REVUE
PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
BULLETIN MÉDICAL
Publié sous le patronage DE L'ADMINISTRATION DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE
A. DE MONTMEJA BOURNEVILLE
DEUXIÈME ANNÉE
PARIS
ADRIEN DELAHAYE, LIBRAIRE-ÉDITEUR
TLACE DE l'ÉCOLE-DE-MÉDECIîJE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
RÉSULTAT D'UNE RÉSECTION DE L'ÉPAULE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CHIRURGIE
SCAPULALGIE
RÉSECTION DE l/ÉPAULE, PAR LE PROFESSEUR RICIIET (Extrait d'une leçon clinique sténographiée)
Voici l'histoire du malade auquel nous allons faire l'opération delà résection de la tête numérale. C'est un homme fort, vigoureux, qui n'a aucun des attributs de la scrofule, et cependant il est atteint d'une de ces affections qu'on regarde généralement comme carac¬térisées par les scrofules, c'est-à-dire l'ostéite :
Il a une ostéite de la tête de l'humérus. Il paraît doué d'une très-bonne santé, et il semble que ce soit un accident qui ait amené chez lui la maladie dont il souffre.
Il y a quatre ans, le mal débuta par une douleur assez vive dans l'épaule gauche, qui dura cinq ou six mois et se termina par un gonflement énorme de la partie supérieure de l'épaule, à la face postérieure du deltoïde. Le malade est entré à ce moment à Beau-jon, dans la salle de M. Morel-Lavallée, quia dû lui faire une inci¬sion à la partie postérieure de l'épaule. La cicatrice ne s'est pas fermée depuis. Le malade dit bien qu'il n'est pas sorti de pus ; ce¬pendant, en ce moment, il y a une fistule qui prouve bien qu'il a
dû y avoir du pus. Le mal a eu des intermittences, mais la guêrison n'est pas survenue.
A la suite de l'ouverture de l'épaule, un mieux sensible s'est mani¬festé pendant un an et même deux ans ; les souffrances avaient cessé quand, tout à coup, il est revenu, à la partie antérieure de l'épaule, un gonflement considérable, analogue à celui qui s'était produit du côté postérieur, gonflement qui, comme le précédent, a abouti à un abcès. Cet abcès s'est ouvert sur la partie antérieure du moignon scapulaire, à 0m,04 au-dessous de l'acromion, et par conséquent un peu plus haut que celui de la partie postérieure qui était situé à 0m,05 ou 0m,06 de l'acromion. L'abcès s'est com¬porté comme le premier. Le malade s'est trouvé soulagé par le fait de son ouverture; petit à petit la source de pus s'est tarie, et le malade a pu encore se croire guéri, mais il est resté une seconde fistule.
Enfin, il y a six mois, un nouvel accident est arrivé. Cette fois, tout à fait derrière l'épaule, au-dessous de l'épine de l'omoplate; dans la fosse sous-épineuse, un gonflement plus considérable que les précédents s'est produit; l'abcès s'est formé, il a été ouvert, et il est resté encore là une fistule. Le malade a donc trois fistules, une antérieure datant d'un an, une postérieure datant de six mois, enfin une intermédiaire datant de près de quatre ans; il y a trois fistules siégeant autour du moignon.
Quand j'ai pris le service, j'ai trouvé ce malade dans un état qu'il faut étudier avec soin, au point de vue local et au point de vue général, pour pouvoir en tirer les conséquences, les déductions né¬cessaires pour le diagnostic, pour le pronostic et surtout pour le traitement.
La première chose qui frappe quand on examine ce malade, c'est l'aplatissement du moignon scapulaire. Si vous découvrez l'épaule et que vous la regardiez par la partie antérieure, cette épaule gau¬che vous parait aplatie. Déplus, la peau a une teinte particulière qui provient certainement aussi bien des résultats des change¬ments pathologiques profonds qui se sont passés du côté de l'arti¬culation, que des moyens médicamenteux employés pour combattre l'affection.
On trouve, en effet, autour du moignon scapulaire atrophié, aplati, une série de cicatrices qui montrent qu'on a appliqué le cau¬tère, le fer rouge circulairement, des traces de l'application de vési¬
catoires nombreux: c'est là ce qui a produit cette teinte particulière de la peau recouvrant le moignon scapulaire.
Les trois fistules donnent très-peu, mais donnent encore. Celle qui donne le plus, c'est celle de la partie antérieure. Je vais appli¬quer des noms à ces trois fistules, car, dans la description de la sca-pulalgie, les fistules sont caractéristiques, parce qu'elles se présentent toujours dans les mêmes endroits. Je nommerai la fistule antérieure bicipitale car c'est par la gaine de la longue portion du biceps, qui communique avec l'articulation scapulo-humérale, que le pus de l'articulation vient se faire jour à l'extérieur. Cette fistule est donc située à l'extrémité antérieure de la gaine bicipitale, et on sent, quand on remonte de la fistule à l'articulation, qu'il y a une corde qui mène le long de la coulisse bicipitale à la partie élevée du moi¬gnon. Cette fistule peut permettre de pénétrer avec le stylet jusque dans l'articulation.
La fistule postérieure, située au-dessous de la fosse sous-épineuse, je la nommerai la fistule du muscle sous-épineux. Cependant, elle est venue non pas par là, mais par le tendon du sous-scapulaire ; mais elle est logée dans cette fosse, et nous devons la nommer de ce nom. Elle a eu pour point de départ, comme la fistule antérieure, les tendons des muscles sous-scapulaires qui pénètrent aussi dans l'articulation. La gaine du sous-scapulaire communique souvent, et même toujours, avec l'articulation scapulo-humérale, et le pus qui s'y trouve arrive jusque sur le bord antérieur du scapulum, et tantôt se déverse à la partie antérieure vers l'angle inférieur ; d'autres fois il se porte dans la fosse sous-épineuse, comme c'est le cas de notre malade. Il ne faudrait pas croire que c'est par le tendon sous^épineux que cela s'est fait, c'est par le sous-scapulaire.
La première fistule qui ait paru, je la nommerai deltoïde, parce qu'elle est creusée dans l'épaisseur du deltoïde. Il est infiniment probable qu'elle ne communiquait pas d'abord avec l'articulation, mais que le voisinage du pus a détruit les tissus cellulaires entre la face du deltoïde et la tête osseuse de cette partie jusqu'à la partie antérieure du muscle sur le bord postérieur.
Les mouvements sont intéressants à étudier. A propos du dia¬gnostic, vous verrez que c'est là un point très-important pour déter¬miner le mode de traitement.
Les mouvements d'élévation sont complètement impossibles. Le malade fait effort pour lever l'épaule, et on voit qu'il élève le moignon scapulaire en môme temps, et encore il a peine à le détacher
du corps. Le mouvement d'abduction en dehors est atrophié, car le deltoïde n'y prend aucune part, attendu qu'il est presque complè¬tement atrophié ou transformé. Il est collé sur la partie externe de l'articulation, et il est infiniment probable qu'il a déjà subi une transformation graisseuse depuis quatre ans qu'il ne fonctionne plus. Ce n'est pas à lui qu'est dû le reste de mouvement du moignon scapulaire, c'est au trapèze qui tend a relever l'épaule. Le mou¬vement d'abduction est impossible parce que le deltoïde est collé aux tissus profonds; quant au mouvement d'élévation de l'épaule, il est dû au trapèze.
L'épaule du côté gauche est plus élevée que celle du côté droit, comme on le voit, quand on laisse le malade à lui-même. A quoi cela tient-il? A ce que le muscle trapèze se contracte quand le malade le veut, et même sans sa volonté; c'est là de la contracture et non de la contraction musculaire. Cela se produit pour toutes les articu¬lations malades. Ainsi, pour le genou, il y a une flexion occasionnée par les fléchisseurs de la jambe, de même que pour la hanche il y a une flexion de la cuisse sur le bassin. C'est contre ces contractures musculaires que, dans ces derniers temps, on a employé les ruptures que Bonnet, de Lyon, a particulièrement mises en honneur.
Je me borne à signaler ceci, que le muscle trapèze est contrac¬ture, et que l'épaule, du côté malade, est plus élevée que celle du côté sain.
Les mouvements antérieurs et postérieurs sont encore un peu possibles ; le malade peut avancer le bras et le porter en arrière un peu, mais ces mouvements ne se passent pas dans l'articulation. Quand on fixe l'angle du scapulum avec la main, tandis qu'un aide fait mouvoir l'humérus, on voit un mouvement de glissement entre la tête numérale et la cavité glénoïde, mouvement qui n'est pas bien étendu, car, si on le porte un peu loin, on entraîne avec l'humé¬rus le scapulum.
Nous allons tirer les déductions de cet examen à propos du diagnostic.
Yoilà ce que constate l'état local. Mais ce n'est pas tout: il faut encore, avec le stylet, chercher à pénétrer à travers les fistules pour voir ce qu'il y a au fond de tout cela. Or, il y a là une difficulté assez grande, c'est que la fistule, en partant de l'articulation sca-pulo-humérale ne s'ouvre jamais vis-à-vis le point malade ; elle suit un trajet oblique. Le pus, au lieu de s'ouvrir passage, comme dans les autres articulations, celle du genou et celle du coude, directement
devant l'interligne articulaire, suit, en raison de la position déclive du bras, tantôt la gaine bicipitale, tantôt le scapulum, tantôt le deltoïde, et vient à 0'",04 ou 0m,05 de la cavité glénoïde. Quand donc vous voulez explorer, avec le stylet, la partie raaiade, il suit un trajet parallèle à l'humérus, tandis qu'il faudrait pour parvenir sur l'humérus malade redresser le stylet, afin qu'il tombât perpen¬diculairement sur l'os.
Cela nous est arrivé. Nous avons, soit pour la fistule bicipitale, soit pour la deltoïde, soit pour la sous-épineuse, nous avons con¬stamment suivi un trajet oblique; nous sommes arrivés dans l'arti¬culation, et nous l'avons même dépassée, mais nulle part il ne m'a été possible de sentir, de trouver l'os parfaitement à nu, de pénétrer dans l'intérieur.
Cependant pour la fistule bicipitale surtout, j'ai réussi à sentir la portion osseuse à nu, sans pouvoir redresser le stylet pour arriver perpendiculairement sur l'os et sonder toute la profondeur du mal. Mais j'en ai vu assez pour savoir que l'os est à nu.
11 est une autre considération de l'état local qui me fait voir que l'os est malade. La tête de cet os ne présente pas une demi-sphère parfaitement arrondie, comme à la partie supérieure de ce que l'on nomme col chirurgical, qui présente ordinairement un ensemble arrondi assez volumineux, dans l'état naturel et normal, qu'on apprécie à travers le deltoïde même, quand il n'est pas atrophié, qu'il est encore très-épais. Ici l'atrophie de ce muscle nous permet de sentir que l'os a perdu sa régularité arrondie; qu'une partie est irrégulière et a diminué de volume. Il y a, chez notre malade, une atrophie de la tête numérale qui tient à ce que depuis longtemps cette tête humérale a été minée par la suppuration, et que, par con¬séquent, une grande partie des tissus qui la composaient a été dis¬soute, pour ainsi dire, entraînée par la suppuration.
C'est, du reste, ainsi que les choses se présentent, car je vais vous le montrer sur une pièce que j'ai entre les mains.
Voilà pour ce qui concerne les caractères locaux. Il est inutile de le dire, il n'y a pas d'autre fistule ailleurs ; on n'en trouve pas sous l'aisselle ; les ganglions axillaires ne sont pas engorgés; il n'y a pas de fistule dans la gaine glénoïde; il n'y en a pas dans le creux sous-claviculaire. On aperçoit très-bien qu'il n'y arien par là. Cependant, je le dirai dans la description générale de la scapulalgie, fréquem¬ment on trouve les ganglions axillaires engorgés. Je citerai l'exemple de deux individus chez lesquels cet engorgement a déterminé des
accidents, postérieurement à la résection, qui ont fini par enlever l'un des deux malades. Mais, chez notre malade, il n'y a point d'en¬gorgement axillaire ou sous-claviculaire.
L'état général du malade est parfait : il mange bien; il a une colo¬ration du visage qui n'annonce, en aucune façon, les scrofules ; il est très-fort, vigoureux, n'a point de diarrhée, et, malgré quatre années passées presque complètement dans l'inaction et dans les hôpitaux, au milieu des miasmes, il a conservé une très-bonne santé.
Mais, comme tout mouvement de bras lui est impossible, qu'il ne peut que le porter un peu en avant ou en arrière, — à peine peut-il le porter à la bouche, il lui serait impossible de le porter au front, — comme il ne peut travailler, il se désespère. Plusieurs fois je lui ai dit : " Qu'est-ce que vous demandez? pourquoi restez-vous à l'hô¬pital?— Parce que je voudrais obtenir du soulagement; s'il y a une opération à me faire pour me débarrasser de mes souffrances continuelles depuis quatre ans, qui me permette ensuite d'agir de mon bras, je suis prêt à la subir. »
Quand j'ai laissé entrevoir la possibilité de cette opération, il m'a demandé de la lui faire, et, depuis ce temps-là, il me presse tous les jours de l'exécuter. Je lui ai dit qu'elle serait grave, que dans son état de santé on pouvait le débarrasser de son mal, mais que l'opé¬ration en elle-même compromettrait son existence. Eh bien, il n'a pas hésité ; et quoique bien instruit de tout, il a persisté dans sa demande d'être opéré, et me dit tous les jours : " Quand en finirez-vous? » C'est un homme voulant absolument être débarrassé de sa maladie.
Il s'agit de savoir au juste l'affection dont il est atteint pour y porter remède, et c'est ici que le diagnostic a besoin d'être creusé pour savoir à quoi s'en tenir positivement.
La première chose à déterminer est celle-ci : avons-nous affaire à une maladie de l'articulation scapulo-humérale ou à une maladie de l'humérus seul, c'est-à-dire une ostéite?
Je ne crois- pas que nous ayons affaire à une ostéite de l'extrémité supérieure de l'humérus atteint de carie ou de nécrose, par la raison que voici : c'est que la maladie, au début, s'est annoncée par un gonflement considérable comme les arthrites, par un énorme gon¬flement de la partie postérieure, suivi d'un abcès, après lequel il y a eu mieux, puisque, pendant dix-huit mois ou deux ans, le malade est sorti de l'hôpital et s'est un peu servi de son membre. Le gon¬flement a reparu de nouveau, et il s'est formé un nouvel abcès.
Enfin, il y a eu un troisième abcès à la partie postérieure de l'épaule. C'est ainsi que se comportent les scapulalgies, les arthrites de l'ar¬ticulation SL'»rulo-humérale. A supposer que l'articulation ne fût pas gonflée, comme 'Vest probable (et nous n'y avons pas assisté); à supposer que l'ai lieulation entière n'ait pas été distendue par le liquide à une époque, nous avons une preuve que la maladie est articulaire : ce sont les fusées, les fistules qui se sont formées dans les trois points que j'ai indiqués tout à l'heure. La première fusée n'établirait pas positivement que nous avons affaire à une affection articulaire. Effectivement, comme je l'ai dit, elle s'est ouverte à la partie antérieure sur le bord postérieur du muscle deltoïde. Celle-là pourrait n'avoir été qu'un abcès de voisinage qui s'est développé entre le deltoïde et l'articulation, dans le tissu cellulaire lâche qui forme l'articulation entre la voûte acromio-coracoïdienne et l'arti¬culation scapulo-humérale. Quand on élève le bras, le premier mou¬vement se passe dans l'articulation scapulo-humérale ; en l'élevant davantage, c'est dans l'articulation complémentaire, entre la voûte coraco-claviculaire et l'articulation scapulo-humérale; une véritable membrane séreuse facilite le glissement de l'épaule sur la voûte acromio-coracoïdienne.
Chez notre malade, la première articulation est détruite, et il est infiniment probable que le premier abcès a eu lieu dans son tissu cellulaire, entre la face profonde du deltoïde et l'articulation, et c'est à cela qu'est due l'impossibilité actuelle d'élévation du bras.
Ainsi, la première fusée ne prouverait pas que la maladie fût ar¬ticulaire, parce que le pus a fusé en suivant le deltoïde.
Mais, pour les deux autres fusées elles prouvent bien que la ma¬ladie était articulaire. En effet, il est impossible que le pus ait fusé dans la gaine du muscle biceps si, primitivement, il n'était pas dans l'articulation. Dès qu'un épanchement est dans l'articulation sca¬pulo-humérale, le pus fuse dans la gaine, et alors on trouve dans la partie antérieure de l'épaule une tumeur longue, fluctuante, de la¬quelle, quand on la presse, le liquide qu'elle contient disparaît en rentrant dans l'articulation. Le fait seul d'une fistule dans la cou¬lisse bicipitale prouve que le liquide, qui est sorti par son ouver¬ture, était contenu dans l'articulation.
Il en est de même pour la fistule postérieure : c'est par le muscle sous-scapulaire que le pus s'est introduit dans l'articulation.
Voilà donc bien des preuves de ce fait que, primitivement, la ma¬ladie était dans l'articulation. Cela était important à établir,
Une autre preuve, c'est que les mouvements de l'articula', même ne peuvent plus se faire. S'il s'agissait simplement d'iii ladie de la tête de l'humérus, n'ayant pas pénétré dm? ila-tion, pourquoi l'humérus ne glisserait-il pas dans la es: ^enoïde? Or, nous avons dit que le scapulum soutient tov- les ands mouve¬ments, ce qui prouve que la cavité scapulo-huiu ^rale est effacée ; elle a suppuré, il y a eu des adhérences, la cavité n'existe plus. Voilà une raison suffisante pour dire que la tête de l'os n'est pas seulement malade, que l'articulation l'est elle-même.
J'arrive au diagnostic de l'affection elle-même. C'est une affection articulaire, mais il faut savoir si elle porte plus spécialement sur tel tissu que sur tel autre, sur le tissu synovial plus que sur le tissu fibreux, plus que sur les cartilages, plus que sur les os ; si elle porte sur le plus grand nombre ou sur le plus petit nombre de ces tissus, ou si elle ne porte que sur un seul.
Pour moi, il n'est pas douteux que la synoviale ait été aussi malade. La maladie est dans Los, mais, à une certaine époque, les tissus fibro-synoviaux l'ont, été. La preuve, c'est qu'il n'y a plus de syno¬viale, l'humérus est pour ainsi dire, adhérent aux parois de la cavité glénoïde ; la synoviale a disparu, elle s'est retirée, s'est collée sur les os. La capsule et sa synoviale ont été atteintes, elles ont suppuré, et sont collées en ce moment sur les os. Voilà qui était bien important à préciser.
Que sont devenus les cartilages? Nous avons vainementeherché s'il y avait de petits mouvements de glissement entre la tête de l'humérus et la cavité glénoïde, s'il y avait un frottement, la cré¬pitation qu'on obtient quand les cartilages ont disparu, qu'ils sont rugueux. C'est qu'effectivement, très-probablement, il y a des adhé¬rences; les cartilages ont été détruits aune certaine époque, et il s'est établi, entre les surfaces articulaires et l'humérus, dans la cavité glénoïde, de ces adhérences comme on en trouve dans toute articulation qui a été longtemps malade. Il se forme des tissus fibreux qui se portent d'une surface articulaire à l'autre et éta¬blissent ces adhérences qu'on nomme fausses ankyloses.
Ainsi, chez notre malade, selon toute probabilité, il y a ceci à noter que l'on est obligé parce qu'on n'a pas de preuves directes, de raisonner ici par analogie. C'est à cause de l'impossibilité d'exé¬cuter de grands mouvements que nous sommes conduits à dire que I©3 1 issus fibro-synoviaux et les cartilages ont disparu, sont collés
sur les os, et qu'il s'est établi une adhérence entre les deux sur¬faces articulaires.
Mais il y a quelque chose de plus net. C'est dans la tête de l'os qu'est la maladie principale, et il s'agit de rechercher ce genre de maladie. Pour moi, tout ce qui s'est passé démontre qu'il y a une ostéite, une inflammation de la tête de l'os. Qu'il y ait eu une carie à une époque, c'est probable, mais il s'agit certainement d'une nécrose, d'après les faits que je connais.
Notre malade a une ostéite, et de plus il a des séquestres dans la partie centrale de l'os, et ces séquestres constituent ce que l'on nomme l'ostéite de l'extrémité supérieure de l'humérus avec nécrose. D'ailleurs le stylet nous a démontré, autant que cela est possible, car j'ai parlé de la difficulté de l'exploration, que parla fistule bicipitale on arrive sur une portion à nu de l'humérus. À coup sûr il est bien à nu en ce point, et je crois qu'il l'est plus qu'il ne le paraît.
Mais ce n'est pas tout encore. Il faut savoir au juste l'état dans lequel se trouve l'articulation scapulo-humérale pour pouvoir agir d'après ce que j'ai dit antérieurement. Il est certain qu'il y a encore des mouvements entre la tête de l'humérus et la cavité glénoïde, mais ces mouvements sont très-restreints. D'autre part, la capsule sêro-synoviale est collée sur la tête de l'os, ce qui donne une très-grande difficulté pour mobiliser la tête de l'os et faire la résection. Il existe des mouvements, mais ils sont peu étendus, ce qui prouve qu'il y a une fausse ankylose par adhérence fibreuse.
S'il y avait, ce qui est fort rare, pour la scapulalgie,une ankylose osseuse par soudure ou fusion, il ne faudrait pas songer à faire l'opération de toute nécessité, il faudrait enlever la portion du sca-pulum fusionnée avec la tête de l'os. Ici, au contraire, j'établis que la maladie est dans la tête de l'os, mais que dans l'articulation il y a une certaine mobilité qui permettra de détacher la tête de l'os et d'emporter avec elle toute la maladie.
Il faut établir qu'il n'ya pas d'autre os malade que l'humérus. On a vu quelquefois l'arthrite s'étendre jusqu'à la partie profonde de l'a-cromion et jusqu'à l'apophyse coracoïde. C'est très-rare, mais ici le cas n'existe pas; je ne crois même pas que la cavité glénoïde soit malade ; je pense que la maladie est, concentrée dans la tète hu-mérale et qu'il n'y aura pas besoin de réséquer la cavité glénoïde.
Il s'agit maintenant d'établir le pronostic de cette affection. Ce n'est pas tout d'avoir étudié le diagnostic, il faut savoir si, aban¬
donnée à elle-même, la maladie pourrait guérir. Il ne suffit pas que le malade réclamée instamment l'opération, et que je la croie pos¬sible, il faut qu'il me soit démontré qu'il ne pourrait guérir autre¬ment, ou que la guérison serait si longue, qu'elle aurait à traverser de tels accidents qu'il vaut mieux subir les chances actuelles de l'opération.
Si le diagnostic est bien posé, si nous avons la têtehumérale ma¬lade avec des séquestres enfermés au milieu de l'humérus, il n'est pas possible que ces séquestres restent tout seuls et que la guéri-son s'opère, car à supposer même que les séquestres pussent sor¬tir, il resterait dans les cavités de ces séquestres de l'inflamma¬tion qui entraînerait la suppuration, et par conséquent empêcherait la guérison.
J'entrevois une seule possibilité de guérison, ce serait le cas où l'affection serait de nature syphilitique. Peut-être alors, par des moyens médicamenteux, arriverait-on à la guérison comme dans les ostéites syphilitiques. Mais j'ai cherché, j'ai demandé tout à l'heure au malade: Avez-vous eu des accidents dénature syphilitique? Il m'a répondu n'avoir même jamais eu de chaudepisse. Je n'ai pas poussé plus loin mes investigations, car il n'y a pas ici de physiono¬mie syphilitique. Les ostéites de cette nature paraissent brusque¬ment, et puis elles s'arrêtent, elles restent un temps considérable sans donner aucune suppuration, puis elles recommencent, et la terminaison est une nécrose. Une fois le séquestre éliminé, la gué¬rison se fait. D'ailleurs ces ostéites s'attaquent plus spécialement aux os formés de tissus compactes plutôt qu'aux os spongieux.
J'ai décrit le premier, je crois, l'ostéite syphilitique des tissus spongieux, et, je le déclare, celle dont nous nous occupons n'a pas cette physionomie.
Donc nous avons affaire à un malade qui ne peut guérir natu¬rellement parce que des séquestres sont enfermés dans Los, et qu'à supposer qu'il n'y en eût pas, les ostéites ne guérissent jamais spontanément. Par conséquent, nous sommes autorisés à écouter ce que nous demande le malade, à lui faire une opération pour le dé¬barrasser.
Il y a plus, il ne faut pas croire qu'il soit sans danger d'avoir une ostéite de la tête de l'humérus, car il en résulte des bouffées inflam¬matoires comme en a eu le malade. Il s'agit d'un homme vivant de son travail, qui ne peut rester chez lui sans rien faire; il est doiiic obligé d'être à l'hôpital au milieu des miasmes qui y régnent. Il a
une ouverture, il peut être atteint d'un érysipèle qui l'emporterait ou d'une phlébite ou de l'infection putride. Le malade porte en germes une foule de maladies qui peuvent l'atteindre d'autant plus facilement qu'il est à l'hôpital, et vous savez combien les malades qui vivent dans les hôpitaux sont sujets à ces affections générales qui entraînent quelquefois la mort.
Voilà les raisons qui militent en faveur de l'opération qui, selon moi, peut améliorer l'état du malade. En ce moment il n'a pas de mouvement de l'articulation, il a le bras collé au corps, il peut à peine le porter en avant ou en arrière, et ne peut élever les mains plus haut que le menton. Il est donc privé de son membre. La résec¬tion peut rendre à ce membre de grands mouvements. J'espère vous montrer un de ces jours un des malades qui ont été opérés, et vous jugerez de l'étendue des mouvements du bras qui en est résultée.
Nous débarrasserons donc, non-seulement le malade d'une affec¬tion grave, sérieuse, qui peut compromettre son existence, mais nous lui restituerons une partie de la mobilité de son membre. L'opération me paraît parfaitement justifiée.
Je vais d'abord faire une incision qui, partant du milieu de l'es¬pace compris entre l'apophyse coracoïde et le sommet de l'acromion, aille au centre sous-glénoïdal, suivre la coulisse bicipitale au niveau de la fistule. Si, plus tard, je suis obligé d'abaisser l'incision, parce que la tête de l'humérus serait malade plus bas que je ne pense, alors je prolongerai, je n'y regarderai pas. Par cette incision, on arrive du premier coup jusque sur l'os. Il faut avoir soin d'explorer l'artère axillaire, c'est le seul reproche qu'on puisse faire à ce pro¬cédé ; il est dans le voisinage des gros vaisseaux. Il faut donc explo¬rer l'artère axillaire pour voir si elle n'a pas subi de déviation. Dans quelques cas où il y a de la suppuration dans le creux de l'aisselle, l'artère peyt avoir été entraînée à la partie inférieure. Ici il n'y a rien ; j'ai exploré celte artère ; elle est à sa place ; nous l'aurons à la partie postérieure et interne ; nous ferons attention, mais il n'y a pas de danger.
On va par l'incision, du premier coup, sur la tête de l'os. Alors on fait saisir avec deux crochets les lèvres de la plaie, on les écarte, et, au bistouri pointu, on substitue le bistouri boutonné, parce que, voulant disséquer dans la plaie, il ne faut pas de pointe qui fasse des blessures à l'artère ; avec le tranchant, le doigt conduisant, on cir¬conscrit la tête de l'os, en la détachant de ses adhérences. C'est là qu'est la difficulté, mobiliser la tête.
Alors on fait saisir la tète de l'humérus avec des pinces à cro¬chets. Si l'on emploie une grosse pince servant à l'extraction des os, on écrase la tête de l'humérus, qui est tellement malade qu'elle se met en morceaux, et alors on a une peine énorme à la tirer au dehors. Il faut donc, je le répète, employer les pinces à crochets, qui tiennent l'os sans le presser, qui ne l'écrasent pas, mais le tien¬nent bien. Vous allez voir manœuvrer un de ces instruments. — La suite au prochain numéro. —
MÉDECINE
HYDROPHOBIE RABIQUE
OBSERVÉE DANS LE SERVICE DE M. GALLARD (HOPITAL DE LA PITIÉ) (Yoy. pl. II.)
Le 10 novembre 1819, est entrée clans la salle Sainte-Geneviève une femme âgée de 19 ans.
Comme antécédent, la malade nous dit qu'elle a toujours eu une-bonne santé ; cependant elle est restée trois mois, il y a un anr dans le service de M. Bernutz, pour des douleurs abdominales, dues, probablement à une pelvi-péritonite ; de plus elle avait souvent des attaques de nerfs.
Il y a sept semaines, elle a été mordue par un chien qu'elle enfer¬mait habituellement dans une cour; c'est au moment où elle ouvrait la porte pour l'appeler que le chien s'est précipité sur efle.
Effrayée, elle est tombée à terre en se sauvant, et c'est alors qu'elle a été mordue à la lèvre, au nez et au pouce gauche.
Elle a été amenée environ trois heures après l'accident à l'hôpital de la Pitié. Là, la malade n'a pas voulu se laisser cautériser et est retournée chez elle.
Le lendemain, le chien a été tué par l'ordre du commissaire de police du quartier, et transporté ensuite à l'Ecole vétérinaire d'Alfort. Nous n'avons pas de renseignement sur l'examen qui en a été fait.
1 The Lancet, 1869, t. II, p. 660.
Depuis cette époque, la malade était très-préoccupée de sa mor¬sure ; cependant la plaie s'était cicatrisée, et la malade n'y pensait plus, lorsque le mardi 9 novembre elle a éprouvé des malaises, des battements de cœur, et de la céphalalgie.
Ses règles se sont arrêtées subitement, mais elle attribue cela à ce qu'elle avait lavé à l'eau froide pendant la journée.
Dans la nuit du mardi au mercredi, elle a été très-agitée, et, lors¬qu'on a voulu lui donner à boire, elle a été prise de suffocation, et elle n'a pu avaler la boisson qu'on lui présentait. Il en a été de même lorsqu'on a voulu la faire manger. A partir de ce moment jusqu'à sa mort, elle n'a pu prendre ni boisson ni nourriture d'au¬cune sorte.
Le mercredi à 10 heures du soir, au moment de son entrée, elle présentait les symptômes suivants :
La malade est agitée. Les yeux sont brillants et expriment la crainte : la parole est brève, saccadée, interrompue par des inspirations brusques, analogues à celles produites par une forte émotion ou une impression subite du froid.
Lorsqu'on lui présente un liquide quelconque, soit de l'eau, soit du bouillon, elle cherche à se sauver et est prise de constriction à la gorge, avec suffocation. II suffit même de remuer de l'eau dans la chambre où elle est, pour provoquer des accès de suffocation. La vue d'un verre lui inspire aussi de grandes frayeurs ; elle nous supplie de ne pas lui donner à boire et promet qu'elle boira un peu plus tard. Cependant elle a consenti à se laisser passer une sonde œsophagienne par le nez, mais à condition qu'on lui maintiendrait la tête et les bras. La sonde a été passée facilement, et nous lui avons injecté dans l'estomac, M. Liouville et moi, 2 grammes de chloral dissous dans 120 grammes d'eau.
Après l'injection du liquide, la malade nous dit qu'elle éprouve du soulagement, et nous promet encore de boire plus tard, lors¬qu'elle ira mieux.
Lorsqu'on lui présente une lumière devant les yeux, elle cherche à fuir, et sa figure exprime une grande terreur.
La malade ne veut pas rester seule dans la chambre où elle est, disant qu'elle a peur. Le moindre mouvement dans la pièce suffit pour lui donner des accès de frayeur et de suffocation. Cependant les objets brillants, tels qu'une porte vitrée placée en face d'elle, ne lui causent aucune impression.
L'intelligence est conservée, et la malade nous répond très-bien ; elle nous dit qu'elle a été mordue, mais qu'elle n'y attache aucune importance, disant que les souffrances qu'elle éprouve lui viennent de l'arrêt brusque de ses règles.
Jeudi 11 novembre. La malade a été très-agitée pendant la nuit, parlant beaucoup. Ce matin elle présente les mêmes phénomènes qu'hier soir. Horreur de l'eau. Accès de suffocation ; il y a impossi¬bilité absolue de lui faire prendre aucune boisson ; il a même été très-difficile de lui donner un lavement avec 6 grammes de chloral. Lorsqu'on veut la forcer à boire, elle entre dans une grande colère, avec exaspération ; puis un moment après retombe dans un état d'affaissement momentané, demandant pardon à ceux qui l'entou¬rent d'avoir été si méchante.
Les personnes étrangères qui entrent dans sa chambre lui causent de grandes frayeurs, et elle ne veut laisser approcher d'elle que la religieuse et quelques personnes qui sont habituellement dans la salle.
La malade rejette par la boucheune mousse très-abondante, mais il n'y a pas le crachement continuel qui a été remarqué souvent dans la rage.
A chaque instant elle dit qu'elle étouffe et se plaint debattements de cœur très-violents.
Hallucinations de l'ouïe: parfois elle croit entendre son mari dans la salle voisine et demande à le voir.
Trois injections hypodermiques, avec 5 centigrammes de chlor¬hydrate de morphine chaque fois, ont été faites dans la journée sans amener aucune sédation des phénomènes nerveux. Il y a eu quelques vomissements ; les pupilles sont à peu près normales. Pas d'hypéresthôsie de la peau ; plutôt de l'anesthésie : la malade ne sentait rien lorsqu'on lui faisait des piqûres avec l'aiguille de la seringue de Pravaz.
Morte le jeudi 11 novembre, à six heures du soir, dans un accès de suffocation. Une heure avant la mort, la malade était dans un état d'agitation très-grand. Il n'y a eu ni affaissement, ni coma avant la mort.
La cicatrice n'avait pas changé d'aspect et n'avait été le siège d'aucune douleur.
AUTOPSIE
Le cerveau et la moelle sont congestionnés ; les méninges cérébra-
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
LANGUE ET LARYNX D'UNE HYDROPHOBE
les, surtout, sont dans un état de congestion assez grand. Elles s'i¬solent de la substance cérébrale plus difficilement qu'à l'ordinaire. Congestion des poumons, pas d'apoplexie ni d'inflammation du parenchyme pulmonaire. Congestion du foie.
Dans le larynx on trouve une rougeur considérable sur l'épi-glotte et les cartilages aryténoïdiens : cette rougeur s'arrête subite¬ment au niveau de la muqueuse œsophagienne, dont la blancheur contraste avec la rougeur de la muqueuse sus-laryngienne.
Sur la base delà langue on trouve, non-seulement les papilles, mais toutes les glandules très-volumineuses , et considérablement hypertrophiées. (Voir la planche II).
Aucune altération ni tumeur sous la langue. Les glandes sub¬linguales sont saines.
— Nous pouvons noter dans cette observation deux symptômes importants : ce sont l'anesthôsie de la peau et l'hypertrophie des glandules delà base delà langue.
Dans la plupart des observations de rage, on voit, en effet, presque toujours de l'hypéresthésie delà peau, et à tel point que, dans une observation rapportée par Trousseau, on ne pouvait toucher le ma¬lade sans lui causer de grandes douleurs. Chez notre malade, au contraire, il y avait une anesthésie considérable.
Quant aux glandules de la base de la langue, on signale bien, dans les auteurs, de l'hypertrophie des papilles de la base de la langue, mais cette hypertrophie considérable de toutes les glan¬dules n'avait pas été notée. Elle est due, probablement, à la sur¬activité sécrétoire qui se fait dans ces glandes , et qui se traduit au dehors par le rejet d'une mousse abondante.
Nous ferons remarquer également que bien que la malade eût horreur de l'eau, il a été facile néanmoins de lui passer une sonde œsophagienne, et que la présence du liquide dans l'estomac lui a fait éprouver un grand soulagement.
Enfin la malade n'est pas morte avec cette asphyxie progressive décrite par M. Bergeron, car, une heure avant la mort, elle ne pré¬sentait pas la cyanose qui caractérise ce genre d'asphyxie.
T. R.ÉMOND,
Interne des hôpitaux.
TÉRATOLOGIE
FEMME TÉTRAMAZE
ENDOLORISSEMEKT DES MAMELLES SURNUMÉRAIRES AXILLAIRES AU MOMENT DES RÈGLES. - LEUR SÉCRÉTION LACTÉE APRÈS L'ACCOUCHEMENT '.
La nommée Marie P..., âgée de 24 ans, née à Paris, est entrée le 2 octobre à la salle Sainte-Marguerite, n° 10, service de M. le doc¬teur Lorain ; exeat le 11 octobre.
Elle est de moyenne taille, plutôt petite; primipare ; n'a pas de sœur ; son frère n'a aucun vice de conformation ; sa mère est morte à 39 ans et n'avait pas de difformité.
Cette femme est atteinte de strabisme convergent de l'œil droit depuis l'âge de 2 ans. Pas d'altération appréciable de la cornée.
A été réglée à Paris, à l'âge de 12 ans. Elle porte quatre ma¬melles : deux volumineuses, qui occupent leur situation normale ; les deux autres, petites, indépendantes des premières, pourraient être dénommées axillaires à cause de leur position.
Les quatre mamelles ont augmenté de volume au moment de la puberté. Aux époques menstruelles, P... éprouve des douleurs seu¬lement dans les petites mamelles.
Depuis sa grossesse a paru une tache pigmentaire sur la ma¬melle axillaire gauche ; en même temps les quatre organes de la sécrétion lactée se développent.
Comme antécédents nousdevons noter qu'au mois de janvier 1869, elle a été traitée à la salle Sainte-Adélaïde, service de M. Lorain, pour des plaques muqueuses ; depuis cette époque, elle a eu de l'alopécie et des taches cutanées.
1 Examen liistologique comparatif du lait sécrété par les quatre mamelles. (Voy. planche III.)
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
FEMME TÉTRAMAZE
Il y a environ un mois qu'elle ne sent plus remuer son enfant. (Elle pense être à terme en ce moment.)
Elle accouche le 3 octobre, à quatre heures du soir, d'un enfant mort, de sept mois et demi environ.
Le A octobre, on constate qu'il existe du colostrum clans les quatre mamelles; toutefois celui des seins axillaires est beaucoup moins jaune que celui des seins pectoraux.
Histologiquement, ce colostrum diffère également : celui des ma¬melles supplémentaires renferme moins de corps granuleux, qui sont d'ailleurs plus irréguliers, moins volumineux, plus transpa¬rents que dans le colostrum des autres mamelles ; il y a aussi moins de globules laiteux. (Voy. fig. 1, 2, 3 et 4.) D'après M. Donné1, ce lait des grosses mamelles devra donc être moins pauvre et plus sub¬stantiel que celui des petites.
Le 5 octobre, montée du lait; début d'une pelvipéritonile, fris¬sons, etc., etc. P. 132, température vag. 40°,7.
Les mamelles normales sont d'un volume considérable, et très-bien conformées ; rien de particulier aux mamelons ; l'auréole est large et colorée ; le dartos est très-rétractile.
Rien d'anomal dans les canaux galactophores. Le lait est abon¬dant.
Quant aux mamelles surnuméraires, qui ont, le volume d'une petite orange, elles possèdent un mamelon peu coloré, une très-petite auréole ; le lait paraît sourdre en une goutte unique.
Le 7 octobre, la péritonite esta sa période d'état : soif vive, abdo¬men tendu, sensibilité du ventre, vomissements bilieux, etc. P. 112, température vag. 40°,5.
Amélioration les jours suivants : elle sort, le 11 octobre, avec un pouls à 92 et une température de 59°,4. Après plusieurs jours de repos chez elle, la malade a guéri.
Ce même jour, malgré l'état fébrile, la sécrétion lactée est établie et régulière ; l'examen comparatif du liquide laiteux permet de constate!1 : 1° que celui des glandes axillaires est un peu moins dense, d'un blanc moins foncé ; 2° que les globules laiteux parais¬sent moins nombreux à plus grandes dimensions, plus inégaux en¬tre eux, plus conglomérés , qu'il reste plus de débris de corps granuleux que dans le lait sécrété par les grosses mamelles.
1 On peut reconnaître, à l'aide des caractères microscopiques du colostrum, ce que sera la sécrétion laiteuse et quelles seront ses qualités essentielles.
Dans le liquide sécrété par celles-ci, on voit qu'il existe très-peu de corps granuleux ; que les globules laiteux offrent une certaine égalité dans leurs dimensions.
En résumé, chez cette femme qui porte quatre glandes mam¬maires : deux pectorales et deux axillaires, on a pu suivre le déve¬loppement relatif de ces quatre organes au moment de la puberté et à l'époque de la grossesse. Elles ont augmenté proportionnelle¬ment de volume dans le premier cas ; à la même époque, elles étaient le siège de quelques légères douleurs.
Dans le second cas, alors qu'elles acquéraient des dimensions plus considérables, que l'auréole s'accusait aux mamelles normales, une tache apparaissait sur la mamelle axillaire gauche.
Au moment de la parturition, les glandes axillaires ont sécrété du colostrum comme les glandes pectorales; et plus tard, les unes et les autres ont sécrété du lait, dont on pourra reconnaître les qua¬lités histologiques. (Voy. fig. 1, 2, 3 et 4.)
Si les cas de mamelles supplémentaires indépendantes sont rares, on observe plus souvent des femmes qui portent des mamelons supplémentaires sans glande subjacente. D'autre part, M. le docteur Lorainnous a dit avoir vu plusieurs exemples de mamelons surnu¬méraires avec des glandes sous-jacentes. Nous-même, nous avons eu l'occasion d'en observer un cas au mois de janvier 1869, sur une primipare qui portait une mamelle supplémentaire à la partie infé¬rieure de la mamelle gauche.
Dans ce cas, le mamelon supplémentaire a fourni du colostrum, et plus tard du lait avec leurs qualités (ordinaires ; ce mamelon avait donc sous sa dépendance une glande mammaire et des con¬duits galactophores.
—M. Cruveilhier dans son Traité d'anatomie signale un cas à peu près analogue, observé en 1844 chez une femme de 28 ans. " Ce mamelon présentait plusieurs pertuis; au centre était une dépres¬sion qui semblait le confluent des canaux galactophores ; cette femme me dit qu'elle avait eu un enfant, qu'elle l'avait allaité, que pendant l'allaitement le petit corps que je sentais sous le mamelon avait grossi et durci notablement, et que la pression en faisait jail¬lir du lait. »
— Tout récemment, M. Gallard citait à l'un des rédacteurs de ce journal le fait d'une femme tétramaze, chez laquelle les deux ma¬
melles supplémentaires siégeaient au-dessous des autres, c'est-à-dire au niveau des derniers cartilages costaux : cette anomalie est peut-être encore plus rare que les divers types que nous venons de signaler.
E. QuiNQUAUD,
Interne des hôpitaux.
THÉRAPEUTIQUE
TRAITEMENT DES TACHES ÉRECTILES PAR L'EMPLATRE STIBIË
Follin, dans son Traité (t. I. p. 228), signale, sans insister, l'em¬ploi des frictions stibiées dans le traitement des ncevi. Ces frictions, qui paraissent avoir été d'abord employées par Young etCumming1, agissent, on le sait, en donnant lieu à une éruption pustuleuse, ac¬compagnée d'une inflammation capable d'intéresser toute l'épaisseur de la peau, et, partant, de détruire la tumeur lorsqu'elle n'occupe que l'enveloppe tôgumentaire. M. Ziessl, en 1862, a remplacé les frictions par un mélange ainsi composé :
Tartre stibié...........Osr,80 à 1 gram.
Emplâtre de diachylum......4 gram.
Il applique une couche de cet emplâtre sur la tumeur, de ma¬nière à la recouvrir parfaitement et même à dépasser un peu ses limites. " Du cinquième au sixième jour, la tache commence à sup¬purer dans toute son étendue, et il se forme bientôt une croûte qui se détache ordinairement au bout de quatorze jours, et qui, après sa chute, laisse une cicatrice parfaitement lisse. »
La suppuration est-elle trop considérable, on enlève le panse¬ment et on le remplace par un linge huilé. Si la suppuration est modérée, on se contente d'attendre la chute de la croûte et de l'em¬plâtre. Enfin si, par une cause quelconque, une partie de la tache érectile a échappé à l'action du mélange, on fait une nouvelle appli¬cation. L'auteur assure que ce moyen n'est nullement douloureux, qu'il ne présente aucun danger, et qu'il est d'un effet certain. 11
1 Gazette des hôpitaux, 1854, p. 559.
ajoute enfin qu'il ne l'a pas encore essayé sur la muqueuse de la bouche1.
Enfin, M. Batenian recommande un mélange formé d'une partie de tartre stibié si la tumeur est peu épaisse, de deux parties dans le cas contraire, et de deux parties de résine. 11 étend le mélange sur du cuir mince ou sur un linge, taille un morceau ayant les dimensions de la tumeur et le laisse jusqu'à l'apparition des pus¬tules. Tantôt une seule application suffit, tantôt plusieurs sont indis¬pensables. M. 11. Baleman déclare avoir obtenu, par ce procédé, de bons résultats, et il cite en terminant un fait assez curieux : Alice-Charlotte IL., avait vingt-cinq nœvi sur différentes parties de la tête, du tronc et des membres; tous furent guéris par l'usage de l'emplâtre stibié2.
La préparation de M. Bateman ne diffère pas beaucoup de celle de M. Ziessl. Mais tandis que celui-ci paraît conseiller l'emplâtre stibié seulement contre les tumeurs peu volumineuses, les taches surtout, celui-là le préconise même contre les tumeurs assez volu¬mineuses.
F.a Rédaction.
BIBLIOGRAPHIE
Leçons cliniques sur les maladies des vieillards et les maladies chroniques,
par J.-M. Charcot, recueillies et publiées par B. Baix. lre année; 1 vol. in-8, avec 5 planches en chromo-lithographie. Paris, 1SG7, chez Adrien Delahaye.
En 1866, M. Charcot a inauguré, à la Salpêtrière, sur les maladies des vieillards et les maladies chroniques, un cours qu'il a continué en 1867, 1868 et 1869. Dès l'origine, les auditeurs vinrenten nombre respectable : les uns, anciens élèves, heureux d'entendre la parole d'un maître dont ils avaient pu apprécier la haute valeur scientifique, les éminentes qualités du cœur et l'indépendance de caraclère; les
1 Geneeskundige Courant des Nederlanden et Tevuede thérap. médico-ch'trg., 1862, p. 511
2 The Lancet, 1869. t. II, p. 661
autres, attirés par la répulation que de remarquables publications ont justement acquise à M. Charcot.
Les Leçons de 1866 ont été recueillies par M. B. Bail. Elles com¬posent un volume de 260 pages, que nous allons analyser brièvement. Après avoir dit quel était son but en instituant son cours, M. Charcot, dans sa première leçon, a rappelé l'organisation de la Salpêtrière, énuméré, en les appréciant d'une manière succincte, les travaux publiés jusqu'à nos jours sur la pathologie sénile, et tracé un tableau des modifications que l'âge apporte dans la constitution anatomique et le fonctionnement physiologique de nos organes. Relever tous les détails originaux qui donnent à cette leçon un puissant intérêt nous est impossible. Nous citerons seulement le passage relatif à la calo-rification.
" Avant d'avoir appliqué le thermomètre aux recherches de ce genre, on croyait, dit M. Charcot, que la température du vieillard était moins élevée que celle de l'adulte ; mais nous savons aujourd'hui que la chaleur des parties centrales reste à peu près la même à tous les âges. On a même prétendu que la température générale s'élevait vers la fin de la vie. Mes propres recherches tendent à démontrer que la seule différence réelle qui existe entre le vieillard et l'adulte, sous ce point de vue, c'est que, chez le premier, la température de l'aisselle est très-inférieure à celle du rectum, tandis que la différence est à peine sensible chez le second. » Et, à l'appui de son assertion, le profes¬seur fait voir une femme, âgée de 105 ans, jouissant d'une santé excellente, et qui présente une température de 57°, 2/10 dans l'aisselle et de 38° dans le rectum1.
Ensuite vient une élude sur Y état fébrile chez les vieillards. Elle est précédée d'un aperçu historique de la thermométrie, sur lequel nous attirons l'attention du lecteur. 11 y a une vingtaine d'années, MM. Gavarret, Bouillaud, Monneret, Roger, ont fait sur ce sujet des recherches importantes. Malheureusement la voie qu'ils avaient tracée fut délaissée peu après en France. Les Allemands, plus pa¬tients que nous, ont compris les avantages pratiques de la thermo¬métrie, et bientôt ont donné à ce mode d'exploration clinique une valeur considérable.
Cet abandon, toutefois, n'était pas absolu. Quelques thèses furent
1 Nous avons vu l'an dernier, à l'hôpital Saint-Louis, dans le service de M. Hardy, une femme, âgée de 91 ans, dont la température vaginale était de 57°.
publiées en France sur cette question (Maurice, 1855; Spielmann, 1856; Hardy, 1859; Duclos, 1864), et à la Salpêtrière, on invoquait les enseignements de la thermométrie bien avant la plupart des médecins qui, dans ces derniers temps, pris pour elle d'un véritable engouement, ont cru l'avoir réimportée dans notre pays. En voci la preuve :
" Nous nous sommes appliqué, dit M. Cbarcot,depuis près de trois ans1, à reproduire aussi souvent que cela nous a été possible, chez les vieillards placés sous notre direction dans cet hospice, les obser¬vations cliniques dont il s'agit ; on s'était généralement borné, jus¬qu'ici, à pratiquer la thermométrie chez les enfants et les adultes. Les résultats que nous avons obtenus nous permettront de vous pré¬senter quelques considérations sommaires sur les modifications que subit, dans l'âge sénile, la température, pendant l'état fébrile, aux différentes phases de son évolution, et de comparer, sous ce rap. port, cet âge avec les autres périodes de la vie. Mais nous aurons surtout à cœur de vous montrer tout le parti qu'on peut tirer de la thermométrie dans la clinique des vieillards (leçon II, p. 23).
Onze tracés de température observés chez des enfants ou des vieillards atteints de pneumonie catarrhale ou de pneumonie lobaire, viennent prouver clairement les opinions précédentes. Il est encore un point qui mérite d'être relevé, " Sous le rapport de la tempéra, ture, enseigne M. Gharcot, l'aisselle répond à la surface du corps, le rectum aux viscères intérieurs. Il est vrai que, dans la majorité des cas, les courbes qui correspondent à la chaleur manifestée sur ces deux points sont à peu près parallèles : chez l'adulte, on pourrait presque dire qu'elles coïncident; chez le vieillard, celle qui répond à la température de l'aisselle reste un peu inférieure à celle du rectum. Mais il existe des cas, et ce sont souvent les plus graves, où v-se produit un grand écart. La température extérieure s'abaisse^ tandis que celles des parties centrales s'élève, et la différence peut atteindre plusieurs degrés. On comprend qu'il serait très-insuffisant en pareille occurrence, de s'en rapporter exclusivement aux résultats de la thermométrie axillaire. »
Ces préliminaires étaient indispensables avant d'examiner spécia¬lement les maladies qui sévissent dans la vieillesse. Mais quelle était celle de ces maladies qui devait venir en premier lieu? M. Charcot a choisi la goutte et le rhumatisme chronique, et cela, croyons^nous,
1 C'est-à-dire depuis 1863.
pour deux raisons : Io parce que, d'une part, étudiant depuis long¬temps le rhumatisme chronique, et, d'autre part, s'occupant d'an¬noter le livre de Garrod sur la goutte, il possédait sur ces mala¬dies des documents nombreux, l'autorisant à en exposer l'histoire d'une façon complète ; 2° parce que le rhumatisme articulaire chro¬nique est très-fréquent à la Salpêtrière (on le rencontre chez huit femmes sur cent)1.
M. Charcot étudie d'abord la goutte, qu'il sépare du rhumatisme chronique. Il passe successivement en revue les altérations du sang, les moyens de les reconnaître, les altérations locales (tophus, lé¬sions articulaires, viscérales, etc.). Les propositions suivantes ré¬sument, en partie, les leçons, dont nous venons d'indiquer l'objet : Io l'incrustation des cartilages est inséparable de la goutte arti¬culaire, et paraît exister dès le premier accès ; 2° chez un sujet gout¬teux, les jointures qui ont été malades sont les seules qui présen¬tent cette lésion du cartilage ; on ne les trouve quelquefois que dans une seule articulation ; 3° l'incrustation d'urate de soude per¬siste en dehors des accès : dans leur intervalle, elle peut ne se ré¬véler à l'extérieur par aucune déformation appréciable ; 4° cette lé¬sion est propre à la goutte et ne se rencontre jamais dans le rhu¬matisme articulaire, soit aigu, soit chronique.
Dans les conférences qui suivent, M. Charcot passe en revue : l°l'a-natomie pathologique de la goutte, en faisant voir qu'aux lésions fonctionnelles correspondent le plus souvent des altérations maté¬rielles; 2° la séméiologie de la goutte, étudiant à part les carac¬tères de la diathèse urique, la goutte aiguë, c'est-à-dire l'accès de goutte, la goutte chronique; 3° la symptomatologie de la goutte viscérale, dont l'existence ne peut être mise en doute ; 4° les affec¬tions concomitantes, l'étiologie et la pathogénie de la goutte. Cette énumération montre déjà que cette maladie a été considérée par le professeur sous toutes ses faces. Ajoutons encore que toutes les notions positives les plus récentes sont consignées avec soin ; enfin que jamais une opinion n'est formulée avant d'avoir été soumise à un examen sévère.
Nous retrouvons les mêmes procédés rigoureux d'exposition et de critique dans les huit dernières leçons, consacrées aux diverses
1 En revanche, la goutte s'y observe très-rarement. Mais parler du rhumatisme et laisser la goutte de côté eût été un tort puisque la goutte est une maladie chronique que l'on a souvent occasion de voir dans les classes aisées de la popu-lation.
espèces de rhumatisme chronique. Là, plus encore peut-être que dans les conférences sur la goutte, le lecteur rencontrera des faits tout à fait propres au professeur et qu'il serait désirable de voir fi¬gurer dans nos ouvrages classiques. Pour donner une idée exacte de ces leçons, ce n'est pas quelques pages qu'il faudrait, mais une sé¬rie d'articles. Aussi nous bornerons-nous à indiquer le plan adopté par M. Cliarcot.
" Les types du rhumatisme chronique sont très-nombreux, dit-il, mais nous porterons principalement notre attention sur les sui¬vants : 1° rhumatisme articulaire chronique (R.goutteux, R. noueux, etc.) ; 2° rhumatisme articulaire chronique partiel; 5° rhumatisme d'Heberden. Ces aspects si variés du rhumatisme ont été considérés par quelques auteurs comme des affections différentes. M. Charcot ne voit là que les formes variables d'une seule et même maladie. Puis il décrit les lésions anatomiques de l'arthrite rhumatismale chronique, établit un parallèle entre le rhumatisme articulaire chro¬nique et les autres arthropathies constitutionnelles au point de vue anatomique, étudie le rhumatisme articulaire aigu dans ses rap¬ports avec le rhumatisme articulaire chronique et la goutte, les af~ fections viscérales dans le rhumatisme articulaire aigu et chro¬nique, la symptomatologie de cette dernière maladie, l'étiologie du rhumatisme; enfin, il expose, dans une dernière leçon, le traite¬ment de la goutte, et celui du rhumatisme articulaire chronique.
Cette rapide énumération suffira, nous l'espérons, pour montrer à nos lecteurs la valeur de ce volume. Si l'anatomie pathologique de la goutte et du rhumatisme est minutieusement exposée, la partie clinique qui intéresse tant et à si juste titre le médecin praticien, est, elle aussi, parfaitement examinée. Ajoutons en terminant que la ré¬daction de ces leçons est claire, précise, telle enfin que l'on était en droit de l'attendre de M. Bail. Nulle part il n'y a de longueurs,de digressions inutiles, habituelles à^certains auteurs, qui paraissent surtout désireux de fabriquer de gros volumes.
La Rédaction.
Le Gérant : a. de montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CHIRURGIE
ËPITHÊLIOMA DE LA VERGE
SERVICE DE m. TILLACX, CHIRURGIEN DE l'hÔPITAL SAINT-ANTOINE.
Le malade dont nous allons donner l'observation est un homme de 58 ans. Sans antécédents maladifs, il vit apparaître, il y a de cela quinze mois, un petit bouton rosé sur le gland de la verge, prés du frein préputial. Ce boulon s'accrut graduellement sans occasionner ni gêne, ni douleur, et sa surface devint bientôt végétante. Au bout d'un mois, son volume était déjà comparable à celui d'une noix, et le malade commença à en éprouver quelque inquiétude, malgré que cela n'incommodât en rien la miction et les mouvements.
11 se décida à entrer à l'hôpital du Midi, où il séjourna un mois entier sans'qu'aucun traitement fût prescrit, d'après son dire. Le lendemain de sa sortie du Midi, il se présenta à la consultation de l'hôpital Saint-Louis et fut admis dans le service de M. Guérin. Le mal avait progressé et occupait alors toute la surface du gland ; ce dernier avait subi une désorganisation complète sans que ce travail pathologique s'accompagnât de la moindre douleur ; il était sim¬plement survenu delà gêne pour uriner, et l'émission de l'urine s'effectuait par plusieurs jets, comme au travers d'une pomme d'arrosoir. — La nature épithéliale du produit morbide fut recon-
•2e année. 2
nue, et le chirurgien proposa au malade une opération qui ne fut pas acceptée. Huit jours après son admission, il reçut son exeat et alla se confier à l'homœopathie. Le gland tout entier se détacha au bout de cinq jours, résultat dont le malade ne manqua pas d'être très-satisfait et qu'il attribuait à la vertu de son nouveau trai¬tement, tandis que ce n'était, à vrai dire, qu'un phénomène consécu¬tif à la marche envahissante du mal.
Le 20 décembre 1869, notre malade entrait à l'hôpital Saint-An¬toine, dans le service du docteur filiaux.
La chute successive de divers fragments de la tumeur, depuis la sortie du malade de Saint-Louis jusqu'à son entrée à Saint-Antoine, avait provoqué des hémorrhagies peu abondantes mais souvent ré¬pétées, et la douleur, quoique peu intense, était apparue.
Voici l'état de la lésion, tel qu'il était facile de le constater le 20 dé¬cembre : la verge, entièrement détruite, est remplacée par un énorme bourrelet en forme de chou-fleur, de couleur rosée, offrant des anfractuosités saignantes, une induration caractéristique et le volume d'un œuf de dinde. Le palper permettait de préciser la li¬mite de l'induration caractéristique et, partant, celle de la tumeur épithéliale, sur une certaine partie des tissus voisins ; mais du côté de la prostate, le mal avait gagné la racine des corps caverneux ; la prostate elle-même était volumineuse et bosselée ; une pléiade de ganglions lymphatiques durs et volumineux siégeait dans le pli de l'aine : de grosses veines sillonnaient le scrotum.
D'un autre côté, la douleur vive et continue, avec exaspération pendant les efforts et les mouvements, causait chez le malade une insomnie très-fatigante ; il y avait des hémorrhagies sous l'influence des mêmes causes, et l'urine sortait par plusieurs fissures à la fois. Des tentatives de cathétérisme n'aboutirent pas à faire trouver le ca¬nal del'urèthre, et on dut renoncer à les renouveler.
L'état général du malade avait déjà subi de graves atteintes et son faciès exprimait la fatigue, la douleur et la cachexie.
La photographie (planche IV) donne une idée exacte de l'aspect de la tumeur et de son volume; elle montre la disposition en chou-fleur de la production épithéliale, et les grosses veines que nous avons signalées à la surface du scrotum. Les bourses sont très-vo¬lumineuses par suite de l'épaississement et de l'induration de leurs parois : les testicules et leurs annexes ne paraissent pas être al¬térés; il y a une hernie inguinale gauche.
Aujourd'hui 25 janvier 1870; la tumeur est d'un tiers plus volu-^
mineuse qu'elle ne l'était au moment où la photographie en a été faite ; les hémorrhagies, plus fréquentes et plus considérables, sur¬viennent lorsque le malade fait un effort pour uriner ou pour aller à la garde-robe, et même sans motif appréciable. La cachexie a fait de grands progrès ; la douleur est vive et se fait sentir jusque dans le rectum et sur le trajet des nerfs cruraux ; l'épuisement du malade est à son comble et la mort sera plus ou moins prochaine, selon que les hémorrhagies se reproduiront en plus grande abondance et à des intervalles plus rapprochés.
Qu'avons-nous à faire en présence de ce vaste cancroïde de la verge qui a débuté par le gland ?
L'opération est impraticable pour plusieurs raisons :
1° La lésion occupe non-seulement le gland, mais encore elle a envahi toute la portion pénienne et s'étend aux corps caverneux-dans presque toute leur étendue. Elle n'est donc pas limitée, et l'ex¬tirpation serait nécessairement incomplète.
2° Le malade présente à gauche une grosse hernie irréductible. Or, l'altération cancroïdale ayant gagné la peau du scrotum, on courrait grand risque, dans l'opération, d'ouvrir le sac et, par conséquent, d'amener une péritonite rapidement mortelle.
3° Les ganglions inguinaux des deux côtés sont malades et ren¬draient l'opération inutile quant à ses résultats ultérieurs ; le malade n'éprouvant que peu de douleurs, il n'y a même pas à songer à une opération palliative.
Une des particularités les plus remarquables du cas que nous ve¬nons de décrire est la facilité avec laquelle se fait la miction malgré cet énorme champignon qui embrasse toute la verge. L'urine s'é¬coule par un grand nombre de points à la fois, comme à travers un arrosoir, mais elle s'écoule librement.
SCAPULALGIE
RÉSECTION DE L'ÉPAULE, PAR LE PROFESSEUR RICHET
(Extrait d'une Leçon clinique sténographiée)
— suite -
Quand on est arrivé à mobiliser la tète, un aide la fait sortir par la partie antérieure en portant le coude en arrière. Lorsqu'elle est
sous vos yeux, vous examinez avec soin le périoste, et vous voyez jusqu'où descend l'altération. Puis, protégeant la plaie avec une compresse, vous sciez l'os au moyen de la scie ordinaire.
L'opération nécessite rarement la ligature de gros vaisseaux. J'ai toujours fait cette opération sans en lier, même l'artère circon¬flexe, qu'on ménage toujours. En effet, elle contourne le col chi¬rurgical de l'humérus, dont on peut la séparer, en rasant l'os de très-près.
Une fois l'opération faite, il y aura une vaste anfractuosité qu'il faudra explorer. Nous examinerons si l'apophyse coracoïde, la ca¬vité glénoïde sont altérées, auquel cas nous n'hésiterions pas à les réséquer. Nous n'avons pas de moyen absolu de savoir, à l'avance, si la cavité glénoïde est ou non malade. Il est possible qu'elle le soit. Mais j'espère que, dans ce cas, nous n'aurons pas à combat¬tre cette complication, et c'est un avantage, parce que cette cavité est située très-profondément au-dessous de la voûte acromio-cora-coïdienne repoussée par l'humérus, ce qui fait qu'on a grand'peine à la découvrir. La plaie est bourrée de charpie, et je réunirai les bords à l'aide d'un bandage amovible.
— La planche I représente le malade opéré par M. le professeur Richet ; la photographie a été faite au moment où la guérison de la plaie était achevée. Le malade avait conservé toutes les apti¬tudes de l'avant-bras et de la main. L'épaule, dépourvue d'articu¬lation, était constituée par l'ankylose de l'extrémité supérieure de l'humérus avec le scapulum. La mobilité physiologique de ce dernier os permettait l'élévation du bras jusqu'à le porter hori¬zontalement, et c'est seulement dans cette position extrême que le malade éprouvait quelque sentiment de gêne, d'ailleurs peu con¬sidérable.
M. Richet a pratiqué, dans un laps de temps relativement court, un certain nombre de résections de l'épaule, suivant le procédé dé¬crit dans la leçon sténographiée que nous venons de reproduire. Les résultats obtenus ont été préférables, à tous égards , à ceux que donne le procédé de M. Nélalon , et nous avons eu plusieurs fois l'occasion de contrôler cette supériorité de l'opération de M. Ri¬chet.
Nous avons, notamment, photographié un zouave qui avait reçu sept coups de feu dans l'épaule droite au moment où il arborait le drapeau français sur la tour Malakoff. La suppuration n'a jamais
tari chez ce malade, auquel M. Nélaton avait néanmoins conservé son bras. Des ostéites successives, des nécroses, ont nécessité de nouvelles opérations et nous avons vu plusieurs fois ce malade dans divers services des hôpitaux de Paris, chez M. Richet, à la clinique, et chez M. Maisonneuve à l'Hôtel-Dieu.
— Nous croyons bien faire en mettant sous les yeux de nos lec¬teurs une observation de résection de l'épaule pratiquée avec suc¬cès par M. Richet, suivant sa méthode opératoire, et sommairement notée par un de ses internes, M. Laugier.
ARTHRALGIE.-ABCÈS PÉRIARTICULAIRES MULTIPLES.- FISTULES. -
OSTÉITE. -RÉSECTION. —- GUÉRISON.
F..., âgé de 38 ans, tourneur en cuivre, entre le 2 juin 1868, à l'hôpital de la Pitié, dans le service de M. le professeur Richet (salle Saint-Louis, n° 39). Voici les renseignements qu'il donne sur son état antérieur.
Il n'a jamais eu de manifestations rhumatismales; sa santé avait toujours été très-bonne, lorsqu'en 1864 il commença à éprouver de la gêne dans l'articulation de l'épaule gauche : il n'y fit pas at¬tention et continua ses occupations. Mais, en 1865, la gêne augmen¬tant, il se décida à se faire soigner, et entra à l'hôpital des Cliniques, dans le service de M. le professeur Nélaton, suppléé en ce moment par M. Dolbeau. Deux abcès, l'un à la partie antérieure de l'aisselle, l'autre à la partie supérieure, postérieure et externe du bras, furent ouverts par M. Dolbêau, qui explora à plusieurs reprises, avec le stylet, les trajets fistuleux.
Le malade quitta la clinique au bout d'un mois, et, jusqu'en 1868, il ne suivit aucun traitement. Durant ces trois années, il resta dans un état stationnaire : ses mouvements élaient toujours gênés, mais il n'éprouvait que peu de douleurs. Enfin vers la fin de l'année 1867, l'état du malade alla en s'aggravanl : les mouvements devinrent de plus en plus difficiles. Au mois de mars, un nouvel abcès apparut à l'angle postérieur de l'aisselle et il se forma une fistule au niveau du bord axillaire de l'omoplate, à la partie supérieure.
Au moment où le malade entra à la Pitié, il était dans un assez triste état : la gêne des mouvements était complète, et le malade ne pouvait remuer le bras gauche qu'en se servant de sa main
droite. L'épaule était le siège de douleurs, sinon très-vives, au moins presque continuelles, surtout au moindre mouvement. Deux fistules, situées à la partie postérieure de l'épaule, donnaient issue à un suintement de sérosité purulente, et un stylet introduit dans leur cavité pénétrait dans l'articulation scapulo-liumèrale. Le malade, très-affaibli, demandait absolument à être opéré.
L'opération fut pratiquée le 9 juillet, en présence de M. le docteur Marcelin Duval, directeur de l'école de Brest. M. Richet se servit du procédé de Robert, procédé qui a l'immense avantage de ménager les fibres du deltoïde et de conserver au membre, après la gué¬rison, l'action très-importante de ce muscle.
. Tout se passa très-simplement. La tête humérale fut réséquée au niveau du col chirurgical, et la cavité glénoïde ruginée avec soin.
Les cartilages articulaires étaient complètement détruits, et le tissu osseux, piqueté d'un pointillé rouge très-manifeste, était le siège d'une ostéite évidente. Trois artérioles seulement furent liées; le fond de la plaie fut rempli avec des bourdonnets de charpie.
Les suites de l'opération furent très-simples. La seule complica¬tion fut la formation d'un abcès de la paroi antérieure de l'aisselle, lequel fut ouvert le 17 juillet et drainé pendant quelques jours.
La plaie, pansée avec l'eau alcoolisée, marcha rapidement à la guérison.
24 juillet. La fistule axillaire était complètement fermée, et la suppuration de la plaie presque nulle.
15 août. Le malade partit pour Vincennes, en excellent état ; il avait repris des forces et de la santé ; les fistules de l'épaule étaient toutes fermées, et le deltoïde, en se contractant, faisait exécuter au moignon de l'épaule et au bras des mouvements relativement assez étendus et très-utiles au malade.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
AN ENCÉPHAUE
F i g u 11 e 1.
TERATOLOGIE
ANENCÉPHAL1E
Les exemples d'anencéphalie sont assez communs pour que cette malformation soit à peu près connue de tous les médecins. Aussi aurions-nous laissé inédit le cas observé par nous s'il n'avait pré¬senté plusieurs particularités qui nous ont paru dignes d'être re¬levées. Nous ferons suivre notre relation du résumé d'un certain nombre de faits publiés dans ces derniers temps. En procédant de la sorte, il nous sera possible, espérons-nous, d'indiquer, au moins sommairement, les diverses variétés d'anencéphalie.
OBSERVATION.
Anencéphalie. — Absence complète Vencéphale. — Malformation de la colonne vertébrale.
Dabs..., Irma, âgée de 28 ans, fdle, entrée le 29 novembre 1869 à l'hôpital Saint-Louis, salle Saint-Ferdinand, n° 11 (service de M. Hardy), est accouchée, à terme, le 50, d'un enfant anencéphale. Cette femme est assez forte et ne présente aucun vice de conforma¬tion. Le père de l'enfant, âgé de 50 ans, serait bien constitué et ne commettrait pas d'excès alcooliques. Ni l'un ni l'autre n'auraient de parents difformes. — Pas de consanguinité. — La grossesse a été bonne : ni chagrins, ni émotions morales vives ; enfin pas de misère, ni de fatigues physiques.
Ces détails mentionnés, nous arrivons à l'enfant, et afin de mettre plus.de clarté dans notre description, après avoir décrit l'aspect extérieur, nous exposerons les résultats de la dissection. Au moment de la naissance, l'enfant, du sexe féminin, était morte.
1° Aspect extérieur. Ce qui frappe en premier lieu, c'est F en fon¬
cernent de la tête entre les épaules, puis l'absence de crâne. En effet, le cou fait défaut; la tête ou mieux la face, qui a 0m,05 de hauteur, est enfoncée entre les épaules de façon que le menton repose sur le sternum et semble même collé sur cet os. La peau do la face, en passant sur la poitrine, forme un bourrelet simulant une sorte de collier.
Les lèvres sont volumineuses. Les oreilles, déjetées en dehors, re¬pliées à leur partie supérieure, touchent presque les épaules. Les paupières, entr'ouvertes, laissent voir les globes oculaires saillants, d'autant plus qu'ils ne sont pas surmontés, comme à l'état natu¬rel, par la proéminence des arcades sourcilières. Cette disposition de la face rappelle immédiatement la physionomie hideuse du crapaud. La planche V rend bien compte de ces différentes particularités.
L'enveloppe cutanée des paupières supérieures, au lieu de se re¬plier en avant, se prolonge directement en arrière suivant un plan horizontal et seulement dans une étendue de 0m,003 à 0m,004. il en est de même entre les yeux, au-dessus de la racine du nez, où la peau est couverte de poils. Sur la planche VI, on voit parfaitement la limite de la peau et, en outre, la face tégumentaire des pau¬pières supérieures.
A la place de la calotte crânienne on trouve une surface osseuse, d'abord convexe et horizontale, puis concave et verticale. La pre¬mière portion a la forme d'un quadrilatère ; elle est légèrement convexe de droite à gauche et d'avant en arrière et mesure dans ce dernier sens un peu plus de 0m,03. Elle est bornée en avant par le repli cutané déjà décrit, latéralement par une petite crête avoisinant les oreilles, en arrière par une autre crête à concavité postérieure (voy. pl. VI, une ligne noire incomplète). La moitié droite de cette surface, plus large que la moitié gauche, offre une tumeur rouge noirâtre, d'une consistance médiocre, ayant envi¬ron 0m,01 d'épaisseur (bosse sanguine).
La deuxième portion de la surface osseuse, concave transversa¬lement et de haut en bas, est triangulaire. Les angles sont arron¬dis. Elle est limitée en haut par la crête osseuse figurée sur la planche VI par la ligne noire que nous avons signalée (base du triangle) ; sur les côtés, par une crête solide à concavité tournée vers l'axe du corps et venant se réunir à 0m,045 de la base du triangle, c'est-à-dire vers le milieu de la région dorsale. Cette portion paraît répofldre aux vertèbres cervicales et à quelques-unes des vertèbres dorsales.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
ANENCÉP H ALIE
FifiriiK 2.
Sur toute cette surface, la peau n'existe pas. Elle est remplacée par une membrane mince, cellulo-fibreuse, ferme, adhérente à la couche profonde. Le toucher dénote la présence, au-dessous de cette membrane, d'un plan osseux. La configuration de ces deux plans est représentée d'une manière assez exacte sur la planche VI '.
La face et les vestiges du crâne ou, si l'on veut, la tête, est im¬mobile sur le rachis. Les membres supérieurs longs de 0m,17, les inférieurs (0m,18), le ventre, la moitié inférieure de la poi¬trine, les organes génitaux externes (grandes et petites lèvres) sont normaux. Au-dessous des aisselles, la poitrine a 0m,24 de circon¬férence. Le tronc mesure 0,16 1/2 de long et le corps entier 0m,33.
— La suite au prochain numéro. —
La Rédaction.
MÉDECINE
ENDOCARDITE PUERPÉRALE TYPHOÏDE
Nous avons publié dernièrement (1869, n° 12, page 180) une ob¬servation remarquable d'endocardite puerpérale végétante, carac¬térisée par la présence, sur la valvule mitrale, de dépôts fibrineux polypiformes. Durant la vie, l'affection cardiaque n'a donné lieu à aucun phénomène physique morbide appréciable à l'auscultation. Il n'y a pas eu non plus de douleurs rhumatismales. De nombreux infarctus, produits par la migration des concrétions polypiformes, ont amené la mort.
