gremion-Menuau n'ad-met pas celte affirmation de Gooper; il pense qu'un traitement con-sécutif peut amener une grande amélioration dans l'état de l'arti-culation. Nous avons parcouru avec soin les observations rapportées par l'auteur à la fin de son travail, et c'est à peine si nous avons trouvé deux faits pour infirmer la proposition de Cooper ; dans un cas, il s'agit d'une luxation sous-acromiale datant de six mois et ré-duite par M. Mathieu lui-même, à l'hôpital Saint-Antoine, dans le service de M. Péan; dans un autre cas, la luxation de l'épaule datait de 110 jours; elle fut réduite en deux séances, avec 210 kilogr.; l'observation, d'ailleurs, est muette sur les suites de l'opération.

Nous croyons donc qu'il faut agir avec de grandes précautions ; s'il est impossible de préjuger et de poser des règles fixes, si même dans certains cas on a vu réduire des luxations anciennes au delà des limites classiques, il faut toutefois être très-réservé, et nous dirons avec M. Sédillot :

« Si les mouvements imprimés au membre ne font entendre au-cune crépitation, le cartilage articulaire a persisté, symptôme favo-rable pour la réduction, parce que la tête osseuse peut s'être atro-phiée alors, mais non complètement déformée. Si la crépitation existe, les os sont en contact immédiat, éburnés, moulés l'un sur l'autre, et toute tentative de réduction paraît devoir alors être rc-jetée, à moins que l'accident ne soit récent et que ce ne soit une cause traumatique qui ait amené la dénudation osseuse. » (Contri-bution à la chirurgie.)

Le travail de M. Gremion-Menuau est surtout, ainsi que nous l'avons fait pressentir, un plaidoyer en faveur de l'appareil de M. Mathieu ; peut-être cependant le praticien désirerait-il un plus grand nombre de faits pour avoir une opinion certaine sur les avantages de cet appareil, que l'auteur résume en ces termes:

« Lu résumé, à l'aide de cet appareil, le chirurgien peut déployer une grande force sans aucune fatiuue ; l'extension est régulièrement

progressive; la simplicité de la contre-extension laisse au praticien la facilité d'explorer les parties lésées à tous les temps de l'opéra-tion et lui permet d'agir à son aise avec les mains, toutes les fois que cela est nécessaire. » G. P.

Malades et médecins, par le docteur Ch. Boulet. Broch. in-8° de 84 pages. Ad. Delahaye, libraire-éditeur.

Ce petit livre s'adresse aux médecins comme aux gens du monde. 11 a pour but d'indiquer à ceux-ci les moyens de sortir de l'in-certaine condition où la plupart languissent, en leur rappelant que l'art de guérir ne trouve savéritable consécration que danslessuccès de bonaloi, et que ceux-ci dépendent exclusivement d'une solide in-struction, singulièrement aidée par l'examen minutieux et patient des malades. — Il tend à démontrer à ceux-là que le meilleur moyen de s'assurer les soins attentifs et dévoués du médecin consisterait tout simplement à lui tenir un équitable compte de sa sollicitude, au lieu de lui laisser supposer que le temps qu'il consacre à leur guérison ou à leur soulagement ne lui sera que trop marchandé et qu'il est tarifé d'avance à un chiffre humiliant.

Neuf chapitres composent ce petit volume ; qu'il nous suffise d'en indiquer les titres ; on pourra ainsi juger du contenu. 1° La méde-cine a-t-elle des thèses positives ? 2° Comment il convient d'envisa-ger les maladies ; 3° De la médecine morale; 4°Exisle-l-il vraiment des maladies nerveuses ? 5° De l'origine de l'art de guérir ; 6° L'art de guérir a besoin, pour s'exercer utilement, de la sympathie du médecin comme de l'équité du malade ; 7° Du désintéressement médical; 8° Du prétendu tact médical; 9° De la nécessité d'exami-ner scrupuleusement le malade.

Dans ces pages rapides, M. Boilletn'a pu étudier à fond ces ques-tions, qui demanderaient de longs développements ; du moins il lésa esquissées suffisamment, et dans un style toujours agréable il a su faire voir les desiderata de la profession médicale, les déboires du médecin, l'ingratitude du malade. G. P.

Le Gérant : a. iie mo.ntjiéja.

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DES HOPITAUX

CRÉTINISME

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE MÉDICALE

CRÉTINISME CHEZ UNE ENFANT NÉE A PARIS OE PARENTS PARISIENS

ÉTAT NERVEUX DU PÈRE COÏNCIDENCE DU DÉVELOPPEMENT DU CRÉTINISME AVEC UNE MAL \DIE ABDOMINALE A L'AGE DE DEUX ANS

Par M. le docteur a. voisin, médecin de la Salpêtrière.

Fleury, Mathilde, âgée de 27 ans (1872), est entrée à la Salpê-trière le 26 juin 1850, dans le service de M. Mitivier et a été placée, le 8 septembre 1870, dans celui de M. Auguste Voisin. Le père a eu jusqu'à l'âge de 4 ans des convulsions ; il est très-nerveux, sobre. La mère est grande, d'une bonne santé, et sa fille a beaucoup de res-semblance avec elle. Le père et la mère ne sont pas consanguins ; ils sont nés à Paris et ils habitent, avenue de Choisy, un appar-tement au premier étage, bien aéré, exposé au midi ; ils ont eu 7 autres enfants, 2 sont nés avant terme et morts; 4 vivent et sont bien portants, 1 est mort à 7 semaines de maladie aiguë.

La grossesse relative à notre malade n'a rien présenté de particu lier. L'enfant est née à terme et elle s'est bien portée jusqu'à l'âge de 2 ans. A cet âge, elle a contracté dans le département de l'Aisne, où elle avait été emmenée, une maladie intestinale qui a été grave. A partir de ce moment, ses parents ont noté un arrêt de son déve-loppement physique et intellectuel; depuis, elle a eu des convul-sions nocturnes qui ont duré jusqu'à l'âge de 9 ans.

A cinq ans, on l'a envoyée à l'école, où elle n'a appris qu'à épeler. Elle a été menstruôe à 13 ans.

Etat actuel. (7 septembre 1872.) Taille, lm,30. Cheveux laineux roides, châtains, épais sur la partie antérieure, mais rares et dissé-minés ailleurs. Crâne large, aplati de haut en bas, front peu élevé,

4e année, 11

fortement froncé, les rides y sont très-profondes. Occiput peu saillant.

Les yeux sont couverts ; le nez large, très-épaté, surtout au ni-veau des narines. L'angle formé par la rencontre du nez avec le front est très-prononcé. La lèvre supérieure est haute, épa;sse ; l'inférieure est épaisse. La bouche est large, les dents larges, la voûte palatine très-profonde. Les om'/Zes sont bien faites, pâles. La physionomie exprime la satisfaction.

Le cou est gros, large ; la peau du cou est lâche, comme œdé-matiée. Il existe une légère voussure au niveau des premières dor-sales. La peau du dos est couverte de poils roides. Lesmembres sont courts, les mains ramassées, les doigts épatés, rouges, cyanoses, comme infiltrés; les doigts sont très courts. La peau des mains est flasque, lâche, fortement plissée.

Les pieds sont courts, ramassés ; la peau y est violacée, épaisse et lâche. Pas de poils aux aisselles ; quelques rares poils au pubis. Les membres sont droits. Le ventre est très-gros ; sa circonférence horizontale maximum est de 85 centimètres. Les seins sont assez développés et flasques.

Le cœur est bien à gauche, on n'y entend aucun bruit anormal. Pas de lésions pulmonaires appréciables.

Distance d'un acromion à l'autre.......... 50 centim.

Circonférence de la poitrine prise juste au-dessous des

acromions.................... 83 —

Circonférence du cou................ 57 —

Pas de goitre. Menstruation régulière.

Les mouvements sont lents, lourds ; la sensibilité est très-faible ainsi que la force musculaire. Elle sait se déshabiller et s'habiller. Elle a soin d'elle, raccommode ses affaires, sait tenir une plume, mais ne peut écrire son nom.

Elle parle lentement, peu distinctement, mais répond à tout ce qu'on lui demande. Elle dit s'appeler Mathilde, avoir 7 et 20 ans.

Elle dit le nom des objets usuels, des pièces de monnaie, mais elle ne manifeste pas de désir, de raisonnement. Le jugement pa-raît élémentaire.

Elle a un bon caractère, est inoffensive, elle aime les animaux ; elle reconnaît ses parents, elle rit quand elle les aperçoit. Toutes ses manifestations se font lourdement, gauchement et sont accom-pagnées d'un sourire hébété.

millimetres.

Diamètre antéro-postérieur maximum........ 183

— pariétal................. 144

— bi-auriculaire.............. 122

— frontal minimum............. 90

Courbe occipito-frontale totale............ 318

— — à sa partie antérieure..... 12s

— horizontale totale............... 560

— — à sa partie antérieure....... 2G5

— transversale bi-auriculaire.......... 3.")5

Distance du point sous-nasal au point sous-mental. . . 66

— à la racine du nez. ... 53

— à la racine des cheveux. ï)l

Distance transversale des deux pommettes....... 121

Corde iniaque. ................. 106

— bregmatique................. 145

— sus-nasale.................. 112

— sous-mentale................. 114

Hauteur au-dessus du sol de la ligne articulaire du

genou..................... 420

La grande envergure. .............. 1300

Le grand empan.................. 183

Le petit empan................... 175

Longueur totale du pied............... 200

Fleury a, depuis -4 ans, plusieurs fois par mois, le petit mal épi-leptique ; elle est atteinte en outre d'eczéma.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

EPITHELIOME TUBULÉ DU NEZ

parotide suppurée a droite. - phlébite de la veine méningée

moyenne droite. - abcès multiples des reins

Par v. hanot, interne des hôpitaux de Paris.

Vautr..., âgée de 89 ans, est entrée le 11 décembre 1871, à la Salpêtrière, dans le service du docteur Voisin ; elle est atteinte de démence senile, et porte, à l'extrémité du nez, une tumeur epithe-liale. Je ne dirai rien de la démence, qui datait du siège de Paris par les Prussiens et qui se manifestait par l'incohérence la plus pro-fonde, après s'être traduite également, pendant quelque temps au début, par des emportements, des violences extrêmes.

La tumeur epitheliale avait débuté dix ans auparavant : la fille de la malade donne à ce sujet les renseignements les plus précis.

Jusqu'à l'âge de 79 ans, la femme Vautr... avait été d'une excel-lente santé : au dire de sa fille, personne de la famille, aussi loin que peuvent porter ses souvenirs, n'a été atteint de cancer.

Pendant l'hiver de 1862, la malade, étant en Russie, eut le bout du nez gelé ; il se forma à l'extrémité de l'organe une eschare du diamètre d'une pièce de 50 centimes environ, autour de laquelle la peau offrit, pendant quelques semaines, une vive réaction in-flammatoire. La malade grattait continuellement avec ses ongles la plaie, siège de vives démangeaisons et en arrachait les croûtes cicatricielles à mesure qu'elles se formaient. Ces manœuvres ma-lencontreuses furent continuées pendant longtemps, malgré tous les conseils ; la plaie ne se cicatrisa pas, et une végétation s'y déve-loppa. Pendant les premières années, elle ne parut point augmenter de volume. Plus tard on s'aperçut qu'elle s'accroissait, mais trè;-lentement ; puis la malade commença à maigrir, à pâlir, à s'affai-blir insensiblement.

A son entrée dans le service, en décembre 1871, toute l'extré-mité du nez est envahie par une masse croûteuse, sèche, grisâtre ; elle se prolonge plus haut sur le côté droit du nez et se termine à 1 centimètre 1/2 environ de l'angle interne de l'œil et ne dépasse pas, des deux côtés, le sillon naso-labial. Au pourtour de la produc-tion morbide, le derme est induré et soulevé en bourrelet résistant. — La conjonctive droite est légèrement injectée, et il y a un pro-lapsus presque complet de la paupière supérieure. —Aucune tumé-faction ganglionnaire au cou.

Le thorax, sur lequel les côtes font un relief considérable, est for-tement aplati latéralement, et les extrémités antérieures des côtes, déjetées en avant avec le sternum, forment comme une arête. A l'auscultation, signes d'emphysème pulmonaire; rien d'anormal au cœur. — Apyrexie.

La malade est dans la cachexie la plus avancée : l'amaigrissement est extrême ; la face décharnée, d'une pâleur cadavérique, est sil-lonnée d'une multitude de veines sous forme de gros cordons, noueux, violacés.

Pendant les neuf mois qu'elle est restée dans le service, la ma-lade n'a guère changé d'aspect. La tumeur est demeurée station-naire ; c'est à peine si elle s'est rapprochée de quelques millimètres de l'angle interne de l'œil droit, qui est toujourslégèrementinjecté, larmoyant, à demi couvert par la paupière supérieure. (Voyez Planche XXXII.) Jamais de tuméfaction ganglionnaire au cou.

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EPITHELIOMA TUBULÉ DU NEZ

Pendant le même temps, aucune complication du côté des organes thoraciques ou abdominaux; appétit conservé; apyrexie.

A partir du mois de juillet, la malade est complètement gâteuse. Vers le commencement d'août, elle ne peut plus se lever; elle reste immobile dans son lit, ne donnant en quelque sorte signe de vie que pour avaler la nourriture qu'on lui fait prendre.

17 août. — Commencement d'eschare aux deux fesses.

19 août. — On s'aperçoit que la région parotidienne droite est rouge et tuméfiée.

La malade, qui depuis trois jours buvait avec avidité et repoussait toute nourriture solide, est tombée dans le coma.

Temp. axil. 38°,4. Puis. 84. Aucune lésion des organes thoraci-ques ou abdominaux. — Le 20 août, la tuméfaction de la région parotidienne augmente encore et le coma persiste. La respiration est bruyante, accélérée. Pas d'écoulement de pus ni par l'oreille, ni par le canal de Sténon.

Temp. axil. 38°,4. 96 puisât. Pas d'albumine dans l'urine, aug-mentation du chlorure de sodium. La malade succombe le lendemain sans convulsions.

Autopsie. — Aucune lésion des méninges cérébrales et n ehi-diennes. La substance corticale du cerveau a l'aspect et porte les lésions microscopiques de la démence. — Les vaisseaux de la base du crâne ne sont pas athéromateux. — Sinus normaux.

La parotide droite est infiltrée de pus. Au microscope, on recon-naît que des petits abcès multiples se sont produits dans le tissu conjonctif interstitiel et que les acini sont le siège d'une véritable inflammation catarrhale qui les a remplis de cellules épithéliales à différents degrés de transformation.

Je ne signale qu'ici une lésion de la veine méningée moyenne droite : celle-ci a été trouvée complètement oblitérée par un caillot grisâtre, assez résistant, adhérent aux parois et présentant, à un grossissement convenable, quelques noyaux, quelques corps fusi-formes, traces d'un commencement d'organisation. La tunique moyenne et surtout l'adventice de la veine sont le siège d'une pro-lifération nucléaire abondanîe.

A moins d'admettre, et rien n'impose une telle supposition, que cette branche d'oiigine de la jugulaire externe ou de la jugulaire interne (selon la variété d'origine) a subi isolément une telle modi-fication, il est à présumer que l'altération de la veine méningée moyenne est due à la propagation d'un processus morbide qui aura,

atteint la veine maxillaire interne et la portion du tronc jugulaire voisine de la parotide enflammée. Mais cette hypothèse n'a pu être démontrée parce que je n'ai pu faire une dissection suffisante de la région parotidienne.

Il est facile de reconnaître par l'examen microscopique que la tumeur du nez fait partie du groupe des épithéliomes tabulés, dési-gnés encore sous le nom de polyadénomes par M. Broca. Elle est, en effet, constituée par des travées de cellules épithéliales, repré-sentant des sortes de tubes bosselés très-irrégulièrement, anasto-mosés entre eux par places et séparés les uns des autres par un stroma fort développé. Les cellules épithéliales sont en général peti-tes, dentelées sur leurs bords ; elles contiennent un noyau, avec un nucléole brillant, parfois vésiculeux et appliqué contre la paroi. Elles renferment en outre un grand nombre de granulations très-bril-lantes.

Le stroma est constitué par du tissu conjonctif muqueux, mais surtout par du tissu conjonctif fibreux parsemé d'un nombre va-riable d'éléments embryonnaires à différentes périodes de leur dé-veloppement. — Le» vaisseaux paraissent être assez rares. — L'ensemble des pièces démontre suffisamment qu'il s'agit ici d une tumeur épithéliale développée aux dépens des glandes sudoripares.

Les poumons sont le siège d'un emphysème très-développé ; au-cune autre lésion appréciable dans les organes. — Le lobe droit du foieprésente, à sa face supérieure, un kyste hydatique du volume d'une tête de fœtus à terme, — certain degré de dégénérescence graisseuse. Aucune lésion importante du coeur, — myocarde légè-rement graisseux, — crosse aortique saine. — Organes génitaux intacts. — Rate normale.

Les reins ont leur volume ordinaire ; leur enveloppe fibreuse s'en sépare aisément. Quand on l'a enlevée, la surface de l'organe ap-paraît comme mouchetée d'un assez grand nombre de petites mas-ses sphérïques jaunâtres, les unes du volume d'un pois, les autres d'un grain de millet, mi-partie saillantes, mi-partie engagées dans le tissu rénal. Sur une coupe transversale, allant du hile au bord convexe, ce tissu, soit dans sa couche corticale, soit dans sa couche médullaire, est véritablement criblé de ces mêmes amas purulents.

Au microscope, on reconnaît que ces petites masses sont consti-tuées uniquement par des leucocythes et développées dans le tissu conjonctif interstitiel. Ce tissu est partout notablement plus déve-

loppé qu'à l'état ordinaire et se distingue par une prolifération nucléaire très-abondante. — Les tubes uri infères, comme dans la néphrite catarrhale, sont remplis de cellules épithéliales plus ou moins transformées, surtout de jeunes cellules se colorant facile-ment par le carmin. — L'artère et la veine rénales, ainsi que leurs principales branches suivies aussi loin que possible, sont perméa-bles, et n'offrent aucune altération appréciable.

Le tissu des côtes est partout considérablement raréfié : la dixième et la onzième côte droites présentent vers leur milieu un trait ver-tical de fracture, qui ne présente aucune trace de travail réparateur

— Au-devant de la onzième côte, au niveau de la fracture, entre la face antérieure de la côte et les fibres correspondantes du grand oblique, est une collection purulente, contenant environ deux cuil-lerées à bouche d'un pus verdâtre, ne pénétrant en aucun point dans le tissu cellulaire sous-cutané.

Au niveau de la fracture de la dixième côte, est aussi un abcès contenant le même pus verdâtre : seulement il est situé à la face interne de la côte faisant saillie dans la cavité pleurale, de forme globuleuse, du volume d'une noisette, nettement délimité, recou-vert en dedans par une coque fibreuse et le feuillet pleural épaissi.

— Au niveau des fractures, l'os est réduit à l'état d'une sorte de pulpe jaunâtre où on rencontre surtout des cellules de pus et quel-ques cellules osseuses déformées. Pas de pus dans les articulations ni en aucun point du tissu cellulaire sous-cutané. Aucune modifica-tion du liquide sanguin, appréciable soit à l*œil nu, soit au mi-croscope. Pas de caillots dans les veines des membres.

J'appelle un instant l'attention sur la phlébite de la veine ménin-gée moyenne, laquelle, comme je l'ai déjà dit, ne peut guère se com-prendre qu'avec une phlébite concomitante, soit de la veine maxil-laire interne, soit d'un tronc jugulaire, produite probablement par propagation de l'inflammation parotidienne.

Sans doute, il est fréquent d'observer la parotidite dans le cours des maladies graves, des cachexies, et il n'est pas rare non plus de trouver concurremment des abcès des reins, alors même que rien n'autorise l'hypothèse d'une infection purulente.

On peut en voir un exemple dans la thèse d'agrégation de M. Cor-nil, et, dans ce cas, comme M. Cornil le fait remarquer «on ne sau-rait dire quelle est l'affection primitive, ou de la parotidite, ou de la néphrite. »

Évidemment il n'est pas illogique d'admettre que la suppuration

du rein se fait au même titre, sur la même ligne, sous la même in-fluence générale que la parotidite. Mais peut-être serait-il bon de rechercher préalablement, dans ces cas de parotidite, l'état des veines jugulaires. — Si on y constatait une phlébite, on pourrait, au moins dans certains cas, y subordonner, en vertu de la théorie de l'infection purulente, les abcès pai enchymateux concomitants.

Ainsi dans l'observation présente, on pourrait supposer que les abcès multiples des reins peuvent se rattacher à la phlébite de la veine méningée moyenne ou d'une veine jugulaire, suite d'une paro-tidite critique.

Ce n'est là qu'une simple vue de l'esprit ; mais encore une fois, je crois qu'il faudrait tenir compte, dans les cas de parotidite, de l'état des veines voisines avant de déterminer le mode de produc-tion des symptômes et des lésions qu'on peut y observer.

Dans l'hypothèse faite plus haut, les abcès froids des côtes n'au-raient le rang que d'une simple coïncidence. Cependant il est ici une réserve à faire à l'égard de ces abcès.

Avec l'extension donnée aujourd'hui par beaucoup d'auteurs à la pathogénie de l'infection purulente, on peut aussi envisager ces abcès comme la source d'une pyohémie qui se serait caractérisée par des abcès des reins et une parotidite suppurée ; en pareille occurrence, la phlébite jugulaire ne serait plus qu'un accident ana-tomo-pathologique de second ordre et sans portée.

PATHOLOGIE EXTERNE

DE L'ÉLONGATION HYPERTROPHIOUE DE LA PORTION SOUS-VAGINALE DU COL DE L'UTÉRUS

Par L.-E. DUPUY, interne des hôpitaux de Paris.

- suite 1 —

Les trois cas suivants d'élongation hypertrophique compliquée de déviations utérines se rapprochent par un caractère commun : la résection du col fut pratiquée et amena un résultat doublement heureux, car les malades furent guéries à la fois de l'hypertrophie du col et de Vanté ou rétroversion de la matrice.

