REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES
HOPITAUX DE PARIS
BULLETIN MÉDICAL
publie sous le patronage de
L'ADMINISTRATION DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE
PAR LES DOCTEURS
A. de MONTMÈJA.
J. RENGADE
1re Année
PARIS
ADRIEN DELAHAYE, LIBRAIRE-ÉDITEUR Place de l'Ecole de Médecine
1869
AVANT-PROPOS
La Revue que nous avons l'honneur d'offrir au public médical a pour objet de publier les cas les plus intéressants recueillis dans les hôpitaux de Paris.
Un mode d'illustration, tout à fait nouveau en médecine, nous permet de joindre à cette Revue des planches dont la vérité est toujours supérieure à celle de tout autre genre d'iconographie.
Les avantages de la photographie appliquée à la médecine ont valu un plein succès à la clinique photographique des maladies de la peau,par MM. A. Hardy et A. de Montméja. Nous espérons que notre journal, réunissant ces mêmes avantages et ceux qui peuvent résulter d'une plus grande expérience, saura mériter une pareille faveur.
M. le Directeur général de VAssistance publique a bien voulu placer sous son patronage la nouvelle publication, et faire construire à Vhôpital Saint-Louis un magnifique atelier
de photographie, qui est le rendez-vous de ce que la pathologie a de plus intéressant et de plus rare.
Noire journal a le privilège de posséder, dans chacun de ses numéros, un ou plusieurs articles des maîtres les plus estimés de la science; des travaux sur les spécialités, sur la micrographie et les sciences accessoires ; on y lit les observations des cas représentés dans les planches, un compte rendu des séances de l'Académie de médecine et des Sociétés savantes, une revue des principaux journaux et des analyses bibliographiques.
La Revue photographique parait du Ier au 5 de chaque mois et forme, à la fin de Vannée, un volume de 200 pages, orné de gravures sur bois et accompagné de 36planches en photographie. Lorsque le sujet le réclame, les planches sont coloriées.
REVUE PH0T0GRAPHIQUE
• DES HOPITAUX
Planche I.
ELEPHANTIASIS DE LA VERGE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
des
HOPITAUX DE PARIS
Èléphantiasis de la verge et du scrotum.
Cette observation est celle d'un homme de 29 ans affecté d'un èléphantiasis du prépuce, de la peau de la verge et du scrotum. Le pénis et les testicules sont perdus dans une tumeur volumineuse ayant la forme d'une massue. Elle a une longueur de 5o centimètres, une circonférence de 49 dans les parties les plus grosses et de 3o centimètres seulement au devant du pubis. Elle augmente de volume dans la station debout et descend jusqu'au-dessous de la rotule ; sa couleur, ordinairement rose, devient alors d'un rouge violet; son développement, qui remonte à sept ans, fut assez lent, mais il devint très rapide dans la dernière année.
Le malade, honteux de sa difformité, la cachait avec soin, et il ne vint demander les secours de la chirurgie que le jour où le poids de la tumeur l'empêcha de travailler. Il réclamait une opération; voici celle qui a été pratiquée.
Cet homme, après avoir été soumis à l'action du chloroforme, fut placé et maintenu sur une table comme s'il allait subir la taille périnéale. Un aide agenouillé en face de lui soutenait les parties dans la position horizontale.
Le chirurgien, debout à la droite du malade, commence par introduire par l'ouverture du prépuce une sonde en gomme élastique qui doit servir de point de repère. Il s'arme ensuite d'un couteau à amputation avec lequel il divise la tumeur en long, dans la portion antérieure et dorsale, pour aller à la recherche du gland. Quand il l'a rencontré, il coupe une bride épaisse, très tendue, qui, s'étendant du frein à l'extrémité de la tumeur, tiraillait la verge en avant et lui donnait une longueur exagérée. Cela fait, il pratique deux incisions latérales qui, partant du Canal inguinal de chaque côté, sont réunies, au niveau du gland, par une troisième incision transversale.
De cette façon on obtient un lambeau supérieur, quadrangu-laire, dont la base répond au pubis ; on le détache sur les côtés, en ayant soin de conserver ses adhérences avec la face dorsale du pénis. Celui-ci est alors saisi avec le pouce et l'index de la main gauche, disséqué avec de grandes précautions jusqu'à la base et renversé sur le pubis.
L'aide qui soutient la tumeur s'incline à droite et permet ainsi au chirurgien de tailler à gauche un lambeau semi-lunaire au moyen d'une incision courbe dont l'extrémité inférieure s'arrête à 2 centimètres au-devant de l'anus. On dissèque ce lambeau pour aller chercher le testicule. La même manœuvre est répétée à droite. La tumeur se trouve isolée, et on la détache entièrement du périnée.
Il existe alors une vaste plaie dont la partie supérieure est occupée par la verge complètement dépouillée, excepté sur la face dorsale qui est recouverte par unlambeau de peau. De chaque côté on voit les testicules enveloppés dans leur tunique vaginale pendre comme sur un écorché.
. La plaie est nettoyée avec soin et on procède à la réunion de ses bords. Le lambeau dorsal est fixé par son extrémité antérieure à la base du gland avec un point de suture; ses côtés sont ramenés au-dessous du pénis et réunis par quatre points de suture de manière à former un fourread complet à cet organe. Les lambeaux latéraux sont rapprochés par huit points de suture, pour constituer un scrotum de nouvelle formation dans lequel on renferme les testicules. Deux autres points sont encore nécessaires pour joindre le bord supérieur de ces lambeaux au lambeau dorsal, afin de recouvrir entièrement la base de la verge. Une ouverture est laissée au-devant de l'anus pour permettre l'écoulement facile des liquides de la plaie.
L'opération terminée, il ne reste plus que deux plaies linéaires.
La première, verticale, s'étend du frein jusqu'au devant de l'anus; la seconde, courbe et à convexité postérieure, d'un anneau inguinal à l'autre, en contournant en dessous la base de la verge.
Trois ligatures d'artères seulement ont été faites. Mais il s'est écoulé une notable quantité de sang par des petits vaisseaux qu'il eût été trop long de lier.
Défalcation taite du temps pris pour donner le chloroforme,
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Planche II.
OSTÉO-IV1ALACIE
l'opération a duré 3o minutes ; encore plus de moitié de ce temps a été employée à faire des sutures.
Après son ablation, la tumeur, malgré l'énorme quantité de liquide qui s'était écoulée du tissu cellulaire sous-cutané, pesait encore 3 kilogrammes 100 grammes.
Le malade, opéré le jeudi 2 juillet, a eu à peine une légère fièvre. Il n'a pas cessé de manger trois portions.
Deux fois, pendant son séjour à l'hôpital, il a été pris d'un accès de fièvre violent, qui pouvait faire craindre soit un érysi-pèle qui aurait entravé la cicatrisation de la plaie, soit une récidive de l'éléphantiasis. Mais ces accès se rattachaient à une fièvre paludéenne déjà ancienne, et ils cédèrent rapidement à l'emploi du sulfate de quinine.
Dès le milieu du mois d'août, le malade aurait pu quitter l'Hôtel-Dieu, mais il était important de voir si l'éléphantiasis ne se reproduirait pas et si du moins les lambeaux conserveraient leur épaisseur et leur dureté. Aucun de ces accidents n'eut lieu. La peau de la verge devint de plus en plus souple; l'espèce de bourrelet qui existait à la base du gland s'affaissa et le pénis diffère très peu , aujourd'hui, d'un organe à l'état normal. Le malade a des érections suivies de pertes séminales et se trouve dans des conditions telles que les rapports sexuels lui seraient très faciles.
D' Voillemier , Chirurgien de l'Hôtel-Dieu de Paris.
La planche qui accompagne cette observation représente l'état du malade avant et peu de temps après l'opération : le résultat définiti est encore plus satisfaisant que celui dont nous publions une photographie, prise à l'époque dont il s'agit.
Ostéomalacie.
Opération césarienne. — Métrite gangreneuse. — Mort de la mère. — Enfant vivant.
Par M. Tarnieu, chirurgien de la Maternité.
La nommée R..., âgée de trente-neuf ans, est entrée à l'hôpital le 24 août 1868.
Cette femme, de petite taille mais bien constituée, a marché de bonne heure et n'a jamais été malade.
Réglée à quatorze ans sans douleur, toujours régulièrement quatre jours par mois. Mariée à vingt-sept ans.
ire grossesse à 29 ans, accouchement naturel.
2e — 3l
3e — 33
4e — 35
5e — 37
Cette dernière grossesse, quoique s'étant terminée comme les autres, a été cependant extrêmement pénible. — A partir du deuxième mois elle a été prise de douleurs de reins, accompagnées d'une gêne dans la marche qui a toujours été en augmentant, à tel point qu'à la fin elle quittait à peine son lit. — L'accouchement a été rapide, naturel, n'a exigé aucune intervention.
L'enfant vit encore, comme tous les autres.
Les suites de couches étant régulières, le onzième ou douzième jour la femme s'est levée, mais elle n'a pu marcher et a été forcée, à dater de ce moment, de se servir de béquilles.
Depuis cette époque elle n'a pu s'en passer complètement.
Une nouvelle grossesse est survenue, sans qu'elle puisse se rappeler la dernière époque de ses règles. — Elle n'a cependant nourri aucun de ses enfants.
Depuis sa grossesse, elle paut marcher un peu mieux, car elle fait quelques pas sans ses béquilles, et elle attribue surtout à sa grosseur la gêne et la difficulté de la station debout et de la marche. — Quand elle quitte ses béquilles sa marche est assez solide mais oscillante.
Pas de gibbosité. — Aucune déformation.
23 août. Début des premières douleurs qui ont suivi presque immédiatement la rupture spontanée des membranes. — Dix heures du matin.
Les douleurs continuent toute la journée et la nuit du 24. — Elle est entrée à l'hôpital le 24 à six heures du soir.
État de la femme : — Ventre en besace, indiquant une grossesse à terme. — Contractions utérines évidentes. — Le palper donne une présentation du sommet très élevée. — Tête dans le flanc droit très près de la fosse iliaque.
Battements du cœur fœtal, à droite au milieu de l'ombilic maximum).
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DES HOPITAUX
Planck III.
A N ÉVRYSME DE L'ARTÉRE POPLITÉE
Au toucher : — Col impossible à atteindre sans effort, reporté en haut et en arrière, dilatation ; i franc. — Présentation trop élevée pour être perçue. — Ce qui frappe, c'est la disposition des arcades pubiennes, entre lesquelles le doigt est serré vigoureusement et qui sont projetées en avant en bec de canard, de façon à faire une saillie appréciable sous la peau. — Quand on a franchi le détroit inférieur, on arrive sur l'angle sacro-vertébral qui est très rapproché de la symphyse. — Au même niveau, on sent les deux branches horizontales des pubis qui ont été refoulées en arrière où elles forment, en les recourbant, une corde qui regarde l'angle sacro-vertébral.
Le lendemain 2 5, au matin, M.Tarnier confirme cet examen, et introduisant la main entière avec difficulté, constate que le détroit inférieur extrêmement resserré, ne laisse qu'un très petit espace sur lequel il sera impossible de faire passer une tête même broyée. — Col très en arrière et très élevé. — Présentation du sommet.
Enfant vivant. — Contraction utérines énergiques.
Opération: — La malade fut vue par MM. Depaul, Blot, Bailly, et tous pensèrent que l'opération césarienne était la seule opération praticable.
M. Tarnier commence cette opération à quatre heures et demi. A cinq heures et demie la malade était reportée dans son lit. (^4 suivre.)
Anévrysme poplité.
Un Italien, âgé de quarante ans, se fit admettre à l'hôpital des Cliniques, le 12 octobre 1867, pour une tumeur anévrys-male du creux poplité gauche, dont le développement s'était accompli dans un espace de seize mois. — Le jour de l'admission du malade, la tumeur offrait le volume de la tête d'un nouveau-né, et la jambe se trouvait fléchie à angle droit sur la cuisse ; les mouvements de l'articulation du genou étaient suspendus ; la couleur des téguments rosée,[et le membre un peu œdématié. — Les battements expansifs, le bruit de souffle pouvaient être facilement perçus, quoique leur intensité ne fût pas en rapport avec le volume de l'anévrysme. — La tumeur même et la jambe étaient le siège d'une vive douleur : ce
symptôme et la rougeur dont nous avons parlé cédèrent à l'emploi des émollients.
Le 20 octobre, il se manifesta soudain une douleur très vive, coïncidant avec une augmentation du volume de la tumeur et une exagération des battements.
M. HoueL, qui suppléait en ce moment M. Nélaton, fit appliquer de la glace jusqu'au lendemain ; le 21 , à dix heures du matin, on instituait la compression digitale de l'artère fémorale, dans le triangle de Scarpa.— La compression fut continuée pendant douze heures ; il y eut quelques interruptions de courte durée ; le souffle et les battements avaient disparu. Il fallut recourir encore, à trois reprises différentes, à la compression digitale, du 23 au 27 octobre. Pendant ce laps de temps on vit apparaître une phlyctène à la partie inférieure de la tumeur, une autre à sa face externe. Des escarres succédèrent àces phlyctènes, et à leur chute succéda une série de symptômes inflammatoires avec réaction fébrile. — On vit sortir de la plaie des caillots cruoriques et un liquide sanieux semi-purulent. Ces caillots sanguins formaient l'enveloppe d'autres caillots actifs fibrineux. — La sortie du coagulum compris dans la cavité du sac, se fit par incision au fur et à mesure que les caillots se présentaient aux orifices ouverts par le sphacèle ; des irrigations pratiquées journellement, par le professeur Jarjavay, facilitèrent la sortie de ces caillots.
La poche anévrysmale était vide le 4 décembre, et se tapissait de bourgeons charnus ; le volume de la tumeur diminuait chaque jour, et le 2 5 décembre il ne restait plus que deux trajets fistuleux dans des téguments plissés, occupant la place de l'ancienne tumeur.
Le malade sortait de l'hôpital le 14 janvier 1868. — La cicatrisation était achevée, et tous les mouvements étaient rendus à l'articulation du genou.
Il reste une paralysie des muscles de la jambe et une anes-thésie partielle des téguments qui les recouvrent.
{La Rédaction.)
Polypes du larynx.
A la page 184 de la thèse de concours du professeur Gerdy, intitulée : Des Polypes et de leur traitement. Paris, i833, thèse qui contient « l'indication exacte et précisedes plus impor-« tants travaux de chirurgie, faits sur les polypes depuis les « travaux hippocratiques, »
On lit le chapitre suivant :
« Polypes des voies aériennes. — Ces polypes gênent la res-t piration et finissent par suffoquer les malades. Lieutaud as-« sista à l'ouverture d'un enfant de douze ans, qui était mort « subitement après avoir présenté une grande gêne dans la « respiration. On trouva au-dessous du larynx un vrai polype « asse^ solide et ressemblant à une grappe, dont la queue « tenait à la partie antérieure du canal de la trachée. Le même « observateur vit un homme de vingt-huit ans qui était asth-« matique depuis longtemps; il avait un râle si bruyant qu'on « l'entendait de bien loin. Il disait sentir dans la trachée quel-« que chose de solide, dont il ne pouvait se débarrasser par la « toux. Il mourut bientôt en se baissant pour ramasser un « livre qu'il avait laissé tomber de son lit. Lieutaud trouva « dans le larynx un polype... qui tenait par plusieurs racines « à la membrane qui tapisse le cartilage annulaire.....
« M. Renard a rapporté l'observation d'un malade qui rendit « par la toux beaucoup de concrétions polypiformes blanches « Mais il est probable que ce n'étaient pas des polypes. lia rap-« porté ensuite un autre cas qui est un peu plus clair que le « précédent. Une dame, atteinte d'une extinction de voix de-« puis quatre ans, éprouvait des suffocations violentes, lors-« qu'elle rendit un ou deux petits Corps charnus qui contenaient « une substance jaunâtre, analogue au corps vitré de l'œil. « Après cette expulsion la voix reprit son timbre ordinaire.
« M. le professeur Andral a vu, il y a quelques années, à la « Charité, un larynx dont l'ouverture supérieure était en « grande partie obstruée par une végétation blanchâtre mame-« lonnée, ayant la plus exacte ressemblance avec une tête de « choufleur, et se continuant intimement par une large base
« à la membrane muqueuse..... M. Ferrus a montré une pièce
« à peu près semblable à l'Académie de médecine. »
J'ai tenu à transcrire ce chapitre si court, tout entier, pour bien montrer l'état de la science sur les polypes du larynx en 1833. Voilà donc le triste résumé de nos connaissances, le bilan complet des travaux médicaux sur ce sujet, aujourd'hui rendu si intéressant par la laryngoscopie, cette méthode que Nélaton n'a pas craint, à plusieurs reprises, d'appeler une véritable conquête de la chirurgie moderne.
N'était-il pas décourageant, pour le chirurgien, d'entendre cet aveu d'impuissance formulé par un professeur, un investigateur tel que Gerdy, toujours dans la thèse citée plus haut, page 181, Polypes internes: « Comme nos ressources chi-« rurgicales ne peuvent y atteindre, comme souvent les symp-« tomes qu'ils fournissent sont équivoques, et qu'on ne peut « s'assurer de leur existence, nous ne ferons que les men-« tionner. »
Aujourd'hui cette phrase est renversée, nos ressources chirurgicales y peuvent atteindre (aux polypes internes), les symptômes qu'ils fournissent nous sont connus, et l'on peut s'assurer de leur existence.
Et enfin on pratique des opérations sur les polypes du larynx, exactement comme sur les polypes du nez, de l'oreille et de l'utérus.
On les guérit, et l'on sauve des malades qui étaient voués fatalement à une mort certaine, selon l'expression d'Ehrmann, le vénérable et savant professeur de Strasbourg, dans sa belle monographie sur les polypes du larynx(Histoire des polypes du larynx avec six planches lithographiées), Strasbourg, i85o :
« Dans toutes les observations recueillies jusqu'à ce jour, à « l'exception d'une, l'issue de la maladie a été funeste et la « mort est arrivée fparfois avec une promptitude telle, que « l'art s'est trouvé réduit à une complète impuissance ; mais « il est vrai que le diagnostic de cette insidieuse affection est « entouré de tant d'obscurité, que le danger souvent ne se ré- ( vêle que lorsqu'il n'est plus possible de lui échapper. »
Quels sont les signes présentés par Ehrmann, pour reconnaître la présence d'un polype laryngien ? Après avoir énuméré les symptômes communs aux laryngites, enrouement, aphonie, toux quelquefois croupale, très rarement sensation d'un corps étranger dans la glotte, accès de suffocation violents et intermittents, il les rejette tous pour n'en admettre qu'un seul.
« Il n'existe, il faut le dire, qu'un seul signe certain de « l'existence de cette maladie ; c'est l'expulsion de quelques par- celles du polype ; ce signe s'est rencontré chez la malade qui « fait le sujet de l'observation XXIX ; c'est lui qui m'a surtout « déterminé à pratiquer l'opération.
« La marche de cette maladie est donc des plus insidieuses» « puisque d'une apparente bénignité on l'a vu passer, en un « temps très court, à une gravité mortelle, et que dans plu-« sieurs cas, la terminaison funeste a précédé même le premier « soupçon de son existence. »
Si j'ai retracé ces lignes qui peignent si bien la véritable émotion qu'éprouve le médecin désarmé, tremblant auprès d'un malade qu'il voit sur le point de mourir d'un accès de suffocation, c'est pour bien démontrer toute la reconnaissance que nous devons avoir envers Turck et Czermak, les inventeurs de la méthode laryngoscopiquê.
De quel puissant et infaillible moyen de diagnostic des affections laryngiennes, ces illustres savants ont doté la science médicale ! C'est grâce à leur découverte que nous pouvons aujourd'hui diagnostiquer, traiter et guérir les maladies chirurgicales et médicales du larynx. Ces maladies sont variées à l'infini, et la lecture du chapitre qui leur est consacré dans nos traités classiques, démontre la pauvreté des matériaux apportés jusqu'à la découverte de la laryngoscopie.
Il suffit aujourd'hui de lire les ouvrages parus en Allemagne, en Russie, en Angleterre, en Amérique, sur ces maladies pour être convaincu que nous ne savions rien, absolument rien sur la pathologie laryngienne.
C'est ce que nous démontrerons dans une série d'articles sur cette matière.
Nous continuerons l'histoire des polypes du larynx depuis i85o jusqu'à nos jours. Nous voulons seulement aujourd'hui donner à nos lecteurs une preuve évidente, un spécimen irrécusable de la netteté avec laquelle sont aperçues les moindres lésions, naguère si obscures, si douteuses, de l'organe vocal.
Les figures ci-jointes représentent les larynx de deux malades atteints de polypes du larynx, qui ont été opérés à la Clinique de M. Nélaton (hôpital de la Clinique) en 1865, et qui sont restés radicalement guéris depuis ce temps.
Fig. i.
Le premier est un contre-maître maçon, qui était menacé de mort imminente.
Fig. 2.
L'autre est un garçon boucher qui avait perdu non-seulement la voix, mais la possibilité de travailler, et qui ont, tous les deux, repris leurs occupations comme avant leur maladie.
Ch. Fauvel.
Régénération de la cornée, après destruction complète d'une partie de cette membrane.
M. G..., âgé de trente-huit ans, se présenta à ma Clinique le 4 août 1868. Son œil gauche était atteint d'une destruction presque complète de la cornée : dans toute la partie centrale l'iris paraissait à nu; c'est seulement à la périphérie que l'on
voyait des vestiges des couches les plus profondes de la cornée; cette membrane était conservée dans la largeur d'un millimètre vers le limbe conjonctival.
A cette époque, le malade distinguait le jour de la nuit avec l'œil affecté, et il était à présumer que la formation d'un tissu cicatriciel le priverait entièrement de l'usage de cet organe. Je lui conseillai de retourner à la Ferté-sous-Jouarre, son pays natal, lui disant toutefois de revenir à Paris dès que l'œil droit serait pris de rougeur et de sensibilité.
Suivant ma recommandation, M. G... se présenta de nouveau à ma Clinique le 2 5 août. Son œil droit était le siège d'une injection périkératique et d'un larmoiement peu considérable, sans lésion bien déterminée.
Mon attention se portant sur l'œil gauche, je constatai que la cornée, en voie de régénération, était remplacée par un tissu tout à fait opaque dans les parties centrales, et présentait autour de ce leucôme central une zone semi-transparente.
La vision de cet œil était sensiblement améliorée, et pquvait distinguer la main placée à une faible distance.
Il m'était dès lors permis de compter sur une conservation plus ou moins complète des fonctions de cet organe, et je mis tout en œuvre pour concourir à l'achèvement de ce travail réparateur.
Sous l'influence des compresses chaudes, des instillations d'atropine, du bandeau compressif et d'un régime tonique, la régénération de la cornée fit de sensibles progrès en ce sens que la zone semi-translucide gagna du terrain sur le centre opaque.
Le malade repartit le 20 septembre, son œil droit étant d'ailleurs parfaitement rétabli.
Au bout d'un mois je vis arriver de nouveau M. G..., porteur, cette fois de granulations conjonctivaîes très étendues. La réparation de la cornée avait fait néanmoins des progrès, et elle en fit encore pendant la guérison de la conjonctivite granulaire.
Aujourd'hui on trouve une opacité centrale de 5 millimètres environ, entourée d'une zone dont la transparence, quoique imparfaite, réside dans toute l'épaisseur de la membrane. La zone la plus périphérique, large d'un peu plus d'un millimètre, est entièrement translucide.
La pupille étant dilatée, le malade compte les doigts à la distance de dix pieds, et déchiffre, à l'aide d'un verre convexe, des caractères de moyenne grosseur.
L'éclaircissement des parties opaques n'étant pas encore arrivé à son terme, il est probable que dans un temps donné l'établissement d'une pupille artificielle rendra, à l'organe, une grande partie de ses fonctions.
Il est bon d'ajouter que ce fait de régénération, me paraissant bien extraordinaire, je fis voir ce malade à M. de Grœfe pendant son séjour à Paris. Le savant professeur fut d'avis qu'un travail pathologique semblable devait faire supposer la conservation de la membrane de Descemet, dont la présence, cependant, n'avait pas été constatée dans le premier examen.
Dr E. Meyer.
Anévrysme de la carotide primitive droite guéri par la compression digitale, par M. le D Rouge (de Lausanne).
Le sujet est un malade âgé de 68 ans, chez lequel apparut, en 1865, au côté droit du cou, une tumeur du volume d'une noisette, qu'il négligea. En 1867, la tumeur s'accrut rapidement et devint le siège de douleurs vives. M. le docteur Rouge, consulté, diagnostiqua un anévrysme de la carotide primitive-Le malade se refusa à toute espèce de traitement jusqu'au 6 mars 1868, où il entra à l'hôpital de Lausanne. La tumeur avait acquis douze centimètres de long sur onze de large; elle était située sous le sterno-mastoïdien droit et s'étendait depuis le bord inférieur du cartilage cricoïde jusqu'au sommet de l'apophyse mastoïde. Elle présentait des pulsations, un mouvement expansif et un bruit de souffle rude qui disparaissaient par la compression de la carotide à sa partie inférieure. La peau n'était ni adhérente ni altérée dans sa couleur; la voix était normale, la respiration et la déglutition s'exécutaient sans peine.
La compression digitale fut exercée à partir du 1 2 mars, chaque jour, pendant une durée moyenne de sept à huit h.-ures,
Dès le deuxième jour, on constate une diminution évidente des battements; à partir du septième, la tumeur revient notablement sur elle-même ; bientôt les battements, le mouvement
expansif et le bruit de souffle disparaissent. Enfin, le 29 mars, c'est-à-dire après dix-sept jours de compression digitale, le malade pouvait être considéré comme guéri ; cependant, par précaution, la compression fut continuée, mais d'une manière très intermittente et seulement pendant une heure et demie par jour, jusqu'au 25 avril.
La compression digitale, dans ce cas, a été exercée latéralement, le pouce étant placé sur le bord antérieur du sterno mastoïdien , les trois doigts suivants sous le bord postérieur du même muscle, l'artère étant suivie et comprimée ainsi comme par une pince, afin d'éviter, autant que possible, la compression douloureuse et insupportable du pneumo-gastrique. L'interruption du cours du sang dans la carotide primitive n'a pas été suivie, dans ce cas, d'accidents sérieux.
Cette observation porte à six le nombre des cas d'anévrysme de la carotide primitive traités par la compression digitale; quatre malades ont guéri.
--—«oœceeo-
BULLETIN MENSUEL
Le mois de décembre ne favorise guère les discussions académiques, les préoccupations de fin d'année étant une grande cause d'ajournement des communications et des lectures.
L'Académie de médecine s'occupe, presque exclusivement à cette époque, de sa séance solennelle et de ses rapports sur les prix. Cette année, c'est le 14 du mois dernier que la cérémonie a eu lieu, et le héros de la fête a été M. J . Béclard, secrétaire annuel, qui a prononcé, avec beaucoup de talent, un remarquable éloge de Velpeau.
Dans les séances précédentes la savante assemblée avait entendu cependant deux ou trois lectures assez intéressantes pour que nous les rappelions en quelques mots.
«*; M. Moutard-Martin, après avoir longuement étudié les propriétés sédatives du bromure de potassium, a vanté son action hyposthénisante et son innocuité, puis a conclu de ses observations que le médicament pourrait rendre d'excellents services dans la médecine des enfants.
Voici le résumé de cet important travail :
i° Le bromure de potassium, administré à doses modérées, est parfaitement toléré par les enfants en bas âge ;
2° Par son action sédative, il guérit l'insomnie des petits enfants que cette insomnie soit calme ou agitée et mêlée de cris ;
3° Administré chez les enfants qui présentent quelques-uns des accidents delà période de dentition, caractérisés par l'agitation, par l'insomnie, par la toux, il réussit fréquemment à calmer ces accidents, et probablement, par son usage prudemment réglé, on pourrait quelquefois prévenir des convulsions ;
4° On ne doit pas administrer le bromure de potassium aux petits enfants qui ont la diarrhée ;
5° Dans certains cas exceptionnels, où l'éréthisme nerveux est prédominant, le bromure de potassium peut avoir une action prompte et décisive.
+% Un médecin de l'armée, M. Armand, déjà très honorablement connu par les mémoires scientifiques, et les rapports médicaux qu'il a publiés sur plusieurs expéditions militaires, a proposé, dans une note fort intéressante, l'emploi de la fumée d'opium dans le traitement de diverses affections de l'appareil respiratoire.
On sait combien l'absorption est plus rapide par la voie pulmonaire quepar la digestive : Les inhalations de liquides pulvérisés, ou de vapeurs médicamenteuses, ne laissent aucun doute à cet égard. Mais en accordant à M.Armand quelapipe à opium puisse quelquefois, en effet, être préférable à tout autre moyen, n'est-il pas à craindre que ce dangereux instrument ne sorte un jourdu domaine médical pour se répandre efse vulgariser parmi le peuple ?.. On tremble en songeant à ce que pourrait devenir la population française, si l'opium venait ajouter sa funeste influence à celle du tabac et de l'absinthe ! Ne serions-nous pas alors plus à plaindre que les abrutis de l'Indo-Chine et de Java ?
*¥ A côté de ces communications, nous avons à citer la lecture d'un très remarquable mémoire de M. Trélat, sur la trachéotomie dans les affections syphilitiques du larynx ; et d'un travail de M. Pietra-Santa, sur la climatologie.
Dans ce dernier mémoire, la station thermale des Eaux-Bonnes a particulièrement été étudiée par l'auteur.
*t La Société de médecine de Paris a entendu la lecture d'un intéressant mémoire de M. Voisin, sur les «Eruptions cutanées, causées par l'usage interne du bromuie de potassium. » La place qui nous reste ne nous permettant pas de publier en entier cet important travail, nous nous bornerons à quelques extraits.
Depuis que je fais usage du bromure de potassium dans le traitement de l'épilepsie, dit M. Voisin, il m'a été donné d'observer chez la totalité de mes malades des éruptions cutanées de différente forme que je crois intéressant de vous faire connaître.
Ces éruptions sont au nombre de cinq :
1» La première par ordre de fréquence et d'apparition, est une éruption acnéiforme que l'on peut comparer à l'acné simple et à l'acné induré.
Elle se produit peu de temps après le début du traitement lorsque les doses du médicament sont de trois à quatre grammes.....
2° La seconde éruption n'a son analogue, au moins à ma connaissance, dans aucune des affections connues de la peau.
Je l'ai observée cinq ou six fois parmi les quatre-vingt-seize épi-leptiques que j'ai déjà traités par le bromure de potassium.
Elle consiste dans l'existence, aux membres inférieurs, rarement ailleurs, de tumeurs ou saillies allongées ou assez exactement arrondies de 2 à 5 centimètres de diamètre, d'une teinte rosée ou rouge cerise qui est remplacée en plusieurs points par une teinte jaunâtre, comme si du pus était infiltré sous l'épiderme; cette teinte est produite parfois par de petites saillies d'un blanc-jaunâtre du diamètre de grains de millet ; ces saillies sont mamelonnées, et ces mamelons sont constitués par des pustules acnéiformes qui se sont agminées.....
3° Le troisième genre d'éruptions est plus rare que les autres ; je ne l'ai vu que deux fois ; il consiste dans des plaques rouges légèrement saillantes à la surface de la peau; elles sont plates et unies, de forme très variable, longues, oblongues, à bords nets ou irréguliers, d'une largeur de 4 millimètres à 2 centimètres, d'une longueur également variable, qui a été, dans un cas de 6 centimètres.
La couleur en est celle dite pelure d'oignon, dans le centre, et d'un rouge cerise à la circonférence; ces deux teintes existent sur une grande largeur.
La saillie qu'elles forment est très légère et comparable à celle des plaques d'urticaire.....
4° Plusieurs malades ont été atteints pendant la médication bro-murée, d'éruption furonculeuse très gênante, et deux ont été pris d'anthrax considérable à la nuque. Chez un malade qui avait été pris de pneumonie lobaire, et qui en est mort, l'anthrax m'a paru être pour quelque chose dans cette terminaison funeste.
5° Un malade a présenté pendant plus d'un an une sorte d'eczéma
fortement sécrétant des jambes, et une sorte de pityriasis très étendu du cuir chevelu.
M. Voisin a traité, avec succès, ces diverses éruptions par l'emploi des applications émollientes, des corps gras, et l'usage des boissons diurétiques.
¥*m A l'Académie des sciences on s'occupe du goitre depuis quelque temps. Dans la Haute-Savoie, où cette maladie était autrefois endémique, les plus grandes améliorations ont été obtenues, grâce aux mesures hygiéniques prises par M. le préfet de ce département.
La commission spéciale nommée par ce magistrat a fait enlever les arbres qui gênaient la circulation de l'air ou qui empêchaient le salutaire accès de la lumière. Les eaux ont été soigneusement analysées, et l'on a signalé aux habitants les sources où ils devaient puiser de préférence.
Dans les écoles on a fait distribuer aux enfants des pastilles contenant de petites quantités d'iode, et on leur a fait boire de légères décoctions de feuilles de noyer.
Ce traitement, que l'on voudrait voir mis en pratique dans tous les pays où le goitre est endémique, a produit dans la Haute-Savoie les plus heureux résultats.
Ainsi, 5,ooo enfants ayant été soumis à ce traitement, 2,000 ont été guéris, 2,000 autres sensiblement améliorés, et 1,000 environ sont restés réfractaires à cette médication toute hygiénique.
¥\ L'importance des matières contenues dans ce premier numéro de la Revue photographique, nous empêche de donner, cette fois, un plus grand développement au Bulletin mensuel.
Dans les numéros qui suivront,' nous ne nous bornerons pas à une simple revue des sociétés savantes.
Une place importante sera consacrée aux échos de la presse médicale ; nous tiendrons, en outre, un compte exact du mouvement de la statistique des hôpitaux; nous soumettrons, enfin à nos lecteurs, toutes les questions de médecine théorique ou pratique qui pourront les intéresser. {La Rédaction.)'
Le Gérant, a. de montméja.
Paris. — Typ. Alean-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche IV.
VEGETATIONS DE LA VULVE
des
HOPITAUX DE PARIS»
"Végétations monstrueuses de la vulve.
La femme F... J..., blanchisseuse, est admise, le 5 janvier dernier, à l'hôpital de Lourcine, pour y être traitée de végétations vulvaires d'un énorme développement.
C'est une femme de dix-neuf ans, pâle, amaigrie. Elle a toujours joui d'une bonne santé, sauf dans ces derniers mois. Elle est bien réglée habituellement. Elle n'a jamais eu, dit-elle, d'affections vénériennes, et ses premiers rapports sexuels'ne remontent qu'à six mois. Elle n'a même jamais été sujette aux flueurs blanches. — Elle se croit enceinte; ses règles ont manqué à deux époques ; de plus, elle a éprouvé, dans ces derniers temps, des maux de cœur à de fréquentes reprises ; elle a même eu quelques vomissements; l'aréole du mamelon présente une teinte un peu foncée.
La lésion pour laquelle cette femme vient réclamer nos soins s'est annoncée, il y a trois ou quatre mois, par un prurit vul-vaire et par l'apparition de quelques « boutons » sur les grandes lèvres. Ces boutons, incessamment grattés et irrités, ont acquis un volume considérable, mais c'est surtout depuis six semaines environ qu'ils ont pris un développement rapide et excessif. Ils ont donné lieu alors à de nouveaux symptômes : douleurs continues, prurit insupportable, élancements, ardeur locale; — tuméfaction et phlegmasie de la vulve, irritation des parties voisines, rougeur érysipélateuse des plis génito-cruraux et de la face supéro-interne des cuisses ;— suppuration abondante, verte ou rosée, souvent striée de sang; quelquefois même véritables hémorrhagies ; — troubles fonctionnels divers; cuissons après la miction; douleurs dans la station et surtout dans la marche qui est devenue très pénible, impossible même depuis ces derniers jours ; ainsi, lorsque cette femme s'est présentée à
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la consultation de notre hôpital, elle se traînait plutôt qu'elle ne marchait, à demi-courbée sur elle-même et les jambes écartées;— phénomènes généraux: inappétence, troubles digestifs, amaigrissement, affaiblissement, pâleur, insomnie, etc. ; tous phénomènes consécutifs et certainement imputables à la lésion dont cette femme est affectée.
Etat actuel : Anémie très marquée ; pâleur du visage ; décoloration des muqueuses, murmure continu avec redoublement dans les vaisseaux du cou. — Abattement ; la malade garde le lit depuis plusieurs jours. — Affaiblissement. — Insomnie, produite par le prurit local. — Apyrexie ; pouls faible. — Intégrité des grands viscères. — La malade répand une odeur si forte et si nauséeuse que la salle en est infectée et que les fenêtres ont dû être tenues ouvertes depuis son arrivée.
A l'examen local nous constatons ce qui suit : La vulve est entièrement masquée par une masse monstrueuse de végétations. Cette masse constitue une tumeur bilo-bée dont les deux moitiés, séparées par un sillon vertical, figurent assez bien, comme volume et comme forme, deux reins adossés face à face et se présentant par leur bord convexe. Ce sillon vertical répond à l'entrée de la vulve, comme il est facile de le constater en écartant les deux lobes de la masse totale (voir la figure iv).—Chacune de ces deux tumeurs est implantée sur le bord libre de la grande lèvre, et séparable en une série de tumeurs plus petites qui représentent des types gigantesques de la lésion vulgaire dite chou-fleur — L:une et l'autre ont à peu près les mêmes proportions, c'est-à-dire 11 à 12 centimètres en longueur, 3 à 4 centimètres en largeur, 2, 3 et jusqu'à 4 centimètres en hauteur, sur les points correspondant à l'entrée de la vulve.
Ces deux masses végétantes présentent une surface inégale, mamelonnée, parcourue par des sillons qui, se croisant en tous sens, dessinent les tumeurs partielles dont la tumeur totale est composée. — Elles offrent la coloration rouge carmin propre aux végétations dites choux-fleurs^ mûres, frambroises, fraises, etc. ; en quelques points elles perdent cet aspect pour prendre celui de mamelons fongueux, ulcérés, enduits d'une sanie sanguinolente ou d'une couche de pus concret. — Elles sont humides et sécrètent en excessive abondance un pus ver-
DES HOPITAUX
Planche V.
CANCROIDE
dâtre qui laisse sur le linge de larges taches empesées. — Elles répandent une odeur horrible, nauséeuse, suffocante.
D'autres végétations, mais bien moindres, couvrent les petites lèvres, le capuchon du clitoris, les commissures de la vulve, et les régions avoisinantes. Cependant, il n'en existe ni au périnée, ni à l'anus. — Les plis génito-cruraux et la face supéro-interne des cuisses sont le siège d'une rougeur érysipélateuse des plus vives ; sur plusieurs points même, le derme est dénudé comme il le serait par un vésicatoire, et là, quelques petites végétations commencent à apparaître.
Dans les aînés, tension ganglionnaire très-accusée, mais indolente; à droite, trois ganglions, dont l'un est gros comme une noisette, et les deux autres plus petits ; à gauche, un ganglion du volume d'une grosse noisette.
L'urètre est sain. — L'examen du vagin et du col est impossible actuellement.
Aucun signe d'infection syphilitique.
Nous nous proposons de débarrasser la malade de cette masse énorme de végétations par une série d'excisions partielles. Nous tiendrons les lecteurs de ce journal au courant des résultats que nous aurons obtenus.
Alfred Fournier. Médecin des hôpitaux, agrégé de la Faculté.
Êpithèliôme (définition et pronostic) (i).
Il existe, comme on sait, un groupe de tumeurs constituées essentiellement par une formation nouvelle d'épithéliômes. Ce groupe renferme les papillomes, les adénomes, certains kystes et les épithêliômes proprement dits. Dans ces derniers, le tissu épithélial nouveau n'affecte pas la forme d'organes définis tels que les papilles*bu les glandes, comme cela a lieu dans les pa-pillômes et les adénomes.
(i) Nous renvoyons, pour ce qui concerne la description détaillée des diverses espèces de l'épithéliôme, à notre Manuel d"histologie pathologique, fait en collaboration avec M. Ranvier.
Les épithéliômes proprement dits (cancroide, cancer épithé-lial, etc.) présentent plusieurs variétés :
Tantôt les cellules de l'épithéliôme sont disposées en couches stratifiées, comme cela a lieu dans la muqueuse buccale et la peau, tantôt elles sont cylindriques et généralement ne forment qu'une seule couche. Dans le premier cas, on a Y épithéliôme pavimenteux, dans le second, l'épithéliôme cylindrique.
L'épithéliôme pavimenteux présente lui-même plusieurs espèces :
i° Les masses épithéliales forment des lobules irréguliers dans lesquels, de la périphérie au centre, on reconnaît dans les couches stratifiées de l'épithélium une évolution semblable à celle de l'épithélium cutané, c'est-à-dire que les cellules cylindriques et petites, au bord des lobules, deviennent pavimen-teuses, dentelées, puis cornées ou colloïdes, à mesure qu'elles s'avancent vers le centre du lobule : c'est Y épithéliôme lobule;
2° L'évolution épidermique ne se reconnaît plus nettement, et toutes les cellules du lobule ayant subi la dessiccation sont devenues cornées : tel est Y épithéliôme perlé ;
3° Le tissu fibreux qui forme le stroma de la tumeur est sillonné par des cavités en forme de tubes remplies de cellules pavimenteuses, ne montrant pas l'évolution épidermique : c'est Y épithéliôme tubulé.
L'épithéliôme cylindrique ne présente qu'une seule espèce.