L'auteur de cette observation, M. Habran, a pris matin et soir la température axillaire de sa malade. Les cas d'endocardite où les variations de la température ont été notées, étant assez rares, nous
1 A la partie inférieure de la même planche et sur la ligne médiane, on aper¬çoit une ligne noire qui n'a rien de pathologique : elle répond à une incision pratiquée dans le but d'injecter de l'alcool dans le canal rachidien.
r
pensons utile de mettre sous les yeux de nos lecteurs le tracé sui-
vant obtenu par l'auteur. Il complète les détails cliniques que nous avons donnés précédemment
REVUE DE LA PRESSE
ABCÈS PULMONAIRE DU A l/lNTRODUCTION d'un CORPS ÉTRANGER DANS les VOIES AÉRIENNES; PAR M. TAULIER, INTERNE DES HOPITAUX DE LYON.
Le fait en question emprunte un intérêt particulier à l'élément étiologique. Il s'agit d'une de ces lacunes dans les commémoratifs comme on en signale peu dans la pathologie humaine ; lacune
1 Consulter sur ce sujet : 1° le travail de M. Decoruière : Essai sur l'endocar¬dite puerpérale, Paris, 1809 ; 2° Notes sur une cause peu connue des maladies or¬ganiques du cœur, etc., par A. Ollivicr. {Mémoires de la Société de biologie, 1868, 4e série, t. V, p. 195.)
étrange et doublement déplorable, d'abord parce qu'elle était bien faite pour dérouler le diagnostic, ensuite parce qu'elle a empêché une intervention chirurgicale qui eût peut-être sauvé le malade.
J.-Baptiste Savarin, né à Lyon, âgé de 22 ans, exerçait la pro¬fession de peintre en bâtiments, et se trouvait fréquemment obligé, pour avoir du travail, de se déplacer, d'aller de localité en loca¬lité, faisant à pied la plupart de ces trajets, exposé souvent, en conséquence, aux intempéries de l'atmosphère.
Il entre à l'hospice de la Croix-Rousse le 10 juillet de cette année. Il est malade depuis quinze jours. Il raconte qu'à cette date il s'est couché et endormi sur l'herbe humide après avoir fait un certain trajet à pied, par un temps de forte chaleur. En se relevant, il éprouve des frissons, un malaise général, des douleurs dans l'épaule et le bras gauches, ainsi que dans la moitié gauche des parois tho-raciques. — A ces phénomènes succéda bientôt une dyspnée assez grande avec toux, expectoration, perte d'appétit, fièvre, céphalal¬gie. A trois jours du début, crachats rouilles, visqueux, pendant une semaine environ. Tous ces détails appartiennent au récit du malade.
Rien du côté de l'hérédité. Variole à l'âge de 4 ans.
Au moment de l'admission du malade, il existe, dit-il, une amélio¬ration notable. La douleur n'existe plus dans le bras gauche, non plus que dans l'épaule, mais elle persiste dans la moitié gauche du thorax.
Toux survenant par quintes, intenses surtout la nuit. Expectora¬tion visqueuse abondante. La percussion donne des résultats négatifs. L'auscultation révèle quelques râles sous-crépitants fixes à la base du poumon gauche.
Nous avons devant nous la série des symptômes de la bronchite simple, suite de refroidissement.
La prescription répond à ce diagnostic.
Douze jours après l'entrée du malade, c'est-à-dire à la date du 22 juillet, de nouveaux symptômes plus graves se manifestent. La fièvre non-seulement a persisté depuis le début, mais elle est devenue plus intense.
Pouls : 28 au 1/4. — Température : 40°,4.
Oppression plus forte, toux plus fréquente, expectoration plus abondante, quelques crachats sanguins.
A la base du poumon gauche, latéralement, diminution des vi¬brations thoraciques et obscurité de la respiration.
À ce moment, le diagnostic se modifie et l'on se tient en éveil sur l'inflammation du parenchyme pulmonaire.
Le lendemain 25 juillet, de nouveaux symptômes se joignent aux précédents ; ce sont : l'apparition à deux reprises de sang noirâtre dans les selles; l'impossibilité pour le malade de garder dans son lit la position horizontale, sans éprouver une sensation de constric-tion et d'étouffement ; enfin la présence du pus mélangé au sang dans les crachats.
Les jours suivants, les mêmes phénomènes persistent. Les sym¬ptômes qui dominent la situation sont : la persistance et l'intensité de la fièvre (le pouls variant de 23/4 à 28/4, et la température de 39° à 40°), la forme quinteuse de la toux,,l'impossibilité du déeubi-tus horizontal sans imminence de suffocation, la présence du sang et du pus dans les crachats, la faiblesse progressive du malade, et comme phénomènes objectifs du côté de la poitrine, la diminution des vibrations thoraciques et la matité à la région postéro-externe et inférieure du poumon gauche dans une étendue assez limitée, enfin la diminution du bruit respiratoire, et la présence des râles muqueux dans le même point.
Voici la note inscrite sur l'observation à la date du 6 août, visite du matin, et qui donne l'exposé complet de l'état confirmé du ma¬lade, état ne devant plus présenter de symptômes nouveaux, mais seulement une aggravation croissante des phénomènes existants :
" Les hémoptysies sont devenues plus fréquentes et plus abon¬dantes malgré les moyens employés pour les combattre. Le malade a parfois une heure ou deux de repos, puis il est pris d'une quinte de toux avec douleur dans le côté gauche, et il expectore quelques crachats purulents ayant, dit-il, l'odeur du soufre.
" Les crachats sanguins succèdent ensuite aux crachats puru¬lents, et le malade rend chaque fois une assez grande quantité de sang variant entre 50 et 100 grammes.
" Il reste presque continuellement assis sur son lit, redoutant l'imminence d'une suffocation et les douloureuses quintes de toux que provoque le décubitus dorsal. Affaiblissement général plus pro¬noncé, ainsi que la décoloration des téguments. Plus d'appétit de¬puis trois jours. Le malade se plaint d'avoir toujours les jambes et les pieds froids, tandis qu'il éprouve, au contraire, un sentiment de chaleur dans la poitrine. Mêmes signes stôthoscopiques. (Ce sont ceux que j'ai signalés plus haut.)
" Pouls : 23/4. —Température : 59°,5. »
A cette date, le diagnostic avait dû être modifié de nouveau, et l'on déclara un abcès pleural ouvert dans les bronches. M. Tripier montra le lendemain son malade à MM. les docteurs Gignoux et L. Meynet, également chefs de service, à la Croix-Rousse, qui adop¬tèrent son avis.
Si, pendant les trois ou quatre jours qui suivirent, il se manifesta un peu d'amélioration, à partir de la date du 15 août, on assiste à une augmentation croissante,et de la quantité, et delà fréquence des hémoptysies, ainsi que de l'anémie et de l'affaiblissement général. Les symptômes du côté delà poitrine ne se modifient pas, sauf qu'il apparaît une sonorité exagérée à la partie antéro-supérieure du pou¬mon gauche, ce que l'on attribue à la production d'un emphysème consécutif aux quintes de toux répétées, tandis qu'au point mat, c'est-à-dire le siège de l'abcès, il se forme de gros râles muqueux qui prennent parfois le caractère du gargouillement.
Nous arrivons donc maintenant, pour éviter des répétitions qui résulteraient de l'annotation quotidienne des phénomènes, à la der¬nière page de l'histoire de ce malheureux malade, c'est-à-dire à la date du 22 août, 42 jours après l'entrée du malade, 57 jours après le début de la maladie.
Voici la note inscrite ce jour-là sur la feuille d'observation : " De¬puis hier le malade a rejeté beaucoup de crachats fortement colorés par le sang, au milieu desquels se trouve un caillot rendu pendant la nuit, et un peu de sang rouge, spumeux, expectoré récemment. Même état général. »
Une heure après la visite, le malade se lève et va à la chaise. Là, il est pris d'une hémoptysie très-abondante avec tendance à la syn¬cope. On veut le mettre dans la position horizontale, il s'y oppose à cause de la suffocation qu'il éprouve dans cette position.
Il continue d'expectorer du sang pendant deux ou trois minutes, puis la syncope arrive, et il meurt subitement.
Tel est l'exposé considérablement résumé des phénomènes qui ont conduit cet infortuné malade au tombeau. Nous avons intention¬nellement fait une analyse très-sommaire d'une observation minu¬tieusement relatée chaque jour pendant un laps de temps de plu¬sieurs semaines. Notre but était d'abord d'éviter des répétitions, ensuite de mieux adapter à un coup d'œil d'ensemble les symptômes prédominants, caractérisliques, et qui répondaient exactement aux révélations que nous fournira l'autopsie.
Nous avons vu le diagnostic déjoué plusieurs fois au fur et à mesure
que le mal faisait des progrès. Au début, c'est une bronchite aiguè simple parfaitement caractérisée ; mais la fièvre persiste, et, quelques jours après, nous sommes en présence des signes d'une inflammation franche aiguë du tissu pulmonaire. Mais la lésion continue sa mar¬che progressive ; à l'inflammation succède la suppuration et avec elle la destruction du tissu pulmonaire, l'une et l'autre révélées par l'expectoration purulente et d'abondantes hémoptysies.
C'est alors qu'on diagnostiqua un abcès pleural ouvert dans les bronches avec destruction de vaisseaux. A défaut d'autres commé-moratifs que ceux d'un refroidissement, l'abcès idiopathique pleural paraît plus probable que l'abcès idiopathique pulmonaire succédant à l'inflammation franche aiguë. Du reste, nous aurions voulu, pour ce dernier, en même temps que cette évacuation purulente, les symptômes d'une caverne communiquant avec des tuyaux aériens ; or, nous avons dit que le gargouillement avait été noté d'une façon extrêmement fugitive. Et tout cela à mettre sur le compte du refroi¬dissement. Mais l'autopsie va nous révéler le véritable lethalis ar-mide, une épine autre que les altérations idiopathiques déposées là par le froid.
Autopsie 24- heures après la mort. — Disons d'abord que les or¬ganes non contenus dans la poitrine n'ont rien offert de particulier. Ils étaient seulement notablement décolorés.
11 en est de même du cœur, qui présentait en outre une plaque laiteuse sur le ventricule droit, et quelques petits points athéroma-teux à l'origine de l'artère pulmonaire.
A l'ouverture de la poitrine, on aperçoit quelques brides entre la face externe du poumon droit, à sa partie antérieure, et la paroi thoracique.
A gauche, pas d'adhérence visible ; mais, en passant la main entre la paroi et le poumon, on éprouve de la résistance produite par des adhérences qui attachent toute la face externe du lobe inférieur du poumon à la paroi thoracique, excepté au niveau de la gouttière vertébrale et de la partie la plus supérieure de cette face externe.
En outre, toute la base du poumon gauche est fortement fixée au diaphragme, que l'on sent en cette région dur, résistant en le touchant du côté de la cavité abdominale, tandis qu'à droite il est flottant sous la pression du doigt exercée également du côté de l'abdomen.
A peine le poumon gauche est-il détaché de la paroi costale, ce que l'on fait en disséquant avec le scalpel, et en coupant les adhé¬
renées une à une, que du point où celles-ci existent s'échappent des caillots noirs, avec du sang liquide de même teinte, le tout ayant une odeur infecte.
Au milieu de ces caillots et de ce sang se trouve un corps étran¬ger, lequel est un épi parfaitement entier et appartenant à une tige d'orge des chemins.
C'est en cherchant à détacher les adhérences entre le poumon gauche et la paroi thoracique que l'abcès a été ouvert dans le point où sa paroi était le plus incisée, c'est-à-dire au niveau du 8e espace intercostal et des 7e et 8e côtes, sur la ligne axillaire.
En ce lieu, le tissu pulmonaire étant détruit dans l'étendue d'une pièce de 5 francs environ, et la paroi externe, étant formée par la plèvre épaissie qui offrait une coloration noirâtre, était très-adhé¬rente à la paroi costale.
La cavité béante à la superficie du poumon était située à la partie inférieure du lobe supérieur. Celui-ci était très-adhérent au lobe inférieur, grâce à la soudure des deux plèvres.
La caverne, très-irrégulièrement ovale, présente 0m,09 d'éten¬due dans son plus grand diamètre et 0m,08 dans un second sens un peu oblique au premier.
La surface intérieure en est noirâtre, anfractueuse, présente des sortes de diverticulums peu profonds, séparés par des saillies pro¬fondes peu considérables.
Les parois en sont un peu lisses, dures, ne se laissant pas creuser par le doigt. Quant aux bords, ils sont irrégulièrement découpés.
L'insufflation ainsi que l'exploration au stylet font constater de nombreuses ouvertures de bronches béantes dans la cavité.
. En un point on aperçoit sur un tissu blanchâtre, présentant la forme d'un vaisseau, une ouverture longitudinale, filiforme, d'une longueur de 0m,007, parallèle à la direction du vaisseau.
En partant de cette ouverture, et en remontant la direction du canal qui la porte, on arrive à la bronche gauche de bifurcation de l'artère pulmonaire.
Enfin, la partie inférieure restant de ce lobe non envahie par la caverne est coiffée d'un épaississement pleural de 0m,008 environ, lequel épaississement existe aussi entre la base et le dia¬phragme. Le reste du poumon est emphysémateux, surtout le bord antérieur.
Quant au poumon droit, il est également très-emphysémateux, et la coupe y fait constater des points ecchymotiques nombreux, se
dessinant sur la teinte grisâtre de l'emphysème, ce qui lui donne un aspect parfaitement tigré.
Les rameaux bronchiques ne présentent aucune lésion. Le larynx est également intact.
Telle était donc la cause de cette lésion si grave et si fatale : un épi, c'est-à-dire un corps étranger introduit dans les voies aériennes et arrivé à la superficie du poumon, conséquemment dans un con¬duit bronchique très-réduit de volume. Il a produit là une destruc¬tion pulmonaire étendue, avant de susciter un abcès thoracique qui eût pu donner lieu et passage à son élimination, ainsi que cela a eu lieu dans d'autres cas d'introduction de corps étranger dans les voies respiratoires.
Nous ne pouvons renvoyer pour une étude statistique à ce sujet qu'à l'intéressant recueil d'observations analogues dressé par M. Bourdillat, interne des hôpitaux de Paris, et publié dans la Gazette médicale de l'année 1868.
Relativement au mode de pénétration de l'épi, une seule supposi¬tion nous paraît admissible, c'est que le malade aurait eu cet épi aux lèvres avant de s'endormir, et que cet épi, déplacé par des mou¬vements inconscients pendant le sommeil, aurait cheminé du côlè de F arrière-gorge.
Quant à sa pénétration dans le larynx plutôt que dans le pharynx, nous ne voyons aucune hypothèse édifiable, vu l'inconscience du malade et le défaut de comméinoratifs.
Nous n'avons pas besoin de rappeler les conditions de structure des épis facilitant leur cheminement dans une direction déterminée, c'est-à-dire la base ou le côté de la tige allant en avant.
On sait, en effet, que grâce à la configuration, aux aspérités et à la direction des barbes, tous les mouvements, toutes les pressions s'exerçant sur ce corps donnent pour résultante une propulsion dans le sens que je viens d'indiquer.
Quant à l'ignorance du malade, son défaut de commémoratifs sur ce point, c'est là un fait dont la bizarrerie, dont l'étrangeté ressort suffisamment d'elle-même pour qu'il me soit inutile d'y insister.
[Lyon médical.)
ALCOOLISME CHRONIQUE AVEC ACCÈS SUBAIGU. — ATTAQUES ÉP1LEPTIFORMES
UN AN APRÈS L'ENTRÉE A l'aSILE. -. ATTAQUE APOPLECTIFORME EN
DERNIER LIEU. - AUTOPSIE. — HÉMORRHAGIES GÉNÉRALES. - DILATA¬TIONS ANÉVRYSMALES DANS LE CERVEAU. - HÉMORRHAGIES RÉTINIENNES
AVEC ANÉVRYSMES MILIAIRES DE LA RÉTINE. - PACHYMÉNINGITE RACIII-
DIENNE, PAR MM. MAGNAN ET BOUCHEREAU.
V..., âgé de 58 ans, maréchal ferrant, fait depuis des années des excès alcooliques : à la suite de conceptions délirantes multi¬ples, il s'engage dans des procès absurdes avec des membres de sa famille, qui supportent ces ennuis ; mais pris un jour de délire avec agitation violente, dans un café, il cause un scandale public ; on l'arrête alors et on l'envoie au bureau d'admission des asiles d'aliénés de la Seine, le 45 mai 1867. A son entrée, ce malade pré¬sente tous les caractères d'un accès maniaque de nature alcoolique : trouble dans les idées, désordres dans les actes, hallucinations ter¬rifiantes de la vue et de l'ouïe. Le calme étant survenu quelques jours après, on fait l'examen des yeux à l'ophthalmoscope, et, sur le trajet d'un vaisseau, on aperçoit plusieurs petites granulations, dont le contour se continue d'une façon précise avec les parois ar¬térielles.
V... passe à Sainte-Anne ; on observe chez lui plusieurs attaques épileptiformes à des intervalles plus ou moins éloignés ; à la suite d'une attaque, il reste paralysé du côté droit; revu, après plu¬sieurs mois de séjour, on note de la faiblesse dans tout le côté droit, de la gêne dans la parole et de l'affaiblissement des facultés intellectuelles.
Le 13 janvier 1869, il est frappé d'une attaque apoplectiforme ; il s'affaisse sur lui-même et tombe au milieu du quartier dans le¬quel il se promenait. M. Lescure, interne, appelé, constate une ré¬solution complète des membres. Le malade meurt au bout de quel¬ques heures, sans avoir recouvré connaissance.
L'autopsie montre les lésions suivantes : les artères des ménin¬ges et du cerveau sont un peu athéromateuses ; l'encéphale enlevé, on trouve du sang fluide et noirâtre épanché à la base de la cavité crânienne ; les circonvolutions de la base des hémisphères sont af¬faissées, le sang épanché les a comprimées ; des coupes de l'en¬céphale, pratiquées en commençant par la partie supérieure des
hémisphères, permettent de reconnaître l'état des ventricules laté¬raux, qui sont remplis de sang noirâtre, à demi coagulé ; la cloi¬son interventriculaire est rompue, brisée.
Corps strié droit. Le corps strié du côté droit est le siège d'une déchirure profonde, dirigée de haut en bas, et occupant son tiers postérieur ; la déchirure se continue sur la couche optique et toute la paroi externe du ventricule, en suivant une direction horizon¬tale ; les bords de cette large fente sont irréguliers, fortement colo¬rés en rouge par le sang qui les a imbibés ; dans le foyer hémor-rhagique, on rencontre mélangés au sang des cellules et des tubes nerveux brisés ; des corps granuleux sont disséminés dans la sub¬stance nerveuse voisine du foyer, plus particulièrement dans le corps strié ; dans cette régionales parois des capillaires examinées au microscope présentent des granulations graisseuses, les tuniques d'un certain nombre de vaisseaux offrent une multiplication de leurs noyaux ; un grand nombre de vaisseaux ont été étudiés, plu¬sieurs sont uniformément développés ; les autres bosselés et dilatés très-i rrégulière m ent.
Le pédoncule cérébral droit, déchiré, s'est laissé traverser par le sang épanché.
Dans le corps strié gauche, il existe un ancien foyer qui occupe sa partie externe et la substance blanche environnante ; son aspect est celluleux ; sa coloration varie, suivant les points, du jaune ocre au rouge foncé.
La dure-mère rachidienne est épaisse; vers la fin de la région dorsale, elle est tapissée par une néo-membrane mince et rose ; un petit foyer hémorrhagique s'est produit en cet endroit.
A l'œil nu, les coupes de la moelle n'offrent rien de particulier.
Au microscope, on aperçoit des corps granuleux dans les cor¬dons postérieurs, et plus particulièrement vers la partie supérieure de la région dorsale ; quelques corps granuleux dans les cordons latéraux de la même région.
OEil gauche. Le névrilème du nerf optique est épaissi dans une étendue de 0m,02 environ, avec une teinte rouge foncée ; on trouve même une petite collection sanguine au-dessous.
(EU droit. Le névrilème est également épaissi ; au niveau de la sclérotique, il présente un bourrelet avec coloration rougeâtre.
Ces lésions ont des caractères qui permettent de les rapprocher de la pachyméningite.
Dans les rétines, on rencontre plusieurs foyers hémorrhagiques ;
un certain nombre de vaisseaux étudiés au microscope apparaissent bosselés, ir réguliers ; d'autres sont dilatés, soit dans une portion de la périphérie, soit dans toute l'étendue du pourtour du vaisseau ; quelques-uns se montrent avec les caractères très-nets des ané-vrysmes miliaires décrits par MM. Charcot et Bouchard, dans leurs travaux sur la pathogénie de l'hémorrhagie cérébrale ; les parois des vaisseaux sont épaissies, les noyaux de leurs tuniques ont subi une multiplication évidente. Ainsi, dans la rétine, on voit des hé¬morrhagies, des dilatations anévrysmales et des anévrysmes avec la forme miliaire.
Pour les autres organes, le cœur, le foie, les reins, ils ont subi la dégénérescence graisseuse.
Cette observation présente certaines particularités ; au point de vue clinique, il faut signaler ce fait que, près d'un an après son entrée dans un asile, on a vu survenir chez un alcoolique chronique, sans nouveaux excès, des attaques épileptiformes.
L'autopsie a révélé : des hémorrhagies intra et extra-cérébrales avec des anévrysmes ; des hémorrhagies rétiniennes avec des ané¬vrysmes miliaires de la rétine, de plus de la pachyméningite rachi-dienne et des néo-membranes de la gaine des nerfs optiques avec épanchement sanguin ; c'est-à-dire que, dans des organes différents, mais possédant les mêmes éléments dans leur structure, on a ren¬contré des lésions offrant le même caractère et procédant de la même façon : d'une part, anévrysmes et hémorrhagie ; d'autre part, pachyméningite et hémorrhagie. Le malade chez qui toutes ces lé¬sions se sont trouvées était atteint d'alcoolisme chronique.
Il est nécessaire d'ajouter que M. Sons (de Bordeaux) a pu obser¬ver à l'ophtlialmoscope un anévrysme de la rétine; la tumeur offrait des battements très-appréciables. (Annales d'oculistique, an¬née 1865.)
M. Léon Tripier (de Lyon), dans une observation (portant la date de mai 1868), a reconnu, à l'ophthalmoscope, des anévrysmes de la réline dans lesquels il n'a pu constater aucun battement, mais qui lui ont paru avoir le caractère d'anévrysmes miliaires ; l'autopsie lui a montré qu'il s'agissait réellement d'anévrysmes saxiformes ou ampullaires, de tout point comparables aux anévrysmes miliaires.
BIBLIOGRAPHIE
Leçons cliniques sur les maladies du cœur, par M. Bucquoy, agrégé de la Faculté de médecine, médecin des hôpitaux; br. gr. in-8° de 88 pages, chez Ad. Delahaye, libraire-éditeur. Paris, 1869. 2 fr. 50.
M. Bucquoy a eu l'excellente idée de réunir en brochure les Le¬çons cliniques qu'il a professées sur les maladies du cœur lorsqu'il suppléait M. leprofesseur Grisolle dans la chaire de l'Hôtel-Dieu. Le but du professeur a été et devait être d'initier le mieux possible les élèves à cette étude délicate, difficile souvent pour les maîtres les plus habiles; de leur faire connaître les progrès récents de la phy¬siologie, et de les mettre à même d'employer avec utilité les moyens physiques d'exploration qui jouent ici un rôle si important. Ce rôle de vulgarisateur qui, somme toute, est celui du professeur, M. Buc¬quoy l'a rempli consciencieusement ; ce n'est pas dans ces Leçons qu'il faut chercher des aperçus nouveaux, des théories hasardées ; on ne les rencontrerait pas; mais ce qu'on y trouve, c'est une étude attentive et raisonnée des symptômes et des caraclères propres à chaque maladie cardiaque, suivant qu'elle se développe dans telle circonstance donnée ou sur tel ou tel individu.
Notre intention n'est point de nous étendre longuement sur le contenu de ces leçons. Dans ces cas, en effet, une analyse ne peut être qu'incomplète, puisqu'il faudrait résumer toute la pathologie cardiaque.
Il nous est matériellement impossible de faire autre chose que d'indiquer les points principaux et de faire ressortir l'idée qui a présidé à l'œuvre. Dans ces leçons, l'auteur a élucidé les principales maladies du cœur, et, par maladie du cœur, il entend seulement la maladie avec lésion organique, celle dans laquelle le tissu de l'or¬gane est affecté d'une manière permanente et avec un caractère évident de chronicité. Après avoir présenté (Leçon Ire) quelques considérations préliminaires aussi courtes que possible, il aborde (Leçon II) le rétrécissement et l'insuffisance de l'orifice auriculo-ventriculaire gauche ; il s'étend sur l'ascite et l'œdème considéra¬bles qui accompagnent ces lésions, et fait ressortir avec soin la
valeur de ces symptômes : il n'oublie pas non plus de traiter de l'hy¬pertrophie et de la dilatation, et de les considérer comme des lésions nécessaires, comme des lésions compensatrices. Dans la troisième Leçon, M. Bucquoy expose l'histoire du rétrécissement et de l'insuf¬fisance de l'orifice aortique. Généralement ces points sont bien élu¬cidés dans les auteurs classiques; il en est de même ici, et nous signalerons tout particulièrement à l'attention du lecteur un paral¬lèle entre les lésions mi traies et aortiques considérées dans leur symptomatologie et dans lalongueimmunitéque crée ordinairement, dans les dernières, l'hypertrophie compensatrice.
La quatrième Leçon comprend l'insuffisance de l'orifice auriculo-ventriculaire droit et l'asystolie; nous n'avons rien de particulier à y relever, et nous préférons insister sur la cinquième et dernière Leçon, celle où l'auteur établit un parallèle entre les maladies des divers orifices du cœur. Reprenant, en effet, les faits qu'il a précé¬demment analysés, M. Rucquoy en fait ressortir nettement les traits par lesquels ils se ressemblent et ceux par lesquels ils se différen¬cient. Inutile de dire que la distinction capitale est celle qui résulte du siège de la maladie, suivant qu'elle occupe le cœur droit ou le cœur gauche, ainsi que l'un ou l'autre des orifices ventriculaires.
Si, en terminant, nous voulons résumer l'impression que nous a laissée la lecture de cet ouvrage, nous dirons que l'auteur a toujours été très-clair dans le cours de ses Leçons et qu'il a épuisé, à propos de chaque maladie, la question du diagnostic. Nous ne pouvons que l'en féliciter; tous nos efforts, toutes nos recherches, tous nos tra¬vaux ne doivent-ils pas aboutir à cette notion du diagnostic qui, seul, conduira à une thérapeutique rationnelle?
G. Peltier.
Traité élémentaire de chirurgie, par M. Fano, chez Adrien Delahaye. — Ma¬nuel de pathologie chirurgicale, par M. Fort, chez Adrien Delahaye. — Ma¬nuel de pathologie chirurgicale spéciale et de médecine opératoire, par
Roser, chez Chamerot et Lauwereyns.
Nous avons sous les yeux trois ouvrages récents qui ont pour ob¬jet la pathologie chirurgicale. 11 est juste que les trois auteurs qui se livrent simultanément à la publicité subissent, de notre part, une confrontation à la suite de laquelle nous émettrons un jugement et, s'il le faut, une préférence. Analyser un livre n'est pas faire son éloge ; aussi gardons-nous une impartiale sincérité dans nos appré¬
dations pour féliciter ce qui nous paraît digne d'éloges et pour blâmer ce que nous n'approuvons pas.
Pourquoi M. Fano a-t-il publié un Traité élémentaire de chirurgie? Telle est la première pensée du lecteur qui parcourt ce livre, que l'on pourrait à juste titre considérer comme l'abrégé de la Patho¬logie externe de Vidal. On se rappelle involontairement les annota¬tions que M. Fano joignit naguère à cet ouvrage et on les retrouve dans le sien sans qu'elles aient subi de grandes modifications. Nous ne voulons point dire que le Traité élémentaire de chirurgie soit un livre mal fait, tant s'en faut, mais nous ne trouvons pas l'utilité d'une semblable publication, à moins toutefois que l'auteur n'ait voulu détruire l'œuvre ancienne pour la moderniser et la réduire en un format plus restreint.
L'ouvrage est divisé en trois parties : la première comprend la Pathologie générale chirurgicale ; la deuxième, les Maladies des tissus et des organes ; la troisième traite des Maladies des régions.
De ces trois parties, les deux premières et le commencement de la troisième forment le premier volume, qui se termine par les ma¬ladies des yeux. — La pathologie générale est bien résumée et suit d'assez près l'état actuel de la science ; une tache cependant doit être signalée : c'est, de la part de l'auteur, le bannissement et la proscription de l'écrasement linéaire, une des plus précieuses dé¬couvertes de la chirurgie moderne, et une de celles qui ont acquis les plus légitimes suffrages.
Les maladies des yeux sont traitées clairement et avec cette con¬cision qu'on a l'habitude d'employer en France, lorsqu'on veut être compris. Tels oculistes d'outre-Rhin nous avaient laissé croire assez longtemps que l'ophthalmologie ne pouvait s'énoncer qu'en termes équivoques dilués dans des incidentes surajoutées les unes aux autres, pour que les maîtres français viennent bâillonner ces phra¬seurs et opposer la vraie science au verbiage. — Nous le répétons, les maladies des yeux sont clairement exposées dans le livre de M. Fano : le cadre dans lequel l'auteur s'est renfermé ne lui a pas permis de traiter d'autres sujets que ceux qui touchent à la chirur¬gie, et cette lacune forcée sollicite de notre part un regret mérité.
Ouvrons maintenant le Manuel de pathologie chirurgicale de M. Fort. — Le plan est le même que celui de M. Fano. Hâtons-nous de dire que ce livre est essentiellement élémentaire ; qu'il est écrit pour le commençant ; chose rare dans les publications de ce genre, ce manuel peut être compris par ceux-là même qui sont appelés à le
lire : il est difficile d'écrire la science avec simplicité ; il est plus dif¬ficile encore de composer un livre qui soit à la fois clair, complet et restreint quant au volume. M. Fort sait faire abstraction d'une science à éclat pour viser le côté pratique de son enseignement ; il conduit l'élève par la main, l'initie aux premiers secrets de l'hô¬pital, lui apprend à effectuer les pansements les plus simples, à in¬terroger un malade, à écouter le maître et à l'assister dans son service. Tel est le caractère de ce livre modeste : sa simplicité at¬tire, sollicite l'intelligence du commençant ; sa clarté séduit l'esprit du lecteur et lui communique sans effort la première empreinte du savoir. —Par la force des choses, nous sommes amenés à signaler la partie du volume qui traite des maladies des yeux comme une difficulté heureusement vaincue ; plus élémentaire que la partie correspondante de l'ouvrage de M. Fano, celle-ci n'en est pas moins un excellent acheminement à l'étude fructueuse d'ouvrages plus complets.
En élaguant de ses descriptions certains détails d'un ordre un peu relevé, je l'avoue, M. Fort éloigne de son livre les lecteurs déjà un peu avancés dans leurs études; tel, en effet, à qui il suffit, pour le moment, de savoir les principaux caractères de l'ostéite, de la carie et de la nécrose, ne pourra se contenter, aux approches d'un con¬cours ou du doctorat, de ces descriptions à vol d'oiseau faites pour dissimuler la difficulté qui les entoure.
Au lit du malade, il serait peu commode de formuler un diagnostic différentiel d'une tumeur du sein ou de l'utérus avec les courtes données du manuel. — Mais arrêtons-nous, puisque l'auteur s'est imposé des limites que la critique doit Respecter : M. Fort a voulu faire un livre à l'usage des néophytes et nous le félicitons surtout pour deux motifs ; d'abord parce qu'il a conçu un plan correct et fait pour classer nettement les divisions dans l'esprit des élèves, ensuite parce qu'il a su conserver la clarté dans la concision de son exposé.
Nous voici en présence d'un troisième ouvrage qui se présente à nous avec la modeste apparence d'un manuel de chirurgie. Le livre de Roser n'est à proprement parler ni un manuel ni un traité ; c'est un recueil de notes savamment rédigées, ayant trait à l'anatomie, à la patîiologie externe et à la médecine opératoire. Quel profit peut-on tirer de la lecture de ce livre, qui n'a rien de commun avec Ceux que nous avons l'habitude de compulser? Nos lecteurs en jugeront par l'impression que nous avons éprouvée nous^même;
Le plan général du livre est celui-ci : étant donnée une région, l'auteur, selon l'importance du lieu anatomique, décrit ou rappelle les principaux accidents de terrain, s'il nous est permis de parler de la sorte, et expose la pathologie de la région et les opérations dont elle peut devenir le siège.
Les divers fragments anatomiques, les différentes descriptions pathologiques, les détails opératoires, s'ils étaient ajoutés l'un à l'autre, ne formeraient point un traité d'anatomie, un traité de chi¬rurgie et un livre de médecine opératoire : le tout concourt à un but capital, le but pratique; de telle sorte qu'un chirurgien ayant à statuer sur la nature d'une affection développée dans un point de l'économie, trouve dans un même chapitre le tableau des difficultés anatomiques de la région, et la discussion de tous les symptômes que sa structure lui permet de présenter. Le livre de W. Roser, c'est le professeur lui-même ; c'est le clinicien ; l'examinateur qui interroge ; l'élève qui aspire aux concours. Ses pages sont un mo¬dèle de synthèse chirurgicale ; elles groupent'autour d'un organe toutes les puissances de la maladie et les ressources dont l'art dis¬pose pour les combattre. Nous ne pouvons mieux exprimer notre manière de définir cet ouvrage qu'en lui donnant une dénomination un peu risquée, mais qui traduit sa nature, et nous l'appelons vo¬lontiers une pathologie à tiroirs.
C'est dans ce même esprit que nous voudrions voir rédiger tous ces vade-mecum qui ne sont, à vrai dire, que des tables alphabéti¬ques dont leur auteur devrait rougir d'avoir signé le bon à tirer. De tels livres seraient profitables à tous, maîtres, élèves et prati¬ciens. L'Allemagne ne nous a point envoyé, jusqu'ici, un seul ou¬vrage qui fui rédigé dans un esprit aussi éminemment français et qui pût s'accommoder plus facilement à tous les savoirs et à toutes les positions. Les passages du livre de Roser qui ont produit sur nous l'impression la plus favorable sont le chapitre des Hernies et des Maladies abdominales, la Pathologie génito-urinaire et les Ma¬ladies chirurgicales des membres.
En résumé, l'esprit du traité de pathologie chirurgicale de Roser, que son auteur appelle avec raison chirurgie anatomique est un livre sans précédents comme rédaction, et son utilité ressert du plan lui-même que l'auteur a conçu.
La Rédaction. Le Gérant : a. de montméja
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
PATHOLOGIE EXTERNE
FIBROME OSSIFIÉ DU MAXILLAIRE INFÉRIEUR
PAR M. E. DEMEULES, INTERNE DES HOPITAUX.
Observation 1.
Le nommé B... J., âgé de 45 ans, charpentier, entre le 19 sep¬tembre 1869 à l'hôpital Saint-Louis, salle Saint-Augustin, n°45 (ser¬vice de M. Ad. Guérin).
Doué d'une constitution assez robuste, ce malade dit se bien por¬ter d'ordinaire; il n'a jamais eu d'affections syphilitiques.
11 y a environ huit ans, apparut, à la face externe du maxillaire inférieur, une petite tumeur adhérente à l'os et s'insérant au niveau de Tavant-dernière molaire gauche.
Dans l'espace d'un an, elle acquit le volume d'une noix. Sa sur¬face était parfaitement lisse.
La mastication s'accomplissait sans aucune gêne ni douleur : il n'y avait pas non plus de douleurs spontanées.
Cependant, la tumeur, continuant à se développer, soulevait la joue déplus en plus; ce que voyant, notre malade fît. pratiquer l'ex¬cision du produit morbide.
La section fut facile et ne donna aucun écoulement sanguin; la coupe du tissu était blanchâtre.
Deux mois après, la tumeur se développait à nouveau, et, au
2e année. 3
bout de neuf mois, elle avait repris le môme volume qu'avant l'o¬pération.
Le malade attend dix-huit mois sans se soumettre à aucun traitement. Alors, la maladie était représentée par une masse de la grosseur d'une petite pomme, faisant saillir fortement la joue, logée tout entière dans le sillon gengivo-labial, ne gênant en rien la mastication, n'occasionnant pas de douleurs.
C'était en 1863 ; un médecin enlève, à l'aide du bistouri et des ci¬seaux, les trois quarts de la tumeur. La difficulté à sectionner était plus grande que lors de la première opération. La surface des lam¬beaux était blanche, peu saignante. Cautérisation au fer rouge.
Jusqu'en 1865, le malade fait pratiquer deux fois encore l'excision partielle, chaque fois la tumeur ayant acquis le volume d'une petite pomme.
De 1865 à 1868, quatre excisions partielles. Lors de la dernière (1868), la tumeur arrivait au niveau de l'arcade dentaire inférieure.
Il y a six mois, elle franchit cette limite et envahit la cavité bue- -cale ; on en retranche environ la moitié, comme pour les opérations précédentes; pas d'écoulement sanguin. Chaque fois, le malade a pu reprendre son travail dès le lendemain.
Vers cette époque, il sentit un craquement dans la mâchoire, et pensa qu'elle venait de se casser. Depuis lors, les dents, du côté gauche, et l'os dans la partie correspondante se sont renversés en dedans.
Aujourd'hui, vu à une certaine distance, ce malade présente une énorme difformité de la face : la joue gauche est très-fortement tendue, comme s'il y avait dans la bouche un objet de la grosseur du poing.
La peau ne présente aucune rougeur ni altération quelconque et glisse très-facilement sur les parties qu'elle recouvre.
On voit sortir de la bouche, du côté de la commissure labiale gauche, une masse charnue lisse et de couleur rosée, que l'on pourrait prendre, à distance, pour la langue œdémaliôe. Cette masse occupe presque toute la largeur de l'orifice buccal (voy. planche VII).
Si l'on écarte les lèvres, on découvre dans la bouche une tumeur de couleur rosée et de consistance comme cartilagineuse, détermi¬nant l'apparence extérieure que nous avons décrite ci-dessus.
Le doigt, glissant entre la surface de la tumeur et la joue, cir¬conscrit une masse hémisphérique parfaitement lisse, sans la moin-
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
FIBROME DU MAXILLAIRE INFÉRIEUR
dre ulcération, présentant iout à fait la forme de la tête d'un cham¬pignon, dont le pied serait inséré sur la face externe du maxillaire, au milieu de la branche horizontale. Le pourtour de cette sorte de calotte est représenté par un bord aminci que le doigt peut con¬tourner pour arriver sur le pédicule.
La tumeur déborde au dedans de l'arcade dentaire inférieure qu'elle contourne, pour s'étaler dans la cavité buccale, dont elle occupe au moins la moitié ; puis elle vient faire saillie au dehors de la bouche comme nous l'avons dit ci-dessus.
Le doigt introduit dans la cavité buccale circonscrit parfaitement celte sorte d'épanouissement interne, et, passant au-dessous, montre qu'il n'adhère nullement au plancher buccal, qui est parfaitement sain.
11 existe, à la face supérieure de ce prolongement interne, une surface ulcérée, de forme semi-circulaire, suivant le trajet de l'ar¬cade dentaire supérieure, et produite par la pression des dents à ce niveau.
La langue est refoulée sur la moitié droite du plancher buccal et logée dans l'espace qui reste libre de ce côté.
Le maxillaire inférieur est déformé en ce que la.partie correspon¬dante au pédicule de la tumeur est reportée en dedans, comme s'il y avait eu fracture au niveau de la canine gauche et vers l'angle de la mâchoire et refoulement vers la ligne médiane de la portion d'os comprise entre ces deux points.
Toutes les dents sont en mauvais état, celles d'en haut comme celles d'en bas; recouvertes de tartre et grisâtres; mais elles ne se¬raient ainsi que depuis la production de la tumeur; auparavant il n'avait jamais eu de dents malades.
Cette tumeur est complètement indolore et ne gêne que par son volume.
La mastication est devenue impossible; il ne peut plus serrer entre les mâchoires.
La parole est très-difficile ; le malade parle en bavant.
La salive s'accumule dans le sillon gengivo-labial, et s'écoule presque continuellement au dehors ; elle sort surtout abondam¬ment lorsqu'on introduit le doigt dans la cavité buccale. 11 n'y a pas de mauvaise odeur dans la bouche.
Incision comprenant toute l'épaisseur de la joue , selon un trajet curviligne, à partir de 2 centimètres en avant du conduit auditif, pour aboutir au-dessous de la symphyse du menton. Il suffit d'ôcar¬
ter les deux lèvres de l'incision pour dénuder complètement la tumeur.
Le maxillaire est séparé des parties molles qui le recouvrent; la première molaire droite est enlevée; un trait de scie pratiqué à ce niveau permet, au moyen d'un mouvement de torsion qui fracture l'apophyse coronoïde gauche, de retrancher toute la portion de ma¬xillaire comprise entre ces deux points.
Les artères coupées pendant l'opération ayant été liées, un fil est passé à travers le filet de la langue et fixé à l'une des épingles qui servent à pratiquer une suture entortillée dans toute la longueur de l'incision. Pansement à plat.
Implantée sur le maxillaire par une espèce de pédicule occupant l'espace compris entre la deuxième grosse molaire gauche et l'angle de la mâchoire, la tumeur offre en quelque sorte, avons-nous dit, la forme d'un champignon. Elle mesure 10 centimètres de hauteur, 14 centimètres en longueur. Son poids est de 220 grammes, sans y comprendre la portion attenante du maxillaire. De forme hémisphé¬rique, elle présente une surface régulière, lisse, excepté en bas et en dehors où le doigt sent de petites aspérités formées par des sortes d'aiguilles osseuses. Un lacis vasculaire très-serré lui donne une coloration rosée. Ces vaisseaux sont à peine visibles à l'œil nu, et n'occupent pas tout à fait la périphérie de la tumeur; immédiate¬ment au-dessous, le tissu présente les caractères du tissu fibreux. Coloration blanche, consistance ferme.
Ces caractères sont les mêmes pour la portion située en dehors du maxillaire et celle comprise dans la cavité buccale.
La première et la deuxième grosses molaires sont dépourvues d'alvéole; leurs racines sont presque complètement à nu, implan¬tées dans le produit morbide qui leur fournit une cavité très-lisse ; ces dents sont très-mobiles ; elles sont recouvertes de tartre, mais non altérées.
Sur une coupe pratiquée selon l'axe longitudinal du maxillaire, et comprenant la tumeur et l'os, on voit :
Au niveau de la canine gauche, le tissu osseux, jusque-là dur, et paraissant complètement sain, cesser brusquement et être remplacé dans toute l'étendue du pédicule de la tumeur, c'est-à-dire jusqu'à la branche montante, par une bande de tissu rougeâtre, filamenteux. Cette bande présente les mêmes dimensions en hauteur et en largeur que le maxillaire qu'elle remplace. C'est à ce niveau que s'implante la tumeur.
Celle-ci est constituée par un tissu de coloration blanchâtre, d'ap¬parence fibreuse, les fibres offrant une disposition rayonnôe; par¬tant du point d'implantation pour se diriger vers la périphérie. 11 existe par place quelques noyaux d'apparence crétacée. On aperçoit aussi, sur la coupe, les orifices béants de quelques vaisseaux. La périphérie de la tumeur ne présente pas de lacs osseux; elle donne la consistance d'un polype fibreux utérin. 11 y a seulement, dissé¬minées par places, des aiguilles osseuses faisant saillie à l'extérieur, et donnant des rugosités à leur niveau.
En examinant la face interne du maxillaire, on voit la muqueuse qui tapisse cette face venir, ainsi que le périoste, se continuer avec le tis^u de la tumeur, dont il est impossible de la distinguer.
Le 8 octobre, troisième jour après l'opération, on retire plusieurs épingles. Un peu de bouffissure de la face. État général excellent. A peine un peu de fièvre.
10 octobre. On retire toutes les épingles, sauf deux; la réunion, par première intention , s'est produite dans presque toute la lon¬gueur de la plaie, excepté seulement au niveau des fils de la langue et de l'artère faciale.
12 octobre. On enlève les dernières épingles.
14 octobre. Apparition d'un érysipèle, qui occupe successivement tout le cuir chevelu et la face. Jusqu'au 25 octobre, malgré cela, la réunion persista.
Le 15 décembre, l'extrémité de la branche droite du maxillaire était recouverte de bourgeons charnus ; mais le malade ne pouvait produire l'abaissement de ce reste de mâchoire inférieure, forte¬ment attiré en haut, et maintenu appliqué contre l'arcade dentaire supérieure par la rétraction du temporal et du masséter.
Néanmoins, la nutrition s'effectue très-bien ; les aliments liquides sont très-facilement ingérés, voire même quelques substances so¬lides.
Aujourd'hui la guérison est complète. (Voy. planche VII.) Le malade pourra bientôt supporter un appareil destiné à remplacer, autant que possible, la portion de maxillaire enlevée.
— Nous avons trouvé dans la Nosologie naturelle d'Alibert, sous le titre Polype du maxillaire inférieur (planche G), une observation intéressante qui offre avec la nôtre une grande ressemblance. Nous la reproduisons.
Observation 11.
ODONTALGIE. - EXTRACTION D'UNE DENT. - TUMEUR CONSÉCUTIVE
(POLÏFE?) (Voy. pl. VIII.)
Le nommé Bremont, âgé de 39 ans, natif de la Savoie, doué d'un tempérament lymphatique, présentait à la joue gauche une tu¬meur très-volumineuse, dont le siège primitif était la propre sub¬stance des gencives. Voici les causes : Il y avait environ dix-huit mois que cet individu, voulant se délivrer d'une odontalgie cruelle, se fit faire l'extraction de la seconde dent molaire à la mâchoire in¬férieure, du môme côté; mais, l'opérateur ayant cassé la dent vers son collet, reporta de nouveau ses instruments dans la bouche pour en extraire les racines. Il ne parvint à les arracher qu'après plusieurs tentatives inutiles. Presque aussitôt, il se manifesta une légère hé¬morrhagie, qui céda à quelques gargarismes adoucissants. Mais, soit que la membrane eût été vivement blessée par cette manœuvre, soit qu'il existât chez cet individu une disposition à la maladie dont il s'agit, huit jours après cette petite opération, il s'éleva du fond de l'alvéole une petite tumeur qui avait à peu près le volume d'une très-petile fève. Le malade y portait souvent le doigt et s'imaginait que cette élévation devait servir à remplir la cavité que la dent oc¬cupait. Il n'y fit donc pas la plus légère attention.
Un mois après, il s'aperçut que non-seulement la cavité de l'al¬véole était complètement rebouchée, mais encore qu'une grande partie de celte excroissance dépassait le niveau de la cavité et s'éle¬vait en forme pyramidale. Depuis ce moment, la tumeur augmenta considérablement de volume. Au bout de quatre mois, elle faisait déjà une forte saillie sur la joue gauche, en repoussant et en écar¬tant cette dernière de la mâchoire; elle se renversa ensuite en de¬dans à la partie interne du bord alvéolaire inférieur; là, n'éprou¬vant aucun obstacle, elle prit une extension considérable. Bientôt, elle forma deux tumeurs distinctes, dont l'une occupait l'espace compris entre les dents et la joue, tandis que l'autre comprenait les trois quarts de la cavité buccale.
Voici quel est l'état de la tumeur à l'instant où je la décris : la joue gauche présente un gonflement de la grosseur d'un petit melon, lequel s'étend longitudinalement depuis la base de la mâchoire infé¬rieure, jusqu'à la paupière inférieure de l'œil, et transversalement, depuis l'oreille jusqu'à la moitié de l'ouverture des lèvres. La joue,
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
POLYPE MAXILLAIRE
(D'après Ai-ibert)
qui recouvre cette fongosité de la membrane muqueuse de la bou¬che, a subi un accroissement prodigieux. Aussi remarquc-t-on que la peau en est tendue, lisse, luisante et dure. A sa partie moyenne, on remarque les vaisseaux capillaires injectés d'un sang très-foncé. Les lèvres ont éprouvé un changement notable : la su¬périeure est élevée, épaisse et douloureuse ; la commissure gauche est tellement pressée, comprimée par la tumeur qui cherche à s'étendre au dehors, qu'elle offre une bien moindre épaisseur que de coutume. Par cette commissure, s'écoulent continuellement et en abondance la salive et un pus clair, inodore, d'un jaune tirant sur le blanc, lequel s'échappe de l'intérieur de la bouche, quand le malade meut sa mâchoire, mais principalement quand, avec le dos de la main, on pralique, d'arrière en avant, des frictions sur la joue gauche. Les lèvres sont toujours écartées d'environ un pouce, et laissent apercevoir entre elles une portion de la tumeur; une masse charnue, fongueuse, remplit les deux tiers de l'ouverture de la bouche et s'avance au niveau de la partie antérieure des lèvres, en les éloignant l'une de l'autre et ne laissant pour toute ouverture qu'un espace dans lequel on peut au plus introduire le doigt ; d'un côté seulement, car le reste de l'ouverture est rempli par cette ex¬croissance informe et hideuse; la face antérieure de cette excrois¬sance est ulcérée, d'une couleur livide, noirâtre dans certains en¬droits, et dans d'autres enduite d'un pus jaunâtre délayé dans des flots de salive, dont la bouche de ce misérable est inondée. La face antérieure de cette excroissance offre de plus des élévations, des tu¬bercules fongueux, dans lesquels se rendent de nombreuses ramifi¬cations artérielles. Ce sont ces vaisseaux qui donnent lieu à des hé¬morrhagies si considérables, que les jours du malade en sont en dan¬ger. Si l'on suit la tumeur jusqu'à sa terminaison, on voit qu'elle se porte d'avant en arrière jusqu'à l'isthme du gosier, en formant une espèce de cylindre inégal qui remplit aux deux tiers le plancher de la bouche, se continue sous la langue, embarrasse, non-seulement les mouvements de cet organe, mais, en outre, l'a repoussé à droite et pour ainsi dire appliqué sur la joue de ce côté. De celte manière, la langue présente la face inférieure à gauche, et vice versa, tandis que l'un de ses bords est dirigé presque vers la voûte palatine.
— Ces deux observations méritent d'être rapprochées à cause de l'analogie complète qu'elles présentent, au point de vue des symp tomes physiques et fonctionnels.
La déformation extérieure est la même ; la lésion siège du même côté de la mâchoire.
Le développement a suivi, dans les deux cas, une marche com¬plètement identique : la tumeur, localisée pendant un certain temps à l'espace compris entre la joue et les os maxillaires, franchit, à un moment donné, l'arcade dentaire inférieure et vient, par un pro¬longement interne, remplir en partie la cavité buccale, déplacer la langue, qui se trouve comme renversée et refoulée dans l'espace resté libre du côté opposé à la tumeur. Dans les deux cas aussi les lèvres sont maintenues écartées par un prolongement qui tend à sortir au dehors de ia cavité buccale.
De même, pour l'accumulation de la salive au-dessous de la tu¬meur, dans le sillon gengivo-labial, et l'écoulement involontaire de ce liquide obligeant le malade à tenir constamment un mouchoir à la main pour s'essuyer le menlon.
Alibert ne dit pas combien de temps mit, pour se développer ainsi, la tumeur dont il rapporte l'histoire. D'après son observation, elle renfermait beaucoup de vaisseaux ; il y avait des hémorrhagies assez abondantes pour compromettre l'existence du malade.
Ce fait établit une distinction capitale entre ces deux cas de tu¬meurs du maxillaire inférieur.
Dans le cas de notre malade, c'était un fibrome parsemé de quel¬ques points d'ossification. Il nous est impossible de désigner la na¬ture de la tumeur du malade d'Alibei t ; son observation ne fournit aucun renseignement à cet égard.
MÉCANIQUE
DESCRIPTION DU PULSOGRAPHE DU DOCTEUR OZANAM
(Voy. pl. IX.)
Si je donne à cet instrument le nom nouveau de pulsograplœ, c'est qu'il n'est pas seulement un cardiographe, un sphygmographe
Il E VUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
PULSOGRAPHE DU DR OZAN AM
ou un pneumographe, mais qu'il peut montrer aux regards et fixer, par des tracés d'une sensibilité extrême, tous les mouvements in¬times de l'organisme, savoir :
A. Les battements du cœur, du pouls, des fontanelles, des artères les plus délicates ;
B. La respiration, la toux et leurs variétés innombrables;
G. Le tremblement fibrïllaire des muscles dont les oscillations se répèlent au nombre de 3 à 500 par minute ;
D. Et enfin la force d'impulsion du sang (liémo-dynamométrié).
Le faible volume de cet instrument le rend très-portatif ; la pho¬tographie ci-jointe en donne une représentation fidèle avec réduc¬tion a 2/3 de grandeur. Nous allons en donner la description suc¬cincte et indiquer comment avec le même instrument on peut obtenir à volonté :
Io Des tracés à Venere, sur papier ordinaire et de longueur indé¬terminée ; 2° Des tracés au noir de fumée ; 3° Des épreuves photographiques.
L'appareil se compose d'un piédestal hémisphérique surmonté d'une plate-forme sur laquelle se trouvent établies les diverses par¬ties constituantes, savoir :
I. MOUVEMENT.
Un mouvement d'horlogerie de 5 à 5 centimètres de diamètre, à marche très-régulière, mis en action et arrêté à volonté par un petit bras de levier ; se montant par une petite clef fixe et ne laissant passer au dehors qu'un petit pignon denté, destiné à faire tourner la roue, également dentée, du cylindre.
II. CYLINDRE TOURNANT SUR UN PIVOT.
Une tige de fer longue et aiguë sert de support au cylindre tournant.
Le cylindre en cuivre est de 5 centimètres de diamètre, ouvert et creux à sa partie supérieure, fermé en bas par un disque dont le centre est parcouru par un tube vertical ; c'est ce tube qui vient recouvrir la tige de fer, qui supporte ainsi l'ensemble de l'appareil sur sa pointe acérée.
Cette disposition, que je dois aux conseils savants de M. l'ingé-
3'
nieur Perraud, enlève au cylindre tout son poids, lui laisse toute sa sensibilité, permet de l'enlever sans peine et de faire fonctionner les rouages sans fatigue et sans usure.
En effet, le tube qui prolonge le cylindre se termine en bas par une roue dentée, qui s'engrène sur le pignon du mouvement, et reçoit ainsi une marche circulaire qu'il communique au cylindre inscripteur. La vitesse de celui-ci est de 1 centimètre par seconde, ce qui permet de calculer, sur les tracés obtenus, la vitesse de la circulation, sans recourir à la montre.
Deux petits ressorts d'acier, situés en haut et en bas du cylindre, servent à fixer un papier sur la circonférence.
iii. aimant attracteur de laiguille.
Le troisième élément fixé sur la plate-forme est un tube de cuivre qui s'élève à côté du cylindre ; dans ce tube, glisse, avec mouvement d'ascension ou de descente, une tige recourbée en pin-cette, et dont la seconde branche, plongeant dans le cylindre creux, y maintient à une hauteur donnée un petit aimant dont nous appré¬cierons bientôt le rôle important.
iv. bobine et pince a fixer le tube.
A la tige principale que nous décrivons, s'ajoute encore :
A. Une petite bobine de cuivre, mobile sur un anneau ; cette bobine, fendue d'un trait de scie, maintient autour d'elle, en spirale serrée, le papier dont l'autre extrémité est fixée au cylindre.
Un léger ressort appuyant sur la base de la bobine sert à régler la tension du papier.
B. Une branche latérale mobile, terminée par une pince qui sert à fixer le tube de verre dont nous allons parler. Chacun de ces élé¬ments peut monter et descendre par simple glissement.
Tel est l'appareil enregistreur.
En résumé, il se compose de deux cylindres collatéraux dont l'un déroule et l'autre enroule le papier d'inscription, et d'un aimant intermédiaire qui sert, comme nous le verrons bientôt, à attirer à travers les parois du cylindre la plume qui doit écrire ; la fixant assez pour qu'elle puisse marquer et pas assez pour empêcher ses mouvements d'ascension ou de descente. C'est à cet organe intermé*
diaire que je dois d'avoir pu obtenir l'écriture régulière et la réus¬site complète de l'instrument. Étudions maintenant l'appareil qui doit produire l'inscription.
v. baromètre de la circulation.
Pour obtenir les battements du cœur, du pouls, des artères ou le tremblement fibrillaire des muscles, on appuie, sur le point à explo¬rer, une ampoule de verre pleine de mercure, et fermée d'une fine membrane de caoutchouc à une de ses extrémités. L'autre extrémité s'unit à un tube de caoutchouc de 25 centimètres, dont la souplesse permet de donner à l'instrument les formes, les positions les plus diverses et qui est terminé lui-même par un tube de verre de 8 centimètres de longl.
Uampoule est ronde; elle à 15 millimètres de diamètre; c'est l'organe qui, par sa large surface, recueille et accumule le mouve¬ment; celui-ci se communique à la masse du mercure qui monte et descend dans le tube de verre à une hauteur d'autant plus grande que le tube de verre n'a que 2 millimètres de diamètre. Le mouve¬ment, accumulé d'abord en surface, se trouve ainsi exprimé et trans¬formé en hauteur. Ce tube de verre constitue en outre une artère transparente où les mouvements du sang ou de l'organe sont rendus visibles à l'œil par les ondulations du mercure ; c'est un véritable baromètre de la circulation, où toutes les variations de la marée sanguine se trouvent répétées avec fidélité.
L'ampoule est appliquée sur l'organe et pressée par les doigts du médecin, mais celui-ci peut aussi la retenir avec un petit bracelet, s'il n'est pas sûr de l'immobilité de sa main. Lorsqu'il s'agit d'ex¬plorer un muscle en particulier ou un faisceau de fibres, on met l'ampoule en équilibre et sa membrane en contact avec l'aiguille ou la pince myographique enfoncée dans le muscle.
De son côté, le tube de verre est fixé à la pince de l'instrument, et son extrémité libre vient se rapprocher du papier inscripteur.
Le long du tube de verre se trouve disposé un petit index en cuivre, destiné à mesurer la force d'impulsion du sang. Nous expli¬querons bientôt son rôle.
1 Au lieu de fermer ce tube par un simple bouchon, comme l'indique la pho¬tographie, on le munit maintenant d'un obturateur d'acier dont l'ouverture, destinée au passage de l'aiguille, est bouchée par une vis de pression disposée comme celle d'un pressoir.
VI. AIGUILLES D'INSCRIPTION.
Les aiguilles se composent d'une tige de bois léger, élastique, tiré des fibres du palmier. Cette tige a 5 cent. 1/2 de longueur ; elle se termine, d'une part, par une perle aplatie, destinée à surnager le mercure, et à l'autre extrémité, par un prolongement de forme variable suivant sa destination, savoir :
A. Pour l'écriture au noir de fumée, c'est une pointe en fil de fer, soudée à angle droit sur la plume, longue de 12 millimètres, et dont l'extrémité aiguë enlève le carbone avec netteté et précision.
B. Pour l'écriture à l'encre, c'est une petite lance en fil de fer at¬tachée aussi à angle droit à l'extrémité de la tige ; un fil très-fin d'aloès, tendu à cheval sur le fer de lance, sert à conduire l'encre par sa capillarité jusqu'au contact du papier.
Cette plume est la partie qui m'a coûté le plus de travail et de recherches, car les plumes d'oie, de corbeau, de baleine, les plumes de fer ou d'or restaient toutes impuissantes à écrire, à cause de la faible attraction de l'aimant qui ne peut écarter les becs pour faire descendre l'encre. Il m'a fallu, pour obtenir l'écriture, étudier et unir ces deux forces physiques, l'attraction magnétique qui attire l'aiguille et l'attraction capillaire du fil poreux qui conduit l'encre au contact du papier.
C. Pour la photographie, la tige doit être terminée par une petite plaque noire, de 1 centimètre carré de surface.
VII. MARCHE DE L'APPAREIL.
L'instrument étant monté avec sa clef et placé sur sa boite, qui doit lui servir de socle pour l'élever un peu, on laisse tomber l'ai¬guille dans le tube de verre ; — on fait partir la détente ; — le pa¬pier avance, — et la plume, obéissant d'une part au mercure ondu¬lant sur lequel elle s'appuie, de l'autre à l'aimant qui l'attire, vient s'appliquer contre le papier pour tracer à sa surface toutes les variations d'une courbe qui reproduit fidèlement le mouvement inté¬rieur que l'on veut étudier.
Si l'on écrit avec l'encre, le papier peut être très-long, 1 mètre, par exemple, car on peut remonter l'appareil en marche. L'encre bleue ou l'encre de Chine sont les meilleures, mais toute encre bien liquide peut servir.
Si l'on inscrit avec le noir de fumée, le papier ne doit avoir que la longueur du cylindre, 15 à 17 centimètres seulement.
Une fois l'image obtenue, il faut la détacher du cylindre, fixer les noirs en la plongeant dans une solution de cire ou de gomme laque et d'alcool, puis la faire sécher cinq minutes.
VIII. ÉPREUVES PHOTOGRAPHIQUES.
S'il est un spectacle admirable pour le savant, c'est bien celui de Yinvisible rendu visible et d'un rayon de lumière inscrivant, sans intermédiaire et sans retouche, les détails les plus cachés des bat¬tements du cœur de l'homme sain ou malade.
Il y a trois ans, dans un premier mémoire1, j'avais déjà présenté à l'Académie des sciences mes premiers résultats sur ce sujet ; mais, avec le nouvel appareil, j'obtiens aujourd'hui des résultats plus beaux et plus complets.
Pour obtenir les épreuves photographiques, il faut :
Io Enlever la tige à aimant ;
2° Enrouler autour du cylindre, au lieu de papier, une plaque de collodion élastique, préparée et iodurée ;
3° Couvrir le cylindre d'un deuxième cylindre de cuivre formant chambre noire.
Cette chambre noire ne reçoit la lumière que par une seule fente linéaire verticale ;
4° A cette fente, on applique le tube de verre, et tout est préparé. On peut alors obtenir les épreuves par trois procédés différents.
A. Procédé sans aiguille. On applique le tube de verre sur toule la longueur de la fente. Le mercure, en montant, vient la masquer à une hauteur variable; partout où le mercure ondule, l'action de la lumière est annulée.
Partout où la lumière arrive, la plaque sensible est atteinte.
La ligne d'intersection détermine la forme du battement étudié.
Par ce procédé, le mercure n'ayant à supporter aucune aiguille, ondule avec toute sa liberté, toute sa délicatesse.
Mais la lumière, obligée de traverser les parois doubles et épaisses du verre, laisse à l'épreuve quelque chose de nuageux.
B. Procédé par l'aiguille à plaque. On amène le tube de verre au
1 Les Battements du cœur et du pouls reproduits par la photographie. — Acad. des sciences, 19 août 1867.
bord inférieur du cylindre et de la fente; on plonge dans le tube l'aiguille à plaque, qui, soulevée par le mercure, vient faire écran devant la fente, et masque le jour, tandis qu'au-dessus la lumière entre librement et sans intermédiaire jusque sur la plaque sensible, en produisant des tons vigoureux.
Par ces deux procédés, on obtient une image noire sur fond gris ou blanc.
C. Procédé par l'aiguille à pointe. On dispose le tube de verre assez près du cylindre pour que la pointe de l'aiguille s'engage au bord de la fente; l'ondulation de l'aiguille ne masquant qu'un point à la fois, la lumière laissera sur la plaque une ligne déliée, comme aurait pu le faire l'écriture à l'encre la plus fine et la plus délicate.
C'est ainsi qu'avec le même instrument on peut obtenir deux pro¬cédés d'écriture, l'un par l'encre, l'autre par le noir de fumée, et trois procédés différents de photographie ; c'est assez dire combien est grande la perfection de l'appareil que je propose aujourd'hui à l'attention des physiologistes et des médecins. Or, il ne faut pas l'oublier, c'est en perfectionnant les instruments qu'on perfectionne la science. " Tant vaut l'instrument, tant vaut l'ouvrier, » dit le proverbe.
IX. HÉMO-DYNAMOMÈTRE.
Nous avons dit, en commençant, que l'index en cuivre placé le long du tube indiquait la force d'impulsion du sang évaluée en grammes.
Pour l'obtenir, il faut appuyer l'ampoule perpendiculairement sur le poignet posé à plat, et amener par la pression le mercure jus¬qu'au zéro.
La hauteur de chaque impulsion au-dessus de zéro indiquera la force d'ascension du sang évalué en grammes chez le sujet en ex¬périence ; un peu d'habitude est nécessaire pour disposer l'appareil convenablement et pour savoir comprimer l'artère au point où elle donne toute l'ampleur de son développement.
X. TRACÉS DE LA TOUX ET DE LA RESPIRATION.
Pour l'étude de la toux et de la respiration, on doit retirer le tube à mercure ; puis onfîxe à la base de l'instrument un petit tam¬bour métallique, garni d'une membrane de caoutchouc à sa face su¬
pêrieure. Un tube souple de 60 centimètres de longueur part du tambour; il est muni d'une embouchure en caoutchouc moitié durci, moitié souple, qui s'applique simultanément au nez et à la bouche du sujet; quand celui-ci inspire ou respire, la membrane élastique se bombe ou se déprime; la différence du niveau constitue la courbe indicatrice. Une tige oscillante située au-dessus et fixée à la pince de l'instrument à la place du tube à mercure, inscrit sur le cylindre par les mêmes procédés, avec l'encre, le noir de fumée ou l'un des trois procédés photographiques dédits ci-dessus.
Dans les prochains articles, nous donnerons la photographie du pouls physiologique aux différents âges et du pouls pathologique, avec toutes les explications nécessaires pour un sujet aussi im¬portant.
Dr Ch. Ozanam.
HELMINTHOLOGIE
NOTES SUR LE T/ENIA, SES EFFETS, SON TRAITEMENT
par bourne ville.
Dans ces dernières années, les journaux ont publié des cas de taenia accompagnés de divers accidents et surtout des exemples de guérison par des agents plus ou moins actifs. Nous avons réuni, nous ne disons pas tout ce qui a paru sur ce sujet, mais au moins un certain nombre de documents que nous résumerons aussi briè¬vement que possible, après avoir relaté une observation qui nous est personnelle.
Observation.
ASCARIDES LOMBRICOIDES (6 A 7 ANS).-ÉTOURDISSEMENTS (l9 A 28 ANS). -
ATTAQUES CONVULSIVES (l867 ET 1869). - TjENIA. - EXPULSION PAR LE
COUSSO.- ALCOOLISME. - RÉFLEXIONS.
Schmidt (Adolphe), 28 ans, ajusteur, né à Malkirch (Bas-Rhin), demeurant rue de Meaux, n° 51, est entré le 16 septembre 1869 à l'hôpital Saint-Louis, salle Saint-Jean, n° 31 (service de M. Hardy).
Antécédents. Croûtes du cuir chevelu jusqu'à 9 ans. De 5 à 6 ans, le malade dit avoir eu beaucoup de vers " unis, longs comme le doigt, semblables à des vers de terre » (ascarides lombricoïdes). Pas d'oxyures. Vers l'âge de 11 ans il quitte son pays et va demeu¬rer à Dijon jusqu'à 20 ans. Dans cet intervalle il contracte une blépharile (15 ans) qui persiste encore et paraît due plutôt aux poussières qu'il fait en travaillant le fer qu'à sa constitution.
S... habite Paris depuis 1860. En 1867, il a eu trois petits chan¬cres sur le prépuce ; ils se sont agrandis progressivement et ont atteint les dimensions d'une pièce de cinquante centimes ; ils n'au¬raient été suivis d'aucune manifestation constitutionnelle (ni adé¬nite, ni alopécie, ni taches sur la peau, etc.). En juillet 1868, sans cause connue, S... a eu une attaque convulsive : vertiges, cris " comme un animal, » projection en avant, perte de connais¬sance, chute, cyanose de la face : " il paraît que j'étais tout noir, » écume à la bouche. A-t-il eu des convulsions ? Il ne le sait. Celte attaque aurait été précédée par des étourdissements qui, ayant dé¬buté vers l'âge de 19 ans, seraient devenus peu à peu plus fréquents. Ils se montraient de préférence au moment des perturbations atmos¬phériques ; il éprouvait alors une sensation de tournoiement, tous les objets environnants semblaient en mouvement, un voile lui couvrait les yeux. Toutefois ces étourdissements, ou mieux ces vertiges, n'amenaient ni chute, ni perle de connaissance.
Père, 71 ans, robuste, pas d'attaques de nerfs; depuis un an, douleurs et gonflement des pieds et des mains. — Mère, 61 ans, toujours un peu souffrante, pas de phénomènes nerveux. —Cinq sœurs, un frère, jouissent d'une santé excellente, n'ont pas de ma¬ladie convulsive.
2 septembre 1869. Vertige prolongé ; tournoiement, brouillard devant les yeux, bourdonnements d'oreilles, double résonnance des
bruits1; puis attaque convulsive : perte de connaissance, chute, roideur des membres, flexion énergique des doigts, enfin mouve¬ments brusques dans les membres supérieurs, écume. Au bout d'une demi-heure il put reprendre son travail.
9 septembre. Il vient à la consultation offrant les symptômes d'un embarras gastrique très-prononcé, compliqué d1étourdissements et de céphalalgie. Comme il n'y avait pas de symptômes bilieux, nous lui avons prescrit2 une bouteille d'eau de Sedlitz et des pédiluves sinapisés.
16 septembre. S... nous raconte qu'il a eu des selles abon¬dantes et a rendu environ 30 centimètres d'un ver ayant la forme d'un ruban. De plus, il nous apprend que, vers le mois d'avril der¬nier, il a remarqué dans ses selles des morceaux de vers qu'il compare à des graines de concombre.
Ces renseignements indiquant fort probablement l'existence d'un tœnia, nous faisons entrer le malade à l'hôpital. Le 17 septembre, il est mis à la diète dans l'après-midi, et le 18 il prend, à dix heures, du cousso, selon le mode ordinaire. Les premières selles sont ve¬nues vers midi et, à deux heures, il avait expulsé, en plusieurs frag¬ments, un tœnia mesurant 2m,50 de longueur. L'un des fragments avait 5 centimètres de long, 1 à 2 millimètres de large et se terminait par un petit renflement qui, h la loupe, nous a paru être la tête. Nous avions mis cette partie de côté pour l'examiner au mi¬croscope et, par inadvertance, il a été jeté. Toutefois, en raison de la disposition du fragment décrit plus haut, nous sommes à peu près certain que nous avions affaire à l'extrémité céphalique.
Alimentation, fonctions digestives. — S... mange d'ordinaire chez les marchands de vin. Son alimentation consiste en viande bien cuite, bœuf bouilli, etc. Jamais il ne prendrait de viande presque crue, et très-exceptionnellement il mangerait de la charcu¬terie. 11 y a deux ans, dans le but de faire des économies, il a fait usage de charcuterie cuite durant quinze jours (5 ou 6 fois par semaine). En Alsace, il faisait souvent usage de viande de porc, mais très-cuite.
Il boit du vin, rarement de l'eau-de-vie. Le matin, à jeun, il boit du vin rouge , sans aliments, et avant ses repas un verre d'absin¬the. Environ deux fois par semaine, il fait un peu d'excès et le len-
1 Le choc du marleau sur l'enclume lui paraissait double. - M. Hardy était alors en vacances.
demain il aurait la pituite. Sommeil court, trois à quatre heures ; rêves fréquents et fatigants ; pas de crampes. Les désirs génési-ques sont à peu près nuls.
S... n'est pas un grand mangeur et préfère, en général, les lé¬gumes à la viande. Il n'a pus de vifs besoins de manger, de sensa¬tion de chatouillement à la gorge, mais, parfois, de la sécheresse l'obligeant à avaler sa salive et une sensation de constriction qui l'oblige à desserrer sa cravate. De temps en temps, démangeaisons dans le nez ; faut-il les attribuer au contact des poussières qu'il produit en travaillant ou à la présence du taenia?
Pas de vomissements , en dehors des pituites ; nausées pen¬dant cinq à dix minutes après les repas et assez souvent des éructa¬tions. Coliques sourdes depuis longtemps ; se calmant habituelle¬ment sans qu'il aille à la garde-robe, quelquefois après des selles. Garde-robes quotidiennes ; pas de diarrhée.
Prurit fréquent à l'anus depuis un an ; mais il a, dans cette région, une petite tumeur hémorrhoïdale qui peut l'expliquer.
Exeat le 22 septembre. —Nous avons voulu savoir si, depuis sa sortie, il avait encore eu des accidents nerveux. A cet effet, nous sommes allé (31 janvier) à son domicile. On nous a dit qu'il était parti, un mois après son retour de l'hôpital, que, pendant ce temps, sa santé avait été bonne. On ignore sa nouvelle adresse.
— Les accès épileptiformes, les étourdissements observés dans le cas qui précède sont-ils dus au tamia? Nous sommes porté à le croire sans oser, toutefois, l'affirmer. Et cela pour deux raisons : d'abord nous ne savons pas si, depuis l'expulsion de son tamia, Schmidt1 a eu ou non de nouveaux accidents convulsifs; puis, chez lui, l'alcoolisme qui se traduisait par un affaiblissement des désirs génésiques, des troubles gastriques, de l'insomnie, des rêves fati¬gants, etc., a pu exercer une certaine influence.
Les cas dans lesquels le tsenia donne lieu à des convulsions, à des symptômes nerveux, s'ils sont peu communs en comparaison des cas où cette complication fait défaut, n'en sont pas moins indubita¬bles. En parcourant les derniers volumes des différents recueils pé¬riodiques, nous en avons rassemblé un certain nombre d'exemples que nous analyserons tout à l'heure. Mais auparavant nous allons résumer les caractères d'une nouvelle espèce de tœnia, étudiée par
1 Nous écrivons le nom en toutes lettres, pour faire reconnaître le malade s'il entrait de nouveau à l'hôpital.
MM. Grenet etDavaine *, et, afin que nos lecteurs se rendent mieux compte des différences qui séparent ce taenia de ceux que nous con¬naissons, nous reproduisons les figures suivantes, relatives au taenia ordinaire de l'homme : elles nous épargneront une longue des¬cription (fig. 2 et 3).
TjEnia Madagascariensis. — C'est sur deux échantillons (fragments rubanés et proglottis libres) re¬cueillis sur deux malades et con¬servés dans l'alcool que repose son histoire naturelle. Selon M. Da-vaine, ces échantillons appartien¬nent à la même espèce.