Observation V. — Allongement hypertrophique du col de l'utérus, accom-pagné de rétroversion chez une jeune femme de 21 ans. — Section du col

1 Voy. Revue phctogr. des hôpitaux de Paris, pages 185 et 262.

avec Vècraseur linéaire. — Guérison rapide. (Observ. de M. Demàrquay, chirurgien de la Maison de santé, in Gazette des hôpitaux, 1862.)

La nommée T... Marie, âgée de 21 ans, entre, le 21 janvier, dans le ser-vice de M. Demàrquay, pour y être soignée d'une maladie de l'utérus, — Cette jeune femme a été bien portante jusqu'à l'âge de 16 ans. Depuis cette époque, elle a des pertes blanches abondantes et sa santé s'est graduelle-ment altérée. A son entrée à l'hôpital, elle est très-faible ; elle a de la dys-pepsie, de la gastralgie, un bruit de souffle anémique très-intense. Les membres sont grêles, la peau est décolorée et la face présente cette teinte jaunâtre caractéristique de l'anémie prononcée.

Les règles reviennent tous les mois avec une très-grande abondance; elles s'nccompagnent de malaise, de douleurs dans le ventre et dans les reins, et laissent la malade dans une grande faiblesse. —A l'examen des parties gé-nitales, on trouve un col qui arrive jusqu'au niveau de la vulve, et qui sort à travers les grandes lèvres pendant les efforts. Le vagin est peu renversé, en sorte qu'au premier abord on pourrait prendre cette lésion pour un abaissement simple de la matrice. Mais il est facile de voir, en introduisant l'hystéromètre dans la cavité utérine, que ie col est même fortement allongé. L'organe tout entier mesure, en effet, 10 centimètres, au lieu de 6 ou 7, sa longueur normale. — Le corps de l'utérus est en rétroversion. — On sent facilement par le toucher, en arrière du col, une tumeur qui dispa-raît immédiatement par la manœuvre du redressement, et qui n'est autre chose que le fond de l'utérus.

25janvier. — M. Demàrquay pratique la section du col. — Après avoir endormi la malade avec le chloroforme, il saisit le col de l'utérus avec des pinces à griffes ; il l'attire hors de la vulve et le serre avec l'écraseur : la section se fait avec une grande facilité. L'opération n'a pas duré plus de cinq minutes. La portion du col enlevée présente une longueur de 4 centimètres. Sa structure n'offre rien de spécial à noter. 11 n'y a ni érosion, ni ulcération à la surface de la muqueuse.

Les suites de l'opération sont très-simples : écoulement de quelques gout-tes de sang dans la journée. Comme prescription : repos au lit et injection froide. — Le lendemain, il y a à peine un peu de fièvre. Le troisième jour et les jours qui suivent, écoulement sanguin abondant, qui n'est autre chose que l'hémorrhagie menstruelle avancée de quelques jours. Le seul accident à noter dans le cours de l'opération est une perte légère survenue quinze jours après l'opération.

La malade est soumise à un traitement tonique : fer, vin de quinquina, alimentation réparatrice. Un mois après l'opération, la plaie du col est ci-catrisée. La rétroversion a disparu et la malade sort de l'hôpital, ne conser-vant qu'un peu de faiblesse.

Signalons le jeune âge de cette malade qui la met dans les con-ditions que nous avons indiquées comme étant les plus favorables à la production d'une déviation utérine. On remarquera également

l'heureux résultat de l'amputation par l'écraseur, qui certes trouvait ici une de ses plus utiles applications.

Observation VI. — Allongement. — Htjpertrophie du col de l'utérus — Kystes folliculaires. — Amputation du col. (Observation tirée du Mémoire de M. Huguier.)

Madame X., âgée de 43 ans, présente un col volumineux, mais lisse, sou-levé de place en place par de petites éminences grosses comme des petits pois, et que M. Huguier regarde comme des kystes folliculaires. Le col uté-rin est enlr'ouvert et admet facilement l'extrémité du doigt. L'introduction de l'hystéromètre le prouve, comme elle démontre Y existence d'une rétro-version. La cavité utérine a 10 centimètres de profondeur; le vagin dilaté permet a la vessie et au rectum de faire un peu hernie. — Considérant que, par suite de l'allongement et du volume excessif du col, les fonctions rec-tales et vésicales sont très-sérieusement troublées, M. Huguier pratique, avec un plein succès, l'amputation du col.

Cette observation est remarquable à plusieurs points de vue ; outre les kystes folliculaires et la rétroversion, nous attirerons l'at-tention sur la hernie formée dans le vagin par la vessie et le re -tum, et ayant amené des troubles fonctionnels sérieux.

Dans le cas suivant de M. Marchai (de Calvi), nous retrouvons, dé-crites avec soin, des perturbations analogues dans les fonctions rectales.

Observation VIL — Allongement hypertrophique du col avec antéversion. — Accidents du côté de Vanus et du rectum. — Amputation du col; hémor-rhagie. — Guérison. (Cas de M. Marchal, de Calvi.)

Madame X., âgée de 40 ans, présente une hypertrophie notable de la por-tion sous-vaginale. — Il existe, en même temps, une antéversion de la ma-trice, et le col presse sur la paroi rectale antérieure et la repousse forte-ment. Les matières fécales sont habituellement minces, aplaties, transver-salement rubanées et en gouttière.

L'amputation du col fut pratiquée avec le bistouri ; l'opération fut rapide, et il coula peu de sang. Une heure après, une hémorrhagie. Le sang avait coulé abondamment ; l'opérée était très-pâle, refroidie, le pouls extrême-ment déprimé; il y avait menace de syncope à chaque instant. — On lit un tamponnement et de la glace fut appliquée sur le ventre. L'hémorrhagie, ainsi arrêtée, ne se reproduisit pas.

Non-seulement la malade guérit de tous ces accidents, mais encore les fonctions rectales se rétablirent complètement, et les matières fécales pri-rent la forme de gros boudins cylindriques1.

1 Rapprochons de l'observation de M. Earchal (de Calvi) le fait suivant qui nous a été communiqué verbalement par M. Ricord. Il s'agit d'une femme atteinte d'é-longation hypertrophique du col avec antéversion de ta matrice. D'habitude le mu-seau de tanche ne comprimait le rectum que faiblement et sans déterminer aucun

Disons enfin quelques mots d'une complication dont le chirur-gien doit toujours prévoir la possibilité : nous voulons parler de l'atrophie de l'utérus. Celle-ci peut devenir une cause d'erreur gros-sière, lorsqu'on vient à pratiquer la mensuration à l'hystéromètre. Par suite des faibles dimensions de la cavité utérine, le nombre de centimètres obtenu représente presque exclusivement la longueur du col et se trouve au-dessous de la normale. Il ne faudrait pas, on le conçoit, nier par cette raison la possibilité d'une élongation cer-vicale.

Les faits de ce genre sont rares et nous n'avons pu en recueillir d'observation détaillée. Mais M. Boinet nous a dit avoir observé le cas suivant : Examinant une jeune étrangère atteinte de stérilité, il trouva un col utérin ayant une longueur de 4 centimètres. Par le toucher rectal, il fut facile de constater une atrophie de la ma-trice. Celle-ci présentait, en outre, un léger degré d'antéversion. La menstruation était régulière et le canal cervical parfaitement libre. Le coït était possible, mais fort douloureux.

Cette malade ayant, quitté brusquement Paris, M. Boinet ne put se livrer à un examen plus approfondi, mais il n'en conclut pas moins, et avec raison, qu'il s'agissait d'une élongation congénitale du col, compliquée d'antéversion légère avec atrophie de l'utérus.

Telles sont les diverses complications ayant pour siège soit le col, soit le corps de l'utérus.

Si nous n'avons fait que nommer les divers états inflammatoires ou néoplasiques qui peuvent se développer sur le museau de tanche hypertrophié, c'est que nous comptons les étudier spécialement dans le chapitre suivant qui aura trait à l'examen histologique des diffé-rentes formes d'hypertrophies.

Nous avons aussi négligé à dessein de parler de Yatrésie de l'ori-fice externe qui s'observe principalement dans certaines hyperpla-sies fibromateuses du col utérin; cette complication est importante à bien connaître, car elle s'accompagne souvent de troubles sérieux de la menstruation, et peut devenir une cause absolue de stérilité,

trouble intestinal. Lorsque cette disposition s'exagérait (à la suite d'un effort, de la marche prolongée ou d'une fatigue quelconque) la pression du col sur le rectum annonçait des phénomènes nerveux fort singuliers. La malade qui, du reste, était hystérique, tombait immédiatement dans le collapsus et une résolution musculaire complète. 11 suffisait, pour faire cesser ces symptômes, d'amener en avant, avec le doigt, le col de la matrice. — M. Ricord appliqua un appareil, ima-giné pur lui, lequel avait pour effet de maintenir en avant le museau de tanche et de l'empêcher de comprimer l'intestin. Les accidents nerveux cessèrent ; plus tard la malade fut guérie radicalement par l'amputation du col.

même dans des cas où l'élongation est peu considérable. — Nous reviendrons plus loin sur ces faits et sur l'intervention thérapeu-tique qu'ils réclament.

Il est rare d'observer des lésions de voisinage dans les cas d'élon-gations hypertrophiques cervicales ; M. Rumbaëls, qui est le seul auteur ayant, à notre connaissance, consacré un chapitre spécial à ces complications, ne les mentionne même pas. — Sans vouloir parler de l'entraînement des organes voisins (vessie, vagin, etc.) qui ne s'observe guère que lorsque l'hypertrophie a porté en même temps sur la portion sus-vaginale, ou qu'il coexiste une procidence uté-rine, nous insisterons simplement sur deux complications impor-tantes à savoir : la péritonite chronique localisée et le phlegmon ou abcès pelviens. — Les détails dans lesquels nous sommes entrés pré-cédemment font prévoir la concomitance possible de ces affections; nous avons vu en effet le coït occasionner au niveau du cul-de-sac vaginal postérieur une douleur et une irritation fort vives. On conçoit qu'il puisse en résulter, si l'acte sexuel est répété souvent, une inflammation chronique aboutissant à la suppuration du tissu cellulaire interposé entre le vagin et le rectum. Et nous ne faisons pas ici une pure hypothèse, car depuis longtemps les excès vénériens et lestraumalismes ont été considérés par plusieurs auteurs comme une cause fréquente des tumeurs inflammatoires péri-utérines.

Notre excellent ami, le docteur Naudier, interne des hôpitaux de Paris, a bien voulu nous communiquer l'observation suivante, où l'autopsie fit découvrir un abcès rétro-utérin chez une femme âgée de 34 ans, mariée et se trouvant par conséquent dans les conditions que nous venons de supposer.

Observation VIII. — Élongalion hypertrophique du col de Vutérus; com-plication d'abcès rétro-utérin d'origine ancienne et de pelvi-péritonile. — Généralisation de la péritonite. — Mort. (Observation inédite.)

X....., femme de 34 ans, mariée mais sans enfants, se présente à la

consultation de l'Hôtel-Dieu, Elle est très-souffrante, se soutient à peine. Son pouls est petit et serré ; faciès abdominal, teint jaune terreux. Elle se plaint d'une chute de matrice. Sans vérifier ce dernier fait, on admet cette femme dans le service de M. Cusco, vu la gravité de son état général.

Antécédents. La malade raconte qu'elle a déjà éprouvé les mêmes sym-ptômes, il y a un an. Elle se fit admettre à l'hôpital Beaujon et fut traitée par la saignée. Depuis cette époque, elle a constamment souffert du bas-ventre ; le col était apparu à la vulve.

Les douleurs augmentaient à chaque époque menstruelle, les règles ve-naient du reste régulièrement. La constipation était habituelle,

État actuel. Le lendemain de l'entrée de cette femme à l'hôpital, M. Cusco procéda à un examen détaillé et constata les symptômes suivants :

Le col de l'utérus fait saillie à la vulve; son aspect extérieur ne présente aucune particularité anormale. En pratiquant le toucher, on trouve les culs-de-sac vaginaux libres et à la profondeur normale; on constate en outre que la vessie est restée en place et n'a point été entraînée.

Il s'agit donc non pas d'un abaissement de la matrice, mais bien d'une élongation hypertrophique de la portion sous-vaginale du col.

La preuve en est donnée par le cathétérisme utérin. Celui-ci est prati-qué par M. Cusco avec douceur et les plus grandes précautions; il ne pré-senta du reste aucune difficulté et ne fut suivi d'aucun écoulement sanguin. La sonde utérine pénétra à une profondeur de 12 centimètres.

La nuit suivante, les symptômes généraux s'aggravèrent : La malade eut des vomissements fréquents, verts porracés. L'abattement est plus prononcé, les douleurs abdominales sont plus vives et plus étendues. M. Cusco prati-qua le toucher rectal et ne trouva rien de particulier.

Le lendemain, les choses ne firent qu'empirer et la malade mourut pen-dant la nuit.

Nécropsie. — Péritoine. Vascularisation légère, étendue aux feuillets pariétal et viscéral. Toute la masse intestinale plongeant dans le petit bassin est réunie par des fausses membranes concrètes (péritonite ancienne).

Rectum. La muqueuse est lisse et exempte de toute espèce d'altération ; à sa partie antérieure, à 6 centimètres au-dessus de la marge de l'anus, se trouve un orifice nettement circulaire ; la muqueuse rectale semble se con-tinuer sur les bords de ce dernier, et ce travail d'organisation indique une origine ancienne. — En introduisant un stylet dans cet orifice, on pénètre dans une poche purulente qui a dû se vider par le rectum.

Cet abcès est limité, en avant : 1° par le vagin sur une étendue de 3 cen-timètres, à l'endroit où se forme son cul-de-sac postérieur; 2° par la face postérieure de l'utérus, laquelle est disséquée jusqu'au niveau du bord su-périeur de la matrice, c'est-à-dire sur une étendue de 4 à 5 centimètres en arrière, par la face antérieure du rectum sur une longueur de 8 centimètres; nous venons de décrire la perforation existant dans cette paroi.

Latéralement, la collection purulente avait fusé dans le tissu cellulaire du petit bassin, en disséquant les parois du vagin : il existe donc de chaque côté un véritable diverticulum, à parois irrégulières, anfractueuses, com-muniquant largement avec le foyer principal. Le diverticulum de gauche est le plus prononcé.

Supérieurement, l'abcès est limité par une anse intestinale dirigée trans-versalement et fortement agglutinée, par des fausses membranes concrètes, à l'utérus en avant et au rectum en arrière.

Intérieurement, la poche purulente se termine par l'angle formé par la séparation des parois rectales et vaginales, disséquées en haut par la suppu-ration et restant réunies en bas. — En somme, cet abcès est très-nettement circonscrit; les parois de la poche sont assez résistantes pour permettre de supposer une affection ancienne et parfaitement localisée.

Vagin. Le cul-de-sac vaginal postérieur est très-développé ; le col de l'uté-rus mesuré postérieurement depuis son origine jusqu'au fond du cul-de-sac présente une longueur de 7 1/2 centimètres. Le cul-de-sac antérieur est beaucoup moins prononcé qu'à l'état normal; de plus, il importe ici de faire ressortir une particularité intéressante : En avant, l'hypertrophie a porté à la fois sur les portions sus et sous-vaginales ; il en résulte que le bas-fond de la vessie est attiré en bas et contracte des rapports très-immédiats avec la portion antérieure et supérieure du museau de tanche. La paroi anté-rieure du vagin est également repoussée en bas et tapisse cette même par-tie supérieure du col en présentant de nombreux plis transversaux.

Ovaires. — L'ovaire droite présente une excavation provenant d'une dé-générescence kystique. — Ovaire gauche. L'abcès que nous avons décrit plus haut arrivait latéralement jusqu'à l'ovaire, dont le bord inférieur se trouve disséqué parla collection purulente. Son parenchyme est sain.

Utérus. Le col est très-allongé, en forme de pénis (Voy. planche XXXIII). L'orifice externe est normal; la partie inférieure de la muqueuse présente des érosions légères et un aspect violacé : la partie supérieure de la mu-queuse est au contraire pâle, d'un aspect blanchâtre et ne présente pas d'érosions. La démarcation entre ces deux portions est très-nette; cette disposition tient évidemment à l'action de l'air et des agents intérieurs qui ont amené une inflammation légère des parties restant habituellement hors du vagin.

La circonférence du col mesure : inférieurement 9 centimètres 1/2, su-périeurement 15 centimètres. — La forme du col est donc en apparence conique, mais il ne faut pas oublier que le vagin et la vessie ont été en-traînés plus ou moins en bas et se trouvent compris dans la mensuration de la circonférence supérieure du col.

La longueur totale de Vutérus (mesurée de l'orifice externe au bord supérieur) est de 15 centimètres.

La longueur du col (prise de l'orifice externe à l'insertion vaginale pos-térieure, est de 7 centimètres.

La longueur du corps deiutérus est de 6 centimètres. — L'examen histo-îogique du col utérin, fait par M. Renault, interne des hôpitaux de Paris, a montré qu'il s'agit d'une hypertrophie ayant porté également sur les di-vers éléments du col, sans aucune formation néoplasique *.

Cette observation est intéressante à plusieurs titres ; nous n'in-sisterons ici que sur ['abcès rétro-utérin, ou, pour être plus exact, sur la poche assez bien organisée ayant autrefois contenu le pus, car celui-ci s'était presque complètement écoulé par le rectum au moment où la malade est morte.

11 n'existait donc plus de tumeur à proprement parler; aussi, malgré l'exploration attentive de l'utérus, des culs-de-sac vaginaux

1 la pièce a été présentée par M. Naudier à la Société naatomique.

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

Planche XXXIII.

ÉLONGATION HYPERTROPHIQUE DU COL UTÉRIN

et du rectum, cette affection n'a-t-elle pas été reconnue sur le vi-vant.

La malade étant morte peu de temps après son entrée à l'hôpital nous n'avons pu obtenir sur elle que des détails incomplets, et nous ignorons le mode de début et la cause de cet accident, ainsi que l'époque à laquelle cette collection purulente s'est vidée dans l'in-testin.

Quoi qu'il en soit, l'examen nécroscopique nous a démontré qu'il s'agissait ici d'un abcès rétro-utérin compliqué de pelvi-péritonite. La dernière de ces deux affections ne nous semble avoir été que secondaire pour les raisons suivantes : d'une part, la collection pu-ru'enle descend à 3 centimètres au-dessous de l'insertion vaginale et l'orifice par lequel elle s'est vidée se trouve placé tout à fait à la partie inférieure du rectum ; d'autre part, — et ce fait nous semble surtout démonstratif, — les annexes de l'utérus et les parties avoi-sinant le cul de sac péritonal ne sauraient être considérées comme ayant été l'origine d'une inflammation péri-utérine.

Les ovaires, dont les altérations amènent si souvent la suppura-tion du tissu cellulaire pelvien ne sauraient ici être mis en cause ; l'ovaire droit ne contractait en effet aucun rapport avec la collection purulente et l'ovaire gauche, dont le bord inférieur était disséqué par celle-ci, était exempt de toute espèce de lésion anatomique.

Il nous semble plus probable que l'inflammation ait débuté au niveau de la paroi vaginale postérieure sous l'influence signalée plus haut, à savoir l'irritation causée par le coït qui est toujours si douloureux dans les cas d'élongation hypertrophique du col de l'utérus. (A suivre.)

EXPLICATION DE LA PLANCHE XXXIII

T,T, trompes; — 0,0, ovaires; — U, corps de l'utérus; — L.R., L.R.. liga-ments ronds; — V.S, bords du vagin renversés, après l'incision pratiquée sur la ligne médiane de la face postérieure du vagin; ¦— OU, col utérin hypertro-phié; — V,V, bord inférieur de la face antérieure du vagin ; — V', vessie. — Sur cette planche, on voit les organes génPaux par leur face postérieure. La différence qui existe entre le corps de l'utérus (U) et le col (C.UJ, donne une idée exacte de Vhypertrophie du col.

REVUE ANALYTIQUE

OBSTÉTRIQUE

VI. Des accidents des plaies pendant la grossesse et l'état puer-péral, par le docteur J. Cornillon, ancien interne des hôpitaux de Paris1. — Doit-on opérer pendant la grossesse et l'état puerpéral ? Grosse question agitée d'abord devant la Société des sciences médi-cales de Lyon2 au sujet d'une présentation faite par M. Poncet, discutée longuement plus tard à la Société de chirurgie3 à propos d'une malade opérée par M. Tarnier d'une tumeur de la vulve : question importante pour le praticien et bien étudiée par M. Cor-nillon qui a réuni, classé, discuté les documents épars dans les auteurs en y ajoutant des observations inédites.

Son travail est divisé en trois parties. Dans la première, il montre que la grossesse apporte des modifications dans l'économie, prin-cipalement dans la circulation abdominale et dans la composition du sang, modifications qui expliquent les accidents auxquels les plaies exposent la femme grosse. Ces accidents sont de deux ordres : Yhémorrhagie, Yavortement.

L'hémorrhagie est fréquente, toujours grave, souvent même mortelle. Quant à l'avortement, le traumatisme n'en est générale-ment par la cause réelle, il n'en est que la cause occasionnelle, grâce aux phlegmasies qu'il peut entraîner à sa suite. Ce sont, en effet, l'érysipèle, la phlébite, l'angioleucite survenus consécutive-ment au traumatisme qui déterminent le plus souvent l'expulsion prématurée du fœtus : ils agissent en cela comme la variole, la fièvre typhoïde et la pneumonie.

Les accidents des plaies pendant l'état puerpéral font l'objet de la seconde partie, et par état puerpéral l'auteur comprend avec le professeur Pajot cette période qui commence avec la délivrance et finit au retour de la menstruation. Les hémorrhagies consécutives à l'ouverlure des tbrombus et la gangrène sont les complications les plus fréquentes. Les hémorrhagies sont toujours redoutables. Quant à la gangrène, elle est beaucoup moins grave; elle peut exister sous

1 Paris, chez Adrien Delahaye, éditeur, 1872.

2 Séances de décembre 1871. Voy. le Lyon médical, 1872, n° 4.

3 Comptes rendus de la Société de chirurgie, 1872; Revue, p. 178, pl. XVI.

deux formes bien tranchées : tantôt elle est due à la compression, tantôt elle est sous la dépendance de l'état général ; elle est alors, comme le dit M. Hervieux, occasionnée par l'empoisonnement puer-péral.