Lorsque, au début de l'application du microscope à l'étude des tumeurs, les épithéliômes furent décrits et séparés du carcinome par Muller, Hannover, Lebert, etc., on mit leur bénignité en parallèle avec la gravité du carcinome. Il semblait par ces deux qualités des tumeurs, que leur bonne ou mauvaise nature dussent toujours et uniquement dépendre de leur structure histologique. Des faits nombreux ont détruit en nous cette illusion des premiers observateurs.
C'est ainsi que l'épithéliôme est très différent comme pronostic suivant les parties où il siège. S'agit-il, en effet, d'un épithéliôme lobule de la joue, la tumeur pourra rester petite pendant dix et vingt ans : ces épithéliômes à marche lente se cicatrisent, même parfois à leur centre, pendant que la tumeur continue à s'accroître par ses bords. Une tumeur de même na-t re, développée aux lèvres, s'accroît au contraire avec une
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DES HOPITAUX
Planche VI.
OBESITE
grande rapidité et envahit bientôt toutes les parties voisines, muscles, os, etc., comme le représente la planche V.
Les ganglions lymphatiques sont le plus souvent dégénérés dans ces cas, et même on a vu des productions secondaires dans des organes éloignés. L'épithéliôme lobule du col de l'utérus a tout à fait la marche du cancer.
L'épithéliôme perlé n'a généralement aucune tendance à s'étendre et constitue l'une des tumeurs les plus bénignes.
Par contre, l'épithéliôme à cellules cylindriques, qui naît toujours primitivement sur une muqueuse (estomac, intestin, utérus, fosses nasales, etc.) est extrêmement grave, ne se laisse pas distinguer à l'œil nu du carcinome encéphaloïde, et se généralise aux organes voisins du lieu affecté, par exemple, le foie, le péritoine et les os.
V. Cornil.
Cas d'Obésité
Observé par M. le docteur Parrot , médecin des enfants assistés.
L'enfant qui fait l'objet de cette observation est représentée par la planche VI.— Henriette E... est âgée de dix ans; sa taille est de i mètre 45 centimètres, et on ne remarque chez elle aucun vice de conformation. Le développement exagéré auquel elle est parvenue s'est effectué dans le courant des dernières années : son poids actuel est de 80 kilogrammes. Rien d'analogue ne s'est encore produit dans la famille de cette enfant, et ses parents jouissent d'une bonne constitution.
Le développement des facultés intellectuelles d'Henriette E... est de beaucoup en retard sur celui de son organisme ; d'un caractère enfantin, elle est cependant très irascible et d'une humeur généralement inégale; sa parole, difficile d'ailleurs, possède un timbre sourd et grave. L'appétit de cette enfant tient de la voracité ; sa force musculaire, bien qu'elle soit assez notable, ne laisse pas que d'être très accessible à la fatigue lorsque l'enfant la met à contribution pour la marche ; la station debout lui est très pénible.
Gomme complément de cette description, donnons le tableau
ie diverses mesures prises soigneusement sur différentes parties lu corps de la jeune fille :
Circonférence du crâne.......... 58 centimètres.
— sous-nasale......... 57 —
— sous-mentale........ 61 —
Encolure.................. 41 —
D'un acromion à l'autre.......... 37 —
Circonférence du bras........... 38 —
— du haut de l'avant-bras ... 29 —
— " du poignet.......... 17 —
Taille................... 97 —
Circonférence bi-mammaire....... ni —
— ombilicale.......... 107 —
— de la cuisse.......... 94 —
— du genou........... 40 —
— du mollet........... 43 —
— du jarret........... 26 —
— de la main prise du 2me au
5me doigt.......... 20
Tel est le cas d'obésité ou de polysarcie que nous avons sous les yeux.
D'après M. le professeur Hardy, ce développement exagéré du tissu cellulo-adipeux se rattacherait à un tempérament scro-fuleux dans la presque totalité des cas. L'enfant dont nous venons de retracer l'histoire ne porte sur elle aucun stigmate delà scrofule, et sa peau, fine et colorée, présente aux cuisses et aux jambes des varices superficielles dont la cause réside dans la compression du système veineux cutané par la tension des mailles du tissu cellulaire.
Les sujets atteints de polysarcie seraient, d'après M. Quain, prédisposés à des affections cardiaques résultant de l'infiltration graisseuse du cœur, ou même de la dégénérescence adipeuse des fibres de cet organe.
Ostéomalacie.
Par M. Tarnier, chirurgien de la Maternité. — (Suite.)
La nommée R...., avons-nous dit, était entrée le 24 août à l'hôpital de la Clinique , où elle fut opérée le 2 5 par M. Tarnier, qui suppléait M. le docteur Depaul pendant les vacances.
L'opération fut pratiquée de la manière suivante : la malade ayant été chloroformée, la vessie fut vidée. L'opérateur, placé à la gauche de la malade, fait une incision qui part à deux travers de doigts au-dessus du pubis, pour remonter au niveau de l'ombilic. Les parois abdominales très amincies sont successivement incisées, couche par couche, jusqu'au péritoine, sur lequel on pratique une boutonnière. A ce moment, M. Depaul, qui voulait bien servir d'aide à M. Tarnier, se place au côté droit de la malade, et applique ses deux mains sur les deux côtés de la plaie faite à la paroi abdominale, pour l'appliquer exactement contre l'utérus et prévenir, autant que possible, la pénétration du sang dans le péritoine. Cette compression fut très habilement continuée jusqu'à la fin de l'opération.
Un bistouri boutonné est alors introduit dans la boutonnière faite au péritoine, et bientôt cette séreuse est ouverte sur toute la longueur de la plaie extérieure.
Le côté gauche de l'utérus apparut avec ses annexes; on fut obligé de le refouler vers le flanc gauche pendant que la plaie extérieure était attirée vers le côté droit. Après cette double manœuvre, la face antérieure de l'utérus étant accessible fut incisée couche par couche jusqu'au moment où apparurent les membranes. La plaie faite à l'utérus fut alors agrandie avec le bistouri boutonné, de manière à présenter la même longueur que la plaie extérieure. — Il s'était écoulé peu de sang.
Les membranes furent rompues et le fœtus fut aisément saisi par les membres inférieurs et extrait sans difficulté. Il cria immédiatement avec force.
L'utérus, en se rétractant, décolla en partie le placenta, qui fut bientôt extrait à son tour. Pendant cette extraction, du sang avait coulé en abondance, mais bientôt l'écoulement fut assez modéré pour ne pas donner d'inquiétude.
Pour favoriser l'écoulement des lochies, on se servit d'une
longue mèche en fil, dont l'un des chefs resta à l'extérieur pendant que l'autre chef fut successivement engagé dans l'utérus et,guidé au travers du vagin jusqu'au dehors de la vulve. Les deux chefs furent ensuite noués sur le mont de Vénus.
M. Tarnier avait décidé qu'il ferait une suture sur l'utérus. Trois fils d'argent furent passés en trois points différents, sépa -rés entr'eux par des espaces à peu près égaux. Chacun des fils, après avoir traversé la lèvre gauche delà plaie utérine , en allant de l'extérieur à l'intérieur (de la surface séreuse à la surface muqueuse) fut conduit sur la lèvre droite qu'il traversa de l'intérieur à l'extérieur. Les deux chefs réunis furent engagés parallèlement dans la canule d'un petit trocart explorateur et en tirant sur ces chefs pendant qu'on refoulait la canule contre l'utérus, on obtint le résultat désiré, c'est-à-dire que les deux lèvres de la plaie utérine furent rapprochés. Pour maintenir les fils ainsi tendus, ils furent tordus sur une petite cheville placée à l'extrémité de la canule qui les engaînait. Le contact fut immédiat pour les couches musculaires les plus rapprochées de la cavité utérine, mais les couches les plus rapprochées de la séreuse restèrent séparées par un intervalle de un centimètre environ.
La plaie faite aux parois abdominales fut réunie à son tour par une suture métallique qui comprenait le péritoine. Les fils furent successivement placés les uns au-dessus des autres, à une distance de un centimètre et demi environ.
Sur la longueur de cette suture, en trois points différents, on voyait sortir les trois petites canules qui conduisaient à l'extérieur les fils qui avaient servi à la suture utérine. La plaie abdominale entourait d'ailleurs exactement ces petites canules, sans laisser d'espace libre à leur pourtour.
Un linge fenêtre fut placé sur la plaie, des bourdonnets de charpie disposés de façon à n'exercer aucune pression ni aucun tiraillement sur les canules conductrices complétèrent le pansement, qui fut maintenu en place par des compresses et un bandage de corps.
L'opération et le pansement avaient duré une heure.
(A suivre.)
BULLETIN MENSUEL
ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES
L'année nouvelle ne pouvait être mieux inaugurée que par l'arrêté de M. le préfet de la Seine, autorisant la constatation des naissances à domicile, et supprimant ainsi une des grandes causes de la mortalité des nouveau-nés. On ne saurait trop louer l'Académie de médecine d'avoir obtenu cette importante réforme.
Plusieurs communications intéressantes ont été faites ce mois-ci à la savante assemblée.
M. Brown-Séquard, qui, depuis une quinzaine"d'années, recherche par la méthode expérimentale, le siège anatomiquede l'épilepsie, a fait part à l'Académie d'une nouvelle série d'observations confirmant celles qu'il avait déjà présentées il y a une douzaine d'années environ.
C'est en coupant une des parties latérales de la moelle épi-nière, tout près de la dixième vertèbre dorsale ou dans le voisinage du bulbe, que M. Brown-Séquard a donné de véritables accès épileptiformes aux cabiais sur lesquels il a jusqu'à présent expérimenté. Ces mêmes animaux, survivant à l'opération, sont très-souvent pris depuis cette époque de crises épileptiques.
Le cerveau, le cervelet, la protubérance seraient, d'après l'habile physiologiste, complètement étrangers à la pathogénie de l'épilepsie. Quelques cabiais, rendus épileptiques par la section de la moelle, et chez lesquels la vie était entretenue par la respiration artificielle, ont continué à présenter des accès convulsifs, après l'ablation de Pencéphale.
Sur ce point, MM. Colin, Hardy, Bouillaud, Larrey, Ricord n'ont point pleinement partagé l'opinion de leur collègue. L'observation clinique montre bien, en effet, que très souvent l'épilepsie ne reconnaît pour cause qu'une tumeur cérébrale, surtout lorsqu'elle siège à la base de l'encéphale ou dans le voisinage de la protubérance annulaire.
Quelques jours après, M. Brown-Séquard a mis sous les yeux de l'Académie quatre petits cochons d'Inde opérés depuis deux mois. En irritant quelques points de la face et du cou, des accidents épileptiformes très caractéristiques ont été provoqués chez ces animaux, comme ont pu le constater tous les médecins présents à ces expériences.
M.Brown-Séquard a complété sa communication en affirmant que les cabíais épileptiques transmettaient héréditairement l'épilepsie à leurs petits. Reste à savoir s'il y a identité absolue entre ces accidents provoqués et l'épilepsie chez l'homme. M. Brown-Séquard n'en doute pas ; mais il serait peut-être téméraire de se ranger si prématurément à son opinion.
¥*¥ La question « des poêles en fonte, » dénoncés au conseil d'hygiène et de salubrité de la Savoie par le docteur Carret, de Chambéry, comme de pernicieux exhalateurs d'oxyde de carbone, vient d'être définitivement jugée par la note de M. Coulier, lue à l'Académie par M. Vernois.
M. Coulier admet tout d'abord, comme l'ont prouvé l'an dernier MM. H. Deville et Troost, que la fonte est, en effet, perméable à l'oxyde de carbone émané du foyer ; mais, poussant plus loin ses investigations, M. Coulier a très sévèrement analysé l'atmosphère viciée par les émanations d'un poêle en fonte, et il a trouvé seulement seize centièmes de millimètre cube d'oxyde [de carbone par litre, quantité beaucoup trop minime pour qu'on puisse lui attribuer raisonnablement une influence toxique.
¥*¥ La séance dü i g janvier a été marquée par un incident que nous ne pouvons passer sous silence , car il nous intéresse particulièrement. Il y a été longuement question du Musée pathologique et du laboratoire photographique de l'hôpital St-Louis, où sont exécutées, sous la direction de M. de Montméja, les planches destinées à ce journal.
Nous empruntons à Y Union médicale le compte rendu détaillé, de cette partie de la séance :
M. Hardy fait hommage à l'Académie des dernières livraisons de sa Clinique photographique de l'Hôpital Saint-Louis.
A cette occasion, il croit devoir porter à la connaissance de ses collègues que, par les soins de M. Husson, directeur de l'Assistance publique, un laboratoire spécial de photographie a été établi à l'hô
pital Saint-Louis, où tous les médecins des hôpitaux pourront venir faire photographier les cas anatomo-pathologiques les plus intéressants qu'ils auront observés dans leurs services.
M. Hardy croit être l'interprète des sentiments de tous ses collègues des hôpitaux , en présentant des remercîments publics à M. Husson pour cette importante création.
M. Husson donne quelques détails sur l'institution du Musée d'a-natomie pathologique de l'hôpital Saint-Louis décidée par l'Administration, après avoir pris l'avis des Corps des médecins et chirurgiens des hôpitaux :
Deux modes de reproduction des types des lésions anatomo-pathologiques sont mis en usage dans-le laboratoire de l'hôpital Saint-Louis : i° le moulage confié à M. Baretta; 20 la photographie dirigée par M. de Montméja. Depuis que fonctionnent les nouveaux ateliers, on a déjà obtenu deux à trois cents spécimens de maladies de la peau, dont les modèles sont déjà copiés par l'étranger.
Le Musée de l'hôpital Saint-Louis comprendra non-seulement de grandes salles d'exposition pour ces modèles, mais encore des salles d'études où médecins et élèves trouveront des exemplaires des ouvrages les plus recherchés et les plus importants relatifs aux maladies de la peau. Tous les médecins des hôpitaux pourront venir dans les ateliers du Musée faire reproduire, soit par le moulage, soit parla photographie, les cas intéressants observés par eux, qu'ils jugeront dignes de prendre place dans le Musée. Les artistes se'dé-placeront au besoin, lorsque les malades ne pourront pas se transporter à l'hôpital Saint-Louis. M. Husson pense que, d'ici à quelques années, le Musée anatomo-pathologique de l'hôpital Saint-Louis présentera de belles et riches collections.
Cette communication est accueillie par des applaudissements unanimes.
„*, — Le même jour, M. Lagneau a lu sur la population parisienne un mémoire plein d'intérêt. Il y étudie particulièrement l'influence de l'agglomération sur la constitution et les mœurs des habitants ; et s'attache surtout à prouver que s1 les villes très peuplées « sont favorables au développement scientifique, artistique, commercial et industriel d'une nation, elles lui sont au contraire extrêmement préjudiciables sous le rapport anthropologique. »
/¥ — L'ophthalmie purulente des nouveau-nés a été l'objet d'un travail très-original de M. Desormeaux, auquel l'Académie a prêté une attention particulière. Voici, du reste, les conclusions de cette remarquable étude :
i° Sous la dénomination d'ophthalmie purulente des enfants, on confond plusieurs affections différentes : l'ophthalmie catarrhale,
rophthalmie blennorrhagique, 1'ophthalmie diphthéritique et enfin une ophthalmie spéciale, l'ophthalmie maligne des nouveau-nés;
2° Cette dernière ophthalmie se développe sur les enfants nouveau-nés par influence épidémiqu3 et par contagion ; chez les enfants plus âgés et les adultes, elle est toujours le résultat de la contagion ;
3° Elle a pour symptôme pathognomonique la sécrétion d'une sérosité de couleur safranée, dont la coloration n'est pas due au mélange du sang et qui tache fortement le linge ;
4° Ce symptôme n'existe qu'au début du mal ;
5° Cette maladie, dont la marche naturelle est très rapide, se termine en peu d'heures parla perte de l'œil ; si elle est arrêtée, mais non guérie par un traitement insuffisant, elle peut se prolonger un certain temps, mais elle ne donne jamais lieu, comme l'ophthalmie blennorrhagique, aux granulations conjonctivales ;
6° Elle affecte habituellement les deux yeux à la fois ;
7° Le seul traitement qui lui convienne est la douche oculaire, répétée fréquemment et suivie de l'instillation d'un collyre faible.
*¥ M. Verneuil a communiqué à la Société de Chirurgie un nouveau procédé pour empêcher la pénétration de l'air dans les cavités closes, après une ponction. Pratiquant la thoraco-centhèse pour un épanchement purulent, M. Verneuil voulait laisser un instrument à demeure dans la cavité thoracique. Une canule métallique se déplace facilement ou irrite le poumon, la sonde de caoutchouc pouvait avoir les mêmes inconvénients et s'obstruer rapidement. Un drain de caoutchouc permettait à l'air d'entrer et de sortir à chaque mouvement respiratoire.
Notamment, pour empêcher l'air de pénétrer dans la poitrine, l'emploi du fausset rend l'écoulement intermittent; le procédé de Reybard n'est pas applicable quand on doit laisser la canule en place pendant plusieurs mois. M. Verneuil fit construire une sonde de caoutchouc très flexible et percée de huit à dix trous à son extrémité. On introduit ce tube sur un mandrin dans la canule métallique, et le liquide s'écoule lentement. On adapte au tube une baudruche qui tombe dans un bassin. Il a employé trois fois ce petit appareil ; dans un cas de rétention des règles par imperforation de l'hymen, le sang fut évacué lentement et il évita l'infection putride. Un énorme abcès par congestion fut vidé lentement et il fit des injections dans le foyer à l'abri de l'air. Le malade est au douzième jour de sa ponction, et l'abcès paraît en voie de guérison. Un abcès de la région du foie, suite d'hépatite aiguë, donna en douze heures deux litres de pus.
— La commission nommée par M. le ministre de l'agriculture pour étudier une épizootie sévissant depuis longtemps dans le Cantal et le Puy-de-Dôme, et nommée mal des montagnes, a tout récemment terminé ses travaux.
M. Bouley a lu devant l'Académie des sciences le rapport de M. A. Sanson, d'où il résulte que le mal des montagnes n'est autre que le charbon.
La pustule maligne est fréquente chez les hommes en contact avec les animaux ; et quoique le sang des animaux morts ne contienne pas de bactéries il n'en est pas moins contagieux. Les animalcules se retrouvent d'ailleurs dans le sang des lapins inoculés.
M. Bouley a étudié le mal des montagnes au point de vue thérapeutique. L'acide phénique administré par M. Sanson a donné les résultats les plus satisfaisants. Un homme et son enfant, atteints de pustule maligne, ont même été guéris par ce moyen.
L'emploi de l'acide phénique est des plus simples. M. Sanson l'a donné à la dose de 10 grammes aux grands animaux de l'espèce bovine, et de 3 grammes à ceux de l'espèce ovine, dilué au centième dans de l'eau.
/„ — Dans une note présentée par M. Robia, M. Knock, de Saint-Pétersbourg, récompensé déjà par l'Académie pour ses recherches sur l'embryogénie du bothriocéphale large, a fait savoir qu'il venait de terminer une nouvelle série d'expériences importantes. Il en résulte que l'embryon de cet entozoaire ne subit pas de métamorphose comme l'embryon des ténias. Il se convertit directement en ver rubané, sans passer par l'état de cysticerque.
REVUE DES JOURNAUX
¥% Expériences sur la toux. — L'auteur, le docteur Nothnagel par de nombreuses expériences faites sur des chiens et sur des chats, a cherché à déterminer quels sont les points de l'appareil respiratoire dont l'excitation mécanique directe provoque la toux.
L'irritation de la muqueuse au-dessus des cordes vocales vraies ou sur leur face supérieure donne un résultat négatif, une toux vio-
lente suit l'excitation de la muqueuse située au-dessous des cordes vocales ou dans leur intervalle.
La sensibilité de la trachée est moindre et s'émousse plus rapidement ; la toux est moins énergique et moins prompte. Un point doué d'une sensibilité aussi vive que le larynx est le niveau de la bifurcation de la trachée.
Les mêmes expériences ont été répétées après la section des laryngés supérieurs et du nerf vague ; dans ce cas, l'excitation du larynx, de la trachée et de sa bifurcation reste sans effet, si les laryngés supérieurs seuls ont été coupés. Le larynx est insensible, mais l'excitation de la trachée et de sa bifurcation déterminent la toux.
L'excitation de la muqueuse des bronches mises à découvert par l'ouverture de la paroi thoracique provoque la toux, mais avec moins d'énergie et plus de lenteur que l'irritation du larynx et de la bifurcation de la trachée.
Le parenchyme pulmonaire paraît insensible. La toux est considérée comme un des symptômes de la pleurésie, et, cependant, l'irritation directe et même l'inflammation provoquée de la surface pleurale ne sont point suivies de toux.
L'irritation des troncs nerveux laissés intacts ou celle de leur extrémité centrale, après section du nerf, n'a déterminé la toux dans aucun cas; ce résultat est en accord avec ce fait physiologique que les phénomènes réflexes répondent plus facilement à l'excitation des terminaisons nerveuses qu'à celle des troncs eux-mêmes.— [Galette hebdomadaire, d'après les Archives de Virchow.)
¥% De la sciatique blennorrhagique. — La sciatique peut naître, d'après M. A. Fournier, sous l'influence blennorrhagique, et être sous la dépendance d'un état morbide de l'urètre. L'auteur établit successivement : i° que la sciatique figure au nombre des manifestations du rhumatisme blennorrhagique; il donne deux observations à l'appui; 20 qu'on a vu, dans le cours de plusieurs blennorrhagies successives, se manifester successivement plusieurs sciatiques associées à d'autres manifestations non douteuses de rhumatisme uré-tral, et l'auteur rapporte ici une troisième observation; 3° qu'on voit parfois la sciatique alterner dans une série d'attaques avec des manifestations rhumatismales d'un ordre différent ; une quatrième observation appuie encore ce troisième argument; 40 la sciatique blennorrhagique a, du reste, sa physionomie caractéristique. Elle débute ordinairement d'une manière soudaine, et atteint d'emblée son summum d'intensité : les douleurs, excessives d'abord, perdent bientôt de leur violence pour arriver à un degré moyen, du troisième au cinquième jour, après quoi la maladie garde un statu quo plus ou moins long, puis disparaît, après une durée relativement courte, si on la compare à celle de la sciatique ordinaire.
La sciatique blennorrhagique cède facilement aux ventouses sca
rifiées, qui font ici merveille et semblent quelquefois juguler la m a ladie du premier coup.
La sciatique blennorrhagique ne doit pas être confondue avec une lésion bizarre, blennorrhagique aussi, il s'agit de Yhygroma aigu de la bourse séreuse ischiatique, qui s'accompagne souvent de douleurs vives voisines du foyer douloureux principal de la sciatique, susceptibles d'irradiations continues ou exacerbantes exagérées par la pression ou les mouvements. La tumeur de l'hygroma, trop profondément placée, est difficilement appréciable, et aussi cette maladie est-elle le plus souvent prise pour une sciatique partielle limitée au point fessier. — (Société médicale des hôpitaux.)
^% D'un moyen simple et facile pour éviter aux malades la douleur du vésicatoire. — La grande habitude, dit le docteur F. Bri-cheteau, que j'ai acquise des injections hypodermiques de morphine, en les employant toutes les fois que je suis en présence d'une douleur plus ou moins localisée, m'a fait trouver le procédé suivant, qui rend tolerable pour le malade la période si douloureuse de la vésica-tion. Au moment d'appliquer l'emplâtre épispastique sur le point désigné, je fais à cet endroit une injection hypodernique de chlorhydrate de morphine avec une solution ainsi composée :
Chlorhydrate de morphine........ 1 gramme.
Eau distillée..................... 5o —
5 à io gouttes sont suffisantes, et nous préférons une solution plus concentrée à celle préconisée par le professeur Béhier, dont la formule est :
Chlorhydrate de morphine........ 40 centigr.
Eau distillée..................... 3o grammes;
parce que nous y trouvons l'avantage d'injecter moins de liquide ; or, certaines personnes ont la peau si délicate, les femmes surtout, que bien que la solution de morphine soit en général bien tolérée, on ne saurait prendre trop de précautions pour éviter les accidents, suites de piqûre, qui sont mis sur le compte du médecin et qu'on lui pardonne rarement.
** Excision de Vomoplate. — Un nouveau cas de cette redoutable opération avec excision entière de l'os est relaté par le docteur Rogers, de New-York, qui l'a pratiquée le 12 décembre 1867 sur une jeune fille de sept ans, atteinte d'un cancer médullaire de cet os. Une partie sous forme de tumeur en avait déjà été réséquée un an auparavant, mais le mal avait bientôt récidivé et menaçait la vie de l'enfant. Sans décrire le manuel opératoire, la tumeur fut circonscrite dans une incision elliptique s'étendant en arrière de la région cervicale, et en bas jusqu'à l'aisselle. L'os fut ainsi soulevé et détaché de bas en haut et d'arrière en avant, sans complication d'hémor-rhagie ni d'aucun accident. L'os enlevé, frappé de cancer dans sa
totalité, pesait environ 3 livres, le poids total de l'enfant étant de 36. La cicatrisation de la large plaie résultant de cette opération marcha rapidement et, six semaines après, l'enfant pouvait élever le bras de 20 à 3o degrés, et graduellement tous les mouvements volontaires se rétablirent, et le membre devint si utile que, dès le quarantième jour, si c'eût été le côté droit, il eût pu aisément servir à écrire et à coudre. Et quant à la difformité en résultant, elle était à peine sensible quand l'enfant était habillée. Le succès était donc aussi satisfaisant que possible et, si ce n'était la crainte d'une récidive toujours à redouter en pareil cas, on peut dire qu'il eût été complet. (Union médicale.)
*^ Statistique des résultats de l'ovariotomie.
Opérateurs. Cas. Mortalité p. 100.
MM. Krassowski.. 25. 40.
Kœberlé..... 6g. 3 3.
Atlee....... 169. 3o.
Wells....... 25o. 28.
513. 33 moyenne.
(Extrait de l'ouvrage de Krassawski de Saint-Pétersbourg.)
(Galette hebdomadaire.)
¥% Statistique d'opérations de résection du genou. — M. Henri Lee a rapporté 22 cas, M. Thomas Smith, 14, et M. Humphry, 3q de cette opération. Sur le nombre total de 75, la guérison a eu" lieu 60 fois. On a dû amputer ensuite 9 des opérés (desquels 5 guérirent et 4 moururent).
M. Lee attribue ce résultat favorable à ce que les sujets étaient très jeunes ; car avant que l'épiphyse soit soudée au reste de l'os, la résection peut être faite sans mettre à nu le tissu spongieux, et le principal danger, celui de l'infiltration purulente du canal médullaire, est ainsi conjuré.
Si l'on ne touche pas à la ligne de séparation de l'épiphyse avec la diaphyse, dit à son tour M. Humphry, la croissance ultérieure de l'os est à peine altérée, et le membre peut, après l'opération, conserver la même longueur, ou à peu près, que son congénère.
{Lyon médical, d'après Royal médical and chirurg. Society oj London.)
(La Rédaction.)
Le Gérant, a. de montméja.
Paris. — Typ. Alcan-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
DES HOPITAUX
PËRINÊORRHAPHIE
des
HOPITAUX DE PARI
Deux observations de restauration du périnée
Par le professeur Richet.
Ayant eu assez souvent l'occasion d'observer des cas de déchirure du périnée à tous les degrés, compliquées ou non de déchirures de la cloison recto-vaginale, mon attention s'est depuis long-temps fixée sur ce sujet. En 1866, je fis à l'Hôtel-Dieu, sur ce point de pathologie, plusieurs leçons cliniques, qui ont été recueillies par^un de mes internes, M. Serres, d'Auch, qui en a fait le sujet de sa thèse inaugurale, travail remarquable où se trouvent présentées, sous une forme claire et précise, les opinions les plus récentes.
Tout dernièrement encore", ayant dans mes salles de la Clinique diverses malades atteintes de cette cruelle infirmité, j'ai entretenu mes auditeurs des modifications profondes que j'ai cru devoir faire subir au procédé de Roux.— Une de ces observations a déjà paru dans l'Union médicale, la. deuxième sera livrée à la publicité alors seulement que le résultat pourra être considéré comme complet, la malade ayant été opérée tout récemment et les fils n'ayant pas encore été enlevés.
Voici l'observation de la première des maladies dont je viens de parler :
Par une incision qui suit la courbe que présente la déchirure périnéale depuis la base de la grande lèvre gauche jusqu'à celle de droite, je divise la surface cicatricielle en deux moitiés égales, l'une antérieure et l'autre postérieure. Cette incision divise les tissus à la profondeur de 1 millimètre environ ; puis je dissèque, du côté du vagin, un lambeau semi-circulaire qui décolle la cloison vaginale et les côtés du périnée dans l'étendue de 8 à 10 millimètres environ, et j'en forme ainsi un lambeau
3
semi-circulaire que je relève du côté du vagin et dont j'adosse les surfaces saignantes à l'aide de trois ou quatre points de suture métallique, dont les fils sont ramenés par l'orifice vulvaire. J'ai ainsi constitué une sorte de plan incliné qui relève le plan postérieur du vagin insensiblement jusqu'à l'orifice de la vulve restaurée, formant ainsi une sorte d'éperon sur lequel les liquides vaginaux seront conduits au dehors, sans pouvoir s'infiltrer à travers la suture suffisamment serrée et présentant, sur la ligne médiane, une sorte de crête saillante avec deux rigoles latérales.
Cela fait, j'avive la moitié antérieure de la déchirure péri-néale restée intacte, et je la réunis, comme le faisait Roux, à l'aide de trois points de suture entortillée.
J'ai donc ainsi deux sutures adossées par leur base et par leurs surfaces saignantes : l'une que j'appellerai suture vaginale ou muqueuse, et l'autre suture cutanée ou extérieure.
Je trouve encore à ce procédé un autre avantage qui a bien son importance et que voici :
Roux avait indiqué comme une cause d'échec de la suture périnéale, la complication d'une rectocèle et d'un abaissement de l'utérus. Suivant lui, cette tendance de la paroi vaginale postérieure à se précipiter au dehors de la vulve par les efforts de défécation et la pression incessante des viscères abdominaux, avait pour effet presque inévitable de désunir la suture. Or, chez notre malade, la rectocèle est des plus prononcées et la paroi postérieure du vagin, poussée par l'abaissement de l'utérus, aurait infailliblement ce résultat tant redouté. Ma suture vaginale doit avoir, si je ne m'abuse, pour premier effet de retenir la rectocèle et lui opposer une barrière d'autant plus efficace qu'elle rétrécit notablement la partie inférieure du vagin, et offre un véritable plan incliné en avant, sur lequel viennent se perdre les efforts delà propulsion du rectum. Bien plus, en supposant même que la suture vaginale cède, s'aplatisse et s'abaisse, cet abaissement aura pour résultat inévitable de l'appliquer plus exactement par sa surface saignante contre la surface semblable de la suture périnéale cutanée, et l'adhérence en sera encore plus assurée.
L'opération, pratiquée ainsi qu'il vient d'être dit, n'a présenté aucune difficulté; elle a été seulement un peu plus longue et un peu plus laborieuse que si l'on eût suivi le procédé
ordinaire, mais le résultat obtenu immédiatement était des plus satisfaisants. Le périnée, ainsi reconstruit, offrait une hauteur de 4 centimètres environ, de l'anus à l'orifice vulvaire extérieurement; du côté du vagin, la suture vaginale formait une sorte de plan doucement incliné de la vulve à la paroi postérieure du vagin, avec une crête médiane saillante très prononcée; les fils de cette suture furent ramenés au dehors de la vulve et enroulés dans du diachylon.
Alors une injection d'eau froide poussée dans le vagin permit de constater que le liquide s'écoulait facilement au dehors de chaque côté de l'éperon médian, et la rectocèie, même dans les efforts faits par la malade, n'avait aucune tendance à apparaître au dehors.
La malade fut reportée à son lit; les jambes furent maintenues demi-fléchies sur un coussin passé sous le creux poplité et fixées l'une contre l'autre à l'aide d'une serviette pliée en cravate.
Il est bon de faire observer que l'on avait eu soin de n'opérer la malade que cinq jours après la terminaison des règles, pour n'être point dérangé par l'écoulement menstruel; que, de plus, on lui avait administré le matin un lavement purgatif.
Elle prendra dans la journée une pilule d'opium de 2 centigrammes de deux heures en deux heures, et on la sondera pour éviter que l'urine ne s'écoule sur les plaies.
Le jour de l'opération, la malade a été efficacement sondée, afin d'éviter que dans la miction volontaire et naturelle, l'urine ne baigne les sutures. Cette petite opération contraria beaucoup la malade, quoique faite avec beaucoup de précaution et de sagacité par la surveillante du service qui en a la grande habitude. De plus, on eut soin d'injecter de l'eau froide dans le vagin à plusieurs reprises, afin d'empêcher les mucosités vagino-uté-rines de séjourner derrière les sutures et d'y acquérir, par la stagnation, des propriétés nuisibles. J'attache une grande importance à ces soins minutieux.
Le lendemain, un simple linge imbibé d'eau de guimauve fut maintenu sur le périnée. Les deux cuisses furent toujours maintenues rapprochées par une serviette, et les jambes fléchies sur les cuisses reposèrent sur un coussin rond placé sous les jarrets; enfin la malade prit toutes les heures 1 centigramme d'extrait gommeux d'opium pour maintenir la constipation.
Le surlendemain, la malade fut trouvée sans fièvre, ainsi que les jours suivants.
Cependant, le cinquième jour, elle se plaignit assez vivement de douleurs lors de l'introduction de la sonde, et à la visite du matin, je trouvai une rougeur assez vive sur la fesse du côté gauche, en avant de l'anus, près de la suture. Comme il sortait un peu de pus par le trajet des fils, je crus devoir les enlever, de crainte que cette suppuration sur le parcours des fils métalliques ne provoquât celle de la suture cutanée, qui paraissait d'ailleurs parfaitement réunie. Ces fils enlevés, il fut démontré que l'adhésion des lèvres était parfaite en effet.
On visita la suture muqueuse, et comme de ce côté les fils ne paraissaient provoquer aucune irritation, on jugea prudent de les laisser en place.
Le cathétérisme et les injections vaginales furent continués. La malade demanda quatre portions. Continuation de l'opium.
Le sixième jour, c'est-à-dire le lendemain même de l'enlèvement de la suture cutanée, la malade fut prise d'envies irrésistibles d'aller à la garde-robe et eut successivement trois selles abondantes. Malgré ces évacuations, on trouva la suture dans un état parfait, la suppuration des fils avait même beaucoup diminué, ainsi que la rougeur de la peau.
Même traitement : opium à la dose d'un décigramme en vingt-quatre heures ; même régime.
Enfin, le onzième jour, on se décide à enlever les fils de la suture muqueuse, ce qui se fait non sans quelque difficulté, tant l'ouverture vaginale se trouve rétrécie par la restauration périnéale. Depuis deux jours déjà, la malade ne voulait plus entendre parler de l'introduction de la sonde, et la vérité est que ses urines étaient devenues troubles, qu'elle était prise de fréquents besoins d'uriner, et qu'enfin, il existait dans la région hypogastrique une vive sensibilité à la pression ; tous symptômes annonçant une véritable cystite subaiguë.
A partir de ce moment, la malade ne fut plus soumise qu'à des injections vaginales deux fois par jour et à des boissons délayantes; elle put être désormais considérée comme entièrement guérie.
Cependant, il était important de juger quel bénéfice elle retirerait de cette restauration complète du périnée, au point de vue de la défécation d'abord, et ensuite de la rectocèle et du
prolapsus utérin. Pour cela, il fallait la conserver pendant un certain temps dans le service, six semaines au moins, en la laissant aller et venir, et même travailler, de façon à se rendre utile dans la maison.
Quarante-huit jours après l'opération, voici l'état dans lequel nous la trouvons :
Les garde-robes ont lieu régulièrement tous les jours ; qu'elles soient liquides ou solides, la malade les retient comme avant son infirmité; bien plus, les gaz eux-mêmes ne s'échappent plus involontairement.
Elle peut rester debout toute la journée, s'occuper à balayer dans les salles, à porter des paquets de linge, etc., sans en ressentir aucune incommodité.
Lorsqu'elle est debout et qu'on la fait tousser ou faire un effort, la cystocèle a quelque tendance à se produire, mais il n'est plus question de rectocèle. Quant à l'utérus, il est parfaitement maintenu, sans tendance à l'abaissement, ce qui tient certainement à ce que les parois vaginales sont actuellement très bien soutenues par la restauration périnéale, sur laquelle il nous reste à appeler spécialement l'attention.
Lorsque la malade est couchée, les cuisses écartées, on ne se douterait certainement pas, si l'on n'était prévenu, qu'elle a subi une opération. Effectivement, l'ouverture vulvaire est régulière, plutôt petite que grande; elle est limitée en arrière par un bord curviligne, offrant une épaisseur de 2 millimètres, et constitué par la réunion de la muqueuse vaginale à la peau du périnée.
Ce périnée de nouvelle formation offre en hauteur, de l'anus à la commissure vulvaire, trois centimètres ; sur la ligne médiane se voit un raphé, trace de la suture, et sur les côtés de ce raphé, à 8 millimètres environ, les traces de trois orifices par lesquels avaient pénétré les trois fils de la suture métallique cutanée.
Pour apprécier l'épaisseur de ce plancher périnéal reconstitué, il faut introduire l'index dans l'anus et le pouce dans le vagin, on se rend très bien compte alors du résultat vraiment très remarquable du nouveau procédé opératoire. A la base, l'épaisseur est de 2 centimètres environ, et les deux surfaces muqueuse et cutanée viennent ensuite, en s'inclinant, se confondre à la commissure vulvaire. En un mot, ce n'est plus une simple
cloison qui a été reconstituée au-devant du vagin, comme dans le procédé de Roux, c'est un véritable périnée, avec toutes ses parties constituantes,^ compris le sphincter anal.
En effet, lorsque le doigt introduit dans l'anus, on engage la malade à le resserrer, on sent manifestement la contraction musculaire s'effectuer, plus faible sans doute qu'à l'état normal, mais bien suffisante cependant pour empêcher, ainsi qu'il a été dit déjà, les gaz et les liquides de s'échapper, à ce point qu'elle retient parfaitement les lavements, ainsi que nous nous en sommes assurés.
Si maintenant, les yeux fixés sur la région vulvo-périnéale, on fait pousser la malade, on voit la paroi antérieure du vagin tendre à se porter à l'extérieur; mais bientôt ce mouvement de projection est arrêté par la rencontre de la commissure vulvaire un peu soulevée dans l'effort, laquelle s'oppose ainsi non-seulement à la précipitation de l'utérus hors la vulve, mais encore à la rectocèle et même à la cystocèle. C'est là certainement un des effets les plus remarquables de l'opération. Grâce à cette reconstitution complète du périnée, cette malade va ?donc pouvoir reprendre ses travaux, ainsi qu'elle l'a fait déjà, sans s'astreindre à porter soit une ceinture, soit un pessaire, soit tout autre bandage, toujours plus ou moins gênant. Pour tout dire, en un mot, c'est un résultat qui dépasse toutes les espérances , surtout si l'on veut bien se rappeler que Roux, dont l'autorité en pareille matière est d'un si grand poids, avait déclaré ces cas incurables.
Observation de lichen hypertrophique
Hôpital Saint-Louis. — Service de M. Hardy.
Le nommé Jean Doglol, soixante-neuf ans, est entré le 3 décembre 1868 au n° 46 de la salle Saint-Jean.
Il a toujours été bien poftant, et ne présente aucun antécédent de scrofule ou de syphilis.
Tailleur de pierres depuis l'âge de vingt-un ans, puis à l'âge de cinquante-cinq ans marchand des quatre-saisons, il se trou-
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche VIII.
LICHEN HYPERTROPHIQUE
vait pendant douze et quinze heures debout, souvent à l'humidité, sans cependant en éprouver d'inconvénient. Il n'eut jamais de douleurs rhumatismales.
Il y a trente-trois ans, il reçut deuxpierres sur la jambegauche, les plaies se guérirent lentement, mais complètement. Elles ne se sont jamais ulcérées depuis la guérison.
En 1844, les jambes furent couvertes de plaies ; il y avait un suintement abondant et, à la suite, les jambes furent chargées de croûtes jaunâtres. Probablement ces plaies n'étaient qu'un eczéma. Il passa un mois et demi à Saint-Louis, sans qu'il parût d'éruption sur un autre point du corps.
Pendant six ans il fut bien portant ; les jambes cependant étaient quelquefois enflées le soir.
En i85o, le malade revient à Saint-Louis pour la même ma. ladie qu'en 1844. Aux deux jambes suintement, qui empèse le linge, croûtes jaunâtres.
Pendant six semaines cataplasmes, et alternativement eau de Sedlitz et eau d'Enghien.
Il sort incomplètement guéri, et porte pendant quelque temps des bas lacés.
Peu à peu ses jambes se guérirent complètement.
Il y a trois ans seulement qu'une nouvelle éruption envahit les jambes. Pendant un an il se soigna à peine. Puis il vit apparaître, au milieu des croûtes, deux petites grosseurs au niveau de la malléole externe. Jusqu'au mois de décembre il se contenta de frictions avec l'huile de cade.
Les grosseurs se multipliant, il entre à Saint-Louis. La jambe gauche, dansletiers inférieur, est couverte de nodosités^ de tumeurs, du volume d'un pois à celui d'une petite noix.
Le volume total du membre est augmenté, et la jambe est recouverte de croûtes assez adhérentes, sans suintement, qui remontent jusqu'au voisinage du genou.
Sur la jambe droite, croûtes moins épaisses, sans hypertrophie papillaire. — Les deux jambes présentent des dilatations variqueuses considérables, qui s'étendent jusqu'à la partie supérieure des cuisses.