Description. La taille de ce tae¬nia est petite. Les anneaux les plus rapprochés de la tête sont courts et larges (longueur, 0mm,8; lar¬geur, 2,nm, 2) ; les derniers sont carrés (2mm,6). A l'état frais, les dimensions doivent être plus gran¬des. Les proglottis libres, de for¬mes diverses, comparables à des pépins de pommes, ont des dimen¬sions qui varient de 3 à 4 milli¬mètres. Sur les préparations lais¬sées plusieurs jours en contact avec la glycérine, ou traitées par une solution de potasse caustique, M. Davaine a reconnu plusieurs particularités de leur organisation. Les premiers anneaux du strobila étaient asexués, en apparence au moins ; les suivants étaient pour¬vus de l'organe mâle ; les derniers n'en présentaient plus de traces, mais étaient remplis par l'organe femelle, seul visible dans les autres fragments du strobila et dans les proglottis libres. Les portions
1 Note sur une nouvelle esjièce de lœnia, recueillie à Mayotte (Comores) par le docteur Grenet, suivie de l'Examen microscopique de ce lœnia, par le docteur Davaine. (Archives de médecine navale, février 1870.)
2. Taenia solium. — a, extrémité eé-phalique; b, b, pores génitaux.
apparentes de l'organe mâle consistaient dans le canal déférent et le pénis, qui est court, lisse, cylindrique, exsertile, pouvant faire au dehors une saillie de 0mm,04, et ayant 0mm,025de diamètre. Les pores génitaux unilatéraux sont s-imples pour chaque anneau
'""Bjrfît'''''
ËÈÊ
Mb
dont ils occupent le milieu de la marge. Un vagin distinct y aboutit. L'organe femelle in¬diqué sur les premiers anneaux par le vagin seulement est très-apparent et remplit tout le proglottis dans les anneaux mûrs. L'examen d'un proglottis sur les préparations faites comme nous l'avons dit, permet de voir qu'il est plein de petits corps sphériques ou ovoïdes, opaques au centre, demi-transparents à la pé¬riphérie, offrant l'aspect d'un œuf formé d'un vitellus et d'un albumen assez abondant. Ces
Fig. 5. Taenia solium. , . . , , .
Tête et cou très-gros- corps, au nombre de cent vingt a cent cinquante sis.—i. ".proboscide; dans chaque proglottis, indépendants les uns
o, couronne de cro- . . .
chets; c c, ventouses, des autres, disposés en séries juxtaposées râp¬ai poriTonClnxéeiSàléia Pelant assez l'image d'un quinconce, ont 0mm,9 tête du tenia ". dans leur plus grand diamètre, et Ûmm,6 dans leur plus petit. Le nucle'us central, opaque, a 0mm,5 sur 0mm,3.
Un grossissement plus fort montre que ces corps sont des poches ovariennes dont la portion opaque (nucléus) contient trois à quatre cents œufs ayant deux enveloppes. L'une externe, membraneuse, plissée, ratatinée (conservation dans l'alcool), mesure environ 0mm,04 ; l'autre, interne, renfermant immédiatement l'embryon, me¬sure 0mm,02. L'embryon qui a 0mm,(M5 est distinct après l'action de la potasse caustique, qui fait constater les linéaments de six crochets.
1 Nous devons ces deux figures à l'obligeance de M. G. Germer-Baillière. Elles sont empruntées au Manuel d'histoire naturelle de M. H. Bocquillon.
— ta suite au prochain numéro. —
BIBLIOGRAPHIE
Anatomie iconologique, par M. Witkowski. — Chez Germer-Baillière ; Paris1.
Voici une publication d'un genre tout à fait nouveau ; une anato¬mie composée de planches disséquées dans lesquelles les organes, superposés suivant l'ordre de leurs rapports, se présentent à l'œil du lecteur comme le ferait une préparation sur le cadavre, telle est l'œuvre du jeune et intelligent élève des hôpitaux que nous venons de nommer.
M. Witkowski n'est pas le premier qui ait songé à ce mode d'ico¬nographie ; en Allemagne et en France, on a déjà vu des essais ana¬logues, ayant trait à l'anatomie animale et végétale, mais ces publi¬cations sont loin de posséder le cachet scientifique qui caractérise l'œuvre dont nous parlons.
Son auteur a choisi les difficultés de l'anatomie humaine et les a décrites par régions. Chaque région est contenue dans un carton¬nage in-4° s'ouvrant comme un livre ; les divers éléments dont se compose la région sont dessinés, coloriés, puis découpés et articulés chacun dans un plan respectif. Un numéro placé sur chaque pièce indique dans quel ordre doit s'effectuer la superposition des plans pour constituer la région.
Sur l'une et l'autre face des organes mobiles, on lit le nom, les rapports et les particularités qui se rattachent à ces faces, et on y voit les branches vasculaires et nerveuses qui leur sont affectées.
De là le nom d'anatomie iconologique donné par l'auteur à son ouvrage.
La région du larynx vient de paraître ; le cerveau est en prépara¬tion. M. Witkowski nous a montré cette seconde partie de son tra¬vail, et nous sommes remplis d'admiration pour la manière ingé¬nieuse avec laquelle cette grande difficulté anatomique se trouve in¬terprétée. Il a fallu un travail profondément consciencieux et une sagacité bien pénétrante pour arriver à un résultat si merveilleux et si bien fait à l'image de ce qui est.
1 Première livraison : Larynx et corps thyroïde. Prix : 2 fr.
Le prix de cette publication la met à la portée de tous, et les élèves pourront se procurer séparément chacune des régions dont se composera la collection complète.
Nous espérons que l'éditeur apportera un plus grand soin dans l'exécution des autres planches : le travail lithographique du larynx laisse trop à désirer.
Comptes rendus et Mémoires de la Société de biologie.— Chez Adrien Delahaye; Paris.
La Société de biologie a publié en vingt années vingt volumes, formant quatre séries, comprenant chacune les comptes rendus de ses séances et un recueil des principaux mémoires qui lui ont été présentés. Cette collection est riche de faits importants dont les uns ontété, dès leur publication, définitivement acquis à la science, tandis que d'autres ont servi de jalons aux découvertes modernes. L'ensemble de l'esprit qui préside à la rédaction de ces divers tra¬vaux est empreint d'un caractère d'unité que la variété même des sujets traités ne saurait distraire du but de l'association. Antagoniste de la Société anatomique, quant à son principe, la Société de biolo¬gie ne craint pas de s'adonner parfois aux élucubrations de l'am¬phithéâtre, et de chercher dans l'œuvre de la mort des enseigne¬ments utiles à la physiologie, à l'hygiène et à la nosologie. Les sciences accessoires sont accueillies dans son sein avec une juste faveur, et parmi les mémoires qu'elles ont fournis il en est un bon nombre dont l'Institut jalouserait avec raison la première lecture. Il n'est pas jusqu'aux sciences exactes dont la voix ne se soit fait entendre à la Société de biologie, et, pour nous en tenir à un exem¬ple, citons le remarquable travail de M. Prompt, sur la théorie de la marche.
Ce n'est pas sans quelque complaisance que nous avons parcouru ces pages empreintes au plus haut degré de philosophie mathéma¬tique, de cet esprit d'analyse et de discussion en vertu duquel le raisonnement procède dans l'exactitude du vrai. Nos souvenirs d'études spéciales ont été rajeunis par cette lecture et, malgré cela nous devons reconnaître que le mémoire de M. Prompt nous eût été également intelligible en dehors de ces connaissances déjà bien
vieilles, tant la science de l'auteur sait se mettre à la portée de tous.
Les trois derniers volumes, seulement, des Mémoires de la Société de biologie se trouvent sous notre main.
Nous allons donc compulser très-succinctement nos trois volu¬mes, et signaler les mémoires qui nous paraissent être les plus remarquables : pour être juste, il faudrait les mentionner tous, mais dans les belles choses, l'éclectisme pour être plus difficile n'en est pas moins toujours possible.
Le troisième volume de la quatrième série renferme plusieurs mémoires intéressants de M. Magitot, sur la carie dentaire. Dans l'un de ces mémoires, l'auteur démontre que la carie est un phé¬nomène purement chimique, dont il reproduit artificiellement les phases, et il étudie les diverses modifications de la salive qui peu¬vent provoquer la carie dentaire. Dans un autre mémoire, M. Ma¬gitot étudie la carie au point de vue ethnologique et dresse une carte de France où se trouve figurée la répartition de la carie dans les divers départements : cette carte donne la palme au Puy-de-Dôme et montre que la production de la carie atteint son maximum dans un département voisin, celui de la Dordogne. Un troisième travail du même auteur contient Panatomie normale et pathologique des divers tissus qui entrent dans la structure de la dent.
Le troisième volume des Mémoires renferme encore une étude de M. Prévost sur l'action de la vératrine : l'auteur fait voir quels sont les caractères qui permettent de distinguer les accidents dus à l'in¬toxication par la strychnine, de ceux qui sont occasionnés par la vé¬ratrine, et arrive à démontrer que ce dernier principe est un modi¬ficateur de la contractilité musculaire, propriété bien spéciale, que n'ont pas les autres poisons musculaires dont l'effet est d'amoin¬drir ou de détruire cette contractilité.
Signalons encore une note sur un sujet peu étudié, les tumeurs dermoïdes du crâne, par M. Giraldès; une Étude de la structure des vaisseaux ombilicaux, par M. Gimbert, et des Recherches sur l'ac¬tion duphosphore et les transformations graisseuses, par M. Ranvier.
Le tome IV de la même série renferme des travaux origi¬naux d'un ordre un peu moins important que ceux dont nous avons fait une rapide énuméralion. On y lit néanmoins des notes remarquables sur YAnatomie de la voûte du crâne, par M. Prompt ; un travail de M. Ghalvet sur les Altérations des humeurs par les matières extractives, et des Recherches sur Vadénome hépatique, par M. Lancereaux.
Le tome V est riche en travaux de toute nature : les comptes rendus des séances offrent le plus grand intérêt et on y remar¬que bon nombre de communications que leur importance per¬mettrait de placer au rang des mémoires. Parmi ces derniers nous avons déjà signalé celui de M. Prompt sur la Théorie de la marche; nous ne ferons qu'énumérer les plus importants d'entre les autres, ne pouvant consacrer à une analyse détaillée l'espace nécessaire à toute critique complète.
De ce nombre sont le mémoire de M. Bouchut sur la leucocythé-mie aiguë dans la résorption diphlhéritique; les recherches de M. Babuteau sur l'action et les conséquences de l'emploi des purga¬tifs salins; celles de M. Magnan sur la dégénérescence colloïde du cerveau dans la paralysie générale, et le travail de M. Ollivicr sur une cause peu connue des maladies organiques du cœur et. sur la pathogénie de l'hémiplégie puerpérale. L'auteur déduit de ses observations l'existence d'une forme latente d'insuffisance mitrale que l'on doit rattacher à l'état puerpéral et qu'il ne faut pas con¬fondre avecjhne forme d'endocardite ulcéreuse1 à symptômes fran¬chement aigus et très-manifestes ; il rattache à cette endocardite latente le ramollissement cérébral et la paralysie consécutive qu'il a observés, en attribuant à une embolie le point de départ du ramollissement. — Jusqu'ici cette embolie avait été signalée comme dépendant d'une endocardite ulcéreuse et la nouveauté du travail de M. Ollivier réside dans l'étude d'une endocardite sub¬aiguë passant souvent à l'état chronique et ne fournissant que très-peu de signes fonctionnels. Enfin les observations détaillées de sclérose en îlots par M. Liouville.
Disons en terminant un mot d'éloge sur la richesse des planches qui accompagnent chacun des volumes des Comptes rendus et Mé¬moires; peu de publications peuvent, sous ce rapport, rivaliser avec celle que fait annuellement la Société de biologie.
1 Voy. Revue photographique, 1809, p. 180, et 1870, p. 33.
A. DE MONTMÉJA. Le Gérant : a. de montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
MÉDECINE LÉGALE
ÉTUDE PHOTOGRAPHIQUE SUR LA RÉTINE DES SUJETS ASSASSINÉS
(Extrait d'un l'apport frit à la Société de médecine légale, par M. Yeknois1.)
Il y a un certain nombre d'années, parut dans un journal américain une note conçue à peu près dans ces termes : " On vient de découvrir une nouvelle application de la photographie aux recherches de médecine légale ; on a pu, en soumettant au da¬guerréotype la rétine d'un individu assassiné, y retrouver l'image de celui qui l'avait frappé. » Cette note fut reproduite par la plu¬part des journaux politiques et surtout de médecine ; mais elle tomba bientôt dans l'oubli, quand, en janvier 1869, M. le docteur Bourion, de Darney (Vosges), adressa à notre secrétaire général une épreuve photographique (pl. X, fig. 1) portant la mention suivante :
" La photographie, d'autre part, a été offerte à la Société de médecine légale par M. le docteur Bourion, ancien préparateur à l'École pratique ; cette photographie, prise sur la rétine d'une femme ayant été assassinée le 14 juin 1868, représente le moment où l'assassin, après avoir frappé la mère, tue l'enfant, et le chien de la maison se précipite vers la malheureuse petite victime. »
M. Gallard, après avoir soigneusement caché le revers de la photographie, la fit circuler parmi les membres de la Société (séance du 8 février 1869), avec cette seule mention : Énigme de
1 Consulter : Applications de la photographie à la médecine légale, avec '2 planches photographiées, par M. Vernois; brochure in-8°, chez J.-B. Baillière.
2e année. 4
médecine légale, personne n'en put deviner le mot. Et même quand il fut connu, personne encore ne put interpréter le dessin dans le sens où l'avait compris le docteur Bourion.
Selon l'usage de notre Société, de faire un rapport sur toutes les communications à elle adressées, M. le président m'a chargé de m'occuper de la note de M. le docteur Bourion, et de dire à la Société ce qu'on en pourrait penser, au point de vue de la science et de son application à la médecine légale. 11 s'agissait, comme vous le voyez, de reprendre la question telle qu'elle nous était ar¬rivée d'Amérique.
Sans doute les physiciens et les physiologistes avaient eu de bonnes raisons de garder le silence. Mais les juges, en général étrangers aux connaissances délicates et spéciales qui enseignent la valeur de ces signes, pouvaient croire encore le procédé utile, et avoir l'idée parfois de demander aux experts de se livrer, dans certains cas, à des expériences de la nature de celle rappelée par le docteur Bourion. Il y avait clone une espèce de raison d'être à instituer quelques recherches spéciales non exécutées jusqu'à ce jour, avant de résoudre la question par de simples lumières de l'optique et de la physiologie.
J'ai cru convenable de faire un certain nombre d'expériences sur les animaux. Si la figure de l'assassin, ou seulement un détail important de l'acte homicide, pouvait se perpétuer assez long¬temps sur la rétine de la victime, on devait retrouver sur la rétine d'un chien, d'un lapin, d'un chat, les objets placés au-de¬vant de leurs yeux, dans les derniers moments de l'existence de ces animaux.
Avant d'agir, et pour me bien renseigner sur le mode de faire employé par le docteur Bourion, je lui ai demandé tous les dé¬tails de son opération. Voici sa lettre :
" L'assassinat, dit-il, a été commis le dimanche 14 juin 1868, entre midi et quatre heures du soir. L'extraction des yeux hors les orbites a été pratiquée le 16 juin, vers dix heures du malin. L'épreuve photographique a été obtenue le même jour, vers six heures du soir. J'ai opéré sur les deux yeux de l'enfant et sur les deux yeux de la mère. Les yeux de l'enfant n'ont rien donné autre chose que des nuages, ce à quoi je m'attendais, l'enfant étant restée pendant plusieurs heures, peut-être seulement pendant un laps de temps de moindre durée, dans la cave, mais toujours assez pour que le regard porté deci delà, dans l'obscurité, aucune image
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche X.
ÉTUDE MÉDICO-LÉGALE
s i.' к i. A rétine des SUJET* ASSASSINÉS
ne fût transmise au cerveau, et, par conséquent, ne pût être empreinte sur la rétine et sur le corps vitré. Je dis sur ces deux parties de l'œil, car l'une est corrélative de l'autre, d'une manière absolue. La pièce anatomique a été soumise à l'opération photo¬graphique illico ; à peine avais-je terminé de poser la pièce anato¬mique sur son point d'appui, que le photographe opérait : quelques secondes de retard, et il n'y aurait pas eu d'image obtenue, le corps vitré s'affaissant. Ayant quatre yeux à ma disposition, j'ai d'abord opéré sur ceux de l'enfant, sur lesquels j'avais la certitude de ne rien trouver. J'ai fait une section circulaire, en arrière de l'iris, après avoir enlevé le cristallin. Le résultat a été rien. Sur le même œil, j'ai fait sortir l'humeur vitrée, en maintenant la scléro¬tique écartée au moyen d'érignes. Pas de résultat plus satisfaisant, ou plutôt encore moins. Sur le deuxième œil du même sujet, j'ai opéré de la même manière pour arriver au même résultat. Sur l'œil gauche de la mère, même section, enlèvement du corps vitré, j'ai obtenu une image à peine marquée ; la tête du chien seule se présentait et d'une façon peu compréhensible ; car ce n'a été qu'après avoir opéré sur l'œil du côté droit, et après avoir obtenu l'image dont vous avez une épreuve, que j'ai pu m'en rendre compte. Sur l'œil droit, même section. Mais en conservant le cris¬tallin, j'ai serré ma pince un peu fortement, ce qui l'a brisée, et diverses parcelles ont été projetées sur le corps vitré et ont produit ces taches blanches dont trois forment, pour ainsi dire, échine au chien; trois autres, plus haut et plus à gauche, sont juste au niveau du coude de l'assassin. »
Je n'ai pas l'intention de critiquer ici toutes les opinions émises dans cette note, et dont beaucoup sont fort contestables, entre autres surtout le rôle attribué au corps vitré : mon but a été seu¬lement de vous indiquer comment le docteur Bourion a opéré et de vous rappeler que l'épreuve photographique à vous adressée a été obtenue sur l'œil de la victime, entre cinquante et cinquante-deux heures après sa mort.
J'ai fait dix-sept expériences sur des animaux, au moment de les sacrifier, soit par la pendaison, soit par l'acide prussique Je te-; nais en face des yeux, éclairés par une vive lumière, un objet bien déterminé et très-facile à reconnaître si l'image reproduite avait pu persister sur la rétine. J'enlevais immédiatement les yeux et je me rendais chez le photographe ; quelques-uns, cependant, n'ont pu être examinés que vingt-quatre ou quarante heures après la mort
des animaux. Je praliquais alors tantôt une section circulaire de la sclérotique, au niveau du cristallin, tantôt, cette section faite, je faisais une espèce de croix de Malte par quatre incisions sur les bords de la sclérotique, afin de mieux exposer la rétine à l'action de la photographie. J'écartais l'humeur vitrée et tout ce qui constituait la partie antérieure de l'œil. Je fixais la pièce sur une carte à l'aide de quatre épingles, et je soumettais le plus rapi¬dement possible la rétine à l'expérience daguerrienne.
Si l'on examine avec attention toutes les épreuves obtenues dans les circonstances que j'ai précisées, il est bien évident que la pho¬tographie n'a reproduit que l'état anatomique superficiel de la ré¬tine. Souvent sa papille est très-bien venue : ailleurs il n'y a que des surfaces vagues et indécises, comme celles indiquées dans la pho¬tographie envoyée parle docteur Bourion. Dans celle-ci, quand on la revoit avec soin, on peut en effet y découvrir une apparence rap¬pelant la tête d'un chien, mais il faut en avoir été prévenu : cette apparence devient plus évidente clans l'épreuve amplifiée (pl. X, fig. 3) que j'ai fait tirer ; mais quant au coude présumé de l'assas¬sin, il faut beaucoup de bonne volonté pour le deviner. Que de fois dans les nuages ne voit-on pas des formes bizarres imitant plus ou moins bien l'apparence d'hommes, d'animaux ou de plantes! Je dois ici pousser plus loin l'examen critique de la pho¬tographie qui nous a été adressée.
Le docteur Bourion ne sait rien de la position relative de l'as¬sassin et des victimes, — au moment de la perpétration du crime. — Si, en admettant pour un moment comme exacte la représenta¬tion de ce qu'il appelle le coude de l'assassin, on reconstruit tout son corps, on pourra s'assurer que le chien n'était pas visible pour la victime, et que, d'après la position du corps de l'assassin, le chien ne semble pas défendre l'enfant, mais aboyer dans un sens opposé; on ne dit pas davantage si le chien vit encore et si sa tête ressemble plus ou moins à l'apparence signalée dans la pho¬tographie. — Et comme si l'image eût persisté (pendant cinquante-deux heures!) elle eût dû s'offrir renversée, le docteur Bourion n 'indique pas davantage dans quelle position et dans quelle direc¬tion il a soumis la rétine à la photographie. Tout porte à croire^ par la description de son procédé et par la situation qu'il a don¬née à son épreuve photographique, que le docteur Bourion a pré-s enté au daguerréotype la rétine dans sa position normale, c'est-à-dire sapartie supérieure en haut, sa partie inférieure en bas. r0
l'image de la tête du chien est droite, elle devrait être renversée.
Ces observations font donc, en dehors même de tous autres motifs, naître des cloutes légitimes dans l'esprit.
Les expériences auxquelles je me suis livré me paraissent donc peu favorables à l'opinion émise par le docteur Bou¬rion.
Mais que dit la théorie , ou mieux que disent l'optique et la physiologie, à ce propos ? C'est une question souvent et longue¬ment traitée par beaucoup d'auteurs, sous les appellations sui¬vantes : de la persistance des images sur la rétine, ou de la durée des impressions. — Je ne puis ici rappeler tous les travaux publiés sur ce sujet ; qu'il me suffise de dire que l'on trouvera tous les détails nécessaires et voulus dans le Répertoire d'optique moderne de l'abbé Moigno. L'auteur y mentionne les recherches si connues de Plateau. Celui-ci fixe la durée de la persistance des images sur la rétine, à 52 ou 35 centièmes de seconde. Avant lui d'Arcy avait adopté le chiffre de 13 centièmes de secondes seulement. Dansquel-ques circonstances, mais fort rares et sollicitées, l'impression paraît pouvoir durer quelques minutes. La loi de la persistance des images varie, mais dans les limites indiquées, selon la nature des couleurs et selon le temps qu'a duré l'impression. Après s'êtie très-savamment étendu sur la durée de l'impression des couleurs subjectives, l'abbé Moigno répète qu'il n'y a, en général, qu'une persistance très-courte de l'impression sur la rétine.
De très-curieuses expériences à ce sujet, et réduisant à 1 dix-millième de seconde la durée de. la persistance de l'impression des objets sur la rétine, se trouvent aussi dans un ouvrage de M. Félix Lucas, ingénieur des ponts et chaussées l. 11 arrive à prouver par le calcul que l'image décroît sur la réline, d'après la même loi mathématique que la chaleur.
Les expériences qui démontrent ces faits ont été répétées soif à l'Observatoire de Paris, par M. Bertsch, physicien très-habile et très-connu, soit au congrès scientifique de Metz, en 1869, par M. Chevrier, à l'aide de certaines dispositions instrumentales ima¬ginées par M. Bertsch. — C'est, dit M. Chevrier, une belle applica¬tion de l'intermittence de l'étincelle produite par la bobine de Buhmkorff et de la persistance des impressions lumineuses sur la rétine.
1 Félix Lucas, Procès du matérialisme, p. 420 à 131.
Les notions de l'optique rendent donc tout à fait inadmissible la persistance d'une image produite sur la rétine, hors les limites que je viens de signaler. Comment alors aller en rechercher des traces plus de cinquante heures après la mort ?
Et d'ailleurs, la physiologie, qui s'éclaire de toutes les lois ma¬thématiques delà vision, n'a jamais professé une doctrine opposée aux règles absolues que j'ai rappelées. Je n'ai vraiment besoin d'en donner que quelques raisons. La vision ordinaire et successive, la lec¬ture, l'examen rapide des objets seraient choses tout à fait impos¬sibles si l'impression de l'image sur la rétine pouvait durer au delà de la fraction la plus minime d'une seconde. De plus, pour que l'impression ait lieu, et se prolonge, il faut que les tissus soient vivants. La vue est un des premiers sens qui s'éteint. — Et déjà avant la mort totale et réelle de tout le corps la mort partielle a détruit toute impression rétinienne, les dernières surtout, fugaces et imparfaites. Qu'on n'oublie pas encore que l'œil est l'organe que la putréfaction envahit le premier et que ses signes apparaissent dix à douze heures après la mort. Ajoutez à cela que la rétine, très-translucide pendant la vie, devient très-rapidement opaque après la mort.
On ne saurait d'ailleurs comparer les impressions de la lumière, des sons, delà chaleur sur nos tissus, dans les conditions ordi¬naires, à ces impressions violentes durables, appréciables par nos sens et par nos moyens d'investigation, dont on reconnaît longtemps après la mort les traces, les signes et les désordres. L'impression rétinienne, d'après les recherches les plus modernes, semble être le résultat de vibrations pour ainsi dire èthérées etphosphorescentes, dont l'existence et la durée sont presque insaisissables. Le nerf optique est insensible à l'action de la lumière, et la perception des objets n'a lieu qu'en arrière de la rétine. Vouloir retrouver sur la rétine une impression lumineuse après un certain nombre d'heures et de jours, ce serait vouloir retrouver dans la disposition des organes de l'ouïe, par exemple, le dernier son perçu pendant la vie.
J'ai voulu encore, par une expérience fort simple, chercher à confirmer les fait s et les opinions précédemment exposés. Tout le monde sait que quand on se sert de l'ophtlialmoscope pour l'examen du fond de l'œil, il faut projeter une vive lumière sur la rétine. A l'instant où le médecin procède à son examen, le malade vient né¬cessairement de fixer ou de regarder un objet quelconque. Or ja¬
mais l'observateur n'a vu au fond de l'œil autre chose que la sur¬face rétinienne. J'ai prié mon confrère M. le docteur X. Galezowski, si compétent en ces matières, de vouloir bien faire lui-même quelques expériences à ce sujet. — Devant un certain nombre de confrères, à sa clinique ophthalmologique, il a soumis plusieurs malades à l'observation spéciale que je lui avais recommandée. Il a offert à la vue des malades divers objets plus ou moins fortement éclairés, et jamais ni lui, ni aucun des assistants n'a pu voir sur la rétine aucune image des objets interposés entre l'œil et l'ophthal-moscope, ni aucun phénomène qui soit en dehors de l'état physio¬logique. " Il reste donc pour moi démontré expérimentalement, dit-il, que la rétine ne conserve aucune image des objets qui sont vus par elle, ce qui est en parfait accord avec les notions physiolo¬giques que nous avons sur la vision. » La rapidité de la disparu¬tion de l'image sur la rétine pendant la vie, l'impossibilité où elle est de s'y maintenir après la mort, et à l'approche même de la mort, quand les sens s'éteignent successivement, la vue d'abord ; les expériences directes que j'ai instituées pour la vérification du fait, en dehors de toute notion opposée, m'obligent donc à conclure qu'il est impossible de retrouver sur la rétine d'une victime le portrait de son assassin, ou la représentation de quelque objet ou disposition physique qui se trouvaient devant ses yeux au moment de la mort.
J'ai sans doute mis de la complaisance à instituer quelques expé¬riences à ce sujet ; mais la Société comprendra que ce rapport ne s'adresse pas seulement à des savants au courant des sciences exactes, mais à l'esprit de gens distingués qui ont besoin souvent, pour être convaincus, qu'on puisse répondre à cette simple ques¬tion : Avez-vous expérimente'?
Si donc, maintenant, un juge ou un juré venait à réclamer d'un expert l'examen de l'œil d'une victime pour y chercher quelques renseignements utiles, l'expert serait en droit de répondre que les résultats de cet examen n'éclaireraient en rien la justice.
C'est là, je crois, la conséquence pratique à laquelle la Société de médecine légale pourra donner son approbation.
Votre rapporteur sollicite en terminant une lettre de remercîments pour notre honorable confrère, le docteur Bourion, dont la com¬munication nous a donné l'occasion d'élucider un point curieux d'expertise judiciaire.
L'étude de cette question a conduit votre rapporteur à quelques
considérations générales sur le rôle que la photographie peut être appelée à jouer dans la médecine légale.
Depuis longtemps déjà elle a prêté son secours à la justice dans un certain nombre de circonstances, bien connues de nos collègues messieurs les avocats. J'ai en vain cherché dans les Traités mo¬dernes de médecine légale, surtout à l'article Identité , dans MM. Devergie, Tardieu, Casper, Briand et Chaude, quelques rensei¬gnements à cet égard. J'ai cru un instant trouver ces indications dans le chapitre très-intéressant de l'œuvre de MM. Briand et Chaude intitulé : des Recherches étrangères aux substances toxiques, mais qui sont du ressort de la médecine légale1 et où l'on s'occupe lon¬guement des secours que la microscopie a fournis à nos études spéciales. Nulle part je n'ai rencontré un chapitre consacré aux applications de la photographie à la médecine légale. Je n'ai pas la prétention de l'écrire. Je signale seulement son absence à l'atten¬tion de mes jeunes confrères comme étant l'objet d'études intéres¬santes. Depuis longtemps, une des premières utilisations du da¬guerréotype a été de reproduire les traits des coupables ou des accusés. — C'est un auxiliaire très-puissant à ajoutera tous les éléments qui servent à établir l'identité. — Dans ce cas, la repro¬duction photographique ne doit pas se borner aux traits du visage. Elle doit comprendre l'image exacte de tous les signes empruntés à l'état de la peau (tumeurs, difformités, hernies, cicatrices, tatouage) ; elle doit reproduire les mutilations, l'attitude. — On doit photographier un accusé ou un condamné sous plusieurs as¬pects, avec ou sans cheveux, avec ou sans barbe tou favoris, sous divers costumes.
Dans certaines circonstances, il faudra amplifier l'épreuve ordi¬naire, afin de donner plus de relief ou d'importance à un signe capital. On devrait toujours faire également photographier sa signature.
La photographie devra reproduire le siège, la forme, l'étendue des blessures, quelquefois la figure des instruments du crime, qui pourraient être égarés pendant une longue instruction. L'image, dans certains cas d'empoisonnement, des feuilles de plantes ingé¬rées, etc., etc., deviendra utile.
Il faudra reproduire la forme des vêtements de la victime et de
1 Briand et Cliaudé, Manuel complet de médecine légale, Ie édition. Paris,1863, p. 729. — Dans la 88 édition (Paris, 1869), le chapitre en question a disparu, mais rien n'a été ajouté sur les applications de la photographie.
l'accusé, les empreintes des pieds et des mains et de tout objet qui peut avoir rapport à l'assassinai, au vol, à l'escalade.
L'image intérieure d'une chambre, d'une cour, l'image d'une maison est très-souvent indispensable. Déjà les architectes, par des plans en relief, ont souvent aidé la justice dans des procès civils ou criminels. La photographie viendra y ajouter des renseignements positifs.
11 ne faut pas oublier la reproduction de l'écriture, de la signa¬ture, etc., des sujets atteints de certaines affections nerveuses, ou d'un aliéné dans les cas d'interdiction ou d'attaque contre des dispo¬sitions testamentaires1. La photographie a déjà servi dans l'examen des billets de banque ou de toute autre pièce altérée et falsifiée. On a vu l'amplification par la photographie d'un billet de banque, faire reconnaître l'absence d'un point, et par suite fournir la preuve de l'al¬tération du billet.
Je ne veux pas oublier de signaler ici une application moins directe de la photographie, mais qui ne peut avoir lieu sans son concours. C'est celle de la photographie unie à la stéréoscopie. Voilà ce que dit Helmholtz2. Si l'on met dans un stéréoscope deux épreuves obtenues avec la môme composition de caractères d'im¬primerie ou la même planche gravée, ces images, parfaitement égales, donnent également une image résultante, complètement plane. Or l'adresse humaine n'est pas suffisante pour imiter les caractères ou les dessins d'une planche gravée, avec une exactitude telle qu'en mettant simultanément sous le stéréoscope deux épreuves obtenues avec les deux planches, certaines lettres et certaines lignes ne paraissent pas sortir du plan du papier. C'est là le moyen le plus facile de reconnaître des billets de banque faux. On met en même temps un billet vrai et le billet suspect dans l'instrument, et l'on recherche si dans l'image résultante tous les traits paraissent être dans le même plan.
On devra appliquer la photographie aux fragments de cadavre et d'os (d'après une échelle bien exacte), pour les confronter plus tard avec d'autres parties semblables qui pourraient être retrouvées.
On s'en servira également pour la reproduction de certaines
1 Voy. Marcé, de la Valeur des écrits des aliénés au point de vue de la séniéio-logie et de la médecine légale. (Ann. d'hyg., IIe série, 1864, t. XXI, p. 379.)
a Helmholtz, Conférence faite à Heildelberg, sur les perceptions visuelles. (Revue des cours Scientifiques, 6e année, n° 27, 5 juin 1809, p. 421).
lésions intérieures où le microscope quelquefois ne suffit pas, par exemple, dans la docimasie pulmonaire, pour l'examen ana-tomique des vésicules. On photographie l'image sous le microscope, et on l'amplifie.
Toutes ces pièces photographiées peuvent être tirées à un grand nombre d'exemplaires, adressées à tous les agents de la police, à tous les magistrats instructeurs, et annexées à tous les dossiers des prévenus ou des condamnés.
L'usage de la photographie et le métier de photographe sont main¬tenant si répandus, que presque partout, même dans les villes de peu d'importance, on trouve facilement soit des artistes, soit de simples amateurs prêts à concourir à ces recherches. L'industrie viendra, dans ce cas, une fois de plus au secours de la société.
DERMATOLOGIE
ECZÉMA DES PARTIES GÉNITALES
PAR A. DE MONTMÉJA
Dans les auteurs qui ont écrit sur les maladies de la peau, on trouve la description de trois lésions différentes, l'intertrigo, Vec¬zéma et le iichen des parties génitales. Ces descriptions appartiennent à autant de chapitres également différents. La nature, plus sobre dans la création des espèces nosologiques, a fait de l'intertrigo, de l'eczéma et du lichen les trois stades principaux d'une seule et même affection. Tantôt l'apparition de la première de ces lésions est suivie de celle des deux autres ; tantôt le mal se limite aux deux premières; tantôt, enfin, l'intertrigo se montre pour disparaître en* suite sans rien laisser après lui.
Sous l'influence de l'âcreté de la sueur l'intertrigo survient dans les régions où des surfaces cutanées sont mises en contact; les personnes grasses se trouvent sujettes à cette indisposition, légère, la plupart du temps; un tempérament dartreux constitue un terrain favorable à la production et au développement de cet érythème ;
le siège de l'affection au voisinage des parties génitales sollicite d'une manière spéciale l'apparition de vésicules suivies d'un suin¬tement auquel succèdent bientôt des squames, autant de caractères propres à l'eczéma.
Les praticiens savent combien se montre réfractaire à toute sorte de traitement l'eczéma invétéré des parties génitales : cette affection procède par poussées, et, dans ses recrudescences, le mal redevient aigu, envahit les muqueuses du vagin et du rectum et provoque d'irrésistibles démangeaisons, qui, satisfaites, font place à une cuisson brûlante; des fissures superficielles et nombreuses se pro¬duisent sur la marge de l'anus ; des écoulements vaginaux se dé¬veloppent, surtout aux époques cataméniales, et simulent, jusqu'à un certain point, des flux blennorrhagiques ; l'état général participe à ces désordres, et on peut observer des altérations dans les fonc_ tions des divers appareils, principalement du côté des voies diges-tives et du côté de l'intelligence.
C'est à la suite d'une série de poussées aiguës que l'on voit arriver l'épaississement du derme de la peau, dans les régions affectées ; sur le scrotum, principalement, on sent cet épaississement par le toucher et on constate à la surface de la peau des rides profondes, des plaques luisantes, des nodosités blanchâtres qui contrastent avec la coloration brune des téguments voisins, et enfin des petites papules, le plus souvent écorchées, et surmontées de petites croûtes. C'est là le lichen qui est, d'après notre maître M. le pro¬fesseur Hardy, le terme final vers lequel tend l'eczéma invétéré.
Nous n'avons point l'intention de décrire ici, d'une façon com¬plète, l'histoire de l'eczéma des parties génitales; nous n'avons écrit les lignes qui précèdent que dans le but de réunir sous une même dénomination et sous une même description trois symptômes d'une seule et même maladie. Nous allons appuyer notre assertion en exposant trois faits que nous avons soigneusement observés ; dans ces trois cas nous avons obtenu une guérison assez rapide par les moyens dont il sera fait mention dans le cours des observations.
Le premier fait est celui d'un jeune médecin avec lequel nous avons vécu dans les rapports de la plus grande intimité. En 1861, à la suite d'un bal où il s'était montré le plus intrépide des danseurs, M. . fut pris d'un intertrigo de la face interne de la cuisse gauche ; la marche fut impossible pendant trois jours, et pénible durant deux ou trois septénaires ; au bout de ce temps, il y eut récidive de la faute et récidive du mal. Cette fois, l'érythème présenta quel¬
ques vésicules et un suintement assez prononcé pour tacher et roidir le linge qu'il imprégnait. La guérison se fit moins rapide¬ment que la première fois, et, malgré toutes sortes de précautions (isolement des parties malades, lotions astringentes, poudre de riz) il resta une rougeur, recouverte de pellicules furfuracées, sur la face interne de la cuisse et sur la moitié gauche du scrotum. Pendant les chaleurs de l'été, il y eut un suintement fréquent, des démangeaisons continuelles, des excoriations occasionnées par le grattage des croûtes. Les premiers froids n'apportèrent que peu de soulagement à cet état, qui ne fit qu'empirer dès que les sa¬lons s'ouvrirent aux plaisirs de l'hiver. M.... ne voulut point con¬sulter son chef de service pour le mal dont il souffrait et il se con¬tenta de palliatifs, tels que l'amidon et la poudre de riz. Jusqu'en 1865, époque à laquelle nous étions attaché en qualité d'externe, à un service de maladies de la peau, les choses marchèrent de pis en pis. Notre titre nous valut la confiance de notre ami et il se soumit au traitement suivant : trois fois par semaine nous lui fîmes prendre des bains amidonnés ; chaque soir, il appliquait sur les parties malades un cataplasme de fécule, et, le jour, il saupoudrait ces mêmes parties avec de la poudre de riz. Au bout d'un mois, l'amélioration était très-sensible, à tel point que notre collègue cessa le traitement, pour le reprendre au commencement de 1866, époque à laquelle il retomba dans la même situation que précédem¬ment.
Dès que l'état aigu fut apaisé, que les croûtes furent tombées et que les squames blanches vinrent les remplacer, nous ajoutâmes au traitement des badigeonnages à la teinture d'iode étendue de moitié son volume d'eau. Ces badigeonnages furent pratiqués quatre fois en deux semaines ; à l'intérieur nous avons fait prendre, à partir de la même époque, le matin, une tasse de tisane purgative (infusion de pensées sauvages et de follicules de séné) et le soir une pilule d'arséniate de soude à 1 milligramme. Les badigeonnages furent répétés trois fois par semaine, et aucun des autres moyens de trai¬tement ne fut supprimé, si ce n'est que le malade prit alternative¬ment un bain de vapeur et un bain d'amidon à huit jours de dis¬tance. Au bout de deux mois et demi, l'eczéma avait disparu : il restait un peu d'épaississement de la peau du scrotum, et une dé¬coloration assez remarquable de sa moitié gauche.
En 1868, il survint une nouvelle poussée d'eczéma, qui débuta d'emblée par du suintement bientôt accompagné de squames assez
fortes ; il se forma quelques fissures très-douloureuses sur la marge et dans les plis de l'anus. Cette complication céda bientôt à des onctions avec le glycérolé d'amidon et la glycérine pure. Le malade négligea beaucoup le traitement et se borna à employer de temps en temps la teinture d'iode. Il y eut plusieurs poussées con¬sécutives, mais elles furent peu intenses et de courte durée. Aujour¬d'hui notre collègue souffre peu de son eczéma; chaque année il est pris d'un petit suintement et d'un prurit assez fort ; sur le scrotum, apparaissent des taches blanches, sous forme de larges papules, qui sont le siège d'une vive démangeaison et sur lesquelles l'épiderme se soulève pour former une squame que le grattage fait tomber. La teinture d'iode a bientôt fait justice de ces petits accidents, qui n'apparaissent plus qu'à des intervalles très-distancés et qui ne se montreraient peut-être jama's si notre collègue consentait une bonne fois à se traiter jusqu'à complète guérison.
Voilà donc un fait longtemps observé et dans lequel on a pu voir la succession des symptômes de la maladie : érythèmes, vésicules, croûtes et squames, lichen consécutif. Le traitement mis ordinai¬rement en usage contre les manifestations dartreuses a toujours réussi dans les limites de l'exactitude que le malade a mise à l'em¬ployer.
Le second cas, dans lequel nous avons pu assister à l'évolution des trois formes que peut revêtir l'eczéma des parties génitales, a été observé par nous sur un ingénieur des ponts et chaussées. M. R..., à la suite d'un coït violent avec une femme aux sécrétions de laquelle il n'était point habitué, vit se développer sur le prépuce une série de vésicules groupées dans un espace de 1 centimètre carré. Lorsqu'il vint nous exposer ses craintes el son mal, c'était en mars 1868, nous aperçûmes une rougeur considérable dans le pli de l'aine gauche, sur la face interne de la cuisse du même côté et sur la partie correspondante du scrotum; à nos questions il répondit que cet état de choses lui était assez habituel et qu'il n'y attachait point grande importance. En examinant avec plus de soin les téguments malades nous découvrîmes quelques petites tissures et les traces évidentes d'un suintement ; à la ceinture et sous les bras existait un érythème parfaitement sec, se développant souvent en même temps que celui du pli de l'aine, mais ne donnant pas lieu comme lui au suintement dont nous avons parlé. Notre malade s'absenta pendant huit jours et passa ce temps dans des conditions qui l'empêchaient de se soigner. A son retour, nous le trouvâmes
porteur d'un eczéma bien confirmé dont la surface était celle du scrotum tout entier, du pli de l'aine gauche et d'une partie de la verge. M. R... se soumit à un traitement rigoureux, suspendit les travaux de sa profession et fut guéri au bout de six semaines.
Dans les deux observations que nous venons de rapporter, il est remarquable ;de voir que l'intertrigo s'est produit à gauche plutôt qu'à droite, c'est-à-dire dans le point où le scrotum se trouve mis au contact des téguments de la cuisse et que l'eczéma s'est déve¬loppé dans les limites mêmes de l'intertrigo : il en est ainsi dans la majorité des cas, et c'est là un argument suffisant pour établir que l'intertrigo est le premier symptôme de l'eczéma et non une entité nosologique distincte de ce dernier.
Voici le troisième fait qui vient à l'appui de notre opinion. Ma¬dame P..., âgée de 60 ans, jouit d'un embonpoint qui touche à l'obésité : très-sujet!e à l'intertrigo en maintes parties replètes de sa personne, cette dame est atteinte d'une hernie ombilicale du volume du poing. Un bandage cherche à maintenir réduite cette hernie indocile. Bien des petits engins ont été mis à contribution pour atteindre le but, mais tous ont eu des inconvénients, et, par¬tant, des insuccès.
Le bandage maintenu en haut par des bretelles, en bas par des liens passant dans le pli de l'aine, se trouvait parfaitement immobilisé, mais le frottement des divers éléments de ce harnais ne tarda pas à provoquer de l'érythème en diverses régions. À la ceinture, là où se trouvait déjà de l'intertrigo, ainsi que dans l'aine, il se développa des vésicules et un suintement très-accusé : Le bandage supprimé, l'eczéma guérit spontanément si ce n'est dans l'aine, où il s'accrut avec rapidité. Les grandes lèvres, la muqueuse vulvaire furent envahies et d'atroces démangeaisons nécessitaient de la part de la malade un grattage insensé : la volonté, la pudeur même ne pouvaient maîtriser la satisfaction de ce besoin impérieux, au sein de la société du monde le mieux élevé.
Dans ce cas, comme dans les autres, la teinture d'iode a fait les frais du traitement et amené la guérison en deux mois de temps. Nous avons prescrit en outre du traitement dont il a déjà été ques¬tion, des lotions quotidiennes avec une solution de sublimé, dans le but de calmer les démangeaisons :
Sublimé corrosif...... 2 grammes.
Eau ........... 500 —
Alcool..........Q. S. pour dissoudre le sublimé.
Le fait capital de cette observation réside dans la présence d'un intertrigo déjà ancien, sur lequel on a vu apparaître des vésicules et des squames d'eczéma dès qu'une cause mécanique a produit un degré plus considérable d'irritation.
HELMINTHOLOGIE
NOTES SUR LE T/ENIA, SES EFFETS, SON TRAITEMENT
— suite — PAR BOURNEVILLE. (Voy. le Numéro précédent, p. 63.)
Dans le dernier numéro de la Revue, nous avons rapporté une observation de taenia ayant donné lieu à des phénomènes épilepti-formes, puis nous avons mentionné, d'après MM. Davaine et Grenet, une nouvelle espèce de taenia dont la description aurait dû paraître dans son entier. Mais par erreur la fin de cette description a été laissée de côté, de sorte que, aujourd'hui, nous sommés obligé de la ter¬miner1.
Les anneaux de ce taenia sont recouverts par un tégument lisse, sans fibres et sans structure appréciable. Le tissu interne est consti¬tué par des libres irrégulières,plus ou moins épaisses et entre-croisées à angle droit. On y trouve des corpuscules calcaires peu nombreux, ayant au plus 0mm,01 de diamètre.— " Ainsi donc, dit en terminant M. Davaine, aucun taenia de l'homme, décrit jusqu'aujourd'hui, n'ap¬partient à la même espèce que le taenia de Mayotle. Parmi les ces-toïdes des animaux, le lœnia cucumerina du chien (ou le tœnia el-liptica, Batsch) offre dans sa structure quelques particularités qui le rapprochent du nôtre. Ainsi les œufs se développent dans des capsules ovariennes assez analogues à celles que nous venons de décrire; toutefois elles n'ont point cette structure singulière qui les fait res-
1 Les œufs renfermés dans le nucléus de la capsule ovarienne sont plongés dans un amas considérable de granulations élémentaires. La couche extérieure au nucléus, semi-transparente, privée d'œufs, aune structure (îbroïde. " On di¬rait les nervures de la feuille d'une plante dicolylédonée. »
sembler, jusqu'à un certain point, au cocon de la sangsue, suivant la comparaison de M. Grenet. En outre, le lœnia cucumerina possède à chaque anneau un double appareil sexuel et deux pores génitaux opposés; enfin l'œuf est d'un volume considérable relativement, et pourvu d'une véritable coque. » Et M. Davaine conclut en propo¬sant de donner à cette nouvelle espèce le nom de tœnia madagas-cariensis.
Accidents nerveux dus au taenia.. — Les faits analogues à celui que nous avons rapporté ne sont pas fréquents. M. Bouillaud dé¬clarait encore, il y a peu de temps, qu'il ne connaissait pas un seul exempleauthentique d'accidents nerveux occasionnés par la présence du tœnia1. Toutefois ces complications semblent réelles. Nous n'invo¬querons pas l'histoire de notre malade, parce que nous ignorons si, depuis l'expulsion de son helminthe, il a eu ou non des phénomènes convulsifs ; mais nous aurons recours aux auteurs. M. Delasiauve a résumé2 quelques cas que nous allons rappeler en premier lieu.
"Wepfer, dans les Éphémérides des curieux de la nature (déc. an il), fait mention de plusieurs cas de tœnia produisant des accès épi-leptiformes. L'un a trait à une petite fille de 3 ans, épileptique depuis quelques mois, souffrant constamment et se plaignant toujours. Elle rendit un ver de 3 aunes, et la guérison survint aussitôt. Dans un autre cas, il s'agit encore d'une petite fille qui, à 7 ans, devint cataleptique; à 10 ans, les accidents revêtirent la forme de l'épilepsie. Les accès se renouvelèrent alors si fréquem¬ment que la pauvre enfant tomba dans un état absolu d'idiotie... Un taenia fut expulsé et les paroxysmes cessèrent. Trois jours après, la connaissance lui revint et les facultés intellectuelles se rétabli, rent peu à peu. M. Gaube a rapporté, dans laRevue médicale (1826, t. III), l'observation d'un homme atteint d'épilepsie depuis 17 ans, et qui en fut délivré également après avoir rendu un tœnia. M. A. Ortu a publié dans l'imparziale de Florence (1863, t. III, p. 365), sous le titre : Accès épileptiformes déterminés par le tœnia ; expul¬sion par l'huile de croton, l'histoire d'une femme de 32 ans, se plaignant de douleurs abdominales, de prurit aux narines et à l'anus, qui rendait des fragments de tœnia. Une céphalagie conti¬nuelle se traduisait également parfois en contractions musculaires
' Acad. de méd., séance du 19 avril 186i. 2 Journal de médecine mentale, 1864, p. 195.
des membres supérieurs et inférieurs, avec écume à la bouche, qui duraient de vingt-cinq à trente minutes. M. A. Ortu prescrivit 5 centigrammes d'huile de croton tiglium sous forme pilulaire. De nombreux fragments de taenia furent expulsés avec les selles, et, ayant encore administré la même dose d'huile quatre jours après, un ver entier de 4 mètres fut rendu. Depuis lors, la malade n'a plus eu aucun accident, et ainsi s'est dissipée l'idée d'une épilepsie essentielle.
Nous ne ferons que signaler le cas observé par M. Jobert (de Guyonville) concernant, un enfant, né hydrocéphale, qui avait pré¬senté pendant les premiers temps de sa vie, des troubles variés du système nerveux (vertiges, crises éptileptiformes), des douleurs à la région sus-pubienne, et de fréquentes difficultés dans la miction. Un soir, cet enfant sortit et alla uriner contre la porte du jardin. Sa mère trouva un ver encore vivant qui, examiné par M. Jobert, puis par M. Ch. Robin, fut reconnu pour un tœnia solium, mais différent, à quelques égards, du taenia ordinaire. Ce fait qui eut l'honneur assez rare d'un rapport à l'Académie de médecine, par M. Ségalas, souleva de la part de MM. Rouillaud et Velpeau, des doutes assurément bien motivés '.
L'observation publiée récemment par M. E. Maurin (Sud médical, 1870, p. 69) est plus précise. Nous allons la résumer succinctement. X..., âgé de 42 ans, éprouve depuis dix-huit mois des malaises qui ont augmenté peu à peu d'intensité. C'étaient, au début, des douleurs sourdes à l'épigastre, lesquelles ont pris plus tard la forme d'une gastralgie intense avec des rémissions et des exacer-bations que rien ne pouvait expliquer. Puis, après s'être compli¬quées de vertiges, elles ont disparu, laissant à leur place un sen¬timent de vertige presque continuel, une douleur fixe à la nuque et entre les épaules, une sensation de propulsion en avant lorsque le malade est sur une route qui descend. Notons encore que X..., pendant la marche, a sous la plante des pieds la sensation d'un corps mou, qu'il a le sentiment d'une fin prochaine et des ten¬dances au suicide. La forme des membres, la force musculaire sont intactes.
On n'observe rien de particulier du côté delà respiration et de la cir¬culation, mais la nutrition a souffert ; l'embonpoint a diminué ; la langue est saburrale, et il y a des alternatives de constipation et de
1 Académie de médecine, séance du 19 avril 18b4
diarrhée. En raison des symptômes d'embarras gastrique qui exis¬taient quand il fut consulté, M. Maurin prescrivit un purgatif. 25 grammes d'huile de ricin déterminèrent plusieurs selles sans amé¬liorer l'état nerveux. Alors, on prescrivit 80 centigrammes de calomel qui produisirent de nouvelles évacuations renfermant quelques anneaux de tœnia solium. Le diagnostic d'abord embarrassant était maintenant posé ; le cortège pathologique si bizarre qu'on avait vu se dérouler était expliqué. Le kousso fut administré, un long tœnia fut rendu et tous les symptômes que nous avons enu¬meres disparurent comme par enchantement.
En terminant, l'auteur a raconté en quelques mots l'histoire d'un médecin qui ressentait, dit-il, tous les accidents d'une congestion cérébrale : céphalalgie, obstruction de l'intelligence, amnésie in¬complète, difficulté de la parole. Ce médecin, atteint de la goutte, craignait une métastase et, pour la conjurer, prit un purgatif qui expulsa quelques anneaux de tœnia. Le kousso le délivra de son hôte importun et fit disparaître tout danger.
Dans un autre cas, les accidents nerveux furent de nature para¬lytique. Un homme de couleur, âgé de 39 ans, fut pris subitement sans cause appréciable, de douleurs dans l'œil droit et dans le côté correspondant de la face et de la tête. Deux jours après, pa¬ralysie faciale du même côté ; bientôt la vue s'obscurcit dans l'œil droit ; il semblait au malade qu'un brouillard était étendu entre lui et les objets. Cette espèce d'amblyopie s'accrut et, cinq à six semaines plus tard, la vision était totalement abolie à droite. Le côté gauche fut atteint à son tour de pareils accidents, moins la paralysie de la face. Quatre mois après le début, il existait une cécité absolue. Comme X.... avait eu un chancre quatre ans aupa¬ravant, on crut à une influence syphilitique et l'on institua un traitement par l'iodure de potassium. Nul amendement. Un jour le malade raconta que, de temps en temps, depuis quatre ans il ren¬dait avec les matières fécales des morceaux blancs qui, examinés, furent reconnus pour des anneaux de ver solitaire : administration de 2 onces de semences de citrouilles mondées de leur pellicule et huit heures après, d'une dose d'huile de ricin et de térébenthine ; expulsion à la suite d'un tœnia solium de 19 pieds de long. Deux ou trois jours après, commencement de restauration de la vision dans l'œil droit, laquelle était presque complète au bout d'une semaine. Quinze jours plus tard, l'œil gauche s'améliora. A la fin du mois, l'amaurose et la douleur avaient disparu. Il ne restait
qu'un certain degré de paralysie faciale qui prit fin ultérieurement. Le malade, revu deux ans et demi après, ne présentait plus rien de ces divers symptômesl.
Les faits précédents, bien que peu nombreux, suffisent néan¬moins pour montrer combien sont variables les symptômes réflexes occasionnés par le taenia. Chez certains malades ce sont de véritables accès épileptiformes ; chez d'aulres ce sont des phénomènes de vertige, ou des accidents qui pourraient faire croire à une lésion de la moelle; chez le dernier enfin, on aurait pu supposer l'existence de productions syphilitiques du côté du cerveau. Toutefois l'étude attentive de tous ces faits montre que l'ensemble symptomatique n'était pas régulier et s'écartait plus ou moins des descriptions des maladies auxquelles on inclinait à les rattacher.
Les accidents nerveux, convulsions, paralysies, vertiges, etc., ne sont pas les seuls que produit le taenia, même en restant dans le champ des symptômes réflexes. L'observation suivante, due à M. Fauvelle (Bulletin de la Société médicale de l'Aisne, 1866, p. 88) nous paraît susceptible d'être rangée dans la même catégorie.
X..., âgée de 5 ans, d'un tempérament lymphatique, très-petite, nouée, fut atteinte d'une fièvre tierce en avril. L'enfant ne voulant rien prendre par la bouche, on lui administra du sulfate de quinine en lavement. La fièvre fut momentanément supprimée ; mais bientôt elle revint et résista à un nouveau lavement fébrifuge. De nouvelles tentatives réussirent à lui faire avaler du sulfate de quinine dans du sirop. La fièvre disparut encore, la sanlé générale s'améliora. Trois semaines après, rechute puis cessation des accès ; mais, les jours de paroxysmes, il y avait du malaise : bouche mau¬vaise, langue sale; peau sèche, teint jaunâtre ; prostration des for¬ces. M. Fauvelle prescrivit un purgatif. Quelques jours plus tard, la mère de l'enfant apprit à son médecin que, depuis trois mois, la jeune malade rendait presque quotidiennement des vers qui n'é¬taient autres que des fragments de tœnia. Une potion avec 15 grammes d'écorce de farine de grenadier fut ordonnée. Elle n'eut aucun effet, en raison de la résistance et de la répugnance de l'enfant. " M'inspirant alors, dit Fauteur, des observations de Pommer, publiées dans le Journal de Hufeland (mai 1825) repro¬duite dans les Archives de médecine (t. IX, p. 427), j'eus recours à
1 hum. de méd. et de chirurg. de Bruxelles, 1865, t. XXXVI, p. 291, d'après la Hevue de thérap, méd. chir., n° 5?
Vhuile de térébenthine en lavement. Pendant quatre jours, la petite malade prit : limaille d'étain, 0^/20; calomelas, 0sr,10; poudre de racine de fougère mâle, 0sr,30 ; incorporés dans une cuillerée de miel ; plus un lavement avec une infusion de lauaisie, 4 grammes; huile de térébenthine, 15 grammes ; éi lier sulfurique, 1 gramme. Le cinquième jour, je fis administrer 0gr,40 de jalap et autant de rhubarbe ; enfin un lavement avec la mercuriale et la mauve.
" Les lavements à la térébenthine occasionnèrent des douleurs très-vives dans l'extrémité inférieure du rectum. Les deux premiers jours, l'enfant ne rendit plus de portions de ver comme d'habitude ; mais le troisième, elle en expulsa au moins 2 mètres. Le léger purgatif du cinquième jour procura cinq selles et fit rendre encore 60 centimètres environ du tœnia, l'extrémité effilée com¬prise. Dès ce moment la fièvre intermittente cessa pour ne plus reparaître ; la gaieté revint, et à dater de cette époque, cette petite fille a joui d'une santé parfaite. »
Les accès de fièvre intermittente observés chez cette enfant s'é-laient développés sans cause appréciable, car M. Fauvelle ne les rattache pas à l'influence paludéenne. 11 se demande seulement s'il faut les attribuer au tœnia ou à la constitution médicale. Selon nous, ils étaient dus à la présence du tœnia. En effet, ils avaient résisté au sulfate de quinine et ils ont au contraire tout à fait dis¬paru sitôt que le parasite a été expulsé l.
Aux symptômes nerveux graves dont nous avons relaté des exemples, nous ajouterons les suivants qui sont plus bénins : cépha¬lalgie, bourdonnements d'oreille, étourdissements, troubles de la vue ; prurit au nez et à l'anus ; lypothymies, palpitations, modifica¬tions du caractère, tendances lypémaniaques.
Accidents produits par le taenia du côté de l'appareil digestif. — Nous nous contenterons de les énumérer parce qu'ils sont bien indiqués dans les ouvrages classiques. Ces symptômes sont : la
1 Dans cette revue des journaux, nous n'avons pas la prétention d'avoir ras¬semblé tous les cas du même genre. — M. Davaine, dans son beau livre intitulé Traité des entozoaires et des maladies vcrmincuses (1859), en a réuni un cer¬tain nombre. Nous rappellerons les suivants, relevés par M. Brown-Séquard [Le¬çons sur le diagnostic et le traitement des principales formes de paralysie des membres inférieurs, 2e édit., 1865, p. 83). Pétrequin cite un cas d'amaurose im¬médiatement guéri après l'expulsion d'un tscnia. Dans le journal l'Expérience (vol. VI, p. 47, 1840) on trouve l'observation d'une femme qui, pendant trois mois/fut paralysée des deux membres supérieurs et qui fut guérie aussitôt après l'expulsion d'un tsenia.
salivation, des perversions de l'appétit, quelquefois, mais assez ra¬rement insatiable, et plus souvent diminué, des douleurs épigas-triques ou abdominales (coliques, sensation de morsure, de piqûre, etc.), des vomissements et du ballonnement du ventre mais exceptionnellement ; enfin, dans quelques cas des alternatives de diarrhée et de constipation.
Traitement. — Un grand nombre de remèdes ont été préconisés contre le tœnia. Tels sont les vomitifs, les purgatifs (jalap, aloès, huile de ricin, huile de croton tiglium, etc.); les mercuriaux (calo-mel à l'intérieur, frictions mercurielles) ; la racine de fongèremâle, de fougère femelle, (Herrenschvvand) ; la racine de grenadier, Yétain, Yéther sulfurique, le kousso, la semence de courge, la ciguë, médicament dangereux, la potion de Darbon (remède secret), Y huile de térébenthine, etc. Souvent, aussi on associe ensemble plusieurs de ces médicaments. Nous ne parlerons ici que des médicaments qui ont été employés dans ces derniers temps.
Racine de grenadier. — M. Colin a insisté il y a quelques années sur l'emploi de la racine de grenadier (Gazette hebdomadaire, 1862, p. 120). Il a administré celte substance à deux malades, suivant la formule de Bourgeois :
Eau.................... 750 grammes.
Écorce de racine de grenadier....... 64 —
Laissez-macérer douze heures ; puis réduire par décoction, à 500 grammes, et faire prendre à jeun en trois fois à un quart d'heure d'intervalle.
Dans ces deux cas, le médicament réussit parfaitement ; le tœnia fut rejeté au bout de trois heures. Chez le premier malade le peloton rubanaire mesurait dix mètres, chez le second quatorze mètres1. MM. Gomez, Gallard, etc. (Journal de médecine et de chi¬rurgie pratiques, 1867, p. 510), procèdent ainsi qu'il suit :
Écorce sèche de racine de grenadier..... 60 grammes.
Eau commune froide............ 500 —
Faites macérer pendant douze à quinze heures; puis réduisez à moitié par décoction de deux à trois heures. Prendre le tout en deux fois, le matin à jeun. Le lendemain purgatif huileux.
1 Naguère la Gaz. hebdom. a rapporté trois autres cas de tœnia traités heu¬reusement par la môme méthode (t. I, p. 383 et t. III, p. 56, I,e série).
— La suite au prochain numéro, —
BIBLIOGRAPHIE
De l'aphasie syphilitique, parle Dr Benjamin Tarjjowskï (de Saint-Pétersbourg). Broch. in-8" de 152 pages. — Ad. Delahaye, libraire-éditeur.
Autant les faits que l'on range maintenant sous le nom spécial d'aphasie ont été confondus par les médecins anciens, soit avec les altérations de la voix et delà parole dues à une lésion des organes de la phonation, soit avec les troubles de l'intelligence et surtout avec ceux de la mémoire, autant les médecins et les physiologistes modernes essayent aujourd'hui de préciser les symptômes qui se manifestent chez un aphasique, de remonter à leur cause pre¬mière et de les expliquer par des théories plus ou moins ingé¬nieuses.
Le but de notre auteur n'est point de créer ici une nouvelle théorie ; cependant il n'a pu résister à la tentation de grouper les opinions les plus saillantes sur la nature de ce symptôme si remar¬quable, en tâchant d'y appliquer ensuite les données exactes, mais malheureusement trop peu nombreuses que nous offre la phy¬siologie. Comme cette première partie n'a rien de bien particu¬lièrement intéressant, nos lecteurs ne nous en voudrons pas de la passer sous silence pour arriver immédiatement à certaines for¬mes rares que peut présenter celte affection : nous voulons parler de l'aphasie provenant de lésions syphilitiques du cerveau.
Trois cas observés minutieusement servent de base à ce travail, et la série des symptômes permit de diagnostiquer (en procédant par système d'exclusion), durant la vie des malades, une altération cérébrale d'origine syphilitique.
Ces observations sont décrites avec beaucoup de soin, et dans toutes les dérangements fonctionnels du cerveau étaient accom¬pagnés d'accidents manifestes d'une syphilis invétérée. Dans la première observation, des tumeurs et des exostoses ; dans la deuxième, des tumeurs gommeuses et une cicatrice d'une couleur spécifique ; dans la troisième, un ecthyma, de nature non douteuse, tous ces symptômes concomitants autorisent d'affirmer la nature de l'altération. 11 est évident que ces malades avaient la syphilis à
la période dite des formations gommeuses, période dans laquelle les organes internes sont fréquemment affectés.
Les signes anamnestiques rapportés dans ces trois observations démontrent la succession, la filiation des phénomènes syphilitiques. D'abord des ulcères primitifs (deuxième et troisième observation), puis toutes les formes de la syphilis tertiaire : tumeurs gommeu¬ses, exostoses, syphilides profondes. D'un autre côté, l'examen at¬tentif a prouvé que les malades n'étaient atteints d'aucune diathèse, cancéreuse ou autre ; enfin, grâce à un traitement actif mixte (iode et mercure), l'activité intellectuelle des malades se rétablit, et l'aphasie, de même que les phénomènes paralytiques, dis¬parut.
L'auteur ne s'est pas borné à cette simple constatation, que, dans les cas précédents, l'affection cérébrale avait une origine syphili¬tique, et que l'aphasie s'était développée à la suite de la même cause. On pourrait, il est vrai, lui objecter qu'il n'y a pas eu d'au¬topsie et que par suite il ne peut guère discuter sur l'existence d'une affection syphilitique du cerveau. Cependant avouons que, ans les circonstances présentes', les signes anamnestiques, les symptômes concomitants, enfin et surtout le traitement, donnent un grand appui au diagnostic.
Pourquoi donc M. Tarnowski a-t-il ensuite tant insisté sur les diverses formes de l'aphasie? Nous n'ignorons pas que l'apha¬sie varie singulièrement selon les causes ou les affections qui lui donnent naissance ; mais est-il nécessaire d'entrer dans le détail minutieux de toutes les variétés de troubles de la parole que peuvent présenter les aphasiques? Quoi qu'il en soit, l'auteur a recherché tous les cas d'aphasie syphilitique, et les a rangés dans diverses catégories que nous allons exposer sommairement.
La première catégorie contient les cas où il y a tout lieu d'ad¬mettre que la perte de la parole dépendait de l'altération des conducteurs qui transmettent les excitations motrices volontaires aux centres coordinateurs. (Une observation personnelle et dix autres, empruntées à MM. Bouchard, Lépine, Trousseau, Hughings, Jackson, Lancereaux, Minich, Munck, Gior, Dumolel, Bussel, Leared, paraissent appuyer cette manière de voir.)
La seconde catégorie se compose d'observations où l'aphasie était vraisemblablement produite par la perte de la mémoire des mots. (Une observation personnelle et quatorze empruntées à l.adreit de
Lacharrière, Sehutzemberger, Vinogradoff, Follin, Bousse, Kub, Lancereaux, Zambaco, Melchior-Boberl, etc.)
La troisième catégorie comprend les exemples où la perte totale de la parole, ainsi qu'une grande difficulté dans la prononciation des sons articulés, se manifestaient sous forme d'accès qui se dis¬sipaient rapidement. (Là, nous trouvons quatre observations, dues à John Isbell, Worms, Tungel et Fischer.)
La quatrième catégorie contient différents cas de perte de la parole ou de difficultés dans la prononciation des sons articulés, accompagnés d'une déglutition pénible. (Huit observations : Leiden, Passavent, Zimsen, Ebrard , Goadwin, B. Boll, Reynaud, Four-nier.)
Enfin, la cinquième catégorie comprend tous les cas qui, vu l'in¬suffisance des données, ne peuvent être rapportés avec certitude à l'une des formes d'aphasie sus-mentionnées.
Avons-nous, dans cette classification, un exposé détaillé et com¬plet de toutes les formes d'aphasie qui peuvent accompagner la syphilis cérébrale?Non. — Et d'ailleurs, peut-on réaliser mainte¬nant rien de semblable ? D'un côté, nous ne possédons pas encore assez de données positives sur la physiologie du mécanisme de la parole ; d'un autre côté, les observations pathologiques exactes et précises nous font encore défaut. Mais si l'auteur a dû, en cette circonstance, être nécessairement incomplet, nous devons cependant lui savoir très-grand gré d'avoir exposé avec soin ses observations, ainsi que celles de beaucoup d'auteurs sur le même sujet, et d'a¬voir, par là, attiré l'attention sur ces formes rares dues aux affec¬tions syphilitiques du cerveau, et " d'avoir, comme il le dit lui-même en terminant, présenté à ses confrères un premier chapitre à l'étude de l'aphasie syphilitique. »
G. Peltier.
( Nota. — Le Mémoire de M. Th. Anger sur le Monstre double monocéphalicn, répondant aux planches XI et Xll paraîtra dans le prochain numéro.
Le Gérant : a. de montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
MONSTRE DOUBLE MONOCÉPHALIEN
FACE ANTÉRIEURE
REVU E P H 0 T 0 G R A P111Q l) E
DIS HOPITAUX
MONSTRE DOUBLE MONOCÉPH A LIEN
FACE POSTÉ Ii I E U R E
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
TÉRATOLOGIE
MONSTRE DOUBLE MONOCÉPHALIEN
M. le Dr Th. Anger, prosecteur de l'amphithéâtre d'anatomie des hôpitaux, a bien voulu nous communiquer le monstre représenté par les planches XI et XII. — Né à terme, ce double fœtus mâle présen¬tait les caractères extérieurs que nous allons énumérer : les deux corps, réunis ventre à ventre, étaient indépendants à partir de l'an¬neau ombilical; le cordon était situé à la partie inférieure et au centre de l'abdomen commun. Les membres, parfaitement, confor¬més, étaient d'une dimension égale chez l'un et l'autre individu.
La partie cervicale était le siège de singulières anomalies : une seule tête surmontait ces deux corps ; la face était tournée sur une des parties latérales et offrait un bec-de-lièvre double avec division de la voûte palatine. Une oreille bien conformée occupait chacun des côtés du visage, et l'occiput portait, dans sa partie moyenne, deux autres oreilles juxtaposées et quelque peu déformées. — Le crâne était anencéphale. — Les planches photographiques donnent une idée assez complète de la configuration de ce monstre pour qu'il ne soit pas nécessaire de décrire plus longuement son aspect extérieur. M. Anger procède, en ce moment, à une dissection minutieuse du sujet, et nous détaillerons prochainement les curiosités de ce monstre dont nous ne trouvons point l'analogue dans les ouvrages sur la tératologie. La description du système circulatoire et celle du tube digestif seront du plus grand intérêt, à en juger par ce que nous avons déjà vu de ces appareils.
2e année. 4
MÉDECINE
RHUMATISME CHRONIQUE; DIFFORMITÉS CONSIDÉRABLES
OBSERVATION RECUEILLIE A L'HOSPICE DE BICÊTRE (SERVICE DE M. BLACHEz), PAR M. SUEUR, INTERNE PROVISOIRE DES HOPITAUX.
Guinard... (Jean), âgé de 30 ans, aveugle depuis quatre ans, est couché au n° 2 delà salle Sainte-Foy. Ce malade, dont la jambe est figurée dans la planche XIII, occupe depuis cinq ans le môme lit. Il est atteint de rhumatisme chronique. Dans sa famille il ne pa¬raît pas y avoir de rhumatisants. Il a été assez bien nourri dans son enfance, et a joui d'une bonne santé. Le froid et l'humidité ne sem¬blent avoir joué, chez lui, qu'un rôle secondaire.
Il a commencé à dix ans l'apprentissage de la serrurerie. A seize il a eu une hydarthrose du genou gauche, guérie au bout de sept mois par une ponction et une injection iodée. Après quatre ou cinq ans, le même accident est survenu au genou droit, qui fut traité par le cautère et la compression ; de plus, le gauche se prit de nouveau. Le malade traîna longtemps, fit une double [cure à Aix-les-Bains, en revint plus impotent qu'au départ, avec des douleurs dans les arti¬culations des membres supérieurs ; ses genoux étaient énormes ; les jambes s'atrophiaient ; alors il chercha à entrer à Bicêtre, où il fut admis en mars 1865.
Comme il s'ankylosait dans une attitude vicieuse, qu'il avait au sacrum des eschares profondes, on rompit ses ankyloses et on le mit dans une grande gouttière articulée de Bonnet d'où il n'a pas bougé depuis le mois de novembre 1867. Aujourd'hui il fait corps avec son appareil, ne peut remuer aucun membre, est complète¬ment ankylosé ; la cuisse est en demi-flexion sur le bassin, la jambe en demi-flexion sur la cuisse ; le bras gauche est supporté par des coussins et le droit est passé dans une sorte de bracelet qui le tient suspendu.
La mâchoire ne peut que s'entrouvrir légèrement ; les doigts n'of* frent pas les nodosités habituelles, mais sont immobilisés par des brides fibreuses. Ce qu'ils présentent de plus remarquable, c'est une hypertrophie considérable des ongles. La cuisse est grêle, le genou très-petit, la racine de la jambe atrophiée. A partir de ce point le membre inférieur va progressivement en grossissant, de
R E VUE PHOTOGRAPHIQ UE
DES HOPITAUX
ŒDÈME DE LA JAMBE
SUITE D'UNE LONGUE I M MO 1) I L 1 S A T I ON
sorte qu'il atteint, au pied, un volume monstrueux plus frappant encore à cause de l'atrophie de la partie supérieure. Les orteils sont méconnaissables. Sur le pied la peau est fine et blanche, mais mas¬quée en grande partie par des croules grisâtres el épaisses.
Voilà à quelle existence végétative se trouve réduit cet homme, âgé seulement de 50 ans : aussi devons-nous nous demander de quel profit lui a élé cet appareil qu'il n'a pas quitté depuis près de trois ans. Il y tient surtout à cause de la sécurité que lui procure cette immobilité absolue qui a supprimé, en partie, ses douleurs. A côté de cet avantage, nous voyons qu'on ne peut aujourd'hui lui faire faire un seul mouvement, qu'il est impossible de le mettre à l'air, de le baigner, que la compression des vaisseaux poplités aug¬mente sans cesse cette tuméfaction monstrueuse des pieds et de la partie inférieure delà jambe; aussi croyons-nous que, devant ce ré¬sultat, on doit, dans des cas pareils, pour ne pas engager l'avenir, donner la préférence aux matelas d'eau et aux lits mécaniques.
CHIRURGIE
SYNOVITE CHRONIQUE
OBSERVATION RECUEILLIE PAR M. BEAU, EXTERNE DU SERVICE DE M. TILLADX, CHIRURGIEN DE l'hÔPITAL SAINT-ANTOINE1.