M. Cornillon termine par quelques considérations fort intéres-santes sur la suture du périnée. Il montre, d'accord en cela avec tous les accoucheurs et la plupart des chirurgiens, qu'on ne doit pas opérer aussitôt après la délivrance. Il relate un grave insuccès obtenu par M. Demarquay en mars dernier, et cette observation est d'autant plus importante que le chirurgien de la Maison municipale de santé s'élait fait, devant la Société de chirurgie, le défenseur du procédé de Dieffenbach, de la suture immédiate.

Les conclusions du mémoire si instructif de M. Cornillon sont simples, mais elles sont capitales. « Pendant la grossesse, on n'opé-rera jamais que dans les cas urgents. Une fois l'accouchement effectué on devra attendre que les organes aient repris leur vitalité habituelle ; deux mois au moins seront nécessaires pour arriver à ce résultat. »

VII. Paralysies obstétricales des nouveau-nés, par Hil. Nadaud1. — Deux cas de paralysie obstétricale chez des nouveau-nés observés par M. Nadaud à la clinique d'accouchement de la Faculté lui ont donné l'idée d'étudier cette affection. D'autres faits assez nombreux communiqués par MM. Duchenne (de Boulogne), ïarnier etParrot lui ont permis de compléter son travail.

Les paralysies de la face et les paralysies du membre supérieur sont successivement décrites. Chacune de ces paralysies est divisée en trois variétés qui sont : paralysies spontanées, paralysies dues à une application de forceps, paralysies dues à des manœuvres de l'accoucheur.

Parmi les paralysies de la face celles du nerf facial sont commu-nes, leur diagnostic est facile, leur pronostic peu inquiétant, car dans la plupart des cas elles guérissent spontanément. L'application du forceps peut-elle déterminer la paralysie du nerf moteur oculaire commun? Deux notes, malheureusement trop courtes, communi-quées à l'auteur et surtout trop peu discutées par lui paraîtraient l'indiquer.

Viennent ensuite les paralysies des membres supérieurs, qui sont beaucoup moins rares qu'on ne le croit généralement. Celles qui

1 Un vol. in-8°, chez Adr. Delahaye, éditeur. Paris, 1872.

11 ?

sont la conséquence de manœuvres présentent seules une certaine gravité ; elles ne guérissent pas spontanément et elles peuvent don-ner lieu à deux accidents consécutifs, la contracture du muscle sous-scapulaire et la luxation postérieure sous-épineuse de l'humé-rus bien étudiée par M. Duchenne. L'électricité mise en usage presque immédiatement pourra seule déterminer la guérison de l'enfant.

Dans une dernière partie, les paralysies des membres inférieurs devraient être étudiées, mais ce chapitre serait mieux intitulé des paraplégies obstétricales, car l'auteur ne signale aucun fait de pa-ralysie partielle. Tous les ces qu'il rapporte sont au contraire le ré-sultat d'une lésion de la moelle ou de la colonne vertèbre-cervicale.

C'est le grand nombre d'observations nouvelles qu'il renferme qui rendra surtout le travail de M. Nadaud intéressant à con-sulter.

VIII. Étude statistique et clinique sur les positions occipito-posté-rieures, par le docteur Louis Sentex *. — En 1869, l'Académie de médecine de Paris proposa, comme sujet du prix Capuron, la ques-tion suivante : « De la fréquence relative des positions occipito-postérieures dans la présentation du sommet, et de leur influence sur la marche du travail de l'accouchement. » C'est le mémoire présenté par lui que M. Sentex livre aujourd'hui à la publicité, mé-moire qui non-seulement fut couronné par l'Académie de médecine, mais encore par la Société de médecine de l'université de Liège. Ce travail divisé en six chapitres peut être considéré comme formé de deux parties principales. Il comporte l'étude : 1° de la statistique des positions occipito-postérieures et de la fréquence relative de chacune de leurs variétés ; 1° du mécanisme de l'accouchement dans tous les cas où l'occiput occupe primitivement l'un des points delà moitié postérieure du bassin.

La seconde partie, qui est surtout clinique, est de beaucoup la plus importante.

M. Sentex commence par quelques considérations générales sur les causes des présentations du sommet, et il conclut avec Cazeaux en disant : « Le fœtus renfermé dans un vase clos, sans cesse agité par des mouvements, doit, non pas instinctivement, mais mécani-quement, être placé dans la position où les parties les plus volu-mineuses co/respondent aux points les plus spacieux de l'organe. »

1 Mémoire in-8°de!50 pages. Paris, Adr. Delahaye, éditeur.

Il fait ensuite l'hislorique des discussions survenues au sujet de la fréquence relative des positions 0.1. 1). postérieures etO. I, D. an-térieures. Donnant la statistique des 2,119 accouchements faits à la clinique obstétricale de Bordeaux, du l"1' octobre 1858 au 50 avril 1869, il montre que,contrairement à l'opinion de Nsegcléet de P. Du-bois, généralement admise aujourd'hui, les positions!). I. P. antérieu-res y ont été beaucoup plus fréquentes que les 0.1. D. postérieures. Tandis que ces deux auteurs ont trouvé à peu près les proportions suivantes : pour les positions 0. I. D. postérieures 27 p. 100 et. pour les 0. 1. D. antérieures 5 p. 100. M. Sentex se rapprochant des statis-tiques de Baudelocque et de madame Boivin a obtenu pour les posi-tions 0. I. D. postérieures 2,03 p. 100 et pour les positions 0.1. D. antérieures 13 p. 100. Ces chiffres sont certainement exacts : nous ne croyons [sas cependant qu'en consultant les bulletins de la Maternité et ceux de la clinique de la Faculté, on obtienne de sem-blables résultats De nouvelles recherches devront être tentées sur ce point. Pour M. Sentex, du reste, comme pour tous les autres au-teurs, les positions 0.1. gauches postérieures sont de beaucoup les moins fréquentes.

S'il est facile en général de reconnaître les positions occipito-postérieures, leur étiologie est encore à faire tout entière. En traitant du diagnostic, l'auteur insiste sur les sensations que four-nissent le palper abdominal et le toucher vaginal, mais nous ignorons complètement pourquoi il ne dit pas un seul mot de l'auscullation. Si l'auscultation seule n'apporte que des signes de probabilité, elle peut être très-utile unie aux autres modes de recherches pour pro-curer au médecin une certitude absolue.

Dans la seconde partie de son mémoire, M. Sentex entre plus di-rectement dans l'étude pratique des positions occipito-postérieures. L'accouchement peut alors, dit-il, être comparé avec raison à l'ac-couchement par les fesses, car la cause de la lenteur du travail, dans ces deux cas, vient du défaut de rapport que les parties qui se présentent ont avec les orifices qu'elles doivent franchir. Heureu-sement que souvent les positions occipito-postérieures se transfor-ment, et ne conservent pas jusqu'au bout leurs caractères primi-tifs : aussi doit-on les diviser en non persistantes et en persistantes.

Les positions occipito-postérieures non persistantes peuvent se transformer : a, en occipito-antérieures du même côté, b ou en présentations de la face.

a. Le premier mode de transformation est si fréquent que, pour

Naegëlé, tous les accouchements terminés en position oecipito-an-térieure droite n'étaient que des exemples de la transformation d'une position occipito-postérieure du même côté. La rotation, qui peut s'opérer indifféremment, que la position occipito-postérieure primitive soit droite ou gauche, s'exécute peu à peu par de légers mouvements de va-et-vient, suivant la direction d'une spirale. Sur 42 réductions spontanées, 33 fois l'accouchement s'est terminé par les seules forces de la nature.

b. La transformation des positions occipito-poslérieures du sommet en présentations de la face est excessivement rare; indi-quée par Smellie, signalée par Guillemot, madame Lachapelle et Cazeaux, elle est bien étudiée par M. Sentex, qui a eu, lui aussi, l'heureuse fortune d'observer un cas dece genre (Obs. XXX\T.)

Les positions occipito-postérieures persistantes sont moins fré-quentes que les positions non persistantes (15 fois sur 58 cas; Sentex), tandis que la rotation en avant peut être considérée comme la règle, la rotation en arrière ne serait qu'une anomalie, une per-version du troisième temps de l'accouchement. Dans ces cas, l'ex-pulsion du fœtus peut avoir lieu spontanément. Capuron affirmait le contraire, mais des faits nouveaux (13 sur 16, Villeneuve, de Marseille; 4 sur 14, Sentex) sont venus s'ajouter à ceux invoqués par Paul Dubois et Velpeau dans la lutte soutenue par eux contre les opinions trop exclusives du fondateur du prix qu'a obtenu l'auteur du mémoire.

Cependant, dans la plupart des cas de positions persistantes, l'in-tervention chirurgicale est nécessaire. Les causes qui la nécessitent forment deux groupes bien distincts. Le premier de ces groupes comprend les accidents dont la production est sous la dépendance immédiate de la situation de l'occiput en arrière (épuisement ner-veux, lenteur extrême du travail, inertie utérine, immobilité per-manente de la tête); le second groupe comprend les accidents qui auraient pu s'observer chez les mêmes sujets, quelle que fût la position de l'enfant (prolapsus du cordon, eclampsie, rétrécissement du bassin etc.).

Le mode d'intervention devra donc varier suivant les cas, et les moyens qui pourront être usités sont longuement et savamment étudiés par M. Sentex. — Nous recommandons au lecteur cette partie de son travail dont il pourra tirer grand profit; nous ne pou-vons que l'analyser succinctement. L'emploi du forceps est le plus souvent indiqué, son application sera simple. L'auteur discute et

repousse la méthode qui consiste à faire deux applications succes-sives : il la considère comme inutile, dangereuse pour l'enfant ainsi que pour la mère.

Il conseille, lorsque le bassin présentera des conditions suffisan-tes d'ampleur et que la tète aura exécuté un mouvement de descente assez prononcé, de mettre en usage un moyen nouveau qui lui a réussi. 11 consiste dans l'introduction de la main dans la cavité ulérine, ce qui permettra de pratiquer la rotation céphalique interne. Remarquons cependant que M. Sentex n'a pu exécuter que deux fois cette manoeuvre et que, dans l'un des cas, la malade a succombé aux suites d'une métro-péritonite. Une manœuvre externe conseillée par Guillemot et la version dans un certain nombre de cas très-limités sont des procédés qui pourront être aussi d'une certaine utilité. Quant au levier employé comme moyen de traction, il est de beau-coup inférieur au forceps.

L'auteur rappelle en terminant que ces moyens divers doivent être mis en pratique seulement lorsque l'impuissance des efforts de la nature est bien constatée et que l'on a la conviction qu'une evpectalion plus longtemps prolongée serait nuisible à la mère ou à l'enfant. Ce travail qui a élé élaboré pendant nos années de dé-sastre (1870-1871) est une œuvre véritablement consciencieuse. On pourrait lui reprocher sa longueur : certaines parties sont de véri-tables chapitres de pathologie, bien écrits du reste, qui seraient mieux à leur place dans un traité d'accouchements que dans un mémoire de ce genre ; mais il faut savoir gré à l'auteur d'avoir si bien analysé et discuté les nombreuses observations qui lui étaient personnelles et d'avoir cherché à élucider, aussi complètement que cela lui était possible, certains points encore obscurs de la science obstétricale.

IX et X. De l'expression utérine appliquée au fœtus, par À.-F. Su-chard, ancien interne des hôpitaux de Paris1. —De la version par manœuvres externes et de l'expression utérine, par le docteur Tiiiery-Miiîg. (Gaz. hebdomadaire de médecine et de chirurgie, 1872, n° 39.) — L'expression utérine ayant été préconisée par M. Chan-treuil comme moyen de délivrance (Archiv. géne'r. de médecine, 1870) pourquoi ne serail-elle pas appliquée au fœtus lui-même? Telle-est la question que se pose, après quelques auteurs étrangers, M. Suchard qui, n'ayant pas d'observations personnelles, se con-tente de faire œuvre de vulgarisateur.

1 Un vol. in-8°. Adr. Delahaye, éditeur. Paris, 1872.

11 montre d'abord dans quelques pages fort intéressantes que les moyens souvent bizarres, parfois même très-violents, mis en pra-tique par les peuplades sauvages pour faciliter l'accouchement peuvent se résumer en des compressions qui poussent le fœtus en avant et des frictions qui réveillent l'activité plus ou moins ralentia de l'organe gestateur. Il donne ensuite, d'après Kristeller, le ma-nuel de l'expression utérine. « Après avoir fait coucher la femme sur le dos et avoir écarté les anses intestinales, on saisira l'organe gestateur avec des mains sèches dont le bord cubital sera dirigé vers le bassin, et la face palmaire appliquée sur le fond ou sur les côtés de l'utérus, mais seulement sur sa moitié supérieure. Le pouce devra rester sur la face antérieure. Puis rapprochant les uns des autres les doigts qui étaient, plus ou moins écartés, on cherchera aies faire passer autant que possible en arrière de l'utérus.On pres-sera alors légèrement les parois abdominales contre l'utérus à l'en-droit saisi ; puis, maintenant toujours les mains à la même place, on exercera une pression légère qu'on augmentera graduellement. Après avoir continué cette pression un certain temps, il faut la di-minuer peu à peu. Les pressions sur le fond de l'utérus doivent être dirigées dehautenbas,tandis que celles sur les parois latérales con-vergeront vers Taxe de Uorgane de la gestation. La durée de ces compressions variera de cinq à huit minutes; elles seront répétées dix, vingt,, quarante fois et séparées l'une de l'autre par des pauses de une demi-minute, une minute et même trois minutes, suivant l'urgence du cas, l'époque du travail où l'on se trouve et la sensibi-lité de la patiente. » Non-seulement l'expression peut ê're employée seule, mais elle peut rendre de très-grands services, combinée à l'extraction qu'elle facilite. Un certain nombre d'observations, rap-portées dans le travail de M. Suchard, et dues à Kristeller et à Llayfayr, montrent l'excellence de cette méthode. Les manipulations, en effet, agissent sur les muscles abdominaux en renforçant ou en remplaçant leur action : elles agissent sur Vutérus lui-même en provoquant des contractions, en augmentant leur fréquence et leur force.

L'expression utérine a l'insigne avantage d'imiter le pins possible la nature, de mettre surtout en usage la vis a tergo, contrairement au forceps et à la version, qui n'agissent que comme moy#n de traction. Du côté du fœtus il ne peut donc pas y avoir de déflexions, pas de rotations contraires à celles qui se seraient faites si l'on avait pu laisser l'accouchement s'accomplir naturellement; du côté

de l'utérus, il n'y aura pas d'hémorrhagie, puisque l'application exacte de l'organe gestateur contre l'enfant persistera jusqu'au bout; enfin la délivrance sera facilitée.

Gomme tous les procédés, l'expression utérine a ses indications et ses contre indications bien discutées et clairement exposées par M. Suchard, on l'emploiera surtout : 1° dans les cas où il y aura dé-faut d'action des muscles abdominaux ; 2° dans ceux où les con-tractions utérines seront absentes ou insuffisantes, pour permettre à la tête de franchir le col, et de triompher de l'obstacle opposé par les muscles du périnée.

C'est sans doute la publication de ce travail qui a déterminé M. le docteur Thierry-Mieg à mettre en pratique l'expression utérine. Dans une note adressée à la Gazette hebdomadaire (27 septembre 1872) ce médecin a consigné les résultats obtenus par lui depuis le mois de juin dernier. Dans un premier cas, l'expression utérine a été appliquée au fœtus. L'observation fort intéressante est intitulée : Tertipare. Présentation transversale du fœtus changée en présenta-tion du sommet par manœuvres externes. Terminaison par expres-sion utérine en deux heures un quart, tandis que précédemment le travail, abandonné à lui-même, avait duré une fois trente-six heures et une fois quarante-huit heures. La malade présentait un léger ré-trécissement du bassin, le diamètre sacro-pubien mesurait à peine 8 centimètres et demi.

Dans les quatre observations qui suivent, l'expression utérine a été employée avec succès pour faciliter l'expulsion du placenta. Une fois môme (Obs. 11), elle a déterminé l'arrêt d'une hémorrhagie commençante chez une femme tertipare qui avait eu des mélrorrha-gies considérables après chacun de ses deux premiers accouche-ments.

L'avenir nous dira sans doute avant peu si l'expression utérine donne toujours les excellents résultats que rationnellement il est permis d'attendre d'elle. Ce procédé est d'autant plus digne d'être essayé, que, s'il venait à échouer, rien n'empêcherait d'avoir recours aux anciennes méthodes.

XI. Leçons de clinique obstétkicale , professées par M. Depaul, rédigées par le docteur Desoyre — M. le professeur Depaul a com-mencé la publication d'un livre qui sera bientôt, nous n'en doutons pas, entre les mains de tous les médecins ; c'est la reproduction des

1 1 vol. 1er fascicule, chez Air. Delahayc, éditeur. Paris, 1872.

leçons qu'il a faites à l'hôpital des Cliniques en présence d'un au-ditoire chaque année plus nombreux et plus empressé. Dans le pre-mier fascicule qui vient de paraître, la grossesse simple, la môle vésiculaire et la grossesse gémellaire sont longuement étudiées. Un certain nombre de leçons ont été aussi consacrées au palper abdominal, au toucher et à l'auscultation. — L'auscultation obsté-tricale, sur laquelle M. Depaul a depuis longtemps publié d'excel-lents travaux, est surtout très-pratiquement exposée.

Dans les quelques pages qui servent de préface à son livre, l'au-teur insiste sur la nécessité qu'il y a pour le praticien à bien con-naître ses accouchements. Pour le chirurgien les opérations d'ur-gence constituent l'exception ; l'accoucheur, au contraire, doit être prêt à toutes les éventualités et il tient entre ses mains la vie de deux êtres. Quelques notions théoriques ne suffisent donc pas, la pratique est nécessaire. M. Depaul rappelle quelle est l'organisation du service de la Clinique fondée par M. Dubois, l'activité très-grande qui y règne, et il affirme que ce service ne le cède en rien aux cliniques étrangères. Nous pouvons ajouter, pour notre part, que le professeur esta la hauteur du rôle qu'il a à remplir; il suffira au lecteur, pour s'en convaincre, de bien étudier ces pages dans les-quelles il a consigné les résultats de sa grande expérience.

P. Budin.

BIBLIOGRAPHIE

Sur la Méningite et la Myélite dans le mal vertébral de Potf ; recherches d'anatomie et de physiologie pathologiques, par le doc'eur J.-A. Michaud, ancien interne des hôpitaux de Paris, etc. In-8 de 98 pages, avec 3 planches. Paris, Ad. Delahaye, éditeur.

« Si, dans le mal vertébral, la lésion osseuse est le point de dé-part de la maladie, c'e^t la lésion nerveuse qui en constitue le tableau symptomatique et qui domine, à une certaine période, toute la scène morbide. » C'est cette lésion nerveuse et les sym-ptômes qui s'y rattachent que l'auteur s'est proposé de nous faire connaître en y joignant l'étude comparative des autres myélites par compression. L'anatomie pathologique, la pathogénie, les symptô-mes, le diagnostic et le traitement se trouvent successivement dé-crits dans des chapitres différents.

Analomie pathologique. — Les altérations de la dure-mère, aux-quelles on n'accorde d'habitude qu'une simple mention, lui ont paru mériter une description détaillée, justifiée du reste par le rôle important qu'il leur fait jouer dans la product'on de la myélite. Le nom de pachyméningite externe, par lequel il les désigne, en indique et le siège et la nature. La dure-mère, irritée au voisinage de la lésion osseuse, s'enflamme dans sa partie superficielle et pousse de véritables bourgeons qui tapissent sa face externe; mais bientôt, les couches périphériques de ces bourgeons trop éloignées des vaisseaux se mortifient et subissent la transformation caséeuse. 11 en résulte, qu'à l'œil nu, la face externe de la dure-mére paraît recouverte par une couche de pus concret ou de matière tubercu-leuse. Des coupes de la membrane ainsi altérée y montrent l'exis-tence de trois couches : 1° une couche profonde de tissu demeuré sain ; 2° une couche moyenne constituée par le tissu normal infiltré d'éléments embryonnaires ; 3° une couche périphérique formée principalement de noyaux et de cellules embryo-plastiques entre-mêlés de corps fusifoimes. Ces éléments sont en voie de dévelop-pement dans la partie profonde, en voie de régression granulo-graisseuse à la périphérie.

Au lieu de se limiter aux parties superficielles de la dure-mère, l'inflammation peut en envahir la profondeur et amener alors la formation de petits abcès interstitiels ou d'une sorte de fausse mem-brane grisâtre étalée à sa face interne. Du reste, l'épaississement de la dure-mère ne se rencontre pas d'une façon fatale et deux condi-tions sont indispensables à sa production : 1° l'existence d'un foyer rempli de matière caséeuse au sein des vertèbres érodées; 2° l'ul-cération du ligament vertébral postérieur. Le pus caséeux se met alors en contact avec la dure-mère, irrite directement sa face ex-terne et y détermine la formation de plaques végétantes.

Abordant l'examen des altérations médullaires, l'auteur, après avoir rappelé les travaux de MM. Turck, Charcot, Bouchard sur les myélites par compression, se propose de déterminer quels sont les caractères spéciaux à la myélite du mal de Pott, en l'étudiant aux différentes périodes de son évolution.

Alors qu'il n'existe pas encore de paraplégie réelle, la moelle, au niveau du point comprimé, présente déjà tous les caractères du tissu nerveux enflammé ; on reconnaît de plus que la lésion est générale, cest-à-dire qu'elle occupe aussi bien les cordons posté-rieurs et la substance grise que les cordons antérieurs. Lorsque le

malade meurt avec une paraplégie complète, la partie comprimée est le siège d'altérations profondes qui se distinguent par certains caractères spéciaux des autres formes de la sclérose médullaire: réduction considérable du volume delà moelle, état tourmenté de la substance blanche entraînée dans tous les sens par de véritables tourbillons de sclérose, lésions de la substance grise dont les cornes sont atrophiées, refoulées, coupées en deux, etc., avec persistance constante de quelques groupes cellulaires.