Pas d'éruption dans d'autres régions.
Le malade pendant un mois prend un bain tous les deux jours, et pendant le reste de la journée, les deux jambes sont enveloppées dans de la toile vulcanisée.
Au mois de janvier il prend tous les matins une cuillerée de solution d'arséniate de soude (o. 10 centigr. pour 3oo gr. d'eau distillée). Puis bientôt la dose est portée à deux cuillerées par jour.
On continue les bains amidonnés et l'enveloppement des jambes. Le malade reste au lit.
Les croûtes tombent peu à peu, laissant voir à leur place, dans la partie inférieure, de petites saillies offrant, comme les autres, la coloration de la peau saine. Les grosses papilles s'affaissent et s'effacent progressivement, tandis que la peau, qui était recouverte de croûtes, prend un aspect lisse et luisant, tout en conservant une teinte brunâtre et ardoisée.
Le malade, en somme, se trouve aujourd'hui notablement amélioré, et le volume du membre gauche a diminué de près d'un tiers, résultat très satisfaisant.
La maladie dont nous venons de publier l'observation et une représentation photographique est une affection peu commune, et sur la nature de laquelle les dermatologistes sont loin d'être d'accord : sans nous arrêter à l'opinion peu fondée de M. De-vergie qui la considère comme constituée par une altération hypertrophique des follicules sébacés, nous nous bornerons à énoncer la manière de voir de M. Bazin et celle de M. Hardy sur ce sujet particulier. Pour M. Bazin, la maladie dont il s'agit appartient à un genre spécial d'affections cutanées auquel il a donné le nom de mycosis-fongoïde, et qui lui paraît n'être que l'expression d'une diathèse également spéciale et distincte, la diathèse fongoïde.
D'un autre côté, M. Hardy ne voit pas dans le mycosis de M. Bazin une maladie particulière, une espèce nosologique spéciale ; il la rattache à l'eczéma et au lichen, et la regarde comme l'expression la plus accentuée de ces dernières affections. Pour soutenir cette opinion, il établit d'abord l'existence .antérieure ou actuelle d'une des formes de l'eczéma chez les malades atteints de mycosis ; il montre que souvent même, à côté de l'altération qui nous occupe, on voit de l'eczéma qui paraît se confondre avec elle, et il insiste surtout sur ce fait, que lorsque le mycosis se termine par guérison,ce qui est possible, il disparaît sans laisser de cicatrices, ainsi que cela a lieu pour les affections dartreusés. M. Hardy justifie de cette manière
DES HOPITAUX
Planche IX.
ATROPHIE MUSCU LAI RE
le nom de lichen hypertrophique qu'il a proposé de donner à cette maladie.
L'observation que nous avons citée semble appuyer ces dernières opinions : en effet, le malade a été plusieurs fois atteint d'eczéma ; au moment de son entrée à l'hôpital, il présentait les caractères bien tranchés de cette maladie à la partie supérieure des jambes, et, par l'effet du traitement, les tubercules s'affaissent peu à peu ; un assez grand nombre ont déjà disparu sans laisser aucune autre trace de leur passage qu'une peau brunâtre et luisante comme on le voit si souvent dans l'eczéma des jambes arrivé à la période squameuse terminale.
Quoi qu'il en soit de ces manières de voir sur la nature du lichen hypertrophique, cette maladie est grave, très souvent elle résiste à tous les moyens employés pour la combattre, elle augmente d'étendue, quelquefois même elle se généralise, en se développant sur plusieurs points de la surface cutanée, et la mort peut arriver avec les symptômes ordinaires de la cachexie* Quelquefois cependant la guérison a lieu; M. Hardy en a vu plusieurs exemples, et dans l'observation dont il s'agit l'amélioration si grande survenue chez le malade et dans un cas aussi grave permet d'espérer une heureuse terminaison. Comme confirmation pratique des opinions de M. Hardy sur la nature de la maladie, nous ajouterons que le malade a été traité par les moyens employés habituellement dans les maladies dartreuses, par les bains, par les applications émollientes et par les préparations arsenicales à l'intérieur, et que la guérison se manifeste sous l'influence de ce traitement.
De l'atrophie musculaire progressive de l'enfance, et de son diagnostic éclairé par l'iconographie photographique.
Les cinq figures photographiques qui forment la planche IX, représentent le thorax et la face de sujets atteints d'atrophie musculaire progressive de l'enfance. — L'atrophie musculaire progressive, lorsqu'elle fut décrite pour la première fois, était considérée comme une maladie exclusive à l'âge adulte. M. Duchenne de Boulogne rapporte (i) deux faits dans lesquels elle
(i) Électrisation localisée, 2" édition, p. 480.
débuta dans l'enfance et qu'il considérait comme exceptionnels. Mais depuis lors il a pu en réunir une quinzaine d'observations» et la fréquence relative de cette maladie prouve, aujourd'hui, la nécessité de la diagnostiquer des autres affections musculaires de l'enfance dont la marche et le pronostic sont essentiellement différents.
Voici d'abord l'observation des malades représentés dans les figures i, 2, 3,4:
Le jeune Louis Hottmann, âgé de neuf ans (fig. 3 et 4), nous fut adressé au mois de septembre 1868 comme atteint d'une paralysie atrophique graisseuse de l'enfance. Telle fut aussi notre première impression, mais notre attention fut bientôt attirée par l'étrangeté de sa physionomie. Ses lèvres étaient très épaisses au repos, elles restaient écartées l'une de» l'autre et l'inférieure était tombante. Son orbiculaire des lèvres était immobile et il ne pouvait froncer les lèvres (voyez fig. 3) ; les autres muscles, moteurs des lèvres, avaient également perdu leur action : aussi plus d'abaissement des lèvres par les muscles carré et triangulaire des lèvres, plus de rire par les grands zy-gomatiques, ni de pleurer par les petits zygomatiques. La fara-disation ne provoquait plus la contraction de ces muscles, sa face ne présentait pas de sillons naso-labiaux (voyez fig 3), et lorsqu'il riait sa bouche était agrandie transversalement par la contraction de ses buccinateurs et ses lèvres se renversaient un peu en avant (voyez fig. 4), ce qui donnait à son rire une expression des plus singulières (ses camarades disent qu'il rit en cul de poule).
Cet ensemble de troubles dans les mouvements de la face nous donna l'idée d'une atrophie musculaire progressive de l'enfance, car nous l'avions toujours rencontrée dans cette maladie.
Voici, d'après le récit de la mère, comment s'est développée cette affection : L'enfant a marché à treize mois, et jusqu'à trois ans sa face n'offrit rien d'anormal; à cette époque elle s'altéra progressivement et prit, en quelques mois, l'expression que nous venons de décrire. A cinq ans, amaigrissement du tronc et des membres inférieurs; entre six et sept ans début de l'atrophie aux membres supérieurs. Nous n'entrerons pas dans le détail de cette observation ; qu'il nous suffise de dire que le deltoïde droit est entièrementatrophié ainsi que le grand dentelé gauche,
et que les extenseurs du rachis et de la jambe sur la cuisse sont presque détruits. Cette atrophie n'a été précédée ni de fièvre, ni de paralysie en masse d'un ou de plusieurs membres, comme dans la paralysie atrophique graisseuse de l'enfance (paralysie spinale).
Après cet examen, nous soupçonnâmes que cette affection pouvait être héréditaire. La mère nous soutint d'abord que personne, dans sa famille, n'avait été atteint d'une maladie semblable. Cependant elle déclare qu'à l'âge de treize ans elh a commencé à éprouver de la faiblesse dans l'élévation du bras, mais qu'elle ne s'en est pas préoccupée. Aujourd'hui, on constate chez elle une atrophie à des degrés divers, dans un assez grand nombre de muscles du tronc, du bras, surtout de son deltoïde et son grand dentelé droits, ce dont elle ne paraît pas se douter. On retrouve aussi chez elle de grosses lèvres (voyez fig. i) qui sont un caractère de famille, dit-elle, mais sans paralysie des orbiculaires labiaux.
Interrogée sur l'état de son fils aîné âgé de quatorze ans, représenté dans la figure 2, elle nous déclare qu'il n'offre rien de particulier et qu'il est assez fort pour être apprenti chaudronnier; mais que depuis quelques mois son bras droit s'affaiblit progressivement et qu'il éprouve de la peine à lever son marteau. Nous avons aussi constaté chez le jeune garçon une atrophie assez avancée du grand dentelé, du deltoïde droit, des deux tiers inférieurs de son grand pectoral correspondant (voyez fig. 2), et de quelques autres muscles du tronc. Enfin, pour compléter son histoire, nous ajouterons que ses lèvres sont aussi très grosses et qu'il les fronce difficilement.
Ces deux garçons ont une autre sœur âgée de vingt ans qui a échappé à leur maladie. Sa mère dit qu'elle est grande et forte, comme son père, dont elle a la ressemblance physionomique.
La figure 5 représente également une atrophie musculaire graisseuse qui, dans l'enfance, a atteint les mêmes muscles de la face et ne s'est étendue que dans l'adolescence (vers treize ans) aux membres et au tronc, où elle a détruit un grand nombre de muscles. Trois membres de sa famille avaient été atteints de la même maladie dans l'enfance : sa mère, son oncle maternel et sa grand'mère maternelle.
Nous pourrions citer encore une dizaine de cas d'atrophie de l'enfance héréditaires ou non héréditaires ; on en trouvera la
relation dans les travaux de M. Duchenne de Boulogne (i). Les observations que nous venons de donner nous paraissent présenter un tableau suffisamment exact de la maladie pour en bien résumer la description d'après lui.
En somme, l'atrophie musculaire progressive débute dans la seconde enfance (en général entre cinq et sept ans), par quelques muscles de la face (orbiculaire des lèvres, zygomatiques), à laquelle ils donnent une physionomie particulière, en grossissant les lèvres qui perdent leur mobilité et en creusant les joues, surtout pendant le rire (voyez fig. 4) ; elle n'envahit que plus tard, en général dans l'adolescence, les muscles des membres ou du tronc, en débutant par les membres supérieurs, et n'atteint les membres inférieurs qu'à une période fort avancée ; elle détruit les muscles partiellement et irrégulièrement, abolit isolément les mouvements à mesure que la fibre musculaire s'altère et produit des déformations partielles. On ne constate la diminution ou la perte de la contractilité électro-musculaire que dans les muscles dont la striation est altérée.
L'affection de l'enfance, avec laquelle l'atrophie musculaire progressive qui survient dans le jeune âge, a été confondue, même par des observateurs éclairés, dans presque tous les cas qui ont été adressés à notre examen, est la paralysie atrophique graisseuse de l'enfance, Sans entrer dans de longs détails cliniques, il nous suffira, pour les distinguer, d'établir que cette dernière affection débute par une paralysie, avec ou sans fièvre, avec ou sans convulsions, à un âge en général moins avancé que l'atrophie musculaire de l'enfance (de 15 jours à 2 et 3 ans), qu'elle est complète dans un ou plusieurs membres au début, qu'elle va ensuite en diminuant et se localisant dans un plus ou moins grand nombre de muscles ; que la contractilité électrique est affaiblie ou abolie dès la première période, bien que le tissu musculaire soit encore intact. Ajoutons qu'elle n'atteint jamais les muscles de la face, qu'elle n'est jamais héréditaire et qu'elle est évidemment produite par une lésion primitive de la moelle.
Une autre affection de l'enfance, beaucoup plus rare que la paralysie atrophique graisseuse, la paralysie pseudo-hyper-
(1) Archives générales de médecine. — Paralysie pseudo-hyper-trophique; janvier 68 et suivants.
trophique, récemment décrite par M. Duchenne de Boulogne (i), a été confondue par un pathologiste anglais, M. Edw. Mergon, avec l'atrophie musculaire de l'enfance. Sans entrer dans les détails cliniques de cette observation, il nous suffira de dire que la paralysie pseudo-hypertrophique a débuté constamment dans tous les cas observés jusqu'à ce jour par un affaiblissement des membres inférieurs et des extenseurs du rachis, qu'elle est rapidement suivie d'une augmentation de volume dans certains muscles, comme les jumeaux, les extenseurs du rachis. L'altération anatomique de la fibre musculaire dans les deux maladies est différente ; dans l'atrophie musculaire de l'enfance la fibre musculaire subit la dégénérescence granuleuse ou graisseuse et la substitution graisseuse inters-ticielle : dans la paralysie pseudo-hypertrophique le tissu con-nectif intersticiel s'hyperplasie avec production d'un tissu fibroïde abondant et de vésicules graisseuses plus ou moins nombreuses. Les faisceaux musculaires primitifs conservent en général leur striation, mais ils diminuent de volume.
Nous croyons être entrés dans des détails suffisants pour bien faire connaître l'affection curieuse décrite sous le nom d'atrophie musculaire progressive de l'enfance, dont le [diagnostic peut se lire pour ainsi dire sur la face du malade.
Dr Duchenne de Boulogne fils.
BULLETIN MENSUEL
Les communications ont été rares ce mois-ci à l'Académie de médecine, et nous ne trouvons guère, en relisant les comptes-rendus de ses séances, que le mémoire de M. Tardieu « sur l'empoisonnement par la coralline, » qui ait fait quelque bruit dans la presse médicale.
La découverte d'un nouveau poison parmi les substances
(i) Loco citato.
dont l'industrie fait usage, est si importante au point de vue de Y hygiène publique, qu'à l'imitation de la plupart de nos confrères, nous publierons les parties les plus saillantes du rapport de M. Tardieu.
i[*¥ — « Je prie l'Académie , dit le savant toxicologiste , de me permettre de l'entretenir de quelques faits récents, non encore étudiés, et qui méritent d'être signalés à l'attention publique.
« Je veux parler des accidents que peut déterminer l'emploi, dans la teinture, d'une matière colorante nouvelle, la coral-line, qui, ainsi que je m'en suis assuré expérimentalement, constitue un violent poison.
« Au mois de mai de l'année dernière (1868), bien avant que rien de pareil fût venu à ma connaissance, je fus consulté par un jeune homme de vingt-trois ans, admirablement constitué et exempt de tout vice herpétique, qui était atteint aux deux pieds d'une éruption vésiculeuse très aiguë et très douloureuse, qui, au premier abord, aurait pu être prise pour un eczéma. Mais cette éruption offrait ceci de particulier, qu'elle était exactement bornée à la partie du pied que recouvre la chaussure et qu'elle dessinait sur la peau la forme parfaitement régulière du soulier-escarpin que portait le jeune homme, comprenant ainsi la face et le bord plantaires et ne dépassant pas, sur le dos du pied, la racine des orteils.
a Le siège et la forme si particulière de l'éruption m'avaient, sur-le-champ, donné à penser que la cause en était toute locale, et je n'hésitai pas à en chercher l'origine dans la chaussure que portait le jeune homme. Il venait précisément de faire usage depuis quelques jours de chaussettes de soie rouge d'une nuance très élégante, que la mode s'apprêtait à répandre.
« Nous avons donc repris les chaussettes qui avaient déterminé les accidents observés par moi dans le cas dont j'ai parlé. Après nous être assuré qu'elles ne cédaient aucune matière so-luble à l'eau froide ou bouillante , à l'eau faiblement acidulée, ni à l'eau alcaline, nous les avons traitées par l'alcool à 85 degrés bouillant, dans lequel s'est dissoute rapidement la matière colorante rouge. Cette solution alcoolique, évaporée à siccité, nous a donné un extrait dont les propriétés vénéneuses nous ont été révélées par les expériences suivantes. La matière
colorante desséchée, redissoute dans une petite quantité d'alcool, a été injectée, à l'aide de la seringue de Pravaz, sous la peau de la cuisse d'un chien, d'un lapin et d'une grenouille. Les trois animaux sont morts.
« Une pouvait rester de doute sur les propriétés vénéneuses delà matière rouge dont le tissu de soie était teint. Mais nos recherches fussent restées incomplètes, si nous ne les avions répétées et confirmées avec la coralline elle-même (i).
« Il m'a paru curieux de pousser plus loin les investigations, de revivifier en quelque sorte la coralline, tout comme on a coutume de le faire dans la recherche médico-légale des poisons, c'est-à-dire de l'extraire, avec ses caractères distinctifs , des organes où elle avait pu être portée par absorption ; et, par un procédé très ingénieux, dû à M. Roussin, nous avons pu teindre en rouge un écheveau de soie, avec la matière colorante retirée des poumons et du foie des animaux empoisonnés. La coralline, qui avait donné lieu à l'empoisonnement, a été décelée par sa propriété caractéristique de matière tinctoriale, tout comme le sont l'atropine ou la digitaline par le pouvoir qu'elles possèdent de dilater la pupille ou d'arrêter les battements du cœur. C'est là, on en conviendra, une nouvelle application, aussi heureuse qu'inattendue, de la méthode physiologique et expérimentale que je me suis efforcé de généraliser et de poursuivre dans la recherche des poisons organiques.
« Ces expériences et les résultats si précis qu'elles ont fournis sont, si je ne m'abuse, de nature à donner l'explication la plus complète et la plus claire des faits à l'occasion desquels j'avais cru devoir les entreprendre.
« La coralline, en effet, est, à n'en pas douter, un poison d'une grande énergie. Introduite dans l'économie vivante, même à petite dose, elle peut causer la mort.
« Elle agit à la façon des poisons irritants, notamment des substances dites drastiques, de l'huile de croton tiglium par
(i) La coralline, découverte par M. Persoz fils en 1869, dérive de l'acide rosolique, lequel lui-même est un dérivé de l'acide phénique. C'est une matière solide, en paillettes, d'un rouge pivoine à reflet vert ou jaune sombre, à peu près insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et les corps gras, et qui présente tous les caractères d'un acide amidé. Jusqu'à ce jour, cette substance n'a été que fort peu exploitée en France ; les chaussettes incrimi" nées sont de fabrication et de teinture anglaises*
exemple, dont elle reproduit à la fois l'action locale sous la forme d'une éruption vésiculeuse très aiguë, et les effets généraux tels que l'inflammation du tube digestif. Absorbée et portée dans la profondeur des organes, elle y provoque d'une part la stéatose, cette dégénérescence graisseuse que produisent diverses espèces de poison, le phosphore, l'ammoniaque, l'arsenic; et, d'une autre part, elle s'y concentre, et peut en être extraite en conservant sa couleur spéciale et ses propriétés tinctoriales.
« Les accidents qu'a déterminés la coralline chez l'homme se sont bornés jusqu'ici aune affection locale fort douloureuse età quelques troubles de la santé générale, heureusement sans gravité. Mais il n'est nullement prouvé, à en juger par les effets rapidement mortels qu'elle a produits sur les animaux, qu'elle ne puisse, dans certaines circonstances, exposer l'homme lui-même à de plus sérieux dangers.
« La science possédait déjà plus d'un exemple d'accidents produits par des matières colorantes. Le vert de Schweinfurt appliqué à la coloration de certains vêtements ou de papiers de tentures, le blanc de plomb étendu sur des dentelles, d'autres substances encore avaient fait de trop nombreuses victimes. Mais, jusqu'ici, ces matières colorantes vénéneuses étaient toutes d'origine minérale, aucune matière colorante organique n'avait été signalée comme poison avant la coralline.
« Les recherches que je viens d'avoir l'honneur de soumettre à l'Académie permettraient à la fois d'en surveiller l'emploi, d'en reconnaître les effets et même d'en déceler la présence.
« La coralline appartient à une classe de corps dont le progrès incessant des arts chimiques accroît chaque jour le nombre. C'est là une preuve nouvelle de l'intérêt considérable qu'il y a pour la science de l'hygiène, et pour la médecine légale elle-même, à suivre la marche et les progrès de l'industrie, et à étudier l'influence que ses plus récentes conquêtes peuvent exercer sur la santé des hommes. »
Le Gérant, a. de montméja.
Paris. — Typ. Alcan-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
DES HOPITAUX
PLANCHE X CHANCRE PHÀGÉDÉNIQUE DU RECTUM
des
HOPITAUX DE PA RIS
Chancre phagédénique du rectum,
rétrécissement consécutif
(Hôpital de Lourcine — Service de M. Desprésj
La pièce représentée pl. X provient d'une malade qui a succombé aux suites d'un rétrécissement du rectum. Voici la première partie de l'observation telle qu'elle a été publiée dans les Archives de Médecine, n° de mars 1868.
La femme M... (Césarine), 38 ans, est entrée dans le service le 9 avril 1867, salle Saint-Bruno, n° 7, avec une fistule recto-vulvaire, et un rétrécissement et une ulcération du rectum, indépendamment de plaques muqueuses de la vulve.
Cette femme aurait eu, il y a trois ans, un chancre de l'anus traité par M. Simonet à l'hôpital de Lourcine, pendant six mois, par des pilules mercurielles ; trois ans auparavant elle avait été traitée deux mois dans le service de M. A. Guérin à l'hôpital de Lourcine pour des plaques muqueuses et avait pris quatre pilules de Belloste, chaque jour. Amaigrie, pâle et triste, la femme M... dit qu'elle n'a jamais été guérie; depuis qu'elle avait eu un abcès à la vulve, son mal avait empiré. Elle rendait du pus et quelquefois du sang avec des matières diarrhéi-ques, elle souffrait en allant à la selle depuis près d'une année ; enfin, elle avait des idées de suicide.
Voici son état : A la fourchette on trouve un peu sur le côté gauche une ulcération à bord un peu profond, entourée de callosités et d'hypertrophie éléphantiasique de la muqueuse. Cette ulcération communique largement avec le rectum. Le doigt introduit dans ce conduit sent une large perte de substance occu-
4
pant toute la paroi antérieure du rectum et la paroi latérale gauche; au-dessus de l'anus on rencontre l'orifice rectal de la fistule, puis au-dessus de celle-ci on trouve le rectum rétréci en cône. L'indicateur introduit en entier déchire des brides et arrive à peine en haut à la partie la plus étroite. Tout le canal rétréci est formé par des mamelons mous se laissant déchirer et comprenant dans leur intervalle des ulcérations irrégulières. Du pus sortait par l'anus et par la fistule pendant l'examen. Il y avait deux condylomes à l'anus et à la face interne de l'un d'eux, il y avait encore une ulcération se continuant avec celle du rectum.
Une cautérisation est faite avec un pinceau imbibé de solution saturée de chlorure de zinc porté sur tous les points du rectum qui pouvaient être atteints. Un pinceau chargé de caustique est également passé par la fistule pour cautériser toutes les parties décollées entre la vulve et le rectum. Des lavements d'extrait de ratanhia sont prescrits, des grosses mèches enduites de pommade à l'onguent de la mère sont placées pendant les vingt-quatre heures et introduites aussi haut que possible. Un régime tonique est prescrit. On donne o gr. 5o d'iodure de potassium chaque jour. Les plaques muqueuses sont cautérisées.
Des cautérisations hebdomadaires sont pratiquées comme précédemment. Les plaques muqueuses guérissent vite, l'orifice de la fistule se rétrécit et le point le plus serré du rétrécissement semble descendu, il n'est plus qu'à 8 centimètres de l'anus.
Sous l'influence de ces cautérisations, des mèches et des lavements astringents le mieux a continué. La surface interne du rectum devenait plus lisse, on sentait bien encore» des mamelons fongueux, mais le rétrécissement était devenu cylindrique. Toutefois la malade rendait toujours du pus et avait de la diarrhée persistante. Comme il n'était pas possible de parvenir à examiner au-dessus du rétrécissement, 2 lavements composés d'eau, 15o grammes, de chlorure de zinc, 2 grammes, ont été administrés à huit jours de distance ponr cautériser tout ce qui avait échappé aux premières cautérisations et les ulcérations situées au-dessus du rétrécissement. Le même jour où le premier lavement a été donné, des canules grosses comme le petit doigt, percées du bout, ont été placées pendant la nuit:
les mèches ne restant en place que plusieurs heures dans la journée. Les lavements ont causé quelques coliques.
Pendant deux mois la dilatation a été régulièrement faite, la malade gardait sa canule toute la nuit. Des cautérisations de l'ulcération, au-dessous du rétrécissement, ont amené leur gué-rison, les bords de la fistule se sont cicatrisés, c'est-à-dire que le conduit de la fistule s'est recouvert d'épithélium. Depuis que la dilatation a été commencée la malade prenait un lavement de ratanhia tous les jours.
Le 20 juillet le rétrécissement dilaté laissait écouler des matières molles et non diarrhéiques, il n'y avait presque plus de pus mêlé aux matières lorsque le mari de la malade est venu la chercher sachant qu'elle ne souffrait plus et qu'elle se trouvait mieux.
Un mois après la femme M... est revenue passer un mois dans le service, la dilatation a été reprise avec les canules et les mèches, deux cautérisations ont été pratiquées au niveau du rétrécissement sur des points qui avaient été déchirés. Le point le plus rétréci était toujours très haut, l'anus s'était renfoncé au lieu que le rétrécissement descendît. Le rétrécissement était à peu près cylindrique, l'indicateur trouvait juste sa place dans la cavité rétrécie du rectum.
La malade est sortie de l'hôpital à la fin d'août n'ayant plus que sa fistule et son rétrécissement. M. Després, ne voulant pas toucher à du tissu cicatriciel trop jeune, n'a pas tenté de fermer la fistule et a recommandé à la malade de passer sa canule dans le rétrécissement tous les jours et de prendre des lavements d'eau de feuilles de noyer toutes les fois qu'elle irait à la selle, avant et après la défécation.
Voici maintenant la suite de l'observation : Le 20 mai t868, la malade est rentrée à l'hôpital. Elle vivait chez elle dans la misère et ne pouvait pas se soigner. Depuis quatre mois le rétrécissement était reproduit ou plutôt resserré; une diarrhée rebelle avait reparu, et la malade s'épuisait par suite du défaut de soins.
Les toniques et les soins locaux ont été repris. Les lavements à l'extrait de ratanhia, 3 lavements caustiques, avec 1 gr. de chlorure de zinc, ont été repris; puis la dilatation journalière avec les canules a de nouveau amené une amélioration, les ulcérations se sont de nouveau cicatrisées; on sentait la face in
terne du rectum lisse. La malade se trouvait bien ; la diarrhée a été arrêtée et la malade reprenait ses forces. Au commencement de janvier 1869 la diarrhée a reparu, une bronchite avec fièvre est venue compliquer cet état, et à la fin de janvier une vaste escharre au sacrum, de la largeur de la paume de la main, s'est formée. En même temps la malade accusait des douleurs dans la fosse iliaque et a été prise de vomissements rebelles qui faisaient craindre une péritonite. Enfin le 9 février la malade a succombé en présentant les signes de la fièvre hectique.
A l'autopsie nous n'avons trouvé aucune lésion dans les viscères, pas de tubercules, soit dans les poumons,, soit dans le péritoine, rien au foie et aux reins; ces organes étaient seulement exsangues.
Du côté du rectum : il a été trouvé des abcès autour du rectum, gros comme une noisette, des ulcérations profondes de la muqueuse de l'S iliaque, ulcérations analogues à celles que l'on rencontre dans les cas de dyssenterie chronique, analogues à des chancres étendus. Ces ulcérations étaient isolées, seulement plusieurs d'entre elles étaient en partie cicatrisées et formaient un rétrécissement à l'union de l'S iliaque avec le rectum. C'est ce que l'on peut bien voir sur la figure pl. X.
Toute la partie inférieure de la muqueuse du rectum est transformée en tissu de cicatrices. Nulle part en ce point il n'y a d'ulcération. Même le trajet de la suture recto-vulvaire traversée par un stylet est organisé sur la photographie. L'état lisse des parties un peu colorées indique bien qu'il s'agit là d'une cicatrice composée de tissu fibreux qui s'est substitué à la muqueuse. Cette cicatrice était un peu colorée en rouge, cela tenait à ce qu'elle était vascularisée. A la partie inférieure on voit les replis de l'anus hypertrophiés primitivement ulcérés et cicatrisés actuellement, qui formaient à l'intérieur des condv-lomes.
Il n'y avait aucune continuité entre l'escharre au sacrum et le chancre rectal.
Il y a à la partie inférieure du rectum un rétrécissement étroit, c'est la cicatrice du premier chancre phagédénique, les autres cicatrices et les autres ulcérations situées plus haut paraissent être des récidives du chancre, les plus inférieures au moins, et ce sont celles qu'il était le plus difficile d'atteindre par des cautérisations directes.
DES HÎPITAUX
PLANCHE XI LIPOMES SYMÉTRIQUES
Les ulcérations supérieures, les abcès autour du rectum peuvent être rattachés à la dyssenterie finale; mais on ne saurait méconnaître que la tendance aux récidives, qui est le propre des chancres phagédéniques, a pu être pour quelque chose dans leur production.
Tout le tour de l'intestin est surchargé dégraisse, ce qui indique une inflammation chronique longtemps prolongée.
A. Després.
Lipomes symétriques
(Deux cas observés par M. le professeur Verneuil)
Les deux planches photographiques qui se rapportent à cet article représentent deux malades offrant l'un et l'autre des groupes de tumeurs remarquables autant par leur symétrie que par l'apparence lipomateuse qu'elles présentent.
Il y a quelques années, M. le professeur Verneuil appela sur les tumeurs de cette nature l'attention des chirurgiens. Jusqu'alors, elles avaient été confondues avec les lipomes dont elles présentent d'ailleurs les principaux caractères ; mais M. Verneuil, après une longue étude de leur disposition symétrique, de leur mode de développement, de leur marche et des particularités qu'elles offrent à un examen attentif, émit l'idée ingénieuse que ces tumeurs sous-cutanées pouvaient bien n'être qu'une variété de névrômes, et leur donna, à cause de l'intrication des tissus qui les composent, le nom de névrômes plexiformes que la science a conservé depuis.
Ces tumeurs ne sont pas des plus communes ; mais depuis la savante étude de M. Verneuil, les cas de ce genre, qui passaient autrefois inaperçus, ont été mieux observés ; et tous les faits réunis depuis cette époque sont venus corroborer l'opinion émise par le savant chirurgien de Lariboisière.
En lisant les observations qui suivent, l'on reconnaîtra, sans qu'il soit nécessaire d'insister ici plus longtemps, les grandes différences existant entre les lipomes et les névrômes plexiformes. La première de ces observations a été empruntée en grande partie à l'intéressante thèse récemment publiée par
M. le D1'Margerin, sur l'intéressant sujet qui nous occupe; la seconde, nous l'avons recueillie il y a peu de jours à Lari-boisière, où l'on peut voir encore le malade qui en est l'objet.
Observation I.
Au n° 4 de la salle Saint-Louis, dans le service de M. Ver-neuil, est couché M..., âgé de 65 ans, né à Saint-Florentin (Yonne). Pl. XI, fig. vue de profil.
Ses parents jouissaient d'une excellente santé ; aucun membre de leur famille n'a présenté de tumeurs analogues à celles que nous décrirons plus loin.
M... est fils unique; il est employé chez un marchand de vins. Doué d'une santé florissante, il avait pris de bonne Heure un embonpoint notable qu'aucune maladie n'est venue contrarier. Jamais il n'eut d'accidents syphilitiques.
En 183g, par conséquent à l'âge de 37 ans, deux petites tumeurs lenticulaires, aplaties, circulaires, apparurent derrière l'oreille, une à droite, l'autre à gauche. Le hasard, et non la douleur, les révéla au malade, qui s'en inquiéta assez vivement, parce qu'il y vit une menace à la perfection de ses formes physiques. Il les attribua aux efforts qu'il était obligé de faire pour porter sur sa tête des charges parfois considérables.
La peau était mobile à la surface et légèrement rougeâtre, soit naturellement, soit plutôt par suite des attouchements multipliés du malade, qui interrogeait fréquemment le développement de ces productions anormales.
Ce développement fut lent, graduel : deux ans après le début, elles avaient acquis la grosseur d'une noix.
En i85o, M... entra dans le service de M. Velpeau, à la Charité, où il fit un séjour de cinq mois, sans subir d'autre traitement que quelques applications de pommades. A sa sortie, M. Velpeau lui conseilla des emplâtres irritants, autant que j'en puis juger par la sensation qu'ils faisaient éprouver au patient. Ces emplâtres, en effet, déterminaient une douleur vive, une brûlure intolérable, amenant un larmoiement abondant qui coïncidait toujours avec une diminution rapide du volume des tumeurs. Une application avait lieu tous les quatre jours. Ce traitement fut continué pendant trois se-
maines; mais le manque de ressources pécuniaires obligea le malade à l'abandonner.
Nous sommes alors en i852. Cette même année, d'autres tumeurs apparurent, au bras droit d'abord, peu après au bras gauche. En 1858, l'épaule fut à son tour envahie,, et ces régions ont continué à se peupler depuis lors jusqu'aujourd'hui. C'est aussi en i852 que se montra la tuméfaction sous-mentale que nous aurons à décrire.
i° Groupe occipital. — Au niveau des insertions supérieures du trapèze, d'une apophyse mastoïde à l'autre, s'étend une tuméfaction transversale, la plus volumineuse que nous ayons à signaler, la première aussi dans l'ordre d'évolution. Elle est partagée en deux portions symétriques par le sillon médian de la nuque, dans lequel s'avance une traînée triangulaire, à base supérieure, de cheveux noirs. Des deux côtés, la peau est d'un blanc rosé, parsemée de quelques poils rares et courts, de sorte qu'au premier abord elle paraît avoir été rasée. Cette particularité de la peau rend plus saillantes les tumeurs qu'elle recouvre.
Prises extérieurement, les dimensions de chacune d'elles sont : o,i25mm dans le sens transversal, 0,8 de haut en bas.
Le bord supérieur n'est pas convexe comme les autres, il est légèrement concave ; disposition due sans doute aux attaches que les muscles et les aponévroses prennent sur la ligne courbe de l'occipital.
La peau n'est pas adhérente à ces tumeurs ; elle peut être déplacée à la surface^ mais néanmoins elle a perdu de sa mobilité : on ne peut que la rider et non la soulever en plis.
La tuméfaction sous-jacente n'est pas homogène, mais formée par quatre noyaux. L'un, interne et supérieur, arrondi, offre un diamètre approximatif de 5 centimètres ; un autre, inférieur et externe, présente un volume égal ; à la partie supérieure de l'espace qui les sépare est un noyau de o,3; enfin, en bas du noyau externe, mais du côté de la ligne médiane du tronc, est un noyau plus petit.
Tous sont lenticulaires, c'est-à-dire aplatis d'arrière en avant. Ils sont durs, résistants, comme fibreux, fortement appliqués contre les os, sans contracter avec eux aucune adhérence immédiate.
La disposition est identique des deux côtés, le volume seul des noyaux offre de légères différences.
2° Groupe cervical. — Il est également formé de deux autres disposés symétriquement de chaque côté de la ligne médiane. Leur bord inférieur est au niveau de la sixième vertèbre cervicale. Ils sont légèrement obliques en bas et en dehors, de forme triangulaire, à bases juxtaposées. Vers cette base, la pression indique un amas de petites tumeurs donnant la sensation de ganglions lymphatiques de volume variable depuis la grosseur d'une tête d'épingle jusqu'à celle d'une forte lentille.
Sur ces tumeurs, la peau épaissie est encore souple, mobile ; elle peut être pincée, mais ce n'est plus la mobilité normale primitive.
3° Sur le bord supérieur de l'omoplate, on trouve de chaque côté une tumeur analogue à un gros ganglion lymphatique hypertrophié. Elle est mobile en tous sens et de la grosseur d'une petite noix.
4° Le moignon de l'épaule est saillant, arrondi. On y sent en le comprimant de petites granulations riziformes qui se déplacent et fuient rapidement sous sa main.
A gauche, les grains sont plus volumineux ; quelques-uns ont la grosseur d'une petite olive.
5° Sur le bord antérieur de l'aisselle est une tumeur olivaire, excessivement mobile, mal construite : les contours se perdent dans le tissu cellulaire voisin.
La tumeur du côté gauche est plus dure et offre des caractères opposés quant à sa délimitation.
6° Groupes brachiaux. — A la région antéro-externe du oras, immédiatement au-dessous de l'attache du deltoïde, dans un diamètre de 5 centimètres environ, on constate un paquet sous-cutané formé par des noyaux de différentes grandeurs, depuis celle d'un grain de millet jusqu'à celle d'une olive. La saillie qu'ils produisent est peu accentuée, diffuse : on dirait une tuméfaction due à une exagération de volume des muscles, chez un sujet vigoureux.
L'étendue de la mobilité des noyaux peut être évaluée à i ou
2 centimètres de bas en haut. Les déplacements transversaux sont plus limités.
Ces groupes, il faut le dire, se perdent insensiblement dans les régions voisines. Ce n'est que pour la facilité des descriptions que nous les avons établis en nous basant sur la simple apparence extérieure.
La peau a sa couleur normale, mais on y voit se dessiner deux ou trois veinules d'aspect légèrement variqueux.
Les battements de l'humérale et de la radiale sont normaux dans tout leur trajet.
Les veines au pli du coude sont peu développées. Ce dernier caractère est encore plus sensible aux veines de l"avant-bras. Ici la peau est rugueuse, sèche, semée d'une multitude de petites taches hyperchromateuses.
Les articulations des premières avec les deuxièmes phalanges sont noueuses, et l'extension complète y demeure impossible.
Les ongles, secs, écailleux, cassants, sont formés de lamelles d'apparence fibro-calcaire. Ils ont perdu leur aspect corné transparent pour devenir opaques noirâtres, et ont une épaisseur d'autant plus considérable qu'on se rapproche du bord libre, où elle acquiert 2, 3 et même 4 millimètres.
Les mains sont le siège d'un eczéma professionnel sans doute; les bouteilles, on le sait, sont, chez les marchands de vin, lavées avec de l'eau chargée d'acide sulfurique.
Tous ces caractères, toutes ces particularités se retrouvent des deux côtés ; toutefois, à droite la saillie brachiale est plus accusée qu'à gauche et de volume presque double.
70 Dans le creux axillaire sur le trajet du muscle biceps, on sent à gauche une petite tumeur de la grosseur d'une noisette, mais mal limitée.
8° Groupe lombaire. — Au niveau du bord supérieur du sacrum est une saillie transversale due à une hypertrophie du tissu cellulaire sous-cutané, dans lequel on sent des noyaux très petits, peu nombreux et mollasses.
90 Groupe spinal. — Sur la partie moyenne de l'épine de l'omoplate se rencontre une tumeur aplatie à trois noyaux intérieurs de la grosseur d'une amande. Si on veut pénétrer la
structure plus intime de ces tumeurs, on y constate les mêmes particularités qu'aux bras.
io° Groupe crural. — Il simule au premier abord une tumeur formée par des vaisseaux lymphatiques hypertrophiés situés à la partie interne du triangle de Scarpa. Le toucher y distingue de petites granulations que l'on prendrait pour un amas ganglionnaire, n'était leur coïncidence avec l'existence des autres groupes que nous venons de signaler.
11° Groupe pubien. — Sur la partie supérieure du pubis, un peu au-dessus de ses épines, sont deux noyaux ovalaires, à grand axe dirigé de dehors en dedans et légèrement de haut en bas.
i2° Enfin, sous le menton est un épais repli tégumentaire qui, s'étendant d'une oreille à l'autre, où il commence en pointe, va en s'élargissant vers la partie moyenne.
La peau en est rosée et son hypertrophie entre manifestement comme partie constituante dans cette tumeur, à laquelle elle adhère fortement. On sent quelques granulations peu volumineuses, éparses et noyées dans ce repli.
Il nous reste à parler de la sensibilité de ces tumeurs. Partout la peau a conservé sa sensibilité normale : pas la moindre trace d'anesthésie ou d'hyperesthésie depuis le jour de leur apparition jusqu'à cette époque.
Vers l'année 1856 ou 1857, la vue du malade a faibli considérablement, sans aucune douleur et dans l'espace d'une journée. Sa démarche était moins assurée, il pouvait à peine lire ou écrire, de sorte que ceux qui le virent le crurent en état d'ivresse. L'œil, aujourd'hui, est assez saillant; l'iris très rétracté et peu mobile.
L'odorat est totalement aboli depuis dix ans, et il est à remarquer que cette abolition, qui a été graduelle, s'est cependant accomplie avec rapidité. Le goût persiste sans aucune altération.
La tête est le siège de fréquentes congestions qui se traduisent par des étourdissements ; l'eau froide dont le malade se sert pour faire sa toilette les active ; l'eau chaude, au contraire, les fait disparaître.
Rien à noter du côté des organes digestifs et circulatoires.
Le malade tousse depuis longtemps. Cette toux se traduit
quelquefois par des quintes d'une violence variable qui amènent l'expectoration tantôt de crachats muqueux, blanchâtres, très aérés, tantôt de crachats épais, d'un gris jaunâtre, nageant dans une grande quantité de sérosité.
L'oreille appliquée sur la poitrine perçoit à la base quelques râles sous-crépitants disséminés et très variables, joints à une faiblesse assez notable du murmure respiratoire.
La percussion indique, au contraire, une légère exagération de la sonorité dans toute l'étendue de la poitrine.
Observation II.
Le nommé L..., âgé de quarante-sept ans, néà Corbeil, est entré depuis un an dans le service de M. Verneuil, salle Saint-Louis, à Lariboisière. Il y est resté six mois, mais n'a point quitté l'hôpital, où il est employé aujourd'hui en qualité d'infirmier. — Aucun des membres de sa famille n'a été atteint d'une maladie semblable à la sienne. L..., jusqu'au début des tumeurs qu'il présente, a toujours joui d'une bonne santé. Pas d'antécédents syphilitiques. Pl. XI, fig. vue de face.
Il y a sept ans, il constata derrière les oreilles la présence de deux petites tumeurs arrondies, placées à peu près à la même hauteur de chaque côté, et dont le développement s'accomplit graduellement et sans souffrances.