Le nommé Chanut (Alexis), 27 ans, maréchal-ferrant, est entré le 25 février à l'hôpital et est sorti le 17 avril. Cet homme est vi¬goureusement constitué. Pas de diathèse scrofuleuse ou rhumatis¬male, pas de syphilis. 11 n'a jamais fait de maladie, sauf une blen-norrhagie qui dura environ deux mois et dont la guérison fut spon¬tanée.
Il a eu, il y a trois ans, à la paume de la main gauche et sur le bord interne, un durillon forcé, qui fut accompagné de gonflement, de douleurs et de battements, comme si un abcès eût voulu s'ou¬vrir. Le malade est obligé de cesser tout travail et d'entrer à l'hô¬pital, où, à la suite de cataplasmes et de frictions avec une pom¬made à l'iodure de potassium, un abcès ne tarda pas à se former et à s'ouvrir spontanément, donnant issue à du pus qui s'écoula par
1 Nous publions en même temps un extrait d'une leçon clinique laite par 1, Tillaux sur ce malade.
une sorle de pcrtuis qui existe encore à la partie supérieure de la paume de la main. Au bout de deux mois cet orifice se ferma.
Le malade se croyait guéri quand, àun an d'intervalle, apparut un gonflement indolent s'élendant depuis le talon de la main jusqu'à 3 centimètres environ au-dessus du pli supérieur du poignet. Pen¬dant cinq ou six mois il porta sur cette région une tumeur qui ne s'accompagna ni de fièvre, ni de douleur, ni d'élancements et qu'un chirurgien ouvrit par une incision dont la cicatrice est visible à la face antérieure de l'avant-bras et à la partie inférieure de cette face. Le bistouri donna issue à deux cuillerées à bouche d'un liquide jaunâtre, mêlé de sang et contenant de petits grumeaux blan¬châtres.
Par cette ouverture et pendant deuxmois, il s'écoula une liqueur transparente, citrine, ayant au dire du malade le même aspect que celle qui suinte actuellement par le trou qui existe à la partie su¬périeure de la paume de la main. Sur ces entrefaites, le malade, ennuyé de la longueur de la cicatrisation et incapable d'ailleurs de se livrer à ses travaux habituels avec toute la sûreté de main qu'ils exigent, se décida à se présenter à notre consultation et à entrer dans nos salles.
En résumé, lésion ayant débuté avec lenteur et suivi une marche insidieuse, provoquée par un durillon de la paume de la main, ac¬compagné d'abord d'empâtement indolent, de gêne dans les mou¬vements, puis de gonflement, limité en premier lieu à la paume de la main, sans doute à cause de la résistance du ligament annulaire antérieur du carpe, s'étendant ensuite au poignet en suivant la di¬rection des tendons fléchisseurs des doigts, enfin ulcération de la paume de la main donnant issue à un liquide d'une nature caracté¬ristique, c'est bien là la marche d'une inflammation des gaines sy¬noviales tendineuses.
Aujourd'hui à l'examen de la main malade, ce qui frappe au pre¬mier abord c'est en quelque sorte une monstruosité anatomique. En effet, à l'état normal, l'èminence thénar l'emporte par son vo¬lume sur l'èminence hypothénar. Ici c'est le contraire, l'èminence hypothénar forme un relief plus considérable que celui de l'èmi¬nence thénar.
Ce relief semble rigoureusement circonscrit dans les limites qu'occupe la gaine synoviale interne ou gaine commune des ten¬dons fléchisseurs des doigts.
La peau est à ce niveau épaissie, résistante, peu souple.
Si l'on applique le doigt sur cette tumeur on voit qu'au lieu d'ê¬tre dure et élastique elle est molle et fluctuante, on n'y perçoit ni mouvement d'expansion, ni battements, ni crépitation, et, si l'on presse sur la masse, on ne diminue pas son volume. On ne sent au¬cune mobilité ni dans le sens transversal, ni dans le sens longitu¬dinal.
Au sommet du pli palmaire supérieur existe l'ouverture d'un trajet fistuleux. Si l'on y introduit un stylet ordinaire de trousse en le poussant de haut en bas, on peut le faire parvenir jusqu'au pli palmaire inférieur. Dirigé de bas en haut, le stylet pénètre jus¬qu'à la cicatrice qui occupe la face antérieure du poignet. La main qui le guide dans cette exploration n'a aucune sensation du contact de l'instrument avec les os sous-jacents ; l'inflammation semble ne point s'y être étendue.
Par l'orifice, quand l'on exerce une pression continue sur la tu¬meur, il s'écoule un liquide visqueux, blanc jaunâtre, contenant des grumeaux fibrineux. Après chaque exploration avec le stylet, ap¬paraît un léger écoulement sanguin dû à la déchirure de petits vaisseaux.
Celle tumeur n'offre que fort rarement delà douleur. Celle-ci, quand elle existe, est provoquée par les chocs, par la pression, par l'exploration avec le stylet et surtout par des mouvements un peu étendus imprimés aux doigts.
Les doigts considérés chacun en particulier ont tous leurs mouve¬ments intacts. Si le malade ne peut les rapprocher exactement de la face palmaire, cette gêne est due au gonflement des parties mol¬les de la paume.
Il n'y a pas de diminution dans la sensibilité, pas d'atrophie clans le membre malade. Toutefois il y a delà pesanteur, de la roideur, un engourdissement continu. Le malade fait de lui-même observer que les mouvements qu'il imprime à son bras gauche dans l'exer¬cice de sa profession, surtout dans l'action de battre le fer avec le marteau, ont perdu de leur précision habituelle.
Si l'on jette un coup d'œil d'ensemble sur ces phénomènes mor¬bides, si surtout on les envisage au point de vue de leur marche, on voit qu'ils se rapportent parfaitement à ceux décrits par les auteurs dans les inflammations chroniques des gaines synoviales tendineu¬ses. Notre diagnostic sera donc le suivant : Inflammation chronique limitée à la gaîne synoviale interne de la main ou gaine commune des tendons fléchisseurs des doigts. Nous ferons remarquer que
nous ne disons point ici synovite fongueuse, soit à cause du peu d'empâtement de latumeur, soit à cause du peu de gênedans les mou¬vements et de la non-extension de l'inflammation aux parties sous-jacentes, soit et surtout à cause de l'état de la peau, qui dans les synovites fongueuses est luisante, violacée, amincie et présente des ulcérations à travers lesquelles surgissent comme des champignons d'un rouge vif et parsemés de points blanchâtres. Nous sommes toutefois autorisés à affirmer que, si tout traitement était différé, il y aurait chance pour voir survenir l'état fongueux1.
Voilà pour la nature de l'affection; indiquons maintenant quel en est le siège précis.
M. Tillaux avait fait préparer dans ce but, au laboratoire de Cla-mart, par M. Leriche, externe des hôpitaux, une main gauche sur laquelle avaient été injectées les bourses synoviales des tendons flé¬chisseurs de la paume de la main. C'est cette pièce qui est annexée à cette observation et que M. de Montméja a fait photographier.
M. Tillaux est entré dans des détails anatomiques assez étendus relativement à ces gaines. On peut les résumer en disant qu'à la paume de la main il existe deux gaines synoviales: l'une externe, plus petite, qui accompagne le tendon du long fléchisseur du pouce; l'autre interne, beaucoup plus volumineuse, située au-dessous des fléchisseurs des doigts. Ces deux bourses ne communiquent que rarement entre elles. La bourse interne ou cubitale est beaucoup plus grande, beaucoup plus étendue que la bourse externe ou ra¬diale : elle remonte à 5 centimètres au-dessus du ligament annu¬laire du carpe et descend dans la paume de la main jusqu'au ni¬veau du pli moyen. Elle est limitée, en dehors et en dedans, parles cloisons aponévrotiques qui forment les loges musculaires thénar et hypothénar. Rétrécie à son passage sur le ligament annulaire, elle a la forme d'un sablier dont le renflement inférieur surpasse en volume le renflement supérieur. Cette gaine interne est donc complètement indépendante de la gaine du pouce ; elle l'est égale¬ment de la synoviale des autres doigts, sauf de celle de l'auricu¬laire, qui parfois, mais non toujours, se continue avec elle.
Duis le cas clinique qui nous occupe, c'est à une inflammation chronique de la gaine interne que nous avions affaire8. Les cinq
1 C'est ains t qu'au genou, par exemple, on observe des hydarthroses spon¬tanées susceptibles de se transformer en synovite fongueuse lorsqu'elles sont négligemment traitées. L'affection qui nous occupe pourrait en effet être appelée hydartlirose de la gaine synoviale interne.
2 Ce que démontrait, du reste, avec la plus grande évidence le rapprochement
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche XIV.
SYNOVIALES DE LA MAIN
INJECTÉES
doigts ne participaient en rien à la maladie.
En terminant sa clinique, M. Tillaux fait remarquer qu'il est as¬sez fréquent, dans les services d'hôpitaux, d'observer des inflamma¬tions aiguës des gaines des fléchisseurs, il est très-rare au contraire de rencontrer une inflammation chronique d'emblée.
Le traitement a dû consister, comme toutes les fois qu'il s'agit de membranes séreuses, à modifier la surface interne de la poche. Pour faire pénétrer plus facilement les injections irritantes, M. Til¬laux commença par dilater l'orifice fistuleux à l'aide d'une tige de laminaria digitata, mais la présence de ce corps étranger fut mal supportée par le malade et on ne put obtenir le résultat désiré. On fit néanmoins des injections alcoolisées pendant plusieurs jours et il ne tarda pas à survenir une inflammation assez vive pour né¬cessiter l'emploi de cataplasmes émollients, seul traitement suivi jusqu'au départ du malade pour l'asile de Yincennes, à part une ponction avec le bistouri qui fut pratiquée à l'extrémité inférieure de la gaine.
A la sortie, on constata que la déformation de la paume de la main avait disparu, que les trajets fistuleux étaient oblitérés ; le mouvement d'opposition du pouce, impossible au début, pouvait se faire avec tous les doigts sauf avec l'auriculaire. La pression exercée par la main du malade était plus énergique et les douleurs avaient disparu.
La guérison cependant n'était pas complète, en ce sens que si la gaine synoviale avait cessé d'être distendue par du liquide, les ten¬dons fléchisseurs éprouvaient encore une certaine difficulté à rap¬procher les doigts de la paume de la main.
LÉGENDE EXPLICATIVE DE LA PHOTOGRAPHIE (Pl. XIV).
A Fléchisseur profond commun des doigts.
B Fléchisseur superficiel des doigts.
G Tendon du cubital antérieur.
D Tendon du palmaire grêle écarté.
E Tendon du long fléchisseur du pouce.
F Tendon du long abducteur du pouce.
G Nerf cubital.
H Nerf médian.
I Artère cubitale.
3 Artère radiale.
M Game interne ou des fléchisseurs.
N Gaîne externe ou du fléchisseur propre du pouce.
de la main injectée avec la main du malade : la déformation était absolument la même de part et d'autre.
SYPHILIOGRAPHIE
DE LA SYPHILIDE CROUTEUSE EN COQUILLAGES
par bourneyillk
Observation. —Scrofules dans l'enfance. — Double varioloïde. — Syphilis.— Syphilide croûteuse en coquillages : caractères, distribu¬tion, marche. — Érysipèle delà face.
Krusk... (Frédérique), âgée de 23 ans, couturière, est entrée le 16 décembre 1869 à l'hôpital Saint-Louis, salle Saint-Jean, n° 54 (service de M. Hardy). Cette femme, blonde, à tempérament lympha¬tique, a eu dans son enfance une ophthalmie chronique (4 ans) qui, à un moment, aurait gravement compromis la vision. Elle aurait eu encore la rougeole et une varioloïde qui a laissé des cicatrices; elle avait été vaccinée. Réglée facilement à 15 ans, les menstrues auraient été régulières jusqu'en juillet 1869; depuis lors, jusqu'à ce jour, elles ont présenté des irrégularités. Elle est venue à Paris en 1867; à part des accès de céphalalgie, sa santé a été bonne jusqu'au mois de septembre dernier, époque où elle a eu une varioloïde confluente pour laquelle elle est entrée à l'hôpital Saint-Antoine (service de M. Mesnet) ; elle y est restée sept semaines.
Pendant la convalescence de sa fièvre éruptive, est survenue sur les bras une nouvelle éruption composée de taches d'un rouge foncé et recouvertes de squames. Avant son admission à l'hôpital Saint-Antoine elle avait une céphalalgie très-intense mais qui pouvait tenir à la varioloïde autant qu'à la syphilis, car la malade, d'ailleurs peu intelligente, n'indique pas au début de ce symptôme une date précise. Peu après sa sortie, c'est-à-dire dans le mois de novembre, elle a éprouvé des douleurs céphaliques, non plus temporaires comme autrefois, mais continues. En même temps que l'éruption cutanée faisait des progrès, il s'est développé une iritis à gauche. C'est à ce moment que la malade s'est décidée à venir à Saint-Louis.
État actuel (16 décembre). Céphalée persistante. Alopécie depuis huit semaines; iritis à gauche. Adénites au cou, à la région mas¬toïdienne gauche, aux aines. Pas d'angine; œdème des grandes lè¬vres ; plaques muqueuses assez nombreuses à la vulve, que la malade n'aurait découvertes qu'après sa varioloïde. Existaient-elles aupara¬
vant? Cela nous parait très-probable; cette femme est peu soi¬gneuse de sa personne et ne les aura pas découvertes.
L'éruption se compose, en premier lieu, de croûtes ayant une couleur jaune sale, un peu verdâtre, constituées par des squames imbriquées les unes sur les autres, de forme conique, contournées sur elles-mêmes à l'instar de petits coquillages. Elles sont sèches à la périphérie, légèrement humides à leur base; elles mesurent 1, 2 et même 3 centimètres de diamètre et 5 à 10 millimètres de hauteur. Lorsqu'on détache l'une de ces croûtes, opération qui s'effectue avec assez de facilité et sans douleur, on voit qu'elle est creuse, ce qui rend encore plus frappante la ressemblance avec un coquillage. La portion de peau ainsi mise à nu est légèrement sail¬lante, dénudée d'épiderme, d'aspect velouté : on dirait que les pa¬pilles, hypertrophiées, pointent au dehors semblables àdeshouppes. Cette éruption ne produit aucun phénomène subjectif.
En second lieu, on trouve çà et là, entre les croûtes, des papules d'un rouge cuivré, recouvertes de squames (éruption papulo-squa-meusé) qui semblent être le premier degré de Y éruption croûteuse en coquillages.
L'éruption occupe, par ordre de confluence, les régions suivantes : la face (front, nez, paupières gauches, lèvre supérieure, menton, joue gauche) ; le cou où existent de larges croûtes ; la poitrine, surtout en arrière; le ventre; les membres supérieurs, en particulier les avant-bras; les cuisses ; enfin les jambes où les croûtes sont très-ra¬res. — Traitement : 2 pil. de Sédillot ; collyre avec sulfate d'atro¬pine 0gI',10, eau 10 grammes ; tisane de houblon ; bains simples.
31 décembre. Les croûtes ont un peu augmenté d'épaisseur et sont plus nombreuses, principalement sur les bras, où leur forme en coquillages est aussineltequepossible,etsur les paupières gauches qu'elles cachent en grande partie et dont elles gênent les mouve¬ments. On remarque un peu d'humidité sous quelques croûtes et plus spécialement sous celles de la face et du cou. K,.. se plaint de souffrir après le bain, au niveau des croûtes. M.Hardy les supprime parce que, dit-il, ils ne sont pas toujours très-avantageux dans les syphilides qui s'accompagnent d'humidité. Le reste du traitement ut supra.
21 janvier 1870 *. Céphalée moins prononcée; surdité incomplète des deux côtés; blépharite assez intense à gauche, surtout à la pau-
1 Nous avons pu continuer cette observation en 1870 grâce à l'obligeance de M. Campenon, interne du service; nous l'en remercions vivement.
pièrc inférieure ; injection légère et diffuse de la conjonctive ocu¬laire correspondante ; iris encore un peu plus terne que l'autre, photophobie presque nulle. Même état des ganglions. Pas d'angine. L'éruption est toujours très-abondante. La face est pour ainsi dire dissimulée par les croûtes ; quelques-unes d'entre elles ont une couleur blanche, brillante, rappelant l'aspect des plaques de psoriasis. La lèvre supérieure, où les croûtes sont tombées, a une coloration rouge de cuivre. La distribution des croûtes, leur forme, n'ont pas subi de modifications bien remarquables sur le thorax, le ventre, les fesses, etc. Toutefois, il y en a de nouvelles aux aines, sur les grandes lèvres. — La couleur des croûtes n'a pas changé ; elle diffère assez notablement des croûtes verdâtres, sales, des sy-philides pustulo-crustacées (accident tertiaire). Même traitement ; vin de quinquina.
11 février. Les croûtes augmentent encore à la face, au cou, vers les oreilles, dans le cuir chevelu. Quelques-unes des croûtes des bras et du ventre sont tombées, laissant à leur place une macule brunâtre. L'œil gauche va mieux. — Ni céphalée, ni angine, ni plaques muqueuses à la vulve. Les petites lèvres sont médiocrement œdématiées. Écoulement leucorrhéique abondant, depuis sa vario¬loïde, épais, sans douleurs dans la miction. — Mange peu ; dort mal. — Même traitement. (Voir pl. XV.) — La fin au prochain numéro. —
MÉCANIQUE
OPHTHALMOSCOPE FIXE
PAR A. DE MONTMÉJA
Si les ophthalmoscopes fixes sont d'un usage peu répandu, il faut en attribuer la cause à la complication et à la cherté de ces instru¬ments.
Dans la plupart des cas, l'examen avec l'ophthalmoscope simple, suffit pour établir le diagnostic d'une maladie du fond de l'œil, mais s'agit-il de donner une grande précision à cet examen, s'agit-il de voir des détails importants, de dessiner une lésion ou de la montrer à plusieurs personnes, il faut nécessairement recourir à l'ophthal¬moscope fixe. Ce dernier a pour but d'éviter les oscillations du sujet
observé et celles de l'instrument lui-môme, tout en permettant à l'observateur d'explorer les diverses régions du fond de l'œil et de l'arrêter sur celles qui peuvent offrir un intérêt particulier.
L'ophthalmoscope fixe de Follin remplit toutes ces indications, mais il est d'un maniement difficile et son installation demande une grande habitude de la part de l'observateur. Son prix élevé en fait pour ainsi dire un instrument de luxe.
C'est pour obvier à toutes ces difficultés, pour parer à tous ces inconvénients, que nous avons songé à établir nous-même un mo¬dèle d'opbthalmoscope fixe qui pût réaliser tous les avantages de celui de Follin sans être encombré de pièces mécaniques. Cet in¬strument se compose de trois éléments principaux qui sont : l'oph¬thalmoscope proprement dit, l'appareil qui a pour but de rendre immobile l'œil du sujet, et enfin le pied qui supporte ces deux pre¬miers systèmes.
L'ophthalmoscope est monté sur un bras de levier horizontal qui porte à une de ses extrémités le miroir M et à l'autre extrémité la lentille L. Ce bras de levier est susceptible de s'allonger ou de se raccourcir, étant formé lui-même de deux tubes A et C qui rentrent l'un dans l'autre à frottement très-doux. Le miroir M possède des mouvements d'oscillation qui ont pour effet de réfléchir exactement la lumière tur la lentille, quels que soient d'ailleurs l'écartement, la distance et la hauteur de la flamme dont on fait usage. La pre¬mière oscillation est horizontale et se fait autour de l'axe J ; l'autre se produit autour d'un axe B, dont la position varie suivant que le bouton B occupe un des points de la rainure que représente le dessin dans la demi-circonférence du miroir : l'ensemble de cette dispo¬sition est analogue à une suspension à la Cardan. — La lentille L, enchâssée dans une lyre, ce qui permet des changements de verre, est portée par l'extrémité d'un chariot I, lequel glisse facilement le long du levier AC ; cette lentille s'éloigne ou se rapproche de l'œil observé au moyen du bouton F qui tient au chariot. Ce même bou¬ton commande une tige HH' qui s'articule, d'une part, avec un petit levier placé à la base de la lentille, d'autre part, avec un levier sem¬blable porté par la tige du bouton F; on a ainsi un parallélogramme dont le but est d'imprimer des mouvements d'oscillation à la len¬tille, de manière à déplacer les reflets nombreux qui nuisent aux observations ophthalmoscopiques. Une virole V porte une tige mé¬tallique très-malléable surmontée d'un point de mireN. L'ensemble du levier AC peut se déplacer verticalement autour de l'articula¬
tion E, et horizontalement autour de l'axe K. On peut explorer, de cette façon, tous les points du fond de l'œil sans déplacer ce der¬nier. L'appareil qui a pour but de rendre immobile l'œil du sujet se compose d'un cylindre en buffle 0 dont une des extrémités est taillée suivant un bourrelet oblique de manière à recevoir l'œil du
patient et à donner un point d'appui solide au pourtour de l'orbite. Cette pièce est reçue, à vis, dans un collier 0' qui lui permet de tourner à droite ou à gauche, selon que l'on veut observer l'œil droit ou l'œil gauche du sujet. Le support triangulaire R est soli¬dement fixé après le pied de l'appareil. Ce pied se compose à son tour d'une tige T terminée supérieurement par un cylindre T'. Ce cylindre en emboîte un autre qui porte le levier ophthalmoscopi-que AC et sur lequel on a entaillé une crémaillère à dents circu¬laires. La crémaillère, commandée par le pignon D, élève ou abaisse l'ophthalmoscope,par rapport à l'œil observé, sans modifier la situa¬
tion de ce dernier ; c'est grâce à la disposition circulaire des dents de la crémaillère qu'il est possible de faire tourner le levier AC autour de l'axe K. La tige T est fixée à une table au moyen d'une presse P à vis de pression S. On donne à la tige la hauteur qui con¬vient au cas échéant et on l'arrête dans cette position au moyen de la vis de pression S'.
Après cet exposé de la construction de notre ophthalmoscope, il nous reste peu de chose à dire sur la manière d'employer cet in¬strument. Le maniement en est aussi facile que celui de l'ophthal-moscope simple à main ; la pièce en buffle 0 étant tournée dans le sens voulu, on y applique l'œil du sujet ; cela fait, la lampe étant placée à la droite de l'observateur, près du sujet, le chirurgien sai¬sit le bouton F de la main gauche, tandis que la main droite se tient au miroir; les pièces mécaniques de l'instrument se prêtent à tous les tâtonnements et à toutes les positions de l'ophlhalmoscope à main. Une fois l'image trouvée avec toute la netteté possible, il suffit d'abandonner l'instrument à lui-même et de faire suivre à l'œil observé divers déplacements de la boule N pour pouvoir étu¬dier les divers points de sa rétine. La crémaillère commandée par le pignon D devra toujours être élevée de façon à placer le levier de l'ophthalmoscope dans l'axe de l'œil du patient. — Le reste de l'examen pourra se faire en entier par les déplacements horizontaux et verticaux dont le levier ophthalmoscopique se trouve pourvu.
HELMINTHOLOGIE
NOTES SUR LE T/ENIA, SES EFFETS, SON TRAITEMENT
- suite -
PAR BOURNEVILLE.
Fougère mâle. —M. Hepp a publié un cas de guérison par la
fougère mâle (Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1869),
et M. Dheilly un autre cas dans lequel les semences de citrouilles
avaient échoué1. Union médicale recommande des pilules ainsi
formulées :
Extrait éthéré de fougère mâle. . 4 grammes. \ Gomme arabique pulvérisée. 1 ^ I Pour
Eau............\ aa V''20- • • • ¡24 pilules.
Poudre récente de fougère mâle. . Q. S. . . . '
1 Bullet. de la Société de méd. d'Amiens.
Prendre douze pilules le soir en se couchant, et douze le lende¬main malin. Une heure et demie plus tard, on boit 45 grammes d'huile de ricin. Si le tsenia n'est pas expulsé, on recommence la même médication quelques jours après, en ajoutant à l'huile de ricin 8 grammes d'huile essentielle rectifiée de térébenthine.
Trousseau procédait de la manière suivante : prendre le malin à jeun : 1° 5 grammes d'extrait de fougère mâle dans six à huit capsules de Lehuby (deux par deux tous les quarts d'heure); 2° une heure après, avaler quatre capsules contenant chacune dix gouttes d'éther pur ; 5° deux heures après le début du traitement, 30 grammes d'huile de ricin i.
Smoller (de Prague) a fait connaître un mode de traitement assez compliqué, et dans lequel la fougère mâle et le jalap sont les agents actifs. " Le malade, dit-il, prend le premier jour 0gr,50 à 0er,60 de fleurs de bluet vert, mélangées à du sirop sous forme d'électuaire. A quatre heures de l'après-midi, on donne une soupe composée de pain bien émietté, d'eau, et de 45 grammes de beurre; on ajoute un peu de sel. Le soir, le malade prend un verre de vin et se couche. Le second jour on lui administre en une fois cinq cuillerées à café de poudre de fougère avec une cuillerée de jalap pulvérisé que l'on met en bouillie avec quatre cuillerées de tisane de tilleul. Une demi-heure après, il prend un bol de bouillon non salé, mélangé avec une cuillerée d'huile de ricin, puis de la soupe. On continue ainsi toutes les demi-heures jusqu'à ce que le taenia soit chassé, ce qui a lieu à la quatrième ou à la cinquième selle2. » C'est là une méthode compliquée assez inutilement, surtout lorsqu'on dispose de moyens plus simples.
Kamala. — C'est une poudre rouge que l'on retire du liottlera tinctorea. On le donne dans de l'eau en trois fois, à la dose de 2 à 12 grammes. On en fait aussi un électuaire :
Kamala.............. 1 „
Alcool rectifié.............' j aa 12 gammes.
Sirop de capillaire ou de cannelle......50 —
Faites un électuaire; à prendre en trois fois. Éther. — D'après M. Lortet, il faut : 1° donner une substance qui, sans exciter les contractions de l'intestin, lue le ver ou du moins
1 Journal de méd. de Lyon, 1807, et Journal de méd. de Bruxelles, 1807, p. 344.
2 MemorabWen, 51 mai 1865, et Gaz. méd. de Strasbourg, 1866, p. 248.
l'engourdisse profondément ; 2° faire prendre au malade, après une attente convenable, un purgatif léger et huileux qui le chas¬sera lentement sans le briser. Ce traitement trouvé par Bertolus dans ses expériences sur les animaux a, paraît-il, une efficacité réelle. " Un jour, écrit M. Lortet, j'aidais Bertolus à asphyxier un chien avec l'éther. Il me disait : " Nous allons trouver au moins " plusieurs tœnias dans son intestin, car tous ces animaux en ont. » Le chien mort, nous faisons l'entérotomie. — Bien. Bertolus était inquiet. 11 ne s'expliquait pas cette anomalie, quand, tout à coup, il pousse les ciseaux jusqu'au rectum et nous voyons, là, dans l'am¬poule anale, une grosse boule formée d'un grand nombre de tœnia serrata et d'autres entozoaires entrelacés et anesthésiés. Tous s'étaient détachés naturellement et avaient glissé doucement jusqu'à l'anus d'où le moindre effort les aurait expulsés. Cette boule informe, mise dans de l'eau chaude à 40°, nous permit, au bout de quelques instants, de compter soixante-cinq tœnia serrata bien vivants, qui sillonnaient l'eau du bocal en nageant comme des anguilles. »
L'inhalation abondante d'éther, son absorption directe par le canal intestinal, lorsqu'il est en capsule ou incorporé au sirop, dé¬termine l'anesthésie des entozoaires qui sont entraînés sans violence jusqu'au rectum, d'où un léger purgatif peut les chasser entiers et vivants. " Quoique mon expérience, dit M. Lortet, ne repose que sur un petit nombre de faits (cinq cas chez l'homme), ce qui m'a toujours réussi, même sur deux malades chez lesquels tout avait échoué, c'est l'ingestion d'un seul coup de 60 grammes d'éther, suivis deux heures après de 50 grammes d'huile de ricin. Chaque fois le tœnia a été rendu sans souffrances, entier ou presque entier, et constamment avec l'extrémité dite céphalique intacte1. »
Picronitrate dépotasse. — Ce médicament préconisé contre les trichines par Fredriech (d'Heidelberg) a été employé pour com¬battre le tœnia par M. Walter (d'Offenbach) chez une femme âgée de 30 ans, atteinte depuis plusieurs années de tœnia. Tous les ténifuges connus, voire même l'écorce de grenadier, avaient échoué. " Le 13 novembre 1862, dit l'auteur, je lui fis prendre chaque jour cinq pilules contenant chacune 5 centigrammes de picronitrate de potasse. Le 20, j'obtins l'expulsion du ver entier
1 Gaz. méd. de Lyon, 1865, n° I, elJourn, de méd., de chir , etc., de Bruxelles, 1865, p. 150.
avec la tête. Je n'avais fait observer pendant ce temps ni diète, ni régime particulierl, »
Oxyde de cuivre. — M. Thilemann procure, dit-il, infaillible¬ment l'évacuation du tœnia, en administrant l'oxyde de cuivre à la dose de 5 centigrammes que l'on répète quatre fois par jour. (Gazette médicale de Lyon, 1861, 1er décembre.)
Atlante. M. Ilétet a reconnu que l'écorce d'un arbre assez répandu en France, le vernis du Japon (Ailantus glandulosa) jouissait de propriétés éméto-cathartiques et vermifuges qu'il a mises à profit pour expulser le tsenia sans exercer aucune action fâcheuse sur l'économie et sans fatiguer les malades. Les différentes préparations d'ailante faites par M. Hétet, poudre, extrait, oléo-résine, etc., ex¬périmentées par les chirurgiens de la marine, ont toutes donné des résultats analogues et satisfaisants. Il est, du reste, facile de se con¬vaincre que l'écorce d'ailante n'est pas une substance inerie en en mâchant un fragment : on ressent d'abord une saveur amère pro¬noncée, puis on éprouve un malaise général, un sentiment de fai¬blesse croissante, de l'éblouissement, une sueur froide et des nau¬sées ; en un mot on ressent toute une série de phénomènes rappelant ceux par lesquels passent souvent les fumeurs novices2.
Goudron. " Une fille, âgée de 20 ans, ayant été mise, pour une toux opiniâtre, à l'usage du sirop de goudron, à la dose d'une cuillerée à bouche dans une demi-tasse d'eau, matin et soir, rendit, le cin¬quième jour, un tœnia presque entier. Une des extrémités, très-effi¬lée, présentait des anneaux si petits qu'il est à présumer que la tète avait été expulsée. » (Revue méd. de Limoges, 1869, févr.) — Ce fait n'a rien d'étonnant si l'on se rappelle que l'essence de téré¬benthine, l'huile empyreumatique ont une action certaine contre le tœnia. Or, tous ces corps se rapprochent beaucoup les uns des autres.
Semences de citrouille. Employées contre le tœnia dès 1683 par Edw. Tyson, les semences de citrouille ont été ensuite délaissées pendant longtemps. Signalées de nouveau, par Mératet Delens (Dic-tionn. de matière médicale, 1830) d'après le Dr Hoaran qui leur avait appris qu'on s'en servait vulgairement à l'île de France, elles ont été de nouveau préconisées dans ces dernières années. Nous devons
1 Journ. de méd et de chi \ de Bruxelles, t. XXXVI, p. 297, d'après Arch. fur path. Anat. und Pkysiol.
2 Répertoire de pharmacie, de M. Bouchardat, janv. 1805, et Gaz. hebd., 1863, p. 127.
dire encore que, selon M. Schnepf, médecin sanitaire à Alexandrie, elles sont administrées souvent en Orient. M. Schnepf les aurait données dans une cinquantaine de cas de taenia (.îourn. de méd. de Bordeaux, 1865, p. 36). Quoi qu'il en soit, M. Tarneau ayant publié deux succès obtenus par ce moyen (Gaz. méd. de l'Algérie, août 1860), sa publication a été le point de départ d'essais multipliés. Nous citerons en particulier les observations de MM. Brunet1, Cazin, Suquet (Revue méd. franc, et étrangère, 1861, 15 janv.), la note de M. Rigaud concernant une femme, âgée de 34 ans, qui rendait de¬puis deux ans des anneaux de tœnia et chez laquelle on avait en vain eu recours à l'huile de Dippel, à l'huile de térébenthine, au remède de Chabert, à l'asa fœtida, aux pilules de Rremser, au médi¬cament secret d'Empren. 40 grammes de semences de citrouille, mondées de leur pellicule, pilées dans un mortier avec une quan¬tité suffisante de sucre, précédées et suivies de l'ingestion de 40 grammes d'huile de ricin, vinrent à bout de l'helminthe 2. — Dans la Gazette des hôpitaux (1862, p. 586), MM. Troczewski et Wahu ont publié un cas également favorable.
Déjà M. Podesta expérimentait depuis six ans les semences de différentes variétés de citrouilles et avait obtenu, par elles, une sé¬rie de succès, quand on les remettait en usage chez nous. Voici comment ce médecin procède : après une diète sévère de vingt-quatre heures, il administre le médicament, généralement le soir ; le lendemain matin il purge le malade, ordinairement avec un dras¬tique (tel que l'huile de croton) et le tœnia est expulsé avec cette par¬ticularité qu'il est toujours noué vers la partie moyenne de son corps. Le tœnia n'est presque jamais chassé en entier après la première prise et souvent on est obligé de recommencer le traitement. Pres¬que constamment cette deuxième dose suffit. Les enfants, au dire de M. Podesta, paraissent plus rebelles à l'action des semences de ci¬trouille que les adultes et, maintes fois, chez eux, il faut revenir trois ou quatre fois à la charge. (Revista farmaceutica de Buenos-Ayres,et Gaz. hebd., 1862, p. 307.) M. Letiévenant est parvenu à chas¬ser un tœnia en donnant 100 grammes de semences de citrouille et, quatre heures après, une dose d'huile de ricin (Journal de méd. de Lyon, 1868, t. IX, p. 501). On trouve encore dans l'Abeille médi-
1 M. Brunet a communiqué à la Société de médecine de Bordeaux, en 1852, 25 ou 30 succès. MM. Lamothe et Sarraméa ont confirmé les résultats obtenus par M. Brunet (Tribune méd., 1868, p. 303).
2 Gazette hebdom., 1861, p. 313. Voir aussi dans le même journal le rapport de M. Duchesne-Duparque, 1861, p. 337.
cale (1868) le cas d'un malade, âgé de 35 à 36 ans, atteint de tœnia depuis six ans et chez lequel avait échoué le kousso donné d'abord seul, puis précédé de l'ingestion de 60 gr. d'huile de ricin et de deux gouttes d'huile de croton tiglium. On recourut, mais sans plus de succès, à l'écorce fraîche déracine de grenadier. Quelque temps après le malade prit 90 grammes de pépins de citrouille débar¬rassés de leur enveloppe, et se purgea le lendemain avec 50 gram¬mes d'huile de ricin. Le tœnia fut entièrement expulsé.
f)es préparations diverses ont été vantées. M. Stanislas Martin, se basant sur ce que l'émulsion de semences de citrouille ne se con¬serve guère par les grandes chaleurs, conseille la préparation sui¬vante :
Semences de citrouille mondées.......60 grammes.
Sucre...................20 —
On pile le sucre et les semences de manière à faire une pâte très-fine et homogène. L'addition du sucre permet la division des se¬mences tout en formant un oléo-saccharum très-miscible à l'eau. On délaye cette préparation au moment de s'en servir dans la quantité d'eau indiquée par le médecin. (Journ. de méd. de Bruxelles, t. XXXVI, p. 613.)
Un médecin belge, M. Bouvier, a rapporté dans les Archives médicales belges, l'observation d' " un petit Allemand âgé de 5 ans, qui, comme sa sœur, avait mangé du jambon de Westphalie fumé et cru et qui, comme elle aussi, avait bientôt présenté les symp¬tômes du tœnia. La sœur en était guérie depuis deux ans ; mais le jeune garçon, malade depuis trois semaines seulement, était dans un état d'émaciation inquiétant. Un médecin lui avait en vain pres¬crit la racine à'écorce de grenadier, qui n'avait eu d'autre effet que de lui donner de violentes coliques. » M. Bouvier songea alors à la graine de citrouille qu'il formula ainsi :
Semences de citrouille mondées....... 50 grammes.
Sucre..........."....... Q. S.
Pilez pour faire une pâte et ajoutez :
Lait.................... 60 grammes1.
La veille du jour de l'administration de cette préparation, l'enfant fut soumis aune diète absolue et prit 10 grammes d'huile de ricin. Le lendemain, deux heures après l'ingestion du tœnifuge, il reprit la
1 M. Dupont a conseillé une préparation qui se rapproche beaucoup de la pré¬cédente (Archives méd. belges et Journ. de méd. et de chir. prat., 1867, p. 714).
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
SYPHILIDE ÉCAILLEUSE
même dose d'huile de ricin et une diète sévère continua à être pres¬crite pendant toute la journée. L'enfant n'éprouva ni coliques ni nau¬sées. Il eut dans la journée plusieurs selles contenant des fragments du tœnia, et le lendemain il rendait la tête de l'helminthe. (Journ. de méd. et dechir. prat., 1865, p. 461.)
M. Desnos a rapporté deux cas qui méritent d'être cités. Dans le premier il s'agit d'un homme de 54 ans qui ressentait, comme symp¬tôme prédominant, un appétit tel qu'il mangeait parfois jusqu'à 12 kilogrammes d'aliments par jour. M. Desnos lui ordonna une bou¬teille d'eau de Sedlitz et, pour le jour suivant, un purgatif ainsi com¬posé :
Semences sèches de citrouille........40 grammes.
Huile de ricin.............)
Miel................,
20
Ce dernier purgatif fut pris le matin et, dès le soir, le malade rendait 2 mètres de.taenia et la tête. — Chez le second malade, âgé de 22 ans, on avait déjà eu recours au kousso, sans résultat. Après un jour de diète, M. Desnos lui fit avaler une émulsion de pépins de citrouille mondés de leur épisperme, dans 150 grammes d'eau, suivie une demi-heure après d'une dose de 40 grammes d'huile de ricin, additionnée d'une quantité égale d'eau de menthe. Le lende¬main un ver enroulé sur lui-même et tout entier était rendu, mais non sans quelques souffrances assez vives, moins violentes toutefois, d'après le malade, que celles qu'il avait ressenties après l'ingestion du kousso. (Ibid., p. 462.)
Quelques médecins ont associé les semences de citrouille à d'au¬tres tœnifuges. Debout, par exemple, formulait ainsi le traitement du tœnia :
Semences mondées de citrouille....... 40 grammes.
Sucre.................. 30 —
Eau................... 450 —
Extrait oléo-résineux de fougère mâle. ... 4à8 —
" Pilez les semences dans un mortier de marbre avec le quart de sucre ; versez environ 15 grammes d'eau, et lorsque vous avez ob¬tenu une pâte homogène, ajoutez la dose d'extrait de fougère ; étendez ensuite avec le reste du véhicule. Cette émulsion ne doit pas être passée à l'étamine, et lorsque la préparation est bien faite, c'est-à-dire que les semences ont été bien pilées, le malade la prend sans aucune difficulté. Cette potion est prise le matin à jeun, en quatre fois, à un quart d'heure d'intervalle : la seule précaution à recom¬
mander est d'agiter la bouteille chaque fois qu'on doit s'en ser¬vir1. )
Ajoutons enfin que, contrairement à la plupart des auteurs que nous venons de citer, Debout ne préparait pas son malade par une diète sévère : il lui recommandait de dîner la veille avec un po¬tage au lait et, de plus, à moins de constipation, il l'affranchissait du purgatif que l'on a l'habitude d'ordonner un peu avant l'admi¬nistration du parasiticide.
De la revue analytique qui précède, nous pensons pouvoir tirer plusieurs conclusions : Io 11 nous semble hors de doute, contraire¬ment à l'opinion de quelques auteurs, que le tœnia est capable de produire des accidents nerveux de nature très-diverse, mais susceptibles d'être rangés, pour la plupart, dans la classe des actions réflexes : paralysies, convulsions2, etc. — 2° Tous les médicaments que nous avons énumérés jouissent de propriétés tœnifuges, mais ces propriétés ne sont pas constantes : tel d'entre eux réussira parfaitement chez certains malades et échouera chez d'autres, sans qu'on puisse en donner une explication plausible. — 5° Leur action n'est pas la même chez tous les individus : un médi¬cament chassera le tœnia sans provoquer de douleurs, dans un grand nombre de cas, et, dans quelques-uns, il déterminera en même temps des douleurs, des coliques, etc. Les semences de citrouille rentrent dans cette catégorie. — 4° Aucun des tœnifuges connus, même ceux dont la réputation est la mieux assise, ne réussit d'une manière constante. N'avons-nous pas vu, par exemple, les semences de citrouille réussir plusieurs fois là où le kousso et la racine de grenadier avaient échoué? Il sera bon, à notre avis, de recourir, le plus souvent possible, en premier lieu, aux semences de citrouille, substance peu coûteuse et facile à se procurer.
' Ballet, gén. de thérap,, 45 déc. 1862, gì Journ. de méd. de Bordeaux, 1863, p. 36.
2 M. Dardeta publié dans VImparziale (1866) un travail sur lo tamia. Ce tra¬vail renferme deux observations à'cpilepsie réflexe, due à la présence de l'hel¬minthe.
REVUE DE LA PRESSE
LARGE FISTULE VÉSICO-VAGINALE, DATANT DE TRENTE-SIX ANS, OPÉRÉE DEUX FOIS SANS SUCCÈS EN 1830, GUÉRIE PAR LE PROCÉDÉ AMÉRICAIN.
A l'époque où ont été faites les deux premières opérations chez celle femme, en 1836, la guérison d'une fistule vésico-vaginale, môme de peu d'étendue, était considérée comme un fait très-rare, exceptionnel ; à peine pouvait-on citer une guérison bien authenti¬que. On n'en accusera pas assurément l'habileté opératoire si con¬nue et presque proverbiale de l'ancien chirurgien de l'Hôlel-l)ieu, qui, dans cette circonstance, en particulier, dut développer un véritable luxe de dextérité. Néanmoins le résultat définitif des deux opérations faites à un mois de distance l'une de l'autre fut... une aggravation de l'état de la malade, qui se trouvait avoir une fis¬tule beaucoup plus grande qu'avant la première tentative, à bords durs, fibreux, rétractés, qui semblaient devoir redoubler les diffi¬cultés d'une nouvelle opération. Malgré ces conditions défavorables, M. Boinet n'a pas hésité à la tenter, avec le concours de M. Mercier, qui avait déjà servi d'aide à Roux dans les deux premières opéra¬tions. Voici quelques-unes des particularités principales de cette opération.
La fistule avait 7 centimètres de circonférence; ses bords,comme nous venons de le dire, étaient durs, comme fibreux, et laissaient échapper continuellement l'urine. La malade, préparée pendant plusieurs jours par des bains et des purgations, et convenablement disposée, l'opérateur commença par faire un avivement profond de tout le pourtour de la fistule du côté du vagin, dans l'étendue de 1 centimètre de largeur environ. Neuf fils d'argent furent ensuite passés d'un côté à l'autre de la fistule avec la précaution de placer le lil supérieur un peu au-dessus de l'angle supérieur delà fistule, et le fil inférieur un peu au-dessous de l'angle inférieur. Tous les fils furent passés à environ 2 millimètres les uns des autres. Ils ne furent tordus qu'après avoir été tous passés, et un petit tube de plomb (de Calli) fut placé sur les extrémités premières de chaque fil. La torsion des fils d'argent, maintenue par les plombs, mirent en contact parfait les surfaces saignantes, de telle sorte que la fis¬tule se trouva complètement oblitérée et que, depuis, pas une seule goutte d'urine n'a passé parle vagin. Une sonde spéciale et très¬
courte, la sonde de Sims, continuellement débouchée, fut placée à demeure dans le canal de l'urèthre. Une éponge placée dans un sac de taffetas gommé fut placée entre les jambes de la malade, pour recevoir l'urine qui s'écoulait goutte à goutte par la sonde. Le quatrième jour, la réunion des bords de la fistule paraissait par¬faite. Deux fils d'argent furent enlevés le huitième jour. Les sept autres furent enlevés quatre jours plus tard, c'est-à-dire le douzième jour. Aucun suintement urinaire ne s'était manifesté dans le vagin pendant tout ce temps, ni depuis, et la fermeture delà fistule a été radicale.
Ce succès, très-beau assurément, n'est plus aujourd'hui une ex¬ception; la guérison des fistules vésico-vaginales, autrefois si rare, est devenue presque monnaie courante, et cela grâce au perfec¬tionnement et à la simplification tout à la fois de l'instrumentation, grâce à l'invention du spéculum à bec de canne de Sims, ou bien au spéculum de Bozeman, qui facilite l'avivement, à celle du porte-aiguille de MM. Robert et Collin, qui facilite l'application des ai¬guilles et des fils métalliques, grâce à l'invention de ces fils métal¬liques eux-mêmes et des tubes de plomb qui aident à serrer les bords de la fistule autant qu'on le veut et comme on le veut.
(Gazette hebdomadaire.)
BIBLIOGRAPHIE
Traité de l'immobilisation directe des fragments osseux dans les fractures,
parL.-J.-B. Békenger-Férau», médecin principal de la marine1.
M. Bérenger-Féraud est connu dans la science grâce à la publica¬tion de nombreux mémoires sur diverses branches de l'art de guérir. Ses travaux de prédilection ont surlout eu pour objet la pathologie et le traitement des fractures. C'est sans doute en raison de ses études spéciales que l'auteur a pensé, en réunissant Jes observations des différents chirurgiens aux siennes, pouvoir publier un traité de l'immobilisation directe des fractures, sujet neuf et encore bien peu connu. Sans avoir un nombre suffisant de faits qui permettent de tirer des conclusions, il n'en est pas moins bon de savoir que dans certains cas, alors que les moyens habituels sont impuissants pour la réduction des fragments osseux, la chirurgie nous fournit
1 Un fort vol. in-8° de 744 pages. Paris, 1870, chez Ad. Delahaye.
des ressources d'une grande valeur et qui ont fait plusieurs fois leurs preuves.
Notre auteur divise les moyens d'immobilisation directe en six classes : 1° la fixation des dents dans les fractures des maxillaires ; 2° la pointe de Malgaigne ; 5° les griffes métalliques pour les frac¬tures des os analogues à la rotule, l'olécrâne, le sternum, ou aux os de forme particulière, comme les côtes, les clavicules; 4°l'enclave¬ment des fragments; 5° la suture osseuse ; 6°la ligature osseuse; et, dans autant de chapitres, il décrit avec soin ces différentes opéra¬tions qu'on peut pratiquer par ces divers procédés. C'est à l'appareil de Morel-Lavallée que M. Bérenger-Féraud, avec beaucoup d'auteurs très-recommandables, donne la préférence pour le traitement des fractures du maxillaire inférieur. M. Gosselina, il est vrai, attribué à cet appareil la production de deux cas d'infection purulente ; toutefois, nous avons vu dans le service de Michon un malade at¬teint de fracture du maxillaire mourir par suite de pyohémie, et pourtant on n'avait employé d'autre traitement que la fixation des dents par des fils métalliques. L'appareil nous paraît hors de cause.
La pointe métallique de Malgaigne, de même que les griffes mé¬talliques, a été, à l'origine, mal acceptée du public et des méde¬cins. C'est un procédé assez barbare, à la vérité, mais qui n'en a pas moins rendu beaucoup de services. L'emploi de ces instru¬ments doit être exceptionnel ; mais il se trouve justifié par les ob¬servations que publie M. Bérenger-Féraud. — L enclavement des fragments est une méthode exceptionnelle de traitement des frac¬tures ; cependant il a réussi entre les mains de M. Sédillot. L'auteur en parle peu longuement. Il n'en est pas ainsi du moyen suivant.
C'est en effet la suture des os et leur ligature qui constituent la partie originale du livre. Ces questions n'ayant pas encore été trai¬tées dans un ouvrage dogmatique, nous serions obligé de citer longuement l'ouvrage que nous analysons, pour donner un aperçu de ces méthodes. Nous préférons renvoyer le lecteur à l'ouvrage lui-même. D'ailleurs les observations rapportées par M. Bérenger-Féraud ne pourront manquer de l'intéresser vivement. La suture des os, après avoir été tentée avec succès sur les animaux, a réussi également chez l'homme. 11 n'en est pas moins vrai qu'on ne peut se défendre de reconnaître tout ce qu'a d'insolite une pareille thérapeutique: mais si insolite qu'elle paraisse, dès lors qu'après avoir essayé toutes les méthodes possibles d'immobilisation indirecte on se reconnaît impuissant, il est permis de recourir à des moyens
qui souvent ont donné des succès. On doit retenir cette méthode de traitement comme une preuve du génie chirurgical de notre temps et comme un espoir de salut pour les malheureux atteints de fractures compliquées de plaies ou irréductibles. Bien entendu l'auteur ne la prône pas outre mesure et ne la recommande que lorsqu'un traitement plus simple n'a pas été heureux.
M. Bérenger-Féraud passe ensuite en revue, dans des chapitres distincts, l'application de ces méthodes de traitement aux diverses lésions qui en réclament l'emploi : pseudarlhrose, fractures des mâ¬choires, du sternum, de la clavicule, des côtes, de la rotule, etc., la résection tibio-fémorale, l'amputation et la résection tibio-tarsien-nes. Les essais de conservation des parties séparées accidentelle¬ment du corps, au moyen de l'immobilisation directe des fragments osseux, ont aussi été suivis de réels avantages dans maintes circon¬stances.
Dans tout le cours de son ouvrage, M. Bérenger-Féraud ne cesse d'être très-clair en même temps que complet. Pour mieux préciser encore sa pensée et le résultat de ses études, il fait suivre chaque chapitre d'un résumé succinct qui repose le lecteur et fixe dans son esprit ce qui ressort du chapitre tout entier. Beaucoup de chapi¬tres manquent aujourd'hui de faits assez nombreux ; M. Bérenger-Féraud le reconnaît le premier, tantôt se contentant de confirmer les observations de ses prédécesseurs, tantôt, comme il le dit, de planter des jalons. — 11 touche, dans le cours de son ouvrage, à plusieurs questions importantes concernant les maladies des os et discute plusieurs points concernant l'histoire des résections.
Nous remercions vivement l'auteur d'avoir écrit ce livre destiné, à notre avis, à rendre des services sérieux aux praticiens. Qu'il nous soit permis seulement de citer en terminant la dernière phrase de l'ouvrage :
" J'ai la conviction, écrit M. Bérenger-Féraud, que la méthode, en général, entrera pour une grande part désormais dans la thérapeu¬tique chirurgicale ; s'adressant particulièrement aux cas difficiles et graves, elle sauvera quelques membres qui jusque-là avaient paru condamnés à l'amputation ; et l'enjeu est assez beau, on le voit, pour que je sois heureux d'avoir contribué à la généralisation et à la vulgarisation de l'immobilisation directe des fragments osseux dans l'art de guérir les fractures. »
D1 G. BoUTEILLlER.
Le Gérant : a. ue montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
COLOBOMA DE LA CHOROÏDE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
OPHTHALMOLOGIE
COLOBOMA DE LA CHOROÏDE ET DE L'IRIS
PAR M. A. DESPRÉS, AGRÉGÉ DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE, CHIRURGIEN DE L'HÔPITAL DE LOURCINE.
Les vices de conformation de l'œil ne sont pas fréquents, et en particulier le coloboma de la choroïde est des plus rares. Nous donnons aujourd'hui un très-bel exemple de cet arrêt de dévelop¬pement observé à l'hôpital de Lourcine par M. Després.
D... (Marie), âgée de 32 ans, est entrée, le 25 avril 1868, à l'hôpi¬tal (salle St-Alexis, n° 20) pour une syphilis constitutionnelle. Elle avait eu des plaques muqueuses, depuis cinq mois, qui disparais¬saient et reparaissaient, et une syphilide papuleuse confluente au début. Elle était en outre enceinte de six mois et demi. La ma¬lade est restée à l'hôpital jusqu'au 13 février 1869. Pendant ce temps, les plaques muqueuses et la syphilide ont guéri et elle est accouchée à terme d'un enfant sain qui a vécu deux mois et demi.
Cette femme jouissait de l'intégrité de la fonction visuelle ; elle voyait également bien des deux yeux , quoique son œil gauche pré¬sentât le vice de conformation dont nous donnons le dessin, plan¬che XVI.
Sa pupille était fendue en bas et à la partie inférieure de l'ouver¬ture pupillaire; on voyait une tache blanchâtre en avant du cristal¬lin, analogue à un débris décapsule. M. Després a jugé que c'était la membrane pupillaire qui avait persisté et était restée adhérente au cristallin. L'iris était mobile et se contractait normalement.
A l'ophthalmoscope, on voit dans le champ pupillaire, en avant du cristallin, une masse noire, comme frangée sur ses bords, ayant l'as¬pect d'une fausse membrane de cataracte capsulaire. Cette tache,
* ANNÉE. 6
située à la partie inférieure, laissait cependant apercevoir la pupille et une partie de la rétine, ainsi que le coloboma de la choroïde, ce qui explique l'intégrité de la vision.
Le coloboma est régulier ; la choroïde manque dans une étendue qui égale à peu près le tiers du champ ophthalmoscopique. La place blanche qui correspond à la membrane absente est régulière, symé¬trique et son milieu correspond au plan vertical, passant par l'axe de l'œil, c'est-à-dire dans le sens de la fente de l'iris. Sur la photo¬graphie, on voit que l'image du fond de l'œil, renversée, offre, en haut, ce qui en réalité est en bas. Il y a, ainsi qu'on peut le remar¬quer, quelques vaisseaux seulement sur la partie qui correspond au coloboma de la choroïde. La pupille et ses vaisseaux sont nor¬maux et bien visibles.
Quoique la malade D.... fût atteinte d'une sypbilide papuleuse confluente, qui l'exposait à avoir une iritis et une congestion oculaire, ce que M. Després a remarqué chez les malades atteintes de sypbi-lides cutanées étendues, elle y a échappé ; il est vrai que M. Després empêchait la malade de travailler à la couture et lui faisait porter des conserves bleues pour éviter toutes les irritations de l'œil.
La malade est sortie de l'hôpital le 13 février 1869, sans avoir rien perdu de l'intégrité de sa vision, que, du reste, elle avait tou¬jours trouvée parfaite, ne se doutant nullement qu'elle eût un vice de conformation de l'œil gauche.
CHIRURGIE
GANGRÈNE DU PIED DROIT, CONSÉCUTIVE A UNE BRULURE DE LA PARTIE INFÉRIEURE DE LA JAMBE
CHUTE DU PIED PAR SUITE DE i/ÉLlMINATION SPONTANEE DU MEMBRE.
La planche XVII de cette Revue représente le membre inférieur droit d'un malade couché au n° 26 de la salle Saint-Jean de l'Hôtel-Dieu, service de M. Maisonneuve.
Cet homme, âgé de. 49 ans, durant une attaque d'épilepsie, se fit une brûlure à la partie inférieure de la jambe droite. L'eschare n'a¬vait guère que la hauteur de la main, mais elle entourait le membre environ dans les trois quarts postérieurs de son étendue. Nous n'avons pas vu le malade au moment de l'accident, mais voici les
H E V U E P H 0 T 0 G li A P111 QUE
DES HOPITAUX
GANGRÈNE SÈCHE DU PIED
renseignements que nous avons recueillis sur son état au jour de son entrée à l'hôpital, le 9 mars dernier.
L'eschare était dure et sèche, noire dans la partie externe de son étendue. Sa puissance de rétraction était considérable : en effet, comme on le voit sur notre photographie, le pied était en extension forcée et la jambe semblait étranglée en arrière, au niveau du ten¬don d'Achille. Le pied étant refroidi, les battements des artères furent recherchés : ceux de la tibiale postérieure n'étaient pas per¬ceptibles ; quant à ceux de la pédieuse, ils étaient douteux. Le pied se refroidit peu à peu davantage, le sphacèle devint évident et le membre se dessécha complètement. Les parties molles vivantes se séparèrent des parties saines, le sillon d'élimination s'élargit et arriva bientôt jusqu'aux os. C'est alors que nous eûmes l'occasion de photographier le membre malade.
Le pied était d'une couleur brune foncée, complètement sec, si ce n'est à sa partie supérieure, où la section des parties profondes qui était restée constamment en contact avec les liquides du panse¬ment et avec le pus, était encore un peu molle. Les os étaient à nu dans l'étendue de 3 centimètres; on les avait ruginés jusqu'au niveau de la surface bourgeonnante delà jambe. Celle-ci présentait une plaie de bon aspect; d'ailleurs le malade se portait à merveille et n'avait jamais, nous fut-il affirmé, présenté depuis l'accident le moindre trouble dans sa santé.
Quelques jours après, le pied se détachait spontanément pendant un mouvement du malade. — La pièce fut présentée à la Société anatomique, le 12 mai 1870, par M. Gripat, interne du service.
Le malade paraissait devoir guérir parfaitement de cette lésion, lorsque des accidents fébriles et adynamiques se manifestèrent; le malade eut quelques frissons, et actuellement il est mourant d'in¬fection purulente.
Le mécanisme de cette gangrène de tout le pied, à la suite d'une brûlure limitée de la jambe, peut être interprété diversement. On peut penser à une coagulation du sang dans les artères, par l'action directe du feu, ou bien on peut croire à une compression des vais¬seaux par l'eschare elle-même. Dans tous les cas, nous signalerons à nos lecteurs une jeune malade venue dernièrement à la consulta¬tion de M. filiaux, chirurgien de Saint-Antoine, pour une gangrène de la partie inférieure de l'avant-bras, à la suite de l'application trop serrée d'un bandage à fracture. La malade ne resta pas à l'hôpital. A. be Montméja.
TÉRATOLOGIE
VICE DE CONFORMATION DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UNE FEMME
PAR M. F. VILLARD, INTERNE DES HOPITAUX.
Nous avons eu l'occasion d'observer dans le service de M. Gallard, à l'hôpital de la Pitié, les pièces recueillies chez une femme présen¬tant un vice de conformation des organes génitaux.
Voici la description de ce fait, qui se prête à des considérations médico-légales du plus haut intérêt.
Observation. —Vice de conformation des organes génitaux chez une femme; — absence de l'utérus et de la partie supérieure du vagin; — trompes et ovaires bien conformés1.
Th..., Jeanne, âgée de 60 ans, est entrée à l'hôpital de la Pitié, vers la fin de l'année 1869, dans le service de M. Gallard ; elle était atteinte d'une cirrhose du foie. Cette femme, de taille moyenne, était forte, vigoureuse, bien constituée et avait toujours joui d'une bonne santé jusqu'au moment où elle éprouva les premiers symp¬tômes de la maladie qui la conduisit à l'hôpital ; elle ne présentait aucune conformation vicieuse apparente du squelette ; ses seins étaient peu développés. A son entrée à la Pitié, lorsqu'elle fut in¬terrogée sur ses antécédents, et en particulier sur l'état de sa men¬struation, elle répondit qu'elle n'avait jamais été réglée. Le toucher vaginal pratiqué immédiatement montra que le doigt arrêté à l'entrée de la vulve ne pouvait pénétrer au delà de la première phalange et se trouvait arrêté immédiatement par un obstacle in¬franchissable. Si on poussait plus loin l'examen, en s'aidant du toucher rectal combiné avec la palpation abdominale, on arrivait à diagnostiquer l'absence probable de l'utérus. La malade donne alors les renseignements suivants relatifs à ses fonctions génitales : elle n'avait jamais eu d'hémorrhagies supplémentaires, ni du côté des reins, des poumons, ni du côté des autres organes. A aucune époque de son existence, elle ne se souvient d'avoir éprouvé de douleurs revenant périodiquement tous les mois et annonçant un malaise hémorrhagique. Cette femme s'est mariée deux fois, la pré-
1 Les pièces ont été présentées à la Société anatomique.
mièrefois à l'âge de dix-sept ans ; mais ni avec son premier, ni avec son second mari, non-seulement elle n'a jamais éprouvé la moindre sensation voluptueuse pendant le coït, mais toutes les tentatives faites pour accomplir cet acte lui ont été pénibles et douloureuses, quoiqu'elle s'y prêtât volontiers. Elle ne demandait, ni ne désirait les rapprochements sexuels ; elle subissait les caresses de son mari avec la plus grande indifférence et dans le but seul de lui être agréable. Jamais, suivant ce dernier, elle n'a fait auprès de lui la moindre tentative provocatrice à ce sujet, car, ajoutait-il, " ce n'était pas là son fort; » en outre, elle dit elle-même n'avoir jamais eu le moindre désir erotique, même en rêve.
Après quelques semaines de séjour à l'hôpital, cette femme suc¬comba aux progrès de son affection hépatique ; voici les résultats fournis par son autopsie.
Outre les lésions qui siègent dans le foie, on trouve du côté du système génital d'intéressantes particularité?. Les organes génitaux externes sont bien conformés : le pubis est recouvert de poils ; la vulve offre son aspect normal ; les grandes et les petites lèvres n'ont rien de spécial. Après avoir écarté cette dernière.on voit que le va¬gin n'existe pas et se trouve représenté par une dépression de 4 centimètres, qui se termine en infundibulum. L'orifice externe de l'urèihre est refoulé au fond de cet infundibulum, et à sa partie su¬périeure ; au-dessous de lui, on aperçoit une saillie représentant le tubercule antérieur du vagin. Il n'existe pas d'utérus, et dans la région qu'il devrait occuper, on constate la présence d'une bande fibreuse de quelques millimètres d'épaisseur, que le toucher rectal n'aurait jamais pu faire reconnaître. Cette bande est située à en¬viron 6 centimètres de l'extrémité postérieure de l'infundibulum qui représente le vagin : dans l'intervalle qui sépare ce dernier de la bande fibreuse, la paroi postérieure de la vessie est en contact immédiat avec la face antérieure du rectum, dont elle n'est séparée que par une mince couche de tissu cellulaire.
Le cordon fibreux qui occupe la place de l'utérus est à peu près cylindrique, et n'a pas plus de 3 millimètres de diamètre. En ar¬rière, entre lui et le rectum, se trouve un cul-de-sac péritonéal ayant 4 centimètres de profondeur : en le retirant, on remarque à sa sur¬face des plis qui rappellent les replis de Douglas. Cette lame fibreuse a 12 centimètres environ de longueur; elle est étendue transversa¬lement au-dessus du détroit supérieur du bassi î, en arrière de la vessie, et décrit une courbe à concavité postérieure dont les extrô¬
mités se terminent dans chaque fosse iliaque au niveau de la sym¬physe sacro-iliaque, par un petit tubercule arrondi, au-dessus duquel elles se bifurquent. Les branches de bifurcation sont re¬présentées à droite et à gauche, Tune située en dehors, par la trompe de Fallopc bien conformée, avec son pavillon frangé; l'autre par un ligament auquel est appendu l'ovaire également bien con¬formé et situé plus en dedans.—Adroite, la trompe a 8 centimètres de longueur; un mince fil métallique introduit dans son pavillon pénètre de 3 centimètres 1/2 : sur son trajet on voit quelques pe¬tits kystes du volume d'un grain de millet, qui ne diffèrent pas de ceux que l'on rencontre d'ordinaire dans cette région. Le ligament de l'ovaire a 3 centimètres de longueur, et l'ovaire lui-même 3 cen¬timètres 1/2 dans son diamètre longitudinal. Cet organe est ru¬gueux, couvert de petits kystes, analogues à ceux de la trompe; son enveloppe est dure, épaisse; il ne contient pas trace de corps jaunes, mais dans son intérieur on voit des ovules parfaitement reconnais-sablés.—A gauche, la trompe a 8 centimètres de longueur; elle est perméable dans une étendue de 3 centimètres 1/2. Le ligament de l'ovaire a 28 millimètres et l'ovaire 25 millimètres dans son plus grand diamètre. Ce dernier est un peu incliné en dedans et plus éloigné du rein que celui du côté opposé. Sur le trajet de la trompe et sur l'ovaire, on ne trouve pas les petits kystes observés à droite sur ces organes. A la coupe, l'ovaire gauche présente absolument le même aspect que le droit.—De chaque côté, en arrière de l'ovaire et de la trompe, on trouve un infundibulum péritonéal dans lequel on peut introduire le doigt : cet infundibulum existe plus marqué à gauche qu'à droite. En examinant attentivement les ovaires, on re¬marque des adhérences péritonéales qui fixent ces organes princi¬palement à droite, où des brides fibreuses s'étendent de la partie supérieure de l'ovaire jusqu'au point qui correspond assez exacte¬ment à l'extrémité inférieure du rein du même côté.
En résume', dans cette observation, il s'agit bien d'une femme mal conformée, sans doute, mais possédant les organes constitu¬tifs essentiels du sexe féminin, les ovaires. Chez elle, il n'y avait pas d'utérus et le vagin manquait complètement, car on ne peut considérer même comme un rudiment de vagin cette dépression vulvaire de 4 centimètres de profondeur seulement, laquelle s'était produite sous l'influence de tentatives de coït infructueusement réitérées pendant quarante ans, ainsi que le prouve, du reste, le
refoulement en arrière du méat urinaire. Cette femme n'a jamais été réglée, et elle a dit n'avoir jamais éprouvé aucun symptôme pouvant permettre de penser que chez elle l'acte de l'ovulation se fût produit soit périodiquement, soit à des époques irrégulières. Toutefois, cette assertion ne saurait être admise d'une manière ab¬solue, car bien que la malade ait affirmé n'avoir jamais eu de phé¬nomènes congestifs du côté du ventre, que l'on puisse attribuer à un molimen hémorrhagique, les traces de péritonites partielles trouvées autour des ovaires ne peuvent s'expliquer que par de fortes congestions survenues à des époques éloignées, congestions qui se sont certainement tarduites par quelques troubles symptomatiques, indice d'un effort de menstruation dont la malade a perdu le sou¬venir.
Sans chercher à faire ressortir toutes les particularités inté¬ressantes d'anatomie et de physiologie pathologiques qui se rattachent au fait qui précède, il nous semble cependant utile d'appeler l'attention sur l'importance qu'il peut avoir pour le mé¬decin légiste. Tout récemment, la Société de médecine légale avait à examiner les motifs qui avaient provoqué une demande en nullité de mariage : il s'agissait de savoir si un individu, marié, apparte¬nait bien réellement au sexe féminin, dont, prétendait-on, il ne présentait pas les attributs distinctifs. Les données fournies par les personnes intéressées n'étant pas suffisantes pour éclairer son appréciation, la Société ne voulut pas se prononcer sur ce cas particulier. Après la lecture du rapport de M. le professeur Dolbeau, rapport qui détermina cette conclusion, il s'éleva une in¬téressante discussion, dans laquelle M. Gallard prit la parole et montra les pièces anatomiques dont la description vient d'être donnée. Tout en reconnaissant qu'un examen minutieux est indis¬pensable pour se prononcer en parfaite connaissance de cause sur le sexe d'un individu atteint de vice de conformation des organes génitaux, M. Gallard, en s'appuyant sur l'observation précédente, concluait que du moment où un individu porte les organes génitaux externes de la femme, il y a lieu de penser que cet individu est une femme mal conformée et non un homme mal conformé, ou même un hermaphrodite, car on sait combien sont rares, exceptionnels, les cas d'hermaphrodisme véritable. Cette conclusion peut parfaite¬ment être formulée comme l'expression d'un fait scientifique bien établi partout médecin qui aura procédé à l'examen du sujet, et alors môme que l'exploration la plus attentive pratiquée sur le
vivant ne permettrait pas de constater la présence tant de l'utérus que du vagin ou des ovaires. Ces derniers organes, qui sont les seuls attributs distinctifs du sexe féminin, pourront parfaitement, comme c'était le cas ici, échapper aux explorations les plus scru¬puleuses faites sur ce vivant, cachés qu'ils sont dans les profon¬deurs de l'abdomen.
Des faits nombreux viennent à l'appui de cette manière de voir. Nous résumons ici quelques observations qui présentent la plus grande analogie avec celle que nous avons relatée.
A l'hôpital de la Charité, M. Briquet a fait l'autopsie d'une jeune fille présentant tous les attributs extérieurs de son sexe, sauf la menstruation, qui ne s'était jamais établie chez elle ; le vagin se terminait par un cul-de-sac sans ouverture ; l'utérus était repré¬senté par une membrane peu épaisse, aplatie, étendue transver¬salement et se bifurquant à droite et à gauche. Les branches de bifurcation représentaient les trompes et les ligaments des ovaires, qui étaient devenus fibreux. (Bulletins de la Société analomique, 1854.)
M. Gintrac, de Bordeaux, a observé une jeune fille de 48 ans qui n'avait jamais été réglée. Les organes génitaux externes étaient bien conformés; la vessie et le rectum étaient en contact immé¬diat. 11 n'existait pas trace de vagin, ni d'utérus. Chaque ovaire, aplati, était bilobe; de chacun d'eux partait un cordon cylindrique qui se perdait dans le péritoine et représentait la trompe de Fallope. (Gazette médicale, 1861.)
Dans le journal the Lancet de 1840, se trouve l'observation d'une femme de 22 ans, atteinte d'aménorrhée, mais qui chaque mois éprouvait tous les phénomènes physiologiques de la menstrua¬tion, excepté l'écoulement de sang. Les organes génitaux externes étaient bien conformés: le vagin se terminait brusquement en cul-de-sac à un pouce et demi de la vulve. L'examen par le vagin et par le rectum ne permet de constater aucun vestige d'utérus. — Dans ce fait, l'autopsie ne fut pas faite, mais les troubles périodiques mensuels qui survenaient ne peuvent laisser le moindre doute sur l'existence de l'ovaire.
Au musée anatomique de l'université de Bologne, se trouvent des organes génitaux d'une femme morte à 27 ans, qui n'avait jamais été réglée, mais dont la menstruation était remplacée par une
R E V U E PII0 T 0 G R A P HIQ U E
DES HOPITAUX
ORGANES GÉNITAUX INTERNES D'UNE FEMME
( é t a t 11 u ii 1 m e s t a i r i. )
epistaxis mensuelle. Les organes génitaux externes étaient bien conformés. L'ouverture du vagin n'existait qu'à l'état d'une petite dépression constituée par un petit repli de la peau. A l'autopsie, on ne trouva aucun vestige ni du vagin, ni du corps, ni du col de l'utérus, lequel était réduit à un cordon fibreux qui se terminait de chaque côté en se bifurquant : l'une des branches de bifurcation était la trompe de Fallope, l'autre le ligament de l'ovaire. Cet organe existait à droite et à gauche, dans sa situation normale.
Il serait facile d'énumérer de nouveaux exemples et de mention¬ner les cas relatés par Chaussier, Serres, Velpeau, MM. Bousquet, Puech, etc., et beaucoup d'autres observateurs. La plupart de ces faits se trouvent consignés dans l'intéressante thèse d'agrégation de M. Lefort ; nous nous bornons à les signaler : ceux dont nous venons de donner le résumé succinct suffisent pour établir la vérité de la proposition formulée par M. Gallard, à savoir que lorsque un individu présente les attributs extérieurs de la femme, et alors qu'on ne trouve chez lui ni utérus ni vagin, il y a lieu de penser qu'il appartient au sexe féminin et il convient de le considérer comme une femme mal conformée plutôt que comme un homme mal conformé.
LÉGENDE EXPLICATIVE DE LA PLANCHE.
A. — Face postérieure de la vessie qui est rabattue sur le pubis. D. — Canal de l'urèthre du côté droit.
C. — Face antérieure du rectum.
D. — Ovaire droit avec une section longitudinale.
E. — Tubercule terminant le cordon fibreux qui représente l'utérus. G. — Rectum.
II. — Aorte.
i. — Pavillon de la trompe de Fallope du côté droit. J. — Pavillon de la trompe de Fallope du côté gauche. K. — Rein droit.
PHYSIOLOGIE
DE L'ANTAGONISME DE LA FÈVE DE CALABAR ET DE L'ATROPINE
PAR BOURNEVILLE.
Dans une note, lue en 1867 à la Société de biologie1, nous avons rapporté une expérience qui semblait indiquer que les effets toxi-
1 De l'Emploi de la fève de Calabar dans le traitement du tétanos. Paris, Ad. Delahaye, 1807.
ques produits par la fève de Calabar1 pouvaient être heureusement combattus parle sulfate d'atropine. L'idée de donner l'alcaloïde de la belladone pour combattre l'empoisonnement causé par la fève de Calabar reposait sur des faits de deux ordres : 1° l'action bien connue de l'une et de l'autre de ces substances sur l'iris ; 2° sur une relation clinique, d'ailleurs assez vague, de M. Kleinwàchter2. Nous n'insisterons pas sur les faits de la première catégorie, ils sont connus de tout le monde ; mais nous allons résumer briève¬ment ceux qu'a publiés l'auteur allemand.
f. Empoisonnement de quatre hommes par l'atropine. — Traite¬ment de l'un d'eux par la fève de Calabar5.
Des détenus occupés à nettoyer les salles d'un hôpital avisèrent une cassette fermée qu'ils forcèrent. Ils y découvrirent plusieurs flacons renfermant un liquide incolore, qui fut pris par eux pour de l'alcool. Quatre d'entre eux, âgés de 24 à 30 ans, se mirent à en boire. Le premier, ayant bu avec lenteur et se voyant trompé, rejeta ce qu'il avait dans la bouche. Le second n'en avala qu'une gorgée. Les deux autres prirent la plus grande partie du liquide, qui n'était autre qu'une solution de sulfate d'atropine. Les flacons contenaient chacun 4 grains de sulfate d'atropine et 4 drachmes d'eau. Ils avaient été vidés l'un complètement, un second à moitié, le troi¬sième était intact.