Les dégénérations secondaires se présentent ici avec leurs carac-tères ordinaires. M. Michaud signale cependant quelques excep-tions remarquables de sclérose latérale ascendante. Celle-ci s'arrête ordinairement aune faible distance de la lésion ; mais, dans un cas, elle remontait à une grande hauteur en l'absence de toute altération des cordons postérieurs.

Lorsque le malade meurt guéri de sa paraplégie, la lésion de la moelle semble, au premier abord, n'avoir subi aucune modification ; mais un examen attentif permet de reconnaître entre les deux états des différences tranchées. Chez le paraplégique, l'organe indispen-sable à la transmission motrice, le tube nerveux, est profondément altéré; chez le malade qui marchait, au contraire, il est plus ou moins complètement restauré. Dans le premier cas, au sein du réticulum épaissi, on trouve les gaines nerveuses remplies et distendues par des corps granuleux dus à la destruction de la myéline et formant des vacuoles disséminées çà et là. 11 s'agit d'une sclérose fibreuse ou trabéculaire avec destruction des tubes nerveux. Dans le second, on trouve une sclérose fibrillaire et des tubes nerveux sains dont quelques-uns seulement sont plus minces qu'à l'état normal.

Pathogénie; — causes de la paralysie dans le mal de Pott et dans les myélites par compression. — La paraplégie dans le mal de Pott reconnaît donc pour cause habituelle les altérations que subit la moelle au point comprimé. On doit cependant se poser la question suivante :

La paraplégie ne peut-elle pas cire dans quelques cas le résultat de causes agissant mécaniquement, telles que la flexion de la moelle ou la compression simple de cet organe par une tumeur? Pour résoudre cette question, il importe de diviser les cas de compression de la moelle en deux catégories suivant que la cause mécanique agit rapidement ou lentement.

Quand elle agit brusquement, il esl démontré par de nombreux

exemples qu'elle peut donner naissance à des phémonènes paraly-tiques avant que la myélite ait eu le temps de se produire.

Mais lorsqu'elle s'effectue d'une façon lente, l'auteur croit pou-voir affirmer que la myélite par compression est la cause de la paralysie. Quels sont L s agents de celte compression ?

Celle qui est déterminée par l'os lui-même, bien qu'elle doive être admise est d'une rareté relative très-grande. La cause habituelle de la compression, nettement indiquée déjà par M. Echeverría, réside dans l'épaississement de la dure-mère.

La connaissance de ce fait jette un jour tout nouveau sur cer-taines questions dont la solution était encore inconnue. Elle permet d'expliquer le développement de la paralysie lorsque la courbure n'est pas très-prononcée ou même en l'absence de toute courbure ; l'existence de fortes incurvations sans paralysie ; elle permet enfin de comprendre que la paraplégie puisse disparaître sans qu'il se pro luise aucune modification dans la forme de la gibbosité.

Pour compléter cette élude, l'auteur passe ensuite rapidement en revue, les nombreuses lésions qui, en dehors du mal vertébral, peuvent comprimer la moelle et amener la paraplégie. A l'exemple de M. Charcot, il les divise en :

1° Tumeurs développées dans la moelle : gliome, tubercules, tu-meurs syphilitiques ; — 2° Tumeurs d'origine méningée.

Ce sont les différentes variétés de sarcome et de fibrome, le psammome, l'épithélioma, le myxome, la méningite hypertrophique de la région cervicale. Ces tumeurs déterminent une myélite qui se d stingue par certains caractères spéciaux : uniformité de la sclérose, — les cylindres d'axe sont pressés les uns contre les autres, développement parfois énorme des vaisseaux ;

5° Tumeurs d'origine osseuse.

Le carcinome, le fibro-sarcome, l'héléradénome des corps verté-braux. — Enfin les collections liquides et les tumeurs extra-rachi-diennes venant à envahir le canal vertébral.

Physiologie pathologique; symptomalologie. — M. Miehaud passe en revue dans ce chapitre les symptômes si variés de la myélite par compression ; il les étudie dans l'ordre où ils apparaissent et cherche aies rattacher aux données anatomiques et physiologiques actuelles:

Io Les sensations spontanées ouvrent la série des phénomènes morbides; elles sont de deux espèces, les unes dues à la névrite, les autres a l'inflammation de la substance mse;

2° La paraplégie ne tarde pas à leur succéder; elle s'établit gra-duellement, s'accompagne d'abord de flaccidité du membre, puis de contracture; celle-ci se produit d'abord dans l'extension, mais elle ne tarde pas à amener la flexion permanente ;

3° Les altérations de la sensibilité n'apparaissent qu'en troisième lieu. Ordinairement peu prononcées, elles se montrent dans l'ordre suivant: 1° perte du tact; 2° de la sensibilité à la température; 3° de la sensibilité douloureuse;

4° Symptômes récurrents. L'auteur désigne ainsi les phénomènes qui se produisent dans les parties situées au-dessus de la lésion et reconnaissant pour cause la propagation de la myélite aux régions supérieures de la moelle ;

5° Des troubles trophiques nombreux peuvent également se mon-trer comme conséquence de l'altération médullaire : atrophie mus-culaire, arthropathies, zona, eschare sacrée, etc.;

6° Variétés de siège et de forme. Le mal de Pott cervical est surtout intéressant à ce point de vue. Indépendamment des convulsions épileptiformes, des troubles pupillaii es, de ceux de la respiration et delà déglutition, la paralysie qu'elle amène peut présenter deux formes spéciales : l'hémiplégie liée à la lésion d'une seule pyra-mide, et la paraplégie cervicale. M. Gull désigne sous ce nom la paralysie des membres thoraciques avec conservation des mouve-ments dans les extrémités inférieures.

Diagnostic. — Le cancer de la colonne vertébrale est ordinaire-ment secondaire lorsqu'il est primitif ; le diagnostic est toujours très-embarrassant. Les tumeurs des méninges déterminent les mêmes symptômes que le mal de Pott, mais leur marche est plus régulièrement progressive.

Quant à la paehyméningite cervicale, les douleurs précoces dans les membres supérieurs, l'atrophie musculaire rapide qui leur succède, la paralysie avec contracture qui vient compléter le tableau la différencient nettement du mal de Pott.

La paehyméningite, qui tient sous sa dépendance l'altération de la moelle est elle-même intimement liée au sort de la lésion osseuse et lorsque celle-ci vient à guérir, elle tend elle-même à se réparer. La cautérisation au fer rouge, que M. Charcot applique depuis quel-ques aimées au traitement de ces cas, semble favoriser cette ten-dance naturelle et hâte d'une façon évidente la guérison de la paraplégie. Parmi les onze observations que l'auteur a placées à la

fin de sa thèse, quatre ont trait à des malades qui ont guéri par ce procédé. Gombadlt .

Thérapeutique des maladies de l'appareil urinaire, par le docteur F. Mallez et M. E. Delpech, pharmacien. Paris, A. Delahaye, 1872.

M. Mallez a fait avec la collaboration de M. Delpech une sorte d'encyclopédie comprenant tous les médicaments qu'on a em-ployés ou qu'on peut employer dans les maladies des voies uri-naires. Ce livre est écrit dans les formes adoptées en général pour les traités de thérapeutique, et même il contient une telle quantité de formules qu'on n'a que l'embarras du choix. Mais c'est aussi le tort très-sérieux qu'on peut reprocher à l'ouvrage : c'est qu'il vous laisse complètement dans l'embarras. Beaucoup trop volumineux pour un formulaire, il est absolument incomplet comme traité de thérapeutique, et sauf un petit nombre de chapitres que nous si-gnalerons en passant, il n'y a absolument rien d'original, rien qui puisse guider un médecin et lui permettre d'apprécier la valeur de telle ou telle médication dans un cas donné. Pour dire ma pensée, en un mot, le pharmacien est beaucoup trop dans ce livre ; le médecin n'est pas assez.

On verra, si l'on veut parcourir avec nous les divers chapitres de ce volumineux ouvrage, que nos critiques, pour être sévères, n'en sont pas moins parfaitement fondées.

Le chapitre premier consacre 21 pages à étudier l'urine physio-logique et pathologique, l'examen microscopique, l'analyse de l'u-rine et la composition des concrétions urinaires. C'est trop ou pas assez : cela n'a rien à voiravec la thérapeutique des voies urinaires, et ce serait absolument insuffisant pour guider dans une recherche un peu fine. J'y relève en passant une erreur due probablement à une faute d'impression : la quantité des matières solides qui pas-sent dans les urines en 24 heures est évaluée à 3 grammes et une fraction au l'eu de 30 et quelques grammes, chiffres donnés par Beale, si j'ai bonne mémoire.

M. Mallez aurait mieux fait de réserver son chapitre sur l'électri-cité pour l'ouvrage qu'il annonce sur la chirurgie de l'appareil uri-naire. Les études intéressantes sur le traitement par les courants continus de l'hydrocèle, de l'hypertrophie prostalique et sur lacune" par la galvano-causîique chimique des rétrécissements de l'urèthre auraient pu devenir l'objet de développements suffisants pour faire

bien apprécier la valeur de ces méthodes thérapeutiques. M. Mallez aurait pu énoncer des faits à l'appui de cette assertion, fort contes-table, que les caustiques alcalins et l'eschare obtenue par le rôle négatif donnent des cicatrices molles et peu ou pas rétractiles.

Ces deux premiers chapitres ne sont donc pas à leur place dans ce livre. Le plan général ne les rend pas nécessaires, et considérés en eux-mêmes, ils sont insuffisants pour renseigner le lecteur sur les matières dont ils trait; nt. Mieux eût donc valu ne pas les écrire.

Le troisième chapitre sur l'hydrothérapie est très-court et quoi-que contenant quelques indications utiles, il prêle en général le flanc aux mêmes critiques.

Dans le quatrième chapitre, intitulé médication topique de l'u-rèthre, M. Mallez fait un peu d'historique, décrit les bougies médi-camenteuses, les instillations, les insufflations avec la manière de s'en servir, voire même l'endoscope de M. Désormeaux, toutes ques-tions très-chirurgicales. Mais cherchez un mot de thérapeutique pro-prement dit e, cherchez quelle est au juste l'action de tel médicament, et quand il faut l'employer, vous ne trouverez rien, et si vous n'êtes pas déjà fort au courant de la thérapeutique des voies urinaires, vous ne saurez à laquelle accorder vos faveurs des vingt-neuf bou-gies et des soixante-trois injections qui sont énumérées pour finir le chapitre. Voilà donc encore une partie de cet ouvrage qui con-tient un peu de chirurgie, plus un formulaire. De thérapeutique, pas trace.

Le chapitre suivant qui traite des balsamiques est passible des mêmes reproches. À part quelques lignes très-succinctes sur l'action de l'eucalyptus globulus et sur celle du copahu, vient une énu-mération de pilules, d'huiles, de sirops, de bols, une sorte d'inven-taire pharmaceutique, comprenant rénumération d'une quinzaine de baumes inusités.

A propos de la médication alcaline, nous trouvons un assez long article qui résume les opinions de Mialhe, de Rabuteau, de Poi-seuille, etc., sur l'action générale des alcalins, mais qui nous ap-prend peu de chose au point de vue de leurs applications spéciales à l'appareil urïnaire.

Quand on ouvre un livre de thérapeutique, c'est bien moins une formule qu'on cherche que l'indication positive des cas où il faut avoir recours à telle ou telle médication, à tel ou tel agent. Pour faire un bon livre, avec le cadre beaucoup trop étendu qu'ont pris MM.Mallez

et Delpcch, il auraitfalluanalyser l'action de cliaquejmédieament, reje-ter ou passer sous silence ceux qui sont inutiles. Je sais bien qu'une telle œuvre leur eût coûté plus de dix ans de travail pour être menée abonne fin, car n'est pas thérapeutiste qui veut. Mais du moins leur ouvrage serait utile. S'ils ont voulu faire un formulaire, il est beau-coup trop peu maniable et les trois quarts du texte au moins sont inutiles; s'ils ont voulu faire un vrai livre de thérapeutique, ils n'ont certes pas réussi. Dirai-je que tandis qu'ils signalent le clo-porte et le grillon dans la médication diurétique, tandis qu'ils énu-mèrent toute espèce de narcotiques qui sont employés dans les maladies des voies urinaires exactement comme dans les autres maladies, on trouve à peine une discussion sur l'emploi du sulfate de quinine dans la fièvre qui suit les opérations des voies urinaires. L'action de ce sel est assez douteuse. Plusieurs praticiens y ont presque entièrement renoncé. Cette question importante est à peine ébauchée dans le livre de M. Mallez qui cependant doit avoir pour juger la valeur du sulfate de quinine au point de vue de la fièvre urineuse, les résultats d'une longue expérience.

Les limites de cé compte rendu ne nous permettent pas de suivre; les auteurs dans leur longue énumération. Les autres chapitres pré-sentent les mêmes défauts que nous venons de signaler pour quel-ques-uns. A la fin de l'ouvrage se trouvent dix tableaux synop tiques indiquant le traitement à opposer à la plupart des maladies des voies urinaires. Ces tableaux et un petit formulaire en auraient dit autant, ni plus ni moins que le livre tout entier.

A. Malherbe.

De la malignité dans les maladies, par J. V. Laborde, br. in-8 de 104 pages. Germer-Baillière, lib. édit.

De la malignité dans les maladies!! exisle-t-il donc vraiment dans le domaine des maladies quelque chose d'occulte, un esprit malin, qui, intervenant on ne sait pourquoi dans le cours de ces maladies, leur donne un caractère particulièrement dangereux et irrémédiable? Poser une pareille question, c'est y répondre. Mais n'ya-t-il pas certaine modalité se traduisant par un ensemble écolo-gique et symptomatique réel, réductible en un terme équivalent aux mots malignité, état malin? C'est évidemment la question qui doit être examinée.

M. Laborde, dans un long historique, nous montre la malignité issue de l'école hippocratique suivre les péripéties des doctrines qui se sont succédé et ont régné tour à tour. Tantôt admise dans sa sim-plicité primitive, tantôt noyée dans des obscurités de toute sorte; d'autres fois repoussée comme une erreur ou une inutilité, la mali-gnité a survécu, en définitive, et a trouvé son plus puissant appui dans les doctrines qui se sont montrées et se montrent encore les plus fidèles aux notions traditionnelles. C'est dans ce camp que persiste la notion de la malignité, mais réduite à des proportions beaucoup moindres.

Dans la médecine moderne, la malignité s'applique : 1° aux ma-ladies dans lesquelles la tendance funeste, la mobilité des manifes-tations morbides (anatomiques ou fonctionnelles), leur expression insolite, leur marche irrégulière, une réaction languissante ou vio-lente à l'excès, un danger imminent, sont les avant-coureurs ou bien sont l'expression normale et irrégulière d'une cause plus ou moins connue (miasme variolique, variole bénigne, variole maligne) ; ou bien ne peuvent être dérivés, dans l'état actuel de la science, d'au-cune cause, d'aucune lésion, et sont pour les praticiens une énigme indéchiffrable (fièvre pernicieuse); 2° à de secrètes dispositions de l'organisme vivant, en vertu desquelles il ne répond pas convena-blement à l'action offensive des agents morbifères, connus ou in-connus, et après une lutte bizarrement accidentée, succombe à une attaque dont, dans d'autres circonstances, il se fût dégagé sans peine.

M. Laborde n'a pas choisi ce sujet: il lui a été imposé au con-cours de l'agrégation ; pardonnons-lui donc le ton de dépit et de mauvaise humeur qui perce peut-être par trop souvent dans son style abondant et fleuri. Remercions-le du dévouement qu'il a montré, des recherches qu'il a faites pour mener à bonne fin une œuvre ardue sur un sujet démodé. G. P.

IjC Gérant : a. de montmkja.

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DES HOPITAUX

MOLLUSCUM PENDULUM DU PIED

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DES HOPITAUX DE PARIS

CLINIQUE CHIRURGICALE

MOLLUSCUM PENDULUM DU PIED GAUCHE

par M. le docteur TILLAUX, chirurgien de l'hôpital Saint-Louis

Le cas suivant mérite surtout d'attirer l'attention en raison du siège qu'occupait la tumeur. La malade, Vah..., âgée de 66 ans, est entrée dans notre service au mois d'août dernier. Elle nous apprit qu'elle avait sa tumeur depuis trente ans. En raison de la lenteur de son développement, elle a pu la supporter sans gêne ni douleur.

Sept semaines avant son admission à l'hôpital Saint-Louis, V..., à la suite d'une longue course, ressentit dans sa tumeur des dou-leurs assez vives, qui l'obligèrent à garder le repos. La tumeur s'enflamma et prit tous les caractères que nous présentent les li-pomes en pareil cas.

Lors de notre premier examen, la tumeur, de forme ovoïde, avait à peu près le volume du poing ; sa. consistance rappelait celle du lipome; elle était complètement indolente, même au loucher; enfin, on voyait une surface ulcérée, un peu plus large qu'une pièce de cinq francs1.

La tumeur est reliée à la voûte plantaire par un pédicule épais d'un centimètre environ, ayant à peu près la même longueur, et prenant son point d'insertion vers le bord externe du pied, un peu en arrière des deux derniers orteils. Il s'agissait ici d'un molluscum pendulum. ,

Pendant la marche, la tumeur se rabat sur la plante du pied, vers son bord interne. La portion de la lace plantaire sur laquelle la tu-meur s'applicjue d'habitude s'est creusée assez profondément et,

1 La partie noire du bord inférieur de la tumeur — sur la planche XX.XIV — répond à l'ulcération.

4e annkg. 12

sur la planche XXXIV, on voit très-bien cette cavité, dont les bords sont nettement tranchés.

Pendant quelque temps, nous fîmes appliquer des cataplasmes sur la tumeur et, lorsque les phénomènes inflammatoires furent amendés, nous avons enlevé la tumeur à l'aide de l'écraseur. L'opé-ration se fit sans que la malade fût chloroformée, et il n'y eut pas d'hémorrhagie. Huit ou dix jours plus tard, celte femme sortait complètement guérie.

L'examen hislologique a démontré que cette tumeur se composait de tissu fibreux et de graisse.

TÉRATOLOGIE

NOTES SUR UN ACÉPHALE HUMAIN Par H. GRIPAT, interne des hôpitaux de Paris

Le 10 février 1872, la femme Séraphine Plaçais, âgée de 55 ans, primipare, accouchait à Angers de deux produits: le premier du sexe féminin, bien conformé; le second monstrueux. Une sage-femme assistait à l'accouchement et appela plus tard mon père, auquel elle remit le monstre.

Voici d'abord les détails que j'ai recueillis des parents, de la sage-femme, enfin de mon père, sur les antécédents de la femme et sur l'accouchement. Je dois dire de suite que les parents donnent avec hésitation certains renseignements étioiogiques, que la sage-femme est peu intelligente, très-peu instruite, et qu'elle m'a semblé avoir fort mal observé; d'autre part, mon père appelé, alors que la malade avait déjà une métro-péritonite par rétention du placenta, n'a pu recueillir que des détails incomplets. La femme Plaçais s'é-tait mariée avec un homme étranger au pays, né aux environs de Guingamp, qui s'en alla trois semaines après son mariage, à la suite de querelles avec sa femme. Depuis, il n'a plus été revu. Il avait servi comme mobilisé pendant la dernière guerre, ce qui indique qu'il ne devait présenter aucune infirmité apparente. Toutefois, il portait au cou et à la face de nombreuses traces de scrofule. La femme est petite, rachitique, mal conformée et paraît avoir un ré-trécissement du bassin, dont le diamètre n'a pas été noté. La mère de cette femme est vigoureusement constituée, son père est faible

de poitrine, et elle a six frères ou sœurs bien conformés et grands.

Les parents, interrogés sur la date de la grossesse, répondent avec hésitation que la femme s'est mariée le 25 juillet i87J, six mois et demi avant l'accouchement, et qu'elle a ressenti dans la semaine suivante les premiers symptômes nerveux de la grossesse. Mais il est très-probable qu'elle avait eu des rapports avant son mariage, que son mari l'avait épousée pour ses économies, et que C'est préci-sément parce qu'il n'a pu les avoir en sa possession qu'il est parti pour ne plus revenir, au bout de trois semaines de ménage, proba-blement après ces querelles.

Pendant toute la durée de sa grossesse, la femme Plaçais éprouva par suite de cette situation de grands chagrins, mais ne fut atteinte d'aucune maladie. Elle accoucha le 10 février 1872. Bien que nous pensions devoir reporter avant le 25 juillet le début de la grossesse, nous croyons néanmoins que l'accouchement était prématuré, pro-bablement vers le milieu ou la fin du septième mois. Aucun accident de cause extérieure ne paraît avoir provoqué cet accouchement avant terme.

Les eaux sortirent en une seule fois, dit la sage-femme, qui paraît cependant n'en être pas bien certaine. Une fille vivante, bien con-formée, pesant environ 1 kilogramme ou peut-être un peu plus, sortit facilement par la tète. Elle poussa un petit cri, fit quelques mouvements et mourut au bout de deux ou trois minutes, sans autre cause apparente que sa faiblesse. Son cordon était de longueur et de grosseur normales. Dix minutes après environ, deux pieds se présentant à La vulve, la sage-femme tira dessus pour extraire le deuxième produit, ce qu'elle eut de la peine à faire, d'abord parce que le col était déjà revenu sur lui-même, ensuite à cause du volume de la partie sus-ombilicale du produit. La sage-femme fut fort ef-frayée en s'apercevant qu'il était monstrueux et n'avait pas de tête. Elle prétend qu'il remua les deux jambes aussitôt après sa naissance, et ne donna ensuite aucun signe de vie. Le cordon était gros, mou, bosselé, d'une longueur d'environ 25 à 28 centimètres, contrastant ainsi par son volume et sa longueur avec le cordon de. l'autre pro-duit. Il paraissait d'ailleurs situé plus en arrière. Nous ne pouvons savoir s'il y avait un seul ou deux placentas, et si les jumeaux étaient contenus dans une seule poche ; car les deux cordons furent brisés par la sage-femme, et il y eut rétraction du placenta qui produisit une métro-péritonite, mortelle au bout de dix jours.