L'évolution complète de ces tumeurs dura dix-huit mois environ, l'empâtement de la nuque et de la région cervicale, augmentant de jour en jour, en même temps qu'un gonflement semblable, embrassant toute la région sous-maxillaire, et formant une sorte d'épaisse cravate, à la partie antérieure du cou.
Au bout de dix-huit mois, ces accidents s'arrêtèrent, et les tumeurs développées demeurèrent stationnaires pendant une année environ. Mais, ce temps écoulé, le travail recommença et les tumeurs augmentant encore de volume, acquirent bientôt un développement double de celui qu'elles offrent aujourd'hui. Le malade, ne souffrant pas, ne s'inquiétait pas outre mesure et ne suivait aucun traitement. Mais plus tard d'autres tumeurs s'étant montrées à la base du cou, dans la région sus-claviculaire, au niveau de l'extrémité gauche de la fourchette sternale, et dans le pli de l'aine, il se décida alors à entrer à l'hôpital.
A ce moment, toutes ces tumeurs sur lesquelles la peau était d'ailleurs très mobile, et seulement un peu rougeàtre, formaient un énorme empâtement, surtout derrière la nuque et sous le menton. Elles présentaient à l'occiput cette forme bi-lobée très visible sur les épreuves photographiques qui accompagnent cette observation; et de plus elles étaient remarquables par une grande dureté qui depuis ce temps a presque disparu.
Comme dans le cas précédent, il est possible de classer ces tumeurs en plusieurs groupes distincts :
i° Groupe occipital. Les tumeurs occupent toute la région occipitale, nettement limitées par leur bord supérieur, concave à sa partie moyenne, elles se confondent, en bas, avec l'empâtement de la région cervicale. La peau qui les couvre présente un aspect violacé ; ell.e est mobile, lâche, parsemée de cheveux rares et courts. Au toucher, on sent une tumeur généralement molle, sans indurations distinctes.
2° Groupe sous-maxillaire. Depuis l'angle de la mâchoire, où elles se confondent avec l'empâtement de la région cervicale, les tumeurs sous-maxillaires et sous-mentales forment un épais bourrelet sur les parties antéro-latérales du cou. La peau qu'elles soulèvent semble plus' normale qu'à la région occipitale. Elle est aussi plus souple; et les tumeurs sous-jacentes, partout à peu près homogènes, sont aussi dans un état d'amollissement plus prononcé que celles du groupe précédent.
3° Région cervicale. De la base de l'occipital jusqu'au niveau de la sixième on septième vertèbre cervicale, s'étend un autre groupe de tumeurs, maintenant amollies, qui, sans ligne de démarcation distincte, se confondent en haut avec le groupe occipital, et sur les côtés avec le groupe sous-maxillaire. La peau un peu violacée ne présente en cet endroit aucune autre particularité. On peut rattacher au groupe cervical les deux petites tumeurs de la région sus-claviculaire, et celle qui se trouve au niveau de l'extrémité supérieure du sternum. Les caractères de ces dernières, de même que ceux des deux tumeurs inguinales, moins importantes encore, ne diffèrent d'ailleurs en rien des caractères généraux que nous avons énumérés tout à l'heure.
des Hôpitaux
PLANCHE XII MOLLUSCUM PENDULUM
Le malade affirme n'avoir jamais eu de maladies cutanées. Ses ongles ont toujours été très sains.
M. Verneuil lui a fait prendre de l'iodure de potassium ; sous l'influence de ce traitement l'amollissement des tumeurs a commencé ; depuis six mois le malade a quitté le, service, et l'amélioration produite se poursuit lentement.
Molluscum pendulum
Le molluscum que l'on range, de nos jours, dans la classe des fibromes, est une maladie de la peau caractérisée par des tubercules répandus sur divers points de la peau, principalement dans les régions du cou, du périnée aux grandes lèvres chez la femme, et sur le tronc.
Ces tubercules, plus ou moins nombreux, dont les dimensions varient depuis celle d'un pois jusqu'à celle d'un œuf de pigeon, sont tantôt arrondis, globuleux, aplatis irrégulièrement avec une base assez large, c'est là une variété des plus communes, le molluscum simplex, dont un bel exemple se trouve représenté dans l'iconographie sur les maladies de la peau, par MM. Hardy et de Montméja. Quelquefois en se développant ils forment une tumeur plus ou moins pédiculée faisant corps avec le derme cutané, et dont le volume peut devenir très considérable, c'est là une variété que nous désignerons sous le nom de molluscum pendulum, qui est représenté dans la pl. XII.
Cette tumeur existait à la cuisse, chez une femme âgée de soixante-six ans : elle avait fait son apparition vers l'âge de treize ans : cette femme avait eu dix-sept enfants, sans songer à faire enlever sa tumeur ; elle se décida enfin, et l'opération fut pratiquée à l'hôpital Saint-Louis, au moyen d'un serre-nœud qui détacha facilement la tumeur sans qu'il y eût d'hémor-rhagie. Dans les derniers temps, le frottement de la tumeur contre les vêtements avait fait survenir deux ulcérations représentées dans la photographie.
La première variété, le molluscum simplex, par le peu de
développement de ses tumeurs multiples sur des régions localisées du corps, rentre tout à fait dans le cadre des maladies de la peau. La seconde variété, au contraire, le molluscum pen-dulum, par sa marche lente, et son accroissement souvent excessif, rentre tout à fait dans la classe des tumeurs.
Le fibrome molluscum pendulum est une tumeur en général indolente, très lente à se développer, qui met toujours cinq à dix ans pour acquérir le volume d'une tumeur plus ou moins considérable.
M. Vaugette a présenté, à la Société de chirurgie, un remarquable exemple de molluscum multiples chez une femme : deux tumeurs, situées à la région lombaire, avaient acquis, en cinq ans, le volume d'un poing.
M. Nélaton a vu une de ces tumeurs pédiculées parvenir, en huit ou dix années, au poids de douze kilogrammes.
Ces tumeurs sont molles, donnant quelquefois la sensation de la consistance d'une mamelle, la peau amincie en des points ou ridée est quelquefois recouverte de poils. La tumeur a une forme arrondie, mais qui subit des modifications suivant son siège, sa situation. Ainsi, à la vulve, la tumeur est allongée ou ovoïde, au dos elle est aplatie.
On conçoit, en effet, que des tumeurs, si lentes à se développer et si indolentes, puissent permettre aux malades de se coucher dessus et d'y éprouver, sans dommage, des phénomènes de compression.
Des vaisseaux veineux se dessinent sur la tumeur, et lui donnent une coloration violacée. Quelquefois il y a un suintement et de la rougeur sur la surface delà tumeur, comme dans notre exemple de la planche XII : ce signe indique surtout une période inflammatoire du molluscum.
MM. Heylaud et Virchow ont constaté, ainsi que M. Nélaton, que dans le cours du développement de la tumeur, il y avait des poussées inflammatoires, des périodes de douleurs analogues à celles qui existent dans l'éléphantiasis. Aussi cette tumeur a-t-elle été appelée, d'un commun accord, en France et à l'étranger, molluscum éléphantiasique. La figure suivante, empruntée à l'excellent traité du diagnostic des tumeurs de M. A. Després(p. 33o), nous offre un très bel exemple de fibrome molluscum éléphantiasis pédicule de la grande
lèvre observé chez une femme qui avait ce mal depuis de longues années, et qui ne s'en était fait débarrasser que parce qu'elle en éprouvait de la gêne.
Le molluscum pendulum ne peut être confondu qu'avec un lipome ou un kyste. Il y a, entre le lipome et le molluscum, cette différence symptomatique que le lipome, même volumineux, est toujours lobule, tandis que le molluscum est régulièrement mou.
Un bon moyen de reconnaître la nature de ces tumeurs, consiste à examiner le tronc et à chercher ailleurs de petits molluscum ; s'il en existe, et si la tumeur principale a mis des années à acquérir le volume qu'elle a, le diagnostic est confirmé. Des ramollissements, des kystes, des bourses séreuses périphériques peuvent exister à l'intérieur et autour d'un molluscum, mais cela ne peut induire en erreur. Les kystes sont petits et les ramollissements ne sont pas assez étendus pour tromper.
Lorsque ces tumeurs ont acquis un volume trop considérable, ou qu'elles gênent trop le malade par leur situation, on
les détruit en sectionnant le pédicule par les caustiques, le bistouri ou la ligature.
L'opération la plus sûre se pratique au moyen du serre-nœud métallique, qui détruit le pédicule en oblitérant les vaisseaux veineux et artériels quelquefois assez volumineux qu'il renferme.
L. G.
BULLETIN MENSUEL
M. Vasseur, l'habile naturaliste de la rue de l'École-de-Mé-decine, vient de faire don au musée de l'hôpital Saint-Louis, d'une tête en cire représentant une forme rare de syphilide végétante recueillie dans le service de M. le docteur Hillairet. — Cette pièce, par sa perfection et par la richesse du cas pathologique qu'elle représente, est incontestablement une des plus remarquables parmi celles que possède déjà la collection de l'hôpital.
On trouve aussi dans la galerie du musée une série d'aquarelles offertes par M. le professeur Bazin, et exécutées par Bion, sous la direction et le contrôle du savant maître. Ces aquarelles forment un recueil de cas types ou anormaux des principales affections cutanées, et leur ensemble constitue un chef-d'œuvre d'art et de vérité que rien ne saurait dépasser en perfection.
Parmi ces planches il en est quelques-unes dont la ressemblance avec la nature ferait le désespoir des modeleurs : il nous suffit de signaler une ichthyose du bras qui fera l'objet d'une légitime admiration de la part de ceux de nos confrères qui seront appelés à en juger.
Nous saisissons avec un empressement d'autant plus grand cette occasion de rendre hommage à la riche collection de M. Bazin, qu'il n'a pas été fait, jusqu'à ce jour, mention de l'œuvre de ce savant professeur soit dans les colonnes des journaux, soit encore dans le sein des sociétés savantes.
Le Gérant, a. de montméja.
9o33 —Paris. Typ. Alcan-Lévy, boulevard de Clichy, 6i.
DES HOPITAUX
PLANCHE XIII SYPHILIDE PIGMENTAIRE
des
HOPITAUX DE PARIS
Syphilide pigmentaire modifiée par la grossesse
Par le docteur Guibout, médecin de l'hôpital Saint-Louis,
Sous l'influence de la syphilis comme pendant le cours de la grossesse, on voit se produire quelquefois une pigmentation spéciale de certaines parties des téguments : les taches produites par cette pigmentation ont reçu la dénomination d'éphé-lides.
M. Hardy a classé parmi les syphilides les taches pigmen-taires qui. chez les sujets vénériens, affectent des dispositions spéciales et leur a donné le nom de syphilides pigmentaires. — Tous les dermatologistes n'ont pas admis cette innovation, attendu que la pigmentation syphilitique, phénomène intermédiaire ¿1 la seconde et à la première période de la syphilis, ne cède jamais au traitement spécifique. La pigmentation dont il s'agit peut être comprise dans le cadre des syphilides de la même manière que les végétations dont l'apparition se fait le plus souvent, sinon toujours, chez des sujets atteints de syphilis; l'une et l'autre affection se montrent rebelles au traitement mereuriel.
La syphilide pigmentaire est une forme spéciale qu'il ne faut pas confondre avec les taches ou macules qui succèdent à presque toutes les éruptions syphilitiques. La syphilide pigmentaire apparaît seule ou conjointement avec d'autres manifestations de la période secondaire ou intermédiaire. Elle est caractérisée par des taches peu accentuées en général, de couleur jaunâtre ou grisâtre, et séparées entre elles par des plaques, dont lablan-cheur contraste avec celle des téguments. Les taches pigmentaires se forment aux dépens du pigment qui occupait les plaques restées décolorées, et ces dernières sont d'autant plus
marquées que les premières sont çHes~mêmes plus apparentes. Ces taches ne font aucune saillie.
Cette affection siège ordinairement au cou et sur la poitrine, sur la face interne des bras ; il est rare de l'observer dans d'autres régions du corps, et le cas que représente la planche XIII doit être considéré comme un fait très exceptionnel, non-seulement à cause du siège de la lésion, mais encore par la forte coloration des taches. Ici, en effet, l'intervention d'une grossesse chez une femme syphilitique a tellement modifié la forme de syphilide qui nous occupe, qu'on ne retrouve plus les caractères classiques principaux dont nous avons parlé. Chez cette femme, la pigmentation était très forte et offrait partout la nuance dont se colore l'aréole du sein chez les femmes brunes, pendant l'état puerpéral. Ces taches s'affaiblirent en quelques semaines, et leur disparition était à peu près complète lorsque la malade quitta mon service. Le traitement spécifique auquel elle fut soumise durant son séjour à l'hôpital s'adressait surtout à des plaques muqueuses, et l'on ne peut attribuer à l'efficacité du traitement la modification des taches pigmen-taires. Ces dernières ont, en général, une durée assez irrégulière, et on les voit disparaître au bout de cinq ou six semaines, tandis qu'on les voit aussi se prolonger pendant plusieurs mois et même toujours, d'après quelques auteurs.
Le diagnostic de syphilide pigmentaire est ordinairement facile à établir : le siège des taches, le défaut de saillie et l'absence de démangeaisons sont suffisants pour ne point confondre cette affection avec le pityriasis versicolore, chez lequel le microscope fait, en outre, retrouver un parasite végétal. Le pityriasis versicolore tend à se propager, tandis que la pigmentation syphilitique demeure stationnaire ; le pityriasis affecte une coloration plus franchement jaune que celle de la syphilide pigmentaire; les antécédents enfin, et les faits concomitants peuvent, dans les cas douteux, éclairer le diagnostic.
Les éphélides dont le siège de prédilection est le front ou les autres parties du visage, régions que ne recherche pas la syphilide pigmentaire, peuvent ressembler beaucoup à cette dernière quant à la coloration, mais nous ne pensons pas que le doute puisse jamais mériter une recherche des antécédents ou celle de phénomènes concomitants.
E. Guibout.
DES HOPITAUX
PLANCHE XIV DÉVELOPPEMENT INCOMPLET DU BRAS
Développement incomplet d'un bras
Par le docteur de Montméja père.
Le cas dont nous allons retracer l'histoire nous a été fourni par une jeune fille de vingt ans, née dans l'arrondissement de Sarlat (Dordogne).Cette fille, parfaitement conformée d'ailleurs, jouit de tous les apanages d'une forte constitution, son bras gauche seul est le siège d'un arrêt de développement remarquable. Le bras proprement dit existe dans son entier et possède tous les mouvements qui lui sont transmis par les muscles qui s'insèrent à l'extrémité supérieure de l'humérus. Ces muscles offrent un volume égal à celui qu'ils doivent posséder normalement; les muscles propres du bras, se rendant à l'avant-bras, sont le siège d'une atrophie partielle : l'humérus garde une configuration normale jusqu'au voisinage des condyles ; là on sent encore la trace de ces apophyses, mais l'os paraît se terminer d'une manière brusque par un léger renflement ainsi qu'on peut en rencontrer sur des moignons anciens, suites d'amputations dans la continuité des os. Le bras se termine par un moignon parfaitement arrondi; ce moignon paraît composé de l'extrémité numérale recouverte par un tissu cellulo-fibreux assez dense; les muscles du bras lui impriment quelques légers mouvements.
Sur la face antérieure de ce moignon dont les téguments n'offrent aucune trace de raphé, et à trois centimètres environ de son extrémité se trouve un petit organe rudimentaire qui, malgré ses petites dimensions, permet de reconnaître tous les détails d'une main. Cet organe, que la pression exercée par les vêtements a fait s'enfoncer dans une sorte de cupule, est élastique, ce qui permet de l'attirer au dehors et de voir le mode d'implantation de cette petite main. Le poignet, le carpe, les doigts au nombre de cinq, rien n'y manque. Laisse-t-on retomber l'organe, il se replace de lui-même dans sa loge et reprend l'aspect qu'on lui voit sur la planche qui accompagne cette description; la main dans sa cupule conique figure assez bien une des grosses papilles caliciformes de la langue, et le pourtour de la cupule offre des dépressions tégumentaires semblables à un pavillon d'oreille.
Les doigts de la petite main dont nous venons de parler sont courts et globuleux; ainsi que la main elle-même, ils sont doués d'une sensibilité un peu obtuse, mais ils vivent dans une privation complète de mouvements volontaires. La température de toute la région est inférieure à celle du reste du corps et le bras tout entier se montre très fâcheusement impressionné par le moindre froid extérieur.
Malgré l'arrêt de développement que nous venons de décrire la jeune fille qui en est l'objet a su, sous l'influence de la nécessité, compenser ce qu'elle avait de défectueux dans ses moyens d'agir, par une adresse remarquable dans le jeu de sa main droite. Elle vaque aux travaux des champs et pratique sans difficulté les petits ouvrages de main, peu délicats il est vrai, qui peuvent incomber à une femme dans une famille d'agriculteurs.
Hypospadias
Par le docteur Rochard, professeur libre de dermatologie à Paris.
Toutes les fois que le canal de l'urètre de l'homme, au lieu de se prolonger dans l'épaisseur du pénis jusqu'à son extrémité, vient s'ouvrir à la base du gland ou dans un point quelconque de la partie spongieuse qui en est plus ou moins éloignée, toutes les fois que cette anomalie existe, il y a des hypospadias.
Quand le méat urinaire occupe un point quelconque de la face dorsale de la verge, il y a epispadias.
Dans l'épispadias, l'urètre n'est pas fermé à sa partie supérieure; mais cette imperfection n'est que le résultat du vice congénital principal, c'est-à-dire de l'arrêt de développement qui a empêché les corps caverneux de se réunir. L'épispadias est la fissure des corps caverneux, l'hvpospadias est la fissure des corps spongieux de l'urètre.
M. Adolphe Richard, qui émet cette opinion, ne tient pas compte de la situation anormale de l'orifice urinaire. Les deux vices de conformation qui constituent l'épispadias et 1'hypospadias, ne sont pour lui que le défaut de réunion ou des corps caverneux ou des corps spongieux du pénis.
L'épispadias coïncide le plus souvent avec l'exstrophic de la
DES HOPITA U X
PLANCHE XV IIY P 0 S P A I) I A S
vessie, récartement des corps caverneux et du pubis, de même qu'on rencontre fréquemment dans l'hypospadias la disjonction des corps spongieux. De là, on a conclu que l'épispadias n'était qu'un degré d'exstrophie de la vessie, et que tout écarte-ment des corps spongieux constituait un hypospadias.
M. Bouisson a écrit sur ce dernier un mémoire très complet dans lequel se trouve la définition suivante : l'hypospadias est une difformité congénitale des organes sexuels de l'homme, consistant dans la brièveté relative du canal de l'urètre, la division ou l'absence de sa paroi inférieure, de telle sorte que ce canal s'ouvre à une distance variable de l'extrémité du gland et au-dessous du pénis. — On retrouvera dans l'excellente thèse de M. Guyon sur les vices de conformation de l'urètre chez l'homme, une note qui résume tous les travaux faits sur cette matière depuis Galien jusqu'à nos jours.
Le cas que représente la planche XV est un hypospadias compliqué de bifidité du scrotum, forme rare, dont il existe un petit nombre d'observations. Le scrotum est divisé jusqu'au périnée et il existe un raphé du bord antérieur de l'anus à l'espace interscrotal. A partir de ce point on voit un sillon recouvert d'une membrane muqueuse, sillon qui se continue jusqu'au gland ; chez ce dernier, le méat urinaire est remplacé par une dépression imperforée offrant l'aspect d'un méat normal. Ce sillon, lorsque la verge est relevée, comme le montre la photographie, est limité à droite et à gauche par deux replis mu-queux analogues aux petites lèvres d'une vulve; ces replis sont froncés comme des collerettes et vont se confondre, à la base du gland, avec les éléments de prépuce qui n'existe que dans la moitié de la circonférence de l'organe. Dans le sillon médian que nous avons décrit, et à trois centimètres environ de la base du gland, réside un petit tubercule analogue à un clitoris, ce qui explique comment le porteur de cette difformité a été pris pour un hermaphrodite. Ce tubercule se relie au gland par deux freins et présente un orifice qui n'est autre que celui de l'urètre.
La verge possède, à l'état de repos, une longueur de six centimètres qui se porte à seize pendant l'érection.
L'homme qui fait le sujet de cette observation a deux frères conformés comme lui; deux de ses neveux sont atteints de la même difformité. Aucun d'eux n'a réclamé les secours de l'art.
et celui dont nous publions une photographie est devenu père de famille sans avoir jamais éprouvé la nécessité de recourir à une urétroplastie.
De la prostitution dans la ville de Paris, dans ses rapports avec la propagation des maladies vénériennes.
Sous ce titre, les journaux spéciaux ont analysé comme il suit un important mémoire de M. L. Lefort, lu à l'une des dernières séances de l'Académie de médecine :
Chirurgien de l'hôpital du Midi en 1866 et 1867, M. Léon Le Fort a cherché à mettre à profit, pour l'étude de quelques questions de pathologie spéciale, les ressources nombreuses qu'offre à l'observation l'hôpital des Vénériens; car, en dix-sept mois, du ier février 1866 au 3o juin 1867, 1,824 malades avaient été traités dans son service, et 12,889 consultations avaient été données au traitement externe. Chacun des malades qui s'y présentait recevait un numéro d'ordre qui correspondait à une fiche sur laquelle étaient relatées les particularités de la maladie et du traitement; il était ainsi facile, lorsque le malade se représentait, de continuer l'histoire de la maladie; c'est sur 4,987 de ces observations qu'est basé le travail de M. Léon Le Fort. Dans une partie de son travail, l'auteur a recherché quelle était la durée de l'incubation de la blennorrha-gie, et des chancres simples et syphilitiques; quelle était la fréquence, l'époque de l'apparition de l'orchite et de ses rapports avec le traitement de la blennorrhagie; la fréquence relative des chancres mous et indurés, des chancres uniques et multiples, etc. La partie lue à l'Académie constitue en quelque sorte un mémoire particulier sur la prostitution dans ses rapports avec la propagation des maladies vénériennes.
L'auteur montre d'abord combien de causes d'erreurs subsistent quand on cherche à savoir à quelle source la maladie a été puisée; le malade a eu des rapports à des intervalles rapprochés avec plusieurs femmes ; si parmi elles se trouve une fille de maison de tolérance, c'est presque toujours celle-là qu'il accuse; quelques-uns ont intérêt à cacher la vérité lorsqu'ils peuvent croire que leurs réponses ont pour but de permettre
au bureau des mœurs de rechercher la femme qui les a contaminés. C'est ainsi que dans 146 cas dans lesquels l'autorité militaire, du ier janvier au 3i juillet 1867, a signalé à la préfecture les femmes dénoncées par les soldats malades, déclaration qui leur est imposée, 46 seulement furen trouvées malades, 58, dénoncées à tort, furent trouvées saines, les autres ne furent pas retrouvées.
« La portée de ce travail, dit M. Léon Le Fort, est affaiblie de nombreuses causes d'erreur q\ie les soins les plus minutieux ne pouvaient éviter. Ce que je puis dire, c'est que, prévenu de ces difficultés, j'ai cherché autant que possible à les surmonter; je n'ai accepté comme certains ou infiniment probables que les faits qui m'ont paru tels, car la sincérité et l'exactitude peuvent seules donner quelque valeur à un travail scientifique. »
L'auteur recherche quelle part ont prises dans la propagation des maladies observées chez ses malades : in la femme légitime et la concubine; la maîtresse ou la simple connaissance (coït non rétribué); 3° les filles rencontrées dans les bals publics; 40 les filles rencontrées sur la voie publique (coït rétribué); les filles de maisons de tolérance.
Si l'on étudie pour chaque classe de maladies vénériennes la part de catégories, on voit que la blennorrhagie, relativement rare du fait de fille de maison de tolérance (un cinquième des cas), est fréquemment contractée (un tiers des cas) avec des femmes n'exerçant pas la prostitution. L'égalité entre ces deux catégories existe à peu près pour les chancres mous ou syphilitiques. Quant aux filles qui fréquentent les bals publics, aux prostituées clandestines, leur nocuité est démontrée par ce fait qu'elles ont donné la t moitié des blennorrhagies, les trois quarts des chancres mous, les deux tiers des syphilis.
M. Léon Le Fort étudie ensuite chacune des catégories en particulier. Les femmes légitimes figurent pour trois cas de chancres mous, neuf cas de syphilis, soixante-trois cas de blennorrhagie. En recherchant si la profession exercée par le malade pouvait, en se tenant plus ou moins éloigné de son domicile, avoir quelque influence sur la fréquence de cet accident, on voit que la profession qui figure pour le chiffre le plus élevé (9) est celle d'ouvrier boulanger; les ouvriers ne travaillent que la nuit et presque toujours hors de leur domicile.
Les maîtresses ou les simples connaissances (coït non rétribué) ont donné 576 uréthrites, 82 chancres mous, 171 chancres suivis de syphilis, en totalité 829 cas de maladie vénérienne. Dans 616 cas, la profession de la femme était connue du malade. Les bonnes ou domestiques de maisons particulières sont celles qui figurent le plus souvent (109); viennent ensuite par ordre de fréquence : les couturières (79), les blanchisseuses (64). Autant qu'on peut s'en rapporter au dire du malade, 44 fois la maladie aurait été contractée dans des relations adultères avec des femmes vivant avec leur mari. Il y aurait eu de ce chef : 25 uréthrites, 5 cas de chancres mous, 14 cas de svphilis.
Les femmes rencontrées dans les bals publics peuvent toutes être regardées comme exerçant la prostitution clandestine. Le nombre des cas de maladie prise à cette source est de 541 : l'auteur les a résumés dans un tableau renfermant, classés par arrondissement municipal, le nom de chaque établissement et le chiffre des blennorrhagies, chancres, etc., qui appartient à chacun d'eux.
Le 20e arrondissement (Belleville, Ménilmontant) est celui qui a fourni le contingent le plus nombreux. Les bals qui ont
fourni le plus de cas sont le bal F..... (32), l'Elysée M..... et
le bal Bo... (26). Le bal que fréquente le plus la jeunesse de nos écoles n'a amené à la consultation officielle de l'hôpital que 24 malades; mais il présente cette particularité fâcheuse, que c'est celui qui a fourni la plus forte proportion de cas de syphilis constitutionnelle. Presque tous les bals de Paris figurent dans ces relevés, et tous, dit M. Le Fort, y figureraient si quelques-uns, comme le bal de Mab..., n'étaient pas pécuniairement hors de la portée de nos malades.
Les femmes exerçant isolément ou clandestinement la prostitution sur la voie pub lique ont donné 1,761 cas de maladie vénérienne. Si l'on classe les femmes suivant le lieu de stationnement; on voit que les endroits qui ont fourni le plus de cas de contagion sont : les environs de l'École militaire, de l'Hôtel de Ville, du Palais-Royal, de la rue Montmartre et des Halles.
Les maisons de tolérance ont amené à l'hôpital 080 malades, celles qui ont fourni le plus grand nombre de cas de contagion sont celles qui sont situées aux environs ''Kcole militaire,
de la rue Saint-Denis, de la place Maubert, de la barrière d'Italie, Ici encore des raisons pécuniaires expliquent, comme pour les bals, l'absence dans les relevés de certains établissements.
En résumé, ces recherches montrent que la prostitution clandestine est plus dangereuse, puisqu'elle a donné 2,3o2 cas de maladie sur 4,070 malades de l'hôpital du Midi. Des documents intéressants communiqués à M. Le Fort par M. Lecour, chef du bureau des mœurs, donnent une preuve évidente de sa nocuité. Du iel' janvier t 861 au 3i décembre 1866, pendant une période de six années, 13,818 femmes arrêtées pour fait de prostitution clandestine, ont présenté 3,725 cas de maladies vénériennes; sur 2,3o3 arrêtées et visitées annuellement, on trouva 1 femme sur 3, tandis que sur les 3,85o filles publiques enregistrées, on ne trouva dans la même période qu'une malade sur 7. Mais il y a de plus cette différence considérable, que toute fille enregistrée trouvée malade est envoyée à Saint-Lazare, tandis que les prostituées clandestines, atteintes de maladies vénériennes, continuent à les communiquer, puisqu'elles continuent le triste métier qui les fait vivre.
La visite préalable des hommes, conseillée jadis par MM. Ricord et Diday, des visites sanitaires plus fréquentes, peuvent diminuer notablement le nombre deseas de maladies contractées dans les maisons de tolérance ; mais il importe de porter un remède énergique aux ravages de la prostitution clandestine.
M. Le Fort jette un rapide coup d'œil sur l'organisation de la prostitution réglementée. Au 20 août 1867, le nombre des filles isolées était de 2,5q5, celui des filles de maison de i,3o6. réparties dans 165 maisons de tolérance. Le nombre des prostituées clandestines est évalué par M. Lecour, chef du bureau des mœurs, à 3o,ooo environ.
Le nombre de maisons de tolérance va sans cesse en diminuant : De 233 pendant la période de 1840 à 1845, il n'est plus que de 212 de i85t à 1855, et de 165 en -1867. Le chiffre des filles suit une décroissance analogue : de 1,976 en 1857, il n'est plus, en 1867, que de i,3o6. Cette décroissance dont l'auteur étudie les causes est une chose fâcheuse, car elle coïncide avec un accroissement formidable du nombre des prostituées clandestines, lesquelles échappent aux visites sani
taires. M. Le Fort croit indispensable et possible d'interdire aux filles inscrites d'aller sur la voie publique (avec l'autorisation de la préfecture), depuis la chute du jour jusqu'à onze heures du soir, à la recherche de clients. Outre que cette autorisation place sous les regards de tous le honteux spectacle de la prostitution, elle provoque à la débauche bien des individus qui seraient rentrés paisiblement chez eux, et bien des jeunes gens qui n'auraient pas osé se rendre dans une maison de tolérance s'ils n'avaient été exposés aux sollicitations des filles qui promènent sur les trottoirs de la capitale leurs provocations et leurs toilettes significatives.
L'extension de la prostitution tient à des causes nombreuses et soulève de graves problèmes d'économie sociale. Du côté de la femme, l'insuffisance des salaires, l'interdiction de la recherche de la paternité, le besoin du luxe, l'indulgence et même la sympathie malsaine que la littérature et le théâtre étalent de nos jours à l'égard du libertinage et même de la débauche payée. Du côté de l'homme, le célibat forcé qu'impose la conscription, les retards de toute espèce apportés au mariage, le relâchement des mœurs, et par-dessus tout la transformation matérielle et morale d'une ville qui, longtemps le cerveau du monde, devient de plus en plus le rendez-vous des nomades du plaisir ; tout cela a fait arriver la prostitution à Paris à un degré inquiétant pour la santé et aussi pour la moralité publique.
Restreindre la prostitution clandestine est un problème que l'administration poursuit au prix des plus grands et des plus louables efforts ; et on ne peut lui rendre la justice qui lui est due qu'en se rendant compte des difficultés extrêmes qu'elle rencontre. Il faut d'abord procéder à une arrestation, chose toujours très délicate, car il faut le flagrant délit, et il est souvent difficile de savoir où cesse le libertinage, où commence la prostitution. Il faut à tout prix éviter une erreur, ne fût-elle qu'apparente; car même dans ce cas on excite le soulèvement d'une partie de l'opinion publique, sympathique ou du moins indulgente pour la prostitution, quand elle s'exerce en dehors des maisons de tolérance, ou pour peu qu'elle se déguise sous la forme de mœurs élégamment faciles.
Les difficultés ne cessent pas alors même que l'arrestation a ,été légitimement opérée, et même lorsqu'il y a récidive. La plupart des prostituées étant mineures, l'administration se
heurte à l'autorité paternelle, qui s'oppose à l'inscription. Sur les 13,818 femmes arrêtées, 1,549 ont Pu être enregistrées, 7,277 ont été réclamées par leur famille. Il faudrait se féliciter de ce résultat, si l'intervention paternelle avait pour but de rendre la jeune fille au travail honnête ; mais, presque toujours, le seul but est d'empêcher l'inscription, afin de permettre à la fille de continuer librement à se livrer à la prostitution.
M. Le Fort croit que le remède peut seulement être trouvé dans une loi spéciale qui, avec la sanction publique des tribunaux, rendrait l'autorité paternelle pécuniairement responsable, ou en restreindrait les droits lorsqu'il s'agirait d'une fille se livrant notoirement à la prostitution et arrêtée pour fait de récidive. Il y a là une question de salut pour la santé publique. En dix-sept mois, 32,814 consultations ont été données par M. Le Fort et ses deux collègues à l'hôpital du Midi.
Malgré son salutaire et profond respect pour la liberté individuelle, l'Angleterre n'a pas craint de la restreindre pour ce qui concerne la prostitution. Par une loi promulguée le i3 septembre 1866, sous le titre de : Loi sur les maladies contagieuses, l'Angleterre donne aux tribunaux, après débat public et avec les garanties dont elle entoure tous les citoyens, le droit de soumettre à des visites médicales pendant un temps qui, sauf nouveau jugement, ne peut excéder une année, toute femme accusée de se livrer notoirement et habituellement à la prostitution.
Cette loi ne s'applique encore qu'aux villes de garnison et aux ports de guerre de Portsmouth, Devonport, Woolwich, Chatam, Sherness, Adhenhot, Windsor, Colchester, Shorn-cliffe, the Curragh, Cork, Queenstown ; mais il est probable que, d'après le vœu exprimé par presque toute la presse scientifique anglaise, elle sera avant peu appliquée à toute l'Angleterre, car elle a produit des résultats tels que, dans une seule année, et pour Plymouth par exemple, la proportion des cas de maladies vénériennes dans la marine royale est descendue de 7 p. 100 à 2 p. 100.
L'administration française a mis depuis longtemps en pratique les visites préventives ; c'est de Paris que sont sortis tous les progrès faits à l'étranger dans l'étude de cette question si ingrate et si difficile ; il faut savoir rendre justice aux efforts que ne cesse de faire le service spécial connu sous le nom de
bureau des mœurs. Malheureusement, faute d'une loi spéciale qui enlève aux prostituées clandestines mineures, c'est-à-dire au plus grand nombre, la protection dont les couvre l'autorité paternelle, faute d'une loi qui, pour les autres, vienne, en étendant dans de justes limites le délit d'excitation à la débauche, substituer à la répression pénale des mesures administratives et des visites médicales, la prostitution clandestine ne pourrait être efficacement atteinte aujourd'hui que par des mesures arbitraires, et Ton ne saurait blâmer l'administration de préférer sur ce point, à l'arbitraire, la stricte application de la loi.
BULLETIN MENSUEL
Traitement de l'épilepsie, par le docteur Legrand du Saulle.— Après une série d'expériences très concluantes sur les bons effets du bromure de potassium dans l'épilepsie, M. le docteur Legrand du Saulle vient de publier sur ce sujet, un important mémoire dont voici les conclusions :
i° L'épilepsie se traduit très souvent, à son début, par des malaises insidieux (étourdissements, vertiges, absences, crampes, spasmes., incontinence d'urine) dont la signification pathologique véritable est méconnue. On n'oppose par conséquent, à ces malaises, aucun traitement rationnel.
2° Ces phénomènes initiaux se manifestent toujours d'une manière identique. Ils constituent à eux seuls l'accès incomplet, ou petit mal, et ils reproduisent en raccourci l'image exacte du commencement de l'attaque, ou grand mal.
3° Une fois que l'habitude convulsive est contractée, les crises se renouvellent sans cause appréciable et en vertu d'une sorte de routine. Dans «les cas où la rétrocession morbide s'opère, les attaques disparaissent d'abord, tandis que les accès incomplets ne sont influencés qu'en dernier lieu. L'épilepsie, on le voit, finit comme elle a commencé.
4° Non-seulement l'épilepsie idiopathique est une affection plus souvent curable qu'on ne l'a cru jusqu'ici, mais encore il est possible, dans beaucoup de cas, d'obtenir des suspensions
très prolongées de tous les accidents épileptiques. Ces rémissions équivalent presque à des guérisons.
5° De tous les médicaments préconisés contre l'épilepsie, le bromure de potassium (exempt d'iodure) est certainement le plus efficace. Lorsqu'il n'atténue pas considérablement la maladie, il abat du moins les secousses, le:; soubresauts, l'état nerveux, l'irritabilité et les impulsions des épileptiques. Il calme sans jamais exciter.
6° Le bromure de potassium ne commence à produire des résultats appréciables, chez l'adulte, qu'à partir de 4 , 5 et 6 grammes, et il peut être élevé progressivement, selon les indications, jusqu'à 9 ou 10 grammes par jour.
70 Les effets physiologiques du médicament ne produisent aucun trouble sérieux dans la santé. L'anaphrodisie temporaire doit seule être préalablement annoncée aux malades.
8° Tout médecin peut obtenir des succès en matière d'épi-lepsie, mais aux conditions suivantes : faire preuve d'une persévérance exceptionnelle; administrer un sel bromique d'une irréprochable pureté; en surveiller les effets tous les huit jours; prolonger la médication pendant un an, et, dans le cours de la seconde année, la reprendre tous les trois mois pendant trente jours consécutifs.
Sur Vorigine par contagion des conjonctivites catarrhales, par le professeur Gosselin. — L'ophthalmie franchement purulente est contagieuse; tout le monde l'admet sans conteste, mais il est bien important de savoir si cette contagion ne s'exerce que par le contact direct, ou si elle peut avoir lieu à distance par les miasmes volatils émanés de l'œil malade.
En outre, on ne s'entend pas toujours bien sur le sens de cette dénomination ÏÏophthalmie purulente; faut-il y faire reii-trerlesconjonctivites muco-purulentesdans lesquelles l'examen à l'œil nu ne révèle pas toujours la présence du pus, mais ofi le microscope la démontre? Les conjonctivites qui ont été purulentes, mais qui ne le sont plus, ont-elles conservé leur activité contagieuse? Les granulations palpébrales qui succèdent si souvent à la suppuration et persistent longtemps après elle, gardent-elles encore cette propriété redoutable ?
L'examen de ces questions importantes fait l'objet du mémoire du professeur Gosselin.
L'étude des faits le conduit à adopter les conclusions suivantes appuyées sur des observations rapportées in extenso :
i* La conjonctivite non-purulente provient quelquefois par contagion d'une conjonctivite semblable ;
2° La conjonctivite catarrhale simple peut provenir d'une conjonctivite purulente ;
3° La conjonctivite catarrhale peut provenir par contagion d'une conjonctivite granuleuse plus ou moins ancienne.
Si donc, la conjonctivite dite catarrhale simple, la conjonctivite muco-purulente ou semi-purulente, et la conjonctivite granuleuse, peuvent, comme la conjonctivite purulente, se transmettre par contagion, et si cette contagion, comme les observations semblent le prouver, peut se faire tantôt par contact, tantôt à distance, il en résulte, au point de vue de la prophylaxie, la nécessité des précautions suivantes :
i° Séparer, si on le peut, les sujets malades de ceux qui ne le sont pas;
2° Recommander du moins, si l'isolement n'est pas possible, l'usage de mouchoirs et de linges de toilette exclusivement destinés aux malades;
3° Éviter tout contact du visage entre les malades et les personnes saines;
4° Surveiller attentivement les yeux des personnes qui vivent dans le même milieu, et soigner la conjonctivite dès son début, afin de ne pas la laisser passer à un état chronique qui pourrait se compliquer ultérieurement de kératite, et par suite de lésions irrémédiables de la cornée;
5° Insister sur ces recommandations dans les chambres étroites logeant une famille nombreuse, les écoles, les pensionnats, les salles d'asile, les hôpitaux d'enfants, etc.,où l'accumulation des sujets dans une même atmosphère prédispose encore plus à la contagion.
{Lyon médical, d'après Archives de méd.)
BIBLIOGRAPHIE
Il vient de paraître un livre intitulé Traité des affections de
la peau, par le docteur Baudot d'après les doctrines de M. Bazin, médecin de l'hôpital Saint-Louis. — Il nous paraît évident que ce livre soit la fidèle interprétation de la parole du maître, puisqu'en le parcourant, nous avons cru reconnaître la lettre même de cette parole publiée en 1862 chez A. Delahaye, par M. Baudot lui-même. Notre mémoire ne nous avait point trompé et ne pouvant résister à une confrontation, nous nous sommes permis de juxtaposer les leçons de M. Bazin sur les Affections génériques de la peau et le traité qui se publie aujourd'hui. Le premier de ces ouvrages était écrit sous l'œil du maître, par M. Baudot, et le second par M. Baudot devenu maître lui-même.
Entre autres parties des leçons de M. Bazin littéralement reproduites dans le traité de M. Baudot, nous nous bornerons à signaler les suivantes : de la page 36, Définition de Véry-thème à la page42 inclusivement; page 138 définition de l'eczéma; pages 143 et suivantes, toute la description de l'eczéma ; pages 158 et suivantes, histoire du psoriasis.
Ceci nous dispense de porter un jugement sur la valeur de l'ouvrage qui reproduit mot pour mot les leçons de M. Bazin; mais au point de vue économique, nous ne pouvons nous empêcher de conseiller aux possesseurs de ces leçons d'éviter l'acquisition d'un double et à ceux qui ne sont pas encore munis, de s'adresser plutôt à l'original qu'à la copie. Quant au mode d'agir de M. Baudot qui vend à deux éditeurs différents la propriété des mêmes lignes, nous nous abstenons de le qualifier.
A. B.
Une élection académique.
Je vais vous dire le fait le plus singulier, le plus bizarre, le plus extraordinaire ; ajoutez toutes les épithètes de Mme de Sé-vigné, vous n'arriverez pas à l'inouï qui vient de se passer à notre Académie impériale de médecine.