Le premier malade ne présentait rien de particulier ; le deuxième, après avoir éprouvé un peu de malaise, avait vomi et, parlant, n'avait aucun symptôme d'intoxication. Il n'en était pas de même des deux derniers, quioflraient des signes très-accusés d'un empoison¬nement, surtout le quatrième. M. Kleinwàchter les plaça dans la posi¬tion horizontale, leur fit faire des affusions d'eau froide et, sitôt que cela fut possible, essaya de leur donner, mais sans succès, de l'ipéca et du café noir. Seul, le troisième malade but un peu de café. Voyant qu'il n'obtenait aucun résultat, M. Kleinwàchter voulut leur admi¬nistrer une potion avec de l'acide tannique, potion qui ne put être
1 Consulter sur ce sujet : Giraldès, Académie des sciences, 1863, et Congrès médico-chirurgical de Rouen, 1863 ; Vée et Leven, Recherches chimiques et physiol. sur la fève de Calabar, 1865 ; Bourneville et E. Teinturier, revue ana¬lytique (Mouvement médical, 1866, p. 256 ; — 1867, p. 161, 2.52, 281, 301, 586; ■— 1868, p. 495, 515); F. de Paula Navarro, Étude stir la fève de Calabar, thèses 1869. — Antagonisme de la fève de Calabar et de la strychnine, par Keywortli [Mouv. méd., 1869, p. 379).
2 Berl. Klin. Woschschr., n° 38, 1864.
5 Nous devons la traduction de ce travail à notre ami M. E. Teinturier.
ingurgitée. Faire vomir ces deux malheureux était urgent ; il eut recours à de la bière émétisée. Le troisième malade en absorba une petite quantité et vomit médiocrement.
Ne pouvant garder les malades, M. Kleinwâchter les fit recon¬duire à la prison. En route, il rencontra M. Niedermetscheck, profes¬seur de clinique ophlhalmologique,lequel fit observer qu'il serait peut-être bon de prescrire la fève de Calabar à l'intérieur. Sur le champ, M. Kleinwâchter fit prendre sur du sucre, au quatrième malade qui était le plus affecté, dix gouttes d'une solution composée de six grains d'extrait pour une drachme d'eau. On tenta enfin d'instiller dans l'œil quelques gouttes de la solution sans toutefois y parvenir. "Après un quart d'heure d'attente , dit l'auteur, le quatrième ma¬lade eut des vomissements copieux de liquide et de mucus. Le pouls redevint plus fort et plus fréquent (75 pulsations) ; la température s'abaissa, le délire diminua. Le malade, redevenu plus calme, se plaignit d'une sensation de déchirure dans l'urèthre et évacua de l'urine en abondance. Le troisième prisonnier était toujours dans l'ivresse atropique. »
A deux heures et demie, le quatrième malade, assis sur son lit, ré¬pondait très-bien aux questions qu'on lui adressait. Le pouls, meil¬leur, était à 80. La vue était trouble ; les pupilles étaient encore très-dilatéesquoique à un moindre degré qu'au début des accidents. La tête étail lourde. — L'autre malade, le troisième, gisait sur son lit dans le même état qu'auparavant, malgré les applications d'eau froide et malgré les vomitifs que, à la vérité, il ne prenait pas. — Le lendemain, le quatrième malade était presque tout à fait remis, tandis que l'autre était toujours sous l'influence de l'ivresse atropi¬que et avait les pupilles beaucoup plus dilatées que son camarade, qui avait pris de la fève de Calabar. — Les deux malades ont guéri.
" Quand on transporta ces deux malades de l'asile à la prison, écrit M. Kleinwâchter, j'avais peine à croire que le quatrième arri¬vât vivant, tant étaient graves les symptômes. Je ne crois pas, enfin, qu'il faille attribuer au hasard l'amélioration qui suivit l'emploi de la fève de Calabar, car elle fut trop rapide et trop manifeste pour que l'on pût en méconnaître la cause. Cependant il serait très-im-
1 Nous reviendrons sur les phénomènes oculaires observés dans l'empoison¬nement par la fève de Calabar. Dès maintenant, nous pouvons dire que, le plus souvent, on ne remarque rien dans les cas où la fève de Calabar est donnée en injections sous-cutanées.
portant, pour plus de certitude, de faire des expériences précises et nombreuses sur la fève de Calabar comme antidote de l'atro¬pine. »
Depuis l'expérience que nous avons signalée, en commençant ce travail, nous en avons institué d'autres en 1868. Les résultats que ces dernières expérimentations nous ont fournis, ont été indiqués dans la Santé publique (1869, p. 44) et résumés dans the Lancet (1869, vol. II, p. 233)1. Bien qu'ils concordassent avec les précé¬dents, nous avons voulu multiplier les expériences afin de fournir le plus possible de preuves. Nous allons maintenant en exposer succinctement quelques-unes2.
Expérience I. Cochon d'Inde, 430 grammes. Le 25 septembre 1868, à dix heures vingt minutes, injection de dix gouttes d'une solution ainsi composée :
et, à dix heures vingt-cinq, injection de vingt-cinq gouttes de la so¬lution suivante :
Tremblement général, poil hérissé, secousses convulsives dans le train postérieur. — 10h30: injection de dix gouttes de la solution d'atropine. — 10h35: les convulsions sont plus intenses. Paralysie complète du mouvement. Dysphagie. Respiration lente, pénible, surtout diaphragmatique. — 10b40 : la respiration est moins rare,
1 Dans sa thèse intitulée : de la Méthode physiologique en thérapeutique et de ses applications à l'étude de la belladone, Paris, 1868, M. Meuriot, parlant incidemment de la fève de Calabar, ne dit rien de son usage dans le traitement de l'empoisonnement atropique. — D'un autre côté, dans la thèse de M. Casau-bon (de la Conicine, Paris, 1868), nous lisons ce passage : " La belladone a une action justement opposée (à la fève de Calabar) : elle agit sur les extrémités pé¬riphériques des nerfs pneumo-gastriques de manière à les paralyser, d'où suit une augmentation des battements du cœur. C'est pourquoi, administrées en même temps, la fève de Calabar et la belladone se neutralisent réciproquement. » Au¬cune expérience ne vient à l'appui de cette assertion. Enfin, dans sa thèse (août 1869), M. Navarro, élève de M. le professeur Sée, reproduit simplement sur ce point ce que nous avons écrit en 1867.
* Nous laissons aussi de côté un grand nombre d'expériences préparatoires dans lesquelles, les doses étant mal proportionnées, nous n'avons remarqué qu'un ralentissement dans la marche des accidents.
II. Expériences sur les animaux.
Extrait de fève de Calabar
Alcool..........
Eau distillée.......
2"',40
10 grammes 20 —
Sulfate d'atropine Eau distillée. . .
0*',30
50 grammes.
plus régulière ; les convulsions diminuent. L'animal urine. — 10M5-55: les convulsions persistent. Le cochon d'Inde est couché sur le ventre, les pattes postérieures allongées. Bientôt il cherche à se relever sur les pattes de devant. Il urine deux fois à un court intervalle. Pas de selles, ni de larmoiement, ni de salivation. — 10h55 à 11M5 : la paralysie du mouvement a diminué peu à peu, l'animal essaye démarcher. Parfois de petites convulsions. Le trem¬blement continue. — llh15 à midi : a uriné ; se promène, mais le train postérieur est toujours plus faible. — Midi à midi et demi : l'amélioration augmente. Sensibilité conservée depuis le début; les poils tremblent encore. Urine de nouveau. — Midi et demi à 1 heure : selle solide peu abondante. A partir de ce moment, l'animal s'est re¬mis progressivement, et à trois heures, il a commencé à manger. Le lendemain, 26 septembre, il n'offrait rien d'anormal.
27 septembre. \ 0h20 : injection de dix gouttes de lasolution de fève de Calabar. — 10h23: tremblement, poil hérissé; bave verdâtre très-abondante ; secousses dans les pattes de derrière; parésie du train postérieur. — 10h25: convulsions généralisées ; urines abon¬dantes, blanchâtres ;jetage ; l'animal se tient couché sur les quatre pattes; oreilles fraîches. — 10h25-50 : urines peu abondantes, selle dure. Tremblement général, plus marqué par moments. Con¬vulsions cl uniques. — 10h30-35 : augmentation de la paralysie du train postérieur, où les convulsions paraissent avoir leur maxi¬mum. Larmoiement très-prononcé: l'animal ne paraît plus voir. — 10h35-40 : l'animal est couché sur le côté gauche. Bésolution com¬plète. Parfois, efforts de déglutition. — Convulsions des muscles abdominaux et du diaphragme. La respiration se ralentit progressi¬vement. Bruit laryngien Les tremblements, les spasmes diminuent. Mort à 10h45.
Dans la première partie de l'expérience, l'animal a reçu 16 milli¬grammes d'extrait de fève de Calabar et 6 milligrammes de sulfate d'atropine, et il s'est remis des accidents toxiques qu'il a éprouvés ; dans la seconde partie, nous lui avons injecté 16 milligrammes d'extrait de fève de Calabar et il a succombé assez rapidement.
Expérience IL Cochon d'Inde, 295 gr. — Le 27 septembre 1868, à 5b57, injection sous-cutanée de deux gouttes de la solution de fève, et aussitôt après de 40 gouttes de la solution d'atropine. — 6M5 : Faiblesse et tremblement du train postérieur ; urine à deux reprises. — 6h20-40 : les symptômes augmentent. —6H0-7 heures:
mieux ; démarche chancelante. Urine laiteuse assez abondante. — Neuf heures : remis tout à fait.
29 septembre. 8h30 : injection de deux gouttes de fève de Calabar. Les phénomènes se déroulent en peu de temps et il meurt à 9M5. — Les résultats sont les mômes que dans la première expérience.
Expérience III. Cochon d'Inde, 290 gr. Le 27 septembre 1808, à 6h55, injection de deux gouttes delà solution de fève, et trois minu¬tes plus lard de 40 gouttes de la solution d'atropine. L'animal a éprouvé les mêmes symptômes que le précédent. I! a uriné une fois, mais n'a eu ni bave, ni larmoiement, ni selles. A neuf heures il était guéri.
29 septembre. 5h50 : injection de deux gouttes de la solution de fève, avec toutes les précautions possibles pour qu'il ne reste rien dans la canule. — 6 heures : tremblement, parésie du train posté¬rieur ; quelques secousses dans les muscles du tronc. — 6h5 : selles ; paraplégie complète ; se tient sur les pattes de devant. Accès convulsifs. — 6M0 : les accidents augmentent ; efforts de dégluti¬tion ; il meurt à 6h15, sans avoir eu aucune exagération des sécré¬tions.
Nous allons maintenant résumer nos deux dernières expériences. Elles ont été faites avec un autre extrait, ce qui nous a obligé à des tâtonnements assez nombreux.
Expérience IV. Cochon d'Inde gros et fort. —■ Le 18 avril 1870, à 10 heures, injection de 35 gouttes d'une solution de
et aussitôt de 40 gouttes d'une solution au centième de sulfate d'a¬tropine. — 10h5-15 : poil hérissé; tremblement; marche titubante ; parésie du train postérieur ; mâchonnement. — 10M5-30 : le trem¬blement et la parésie sont plus accentués. Convulsions cloniques. — 10h40-ll heures: le tremblement s'affaiblit progressivement; la démarche devient plus assurée. Ni selles, ni urines. — Midi : par¬faitement rétabli.
20 avril. Injection de 40 gouttes de la solution de fève de Calabar (16 milligr.) à 9h45. — 9h50-55 : selles, urines ; tremblement léger; parésie très-nette du train postérieur. — 10 heures : mâ¬chonne, efforts de déglutition. En voulant marcher, il tombe sur le
Extrait de fève de Calabar
Eau...........
Alcool..........
0*',60
20 grammes. 10 —
côté. Selles, urines. —10b5: mieux. Se promène plus facilement.
— Onze heures : amélioration notable. — Midi : mange ; guéri.
23 avril. 10h10 : injection de 40 gouttes de la solution d'atropine (8 milligr.). — 10bl5-20 : nul phénomène particulier. L'animal se gratte le nez, le frotte par terre, lèche sa plaie qui a été couverte, comme toujours, par du collodion afin qu'il ne sorte rien. — Onze heures : mange ; état normal.
Ce qui précède démontre : 1° que la dose de fève de Calabar ad¬ministrée était trop faible ; 2° que le sulfate d'atropine est supporté sans inconvénient, même dans des proportions élevées par les co¬chons d'Inde, fait, d'ailleurs, bien connu.
3 mai. Injection de 60 gouttes de la solution de fève de Calabar à 9h25, et, environ cinq minutes plus tard, de 40 gouttes de la so¬lution d'atropine. -9h35 : tremblement généralisé; parésie du train postérieur. — 9h40 : l'animal est couché sur le ventre; convulsions cloniques fréquentes, parfois si violentes qu'elles produisent des soubresauts. — 9h50 : Même intensité des phénomènes convulsifs. Décubitus sur le côté gauche. —10 heures : état grave; strabisme en bas.— Î0h5 : les convulsions sont moins fortes; cependant l'ani¬mal ne peut encore se soutenir sur ses pattes : sitôt qu'il essaye de se relever, il tombe et les convulsions deviennent plus énergiques.
— Ni selles, ni urines, ni salivation, etc. — 10M5 : amendement des accidents. L'animal se traîne un peu sur les pattes de devant.— 10h30 : l'amélioration continue; démarche laborieuse. Pas de con¬vulsions. Selles solides. — llh30 : guéri.
9 mai. 5h15 : Injection de 60 gouttes de la solution de fève.—5hl 2 : convulsions; selles, urines.—5M5 : convulsions générales; l'animal tombe sur le côté. —5h20-25 : même situation grave. —5h30 : con¬vulsions plus rares; résolution; strabisme en bas. — 5h55 : décubitus latéral gauche ; efforts de déglutition ; bruit laryngien. — 5h40 : salivation; urine en petite quantité; convulsions presque nulles. Respiration lente. — Six heures : mort.
Autopsie le 10 mai. La rigidité cadavérique est considérable. (Nous étudierons ce phénomène d'une façon spéciale, car la ma¬nière dont il se manifeste, sa durée dans certaines conditions peu¬vent avoir un véritable intérêt au point de vue de la médecine lé¬gale).—Cerveau, très-légères arborisations delà pie-mère; substance cérébrale ferme, saine. —Moelle, rien à l'œil nu. —Poumons forte¬ment congestionnés, noirs, non-seulement au centre, mais encore à la surface en certains points; des fragments, jetés dans l'eau, ne
gagnent pas le fond du vase. — Cœur : oreillettes et ventricule droit gorgés de sang noir coagulé. — Tube digestif: estomac à demi rem¬pli d'aliments; l'intestin grêle, rouge extérieurement, présente à l'intérieur des arborisations assez nombreuses; cœcum distendu par des matières fécales molles; côlon et rectum, fèces solides; rate et pancréas sains. — Organes urinaires : capsules surrénales assez grosses, résistantes; reins médiocrement hypérémiés; vessie, un peu d'urine, muqueuse normale. — Cette expérience confirme par¬faitement les précédentes.
Expérience V. — Cochon d'Inde, plus gros que celui de l'Expé¬rience III.
23 avril à 10h5 : injection de 40 gouttes de solution de fève de Calabar et aussitôt de 40 gouttes de solution d'atropine. —10l,15 : selles, bave, urine (il convient sans doute d'attribuer ces phéno¬mènes à la proportion considérable de fève de Calabar relativement à la dose d'atropine); parésie du train postérieur. — 10b20 : après avoir eu des convulsions dans les pattes de derrière, l'animal est tombé sur le côté droit, puis s'est relevé sur les pattes de devant. — 10h25 : les convulsions s'étendent. Même faiblesse du train pos¬térieur. — 10h55 : marche plus assurée. —11 heures : rétabli.
26 avril. Injection de 60 gouttes de solution de fève de Calabar. Après avoir éprouvé des accidents plus intenses que le 25 avril, l'animal s'est parfaitement remis.
6 mai. 5h45: injection de 70 gouttes de la solution de fève (28 mil¬ligrammes), puis de 50 gouttes d'atropine.— 5h55 : tremblement général ; se traîne. — 6h5 : convulsions ; décubitus abdominal ; selles solides. — 6h 10-20 : urine un peu, convulsions généralisées, rapides plutôt tôtaniformes que cloniques. — 6h30 : toujours couché sur le ventre, la tête portant sur le sol ; selles, urines. — 6h45 -.même état grave, toutefois les convulsions sont moins fré¬quentes. — 7 heures : immobile ; nul mouvement spontané ou pro¬voqué. — 7b20: lorsqu'on excite l'animal, les convulsions augmen¬tent. — 7h35 ; se soulève, mais retombe. — 8 heures : encore des convulsions par moments ou si on l'excite. — 8h30 : marche avec peine. — 9 heures : de mieux en mieux.
9 mai. 5h20 : injection de 70 gouttes de la même solution de fève de Calabar. —5h25 : urine; inquiétude; tremblement; fai¬blesse du train postérieur. — 5h30 : les convulsions ont une inten¬sité de plus en plus grande, marche impossible ; décubitus sur le
ventre, les pattes éearlées ; selles. —5U40 : convulsions très-fortes e! générales; selles solides. — 5h50 : convulsions plus rares, ten¬dance à tomber sur le côté gauche.— Gh 10 : larmoiement assez abondant ; strabisme ; convulsions. — 61130 : les convulsions dimi¬nuent ; essaye de se traîner et parait beaucoup plus faible du côté droit qui, dans la marche, repose en partie sur le sol. — 7b10 : Y hémiplégie droite est très-nette. Pas de convulsions. — 8h30 : même état. — 9 à 10 heures : se déplace à peine quand on l'excite ; il s'appuie sur les pattes du côté gauche et s'incline fortement à droite. Aggravation. Urine. — Minuit : il est tombé dans une sorte d'immobilité et est mort sans avoir eu de nouvelles convulsions.
Autopsie le 10 mai. -— Rigidité cadavérique très-prononcée. Cerveau : arborisation en plaques de la pie-mère, qui recouvre la convexité de l'hémisphère droit; — injection très-prononcée, épanchement de sang dans les muilles de la pie-mère, qui revêt la partie antérieure etmoyennede la convexité de Y hémisphère gauche; on trouve encore du sang épanché clans la pie-mère au niveau de la face interhémisphérique du lobe antérieur.— Rien dans les ven¬tricules ; substance cérébrale assez ferme, normale. — Moelle: en arrière du cervelet sur la face postérieure de la moelle cervicale, quelques vaisseaux sont distendus et renferment du sang coagulé; sur la face antérieure, vascularisation assez marquée.... Poumons : à leur périphérie taches noirâtres répondant à des portions conges¬tionnées ; larynx, trachée, bronches, rien de particulier. —Cœur: oreillette et ventricule droit remplis de sang noir coagulé. — Tube digestif : estomac distendu par les aliments ; légères arbori¬sations de l'intestin grêle ; muqueuse à peu près naturelle : le gros intestin renferme des matières fécales. Foie, rate, hypérémiés ; glandes maxillaires d'une couleur rose assez foncée. — Organes urinaires : reins très-peu congestionnés ; vessie distendue par de l'urine blanchâtre qui, traitée par la chaleur, s'est prise en une masse blanche, opaque {albuminé). Enfin le tissu cellulo-graisscux de l'aisselle droite (côté paralysé) est remarquablement injecté, tandis que celui de l'aisselle opposée n'offre rien de semblable.
Des expériences qui précèdent il nous semble possible de con¬clure que les effets produits par la fève de Calabar sont neutralisés par ceux de l'atropine, et par conséquent que, dans les empoisonne¬ments par la belladone, on pourrait avoir recours avantageusement à la fève de Calabar.
DU POULS PHYSIOLOGIQUE ET DE SES VARIÉTÉS
par le docteur Cil, ozanam.
I. LE pouls mesure du temps et de la vie. — Le pouls CSt CCllO
impulsion, simple en apparence, que le cœur communique au sang, lequel vient remplir les artères en dilatant leurs parois qui produi¬sent un choc sous le doigt explorateur.
Le pouls de l'homme à la force de l'âge, bien portant, et qui n'est sous l'influence ni de la digestion, ni des passions, doit battre la seconde (60 fois par minute); il bat le. double chez l'enfant nouveau-né (120 à 150) et oscille entre ces deux chiffres aux différentes âges de la vie.
Rappelons ici que la plus petite unité de mesure du temps, la se¬conde, a été prise sur le battement du cœur de l'homme, de môme que la plus longue unité de mesure, le siècle, a été prise sur le type de la plus longue vie humaine.
La seconde est donc à la fois la mesure du temps et de la vie, et le cœur de l'homme en est le premier pendule, le régulateur et le balancier. Mais, à côté de cette vue générale sur l'importance du pouls, nous devons rappeler de quelle valeur doit être à son tour, pour le médecin, l'étude attentive des variations du pouls dans les maladies ; chaque pays, chaque siècle a fait un effort pour résoudre ce problème, et cependant la solution est encore bien peu avancée: on prétend même que les Chinois sont, sur ce point, plus savants que nous, et prononcent sur le diagnostic et le pronostic de toute maladie, au seul toucher du pouls. Ils distinguent 7 pouls externes, 8 pouls internes, 9 pouls des grandes voies de communication, 27 pouls mortels. Ils étudient le pouls superficiel de la peau et des chairs, le pouls moyen du sang et des nerfs, le pouls profond des os. Chaque organe essentiel a son pouls naturel et son pouls con_ traire qui change avec la saison. Nous sommes loin d'avoir fait dans notre savante Europe une étude aussi approfondie.
II. Analyse de la pulsation. — Si le pouls paraît simple à la main qui le touche, il n'en est plus ainsi quand on l'examine avec des instruments délicats, et le pulsographe1, mieux que tout autre, re¬produit avec une sensibilité extrême les moindres nuances de l'im¬pulsion sanguine. En parcourant les schémas ci-joints, on aperçoit,
1 Voy. la description de cet instrument dans le numéro de mars, p. hd.
de primo abord, après la grande impulsion première, une seconde puisa!ion beaucoup moins forte, qui ne s'élève guère qu'au tiers ou au quart de la première.
C'est cette seconde pulsation, qui, dans certaines maladies, deve¬nant plus prononcée, a fait donner au pouls le nom de dicrote, ou bis feriens. Le dicrotisme, quand il est prononcé, surtout dans les fièvres continues, indique une tendance aux crises par les sueurs, parla diarrhée, ou par 1'epistaxis ; mais les tracés ci-joints mon¬trent qu'il existe, pour ainsi dire, toujours et qu'on doit le considé¬rer comme physiologique ; son exagération seule devient patholo¬gique.
Dans les tracés les plus sensibles, on remarque en outre une ou deux petites ondulations avant le retour de la grande pulsation.
Puis, si l'on examine avec attention le sommet de cette pulsation maîtresse, on y remarque souvent une bifiditô prononcée, qui con¬stitue encore un véritable dicrotisme. Ce caractère se manifeste surtout dans le jeune âge et dans le plus avancé, du moins pour l'artère radiale ; il est d'autres artères comme la carotide primitive, où la bifidité est habituelle.
Si nous examinons les tracés du cœur, nous y retrouvons aussi les mêmes détails et de plus nombreux encore. Mais la seconde pulsation, au lieu de succéder à la grande, a plutôt l'air de la pré¬céder et de se confondre avec elle.
En outre, si l'on ausculte le sujet, tout en observant la colonne de mercure, on remarque que la grande pulsation coïncide avec le premier bruit et la petite avec le deuxième bruit du cœur.
Deux théories peuvent donner une explication suffisante des détails nombreux observés dans l'analyse de la pulsation :
La théorie du choc en retour ;
d° de l'indépendance des quatre temps du cœur.
III. Théorie nu choc en retour. — Déjà bien connue dans la science, cette théorie attribue la grande impulsion à la contraction du ven¬tricule gauche, la petite pulsation au choc en retour de la colonne sanguine, retombant sur les valvules aortiques pour rejaillir de nouveau.
Mais cette théorie a besoin d'être complétée pour rendre compte de tout, et, en particulier, des tracés cardiaques.
Et d'abord, pour les artères, un élément de plus est à considérer, c'est Yélasticité de leurs parois, la tension de leur système.
Aussi voit-on des pulsations cardiaques très-fortes ne produire qu'une faible ondulation secondaire, tandis que d'autres pulsations, faibles en apparence, sont suivies d'une forte ondulation secon¬daire, et souvent même de plusieurs autres plus pelites.
Dans cette théorie, tous ces mouvements successifs seraient pro¬duits par l'élasticité des parois du système artériel, tour à tour di¬laté parle sang, puis se resserrant pour le chasser à la périphérie.
Mais les tracés du cœur offrent des éléments plus complexes et qui trouvent difficilement leur explication dans cette seule théorie.
IV. Théorie de l'indépendance des quatre temps du cœur. — La seconde théorie est celle qui attribue à chaque cavité un temps par¬ticulier pour son évaluation et une part directe ou indirecte dans la production du pouls.
Ainsi, tandis que la plupart des ouvrages de physiologie nous enseignent que les deux ventricules se contractent ensemble, puis, de même, les deux oreillettes, l'examen des tracés nous montre que, si la contraction commence simultanément pour les deux ventricules, elle ne finit pas au même moment pour les deux, et le dicrotisme du sommet de la grande pulsation ne serait autre chose que la double expression de la double contraction des deux moitiés du cœur.
La contraction commencerait par le cœur gauche; elle se conti¬nuerait moins intense par le cœur droit; aussi voit-on sa pointe un peu au-dessous de la première ou même sur le côté de la ligne de chute.
Les deux ventricules ayant une cloison commune, on conçoit que le cœur droit, en se contractant, produise ainsi cette seconde systole dans le cœur gauche, dont il complète ainsi l'action.
Sur les cœurs d'adulte qui battent très-fortement, cet examen est impossible, le grand tracé dominant tout. Mais chez les enfants l'inégalité de force des deux ventricules étant beaucoup moins grande, en obtient facilement le dicrotisme de la systole.
Sur la ligne de chute de la systole, on voit une première saillie, peu prononcée ; elle doit correspondre au choc en retour du sang de la veine pulmonaire sur les valvules du cœur droit, d'où vient un léger gonflement, beaucoup moins prononcé que celui du reflux aortique.
La pyramide représentée ainsi par les systoles se trouve doublée
à ses deux bases de deux saillies produites par les deux chocs en retour.
La deuxième pulsation reste toujours produite par le choc en re¬tour du sang et des valvules aortiques.
Les petites pulsations secondaires, qui succèdent au choc en re¬tour, seraient dues aux contractions des oreillettes, qui se feraient en un ou plusieurs temps, jusqu'au retour de la grande systole.
Dans celte manière de voir, chacune des cavités du cœur, tout en conservant des fonctions spéciales et personnelles concourrait en outre d'une manière directe ou indirecte au grand phénomène de la circulation générale et ajouterait son effort secondaire à la puis¬sante action du muscle cardiaque gauche.
V. Analyse d'i n tracé complet du cœur.
Systole.
(Diastole.\
)Quand la tension du cœur est forte j ou celle des artères faible. (Quand la tension du cœur est faible 1° Période / ' •{ 01 celle des artères forte,
d'ascension. 1 ç;0M„/^ (Quand l'impulsion trop forte masque la systole du cœur droit. Quand les impulsions du choc en re¬tour et des oreillettes empiètent sur la systole. Se terminant par une pointe aiguë et unique, l'impulsion du cœur gau¬che dominant tout. Continue se terminant en plateau par suite du prolongement de la sys-2° Période I ' to'e ^u cœur gauche,
d'état ou \ [Quand l'impulsion des deux cœurs
de tension. ) l se *a'^ sent'r successivement par la
biftditc de la systole. 1° Les deux points sont presque à la même hauteur, les deux cœurs bat¬tent dans un rapport sensiblement égal.
2° Les deux points sont à hauteur différente, la prépondérance du cœur gauche étant plus prononcée. Droite incli- Suivant la tension plus ou moins gran-uée. . . .( de du cœur et des artères.
[Présentant une éminence produite par le choc en retour du cœur droit,
1 Dicrote I (tu' retentit sur ^e 8auche à travers la cloison et se manifeste le pre¬mier à cause du court trajet du . sang.
Ne dure qu'un instant; à peine le ventricule a-t-il cessé de se contracter, qu'il commence à se remplir.
Droite. . Inclinée. Simple. .
1 Dicrote.. Courte. . Longue..
Dicrote.
lu Période de chute.
2° Période de repos.
t 5° Période , cœur | Diastole. ] de / t gonflement \
1° Choc enrc-\Déjà décrit, agit sur le cœur gauche à travers la cloison. Le sang aorlique, retombant sur les valvules sygmoïdes, les refoule avec claquement du côté du cœur, pro¬duisant un flot dans le sang resté dans le ventricule gauche. Produisent à leur tour une ou deux petites ondulations suivant que leurs contractions sont simultanées ou successives.
tour droit.
2° Choc en re¬tour aortique ou gauche.
3" Contraction des i oreillettes.
Celte théorie semble trouver une démonstration physiologique puissante dans les expériences qui ont été faites en 1869 à la dix-huitième réunion de l'Association américaine des sciences médicales de Salem, en Amérique, par le docteur Groux.
— La suite au prochain numéro. —
BIBLIOGRAPHIE
Traité des maladies de l'estomac, de W. Brinton, traduit par Riant, précédé d'une Introduction de M. le docteur Lasègue 1.
Trop souvent le bibliographe ne peut présenter à ses lecteurs que des ouvrages écrits avec une précipitation regrettable et com¬plètement dépourvus de ce cachet de supériorité qu'il aimerait tant à trouver ; trop souvent il en est réduit à analyser des œuvres écrites clans un but plus ou moins mercantile et contribuant bien peu aux progrès de la science. Aussi lorsque, par hasard, il vient à rencon¬trer un travail du mérite de celui de Brinton, ne doit-on pas lui reprocher d'en signaler tout d'abord la rare valeur, et d'en recom¬mander la lecture à tous ceux qui, préoccupés des progrès de la véritable science, aiment à l'étudier chez ceux qui lui ont voué un culte particulier?
Brinton a raconté lui-même comment il avait été conduit à faire des affections gastriques une étude approfondie. " La perte d'un de ses proches parents auquel il donnait des soins, écrit le professeur Lasègue, lui avait fait sentir douloureusement l'insuf¬fisance et le vague de nos connaissances en matière d'affections abdo¬minales. Son idée fut de détacher de la masse confuse des observa-
1 Volume de 408 pages, chez Ad. Delahaye, libraire-éditeur.
lions quelques types fixes, à symptômes définis pendant la vie, à lésions caractéristiques après la mort. Aussi les trois grands chapi¬tres du livre sont-ils consacrés à l'ulcère, au cancer, à ce qu'il appelle la cirrhose de l'estomac et secondairement à quelques autres altéra¬tions de structure. L'anatomie pathologique fournit là, comme toujours, le critérium le plus sûr, en donnant aux inductions de la clinique la sanction d'une démonstration directe. »
L'ouvrage commence par un aperçu anatomique et physiologique : préambule nécessaire, indispensable même pour l'étude qui va suivre. Puis nous trouvons un chapitre de symptomatologie générale, chapitre dans lequel sont examinés avec soin les accidents gastriques principaux, ceux qui doivent mettre le clinicien à même d'interpré¬ter plus tard leurs rapports avec chacune des maladies de l'organe, nous voulons parler de la douleur, de l'éructation, de la régurgita¬tion, du vomissement, de l'hémorrhagie et de la flatulence.
Vient ensuite un chapitre contenant quelques observations à pro¬pos de l'examen anatomo-pathologique de l'estomac. Qui niera combien il est important de suivre complétementetavecle plus grand soin les phénomènes de la mort et de la putréfaction ? C'est là, en effet, le seul moyen d'éviter des erreurs plus ou moins grossières, et de faire véritablement la part de la maladie. Or, ne l'oublions pas, pour l'estomac, les lésions apparentes sont quelquefois équivo¬ques ; elles ne sont appréciables que par une étude attentive, une analyse raisonnée, et surtout par la comparaison avec les tissus sains après la mort et avec des symptômes observés chez le malade pendant lavie; sinon l'autopsie nous induira souvent en erreur, et. nous n'en pourrons tirer aucune lumière pour la nature et le traite¬ment des maladies.
Signalons seulement la gastrite, l'ulcère et le cancer de l'esto¬mac; ce sont là, avec le suivant, les grands chapitres de l'ouvrage; ils sont, on peut le dire sans crainte d'être démenti, traités de main de maître ; ils constituent des monographies excellentes, supérieures à ce que nous possédons sur la matière. Nous ne vou¬lons pas analyser, il faut tout lire, et de cette lecture chacun en retirera grand profit. Passons au chapitre V, dans lequel l'auteur se basant sur les faits cliniques et pathologiques qu'il a observés, résume les principaux traits de plusieurs maladies de l'estomac. C'est ainsi qu'il nous décrit Y inflammation cirrhotique ou linitis plastique de l'estomac. Selon lui, cette maladie, non étudiée sépa¬rément par les auteurs français, est loin d'être rare; mais l'obscu¬
rite des symptômes, trop semblables à ceux du cancer, en rendent le diagnostic difficile. La cirrhose de l'estomac diffère essentielle¬ment de la gastrite chronique en ce sens que la muqueuse est relativement respectée alors que la tunique musculeuse présente des altérations que Brinton compare à celles qu'on rencontre dans la cirrhose du foie. De là, la dénomination qu'il a adoptée. L'hyper¬trophie, Y atrophie, la dilatation, etc., complètent ce chapitre intéressant. Les trois derniers chapitres traitent de la dyspepsie, de la phthisie gastrique, de la goutte dans l'estomac. Cette énumé¬ration est un peu sèche; mais l'ouvrage de Brinton, ne donnant guère prise à la critique, étant concis, d'une lecture facile grâce aux soins apportés par M. Riant à sa traduction, nous n'avons pu pro¬céder d'une autre façon. Des ouvrages comme celui de Brinton doivent être lus de tout médecin, car, ainsi que le dit M. Lasègue en terminant sa belle] introduction : " Ils ont deux qualités, ils instruisent, et surtout ils font penser. »
G. Peltjer.
NÉCROLOGIE
Nous avons le regret, d'annoncer la mort du doclcur Joseph Alexandre Aizias-Turenne, bien connu par ses nombreuses recherches sur la syphilis et en particu¬lier sur le traitement préventif de cette maladie par la syphilisation. 11 est mort le 28 mai, âgé seulement de 59 ans. Ses obsèques ont eu lieu le dimanche 29 mai. On remarquait à son convoi ses anciens amis, la famille Is. Geoffroy Saint-llilaire, Mathieu, Richard (du Cantal), ses anciens collègues de l'École pratique, Rambaud, Dupré, Laskowski, Legrand du Saulle, les proîesscurs Pajot, Robin, Richet, le professeur Valette, de l'École de droit, les docteurs Caron, Mé-nault, ses amis de la commission promotrice pour l'Enseignement libre, N. Pascal, rédacteur en chef ân Mouvement médical, E. Boursin, Cam. Bocquet, Lcclerc, etc. Ses obsèques ont été, comme sa vie, simples et modestes.
Par son testament il avait demandé que son autopsie fut faite avec soin et que son corps fût directement conduit au cimetière Montparnasse. Ses volontés der¬nières ont été remplies- Heureux ceux qui, en mourant, donnent de tels exemples !
BOUR.NEVILLE.
Le Gérant : a, de montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
PATHOLOGIE
SCROFULIDES CUTANÉES ET OSSEUSES; CICATRICES ET DÉFORMATIONS CONSÉCUTIVES
PAR BOURNEVILLE
Plusieurs fois, dans ses leçons cliniques à l'hôpital Saint-Louis, M. Hardy a montré à ses nombreux auditeurs une jeune fdle pré¬sentant, outre des lésions scrofuleuses de la peau, des déformations graves consécutives à des lésions scrofuleuses des tissus profonds, et en particulier des os. Si la scrofule est fréquente, il est relativement assez rare de la voir déterminer des accidents aussi considérables et aussi multipliés. C'est pour cette raison que nous avons jugé à propos de rapporter ici l'histoire abrégée de cette malade.
Observation.—Ophthalmie double chronique. — Albugo.— Opacités.
— Kératite ulcéreuse à gauche. — Ectropion de la paupière inférieure gauche. — Otite. — Abcès ganglionnaires. — Scrofulides cutanées de la face, des bras. — Scrofidide osseuse des doigts, des orteils, etc.
— Amélioration notable.
Ler... Pauline, âgée de 16 ans,née à Paris, est entrée le 8 juin 1869 à l'hôpital Saint-Louis, salle Saint-Jean, n° 55 (service de M. Hardy). Son père, âgé de 51 ans, se porte bien et ne présente pas de cica¬trices au cou ; il commet souvent des excès de boisson. Sa mère est morte " de la poitrine » à 31 ans ; sa maladie serait survenue à la suite d'une couche ; elle toussait beaucoup, mais ne paraît pas avoir eu d'hémoptysie. Elle était sujette à des indispositions sur la nature desquelles nous n'avons pu obtenir de renseignements précis. Une sœur, âgée de 12 ans, n'aurait jamais offert de symptômes descro-
2e ANNÉE. 7
fuie cl jouirait d'une bonne santé. Un frère, âgé de 9 ans, a une ophthalmie chronique et des glandes cervicales.
Vers l'âge de trois ans, notre malade a eu une ophthalmie double. A droite, elle a laissé plusieurs petites taches sur la cornée, mais comme elles sont situées en dehors du - champ pupillaire, la vision est normale. A gauche, il existe : 1° une blépharite ciliaire avec ren¬versement léger des cils en dehors ; 2° un ectropion de la paupière inférieure ; 5° une opacité cachant une grande partie de la cornée, de sorte que la vision est à peu près nulle; 4° une kératite diffuse avec érosions de la cornée ; 5° enfin une injection de la moitié infé¬rieure de la conjonctive oculaire. En somme, du côté des yeux, on note des lésions anciennes et des lésions récentes.
Peu après le début de la maladie des yeux, les oreilles sont deve¬nues le siège d'un écoulement qui a persisté pendant plusieurs années. Maintenant encore, elle a de temps en temps des abcès auriculaires fournissant une quantité plus ou moins abondante de pus et rappelant, pour ainsi dire, l'écoulement passé.
A ces manifestations scrofuleuses d'autres se sont bientôt sura¬joutées. Nous citerons tout d'abord un abcès ganglionnaire de la région latérale gauche du cou, abcès qui s'est ouvert spontané¬ment, a suppuré longtemps et s'est terminé par une cicatrice irré¬gulière. Puis, des lésions des bras et des avant-bras, abcès ou scro-fulides, dont l'existence est dénotée par des cicatrices blanches, lisses, parsemées de kéloïdes, les unes en îlots, les autres en pla¬ques et d'autres en bandes plus ou moins sinueuses.
Enfin il y a cinq ans sont apparues : 1° une scrofulide de la face (lupus); 2° des périostites des os des orteils, des doigts, etc. Ces dernières lésions ont donné lieu à des nécroses; des phalanges ont été expulsées, de nombreux trajets fistuleux se sont formés en dif¬férents poinls et, à son arrivée à l'hôpital, cette jeune fille était dans une position véritablement inquiétante. Les pieds, transformés en masses informes, gonflés, douloureux, rendaient la marche impos¬sible. La main gauche, encore plus malade et plus déformée, était condamnée à l'immobilité. Seule, la main droite pouvait lui être de quelque secours. Les fonctions digeslives s'exécutaient mal, l'appétit était presque nul; enfin une diarrhée, en quelque sorte chronique, une suppuration très-abondante, augmentaient encore l'affaiblisse¬ment des forces.
Grâce à un traitement tonique et reconstituant, — vin, vin de quinquina ou de gentiane, sirop d'iodure de fer, huile de foie de
Il E V U E P H 0 T 0 G H A P HIQ U E
DES HOPITAUX
DÉFORMATIONS CONSÉCUTIVES A LA SCROFULE
morue, bains sulfureux ; grâce aussi aux douches, malheureusement prises avec trop d'irrégularité, l'élat général s'est amélioré; la ma¬lade a pu se lever, se promener ; la nutrition s'est mieux opérée ; les scrofulides se sont en partie cicatrisées. Afin d'éviter des répé¬titions fastidieuses, nous nous bornerons à décrire sa situation actuelle.
20 juin 1870. Taille exiguë, cheveux noirs, moyennement four¬nis ; front assez haut, mais peu proéminent. Les seins sont petits; les règles ne se sont pas encore établies. Les fonctions digestives et respiratoires s'exécutent d'une manière convenable, La malade a moins de répugnance au mouvement.
Face. Outre ies lésions oculaires, indiquées plus haut, la face pré¬sente des cicatrices, blanches et lisses en quelques endroits, d'un rouge un peu violacé dans la plus grande portion de leur étendue; stigmates indélébiles d'une scrofulide cutanée maligne qui existe encore à la période d'état en certains endroits, par exemple au i.ïveau et de chaque côté de la racine du nez. Les cicatrices, moins étendues à gauche qu'à droite, où les ulcérations auraient été plus profondes, occupent la partie inférieure des tempes, les pommettes et les joues dans toute leur hauteur. La région sus-hyoïdienne est traversée par une vieille cicatrice, sans rougeur, qui déborde sur les régions latérales.
Membres supérieurs. Adroite, on trouve : 1° sur la face postérieure du coude une vaste cicatrice.avec des plaques de kéloïde, adhérente dans un espace circonscrit ; 2° sur la face postérieure de l'avant-bras, deux cicatrices, l'une enfoncée, l'autre plate ; 5° en avant deux autres cicatrices; la dernière descend obliquement et vient aboutira une cicatrice qui occupe la région dorsale du poignet et du métacarpe. Les quatre derniers doigts sont normaux ; mais le pouce, dont l'ongle est déformé, est réduit à un tubercule d'environ I centimètre 12 de longueur et perpendiculaire sur le premier métacarpien. Par suite de l'expulsion de la phalange, les par-lies molles ont produit sur la face palmaire deux saillies convexes et séparées par un sillon assez profond. 11 en résulte aussi que le-minence thénar est plus large et plus volumineuse que d'habitude. Les mouvements de cet appendice digital sont très-bornés.
La moitié inférieure du bras gauche, la région postérieure du coude, \avant-bras présentent une foule de cicatrices de dimensions variables, la plupart offrant ça et là des îlots et même des plaques de kéloïde. Ces cicatrices n'ont pas niodilié sensiblement la forme
des parties qu'elles occupent. 11 est loin d'en être de même de la main, qui est figurée dans la planche XIX. La face dorsale du méta¬carpe est envahie par une cicatrice d'un rouge un peu vineux, limi¬tée en haut par une bande de kôloïde, se confondant en bas avec les cicatrices des doigts. Par places, il existe encore quelques croûtes semblables à celles du nez et des joues.
Si l'on en excepte une altération superficielle de la peau et une ulcération siégeant sur son bord interne (voy. la planche XIX), le pouce est normal, ses articulations sont libres.—-La phalangette de Xindex est saine, ainsi que son articulation avec la phalangine. La phalangine est fléchie sur la phalange et l'articulation intermédiaire est ankylosée. Il résulte de cette disposition que, sur la photogra¬phie, on voit seulement la phalange, laquelle est un peu inclinée vers le bord cubital. Les mouvements de la deuxième articulation métacarpo-phalangienne sont très-bornés.
Le médius n'est plus représenté que par la phalangette soudée avec l'index dans presque toute sa longueur (syndactilie acquise). L'ongle est court et recourbé. La face palmaire est un peu renversée en arrière. La peau de la face dorsale de ce débris digital, moins long que la phalange de l'index dont il suit les mouvements, est le siège de cicatrices et d'ulcérations cachées par des croûtes. De l'annulaire il ne reste plus que la phalange, terminée par un moignon. Elle est couchée transversalement sur le petit doigt auquel elle adhère, de telle sorte qu'elle fait un angle droit avec le médius. Mouvements nuls ; mêmes lésions cutanées. — L'auriculaire possède seulement sa phalangine et sa phalangette ; elles sont placées l'une sur l'autre dans la demi-flexion. La jointure correspondante est ankylosée. L'extrémité supérieure de la phalangine est luxée en arrière sur le cinquième métacarpien. L'ongle persiste. — Du côté de la face palmaire, nous n'avons qu'à mentionner une coloration rosée de la peau, au voisinage des doigts, et la saillie de la tête du dernier métacarpien.
Toutes ces déformations se voient avec netteté sur la planche XlX, qui facilitera beaucoup la lecture des descriptions, peut-être trop minutieuses que nous avons tracées.
Membres inférieurs. A droite, cicatrices au-dessous et en dedans de la rotule et vers le tiers moyen et interne du mollet, consécu¬tives à des abcès qui se sont produits en novembre 1869. Sur le pied, on remarque des trajets fistuleux peu profonds, au talon, au-dessous de la malléole interne, sur la partie moyenne et dorsale du
quatrième métatarsien. —ho, gros orteil, raccourci, un peu refoulé sur l'orleil voisin, ne semble constitué que par la phalangette recourbée en arrière et laissant voir aussi la face plantaire. Les deuxième, troisième et cinquième orteils sont complets et sains. Le quatrième a l'aspect d'un battant de cloche : son extrémité libre est arrondie, pourvue d'un fragment d'ongle; sa partie adhérente au métatarsien simule un pédicule plat, dû à ce que la phalangine et la phalange ont disparu. •
Rien sur la cuisse et la jambe gauches. Des cicatrices et des trajets fistuleux entourent le cou-de-pied en arrière. — Le gros orteil est encore plus renversé sur le métatarsien qu'à droite ; l'ongle est en quelque sorte couché sur la peau, qui répond â la phalange, laquelle n'existe plus. — Les second, troisième et quatrième orteils sont nor¬maux. — Le cinquième est situé tout à fait en arrière des autres ; son extrémité unguéale arrive à peine à leur ligne d'implantation. Il ne paraît plus formé que par la phalangette et la phalangine, réunies en une espèce d'appendice qui s'enfonce à l'instar d'un coin vers le milieu du cinquième métatarsien, sur la face antérieure duquel il est couché. Pas le moindre mouvement spontané.
Ces mutilations si considérables reconnaissent pour cause la scro¬fule osseuse, la nécrose et l'expulsion des phalanges. Aujourd'hui la maladie semble enrayée; les trajets fistuleux se ferment et tout fait espérer que de nouveaux accidents ne se montreront pas.
Réflexions. La mère de cette jeune fille a succombé à une pbthi-sie pulmonaire qui serait survenue à la suite de sa dernière couche ; par conséquent, elle aurait été malade environ trois ans, si l'on ad¬met, ce qui est douteux, que l'affection n'existait pas auparavant. En l'absence de détails positifs sur la nature même de cette phthi-sie, on ne peut invoquer l'influence héréditaire, dans le cas relaté plus haut, que d'une façon hypothétique.
La disproportion d'âge entre le père et la mère de notre malade (20 et 54 ans), à laquelle différents auteurs attachent une véritable importance, n'est pas assez prononcée ici pour avoir joué un rôle digne d'être pris en considération. •
Quoi qu'il en soit des conditions étiologiques, nous voyons que la scrofule a suivi une marche rapide et a donné lieu à des manifesta¬tions variées susceptibles d'être groupées en plusieurs périodes.
1° Dans la première, qui débute à trois ans, nous rangerons l'oph-thalmie, l'otorrhée, les abcès ganglionnaires. Très-souvent les acci¬dents scrofuleux s'arrêtent à cet instant de leur évolution, en mar¬
quant, d'ailleurs, leur passage par des cicatrices caractéristiques.
2° Ces lésions primitives, si l'on veut, non-seulement n'ont pas guéri, mais encore elles se sont compliquées de scrofulides cutanées malignes, qui, elles aussi, persistent en certains points, à la face par exemple, qui est à peu près tout à fait couverte de cicatrices.
3° Enfin, on a vu survenir des abcès nombreux, des périostilcs, des ostéites. Ces altérations osseuses ont détruit une partie des pha¬langes qui sont sorties par des trajets fistuleux, oblitérés aujour¬d'hui pour la plupart. Ces destructions, portanlàlafoissurlesdoigts et sur les orteils, ont produit ces déformations si extraordinaires des pieds et des mains que nous avons étudiées et qui font de la malade une infirme pour le reste de ses jours.
PHYSIOLOGIE
DU POULS PHYSIOLOGIQUE ET DE SES VARIÉTÉS 1
pau le docteur ch. ozanam. •— SUITE —
VI. Examen du cœur d'un homme sans sternum. — Depuis l'époque où le célèbre Harvey, en Angleterre, put examiner à nu le cœur du vicomte de Montgomery, découvert par une blessure, la physiologie n'avait pas retrouvé l'occasion d'expériences nouvelles sur l'homme, lorsque, e.i 1869, le docteurGroux, de Williamsbourg (État deNew-York) se présenta lui-même comme sujet d'expérimentation, par suite de l'absence congénitale du sternum.
Un très-mince septum musculaire, une peau fine, doublée d'un léger tissu cellulaire, font à peine obstacle à la vue et aux mouve¬ments du cœur, dont les diverses parties se dessinent sous la peau.
En présence de tous les membres de la société, assisté par le 1K Baxter Upham, de Boston (Massachusetts), le Dr Groux a fait de nombreuses expériences qui se rapportent à notre sujet; il a rendu visible aux spectateurs chaque élément de contraction du cœur, en plaçant trois plumes sur de légers supports adhésifs, collés au niveau des ventricules, des oreillettes et de l'aorte ; puis, à l'aide de fils électriques attachés aux mômes points et communiquant avec de petits timbres, chaque pulsation a rendu un son particulier.
1 Voy. le n° G, p. 138.
Enfin, au moyen de tubes remplis de liquides, diversement colo¬rés et posés aux mêmes points, l'expérimentateur a montré que l'on¬dulation de chaque liquide se faisait à des temps variés et apprécia¬bles, et que, par conséquent, la circulation de son sang permettait aussi d'apprécier une différence de temps dans les contractions val-vulaires, regardées jusqu'à présent comme ayant un synchronisme absolu.
Vif. jiKSüiiE des temps du cœur. — C'est à un résultat complète¬ment semblable que nous arrivons avec le pulsographe ; pourtant il fait mieux encore, puisque, non-seulement il montre ces différences, mais il les écrit, et permet de les calculer, tout en laissant place à diverses explications scientifiques du même phénomène.
VIII. battements CALCULÉS a raison de 1 pas seconde. CŒl'Ii.
Durée des deux systoles............ . 150 millièmes de seconde
— de la diastole.............. 850 —
Savoir :
Repos entre la systole et le choc en retour droit. 400 —
Durée du choc droit.............. 200 —
— du choc en retour gauche........ 20!) —
— des deux petites pulsations auriculaires
réunies.................. 500 —
POILS RADIAL
Durée de la grande pulsation. ......... 150 millièmes de seconde.
Chute et repos................ 200 —
Durée de la deuxième pulsation......... 250 —
— des deux petites pulsations suivantes réunies. 500 — Repos.................. . . . . 100 —
IX. Réponse aux objections. — Ici nous devons aller au-devant d'une objection qu'on ne tarderait pas à nous faire. La membrane élastique de caoutchouc qui termine l'ampoule de l'instrument ne serait-elle pas elle-même la cause de ces pulsations secondaires, qui dès lors seraient artificielles et non physiologiques ?
A cette interrogation, nous pouvons répondre que pareille erreur n'est pas à craindre, car :
1° Le point d'appui solide que la membrane prend sur le bras ou sur le cœur, empêche sa dilatation par le choc en retour du mercure.
2° Si l'on presse un peu trop les parois de l'artère avec l'ampoule, on peut bien augmenter la hauteur de la première pulsation, mais
les autres disparaissent, tandis que, si elles étaient produites par l'élasticité de la membrane, elles seraient d'autant plus grandes, que la première pulsation aurait laissé le mercure retomber de plus haut.
5° Les pulsations produites par les fontanelles ne donnent pas d'ondulations secondaires, tandis que l'on devrait en observer également dans ce cas, si la membrane de caoutchouc en était cause.
4° Enfin les autres instruments sphygmographes, agissant par levier, accusent également des pulsations secondaires quoique plus vaguement, et cependant ils n'ont pas de membrane élastique.
X. Influence de l'inspiration sur le cœur et le pouls. — L'acte respiratoire imprime une autre sorte d'hésitation aux pulsations du cœur et même du pouls. La grande pulsation faiblit et s'élève moins haut, au moment où le sujet aspire l'air exté¬rieur. Ce fait démontre que la respiration exerce à son tour une action indirecte sur la circulation. La contraction du cœur est aidée par la contraction de la poitrine ; elle est affaiblie, par sa dilatation, et cela non-seulement parce que les muscles respiratoires (diaphragme et intercostaux) ne pressent plus sur lui, mais parce que le vide qu'ils exercent en dilatant le poumon attire également le péricarde et les parois du cœur et diminue ainsi leur pu'ssance. Celte influence de la respiration sur le cœur peut servir encore à expliquer comment certaines personnes comme le Dr Groux, par exemple, peuvent arriver à arrêter volontairement les battements du cœur par une forte inspiration ; dans ce cas, ce n'est point l'action du cœur qui devient directement volontaire et libre, mais bien celle de la respiration, de laquelle l'action du cœur se trouve jusqu'à un certain point dépendante.
Ce n'est point non plus à l'augmentation de la tension artérielle qu'il faut attribuer ce phénomène, comme le voudrait M. Marey, mais ci la diminution de ta tension du cœur, la tension des artères prenant alors le dessus.
Entre ces deux systèmes, cœur et réseau artériel, il existe ainsi une alternance et un antagonisme physiologique, qui fait que la tension de l'un se fait d'autant plus sentir, que celle de l'autre di¬minue. C'est un système de compensation et d'équilibre, destiné à assurer à la circulation du sang une régularité parfaite.
Dans certains casa"asphyxie, de catarrhe suffocant, de croup, chez
les enfants, ce phénomène est tellement prononcé, que le pouls de¬vient tout à fait intermittent et disparaît à chaque inspiration, phé¬nomène pathologique remarquable, qui n'est encore ici que l'exagé¬ration du phénomène physiologique et naturel.
XI. Dynamisme ou force d'intuition du cœur. — En parcourant l'é¬chelle des âges, on voit que la force d'impulsion du cœur va tou¬jours en croissant, jusqu'à l'âge de cinquante ans environ. Les tracés que nous avons photographiés ayant été pris sur des hommes très-vigoureux peuvent être regardés comme des types de force dont on approchera souvent, mais qu'on atteindra rarement. Après cinquante ans le pouls baisse peu à peu de force, sauf de rares exceptions. Voici l'énoncé des pressions dynamométriques exercées sur l'artère radiale, par la systole du cœur.
1 an....................... 8 grammes.
2 ans..................... 10 —
5 ans I aureP°s..............• • ■ 15 —
( pendant l'inspiration............ 11 —
12 ans...................... 25 —
18 ans...................... 52 —
25 ans (hommes).................. T8 —
29 ans (femmes).................. 55 —
Ià jeun............. 40 —
après le repas......... 00 —
après un réveil fatigant la nuit. . 28 —
pendant une émotion...... 75 —
48 ans (hommes). . . . -.............. 78 —
04 ans — ................. 45 —
100 ans — ................. 20 ~-
On voit que le pouls diffère notablement, non-seulement suivant l'âge, mais encore suivant une foule de circonstances : — ladièle —-le repas — l'émotion — la fatigue — le sommeil — le repos — le mouvement ; on peut dire que le cœur change pour ainsi dire à chaque instant le système de ses pulsations ; certaines personnes sur¬tout ont le cœur irritable, et le médecin non prévenu pourrait chez elles croire à l'existence d'une lésion organique qui n'existe pas. Dans tous les cas, on peut poser cette règle générale, dont la pre¬mière moitié a été déjà reconnue par M. Marey, c'est que l'amplitude de la pulsation est en raison inverse de la tension artérielle Mais il faut ajouter, pour être dans la vérité, cette deuxième moitié qui, elle, est aussi en raison directe de la tension du cœur, c'est dans le juste équilibre entre ces deux forces que se trouve l'état normal. Chacune d'elles émane d'une source différente ; pour les artères ce
sont les nervivasorum, fournis par le grand sympathique, — pour le cœur, c'est le pneumo-gaslrique.
Chacun remarquera sans peine la ressemblance qui existe entre les extrêmes des âges, et que rien ne ressemble plus au pouls d'un enfant de cinq à six ans, que le pouls d'un vieillard de cent ans. Le premier soulève à peine la ligne horizontale, tandis que le der¬nier est sur le point de se confondre avec elle.
XII. Les différentes artères et ledrs pulsations. Les fontanel¬les. — Quoique l'artère radiale soit par sa position l'une des plus faciles à explorer, et tienne pour cela la plus large place en méde¬cine, il ne sera pas sans intérêt de jeter un coup d'œil sur les autres artères et leurs battements, en particulier sur :
L'artère carotide primitive où l'on voit bien nettement le dichro-tisme du sommet de la systole;
L'artère sous-clavière avec la dépression causée par l'acte respi¬ratoire ;
L'artère temporale; l'artère collatérale du petit doigt;
La fontanelle antérieure d'un petit enfant de quinze mois.
On remarquera de prime abord l'aspect particulier de chacune de ces pulsations, mais surtout de la circulation des fontanelles, circulation toute différente de celle des artères, puisque l'impulsion de ces veines est due au soulèvement du cerveau lui-même ; aussi n'y trouve-t-on aucune ondulation secondaire ni tertiaire, mais un simple mouvement de soufflet, avec écarternent et rapprochement des parois. C'est un mode de circulation tout particulier, intermé¬diaire entre la circulation active des artères, et la circulation pas¬sive des veines, qui ne détermine aucune impulsion.
XIII. Distance du cœur au pouls. Mesure des anévrysmes. — Une question importante se trouve aussi résolue par un autre genre de tracés conjugués, c'est l'évaluation du temps que le sang met à par¬courir les artères du corps humain.
Pour résoudre ce problème, nous avons fait agir simultanément deux ampoules et deux aiguilles sur le même cylindre.
L'une des ampoules appuyait sur le cœur, l'autre était placée sur l'artère radiale droite ; or, entre le sommet de la pulsation cardiaque et celui du pouls, nous mesurons un espace de f ou fffc.
En admettant donc que la pulsation du cœur battît la seconde, le sang mettrait 550 millièmes de seconde pour arriver au pouls droit, c'est-à-dire, un peu plus d'une demi-seconde.
Ce résultat n'est pas identique avec celui qu'a obtenu en Amérique le Dr Groux. Ce médecin ayant exploré simultanément les batte-ments du cœur et du poids avec un chronographe de son invention, l'instrument marquait de seconde l. Mais la différence tient peut-être à ce qu'il explorait le pouls brachial gauche, et moi le pouls droit où la circulation est plus éloignée, par conséquent un peu plus lente; ou bien encore, pourrait-il se faire que le temps lût variable suivant l'âge, la taille des personnes, les émotions et la force des battements du cœur.
La connaissance du temps exact que met le sang à venir du cœur au pouls est importante pour le diagnostic des anévrysmes des gros¬ses artères ; car, ainsi que l'a constaté expérimentalement le Dr Up-ham, si le sang met un temps à peu près égal à parcourir deux vaisseaux de grosseur variable, il n'en est plus de même dès que l'un des vaisseaux offre une dilatation locale comme celle de l'ané-vrysme, et l'on observe un ralentissement immédiat de la circulation dans cette artère, ralentissement qui, dans ce cas, peut devenir un signe certain de l'existence d'un anévrysme.
CLINIQUE OBSTÉTRICALE
NOTES ET OBSERVATIONS SUR LA FIÈVRE DE LAIT ET SUR QUELQUES MALADIES PUERPÉRALES
PAR BOURNEVILLE
Durant les six derniers mois de l'année 1869, étant interne du service des accouchements dirigé par M. Hardy, à l'hôpital Saint-Louis, nous avons profité de cette occasion favorable pour faire quelques recherches sur la température et le pouls dans les pre¬miers jours qui suivent l'accouchement, et pour recueillir l'obser¬vation des femmes qui ont présenté des accidents à la suite de leurs couches. En rassemblant aujourd'hui ces différents matériaux, nous n'avons pas la prétention de traiter compendieusement toutes les questions qu'ils soulèvent. Notre expérience est trop incomplète pour que nous nous permettions de nous aventurer dans l'examen de discussions doctrinales ; aussi nous bornerons-nous à rapporter les faits et serons-nous sobres de commentaires.
iAmeric. Associât, for the medie, sciences. 18e meeting, 19 août 1869. Salem.
I. de la température et du pouls après l'accouchement ; de la fièvre de lait.
Les auteurs qui ont étudié la marche de la température chez les femmes en couches sont assez nombreux. Tout récemment dans sa thèse inaugurale (Strabourg, 1869), M. Cam. Lefort a relevé avec soin les indications bibliographiques qui se rapportent à ce sujet-En parcourant cette liste que nous reproduirons plus tard, on s'a¬perçoit que la littérature allemande est bien pius riche que la nôtre à cet égard. Dans le cours de notre travail nous aurons soin de si¬gnaler les résultats principaux qu'ont obtenus les médecins d'outre-Rhin.
A. Tout d'abord nous allons relever dans nos observations quelques détails relatifs à la température avant l'accouchement. Chez la ma¬lade de l'observai ion VII, la température prise une heure avant la parlurition était à 37°,2, le pouls à 74 ; un quart d'heure après nous notions 57°,1 et 58. — Chez une autre (obs. IX), sept heures avant l'accouchement, latempérature vaginale était à 38°,2, le pouls à 96 ; deux heures après, T. V. était à 38°,1 et le pouls à 80 ; enfin le len¬demain nous avions: T. V. 37°,4 ; P. 62. — Dans l'observation XI nous trouvons, six heures avant l'accouchement, T. V. 57°,9; P. 76; et six heures plus tard, T. V. 37°,5 ; P. 76. Si, dans ce cas, on s'en était tenu à l'exploration du pouls, on n'aurait constaté aucune différence.
Ces résultats concordent avec ceux que Winckel a notés dans quarante accouchements normaux. Cet auteur a remarqué que, pen¬dant chaque travail régulier, la température du corps s'élève un peu (de 0°,18 C. à 0°,25 en moyenne) et que, durant la période d'expulsion, elle est encore plus forte de 0°,07, que dans la période précédente *.
D'un autre côté, tandis que généralement nous avons constaté un abaissement de la température et parfois une diminution de la fréquence du pouls, soit peu après l'accouchement, soit six à huit heuresplus tard, Hecker2 dit que, dans beaucoup de cas, la chaleur augmente immédiatement après l'accouchement d'une façon assez
1 Temperatur-Studien bei der Geburt und im Wocbenbette [Monatschri/t fur Geburtskundc, t. XX, p. 420) et Nœgelé, Traité pratique de l'art des ac¬couchements.
2 Annales de la Charité, 5e année, et Monatschrifi fur Geburlskunde, t. IV, liv. 6, p. 464 ; 1864.
notable (37°,3 à 39° G.), la température normale étant, placée à 37° C. Une seule de nos malades rentrerait à la rigueur dans cette caté¬gorie. Voici son histoire en quelques mots. H... est âgée de 20 ans ; elle a eu, il y a bientôt trois ans, un enfant qui est vivant et elle a fait une fausse couche il y a dix mois. Sans cause connue, les dou¬leurs l'ont pri"e cette nuit, et elle est entrée à l'hôpital où elle a fait une fausse couche (5 mois) à 7 heures, le 26 décembre. A dix heures nous trouvons le pouls à 112, la température vaginale à 59°,5. Le soir du même jour, c'est-à-dire onze heures après l'avortement, la température était descendue à 38°,3 ; le pouls, compté deux fois, n'avait pas baissé en proportion, il était à 104.
Au commencement de la période puerpérale, selon le même au¬teur, il y a souvent un abaissement de la température. Cet abaisse¬ment est d'autant plus considérable que la chaleur a été plus forte aussitôt après l'accouchement. D'ordinaire, la température la plus basse se montrerait vingt-quatre heures après les couches. Sur ce point, nos observations, ainsi que le lecteur pourra en juger, sont, en général, conformes à celles de Hecker.
B. Au bout d'un temps variable surviennent de nouveaux phéno¬mènes. Les seins se gonflent, la sécrétion du lait s'établit en passant par des modifications plus ou moins accusées. Parfois tout se passe sans fièvre, d'autres fois, au contraire, on observe des symptômes fébriles très-intenses. De là plusieurs catégories que nous allons successivement passer en revue.
1° Cas oh il n'y a pas eu de fièvre de lait. Quatre de nos malades rentrent clans cette catégorie. La température n'est pas sortie, chez elles, des limites physiologiques. La parturition, la sécrétion lactée se sont opérées naturellement sans le moindre trouble morbide.
Observation I. Multipare. — Pas de fièvre de lait. — Lionn... Jean¬nette, 40 ans, fille, domestique, est entrée le 21 décembre à l'hô¬pital Saint-Louis, au n° 4 de la salle Sainte-Marie (service de M. Hardy). Cécité à gauche datant de l'enfance et consécutive à une plaie de l'œil. Réglée à 20 ans. A Paris depuis trois ans. Elle a eu un premier enfant il y a dix-neuf mois.
21 décembre. Grossesse à terme. Le col est dilaté de 2 à 3 centi¬mètres, la poche des eaux est saillante. P. 90; T. V. 57°,4. — L'accouchement se fait à six heures du soir ; délivrance naturelle. Une heure après, P. 86 ; T. V. 37°,7.
22. P. 84 ; T. V. 37°,6. Seins durs par places ; lochies normales. — Soir : P. 84 ; T. V. 37u,3.
23. P. 84; T. V. 37°,5. Sécrétion mammaire opaline. — Soir: P. 82 ; T. V. 37°,4.
24. Seins assez gros. Le lait coule en quantité, clair par quelques orifices, jaunâtre en d'autres. Lochies moins sanguinolentes. Con¬stipation depuis l'accouchement ; lavement simple. P. 76 ; T. V. 37o53. _ soir : P. 88 ; T. V. 37°3. Une selle.
25. P. 68; T. V. 37°. Seins douloureux, médiocrement gonflés. Sécrétion laiteuse jaunâtre. Appétit; une portion. — Soir: P. 68; T.V. 37°,3.
26. P. 80 ; T. V. 370,2. — Soir : P. 72 ; T. V. 37û,6.
27. P. 80 ; T. V. 37°,2. — Soir : P. 76 ; T. V. 37°,5.
28. P. 72 ; T. V. 37 \2. — Soir : P. 80 ; T.V. 37°,6. Sécrétion laiteuse blanche à droite, un peu aqueuse à gauche. Allaitement. Pertes utéro-vaginales de couleur rousse. Appétit; garde-robes régulières.
29. P. 56 ; T. V. 37°,4. — 50. P. 76 ; T. V. 37°,6. — 31. P. 64 ; T. V. ? l%k.Exeat le 4 janvier 1870.
— La température n'a jamais dépassé 37°,7 chez cette femme. Le pouls, au contraire, a varié dans des limites assez larges puisqu'il était à 86, 84 les deux premiers jours, à 68 le cinquième, à 80 le sixième et le septième, à 56 le neuvième, à 64 le onzième. Cette énu-mération indique que le pouls, compté à divers moments de l'examen pour éviter les erreurs, a été ici moins précis que la température.
Observation IL — Multipare. —■ Pas de fièvre de lait. — Lochies presque nulles. —Yven... Domitile, 37 ans, fille, couturière, entrée le 24 décembre (salle Ferdinand, n° 11). Réglée à 16 ans et demie. Elle est enceinte pour la sixième fois. Douleurs légères le 23 jus¬qu'à minuit, très-fortes à partir de ce moment ; accouchement facile à 5 heures. A 10 heures du matin. P. 80; T. V. 37°,5. — Soir : P. 70; T. V. 37°,4.
25 décembre. P. 58; T. V. 57°,5. — Soir : seins moyennement durs ; sécrétion assez abondante, d'un blanc jaunâtre. Les lochies ont bien coulé hier, maintenant elles sont à peu près nulles : ce serait l'habitude, dit-elle. P. 62; T. V. 57°,5.
26. P. 68 ; T. V. 37°,8. — Soir : seins durs à la partie inférieure ; lait jaune, épais. P. 80; T. V. 37°,6.
27. P. 66 ; T. V. 37°,4. — Soir : P. 72 ; T. V. 37°,5.
28. P. 70 ; T. [V, 57°,3. — Soir : sécrétion blanche, abondante; l'enfant tettebien. Appétit; selles quotidiennes.P. 76; T. V. 57°,8.
29. P. 68 ; T. V. 37°,5. — Soir: P. 62 ; T. V. 37°,5.
50. P. 76; T. V. 37°,7. — Soir: s'est levée durant quelques heures. Bien. P. 72 ; T. V. 37°,5. Exeat le 5 janvier 1870.
— Cette femme nous offre plusieurs particularités : l°Les lochies n'ont coulé qu'un seul jour et, aux cinq autres couches, il en aurait été de même ; 2° la température n'a point dépassé 57°,8 (troisième et cinquième jour) ; le pouls, à 80, le jour de la parturition, à 58 le lendemain, a oscillé ensuite enlre 76 et 62 ; — en d'autres termes, il n'y a pas eu de fièvre de lait. — Nous laissons de côté le troisième et. le quatrième cas concernant des multipares et qui sont en tout semblables à ceux qui précèdent.
2° Cas où la fièvre de lait a existé. Ce sont les plus nombreux. Nous allons rapporter les principaux en prenant pour guide , dans notre exposition , le degré d'intensité et l'époque de l'apparition de la fièvre.
A. Fièvre de lait légère. En acceptant pour point de départ de la température fébrile 58°, nous avons considéré les trois premiè¬res malades comme n'ayant pas eu de fièvre de lait, puisque leur température a toujours été inférieure à 58°. Chez les deux suivantes, la température n'a jamais été jusqu'à 39° ; partant, la fièvre de lait a été pour ainsi dire insignifiante. Ces faits établissent un lien entre ceux où la fièvre a manqué et les faits dans lesquels elle s'est montrée d'une façon indubitable.
Observation III. Multipare. — Fièvre de lait très-légère. — Sécré¬tion laiteuse presque nulle. —0... Hortense, 24 ans, mariée, femme de ménage, est entrée le 24 décembre (salle Ferdinand, n° 25). Réglée à 15 ans. A Paris depuis le mois de janvier. Elle est enceinte pour la troisième fois. Grossesse à terme. Douleurs à 4 heures du matin, rupture de la poche des eaux à 7 heures ; accouchement à 9 heures. Une heure après : P. à 82 ; T. V. 37°,8. — Soir : P. 94 ; T. V. 37°,8.
25 décembre. P. 78; T. V. 37°,3. Seins de volume ordinaire, flas¬ques ; pas le moindre écoulement. Cette femme dit qu'elle n'a jamais eu de lait après ses autres couches. Lochies naturelles. — Soir: P. 78; T. V. 37°,8.
26. P. 84 ; T. V. 37°,6. — Soir : P. 88 ; T. Y. 38°,2.
27. P. 92 ; T. V. 37°,8. Seins peu durs ; quelques gouttes de lait clair. — Soir: P. 100; T. Y. 37°,8.
28. P. 88 ; T. V. 37°,6. — Soir : P. 80 ; T. V. 37°,9. Seins mous ; mamelon assez petit. En pressant, il sort un peu de lait blanc.
Lochies rousses. Appétit ; cinq selles diarrhéiques la nuit dernière. 29. P. 68 ; T. V. 57°,5. — Soir : P. 80 ; T. V. 57».
50. P. 72; T. V. 57%5. — Soir: P. 80; T.V. 37%4, Quelques gouttes de lait blanc. Ne perd plus.
51. P. 76; T. V. 37%5. — Soir: P. 80; T. V. 57%7. Exeat le 5 janvier 1870.
— Un point curieux à relever chez cette femme, c'est l'absence presque totale de sécrétion lactée, bien que les glandes mammaires
Fig. 1.
12 heures après l'accouchement. — T.V., température vaginale; P., pouls. 60, 80, etc., répondent au pouls; 36, 57, etc., à la température.
aient, en apparence du moins, une conformation régulière. Malgré cela les lochies n'ont offert ni une plus grande abondance, ni une plus longue durée.
Observation IV. — Second accouchement. — Fièvre de lait légère le troisième jour. — Duples... Victoria, 20 ans, fille, domestique, est entrée le 19 décembre, au n° 2 de la salle Sainte-Marie. Elle ignore à quel âge elle a été réglée ; elle a déjà eu un enfant. Le 19, dou¬leurs légères de midi à 8 heures du soir, intenses de 8 à 9 heures, instant où elle accouche. Délivrance facile.
20 décembre, 12 heures après l'accouchement. P. 72 ; T. V. 57°,2. — Soir: seins mous; écoulement sanguinolent assez considérable. P. 72; T. V. 57%1.
21. Seins peu gonflés; sécrétion blanchâtre. Lochies normales. P. 70; T. V.37°,6. —Soir: P. 88 ; T. V. 37°,8.
22. P. 80; T. V. 58°. Les lochies coulent médiocrement. Seins tendus ; sécrétion blanche. Coliques légères. P. 116 ; T. V. 38»,6.
23. P. 84; T. V. 32°,8. — Soir: sécrétion lactée assez copieuse. L'enfant tette bien. Lochies de moins en moins colorées. P. 92; T. V. 57°,8.
24. P. 84 ; T. V. 37°,5. — Soir: P. 86 ; T. V. 37°,5.
25. État excellent. Mange bien. Le lait, en grande quantité, est encore aqueux. P. 76 ; T. V. 37°,5. — Soir : P. 70 ; T. V. 37°,8.
26. Ne perd plus. P. 80; T. V. 37°,7. — Soir : P. 80 ; T. V. 57°,6.
27. Se lève. P. 80 ; T. V. 37°,5. — Soir : P. 76 ; T. V. 37°,2.
28. La malade est levée depuis deux heures. P. 68; T. V. 57°,8. Ereat. — La figure qui accompagne cette observation prouve que la fièvre de lait s'est montrée, mais peu intense, le troisième jour et. qu'elle a été tout à fait passagère.
B. Fièvre intense, régulière. Dans celte subdivision viennent se ranger la plupart des faits que nous avons recueillis. Chez toutes les malades qui en font le sujet, la fièvre, apparue un temps variable après l'accouchement, a été aussi évidente que possible, et nulle autre cause que la " montée du lait » ne peut, à notre avis, en don¬ner une explication plausible.
Observation V. — Primipare. —Accouchement normal. — Fièvre de lait le second jour. — Diminution progressive des symptômes fé¬briles. — Cost... Augustine, 19 ans, est entrée le 18 décembre au n° 19 de la salle Saint-Ferdinand. Bien portante d'habitude; les règles, apparues facilement à 14 ans, sont régulières. Primipare. Dou¬leurs légères, le 17 décembre, vives à partir de minuit ; accouche¬ment le 18 décembre à 5 heures du matin (présentation du sommet). Délivrance normale.