Le monstre, considéré dans son ensemble, paraît à première vue

formé d'une partie sous-ombilicale normale, surmontée d'une grosse poche molle, presque fluctuante. Il paraît tout de suite évident que la tête manque et que nous avons affaire à un acéphalien. Quand on le couche, sa longueur totale est de 25 centimètres, dont 12 centi-mètres pour la portion sous-ombilicale ; la largeur de la poche su-périeure qui s'aplatit est de 13 centimètres ; la circonférence au ni-veau de l'ombilic est de 20 centimètres. (Voy. Pl. XXXV.)

Décrivons d'abord la portion sous-ombilicale. Au-devant du pubis, sur la ligne médiane, se trouve une saillie arrondie, se prolongeant vers le périnée en forme de scrotum, et surmontée à sa partie anté-rieure par une autre saillie cylindrique ressemblant à une verge: à droite de son extrémité, on aperçoit un orifice en forme de fente verticale et paraissant être le méat urinaire. Un stylet glisse de quelques millimètres dans un canal que nous rechercherons plus tard. La situation latérale de cette fente est probablement factice et tient à la position prise pendant trois ou quatre jours de macération dans un vase où le fœtus n'était recouvert que de compresses imbi-bées d'eau pure. On ne trouve aucune trace de prépuce.

Le membre inférieur droit, mesuré depuis le talon jusqu'au pli génito-crural, est de 83 millimètres : il est presque en extension complète, mais en rotation complète en dehors. Sa circonférence à la base de la cuisse est de 10 centimètres.

Le membre inférieur gauche a une longueur de 75 millimètres, mais il est en demi-flexion de la cuisse sur le bassin et de la jambe sur la cuisse. Il est aussi en rotation en dehors. Sa circonférence à la base est de 11 cent. 1/2.

Les deux jambes sont terminées par des pieds bots valgus (voy, Pl. XXXV), dont la partie tarsienne est renversée en dehors et la partie métatarso-phalangienne relevée c:i avant, de telle sorte que l'axe de chaque pied forme par sa brisure un angle obtus ouvert en dehors et en haut. A la partie interne, le scapboïde fait une forte saillie. Les deux talons sont fort apparents.

Le pied droit porte quatre orteils, dont trois sur le même plan, le troisième situé au-dessus. Celui qui manque semble être le deuxième, si l'on considère l'espace qui sépare le premier des autres ; le cin-quième au contraire, si l'on remarque que le second a précisément sa longueur normale plus grande que celle du gros orteil. Tous ont des ongles apparents, minces, longs de 1 millimètre environ.

Le pied gauche a cinq orteils complets, dont les deux derniers accolés et un bourgeon intermédiaire aux deux premiers dans la

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ACÉPHALI E

partie plantaire de l'interstice et qui semble le rudiment d'un orteil. Le troisième est situé dans un plan inférieur aux trois autres.

Vue parla partie postérieure, cette portion sous-ombilicale paraît normale en tous points.

Au-dessus du cordon, nous trouvons une vaste poche bilobée, plus grosse à gauche qu'à droite, de telle sorte que la partie gauche du haut du corps paraît, comme dans les membres inférieurs, un peu plus développée que la droite. Sur la ligne médiane se voit en avant un sillon prononcé qui se termine par une vésicule médiane située à 5 centimètres i /2 au-dessus de l'ombilic. De chaque côté de ce sil-lon, qui paraît produit par labifiditô du sternum, se trouvent deux lobes (voy. Pl. xxxv) ; celui de droite, moins gros, porte, à 6 centi-mètres de l'ombilic et à 4 centimètres de la scissure médiane, un bourgeon fongoïde qui doit être le rudiment du membre supérieur droit, et qui ressemble à un mamelon quand il est caché dans les plis de la peau. Le lobe gauche, plus saillant et plus tombant, porte gaiement un bourgeon pédicule, bien plus volumineux que le droit, formé à son ex!rémité par l'accolement de deux bourgeons secon-daires, de volume différent. Il est à 6 centimètres de la ligne mé-diane, à 8 centimètres i /2 de l'ombilic.

Entre ces deux bourgeons se trouve, comme nous l'avons déjà dit, une vésicule grosse comme le bout du petit doigt, et à gauche de laquelle se voit, dans une dépression, un bourgeon pédicule comme les précédents et formé de trois bourgeons secondaires dis-posés transversalement. (Voy. Pl. xxxv.) Au-dessus et au-dessous de ce bourgeon cephalique se voient des poils assez nombreux dont quelques-uns ont 7 à 8 millimètres ; les supérieurs semblent être ceux que l'on voit ordinairement sur la partie supérieure du dos des nouveau-nés. —, Ce bourgeon cephalique situé , en somme, à 0m,16 au-dessus des talons, parait supporté directement par une colonne vertébrale facile à sentir, surtout à la partie supé-rieure. — Au-dessus du bourgeon cephalique se trouve la poche dont nous avons déjà parlé, qui se continue par une peau épaisse avec les téguments de la partie postérieure. La peau est partout as-sez opaque, et l'épiderme des portions qui ont macéré se détache facilement en larges plaques.

L'injection du système circulatoire est faite par la veine ombili-cale, mais il se produit de nombreuses fuites dans le tissu cellu-laire. Une incision verticale va depuis la partie supérieure jusqu'au pubis ; une autre transversale d'un membre supérieur à l'autre. —

Tous les téguments de la face antérieure sont fort épais, et c'est à leur œdème dur que sont dues les saillies globuleuses situées sous les membres supérieurs.

Le tronc doit être divisé" en trois portions : l'une ventrale, une seconde tboracique, ces deux-là situées en avant de la colonne vertébrale ; enfin, une autre dorsale, située en arrière de la co-lonne vertébrale.

En arrière, on trouve une poche mesurant 10 centimètres de lar-geur et 12 centimètres de hauteur, appliquée immédiatement der-rière la colonne vertébrale, qu'elle déborde de moitié en haut. C'est elle qui donnait à la partie supérieure du corps la flaccidité dont nous avons parlé. Cette poche est tapissée par une membrane sé-reuse sans prolongement, remplie à moitié d'un liquide lactescent et d'une masse pulpeuse d'un blanc grisâtre et jaunâtre à la fois, ressemblant à de la substance encéphalique dégénérée par la macé-ration que le monstre a subie pendant les premiers jours. L'examen au microscope ne permet pas d'y reconnaître d'éléments caractéris-tiques ; quelques brides celluleuses traversent la poche.

En avant, après avoir disséqué les parois abdominales complètes, à muscles distincts, et les parois molles du thorax, formées par des faisceaux musculaires épars dans la masse connective, après avoir dénudé la cage thoracique, on voit que la partie antérieure du tronc peut être divisée en deux régions, la ventrale et la thoracique, mais qu'en définitive, tous les organes du ventre et du thorax sont com-pris dans une seule cavité sous-diaphragmatique. En effet, le thymus, la plèvre, les poumons et le cœur manquant absolument, le dia-phragme tapisse la cage thoracique dans toute son étendue en re-montant jusqu'au niveau de la portion supérieure unique du ster-num. Le foie, le pancréas font défaut. Immédiatement au-dessous du diaphragme, on trouve deux reins profondément lobules, gros chacun comme le bout du pouce, remplissant la cavité thoracique ; le droit plus volumineux que le gauche. Tous deux paraissent dé-pourvus de capsules surrénales. Les uretères sont volumineux, fiexueux ; ils se rendent à la partie inférieure d'une vessie qui est relativement volumineuse aussi, et est prolongée par l'ouraque jus-qu'à l'ombilic. Un peu en dedans et au-dessous du rein gauche, se trouve une rate très-peu volumineuse.

Dans la cavité péritonéale nous notons d'abord l'absence d'esto-mac. Le tube digestif a 35 centimètres de longueur, dont 20 pour le petit intestin et 15 pour le gros. L'intestin grêle commence en cul-

de-sac ; le gros finit de même, à quelques centimètres seulement d'un anus imperforé. La valvule iléo-cœcale est dans la fosse iliaque gauche, et l'S iliaque dansla droite. Le paquet, intestinal est tout en-tier groupé au niveau de l'ombilic, dans un espace restreint, limité en haut par les reins, en bas par la vessie, en côté par les deux ure-tères, dont le calibre est notablement supérieur à celui de l'intes-tin. Il n'y a pas d'éventration. Ainsi, la cavité sous-diaphragmatique est presque remplie par l'appareil urinaire.

Le système circulatoire se divise en un système veineux attenant à la veine ombilicale et un système artériel. Nous n'avons pas trouvé de vaisseaux pour la circulation porte.

La veine ombilicale unique se rend dans un renflement veineux situé au-devant de la colonne vertébrale, entre les deux reins. Ce renflement a la forme d'un haricot, à grand diamètre horizontal. De sa convexité supérieure, part un tronc commun pour la partie supérieure, veine cave supérieure, qui fournit bientôt trois vaisseaux secondaires : le médian pour l'extrémité céphalique, les deux laté-raux pour chaque membre supérieur et la partie correspondante de la poche dorsale. De la cavité partent deux troncs, veines iliaques non réunies pour former la veine cave inférieure, qui se rendent aux membres inférieurs. La veine iliaque gauche passe en avant de l'artère correspondante, la droite passe en arrière.

Le système artériel est formé par une aorte longeant le côté gauche de la colonne vertébrale et passant derrière le renflement veineux. L'aorte ascendante se distribue comme la veine cave su-périeure. L'aorte descendante se divise au niveau du bord supérieur du bassin en deux iliaques qui fournissent chacune une artère om-bilicale. Les deux artères ombilicales se réunissent à angle aigu au niveau de l'ombilic, de sorte qu'il n'y a qu'une artère dans le cordon.

Les deux testicules, longs de-2 à 3 millimètres seulement, sont à l'anneau inguinal interne ; l'épididyme en est un peu séparé. Les artères spermatiques naissent de l'aorte, immédiatement au-dessous des artères rénales. De chaque côté, le gubernaculum testis s'insère au fond du scrotum ; il maintient le testicule en place et prêt à des-cendre dans le scrotum. L'urèthre s'ouvre à droite de la ligne mé-diane du gland parmi méat vertical.

Le système musculaire est assez développé dans toute la portion sous-ombilicale. Le diaphragme est épais, complet, mais les muscles de la paroi thoracique et des membres supérieurs sont formés de

rares faisceaux séparés par de nombreux éléments connectifs, œdé-matiés et fibreux.

Les nerfs qui émergent du canal vertébral sont relativement gros. Plusieurs ganglions sympathiques sontvisibles à la partie supérieure de la cavité thoracique.

Le squelette ne nous présente rien d'intéressant dans la partie sous-ombilicale. La colonne vertébrale est incomplète. La colonne dorsale est déviée à gauche et formée de neuf vertèbres présentant en avant un large point d'ossification sur le corps. La colonne cer-vicale est formée par une seule vertèbre affectant la forme d'un axis sans trou pour le passage de la moelle. L'axis se compose de deux pièces principales : une qui forme le corps et la masse laté-rale gauche, supportant une apophyse odontoïde dont le sommet cartilagineux non soudé ; une seconde pièce forme la masse latérale droite. La face antérieure de l'axis regarde notablement à droite. De chaque côté des masses de l'axis part un ligament fibreux pour la clavicule. Cet os, relativement développé, surtout à droite, est re-courbé; son ôpiphyse antérieure n'est pas soudée. Les deux clavi-cules tiennent à un sternum cartilagineux unique seulement dans sa première pièce.

Le membre supérieur droit n'est relié à la clavicule que par un petit ligament ; l'omoplate n'existe pas; à gauche, l'omoplate est constituée par un os à l'état cartilagineux, fortement recourbé, dont les deux extrémités s'insèrent sur la clavicule. De la partie médiane de cette omoplate part un ligament qui supporte les téguments du membre supérieur; mais sur la partie moyenne de ce ligament se trouve un humérus rudimentaire, long de 7 à 8 millimètres, large de moitié, lerminé par deux renflemenls.

Les côtes présentent des différences notables des deux côtés. A droite, elles sont au nombre de neuf. Les quatre inférieures, libres en avant, s'insèrent directement sur les vertèbres ; les deux sui-vantes forment en arrière un seul os s'insérant sur la colonne, bi-fide en avant, et s'attachant au sternum au moyen de cartilages. Les deuxième et troisième côtes présentent la même particularité; la première s'insère sur le milieu de la deuxième au moyen de liga-ments. A gauche, il n'y a que sept côtes. Les quatre premières ont une portion commune en arrière, à quatre têtes, traversées de trous pour le passage des nerfs; la quatrième a une largeur double des autres. Les trois dernières sont isolées et libres en avant1.

* Ce monstre a été présenté à ta Société anatomique (1812).

EXPLICATION DE LA PLANCHE XXXV

I, bourgeon répondant au membre supérieur droit;— II, bourgeon répondant au membre supérieur gauche ; — III, bourgeon céphalique. — Les dépressions situées entre les bourgeons I et II, et entre les bourgeons II et III, sont produites par des épingles qui ont servi à suspendre le monstre.

OBSTÉTRIQUE

OBSERVATION D'ACCOUCHEMENT SPONTANÉ CHEZ UNE FEMME

RACHITIQUE

Par le docteur verrier

Si le rachitisme produit le plus souvent sur le bassin des défor-mations incompatibles avec l'accouchement spontané, il peut arriver aussi que, sous l'influence de celte maladie, le bassin soit agrandi dans ses diamètres, bien que la femme présente toutes les apparences du rachitisme confirmé. La Revue photographique des hôpitaux de Paris (1871, Pl. XVIII et XIX) a déjà enregistré un cas semblable, etee n'est pas sans raison que P. Dubois conseillait de ne jamais pro-voquer l'accouchement chez une racbitique primipare, car on ne sait pas alors comment cette, femme accouchera. — Volume du fœtus, dimensions exactes du bassin, énergie des contractions utérines, voilà, dans ces cas, les trois termes inconnus delà question.

Victoire X..., primipare, âgée de 55 ans, nous fut adressée le 8 sept, par madame Haunais. — Cette femme a vu ses règles pour la dernière fois le 24 décembre 1871. D'après son dire, un premier rapprochement sexuel au-rait eut lieu le 50 décembre et elle a toutes raisons de se croire enceinte à partir de ce jour ; soit, au jour de notre premier examen, huit mois et une semaine de grossesse.

Victoire, au premier aspect, présente les apparences les plus complètes d'un rachitisme très-marqué. Tel était le principal motif qui nous Lavait fait adresser par la sage-femme. En effet, sa taille est au-dessous de la moyenne, bien qu'elle ne soit pas encore celle d'une naine ; Victoire a un mètre 40 centim., mais c'est plutôt par l'ensemble que l'on juge du degré delà maladie. Ainsi, nous fûmes frappé de sa démarche, de sa tournure, de la longueur des membres supérieurs.

Impossible de voir, au premier examen, les membres inférieurs. Le fond de l'utérus remontait jusqu'au sternum, le ventre était en besace; les jambes rectilignes et très-longues ne présentaient aucune des traces ordinaires de la maladie; la face était vullueuse, violacée même, la respiration très-gênée. Les

hanches présentaient une grande inégalité de niveau et, en faisant marcher la malade, on remarque un balancement latéral, plus prononcé que dans la grossesse normale qui n'était point cependant de la claudication, mais qui était caractéristique des déformations du squelette.

Du côté de la face postérieure du tronc on voyait des déformations encore plus accusées. Les apophyses épineuses lombaires et sacrées forment une saillie très-considérable composée de cinq vertèbres, les deux dernières lombaires et les trois premières sacrées ; c'est une véritable gibbosité : aussi cette femme ne présentait-elle pas cette ensellure habituelle des femmes à bassin vicié.

La hanche gauche est plus élevée de 0m,045 que la droite. La colonne ver-tébrale, comme l'indique la Planche XXXVI, présente une double déviation, savoir : une convexité à droite qui, au niveau de la septième vertèbre dorsale, se rejette du côté gauche pour former une courbure de compen-sation.

Les membres inférieurs, très-longs, avons-nous dit, sont considérablement infiltrés; leur longueur du pli génito-crural (insertions des adducteurs) au tnlon est de 0m,77; leur grosseur, prise au-dessus de la malléole, est pour les deux membres sensiblement la même (0m,58); au niveau du mollet elle est de 0m,48.

On se rend compte alors de l'aspect de cette femme dont les membres in-férieurs sont si développés en tous sens et le tronc si court...

Les membres supérieurs, loin de présenter cet aspect fœtal, noté par M. Bailly chez certaines rachitiques, sont, comme les jambes, très-longs et rappellent ceux des quadrumanes.

Le bras mesure 0m,32, l'avant-bras, 0m,25; la main, du niveau de la base du carpe à l'extrémité du médius, 0m,19.

Antécédents. — Son père avait 37 ans lorsqu'elle vint au monde et sa mère 35. Son père mourut de phthisie à l'âge de 44 ans ; sa mère vit ; trois frères et sœurs, dont se compose la famille sont bien portants et bien con-formés. — Rien dans les antécédents de cette famille qui puisse éclairer sur la difformité actuelle, si ce n'est peut-être la phthisie du père...

La malade a marché de très-bonne heure. A 6 ans, elle fit une chute dans une mare. Un an après commença la maladie qui a donné lieu aux défor-mations des os. Victoire garda le lit durant trois mois. L'altération du squelette s'accrut peu à peu jusqu'à l'âge de 14 ans; alors elle resta sta-tionnaire. Les règles sont apparues à 18 ans.

État actuel. — Pelvimètrie externe (a\ec le nouvel instrument de M. De-paul) : Diamètre sacro-pelvien, 0m,25.

Si on en déduit les 8 centimètres habituels on arrive à une ouverture de 0m,15, c'est-à-dire 0m,04 de plus qu'à l'état normal. Mais les autres défor-mations du bassin ne permettent pas de compter sur une exagération aussi grande du diamètre antéro-postérieur.

La hauteur de la symphyse, vérifiée par madame Danchet, sage-femme, chez laquelle la malade est accouchée, et par cinq des élèves qui suivent notre policlinique, mesure 0m,15! C'est une véritable barrure, mais en hau-

REVUE PHOTOGRAPHIQUE

DES HOPITAUX

RACHITISME

teur, de manière à n'opposer aucune difficulté .au dégagement de l'oc-ciput.

Il résulte de cette disposition une brièveté très-grande d'étendue de la symphyse à l'ombilic ; c'est donc avec raison que M. Guéniot récuse l'om-bilic comme un bon point de repère pour l'appréciation de la hauteur de l'utérus. Or, ici, de la partie supérieure de la symphyse à l'anneau ombi-lical il y avait : 0m,65 ; de l'ombilic à l'appendice xyphoïde : 0m,08.

La hauteur complète du sternum était de 0m,20.

Toucher. —Bassin très-profond en arrière ; le segment inférieur de l'uté-rus est légèrement engagé, col en arrière, orifice externe fermé, sillon cervico-utérin effacé, mais le col a cependant encore de la longueur. On ne sent pas la partie fœtale, mais on entend les bruits du cœur dans la fosse iliaque gauche avec un souffle général très-intense.

Si on ramène le doigt en avant, on sent manifestement la déformation de la symphyse, et l'on parcourt du côté droit une partie delà ligne innommée; la branche horizontale du pubis droit est plus rapprochée de l'angle sacro-vertébral que celle de gauche et, de ce dernier côté, on ne sent pas la ligne innommée; le bassin est donc oblique, ce qui se conçoit d'après l'inégalité de hauteur des hanches et les courbures de la colonne vertébrale. La femme étant fatiguée, nous remîmes la pelvimétrie interne avec l'instrument de M. Depaul, qui est un véritable pelvimétre universel, à une autre séance.

Nous constatâmes encore que le système pileux était très-développé, non seulement aux pubis, mais encore sur le corps. Pas d'albumine dans l'urine, malgré l'infiltration.

Depuis la maladie dont nous avons parlé, maladie qui fut le point de départ des difformités actuelles, cette femme avait joui d'une bonne santé, sauf quatre anthrax, très-volumineux, qu'elle aurait eus quelque temps après sa convalescence.

Après l'examen auquel avait été soumise Victoire, nous repous-sâmes l'accouchement prématuré auquel nous avions tout d'abord pensé. Mais la nature se chargea de la besogne, et nous n'eûmes pas le loisir de soumettre cette femme à un nouvel examen. Les premières douleurs se déclarèrent le 15 septembre, à 8 heures du matin. La rupture des membranes eut lieu à 9 heures, spontané-ment, preuve, qu'au début du travail, la tête ne s'engageait point. La perte d'eau fut abondante. A minuit, la dilatation du col n'était encore égale qu'au diamètre d'une pièce de cinq francs en argent. Les contractions cependant devinrent plus rapprochées, et le travail, après avoir suivi toutes les phases d'un accouchement naturel, mais lent, se termina spontanément à 4 heures 1 /2 du matin, après 20 heures de souffrances.

L'enfant, du sexe masculin, pesait 2,900 grammes. D'après son développement, cet enfant paraissait bien de 8 mois 1 /2.

Voici, du reste, ses dimensions :

Longueur totale............. 480

Du sommet à l'ombilic.......... 260

De l'ombilic aux talons.......... 220

Diamètre occipito-frontal......... 115

— occipito-mentonnier...... 125

— sous-occipito-bregmatique. ... 90

Après l'accouchement, l'utérus resta très-ôlevô, il était derrière le sternum, sans plénitude de la vessie. Mais il s'abaissa rapide-ment : le quatrième jour, il était derrière les pubis ; enfin le hui-tième jour, l'utérus était rentré dans l'excavation, il formait même un prolapsus assez complet, dû, sans nul doute, à l'ampleur de ce bassin dont l'axe du détroit supérieur formait cependant avec l'ho-rizon un angle beaucoup plus aigu qu'à l'état normal.