L'Académie vient de nommer un nouveau membre académicien libre, M. Coste, en remplacement d'un académicien libre, qu'elle a cru mort, M. Laffon de Ladébat, et qui n'est pas mort. Le très respectable M. Laffon de Ladébat, qui n'est pas mort, a appris sa mort par le Journal officiel, publiant le décret de nomination de M. Coste en remplacement de lui, décédé. C'est
assez cruel de se voir tuer et remplacer par l'organe du gouvernement. Le malheureux mort-vivant s'est empressé de réclamer, et mardi dernier le Conseil a reçu une lettre de M. Laf-fon de Ladébat, qui a jeté ses membres dans une stupéfaction profonde. Ajoutez que ce jour-là même, M. Coste était appelé à prendre possession de sa place et à signer la feuille de présence. Je n'ai pas lu la lettre de M. Laffon de Ladébat, mais on peut supposer qu'elle était ainsi rédigée :
« Monsieur le Président,
« Il est vrai que depuis bientôt un demi-siècle que j'ai l'honneur de faire partie de l'Académie de médecine en qualité d'académicien libre, et que me trouvant libre de ne pas assister à ses séances, j'ai pris la liberté de ne partager en rien ses savants travaux. Vous en avez conclu que j'étais mort, ce que je viens d'apprendre par le grand Officiel, ainsi que mon remplacement par M. Coste. Or, l'Académie a pris là une grande liberté à l'égard d'un de ses académiciens libres. Elle n'aura pas de peine à croire que je suis heureux de la désabuser sur mon trépas; la nouvelle de ma mort est apocryphe et je vous prie de la démentir.
« Veuillez agréer, etc. »
Vous voyez d'ici la mine et de l'aimable président, et du rigide perpétuel, et de tous les dignes membres du Conseil ! Que taire, que devenir et comment sortir de là? Heureusement, il y avait un post-scriptum à cette lettre qui avait échappé dans le premier moment d'émotion. Il devait être ainsi conçu :
« P. S. — Comme je comprends que ma résurrection pourra jeter un grand embarras dans votre compagnie; comme je me sens toujours libre de remplir avec la même liberté que par le passé mon rôle d'académicien libre; comme, au demeurant, le choix que vous avez fait de M. Coste en mon remplacement peut être plus utile à l'Académie, je vous prie d'agréer ma démission d'académicien libre et de laisser M. Coste occuper librement le fauteuil sur lequel je ne me suis jamais assis. »
Il ne faut pas croire que cet incident singulier ait été porté à la connaissance de l'Académie et du public. Non, M. Coste a été admis, il a signé la feuille de présence comme si de rien n'était, et personne probablement n'en saurait rien encore si la Causerie n'était toujours rapidement et sûrement informée.
(Union méd.) D1' Simpltce.
Le Gérant, a. de montméja.
9774 —Paris. Typ. Akan-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
DES HOPITAUX
ELEPHANTIASIS
des
HOPITAUX DE PARIS
Eléphantiasis des Arabes,
Par le D Gosselin, professeur de clinique chirurgicale à la Faculté de
Paris.
(Leçon recueillie par M. C. Monod, interne des hôpitaux.
Messieurs,
Nous avons en ce moment dans nos salles un malade atteint d'éléphantiasis des Arabes, affection dont vous n'entendez pas souvent parler; elle mérite de nous arrêter quelques instants.
L'éléphantiasis des Arabes, moins rare dans nos contrées que l'éléphantiasis des Grecs, occupe ordinairement les membres et en particulier les inférieurs. Il est caractérisé par une augmentation de volume considérable du membre malade, qui prend véritablement un aspect monstrueux. La peau et le tissu cellulaire sous-jacent paraissent intéressés tout d'abord; ils sont comme confondus ensemble ; la peau ne plisse plus.
Le derme et l'épiderme participent à l'hypertrophie à des degrés variables. Dans quelques cas, l'épaississementde l'épiderme manque et est insignifiant; dans d'autres, au contraire, il est considérable. L'état du derme présente également des variétés ; tantôt c'est la forme dite papillaire qui prédomine; les papilles, plus saillantes qu'à l'état normal, dessinent à la surface de la peau de nombreuses élevures; tantôt l'éléphantiasis est dit lœvis, glabra, les papilles gardent leur aspect normal, la peau est lisse.
Les modifications du tissu cellulaire sont importantes; il se forme véritablement des masses nouvelles de tissus conjonctifs, soit dans l'épaisseur du derme, soit dans le tissu cellulaire sous-cutané. C'est de la consistance différente de ces masses de tissus conjonctifs que dépendent ces formes, molle et dure, de l'éléphantiasis des Arabes.
Fig. 1. Elephantiasis consécutif à un ulcère. Fig. 2. Elephantiasis observé en Egypte par E. Godard.
L'hypertrophie des tissus peut s'étendre plus profondément encore. Je ne veux pas insister ici sur ces faits, dont vous trouverez la description dans les auteurs qui sont en vos mains. Qu'il me suffise de vous dire que dans ces cas, tous les tissus mous du membre prennent l'aspect d'une masse lardacée, les muscles se distinguent mal des parties voisines. Les os même peuvent être atteints et de nouvelles couches osseuses se développent sous le périoste; il y a véritable hypertrophie de l'os.* Il était intéressant de connaître l'état du système lymphatique; car, comme vous le verrez bientôt, on est porté à placer dans ce système l'origine première de l'éléphantiasis. On a constaté, dans la plupart des cas, une tuméfaction des ganglions du creux
poplité, de l'aine, un amincissement des parois des vaisseaux, avec dilatation de leur cavité.
Ces deux lésions, tuméfaction des ganglions, dilatation des vaisseaux, s'accordent bien avec la théorie pathogénique que
Elephantiasis du scrotum avec varices lymphatiques. Elephantiasis des doigts.
l'on a donnée de l'affection qui nous occupe. Il est en effet assez généralement admis, depuis le commencement de ce siècle, que la cause de l'éléphantiasis réside dans la gêne apportée au cours de la lymphe. On a donné de cette opinion deux preuves cliniques : la première, sur laquelle ont surtout insisté Alard et M. Cazenave, se tire du début fréquent de la maladie par de véritables poussées inflammatoires, d'apparence érysipélateuse, survenant à des intervalles variables, et précédant la tuméfaction des tissus. La seconde est fournie par le fait, que l'on a souvent constaté sur les membres atteints d'élé-phantiasis, de petits tubercules, de petites vésicules, qui, déchirées ou s'ouvrant spontanément, donnaient issue à un liquide ayant tous les caractères de la lymphe. Ce liquide a pu être recueilli dans certains cas en quantité considérable. Ces saillies seraient dues à de véritables dilatations variqueuses des vaisseaux lymphatiques.
De ces deux faits, un seul, le second, a pu être observé chez notre malade.
Il est temps que je vous dise quelques mots de ce dernier.
Vous l'avez vu ; il est jeune encore, presque un enfant, à ne considérer que son âge, dix-sept ans; mais déjà un homme fort, bien bâti, vigoureux, avec toutes les apparences de la santé la plus belle. C'est un paysan habitué aux travaux les plus rudes, il n'a jamais été malade, et ce n'est que tout récemment que la tuméfaction énorme de sa jambe l'a décidé à entrer à l'hôpital.
Depuis trois ans seulement il a remarqué que le membre inférieur gauche l'emportait en volume sur le droit ; ce gonflement paraît s'être produit peu à peu, atteignant à peu près en même temps toutes les parties du membre. Il ne s'en inquiétait au reste aucunement ; il ne ressentait aucune douleur. Il n'a certainement pas souffert de ces poussées inflammatoires, qui marquent souvent, comme je vous le disais, le début de l'élé-phantiasis ; questionné à plusieurs reprises en vue d'éclaircir ce point, il a toujours répondu d'une façon négative.
Je ne m'arrêterai pas longuement sur la description des parties malades. Vous avez pu vous en rendre compte vous-mêmes, et la photographie que je vous présente rappellera vos souvenirs et me dispensera d'entrer dans de grands détails sur l'aspect général de ce membre. Eléphantiasis, jambe d'éléphant, ce mot dit tout ( i ). Je ne dois pas cependant passer sous silence ce qui a trait aux caractères spéciaux que présente ce gonflement; il diffère à la jambe et à la cuisse. A la jambe il est uniformément dur, vous sentirez sous le doigt une résistance considérable, en aucun point la peau n'est mobile, tous les tissus semblent transformés en une masse de consistance presque ligneuse. A la cuisse la lésion paraît moins avancée, ou du moins présente des caractères un peu différents ; l'augmenta-
(1) La mensuration comparative des deux membres donne les chiffres suivants :
C. gauc. C. dr.
Longueur de l'épine iliaque au bord interne du pied. 97 97 Circonférence.
Cuisse au niveau du pli génito-crural.............. 62 58
Cuisse partie moyenne (16 cent au dessus de la rotule). 5'8 1/2 55
Circonférence du genou, au niveau de la rotule...... 50 38
Mollet.........................................47 1/2 35
Cou-de-pied.................................... 38 1/2 24 1/2
Pied.......................................... 26 25
tion du volume est considérable, mais les parties sont moins résistantes, surtout dans la moitié antérieure. Nulle part cependant rien qui rappelle l'œdème.
Au cou-de-pied le volume du membre devient excessif; puis précisément au-dessous vous observerez une diminution subite de la tuméfaction ; le pied gauche, plus volumineux que le droit, est relativement beaucoup moins développé que la jambe. Toutes les formes du membre sont effacées. La peau n'a pas subi dans son aspect extérieur de modifications appréciables ; elle est épaissie, mais ne présente pas les petites saillies observées dans la forme papillaire.
Il ne me reste plus qu'un point intéressant à vous signaler : dans le tiers inférieur de la jambe, sur la face externe du membre, vous avez peut-être remarqué deux petites cicatrices, l'une d'elles présentant en un point une petite ouverture, par où. suinte un liquide séreux; le malade a pu vous dire que par deux fois, dans ces deux points, il s'est échappé un liquide clair ; qu'en ces deux points il avait remarqué un petit bouton, qu'il l'avait gratté; qu'à la suite de cette écorchure, l'écoulement avait eu lieu. Vous voyez aussitôt l'analogie qui existe entre ce fait et ceux que je vous rapportais tout à l'heure. Je n'insiste pas au reste davantage; pour que cette remarque eût toute sa valeur, il faudrait pouvoir être renseigné sur la composition du liquide et sur la durée de l'écoulement.
Chez notre malade, l'éléphantiasis est exactement limité au membre inférieur, et se termine au pli de l'aine. L'épaississement de la peau et des couches sous-cutanées empêche de constater l'état des ganglions lymphatiques de cette région. Le scrotum souvent atteint, est dans ce cas tout à fait intact. Mais nous avons constaté une double hydrocèle de la tunique vaginale ; cette coïncidence avait déjà été signalée par E. Godart et Alard.
Quels sont les symptômes fonctionnels qui accompagnent un tel état physique de ce membre? C'est d'abord une difformité, mais ce n'est pas là ce qui amène cet homme à l'hôpital. Il y a plus; je vous ai dit^M. est vrai, que ce développement énorme s'était fait sans douteur. Il en a été ainsi pendant deux ans ; pas de douleur, pas même de gêne. Mais depuis un an la tuméfaction a considérablement augmenté, et les choses ont changé de face. Cet homme, qui autrefois pouvait aller et venir,
vaquer à ses occupations, est obligé maintenant de prendre de longs jours de repos; au bout de deux ou trois mois de travail la gêne devient tellement grande, qu'il est forcé de prendre le lit et de garder la chambre pendant deux et trois semaines; dans d'autres cas les temps d'arrêt sont moins longs, mais ils sont aussi plus rapprochés.
Ce n'est donc plus une simple difformité, mais une infirmité véritable. Qu'y pouvons-nous? Il y a dix ou quinze ans, messieurs, je vous aurais dit qu'en pareil cas les ressources de la thérapeutique étaient nulles ou à peu près. La compression méthodique des membres, le repos au lit, tels étaient les seuls moyens que nous avions à notre disposition.
Nous sommes plus riches depuis quelques années. Mais est-ce une véritable richesse ? Voici d'abord les faits, qui vous montreront dans quelle voie on a recherché la guérison radicale de l'éléphantiasis ; nous essaierons ensuite d'en déterminer la valeur.
Ce fut en Amérique, en i852, que le docteur Carnochan tenta le premier de traiter l'éléphantiasis par la ligature de l'artère fémorale. Il fit cette opération cinq fois; son exemple fut suivi en Angleterre d'abord, puis en Allemagne tout récemment par le docteur Stneter. On possède actuellement neuf cas de ligature de l'artère fémorale, trois cas de ligature de l'iliaque externe. Enfin Carnochan a eu l'occasion de pratiquer celle de la carotide des deux côtés pour un éléphantiasis delà face.
Je ne veux pas rechercher avec vous les idées théoriques qui ont pu faire songer à l'utilité de la ligature dans l'éléphantiasis. A-t-on pensé que cette affection, résultat de l'accumulation dans les tissus des matériaux nutritifs apportés par les artères, non résorbés par les lymphatiques obstrués, devait être améliorée par tout moyen qui diminuerait l'apport nutritif artériel ? Discuter cette hypothèse nous entraînerait trop loi n. Je me contente de vous indiquer les résultats qui ont été publiés.
Ils sont assez heureux : sur 14 cas, 10 de guérison, 3 d'améliorations notables, dont un seul mort par infection purulente ; jamais la gangrène. La conclusion parait facile à tirer ; il semble qu'on ne doive pas hésiter à pratiquer cette opération. Mais cette belle, mais trop courte statistique, est-elle l'expression réelle des faits ? A l'étranger, comme trop souvent en
France, ne s'empresse-ton pas de publier les succès, ne laisse-t-on pas dans l'ombre les revers ?
Pour moi, certes, je ne demande qu'à guérir ce malade ; mais pour le débarrasser d'une affection qui après tout n'est qu'incommode, dois-je l'exposer aux chances d'une opération qui est certainement grave? Je ne pourrais songer, dans le cas présent, qu'à la ligature de l'iliaque externe; et vous en savez les dangers. La péritonite d'abord, soit consécutive, soit même primitive; on n'est jamais sûr en effet de ne pas intéresser le péritoine, quelque soin qu'on apporte à l'opération ; ne faut-il pas compter encore avec la phlébite, l'infection purulente, les hémorrhagies secondaires, et enfin la gangrène, toujours possible à la suite d'une ligature d'artère?
Vous voyez, messieurs, mes hésitations, et vous en comprenez les motifs. C'est alors que, réfléchissant à cette question, je me suis demandé si quelqu'autre moyen analogue ne pouvait être employé; vous avez nommé la compression. Vous savez avec combien d'avantage la compression indirecte a remplacé, dans beaucoup de cas, la ligature dans le traitement des anévrismes. Ne serait-il pas possible de la substituer également à la ligature dans le traitement de l'éléphantiasis ?
J'ai consulté divers recueils, cherchant si cette idée n'avait peut-être pas été mise à exécution, et j'ai été heureux de voir que M. Vanzetti, frappé des succès obtenus en Amérique par la ligature dans l'éléphantiasis, avait songé à obtenir le même résultat par la compression indirecte. Il a réussi une fois, et a publié son observation de guérison chez une femme par ce procédé.
Nous tâcherons d'être aussi heureux que lui. La compression indirecte va être faite chez notre malade; compression de la fémorale au pli de l'aine, pendant douze heures chaque jour, avec intermittence pendant les douze heures de nuit, comme La fait M. Vanzetti.
Je vous tiendrai au courant des résultats que nous obtiendrons.
L. Gosselin.
HOPITAL SAINT-LOUIS.
Bec de lièvre double. — Absence de la voûte palatine. — Vices de conformation des extrémités.
Le 27 avril, la nommée Elise B. accouchait, à. la salle Saint-Ferdinand, d'un enfant à terme. Elle est bien conformée, ainsi que le père de l'enfant, et a déjà eu deux enfants qui sont encore vivants; ils n'ont présenté aucun défaut de conformation. Pendant sa dernière grossesse, cette femme n'a eu ni maladie, ni aucune émotion, aucun trouble qui puisse expliquer les lésions que nous trouvons sur son enfant. Il a le volume d'un enfant à terme, et pèse 3,040 grammes. La tête est bien développée : rien à noter dans les os du crâne.
La lèvre inférieure est normale; le maxillaire inférieur, dont la lèvre est complètement distincte, n'offre pas de vice de développement.
La lèvre supérieure est le siège d'un double bec de lièvre, formant sur la ligne médiane une vaste solution de continuité. La perte de substance s'étend de chaque côté également, en haut jusqu'à l'union des ailes du nez avec la joue, en bas jusqu'à la commissure, de telle sorte qu'il semblerait que la lèvre fait complètement défaut.
Au niveau du sillon naso-génieu, l'aile du nez se continue directement avec le bord de la solution de continuité. Le bord supérieur de l'ouverture est constitué par la limite antérieure des narines, c'est-à-dire par les ailes du nez et le lobule, auquel nous trouvons appendu un tubercule saillant, dur et résistant, bilobé à la surface, et qui vient seul diminuer l'étendue de la perte de substance.
C'est le tubercule maxillaire, ou incisif, qui se continue, en arrière, avec la sous-cloison du nez. Il est recouvert par une couche muqueuse sans revêtement cutané; il n'y a en ce point aucun vestige de lèvre. Au niveau du point d'attache de ce tubercule avec le lobule du nez, la muqueuse se continue directement avec la peau.
L'enfant meurt au bout de quelques jours. En ouvrant la bouche, on aperçoit que la voûte palatine manque complètement, ainsi que le voile du palais dont on ne trouve aucun vestige. On voit seulement, partant delà base de la langue, un repli muqueux, qui va, de chaque côté, se confondre avec la
muqueuse de la paroi, au voisinage de la trompe d'Eustache : c'est un vestige des piliers, mais je n'y ai pas trouvé de fibres musculaires sous la muqueuse.
Une coupe d'avant en arrière, passant par les deux commissures labiales, nous permet de voir, d'un seul coup d'œil, toute la lésion. Elle nous montre, en avant, le tubercule incisif, lobule, se continuant avec la sous-cloison ; celle-ci, après un trajet d'un centimètre, s'articule avec le vomer ; au niveau de cette articulation, elle oifre un léger renflement, marqué par un point de consistance osseuse. Toute la cloison des fosses nasales est fortement déjetée à gauche, à tel point que de ce côté, la fosse nasale est presque effacée par le rapprochement de ses parois.
A la partie postérieure, le vomer va s'articuler avec le sphénoïde, et se perdre insensiblement sur la voûte que forme l'apophyse basilaire. Il n'y a aucune partie qui représente le vestige des fosses nasales, à ce niveau.
L'œil peut plonger facilement dans les cavités nasales, et voir les deux cornets inférieurs à leur place normale. Au-dessous, et de chaque côté, on trouve comme un rudiment de la voûte palatine ; il est formé par une crête lamelleuse, située au niveau du bord inférieur du vomer, vers lequel elle est dirigée. Plus en dehors, existent deux saillies qui répondent aux parties latérales des maxillaires. En enlevant la muqueuse, on voit que ces saillies sont creusées de cavités où sont logés quelques bulbes dentaires. En incisant également le tubercule incisif, on trouve aussi dans son épaisseur des bulbes dentaires normaux.
Ces détails sont très bien représentés dans la planche. A la partie postérieure, on voit la coupe du pharynx, limité de chaque côté par deux saillies légères, qui ne sont que des déjris des replis muqueux que j'ai signalés à la base de la langue : c'est au-dessus de ce point d'insertion supérieure que s'ouvrent les trompes d'Eustache, dont la disposition n'offre rien de particulier.
Le rachis est normalement constitué.
Ce n'est que vers les extrémités que nous avons à étudier d'autres vices de conformation.
La main droite ne présente de particularités que pour l'index et pour le pouce. Les trois derniers doigts sont bien con
formés. L'index ne semble constitué que par la première phalange, les deux autres font complètement défaut, du moins à première vue, car on peut sentir à l'extrémité de ce doigt avorté, un très petit tubercule qui se meut sur cette phalange unique, avec une très grande facilité. La dissection révèle en effet une sorte de phalange rudimentaire, articulée très lâchement avec la première phalange^ bien conformée. Il n'y a pas la moindre trace d'ongle, le doigt se termine par une extrémité mousse, arrondie, sans cicatrice ni rétraction apparente.
Le pouce offre ses deux phalanges habituelles ; seulement la dernière phalange est aplatie, étalée, et offre une largeur presque double de cellede l'autre pouce. L'ongle qui la recouvre est comme formé de petites lamelles soudées par leur bord médian, à ce niveau on retrouve une légère dépression linéaire, qui aboutit, en avant, à une petite échancrure. En étudiant le squelette, on se rend parfaitement compte de cette disposition. En effet, tandis que la première phalange est unique, normale, on trouve, s'articulant avec elle, deux phalanges terminales: l'une interne, vers le bord radical, est simple et se prolonge jusqu'à l'extrémité du pouce; l'autre, au contraire, est composée de deux tubercules juxtaposés, il y aurait trois phalanges de ce côté; il semble que les deux dernières phalanges de l'index, près duquel elles sont placées, aient été transposées avec l'ongle qui les recouvrait et juxtaposées à la dernière phalange du pouce.
Les doigts de la main gauche ne présentent rien à signaler.
Les deux pieds nous fournissent des détails très curieux. On peut voir que le pied gauche, au lieu des cinq orteils normaux,ne présente que trois divisions ; lesdeux divisions internes sont séparées par un intervalle considérable, où apparaît un petit tubercule cutané ; mais à l'extrémité on trouve deux ongles bien distincts. De même pour la deuxième division, où les deux ongles sont aussi nettement isolés, avec leur forme habituelle. On voit de suite qu'il y a soudure des orteils deux à deux ; tout en conservant des traces de leur existence individuelle, la division des ongles , ils sont enveloppés de la même gaîne cutanée, sans qu'il soit possible d'y trouver le moindre vestige d'une solution de continuité. Seul, le cinquième métatarsien a conservé son indépendance. La dissec
tion nous montre sur le squelette que cette fusion n'est qu'apparente et toute extérieure, car on retrouve, complètement isolées, toutes les phalanges de chaque orteil; elles sont simplement juxtaposées, mais sans liaison cutanée. Quant au petit tubercule qui existe entre le deuxième et le troisième orteils, on voit, en incisant la peau, qu'il répond à un orteil supplémentaire ; mais ce n'est qu'une ébauche, il n'a pas comme les orteils voisins, de métatarsien correspondant; il est comme perdu dans le tissu cellulaire, sans connexion rationnelle avec ses parties voisines. Il est formé d'un petit tubercule arrondi, vestige d'une première phalange, et d'une aiguille cartilagineuse, qui lui est unie comme une seconde phalange, toutes deux flottantes, sans que j'aie pu trouver quelque chose qui rappelât un tendon fixé à l'un ou à l'autre de ces os rudimen-taires.
Sur le pied droit, les lésions sont plus marquées. A première vue, on ne trouve que trois orteils nettement constitués: une perte de substance considérable sépare le premier du second ; mais elle est diminuée à l'extrémité postérieure par une saillie qui renforce le second orteil. Chacun de ces trois orteils ne présente qu'un ongle unique, sans aucune trace de soudure. Puis, en les disséquant, on peut s'assurer également qu'ils sont simplement formés des phalanges normales. Il manque les phalanges de deux orteils et, on peut affirmer que ces orteils sont le deuxième et le troisième, car on retrouve au niveau du métatarse le métatarse qui devrait les représenter chacun d'eux isolément. Le métatarsien du second orteil est accolé à celui du premier, et va, comme lui, s'articuler avec la première phalange, qui offre sur le côté interne une petite facette articulaire supplémentaire. Le troisième, au contraire, est simplement placé près du quatrième métatarsien sans articulation nouvelle; mais à son extrémité on voit un petit tubercule cartilagineux, qui représente les phalanges et vient s'articuler avec le métatarsien. Il y a donc de ce côté absence de toutes les phalanges du deuxième et des deux phalanges terminales du troisième orteil.
Il y a eu dans l'évolution des diverses parties du pied droit, un arrêt de développement qui peut être rapproché de la lésion buccale. Il n'y a pas, en effet, le moindre doute, que la cause
principale admise par tous les auteurs, depuis M. Meckel et le professeur Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans la production du bec de lièvre, n'ait agi, chez cet enfant, sous une influence inconnue. L'arrêt de développement est évident, mais il a été impossible d'en trouver la cause première. Ni alcoolisme du côté du père, ni vice de conformation ; l'hérédité ne paraît pas avoir joué un grand rôle. Mais il n'en est pas moins de toute évidence que le trouble de nutrition a été profond : absence de la lèvre supérieure, absence de la voûte palatine et du voile du palais, absence de deux orteils; ces lésions ne peuvent se traduire que par un arrêt de développement survenu dans les premières semaines de la vie fœtale, car l'on sait que le développement de la voûte palatine et la réunion des maxillaires ou vomers sont complets dès la septième semaine. Mais cet arrêt de développement qui, quelquefois, porte même sur le rachis et sur les os du crâne, ne constitue pas toute la manifestation morbide; il n'y a pas simplement arrêt dans la nutrition de certaines parties; il y a perversion dans la nutrition générale, et si en quelques points on rencontre, et souvent exclusivement, une perte de substance, dans d'autres parties on trouvera un déplacement d'organes ou des rudiments d'organes arrêtés dans leur évolution anormale. Dans ce fait, nous avons vu sur le pied gauche des phalanges qui n'avaient de rapport avec aucun des orteils voisins, tandis qu'à la main, les phalanges qui manquaient à l'index se retrouvent transposées et confondues avec les phalanges correspondantes du premier orteil. Cette perversion dans le développement du fœtus ne se bornera donc pas toujours à un arrêt de développement : il est vrai que c'est le cas le plus fréquent, et il est quelquefois tellement profond qu'on est surpris de ne pas rencontrer toujours, en même temps, d'autres vices de conformation sur des points éloignés. Mais nous retrouvons souvent, à côté, d'autres malformations aussi caractéristiques : déplacement et transposition ou hypergénèse de quelque partie du corps.
J. Habrán, Interne en médecine.
Nous pouvons^ à la suite de cette observation, rapporter un lait cité dans VEcho médical du 18 février, dans lequel les vices
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DES HOPITAUX
Planche XVII.
ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT
DES HOPITAUX
ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT
de conformation portaient sur un plus grand nombre de parties. Outre le bec de lièvre, c'est la lèvre inférieure, ce sont les paupières, etc., qui portent les traces d'un trouble profond dans la nutrition fœtale.
Vices de conformation nombreux et graves observés chez un nouveau-né.
La sage-femme (de Saint-Paul) m'a présenté, il y a quatre jours, une petite fille, née tout récemment, à terme et pleine de vie. Cette enfant, ainsi que je le constate après un examen attentif, est affectée des vices de conformation décrits ci-dessous :
i° L'adhérence des paupières, que, d'après les auteurs, je nomme ankyloblépharon — était, dans ce cas, simple, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'adhérence avec le globe de l'œil, mais les paupières, ce qui n'est pas commun, je crois, étaient unies par des petites brides fibreuses, au nombre de dix à douze de chaque côté : on aurait pu croire qu'une main capricieuse avait pris un malin plaisir à faire ici une suture comme en font les tailleurs quand ils ferment une boutonnière inutile... L'adhérence congénitale des paupières chez l'homme est assez rare... celle qui a lieu par le fait de brides séparées, comme dans ce cas, doit être plus rare encore. — Chez les animaux, les chiens, par exemple, qui naissent les yeux fermés, je n'ai jamais rien vu de semblable. Les auteurs que j'ai consultés à ce sujet ne font pas mention de ce mode d'occlusion...
Quoi qu'il en soit, le débridement a été simple et facile, comme on peut le comprendre — et je pense qu'il vaut mieux avoir affaire à ce genre d'occlusion qu'à celui qui a lieu par une membrane unique, puisque, dans ce dernier cas, la guéri-son s'obtient difficilement... très rarement même, disent les auteurs.
2° Le bec de lièvre est double et compliqué, ce qui est plus fâcheux, de gueule de loup — ces lésions sont bien connues. Chez ma petite malade la lésion est considérable. Il y a absence totale de la voûte palatine et du voile du palais. — Par suite, libre communication entre la bouche et les fosses na
sales — et, ce qui attire immédiatement l'attention^ — reflux des liquides introduits par la bouche au dehors, par les narines..., ce qui rend l'alimentation difficile.
3° Le dédoublement médian de la lèvre inférieure a lieu suivant une ligne horizontale, allant d'une commissure à l'autre Je pense qu'il a été produit peu à peu parla pression exercée sur la lèvre par le lobule médian du bec de lièvre supérieur. Ce lobule a, en effet, un bord inférieur tranchant (en dent de lièvre), qui a pu sans peine diviser et refouler les tissus.
4° L'adhérence de la langue avec le plancher de la bouche était produite par de simples filaments; comme cela se voit souvent, ces adhérences sont faciles à détruire, il est inutile d'insister sur ce fait.
5° La grande lèvre de gauche fait complètement défaut, en sa place il existe une dépression curviligne dont le fond a la couleur grise, la peau voisine étant rosée, on pourrait croire qu'il y a là un tissu de cicatrice.
6° A chaque main, le médius et l'annulaire sont réunis par une palme : elle est complète d'un côté, de l'autre elle s'arrête vers le milieu de la seconde phalange.
7° Les deux gros orteils ont chacun une phalange complète, mais la phalange unguéale est singulièrement déformée, les parties qui affectent la forme tuberculeuse présentent au milieu, et suivant une ligne horizontale, une dépression dont on soulève facilement les bords, et au fond de laquelle est un ongle rudimentaire ; on croirait que cette phalange est articulée par son milieu, et que ses deux extrémités se sont repliées l'une sur l'autre.
8° Les quatre derniers orteils de chaque pied sont intimement unis deux à deux, de sorte que chaque pied ne présenterait que trois orteils. Ces orteils doubles ont une enveloppe cutanée commune et qui ne paraît pas avoir été double. Chacun de ces orteils présente à son extrémité libre deux petits tubercules pourvus d'ongles. — En pressant ces petits orteils entre mes doigts je n'ai pas obtenu de chevauchement des parties dures. — D1' E. Guérin.
HOPITAL DE LOURCINE.
Clinique syphiliographique de M. A. Fournier, professeur agrégé.
leçon d'ouverture.
Après avoir rapidement exposé le programme de ses leçons, M. Fournier aborde son sujet par l'étude du début de la syphilis chez la femme.
Chez elle comme chez l'homme, dit-il, la syphilis obéit dans son éclosion et dans son développement à certaines règles fixes qu'on pourrait appeler les lois primordiales de l'infection syphilitique primitive. Elles sont au nombre de quatre :
i° La syphilis n'a pas de génération spontanée; elle résulte toujours d'une contagion ou de la pénétration matérielle d'une substance virulente dans l'organisme d'un sujet sain.
2° Le premier phénomène appréciable qui résulte de cette contagion, de cette introduction virulente dans l'organisme, ne se manifeste jamais qu'après un laps de temps assez long, constituant une incubation véritable, incubation analogue, identique à celle qu'on observe dans la plupart des maladies virulentes.
3° Le premier accident appréciable qui résulte de la contagion ou de l'introduction artificielle de la matière virulente dans l'organisme, se produit au lieu même où a pénétré cette matière et non ailleurs.
4° Cet accident primitif reste pendant un certain temps isolé, solitaire, n'exerçant de retentissement appréciable que sur les lymphatiques ou les ganglions qui lui correspondent; pendant un certain temps il constitue ou paraît constituer l'expression unique par laquelle se traduit la maladie. Puis, au-delà de ce temps, se fait une explosion de symptômes divers qui se manifestent un peu partout et qui diffèrent essentiellement des premiers par ce fait qu'ils ne sont plus limités au siège même où s'est exercée la contagion; qu'ils semblent ne plus être le résultat d'une action locale, mais l'expression disséminée, éparpillée d'une sorte d'empoisonnement, d'imprégnation générale de l'organisme. C'est à cet ordre de manifestation qu'on a donné la dénomination toute conventionnelle d'accidents secondaires.
Ces lois découlent non-seulement de l'observation clinique, mais encore de l'expérimentation. M. Fournier fait ensuite ressortir l'importance et l'exactitude de ces lois par des exemples sur lesquels une aussi courte analyse ne nous permet pas d'insister.
Chez la femme comme chez l'homme, dit-il, l'éclosion et le développement de la syphilis procèdent d'une façon méthodique et peuvent se diviser, pour emprunter une comparaison
à la langue du théâtre, en une série d'actes et d'entr'actes successifs de la façon suivante.
Premier acte. — Contamination. Le virus ou la matière syphilitique pénètre par un procédé quelconque dans l'organisme.
Premier entr'acte. — Repos apparent de l'organisme. Rien d'appréciable ne trahit l'infection.
Deuxième acte. — Production, au point où le virus a pénétré, d'une lésion qui constitue l'expression unique de la maladie.
Deuxième entr'acte.—Aucun autre phénomène ne se produit.
Troisième acte. — Explosion de symptômes multiples et disséminés. Généralisation des accidents.
M. Fournier passe ensuite à l'étude de la lésion qui, chez la femme comme chez l'homme, constitue l'infection syphilitique primitive, c'est-à-dire le chancre; dénomination défectueuse, attendu qu'aucun des caractères qui se rattachent à ce vieux mot n'appartient en réalité à la lésion syphilitique primitive.
C'est une croyance très répandue que le chancre est très rare chez la femme; d'une façon générale, qu'il est très rare à l'hôpital de Lourcine, consacré spécialement au traitement des vénériennes. Cela se dit, cela s'imprime. Or, rien n'est plus contraire à la vérité. Non-seulement le chancre n'est pas d'observation rare à Lourcine, mais il y est commun. Les chiffres le prouvent; la statistique du service de M. Fournier, recueillie pendant la période de quinze à seize mois, a donné, sur un total de 370 malades, 104 chancres infectants; c'est-à-dire que sur 4 malades syphilitiques se présentant à l'hôpital de Lourcine pour la première fois, 1 sur 4 se présente avec des chancres.
En rapprochant de cette statistique, prise à l'hôpital, d'autres statistiques empruntées à la pratique civile, on arrive encore à une moyenne de un sur quatre, moyenne considérable. Donc, contrairement à ce qui se dit, contrairement à l'opinion généralement répandue, on peut maintenir que le chancre n'est pas d'observation rare chez la femme, et que loin d'être exceptionnel il est au contraire assez commun.
Nous ne pouvons terminer ce rapide exposé de la leçon de M. Fournier sans féliciter le professeur dont le talent oratoire et l'intelligente érudition se sont montrés au-dessus de tout éloge. Un public nombreux a pu comme nous applaudir au triomphe du maître, et nous sommes heureux d'annoncer à nos confrères la publication prochaine de ce cours dont la rédaction est confiée à M. Spillmann, interne distingué des hôpitaux de Paris.
Le Gérant, a. de montméja. 9915 —Paris. Typ. Alcan-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
Il E V U E P H 0 T 0 (i 11 A P HIQ U E
DES HOPITAUX
Planche XIX.
HËMORRHAGIES RÉTINIENNES
des
HOPITAUX DE PARIS
Hémorrhagies multiples de la Rétine à la suite d'un traumatisme.
L'observation que nous allons rapporter, relative à des hémorrhagies multiples de la rétine, est intéressante à plusieurs points de vue; sa cause (contusion), la multiplicité des foyers apoplectiques, et enfin l'absence de tout épanchement dans le corps vitré et d'un décollement rétinien.
Le nommé Miloteau, âgé de 17 ans, garçon charcutier, m'a été adressé par M. le Dr Josias, le 14 mai dernier. Il raconte que, le 11 mai, il était occupé dans le magasin à accrocher des pièces de charcuterie, lorsque tout à coup l'instrument (croc) dont il se servait et qu'il tenait à la hauteur du bras tendu lui échappe des mains. Le manche en bois de l'instrument vient le frapper dans la région orbitaire, à l'angle interne de l'œil gauche. Le malade ressent une violente douleur, et, malgré tous ses efforts, ne peut plus ouvrir ses paupières. Cependant le coup l'avait à peine étourdi, et il n'accusait pas de maux de tête.
Le médecin consulté ordonne l'application de compresses fraîches sur les paupières et lui fait mettre un bandeau sur l'œil.
Vingt-quatre heures après l'accident, le malade, en enlevant son bandeau, réussit à ouvrir ses paupières, et s'aperçoit qu'il ne voit plus du tout de son œil. Le soleil même ne lui donne pas la sensation de lumière, tandis que son autre œil voit comme à l'ordinaire. Le médecin qu'il consulte de nouveau lui donne le conseil de s'adresser à moi. Mais le malade, habitant Charenton, ne se décide à venir me voir que le surlendemain. Quand il se présente, voici ce que je constate :
Les parties externes de l'œil n'ont presque pas conservé de traces du traumatisme. A l'angle interne, on voit, lorsque le
malade ferme les paupières qui ne sont pas même gonflées, une légère ecchymose en forme de barre verticale qui tend déjà à disparaître. En écartant les paupières, on distingue près du bord interne de la cornée et vers sa partie inférieure une très petite ecchymose sous-conjonctivale. L'aspect du globe oculaire est complètement normal; la pupille, de la même grandeur que celle de l'autre œil, montre les contractions consensuelles (celles qui se produisent quand on fait tomber la lumière dans l'autre œil) ; mais elle est absolument immobile, lorsqu'on ferme l'œil sain. Le malade étant placé en face du jour ne perçoit de son œil malade aucune sensation de lumière. La recherche, des phosphènes donne également un résultat négatif.
L'autre œil, examiné de la manière habituelle, présente une acuité normale de la vision.
En procédant à l'examen ophthalmoscopique, je constate de nouveau que l'œil est complètement insensible à la lumière, même fortement concentrée sur la rétine; que la pupille, sous la même influence, ne se contracte nullement quand on a fermé l'autre œil, tandis qu'elle présente une très grande mobilité lorsque son congénère est exposé à la lumière (contractions consensuelles).
Les milieux de l'œil, cristallin et corps vitré, sont d'une transparence normale. Le corps vitré surtout ne laisse découvrir, à l'exploration la plus minutieuse, aucune trace d'opacité.
L'inspection du fond de l'œil (planche XIX) fait voir des hémorrhagies multiples et très étendues de la rétine. La papille du nerf optique proémine légèrement en avant, montre une coloration grisâtre avec une légère teinte violacée, et il est difficile de déterminer exactement le lieu d'émergence des vaisseaux qui sont comme voilés sur toute la surface de la papille optique. Les contours de cette dernière sont diffus et entourés de taches hémorrhagiques très rapprochées et disposées assez régulièrement. Elles rayonnent vers la papille. Des vaisseaux rétiniens, on ne distingue guère que les plus gros qui ne paraissent ni flexueux ni modifiés dans leur calibre. Ils présentent à différents endroits des interruptions de continuité, et alors le vaisseau se termine par un point noir qui indique la présence d'un caillot sanguin. Les parties des vaisseaux qui se trouvent entre deux solutions de continuité de ce genre ont l'aspect d'un fil
noir. On aperçoit le long de leurs parois une multitude de foyers apoplectiques striés ; le reste de la rétine est recouvert d'une masse de taches irrégulièrement arrondies, d'un rouge vif, grandes, petites, disséminées sur toute sa surface jusque vers l'extrême périphérie. Les contours de ces plaques, droites ou curvilignes, sont tantôt nettement tranchés, tantôt formés par des stries qui se perdent insensiblement dans le voisinage. A l'endroit de la tache jaune seule, la rétine ne montre qu'un très petit nombre d'hémorrhagies ; mais là aussi elle a perdu sa transparence. — L'exploration la plus attentive ne fait découvrir aucune trace de décollement rétinien.
Le diagnostic : hémorrhagies de la rétine, me faisait un devoir de rechercher s'il n'existait pas chez notre malade des troubles circulatoires qui auraient permis d'expliquer autrement que par le traumatisme de l'œil ces apoplexies rétiniennes. Nous n'avons trouvé aucun symptôme d'une maladie de cœur ou de quelque autre organe.
Dans cet état de choses, je posai un pronostic des plus défavorables.
Je conseille au malade un repos absolu, l'application de six sangsues au-dessous de l'oreille gauche, un purgatif salin pour le lendemain. Le malade, qui ne souffrait pas et chez lequel on ne voyait extérieurement aucune lésion, ne voulut pas se décider à porter sur l'œil un bandage compressif.
Huit jours plus tard, jeîrevois le malade. Rien n'est changé par rapport à sa vision. Les foyers apoplectiques sont toujours aussi nombreux, et ils ne montrent pas de traces de résorption. J'ordonne une nouvelle application de sangsues qui reste également sans résultat. Enfin, l'état de la vision est resté depuis complètement stationnaire, et le malade a perdu définitivement la vue de son œil gauche. Dans les derniers temps, on voit commencer la métamorphose régressive : les contours des grandes plaques apoplectiques perdent leur coloration et deviennent jaunâtres; les petites taches qui entourent la papille, déjà un peu plus affaissée, commencent à disparaître pour faire place à de petites taches blanchâtres dont on voit aussi quelques-unes disséminées sur la surface de la rétine.
On peut prévoir presque à coup sûr que le tout se terminera
dans un temps plus ou moins éloigné par l'atrophie de la rétine et de la papille optique.
Ed. Meyer,
Professeur d'ophthalmologie.
Anévrisme de l'aorte abdominale ; — rupture ; — mort.