20 décembre. Douleurs vives par tout le ventre. Ni frisson, ni vo¬missements, ni selles. Seins tendus. Lochies sanguinolentes, assez abondantes. P. 120; T. V. 40°. — Cataplasmes laudanisés ; lave¬ment simple. — Soir : Les douleurs abdominales ont diminué ; une selle. Seins durs, sensibles. P. 110 ; T. V. 59°,6.
21. Seins gonflés ; lait séreux. P. 100 ; T. V. 38°,8. — Suir : lo¬chies sanguinolentes, abondantes. Soif vive; peau sèche. P. 114 ; T. V. 59°,4.
22. Douleurs dans la cuisse droite, sans empâtement ni dilata-lions veineuses. Seins encore gonflés ; sécrétion plus foncée. Lochies
normales. Appétit, P. 86 ; T. V. 38°,6. — Soir : P. 96; T. V, 38û,9.
23. Les douleurs de la cuisse ont presque disparu. Seins médio¬crement tendus. L'enfant telte bien. Une selle. P. 92 ; T. V. 58°,4, Soir: P. 96; T. Y. 58°,9
24. Sécrétion épaisse, jaunâtre. P. 92; T. V. 38°,4. — Soir: P. 100; T. V. 38°,3. Etat excellent.
25. Une portion. P. 68; T. V. 57°,7. — Soir: sécrétion assez considérable à peu près tout à fait blanche. Lochies presque nulles. P. 80. T. V. 58°,4.
26. Deux portions. P. 72 ; T. V. 57»,0. — Soir : P. 78 ; T. V. 57u,8.
27. P. 68 ; T. Y. 37°,6. — Soir : perd à peine en blanc. P. 80 ; T. V. 57°,7. — Exeat le 28 décembre.
—■ La fièvre est survenue environ 48 heures après la parturition sans être précédée d'aucun signe avant-coureur. La température était très-élevée, 40°, le pouls fréquent, 120. Ces phénomènes n'ont pas persisté longtemps avec la même intensité puisque, dès le soir, on notait un abaissement du pouls et de la température (110 et 59°,6) qui s'accentuait davantage encore le lendemain. Toutefois , durant cinq jours, la température resta au-dessus de 58° et présenta cha¬que soir une légère élévation.
Observation VI. — Primipare. — Frisson léger. — Fièvre de lait le quatrième jour. ■— Rem... Marguerite, 22 ans, fille, domestique, est entrée le 25 décembre au n° 12 de la salle Ferdinand. A Paris depuis un an. Grossesse à terme. Les douleurs ont commencé hier vers onze heures du matin ; elles ont été fortes à partir de onze heures du soir. Elle est accouchée ce malin à 3 heures. Sept heures plus tard : P. 62 ; T. V. 37°,8. — Soir : P. 64 ; T. Y. 37°,6.
24 décembre. Seins encore mous ; sécrétion presque nulle. P. 66 ; T. V. 37°,6. - Soir : P. 70 ; T. V. 57°,5.
25. P. 64; T. V. 57°,7. — Glandes mammaires modérément dis¬tendues ; sécrétion blanchâtre. Lochies abondantes, sanguinolentes Appétit; une portion. — Soir : P. 84 ; T. V. 58°,6.
26. Elle a eu un frisson peu intense cette nuit ; céphalalgie et in¬somnie. P. 100; T. Y. 38u,6. — Soir : Seins assez gonflés, peu durs ; lait assez blanc. P. 104 ; T. Y. 59°,6.
27. P. 84; T. Y. 38°,5. — Soir: P. 88 ; T. V. 38°,3.
28. Seins assez gros. Sécrétion tout à fait blanche à droite, un peu jaunâtre à gauche. Les lochies ont une couleur rousse; elles dimi¬
nuent. La malade nourrit. Langue nette; appétit; selles régulières. P. 74 ; T. V. 37°,7. — Soir : P. 80 ; T. V. 38°,3.
29. P. 60 ; T. V. 57°,6. — Soir : P. 72 ; T. V. 38°,1.
50. P. 72 ; T. V. 37u,6. — Soir : P. 64 ; T. Y. 57»,8. Lait abon-
l jotjk 2j j. ■s J. 4J. S J. 6,0". 7 J. 8 J. !
-..-.y- .
A
/ \
12j 0. 39 / 1
i ■ /
y 1
F V
A
100. 38 é / » \ A A
1 1
+ V- 1
(;■.::■■; • V v v
v
i I v
V/\
v; V
\
/ \ /1
v \ —si. 5
p
y * . i \ / ■■-A'
60.
Fig. 2. -h Température 7 heures après l'accouchemenC
dant; léger écoulement vaginal blanc. —Ezeat le 51 décembre.
— Ici, la fièvre de lait, précédée d'un frisson éphémère, a été Irès-forte pendant quelques heures; puis, la température a baissé et a oscillé durant deux jours autour de 58". La figure 2 fait voir nettement le parallélisme des tracés du pouls et de la température. — La suite au prochain numéro. —
Nota. — Dans le prochain numéro nous espérons donner l'observation du ma¬lade représenté dans les planches XX et XXI et, en outre, une planche montrant le malade guéri.
BIBLIOGRAPHIE
Traité pratique des maladies de l'oreille, par A, de Trœltsch, professeur à l'université de Wurzbourg; traduit de l'allemand, sur la 4e édition, par MM. les docteurs Kuhn et Lévy. 1 vol. in-8° de 553 pages et 18 ligures.—Paris, Ad. Delahaye, 1870; 7 fr. 50.
Tandis que, dans ces dernières années, les diverses branches de la médecine profitaient largement des données anatomo pathologi¬ques, les maladies de l'oreille, en France du moins, restaient étran¬gères aux progrès que le scalpel et le microscope avaient fait faire aux autres parties de la science. Il suffit, en effet, dejeter un coup d'œil sur ce qui s'est fait en Angleterre et en Allemagne pour voir quelles lacunes regrettables existent dans nos auteurs français. Le livre de M. le professeur de Trœltsch, enregistrant avec soin les dé¬couvertes nouvelles, soit pathologiques, soit thérapeutiques, nous semble bien être ce qu'il y a de plus complet jusqu'à ce jour sur la matière ; il recevra, nous n'en doutons pas, du public français l'ac¬cueil favorable qui lui a valu, du public allemand, les honneurs de quatre éditions successives.
Ce traité forme trente et une leçons qui résument l'enseignement otologique fait à l'université de Wurzbourg; il n'est pas tout entier consacré à la pathologie, car chacune des parties qui le composent (maladies de l'oreille externe, maladies de l'oreille moyenne, mala¬dies de l'oreille interne), est précédée d'une description anatomique et physiologique aussi complète qu'on peut le désirer ; le côté prati¬que est surtout mis en relief avec un soin particulier.
Avec la quatrième leçon, commence l'étude des maladies de l'o¬reille externe. Sans nous arrêter aux maladies du pavillon, arrivons à l'examen du conduit auditif et de la membrane du tympan. C'est là un chapitre bien important, car on peut dire que c'est du jour seulement où on a pu éclairer le conduit auditif et la membrane qui le ferme à l'état normal que datent réellement les travaux con¬sciencieux qui ont pu élever l'otologie au rang d'une véritable science L'exploration de l'oreille n'est pas si facile que cela parait être. " Si courl que soit ce conduit, dit M. le professeur Herrgott (rap¬port fait à la Société de médecine de Strasbourg), il s'y trouve des obstacles qu'il faut savoir éviter ou surmonter. Le chapitre con¬sacré à cette opération fondamentale est tracé de main de maître ;
on est heureux de trouver des conseils si sûrs et si précis pour un détail opératoire qui ne devient facile qu'après un long et patient exercice. »
Les leçons consacrées aux sécrétions du conduit auditif, aux bou¬chons de cérumen, aux corps étrangers, aux injections auriculaires sont fort intéressantes. Comme moyen de traitement, l'auteur ac¬corde une préférence presque exclusive aux injections d'eau tiède ; là, il est parfaitement d'accord avec M. Giraldès, qui dit : " Un moyen rend de grands services, principalement dans les cas où les autres moyens n'ont pas réussi ; il faut toujours y faire appel : c'est Vinjec-tion ou la douche d'eau tiède, pratiquée avec une forte seringue ou un irrigateur. Le liquide passe derrière le corps étranger et, par un mouvement de remous, le ramène au dehors. Ce mode opératoire, simple et sans danger, suffit dans la majorité des cas. 11 échoue néanmoins quand le corps a longtemps séjourné dans l'oreille et qu'il est comme enkysté par les produits de sécrétion du canal. Alors la patience est de rigueur ; essayez la curette, prenez la douche qui, ramollissant peu à peu le cérumen, rendra plus fructueuses de nouvelles tentatives avec la curette1. »
Signalons encore les leçons huitième, neuvième et dixième consa¬crées à l'otite externe, aux rétrécissements du conduit auditif, à l'inflammation et aux blessures de la membrane du tympan, et arri¬vons à la partie capitale de l'ouvrage, aux maladies de l'oreille moyenne. Si bien faite que soit la description anatomique et physio¬logique de ce département de l'appareil auditif, nous sommes forcés de la passer sous silence pour nous occuper surtout des leçons qui ont trait à la clinique, et à la thérapeutique. Le cathétérisme de la trompe (14'ue leçon) doit être connu parfaitement; seul, en effet, à cause de la situation profonde de la région la rendant inaccessible à l'inspection directe, seul il permet de reconnaître, d'apprécier et de traiter localement les états anormaux dont l'oreille moyenne peut être le siège. Aussi est-il envisagé avec le plus grand soin à tous les points de vue: point de vue historique, point de vue du diagnostic, point de vue du mode opératoire, point de vue des indications qu'il peut fournir. Nous trouvons aussi exposée une série de méthodes appelées dans des cas spéciaux à rendre des services analogues à ceux du cathétérisme; c'est surtout l'auscultation de l'oreille par le tube élastique deToynbee, appelé otoscope ; c'est encore l'emploi du ma-
1 Leçons sur les maladies chirurgicales des enfants, recueillies par Bourne-ville, E. Bourgeois et G. Bouteillier, page'488.
nomèlre, do l'appareil à air comprimé, de l'appareil à fumigations médicamenteuses. Nous ne pourrions dire si ces instruments méritent les grands éloges que leur accorde M. de Trœltsch ; toujours est-il qu'ils sont exposés avec des détails pratiques très-circonstan¬ciés.
L'histoire clinique du catarrhe de l'oreille (catarrhe aigu, catar¬rhe chronique, catarrhe purulent) n'occupe pas moins de huit leçons; c'est dire que rien de ce qui concerne cette affection n'est oublié. Nous ne saurions nous en plaindre. Jusque dans ces der¬niers temps, en effet, cette maladie, mal étudiée, était mal traitée. Ce n'est pas à dire que Fanalomie pathologique en soit parfaitement connue ; loin de là : on pourrait plutôt dire qu'elle en est encore à sa naissance. Toutefois des progrès énormes ont été fait s ; et l'on n'en est plus aujourd'hui à regarder comme surdités nerveuses toutes les surdités qui ne pouvaient être attribuées ni à une otorrhée, ni à une affection quelconque du conduit auditif externe.
Deux leçons sur les suppurations de l'oreille (25me el 26me leçons), une sur les polypes (27ше leçon), trois sur la surdité nerveuse et la surdi-mutité (28me, 29mfi, et50llie),et enfin une leçon sur l'examen des malades et l'examen de l'oreille sur le cadavre, terminent cet ouvrage, qui mérite de prendre place dans la bibliothèque de tout médecin praticien, parla manièi e élevée dont il est écrit, par la sûreté des conseils qu'il donne, par la clarté des descriptions qu'il renferme.
Qu'on nous permette, en finissant, de rapporter les quelques lignes par lesquelles M. Herrgott terminait son rapport à la Société de médecine de Strasbourg. Nous sommes heureux de les transcrire textuellement; nous ne pourrions mieux rendre justice au mérite el à l'excellence de la traduction: " 11 appartenait, dit-il, au disciple et ami de M. de Trœltsch, initié par lui à la pratique de l'otiatrie, de doter la France d'une traduction de ce traité classique. Cette œuvre, entreprise avec la collaboration de M, Lévy, a été menée à très-bonne fin ; nous nous en sommes assuré au collationnement de nombreux passages avec l'édition allemande qui avait servi à nos études. Le public, qui a eu occasion d'apprécier l'heureuse pratique de notre confrère, lui sera reconnaissant d'avoir rendu accessible Une étude aussi difficile que peu connue. Nous croyons pouvoir pré¬dire à la traduction le succès qu'a obtenu le traité allemand, car les qualités solides qui le distinguent seront aussi vivement appréciées en France qu'elles l'ont été en Allemagne, et nos compatriotes seront
très-reconnaissants aux traducteurs du service qu'ils leur auront rendu. » G. Peltier.
Angines aiguës ou chroniques : origine, nature, traitement, par le docleur Moura. In-8° de 08 pages. Taris, 1870, chez Adrien Detahaye; 2 fr.
On ne peut nier que la question des angines aiguës ou malignes ne possède une gravité exceptionnelle. Trop souvent les médecins ont à enregistrer des cas de mort produits par cette maladie qui, quoique fréquente, est loin d'être encore bien connue. Le docleur Moura, dans une brochure substantielle, vient déconsigner les résul¬tats de son observation et de ses recherches spéciales, résultats qui, disons-le de suite, tendent à renverser certaines idées, certaines théories médicales universellement adoptées. On comprendra donc la réserve que nous devons apporter dans l'examen de ce travail ; nous ne pouvons, de prime abord, partager l'enthousiasme de l'auteur, mais notre devoir est de signaler les points principaux qu'il a essayé de mettre en lumière; plus tard, si les faits annoncés par ie docteur Moura reçoivent la sanction de l'expérience, nous ne pourrons que le féliciter d'avoir été assez heureux de découvrir et de détruire l'erreur.
Trois propositions peuvent résumer la première partie de ce travail :
I. Les angines aiguës ou graves, autrement dites malignes (maux de gorge, amygdalites simples ou doubles, angines phlegmoneuses, couenneuses, pultacées, gangreneuses, etc.) ont leur origine dans les produits de sécrétion des glandes, soit des amygdales, soit de la base de la langue, soit de l'isthme du gosier.
II. Les angines aiguës ou graves sont des inflammations déter¬minées par le séjour trop prolongé et par l'altération de ces produits dans les cavités ou follicules glandulaires.
III. Les meilleurs moyens de guérir et de prévenir les angines aiguës ou graves sont ceux qui provoquent l'expulsion de ces pro^ doits; tels sont : le massage ou compression des glandes et follicules, les émétiques, les irrigations antiseptiques répétées, l'excision des lonsilles surtout, etc.
Ainsi compris, ce sujet porte naturellement l'auteur à développer brièvement plusieurs questions importantes de physiologie et de pathologie générales. Aussi, dans une seconde partie, s'occupe-t-il de la contagion, de l'infection, de l'épidémie, des maladies et prin¬
cipes contagieux, des maladies et agents infectieux. Qu'est-ce donc ([ue la contagion? Qu'est-ce que l'infection? La contagion est l'action qu'un agent morbide exerce sur l'économie à la suite de son inocu¬lation directe ou indirecte. Le terme contagion entraîne donc avec lui une des trois conditions suivantes : 1° inoculation proprement dite, c'est-à-dire absorption directe d'un principe contagieux; 2° attouchement d'un individu frappé ou mort d'une maladie conta¬gieuse; 3° attouchement des objets appartenant ou ayant appartenu à une personne atteinte de maladie contagieuse ou ayant succombé à une maladie contagieuse. L'infection est l'action qu'exerce, sur l'économie, l'air respiré, vicié par des effluves provenant des êtres vivants ou morts. Elle peut être le résultat : 1° des émanations que dégagent continuellement les individus à l'état sain ou de santé ; 2° des exhalaisons miasmatiques que dégagent continuellement les individus malades ; 3° enfin, des gaz ou vapeurs méphitiques qui proviennent de la putréfaction, c'est-à-dire de la décomposition des corps organisés.
Pour M. Moura, les angines sont des maladies infectieuses et non contagieuses; elles sont essentiellement locales et ne dépendent aucunement d'une diathèse que Trousseau a désignée du nom de diphthe'rie.
On le voit, M. Moura bat en brèche les idées univeisellement admises; il croit que les propriétés contagieuses des angines mali¬gnes, et surtout diphthéritiques, sont encore à démontrer. Jamais, dit-il, on n'a inoculé la matière diphthéiïtique; jamais avec elle, on n'a pu produire une angine ou une maladie diphthéritiques. Pourquoi dire, avec MM. IL Roger et Peter, que ces angines sont contagieuses à un haut degré ? on n'a pour cela aucune raison plau¬sible. Les influences qui agissent sur l'état général des malades pendant le développement des angines sont les miasmes, les exha¬laisons putrides fournies par les malades eux-mêmes. Ce n'est donc pas la contagion qui joue le principal rôle, mais bien les agents de l'infection, et ce sont ces derniers seuls qui ont le pouvoir d'aug¬menter pendant un temps variable la gravité de la maladie, qui cède toujours à un traitement local bien dirigé.
G. Peltieiî.
Le Gérant : a, de montjiéja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche XX.
BEC-DE-LIÈVRE DOUBLE COMPLIQUÉ
li E V li E PHOTOGRAPHIQUE
Bourlet (Hyacinthe), âgé de 9 ans, entré à l'hôpital Beaujon, le 13 avril 1870, dan_s le service de M. Duplay, est atteint d'un bec-de-lièvre bilatéral compliqué.
La lèvre supérieure présente latéralement deux sections verticales, étendues dans toute sa hauteur, depuis l'ouverture des narines jusqu'au bord libre; elle n'a pas d'adhérences avec la gencive.
L'arcade dentaire est aussi le siège d'une double division latérale qui sépare les os maxillaires droit et gauche de l'os intermaxil¬laire ; plus en arrière, sur la ligne médiane, séparation complète de la voûte palatine et du voile du palais avec écartement considé¬rable des bords de la solution de continuité. En avant, l'os inter¬maxillaire forme une saillie énorme et dépasse de beaucoup le bord libre des deux maxillaires ; il supporte deux dents incisives implantées dans une position vicieuse et dont la direction anor¬male augmente encore la difformité; il est recouvert dans presque toute sa hauteur par un tubercule charnu, assez épais, qui se continue en haut avec le lobule du nez; enfin, du côté droit, le tubercule est relié à l'aile du nez par une bride mince et étroite formée par un prolongement de la peau (voy. planches XX, XXI,
L'enfant ne présente aucun autre vice de conformation. — Pas d'hérédité.
L'opération fut pratiquée le 2 mai 1870, de la façon suivante : le malade étant légèrement chloroformé, le tubercule charnu médian
DES HOPITAUX DE PARIS
CHIRURGIE
BEC-DE-LIÈVRE BILATÉRAL COMPLIQUÉ
PAR M. DUPLAY, CHIRURGIEN DES HÔPITAUX
et XXII).
fut disséqué et détaché de l'os intermaxillaire; celui-ci, trop sail¬lant pour pouvoir être refoulé en arrière sur le même plan que les os maxillaires, fut coupé à sa base avec une pince de Liston ; la section de l'os fut suivie d'une hémorrhagie peu abondante, que la compression directe maintenue quelques instants suffit à arrêter, puis, le tubercule médian réséqué est avivé à son extrémité libre et sur ses bords latéraux fut porté en arrière et en bas, et maintenu dans cette position par une suture métallique, passant à travers la cloison, de façon qu'il constituât la sous-cloison nasale qui n'exis¬tait pas, et que la pointe pût être reçue dans l'angle formé supé¬rieurement parla réunion des deuxbords delà lèvre avivée. L'avivc-ment de la lèvre fut fait par le procédé de Clémot, avec deux lambeaux renversés et appliqués l'un à l'autre ; l'écoulement de sang, à la suite de l'avivement de la lèvre et du lobule médian, très-vasculaire, fut aisément arrêté à l'aide de pinces à pression continue fixées près des bords de l'incision. Deux sutures métalliques de chaque côté réunirent les bords latéraux du lobule médian à la partie supérieure de la lèvre avivée, et deux autres, inférieurement, les bords de la lèvre entre eux; enfin la portion des lambeaux d'a-vivement de la lèvre qui dépassait le bord libre fut réséquée, et deux petites incisions furent faites de chaque côté sur la joue pour prévenir le tiraillement au niveau des points de suture.
Compresses d'eau froide souvent renouvelées. Repos absolu. Alimentation au biberon. Potion opiacée.
Le troisième et le quatrième jours après l'opération, les fils mé¬talliques furent successivement enlevés. A ce moment, réunion solide des parties profondes de la plaie ; mais, à la superficie, sup¬puration, ulcérations au niveau des parties accolées, aspect diph-théritique.—Badigeonnages avec le perchlorure de fer, sur les points ulcérés ; occlusion avec des bandelettes de linge trempées dans le collodion; au bout de quinze jours environ, cicatrisation complète (voy. pl. XXII).
Dans le mois de juillet, varioloïde.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
BEC DE LIEVRE DOUBLE COMPLIQUÉ
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
BEC-DE-LIÈVRE GUÉRI
MÉDECINE
CALCUL VOLUMINEUX DANS LE REIN DROIT. - NÉPHRITE ET ABCÈS CONSÉCUTIFS1
observation recueillie a la pitié par m. villard, interne du service de m. gallard.
B... Julie, âgée de 45 ans, est entrée à l'hôpital de la Pitié, le 6 mars 1866, dans le service de M. Gallard. — Voici quels sont ses antécédents : son père est mort de tubercules pulmonaires, sa mère a succombé à 74 ans aux suites d'une pneumonie. Quant à elle, sa santé a toujours été bonne jusqu'à l'âge de 42 ans. Réglée à onze ans pour la première fois, elle l'a été régulièrement tous les mois jusqu'à la fin de l'année 1864; elle est devenue en¬ceinte une seule fois à l'âge de vingt ans, et sa grossesse s'est ter¬minée par une fausse couche. — Il y a trois ans, sans cause appré¬ciable, elle présenta tous les symptômes d'une inflammation péri-utérine, et c'est environ quinze mois après la guérison decette maladie qu'eut lieu brusquement la cessation de la menstruation. Depuis cette époque, elle a toujours été souffrante; elle éprouve sans cesse un malaise qui se traduit principalement par des douleurs abdominales et lombaires, douleurs parfois très-vives, s'irradiant vers les cuisses et le petit bassin, et rendant la marche pénible et difficile. Ces symptômes se sont accrus chaque jour, et aujourd'hui ils ont acquis une telle intensité, que la malade est obligée de venir demander des soins à l'hôpital.
Voici l'état dans lequel elle se trouve au moment de son entrée : celte femme est amaigrie ; elle présente une teinte particulière de la peau, teinte pâle, anémique, un peu jaunâtre, mais bien différente de celle qui est liée à la cachexie carcinomateuse ; elle a les ongles hippocratiques. Son appétit est assez bon ; elle n'a ni nausées ni vomissement, et ses déjections se font bien. Elle se plaint de cé¬phalalgie, de douleurs névralgiques en différents points du thorax, elle accuse depuis plusieurs mois une leucorrhée abondante; —Mais les principaux symptômes sur lesquels elle appelle l'attention s'ob-serVent du côté de l'abdomen, qui est douloureux et tendu. Les douleurs ont leur siège principal dans le bas-ventre, et, de ce point,
J Les pièces ont été présentées à la Société anatomique par M. Leroy, en 1866;
s'irradient vers la région lombaire et les cuisses. Elle éprouve en outre continuellement un sentiment de tension et de pesanteur au niveau du périnée. — L'hypochondre droit est sensible à la pres¬sion, et par la percussion on constate que le foie est volumineux et dépasse de deux travers de doigt environ le rebord inférieur des fausses côtes ; mais, par la palpation, on ne découvre ni saillie, ni tumeur anormale à sa surface. La percussion de la rate montre que cet organe n'a pas subi d'augmentation de volume sensible.
L'examen de la poitrine donne les résultats suivants : par la per¬cussion, on trouve en avant, au-dessous des clavicules, de l'obscurité du son, manifeste surtout du côlé gauche ; l'auscultation fait en¬tendre de l'un et de l'autre côté une respiration rude avec expira¬tion prolongée à gauche.
Le toucher vaginal permet de constater que le col est dans l'axe du vagin, et qu'il ne présente aucune ulcération à sa surface. En portant le doigt en arrière du col, on sent un point résistant, dou¬loureux à la pression, et de ce point part une petite bride qui s'étend d'arrière en avant, en passant dans le cul-de-sac latéral droit. Le corps de l'utérus est incliné un peu en arrière.
L'examen des urines ne fait découvrir la présence d'aucun élément anormal dans ce liquide.
Cet état persiste sans changement notable jusqu'au 15 mars; à cette époque, de nouveaux phénomènes se manifestent chez cette malade; elle se plaint d'une céphalalgie continuelle, d'insomnie, d'une fatigue générale considérable. Elle éprouve presque tous les jours, quelquefois tous les deux jours, et ordinairement le soir, des accès de fièvre qui sont caractérisés par un frisson assez vio¬lent, qui est suivi d'une chaleur brûlante et de sueurs profuses. — Les douleurs dans le ventre et dans l'hypochondre droit s'ac¬centuent chaque jour davantage.
17 avril. — L'état de la malade s'aggrave de plus en plus ; ses déjections sont difficiles ; il survient des nausées et des vomisse¬ments : ces derniers sont aqueux, parfois striés de sang. — L'amai¬grissement fait des progrès rapides ; les traits s'altèrent, les yeux s'excavent; les accès de fièvre persistent, malgré l'usage du sulfate de quinine. En outre, la malade a une petite toux sèche, fatigante, presque continuelle, sans expectoration. Son ventre est dur, tendu, douloureux, surtout au niveau de la région du foie. Du côté de la poitrine, on constate les mêmes signes que ceux indiqués précé¬demment : on note, en outre, l'existence de quelques craquements
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
NÉPHRITE CALCULEUSE
secs au sommet du poumon gauche. — La peau de la malade est sèche, brûlante et son pouls bat 100 pulsations. — Les réactifs décèlent dans l'urine une petite quantité d'albumine.
Les jours suivants, la plupart des symptômes qui viennent d'ê¬tre énumérés augmentent d'intensité et l'affaiblissement des for¬ces va sans cesse croissant. Le k mai, pour la première fois, la ma¬lade se plaint de douleurs en urinant, et une sonde introduite dans la vessie fait sortir de l'urine purulente. Quatre jours après, le 8 mai, elle meurt dans le marasme.
Autopsie 36 heures après la mort. —Du côté de la "poitrine, on trouve une infiltration tuberculeuse au sommet des deux poumons, et à ce niveau quelques adhérences pleurales. — Les lésions les plus importantes se trouvent du côté de l'abdomen. Le foie percuté sui¬vant la direction de la ligne mammaire, avant l'ouverture du ca¬davre, donne une matité de 9 centimètres. — Le foie et le rein droit ont contracté ensemble des adhérences intimes. Le rein gauche est congestionné, mais ne contient pas de calcul ; on n'en trouve pas non plus dans la vessie. — Dans le petit bassin, on trouve quelques adhérences péritonéales autour de l'utérus.
Le foie et le rein droit solidement unis, conservent les rapports qu'ils affectent à l'état normal : Le rein est complètement couvert par le foie et semble faire corps avec lui. Voici les dimensions de ces deux organes réunis :
Diamètre transversal.......28 centimètres.
Diamètre vertical maximum. ... 21 — Diamètre antéro-postérieur. ... 10 —
Le foie, mesuré seul, donne, pour le diamètre transversal de sa face antérieure, 25 centimètres, en haut, et 20 centimètres à sa partie moyenne. Cette face antérieure n'offre aucune saillie, aucune bos¬selure anormale. — La face postérieure du foie est en partie recou¬verte par le rein droit, et sur les 28 centimètres de longueur qui appartiennent au diamètre transversal des deux organes réunis, 18 centimètres se mesurent sur le foie et 10 sur le rein. —La veine cave inférieure longe le bord interne de ce dernier, dont la circonfé¬rence est de 25 centimètres : il a dans sa plus grande hauteur 21 centimètres. Son bord inférieur se continue presque sans ligne de démarcation avec le bord tranchant du foie.
Une coupe longitudinale, pratiquée sur le bord interne du rein droit, montre que cet organe est rempli d'un pus blanc, crémeux,
épais ; la tunique fibreuse est doublée de substance rénale altérée et ayant une épaisseur variable suivant les points, depuis quelques millimètres jusqu'à un centimètre. Le rein est creusé d'une vaste cavité irrégulière, anfractueuse, qui loge un calcul volumineux et dans laquelle viennent s'ouvrir huit ou dix diverticules, partant du bord convexe de l'organe. Le calcul occupe la moitié inférieure de cette cavité : son bord lisse est tourné en dedans, et son bord rugueux du côté des anfractuosités ; il appuie par une de ses cornes sur l'ori¬fice de l'uretère, qui est dilaté et perméable dans toute son étendue. Le calcul a 6 centimètres dans son plus grand diamètre situé dans l'axe du rein, 4 centimètres de largeur et 5 centimèlres d'épaisseur. 11 est très-lourd et présente des incrustations grisâtres à sa surface. L'un de ses côtés est lisse ; l'autre est très-irrégulier, formé de sail¬lies qui se logent dans les diverticules remplis de pus que l'on ob¬serve du côté du bord convexe de l'organe. Ce calcul est composé d'urate de soude.
Le foie, malgré les adhérences intimes qui l'unissent au rein, n'est nullement altéré dans sa structure : son tissu a seulement été comprimé et aplati. —L'examen histologique permet de constater qu'en certains points, le tissu du rein a subi une dégénérescence graisseuse complète ; en d'autres, cette dégénérescence est moins avancée.On retrouve à la circonférence de l'organe des corpuscules de Malpighi et des tubes urinifères : mais ces derniers sont peu distincts.
— Dans le prochain numéro nous appellerons l'attention sur quelques particularités cliniques qui nous paraissent ressortir de cette observation.
— La fin au prochain numéro. —
DERMATOLOGIE
SCROFUL1DE DE LA JAMBE
La scrofule se manifeste dans les divers éléments de notre écono¬mie, affectant pour certains tissus et pour ^certains organes une affi¬nité toute spéciale. 11 est des régions prédestinées à recevoir le pre¬mier stigmate de la strume; il en est d'autres, au contraire, qui semblent ne devoir être atteintes qu'exceptionnellement. Les lym¬phatiques et le tissu cellulaire constituent des terrains très-favora-
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
SCROFULIDE DE LA JAMBE
bles au développement de la scrofule. Dans le tissu cellulaire, la maladie s'accuse par des engorgements, des étals phlegmoneux, des ulcérations, des hypertrophies parmi lesquelles il faut comprendre l'état polysarcique.
La lésion représentée par la planche XXIV peut être considérée comme insolite par son siège et par sa forme. A la jambe, en effet, la scrofule atteint surtout les os et les articulations ; les téguments ne deviennent malades que par l'extension du travail pathologique qui s'accomplit dans les organes profonds; dans cette région, enfin, on voit surtout apparaître des ulcères de nature scrofuleuse. Le cas dont nous donnons une photographie a été recueilli dans le service de M. le Dr Hardy, à l'hôpital Saint-Louis.
Celte planche représente une jambe d'une jeune fille de 19 ans, sur le tempérament de laquelle aucun doute ne pouvait exister. Le mal avait mis dix mois à se développer aux deux membres ; il y avait eu d'abord un gonflement assez indolent ; plus tard la dou¬leur survint, la peau s'excoria, et le membre se couvrit de squames et de croûtes jaunâtres. La malade entra dans le service cle M. Hardy, et c'est alors que nous en avons fait une photographie. L'aspect gé¬néral du membre était celui que donne habituellement l'éléphan-tiasis des Arabes ; seulement, au toucher, le derme était œdémateux, l'élasticité des téguments relativement assez intacte; les croûtes examinées avec soin n'avaient rien de commun avec l'hypertrophie épidermique de l'éléphantiasis. L'état général et les antécédents de la malade établirent une habitude scrofuleuse invétérée, et notre savant maître institua un traitement local émollient et un traite¬ment général tonique, dont les effets ne tardèrent pas à justifier la prescription. La douleur disparut, les croûtes tombèrent, et, au bout de cinq semaines, les téguments devenus plus souples avaient cette coloration rouge violacé spéciale aux manifestations de la scrofule. Cette coloration s'éteignit au fur et à mesure que le vo¬lume des membres devint moins considérable, et la malade sortit presque guérie de l'hôpital après trois mois de séjour ; elle rechuta au bout de quelques semaines et vint réclamer une seconde fois les soins de M. Hardy, pour ne quitter l'hôpital qu'à son entière gué¬rison, qui se fit attendre cinq mois.
A. de Montméja.
CLINIQUE OBSTÉTRICALE
NOTES ET OBSERVATIONS SUR LA FIÈVRE DE LAIT ET SUR QUELQUES MALADIES PUERPÉRALES
par bourneville
I. de la température et du pouls après l'accouchement ; de la fièvre de lait (suitel).
2° Cas où la fièvre de lait a existe'. — Nous avons précédemment rapporté plusieurs observations dans lesquelles la fièvre de lait a été légère, et d'autres dans lesquelles elle a été intense mais régu¬lière. Nous allons tout d'abord terminer l'exposition des faits de cette seconde catégorie.
Observation VII. —Multipare.—Accouchement de deux jumeaux.
— Pas d'allaitement. — Fièvre de lait très-intense le troisième jour.
— EL. Ludwige, âgée de 24 ans, est entrée le 19 décembre 1869 à l'hôpital Saint-Louis, salle Ferdinand, nù 7 (service de M. Hardy). Elle a eu un premier enfant à 22 ans. La grossesse actuelle est à terme. Le travail a commencé à quatre heures ; la poche des eaux est percée. Pouls à 74 ; température vaginale 37°,2. — Ail heures un quart, cette femme accouche d'un premier enfant mort-né (pré¬sentation du sommet) et dix minutes plus tard d'un second enfant (prés, du siège) qui n'a vécu que quelques minutes. Délivrance spon¬tanée (un placenta). A 11 heures et demie, P. 58 ; T. V. 37°,1.
20 décembre. P. 60 ; T. V. 37°,4. Seins mous. Écoulement san¬guinolent assez abondant. — Soir : P. 62 ; T. V. 38°,2.
21. P. 78 ; T. V. 37°,4. — Léger frisson après la visite. Seins ten¬dus, indolents ; sécrétion à peine colorée. — Soir : P. 84 ; T. V. 59°,5. Aucun accident particulier.
22. Seins gonflés, volumineux, durs. Sécrétion plus colorée. Pas de selles. P. 86 ; T. V. 40°,4. — Soir : P. 120 ; T. V. 41°,9.
23. Constipation ; eau de Sedlitz. P. 84; T. V. 39°,8. — Soir : P. 84 (compté deux fois) ; T. V. 40°. Quatre garde-robes. Lochies naturelles.
24. Sécrétion lactée épaisse, assez abondante. Plusieurs selles. Appétit; une portion. P. 68; T. V. 38°. — Soir : P. 76 ; T. V. 38°,4.
* Voy. le dernier numéro, page 155.
: 25. P. 64 ; T. V. 37°,8. — Soir: les seins sont encore un peu
Fjg. 3. — Température 1/4 d'heure après l'accouchement.
tendus ; sécrétion moins foncée. Perd en blanc. Deux portions. P. 64 ; T.V. 37o,9.
26. P. 66 ; T. V. 37°,6. — Soir : P. 68 ; T. V. 37°,6.
27. P. 64; T. V. 37°,2. Exeat. ;
— La fièvre de lait s'est annoncée par un frisson soixante heures après l'accouchement (39°,5) et n'a atteint son maximum (41°,9) que quatre-vingt quatre heures après l'accouchement. Elle a été ex¬trêmement intense. Faut-il attribuer cette élévation si considérable de la température à ce que la malade ne nourrissait pas ? Nous ne pouvons nous prononcer à cet égard, car nous n'avons qu'un fait de ce genre. Ce qu'il nous est possible d'affirmer, c'est que la ma¬lade ne présentait rien d'anormal du côté des organes abdominaux. Remarquons que, dans ce cas, la fréquence du pouls n'a pas été proportionnelle à l'augmentation de la température (fig. 3).
Observation VIII. — Multipare. — Fièvre de lait le cinquième jour. — Cou... Emilie, 38 ans, mariée, manouvricre, est entrée, le
Fig. 4. — T. Ax, température axillaire. ■+■ Pouls et température 9 heures après l'accouchement.
20 décembre au n° 4 de la salle Ferdinand. Elle est accouchée vers une heure du matin de son neuvième enfant. Les douleurs, légères hier de 10 heures du matin à 10 heures du soir, sont alors devenues
très-vives. P. 80 ; T. axillaire, 37°,5 (environ neuf heures après l'ac¬couchement). — Soir : P. 84 ; T. Ax. 37°,5. Moiteur marquée; lo¬chies peu abondantes. 22 décembre. P. 64; T. Ax. 37°,4. — Soir : P. 72 ; T. Ax. 37°,2.
23. P. 80 ; T. Ax. 37°,7. — Soir : seins peu durs ; sécrétion lac¬tée ; lochies naturelles. L'enfant tette bien. P. 80 ; T. Ax. 37°,5.
24. P. 62 ; T. Ax. 38°,2. Le lait vient en quantité notable. Une selle. Appétit. — Soir : seins plus gonflés. P. 78; T. Ax. 38°,1.
25. P. 80; T. Ax. 58°,1. Le lait est encore jaunâtre et assez épais. Le gonflement des seins, surtout du gauche, qui est douloureux, a augmenté. Les lochies suivent leur cours. — Soir : P. 86 ; T. Ax. 59°.
26. P. 68; T. Ax. 36°,7. — Soir: P. 84 ; T. Ax. 37°,1.
27. Les seins sont indolores, moins tendus. P. 64 ; T. Ax. 36°,7. — Soir : perd en blanc. P. 80 ; T. Ax. 57°.
Le 28, pouls à 72. Exeat.
— Le gonflement des seins, la sécrétion du lait se sont effectués progressivement, avec lenteur. La fièvre de lait a débuté le quatrième jour, a acquis la plus grande intensité le cinquième jour (39°) et, à partir de Là, elle a cessé en quelque sorte subitement, puisque le sixième jour la température était descendue à 56°,7.
Observation IX. — Second accouchement. — Elévation temporaire de la température pendant le travail. — Fièvre de lait le cinquième jour.—Abaissement momentané du pouls. Gaud... Louise, 27 ans, fille, lingère, a été admise le 20 décembre au n° 17 de la salle Fer¬dinand. Les règles se sont montrées ù 20 ans, puis se sont suspen¬dues pendant deux ans et demi ; depuis quatre ans, elles sont revenues, mais d'une façon irrégulière. Elle est enceinte pour la se¬conde fois. Elle n'aurait pas eu de fièvre de lait à sa première couche.
20 décembre, 10 heures du matin. Petites douleurs ; col large comme une pièce de deux francs; poche des eaux intacte. P. 96 ; T. V. 38°,2. Grandes douleurs à partir de midi. Accouchement fa¬cile à 6 heures du soir. Deux heures plus tard, P. 80 ; T. V. 38°,1.
21. Seins mous. P. 62 ; T. V. 37°,4. — Soir : P. 60 ; T. V. 37°,5. Lochies abondantes, sanguinolentes.
22. Seins à peine gonflés ; sécrétion assez considérable. P. 56 ; T. V. 37°,4. — Soir : P. 76 ; T. V. 37°.5.
' 25. L'enfant tette bien. Seins peu durs, petits. Lochies naturelles. Une selle. Appétit ; uneportion. P. 62 ; T. V. 57°,6. — Soir : P. 64 ; T.V. 37°,4.
e 24. -P. 66 ; T. V. 37°,4. Seins gonflés, sensibles ; lait clair. Les lo" hies ne coulent pre s que plus. — Soir : P. 110 ; T. V. 39l ,7.
Fig. 5. — La première température a été prise 1 heures avant l'accouchement. + Température 2 heures après l'accouchement.
25. Pas de frisson. P. 96 ; T. V. 39°,4. — Soir: sécrétion mam¬maire jaunâtre, encore assez épaisse. Sein droit légèrement doulou¬reux. P. 96 ; T. V. 39°,5.
■ 26. P. 72 ; T. V. 56°,8. Môme aspect des seins. — Soir: la ma¬lade s'est levée pendant deux heures. P. 68 ; T. V. 36°,8.
27. P. 60 ; T. V. 36°,9. Mange bien. — Soir : P. 72 ; T. V. 37°,2. — Exeat le 28 décembre.
— Relevons en premier lieu l'élévation de la température avant l'accouchement; 2° l'apparition tardive, comme dans l'observation VIII, de la fièvre de lait; 5° l'accroissement brusque de la tempéra¬ture au moment où les seins se gonflent et deviennent sensibles ; 4° la durée (deux jours) de l'état fébrile ; enfin 5° la chute rapide de la température, qui descend même un peu au-dessous de la normale.
B. Fièvre intense, irre'gulière, à forme rémittente. — Le dernier fait dans lequel nous avons vu la fièvre de lait persister pendant deux jours, sert en quelque sorte de lien entre les faits de la seconde et ceux de la troisième catégories. Dans les cas qui composent celle-ci, la fièvre a présenté des variations assez singulières per¬mettant, jusqu'à un certain point, de la comparer au type rémit¬tent.
Observation X. Fausse couche. — Frisson : fièvre intense. — Herpès labialis. — Nouveau frisson : recrudescence de la fièvre. — Pas d'allaitement. — Coupl... Joséphine, 30 ans, mariée; est entrée le 20 décembre au n° 15 de la salle Ferdinand. — Multipare. — Fausse couche de 6 mois, sans cause connue, le 21 décembre à 5 heuies du malin, après huit heures de travail. — Soir : P. 108; T. V. 38°,2.
22 décembre. Les seins commencent à se gonfler ; sécrétion aqueuse. Lochies naturelles. Ventre indolore. Légères douleurs dans l'aine droite, sans empâtement ni dilatations veineuses, etc. P. 94; T. V. 37°,8. — Soir : court frisson à 4 heures ; sueurs abon¬dantes. P. 138 ; T. V. 40°.
23. P. 88 ; T. V. 38°,4. — Soir: P. 94 ; T. V. 39°. Seins très-durs ; sécrétion peu colorée. Une selle.
24. P. 84 ; T. V. 38°,4. Frisson léger cette nuit. Groupes de vésicules d'herpès sur les lèvres. Lochies abondantes. — Soir : P. 108; T. V. 39°.
25. Comme la malade ne nourrit pas, M. Hardy prescrit deux verres d'eau de Sedlitz. Les seins sont encore distendus. P. 104 ; T. V. 39°,7. — Soir : quatre selles. P. 94; T. V. 39°,4.
26. P. 78 ; T. V. 37°,8. — Soir : sécrétion lactée peu colorée. La malade perd encore beaucoup ; écoulement roussâtre. P. 84; T. V. 38°,2.
27. P. 68 ; T. V. 37°,6. — Soir : P. 78 ; T. V. 37°,8.
28. P. 68 ; T. V. 37°,5. Seins flasques; sécrétion blanche. Écou¬
lenient vaginal médiocre. Selles régulières. — Soir : P, 82 ; T. V. 57°,6.—Mange bien, s'est levée. 29. P. 72; T. V. 37°,3. — 30. Exeat.
— A quelle cause devons-nous attribuer l'élévation considérable de la température qui a eu lieu dès le second jour? L'accouchement avait été facile, la délivrance naturelle ; la santé antérieure était
1 j our 140. 40 _ 3 (t. 1 4 j e j. 7 j. 8 j. 9 j.
-L ; ■ s
/\
u / \
y
110. 3 9 _ LU] / *
fi !
Il X A /
Il 1 17 1 . /
l .... II ly V
i i
~t— 1 x' 1 1
loo. 58 _+\; - 1 \ ■ - , ;?
\ll f1 i .. 1 / 1 V_ " --
! A 1 \ VN
i / 1 \ \ i
\
S0. 32 __. \ / \_ ■ ,\
v' \ 1 \
/ ' \ ■ . ...
\A
1—/-'
•
60. S 6 _
■
Fig. 6. -h Température onze heures après l'accouchement.
passable. D'un autre côté, si les seins commençaient à se gonfler, ils n'étaient ni durs ni douloureux. Faut-il invoquer la douleur in¬guinale ? Cela ne nous semble guère possible, car elle n'était pas très-intense, et elle a disparu vite et spontanément. Selon nous, deux hypothèses sont probables, ou bien il y a eu une fièvre éphémère avec herpès critique, ou bien c'est une forme particulière de la fièvre de lait (fig. 6).
Observation XI. Primipare. — Fièvre de lait le second jour (type rémittent). — Établissement laborieux de la sécrétion lactée. —
Berthe de Saint-Au..., 17 ans, fdle, brimisseuse, est entrée le 20 décembre au n° 8 de la salle Ferdinand, Primipare. Le 20 décembre à 4heures du soir, pouls à 76. T. V. 57°,9. Col dilaté de 2 à2 cen¬timètres et demi. Les douiez ,rs, légères d'ailleurs, ont débuté à minuit.
21 décembre. Douleurs T ives à partir de dix heures, hier soir ;
Fig. 7, -t- Température 8 heures après l'accouchement.
accouchement facile à minuit. Ce matin P. 76 ; T. V. 37°,5. — Soir : lochies sanglantes, abondantes. P. 80 ; T. V. 37°,6.
22. Seins gonflés, assez durs; sécrétion aqueuse. Céphalalgie; quelques douleurs abdominales. A 7 heures, frisson suivi de sueurs. P. 104 ; T. V. 39°,6. — Soir : P. 102 ; T. V. 39°,5.
23. P. 90 ; T. V. 39°,2. Douleurs nulles. La sécrétion lactée s'établit convenablement ; allaitement.— Soir : P. 88 ; T. V. 39°,6.
24. Lait [épais, jaunâtre. Lochies naturelles. Encore quelques douleurs abdominales. Appétit ; pas de selles depuis l'accouche¬
ment. Une petite portion; lavement simple. P. 80; T. V. 38°,3. — Soir : P. 100; T. V. 37°,7.
25. P. 88; T. V. 39^,3. — Soir : P. 96; T.V. 39°,6. Seins un peu sensibles ; sécrétion blanche, assez considérable ; Venfant telte bien.
26. P. 86; T. V. 58°,9. — Soir : sein gauche un peu douloureux, sans induration. Ni frisson, ni douleurs abdominales. P. 100 ; T. V. 39o,6.
27. P. 72; T. V. 38°,4. Seins moins sensibles. Écoulement blanc. — Soir : P. 84 ; T. V. 58°.
28. P. 88; T. V. 39°, 1. Doulews assez fortes dans les seins. — Soir : P. 82 ; T. V. 38°,5. Les glandes mammaires sont moins vo¬lumineuses et moins dures ; sécrétion lactée , blanche, moyenne¬ment abondante. Appétit ; venlre souple, indolore ; selles quoti¬diennes.
29. Bien. P. 64; T. V. 37l,,6. — Exeat le 30, en bonne santé.
— Ici, plus que dans aucun autre cas, la fièvre de lait a eu une longue durée. Elle a offert, deux jours consécutifs, une intensité assez grande (59°,5 et 39°,6) ; puis, après avoir diminué le len¬demain d'une manière notable, elle a reparu pendant deux autres jours, abaissé de nouveau, a augmenté encore durant vingt-quatre heures, et enfin a tout à fait disparu. Ces phénomènes fébriles, ces modifications de la température nous semblent devoir être mises sur le compte de rétablissement laborieux de la sécrétion lactée
— La suite prochainement. —
THÉRAPEUTIQUE
DE L'EMPLOI DU CHLORAL DANS LE TÉTANOS TRAUMATIQUE
REVUE ANALYTIQUE PAR G. PELTIER, INTERNE DES HOPITAUX
Une des questions qui ont le plus occupé l'attention du public médical, dans ces derniers temps, a été certainement l'emploi du chloral dans le tétanos traumatique. L'expérimentation, en effet, ayant établi l'antagonisme qui existe entre la strychnine et le chlo¬ral, on pouvait s'attendre à trouver en ce dernier un agent antitéta¬
nique sérieux. Disons de suite que, si cet espoir ne s'est pas réalisé complètement, on peut déjà cependant noter quelques succès non douteux. Nous allons résumer brièvement les principales observa¬tions publiées jusqu'à ce jour; on pourra ainsi se faire une idée plus nette de l'efficacité de ce médicament. Nous commençons par une observation communiquée à la Société de chirurgie par M. Yerneuil, dans la séance du 23 mars 1870.
Observation I. Tétanos traumatique à marche lente traité par le Moral. — Amélioration. — Rechute. — Guérison complète en 38 jours.
Paul Leclerc, journalier, âgé de 20 ans, entre à l'hôpital Lariboi-sière, le 29 janvier 1870. Ce malade, il y a quinze jours, eut le doigt écrasé dans une porte. Au bout de huit jours, il sentit un peu de roideur dans la mâchoire. 11 n'y fit pas d'abord grande attention ; mais, le 25 janvier, le trismus devint assez fort pour gêner la mastica¬tion, et, le 29, il se décide à entrer à l'hôpital.
A ce moment, le trismus est déjà assez fort, mais n'empêche pas complètement l'introduction des liquides. Les mâchoires peuvent être écartées de quelques millimètres. Aucune contracture dans le reste du corps, sauf à la nuque, qui est le siège d'une douleur mo¬dérée. On institue alors le traitement : on couvre le malade pour provoquer la sueur, et on prescrit l'opium (0gr,20 dans la nuit.)— Temp. 37°,6.
Le 50 et le M janvier, on donne huit grammes de bromure de po¬tassium et on fait trois injections deun centigramme de chlorhydrate de morphine. La température reste à 57°,7.
Le 1er février, la contracture augmente; le malade se plaint de douleurs très-violentes et continues dans les aines. On prescrit une potion avec quatre grammes de chloral. Le malade s'endort au bout de dix minutes, et on peut alors assez facilement desserrer les mâ¬choires. A six heures du soir, on trouve le malade réveillé, la con¬tracture est à peu près ce qu'elle était le matin. On lui prescrit une nouvelle potion avec deux grammes de chloral.
Le 2 février, à la visite du matin, spasmes répétés et douleurs très-vives. Abdomen très-dur, muscles adducteurs violemment con¬tractés. La nuque est beaucoup moins libre qu'hier dans la journée. Rien dans les membres supérieurs ni dans les muscles thoraciques. — Six grammes de chloral.
Le 3 février, le malade ne souffre pas ; les spasmes sont rares et
peu douloureux. Dans la journée, il prend une potion avec dix grammes de chloral. La résolution relative du matin continue. Le soir, la température est à 58°,2.
Le 4 février, l'état est moins satisfaisant: les muscles ne sont pas beaucoup plus contractés, mais il se plaint de douleurs très-vives dans les aines, et de plus, d'une douleur épigastrique violente. Il n'a pas été à la selle depuis son entrée ; la miction est impossible. — Six grammes de chloral.
Le 5 février, la douleur épigastrique a disparu, mais les dou¬leurs inguinales continuent, et la contracture est revenue assez forte et paraît plus générale.— Temp. 37°,5—Six grammes de chloral.
Le 6 février, la contracture est plus forte que jamais. — Huit grammes de chloral.
, Le 7 février, douleurs et spasmes très-violents. Temp. 58°,4. On prescrit dix grammes do chloral. Le malade s'endort, et les spasmes deviennent rares.
8 février. La nuit a été bonne. Temp. 38°. La journée se passe bien, ainsi que la nuit et la journée du 9 février.
On continue la potion avec dix grammes. Il y a une amélioration progressive ; on diminue alors les doses et l'on ne donne plus que six, quatre, trois grammes de chloral dans les vingt-quatre heures.
Le 19 février, rechute complète. — Spasmes violents et douleurs inguinales comme par le passé. — Temp. 38°. — Dix grammes de chloral.
Le 20 février, les spasmes ont diminué. Le 25 février, nouvelle rechute. Le 26, tout rentre dans l'ordre; les jours suivants, la con¬tracture disparaît peu à peu, et la guérison se confirme. Le malade se lève vers le 10 mars, et sort de l'hôpital définitivement guéri le 24 mars.
M. Verneuil fit suivre cette communication de quelques réflexions que nous ne pouvons passer sous silence. " Dans tout le cours du traitement, dit-il, il y eut trois rechutes, qui coïncidèrent chacune avec la suspension momentanée du chloral. Nous n'avons eu aucun accident imputable au chloral, si ce n'est, peut-être, un sentiment de pesanteur abdominale éprouvé par le malade, vers le cinquième ou sixième jour de l'usage de cet agent, et qui, du reste, pourrait être attribué tout autant à la constipation ; aussi un simple purgatif a-t-il suffi à le faire disparaître sans retour.
" Il est encore à noter que c'est le matin, au moment le plus
éloigné do l'injection du chloral, que le malade accusait les plus vives douleurs. De suite, après la reprise de la potion, le calme sur¬venait et se prolongeait ainsi jusqu'après minuit. »
De cette observation il résulterait pourM.Vernouil que le chloral, d'une composition définie, facile à préparer sous forme de potion, admirablement supporté puisque le malade a pu en prendre sans le moindre danger deux cents grammes en vingt-huit jours, enfin d'une action réelle et prompte, paraît exempt des inconvénients qu'on pourrait reprocher à l'opium, à la belladone, au bromure de potassium, au chloroforme, au curare, et à l'ésérine.
A-t-on pour cela trouvé le spécifique du tétanos? Évidemment non. Nous n'en voulons pour preuve que l'observation suivante, recueillie par M. Muron, et que M. Guyon communiquât! la Société de chirurgie dans la séance du 4 mai 1870.
Observation II. — Tétanos traumatique a marche lente. — Trai¬tement par le chloral. — Amélioration. — Rechute. — Mort dans un accès.
B... Jeanne, âgée de 29 ans, ouvrière en tabac, a eu le pouce de la main gauche saisi clans une mécanique. Dixjours après l'accident, lundi 4 avril, elle commença à ressentir un peu de gène pour ou¬vrir ses mâchoires et en même temps une douleur assez intense dans ces mêmes parties. Au bout de trois jours, apparurent les con¬tractures des muscles de la nuque et du dos. C'est alors qu'elle entra à l'hôpital Necker, salle Sainte-Pauline, n° lo.
M. Guyon ordonna une potion avec quatre grammes de chloral Quelques minutes après elle s'endormit pleinement, sans éprouver le moindre accès, et, vers cinq heures, elle se trouvait dans un relâ¬chement musculaire presque absolu. A six heures, elle eut un ou deux accès ; on lui donna deux grammes de chloral, et elle rentra dans son état de somnolence. Ail heures, elle eut quelques secousses et on lui donna deux autres grammes de chloral, 'ce qui fit huit grammes dans l'espace de treize heures. La nuit fut calme, sans soubresauts.
Le lendemain,^ avril, elle est dans un état très-satisfaisant, sans contracture aucune. Onlui donne deux grammes de chloral. Vers trois heures, elle est prise subitement d'étouffement ; vers onze heures, elle se trouve dans un état d'asphyxie menaçant. A minuit et demi elle se trouve presque transformée; l'état d'asphyxie a disparu. La nuit est bonne.
Le 10 avril, la contracture du cou a reparu. On donne un gramme de chloral, deux grammes à six heures et deux grammes aune heure du matin. — 11 avril. Elle a à peine quelques accès de contracture; elle prend deux grammes de chloral. La nuit est calme.
12 avril. Contracture. — Deux grammes de chloral. On continue le traitement le 13 avril. Dans la soirée, elle a eu plusieurs accès de contracture. A six heures, on lui donne un gramme de chloral. A huit heures, elle est prise d'un violent accès. On lui donne un gramme de chloral, avec recommandation de lui en donner un gramme si elle a des accès. Elle meurt subitement à trois heures du matin.
A plusieurs reprises, M. Guyon put espérer que le chloral per¬mettrait d'arriver à la guérison. L'action du médicament était en effet très-remarquable et presque instantanée. L'amélioration se soutint assez longtemps à deux ou trois reprises; cependant des crises assez violentes survinrent inopinément alors même que le chloral était continué.
La mort survenue pendant cet accès aurait-elle pu être conjurée? Le médicament a-t-il été donné à assez hautes doses? Ce sont des questions qu'il est nécessaire de se poser. Sans pouvoir les résoudre par l'observation que nous venons de rapporter, on peut cependant affirmer que le chloral est un agent des plus utiles dans le traite¬ment du tétanos.
— La fin au prochain numéro. —
BIBLIOGRAPHIE
Leçons sur le traitement des maladies chroniques en général et des affections de la peau en particulier, par l'emploi des eaux minérales, de l'hydrothérapie et des moyens pharmaceutiques, par le docteur E. Bazin, médecin de l'hôpital Saint-Louis; rédigées et puhliées par E. Maurel, interne des hôpitaux. 1 vol. in-8° de 467 pages. Prix cartonné: 8 fr. —Paris, 1870, chez Adr. Delahaye.
I Presque tous les ans, depuis une époque déjà ancienne, M. Bazin fait, à l'hôpital Saint-Louis, des leçons suivies par un auditoire choisi. Ces leçons ont été réunies en volumes et publiées par ses internes. Elles forment une sorte de vaste traité des maladies, ou,
pour parler le langage du professeur, des affections de la peau. On trouve dans chacune des parties qui le composent, à côté de doc* trines plus ou moins acceptables, comme toutes les doctrines, des richesses cliniques d'un grand prix, des aperçus originaux. Les leçons sur les affections génériques delà peau (1862, 1865), sur les affections parasitaires (1862, 2e édition), sur les affections artifi¬cielles et les "difformités de la peau (1862), etc , sont ou méritent d'être dans toutes les bibliothèques. Enfin, donnant à de plus jeunes que lui l'exemple d'un labeur assidu, deux ans sont à peine écoulés depuis l'apparition de ses leçons sur les affections cutanées de nature arthritique et dartreuse, que M. Bazin, désireux de com¬pléter son œuvre, livre au public ses Leçons sur le traitement des affections de la peau par l'emploi des eaux minérales, de l'hy¬drothérapie, etc. C'est en quelque sorte la conclusion des leçons précédentes. Comme les premiers ouvrages de l'auteur, ce dernier est très-clair et d'une lecture facile. M. Bazin y défend de nouveau ses idées sur l'arlhritis et rappelle sa division des maladies chro¬niques en constitutionnelles, cachexies, diathèses, névroses. C'est dans ces quatre classes, mais surtout dans la première que se ren¬contrent les maladies cutanées réclamant l'emploi d'une médication interne. L'auteur insiste dans sa préface sur la division des affec¬tions cutanées en maladies de cause interne et de. cause externe ou parasitaires. La découverte des animaux et des végétaux parasites sur la peau de l'homme a été le point de départ d'une grande révo¬lution en dermatologie. Dès lors il n'était plus nécessaire de faire suivre aux malades atteints d'affections parasitaires un traitement interne, soit dans les hôpitaux, soit aux eaux minérales. M. Bazin fait rentrer les affections cutanées se rattachant aux maladies constitutionnelles dans quatre grandes unités pathologiques : la syphilis, la scrofule, l'arthritis, l'herpétis, et c'est suivant que la lésion delà peau se rapportera à telle ou telle entité morbide, qu'on prescrira telle ou telle eau minérale.
Dans le premier chapitre de l'ouvrage que nous analysons, M. Bazin se livre à des considérations générales sur la thérapeu¬tique, considérations se rapportant toujours à ce principe qu'il ne faut pas seulement remplir l'indication fournie par la lésion, mais aussi et surtout combattre la nature de l'affection. En présence d'une dermatose, il s'agira de savoir d'abord si le mal est de cause externe ou interne. Si elle est interne, elle sera aiguë ou chronique. Enfin, dans le cas où l'affection est chronique, on aura à la placer
dans l'une des quatre grandes classes que nous avons énumérées plus haut. Ce ne sera qu'à la condition d'avoir fait cette élude pré¬liminaire qu'on sera conduit à une thérapeutique certaine et qu'on pourra prescrire le médicament convenable ou envoyer le malade à une source dont il retirera du soulagement.
Le second chapitre est consacré à l'étude des eaux minérales considérées dans leurs rapports avec le globe terrestre, dans leurs propriétés physiques et enfin dans leur composition. On y trouvera une énumération complète des stations thermo-minérales due à M. Maurel, interne et collaborateur distingué de M. Bazin.
Dans la troisième leçon, le savant dermalologiste traite des bains de mer et de l'hydrothérapie. Il a surtout insisté sur l'étude com¬parative de l'hydrothérapie et de l'hydrologie. Il place cette der¬nière, et à juste litre, bien au-dessus de la méthode de Priesnilz lorsqu'il s'agit d'une affection cutanée de cause interne, tout en reconnaissant, bien entendu, l'excellence de la médication si bril¬lamment appliquée par M. le docteur L. Fleury dans un grand nombre d'affections sur lesquelles les agents les plus actifs ont peu de prise. Quant à ce qui concerne le traitement des dermatoses, voici les conclusions de M. Bazin.
Traitement préventif des maladies : — hydrothérapie ; — traitement des maladies et de leurs affections : hydrologie ; — traitement des cachexies, surtout tenant aune altération du sang: hydrothérapie ; — traitement des cachexies, surtout tenant à une altération des tissus : hydrologie ; — diathèses et névroses : par¬tage égal entre l'hydrothérapie et l'hydrologie.
Les leçons suivantes ont pour but de démontrer la spécificité de certaines eaux minérales. Ainsi pour la scrofule, on aura recours aux eaux chlorurées et bromo-iodurées sodiques. Varthritis sera heureusement combattue par les eaux alcalines, et l'herpétis par les sources arsenicales. Tels sont les principes posés par M. Bazin comme le résultat des doctrines professées par lui.
Il n'est pas question dans tout cela des eaux sulfureuses. C'est que précisément les leçons sur le traitement des affections de la peau ont pour but, sinon de détruire, au moins de diminuer la répu¬tation des eaux sulfureuses et de les mettre au second plan. Ainsi à propos du traitement de la scrofule, surtout à propos des formes sécrétantes des scrofulides bénignes, M. Bazin ajoute : " Néan¬moins, il ne suffit pas de croire que l'emploi de la médication sul¬fureuse même restreint à ces cas particuliers soit simple et facile ;
ou même que cette médication suffise dans le plus grand nombre des cas. Ce serait une erreur; car, d'une part, l'association des an-liscrofuleux proprement dits nous semble nécessaire pour amener des résultats vraiment satisfaisants... » Dans la leçon sur l'herpc-tis, après avoir rappelé tout l'avantage qu'on retire de l'arsenic dans le traitement des dartres, l'auteur continue : " Nous rappel¬lerons ici, sans y insister davantage, que les eaux sulfureuses et le soufre n'ont aucune action sur l'herpétis, quoi quen disent la plu¬part des hydrologistes ; elles ont seulement une action pathogéné¬tique tantôt utile, tantôt nuisible au malade, suivant le mode et l'opportunité de leur emploi. Dans les herpétides, comme dans les scrofulides, les syphilides et les arthritides, le soufre peut être utile en vertu de son action substitutive. Vous voyez que les indi¬cations de son emploi sont, par le fait même de cette dernière con¬sidération, très-restreintes dans l'herpétis. r Dans un autre pas¬sage : (t Notre expérience nous autorise à déclarer ici que toutes les eaux sulfureuses fortes aggravent les manifestations cutanées de l'arthritis. » L'auteur accorde dans certains cas d'arthritis quelques vertus aux eaux sulfureuses faibles. Enfin, dans la syphi¬lis, M. Bazin n'attribue au soufre qu'une action secondaire. Tout en admettant les conclusions de la thèse de M. Blanc, il dit. que le soufre ne fait que remonter la constitution et procurer l'élimination du mercure, tandis que l'iode et le brome, s'ils ne rappellent pas à la peau l'exanthème syphilitique, produisent dans l'intimité des tissus, des sels mercuriels solubles dont l'action immédiatement curative se révèle à nous par la guérison des accidenls locaux et l'amélioration de la constitution.
Si nous avons pris dans le livre de M. Bazin de longues citations, c'est pour faire comprendre l'esprit dans lequel il a été écrit et montrer que l'auteur distingue dans le traitement des affections chroniques de la peau le spécifique et le traitement adjuvant, la médication qui s'adresse à la cause du mal et celle qui ne fait que modifier la lésion et aider le traitement général.
L'auteur se croit dans cet ouvrage obligé de revenir sur l'arthritis et de justifier l'existence de cette unité morbide. Il s'attache à bien décrire les caractères de la scrofule, de l'arthritis, de l'herpétis et de la syphilis. Cette classification rie manque pas de simplifier l'é¬tude et le traitement des maladies de la peau, mais elle n'est pas acceptée par tous les auteurs, et en particulier par M. Hardy. D'ail¬leurs il faut bien le dire* les dermatoses sont loin de se présenter à
l'observateur d'une façon aussi simple. Elles se compliquent souvent l'une et l'autre, de sorte qu'on pourra observer des lésions syphili¬tiques chez un scrofuleux, chez un arthritique, etc., et réciproque¬ment ; souvent l'observateur sera embarrassé pour assigner à la lésion la cause principale qui lui a donné naissance. C'est ce qui fait aussi que des eaux minérales dont on n'obtient aucun succès dans le traitement d'une affection, la guériront ou au moins la mo¬difieront dans d'autres circonstances. C'est ce qui fera qu'on parlera et écrira beaucoup encore sur la pathologie et le traitement des affections de la peau avant de s'entendre. Reconnaissons néan¬moins les grands services rendus à cette partie de la médecine par nos dermatologistes et le grand jour dont ils ont éclairé beaucoup de points de cette science. Il faut le dire, heureusement, si on ne s'entend guère sur les doctrines, on s'entend un peu mieux sur le traitement, et c'est le point important.
' Dr G. Bouteillier.
Étude sur les épanchements traumatiques primitifs de sérosité, suivie d'une note sur les divisions complètes de la langue chez les enfants, par
G. Pei.tier, interne des hôpitaux de Paris. In-8° de 64 pages. Paris, A. Delahaye.
L'auteur, que nous avons l'avantage de compter parmi nos colla¬borateurs, termine son mémoire, d'un intérêt pratique réel, par les conclusions suivantes : " 1° L'ôpanchement traumatique primitif de sérosité, étudié par Pelletan, Cloquet, Velpeau, est pour la première fois bien décrit en 1853 par Morel-Lavallée ;
" 2° Le siège de l'épanchemenl est le plus souvent le tissu cellu¬laire superficiel, et la poche occupe de préférence les régions cru¬rales lombaires. Le liquide contenu paraît être de la sérosité du sang, renfermant quelques globules graisseux et des globules de sang décolorés ou déformés.
" 3° L'épanchement traumatique de sérosité se produit quand, sous l'influence d'une contusion violente, la peau se décolle, dans une assez grande étendue, des tissus sous-cutanés. La pression brusque d'une roue de voilure qui surprend obliquement les parties et tourne un peu autour d'elles est la cause la plus puissante de ces décollements traumatiques. »
Le Gérant : a. de montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
PATHOLOGIE
ÉTUDE SUR LES ARTHROPATHIES CONSÉCUTIVES A QUELQUES MALADIES DE LA MOELLE ET DU CERVEAU,
par bourneville.
Dans ses remarquables Leçons cliniques faites l'année dernière à l'hospice de la Salpêtrière et publiées dans le Mouvement médical (juin, juillet, août), M. Charcot a tracé une description détaillée, approfondie, des troubles trophiques consécutifs aux lésions du système nerveux. Groupés pour la première fois, ces troubles tro¬phiques forment un chapitre des plus intéressants de la pathologie.
M. Charcot les a divisés en trois catégories. La première com¬prend les troubles trophiques qui surviennent à la suite des lésions traumatiques ou spontanées des nerfs : a. éruptions cutanées, (zona, affections eczémateuses, pemphigoides, érythème pernio, peau lisse ou glossy skin) ; b. atrophie des muscles ; c. arthropa¬thies; d. périostites donnant lieu à des nécroses.
Les deux dernières catégories concernent les troubles trophiques dus aux maladies de la moelle épinière et du cerveau : a. affections cutanées (éruptions pustuleuses ou lichenoides pustuleuses, l'urti¬caire, le zona) ; b. les eschares, le décubitus aigu ;c.les arthropathies ; ri.leslésions viscérales (néphrite,cystite, etc.).Reprendre une œuvre exécutée avec tant de soins serait une tâche inutile ; nous voulons seulement étudier ici les arthropathies que l'on observe dans le cours de la sclérose des cordons postérieurs, ou ataxie locomo¬trice progressive, et chez les hémiplégiques.
1. — Arthropathies qui s'observeixt dans le couks de la sclérose des cordons postérieurs de la moelle.
Cette question a déjà été l'objet de plusieurs travaux. Nous raeii-
2° ANNÉE. 9-10
tionnerons, en premier lieu, un mémoire de M. Charcot sur quelques arthropathies qui paraissent dépendre d'une lésion du cerveau et de la moelle épinière1; puis, la thèse inaugurale de notre ami P. Du¬bois, qui a consacré à l'examen de ces lésions un chapitre in¬téressant2. Enfin, en 1869, M. B. Bail a publié une monographie importante 5, dans laquelle il a réuni quelques-uns des faits que nous allons reproduire. Ces faits n'ayant été insérés qu'en partie dans les travaux que nous venons d'indiquer, nous en donnerons une relation complète, en notant, de plus, l'état actuel des malades. La première observation se rapporte à une femme que l'on peut voir encore à la Salpêtrière, et chez laquelle nous avons suivi nous-même la marche de la maladie.
Observation I. — Ataxie locomotrice. — Pertes utérines. — Vomissements abondants. — Aggravation des -phénomènes ataxi-ques. — Retour à des intervalles plus ou moins longs des trou¬bles gastriques : caractères de ces crises. — Arthropathie de l'épaule droite : début, symptômes, marche, état actuel. (Observa¬tion personnelle.)
Mén... Marie, 48 ans, courtière en bijoux, née à Saint-Germain-de-Vaux (Manche), est entrée le 4 juillet 1865 à la Salpêtrière, salle Cécile, n° 6 (service de M. Charcot). Cette malade venait de l'hôpital Saint-Antoine, où elle était restée neuf mois dans le service de notre maître, M. Axenfeld. C'est là, en 1864, pendant notre exter¬nat, que nous avons recueilli les premiers éléments de cette obser¬vation.
Antécédents. — Pas d'accidents scrofuleux, ni convulsifs, dans l'enfance; varioloïde à 7 ans. Réglée à 10 ans, sans autres phéno¬mènes que quelques douleurs et de la fatigue dans les membres in¬férieurs. La menstruation, dès le début, a été régulière, et ne s'accompagnait d'aucune souffrance dans le ventre ou la région lombaire, mais quelquefois la malade avait de la céphalalgie. Mariée à 18 ans, elle a eu deux enfants qui sont morts de convulsions et une fausse couche à la suite d'une chute. Le premier accouchement a été laborieux, on a été obligé d'avoir recours au forceps; les autres ont été faciles. Les grossesses, d'ailleurs, n'avaient rien offert de particulier. Venue à Paris à l'âge de 27 ans, sa santé, à
1 Archives de physiologie, 1868, p. 161 et 379.
2 Etude sur quelques points de Vataxie locomotrice progressive, in-8; 1868.
3 Des arthropathies consécutives à l'ataxie locomotrice, in-8; 1869.
ce moment, était excellente. Elle fait remonter le début de sa maladie à 39 ans environ. Elle éprouvait alors, de temps en temps, des fourmillements dans les pieds; plus tard elle s'imaginait avoir sous les pieds quelque chose qui l'empêchait de sentir le sol et souvent lui faisait craindre de tomber ; progressivement la marche devint de plus en plus difficile. — A part les migraines, appa¬raissant au moment des règles, Mén... n'avait jamais fait de maladies, lorsqu'en 1862 elle eut une première perte utérine. Elle resta tranquille jusqu'en novembre 1865 , époque où elle entra à l'hôpital de Lariboisière (service de M. Duplay) pour une nouvelle hémorrhagie. Au bout de six semaines elle quitta l'hô¬pital, craignant d'y mourir. Le jour même de son départ, re¬doutant de ne pouvoir s'en aller, elle fut prise d'une attaque de nerfs : cris, perle de connaissance, oppression; deux jours plus lard, seconde crise. Rentrée chez elle, elle eut, en février et mars 1864, des vomissements presque continuels, alternant avec des pertes sanguines. Jusqu'alors elle n'avait jamais eu de vomissements, si ce n'est, quelquefois, avec ses migraines, mais ils n'étaient en rien comparables avec ce qu'elle ressent maintenant : elle ne rendait'que des eaux. Les accidents nerveux augmentèrent dans cette période (1862-1864) et auraient offert des rémissions et des exacerbations. Ainsi, elle put se rendre à pied à Lariboisière, et, pour revenir à son domicile, elle fut contrainte de prendre une voiture.
En janvier 1864, elle était si faible qu'elle allait sous elle. Cet affaiblissement n'a pas persisté; et, ici, elle se lève et descend même se promener au jardin ; néanmoins elle traîne les jambes, eten par¬ticulier la droite.
État de la malade en décembre 1864. — Membres inférieurs. Re¬lativement à la marche, nous n'avons rien à ajouter à ce qui a été dit plus haut. La sensibilité à la douleur et au contact paraît conservée aux cuisses. Le froid produit une sensation pénible ; sur les jambes la sensibilité semble un peu émoussée; aux pieds, sur¬tout à la face plantaire, la sensibilité à la piqûre, au pincement, au froid est très-atfaiblie et plus à droite qu'à gauche. La sensibilité au chatouillement, obtuse à la plante du pied, est à peu près intacte sur la face dorsale.