Au bout de 8 jours, la femme se levait et mangeait à son appétit. L'infiltration avait disparu. Les jambes s'étaient dégonflées très-rapidement. Elles ne présentaient plus que 19 centimètres au-des-sus de la malléole et 26 centimètres au niveau du gras des mollets. Le dixième jour, nous faisions la photographie de Victoire, et après la séance, elle partait dans son pays, qui est très-sain, sans que nous ayons pu mesurer le bassin à l'intérieur, à cause du pro-lapsus de l'utérus qui s'opposait à toute introduction d'instruments.

PATHOLOGIE EXTERNE

DE L'ÉLONGATION HYPERTROPHIOUE DE LA PORTION SOUS-VAGINALE DU COL DE L'UTÉRUS

Par L.-E. DUPUY, interne des hôpitaux de Paris.

— suite 1 —

V. Structure du col hypertrophié. —11 nous reste maintenant à déterminer aux dépens de quels éléments anatomiques se fait le processus hyperlrophique. — Tous les tissus qui entrent dans la composition du col utérin peuvent y participer ; mais il faut établir ici une distinction importante : tantôt l'hypertrophie porte égale-ment sur tous ces éléments, et c'est là le cas le plus fréquent, tan-tôt elle porte de préférence sur un seul système tel que les vaisseaux,

1 Voy. Revue photogr. des hôpitaux de Paris, pages 185, 262 et 360.

l'appareil glandulaire ou muqueux, le tissu conjonctif, etc. Dans certains cas, enfin, la structure primitive du col n'existe plus et celui-ci se trouve exlusivement formé soit de tissu fibreux pur (fi-brome), soit de toute autre espèce de production néoplasique. En conséquence, nous aurons à distinguer, au point de vue histologi-que, plusieurs variétés d'élongations hypertrophiques.

Nous les étudierons successivement en commençant par la forme la plus commune, à savoir : l'hypertrophie résultant, en quelque sorte, d'un développement mécanique du tissu utérin et que nous désignerons sous la dénomination d'hypertrophie généralisée ci tous les éléments.

a) Hypertrophie généralisée à tous les éléments. — La plupart des cas que nous rapportons dans le cours de ce travail appartiennent à cette variété. Non-seulement le col de l'utérus a conservé (sauf l'ôlongation) son apparence normale, mais encore il présente à peu près tous les caractères propres du tissu utérin parfaitement sain. La muqueuse est à peine épaissie; néanmoins, on a noté une véritable hypertrophie des follicules muqueux qui avoisincnt l'ouverture du col (Huguier) : à peines visibles à l'état ordinaire, ils sont augmen-tés de volume et dilatés dans les cas d'élongation ; leur orifice excréteur est plus ou moins agrandi. Il est fort rare que ces fo'li-cules présentent d'autres altérations. Notons, comme conséquence de cette hypertrophie glanduleuse, une exaspération plus ou moins considérable de la sécrétion muqueuse; il en résulte un écoulement muqueux qui s'observe fréquemment et est prononcé surtout lors-que le col vient faire saillie à la vulve. D'après Yirchow, il existe-rait constamment dans cette forme d'hypertrophie un développement considérable des vaisseaux artériels du col. Or cette assertion du micrographc de Berlin est évidemment trop absolue; croire qu'un col, même considérablement hypertrophié, doive être forcément très-vasculaire, c'est commettre une très-grave erreur. Nous en donnerons comme preuve la vaste pratique de M. Huguier, qui pra-tiquait l'amputation du col à l'aide du bistouri et n'observa néan-moins que fort rarement une hémorrhagie consécutive à cette opé-ration.

Dans un certain nombre de cas, cependant, les vaisseaux utérins sont plus volumineux que normalement; leur développement est surtout considérable à la base de la tumeur, dans les parties profon-des du tissu utérin. M. Huguier, qui a disséqué ces artères profondes, leur a trouvé jusqu'à 1 millimètre 1/2 et 2 millimètres de diamètre;

les veines du tissu utérin, ainsi que celles du plexus vagiuo-utérin et ovarique dans lequel elles se rendent, sont plus volumineuses, dilatées et gorgées de sang.

Mais, nous le répétons, cette disposition n'est point constante. Le tissu musculaire constitue un des éléments les plus importants de la tumeur; Yirchow, qui a attiré l'attention sur ce point, a constaté l'abondance de ce tissu sur un certain nombre de pièces fraîches qui lui ont été communiquées peu de temps après l'amputation du col. Lorsque l'on examine ces pièces dans de telles conditions, on est frappé de l'élasticité et de la mollesse des tissus ; aussi a-t-on, à juste raison, désigné cette forme sous la dénomination d'hypertro-phie molle. Cette remarque n'est pas sans importance, au point de vue de la clinique, et plusieurs observations que nous avons entre les mains font mention de cette mollesse toute particulière du col faisant prolapsus à la vulve. Ce caractère permettra d'établir d'em-blée le diagnostic de cette variété d'hypertrophie d'avec la forme fibromateuse, où le tissu utérin est dur et rigide.

b) Hypertrophiesvasculaires. — Ici nous distinguerons deux ordres de faits : l'hypertrophie porte à peu près exclusivement sur le sys-tème vasculaire, ou bien il y a simplement prédominance considé-rable de ce système. Le col utérin subit, dans le premier cas, une véritable transformation érectile et revêt, en conséquence, tous les caractères d'un angiome. Ces faits sont rares. Forget, dans une discussion à la Société de chirurgie, dit avoir publié une observa-lion où le col avait subi cette transformation érectile.

Dans une autre série de faits, nous trouvons un col hypertrophié dans tous ces éléments, tel que nous venons de le décrire, présen-tant les particularités suivantes : plusieurs gros vaisseaux artériels pénètrent dans la base de la tumeur, qui offre une richesse vascu-laire considérable. Tantôt ces vaisseaux sont assez superficiels pour qu'on puisse en sentir les battements, tantôt ils sont placés profon-dément au centre de la tumeur, et alors le doigt, appliqué profon* dément sur la base de celle-ci, ne peut percevoir aucun battement et encore moins un mouvement d'expansion.

Ainsi5 dans l'observation suivante, que nous devons à notre maître, le docteur Demarquay, la lèvre antérieure dit col avait acquis une longueur de 5 à 6 centimètres, et, bien qu'on ne perçût aucun batte-ment artériel, la richesse vasculaire de la tumeur était telle qu'après sa section, il survint une formidable hémorrhagie en ar-rosoir.

Observation IX. — Ablation de la lèvre antérieure du col utérin hypertro-phiée. Hémorrhagie grave; guérison. (Obs. de M. Demarquay.) En 1850, M. Demarquay fut consulté par une dame de province, jeune encore, pour une prétendue chute de l'utérus, accompagnée d'écoulement muco-purulent et d'excoriations des parois du vagin ; un pessaire avait été appliqué pour remédier à cet état de choses.

Un examen attentif fit découvrir que ce qui avait été pris pour le col utérin n'était que la lèvre antérieure du col hypertrophiée, ayant acquis une lon-gueur de 5 à 6 centimètres. Cette tumeur, qui arrivait à l'orifice vaginal, était souple, élastique, rosée et nullement douloureuse à la pression. Il y a douze jours, l'ablation fut pratiquée avec l'instrument tranchant, après abaissement préalable du col utérin. A peine la section était-elle faite, qu'il survint une hémorrhagie en arrosoir. M. Demarquay appliqua un tampon de charpie trempé dans du perchlorure de fer, le col utérin étant toujours abaissé. Ce tampon, maintenu en place pendant quelques minutes, arrêta l'hémorrhagie. On laissa alors l'organe reprendre sa place en y maintenant le perchlorure au moyen d'un tamponnement énergique. Au bout d'un quart d'heure, ÎI. Demarquay quitta la malade, laissant auprès d'elle un de ses internes. Quand il revint, après une demi-heure, il la trouva en sang et sans pouls ; il fit alors une nouvelle tentative de tamponnement qui ne fut pas plus effi-cace que la première. On ne iriompha de l'hémorrhagie qu'avec le fer rouge et la glace portée pendant vingt-quatre heures à l'aide du spéculum sur la plaie sanglante. — Cette dame est très-bien maintenant, sauf un peu d'a-némie.

M. Demarquay rend attentif à deux points : la tumeur ne présentait point de battements ; d'autre part, les règles avaient cessé depuis huit jours lorsque l'on pratiqua l'opération.

Rien, dans l'examen clinique de la tumeur, ne faisait prévoir ce développement vasculaire devant donner une hémorrhagie si for-midable. Néanmoins, M. Demarquay avait, à cette époque, déjà dis-tingué plusieurs formes différentes d'hypertrophies du col utérin, et, notamment, celle portant sur l'élément vasculaire. En consé-quence, il s'était fait accompagner d'un aide intelligent, et avait sous la main, au moment de l'opération, tous les hémostatiques les plus énergiques. D'aufre part, il avait choisi pour opérer une épo-que assez éloignée des règles.

L'observation qui suit est extraite de l'excellente thèse de M. Rum-bach; elle fait voir à quels dangers peut s'exposer un chirurgien s'il néglige les précautions précédentes.

Observation X. — Hypertrophie vasculaire de la lèvre antérieure du col utérin; ablation à Vaide d'un instrument tranchant, — Hémorrhagie arté-rielle formidable.— Guérison (Obs. de Stoltz, de Strasbourg.). — Le '28 sep-tembre 1864, je reçus un télégramme de M..., par lequel madame H... me

fit savoir qu'elle viendrait me consulter le 1er octobre. Je la vis effective-ment entrer chez moi, à l'heure de mes consultations. Elle était accompa-gnée de son mari.

Madame H... est petite, trapue, joufflue, grasse et ne paraissant nullement malade. Elle me raconta qu'elle était accouchée de son troisième enfant, il y a six mois, qu'elle ne l'avait pas allaité, s'était remise promptement, mais que depuis quelque temps elle avait une incommodité qu'elle croyait être une descente de matrice.

La menstruation était exactement rétablie, revenait un peu en avanee,ct était très-abondante. Il existe aussi un peu d'écoulement blanc par le vagin ; cet écoulement était quelquefois teint de sang. Quand elle est assise, elle éprouve un malaise aux parties, et, quand elle est pendant quelque temps debout, elle sent un corps étranger comme un bouchon entre les lèvres de la vulve.

Je l'examinai debout, et trouvai effectivement un abaissement prononcé de la matrice, mais en même temps un corps étranger comme suspendu au museau de tanche, un peu à droite. Au spéculum, je reconnus que le corps étranger, qu'on aurait pu prendre pour un polype, n'était autre chose que la lèvre antérieure du col, allongée en feuille de myrte ou en fer à lance. La lèvre postérieure était plutôt raccourcie qu'allongée.

Après avoir expliqué aux époux l'état des choses, je leur dis qu'il n'y avait qu'un moyen de faire disparaître ce corps gênant, l'amputation. Non-seulement ou y consentit, mais madame II... aurait voulu que j'y procédasse de suite dans mon cabinet. Me rappelant que ces ablations peuvent être suivies d'hémorrhagies inquiétantes, je conseillai à la consultante d'aller occuper une chambre dans une maison de santé. — On se rendit à l'hôtel; aussitôt installés, on me le fit savoir.

A 5 heures du soir j'y étais arrivé, muni de tout ce qui était nécessaire, à l'exception d'hémostatiques puissants, comptant sur l'efficacité des injec-tions froides et du tamponnement. N'ayant d'autre aide que le mari, j'arran-geai un lit de la manière ordinaire, vis-à-vis d'une croisée, j'y fis placer la mala !e en travers, les pieds sur des chaises. J'introduisis le spéculum dans le vagin pour examiner une dernière fois, puis je saisis la lèvre hypertrophiée et allongée avec la pince érigne de Museux et l'attirai au dehors. Avec des ciseaux forts je divisai la base en trois traits. Le sang coula bientôt en assez grande quantité pour exiger l'usage d'un hémostatique. L'éponge que j'in-troduisis dans le vagin et maintins sur la plaie ne suffit pas. J'appliquai le spéculum et vis nettement le sang sourdre du milieu de la plaie, sous forme de jet saccadé, artériel. Je fis chauffer un cautère que j'avais eu la précau-tion d'apporter, et le portai à différentes reprises sur le point d'où je voyais jaillir le sang. Loin d'arrêter la perte, on aurait pu croire qu'elle était activée. A chaque instant le vagin était rempli de caillots, et, dès qu'ils étaient reti-rés, il venait du sang en nappe. Je tamponnai alors avec de la charpie sèche, mais en moins d'une minute le tampon était traversé, puis ce tampon pro-voquait des douleurs, des soulèvements du diaphragme, il était expulsé.

L'opérée, étant forte et sanguine, supportait cette perte sans s'en sentir

beaucoup affaiblie, le pouls était devenu très-petit, mais la connaissance restait.

Un instant cependant elle pâlit, terma les yeux, lais:-a tomber les bras et ne répondit plus que par monosyllabes. J'envoyai à la pharmacie chercher du perchlorure de fer. Pendant le temps qui s'écoulait, j'eus beaucoup de peine à maintenir la respiration et à entretenir la circulation par des fric-tions, des éventations, l'eau froide jetée au visage, la position horizontale, la compression au moyen du tampon.

Enfin le perchlorure de fer arriva ; je débarrassai le vagin et y poussai des tampons de charpie, dont les premiers étaient imbibés de perchlorure de fer pur. Cette fois l'hémorrhagie s'arrêta, grâce peut-être à la syncope, dont on a eu beaucoup de peine à faire revenir l'opérée. Celle-ci se remit tellement vite néanmoins, qu'elle put se remettre en chemin de fer le len-demain et faire quatre-vingts kilomètres sans accidents.

Dans les deux cas que nous venons de citer, l'hémorrhagie fut primitive ; nous avons vu, chez la malade de M. Marchai (deCalvi), dont nous avons résumé l'histoire (Observation VII), unehémorrha-gie survenir secondairement et amener des menaces de syncope ; il est fort probable qu'il s'agissait également d'une hypertrophie vas-culaire.

De ces divers détails il résulte que la connaissance de celte forme d'hypertrophie du col a une importance capitale au point de vue du traitement. Nous étudierons dans un chapitre distinct les moyens de prévenir ou d'arrêter ces hémorrhagies formidables survenant pendant l'ablation du col utérin. (4 suivre.)

REVUE ANALYTIQUE

PHYSIOLOGIE

XV. Physiologie du système nerveux cérébro-spinal d'après l'analyse physiologique des mouvements de la vie, par le Dr Edouard Fournie, médecin-adjoint à l'Institut national des sourds-muets1. —Le titre choisi par l'auteur indique assez la méthode suivie dans l'étude de la physiologie du système nerveux cérébro-spinal : analyser phy-siologiquement les mouvements de la vie, et de celte analyse, dé-duire les fonctions de l'appareil primordial de l'économie, tel a été

1 Vol. in-8 de 832 pages. Adr. Delahaye, éditeur.

le but de M. Fournie. Il importait d'établir immédiatement quelle pensée avait présidé à la conception du livre, et 'comment cette pensée a été réalisée.

À la seconde page de sa préface, M. Fournie écrit : « Non-seule-ment la physiologie du cerveau n'est pas faite, mais celle du sys-tème nerveux n'existe pas. » Cherchant ensuite à démontrer l'erreur de la méthode expérimentale en tant que méthode exclusive, il dit : « Pour nous, nous étudierons ainsi : nous nous servirons : 1° de l'observation analytique et synthétique des faits naturels, des faits pathologiques et des faits de l'expérimentation, que les partisans ex-clusifs de la méthode expérimentale ont en grand nombre ; 2° de la logique du sens commun appliquée à l'ensemble de la physio-logie. C'est à l'union de ces deux éléments que nous donnons le nom d'analyse physiologique. » Nous avons tenu à rapporter textuellement ce point de départ.

Le premier chapitre est, tout entier, consacré à résumer les idées nouvelles sur le mouvement ; celui-ci est envisagé et dans les corps bruts et dans les corps organisés. Le deuxième comprend l'analyse physiologique des mouvements de la vie. Le développement de l'ovule est rappelé ; puis, dans l'article suivant, l'auteur passe en revue les mouvements de la vie organique. Il les divise ainsi : 1° mouvements de la vie organique ; 2° mouvements de la vie fonc-tionnelle.

A propos de la méthode expérimentale, M. Fournie dit en sub-stance : La méthode expérimentale a fourni des résultats très-pré-cieux, mais elle n'est pas tout ; il faut en outre soumettre ces résul-tats à ta sublimité de Vintelligence. Nous ne comprenons pas très-bien en quoi l'auteur incrimine la physiologie expérimentale ; nous ne supposons pas qu'il ait voulu dire qu'alors on ne faisait qu'en-registrer les faits de l'expérimentation, mais qu'on ne les soumettait pas suffisamment aux pensées sublimes.

M. Fournie, avec juste raison, attache une importance très-grande à sa distinction des mouvements. « Nous avons reconnu dans tous les organes, sans exception, deux ordres de mouvement : les uns continus, se rattachant à la vie propre de l'organe, à la vie organique ; les autres intermittents, se rattachant à la vie fonction-nelle. Cette distinction importante, qu'il ne faut pas confondre avec celle de Bichat, nous a conduit à étudier dans chaque organe : 1° ce qui appartient à la vie organique, c'est-à-dire les propriétés or-ganiques et les produits de ces propriétés ; 2° ce qui appartient à la

vie fonctionnelle, c'est-à-dire les propriétés physiologiques et les résultats de leur mise en activité.

Les physiologistes jusqu'alors ont toujours distingué la vie de nutrition de chaque organe de sa vie fonctionnelle, peut-être M. Fournie y insiste-t-il davantage ; mais sa distinction est-elle aussi lumineuse qu'il le dit? éclaire-t-elle d'un jour tout nouveau la physiologie du système nerveux? Nous ne le croyons pas.

Le livre II comprend tout ce qui concerne l'anatomie des diffé-rentes parties topographiques extérieures du système nerveux. Au début, M. Fournie nous prévient que sa manière d'envisager la phy-siologie le met à l'abri de l'hérésie des auteurs qui établissent des divisions dans l'ensemble du système nerveux, et pourtant ces divi-sions, il finit parles accepter :« 1°parce qu'elles lui semblent com-modes ; 2° parce qu'elles lui permettront de mieux exposer sa manière de voir, n

L'histologie du cerveau, du bulbe, du mésocéphale, etc., nous paraît trop complète, et quoique l'auteur ait puisé ses renseigne-ments à bonne source, nous pensons que le microscope n'a pas donné des certitudes aussi grandes que celles indiquées relative* ment à l'arrangement des éléments constituants.

L'action physiologique des nerfs est ensuite examinée avec beau-coup de soin, et dans une argumentation serrée, l'auteur bat en brèche la manière dont M. Vulpian envisage les fonctions des nerfs ; pour lui, il maintient les deux propriétés reconnues depuis long-temps, et il leur donne le nom d'impressionnabilité et de motri-cité.

Dans la seconde partie de son livre, M. Fournie cherche à établir la physiologie des fonctions du système nerveux sur ses bases na-turelles, c'est-à-dire que de même que, bien que nous ne connais-sions pas la nature intime de la chaleur, de l'électricité, cependant, nous avons déterminé très-exactement les lois de ces phénomènes, les causes de leur production, etc., de même, sans connaître l'a-gent nerveux, nous devons arriver à connaître et ses manifestations* et les raisons de sa production. Certes, le problème, posé dans ces termes, se conçoit très-bien ; mais avez-vous apporté des documents nouveaux en l'envisageant ainsi ? sommes-nous plus avancés en comprenant l'étude de la physiologie comme vous le faites? est-ce que tout ce qui touche aux manifestations extérieures du système nerveux sain, ou malade, n'avait pas été noté avec soin?

Pourtant le livre de M. Fournie a cet avantage qu'il a mieux classé

tous ces phénomènes. Tout ce qui touche à l'activité traduite du système nerveux est placé, soit dans ce que l'auteur appelle les fonctions intrinsèques, soit dans ce qu'il appelle les fonctions com-posées.

Les fonctions intrinsèques sont : 1° fonction cérébro-motrice ; 2° fonction médullo-motrice ; 5° fonction cérébello-motrice.

Les fonctions composées résultent de l'action des fonctions- in-trinsèques sur les fonctions particulières des organes de la vie ; translation, sens, langage, succion, mastication, défécation, copu-lation, etc. En un mot, ces dernières fonctions comprennent tout ce qui touche à l'homme moral et à l'homme physique. Nous re-commandons à nos lecteurs le tableau placé à la page 528 ; un acte quelconque de la vitalité y trouve sa place.

On voit combien le cadre choisi par l'auteur est vaste, car les mille fonctions créées par lui sont toutes analysées. Philosophie, métaphysique, psychologie, physiologie, pathologie, l'auteur a mis à contribution toutes ces branches du savoir humain ; l'agent ner-veux, expression de la vie, est pris dans toutes ses formes, clans toutes ses nuances ; aussi l'auteur aurait-il pu tout aussi bien inti-tuler son livre : Philosophie du système nerveux, que physiologie. S'il est souvent difficile de le suivre dans son raisonnement, au moins a-t-on un bon plan pour envisager les modalités si diverses du fonctionnement du système nerveux.

Récemment, M. Fournie a fait une communication à l'Académie de médecine, relative à une série d'expériences entreprises pour reconnaître exactement « les conditions fondamentales de la phy-siologie cérébrale. » Lorsque ce travail sera publié en entier, nous chercherons à reconnaître si l'auteur, dans ses expériences, s'est conformé aux indications de son livre. F. Raymond.

EAUX MINÉRALES

I. Guide des Baigneurs aux eaux minérales de Plombièrls, par MM. IIutin et Bottentuit, ex-internes des hôpitaux de Paris. —¦ A. Delahaye, éditeur. ¦— C'est un gracieux petit livre de deux cent quatre-vingt-cinq pages, dont la couverture est bleu tendre. —Au premier aspect, cet ouvrage ressemble, à s'y méprendre, à notre paroissien ordinaire, ou mieux encore aux volumes que l'on donne chaque année aux élèves des écoles primaires, lors de la distribution des prix. —

En le parcourant, on rencontre par-ci par-là une quinzaine de gra-vures représentant la ville de Plombières dans ses moindres dé-tails ; les rues, les églises, l'intérieur des bains y sont figurés. A la fin de ce travail se trouve une carte de la localité. — Les cinquante-deux premières pages sont consacrées à l'historique de cette station thermale, à la description des hôtels et des lieux de promenade.