Roif (Marie-Fr.), 87 ans, marchande de poisson, née à Nan-terre, admise à la Salpêtrière le 11 juillet 1861, est entrée le
13 juin 1868 au n° 12 de la salle Saint-Paul (service de M. Charcot). — Cette femme est déjà venue deux fois à l'infirmerie (service de M. Vulpian) : la première fois (février 1864) pour un embarras gastrique, la seconde (mai 1864) pour des accidents semblables et, de plus, pour des douleurs occupant la région épigastrique et les lombes. Alors on ne nota rien de particulier du côté du cœur et des poumons ; la face était fortement congestionnée, état habituel, au dire de la malade.
14. juin 1868. — Réglée à 17 ans; 8 enfants; ménopause à 54 ans. Langue très saburrale, bouche pâteuse, soif vive, constipation. — Affaiblissement des facultés intellectuelles, aussi n'avons-nous pu obtenir que des renseignements imparfaits.
Le ventre est volumineux et présente une saillie au niveau et au-dessous de l'ombilic. Au-dessus d'elle , en remontant vers l'appendice xiphoïde, sur la région médiane, les veines sous-cutanées sont légèrement dilatées. Au palper, on trouve le flanc gauche libre; mais à gauche, à quatre centimètres de la ligne blanche, on sent une masse dure, irrégulière, dont il est facile de suivre les contours dans une hauteur de 12 à
14 centimètres. Au voisinage de la ligne médiane, en se portant à droite, on a bien la sensation d'une masse, mais ses bords sont difficilement limitables; enfin, en bas, ils redeviennent nettement distincts. Transversalement la tumeur mesure cinq à six centimètres.
La main, appliquée sur la tumeur qui paraît ovoïde, perçoit des battements assez forts, répondant au pouls. Ils sont d'ailleurs visibles à l'œil. Parfois, il y a des arrêts ; point de véritables souffles. — L'auscultation du cœur ne fait constater aucun bruit anormal.
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DES HOPITAUX
Planche XX.
AN ËVRYSME DE L'AORTE ABDOMINALE
A la percussion, matité dans une hauteur de 12 à 14.cent.im. et dans une largeur de 4 à 5 centimètres de chaque côté du plan médian. Le palper, la percussion, bien que pratiquée avec précaution, sont péniblement supportés par la malade.— Douleurs vagues dans le ventre, semblant occasionnées par la compression de la tumeur. — Pouls assez fort. — Scammonée, 1 gramme.
Midi. — Il y a 20 minutes environ, on s'est aperçu que Roif était pâle, sans connaissance. — Actuellement, les yeux sont fixes; la salive coule par la commissure labiale gauche. — Résolution complète. — Les membres supérieurs et inférieurs sont froids ; le pouls est imperceptible ; sueurs froides, visqueuses, en un mot, tous les symptômes d'une hémorrhagie interne. —Température rectale, 370 4. — La malade meurt deux heures plus tard.
Autopsie le 16 juin. — Tête : Os, péricrâne, rien. — Les artères de la base offrent quelques plaques graisseuses. — Encéphale, 1,100 gr.; —cervelet, isthme, 135 gr. —Ces organes sont sains ; pas de sérosité.
Thorax. — Calcification partielle du cartilage thyroïde.— A la base du poumon gauche, petite massedure, calcaire, blanche, irrégulière (5 gr.). Le cœur ne contient ni caillots, ni sang fluide. Pas de lésions valvulaires ; tissu friable, assez coloré. Le cœur, sans le péricarde, pèse 33o gr. — La cavité ventri-culaire gauche est médiocrement dilatée; ses parois égalent i5 à 16 millimètres dans leur plus grande épaisseur.
Abdomen. — Foie, 825 gr., pas de calculs; tissu brunâtre, friable. — Rate, 100 gr., ferme, saine. — Reins, couverts de petits kystes, 120 gr. chacun. — Vessie, etc., rien.
En ouvrant l'abdomen, on remarque un épanchement sanguin considérable, ayant distendu les feuillets du mésentère, s'étendant à droite jusqu'au cœcum, en bas jusqu'à l'utérus, en haut jusqu'au rein droit qui est pour ainsi dire enveloppé par un caillot; à gauche, il n'y a rien. Les anses intestinales, le mésentère ayant été enlevés, on découvre une tumeur siégeant sur Y aorte abdominale, immédiatement au-dessus de sa bifurcation.
Cette tumeur ovoïde, à grand axe vertical, a pris naissance aux dépens de la paroi antérieure du vaisseau. Le mésentère la recouvre et lui adhère dans sa moitié gauche et dans une partie
de la droite. Il existe en haut et à droite une sorte de hiatus par lequel le doigt entre aisément et peut sentir les caillots accumulés entre le mésentère et la tumeur. En versant un filet d'eau par l'extrémité supérieure de l'aorte abdominale, on voit sortir un jet au travers d'une éraillure située vers l'angle supérieur de cet hiatus. Entre les lèvres déchiquetées de cette éraillure, un caillot noir et récent fait hernie. Il s'agit donc d'un anévrysme (i).
Le grand axe vertical mesure dix centimètres; le petit, transversal, sept centimètres et demi. Une tache ecchymo-tique, plus étendue à gauche qu'à droite, recouvre la tumeur.
Une incision longitudinale faite sur la face postérieure de l'aorte, met à jour un caillot volumineux, convexe, laissant libre environ la moite du calibre du vaisseau. Les parois aortiques, en se réunissant à la face interne du caillot, forment latéralement une sorte de rainure où le sang devait circuler sans peine. Le caillot 'est dur, stratifié, d'un rouge peu prononcé. Sur la planche XX, qui représente l'aorte incisée suivant sa face postérieure, on voit très bien le caillot qui est coloré en rouge.
L'aorte thoracique, à son origine, a 25 millimètres de diamètre; Y aorte abdominale, immédiatement au-dessous du diaphragme, 25 millimètres; l'iliaque primitive droite, 18 à 20 millim. ; la gauche, i5 à son point d'émergence et 18 millim. un peu au-dessus de sa division. — Les artères iliaques externes et internes sont également dilatées.
L'histoire des anévrysmes de l'aorte abdominale n'est pas encore établie d'une manière définitive; aussi tous les faits capables de concourir à ce but méritent-ils d'être consignés. La tumeur, dans l'observation précédente, siégeait immédiatement au-dessus de la bifurcation de l'aorte, ce qui est assez rare, puisque, au dire de Lebert, les anévrysmes se verraient 52 fois sur 92 au voisinage du tronc cœliaque. La terminaison fatale par rupture du sac a été aussi rapide que possible; les adhérences entre l'anévrysme et le péritoine ont été insuffisantes à limiter l'hémorrhagie. Cette condition, relativement avantageuse, se rencontrerait dans 1/16e des cas, selon l'auteur précité. The Lancet (1868, vol. 1, p. 228), contient un fait de ce
(1) La pièce a été présentée à la Société anotomique (1868).
genre : l'épanchement sanguin, en se circonscrivant, a donné lieu à un anévrysme faux.
La rupture s'est effectuée dans un des points répondant aux caillots les plus anciens, sans que, à ce niveau, il y eût des lésions athéromateuses bien marquées. Elle était linéaire, verticale et non circulaire, ainsi que cela se voyait dans un cas de M. Aronssohn (Ga\. médicale de Strasbourg, 1866), ou bien irrégulière comme dans l'exemple relaté par Find (The Dublin quart.) of the med. Sciences, 1858).
bourneville.
Cas de tératologie
Un habitant de l'Algarve, province la plus méridionale du Portugal, atteint d'une difformité remarquable, a successivement parcouru diverses contrées de l'Europe. A Paris, un grand nombre de nos confrères ont pu le voir à la clinique de Velpeau, où il a séjourné quelque temps. Son histoire n'a pas encore été publiée en France ; au congrès médical de Madrid, en 1865, il fut fait mention du cas que nous allons décrire par un professeur portugais, Augusto de Macédo.
Juan Batista de los Santos est un homme d'une excellente constitution; sa taille est de 1 mètre 65; il a aujourd'hui 3q ans.
Ses ascendants et ses frères sont tous valides, et on ne rencontre chez aucun la moindre trace de difformité. Lui-même est bien conformé quant à l'ensemble de sa personne et présente les particularités suivantes (voir planche XXI) : Entre ses deux membres abdominaux se trouve une troisième jambe dont l'insertion se fait au périnée en avant de l'anus et derrière le scrotum. Ce troisième membre est atrophié et une ankylose fémoro-tibiale, presque complète, le tient coudé sous un angle de 8o°. La cuisse est pendante et possède des mouvements de rotation, de flexion et de circumduction, sans qu'il soit possible de reconnaître le mode de conformation de l'article.
La jambe proprement dite possède un squelette unique et se termine par deux pieds accolés suivant leur bord interne et palmés ; on peut compter les orteils et toutes leurs phalanges; ces dernières sont au nombre de dix.
La totalité du membre mesure 79 centim. de longueur,
36 centim. du périnée à l'articulation du genou et 43 centim. de celle-ci à l'extrémité du pied.
Par le palper abdominal, on sent dans le bassin une tumeur osseuse dont la nature peut être diversement interprétée; le Dr de Macédo pense que c'est l'occipital d'un fœtus enclavé ; pour nous ce serait un os iliaque irrégulièrement conformé.
En avant du membre abdominal supplémentaire dont nous venons de parler, réside un appareil génito-urinaire des plus singuliers : deux verges, d'un calibre imposant, occupent le milieu de la région; elles sont libres et indépendantes; l'une d'elles est légèrement plus développée que l'autre, cela tient à ce que le sujet dont nous parlons la réserve plus spécialement pour le coït; il est des cas assez fréquents cependant où il profite de la richesse de ses moyens pour se servir successivement de ses deux organes, et parfois aussi simultanément.
L'érection est complète dans les deux pénis à la fois; l'éjacu-lation et la miction se produisent par les deux urètres et en même temps. — Il n'a pas été possible de faire une exploration dans le but de savoir s'il y avait deux vessies ou une seule.
De chaque côté des pénis, qui se touchent par leur partie interne, on voit déborder deux scrotum; ces derniers sont adhérents l'un à l'autre sur la ligne médiane ; la moitié interne de chaque scrotum est atrophiée et on n'y trouve aucune trace de testicule ; les deux moitiés externes, au contraire, sont parfaitement développées et renferment chacune un testicule normal coiffé de son épididyme, auquel fait suite un cordon spermatique assez volumineux.
Les cas de tératologie du genre de celui que nous venons de décrire sont assez rares, et c'est surtout à ce titre que s'y rattache un certain intérêt de curiosité.
Nous possédons dans notre collection un fait analogue à celui que nous publions aujourd'hui et dont le sujet est une jeune fille d'une dizaine d'années. Nous donnerons la photographie et une note sur cette enfant dans le prochain numéro de la Revue.
La Rédaction.
BUREAU CENTRAL DES HOPITAUX
M. Benjamin Anger.
Cysticerque de la paume de la main.
(L'observation a été recueillie par M. L. Laffite, externe du service.
Le 27 avril dernier, le nommé Auguste Jugan, coiffeur, âgé de 35 ans. se présente à la consultation de M. Benjamin Anger, au Bureau central des hôpitaux, demandant à être traité pour une tumeur qu'il portait à la main.
Cette tumeur, de la grosseur d'un œuf de pigeon, est située à la région palmaire de la main droite; elle s'étend depuis la ligne demi-circulaire, qui limite en bas et en dedans les muscles de l'éminence thénar, jusqu'à environ un centimètre du bord externe du premier métacarpien. Elle siège extérieurement, comme on le sait, au-dessus de presque tout l'espace occupé par les muscles de l'éminence thénar. Elle n'a pas de coloration
AA. Peau et tissu cellulaire sous-cutané.
B. Aponévrose palmaire.
C. Kyste adventice.
D. Vésicule externe ou grande vésicule du cysticerque.
E. Vésicule interne ou petite vésicule renfermant la tête et le cou de l'animal.
particulière, sa couleur est celle du reste de la main ; elle est
légèrement fluctuante; la pression ne détermine que peu ou point de douleur. Le petit doigt est contracté, presque dans la demi-flexion, regardant vers le kyste et achève de donner à la main l'aspect tout particulier qu'indique la figure.
Interrogé, le malade a déclaré s'être aperçu pour la première fois, il y a quatre ans, que sa main avait commencé à gonfler ainsi en cet endroit; une ponction fut faite, il y a deux ans, par un médecin ; du liquide s'échappa, et la tumeur semblait complètement disparue lorsque, peu de temps après, il s'aperçut qu'un nouveau gonflement se déclarait, lequel alla toujours en progressant jusqu'au point où il était parvenu le 27 avril dernier.
Ce kyste n'a pas été pour lui la cause de dérangements intérieurs; sa santé a toujours été fort bonne; il est incommodé plutôt qu'il ne souffre de la présence de cette tumeur, qui l'empêche d'exercer son métier de coiffeur avec la facilité ordinaire,' et c'est pour cette raison qu'il s'est décidé à venir demander à la chirurgie les moyens de l'en débarrasser. Il affirme enfin n'avoir aucune autre grosseur de ce genre dans aucune autre partie de son corps.
M. Benjamin Anger pratiqua une incision oblique de bas en haut de 2 centimètres qui laissa aussitôt échapper un liquide séreux, jaune citrin, doux au toucher, limpide. N'ayant pu le recueillir et le soumettre aux réactifs, nous ne pouvons en indiquer la composition chimique. Au même moment où , par l'ouverture pratiquée avec le bistouri, jaillit le liquide, une fausse membrane apparut, faisant hernie, et attira notre attention. M. Benjamin Anger, après s'être assuré qu'elle ne contractait pas d'adhérence avec les tissus périphériques, en fit l'extraction. Nous constatâmes alors qu'elle était située entre l'aponévrose palmaire et les muscles du pouce, et qu'elle s'étendait dans la direction de l'avant-bras jusqu'au bord inférieur du. ligament annulaire du carpe. L'opération faite, la plaie fut pansée à l'alcool, et aujourd'hui 19 mai, c'est-à-dire vingt-trois jours après, le malade est à peu près guéri.
Placée immédiatement sur une compresse et examinée rapidement, cette fausse membrane offrit l'aspect d'une poche qui devait, avant l'ouverture pratiquée avec le bistouri, être close de toutes parts et contenir la sérosité échappée. Blanche na
crée, humide et d'une texture très fragile, elle roulait sous le doigt. Retournée sur elle-même comme un doigt de gant, elle présenta un petit cul-de-sac se terminant par une vésicule de la grosseur d'une grosse lentille et se continuant par un pédicule de quelques millimètres avec la paroi de la poche. Cette petite vésicule assez dure, opaque, paraissait contenir dans son intérieur un petit corps jaune comme replié sur lui-même et pouvant avec raison être comparé au fœtus humain replié dans la membrane amnios. A l'état normal, cette vésicule enkystée, suspendue aux parois internes de la première poche, devait se trouver entourée par le liquide déjà cité, au milieu duquel elle flottait, maintenue seulement par son pédicule.
Soumise à l'inspection micrographique dans le laboratoire de M. Vulpian, par M. Hayem, il fut constaté que nous étions en présence d'un petit animal se terminant du côté opposé, à son insertion vésiculaire, par une tête munie d'une trompe imperforée entourée de crochets au-dessous desquels se trouvaient quatre granules noirâtres qui n'étaient autres que les ventouses indiquées dans le cysticerque. Au-dessous de ces ventouses se trouvait le pédicule, c'est-à-dire le cou de l'animal se continuant avec la petite vésicule contenue dans la grande, remplie du liquide déjà décrit.
Un mois après l'opération, Auguste Jugan était complètement guéri et avait repris l'usage de la main. Cependant il y a toujours à la place occupée par le kyste une certaine tuméfaction et une certaine dureté.
C'est donc à un cysticerque que nous avions affaire, au cysticerque ladrique, cysticercus cellulosus de Rudolphi et de Bremser, qui produit chez l'homme le tœnia solium ou ver solitaire. A l'état de cysticerque, c'est le scolex ou larve de ce ver qui, suivant qu'il est absorbé par tel ou tel animal, produit chez lui les taenias spéciaux qu'on y a observés ; c'est du moins l'opinion du savant de Siebold, contraire sur ce point à celle de Van-Beneden, Chez le porc, il cause la maladie connue sous le nom de ladrerie, maladie observée sans doute dès les temps les plus reculés, et qui pourrait bien être la cause de la répulsion qu'ont les juifs pour cette viande; chez le mouton, il cause le tournis, affection dans laquelle le mouton tourne plus ou moins longtemps sur lui-même d'une façon désordonnée,
et finalement tombe et meurt. Il deviendrait tœnia serrata dans le chien, tœnia crassipes dans le renard, tœnia marginata dans le loup, tœnia crassicollis dans la marte, etc.
Après s'être assuré de ces différentes transformations chez les animaux dont je viens de parler en dernier lieu, on expérimenta sur l'homme lui-même, et on put se convaincre des mêmes résultats. M. Küchenmeister, médecin de Zittau en 1835, fit avaler, sans qu'elle le sût, à une femme condamnée à mort, quelques instants avant le moment fatal, soixante-quinze cysticerques provenant d'un porc ; quarante-huit heures après le supplice, l'autopsie fut faite, et l'on trouva quatre petits taenias ordinaires munis de leurs crochets, fixés à la muqueuse duodenale. Leuckart fit une semblable expérience qui appuya la précédente. Humbert, de Genève, en 1854, opéra sur lui-même, et, deux mois après l'ingestion de cysticerques, il sentait la présence des taenias dans son intestin, et en rendait des fragments considérables. L'épidémie qui eut lieu à Lille, il y a deux ans je crois, donne une confirmation nouvelle aux assertions de ces observateurs distingués. Enfin, ce premier pas fait, on a cru suivre le développement de cet helminthe dans le corps de l'homme; je vais rapidement esquisser les évolutions successives par lesquelles passerait le taenia avant d'arriver à son état parfait.
L'œuf renferme un embryon muni de trois paires de co-chets, dont deux paires serviront à diviser les tissus de l'animal dans lequel le parasite vivra. Alors, par voie agame, ce scolex produit un individu organisé dans sa propre mère, comme une chenille dans son cocon, et c'est ce second individu qui est le cysticerque proprement dit, se terminant par une ampoule remplie de sérosité dans laquelle l'animal s'abrite. Dans cet état, il occupe le tissu cellulaire, la graisse, ou est sous la peau, les aponévroses comme dans l'individu dont je fais ici l'observation. C'est le cysticerque de la cellulosité qui peut produire alors par gemmiparité et non par génération, car il n'a pas d'organes sexuels. Si des obstacles jusqu'ici inconnus s'opposent à ce que le parasite sorte du parenchyme qui l'enkysté, son évolution s'arrête, et il ne monte pas plus haut dans l'échelle de ses métamorphoses. Après avoir acquis un plus ou moins gros volume, il subit différentes altérations et cesse de
vivre; mais, si une cause on une autre favorise sa sortie de son kyste, et que, par les aliments ou les boissons, il parvienne jusque dans le tube digestif de l'homme, il se passe alors un autre phénomène : par ses crochets et ses ventouses, il se colle à la muqueuse, perd son ampoule qui s'atrophie, il devient transparent, s'allonge, se rubane, déploie des articulations suc-cessiveSj — devient taenia, — et cela dans deux ou trois mois de temps !
Chaque article est mâle et femelle. Les ovaires se remplissent d'ceufs à l'époque de la fécondation ; les articles se dissocient, se séparent complètement les uns des autres pour constituer ce qu'on appelle les cucurbitins. Ces derniers sont entraînés par les matières fécales et deviennent véritablement voyageurs à partir de ce moment-là. Exposés ainsi à toutes les causes qui peuvent les déplacer et les plonger dans des milieux différents, leurs œufs ne perdent pas, paraît-il, malgré cela, leurs propriétés germinatives. Ils deviennent le jouet des vents et des eaux jusqu'à ce que, pris par l'homme ou un mammifère quelconque, ils puissent revêtir les formes successives de leur quadruple existence. Ils sont donc devenus graduellement rudimentaires, vésiculeux, rubanés, fragmentés, ou, suivant Van Beneden, protoscolex, deutoscolex strobile et pro-glottis.
Ces opinions, qui sont celles des naturalistes dont je viens de parler, n'ont cependant pas été sans être contestées; elles l'ont même été à tel degré que nul point peut-être de la science n'a été plus controversé. De tous côtés, des théories plus ou moins belles se sont élevées, tant pour expliquer le mode d'introduction et de formation dans l'économie des parasites animaux que pour celui des végétaux, tels que ceux qui se développent dans le favus, l'herpès, le pityriasis, le muguet, etc., etc. Cela tendrait à prouver plutôt que chacun erre à son gré avec plus ou moins de génie dans le champ déjà si vaste des pures hypothèses, et que, en fait de genèse, toutes les théories humaines sont frappées d'impuissance et de stérilité, aucune ne pouvant donner la clef de l'origine du premier homme aussi bien que de la première béte.
Les uns, on le voit, les regardent comme des animalcules aquatiques ou terrestres qui, introduits dans le corps de
l'homme, prennent un développement considérable et éprouvent des modifications dans leur organisation (Vidal).
Les autres les font circuler avec le sang dans les capillaires, dans les profondeurs de l'organisation, en admettant qu'ils sont d'un volume inférieur à celui des globules, et qu'ils peuvent pénétrer partout où pénètrent ces derniers. D'autres, avec Pal-las et Bréra, les faisaient se former spontanément au sein des tissus; on invoquerait enfin, et avec plus de raison peut-être, des diathèses vermineuses, etc.
Quoi qu'il en soit de tout cela, le point le plus intéressant est le lieu d'élection choisi par le cysticerque dont je m'occupe, et la tumeur dont il était la cause ; jusqu'ici les cysticerques découverts infectaient plus ou moins un organe ou un membre ; mais il n'est point dit nulle part qu'ils aient formé, comme dans le cas que je fais connaître, des tumeurs; aussi est-ce surtout sur ce dernier point que j'insiste et que j'appelle l'attention.
Ne connaissant pas, en effet, d'exemple d'observation prise en pareil lieu, et dans des conditions analogues, j'ai, pour m'en assurer et pouvoir être plus à même de l'affirmer, fouillé dans toutes les thèses et pratiqué à la bibliothèque de l'Ecole d'attentives recherches dans une grande partie des publications médicales de ce siècle, cette question n'ayant été sérieusement étudiée que par les auteurs cités plus haut, et ces temps derniers par MM. Follin et Robin. Je n'ai nulle part trouvé le fait consigné. Aucune branche, du reste, de la nosographie n'y a été moins abordée que celle qui a trait même à l'étude des perturbations pathologiques causées par les entozoaires en général. Dans toutes les thèses de doctorat, MM. Lebaudy i83o ; Gen-dron, Jacomo, i838;Prost, Bailly, Ollagnier, 1842; Caron, 1844; Lespès, 1853; Fieret, 1855 ; Pasquiou, 1865, sont les seuls qui aient cherché à éclairer cette question.
La Galette des hôpitaux, que j'ai examinée avec soin, n'a publié que quelques rares observations d'entozoaires ; il n'est parlé que deux ou trois fois des cysticerques. Dans un numéro de l'année 1848, le docteur H. W. Berend dit en avoir trouvé un dans la lèvre supérieure d'un malade. Dans un autre de la même année, le docteur Drewry-Ottley dit aussi en avoir observé dans le cerveau d'une dame, dans ses méninges surtout, qui en contenaient une grande quantité. Les Archives médi
cales répètent l'observation. Je n'ai rien vu dans la Revue médicale de Cayol.
Nos auteurs sont eux-mêmes assez laconiques sur leurs observations à cet égard, soit qu'elles n'aient pas été faites, qu'elles n'aient pu l'être, ou enfin qu'elles n'aient pas été publiées. Tous sont d'accord avec les zoologistes pour assigner à cet animalcule, comme lieu de prédilection, le tissu cellulaire, le poumon, le cœur, le cerveau, soit dans ses circonvolutions, soit dans son épaisseur, les plexus choroïdes, les méninges, les yeux surtout, où ils se logent dans la cornée, ou sous la conjonctive, comme M. Sichel l'a parfaitement démontré dans un remarquable mémoire. Ils ont été découverts dans certains muscles, le .deltoïde^ le biceps, le grand pectoral, les muscles de la jambe, comme M. Demarquay l'a montré à la Société anatomique^ en i8q5, en présentant le membre inférieur d'une femme qui en était infecté. M. Benjamin Anger enfin, alors qu'il était prosecteur à Glamart, en a trouvé dans le mollet d'un sujet et au point d'insertion du brachial antérieur et du deltoïde au bras droit.
Personne, on le voit, ne déclare en avoir surpris dans la main. Il est fort difficile, en effet, laissant même de côté la question d'introduction et de migration jusqu'à cet endroit, d'expliquer comment il a pu se développer dans un milieu soumis à tant de pressions et à des causes de destruction si variées. Toutes ces difficultés, jointes à la rareté et à l'importance clinique du fait, nous ont engagea le publier.
BULLETIN
Propagation de la phthisie. — M. Villemin, dans une des dernières séances de l'Académie de médecine, a exposé les résultats de nouvelles expériences qu'il poursuit sur la tuberculose et les conséquences pratiques qu'elles lui semblent contenir.
Une première série d'expériences contient quatre cas de pro--duction de la phthisie obtenue par injection hypodermique avec une seringue de Pravaz.
Une deuxième série comprend cinq cas d'inoculation au moyen d'un fil à ligature imbibé de la matière tuberculeuse.
L'auteur étudie ensuite successivement : la production de la tuberculose au moyen des matières desséchées de l'expectoration des phthisiques, l'inoculation de la sueur des phthisiques, la production de la tuberculose par ingestion de la matière tuberculeuse et des crachats de phthisiques.
Les expériences faites avec les matières desséchées de l'expectoration tendent à prouver : i° que les matières de l'expectoration des phthisiques gardent leur inoculabilité après la dessiccation ; 2° qu'elles la perdent lorsqu'elles restent à l'état liquide pendant quelques jours; 40 ou qu'elles sont desséchées depuis trop longtemps.
Les expériences entreprises avec la sueur des phthisiques, trop peu nombreuses encore pour en déduire des conclusions certaines, portent à croire que la sueur n'est pas un principe de transmission de la tuberculose.
Pour établir le troisième point, la production de la tuberculose par ingestion de la matière tuberculeuse dans les voies di-gestives, M. Villemain a répété les expériences récentes de M. Chauveau, de Lyon; les résultats, confirmatifs de ceux qu'a obtenus M. Chauveau, démontrent la pénétration des virus par l'ingestion, et achèvent de réfuter les objections qu'on a élevées contre la virulence de la phthisie.
Depuis quelques jours l'Académie de Médecine est engagée dans quatre grandes discussions qui donnent à la lecture de ses débats un intérêt tout particulier.
La savante assemblée discute en ce moment sur l'infection purulente; puis elle abordera successivement :
La question de la vaccination animale ;
La question de la mortalité des nouveau-nés ;
La question du choléra.
Le Gérant, a. de montméja.
1007g —Paris. Typ. Alcan-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
DES HOPITAUX
Planehe XXII.
CAS DE TÉRATOLOGIE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche XXIII.
CAS DE TÉRATOLOGI E
des
II OPE FAUX DE PARIS»
Cas de Tératologie.
La jeune tille que représentent les planches XXII et XXIII est une enfant de dix ans, native d'Issoudun. De même que le cas de tératologie de la planche XXI, celui-ci doit être classé parmi les monstres doubles polyméliens du genre pygomèle, d'après la classification de Geoffroy-Saint-Hilaire.
Des faits analogues ont été signalés chez l'homme, mais on ne les a pas décrits scientifiquement, surtout au point de vue de la disposition des organes sexuels; chez la jeune fille qui fait l'objet de cette description, contrairement à ce qui avait été vu dans les cas observés antérieurement sur divers mammi-tères, les parties sexuelles externes, au lieu d'être rudimen-taires, étaient complètement développées. De plus, il y avait chez cette enfant un seul anus, à côté duquel résidait une dépression cicatricielle indiquant un second anus imperforé : les mammifères et les oiseaux atteints de semblables difformités possédaient deux anus.
Dans notre cas, il existe deux jambes bien développées; l'une d'elles est affectée d'un pied-bot. Entre ces deux membres abdominaux, que l'on peut considérer comme normaux, se trouvent deux autres membres dont l'un, sauf son volume un peu moindre et la privation de mouvements libres, n'offre aucune particularité; l'autre, au contraire, se présente sous la forme d'un moignon inséré au périnée et ne possède ni articulation ni pied. — L'appareil génital externe se compose de deux vulves parfaitement conformées; l'une antérieure, est de beaucoup supérieure en volume à la seconde qui se trouve située postérieurement : chacune d'elles possède un urètre et l'urine sort à la fois par ces deux conduits, particularité qui avait nécessité l'usage d'un vase spécial à grand diamètre pour que l'enfant pût procéder à la miction.
Des médecins et chirurgiens belges qui avaient eu occasion d'examiner attentivement le phénomène dont il s'agit, avaient constaté l'existence de quatre os coxaux dans le bassin, dont tous les diamètres étaient relativement considérables. C'est à cela qu'on doit rattacher les oscillations et la lourdeur de la démarche de l'enfant.
Le cas de tératologie que nous venons de décrire rapidement nous a été communiqué par le docteur Péan, à qui les parents de l'enfant s'étaient adressés pour une consultation. JNous avons lu des observations fort complètes rédigées par des savants belges, et nous les prions, si ces lignes tombent sous leurs yeux, de vouloir bien nous adresser les particularités qui auraient échappé à notre mémoire dans le cours de cette description.
Ch. Robin, Professeur à la Faculté de médecine de Paris.
Lèpre des Grecs.
La lèpre de \z~pa (Tsarath des Hébreux , Morphéa des Arabes, mal de Lázaro, Spidalskhed des peuples du Nord), connue aussi sous le nom d'Elephantiasis des Grecs, Elephantiasis tuberculeux, etc., est une maladie chronique, constitutionnelle, héréditaire, caractérisée au début par des taches le plus souvent anesthésiques suivies de la production dans tout l'organisme de cellules (matière tsarathique de Bazin), infiltrant surtout le derme sous forme de tubercules ayant de la tendance à s'ulcérer, et s'accompagnant à la fin d'un affaiblissement et d'une atrophie générale progressive.
On a déjà eu dans le courant de cet ouvrage l'occasion de dire quelle était la marche de cette singulière affection qui serait héréditaire, d'après Danielssin, un des observateurs qui ont approfondi cette question (il cite même un cas de lèpre tuberculeuse chez un fœtus) et dont le développement serait favorisé par les influences atmosphériques ou extérieures.
Très répandue pendant le moyen âge dans l'Europe centrale, parce que l'on englobait sous ce nom les différentes manifestations de la Syphilis et les autres maladies cutanées ,
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche HIV
LEPRE DES GRECS
la lèpre se trouve aujourd'hui reléguée sous deux latitudes bien différentes.
D'une part, entre les 35eB degrés de latitude N. et S. de l'équateur, c'est-à-dire dans toutes les parties chaudes du du globe ; aux Indes-Orientales, dans l'Amérique du Sud, eux Antilles, au Japon, en Chine, en Syrie, en Grèce, en Turquie, à Caracas (capitale de la République de Venezuela). Il y a même un quartier exclusivement habité par les lépreux qui vivent et se multiplient entre eux.
D'autre part, dans les pays du Nord, Danemark, Suède et Norvège, où les travaux les plus importants ont été faits par Damielsen et Buk, et tout récemment par Virchow, dans un voyage qu'il fit en 1859 dans ces contrées, et dont les belles recherches se trouvent consignées dans le second volume du Traité des tumeurs, 1869.
On a cru pendant longtemps que les Européens étaient à l'abri de l'éléphantiasis, il est vrai qu'il se développe rarement chez eux, surtout s'ils changent fréquemment de climat. Ceux qui sont exposés à en être atteints, sont particulièrement ceux qui ont habité le pays pendant longtemps, et qui, par la nature de leurs occupations, se sont trouvés pendant un certain temps dans les conditions hygiéniques et cosmiques propres à développer ce mal.
D'après les auteurs, et les médecins exerçant dans les pays où la lèpre est connue, la suppression de la transpiration en première ligne, les insolations répétées, l'abus des boissons alcooliques, la mauvaise nourriture, les fatigues corporelles excessives, les bains froids trop fréquents, les peines morales, etc., en un mot toutes les causes, de débilitation seraient, dans la plupart des cas, la cause originaire du mal.
(Un proverbe espagnol dit que : trop penser rend ladre.)
On a voulu distinguer plusieurs périodes dans cette maladie, mais en réalité elles ne sont pas aussi distinctes qu'on a voulu le dire et peuvent se trouver toutes réunies chez la même personne.
Nous attirerons particulièrement l'attention du lecteur sur la deuxième période ou tuberculeuse que nous avons mieux étudiée, grâce à la bienveillance de notre cher et honoré maître le docteur Hillairet, qui a fait soumettre à l'analyse microsco
pique de l'habile docteur Ranvier, un tubercule enlevé sur les bras du malade dont on voit ci-contre la photographie.
Cette maladie débute dans certains cas par des accès de fièvre intermittente, des douleurs rhumatoïdes, dans les membres, suivies de langueur, d'affaiblissement général.
Bientôt des plaques de couleur variable, rouges (mal rouge de Cayenne), fauves, blanches, se répandent sur tout le corps ; elles paraissent et disparaissent plusieurs fois avant de rester stationnaires.
La peau devient anesthésique sur les taches, quelquefois l'anesthésie se montre seule et en premier lieu ; cependant il n'est pas rare de rencontrer de l'hyperesthésie poussée à un degré extrême.
Le point de départ est donc dans le système nerveux qu'on a presque toujours trouvé altéré dans les différentes autopsies que Ton a faites. La lésion est encore peu connue dans son essence, mais n'en est pas moins réelle, et est certainement la cause des altérationsvasculaires et autres lésions consécutives.
Serait-ce dans les vaso-moteurs ?
Puis on voit survenir, comme chez notre malade, des éruptions bulbeuses qui disparaissent en général assez vite pour faire place à des tubercules de forme et de volume variables.
La peau, après avoir présenté des taches, s'épaissit de plus en plus, devient plus lisse ; l'épiderme s'atrophie et laisse voir très facilement par points le réseau circulatoire cutané. Les vaisseaux.sont variqueux, tortueux, surtout au niveau des tubercules; mais cette varicosité et cette injection sont d'autant plus prononcées que la circulation est plus gênée.
En laissant pendre les bras le long du corps, comme nous l'avons fait chez notre malade, les mains prennent un aspect livide, la moindre chose suffit alors à rompre les capillaires et à produire des extravasa sanguins sous-épidermiques sans aucune tendance à la résorption, mais au contraire à l'ulcération .
Les malades arrivés à ce degré exhalent une odeur hircine.
On peut voir, sur la main du malade dont nous rapportons succinctement l'histoire, des tubercules de différentes grosseurs siégeant principalement sur le dos delà main; en général, les tubercules ont plus de tendance à se développer sur les par
ties exposées à l'air : mains, tête, oreilles, à l'exception du cuir chevelu que nous avons souvent vu indemne.
Ces tubercules ne s'affaissent pas sous la pression du doigt, leur dureté est particulière et rappelle un peu les tubercules du lupus et du mycosis, mais ils en diffèrent complètement par la composition histologique dont nous allons rapporter l'examen fait par le docteur Ranvier sur le tubercule enlevé à notre malade.
Le tubercule lépreux est constitué par un tissu gris, vas-culaire : il forme une masse bien limitée au milieu du tissu adipeux circonvoisin. Il se décompose lui-même en une série de lobules séparés par des trabécules de tissu connectit, contenant les cellules adipeuses.
Ces lobules sont formés par une agglomération de cellules extrêment variées de forme : les unes sont rondes, d'autres ressemblent à des blocs irréguliers; certaines sont fusiformes, quelques-unes étoilées : la plupart ont o millim. 01 5 à o millimètre 002 de diamètre ; enfin on trouve au milieu d'elles de grandes cellules ayant o millim. o3 à o millim. 04 chargées de noyaux ; celles-ci sont en tout semblables aux cellules mères de la moelle des os. Il n'y aucune substance interposée entre ces différentes cellules; elles se touchent d'une manière intime. Les vaisseaux qui sillonnent le tissu morbide ont une paroi épaisse, non embryonnaire : ce caractère pourrait servir à faire distinguer les tubercules de la lèpre des tumeurs sarcomateuses.
Les tubercules ne se développent pas seulement sur la peau, mais bien su': toutes les muqueuses, nasale, buccale, et même sur celle des cordes vocales, ce qui rend la voixrauque, pénible, sifflante. La respiration devient surtout gê^ée à l'époque des changements brusques de température, qui ont une grande influence sur le développement des tubercules; le catarrhe bronchique qui les congestionne, est très à redouter et amène souvent la mort par asphyxie si l'on ne pratique pas la trachéotomie.
Les tubercules,par leur groupement et leur volume déforment les organes comme le rez, les oreilles, les paupières ; les traits s'altèrent et la physionomie prend un aspect hideux et repous
sant par suite du volume des lèvres, de l'épatement du nez, de la perte des sourcils et de la tuméfaction des paupières.
Le goût, l'odorat ne sont plus aussi sensibles, la vue s'affaiblit progresssivement par l'opacité de la cornée ; la conjonctive prend une teinte bistre au pourtour de la cornée qui offre un aspect analogue au cercle sénile des vieillards, l'ouïe seule résiste au progrès de la maladie.
Les tubercules dont la durée est plus ou moins longue finissent presque toujours par s'ulcérer (troisième période des auteurs), soit parla fonte de la matière qui les compose ou bien à la suite d'un choc ou consécutivement à des bulles pem-phigoïdes ou à des abcès gangreneux.
La forme en est variable; ils sont blafards, de mauvaise nature, sans tendance à la cicatrisation et creusant profondément jusqu'aux os qu'ils détruisent lentement et sans grandes douleurs. On a vu des phalanges des doigts et même des membres se détacher du corps sans occasionner la moindre hémor-rhagie.
Cet ulcère se revêt ordinairement de croûtes sèches, d'un brun sale, un peu écailleuses, analogues à celles du rupia.
La cicatrisation peut se faire au-dessous, mais c'est l'exception-Le tissu osseux ne tarde pas à être gravement compromis et sur différents points s'établissent des ulcères fistuleux qui aboutissent profondément à des os malades, et c'est alors que l'on voit,comme nous le disions plus haut, des portions de membre8 se détacher. Les muscles s'atrophient progressivement, à commencer par ceux des mains, des bras et des jambes, pour gagner ceux du tronc; ce phénomène est du plus fâcheux augure.
Enfin, après avoir ravagé l'économie, la lèpre s'attaque aux viscères que l'on a toujours trouvés altérés par cette même matière qui se développe partout, et les malades meurent cachectiques ou bien brusquement, dans un accès de suffocation ou par le fait d'un œdème de la glotte ou d'une affection du tube digestif. 11 est remarquable qu'au milieu de tous ces désordres les malades conservent toute leur intelligence, et rien n'est plus triste que de voir ces pauvres malheureux assister aux progrès du mal qui les mine et dont ils connaissent l'inexorable terminaison.
La marche de tous ces accidents est continue mais intermit
tente, et ce sont précisément ces intermittences que l'on a prises pour des guérisons. La durée est ordinairement longue et varie suivant la forme de la maladie dont on a cependant cité quelques exemples de guérison.
Quant au traitement, nous serons brefs, car nous ne pouvons ici rapporter tout ce qui a été fait.
Le traitement hygiénique est le plus important de tous; le changement de climat réussit ordinairement à entraver la marche de la maladie. On a recommandé les bains, les soins de propreté dans le linge, l'usage d'une alimentation herbacée, et enfin les promenades et les distractions de l'esprit. A l'intérieur que n'a-t-on pas fait, depuis le quinquina jusqu'au venin de serpent à sonnettes expérimenté en Amérique par le docteur Sigaud Le Holleick?
Tour à tour l'iode, l'arsenic, le mercure, les alcalins intus et extra, l'hydrocotyle asiatique, les tisanes les plus variées, celles faites : i° avec l'écorce et les gousses d'un arbre appelé eugi (mimosa terneciana); 2° avec la feuille d'un arbre appelé Piripiti , qui est légèrement purgative ; les bains de toutes sorte, voire même de guano, ont été employés sans grands succès.
Enfin tout récemment nous avons entendu parler d'une huile venant de l'Inde qui est employée dans ces pays, à l'intérieur à commencer par 5 gouttes, et à l'extérieur en frictions pour guérir cette affection. C'est l'huile de Chaulmoogra que nous avons aussi expérimentée sur notre malade, et sans grand résultat; il est vrai que la'durée de l'expérience n'est pas assez longue.
M. Daniel Beauperthuis, établi depuis près de 3o ans à Cumana, est le seul médecin qui ait dans ce pays la réputation d'avoir fait des cures merveilleuses. 11 serait à désirer que ce praticien publiât le résultat de ses belles découvertes dans l'intérêt de la science et des malades.
Nous avons repris dans ces derniers temps l'usage de l'acide phénique (jadis expérimenté par M. Bazin) en solution au i/io pour badigeonner des tumeurs. Ce liquide, qui rappellerait par son odeur celui dont se sert le docteur Beauperthuis, au dire de certains malades, a une efficacité réelle sur la résorption des tubercules, qui disparaissent en laissant une
cicatrice à peine visible. Mais il faut surveiller avec soin cette médication qui pourrait déterminer des ulcérations par l'action longtemps ou trop souvent prolongée de ce caustique si puissant.
Enfin, malgré les nombreuses investigations faites de tous côtés, dans le but de triompher de cette maladie, on en est encore en Amérique, dans le nord de l'Europe, ici même à Paris, à des essais et à des tâtonnements.