Membres supérieurs. La malade serre beaucoup plus fortement de la main droite que de la main gauche. Avec les doigts elle ne sent pas les petits objets, par exemple le contact d'une épingle placée
alternativement entre les doigts. La sensibilité à la douleur, nota¬blement diminuée à la face palmaire de la main, est conservée à la face dorsale et sur les avant-bras ; cependant il semble y avoir un peu de .diminution de la sensibilité à la douleur du côté gauche. Le froid est également perçu des deux côtés.
A. la face, sur la poitrine, la sensibilité est naturelle. M... se plaint de douleurs offrant des nuances différentes : tantôt, et le plus sou¬vent, ce sont des fourmillements, des douleurs lancinantes, limitées aux mains et aux pieds, principalement dans les appendices, dans les bras et les jambes et à la base du thorax. Ces douleurs subites, lancinantes, sont quelquefois isolées et d'autres fois se succèdent rapidement pendant trois ou quatre minutes.
Les yeux sont un peu saillants, les pupilles dilatées, principale¬ment la gauche. Strabisme externe à droite, plus marqué à certains jours. La vision est affaiblie depuis 1861 ; diplopie, illusions d'op¬tique : elle aperçoit des " petites chandelles, » des lumières qui sautent devant elle. L'affaiblissement de la vue augmenterait par moments, en particulier quand eile a des pertes utérines.
Ordinairement elle se plaint d'avoir la tête lourde, d'être comme étourdie et d'avoir des douleurs à l'occiput et au fronts
Le sommeil est habituellement troublé par des rêves. La malade, du reste, s'affecte beaucoup de sa position. Les règles, apparues le 20 novembre, ont duré jusqu'au 27 ; c'était leur époque normale. Le 11 décembre, elles ont coulé de nouveau, ce que la malade attribue à des contrariétés que lui ont causées ses visiteurs. — Cette malade est restée à l'hôpital Saint-Antoine jus¬qu'au ht juillet 1865. Elle a été alors transférée dans le service de M. Charcot, où nous trouvons, en ce qui concerne les années 1865-67, les détails suivants :
1865, 24 juillet. La malade est mise au traitement par le ni¬trate d'argent, 2 pil. de 1 centigramme, une après chaque repas.
17 août. Depuis deux à trois semaines, Mon... éprouve des soubre¬sauts, surtout la nuit, dans les membres inférieurs. Parfois, de deux en deux jours environ, démangeaisons sur la partie antérieure de la poitrine, des avant-bras, des cuisses, sur les jambes, sans que d'ailleurs il n'y ait d'éruption. Ataxie prononcée du membre supé¬rieur gauche; les yeux fermés, elle ne peut toucher son nez sans un écart considérable. Elle marcherait mieux dans la salle qu'autrefois} tout en se tenant au lit. Elle parcourt la salle d'un bout à l'autre, la traverse sans aide.— Depuis qu'elle est soumise à l'action du nitrate
d'argent, elle va régulièrement à la garde-robe, tandis qu'aupara¬vant elle n'y allait que tous les deux ou trois jours.
22 août. Quatre pilules d'azotate d'argent tous les jours. Depuis quelque temps, elle porte avec facilité le doigt au nez. Marche plus régulière.
De 1865 à 1867, à plusieurs reprises, presque tous les mois, accès de vomissements liquides, verts, durant plusieurs jours et coïnci¬dant avec les règles.
1867. (Internat de M. Lépine). 20 janvier. Marche impossible; la force musculaire des membres inférieurs est en partie conservée. La sensibilité au toucher est très-diminuée; parfois la malade rap¬porte au pied un contact qui a eu lieu sur la cuisse. La sensibilité à la pression des muscles est un peu émoussée. — Aux membres supérieurs, la force musculaire est diminuée surtout à gauche, où la sensibilité musculaire n'a pas subi de modification. Diminution de la vue.
Août. Depuis trois mois, pertes utérines qui ont considérable¬ment affaibli la malade.
Octobre. Les hémorrhagies ont reparu. Vomissements fréquents. Affaiblissement progressif. Aujourd'hui 4, après des nausées inten¬ses, vomissements d'une matière jaune. Simultanément et par accès, palpitations cardiaques. 11 y a, en un mot, chez celte femme, de véritables accès viscéraux.
1868, 27 et 28 janvier. Douleurs très-vives à la région précor¬diale, comparables à des coups de lancette ; douleurs lombaires, palpitations, nausées.— 29. Vomissements bilieux, jaunes ou verts, parfois avec quelques filets sanguins, revenant par crises et précédés d'une exarcerbation des souffrances cardiaques et lombaires : la malade prétend qu'on lui tire le cœur. Concomitamment douleurs fulgurantes, ayant une acuité plus grande que d'habitude, occupant tous les membres, tandis que, en dehors des troubles occasionnés par les accès gastriques, ces douleurs ne portent généralement que sur un seul côté à la fois. On observe encore de la céphalalgie fron¬tale et occipitale, des douleurs dans le cou, un affaiblissement de la vue, de la photophobie. Par moments, elle a une espèce de voile noir devant les yeux; d'autres fois ce sont des étincelles ou des lueurs de différentes nuances. Enfin elle se plaint de douleurs sour¬des dans l'oreille gauche, avec surdité incomplète, phénomène qui n'apparaît qu'avec les crises gastriques.
50-51. Les vomissements persistent; de plus, Mén. .a des selles
diarrhèiques involontaires et urine sous elle, ce qui ne lui arrive pas ordinairement. 2 février. Ménorrhagie.
Mars. Les crises gastriques s'annoncent habituellement par des palpitations ; puis survient un gonflement considérable de l'abdo¬men, plus marqué à i'épigastre et au niveau du côlon transverse. Un à deux jours plus tard, apparition des vomissements, lesquels s'ef¬fectuent après des efforts pénibles, et sont composés d'un liquide amer, vert ou jaune. Us se répètent à des intervalles très-rappro-chés.
15 novembre 1868, soir. Mén... s'est aperçue, pour la première fois ce matin, qu'elle avait le bras enflé depuis l'épaule jusqu'au coude, du côté droit, ainsi que la partie supérieure de l'avant-bras. Toutefois elle déclare qu'elle avait depuis huit jours des craque¬ments dans l'épaule. Les dimensions des membres supérieurs, comparés entre eux, sont les suivantes :
droit. gauche.
Circonférence du bras au niveau du creux axillaire. 30 centim. 22 centim. Circonférence du bras immédiatement au-dessus
du pli du coude............... 24 — 20 —
Circonférence de l'avant-bras an tiers supérieur. 21 1/2 — 18 — La circonférence des deux poignets est la même.
Ainsi que le démontrent ces chiffres, il existe un gonflement du tiers supérieur de l'avant-bras droit, avec un gonflement plus mar¬qué du bras dans toute sa hauteur, mais principalement au niveau de l'épaule. Le creux axillaire est en partie comblé. L'épaule est arrondie, les régions sus et sous-épineuses sont gonflées de même que le bord antérieur de l'aisselle. Lapeau est d'une blancheur mate, et ne présente pas de dilatations veineuses. La pression du doigt ne laisse aucune trace sur les parties tuméfiées, qui sont parfaitement exemptes de douleur : ni la pression, ni les mouvements, n'y réveil¬lent aucune sensation pénible; seulement le bras semble lourd à la malade.
Le pouls, petit, régulier, est à 100. Il n'y a pas d'augmentation de chaleur appréciable à la main. La température de l'aisselle est de 57°,4; celle du rectum de 57°,8.
16 nov. L'œdème, oui ne se manifeste pas sous une pression légère, devient évident lorsqu'on presse fortement. Il est alors facile de constater la dépression produite.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
ARTH ROPATHIE DE L'EPAULE
CHEZ UNE A TA XI QUE (Dél)lll)
17 nov. On constate des craquements dans l'épaule et dans le coude du côté droit. Rien de semblable à gauche.
20 nov. La moitié inférieure de l'avant-bras droit est le siège d'un gonflement évident. Le poignet droit mesure 16 centimètres; le gauche, 14. Quelques jours auparavant ils avaient tous les deux les mêmes dimensions.
Jusqu'au début de l'artbropathie, il n'y avait guère d'incoordi¬nation des mouvements dans le membre supérieur droit. Le bras gauche, au contraire, était affecté d'une ataxie indubitable. Aujourd'hui, le bras droit présente, à son tour, une incoordination très-prononcée des mouvements.
27 nov. Le gonflement du poignet et de l'avant-bras droits a presque complètement disparu, ainsi que le prouve la mensuration directe. Mais il y a une distension de plus en plus nette de l'épaule droite, surtout au niveau du deltoïde, où l'on perçoit de la fluctua¬tion. Les craquements persistent et se font sentir, pour ainsi dire, à chaque mouvement.
30 nov. Le gonflement du bras s'est à peu près tout à fait dissipé ; mais il y a toujours une distension considérable de la synoviale de l'articulation scapulo humérale qui forme deux saillies, l'une en avant vers le bord antérieur du deltoïde, l'autre en arrière. La fluctuation se perçoit très-nettement. Lorsqu'on imprime des mouvements au bras, on reconnaît que la tête de l'humérus se luxe en avant ou en arrière, suivant les mouvements qu'on lui imprime. Elle revient très-facilement à sa place, en produisant des craque¬ments très-bruyants. La Planche XXV représente avec exactitude l'aspect du bras et de l'épaule à cette époque de l'arthropathie.
1er mai 1869. Toute trace dégonflement de l'épaule a disparu. Il y a.une luxation permanente de l'humérus en arrière: elle se réduit avec la plus grande facilité, mais disparaît aussitôt qu'on retire la main. On sent au-dessous des téguments la tête de l'humérus, irrégulière et en partie détruite.
Octobre 1870. L'aspect général de la malade n'a pas changé. Les globes oculaires sont plus saillants qu'autrefois; les pupilles, moyennement dilatées, paraissent peu contractiles. La faiblesse de la vue a encore augmenté. La diplopie persiste. La malade voit des lumières, des étincelles, etc.; souvent elle a la sensation d'un voile noir devant les yeux, surtout à gauche. L'ouïe, l'odorat, etc., sont normaux.
La langue est légèrement tremblotante. La bouche, les gencives
en particulier, sont vascularisées (stomatite due à la carie dentaire). L'appétit est bon ; en revanche, les digestions sont pénibles : l'épi-gastre gonfle après les repas et ce gonflement détermine de la dyspnée. La dernière crise gastrique s'est montrée à la fin de sep¬tembre : il y avait eu un répit de quatre mois. Les garde-robes sont très-rares, tous les huit ou dix jours seulement. — Les fonctions pulmonaires et cardiaques ne présentent rien à noter. — Les règles n'ont pas reparu depuis six mois.
Membres inférieurs : la notion de position est tout à fait abolie ; l'incoordination des mouvements très-accusée. Les douleurs fulgu¬rantes seraient plus vives qu'en 1868. Ces membres sont très-amai-gris (mollets, 19 centimètres ; cuisses, 30 centimètres). La sensibi¬lité au contact, au chatouillement, est obtuse. Mén... distingue la chaleur et le froid, mais, pour les diverses espèces de sensibilité, il paraît y avoir un assez long retard dans la perception.
Membres supérieurs : l'ataxie est très-prononcée et plus à gauche qu'à droite. Les douleurs fulgurantes y sont devenues beaucoup plus fréquentes depuis l'apparition de l'arthropathie, qui aboutit à une déformation considérable : ainsi que le fait bien voir la planche XXVIH, il y aune luxation sous-épineuse de Y épaule droite. La tête de l'humérus est située au-dessous de l'apophyse épineuse de l'omoplate, où existe une tumeur du volume d'une orange. Il est difficile de reconnaître les dimensions de la tête bumérale elle-même. Le muscle deltoïde est mince, aplati. L'acromion et l'apophyse coracoïde sont saillants. La cavité glénoïde de l'omoplate, facilement sentie, paraît moins creuse qu'à l'état sain; son bord an¬térieur est encore assez proéminent, mais on dirait que le postôro-inférieur est usé. Le bras droit mesure 26 centimètres de longueur, le gauche 28. C'est là un résultat qui, de prime abord, est en con¬tradiction avec celui qui s'observe dans la variété classique de celte luxation (allongement), mais qui s'explique sans peine si l'on songe que l'extrémité supérieure de l'humérus est probablement atro¬phiée.
Les mouvements, indolores, s'exécutent avec assez de facilité : la malade soulève son bras, porte la main sur la tête, vers le dos, etc.
La faradisation du bras et de l'avant-bras produit des mouve¬ments aussi intenses à droite qu'à gauche; mais le muscle deltoïde droit, principalement dans sa partie antérieure, ne se contracte que d'une manière très-douteuse ; dans sa partie postérieure on n'aper¬çoit que de légères contractions enlre les deux réophores. L'excita-
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
ARTHROPATHIE DE L'ÉPAULE
chez une UASiiiit (Déformation)
tion du deltoïde n'occasionne aucun déplacement du membre à droite, tandis qu'à gauche elle suscite un mouvement d'abduc¬tion de la totalité du membre. Les grands pectoraux se contractent également. Enfin, la sensibilité électrique est éteinte dans toute la région de l'épaule droite1.
— La suite au prochain numéro. —
CALCUL VOLUMINEUX DANS LE REIN DROIT. — NÉPHRITE ET ABCÈS CONSÉCUTIFS
OBSERVATION RECUEILLIE A LA PITIÉ PAR m. VILLARD, INTERNE DU SERVICE DE M. GALLARD.
Dans le précédent numéro, nous avons relaté une observation de néphrite calculeuse : avant de chercher à faire ressortir quelques-unes des particularités cliniques qui se rattachent à ce fait, nous allons d'abord en résumer les points principaux.
Il s'agit d'une femme âgée de 45 ans, ayant toujours joui d'une bonne santé jusqu'à l'époque de la ménopause, et qui depuis dix mois seulement avant sa mort éprouvait des douleurs lombaires sourdes, s'irradianl vers la face interne des cuisses. Les seuls signes qu'elle présentât, au moment de son entrée à l'hôpital, consistaient en une teinte pâle anémique des tissus, et un amaigrissement assez mar¬qué. En outre, par la pression au niveau de l'hypochondre droit, on notait une exagération de la sensibilité. Le volume du foie sem¬blait considérablement augmenté à la percussion, et cet organe paraissait dépasser de deux travers du doigt le rebord inférieur des fausses côtes. L'examen des urines, d'abord négatif, ne permit de constater des traces de pus que quelques jours avant la mort.
L'autopsie fît voir une profonde désorganisation du tissu du rein droit, lequel contenait un calcul volumineux. Mais certai¬nement une des particularités anatomo-pathologiques les plus importantes au point de vue clinique était celle relative aux rap¬ports qu'affectaient le rein et le foie: ces deux organes étaient étroi¬tement unis par des adhérences, et le rein complètement recouvert par le foie semblait faire corps avec lui. En présence d'une telle disposition et des données fournies par l'examen clinique, don¬nées à peu près négatives en ce qui concerne une affection rénale,
1 La température prise comparativement dans les deux aisselles ne diffère que d'un dixième en moius pour la droite.
la malade n'ayant jamais eu de coliques néphrétiques, et ses urines ne renfermant au début que quelques traces d'albumine, le dia¬gnostic devenait extrêmement difficile, sinon impossible.
Nous insistons d'une façon spéciale sur ces rapports intimes qui peuvent s'établir entre le rein et le foie, parce qu'ils sont de la plus haute importance clinique, et qu'il n'est pas extrêmement rare de les rencontrer. Au mois de juin dernier, nous avons eu occasion d'en observer un nouvel exemple à l'hôpital de la Pitié, dans le service de M. Gallard. Il s'agissait d'une jeune femme, chez laquelle pendant la vie on avait constaté l'existence d'une tumeur siégeant au niveau de l'hypochondre droit, tumeur saillante, dou¬loureuse à la pression, et qui, parla percussion, se continuait sans ligne de démarcation avec le foie. A l'autopsie, nous trouvâmes cet organe parfaitement sain ; il était aplati, et recouvrait entièrement le rein droit, avec lequel il avait contracté de solides adhérences. Le tissu du rein était profondément désorganisé, rempli de pus, et réduit à une coque d'un demi-centimètre d'épaisseur.
Dans ce fait, comme dans le précédent, l'examen des urines avait été complètement négatif, car au moment où la malade entra à l'hôpital, ce liquide était clair et limpide, et ce n'est que deux jours avant sa mort, qu'on s'aperçut qu'il était devenu purulent.
Cette absence de renseignements résultant de l'examen des urines, dans les cas de calculs rénaux, peut paraître extraordi¬naire. Il n'est pas très-rare cependant de noter cette particularité et les Bulletins de la Société anatomique contiennent plusieurs observations de néphrite calculeuse suppurée, dans lesquelles, cet examen est resté complètement négatif. Comment expliquer ce phénomène ? Ne peut-on pas penser que dans ces cas, il se produit une oblitération de l'uretère du côté malade, et que celui du côté sain seul conduit l'urine dans la vessie ? Ce qui, pour nous, rend cette hypothèse assez admissible, c'est que dans le fait qui nous occupe et dans celui auquel nous venons de faire allusion, il existait une dilatation assez considérable de la partie supérieure de l'uretère du côté malade, dilatation indiquant qu'il y avait eu dans ce canal, à un moment donné, arrêt de la circulation, dont la conséquence avait été cette dilalation. Quoi qu'il en soit de cette explication, dont nous ne nous exagérons nullement la valeur, de tels faits indiquent le soin que l'on doit apporter dans l'examen des symptômes qui les caractérisent et la réserve qu'il faut mettre dans leur appréciation.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
REIN NORMAL
Les symptômes les plus caractéristiques de la présence des cal¬culs dans les reins sont les coliques néphrétiques et les renseigne¬ments fournis par l'examen des urines: nous venons de voir que ces symptômes peuvent manquer et alors le diagnostic se trouve environné des plus grandes difficultés. Quelquefois cependant, dans de telles circonstances, on a pu reconnaître la nature de l'affection, ainsi que le prouve une observation rapportée par M. Serraillier (Bullet. Sociét. anal., 1868). Il s'agit d'une femme, âgée de 64 ans, n'ayant jamais présenté aucun symptôme du côté des reins et chez laquelle, pendant la vie, on sentait par la palpation au niveau'du rein droit, à travers l'abdomen, une dureté spéciale et une sensation de collision pierreuse : se basant sur l'existence de ces deux derniers phénomènes, on diagnostiqua une affection cal-culeusedu rein. A l'autopsie, on trouva cet organe détruit en partie par la suppuration ; au milieu du pus nageaient plusieurs calculs dont le poids total s'élevait à 95 grammes.
Bien que les calculs rénaux puissent ne déceler leur existence par aucun symptôme caractéristique, même dans ces circonstances, ils ont souvent pour conséquence d'amener une désorganisation profonde du tissu du rein. L'observation que nous avons relatée en est un exemple remarquable : le rein déformé, réduit à une coque fibreuse (pl. XXIII), n'a plus rien qui rappelle l'aspect normal, ainsi que le fait bien voir la Planche XXVI. Quelquefois les calculs ne déterminent pas seulement la fonte purulente du rein, mais ils peuvent encore produire des lésions plus profondes : M.Delasiauve a rapporté un cas de calcul volumineux du rein gauche, qui occa¬sionna la suppuration de cet organe, et consécutivement la com¬munication du foyer avec la cavité abdominale et l'intestin grêle. (Bull. Societ. méd. des hôp., 1851.)
Il serait important d'étudier au point de vue clinique, le volume, la forme, la composition des calculs du rein : malgré l'intérêt qui s'attacherait à cette étude, nous nous bornerons simplement à en dire quelques mots. — Le volume des calculs rénaux est extrême¬ment variable : souvent ils ne sont pas plus gros qu'un pois, qu'une lentille; quelquefois ils peuvent atteindre les dimensions d'un petit œuf de poule. Celui que nous avons décrit dans notre obser¬vation et qui se trouve représenté Planche XXV1I,1, mesurait 6 centi¬mètres dans son plus grand diamètre : il avait 4 centimètres de largeur et 3 centimètres d'épaisseur. Quant à leur forme, ils sont le plus souvent arrondis : c'est l'aspect que présentaient des calculs
que nous avons observés il y a quelques jours dans un rein de bœuf. D'autres fois, ils sont extrêmement irréguliers, et ces irrégularités peuvent revêtir les formes les plus bizarres : tantôt ils ressemblent à des branches de corail, tantôt l'une de leurs extrémités est allon¬gée et aplatie en forme de bec d'oiseau (pl. XXVII, 2); tantôt ils affectent une forme irrégulièrement triangulaire, ou cuboïde (pl.XXVII,3), etc. lis occupent ordinairement le bassinet et lecalice : tantôt ils se moulent exactement à la surface de ces parties; d'au¬tres fois ils s'allongent et s'engagent plus ou moins loin dans le canal de l'uretère, qu'ils obstruent d'une façon plus ou moins com¬plète ; le plus souvent enfin ils présentent des saillies multiples qui pénètrent dans la substance rénale. — Nous n'insisterons pas sur la composition des calculs du rein, qui est aussi variable que leur forme et leur volume ; nous dirons seulement que l'on peut observer dans un même calcul, surtout s'il est volumineux, plusieurs couches de composition différente.
CHIRURGIE
KYSTE DE L'OVAIRE
PONCTION, INJECTION D'EAU CHAUDE, GUÉRISON, PAR A. DE MONTMÉJA.
Madame X...,de Salignac (Dordogne),se croyait enceinte depuis le commencement de l'année 1868 ; cette femme se laissa souvent éloigner de sa croyance, lorsque apparaissait de nouveau le flux menstruel, pour se laisser convaincre de nouveau dès qu'on lui di¬sait qu'il y avait des grossesses insolites analogues à la sienne. Le terme physiologique arriva, et finit même par être de beaucoup dépassé. La malade souffrait de temps en temps et fut prise plu¬sieurs fois de douleurs vives, de vomissements, de frissons errati¬ques. Le volume du ventre était considérable et une dyspnée fort gênante s'ensuivait; la fièvre devint plus fréquente, les douleurs se suivirent de plus près jusqu'à se manifester continuellement; les forces de la malade ne tardèrent pas à faire défaut, l'amaigrissement et l'émacialion succédèrent bientôt à la perte de l'appétit, et la vie de la malade parut en danger aux membres de sa famille.
C'est à ce moment, fin mars 1869, que le docteur Farges, médecin
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
CALCULS DU REIN
distingué de la contrée, mon père et moi fûmes appelés auprès de ma¬dame X.... Le palper abdominal et le toucher vaginal mirent en nos mains les éléments les plus précis d'un diagnostic facile dont nous omettons les détails, nous bornant à dire que nous étions en présence d'un kyste de l'ovaire droit, trilobé et parfaitement libre d'adhé¬rences avec les viscères abdominaux; la quantité de liquide pouvait être estimée à 4 litres environ.
Nous proposâmes immédiatement une opération, et pour justifier notre diagnostic aux yeux de divers confrères qui n'avaient pas été d'abord de notre avis, je pratiquai une ponction exploratrice dans le lobe le plus volumineux du kyste avec un trocart très-fin. Il sortit quelques gouttes d'un liquide sirupeux de couleur brunâtre; les pe¬tites dimensions de la canule du trocart et la consistance du liquide ne permirent la sortie que d'une très-petite quantité de ce dernier. Je retirai la canule et appliquai sur la plaie un petit carré de sparadrap. Quatre heures après cette ponction, la malade fut prise, de vives douleurs abdominales et de vomissements. Le docteur Farges assista la malade de ses soins jusqu'au jeudi, quatrième jour après la ponc¬tion exploratrice, époque fixée par nous pour pratiquer la ponction définitive. Ce jour-là, notre malade était entièrement remise des accidents consécutifs à la première ponction. Nous avions convoqué pour cette circonstance mon collègue et camarade d'étude le docteur Castanet. Quelle ne fut pas notre surprise en découvrant la malade, de constater l'affaissement de la tumeur et la disparition du kyste ! Le ventre offrait l'aspect qu'il a généralement dans une ascite, et les déplacements que l'on imprimait au corps de la malade nous per¬mirent de constater que le contenu du kyste s'était répandu dans la cavité péritonéale par la plaie de la ponction exploratrice ; c'est à cette particularité qu'était due l'apparition des accidents qui succé¬dèrent à l'exploration.
La malade étant couchée et légèrement inclinée sur le côté droit, je percutai la région pour m'assurer qu'aucune anseinlestinale ne se trouvait au-devant du trocart que j'enfonçai au travers des tégu¬ments par un mouvement de percussion. 11 s'échappa du trocart un liquide gélatineux, brunâtre, sans odeur, parsemé de petits flocons blancs analogues à des grains de riz; la quantité de ce liquide me¬suré fut de 4 litres.
Je pratiquai alors trois injections consécutives d'eau à 40° centi¬grades dans la cavité abdominale ; la totalité de cette eau fut retirée par la canule qui lui avait d'abord donné accès.
L'opération ne donna lieu à aucune suite fâcheuse ; il y eut des nausées, des vomissements même, et le ventre se tuméfia pendant quelques jours. Survinrent alors les signes d'une péritonite avec épanchement léger; dès que l'état aigu cessa son cours, le docteur Gastanet pratiqua deux ponctions qui donnèrent issue à une faible quantité d'un liquide muco-purulent.
Les accidents après ces ponctions affectèrent un certain caractère de gravité; mais bientôt des adhérences inflammatoires se consti¬tuèrent ; la malade ne tarda pas à reprendre des forces et la guéri¬son était complète au mois d'août.
Depuis cette époque, nous avons revu plusieurs fois cette femme, et il ne reste plus trace de la maladie dont nous venons de retracer l'histoire.
Le fait capital de cette observation est le déversement du contenu du kyste dans la cavité péritonéale par une plaie minime pratiquée à l'aide d'un trocart explorateur. II est également singulier de voir un produit irritant, comme celui que contenait ce kyste, se ré¬pandre dans le péritoine sans provoquer des accidents plus graves que ceux que nous avons signalés.
OPHTHALMOLOGIE
NOTE SUR L'ÉTIOLOGIE DE L'OPHTHALMIE D'EGYPTE
PAR F. VILLARD, INTERNE DES HOPITAUX DE PARIS.
" En passant dans les rues du Caire, dit Volney, j'ai souvent ren¬contré, sur cent personnes, vingt aveugles, dix borgnes et vingt autres dont les yeux étaient rouges, purulents et tachés. » Celte assertion de l'illustre voyageur, quoique exagérée, indique cepen¬dant qu'en Egypte le nombre des affections oculaires est considé¬rable. L'ophlhalmie est en effet fréquente sur les bords du Nil, où elle semble avoir existé dès ia plus haute antiquité, car plusieurs bas-reliefs qui existent encore sur les murailles des vieux temples égyptiens de Thèbes et de Memphis représentent des individus évidemment frappés de cécité, et. d'autre part, l'histoire nous ap¬prend que plusieurs pharaons furent aveugles.
Au moyen âge, à l'époque des croisades, l'armée de saint Louis fut décimée par l'ophthalmie non moins que par la peste, et ce roi
ramena avec lui trois-cents aveugles pour lesquels il fonda l'établis¬sement des Quinze-Vingts.
Vers la fin du dix-septième siècle, Prosper Alpin étudia l'oplithal-mie d'Egypte et nous en a laissé une bonne description : il attribue cette affection à la poussière nitreuse qui irrite continuellement les yeux et finit par les enflammer. " La maladie, dit-il, règne épidé-miquement toute l'année, mais elle se montre souvent d'une façon épidémique. Sparsim urbem toto anno hœ oculorum inflammationes vagantur : atque epidémica? plurimœ in prima œtatis parte calidis-sima inequalissimaque ob vehementissimum meridionalem ventorum calorem, atque inflammatarum arenarum copiant, quœ ab iisdem venus asportantur. » Prosper Alpin, après avoir ainsi indiqué les causes de la maladie, donne ensuite d'excellents moyens prophy¬lactiques. » Multi preservantur ab Jiis inflammationïbus oculorum sœpius in die álgida aqua large oculis lavatis, vel rosacea vel aliqua stillatitia, vel Nili (luminis clarefacta. »
Plus tard, à l'époque de l'expédition française, Larrey et Desge-nettes observèrent cette affection. La chaleur brûlante du jour, la réfraction des rayons du soleil par la blancheur des corps répan¬dus sur le sol de l'Egypte, " ce qui irrite et fatigue les parties sen¬sibles de l'œil, » l'usage immodéré des liqueurs spiritueuses et des femmes, la poussière entraînée par l'air, " laquelle s'engage dans l'intérieur des paupières et détermine sur le globe oculaire une plus ou moins grande irritation, » surtout la transpiration cutanée par le passage subit du chaud au froid, l'humidité et la fraîcheur des nuits, telles sont pour le premier de ces chirurgiens les principales causes qui amènent l'inflammation de l'œil.— Desgenettes recon¬naît à peu près la même origine à cette dernière : " La plupart des individus, écrit-il, ont été plus ou moins exposés à l'action réunie de la chaleur et d'une trop grande clarté, qu'on peut regarder ici comme les principales causes de cette maladie.»—Savaresi, médecin de l'armée d'Orient, range, parmi les causes les plus ordinaires de l'ophthalmie, la poussière nitreuse qui abonde en Egypte. " Les campagnes de l'Egypte, dit-il, sont d'immenses plaines où la lu¬mière est très-vive ; leur terrain est sec, friable et brûlant, particu¬lièrement l'été; il est argileux et crayeux, contenant le nitrate de potasse tout formé, le natrón et le miuïale de soude ; les jours sont brûlants et sereins ; les nuits fraîches, humides et nébuleuses. Il est évident que ces circonstances physiques doivent nuire aux yeux des animaux sur lesquels elles exercent leur action. » — Clot-Bey, le
grand organisateur de la médecine en Egypte, s'est fort préoccupé de rechercher l'cliologie de l'ophthalmie. 11 passe en revue toutes les causes précitées, mais aucune ne le satisfait pleinement et il ter¬mine en disant que cette affection doit reconnaître pour point de départ des conditions météorologiques, climatériques ou autres encore inconnues.
En présence de telles opinions formulées parles hommes les plus compétents, qu'il nous soit permis cependant d'émettre nos idées sur les causes de l'ophthalmie égyptienne. Pendant quatre mois, nous avons observé cette affection sur les bords du Nil : nous en avons étudié la marche, et, autant qu'il nous a été possible de le faire, nous avons cherché à pénétrer les mystères de son développe¬ment. Suivant nous, toutes les causes que nous avons brièvement exposées plus haut peuvent, il est vrai, concourir dans une certaine mesure à la production de la maladie, mais elles ne suffisent pas pour en expliquer la propagation si effrayante et les circonstances multiples mentionnées par les auteurs ne donnent pas la raison de la prodigieuse quantité d'ophthalmies qui régnent en Egypte.— On a dit que l'ophtliabnie était occasionnée par la vivacité trop grande des rayons solaires, par le sable soulevé par les vents ; mais, s'il en était ainsi, si la maladie était uniquement le résultat de l'action trop vive des rayons solaires, pourquoi serait-elle si peu fréquente dans les contrées où ces rayons sont plus ardents, car dans la haute Egypte et en Nubie, par exemple, l'inflammation de l'œil est sinon inconnue, du moins fort rare? D'autre part, si Pophtlialmie était uniquement due à la poussière et au sable, elle devrait se rencontrer bien plus souvent dans le désert qu'au sein des villes : il n'en est rien néanmoins et, bien plus, c'est le contraire qu'on observe. Des objections de même nature que celles qui précèdent peuvent être faites, relativement aux changements brusques de température, à la fraîcheur et à l'humidité des nuits : ce sont là des causes banales qui sont invoquées pour expliquer toutes les affections des pays tro¬picaux. Quant à l'opinion qui a été émise et qui veut que l'ophthal¬mie soit uniquement due aux parties salines entraînées par le vent et contenues dans l'atmosphère, elle n'est pas exacte, car Clot-Bey a remarqué que des ouvriers employés à enlever des décombres ren¬fermant une quantité de nitre considérable, n'ont pas été atteints en proportion plus considérable que les autres.
Il résulte de cette discussion qu'il nous paraît clairement dé¬
montré qu'aucune des opinions précédemment énoncées ne sulïit pour expliquer la propagation de l'opbthalmic en Egypte : nous devons donc chercher ailleurs les conditions qui président au dé¬veloppement de cette affection. Ces conditions ne sont ni météoro¬logiques, ni climatériques, ainsi que le suppose Clol-Bey: elles sont simplement de nature hygiénique.
De nos jours, le développement de l'ophthalmie en Europe, d'une façon épidémique, est devenu un sujet de grande controverse. Plu¬sieurs ophlhalmologistes, Caron du Yillards, Samuel Cooper, etc., pensent qu'elle a été importée par les soldats français et anglais, après l'expédition d'Egypte, et qu'elle s'est propagée depuis leur retour. Pour Mackensie, cette affection peut être le résultat de vi¬cissitudes atmosphériques; elle peut être transmise secondairement par contagicn et aussi par infection miasmatique. Elle peut se manifester sous tous les climats, mais elle n'est pas le résultat d'un principe spécifique importé d'Egypte. Aujourd'hui, on admet géné¬ralement cette dernière opinion de l'illustre ophthalmologiste an¬glais, et on reconnaît que l'ophthalmie peut se produire sous l'in¬fluence de certaines conditions hygiéniques, et se montrer d'une façon endémique ailleurs qu'en Egypte.
Sans doute, clans ce pays, souvent la cause première de l'ophthal¬mie, chez un individu, réside dans l'irritation que détermine sur la muqueuse oculaire la poussière apportée par le vent. Plusieurs faits que nous avons eu occasion d'observer ne nous laissent aucun doute, à cet égard. La nature du sol est, du reste, éminemment favorable à la production de ce phénomène : les campagnes de l'Egypte sont d'immenses plaines dont le terrain est sec et friable, à la surface duquel repose une poussière fine, que soulève le moindre vent et qui obscurcit l'air complètement lorsque soufflent les vents du sud, notamment le kamsin, le plus violent d'entre eux. Dans ce dernier cas, " le ciel, toujours si pur en ces climats, devient trouble; le soleil perd son éclat et n'offre plus qu'un disque violacé. L'air n'est pas nébuleux, mais gris et poudreux, et réellement il est plein d'une poussière très-déliée qui ne se dépose pas et pénètre partout. » (Volney.) Malheur alors à l'imprudent qui ose s'aventurer dans la rue : indépendamment de la gêne respiratoire et du sentiment de malaise général qu'il éprouve, des rafales de vent viennent lui battre le visage, et s'il n'a eu la précaution de se voiler la face, le sable fin contenu dans l'air pénètre dans sa bouche, dans ses na¬rines, dans ses yeux. Quelquefois une douleur vive, subite, se fait
instantanément sentir, douleur que l'on attribue d'abord à la pré¬sence d'un grain de sable entre la paupière et l'œil : la conjonctive devient rouge dans un point; cette rougeur s'étend; la vue s'obscurcit et bientôt la douleur devient continue, que l'œil soit ouvert ou fermé. Si, à ce moment, on suit le conseil de Prosper Alpin, si on fait immédiatement des lotions répétées dans l'œil, soit avec de l'eau de rose, soit simplement avec de l'eau pure; si, en oufre, on garde la chambre et on évite de se soumettre à l'action de l'air et de la poussière, les symptômes s'amendent, el, au bout de deux ou trois jours, tout a disparu. Mais si les préceptes précédents sont négli¬gés, si on ne se soumet sur-le-champ à une hygiène sévère, les ac¬cidents augmentent d'intensité, les douleurs deviennent plus vio¬lentes, le malade éprouve des éblouissements, des vertiges; il a de l'insomnie. Au bout de cinq ou six jours, on voit la muqueuse des paupières s'œdématier, et des points de suppuration se montrer sur leurs bords, à leur face interne et vers les commissures. Si aucun traitement n'intervient, la phlegmasie s'étend de proche en proche, envahit peu à peu toute la conjonctive oculaire, gagne la cornée transparente : alors, on voit quelquefois survenir toute la série des accidents qui compliquent les plus violentes inflamnialions de l'œil, abcès, ulcères de la cornée, adhérences iriennes, et même fonte pu¬rulente de l'œil, avec toutes leurs conséquences. Telle est, en gé¬néral, la marche de l'ophlhalmie que nous appellerons spontanée, marche que nous avons pu suivre et étudier au Caire, à l'hôpital de Kasr-el-Ain, sur un grand nombre de malades, grâce à l'obligeance du docteur Mehemet-Aly-Bey, directeur de l'École de médecine du Caire.
— La fin au prochain numéro. —
THÉRAPEUTIQUE
DE L'EMPLOI DU CHLORAL DANS LE TÉTANOS TRAUMATIOUE
REVUE ANALYTIQUE PAR G. PELTIER, INTERNE DES HOPITAUX1 — suite —
Aussitôt qu'eut été publiée l'obscrvalion de M.Verneuil, l'attention des praticiens fut mise en éveil, et bientôt se multiplièrent les cas
1 Voir le numéro du mois d'août 1870, page 18i.
dans lesquels fut administré l'hydrate de chloral. M. L. Lefort, à l'hôpital Cochin, fit usage de ce médicament dans un cas de tétanos traumatique à marche rapide. Nous allons résumer les résultats du traitement qui furent communiqués à la Société de chirurgie (séance du 4 mai 1870).
Observation III. — Tétanos traumatique à marche rapide. — Trai¬tement par le chloral. — Mort par suite de la gêne des fonctions respiratoires. — Autopsie.
J... (François), âgé de 34 ans, savetier, entre dans le service de M. Lefort, à l'hôpital Cochin, le 27 mars 1870. — C'est un homme robuste, vigoureux ; il a été renversé par une voilure, qui a produit une plaie fortement contuse du pied droit. L'artère pédieuse et la plantaire externe sont écrasées, et l'on est obligé de faire la liga¬ture des deux tibiales, antérieure et postérieure.
28 mars. Le gros orteil est froid ; bientôt il devient noirâtre; la gangrène est certaine. Cependant la suppuration s'établit, la plaie se couvre de bourgeons charnus, et le malade est dans un état rela¬tivement satisfaisant, lorsque le 4 avril, il est pris de douleurs vagues du côté de la mâchoire inférieure. Bientôt le trismus devient très-uiarqué, et l'on prescrit le soir 5 grammes de chloral.
5 avril. Malgré le chloral, le malade a eu, la nuit, plusieurs crises; le matin, il est dans l'assoupissement; le trismus existe tou¬jours, quoique moins fort que la veille. On ne constate point de contracture manifeste des muscles des membres. — On administre 2 grammes de chloral. P. 97; T. Ax, 39°,2; le soir, le trismus est plus prononcé ; il y a contracture des muscles du cou et de la nuque, surtout du côté gauche; la tête est inclinée de côté et la face tour¬née à droite. P. 102; T. Ax. 39°,2. — Chloral, 4 grammes pour la nuit.
6 avril. Sommeil toute la nuit; quelques crises légères. P. 120; T. R. 59°,5. — Chloral, 5 grammes, à prendre dans l'espace de trois heures. A 1 heure, le malade est assoupi; il n'a point présenté de secousses depuis le malin; le trismus a diminué. A 3 heures, il a cessé d'être assoupi, et la contracture des muscles faciaux se prononce de nouveau. On réitère Ja dose de chloral. A 6 heures, P. 126; T. R. 40°,2. Le malade est somnolent; la contracture a dis¬paru. A 9 heures, le malade s'est un peu affaibli ; le pouls a perdu de sa force. La toux et l'expectoration paraissent gênées. On prescrit une dose de chloral pour la nuit, mais le malade succombe à mi¬
nuit par suite de l'augmentation progressive de la gêne des fonctions respiratoires.
L'autopsie ne donna que peu de résultats. —■ On trouva quelques points de pneumonie, de la congestion hypostalique. Le foie, les reins étaient congestionnés. —- Pour les centres nerveux, nous ne pouvons noter que l'injection des méninges et le piqueté de la sub¬stance blanche.
Après l'observation du malade de M. Lefoi t, la Société de chi¬rurgie reçut de M. le docteur Dufour, médecin adjoint à Lausanne, une note concernant trois cas de tétanos traités par le chloral. Dans deux de ces cas, dont l'auteur ne fait, du reste, qu'une simple men¬tion, il s'agissait de tétanos suraigu terminé rapidement par la mort, avant que le chloral ait pu agir efficacement. La troisième observation, rapportée en détail, est relative à un tétanos à marche lente et qui a cédé à l'administration du chloral. En voici le résumé.
Observation IV.-- Tétanos à marche lente.— Traitement par le chloral à doses élevées. — Guérison complète en 26 jours.
Homme de 26 ans, entré le 16 mars à l'hôpital de Lausanne pour des blessures multiples causées par l'explosion d'une mine. Les plaies suivaient une*marche régulière, lorsque le 24 mars, le blessé accuse un peu de difficulté à avaler. Le lendemain 25, trismus très-prononcé, flexion des doigts de la main gauche. 12 grammes de chloral sont administrés. Amélioration; écaiicment des mâchoires et des doigts; le soir, le spasme reprend son intensité.
Pendant 5 à 6 jours, le chloral est administré à la dose de 8 grammes; il y a contracture du dos et de l'abdomen. — Le 30, la dose de chloral est portée à 16 grammes. — Le 4 avril, affaiblisse¬ment du malade ; on prescrit 2 grammes de morphine, que l'on con¬tinue jusqu'au 7. Alors les crampes reviennent plus fortes; du 10 au 13, il y a irritabilité excessive ; on prescrit de nouveau.12 grammes de chloral. La roideur diminue progressivement du 15 au 20; et cesse complètement le 20, un peu moins d'un mois après le début des accidents tétaniques. Le malade regagne son pays le 26 avril.
Nous voyons, par cette observation, que l'on peut donner des doses très-considérables de chloral sans causer d'accidents; de cette manière, on tient le malade constamment sous l'influence du
médicament, et c'est tans doute à cette continuité d'action qu'il faut attribuer en grande partie les bons effets obtenus.
Le chloral cependant, comme l'a fait remarquer M. Verneuil, à propos de l'observation que nous avons relatée précédemment (Obs. III), a peu d'efficacité pour faire cesser la contraction des muscles respirateurs. Aussi, tout en ayant recours au chloral, il veut qu'on se serve de l'électricité ou de tout autre moyen capable de détendre ces muscles et de prévenir aussi l'asphyxie qui lue les malades. C'est ce que firent MM. Dubreuil, Lavaux et Onimus pour un blessé, dont ils obtinrent la guérison complète à l'aide du chloral et des courants continus.
Observation Y. — Tétanos traumatique. — Traitement par te chlo¬ral et les courants continus. — Amélioration rapide. — Rechute. — Guérison complète en moins d'un mois1.
Le 7) mars, M. Dubreuil fut appelé, par M. Lavaux, pour un ma¬lade atteint de tétanos. Cet homme avait eu la main gauche enta¬mée par une scie circulaire, le 16 lévrier. Pendant dix jours, il ne ressentit rien de particulier, mais le 26 février, il fut pris de tris-mus et de douleurs le long de la colonne vertébrale. M. Lavaux administra du bromure de potassium et de l'extrait de belladone.
Le 3 mars, il y avait non-seulement du trismus, mais encore de la contracture des muscles des régions antérieures du cou, du thorax et de l'abdomen. La respiration se faisait par le diaphragme. — P. 120. Hydrate de chloral, 6 grammes. — En même temps, M. Oni¬mus vint appliquer des courants continus descendants avec une pile au proto-sulfate de mercure. L'administration du chloral fut suivie d'une diminution considérable du nombre des pulsations et d'une rémission dans la contracture. Quant aux courants continus, ils dé¬terminaient, au moment de leur application, une détente com¬plète qui persistait un certain temps après, puis la contraction se reproduisait.
L'amélioration obtenue dès les premiers jours persista jusqu'au 12 mars; le. 9, l'électricité avait été abandonnée. Le 12 mars, le chloral fut supprimé. Le soir, le malade eut une crise caractérisée par une contracture générale et un arrêt absolu de la circulation et de la respiration. M. Lavaux appliqua sur la colonne vertébrale les électrodes de la machine qu'il avait heureusement sous la main, et
1 Société de chirurgie, séance du 25 mai 1870.
grâce à cotte influence, le cœur recommença à battre, la respiration revint, les muscles s'étendirent. Le chloral fut repris à la dose de 8 grammes. Ce médicament ayant manqué le 18 mars, la contrac¬ture reparut et se généralisa ; le lendemain, alors, on put adminis¬trer 16 grammes de chloral en 24 heures ; l'électricité fut continuée. Le 20 mars, la contracture diminua, el dans les premiers jours d'avril la guérison était définitive.
Cette observation est intéressante à plusieurs points de vue; on voit en effet que MM. Dubreuil, Lavaux et Onimus, ayant suspendu l'administration du chloral chez leur malade, il fut pris d'une crise violente à laquelle il faillit succomber, et dont on ne put le tirer que par l'application de courants continus. Une seconde suspension du médicament provoqua le retour des spasmes et d'une contracture généralisée, que 16 grammes de chloral et l'emploi de l'électricité firent cesser.
Il est facile de voir, ainsi que le fait remarquer M. Soubise dans un travail récent *, auquel nous emprunterons quelques observations, quelle a été l'influence du chloral, puisque la contracture a disparu ou reparu suivant que l'on a donné ou supprimé le médicament.
On ne peut donc nier les bons effets du chloral ; mais pour obtenir de ce médicament les résultats les plus favorables, il faut l'administrer dès l'apparition des premiers spasmes et à des doses assez considérables. C'est ce que fit M. Bertrand pour un cas de tétanos traumatique dont il obtint la guérison.
Observation VI. — Tétanos traumatique. — Traitement par le chloral dès le début des accidents. — Amélioration. — Guérison complète en un mois 2.
Le 30 avril dernier, M. Bertrand fut consulté par une femme de 28 ans, maigre, de tempérament nerveux. Cette femme avait été prise le matin d'une douleur dans l'articulation de la mâchoire, douleur qui l'empêchait de desserrer les dents. La contracture était telle, que l'introduction d'une spatule entre les dents était impossible. En l'interrogeant, M. Bertrand apprit que le matin, à 4 heures, elle s'était donné, sur la partie inférieure et externe de la jambe droite,
1 Du tétanos. — Pathogénie. — Traitement par l'hydrate de chloral. Thèse pour le doctorat. — 30 juillet 1870. - Observation communiquée à la Société de médecine d'Elbeuf.
un coup avec la pointe de son serpillon. Il y avait en effet une petite plaie de peu d'étendue.
M. Bertrand ne douta pas qu'il n'eût affaire à un tétanos commen¬çant, et il prescrivit à cette malade 4 grammes d'hydrate de chloral, à prendre dans les 24 heures.
1er mai. Rigidité prononcée de tous les muscles du corps, sur¬tout des muscles des gouttières vertébrales. Même trismus. — Grand bain et 6 grammes de chloral.
2 mai. Le sommeil est un peu revenu ; le calme a succédé assez rapidement à l'administration du chloral ; grande difficulté dans la parole. Même prescription que la veille.
5 mai. Même état ; même prescription. — 4 mai. La dose de chloral est portée à 8 grammes. — 5, 6, 7 mai : même état. — 8 mai: Aggravation ; 12 grammes de chloral ; bain. La malade dort beaucoup ; elle ne sort de son sommeil que pour réclamer le sirop de chloral parce que iaroideur tétanique de ses muscles la fait beau¬coup souffrir.
Du 8 au 22 mai, les symptômes suivent une marche décroissante très-peu marquée. Pendant tout ce temps la malade a pris chaque jour 12 grammes de chloral. Enfin, du 22 au 25 mai, l'amélioration se montre franchement ; la contracture des extrémités ne se pro¬duit plus qu'à de rares intervalles. Le 23 mai, on ne donna plus que 8 grammes de chloral, puis 4 grammes seulement le 26. Les symptômes tétaniques disparurent complètement et dans les pre¬miers jours de juin, la malade était complètement guérie. Le 20 juin, elle reprenait ses travaux habituels.
Ici le chloral a seul été employé ; alors n'est-on pas en droit d'attribuer les bons effets obtenus à l'administration du chloral dès le début des accidents, et à la continuation du médicament, sans interruption, jusqu'à la cessation complète des spasmes tétaniques?
— La fin au prochain numéro. —
EXPLICATION DE LA PLANCHE XXVI.
A, IJ. Pyramides du rein.
C. Substance corticale.
D. Calice.
E. Bassinet.
CLINIQUE OBSTÉTRICALE
NOTES ET OBSERVATIONS SUR LA FIÈVRE DE LAIT ET SUR QUELQUES MALADIES PUERPÉRALES
PAR BOURNEVILLE
f. I)E LA TEMPÉRATUKE ET DU POULS APRÈS L'ACCOUCHEMENT ; DE LA FIÈVRE DE LAIT (suite1).
Les faits que nous venons d'exposer, recueillis par nous seul, ou avec le concours bienveillant de noire excellent collègue Deshayes, montrent que, chez beaucoup de femmes, il existe une fièvre de lait •' nul doute n'est possible à cet égard. Ils s'ajoutent, du reste, à d'autres cas, déjà nombreux, disséminés dans les auteurs. Nous en rappellerons quelques-uns d'après MM. Anfrun, Ch. Billet et C.Lefort. Nous empruntons les suivants au mémoire de M. Anfrun : de la Valeur diagnostique et pronostique de la température et du pouls dans q u elq ues ma ladies.
— C... Pauline, 18 ans, primipare, allaite. (Obs. LX1Y.)
2U jour matin 37°,9 soir 57°,6
5e — — 59°,4 — 59°,8
4e — — 57°,7 — 58°,2
5e — — 37°,7 — 58°,6
6e — — 37°,8 — 38°,7
7e — — 38°,5 — 38°,G
8e — — 38° — 38°
9° — — 37°,5 — 38°,5
La fièvre n'a été bien marquée que durant vingt-quatre heures.
— R... Joséphine, 25 ans, multipare, n'allaite pas.
1er jour matin » soir 39", 1
2" — — 37° — 59u,6
5U — — 59°, 2 — 40°, 2
.40 _ 58",4 — 40°
5' - — 58°, 3 — 59°, 6
Cette observation n'est pas complète. La durée de la fièvre, ici, 1 Voir pages 155 et 116.
est anormale et Fauteur a trop tôt arrêté ses explorations thermo-métriques (Loc. cit., ohs. LXV.)
— Chez F... Emilie, 30 ans, primipare, qui n'allaita pas, la fièvre fut très-légère (38°,4).
— F... Célcstine, 27 ans, multipare, allaite.
Ie* jour matin » soir 58°,2
2 _ - 57\5 — 37°,6
3e — 57°,2 — 57°,8
4" — — 57°, 7 — 40°, 6
» *w. — I0°,7 — 40°, 6
6" — — 58°, 8 — 38°,6
Ici, la fièvre a été très-intense, mais la température a baissé ra¬pidement. Toutefois on peut adresser le même reproche qu'à la précédente (Loc. cit., obs. LXVIII).
— D... Marie, 19 ans, primipare, allaite ; pas de fièvre de lait.
— A... Fanny, 21 ans, primipare, allaite.
2e jour matin 57°,i soir 58° 5e — — 57° — 38°
— II... Pauline, 52 ans, cinquième grossesse, fausse couche à six mois. (Obs. LXII.)
2*' jour matin 57°,4 soir 57°,5
5fi —- — 59°,9 — 40",6
4e — — 59u,4 — 40(,,1
50 _ _ 570 _ 59o)9
0e — — 57°,8 ~ 58°,0
Pendant deux jours, la fièvre a été très-forte, et les deux jours sui¬vants, le soir, la température est encore restée assez élevée.
■— P... Estelle, 24 ans, primipare.
Ie jour matin 38° soir 58°
5e — — 58u,l — 58°, 1
4e — — 37°,8 — 58°,4
5e — — 37o,7 — 58°,2
0" — — 57°, 7 — 58°,4
7e _ _ gf».g _ 380
8e — — 57°,5 — 57°,9
La fièvre, en somme, n'a persisté que pendant deux jours et en¬core à un degré peu prononcé (Loc. cit., obs. LXIll).
M. Ch. Billet rapporte dans sa thèse 1 l'observation d'une femme, âgée de 19 ans, qui accoucha normalement le 25 décembre 1868. Le môme jour au soir, la température était à 57°, le pouls à 80 ; le lendemain matin f24 décembre), alors que la sécrétion lactée était nulle, que le ventre était souple, indolent, on notait T. 56",4 ; P. 72. Le soir, la malade se plaignait de bouffées de chaleur, de céphalée, de douleurs dans les seins, qui étaient turgescents. Le mamelon droit était un peu rouge; la montée du lait s'était effectuée. Les différents organes étaient sains. T. 41°,2 ; P. 100.—Le 25 décembre (malin). P. 76 ; T. Ax. 56°,6 ; soir : P. 80 ; T. Ax. 56°,2. — 26 dé¬cembre, matin : P. 62; T. Ax. 56°,2; soir : P. 64; T. Ax. 56'\3.
— La fièvre de lait est survenue, chez cette malade, environ trente heures après l'accouchement : la température a été très-élevée (41°,2), mais le pouls (100) n'offrait pas une fréquence en rapport avec elle. Le mouvement fébrile, coïncidant avec la turgescence des glandes mammaires, a été tout à fait temporaire, puisque le lende¬main matin, c'est-à-dire cinquante heures après la parturition, la température était tombée à 56°,6 et le pouls à 76.
Nous terminerons cette première partie de notre travail par un résumé succinct des trois observations consignées par M. C. Lefort, dans sa thèse.
Kessler, C, 19 ans, primipare, accouche le 25 novembre à 4 heu¬res du soir. — 24novembre. Nuit bonne; lochies normales, ventre souple, indolore; les mamelles sont passablement gorgées; l'enfant tette. P. 80 ; T. Ax. 37°. Soir : T. 57°. — 25 novembre. Appétit; une selle après lavement. Lochies peu abondantes; sécrétion laiteuse active. Soir : aucun phénomène morbide du côté du ventre, etc. Pas de frisson. Céphalée; un peu d'endolorissement du sein droit remontant jusqu'à l'aisselle; le sein est très-tuméfié et autour du mamelon il y a un peu de rougeur. Peau chaude. P. 100 ; T. 41°,2 ; montée du lait: — 26 novembre. Douleur nulle. Le sein droit n'est plus aussi tuméfié, la rougeur a disparu. P. 104; T. 37°. Soir: P. 76; T. 36°,6. — 27 novembre. P. 68; T. 36°,6. Soir : P. 60
1 Etudes cliniques sur la température, le pouls et la respiration. Strasbourg, 1869, p. 57.
T. 56°,2, — 28 novembre. P. 62; T. 56 .2. L'enfant telle toujours bien. Soir : P. 64; T. 30",5.
~~ La fièvre, dans ce cas, ne nous paraît attribuable qu'à la montée du lait, car l'auteur, malgré l'examen le plus minutieux, n'est par¬venu à découvrir aucune lésion. Le tracé tliermométrique ressemble tout à fait à celui de notre observation Vil.
Kunlz, E., 29 ans, accouche de son troisième enfant le 15 mai, après six heures de travail. Le soir, P. 64; T. Ax. 55°,9. — 16 mai. Langue chargée, ventre souple, plat; selles. Lochies normales. L'en¬fant dort presque continuellement et ne prend pas le sein. Céphalée. P. 72; T. 38u,6. Soir : P. 76 ; T. 37°4. — 17 mai. Langue nette, rouge; nuit bonne. P. 68; T. 56°,2 ; l'enfant tette. Soir : P. 72; T. 56°,7. — 18 mai. Peau brûlante, mamelles tendues et gorgées de lait. P. 96; T. 40°,2. Soir : Quoique l'enfant ait pris le sein dans l'après-midi, les seins sont très-durs. P. 80; T. 39°,7. — 19 mai. Mamelles encore dures, mais ni tendues ni douloureuses. L'enfant a un peu tetô ce matin ; un autre enfant a été mis au sein. P. 84 ; T. 56°. Soir : P. 88 ; T. 40°,7. Vers quatre heures, léger frisson; seins tendus. — 20 mai. Insomnie. Peau sèche, brûlante, quelques vomissements bilieux; ventre indolent. Rien vers les poumons. Lo¬chies presque nulles. Jamais les mamelles n'ont été si gonflées. P. 116 ; T. 41°. Soir : l'enfant a bien teté ; glandes mammaires à peu près flasques. P. 84; T. 56°,7. — 21 mai. Nuit bonne. Peau fraîche. Lochies peu abondantes. P. 68 ; T. 36°. Soir : l'enfant tette bien. P. 60; T. 36°,3. — 22 mai. P. 60 ; T. 36°,5 ; soir, P. 56 ; T. 55°,8. — 25 mai. P. 64; T. 55°,9.
-- Nul accident morbide, chez cette femme, ne peut rendre compte de la production de la fièvre qui, par conséquent, doit dé¬pendre de l'établissement de la sécrétion lactée. Quant à sa réappa¬rition, il nous semble possible de l'expliquer par la répugnance de l'enfant à teter. •
Schneiter, M..., primipare, est accouchée le 22mai à minuit et demi. Le 25, P. 64; T. Ax. 56°,5. Soir : P. 64; T. 56°,9. L'enfant tette bien. —24 mai. Lochies normales; quelques tranchées lors¬que l'enfant telte. Sécrétion mammaire active. P, 76 ; T. 37°. Soir : les seins sont tuméfiés, non douloureux. P. 64; T. 58°,9.— 25mai. Lochies rouges. Seins remplis de lait. L'enfant tette bien. P. 64 ; T. 56°,7. Soir : P. 68 ; T. 56°,5. — 26 mai. P. 72 ; T. 37°,3. Soir
P. 60 ; T. 36°,5. — 27 mai. P. 72 ; T. 57°,3. Soir : P. 64 ; T. 57°,2. Hien de particulier. — 28 mai. P. 64; T. 57°.
— La fièvre de lait a été, ici, d'une régularité en quelque sorte typique, et elle n'a duré que quelques heures. Le tracé thermomé-trique offre la plus grande analogie avec ceux de nos observations III et IV.
Avant de résumer les considérations générales qui nous parais¬sent ressortir de cette première partie de nos recherches cliniques, nous allons dire un mot de l'état du pouls comparé à la tempéra¬ture. D'une façon presque constante, nous avons vu le tracé du pouls suivre une ligne à peu près parallèle à celle du tracé ther¬mométrique. Mais dans quelques cas, ce parallélisme des deux tra¬cés a fait défaut : le pouls était au chiffre normal ou peu fréquent, alors que la température était élevée. M. C. Lefort cite (loc. cit., p. 20) un exemple de ce genre.
La fièvre delaitexiste-t-elle réellement? Les faits que nous venons de relater nous paraissent indiquer d'une manière catégorique la réalité de cette fièvre. En effet, si chez quelques femmes, des phé¬nomènes plus ou moins vagues et d'ailleurs dépendant peut-être eux-mêmes de l'établissement de la sécrétion lactée pouvaient être invoquées pour expliquer l'élévation de la température et la fré¬quence du pouls, chez d'autres femmes, nous n'avons trouvé, pour rendre compte de ces phénomènes, rien autre chose que le gonfle¬ment des seins, la montée du lait. Cette élévation de température n'a rien de surprenant. Ludwig et Spiers1 n'ont-ils pas constaté un accroissement de la température du liquide sécrété par les glandes salivaires, lorsqu'on excite les nerfs qui s'y rendent? Cl. Bernard n'a-t-il pas vu aussi que " la température du sang de la glande s'élevait d'un demi-degré,quand la glande qui était en repos entrait en action? Ce que l'on a observé sur les glandes salivaires, organes très-petits, qui fonctionnent journellement et à diverses reprises, doit retentir plus fortement et d'une manière plus générale, sur les mamelles, qui sont volumineuses et qui doivent fournir tout à coup une abon¬dante sécrétion2.... ); Les expériences physiologiques viennent donc confirmer les faits cliniques.
Une seconde question se pose encore : la fièvre de lait est-elle
1 Y ergleichung der Wärme der Unterkiefer, Drusenspeichels und des gleich¬seitigen Carolidenbluts. ' C. Lefort, loe. cit., p. '26.
constante. Les observations nous fournissent immédiatement la ré¬ponse : non, la fièvre de lait ne se rencontre pas dans tous les cas. Ainsi, plusieurs de nos nouvelles accouchées n'ont offert aucune élévaton de température, aucune fréquence du pouls. A quoi faut-il attribuer cette absence de tout mouvement fébrile? Pour notre compte, nous l'ignorons, car la fièvre de lait manque ou existe aussi bien chez les primipares que chez les multipares. Le nombre des couches antérieures ne jouerait donc pas un rôle important dans la production de la fièvre de lait. Nous bornons là ces com¬mentaires et, dans un prochain article, nous étudierons quelques-uns des accidents puerpéraux.
— La suite prochainement. —
TÉRATOLOGIE
EXEMPLE D'UTERUS ET DE VAGIN DOUBLES
PAR JAMES LA NE l.
M. S..., âgée de 18 ans, fut admise à l'hôpital de Woolwich le 6 janvier 1870 pour une vaginite purulente. A l'examen avec le spéculum, on trouva le vagin divisé en deux par une cloison épaisse, solide, complète dans toute sa longueur, commençant immédiate¬ment en arrière du méat urinaire, et s'étendant jusqu'à l'utérus avec lequel elle se continuait. Il y avait, par conséquent, deux con¬duits vaginaux dont les rides se prolongeaient sur le côté corres¬pondant de la cloison.
Au fond de chaque vagin on voyait un orifice et un col de l'utérus ayant l'un et l'autre un aspect normal, mais, toutefois, un peu plus petits que d'habitude. Une sonde pénétrait avec facilité dans les deux cols utérins. Les parties génitales externes n'offraient rien de particulier. Le vagin droit était légèrement plus large que le gauche et dans un rapport un peu plus direct avec l'ouverture vulvaire.
Cette jeune fille, exempte d'ailleurs de tout autre vice de confor¬mation, racontait qu'elle avait été menstruée régulièrement depuis l'âge de 15 ans. A son dire, il n'y avait qu'un mois qu'elle se livrait à la prostitution. Alors qu'elle était à l'hôpital, elle fut examinée avec le spéculum durant une époque menstruelle, ce qui permit de
1 The l/incel, 1870, volume II, paye 83. 1 The IJincet, is/u, vuiume n, i "o j " j.
constater que l'écoulement sanguin s'effectuait également des deux côtés. — La vaginite, traitée parles moyens ordinaires, était guérie le 25 février.
Il s'agissait là, selon toute probabilité, d'un exemple, aussi ac¬cusé que possible, de cette classe de malformations dans lesquelles il y a un défaut d'union des deux moiliés qui composent primitive¬ment l'utérus. L'absence d'union du corps de l'utérus constituait un utérus bicorne, analogue à celui qui existe chez diverses espèces animales. Mais de plus, la cloison, dans ce cas, se prolongeait, sous forme d'une cloison centrale, tout le long du vagin. — L'article du docteur Arthur Farre sur l'Utérus et ses annexes, inséré dans Cyclo-pœdia of Anatomy and Physiology (vol. V, page 679), est accompa¬gné d'un dessin figurant une malformation tout à fait semblable.
B.
BIBLIOGRAPHIE
Du rôle des ligaments larges et de l'appareil érectile de l'utérus dans les hémorrhagies utérines, par A. Le Blond; interne des hôpitaux de Paris1.
Ce travail, son titre l'annonce suffisamment, est surtout une étude de pathogénie ; il a pour but de nous montrer la relation de la cause à la lésion morbide, et, dans le cas qui nous occupe, de nous indi¬quer le rôle important que jouent les ligaments larges et l'appareil érectile de l'utérus dans les hémorrhagies de cet organe. Il se com¬pose de trois parties : Anatomie, Physiologie, Pathologie. L'anatomie et la physiologie sont ici indispensables à connaître parfaitement, cela se conçoit; aussi sont-elles décrites avec soin,' surtout d'après les beaux travaux de Bouget ; nous ne nous y arrêterons pas dans la revue rapide que nous allons faire, désirant plutôt fixer l'atten¬tion sur le chapitre consacré à la pathologie.
Ce chapitre, nous l'avouons avec plaisir, nous a particulièrement intéressé, car il nous semble contenir une bonne étude pathogé-nique des métrorrhagies, et donner une classification très-satisfai¬sante de cet état morbide lié à des causes si diverses.
Les métrorrhagies sont divisées en trois grandes classes : 1° les hémorrhagies réflexes; 2° les hémorrhagies de cause locale ; 5° les hémorrhagies mixtes, clans lesquelles on rencontre à la fois une
1 Brochure in-8°de53 pages, chez L. Leelerc, libraire-éditeur.
lésion locale qui prédispose à l'iiémorrhagie et une action réflexe qui la détermine.
Les hémorrhagies réflexes peuvent être produites par deux formes de congestion : l'une due à une paralysie vaso-motrice, l'autre con¬sécutive à une stase sanguine occasionnée par la turgescence de l'appareil ôrectile. Dans la première catégorie, on doit ranger les métrorrhagies qui surviennent dans les pyrexies, les maladies géné¬rales (scorbut, purpura, ictère grave,variole hémorrhagique). "Les ôpistaxis utérines simulant les règles au début des pyrexies et des phlegmasies, » épistaxis décrites avec soin, par M. Guider, doivent donc, selon M. Le Blond, rentrer dans les hémorrhagies d'origine paralytique. — Dans la deuxième catégorie, nous devons placer toutes les métrorrhagies dues à la turgescence de l'appareil érec-lile; ces hémorrhagies ont une grande analogie avec la menstrua¬tion ; seulement, dans l'acte physiologique, le point de départ de l'érection est l'ovule, tandis que dans l'acte pathologique, ce point de départ est essentiellement variable ; tantôt ce sera une maladie de l'ovaire, du vagin ; tantôt une excitation partant du clitoris, une névralgielombo-abdominale, ainsi que l'a très-bien fait voir M.Mar-rotte dans un mémoire publié dans les Archives de médecine, en 1860.
Les hémorrhagies de cause locale peuvent être dues à une lésion des parois des vaisseaux, ou au sang lui-même, ou encore à une altération du milieu extérieur aux vaisseaux. Dans la première va¬riété rentreront les métrorrhagies produites par le traumatisme ou la dégénérescence des parois ; dans la seconde, les métrorrhagies survenant, dès le début de l'affection, dans certaines pyrexies (cette cause n'est mentionnée qu'avec réserve; il paraît beaucoup plus rationnel, en effet, d'admettre que l'hémorrhagie, dans ces cas, est due à un trouble dans l'innervation vaso-motrice); dans la troisième, se trouveront placées les hémorrhagies qui se rencontrent dans cer¬tains cas d'ulcérations cancéreuses, de fongosités utérines.
Dans la classe des hémorrhagies mixtes, on doit placer la plupart des hémorrhagies qui sont accompagnées d'une lésion locale, mé-trite, corps fibreux, granulations, ramollissement hémorrhagipare du col. C'est encore là qu'on doit placer quelques-unes de celles qui surviennent pendant la grossesse ou après elle.
Nous n'insistons pas davantage; circonscrit au cadre de la patho¬génie, ce travail nous montre d'une manière très-claire, très-logi¬que, l'application de la méthode expérimentale à l'étude de la méde¬
cine; il nous fait voir la filière qui, dans la métrorrhagie, mène de la cause à la lésion morbide.
De quelques applications de l'électricité à la thérapeutique (courants con¬tinus, bains électrisés), par C. Chapot. In-8° de 70 pages. Adrien Delahaye, éditeur.
Après avoir été rejetés à peu près complètement de la thérapeu¬tique, les courants continus ont été remis en honneur dans ces der¬niers temps, et des faits nombreux paraissent attester d'une manière incontestable l'influence considérable de ce mode d'électrisatiou. M.Duchenne (de Boulogne) avait jeté une sorte de discrédit stir l'emploi des courants continus et n'employait que les courants d'in¬duction. M. Chapot a voulu se rendre compte de la valeur réelle des courants continus comme moyen thérapeutique; à l'hôpital Saint-Louis, il a soigné un certain nombre de malades atteints d'affections nerveuses de nature et d'origine diverses. Ainsi il a traité, par les courants continus, des paralysies qui guérissent parfaitement par les courants induits (paralysies des nerfs mixtes), des paralysies (paralysies saturnines), dans lesquelles les courants induits n'ont produit que peu d'effets; enfin des paralysies (paralysie d'origine cérébrale), dans lesquelles il serait dangereux d'appliquer des cou¬rants d'induction.
Par un grand nombre d'observations recueillies et discutées avec beaucoup de soin, l'auteur nous parait avoir prouvé d'une manière incontestable que, non inférieurs aux courants induits dans le trai¬tement des paralysies des nerfs mixtes et dans celui des paralysies hystériques, les courants continus sont plus efficaces dans le traite¬ment de quelques affections, telles que l'atrophie musculaire pro¬gressive et certaines paralysies saturnines ; il nous semble avoir démontré également que, dans les paralysies d'origine cérébrale, les courants continus ne présentent pas les dangers signalés pour les courants induits.
Telles sont les principales conclusions thérapeutiques qui éma¬nent de ce travail sérieux, où l'on trouvera, en outre, un chapitre sur l'action physiologique des courants continus, et sur le mode d'application de ces courants. Un dernier chapitre est consacré au mode d'emploi et à la valeur du bain électrique dans le traitement du tremblement produit par les intoxications mercurielles et alcooliques. G. Peltier.
Lu Gérant : a. de montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
CICATRICES VICIEUSES DU COU
A V A NI' L ' O I' é 11 A T 10 N
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CLINIQUE CHIRURGICALE
CICATRICES VICIEUSES DU COU
PAR BOURNEVILLE
Le médecin a souvent l'occasion d'observer dans sa pratique des exemples de cicatrices vicieuses consécutives à des brûlures. Fré¬quemment il arrive aussi que, consulté par les parents sur ce qu'il est possible de faire pour remédier à un accident si disgracieux, il hésite, en raison de son peu de confiance dans les procédés opéra¬toires ou de la difficulté de leur exécution. Il est donc utile de por¬ter à la connaissance du public médical les essais entrepris pour atténuer ou faire disparaître de semblables difformités. Le fait sui¬vant est instructif à cet égard.
Observation. — Brûlure à 5 ans. — Cicatrices vicieuses du cou. — Difficultés des mouvements. — État de l'enfant avant et après l'opé¬ration.— Sections répétées avec une pince spéciale et avec le bistouri. — Amélioration notable.
Lem..., Àngèle, 7 ans, est entrée à l'hôpital des Enfants-Malades en mars 1870 (salle Sainte-Pauline, n° 18, service de M. Giraldès). Cette enfant s'est brûlée à l'âge de 5 ans : en allumant un morceau de papier au poêle, le feu s'est communiqué à ses vêtements. Des traitements plus ou moins mauvais ont été employés ; la guérison a été lente et il en est résulté une cicatrice vicieuse. Cette cicatrice se compose de deux parties : la première, en forme de collier, com¬mence à 2 centimètres au-dessous du lobule de l'oreille droite, descend le long du bord postérieur de la mâchoire inférieure, puis s'infléchit et suit le bord horizontal qu'elle abandonne bientôt pour aller se perdre sur la région latérale gauche du cou. Elle mesure
2 à 2 centimètres et 1/2 de hauteur. Au palper, on constate qu'elle offre une certaine durelé, due à ce que la cicatrice a quelque ten¬dance à se transformer en chéloïde.
Voici maintenant quelle est la disposition de la seconde partie de la cicatrice. De la portion horizontale que nous avons décrite, naît une grande bride qui vient aboutir au tiers moyen de la clavicule. Elle constitue une espèce de rideau commençant un peu à gauche de la symphyse du menton et dont les plis, verticaux ou obliques vers la droite, ont d'abord un centimètre de hauteur, puis augmen¬tent rapidement de longueur, de telle façon que le pli principal a
3 centimètres d'avant en arrière et k à 5 millimètres d'épaisseur lorsque l'enfant regarde à gauche ; enfin, dans cette même attitude, le pli se prolonge jusqu'à l'aisselle droite, les joues sont tirées, les sillons naso-labiaux sont plus accusés. (La planche XXIX, tout en donnant une idée exacte de la lésion, ne fait pas voir suffisamment cette disposition en forme de rideau parce que l'on n'a pas eu le soin de faire diriger la face un peu plus à gauche.)
Cette cicatrice est la cause d'une difformité considérable, car, outre qu'elle allonge le menton qui est disgracieux, elle a encore pour effet d'attirer la lèvre inférieure en bas, de laisser à découvert l'arcade dentaire inférieure et enfin d'entraver les mouvements de la face vers la gauche et les mouvements d'extension de la tête. Aux accidents qui précèdent nous devons encore ajouter ceux-ci : les dents se déchaussent, tiennent peu dans leurs alvéoles; la salive s'écoule presque d'une façon continue sur les joues; la parole est difficile, parfois incompréhensible ; l'enfant dort la bouche ouverte en raison de la traction par en bas de la lèvre inférieure. Cet ensemble de circonstances justifiait l'intervention du chirurgien ; aussi, le 17 mars, M. Giraldès fit-il une première tentative de res¬tauration.
En raison de la constitution scrofuleuse de l'enfant, M. Giraldès rejeta le procédé à lambeaux si habilement mis à contribution par Mutter, parce que, dans des conditions analogues, on court risque de voir la plaie résultant de la fabrication du lambeau, s'ulcérer, se sphacéler, se couvrir de fausses membranes, etc. Enfin, ainsi que M. Giraldès le fit remarquer dans sa leçon clinique, les enfants n'ont pas la coquetterie des jeunes femmes ou des fdles plus âgées qui mettraient tout en œuvre pour favoriser le succès d'une telle opéra¬tion. Les enfants, eux, enlèvent le pansement sitôt qu'il les gêne.
Ceci nous montre combien il importe d'approprier le manuel
opératoire, non-seulement au cas que l'on a sous les yeux, mais encore à l'âge et même à la position sociale des individus. En effet, ajouterons-nous encore, tandis que pour les sujets qui appartien¬nent à la classe aisée, il est possible d'avoir recours à des appareils
Fig. 1.
de précision, spécialement fabriqués pour chaque cas, pour les en¬fants que l'on soigne dans les hôpitaux, l'administration, avec sa parcimonie habituelle, ne se déciderait jamais à fournir les appa¬reils indispensables.