L'établissement thermal se compose de six parties distinctes; ce sont ; le bain des Dames, le bain Romain, le bain tempéré, le bain des Capucins, le bain National , le grand Bain et les étuves. Les sources y sont nombreuses: vingt-sept; leur température varie entre -f-10° et 73°. — Elles forment (d'après MM. Hutin et Bottentuit) quatre groupes : l'eau minérale froide, l'eau minérale ferrugineuse, l'eau minérale savonneuse, l'eau thermo-minérale.

L'eau minérale froide ne diffère pas sensiblement de celle dont nous nous servons habituellement à notre table. — Quant à l'eau minérale ferrugineuse, voici sa composition chimique :

Acide carbonique libre........ 0«r,023 par litre

Bicarbonate de soude........ 06r,012 —

— potasse........ traces

— chaux ........ 0^,005 —

— magnésie....... traces

— protoxyde de fer . . . 0«r,016 —

Chlorure de sodium......... 0s%0()4 —

Sulfate de chaux.......... 0*r,009 —

Iodure de sodium.......... traces

Phosphate de soude......... traces

Acide silicique........... 0sr,010 —

Alumine............. 0sr,001 —

Silicate de lithine.......... traces

Arséniate de fer.......... traces

Les eaux des sources savonneuses ont une constitution presque analogue ; la voici :

Acide silicique........... Osr,034O par litre

Alumine.............. 0,0140 —

Carbonate de soude......... 0e',0240 —

Carbonate et silicate de potasse. . . . sensible

Chlorure de sodium......... 0sr,0040 —

Calcium:! 0r,0i71 -— magnésium.......j

Sulfate de soude (supposé anhydre). . peu sensible

Carbonate de chaux.........J„

......} 0er,0150

— magnésie.......\

Principes arsenicaux.........0«r,0002 —

Matières organiques azotées.....0sr,0100 —

Les eaux minérales chaudes sont environ au nombre de dix; les plus importantes sont celles du bain des Dames, des Capucins : la première a une température à peu près fixe de 51°,40. — Elles contiennent les mêmes principes minéralisateurs que les autres, mais en plus grande quantité, car tous les sels réunis sont de 0gr,32 124 par litre. — Les substances invariables et prédominantes sont l'a-cide silicique et ses sels, la silice, l'acide carbonique libre.

Plus loin, les auteurs énumèrent les affections qui se traitent avec succès à Plombières ; ce sont : la dyspepsie, la gastralgie, les diar-rhées chroniques, les inflammations chroniques de l'utérus et de ses annexes, les névralgies de cet organe, la goutte, le rhumatisme, les névralgies en général, les paralysies rhumatismales, les affec-tions cutanées dues à l'herpétisme. — Au lieu de cette description longue et obscure, il eût été préférable, ce semble, d'émettre en commençant la proposition suivante : toutes les manifestations du rhumatisme et de l'herpétisme sont améliorées par les eaux de Plombières, à cause de leurs propriétés sédative et résolutive.

La fin de l'ouvrage est consacrée à l'hygiène du baigneur, à la description des vallées, villas, etc.; nous ne suivrons pas les auteurs dans cette voie. — En résumé, rien ou presque rien de scienti-fique dans ce travail.

II. Traitement complémentaire et prophylactique du lymphatisme et de la scrofule confirmée, par M. le docteur de Coustalle de Lar-roque. A. Delahaye, éditeur. — Cet ouvrage est meilleur que le pré-cédent, on peut même dire qu'il est bon, sans craindre d'être désa-voué; scientifique presque partout, écrit avec soin, il mérite d'être consulté. La première partie est consacrée à l'étude comparative des eaux de Salies de Béarn, avec celles de la France d'abord, et avec celles de l'Allemagne ensuite. Jusque-là, rien de nouveau, M. Du-rand-Fardel ayant démontré, il y a quelque temps, dans une petite brochure, la supériorité des sources françaises sur celles de l'Alle-magne. Mais là où cet ouvrage excelle, c'est lorsque son auteur ar-rive au traitement de la scrofule par les eaux de Salies de Béarn. Les bienfaits qu'elles procurent dans cette maladie sont le résultat de l'absorption des bromures et iodures alcalins que ces eaux ren-ferment. Le chlorure de sodium, qu'elles contiennent en grande quantité ne fait que reconstituer l'économie, tandis que les bromures et iodures alcalins déterminent la résorption des engorgements strumeux.

Voici la composition chimique de ces eaux d'après M. Henry fils :

Cholure de sodium ....

— potassium . . .

— calcium. . . .

— magnésium . . Sulfates anhydres de soude

potasse.....

magnésie. . . . chaux .....

Iodures alcalins...........

Bromures alcalins........ . .

Phosphates, silice, alumine, sesqui-

oxyde de fer...........

Bicarbonate de chaux........

— magnésie......

Matières organiques.........

216n,020 par litre 2?'-)080 —

traces

9^,750

traces t«r,050

traces

traces

5^500 —

234^,500

En 1860, Réveil et Henry reprirent cette analyse et trouvèrent une différence en plus dans les matériaux solides, soit 255er,60, tandis qu'à Salins, les substances solides (d'après Dumas et Pelouze), ne s'élèvent qu'à 29sr,993 par litre. — La densité des eaux de Salies de Béarn, comparativement aux eaux de la mer, est dans la propor-tion de 21 à 6.

La fin de l'ouvrage contient soixante-quatre observations de scro-fuleux traités la plupart avec succès par les eaux de Salies de Réarn; sur ce nombre, il y a deux maladies d'Addison : l'une a guéri par-faitement; chez l'autre, la thérapeutique thermo-minérale a échoué. Nous regrettons, en terminant, que notre confrère n'ait pas entre-pris la cure des syphilides tertiaires ; nous sommes convaincu que les gourmes, les exostoses, les squames vénériennes seraient promp-tement améliorées par l'absorption des bromures et iodures alcalins que ces eaux renferment. J. Cornillon.

THÉRAPEUTIQUE

I. Action de la digitale et de la digitaline, par Mégevand1.— II. Etude critique sur la digitaline au point de vue chimique et phy-siologique, par Rlaquart2. — L'attention du monde médical vient de se porter à nouveau sur la digitale et sur son principe actif, la digi-taline. La découverte de la digitaline cristallisée a fait faire un

1 In-8° de 80 pages. Lauwereyns, libraire-éditeur.

2 In-8° de 92 pages. Ad, Delahaye, libraire-éditeur.

grand pas à la question, caria forme cristalline est aux yeux de la généralité des chimistes une garantie de pureté qui permet d'af-firmer l'existence d'un corps comme un principe défini, et elle con-stitue pour la thérapeutique à l'égard des substances médicamen-teuses, un certificat d'identité. — Depuis la solution du problème, plusieurs mémoires ont paru, traitant de la digitale et de la digita-line à divers points de vue, chimique, physiologique ou thérapeu-tique ; nous ne pouvons les passer tous en revue ; nous nous con-tenterons pour aujourd'hui de dire quelques mots des travaux pu-bliés par MM. Mégevand et Blaquart.

I. M. Mégevand reprend à nouveau l'action physiologique de la di-gitale, qu'il décrit d'après les leçons du professeur Sée ; il range ce médicament dans la classe des médicaments neuro-cardiaques. Il n'est pas sans intérêt de noter quelques-uns des faits admis par l'ancien professeur de thérapeutique à la Faculté de médecine et ré-sumés par M. Mégevand :

1° Sous l'influence delà digitale et delà digitaline, il se produit, à faibles doses ou à doses thérapeutiques, une excitation d'une par-tie seulement du système nerveux — celle qui préside à la circula-tion soit centrale, soit périphérique. A doses toxiques, tout le système nerveux paraît atteint.

2° La digitale et la digitaline produisent, à doses thérapeutiques, l'excitation des fibres musculaires du cœur; à doses toxiques, l'abo-lition de l'irritabilité électro-magnétique du muscle cadiaque, et enfin, à doses lentement toxiques, la dégénérescence granulo-grais-seuse très-probable du cœur.

5° La digitale et la digitaline, à doses thérapeutiques, déterminent le ralentissement immédiat des battements du cœur par leur action sur l'origine bulbaire des pneumo-gastriques, l'accroissement d'é-nergie des battements du cœur par leur action sur les ganglions de Remak, et l'augmentation immédiate de la tension dans les vais-seaux, par suite de leur effet sur les ganglions intra-cardiaques et sur les vaso-moteurs à leur origine bulbaire. A doses toxiques, ces poisons accélèrent les battements du cœur et diminuent la pression en produisant la paralysie des pneumogastriques et des vaso-moteurs.

4° La digitale et la digitaline sont manifestement diurétiques. La diurèse se produit, non pas en vertu d'une action spéciale sur les reins, mais bien par suite de leur effet sur la pression intra-va-cu-laire. A mesure que la quantité des urines augmente, leur densité diminue.

5° L'action de la digitale et de la digitaline ne se fait pas sentir le même jour, mais seulement le lendemain et quelquefois le surlen-demain de leur injection. L'effet de ces médicaments, qu'on peut appeler cumulatifs, se continue plusieurs jours après la cessation de leur emploi.

Voilà pour la digitale et la digitaline ; en général, l'action phy-siologique de ces médicaments est exposée avec beaucoup de soin ; il en est de même de l'action physiologique et thérapeutique de la digitaline Nativelle et ce n'est pas un des côtés les moins intéres-sants de cette thèse. — On sait, en effet, que l'Académie de méde-cine approuvant les conclusions de MM. Vulpian, Devergie et Mar-rotte, décerna le prix Orfila à M. Nativelle pour la découverte de la digitaline cristallisée, principe bien défini et d'une action beaucoup plus énergique que la digitaline Homolle et Quevenne. M. Gubler cependant n'était pas arrivé aux mêmes résultats que ses honora-bles collègues, et dans un article que nous publiâmes dans le Mouvement médical, nous demandions de nouvelles expérimenta-tions. C'est qu'en effet nous avions administré la digitaline Nativelle à bon nombre de malades, alors que nous étions l'interne de M. Marrolte, et l'énergie de ce médicament nous avait paru telle qu'on ne pouvait, sous aucun rapport, la comparer à la digitaline Homolle et Quevenne- La première nous avait constamment donné des résultats appréciables à la dose de 1/4 de milligramme, alors que les effets de la seconde ne se font guère sentir qu'à 1 ou 2 milli-grammes. M. Mégevand confirme pleinement les résultats que nous avions obtenus et que M. Marrotte a communiqués à l'Académie de médecine, et nous ne pouvons mieux faire que de citer maintenant les paroles mêmes de l'auteur :

« La digitaline Nativelle a une action de beaucoup plus énergique que celle de la digitaline Homolle et Quevenne. Car, avec 1/5 et 1/3 de milligramme de digitaline cristallisée, nous avons obtenu sur nous-même des effets supérieurs à ceux qu'ont produits 4 milli-grammes de digitaline amorphe, et 6 et môme 5 1/2 milligrammes de la première ont déterminé chez le lapin des phénomènes d'intoxi-cation très-manifestes.

« Nous sommes, du reste, d'accord avec MM. Devergie, Marrotte et Vulpian qui, par leurs observations cliniques et leurs recherches expérimentales, ont trouvé que la digitaline cristallisée possède une intensité d'action incomparablement supérieure à celle de la digita-line Homolle et Quevenne, et M. Marrotte, qui a donné de la digitaline

Nalivelle à vingt-trois malades atteints d'affection du cœur, a vu que l'on n'en pouvait donner, sans inconvénient grave, plus de 1/2 milligramme à la fois. »

II. M. Blaquart est chimiste avant tout; aussi a-t-il repris à nou-veau la préparation de la digitaline cristallisée; le premier, il croit avoir démontré que la digitaline cristallisée se trouve dans la digi-taline ordinaire ; elle y existe dans la proportion de 12 à 12 0/0, et il lui a été possible d'extraire environ la moitié de cette quantité.

Son travail contient une critique du mode opératoire suivi par M. Nativelle ; il s'en faut de beaucoup, selon l'auteur, que les choses se passent comme l'indique le rapport de l'Académie de médecine. Selon M. Nativelle, rien de plus simple que les diverses manipula-tions auxquelles il est indiqué de soumettre la digitale pour en retirer le principe immédiat cristallisé : traitement par déplacement, distillation, précipitation, filtration, solution, lavage, telles sont les opérations toutàfait élémentaires qu'il faut mettre en œuvre.— Selon M. Blaquart, des difficultés sérieuses arrêtent à chaque pas le chimiste qui veut suivre cette voie, et, s'appuyant sur des essais con-sciencieux et répétés, il demeure dans cette conviction que le pro-cédé décrit dans le rapport ne permet d'obtenir que fort difficilement de très-petites quantités de digitaline cristallisée et qu'il est impuis-sant à la fournir en proportions capables de satisfaire aux exigences de la thérapeutique. Pour lui, ce principe cristallisable n'est encore, à l'heure qu'il est, qu'une curiosité de laboratoire. Nous éviterons de nous prononcer dans une question aussi ardue, qui demande, pour être bien appréciée, des connaissances qui nous font défaut ; pourtant il est un fait certain, c'est que la digitaline cristallisée de Nativelle commence à faire son apparition dans le commerce et qu'elle paraît être fournie en quantité sérieuse. Ne serait-il donc pas aussi difficile de la préparer que le pense M. Blaquart, après un cer-tain nombre d'essais consciencieux?

Pour M. Blaquart, il existe deux digitalines très-distinctes dérivant très-probablement l'une de l'autre : l'amorphe et la cristallisée. Avec ces deux digitalines, l'auteur a institué des expériences sur des gre-nouilles, des cobayes et des lapins; malheureusement les résultats obtenus sont si dissemblables, si contradictoires, qu'il est impossible d'en tirer une conclusion rigoureuse: malgré tout, M. Blaquart admet, d'une manière générale, que leur activité diffère peu. — Ce n'est pas notre avis et nous l'avons suffisamment motivé plus haut pour qu'il soit permis de ne plus nous y arrêter maintenant.

III. Documents pour servir a l'histoire du seigle ergoté, par le docteur Leteurtre1. — Le travail de M. Leteurtre, quoique incom-plet, constitue une excellente monographie sur ce produit si sin-gulier et si remarquable de la végétation anormale : ergot de seigle. Il comprend quatre parties : historique, histoire pathologique de l'ergotisme, histoire naturelle et thérapeutique de l'ergot de seigle.

Dans son histoire chronologique de l'ergotisme, M. Leteurtre a mis avec soin à contribution les chroniqueurs, les historiens et les savants. Pour lui, l'ergotisme paraît avoir fait son apparition vers la sixième année de la guerre du Péloponèse, c'est-à-dire 425 ans avant notre ère. Mais la peste décrite si magistralement par Thucy-dide n'est-elle vraiment qu'une épidémie comparable à l'ergotisme? Les extraits faits par l'auteur à l'historien grec ne nous permettent pas d'accueillir sans réserve celte manière de voir. Ce n'est guère, en effet, qu'à partir du dixième siècle que nous trouvons dans les chroniques du temps quelques indications qui, sous le nom de feu sacré, de feu de Saint-Antoine, peuvent être rapportées à la forme gangreneuse de l'ergotisme. C'est depuis cette époque que s'obser-vent les plus fortes épidémies de cette maladie, qui exerce ses ravages en Allemagne, en Angleterre, en France, en Belgique. Un tableau détaillé de ces diverses épidémies termine la première partie du travail de M. Leteurtre.

La deuxième partie est consacrée à l'histoire pathologique de l'ergotisme, que l'auteur définit : une affection le plus souvent épi-démique, occasionnée par une alimentation contenant une certaine proportion de seigle ergoté ; à marche aiguë , très-rarement chro-nique; se traduisant par des modifications pathologiques fonction-nelles et organiques, telles que céphalalgie, vertiges, délire, con-vulsions, gangrène, chute spontanée des membres, et se terminant le plus souvent par la mort. — L'étiologie, la symptomatologie de celte terrible affection sont décrites avec tous les développements nécessaires ; l'auteur nous montre que la forme convulsive et la forme gangreneuse appartiennent bien toutes deux à l'intoxication par l'ergot; cependant nous aurions aimé à voir traitée plus large-ment la question de physiologie pathologique ; il ne suffisait pas d'un long emprunt fait au travail remarquable d'ailleurs de M. Millet sur l'ergot de seigle, sous le rapport physiologique, pour avoir tout

1 In-8° de 108 pages. Adrien Delahaye, libx'aire-éditeur.

dit sur ce côté si intéressant de la question; les belles recherches de Holmes, si prématurément et si malheureusement enlevé à la science et à ses nombreux amis, auraient pu fournir à M. Leteurtre les éléments d'une théorie physiologique admise d'ailleurs et déve-loppée par M. Desnos dans l'article Ergotisme du Nouveau Diction-naire deme'decine et de chirurgie pratiques. D'après cet auteur,l'ergot agissant sur la contractilité des libres musculaires des vaisseaux, en rétrécit d'abord le calibre ; de là anémie et notamment anémie de l'axe cérébro-spinal, laquelle a pour conséquence prochaine l'en-semble des phénomènes de l'ergotisme convulsif. Mais si le premier degré d'intoxication est dépassé, il y a non-seulement anémie, mais ischémie, concrétions sanguines dont la conséquence ultime est la gangrène à divers degrés. Si à cette série de modifications du sys-tème circulatoire, on ajoute les troubles profonds de la nutrition, qui sont la conséquence obligée de la prolongation d'une alimenta-tion à la fois vénéneuse et insuffisante, on aura, ce nous semble, la clef delà physiologie pathologique de l'ergotisme.

La troisième partie comprend l'histoire naturelle et l'action phy-siologique de l'ergot exposée surtout d'après les travaux de Parola, Millet et Holmes; on peut la résumer en rapportant les conclusions mêmes du travail de Holmes : 1° l'ergot de seigle et sa principale préparation, l'extrait aqueux, font contracter les petits vaisseaux à tunique musculaire; 2° la contraction des petites artères fait aug-menter la pression artérielle dans les gros troncs ; 5° cette action paraît se manifester même après la section des nerfs vaso-moteurs; 4° elle paraît s'étendre môme aux vaisseaux pulmonaires, dont la contraction a pour effet de faire baisser momentanément la pression dans les artères.

Reste la quatrième partie, l'emploi de l'ergot de seigle en théra-peutique. Cette partie n'est qu'ébauchée; on sait que, dans l'art des accouchements, l'ergot de seigle est devenu l'un des agents les plus précieux, et il n'aurait pas été sans intérêt de voir nettement formu-lées les indications que nous pouvons étudier d'ailleurs complètement par M. Bailly dans l'article Ergot de seigle du dictionnaire auquel M. Leteurtre renvoie ses lecteurs. L'auteur, d'accord avec M. Sée, vante l'emploi de l'ergotine dans le traitement des maladies de cœur, alors que l'on veut obtenir une sédation puissante, mais passagère.

Le travail de M. Leteurtre, nous le disions en commençant, pré-sente un certain nombre de lacunes. 11 renferme cependant un grand nombre de documents intéressants qui permettront sans doute à

l'auteur de nous donner plus lard, lorsqu'il aura fini des expérien-ces interrompues, une monographie aussi complète que précieuse.

G. Peltier.

OPHTHALMOLOGIE

Corps étranger enkysté dans l'iris, par le docteur Bastide (de Mar-seille). — Les kystes de l'iris sont très-rares ; M. Guépin fils, qui lésa étudiés en 1860 dans sa Thèse inaugurale, n'en avait réuni que 14 cas. A ces 14 observations, Wecker, dans son Traité des mala-dies des yeux, en ajoute 4 nouvelles. De notre côté, nous en avons publié deux observations dues à MM. Labbé et Stceber, avec dessins représentant ces cas intéressants (voy. Revue photographique des hôpitaux, n° de juin 1871.). Nous ajouterons aujourd'hui une obser-vation que nous empruntons au Journal d'ophthalmologie.

Observation. —Blessure de l'œil. — Corps étranger; tentative infructueuse d'extraction. — Kyste de l'iris. — Iridectomie. — Guérison. — Le nommé François Morse, 15 ans, vient au dispen-saire de M. Emile Martin, le 25 mars 1872. —• Ce malade raconte qu'il y a environ un an et demi, un de ses camarades lui lança un oursin à la figure. Le projectile atteignit malheureusement l'œil droit, une épine s'enfonça à travers la cornée et se cassa à très-peu de distance de celle-ci. Le malade souffrit pendant vingt-quatre heu-res, après quoi la douleur se calma et disparut même totalement. Deux mois après l'accident, souffrant de nouveau de son œil, il alla voir un médecin qui, ne trouvant rien, lui ordonna pour toute prescription des compresses d'eau de sureau tiède. Les douleurs se calmèrent un peu et, à partir de cette époque, il eut des alternatives de bien et de mal ; tantôt son œil ne le faisait plus souffrir, mais les dou-leurs recommençaient. Il y a six mois, souffrant un peu plus, il alla consulter un autre docteur, qui vit évidemment l'épine d'oursin et se mit en mesure de la lui enlever. Les tentatives d'extraction ame-nèrent une partie de l'épine, et le médecin renvoya le petit malade, lui disant qu'il n'avait plus rien.

Lorsque Morse arrive au dispensaire, il est dans l'état suivant : hyperémie périkératique assez intense, larmoiement, photophobie. La cornée présente au côté interne une cicatrice de la largeur d'une grosse lentille, s'étendant depuis le bord de la cornée jusqu'au milieu de la pupille. Examinée à l'éclairage oblique, on voit que

celte cicatrice occupe toute l'épaisseur de la cornée ; l'ouverture pupillaire est irrégulière et démontre l'existence de synéchics pos-térieures ; la chambre antérieure présente ses dimensions normales, sauf dans la portion correspondante à la cicatrice cornéenne. Dans ce point, l'iris présente une petite tumeur un peu moins large que la cicatrice de la cornée. Cette tumeur est d'une couleur jaune sale, et son sommet semble toucher la membrane de Descemet. — Morse distingue à peine la main placée à 20 centimètres de sa figure, et ne peut compter les doigts.