Seul M. Beauperthuis prétend avoir trouvé le remède à ce mal si pénible.
Puissent ces quelques lignes lui tomber sous les yeux et l'engager à dévoiler son secret!
Paul Lamblin,
Interne à Saint-Louis.
Observation
M. M""*, âgé de 32 ans, né à l'île Maurice (colonies anglaises) entre le 27 décembre 1868 à l'hôpital Saint-Louis, au pavillon Gabrielle, chambre n° 6, service de M. le docteur Hillairet.
Son père et sa mère sont nés dans le pays, mais descendent de Français; aucun membre de sa famille ne présente d'affection analogue à la sienne et tous ses frères et sœurs jouissent d'une belle santé.
Il fut élevé à Maurice, dans d'excellentes conditions, et ne s'est jamais alité jusqu'en 1855.
Les premiers symptômes de la maladie pour laquelle il vint réclamer les soins des médecins français remontent à une dizaine d'années, et c'est après avoir contracté la gale qu'il s'aperçut que sur les membres existaient des plaques circulaires rouges à rebords un peu- saillants, avec anesthésie complète.
Jusqu'en 1856, ces plaques augmentèrent de nombre et de dimensions; mais, sous l'influence de bains sulfureux et cinabres, la sensibilité revint petit à petit.
L'état général était satisfaisant, sauf un léger amaigrissement.
A la fin de l'année 1856, il quitta le climat de l'île Maurice, dont la température moyenne est d'environ 400, et où les con
ditions atmosphériques sont très irrégulières, pour aller habiter à la Réunion. 11 passa une année dans ce pays, se portant bien. De retour à Maurice à la fin de l'année 18 57, il vit réapparaître des taches anesthétiques avec quelques tubercules sur les mains, qui ne tardèrent pas à s'ulcérer en laissant de petites cicatrices kéloïdiennes que l'on voit encore sur le dos des mains. De 1857 à 1866, les taches seules font des progrès en nombre et en étendue.
Enfin, en 1866 il vient en France dans l'espérance de se guérir ; il débarque à Luchon pour y faire une saison d'eaux, et c'est après ce séjour qu'il nous arrive.
Un jour, après avoir fait une saison de 90 bains, il entreprit avec un de ses amis une excursion dans les environs ; trois heures de marche en plein soleil amenèrent d'abondantes transpirations, une fatigue excessive et une éruption bulbeuse mal déterminée qui dura environ un mois.
C'est à partir de ce moment que les tubercules se généralisent, s'ulcèrent par place. Ils sont surtout plus abondants et plus volumineux à la face et sur les parties découvertes, la langue et le voile du palais n'en sont pas exempts.
La conjonctive prend cette teinte bistre si remarquable et si pathognomonique, la cornée est exempte d'altérations.
La voix, qui jusqu'au mois d'octobre 1868 était normale, devient rauque à la suite d'un refroidissement.
Actuellement son état général est aussi bon que possible, l'appétit est satisfaisant, toutes les fonctions se font bien, et la force musculaire est bien conservée. A son entrée à l'hôpital Saint-Louis, les tubercules des mains étaient ulcérés, et sous l'influence d'un traitement tonique général ainsi que des pansements faits avec la poudre de quinquina, la cicatrisation s'opère et laisse sous les croûtes des cicatrices que l'on voit encore sur le dos des mains et la partie inférieure des avant-bras.
Le ier février on lui enlève un tubercule volumineux sur le bras droit ; au bout de quelques jours la cicatrisation est parfaite. Vers le 11 février la peau de la face et des membres se congestionne, la langue devient saburrale et le pouls s'élève et, le 12, on voit apparaître une éruption de variole qui marche rapidement.
Elle présente ceci de particulier que, sur les tubercules, les pustules sont confluentes et se réunissent. Dans les intervalles, les pustules offrent leur aspect ordinaire.
Le i5. Les pustules se dessèchent et semblent entraîner un commencement d'atrophie des tubercules, excepté sur les membres où la dessiccation est plus lente.
Le 23. L'aplatissement s'accentue, surtout à la face.
Le 16 mars. Conjonctivite avec iritis, de l'œil gauche; traitement approprié; disparition de ces accidents.
Le 25 mars. Lymphangite et adénite axillaire du côté droit; rougeur partant du tubercule enlevé; petite plaque d'érysi-pèle..
Pendant le mois d'avril, rien de nouveau.
Au mois de mai, on lui applique du collodion sur le dos de la main, ceci sans grand succès. On lui fait prendre des bains hydrofères au bicarbonate de soude, jusqu'au 28 mai, et au mois de juin, il nous parle d'une huile employée dans l'Inde contre cette affection intus et extra. On le soumet à cette nouvelle médication, qui paraît rendre les tubercules plus rouges. Enfin, dans ces derniers jours, nous le soumettons à des badi-geonnages quotidiens d'une solution d'acide phénique, qui semble produire un affaissement réel des tubercules sur les" quels on applique cette substance.
La photographie (planche XXIV) représente la main droite qui est un des types les plus curieux par sa coloration et la présence multiple des tubercules de tout volume et de toute forme, que nous voyons sur sa face postérieure. On remarque, au niveau du poignet, une cicatrice consécutive à l'ulcération de l'un deux.
Aune certaine époque, toute la main ne formait qu'une vaste plaie, due à la réunion des ulcères, développés au dépens des tubercules. Ces ulcérations ont laissé un tissu cicatriciel qui a épaissi la peau, et on voit encore des tubercules à différents degrés de développement, avec la coloration bistre spéciale et anesthésie complète.
La peau de cette main est transparente et offre un réseau sanguin très développé, caractéristique, que l'on retrouve toujours sur les tubercules arrivés à un certain.développement. Ce réseau offre une grande analogie avec les dilatations vari
queuses des capillaires de la peau des pommettes de vieillards à figure congestionnée.
La peau n'est plus mobile sur les parties sous-jacentes, elle est infiltrée de produits spéciaux et présente de la raideur, malgré la grande finesse de l'épiderme.
Les doigts, surtout le médius et l'annulaire, présentent de volumineux tubercules.
Les ongles offrent les différents degrés d'altération de l'onixis.
La vitalité en est troublée, ils sont ternes, rugueux, avec sillons longitudinaux et ternes.
Celui de l'annulaire a déjà subi un commencement d'exfo-liation consécutive à la présence d'un tubercule sous-unguéal. Celui du médius, qui n'existe plus que sous forme de petites écailles noirâtres ne tenant plus que par un point de leur circonférence, a donné au doigt un aspect bizarre.
C'est en 1865 qu'un tubercule analogue à celui qui soulève l'ongle de l'annulaire s'est ulcéré et a détruit la matrice de cette annexe de l'épiderme.
Nous n'avons que peu de chose à signaler à la paume de la main, où il y a commencement d'atrophie des muscles de l'éminence thénar.
BULLETIN
Depuis quelques jours, les séances de l'Académie de Médecine, occupées par les importantes discussions sur l'infection purulente et la vaccine, offrent un intérêt tout particulier.
La presse médicale semble elle-même plus active ; et telle est l'abondance des matériaux qu'elle nous fournit, que nous ne remplissons point ce bulletin sans un certain embarras.
Nous avons parlé dans un de nos précédents numéros des expériences de M Tardieu sur la coralline ; depuis cette époque, M. Landrin a présenté à l'Académie des résultats complètement opposés à ceux obtenus par l'éminent professeur ; mais M. Tardieu ne se tenant pas pour battu, vient de répondre en ces termes à son contradicteur :
« M. Landrin a communiqué à l'Académie, dans sa der
nière séance, les résultats d'expériences relatives aux effets de la coralline, qui sont en opposition avec ceux que M. Roussin et moi avons obtenus. Bien que j'entrevoie quelques-uns des motifs de cette divergence, je m'abstiendrai de toute remarque sur ces expériences, dont je ne connais pas les détails, et sur lesquelles je n'ai aucun parti pris. Je me contenterai de faire observer que les conclusions négatives des recherches de M. Landrin ne contredisent et n'atteignent en rien les observations très positives dont j'ai entretenu l'Académie. Les accidents déterminés par l'usage de bas de soie teints en rouge sont un fait hors de toutes contestations. Les exemples s'en sont offerts à un grand nombre de médecins, comme à moi-même, et il y a quelques jours encore, M. Nélaton m'adressait un jeûne homme atteint d'éruption caractérisque des pieds et présentant tous les symptômes que j'ai décrits.
« Je ne suis pas encore assez complètement édifié sur les procédés de teinture employés dans cette fabrication étrangère, pour affirmer que la coralline seule puisse être incriminée, et, sur ce point, de nouvelles études offriraient certainement un grand intérêt. Je rappellerai seulement que cette substance n'est mélangée dans la teinture des bas de soie à aucun poison de nature minérale, tels que l'arsenic, le mercure et le plomb, et que l'usage de ces bas, teints en rouge, n'en a pas moins, pour certaines personnes, les graves inconvénients que j'ai signalés. C'est là un fait que je tiens, quant à présent, à maintenir. »
M. le docteur Raynaud, dans un mémoire très curieux et très complet, a fait connaître récemment une nouvelle affection parasitaire de la muqueuse linguale :
C'est une affection toute locale, sans gravité, constituée par une hypertrophie de l'épithélium des papilles linguales et par un parasite végétal non encore décrit. Ce dernier consiste en spores rappelant celles du trichophyton, de telle sorte que l'auteur paraît avoir eu quelque velléité de désigner cette nouvelle maladie du nom de teigne linguale ; celle-ci se présentait sous la forme d'une plaque noirâtre, occupant la base de la langue, ressemblant à un gazon touffu, sans fétidité ni goût désagréable à la bouche.
Un beau succès obtenu par le docteur Rouge de Lausanne, est celui de la résorption, par V'électricité, d'une tumeur fibreuse du cou. En voici l'observation, telle qu'elle a été publiée par le Bulletin médical de la Suisse Romande :
« Je me suis servi, dit le chirurgien de Lausanne, de la méhode électrolytique pour faire disparaître une énorme tumeur fibreuse du cou chez un homme cachectique, âgé de soixante-quatre ans.
La tumeur a débuté il y a cinquante ans; elle garda le volume d'une grosse noix jusqu'au printemps passé. A cette époque, elle devint douloureuse et grossit rapidement ; en trois mois, elle remplit l'espace compris entre la clavicule, sous laquelle elle descendait, et le bord supérieur du cartilage thyroïde; elle s'étendait en refoulant le sterno-mastoïdien, et présentait à son point le plus large 8 centimètres de diamètre.
La tumeur se trouve dans la région antéro-latérale droite moyenne et inférieure du cou. Les mouvements d'élévation et d'abduction du bras droit sont très limités ; une douleur vive les arrête toujours. La tumeur, très dure, lisse, arrondie, un peu mobile, est une tumeur fibreuse du lobe droit de la thyroïde.
Je fis trois séances d'électrolyse ; la première, 26 juin, dura 3o minutes; la secon e, le 6 juillet, 3o minutes; la dernière, le 14 juillet, i5 minutes; j'employai chaque fois une pile de cinq éléments de Bunsen, de i5 centimètres de hauteur, de 9 de diamètre ; les deux fils de platine furent enfoncés sur différents points.
Eschare sèche au pôle positif, mousse abondante, blanchâtre au pôle négatif; dégagement de gaz sous la peau. Le passage du courant est assez douloureux et retentit dans le bras. Rougeur et gonflement autour des piqûres. La tumeur diminua d'une façon notable dans la première séance déjà, et les mouvements du cou, du bras reprirent quelque liberté.
L'état général s'améliora rapidement, et la tumeur avait diminué des trois quarts lorsque le malade quitta l'hôpital. Le cou reprit ses dimensions normales, et notre homme exerce aujourd'hui son métier de maçon. »
Le nombre des médecins qui croient à la contagion de la phthisie augmente d'ailleurs de jour en jour. M. le docteur Seux de Marseille, demande mêma que des mesures prophylactiques soient prises dans la maison d'un tuberculeux arrivé à la période hectique, et notre savant confrère les formule de la manière suivante :
« Le malade doit être seul dans son lit, et sa chambre aérée aussi complètement que possible.
« Les crachats doivent être enlevés régulièrement et les vases qui les reçoivent maintenus dans un état constant de propreté.
« Les linges de corps du malade et ses draps de lit doivent être changés le plus souvent possible, enlevés promptement, exposés au grand air et lessivés avec le plus grand soin.
« La même attention doit porter sur tous les objets qui servent au malade : couverts, gobelets, assiettes, etc. ; mieux vaut que ces objets ne servent qu'à lui. Après le décès du phtnisi-que, on doit faire aérer tous les objets de literie, les lessiver plusieurs fois, laver la laine des matelas, etc., et mettre à neuf la chambre dans laquelle il a passé la dernière période de la maladie. »
BIBLIOGRAPHIE
Traité du diagnostic des maladies chirurgicales, par Fou-cher et Després, professeurs agrégés à la Faculté de médecine de Paris, chirurgiens des hôpitaux (i).
Foucher avait déjà fait paraître la première partie de ce livre lorsqu'une mort prématurée vint le frapper au milieu de ses travaux.
Le titre seul de l'ouvrage de notre maître suffit pour établir l'importance des matières qu'il renferme, aussi 1 éditeur a-t-il dû s'efforcer de ne point laisser inachevée une publication si utile. Les intérêts du livre comme ceux de ses lecteurs ne pouvaient être plus dignement sauvegardés qu'en les confiant
(i) 2 volumes in-8° avec nombreuses figures, chez A. Delahaye.
à la plume de M. Armand Després : nous remercions cet estimable auteur d'avoir assumé cette tâche, et nous le félicitons pour le talent et le zèle qu'il a mis à la remplir.
Le Traité du diagnostic des maladies chirurgicales est rédigé suivant l'ordre topographique qui permet de grouper clans une même description les maladies qui peuvent se développer dans une région, et les procédés d'examen qui conviennent à cette région. — Les deux premiers chapitres de l'ouvrage sont consacrés à l'étude des éléments de diagnostic chirurgical et des manœuvres nécessaires à ce diagnostic.
L'auteur résume en 165 pages une pathologie générale chirurgicale complète, qu'on relira toujours avec fruit.
Ces pages contiennent une vie de travail tout entière et une longue pratique ; elles précèdent l'histoire des maladies chirurgicales envisagées en elles-mêmes, qui fait l'objet des autres chapitres.
L'ouvrage de Foucher comprend, en outre de la pathologie générale dont nous venons de parler, le diagnostic des plaies et contusions, des fractures, des luxations, des inflammations et des gangrènes. Un appendice de M. A. Després traite du diagnostic des ulcères et des fistules, des vices de conformation, des maladies des yeux, des oreilles, du larynx, des organes génito-urinaires, de l'anus et du rectum.
Ce vaste programe du premier volume, est rempli d'un esprit essentiellement pratique : la description des faits, quelque dogmatique qu'elle soit, ne laisse pas que d'être intéressante, et l'exclusion des cas particuliers dont le récit eût à coup sûr encombré l'exposé des principes généraux du diagnostic, permet au lecteur de ne jamais perdre de vue le type classique des maladies : les traités de pathologie chirurgicale fournissent ces observations particulières et le praticien peut rencontrer à chaque pas des nuances que les auteurs n'avaient pas encore signalées. Comme le dit Foucher lui-même dans sa préface : « les problèmes du diagnostic sont presque toujours complexes, et nos descriptions deviendraient bien insuffisantes à celui qui ne chercherait pas, par la lecture des observations et l'expérience au lit du malade, à saisir, à apercevoir les nuances infinies qui impriment à chaque cas une physionomie distincte,
et à savoir interpréter les faits exceptionnels dont la description n'a pas dû nous arrêter. »
Le Traité du diagnostic des tumeurs, de M. A. Després, qui forme la seconde partie du diagnostic des maladies chirurgicales, se divise lui-même en deux sections principales : l'une consacrée au diagnostic des tumeurs en général, l'autre à celui des tumeurs dans les régions. — Cette division bien naturelle exposait l'auteur à demeurer incomplet dans les descriptions de la première partie, ou bien encore à tomber dans des redites en écrivant la seconde, si la première n'offrait pas de lacunes.
Cette difficulté se présente à l'esprit de celui qui ouvre le Traité du diagnostic des tumeurs, mais il semble que M. Des-orés ne l'ait pas rencontrée en écrivant son livre : la première partie résume complètement l'état actuel delà science et l'exposé en est clair et concis, comme le langage de celui qui sait. La seconde partie ne le cède en rien au mérite de la première et l'auteur y décrit, par régions, les modifications que peuvent offrir dans l'ensemble de leur configuration ou dans le détail de leur production et de leur marche, les tumeurs dont le type fondamental se trouve exposé dans la première partie de l'ouvrage.
En résumé, le Traité du diagnostic des maladies chirurgicales s'offre au public médical comme un livre éminemment utile, tant par sa nouveauté que par le mérite de sa rédaction.
Le plan en est correct et bien suivi, l'intérêt soutenu, malgré l'aridité du programe que les auteurs s'étaient imposé ; autant de titres qui sont une recommandation puissante auprès des praticiens et des élèves auxquels cet ouvrage peut rendre les plus grands services.
Le Gérant, a. de montméja.
10183 —Paris. Typ. Alcan-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
Polype du ventricule du l.arvnx _ Section du Thyroïde ; ablation; guérison;
parle Docteur M KRLSHABER.
des
HOPITAUX ni: PARIS
Polype du ventricule du larynx; ablation du cartilage thyroïde; guérison avec conservation intégrale de la voix,
par le docteur Krishaber.
Résumé d'une lecture faite le 3o juin à la Société impériale de chirurgie • suivi d'un rapport de M. F. Guyon.
La constatation pure et simple d'un polype dans la cavité du larynx serait un diagnostic tronqué et insuffisant. On ne saurait tirer de conclusions pratiques de cette seule donnée. Il est très essentiel de savoir jusqu'à quel point ces polypes, par la dissemblance de leur structure et de leurs caractères extérieurs, se ressemblent peu. C'est à défaut de distinction précise que les opinions les plus diverses se sont produites : les uns considérant la destruction des polypes du larynx comme la chose du monde la plus aisée ; les autres affirmant l'opinion la plus diamétralement opposée. Cette divergence étrange parmi les chirurgiens tient à ce qu'on est porté à voir dans le polype une espèce de corps étranger qu'il s'agit d'extraire. On oublie trop que cette tumeur a les attributs d'un corps vivant, et qu'à ce titre son traitement dépend surtout de son organisation.
Le polype est sujet à se reproduire, à augmenter de volume, à se multiplier; il peut changer de consistance, de forme, de place; il peut s'enflammer ou donner lieu à des hémorrhagies ; il peut se ramollir, se détacher spontanément, et subir bien d'autres modifications encore. Ne voit-on pas, dès lors, qu'à tous ces titres, le polype du larynx ne doit point être assimilé à un corps étranger ?
Qu'arrive-t-il, en effet? Un corps étranger du larynx une fois saisi dans les voies aériennnes est nécessairement extrait, et les symptômes cessent ou à peu près. Or, on verra par l'exemple dont je vais tracer l'histoire qu'il peut en être tout
autrement du polype, et ce fait tendrait à militer en faveur de l'opinion qui révoque en doute l'efficacité de la polypothéra-pie laryngée par les voies naturelles.
Il n'en est pourtant pas ainsi dans la majorité des cas. Plus des trois quarts des polypes du larynx sont des tumeurs papil-laires qui se morcellent facilement aussitôt qu'on les saisit, et dont l'extraction par les voies naturelles est relativement aisée. L'extirpation ou la destruction sur place des polypes du larynx par les voies naturelles est donc une chose parfaitement praticable quand leur tissu est peu dense. Elle l'est encore, à la rigueur, lorsqu'il s'agit d'une tumeur de structure résistante ; mais il est une exception absolue, c'est son implantation dans les ventricules de Morgagni.
Le polype dont il s'agit ici offrait à l'extirpation par les voies naturelles cette double difficulté, que son tissu était d'une densité extrême, et que, implanté dans le ventricule, il ne sortait de cette cavité de façon à pouvoir être saisi que pendant la phonation.
Obs. — M. B... se présente chez moi le 2 décembre 1868; il a la voix rauque et la respiration bruyante ; il est souvent pris d'accès de toux convulsive. Le teint est pâle; l'aspect général dénote une souffrance continue; le pouls est régulier (70 à 75). Pendant le récitde M. B... la parole est entrecoupée à la fin de chaque phrase par des inspirations longues et entendues à distance. Au repos, et en dehors des moments qui suivent les accès de toux, la respiration quoique bruyante n'est pas gênée; mais lorsque le malade monte un escalier, il éprouve du malaise, des palpitations et des accès de toux.
L'examen laryngoscopique me fait reconnaître un polype isolé situé au niveau de l'attache antérieure des vraies cordes vocales, de façon à recouvrir une partie du ruban vocal du côté droit.
Ce premier examen est fait pendant la respiration la plus forte que puisse exécuter le patient (voy. fig. 1).
Mais la tumeur se présente d'une manière très différente, suivant les divers mouvements exécutés avec les lèvres de la glotte.
Dans la profonde respiration elle semble s'effacer en effet, et l'on n'aperçoit que la grosseur d'environ un pois à contour irrégulièrement ovoïde, la grosse extrémité tournée en arrière
vers la glotte inter-aryténoïdienne. Si le malade essaie d'émettre un son du registre de la parole ordinaire, la tumeur grossit notablement et recouvre alors les deux tiers delà corde vocale droite, et environ un quart de la corde vocale opposée (voyez fig. 3).
Si ensuite on engage le patient à émettre une note aiguë (le son ne pouvant s'effectuer, le malade dut le simuler, afin d'amener le rapprochement le plus complet possible des cordes vocales et l'élévation du larynx), la tumeur s'allonge alors et recouvre la plus grande partie des lèvres de la glotte. Sa forme se rapproche d'une massue légèrement étranglée au-dessous de son extrémité renflée (voyez fig. 2). Le son produit est très rauque, et l'inspiration faite immédiatement après est plus bruyante et plus oppressée qu'à l'ordinaire.
En éclairant ensuite la cavité du larynx de telle façon que la lumière tombe dans la trachée, je constatai distinctement que la tumeur, lorsqu'elle disparaissait en grande partie pendant les profondes inspirations, ne retombait pas, comme on aurait pu le supposer, au-dessous des cordes vocales; mais en examinant attentivement le mécanisme de cette disparition et de cette réapparition alternantes, je vis qu'elle se plaçait le plus souvent et par sa plus grande partie dans le ventricule de Mor-gagni, du côté droit, et qu'elle en sortait pendant le simulacre des notes aiguës.
Il m'a été impossible de voir le mode d'implantation de la tumeur qui s'offrait à ma vue par sa grosse extrémité libre, de façon à masquer totalement son extrémité opposée. Mais celle-ci, à en juger par le degré de mobilité de la tumeur, devait être implantée par un court pédicule à la muqueuse du fond du ventricule.
La tumeur est d'un gris sale sur certains points, complètement blanche sur d'autres. Ses contours sont peu réguliers, mais ils sont assez nettement délimités pour offrir l'aspect d'un polype de consistance compacte.
Cette supposition se trouva confirmée plus tard, lorsque, après un grand nombre d'examens réitérés, j'ai pu constater que sa forme est constamment la même et que des tractions exercées par la suite n'ont pu altérer son aspect massé et dense à sa surface nettement découpée.
Je diagnostiquai, par conséquent, un polype fibreux à court pédicule implanté dans le ventricule du larynx du côté droit.
Les renseignements fournis par le malade sont les suivants. Il commença à tousser il y a huit ans, d'abord peu, puis plus fortement, et cette toux, qui s'amendait en été, revenait plus intense à l'approche des mauvais temps. Exposé un jour à une pluie torrentielle, M. B... perdit complètement la voix pendant quelque temps; depuis cette époque, la voix est restée altérée. Cet état dura six ans sans augmenter notablement. Depuis deux ans la gêne respiratoire, pendant les accès de toux, augmente notablement; la voix s'éteint progressivement, au point de vue de son intensité et de sa sonorité. Il faut ajouter que M. B... étant courtier en vins, est exposé aux vapeurs irritantes des vins et des liqueurs. En septembre 1868, la toux devint beaucoup plus fréquente, et les paroxysmes se rapprochèrent après quelques mois de traitement. Le malade me fut adressé par le docteur Ruffey.
A part la présence du polype, je constatai sur toute la muqueuse du larynx une notable injection avec léger épaississe-ment. Les vraies cordes vocales, dans leur partie non recouvertes par le polype, offraient un aspect normal. A l'auscultation du cou, je n'ai découvert aucun bruit de soupape.
Je tentai l'extraction de la tumeur par les voies naturelles; mais le polype, saisi par la pince laryngée, résista d'une manière imprévue ; sa densité était extrême ; quelques débris insignifiants furent ramenés dans les anfractuosités des mors de la pince (fig. 4). J'unis alors, mais sans succès, la cautérisation par le nitrate d'argent à l'écrasement.
Des semaines se passèrent ainsi. M. Dolbeau m'exprima la conviction que ces tentatives ne pouvaient réussir sur une tumeur aussi dense. J'essayai alors sans plus de succès l'extraction par arrachement. Je n'employai pas les cautères galvano-caustiques, qui n'auraient pu atteindre que la partie qui faisait hernie pendant la phonation.
Il n'y avait dès lors qu'une indication à remplir : rendre les voies perméables par une opération directe pratiquée sur le larynx ou sur la trachée. J'écartai l'idée de la trachéotomie, opération palliative qui aurait laissé subsister la cause du mal, et je me décidai à pratiquer la laryngotomie, afin d'extirper directement, par voies artificielles, le polype qui avait résisté à tant de tentatives réitérées.
Dès lors il s'agissait d'ouvrir le larynx sur un lieu d'élection
qui dût nécessairement être le plus rapproché possible du polype.
Après avoir fait une série d'expériences sur le cadavre, à l'hôpital Beaujon, où je fus assisté par M. le docteur Planchon, alors interne de M. Dolbiau, je suis arrivé à cette conclusion que, de tous les modes de section du larynx, celui qui rendait le plus directement et le plus complètement accessibles les ventricules, c'était la section du thyroïde, tout en ménageant les membranes crico-thyroïdienne et hyo-thyroïdienne.
J'ai donc décidé l'ablation de la tumeur après section du cartilage thyroïde.
Après avoir fait reposer M. B... pendant quelques jours, j'exécutai cette opération le g février au domicile du malade. Celui-ci était disposé dans son lit comme s'il s'agissait de pratiquer la trachéotomie.
Je fus aidé par MM. les docteurs Ruffey et Planchon. Comme j'avais l'intention d'écarter les deux valves du cartilage thyroïde le moins largement possible, je me munis d'une lampe allumée et d'un laryngoscope à lumière directe, afin de pouvoir éclairer la cavité du larynx en cas de besoin. Cette disposition me rendit des services signalés.
Après avoir anesthésié localement la peau du cou par l'éva-poration de l'éther, je fis une première incision depuis le corps de l'os hyoïde jusqu'au bord interne du cartilage cricoïde, en sectionnant la peau seulement. Quelques petits réseaux veineux nécessitèrent quelques ligatures. Je dus m'arrêter un moment à cause d'une syncope survenue à la suite de la position de la tête, mais à laquelle l'émotion du malade n'était pas étrangère. Il est inutile de dire que le patient n'était pas chlo-roformisé. Après avoir écarté le tissu conjonctif, je mis très facilement à nu le cartilage thyroïde, dont l'angle de réunion formait une éminence extrêmement saillante. Je fis alors avec un bistouri droit et pointu une ponction, juste dans l'angle rentrant du bord supérieur du thyroïde, puis je remplaçai le bistouri pointu par un bistouri boutonné.
Je sectionnai alors le cartilage thyroïde de haut en bas exactement dans la ligne médiane, et je pus ainsi, sans notable résistance, fendre environ deux tiers de la hauteur. Mais, arrivé à peu près au niveau du point d'implantation des cordes vocales, je ne pus continuer la section, le cartilage était ossifié. La résistance était telle que, en voulant forcer la section, et
ayant provoqué un violent mouvement de toux, je craignis un instant que la lame ne se cassât dans l'intérieur du larynx. Ayant touché à diverses reprises la muqueuse du larynx, j'avais provoqué des mouvements réflexes, je crus utile d'attendre que le calme se rétablît. Après quelques minutes de repos, je pratiquai l'ouverture du point ossifié du thyroïde avec de fortes cisailles, après avoir vainement essayé d'y parvenir avec des ciseaux ordinaires. On voit donc que le tiers inférieur du thyroïde fut littéralement fracturé avec effort. Ce fait me semble important, en ce sens que la guérison complète de la plaie, quoique retardée par cette circonstance, a pu s'effectuer néanmoins et sans que les cordes vocales aient été lésées.
Le larynx ainsi ouvert, je ménageai complètement les membranes crico-thyroïdiennes et thyrodiyoïdienne. Après avoir fait respirer le malade pendant quelques minutes par la plaie et par la bouche, je le fis asseoir; je plaçai deux écarteurs mousses dans la plaie dont un aide tenait les deux bords béants pendant que l'autre tenait la lampe derrière moi, de façon à projeter un faisceau de lumière dans la cavité du larynx à travers l'ouverture (voy. fig. 5 et 6). Celle-ci est d'environ 4 millimètres, et n'eût pas suffi pour permettre la vue du ventricule sans une vive lumière artificielle, d'autant plus que la cavité du larynx était remplie de sang. Mais j'attache une importance particulière au faible écartement des deux valves du thyroïde, et c'est là ce qui m'a déterminé à ne pas sectionner les ligaments du larynx. Je parvins à voir le polype, qui, après un effort de toux, se plaça entre les deux lèvres de la glotte; plongeant alors rapidement avec une petite pince et de petits ciseaux courbes, je pus couper le polype avec son pédicule exactement à son point d'implantation (voy. fig. 6). La tumeur, qui força le passage quand je la retirai, fut mise dans un flacon d'alcool.
A l'instant la respiration devint normale et, ce qui est plus remarquable, la toux cessa tout à fait au même moment.
Pour m'assurer si les cordes vocales avaient été ménagées, j'engageai le malade, séance tenante, non sans quelque appréhension, à chanter une gamme. Il émit alors des notes vibrantes et sonores de toute l'étendue de sa voix et comme si son larynx était dans l'état le plus absolument normal.
Je me trouvai par cette expérience en contradiction avec ma
prévision et avec l'opinion que j'avais exprimée sur cette opération avant de l'avoir pratiquée (Dictionnaire encycl. des sciences méd.).
J'engageai le malade à observer un silence absolu ; j'essayai de rapprocher les bords de la plaie avec des serres-tines très fortes; mais, dès le lendemain, je fus obligé de les retirer par suite du gonflement survenu dans la peau qui s'était rétractée.
Le trente-cinquième jour après l'opération, les bords de la plaie étaient complètement réunis.
Le 23 mars, M. B... vint me voir : la toux a cessé; la voix est absolument normale, la respiration est libre.
L'examen laryngoscopique me montre les cordes vocales libres dans toute leur étendue : s'écartant largement dans les mouvements de profonde inspiration et s'approchant très franchement pendant la phonation (fig. 7).
La tumeur (fig. 8) fut remise pour l'étude histologique à M. Ranvier.
A la surface, on trouve une couche d'épithélium à cellules cylindro-coniques ; cette couche est régulière; les cellules les plus superficielles portent des cils vibrátiles. La masse de la tumeur est formée par des faisceaux de tissu conjonctif entrecroisés en divers sens. Au milieu du tissu fibreux, on distingue des artères et des veines d'un gros calibre, constituant des sortes de sinus ; enfin on y remarque des glandes veineuses placées sur des plans plus ou moins profonds, dont les conduits viennent s'ouvrir à la surface de la tumeur. De l'existence de ces glandes il ne faut pas conclure qu'il s'agit là d'un adénome : la définition de la tumeur est donnée par la néoformation du tissu fibreux; la tumeur doit être considérée comme un fibrome.
Conclusion.— i" 11 est des cas de polypes du larynx dans lesquels la destruction et l'extirpation par les voies neturelles deviennent impossibles; dans ce cas, on peut ouvrir le larynx directement, obtenir sa cicatrisation complète et la guérison du malade.
20 Le choix du mode opératoire dépendra de la tumeur et de sa structure L'ouverture du larynx peut être pratiquée sur les membranes du larynx ou sur un des cartilages.
3° Dans les cas où le polype est implanté dans le ventricule de Morgagni, la section doit porter sur le cartilage thyroïde.
L'écartement que l'on obtient ainsi est suffisant pour l'extraction d'un polype même volumineux, sans section des membranes thyro-hyoïdienne et crico-thyroïdienne.
La section de ce cartilage peut être faite en ménageant les cordes vocales, et la voix reste alors intacte. L'ossification présumée du cartilage n'est pas une contre-indication, quoiqu'elle retarde la cicatrisation.
4° La laryngotomie, qui consiste dans la section en masse de tout le corps du larynx, membranes et cartilages, telle qu'elle a été exécutée un certain nombre de fois, doit être rejetée.
Lorsque, au moyen du laryngoscope, on a constaté le siège exact de la tumeur, il suffit d'ouvrir le larynx sur ce siège exact.
5° De tous les procédés employés jusqu'à ce jour pour l'extraction des polypes, l'opération dont je viens de donner l'histoire est celle dans laquelle l'incision du larynx est la moins étendue. C'est à ce procédé que j'attribue la guérison du malade.
Je propose, pour l'opération que je viens d'écrire, le nom de laryngotomie thyroïdienne restreinte.
RAPPORT lu le 4 AOUT 1869.
M. Guy on. M. Krishaber vous a fait une communication relative à la laryngotomie appliquée au traitement des polypes du larynx. Il s'agissait d'un polype fibreux implanté dans le ventricule droit, pour lequel toutes les tentatives par les voies naturelles avaient été infructueuses, et qui fut heureusement extrait à l'aide de la laryngotomie thyroïdienne. Le malade a guéri et conservé intégralement la voix; j'ai pu m'en assurer en causant avec lui, en le faisant chanter; le ton de la voix a baissé, mais l'émission reste complète et juste.
L'examen laryngoscopique m'a d'ailleurs démontré la parfaite guérison de l'opération pratiquée il y a six mois. Le point oü était inséré le polype ne peut être découvert parce que l'insertion se faisait dans le ventricule, mais il est facile de se convaincre que rien n'osbtrue le larynx, que le jeu des cordes vocales est normal, en un mot, que la cavité laryngienne est entièrement saine. La cicatrice extérieure est régulière, adhérente au cartilage thyroïde, qui a conservé sa forme
et n'est pas gêné dans ses mouvements d'ascension. Bien que le cartilage sectionné fût ossifié, et que l'on n'ait pratiqué aucune suture, la cicatrisation était complète le trente-quatrième jour. Aujourd'hui, le malade qui avait beaucoup maigri, a repris de l'embonpoint et des forces; il a toussé trois semaines durant après l'opération, puis cet accident a complètement disparu.
Bien que l'expression laryngotomie ait été employée fort souvent depuis que les chirurgiens ont osé ouvrir les voies aériennes, il reste avéré que la section du larynx n'a été pour la première fois proposée qu'en 1776 par Vicq d'Azyr. Laryngotomie et bronchotomie étaient donc deux termes indifféremment employés jusqu'à cette époque. Vicq d'Azyr proposa la section de la membrane crico-thyroïdienne. La section d'un cartilage du larynx, le thyroïde, fut en effet proposée par Desault, qui ne la mit jamais en pratique ; dans sa pensée, il s'agissait surtout d'appliquer la laryngotomie à l'extraction directe des corps étrangers du larynx. La laryngotomie serait restée une opération tout à fait exceptionnelle, si le laryngoscope n'était venu permettre à la fois de diagnostiquer les polypes du larynx et d'instituer leur traitement.
Il faut cependant remarquer que le laryngoscope inspirait tout d'abord la création d'instruments destinés à pratiquer par les voies naturelles l'extirpation des productions accidentellement développées dans le larynx. Mais il est des cas où les polypes du larynx sont justiciables de la laryngotomie. C'est à un de ces cas que M. Krishaber vient d'avoir affaire. Aussi, après avoir conscienceusement tenté sans succès l'extraction par les voies naturelles, ce chirurgien a-t-il proposé à son malade l'extraction par la voie directe et sanglante.
M. Krishaber a choisi la thyrotomie, c'est-à-dire la division du cartilage thyroïde sur la ligne médiane. Le choix de ce procédé opératoire est, à notre avis, justifié. Lorsque l'on expérimente sur le cadavre, on est bientôt convaincu que, seule, la thyrotomie donne un accès direct et complet dans le larynx, que seule, en particulier, elle permet d'agir dans les cavités ventriculaires. Voici, en effet, ce qui résulte de nos expériences ; ces résultats sont d'ailleurs les mêmes que ceux que M. Krishaber avait déjà constatés dans des expériences faites avec M. Plan-chon. La laryngotomie sous-hyoïdienne pratiquée selon les
préceptes de Malgaigne, ne donne accès que dans le vestibule laryngien, c'est-à-dire dans des parties accessibles par les voies naturelles. De plus, cette opération nécessite une section très étendue, et ce n'est qu'au fond d'une plaie très profonde que le chirurgien aperçoit avec difficulté les replis arythéno-épiglot-tiques et les cordes vocales supérieures. Follin avait été sans doute frappé des résultats défectueux de cette laryngotomie, car, lorsqu'il eut à la pratiquer sur le vivant, il se rapprocha du larynx, c'est-à-dire du cartilage thyroïde. C'est à quelques millimètres seulement du bord supérieur de ce cartilage, à peu près à égale distance de l'hyoïde et du thyroïde, que Follin fit son incision. Pratiquée d'après ce procédé, l'opération permet un accès plus facile dans le larynx : on voit les cordes vocales inférieures, mais la seule partie facilement accessible est celle qui limite leur écartement postérieur. Or, la tumeur enlevée par Follin avait précisément en ce point son implantation principale. Pour arriver au larynx par le chemin suivi par Follin, il faut diviser une bourse séreuse et un peloton graisseux souvent fort épais, détacher l'épiglotte de son implantation inférieure et la soulever.
La section de la membrane crico-thyroïdienne donne un espace suffisant pour introduire une canule ou des instruments, mais elle ne permet pas de voir dans la cavité laryngienne. Elle n'oblige pas à une incision profonde, mais elle expose à la lésion de la petite artère crico-thyroïdienne dont l'hémorrhagie n'est pas sans gravité en raison de la béance des voies aériennes dans lesquelles peut couler le sang fourni par ce vaisseau.
La prédilection de Desault pour la section du cartilage thy-roide paraît donc bien justifiée; mais déjà l'exercice sur le cadavre et mieux encore les résultats cliniques montrent le côté défectueux de cette opération. Il est en effet difficile de ne pas léser l'une ou l'autre corde vocale, et cette lésion est suivie d'une altération du timbre de la voix. Le malade de M. Kris-haber a heureusement échappé à ce danger, mais l'examen des observations publiées nous a montré qu'après la section du thyroïde la voix est plus souvent altérée. Cet accident ne peut cependant pas être considéré comme une contre-indication dans les cas où la thyrotomie est indiquée.
La laryngotomie sous-hyoïdienne ne menace pas les cordes
vocales, c'est là son véritable avantage. Nous avons vu que les expériences sur le cadavre montraient qu'à côté de cet avantage il y avait de très sérieux inconvénients. Il n'est cependant pas possible de juger la question autrement, car à part le cas de Follin, on peut dire que l'opération n'a pas été faite sur le vivant. Nous ne pouvons en effet tenir compte de l'observation de M. Prat, car après l'avoir lue on se demande où était implanté le polype et même s'il y avait un polype. M. Debrou, qui, lui aussi, a fait la laryngotomie sous-hyoïdienne, n'a pu faire passer la tumeur à travers son incision, et il a dû inciser le cartilage thyroïde.
Il est encore une question opératoire soulevée par M. Kris-haber ; ce chirurgien s'est attaché à démontrer qu'il suffisait d'inciser le cartilage thyroïde sans toucher aux espaces membraneux sus et sous-thyroïdiens, pour avoir dans le larynx un accès suffisant. C'est ce qui a été fait sur l'opéré qui vous a été présenté. Mais le polype était unique et dur, à implantation profonde, il est vrai, mais simple et nette. La lecture des observations montre au contraire que très souvent les productions polypeuses sont multiples, sessiles ; il faut alors agir sur plusieurs points de la cavité laryngienne, multiplier les manœuvres d'extraction et d'inspection. Il est donc permis de se demander si, dans ces cas, le faible écartement donné par la seule incision du thyroïde serait insuffisante. Dans tous les cas il est toujours temps, comme le pense M. Krishaber, d'agrandir l'incision en intéressant les membranes longitudi-nalement. Balassa a deux fois incisé transversalement la membrane crico-thyroïdienne ; pour écarter plus librement les deux moitiés du thyroïde ; cette ressource pourrait être utilisée si l'écartement fourni par l'incision longitudinale n'était pas suffisant. Le procédé de Balassa est, dans tous les cas, préférable à la section du cricoïde qui ne fournit rien à l'écartement.