Pour tous ces motifs, M. Giraldès s'est résolu à sectionner la bride à l'aide d'une pince spéciale dont l'extrémité des manches est
munie d'une vis qui permet de rapprocher progressivement les deux lames à bords mousses (fig. 1). La section s'est faite, comme d'ordinaire, sans hémorrhagie ; les deux lèvres de la plaie ont été écartées et pansées à plat avec de la charpie imbibée de baume du commandeur.
Cette première opération modifia avantageusement la difformité : les mouvements de la tête s'exécutaient avec plus de facilité ; les plis verticaux s'arrêtaient un peu au-dessus de la clavicule ; mais, malgré le soin apporté à faire tourner la tête de l'enfant vers la droite, il y avait toujours une attitude vicieuse, et, dans le courant du mois de mai, M. Giraldès pratiqua, avec le bistouri, une section transversale qui fut suivie d'une légère amélioration.
Enfin une dernière incision fut faite, le 11 août, pour achever de remédier à la difformité et afin de s'opposer, autant que possible, à la rétraction cicatricielle. Le 18, les mouvements étaient plus libres encore; l'aspect de la petite fille moins désagréable. Les deux pre¬mières plaies étaient tout à fait cicatrisées. (Pansements avec un linge fenêtre légèrement imbibé de glycérine, puis avec de la charpie trempée dans l'alcool phéniqué.)
L'enfant est sortie de l'hôpital dans le cours du mois de septembre. Nous la revoyons chez ses parents le 22 mars 1871 et nous consta¬tons l'état suivant :
1° Une cicatrice semi-lunaire, à concavité regardant en haut, longue de 4 centimètres, haute d'un centimètre et demi à 2 cen¬timètres et située à 15 millimètres au-dessous de la clavi¬cule. Nulle cicatrice n'existe entre cette cicatrice et l'aisselle; la peau est lisse, unie, quel que soit le mouvement imprimé à la tête.
2° Une seconde cicatrice au niveau de la clavicule; celle-ci haute de 6 à 8 millimètres, longue de 3 centimètres et demi, est sinueuse ; sa direction générale décrit une courbe à convexité supé¬rieure. Entre elle et la cicatrice inférieure on voit une bande de peau saine, régulière. C'est à partir de cette seconde cicatrice qu'existent encore des plis et une bride qui remontent jusqu'au bord inférieur de la mâchoire.
5° Le menton est moins allongé qu'avant l'intervention chirur-giale.
4° La lèvre inférieure n'est plus renversée en dehors, même dans les mouvements les plus exagérés, de sorte que l'on ne voit plus les
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
CICATRICES VICIEUSES DU COU
A P I! f: S i. ' o r K 11 A T ! 0 '
dents qui se sont consolidées et ont actuellement une direction na¬turelle.
5° La parole est normale; l'enfant ne bave plus et dort la bouche fermée ; enfin les joues ne sont plus tirées par en bas comme elles l'étaient avant l'opération.
6° U extension de la tête et les mouvements de latéralité à gauche sont plus faciles qu'autrefois, sans être cependant revenus à des conditions physiologiques.
Pour achever l'œuvre de restauration il faudrait encore faire, croyons-nous, une nouvelle section, d'autant plus que les résultats déjà obtenus sont assez satisfaisants pour encourager des tentatives ultérieures. (Voir planche XXX.)
PATHOLOGIE
ÉTUDE SUR LES ARTHROPATHIES CONSÉCUTIVES A QUELQUES MALADIES DE LA MOELLE ET DU CERVEAU
PAR BOURNEVILLE 1 — SUITE —
Omettant à dessein les nombreuses particularités qu'il serait possible de relever dans l'observation précédente, laquelle nous offre le tableau presque complet de l'ataxie locomotrice progressive et de ses complications, nous ne nous arrêterons que sur le début de l'arthropathie.
Ce début a été brusque : à part quelques craquements perçus par la malade lorsqu'elle élevait le bras, les lésions articulaires n'ont été précédées d'aucune sensation douloureuse ni d'aucun mouve¬ment fébrile. Le pouls était fréquent, il est vrai; mais cette fré¬quence est commune chez les ataxiques ; elle est pour ainsi dire normale, car, en même temps, la température reste au chiffre phy¬siologique et il n'y a pas le moindre trouble du côté des autres fonctions*.
Le premier symptôme qui annonça l'arthropathie, ce fut le gon¬flement ; il avait des proportions considérables, ainsi qu'en font foi
1 Voir le numéro de septembre-octobre, p. 193.
2 Charcot, Comptes rendus des séances et mémoires de la Société de biologie, 1868, p. 212.
les mensurations, et occupait non-seulement la région de l'épaule, mais encore le bras, le coude et une partie de l'avant-bras. La planche XXV, faite d'après un dessin de MM. Charcot et Rosapelly donne une idée exacte de l'état du bras à cette époque de la mala¬die. Ce gonflement s'accompagnait d'œdème assez difficile à con¬stater en ce sens que pour produire une dépression même légère, il fallait exercer une pression considérable.
Au bout de quelques jours le gonflement diminua; l'avant-bras, puis le coude et le bras revinrent à leurs dimensions anciennes. Par contre, l'épaule resta très-volumineuse ; la synoviale était distendue outre mesure par un liquide dont le palper dénotait sans peine l'existence (fluctuation); enfin la jointure devint le siège de craque¬ments de plus en plus marqués : l'arthropathie était dès lors con¬stituée.
Qu'il nous suffise, pour l'instant, d'avoir bien présents à l'esprit, les symptômes qui ont caractérisé, chez cette malade, le début, la genèse de l'arthropathie et passons maintenant à un deuxième exemple qui ajoutera sur la période d'état ou de déformation, de nouveaux éléments à ceux que nous aurions pu déjà puiser dans notre première observation. En exposant ainsi l'une après l'autre l'histoire de nos malades tout en ayant soin de n'insister, à propos de chacune d'elles, que sur quelques points, nous cherchons à rendre nos descriptions aussi claires que possible, en quelque sorte cliniques. D'un autre côté, nous n'aurons plus, en terminant, qu'à résumer dans son ensemble le tableau des arthropathies des ataxiques dont tous les traits seront connus de nos lecteurs.
Observation II. — Âtaxie locomotrice progressive datant de huit à dix ans. — Crises gastriques. —Arthropathie des deux genoux, avec hydarthrose énorme et jambe de polichinelle des deux côtés (période de déformation).
• " P..., Anne, âgée de 63 ans, concierge, a été admise à la Salpê-trière le 10 juillet 1865. Cette malade, dont l'intelligence est très-affaiblie, ne peut donner sur ses antécédents que des indications vagues et peu précises. Voici ce qu'il est possible de tirer de ses réponses.
" Son mari était obligé, depuis trois ans, de rendre à sa femme tous les soins exigés par une paralytique. Depuis longtemps elle ne pouvait marcher que très-difficilemeut ; son mari la prenait dans ses bras au sortir du lit et l'asseyait sur un fauteuil. On retrouve
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
ARTHROPATHIE DES GENOUX
chez i'.ne ataxiqbe (Déformation)
difficilement l'incoordinalion des mouvements dans le récit de cette malade; mais elle décrit très-nettement les douleurs fulgurantes dont l'apparition remonte à une époque très-éloignée.
" État actuel (27 avril 1869). Il n'existe aucun trouble de la vue, aucun embarras delà parole. La malade est sujette à des crises gas¬triques, accompagnées de vomissements qui reviennent à des inter¬valles irréguliers : alors, il y a une exacerbation des douleurs ful¬gurantes.
" Aux membres supérieurs, il n'y a point d'incoordination des mouvements, point de troubles articulaires.—Aux membres infé¬rieurs, l'incoordination des mouvements est, au contraire, très-marquée. Il faut noter ici que, malgré l'altération profonde des deux genoux, la malade remue fort bien les jambes. — H y a perte com¬plète du sentiment de position. La sensibilité est légèrement émous-sée. Le pouls est à 115, sans augmentation de température. En somme, il s'agit d'une ataxie locomotrice bien caractérisée. Voyons maintenant l'état des articulations malades.
" Les deux genoux sont très-volumineux et forment deux renfle¬ments irrégulièrement arrondis. La circonférence de ces deux tu¬meurs est beaucoup plus considérable que celle de la cuisse. Voici, d'ailleurs, les résultats de la mensuration directe :
DROIT. GAUCHE.
Circonférence au niveau du creux poplité. . . . 34 centim. 58 centim. Circonférence immédiatement au-dessus des con-
dyles du fémur............... 271/2 — 29 —
Circonférence immédiatement au-dessous de la
tumeur (partie supérieure du tibia)......27 — 25 —
" Du côté droit, la rotule se trouve en avant de la tumeur ; elle est très-mobile. Une distance de 4 centimètres la sépare du tibia. L'ar¬ticulation est remplie d'un grand nombre de corps étrangers d'un volume variable: les plus considérables sont de la grosseur d'une noix. Le tibia est complètement luxé en arrière et on peut aisément lui imprimer des mouvements de latéralité. (Voir planche XXXI.)
" D'une manière habituelle, la jambe est portée en dedans ; elle peut cependant être ramenée en dehors, de manière à former une ligne droite avec la cuisse. Elle peut se renverser complètement en dedans, de manière à faire avec la cuisse un angle droit. Mais, en dehors, elle ne dépasse pas la ligne droite. Les mouvements, soit spontanés, soit provoqués, ne déterminent aucune douleur; mais ils s'accompagnent de craquements nombreux.
" Du côté gauche, la tumeur est un peu moins volumineuse ; l'ar¬ticulation renferme moins de corps étrangers. Le tibia n'est pas luxé en arrière et le genou gauche offre une déformation moins frap¬pante que le droit.
" L'attitude du membre gauche est un peu différente de celle que nous avons décrite pour le membre droit. La jambe est portée en dehors, de sorte que les deux genoux rapprochés forment deux angles obtus dont les côtés sont parallèles ; ils semblent s'emboîter, pour ainsi dire, l'un dans l'autre.
" 11 est à peine nécessaire de dire qu'un épanchement liquide très-considérable remplit les deux cavités articulaires : la fluctuation est très-manifeste. Les extrémités des os qui concourent à former les deux articulations malades sont évidemment épaissies et la rotule elle-même semble avoir augmenté de volume. Cependant on ne trouve point de bourrelets osseux autour de l'un ou l'autre genou1. »
Mars 1871. Cette malade, couchée actuellement au n° 10 de la salle Saint-Alexandre (service de M. Charcot) , est dans l'état suivant : aspect cachectique très-prononcé; pâleur jaunâtre des téguments; œdème blanc des pieds, des jambes et surtout des cuisses ; infiltration du tissu cellullaire des fesses, des lombes et de la partie inférieure et postérieure du thorax, et enfin de la paroi abdominale antérieure ; ascile légère. Eschare profonde au niveau du sacrum, qui est presque dénudé; elle mesure environ 8 cen¬timètres en hauteur et en largeur. Cette eschare existait déjà, ainsi que l'œdème, lorsque la malade a été envoyée de son dortoir dans le service le 25 février.
Depuis quelque temps, les fonctions digestives sont profondément altérées ; l'appétit a diminué, puis a disparu ; la soif est extrême¬ment vive; la malade n'a pas eu, dans ces derniers mois, de nou¬velle crise gastrique*, mais elle a une diarrhée involontaire très-abondante, assez fétide.
La respiration ne semble pas notablement modifiée.
Les membres inférieurs sont dans l'extension, sans traces de contracture. La malade remue mieux le pied droit que le gauche.
Les genoux sont très-volumineux : le droit a 45 centimètres de
1 Toute cette partie de l'observation a été recueillie par M. Joffrot ; la suivante par nous, grâce à l'obligeance de M. Michaud, actuellement interne du service.
a Voir sur ce sujet : Delamarre, Des troubles gastriques dans l'ataxie loco¬motrice progressive, thèses, 1866; — Charcot, Leçons cliniques (1868 et 1870); — P. Dubois, Étude sur quelques points de l'ataxie locomotrice progressive, 1868, page 56.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
ARTHROPATHIE DES GENOUX
CHEZ UNE ATAXIIJl'E ( l) é f'O V tïl Cl t i 0 11)
circonférence ; le gauche 46. Tous les deux sont le siège d'une fluctuation bien facile à constater. Les surfaces articulaires sont écartées l'une de l'autre par le liquide épanché, de sorte qu'on peut produire des mouvements en tous sens, bien plus étendus que dans les conditions normales, principalement en ce qui concerne les mouvements de latéralité. Du reste, au repos, la jambe gauche, portée dans l'abduction extrême, forme avec la cuisse un angle obtus ; la droite, dans l'adduction, forme aussi un angle obtus non pas avec le bord externe de la cuisse, mais avec son bord interne. Il résulte de cette disposition, ainsi que M. Joffroy l'a du reste re¬marqué, une espèce d'emboîtement des deux membres.
On observe encore, à droite, une luxation incomplète du tibia en arrière et en dedans ; à gauche, une luxation incomplète en arrière et en dehors; mais plus marquée que de l'autre côté. On fléchit avec facilité et à un degré inaccoutumé les jambes sur les cuisses ; les mouvements de latéralité en dedans pour la jambe droite, en dehors pour la jambe gauche sont beaucoup plus étendus qu'à l'état nor¬mal, surtout pour la jambe gauche. En revanche, les mouvements de latéralité dans le sens opposé à celui que nous venons d'indiquer sont à peu près impossibles. Le palper fait reconnaître dans les ge¬noux un certain nombre de corps étrangers; ils sont plus nom¬breux à gauche, où l'on en sent sur les côtés de la rotule et dans le creux poplité. Les pieds, les hanches ne paraissent pas malades.
Membres supérieurs. Ni déformations, ni craquements. Incoordi¬nation très-marquée, principalement lorsque fermant les yeux de cette femme, on lui recommande de porter l'un ou l'autre index sur l'extrémité de son nez. — La vue n'est pas sensiblement mo¬difiée. (Voir planche XXXII.)
— La suite prochainement. —
OPHTHALMOLOGIE
NOTE SUR L'ÉTIOLOGIE DE L'OPHTHALMIE D'EGYPTE
PAR F. VILLARD, INTERNE DES* HOPITAUX DE PARIS 1 — SUITE —
Chez les étrangers établis en Egypte et chez les voyageurs euro¬péens, pour lesquels les soins les plus élémentaires de l'hygiène et
1 Voir le n° de septembre-octobre, p. 206.
de la propreté sont familiers, qui ne s'exposent jamais au milieu des campagnes sans avoir le visage recouvert d'une gaze transparente et qui, au retour d'une excursion, ne manquent pas de faire des lotions répétées de la face et des yeux, il est rare, très-rare, de voir chez eux des accidents oculaires se produire.
Si cela arrive, tout se borne ordinairement à un léger accident local, car de suite des soins sont pris pour prévenir l'aggravation du mal. Mais chez les Arabes, il en est tout autrement : lorsque chez l'un d'eux, les premiers symptômes se manifesteront, il ne cherchera pas à les faire disparaître, il attendra, non pas ainsi qu'on l'a dit trop souvent sans preuve, en vertu des prétendues lois fata¬listes qui constituent le fond de la doctrine du Prophète, mais plu¬tôt à cause de son indolence naturelle, de son inertie physique et morale, et lorsque, vaincu par la douleur if se décidera à recourir au médecin, il sera trop tard ; déjà, il sera sur le point de perdre la vue, si cet accident ne s'est pas encore produit.
Du reste, l'Arabe présente un terrain éminemment bien préparé pour favoriser le développement de l'ophthalmie. — En Europe, on se fait en général une bien fausse idée de l'Orient, où l'imagination " cette folle du logis » montre toutes choses sous un aspect riant et doré. Cet Arabe (ceci s'applique plus particulièrement, il est vrai, à la classe inférieure de la société), cet Arabe que l'on se représente rêveur et poétique, que l'on aime à entourer d'une auréole nébu¬leuse et à voir errer dans des jardins enchantés, cet Arabe n'est le plus souvent qu'un être sale, crasseux, repoussant. La vermine lui ronge le corps, et s'il accomplit religieusement la loi de Mahomet, s'il fait régulièrement cinq fois par jour les ablutions des pieds re¬commandées par le Coran, en revanche, il ne se lave jamais la face. La religion lui prescrit d'avoir la tête rasée, mais elle ne lui a pas défendu de porter la barbe, qui si elle est pour lui un emblème de virilité, devient en même temps une cause permanente de malpro -prêté et un refuge toujours ouvert à de nombreux parasites. Chez lui, la peau de la face, du front et des joues, aussi bien que celle du corps, est recouverte d'une couche épaisse de poussière qui suffirait pour donner à la peau de ces régions la teinte bron¬zée que lui imprime naturellement le climat sous lequel il vit.
Presque toujours, il a les yeux rouges et chassieux ; ses cils sont accolés les uns aux autres, des croûtes recouvrent d'une façon per¬manente le rebord oculo-palpébral ; très-souvent à l'angle interne de l'œil apparaît une gouttelette purulente.— Ce tableau de la per¬
sonne de l'Arabe, que l'on pourrait croire exagéré, n'est que l'ex¬pression de la vérité : tous ceux qui ont visité l'Orient ont pu se convaincre de son exactitude.
Dans de telles conditions hygiéniques, avec un terrain si bien préparé, il n'est pas difficile de comprendre l'aptitude spéciale que présentent les Arabes à contracter une inflammation de l'œil, sous l'influence d'une irritation extérieure. Toutefois, on ne saurait trou¬ver là une raison suffisante pour expliquer la prodigieuse quantité d'ophthalmies que l'on observe sur les bords du Nil, et il nous paraît nécessaire d'invoquer d'autres causes. Suivant nous, la principale, la plus efficiente de ces causes, c'est la contagion. Un grand nombre d'opinions ont été émises sur le mode dont se fait cette contagion. Lawrence demande si la propagation de la maladie, principalement parmi les soldats, est due à l'application d'une matière contagieuse, ou à l'influence fâcheuse qu'exerce sur la santé l'agglomération des hommes. — Le docteur Eble, tout en reconnaissant la possibilité de la propagation de la maladie par contact, pense qu'elle se répand beaucoup plus souvent par infection à distance.
Suivant Mackensie, la constitution médicale régnante agit pour la produire, comme elle agit pour produire la grippe, le choléra, la peste. " Une altération atmosphérique produit d'abord une ophthalmie catarrhale épidémique, qui ensuite se propage d'indi¬vidu à individu au moyen d'un principe morbifique qui se transmet par l'intermédiaire de l'air, tandis que dans quelques cas, la ma¬ladie se propage par l'application directe de la sécrétion purulente provenant delà conjonctive. » Ainsi, Mackensie croit que la maladie se propage par infection, ou, en d'autres termes, que les miasmes provenant des yeux des sujets malades, flottant dans l'air, sont capables à eux seuls de faire naître la même affection dans les yeux des autres personnes. Dans ces cas, l'air servirait de véhicule à la contagion : les globules purulents desséchés seraient entraînés et deviendraient le germe de la contagion. Mais, cette hypothèse est très-peu admissible après les expériences de Piringer, de Fr. Jseger, qui ont constaté qu'une proportion dans l'eau de 1 pour 100 de ma¬tière purulente était inoffensive, et cela est bien moins admissible pour quelques molécules purulentes en suspension dans l'air libre. Aussi, pensons-nous, avec M. Wecker, que la propagation de la ma¬ladie a des causes plus directes. On conçoit que dans un camp, dans tous les lieux où séjournent une grande masse d'individus vivant en commun, et dont l'hygiène laisse beaucoup à désirer, la conta¬
gion se fasse facilement, au moyen des linges, des doigts, etc.; mais en Egypte et surtout dans les villages de cette contrée, où les familles vivent isolées les unes des autres, il faut rechercher un autre mode de contagion, et cet autre mode, nous croyons qu'il a pour agent les mouches.
On sait le rôle important que jouent ces insectes dans la propa¬gation de certaines maladies, le charbon, la pustule maligne : ce rôle a été tout récemment mis en relief par M. Davaine, dans un mémoire lu devant l'Académie de médecine. En ce qui concerne l'ophthalmie, nous sommes fermement convaincu que les mouches sont des agents extrêmement actifs de transmission, et ce qui nous a surpris, c'est de n'avoir trouvé cette cause mentionnée nulle part, lorsque tout d'abord, à notre arrivée en Egypte, elle a frappé nos regards et attiré notre attention. Durant notre séjour dans cette contrée et notamment au Caire, il ne s'est pas passé un seul jour sans que nous ayons eu occasion de nous convaincre de l'existence de ce mode de contagion. Lorsqu'on traverse, en effet, les quartiers p puleux habités par les Arabes, quartiers ordinairement sombres, sales, avec des rues étroites et des maisons basses; presque sans air et sans lumière, on voit sur le devant des maisons, étendus sur des nattes en osier quelquefois, le plus souvent couchés sur la terre, des hommes, des enfants, des femmes même, présentant la plupart le triste spectacle d'individus frappés de maladie et de misère et repoussants de malpropreté. Leurs yeux sont chassieux, rouges, en¬flammés, souvent pleins de pus, et, chose incroyable, sur les pau¬pières, autour des orbites, des centaines de mouches reposent pai-saiblement, et hument avidement le liquide purulent, sans que l'Arabe indolent songe à chasser ces insectes et à prendre les moyens de se préserver de leur contact. Ce dernier fait peut paraître très-surprenant : il est cependant l'expression de l'exacte vérité et il n'étonnera aucun de ceux qui ont visité l'Egypte.
Or les expériences de M. Davaine, celles de M. Raimbert (de Toulouse) ont tout récemment, au sujet de la pustule maligne, attiré l'attention sur le rôle étiologique des mouches. Ces expérien¬ces démontrent que les mouches peuvent et doivent être dans beau¬coup de cas, le moyen de transmission du charbon d'un animal à un autre, et d'après ces auteurs, la pustule maligne ne viendrait pas d'une autre source. C'est, suivant nous, la même cause qu'il faut invoquer pour expliquer la fréquence du développement de l'opth-thalmie d'Egypte. Mais ici, il faut faire une distinction : ce ne sont
pas les mouches piquantes, celles qui écartent les tissus à l'aide de leur appareil buccal, constitué par des pièces cornées, dont il s'a¬git; ce sont simplement les mouches ordinaires (musca domeslica) : à l'aide de leur trompe, elles sucent le liquide purulent baignant la surface de l'œil, et ensuite, avec leurs pattes, avec leurs ailes, im¬prégnées de pus, elles vont porter sur un œil sain les molécules purulentes dont elles sont chargées.
Ces dernières considérations ne sont pas simplement une hypo¬thèse : elles reposent sur une observation rigoureuse des faits, continuée pendant cinq mois. Si nous n'avons pas de preuve directe à l'appui de ce qui précède, c'est-à-dire, s'il nous est impossible de produire un fait dans lequel telle mouche donnée, après avoir humé du pus sur un œil malade, est allée déterminer l'inflammation d'un œil sain chez une autre personne, du moins voici une constatation que nous avons faite souvent. Maintes fois, il nous est arrivé de saisir des mouches autour des yeux de malades atteints d'ophthalmie, et toujours nous avons trouvé leurs pattes, leurs ailes humides de li¬quide purulent.
A défaut de preuve plus directe, nous trouvons cependant une confirmation nouvelle dans cette circonstance que les animaux eux-mêmes sont aptes à contracter l'ophthalmie, qui ne peut leur être communiquée que par le contact des mouches ou par une irritation extérieure liée à l'état de l'atmosphère. Or nous avons dit que cette dernière cause est relativement très-rare. — D'autre part, si nous considérons ce fait que les étrangers contractent rarement la mala¬die, et qu'ils en sont d'autant mieux préservés qu'ils observent mieux les lois que l'hygiène prescrit pour se préserver de cette re¬doutable affection, nous trouvons un nouvel argument en faveur de l'opinion que nous voulons soutenir.
En résumé, d'après la discussion qui précède, nous pouvons for¬muler la conclusion suivante : la cause initiale de l'ophthalmie d'Egypte réside dans une irritation extérieure dont les conséquences sont aggravées par certaines circonstances relatives à l'état de l'at¬mosphère, et surtout aux mauvaises conditions hygiéniques au mi¬lieu desquelles vivent les habitants de cette contrée. Mais cette ex¬plication ne suffit pas pour donner la raison de la grande fréquence de l'ophthalmie, dont le mode étiologique le plus important est la contagion, laquelle a pour agents principaux les mouches.
THÉRAPEUTIQUE
DE L'EMPLOI DU CHLORAL DANS LE TÉTANOS TRAUMATIQUE
revue analytique par g. peltier, interne des hopitaux1 — SUITE -
En continuant notre revue analytique sur le traitement du téta¬nos par le chloral, nous allons voir ce médicament, employé par les médecins étrangers, anglais surtout, donner, dans plusieurs cas, des résultats très-satisfaisants. Des quatre observations que nous allons résumer, deux sont empruntées à la thèse de M. Sou-bise, deux sont traduites du journal TheLancet.
Observation VII. — Tétanos traumatique. — Traitement par la morphine et le chloroforme. — Résultats nuls. — Administration simultanée de l'hydrate de chloral et du bromure de potassium. — Guérison. — (Observation due à M. Edward B. Denton, Leicester.)
G. B... 18 ans, tombé d'une charrette le 31 janvier, éprouve des accidents tétaniques le 10 février. M. Denton est appelé seulement le 16, six jours après l'apparition des symptômes alarmants. Il constate le trismus et un opisthotonos très-évident. Les muscles abdominaux sont tendus, le dos arqué. On administre de la mor¬phine et du chloroforme, tous les soirs, du 16 au 21 février, sans obtenir aucune amélioration. On prescrit alors le sirop de chloral par petites doses de 3 drachmes jusqu'à ce que le sommeil s'en¬suive. Le sommeil dure quelques heures.
Le 18 février, des doses d'un scrupule de bromure de potassium avec 20 gouttes de teinture de belladone furent administrées et renouvelées toutes les quatre heures, jusqu'au 27 février, époque à laquelle le malade entra en convalescence. Du bromure de fer et de l'hydrate de chloral à la dose de 5 grammes furent alors substitués au bromure de potassium et à la teinture de belladone, trois fois par jour. — Le 14 mars, la guérison était complète.
Quoique, dans le cas dont nous venons de parler, le bromure de potassium et la teinture de belladone aient été donnés simultané-
1 Voir pages 184 et 210.
ment avec l'hydrate de chloral, nous devons penser cependant que la guérison revient surtout à ce dernier médicament, puisque aussitôt son administration, on put noter une amélioration qui ne se démentit pas dans la suite.
Observation VIII. — Tétanos traumatique traité par l'hydrate de chloral en potion et en lavement. — Amélioration rapide après l'in¬gestion du médicament. — Épuisement de la malade. — Mort dix jours après l'entrée à l'hôpital. — (Observation rapportée par M. Waren Tay, chirurgien assistant de l'hôpital de Londres.)
Femme de 40 ans, entrée dans l'hôpital de M. Hutchinson, à Londres, le 5 février 1870. — Trismus très-marqué; spasme des muscles de la glotte ; congestion de la face ; danger imminent de suffocation ; insomnie, pouls inégal et faible. On ne peut entr'ou-vrir la mâchoire avec le manche d'une cuiller. On administre en deux heures 2 drachmes de chloral. La respiration devient plus libre. — Sommeil. — Relâchement musculaire complet. La tem¬pérature qui, avant l'administration du chloral, était de 99°,6 Fa-renheit (37°,6) tombe à 98°,4 (37°) ; le pouls devient plein et dur. La malade reste 14 heures dans un état de sommeil et d'assoupisse¬ment.
6 février.— Spasmes assez violents; 1 drachme de chloral. Som¬meil; amélioration notable. — 7 février. La température remonte à 98°,9 Far. (37°,2) ; 1 drachme | de chloral. Sommeil un quart d'heure après. Abaissement de température.
8 février. —La malade a été assez calme. Temp. 99° Far. Pouls 115 ; chloral \ drachme, la malade refusant d'en prendre davan¬tage.Dans les cinq heures qui suivent, la température s'élève à 99°,7 (57°,6). On donne de nouveau \ drachme de chloral en potion, et \ drachme en lavement.
9 février. — A midi, 52 heures après l'administration de la der¬nière dose complète de chloral, la malade à des spasmes très-vio¬lents; le trismus devient très-fort. La température atteint 100°,4 Far. (38°) — Chloral, 1 drachme. Assoupissement, cessation de spasmes; temp. 98°,4 (37°). Dans la journée, on donne encore 1 drachme de chloral, et on obtient le sommeil et la cessation des spasmes pendant 29 heures. Au bout de ce laps de temps, les spasmes reparurent et la malade refusa de prendre du chloral par la bouche. —Temp. 99,0 (37,6); injections de 20 grains de chloral ; temp. 98,6 (37°).— En trois heures on injecta 40 grains, mais dans
les deux heures qui suivirent, des spasmes violents survinrent et la température monta à 99°,6 (37°,6).
10 février. — Chloral, 2 drachmes en lavement. — Sommeil, relâchement des muscles. Temp. 98 Far. (36°,6). — 11 février. Chloral 2 drachmes. — La malade est mieux. — 12 février. Etat assez satisfaisant ; cessation des spasmes, mais grande faiblesse. Temp. 99°,4. — Chloral 2 drachmes, en lavement. Au bout de 22 heures, attaque spasmodique assez violente. Administration nou¬velle de chloral, que l'on répète toutes les 9 heures environ jusqu'au 14 février, à 1 heure de l'après-midi. La malade est un peu calmée, mais 5 heures plus tard, 14 février, spasmes violents. La malade semble très-épuisée ; on lui donne 3 onces d'eau-de-vie en lavement. Une heure après, agitation, malaise, mais pas de contracture. Peau chaude. Pouls 150 ; R. 45 ; Temp. 100° (37°,9); (ces accidents sont-ils le résultat du lavement?). — Chloral en lavement 3 drachmes. Calme rapide; résolution musculaire. — La malade meurt le 15 février à 8 heures du matin. L'autopsie fut faite et on ne constata aucune lésion importante.
Dans ce cas, le chloral, quoique donné à petites doses, a toujours produit une amélioration notable. Pourquoi l'insuccès ? Probable¬ment parce que des doses trop faibles ont été administrées et quel¬quefois à des^époques trop éloignées les unes des autres ; peut-être aussi, comme le fait remarquer l'auteur, le lavement d'eau-de-vie a-t-il eu une influence fâcheuse.
Observation IX. — Tétanos traumatique. — Traitement par le chloral à doses graduées. — Soulagement progressif. — Guérison en 22 jours.— (Dr Ballantvne, The Lancet, vol. I, juin 1870.)
X..., homme de 34 ans, fort, robuste, s'était enfoncé, le 17 avril, une épine à la base de l'ongle du pouce de la main gauche. Il était atteint depuis 8 jours de symptômes tétaniques, lorsque, le 12 mai, le Dr Ballantyne le trouva étendu roide sur son lit, ne pouvant plus remuer le cou ni écarter les mâchoires de plus d'un demi-pouce ; contracture musculaire générale; opisthotonos, sans difficulté d'avaler les liquides ; sueurs profuses, douleurs cardiaques, respi¬ration basse et irrégulière, insomnie.
15 mai. Chloral, à la dose de 8 à 10 grammes par jour. Cinq minutes après la dernière dose, un sommeil calme arriva avec per¬sistance de la rigidité musculaire. Au réveil, le pouls était tombé
de 112 à 100 et la température de 105°Far. (39°,5) à 99°,5 (37°,6), sans sueurs ni douleurs sensibles. — En présence de cette action manifeste, le malade fut dès lors tenu constamment jusqu'au 3 juin sous l'influence du chloral à doses graduées, avec une amélioration progressive. L'alimentation fut rendue ainsi de plus en plus facile, et, le 6 juin, des aliments solides étant pris et digérés, la guérison pouvait être regardée comme complète. Dans l'espace de 22 jours, 180 à 190 grammes de chloral furent administrés à ce malade.
A la suite de cette observation intéressante, nous pouvons placer la suivante que nous empruntons au même journal.
Observation X. —Plaie du pouce; panaris; tétanos. —Chloral; amélioration considérable (Spencer Watson, the Lancet, 1870, vol. II, p. 83.)
X..., âgée de 41 ans, s'enfonça, le 1er juin 1870, une écharde sous l'ongle du pouce droit. Il survint un panaris et le corps étran¬ger s'élimina. Au moment de l'entrée à Great-Northern Hospital, le 22 juin, les mâchoires pouvaient s'écarter seulement d'un tiers à un demi-pouce.
L'hydrate de chloral fut administré à des intervalles de 4, 6 et 8 heures, à des doses variant de 30 à 60 grains. Une ou deux fois, comme le coma paraissait être une contre-indication, on ne donna pas le médicament, mais l'agitation, la lividité de la face, et, en outre, un peu d'opisthotonos, étant survenus, durant ces suspen¬sions, de fortes doses de chloral furent données, et ces symptômes se calmèrent. Les intestins n'agirent qu'après l'administration plu¬sieurs fois répétée d'huile de croton.— La pouls a varié de 70 à 120 pulsations et la température de 99°,4 Farenheit (37°,5), à 100°,4 (38°). Les mâchoires peuvent maintenant s'écarter de deux pouces et même davantage; la déglutition est tout à l'ait facile pour les aliments solides ramollis, tels que du pain trempé dans du lait.
A côté de ces deux derniers cas, dont les résultats ont été si satis¬faisants, qu'on nous permette de résumer les observations de quatre malades qui sont morts assez rapidement malgré l'administration de l'hydrate de chloral.
Observation XI. — Tétanos traumatique ayant duré trois jours et demi.— Écrasement d'orteils.— Traitement par le chloral. —Mort
11-12*
— Autopsie. (Observation recueillie par M. Chrétien, interne des hôpitaux.)
Nicolas G..., modeleur, 27 ans, entre à l'Hôtel-Dieu, le 19 avril 1870, dans le service de M. Laugier. Le malade a eu la veille les orteils écrasés par suite de la chute d'une barre de fer.
27 avril. Trismus ; rigidité de la mâchoire permettant au plus un écartement de un centimètre. — 28 avril matin. Même trismus. P. 96. T. 37°.— Soir. Contracture des muscles abdominaux. P. 100. T. 38°,2. Chloral, 4 grammes. A minuit, quoique le malade soit calmé, on donne encore 2 grammes de chloral.
29 avril matin. Contracture des muscles abdominaux ; crises assez fréquentes. P. 112. T. 38°,1 ; chloral, 4 grammes. — Soir. Les crises sont moindres, cependant le trismus reste le même. P. 124. T. 38°; chloral, 2 grammes. Injection de 1 centigramme de chlorhydrate de morphine.
30 avril matin. Nouvelles crises. P. 120. T. 38°,3 ; chloral, 4 grammes; morphine, 2 centigrammes.— Soir. Crises fréquentes; dysphagie. P. 164. T. 39°,2 ; chloral, 4 grammes; morphine, 2 cen¬tigrammes.
1er mai matin. Nuit calme. Contracture des muscles abdominaux, presque disparue. Dysphagie. P. 192. T. 38°,9. Le malade meurt à 3 heures de l'après-midi ; la mort est subite, au moment où il buvait.
Autopsie. — Encéphale et bulbe : rien. — Moelle : pas de ramollis¬sement, mais congestion remarquable de ses vaisseaux superficiels et profonds. —Appareil digestif : rien. — Coeur : ventricules vides; oreillettes gorgées de caillots noirâtres. — Système musculaire : Rupture des deux muscles droits de l'abdomen un peu au-dessous de l'ombilic. Pas d'altération musculaire à l'œil nu.
Observation XII. — Tétanos traumatique. — Traitement par le chloral. — Amélioration des symptômes tétaniques. — Dyspnée. — Mort par suite de complication pulmonaire? (Observation recueillie par M. Mollière, interne des hôpitaux de Lyon.)
Anastasie D..., religieuse, 36 ans, entre le 2 février à l'hospice de Chaseaux ; elle est amenée pour une carie du calcanéum. Le 19 mars, on enlève à l'aide de la gouge et du marteau la moitié externe de l'os. Tout se passe avec une parfaite simplicité jusqu'au 30 mars, époque où la malade accuse de la dysphagie et de laroi-deur dans les mâchoires. P. 120. T. A. 38°.
31 mars. Trismus plus marqué; douleurs dans les muscles de la masse sacro-lombaire. P. 120. T. À. 37°,8. — Soir. P. 112. T. A. 37°,8. — 1eravril. Trismus très-serré; muscles de la nuque dou¬loureux. P. 104. T. A. 37°,8 ; chloral, 3 grammes. —Soir. P. 104. T. A. 38°.
2 avril. Trismus un peu moins fort. Peu de crampes. P. 120. T. A. 38°,6; chloral, 4 grammes. — Soir. Même état. P. 112. T. A. 58°. — 5avril. Même état; mêmes prescriptions. P. 112. T. A. 38°,8.
— Soir. Roideur dans les muscles de l'abdomen. P. 138. T. A. 38°. 4 avril. Insomnie. P. 122. T. A. 38°,4. — Soir. P. 125. T.A.38°,4.
— 5 avril. Crampes. P. 109. T. A. 38°,4. — Soir. 4 grammes de chloral. P. 100. T. A. 58°. — 6 avril. Crampes beaucoup plus fré¬quentes. P. 120. T. A. 38°,6 — Soir. Même état.
7 avril. P. 120. T. A. 39; chloral, 6 grammes. — Soir. Somno¬lence, crampes toujours fréquentes. P. 112. T. A. 38°,2. — 8 avril. Sommeil profond toute la nuit; trismus moins fort ; crampes moins douloureuses. P. 130. T. A. 58°,6. — Soir. P. 130. T. A. 58".
9 avril. Résolution. Il n'y a plus de crampes. P. 158. T. A. 38°,6. — Soir. Coma. P. 140. T. A. 38°,4. — 10 avril. Dyspnée; collapsus absolu. P. 160. T. A. 40°,6. — Soir. P. 160. T. A. 41°,4. — Mort à 4 heures.
Quelle est la cause de la mort? Est-ce le tétanos? Cette opinion semble peu probable, car les spasmes avaient cessé, la roideur des mâchoires avait disparu, les mouvements de la nuque s'exécutaient librement ? Est-ce une complication pulmonaire? rN'ous nous ratta¬cherions plutôt à celte dernière opinion, en faveur de laquelle plaide d'ailleurs l'élévation brusque de la température.
Observation XIII. — Tétanos traumatique. — Traitement par le chloral à haute dose et les bains prolongés et répétés. — Mort le qua¬trième jour (Obser.. recueillie par M. Tauiun, interne des hôpitaux).
Dupanloup, Jean, 33 ans, tonnelier, entre, le 1er juillet 1870, à l'hôpital Lariboisière, service de M. Cusco. Il est atteint d'une double fracture de l'extrémité inférieure du radius, avec plaie à la partie antérieure du poignet gauche.
% juillet. Trismus; douleur derrière le cou.
9 juillet. La nuit a été assez calme; le matin, trismus très-pro¬noncé; parole gênée; spasme considérable des muscles de la dé¬glutition. Roideur et douleur vague dans la région cervicale posté¬rieure et dans la région dorsale, p. 72. Grands bains prolongés. —
Extrait gommeux d'opium, 4 centigr.—Le soir, léger opisthotonos, sueurs abondantes. P. 96.
10 juillet. La nuit a été agitée. — Opisthotonos et trismus très-prononcés. — Gonstriction pharyngée plus grande. P. 108. Bains prolongés. — Chloral, 3 grammes. — Soir. P. 112; chloral, 8 grammes.
11 juillet. Le malade a dormi 2 heures; le reste de la nuit, il a été très-agité. La contracture a envahi la région lombaire. P. 120; chloral, 8 grammes. Bains prolongés. — Soir. A la sortie du bain, véritables convulsions cloniques; le corps décrit un arc de cercle.
— Le malade prend un second bain à la suite duquel les convul¬sions cloniques paraissent augmenter d'intensité et de fréquence. P. 128 ; chloral, 8 grammes.
12 juillet. Nuit sans sommeil. Convulsions répétées. P. 136; chlo¬ral, 12 grammes. —A midi, spasmes violents; mort à 1 heure de l'après-midi.
Observation XIV. — Plaie du gros orteil. — Tétanos consécutif.
— Traitement par le chloral. — Mort le troisième jour1.
X.., âgé de 30 ans, d'un tempérament sanguin, souffrait le 3 juin d'une lymphangite accompagnée d'un engorgement douloureux de ganglions inguinaux qui avait été déterminée par une plaie de la base de l'ongle du gros orteil. Trois jours plus tard, l'amélioration générale était notable, lorsque le malade fut pris de tétanos après être descendu au jardin à la suite d'un bain.
Le chloral fut prescrit à des doses fractionnées le 6 juin, à la dose de 4 grammes le matin, et autant le soir. L'état s'aggrave malgré le traitement. Le 7 juin, chloral à la dose de 6 grammes, le matin et le soir et 5 centigrammes d'extrait thébaique toutes les heures. Le 8 au matin, en raison de la dureté du pouls, on pratique une saignée de 700 grammes et l'on continue le chloral. Vers 3 heures, les intervalles entre les contractions sont plus longs. Trente sangsues par série de cinq derrière les apophyses mastoïdes. Chloral, 8 grammes. Vers 6 heures du soir, pendant qu'on appliquait les sangsues, le malade succombait à l'asphyxie, après une crise qui dura une demi-heure environ.
Dans les deux cas qui vont suivre, l'amélioration considérable produite par le médicament semblait devoir se terminer par une
1 Union médicale du 21 juin 1870.
guérison complète; nous relatons les observations telles crue nous les trouvons consignées dans le travail de M. Soubise.
Observation XV. — Tétanos traumatique. — Traitement par le chloral à hautes doses. — Amélioration progressive. — Guérison. (Observation communiquée par M. Hervey, interne des hôpitaux.)
B..., 44 ans, entre le 1er juillet 1870 à l'hôpital Saint-Louis, dans le service de M. Guérin ; il a un trismus très-prononcé qui est sur¬venu progressivement depuis neuf jours environ, à la suite d'une petite plaie du talon gauche.
2 juillet. Opisthotonos marqué. — Contraction dans les muscles abdominaux. — Chloral, 4 grammes.
Du 4 au 9 juillet, on donne chaque jour 8 grammes de chloral. Le 10 juillet, le malade ouvre un peu mieux la bouche, mais l'opistho-tonos persiste. Le 10 juillet, il y aune amélioration très-notable ; on ne donne plus que 8 grammes de chloral.
18 juillet. Les mâchoires sont plus serrées; les muscles du clos tendus; l'opislhotonos est assez fort. Chloral, 10 grammes.— 19 juillet, même dose. — 'HO juillet. Diminution du trismus; plus de contracture dans les muscles sacro-lombaires et abdominaux. Plus d'opisthotonos. Chloral, 10 grammes.— 21 juillet. Même état; chloral, 10 grammes. — 22, 23 juillet. Même état.
24 juillet. Les spasmes ont complètement disparu.
Observation XVI. — Tétanos traumatique. — Traitement par le chloral à doses répétées. — Amélioration. — Guérison ? (Observation recueillie et publiée par M. Soubise.)
Clar..., 56 ans, entre le 16 juillet à l'hôpital Lariboisière, service de M. Verneuil ; il s'est blessé en faisant un grand effort pour porter une pièce de bois, le 14 juillet. Dans la soirée du 16, apparut le trismus; le malade fut alors transporté à l'hôpital.
il juillet. Trismus ; douleur dans le cou ; dureté des muscles des jambes, des cuisses, de la paroi abdominale. De temps en temps, spasmes assez marqués. — On administre le chloral à doses répétées de lgr,50 environ, d'heure en heure, jusqu'à sommeil. Dans la jour¬née et dans la nuit, on donne en tout 12 grammes de chloral. T. 38°.
18 juillet. Trismus moindre. — Membres plus libres ; moins de douleur et de roideur. Le malade prend 12 grammes de chloral dans la journée. T. 38°,4.
19 juillet. Pondant la nuit, le malade a eu du délire. Le matin, il est plus calme; le cou et les membres inférieurs sont tout à fait libres; la paroi abdominale est encore un peu contractuiée. Les arcades dentaires s'écartent d'environ deux centimètres. T. 38°,2. Le malade n'a pris que 4 grammes de chloral.
20 juillet. Même degré de trismus. — Roideur des membres infé¬rieurs. Tension des muscles abdominaux. — Plus d'accès. T. A. 37°,8. Le malade a pris 8 grammes de chloral.
21 juillet. Même état. 9 grammes de chloral dans la journée.
22 juillet. Trismus plus prononcé. Contracture des muscles abdo¬minaux. Chloral, grammes dans la journée. — Le même état per¬siste dans la journée du 23 juillet, et le malade prend 6 grammes de chloral.
24 juillet. Trismus moindre. Diminution de la contracture des muscles adducteurs et abdominaux1.
A la suite de ces observations, citons encore deux cas qui ont été signalés à la Société de chirurgie (séance du 16 novembre), et qui, malheureusement, sont relatés beaucoup trop brièvement.
Observation XVII. — Tumeur fongueuse du mollet. — Extirpation. — Accidents tétaniques. — Traitement par le chloral. — Mort dans un accès de suffocation.
Il s'agit d'un jeune homme auquel M. Demarquay a enlevé une tumeur fongueuse développée dans la partie profonde du mollet-Vers le neuvième jour après l'opération, le malade a été pris d'ac¬cidents tétaniques qui ont débuté par un léger trismus, puis ont marché avec rapidité et se sont terminés par des accès de suffoca¬tion auxquels le malade a succombé sans que le chloral, donné à hautes doses ait produit la moindre modification dans son état.
Observation XVIII. — Plaie à la jambe, — Tétanos. — Traitement par le chloral. — Mort rapide.
Dans ce cas, il est question d'un malade traité par M. Marjolin, qui a été pris de tétanos à la suite d'une blessure de la jambe, et qui a succombé au bout de 36 à 40 heures, malgré l'emploi du chloral en potion et en lavement.
1 Ici s'arrête l'observation dans la thèse de M. Soubise; le malade a-t-il guéri? Cela est probable, si l'on en juge d'après l'amélioration survenue dans les der¬niers temps; mais nous n'avons pu le savoir d'une manière positive.
— La fin au prochain numéro. —
CLINIQUE OBSTÉTRICALE
NOTES ET OBSERVATIONS SUR LA FIÈVRE DE LAIT ET SUR QUELQUES MALADIES PUERPÉRALES
par bourneville II. exemples de péritonite puerpérale (suite1).
Nous n'ayons pas pour objet de tracer dans ces Notes l'histoire complète des accidents qui accompagnent ou suivent la parturi-tion. Notre but, nous tenons à le rappeler, est uniquement de rap¬porter quelques-uns des faits, les plus intéressants au point de vue clinique, observés par nous soit à l'hôpital Saint-Louis, dans le ser¬vice de notre maître, M. Hardy, soit dans d'autres établissements. Cette explication donnée, nous allons relater deux observations de péritonite puerpérale, en insistant plus spécialement sur un point, la température.
On sait que les auteurs, et tout récemment M. Hervieux (Traité clinique et pratique des maladies puerpérales suites de couches, Pa¬ris, 1870), distinguent la péritonite généralisée de la*péritonite par¬tielle. Celle-ci a été divisée elle-même en plusieurs variétés qui em¬pruntent leur nom à celui de la région qu'elles affectent : péritonite diaphragmatique ou des hypochondres; p. épiploïque ou abdomi¬nale antérieure; p. iliaque ouhypogastrique; p. intra-pelvienne ou pelvi-péritonite.
1° Péritonite partielle. Notre première observation rentre dans la catégorie des péritonites iliaques dont elle fournit un exemple en quelque sorte typique, puisque la plupart des symptômes qui la ca¬ractérisent y figurent.
Observation XII. — Fausse couche de quatre mois.-— Péritonite puerpérale légère et circonscrite (p. iliaque), — Température. — Guérison.— Perr... (Virginie), 37 ans, blanchisseuse, est entrée le 19 décembre 1869, au n° 28 de la salle Ferdinand (service, de M. Hardy). Cette femme, enceinte pour la quatrième fois, est au quatrième mois de sa grossesse. Depuis un mois elle perd du sang
1 Voir pages 155, 176 et 216.
de temps en temps. Ce matin, à 2 heures, elle a été prise de douleurs très-fortes, et elle a fait une fausse couche à 2 heures de l'après-midi. A 5 heures : pouls à 112 ; température vaginale, 37°,6.
20 décembre. P. 88; T. V. 36°,6. — Soir. Les seins sont un peu durs; les lochies, sanguinolentes, coulent bien. P. 88; T. V. 36°,2 (le thermomètre est resté longtemps en place).
21 déc. Les seins, médiocrement gonflés, ne donnent pas de lait à la pression. P. 80; T. V. 37°,4. — Soir. Les lochies sont toujours sanglantes. P. 100; T. V. 37°,3.
22 déc. Les seins, assez gonflés, fournissent une sécrétion aqueuse. Les lochies sont normales. Il y a une légère douleur dans le côté gauche du ventre. P. 100 ; T. V. 38°,4. — Soir. La bouche est pâteuse, la soif vive; les douleurs abdo:: inales persistent. La peau est sèche. P. 120; T. V. 59u,4,
23 déc. Pouls petit, 104; T. V. 38°,5. —- Soir. Les seins sont gon¬flés, assez durs; la sécrétion est encore claire. Appétit médiocre, pas de nausées, ventre sensible, deux selles molles. Sueurs abon¬dantes. Furoncle sous l'aisselle droite. P. 104 ; T. V. 58°,5.
24 déc. Deux selles cette nuit. P. 96; T. Y. 37°,6. — Soir. Dou¬leurs vives dans les côtés du ventre qui sont sensibles à la pression. Les seins, gonflés, légèrement douloureux, donnent une sécrétion blanchâtre. P. 104 ; T. V. 57\9,
25 déc. P. 88; T. V. 37°,5. Les glandes mammaires sont encore un peu dures par places; leur sécrétion diminue. — Soir. Appétit; pas de garde-robes. P. 80; T. V. 37°,8.
26 déc. P. 88; T. V. 38°— Soir. P. 84; T. V. 38°,5.
27 déc. P. 88; T. V. 39°,3. 11 existe toujours une douleur lanci¬nante dans la fosse iliaque externe gauche ; le ventre est assez sou¬ple, mais la pression est pénible. La langue est sèche. — -Soir. P. 112; T. V. 39°,6.
28 déc. Langue saburrale, sèche et brunâtre au centre ; soif vive, anorexie, nausées, vomissements liquides, verdâtres, amers; ventre distendu et douloureux, seulement à gauche, où il y a profondément un peu d'empâtement; constipation depuis 4 jours. Face grippée; plaintes. P. 104 ; T. V. 59°,8. Traitement : 15 sangsues; cataplasme laudanisé; julep avec 0"r,05 d'extrait thébaïque; lavement purgatif. — Soir. P. 104 ; T. V. 39°,2. La malade a encore vomi une fois; elle a eu deux selles diarrhéiques. Les lochies ont cessé. Le sein gauche est mou, le droit encore un peu gonflé par places. Les sangsues ont bien coulé ; le furoncle de l'aisselle s'est abcédé.
29 déc. Amélioration. Face meilleure. La langue est saburrale, la soif moindre, les douleurs nulles. Ni vomissements, ni selles. P. 88 ; T. Y. 38°,4. — Soir. P. 100 ; T. V. 39°.
30 déc. P. 84; T. V. 37°,8. Une portion. — Soir. Une selle ; ven¬tre indolore. P. 76; T. V. 38H,2.
31 déc. P. 76; T. V. 37°,7. — Soir. P. 96; T. V. 38°,2. L'état général est bon. Deux portions.
{"janvier 1870. P. 76; T. V. 37°,5. Exeatïe 3 janvier.
Il ne parait pas y avoir eu chez cette femme de frisson initial. C'est là une particularité qui n'est pas rare en pareille circonstance. Parfois aussi il y a un frisson ; mais, en raison de sa fugacité, il peut passer inaperçu. (Hervieux, loc. cit. p. 208.) La douleur au niveau de la fosse iliaque gauche, où il y avait de l'empâtement, est le pre¬mier phénomène qui ait fixé l'attention. Cette douleur, l'altération de la physionomie, les nausées, les vomissements, ne permettent d'ailleurs aucun doute sur la nature des accidents.
La fièvre, dans ce cas, a été bien moins considérable qu'elle ne l'est dans la péritonite généralisée. La température, après être tom¬bée à 36°,2, le lendemain de l'accouchement, est montée, dans les deux jours suivants, à59°,4. Cette élévation, qui coïncidait 1° avec l'établissement de la sécrétion lactée, 2° avec le développement d'un furoncle dans l'aisselle droite, a été tout à fait temporaire, et, le sixième jour, la température était redescendue au chiffre physio¬logique (37°,3). Mais les douleurs abdominales qui existaient déjà augmentèrent bientôt ; les signes de péritonite devinrent indubita¬bles, et, le jour même de l'apparition des vomissements, la tempé¬rature atteignait son maximum, 39",8. A partir de ce moment, la température baisse peu à peu, en présentant toutefois un accroisse¬ment relatif tous les soirs. Nous ne dirons qu'un mot du pouls : son tracé, comparé avec celui de la température, lui est parallèle.
Le début de la péritonite partielle est d'ordinaire plus tardif que celui de la péritonite puerpérale généralisée, et maintes fois les premiers symptômes ne se manifestent que 8, 15, 20 et même 30 jours (Bernutz et Goupil) après l'accouchement. Nous avons ob¬servé, il y a quelque temps, une femme qui, sortie d'un hôpital dix jours après ses couches, fut prise à l'Asile du Vésinet, où elle avait été envoyée, de douleurs à l'hypogastre et dans les fosses ilia¬ques. Elle fut dirigée sur l'hôpital de la Pitié où elle succomba, au bout de quelques semaines, à une péritonite purulente, circonscrite aux régions que nous venons d'indiquer.
2° Péritonite généralisée. Elle se montre sous des aspects clini¬ques bien divers, selon que prédomine tel ou tel groupe de symp¬tômes. Chez la malade de notre observation XIII, les symptômes cé¬rébraux ont été plus accusés que ceux des autres appareils.
Observation XIII. — Accouchement normal. — Frisson léger. — Péritonite puerpérale généralisée.— Délire.— Température.— Mort. Résultats nécroscopiques. — Hu.. Thérèse, 16 ans, travaillant dans une fabrique d'allumettes chimiques, a été admise le 1er novembre 1869 à l'hôpital Saint-Louis (salle Ferdinand, n° 15). Accouchement facile le 2 novembre. Le 4 au soir, elle a un frisson léger. Sulfate de quinine, 0gr,50; julep avec0gr,10 d'extrait thébaïque ; cataplasme laudanisé.
5 nov. P. 124; T. V. 40°,8. La peau est le siège d'une chaleur intense, mordicante. La langue est saburrale, le ventre médiocre¬ment ballonné et douloureux. Il n'y a pas eu de vomissements. Ex¬citation légère. — Soir. Langue large, sèche à la pointe ; soif assez vive; ventre un peu douloureux. P. 104; respiration à 32; T. V. 40°,4. Même traitement.
6 nov. P. 104; T. V. 40°,2. Pas de vomissements; selles diar-rhéiques involontaires. Délire léger, tranquille. — -Soir. P. 120; R. 32; T. V. 41°. Langue saburrale; soif vive; ventre ballonné, douloureux; cinq selles involontaires. Seins flasques. Traits alté¬rés; narines contractées; regard particulier, tantôt mélancolique, demi-éteint, tantôt excité. Pas de nouveaux frissons.
7 nov. P. 120; R. 28; T. V. 40°,4. La malade a été agitée. Elle a des cauchemars, des hallucinations : " Vous ne savez pas, dit-elle, j'ai vu le diable ; il est sorti de la glace et s'est avancé vers mon lit. 11 m'a mise dans un drap en me donnant des coups, puis m'a em¬portée dans l'enfer. Il y a un grand feu, des flammes, des fleurs... Mais je ne sais plus comment il m'a rapportée... Il va encore reve¬nir ce soir... J'ai peur... Le diable est grand et laid. » Souvent elle parle seule. La face est pâle, grippée; le front chaud. Les pupilles sont égales, contractiles, normales. Langue humide, saburrale, soif vive ; renvois gazeux dont la malade se plaint. Même état du ventre. Diarrhée; tantôt elle demande le bassin, tantôt elle va sous elle. Léger gonflement des grandes et des petites lèvres ; depuis deux jours l'écoulement lochial est presque nul. Rien du côté des pou¬mons. Julep avec 0gr,20 d'opium; cataplasme laudanisé.
Soir. P. 144 ; R. 24 ; T. V. 41°,4. La langue, un peu humide et
saburrale sur les bords, est sèche au centre et surtout à la pointe, qui est très-rouge ; pas de vomissements ; diarrhée abondante, in¬volontaire ; ventre douloureux, moyennement ballonné. — Les join¬tures sont saines. Le délire augmente : la malade essaye de se lever, parle sans cesse. — Elle succombe dans la nuit.
Autopsie le 9 nov. — Congestion légère des poumons. — Caillots blancs, jaunâtres, remplissant en partie les cavités du cœur droit. L'abdomen renferme un demi-litre environ de sérosité légèrement louche. Les anses intestinales, le gros intestin, sont distendus par des gaz. Des adhérences faciles à rompre, couvertes de dépôts jau¬nâtres récents, unissent entre elles les anses intestinales, le côlon et les organes voisins. Le foie est volumineux, plus pâle que d'habi¬tude ; pas de calculs. Rate, très-grosse, tissu ferme, brun.
L'utérus est encore volumineux; sur cet organe, entre lui et les organes voisins, le péritoine, à peine injecté, est épaissi, parsemé de dépôts fibrineux. Les ligaments larges sont épaissis; le tissu cel¬lulaire sous-péritonéal est infiltré de sérosité louche. Pas de pus vé¬ritable à l'œil nu. Les ovaires sont très-vascularisés. A la face interne de l'utérus on trouve les débris de l'insertion du placenta. Le col est déchiqueté, un peu noirâtre. Pas de pus dans les vaisseaux, ni dans les parois utérines.— Les autres organes sont normaux.
Le premier phénomène morbide que nous devons relever chez cette femme, c'est le peu d'intensité du frisson. Ce caractère du frisson est assez commun dans les cas graves et bien des fois nous avons entendu M. Hardy insister sur ce point et déclarer que le frisson léger, fugace, avait souvent une signification plus sérieuse que le grand frisson, c'est-à-dire celui qui a une assez longue durée et s'accompagne d'un tremblement général, de claquement des dents, etc. Nous n'énumérerons pas, à propos de cette observation, les symptômes habituels de la péritonite; on les trouve dans tous les ouvrages de pathologie ; nous laisserons aussi de côté les sym¬ptômes cérébraux offerts par notre malade, le délire, les hallucina¬tions si curieuses, qu'elle a présentés, car nous voulons surlout ap¬peler l'attention sur la température. Voici, tout d'abord, quelques notions empruntées aux auteurs.
Comme le pouls, " la température s'élève, écrit M. Thierry, à me¬sure que la maladie progresse et peut-être même plus régulièrement. Froide pendant le frisson, la peau devient ensuite le siège d'une cha¬
leur ardente, puis elle est chaude et sèche ; cette sécheresse est quelquefois vive, incommode pour la malade; elle donne à la main la sensation d'une chaleur acre et mordicante. Dans les quelques heures qui précèdent la mort, la peau se couvre d'une sueur froide et visqueuse, les extrémités deviennent violacées1. » Ce passage nous apprend peu de chose, en somme, sur la marche de la température dans la péritonite puerpérale généralisée. L'auteur aurait pu être plus précis si, en notant dans ses observations la température, il n'avait pas omis souvent d'indiquer la température du soir, ce qui rend toute appréciation impossible. Dans une seule de ses nom¬breuses observations, recueillies, d'ailleurs, avec soin, nous voyons les éléments d'un tracé régulier ; mais, par malheur, ils ne peuvent nous être d'aucune utilité, parce que, à l'autopsie, ou constata, outre une péritonite généralisée, une pleuro-pneumonie, maladie qui a modifié sans doute la température'l.
M. Hervieux a formulé, en quelque sorte, son opinion dans ces li¬gnes : u Dans la péritonite puerpérale, la température du corps suit le pouls dans ses variations. Mais cela est loin d'être absolu, et si l'on représentait par deux lignes les oscillations de l'une et les oscilla¬tions de l'autre, ces deux lignes ne seraient pas, et il s'en faut de beaucoup, rigoureusement parallèles. En d'autres termes, pour un nombre de pulsations déterminé, le thermomètre ne s'élève pas d'un nombre de degrés toujours le même ; et réciproquement, quand le thermomètre placé dans l'aisselle marque un chiffre déterminé de degrés, le chiffre correspondant des battements artériels n'est ni uniforme, ni constant. » (Loc. cit., p. 123.)
À l'appui de ses conclusions, M. Hervieux donne plusieurs ta¬bleaux des variations de la température pour un chiffre de pulsa¬tions déterminé. Ces tableaux, certes, sont intéressants, mais ils ne frappent pas aussi bien que l'auraient fait des figures représentant le pouls et la température.
Les deux observations que nous avons relatées n'autorisent pas des déductions définitives ; elles ne peuvent que fournir des élé¬ments. Ce que nous ferons remarquer seulement, ce sont, dans les deux cas, les rémissions du matin et les exacerbations du soir;
1 Des maladies puerpérales observées à l'hôpital Saint-Louis en 1867; consi¬dérations sur leur étiologie. Paris, 1868, p 99. Adr. Delaliaye, éditeur.
* Nous n'insisterons pas sur les variations du pouls dans la péritonite puer¬pérale : nous renvoyons nos lecteurs aux minutieuses recherches de M. Lorain sur ce sujet [Étude de médecine clinique).
cette particularité a déjà été notée par les auteurs. Ainsi Oscar Wolf (de Hanau) a établi par l'analyse de 266 cas, la loi suivante : " La température la plus basse chez les femmes en couches se montre le matin jusqu'à neuf heures, puis une ascension graduelle, d'abord très-lente, a lieu jusqu'à huit heures du soir. Alors com¬mence une rémission et la température s'abaisse de 0°,5 jusqu'au matin suivant1. »
Notre seconde observation nous fait voir, de plus, que la tempé¬rature paraît s'élever progressivement dans les cas qui se terminent par la mort. Un fait que nous avons observé à la Pitié, dans le ser¬vice de M. Marrotte, vient corroborer le précédent. Il s'agissait d'une femme, C...,Laure, âgée de 22 ans, qui entra six semaines après son accouchement, avec tous les symptômes d'une péritonite. Elle succomba le surlendemain : la température vaginale, prise un quart d'heure après la mort, s'élevait à 42°,4. A l'autopsie, nous avons trouvé une péritonite purulente occupant tout le petit bassin. Cette élévation est-elle constante? C'est encore là un point que nous ne saurions préciser, mais qui nous a semblé digne d'être mentionné.
1 Hervieux, Loc. cit., p. 130.
AVIS A NOS LECTEURS
Au commencement de l'année 1870, la Revue photographique a augmenté chacun de ses numéros de 8 pages. Sans les malheurs qui ont accablé notre pays, nous serions arrivés à fournir à nos abonnés un volume de 288 pages, c'est-à-dire 96 pages de plus qu'en 1869. En raison des circonstances, nous n'avons pu donner qu'un volume de 256 pages, avec 52 photographies. Afin de com¬penser la perte éprouvée ainsi par nos souscripteurs, tous les nu¬méros de 1871 auront 52 pages (520 pages), et nous ferons tous nos efforts pour augmenter le nombre des photographies de façon à remplir nos engagements aussi fidèlement que possible.
TABLE DES MATIÈRES
A
Abcès consécutif à une néphrite, 171; — périarticulaires multiples, 59 ; — pulmonaire dû à l'introduction d'un corps étranger dans les voies aérien¬nes, par Taulier, 34.
Aii.ante contre le tœnia, 112.
Alcoolisme chronique avec accès sub¬aigu, par Bouchereau et Magnan, 41.
Anencépiialie, par Bourneville, 31.
Anévrysmes miliaires de la rétine, 41.
Aphasie (De 1') syphilitique, 94.
Apoplectiforhes (Attaques), 41.
Arthralgie, 29.
Arthropathies (Étude sur les) consécu¬tives à quelques maladies de la moelle et du cerveau, par Bourneville, 193, 229.
Ascarides lombricoïdes, 64. Ataxie locomotrice, 193. Atropine (voy. Empoisonnement, Fève de Calabar).
Attaques (voy. Apoplectiforhes, Épilep-
tiformes) . Avis à nos lecteurs, 253.
B
Beau, 99.
Bec-de-lièvre bilatéral compliqué, par Duplay, 169.
Bibliographie. Leçons cliniques sur les maladies des vieillards, etc., par J.-M. Charcot, 20. — Leçons cliniques sur les maladies du cœur, par Buc¬quoy (anal. G. Peltier), 44. — Traité élémentaire de chirurgie, par Fano (anal, de Montméja), 45. — Manuel de pathologie chirurgicale, par Fort, (anal, de Montméja), 46. — Manuel de pathologie chirurgicale spéciale et de médecine opératoire, par Roser (anal, de Montméja), 47.— Anatomic iconologique, par Witowski (anal, de Montméja), 69. — Comptes rendus et mémoires de la Société de biologie (anal, de Montméja), 70. — De l'a¬phasie syphilitique, par Tarnowsky (anal, par G. Peltier),94. — Traité de l'immobilisation directe des frag¬ments osseux dans les fractures, par
Bérenger-Féraud (anal. G. Bouteil-lier), 118. — Traité des maladies de l'estomac, par Brinton (anal. G. Pel-tier), 142. — Traité pratique des maladies de l'oreille, par A. de Traeltsch (anal. G. Peltier), 164. — Angines aiguës ou chroniques, etc., par Moura (anal. G. Peltier), 1(37. — Leçons sur le traitement des mala¬dies chroniques en général et des affections de la peau en particu¬lier, etc., par E. Bazin (anal. G. Bou-teillier), 188.— Etude sur les épan-chements traumatiques de sérosité, par G. Peltier, 192. — Du rôle des ligaments larges et de l'appareil érectile de l'utérus dans les hémor¬rhagies utérines, par Le Blond (anal. G. Peltier), 222. — De quelques ap¬plications de l'électricité à la théra¬peutique, par C. Chapot, 224.
Boinet, 117.
Bouchereau, 41.
Bourneville, 19,20, 31, 63, 87,104,109, 129,144, 145,155,176,193,216,221, 225, 229, 247.
Bouteillier (G.), 118,188.
Brûlure (Gangrène du pied droit con¬sécutive à une) de la partie infé¬rieure de la jambe, par A. de Mont¬méja, 122. — Du cou suivie de cica¬trices vicieuses, 225.
€
Calabar (voy. Fève).
Calcul volumineux dans le rein droit, néphrite et abcès, etc., par F. Villard, 171,201 ; — description des calculs du rein, par le même, 202.
Chirurgie. 1, 25, 49, 99, 122, 169.
Chloral (De l'emploi du) dans le tétanos traumatique, par G. Peltier, 184, 210, 238.
Choroïde (voy Coloboma) .
Cicatrices vicieuses du cou, consécu¬tive à une brûlure, par Bourneville, 225.
Citrouille (Semence de) contre le tœnia, 112.
Classement des photographies, 256.
Coloboma de la choroïde et de l'iris, par
A. Desprès, 121. Cousso, 64,115.
Cuivre (Oxyde de) contre le tœnia, 112. »
Demeules (E.), 49. Desphès (Ar.j, 121. Duflay (S.), 169.
E
Eczéma des parties génitales, par A. de
Montméja, 82. Elephantiasis, 98.
Empoisonnement par l'atropine, 130.
Endocardite puerpérale typhoïde ; tem¬pérature, par llabran, 33.
Épaule (Résection de F), par le profes¬seur Richet, 1, 27.
Épileptjformes (Attaques), 41 ; — dues au tœnia, 64, 88.
Epithelioma de la verge, par Tillaux, 26.
Érectiles (Taches), leur traitement par l'emplâtre stibié, par Bourneville, 19.
Éther contre le tœnia, 110.
F
Fève de Calabar, (Antagonisme de la), et de l'atropine, par Bourneville, 129.
Fibrome ossifié du maxillaire inférieur, par E. Demeules, 49.
Fièvre de lait (Notes et observations sur la), par Bourneville, 155,176, 216.
Fistules (Des) osseuses, 29; — vésico-vaginale opérée par le procédé amé¬ricain, par Boinet, 117.
Fougère (De la) mâle dans le tœnia, 109.
G
Gangrène (voy. Brûlure). Grenadier (De la racine de) dans le tœ¬nia, 93.
Goudron (Du) dans le tœnia, 112. II
Habran, 35.
Hémorrhagies (Des) générales, 41 ; réti¬niennes, 41.
Hydrophobie (Un cas d') rabique, par T. Rémond, 12.
I
Iris (voy. Coloboma).
K
Kamala contre le tœnia, 110.
Kyste de l'ovaire, ponction, etc., par A. de Montméja, 204.
M
Magnan, 41.
Maxillaire inférieur (voy. Fibrome,. Médecine légale, 73.
Monstre double monocéphalien, par
Th. Anger, 97. Montméja (De), 45, 69, 82,122,174, 204.
IV
Nécrologie : Auzias-Turenne, 144. Néphrite et abcès consécutifs à un cal¬cul, par F. Villard, 171, 201.
O
Odontalgie, 54.
Ophthalmie d'Egypte (note sur l'étiologie de F), par F. Villard, 206, 233.
Ophthalmoscope fixe, par A. de Mont¬méja, 106.
Organes génitaux (Vice de conformation des) chez une femme, par F. Villard, 124 (voy. Eczéma).
Ostéite, 29.
Ovaire (voy. Kyste).
Ozanam (Ch.), 56, 138, 150.
P
Pachyméningite rachidienne, 41.
Pathologie interne, 12,53, 98,171,193.
Peltier (G.), 44. 94,142,165, 167, 184, 192, 210, 222, 238.
Péritonite puerpérale (Exemples de), par Bourneville, 247.
Potasse (l'icronitrate de) contre le tœ¬nia, 111.
Pouls (Du) physiologique et de ses va¬riétés, par Ch. Ozanam, 158, 150. Pulsographe du docteur Ozanam, 56.
QuiNQUAUD (E.), 16.
R
Rachis (Malformation du), 31 (voy. Pa¬chyméningite).
Rage, )2.
Rémond (T.), 12.
Résection de l'épaule, 1, 27.
Rétine (Étude photographique sur la) des sujets assassinés, par Vernois, 73 (voy. Hémorrhagie).
Rhumatisme chronique ; difformité con¬sidérable, par Sueur, 98.
Richet, 1, 27.
Scapulalgie (Leçon du professeur Richet sur la), 1, 27.
Sclérose des cordons postérieurs de la moelle, 193.
Scrofulides cutanées et osseuses; cica¬trices et déformations consécutives, par Bourneville, 145 ; — de la jambe, par A. de Montméja, 174.
Sécrétion (De la) lactée chez une femme tétramaze, 16.
Sueur, 98.
Synovite chronique, par Beau, 99. Syphilide (De la) croûteuse en coquilla¬ges, par Bourneville, 104.
T
Table des matières, 254. Taches érectiles, 19.
Taenia (Notes sur le), ses effets, son trai¬tement, par Bourneville, 63, 87, 109. Taulier, 34.
Température (De la) dans l'endocardite puerpérale, par Habran, 33 ; — dans la fièvre de lait, par Bourneville, 157; — avant l'accouchement, 156; — dans la péritonite puerpérale, 247.
Tératologie, 16, 31, 97, 124, 221.
Tétanos [voy. Chloral).
Tétramaze (Femme), par E. Quinquaud 16.
Thérapeutique, 184, 210 (voy. Taches,
Tmku). Tillaux, 25.
U
Utérus (Exemple d') et. de vagin doubles, parlâmes Lane, 221.
V
Vagin double, 271.
Verge (Epithelioma de la), 25.
Vernois, 73.
Villard (F.), 124, 171, 201,206, 233
CLASSEMENT DES
Planche I. Résultat d'une résec¬tion de l'épaule....... 1
Planche II. Langue et larynx
d'une hydrophobe...... 14
Planche III. Femme tétramaze. . 17 Planche IV. Epithelioma de la
verge............ 26
Planche V. Anencéphalie (lig. 1). 50 Planche VI. Anencéphalie (lig. 2). 32 Planche VII Fibrome du maxil¬laire inférieur........ 50
Planche VIII. Polype maxillaire . 54 Planche IX. Pulsographe du doc¬teur Ozanam ....... 56
Planche X. Etude médico-légale. 74 Planche XI Monstre double mono-
céphalien (face antérieure). . 97 Planche XII. Monstre double mo-
nocéphalien (face postérieure). 97 Planche XIII..(Edème de la jambe 98 Planche XIV. Synoviales de la
main............102
Planche XV. Syphilide écailleuse 114 Planche XVI. Coloboma de la cho¬roïde............121
Planche XVII. Gangrène sèche du
pied............122
Planche XVIII. Organes génitaux internes d'une femme..... 128
PHOTOGRAPHIES
■
Planche XIX. Déformations consé¬cutives à la scrofule.....146
Planche XX. Bec-de-lièvre double compliqué........ . . 169
Planche XXI. Bec-de-lièvre double compliqué..........170
Planche XXII. Bec-de-lièvre guéri 170
Planche XXIII. Néphrite calcú¬lense............172
Planche XXIV. Scrofulide de la jambe............174
Planche XXV. Arthropathie de l'épaule chez une ataxique (Début)...........198
Planche XXVI. Bein normal. . . 202
Planche XXVII. Calcul du rein. . 204
Planche XXVIII. Arthropathie de l'épaule chez une ataxique (Dé¬formation)..........2U0
Planche XXIX. Cicatrices vicieu¬ses du cou avant l'opération. 225
Planche XXX. Cicatrices vicieuses du cou après l'opération. . . 228
Planche XXXI. Arthropathie des genoux chez une ataxique. . 230
Planche XXXII. Arthropathie des genoux chez une ataxique. . . 252
£e Gérant : a. de montméja.