M. E. Martin diagnostique un kyste de l'iris, kyste formé autour du corps étranger, qui serait encore dans l'œil du malade. 11 propose en conséquence une excision de l'iris, excision qui comprendrait le kyste. Après quelques tergiversations du malade, M. E. Martin pratique l'opération, le 24 avril. Il fait l'iridectomie au côté interne; une portion assez large de l'iris pour comprendre tout le kyste est amenée au dehors et excisée.

On trouve dans l'intérieur du kyste, dont les parois ont une cou-leur jaune sale, tant au dehors qu'au dedans, un liquide transpa-rent et une pointe d'oursin de 2 millimètres de longueur. Le malade est pansé et quitte le dispensaire six jours après l'opération. — Un mois après, les souffrances ne s'étaient pas montrées et la vision avait fait quelques progrès.

D'une manière générale, il ne faut songer à opérer ces kystes de l'iris que lorsqu'elles sont des causes d'irritation ou qu'elles pren-nent un accroissement rapide. Dans ces cas, il faut faire ce qu'a fait M. E. Martin : il faut exciser la partie de l'iris dans laquelle siège le kyste. G. P.

BIBLIOGRAPHIE

Essai sur l'ictère, par le docteur Th. Pouzol. A. Delahaye, libraire-éditeur.

Nous ne ferons pas une longue analyse de cette thèse, qui n'offre aucun intérêt au point de vue clinique. D'après M. G. Sée, l'auteur définit l'ictère: « Une affection symptomatique caractérisée: l°par des troubles constants causés par la présence de la bile dans le sang et par son absence dans l'intestin; et 2° par des troubles variables suivant la nature de la cause qui le produit. »

Dire que toujours dans l'ictère il y a absence de bile dans l'intes-tin, c'est trop absolu, et, dans le courant de sa thèse, M. Pouzol prendra soin, pour ainsi dire, de faire ressortir combien sa défini-tion laisse à désirer. Ainsi (page 45) on lit : « Les vomissements sont très-utiles; ils précèdent souvent l'apparition de la couleur jaune et peuvent être un moyen de diagnostic... Les vomissements sont formés ordinairement de matières vertes ou jaunes et très-amères, c'est-à-dire par de la bile. » Plus loin (p. 49 et 50), en par-lant des caractères des matières fécales, l'auteur reconnaît que souvent, suivant le siège et la nature de la lésion qui provoque l'ic-tère, la couleur de ces matières varie beaucoup. M. Pouzol dit aussi, sans aucune objection, que d'après les auteurs du Compendium de médecine, la bile, loin de couler avec moins d'abondance dans l'in-testin, souvent semble y affluer en plus grande quantité. Que devient donc la définition de l'ictère ?

La distinction si importante de l'ictère simple et de l'ictère grave n'est nullement tracée; le diagnostic différentiel entre ces deux af-fections, chose capitale en clinique, n'est point indiqué. C'est tout simplement dans le chapitre qui a trait « aux troubles de la circula-tion, de la respiration et de l'innervation » qu'est mentionné l'ictère grave. Le diagnostic de l'ictère se borne à distinguer la coloration de la peau, produite par la bile, des autres colorations morbides de la peau.

« Pour la rédaction de ce travail, dit M. Pouzol, j'ai souvent eu recours aux notes précieuses que j'avais prises aux leçons orales que M. le professeur G. Sée nous fit sur l'ictère pendant le semestre d'été 1870. » Les étudiants qui auront des examens à passer avec ce professeur trouveront dans cette thèse ses nombreuses élucubra-tions physiologiques, chimiques (oui, chimiques), cliniques, et enfin thérapeutiques sur l'ictère. Ça peut servir beaucoup (aux examens seulement, bien entendu). F. R.

TABLE DES MATIÈRES

A

Accouchement [voy. Obstétrique, Para-lysies, Positions, Rachitisme) .

Acéphale humain (Notes sur un), par H. Gripat, 386.

Air comprimé (Influence de 1') sur la circulation pulmonaire, par Gréhant, 118.

Albumine (Dosage de Y), par Tanrei, 211. Alcoolisme, par Magnan, Challand, Des-

pine, 84. — Répression de Y—, par

G. Bergeron, 514. Aliénation [voy. Maladies mentales). Anatômie (Revue d'), par F. Raymond,

114.

Anévbysme cirsoïde de l'oreille gau-che, etc., par Coyne, 522.

Artère temporale superficielle; liga-ture, 213. — rénale; anomalie, 182.

Atrophie musculaire progressive traitée par les courants continus, 353.

B

Ball (B.), 6.

Bains électriques, 147.

Bernard (Cours de M. Cl.), anal, par F. Raymond, 305.

Bibliographie .Traité clinique des organes respiratoires, par Woillez (Anal. Mal-herbe), 28. — De la thérapeutique de l'œil, etc., par Boehm (Anal. L. Thaon), 52. — De l'hyosciamine et de la daturine, etc., par Ch. Laurent (Anal. F. Roque), 63. —Traité des opérations des voies urinaires, par Rcliquet (Anal. G. Peltier), 87. — Traité de chirurgie, par Fano (Anal, par A. de Montméja), 96. — De l'in-fluence des progrès des sciences sur la thérapeutique, par E. Derlon (Anal. G. Peltier), 124. — Ambulance n°5, par G. Peltier (Anal. F. Roque), 159. — Lymphatiques utérins et lym-phangite utérine, etc., parJ. Luc^s Championniôre (Anal. G. Boulcil-lier), 157. — Communication de la carotide interne et du sinus caver-neux, parE.Delens (Anal. L.-E. Du-puy), 202). — De la congestion pul-monaire simple, par E. Bourgeois (Anal. G. Bouteillier), 204. — Cancer primitif des voies biliaires, par F. Villard (Anal. G. Bouteillier), 238.— Pansement immédiat des plaies, etc., par P. Fouilloux (Anal. F. Roque), 259. — Etude sur le molluscum pen-dulum, par Malassez, 240. — De la dénudation des artères, par A. Delbarre (Anal. G. Bouteillier), 272. — Pathologie de la rate, par G. Pel-tier (Anal. F. Roque), 519). — Sur une forme d'arthropatliie, par Col-lette (Anal. F. Roque), 349. — De la réduction des luxations anciennes, par Grémion-Ménuau (Anal. G. Pel-tier), 350. — Méningite et myélite dans le mal de Pott, par Michaud (Anal. Gombault), 576. — Thérapeu-tique des maladies de l'appareil uri-naire, par Mallez et Delpech (Anal. A. Malherbe), 581.—De la malignité dans les maladies, par Laborde (Anal. G. Peltier), 583. — Essai sur l'ictère, par Th. Pouzol (Anal. R.), 414.

Blépharopi.astie par un lambeau com-plètement détaché du bras et re -porté sur la face, par L. Lefort, 235.

Bourneville, 1, 22, 36, 57, 111, 161, 202, 275, 297.

Bouteillier (G.), 159, 206, 258, 272.

Brocv (P.), 66.'

Bromures. Ulcérations de la peau con-sécutives à l'usage des—, par S.Weir Mitehell, 57.

Bronchite capillaire infantile; son trai-tement, par Bedford Brown, 22.

Buuin (P.), 97, 192, 376.

C

Calcul vésical, 103.

Cancer [voy. Utérus). — du sein chez l'homme, 64. — primitif du péri-I oine, injection iodée, par Bourne-ville, 111.

Cartaz, 257, 260.

Cauchois, 293.

Cerveau [voy. Ramollissement).

Cii.w.ot , 1, 36, lui, 273.

Chihurgie (Revue de), par L.-E. Dupuv,

121, 343. —, par G. Peltier, 229. Chondroiie calcifié de la troisième côte

gauche, par Ch. Petit, 108. Chondro-sarcome développé à l'extrémité

intérieure du fémur, par L. Labbé

etUrdy, 129.

CilORÉE, 12,

Cœur (Maladies du) et grossesse, 195.

Col de l'utérus (voy. Utérus).

Coloboma de la choroïde, etc, par A. de Montméja, 48.

Congrès de Lyon, 206.

Contraction musculaire (De la), par P. Dupuy, 115.

Contracture des membres inférieurs, 226. — musculaire, 235. — hystéri-que, traitée par l'électricité, 538.

Cordon ombilical (Tissu muqueux du), par Renault, 114.

Cornillon(J.), 178, 406.

Corps fibreux de la grande lèvre chez une femme enceinte, par J. Cornil-lon, 178. — de l'utérus, 522, 341.

Courants continus (Des), par L. Lel'ort, 235. —De l'action thérapeutique des

— , par Onimus, 286, 352.

Crâne (Système veineux du), par Trul-lard, 115.

CitÉTiNisme, par A. Voisin, 353.

Croup (Thérapeutique du), par E. Bou-chut, 25.

é

Datmune, 63, 515, 541. Déchirure [voy. Hymen, Périnée). Deffaux (E.), 183.

Diarrhée avec selles vertes chez les en-fants nouveau-nés, par M. Swiney, 24. Digitale et digitaline, par Gourvat, 119;

— Mégevand, 4t)7 ; — Blaquart, 410. Dupuy (L.-E.), 185, 262, 346, 360, 396. Duret, 71, 146.

E

Ébranlement par les projectiles de guerre, par E. Muron, 121.

Éclampsie puerpérale (De la tempéra-ture dans I'), par Hervieux, 210.

Électrothékapie. Delà différence d'ac-tion des courants électriques sur l'organisme humain, etc., par Oni-mus, 216, 24').

Elongation (De 1') liypertrophique du col de l'utérus, 185, 262, 360, 596.

Encéphale (Système nerveux de 1'), par Trullard, 115.

Encépiïalocèle, 97.

Enfants (Maladiesdes), revue par Bour-neville, 22. Epidemie (voy. Plaies). Epilepsie, 11.

Epitheliom.! ulcéré du prépuce et de la verge, par Girard, 254. — tubulé de la parotide, par Cauchois, 293. — du nez, par Hanot, 555.

Erysipele de la vulve, 178. — Sur 1' — en général et en particulier sur 1' — traumatique, par Yerneuil, 22*i.

Excitateur utérin (Nouvel) en cas d'ac-couchement prématuré, etc., par Jlyernaux (Anal. P. Budin),192.

Expression utérine (Del) appliquée au fœtus, par Suchard, 373; — par Thiéry-Mieg, 575.

F

Fejuies (Maladiesdes), revue par F. Vil-lard, 267, Sil. Fémur (voy. Chondro-sarcome). Fœtus, 373.

G

Gxlvano-caustique, 295.

Gangrène partielle de la joue, autoplas-tic, par J. Giraldès, 33. — à la suite de l'extirpation d'un corps fibreux de la grande lèvre droite chez une nou-velle accouchée, 17S.

Gaz (voy. Sang).

Giraldès, 33.

Girard, 254.

Gombault, 75, 143, 226, 581. Griesinger, par Brierre de B. (Anal. E.

Teinturier), 82. Griffe consécutive à une lésion du nerf

cubital, par Duret, 71, 146. G ripât, 586.

Grossesse et maladies du cœur, par Pe-ter (Anal. P. Budin), 195. — (voy. Obstétrique, Plaies).

SI

Hachisch (Emploi thérapeutique du), par F. Villard; dans l'épilepsie et les convulsions infantiles, 11 ; — dans la

12 **

chorée, 12; — dans le tétanos, 77.— Action physiologique du hachisch, par le même. 49.

Hanche {voy. Luxation).

Hanot (V.), 555.

Hématurie intermittente chez les en-fants, par Southey, 20.

Hemiplegie, traitement par les courants continus, par Onimus, 255.

Héworbhagie vulvaire chez les petites filles, par Donnai et Dubreuilh, 27.

Hervieux, 209.

Hymen (Déchirure incomplète de la membrane), par Martinelli (Anal. P. Budin),190.

Uyosciamine, 65,510, 546.

Hyperesthésie [voy. Vulve).

Hypertrophie congénitale de la jam-be, etc., par Poulain. 253.

Uystého-épilepsie (De F), leçon de M. Charcot recueillie par Bourneville , 273. — Observation de Wunderlich (Trad. Teinturier), 284.

I

Infection purulente, 521, 555.

Isciiurié hystérique (De 1'), leçon de M. Charcot, l'ecueillie par Bourne-ville, 161.

Iode (Injection d') dans le péritoine, 111. — Rapidité de son absorption après les injections, 112.

Iodisme, 112.

Iodure de potassium, 201.

ë

Jambe (Pseudarthrose de la), par Gom-bault, 145.

L

Uabbé (L.), 129, 521.

Lésions traumal iquesinterstitielles(Sup-puration des), 221.

Liberté humaine (De la), par Loomans, (An. Teinturier), 312.

Ligature de l'artère temporale superfi-cielle, 263.

Liouville (II.), 6, 182.

Lipomes multiples, par Poulain, 253.

Luxation coxo-fémorale double, par Cartaz, 260.

m

Macroglos^ie, par C. Arnstein (Au. L, E. Pupuy), 343.

Maladies mentales (Revue des) , par E. Teinturier, 82, 312.

Malherbe (A.), 52, 128, 585.

Maxillaire inférieur (Nécrose circon-scrite du), par Giraldcs, 52. — (Né-crose phospjhorée du—), par divers, 251.

Membres inférieurs (Flexion perma-nente des), par Gombault, 226.

Méningo-kncéphalocèle, par P. Budin, 97.

Microcytiiémie (De la), par van Lair ci Masius, (An.-G. Peltier), 17.

Moi.lcscum simplex, par Purscr , 60. — Pendulum, par Malassez, 61.249. — tic la région lombaire, par le même, 62. — de la fesse, par Hervieux, 209. — du pied, par Tillaux, 585.

Montméja (A. de), 48, 96.

Muguet (Note sur un cas de), par Parrot, 25.

Myopathies (Groupe des) de cause spi-nale, leçon de M. Charcot, recueillie par Bourneville, I, 56.

m

Nécrose du maxillaire inférieur, 55.

231, 257. Nerf cubital (voy. Griffe). Nez {voy. Epitiiélioma).

©

Obstétrique (Revue d'), par P. Rudin, 192, 568 (voy. Tumeur molluscoïde, Coups libreux). — Leçons de clinique obstétricale , par Dcpaul. (An.-P. Budin), 575.

Onimus, 216, 241, 285, 532.

Oreille (voy. Anévrysme).

Ovariotomie, par Panas, 232.

p

Paralysie infantile, par Charcot, 1, 56, — par Bail et Liouville, G. — obsté-tricales des nouveau-nés, par Na-daud (An. P. Budin), 569, — traitées par les courants continus, par L. Le-fort, 255 (voy. Hémiplégie).

Paraplégie datant de la première en-fance, par Rail et Liouville, 6.

Parotidic (voy. Epitiiélioma).— suppurée, 355.

Pathologie comparée (Revue de), par F. Raymond, 152, 19U.

Peau (Maladies de la), revue par Bour-neville, 57. 201.

Peltier (G,). 22, 95,127.152, 257, 315, 548, 352. 584. 413 et 414.

Pemphigus déterminé par l'iodure de potassium, par Bumstead, 201.

Pénis (Contrictioii du), par un anneau nuptial, par Dumarest, 125.

PiïticiiLonuHE de fer, 239, 52!.

Périnée (Déeliiruro centrale du) pen-dant l'accouchement, par Letenheur, (An.-P. Budin), 195

Péritoine (Cancer du), 111.

Péritonite mortelle à la suite d'un simple toucher vaginal, par Yer-neuil, 541.

Permanganate de potasse dans quelques maladies des femmes, par Williams, 209.

Petit (Ch.-H.), 108.

Phlébite de la veine méningée, 555.

Phlegmon péri-utérin, par Gallard, 2(59.

Phocomélie pelvienne unilatérale, par E. Deifaux, 185.

Physiologie (Revue d(), par F. Ray-mond, 144, 505, 401.

Plaies (Considérations sur la formation de l'épiderme à la surface des —), par Schuller (An.-L -E. Dupuy), 544. — Des accidents, des plaies pendant la grossesse, par J. Cornillon (An.-P. Budin), 568.

Positions occipito-postérieures , par Sentes (An .-P. Budin), 570.

Poulain, 253.

Prépuce [voy. Epithelioma). Pseudarthrose de la jambe, par Gom-

bault, 145. Psychologie morbide, par J.-V. Laborde

(An.-E. Teinturier), 85.

Il

Rachitisme (Accouchement spontané chez une femme atteinte de), par Verrier, 593.

Ramollissement du cerveau; tempéra-ture dans les cas qui guérissent, par Bourneville, 297. r

Rate (Maladie de la) chez les animaux, revue par F. Raymond, 152, 199, 404.

Raymond (F.), 120, 157,199, 312.

Reclus (P.), 159.

Rein (Structure du), par Muron, 517. Anomalie des reins, des bassinets,

des artères rénales, etc., par II. Lion-ville, 182. Reuquet, 105.

Résections sous-périostées , par Chas-

saignac et Ollier, 255. Richelot (G ), 65.

Roque (F.;, 64, 160, 240, 320, 350.

Sang artériel (Des variations de la pro-portion du gaz dans le —), par Ma-thieu et V. Urbain, 118.

Sein (Cancer du) chez l'homme, 64.

Sourds-muets (Les) sans éducation, par Peet (An.-E.-Teinturier), 315.

Spina-bifida crânien, par P. Budin, 97.

Stéatose, par J. Parrot, 116.

t

Teinturier (E), 87, 284,312.

Température dans le rammollissement du cerneau, par Bourneville, 197. — Dans la ponction abdominale et après la thoracentèse, par le même, 112. — Du corps humain, etc., par Cl. Ber-nard, 505.

Tératologie, 185.

Tétanos (Traitement du —) par le

haschich, 77. Thaon (L.), 52.

Thérapeutique, 11, 25, 77, 147, 515,

546,

Thoracentèse [voy. Température). Tillaux, 385.

Torpille (Appareil électrique de laV,

parMarey, 118. .Torticolis(Du), leçons de M. Broca, re-cueillies par G. Richelot, 65.

Tremblement mercuriel (Traitement par les bains électriques), par Peltier, 147 ; — par l'hyosciamine et la da-turine, par le même, 515, 546.

Tricoptylose (Note sur la), par A. De-vergie, 58.

Tubercules généralisés des organes gé-nito-urinaires, par P. Beclus, 159.

Tubes nerveux (Des), par Ranvier, 119.

Tumeur molluscoïde congénitale de la région fessière, par lier vieux, 209 (voy. Utérus, Parotide).

Il

Urdy, 129.

Utérus (Absence ci!), par Poolcy et Ri-chef, 122. — De l'élongation hyper-

trophique de la portion sous-vagi-nale du col de P —, par E. L. Dupuy, 185, 202, 300, 590. — Du cancer de 1' —, au point de vue de la conception, etc., par G. Gliantreuil (An.-P. Bu-din), 197. — Ablation du col de 1' —, par Demarquay, 270. — De la gué-rison par résorption des tumeurs fibreuses dcl' —, par Guéniot, 341. — Du cancer du col de 1' —, par llegar, 342. [Voy. Excitateur utérin, Expression utérine.)

V

Vagin (Absence de), 122.

Vagisisme, par Visca (An. Villard), 207.

— Traitement du —, par Guëneau

de Mussy, 268. Veines (Vaisseaux capillaires musculo-

élastiques des), par Muron, 115 (voy.

Grane). Verge (voy. Epithélioma). Verrier, 595.

Vessie (vny. Calcul). — Contracture de la — sur la pierre, par Reliquet, 103.

Villard (F.), 11, 49, 77, 270, 341. Voisin (A.), 355.

Vulve (voy. IIémorriiagie) . — Hypéres-thesie de la —, 268.

CLASSEMENT DES PHOTOGRAPHIES

Planche I. Paralysie infantile

(forme paraplégique) .... i Planche II. Paralysie infantile

(forme généralisée, n° 1). . . 5 Planche III. Paralysie infantile (forme généralisée, n° 2). . . 5

Planche IV. Autoplasfie..... 55

Planche V. Coloboma de la cho-roïde........ .... 48

Planche VI. Torticolis congénital

n» 1............ 05

Planche VII. Torticolis, etc., n° 2. 02 Planche VIII. Torticolis, etc.,

. n« 3. ...... ........ 68

Planche IX. Griffe cubitale. . . 71 Planche X. Encéphalocèlc. ... 97 Planche XI. Encéphalocèlc . . . 100" Planche XII. Chondrome calci-fié. ............109

Planche XIII. Chondro-sarcome. 131 Planche XIV. Tubercules des or-ganes génitaux ....... 141

Planche XV. Pseudarthrose de la

jambe............ 143

Planche XVI. Myomede la grande

lèvre............179

Planche XVII. Rein unique ... 182 Planche XVIII. Phocomélie. . . 185 Planche XIX. Tumeur congénitale de la fesse avant, l'accouche-ment............213

Planche XX. la même après l'ac-couchement.........215

Planche XXI. Contracture des membres inférieurs.....227

Planche XXII. Hypertrophie con-génitale de la jambe.....252

Planche XXIII. Epithélioma ul-céré de la verge.......255

Planche XXIV. Double luxation de la hanche........- 261

Planche XXV. Adénome epithelial (profil)...........293

Planche XXVI, Adénome epithelial (face)...........294

Planche XXVII. Adénome epithe-lial après l'opération...... 206

Planche XXVIII. Anévrysme cir-soide de l'oreille.......522

Planche XXIX. Contracture hys-térique avant l'électrisation. . 357

Planche XXX. La même après l'électrisation........538

Planche XXXI. Crétinisme . . . 353

Planche XXXII. Epithéliome ta-bulé du nez.........556

Plancue XXXIII. Elongation hy-pertrophique du col utérin. . 566

Planche XXXIV. Mollusciun pen-dulum du pied.......3S5

Planche XXXV. Acéphale humain. 588

Planche XXXVI. Rachitume. . . 594

le Gévanl : a. le montméja.