La modification opératoire proposée par M. Krishaber est rationnelle et importante; elle le serait surtout s'il était définitivement démontré que la mort est d'autant plus à craindre que l'ouverture du canal aérien a été plus étendue. C'est à cette conclusion qu'arrive M. Planchon dans sa thèse sur la laryngotomie : les résultats sont d'autant meilleurs que la sec-lion a été moins considérable. Cependant si l'on se rend compte du nombre de morts immédiates, qui est de 3 sur 35, et des
cas de morts éloignées, qui peuvent être expliqués ou par des maladies étrangères à l'opération (Erckmann, Boeckel), ou par la nature des lésions ou des accidents qui avaient déterminé l'opération, on peut se demander si l'étendue de la section a toute l'importance que nous venons de rappeler. Il suffit néanmoins que l'opération faite par M. Krishaber, et les expériences sur le cadavre aient démontré que la thyrotomie simple donne un écartement suffisant, pour que les opérateurs s'imposent la règle de ne dépasser les limites du cartilage, que si, dans le cours de l'opération, cette nécessité leur est imposée.
Nous pouvons conclure, avec M. Krishaber, que pour tout polype implanté dans les sinus de Morgagni et sur les parties antérieures des cordes vocales, la thyrotomie est le procédé opératoire qui devra être choisi. Il sera toujours sage de prévenir le malade de la modification possible ou de la perte de la voix, mais un résultat complètement heureux peut cependant être espéré. Le fait de M. Krishaber, ceux de Vital, Beer, Armstrong, Gibb et les quatre faits de Balassa autorisent une semblable espérance.
Fig. i. Fig. 2.
Fig. 3. Fig. 4.
Fig. 5.
Examens laryngoscopiques.
Explication de la planche
Larynx au moment de la plus profonde inspiration. Le polype est incomplètement sorti du ventricule de Morgagni. Larynx au moment du simulacre d'une note aiguë. Le polype est vu dans toute l'étendue de sa face supérieure, moins son point d'implantation dans le ventricule. Larynx au moment de l'émission d'une note profonde. Le polype est vu à moitié environ. Même aspect ; le polype est représenté érodé à la suite des tentatives d'extraction par les voies naturelles.
Aspect direct de la cavité du larynx au moment de l'opération, après la section du cartilage thyroïde : a, cordes vocales supérieures ; b, cordes vocales inférieures ; c, entrée du ventricule de Morgagni ; d, vestibule du larynx ; e, espace sous-glottique.
DES HOPITAUX
N/EVUS VASCU LA! RE
Fig. 6. Le malade au moment de l'opération.
Fig. 7.
Examen laryngoscopique.
Larynx vu au laryngoscope après guérison du malade : a, épiglotte ; b, bourrelet de l'épiglotte ; c, cordes vocales supérieures ; d, entrée du ven-triculede Morgagni ; e, cordes vocales inférieures; f, cartilage de Wrisberg ; h, cartilage de Santo-rini; i, espace inter-aryténoïdien. Ces tirés peuvent servir de point de repère pour les autres figures laryngoscopiques.
On voit dans cette figure, au-dessous du bourrelet de l'épiglotte, au point d'attache antérieur des cordes vocales, une petite ligne transversale j, très peu accusée, qui représente la marque cicatricielle de la muqueuse telle qu'elle se voit dans l'intérieur de la cavité du larynx après complète guérison du malade.
Fig. 8. Le polype après macération dans l'alcool pendant six semaines.
Fig. 9 Dessins micrographiques d'après les préparations de et 10. la tumeur faites par le Dr Ranvier.
Nœvus vasculaire
La planche XXV représente un homme atteint de nœvus vasculaire de la face. Cette variété diffère notablement des taches vineuses ou nœvi pigmentaires dont la présence n'est jamais accompagnée d'une saillie ou d'une modification dans les formes de la région qu'occupe la lésion. — Les nœvi vasculaires peuvent donner lieu à de véritables tumeurs dont le volume varie accidentellement et progressivement.
Sous l'influence d'une congestion passagère le volume du nœvus augmente pendant le temps que dure cette congestion et devient définitivement plus considérable à la suite de semblables congestions souvent répétées. — C'est contre les nœvi vasculaires que le traitement chirurgical a le plus souvent donné de bons résultats ; ce traitement se fait suivant diverses méthodes qui sont : la ligature des vaisseaux qui alimentent la tumeur, la cautérisation par le caustique de Vienne ou autres, l'excision suivie ou non d'autoplastie, et la vaccination, lorsque le sujet n'a pas encore été vacciné. —
L'intervention chirurgicale est surtout indiquée dans les cas où le ncevus est assez volumineux pour être classé parmi ces tumeurs qui ont reçu le nom de tumeurs fongueuses sanguines. — Nous renvoyons aux traités de pathologie externe qui résument d'une façon complète l'histoire de ces maladies, nous bornant à donner ici la photographie d'un exemple assez remarquable de défiguration causée par la présence, à la face, d'un ncevus vasculaire dont la marche toujours croissante a déjà modifié la conformation delà bouche et des parties quil'a-voisinent.
(La Rédaction.)
Note sur les baraques et les tentes appliquées au traitement des blessés
(Voir planches XXVI et XXVII)
Depuis un certain nombre d'années, les questions d'hygiène ont pris, dans la pratique hospitalière, une véritable prépondérance : administrateurs et médecins, animés d'un même sentiment de généreuse émulation, unissent les efforts ingénieux de l'art et les suggestions d'une infatigable prévoyance pour accomplir avec efficacité la mission de sauvegarder la vie des hommes confiés à leurs soins. De savantes combinaisons président à la construction des nouveaux hôpitaux; les anciens se modifient ou se transforment; leur régime intérieur se perfectionne par une large aération, une propreté minutieuse, une alimentation plus réparatrice. La science, chaque jour enrichie par de nouvelles découvertes, facilite et multiplie les moyens de traitement. A aucune époque, on peut le dire, il n'a été mis au service de ceux qui souffrent plus de ressources intellectuelles et plus de réel dévouement.
Ces améliorations considérables que l'amour si naturel du bien voudrait incessamment étendre, mais que l'insuffisance des budgets hospitaliers force de limiter, ou tout au moins de ralentir, semblent cependant ne pas répondre, d'une manière complète, à tous les besoins de la pratique médicale. On rencontre, en effet, dans les hôpitaux, spécialement dans le domaine de la chirurgie, des maladies ou des affections intercur-
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
BARAQUES DE SAINT-LOUIS
DES HOPITAUX
Planche XXVII.
BARAQUES DE SAINT-LOUIS
rentes, de nature infectieuse, qui déroutent toutes les prévisions et ont trop souvent une issue fatale. Ce n'est pas que les accidents qui se produisent ainsi (résorptions purulentes, érésipèles, etc.) soient particuliers aux hôpitaux; ils sont fréquents aussi dans la pratique de la ville, où on les observe, presque toujours, en même temps que dans les établissements hospitaliers, et l'un de nos plus savants collègues pourra vous dire qu'en plaçant plusieurs de ses malades à la campagne, dans les conditions d'isolement et d'aération que permet seule la richesse ou une grande aisance, il n'a pu lui-même les éviter; mais il est permis de croire et pour beaucoup d'esprits convaincus, il est aujourd'hui certain, que les réunions de malades favorisent le développement de ces affections qui se multiplient ou s'aggravent sous les influences nosocomiales.
Avec une ardeur assurément légitime dans l'étude de pareilles questions, on a disserté et on disserte encore sur le caractère essentiel de plusieurs de ces maladies, et l'on s'est mis à la recherche des moyens propres à les prévenir, là surtout où elles sont plus à craindre. On a été, dans cette recherche, jusqu'à interroger des champs de bataille lointains, où les faits d'encombrement et les traumatismes les plus divers et les plus compliqués se présentent sur une échelle gigantesque.
La guerre engendre des maux incalculables, en détruisant les richeses matérielles et la vie encore plus précieuse des hommes : elle multiplie les blessures et couche sur le sol une foule de combattants braves et vigoureux auxquels la reconnaissance publique et le devoir d'humanité commandent de porter les plus efficaces et les plus prompts secours. Mais, presque toujours, à la suite des combats, et malgré toutes les prévoyances des généraux et des administrations militaires, les moyens de recueillir et de soigner normalement les blessés font défaut : de là la nécessité de les ramener en arrière poulies diriger, souvent à de longues distances, vers les hôpitaux réguliers des villes, ou de les installer dans les églises et autres bâtiments publics ou privés transformés en hôpitaux provisoires.
Dans ces conditions, il est difficile, on le conçoit, d'éviter l'encombrement et les inconvénients multiples inhérents à de telles installations. On s'est donc attaché, dans les dernières guerres qui ont affligé le monde, à étendre le traitement sous
la tente, à perfectionner celle-ci, de manière à assurer plus d'aération, plus d'isolement, et comme il a semblé que ces applications, réalisées sur une très grande échelle dans la guerre américaine de la sécession, avaient produit les meilleurs résultats, au point de vue de la guérison des blessés, on a été amené, malgré la différence profonde des circonstances et des conditions où se trouvaient les malades, à essayer d'introduire, dans la pratique des hôpitaux civils, ces constructions légères, en toile ou en bois, qu'on improvise dans les espaces découverts : je veux parler des tentes et des baraques.
Il serait difficile d'assigner une origine exacte à l'idée de placer les malades, et surtout les blessés, dans des baraques de bois ou sous la tente, dans le but de les amener plus sûrement et plus rapidement à la guérison. Bell et Hennen, dans la guerre d'Espagne, ont traité, sous la tente, un grand nombre de blessés anglais. En 1847, à New-York, pendant une épidémie de typhus qui régnait dans les hôpitaux, on plaça les malades sous la tente.
Le point de départ vraiment scientifique de cette pratique semble être la guerre de Crimée. Miss Nightingale fit construire des baraques sous lesquelles l'armée anglaise passa l'hivernage de 185 5. M. Michel Lévy s'épuisa en efforts pour faire créer des hôpitaux sous tentes, afin d'y soigner les typhiques. En 1854, il avait pu en faire construire à Varna, et il en obtint les résultats suivants (1) :
Les deux hôpitaux intérieurs de Varna ont reçu en septembre 1854, 2 3i4 cholériques, dont 1,389 moururent (mortalité 60,o3 p. 100); tandis que, dans trois hôpitaux sous tentes, établis à 6 kilomètres de cette ville, on n'a compté que 698 morts sur 2,635 cholériques (mortalité 26,45 p. 100).
A. Husson,
Directeur de l'Administration générale de l'Assistance publique.
(La suite au prochain numéro.) (1) Traité d'hygiène publique et privée, tome II, page 542. — 1869.
Le Gérant, a. de montméja.
10299. — Paris. Typ. Alcan-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
des
HOPITAUX DE PARIS»
Note sur les baraques et les tentes appliquées au traitement des blessés
(Voir planches XXVI et XXVII) {Suite.)
En 1859, pendant la campagne d'Italie, M. le baron Lar-rey, à plusieurs reprises et spécialement par une lettre adressée, le 9 juin, à M. l'intendant général Paris, annonça l'intention de réclamer, s'il en était besoin, l'organisation d'hôpitaux sous tentes.
Depuis longtemps, dans un certain nombre d'hôpitaux russes, on a l'habitude de loger, pendant l'été, les malades dans des constructions légères en bois, largement aérées, auxquelles on donne le nom d'hôpitaux d'été.
L'impulsion réelle et décisive est venue des Etats-Unis. Dans la dernière guerre du Sud, de grands hôpitaux, formés par l'agglomération de pavillons-baraques, furent créés sur des points rapprochés du théâtre de la lutte. De véritables hôpitaux sous tentes furent installés, en outre, partout où l'on combattait. Les ambulances de première ligne, placées cependant hors de la portée des projectiles, étaient formées par la juxtaposition de tentes de 25 mètres carrés environ de surface, et ce système fut même mis en usage dans les hôpitaux permanents, par exemple à l'hôpital Lincoln, à Washington.
Les excellents résultats obtenus par les Américains, après les amputations, résultats qui, jusqu'à présent, n'ont été égalés dans aucune armée européenne, excitèrent vivement l'attention sur la question des hôpitaux sous tentes. A Berlin, dès 1864, l'hôpital de Bethanie transférait, pendant l'été, son service de chirurgie sous une tente élevée dans le jardin de l'établissement.
La Charité de Berlin ne tarda pas à être dotée, sous le nom de Lazaret d'été, d'une construction en bois, dans la forme d'une salle ordinaire d'hôpital.
La même année, dans la guerre du Schleswig-Holstein, on appliqua le système à la chirurgie militaire, mais dans des proportions restreintes. La guerre de 1866 généralisa bientôt cette pratique en Allemagne. Après la bataille de Langen-salza, le docteur Stromeyer soigna les blessés sous une tente-baraque ; la même méthode fut assez souvent suivie en Bohême. Après les combats acharnés dont ce pays fut le théâtre, on évacua un grand nombre de blessés sur un château appartenant au prince royal de Prusse. On relégua d'abord ces malades dans les écuries du château, où le défaut d'aération produisit des résultats désastreux ; mais bientôt les blessés furent transférés dans des baraques construites à la hâte dans le parc, et les guérisons s'opérèrent rapidement. Ce détail m'a été donné, en 1867, par S. A. la princesse royale de Prusse.
Aujourd'hui, la plupart des hôpitaux allemands soignent, pendant l'été, les malades sous la tente ; ce système est appliqué à peu près partout, notamment à Francfort, Kiel, Berlin, Dresde,, Hambourg, Prague, Leipzig, etc.
Le moment est venu pour nous de tenter ces applications dans des conditions qui offrent, à tous les points de vue, les garanties que l'on doit assurer, lorsqu'il s'agit de la vie des hommes et de la sincérité des tentatives faites pour la mieux préserver.
Des documents statistiques ont été publiés en Allemagne; un excellent travail d'un élève interne de nos hôpitaux, M. Chantreuil, publié dans les Archives générales de médecine (1), nous lésa fait connaître, et il paraît résulter de la pratique des quatre dernières années, que les succès, après les opérations, sont notablement plus fréquents pour les blessés soignés pendant l'été dans des baraques ou sous la tente, que dans les salles des hôpitaux.
Quatre systèmes se trouvent en présence: i° les baraques ; 20 les baraques-tentes ; 3° les tentes-hôpitaux ; 40 les tentes.
i° Les baraques ou hôpitaux d'été, employés en Russie et à la Charité de Berlin, sont des constructions permanentes en
(1) Étude sur quelques points d'hygiène hospitalière. — 1868,
bois, ou constituées par une combinaison de la maçonnerie et de la charpente. Les parois latérales, plus ou moins largement vitrées, sont en planches, et leur mobilité permet une abondante aération. Elles pourraient être chauffées en hiver et servir, en cas de besoin, en toute saison. C'est, en définitive, une construction fixe, une maison d'été, une sorte de chalet-hôpital.
2° Les baraques-tentes sont construites partie en bois, partie en toile. Le type de cette construction est la tente du docteur Stromeyer, établie à Langensalza. (Le dessin en a été reproduit par M. Chantreuil, d'après le livre de Fischer sur la chirurgie d'armée.) Le toit est en bois, muni, comme celui des baraques, d'un faux toit pour la ventilation ; la paroi qui correspond aux pignons est en toile ; les parois latérales sont tantôt en toile, tantôt en planches, la partie antérieure étant fixe, la partie supérieure pouvant être relevée et former auvent.
3° Les tentes-hôpitaux sont entièrement formées de toiles supportées par une charpente. Le meilleur type à suivre paraît être la tente militaire prussienne qui mesure 20 mètres de long sur 8 mètres de large, et qui est partagée en trois parties : la tente proprement dite, dans laquelle on place de 20 à 22 malades; deux autres tentes plus petites disposées à chaque extrémité et destinées, Tune à loger les infirmiers, l'autre à recevoir le matériel. Le toit, fermé de toutes parts, ne permet qu'une aération tout à fait insuffisante.
40 Les tentes, d'une dimension beaucoup plus restreinte, présentent des spécimens assez nombreux, et ont été appliquées à des destinations multiples. La tente américaine, formée par une double toile, mesure 5 mètres de côté, et, sur cette surface de 2 5 mètres carrés, on installe généralement six malades.
Rapprochées les unes des autres, ces tentes dont on relève les parois en rapport, peuvent, comme cela a été fait en Amérique, constituer des hôpitaux mobiles qu'on dresse, qu'on enlève, qu'on déplace en moins d'une heure. Séparées, ces tentes peuvent servir à l'isolement de quelques malades. A côté de la baraque d'été, l'hôpital de la Charité de Berlin possède quelques* tentes d'isolement.
Pour se rendre compte de l'efficacité relative de ces divers
systèmes, l'administration des hôpitaux de Paris a fait construire à l'hôpital Gochin, sur la demande et sur les indications de M. le docteur Le Fort, une tente-hôpital, avec deux petites tentes sur les côtés en avant. Les malades y sont placés en commun et en nombre assez considérable. De plus, voulant entreprendre l'expérience dans des conditions qui pussent répondre à des points de vue divers, elle a fait établir, dans les jardins de l'hôpital Saint-Louis, une baraque plus restreinte qui contient de 8 à 10 lits, avec deux baraques plus petites encore, où l'on peut isoler et soigner un seul malade.
La tente-hôpital de l'hôpital Cochin réunit, il nous semble, des avantages qu'on ne trouve pas dans les tentes-hôpitaux précédemment construites.
Une disposition très simple de la charpente a permis de la munir d'un faux-toit, si utile pour une bonne ventilation. Elle se compose de deux toiles, partout séparées l'une de l'autre, et qui livrent passage à une couche d'air sans cesse renouvelée, qui contribue puissamment à maintenir la fraîcheur pendant le jour, et la chaleur pendant la nuit.
La toile extérieure perméable à l'air, mais imperméable à la pluie, peut, jusqu'à la partie inférieure du toit, être .relevée horizontalement et forme alors une galerie couverte qui permet aux malades de s'asseoir à l'abri du soleil.
La toile inférieure figure un plafond horizontal, fendu au centre, dans toute sa longueur, pour le passage de l'air. Sur les côtés, elle retombe en rideaux qui, glissant à volonté sur des tringles de fer, permettent de donner à la tente la forme d'un toit terminé par un auvent horizontal, et de mettre ainsi les malades tout à fait en plein air, pendant la chaleur du jour. Les deux petites tentes établies sur le modèle des tentes d'isolement ou des hôpitaux-tentes de campagne, sont une modification de la tente américaine. L'une sert de salle d'opération et de salle de garde pour l'interne de service ; l'autre, divisée en deux compartiments par une cloison verticale, forme un cabinet pour la religieuse et une salle pour les gens de service.
Les baraques qui viennent d'être construites à l'hôpital Saint-Louis occupent un emplacement situé dans un jardin d'une surface d'environ 2,000 mètres. Elles forment un groupe divisé en cinq parties.
En avant et au milieu, se trouve la grande baraque : elle
mesure 12 mètres sur 7 mètres 5o centimètres, et contient dix lits ; à droite et à gauche, et à 3 mètres de distance, sont deux autres baraques de 3 mètres sur 3 mètres; celle de gauche renferme l'office et le cabinet de la religieuse ; celle de droite, un dépôt pour le linge et un cabinet d'aisances sur caveau pourvu d'un tonneau mobile.
Les deux petites baraques sont reliées à la grande par deux galeries de 3 mètres de long, couvertes, mais complètement ouvertes latéralement, et qui forment en outre comme le vestibule de la salle des blessés.
En arrière, dans l'axe des deux petites baraques, et à 11 mètres environ, se trouvent deux autres baraques; elles peuvent recevoir chacune deux lits : l'un est destiné au malade, l'autre à l'infirmier ou au convalescent qu'on voudrait placer près de lui.
Ces petites constructions ont 3 mètres sur 5 mètres, et sont distantes entre elles de 16 mètres. Au devant de ces deux baraques sont des galeries ou verandhas, constituées par des toiles mobiles tendues sur châssis en bois ; ces appendices ont pour destination de tempérer l'ardeur du soleil.
Le mode de construction de ces diverses baraques consiste dans un plancher en sapin rainé, reposant solidement sur de nombreux piquets enloncés en terre ; on a ménagé un vide de 25 à 3o centimètres entre le sol et le plancher.
Au préalable, le sol naturel a été enlevé, et la terre végétale remplacée par des gravois et des débris de mâchefer.
L'abri, tout à fait indépendant des planchers, consiste en quatre fermes en madriers de sapin, reliées par des traverses.
Les parois verticales se divisent en trois parties : ' La partie inférieure, de 1 mètre 45 centimètres de haut, ré-•pondant aux lits, est pleine, fixe, et formée par des planches posées à recouvrement dans le sens horizontal.
Au-dessus de cette partie, et sur une hauteur à peu près égale, règne une série de châssis vitrés qui sont tous mobiles et se relèvent à l'extérieur, à l'instar des châssis à tabatière, et par le procédé le plus simple, de manière à former, tout autour de la baraque, un auvent protecteur contre le soleil et contre la pluie; la section d'ouverture horizontale est de 1 mètre de large.
Enfin, la dernière partie des parois verticales est composée
de panneaux en boic pleins, mais mobiles; ces panneaux s'ouvrent à bascule à l'intérieur de haut en bas, de façon à ménager, sans gêner le malade, un courant d'air puissant qui entraîne, vers le sommet de la baraque, tous les miasmes s'élevant de la partie basse. Ces châssis peuvent rester ouverts sans inconvénients alors que ceux du bas sont fermés.
Quant au toit, il se compose de deux parties superposées. La première partie est en planches de sapin rainées, posées en long et présentant une saillie extérieure de 5o centimètres environ. La deuxième partie est formée d'une toile imperméable posée au-dessus de la partie en planches, qu'elle dépasse de 3o centimètres à l'extrémité basse, et de manière à laisser un isolement de 10 centimètres au moins entre les deux parois. Cet isolement a pour but d'établir un courant d'air permanent et de conserver à la toile toute son imperméabilité, car si elle était posée sur le bois même, à la suite de longues pluies, elle perdrait cette qualité essentielle.
Le toit qui vient d'être décrit présente, dans son milieu et dans toute sa longueur, un vide de 60 centimètres environ, pour assurer une aération constante ; mais, afin d'éviter que la pluie n'entre par cette ouverture, elle est surmontée d'un petit toit qui se prolonge en recouvrement au-dessus du grand, en laissant toutefois une ouverture de 5o centimètres.
Ces toits ne sont pas garnis de gouttières et l'eau tombe sur le sol; mais il règne au long des baraques un revers en pavés avec ruisseau, pour conduire l'eau à des puisards garnis de cuvettes syphoïdes, afin d'éviter toute mauvaise odeur.
Telles sont les dispositions adoptées à l'hôpital Saint-Louis; avec celles qui ont été réalisées à l'hôpital Cochin, elles constituent un premier essai dont les résultats seront suivis et étudiés par une commission d'hommes compétents.
Quel sera l'avenir de ces installations pour le traitement de certaines catégories de blessés ou de malades? Bien hardi celui qui entreprendrait de le prédire!
La tente simple doit être tout d'abord exclue : les malades y étouffent l'été et y souffrent du froid pendant l'hiver. Les tentes de l'hôpital de Francfort sont à peu près abandonnées ; l'un de nos savants collègues qui les a visitées l'an passé, au mois d'août, les a trouvées vides, bien qu'il y eût à l'hôpital plusieurs malades qui, selon la théorie, eussent dû y trouver place.
Les tentes-hôpitaux et les baraques réalisent beaucoup mieux les conditions cherchées; mais elles présentent aussi de notables défauts.
Elles sont formées de matériaux absorbants et doivent rapidement s'infecter, malgré une abondante aération. Elles garantissent incomplètement les malades contre les variations souvent brusques de la température; il serait à peu près impossible de les chauffer, ce qui serait pourtant nécessaire en avril et en octobre. Si l'on fermait les orifices d'aération pour rendre le chauffage praticable, on reproduirait à peu près la salle de l'hôpital ordinaire. On remarquera d'ailleurs que ces constructions destinées, en campagne, à abriter des hommes robustes comme les soldats, déjà aguerris contre les fatigues, la chaleur et le froid, doivent recevoir, dans les villes, des individus souvent débilités, dont les organes sensibles sont prédisposés aux inflammations rapides.
Que doit-on rechercher dans les installations propres aux individus atteints de maladies infectieuses? Est-ce l'isolement? Dans ce cas, les tentes et les baraques où sont réunis dix ou vingt malades ne réalisent pas cette condition.
Si c'est surtout la grande aération qu'il convient de procurer, croit-on qu'il ne soit pas possible de l'obtenir dans des bâtiments ordinaires?
Des constructions en maçonnerie peuvent offrir, à divers points de vue, un avantage considérable sur les tentes et les baraques. Les murs stuqués ou peints à l'huile avec soin présentent des surfaces dures, difficilement imprégnables, qu'on peut lessiver aussi souvent qu'on le veut.
Ne peut-on aussi, dans ces bâtiments, pratiquer une abondante ventilation, la nuit comme le jour ? A l'hôpital Lari-boisière, on renouvelle l'atmosphère des salles 36 fois toutes les 24 heures au moyen de la ventilation mécanique, et l'on pourrait aisément pousser ce renouvellement jusqu'à 5o ou 60 fois. Si cette ventilation est insuffisante, ne peut-on pratiquer largement la ventilation, dite naturelle, en tenant les fenêtres ouvertes, même la nuit? Dans ce mode, les malades seraient garantis contre l'arrivée directe de l'air froid, par des stores se levant de bas en haut. Il est encore d'autres moyens puissants d'aération : l'ingénieur de l'Administration, M. Louis Ser, a fait établir un modèle de vasistas qui s'adapte
à toutes les fenêtres et qui permet d'introduire, par un mécanisme simple, telle quantité d'air que l'on désire à travers une plaque percée de petits trous, qui le divise au moment où il pénètre et s'étend en couches vers le plafond. La fenêtre anglaise à guillotine, qui peut être ouverte à la partie supérieure dans une mesure variable, est encore un moyen très efficace pour l'aération des salles.
Si, indépendamment de l'aération nécessaire dans toutes les combinaisons à adopter, on croit indispensable d'isoler les malades, ne peut-on le faire dans des chambres bien disposées? N'est-ce pas là un arrangement praticable, même dans certains hôpitaux existants, alors qu'il s'agit de malades peu nombreux qu'il convient de soustraire aux influences nosocomiales directes? L'hôpital qui s'élèvera bientôt sur le coteau de Ménilmon-tant aura, j'en ai l'espoir, un très grand nombre de chambres distantes des salles ordinaires et parfaitement installées, qui offriront une ressource précieuse pour les cas de chirurgie, et même de médecine, dans lesquels l'isolement est une condition de guérison.
Enfin, ne peut-on, dans la saison d'été, et lorsque le temps le permet, déplacer les opérés et les coucher dans les préaux plantés, à l'abri d'une tente ou d'un vélum qu'on déplace à volonté (1)? Vivre ainsi au grand air pendant dix ou douze heures delà journée serait assurément une chose éminemment favorable à la réparation des forces et à l'état des blessures.
Quoi qu'il en soit, il suffit que les expériences déjà faites, sous la direction d'hommes sincères et instruits, aient fourni des résultats qu'ils jugent avantageux, pour que nous devions nous engager résolument, à notre tour, dans la voie d'une sage, mais complète expérimentation. En présence d'une innovation sur laquelle les idées ne sont pas encore faites, gardons-nous à la fois d'un enthousiasme aveugle qui exclut la critique et conduit aux pures illusions, et de cette réserve excessive qui équivaut à l'immobilité. L'ennemi que nous avons devant nous ressemble à ces héros mystérieux de la légende, tout bardés de fer, qu'on ne savait comment attein-
(i) Ce moyen a été mis en pratique aussitôt qu'indiqué : une tente a été ressée sous les arbres, dans l'un des préaux de l'hôpital Lariboisière, et epuis le 2 août, quatre blessés transférés dès le matin y sont maintenus, ouchés jusqu'au soir.
des HOpitaux
PLANCHE XXVIII RAMOLLISSEMENT ET ATROPHIE DU CERVEAU
dre ; épuisons les moyens de le combattre : nous serons assez récompensés de nos peines et de nos sacrifices, si nous avons réussi, même dans une mesure restreinte, à sauvegarder la vie de nos semblables.
Atrophie cérébrale, — Hémiplégie à droite, — Attaques épi-leptiques, — Etat de mal, — Température durant les accès,
par Bourneville.
Fayadat Rosalie Fl., 32 ans, admise à la Salpétrière le 3 avril 1858, est entrée le 12 décembre 1868 au n° 4 de la salle Saint-Luc (service de M. Charcot). — Cette malade, hémiplégique du côté droit, est sujette à des attaques épilepti-ques assez rares d'ailleurs pour que l'on puisse la garder dans les dortoirs consacrés aux infirmes et aux vieillards. Sa taille est exiguë (1 mètre 40); sa tête petite, le front bas, les lèvres saillantes ; le système pileux est peu développé; le crâne est déjà en partie dénudé. L'intelligence est faible. La parole est libre, et ce n'est que quand elle est émue que l'on observe une certaine hésitation. Point de paralysie faciale. (Pl. XXVIII.)
Les membres du côté droit sont moins volumineux que ceux du côté gauche. Voici quelques mesures qui donnent une idée exacte de cette différence :
Circonférence du bras droit 28 cent. du gauche 29 c. 5
— de l'avant-bras — 21 c. 5 — 22 c.
— du poignet — 12 c. 5 — i3 c. 5
— du métacarpe — i3c. — 17 c.
— de la cuisse — 3 2 c. 5 — 34 c. 5
— du mollet — 24 c. — 27 c. 5
Le membre inférieur droit est plus court de deux centimètres que le gauche. — La malade, en marchant, traîne la jambe droite. Elle se sert de ses deux bras, mais préférablement du gauche. — Depuis qu'elle est à l'hospice, elle n'est venue qu'une seule fois à l'infirmerie, pour accoucher (22 ans). La grossesse, la parturition ne paraissent avoir présenté rien de particulier. — Le sein droit a toujours été moins gros que l'autre.
Le 12 décembre, F. ayant eu plusieurs accès dans la matinée est envoyée à l'infirmene. A peine était-elle arrivée qu'elle
eut une attaque complète pendant laquelle la température rectale s'est élevée à 38°3. La crise épileptique a offert les caractères suivants : La malade étant assise sur son lit, on a noté en premier lieu des convulsions des muscles de la moitié droite de la face, une inclinaison de la tête vers l'épaule droite due à la torsion du cou, une déviation de la face et des yeux dans le même sens, une traction de la commissure labiale droite ; les paupières, à droite, d'abord closes, se sont bientôt écartées. Ces phénomènes, qui ont duré environ vingt secondes, ne s'accompagnaient pas de perte de connaissance, car F. cherchait à ramener sur elle les couvertures qui avaient été rejetées vers le pied du lit. A ce moment, elle se renverse en arrière; la torsion du cou, la déviation de la face augmentent; le bras droit s'élève, l'avant-bras se fléchit sur le bras, tout le membre supérieur droit devient roide ; presque en même temps le bras gauche se roidit et on voit apparaître des secousses cloniques, rapides et assez fortes à droite, rares et moins marquées à gauche. Les membres inférieurs, après une courte période de tonicité, sont également pris de convulsions cloniques, égales des deux côtés et d'ailleurs légères.
Au bout d'un temps assez court, une à deux minutes depuis le début de l'attaque, la pâleur de la face est remplacée par de la rougeur, la respiration est stertoreuse, fréquente (36-40), les lèvres laissent couler une écume non sanguinolente. Peu après, F. s'assied, regarde les assistants d'un air hébété et répond d'une manière inconsciente aux questions qu'on lui pose.
Quelques minutes à peine se sont écoulées qu'il survient une quatrième attaque pendant laquelle la température un instant stationnaire s'est élevée à 38°2. Durant cette attaque, les pupilles étaient dilatées au même degré. Les convulsions toniques des membres inférieurs ont été très marquées et la jambe gauche, — non paralysée — s'est fléchie énergiquement sur la cuisse.
i3 décembre. Les attaques ont continué, durant la nuit, à peu près sans intervalle. Malheureusement elles n'ont pas été notées.
Traitement : Bromure de potassium........... 6 grammes.
Iodure de potassium.............. 1 —
Eau.............................. i5o —
Sirop............................. 5o —
A prendre par cuillerées dans les vingt-quatre heures.
Soir. Pouls, ioo; respiration, 40; température rectale, 400 pendant un accès. Durant quelques secondes, le thermomètre est resté à 3g°4, puis a monté à 400 sitôt que les convulsions ont cessé. Dans un accès qui suit presque immédiatement, outre les phénomènes déjà indiqués, on remarque quelques convulsions du muscle orbiculaire gauche survenant après l'apparition des convulsions de la moitié droite de la face; enfin on remarque que la roideur du bras gauche se montre seulement quelques secondes après son apparition à droite. Pas de selles involontaires ; rarement de l'écume, pas de coma véritable. — A 8 heures du soir, entre deux accès (T. R. ?g°6).
14 décembre. Les accès continuent pour ainsi dire sans relâche. Us présentent les mêmes particularités ; les convulsions, semblables à de petites secousses tétaniques, prédominent à droite (T. R. 40°3). Au bout d'une minute au plus, la tête revient à sa position naturelle, c'est-à-dire qu'elle est un peu infléchie vers l'épaule gauche. Après la crke, pouls, 84°(T. R. 400). On venait de retirer le thermomètre iorsqu'est survenue une nouvelle attaque (T, R. 4o°3). Bromure de potassium, 8 gr., etc. Les règles commencent à couler.
Soir. P. 88. R. 32. De 3 à 4 heures, six accès. La température, prise durant une crise, est restée à 400 pendant quelque temps, puis est montée à 40°3 sitôt la cessation des convulsions. Légère injection de la face, pupilles égales, dilatées, non contractiles ; narines pulvérulentes ; mucosités desséchées sur les gencives; langue sèche, soif vive ; déglutition facile; ni vomissements ni selles. Les règles ne coulent pas. Battements du cœur réguliers. Rougeur diffuse sur la fesse droite.
15 décembre. Depuis hier soir 7 heures, jusqu'à ce matin 7 heures, F. a eu 1 33 accès. On est témoin d'un accès dans lequel, contrairement à ce qu'on a vu jusqu'ici, la face est tournée vers la gauche. La dilatation des pupilles s'exagère peu dans les attaques. Le thermomètre était placé depuis quelques secondes quand éclate une crise, la colonne mercu-rielle monte rapidement à 3g°5; les convulsions cessent et la colonne s'élève lentement à 40°7. Une nouvelle crise étant survenue alors, le thermomètre n'a pas bougé. — Bromure de potassium, 10 gr., etc.
Soir. Dans l'intervalle, du reste très court, des accès, la
malade comprend ce qu'on lui demande et répond par signes; elle indique qu'elle a mal à la tête en portant la main gauche au front (T. R. 40°g). Depuis ce matin 7 heures jusqu'à ce soir 7 heures, 139 accès. Écoulement menstruel nul. Constipation opiniâtre. Huile de croton, une goutte, huile de ricin, 20 grammes.
16 décembre. Depuis hier soir jusqu'à ce matin 7 heures, 116 accès. En dehors des accès, pas de contractures. Les doigts de droite ont une tendance à se recoqueviller sur la paume de la main. D'une façon générale la sensibilité paraît normale à droite. Par le chatouillement de la plante des pieds, mouvements réflexes, rapides et assez marqués à gauche, lents et moins prononcés à droite. Lorsqu'on touche les cils, il y a des mouvements de clignotement des deux côtés. Pupilles très dilatées. Paupières ouvertes. Face très altérée, déviée à gauche. Dents serrées.
Le corps est couvert d'une sueur visqueuse. Les membres supérieurs sont fiasques. Teinte violacée de la main et du bras droit tranchant avec la pâleur de la main gauche. Même différence entre les deux pieds; mais pour le reste des membres, la teinte violacée est la même.
La tache érythémateuse de la fesse droite est plus foncée qu'hier et, au centre, on voit une plaque bleuâtre de 4 cent, de diamètre. Erythème de la fesse gauche. En dehors de ses attaques, la malade repose sur le côté gauche.
Dans une crise, on observe à droite, comme précédemment, une occlusion rhythmique des paupières, des convulsions des muscles de la joue, de la commissure labiale, tandis que le côté gauche demeure maintenant à peu près immobile.
P. 128, régulier; — R. sublime, à 48; — T. R. 4i°7, en dehors de l'accès.
Soir. Depuis ce matin jusqu'à 5 h 1/2, 84 accès. Suspension d'une heure ou deux. Peau moite, brûlante ; face inondée de sueur. Râle laryngo-trachéal. P. 128. R. 52. T. R. 4i°7.
Morte sans avoir eu de nouvelle crise, à onze heures du soir. T. R. 42°i.
Rigidité cadavérique. Nous avons suivi, dans ce cas, sur les conseils de M. Charcot, la marche de la rigidité cadavérique. Elle a offert les particularités suivantes :
17 décembre, 2 heures du soir : cou un peu roide ; — rigi-
DES HOPITAUX
PLANCHE XXIX FAVUS
DES HOPITAUX
PLANCHE XXX HERPÈS TONSURANT
dite de l'épaule droite, — très forte au coude, — roideur du poignet, rigidité des doigts qui sont énergiquement fléchis. — A gauche, rigidité très prononcée de l'épaule, du coude, des doigts, — médiocre du poignet. — Rigidité médiocre des trois jointures du membre inférieur droit, assez forte à gauche.
5 heures : Rougeur simple à l'épaule droite, flaccidité du poignet ; — à gauche, rigidité moindre à l'épaule; — les autres jointures, des deux côtés, ut suprà. — Cou flasque. — Simple roideur de la hanche et du genou droits, rigidité du pied ;— à gauche, la hanche et le genou sont plus roides qu'à droite ; le pied est très rigide.
18 décembre. 10 heures Cou flasque. Légère rougeur de l'épaule et du coude à droite; poignet flasque ; doigts médiocrement rigides. A gauche, roideur de l'épaule; coude, poignet et doigts rigides. Le membre inférieur gauche est un peu plus roide que le droit.
BOURNEVILLE.
(La suite au prochain numéro.)
Le favus et l'herpès tonsurant examinés au microscope.
(Voir planches XXIX et XXX.)
Il se présente quelquefois dans la pratique des difficultés sérieuses lorsqu'il s'agit de déterminer la nature d'une affection du cuir chevelu dont l'aspect n'est pas celui d'un type des maladies de cette région. Certains eczémas de la tête peuvent donner lieu à la formation de croûtes plus ou moins concrètes et diversement colorées, à la production d'un pityriasis, dont la physionomie peut faire croire à la présence d'un parasite végétal.
C'est dans ces cas douteux, où l'aspect des produits morbides ne se trouve pas nettement caractérisé, où la chute des cheveux peut être attribuée aussi bien à la présence des parasites végétaux qu'à l'envahissement d'une maladie dartreuse qu'il faut avoir recours à l'emploi du microscope pour trancher la difficulté.
Nous empruntons à la Clinique photographique des maladies de la peau (i), deux planches qui en disent plus à elles seules que toutes les descriptions que l'on pourrait donner des types qu'elles représentent.
Une de ces planches est la photographie d'un cheveu pris à la sortie du bulbe pileux et grossi 3oo fois environ. Cette portion de cheveu se trouve envahie par des cryptogames nombreux de la famille des oïdie's. Ces champignons ont pour éléments le mycélium, le réceptacle et les spores. Le mycélium se présente sous forme de tubes divisés dichotomiquement ou non ramifiés. Le réceptacle est un tube qui semble cloisonné ou formé de petites granulations juxtaposées. Les spores sont les organes de reproduction du favus ; on en voit qui sont sphé-riques, d'autres semblent irrégulièrement arrondis, ovoïdes ou prismatiques. Leur volume est inégal. Ces caractères sont ceux qui servent à reconnaître le favus. Uherpès tonsurant offre des éléments parasitaires analogues à ceux dont nous venons de parler, seulement les spores sont parfaitement arrondis et d'une grosseur assez uniformément égale ; leur nombre est plus considérable que dans n'importe quelle autre maladie parasitaire : les tubes, au contraire, formés par les réceptacles et le mycélium sont de beaucoup plus rares.
Le parasite végétal qui caractérise le favus a reçu le nom d'achorion Schœnleinii. Celui de l'herpès tonsurant est appelé trichophyton; il envahit les fibres du cheveu, les fait éclater, et brise ce dernier en donnant à la cassure quelque analogie avec celle qu'offrirait un arbre rompu par le vent.
(La Rédaction.)
(t) Publiée par MM. Chamerot et Lauwereyns, i3, rue du Jardinet, Paris. 1 vol. in-40 avec 5o photographies coloriées à la main.
BULLETIN
DOUCHES OCULAIRES
L'emploi des douches froides en ocu-listique est aujourd'hui d'un usage très répandu. Le liquide projeté sur l'oeil sous forme de pluie fine a pour effet d'enlever des produits de sécrétion morbide, de provoquer une réfrigération dans les cas d'hypérémie, et de modérer l'irritation locale ou la douleur produite par une scarification ou une cautérisation. — La figure ci-jointe représente un appareil très simple et très commode avec lequel l'administration d'une douche oculaire devient très facile (i). Cet ingénieux instrument se compose d'une boule en caoutchouc surmontant une pompe qu'elle met en jeu. L'eau aspirée est ensuite refoulée dans un sac, également en caoutchouc, qui forme un renflement sur le trajet du tube injecteur. Ce sac se dilatant par l'effet de la pression imprimée à l'eau agit sans elle, en vertu de son élasticité, et transforme en jeu continu le courant intermittent de la pompe.
La question du développement de la tuberculose par l'ingestion des matières tuberculeuses s'appuie chaque jour sur de nouveaux faits.
«On connaît, dit le Lyon médical, les expériences déjà instituées sur ce sujet par M. Chauveau et M. Villemin; le premier opérant sur des génisses et le second sur des rongeurs (lapins et cochons d'Inde). M. Parrot a communiqué dernièrement à la Société médicale des hôpitaux de Paris un fait expérimental du même ordre. C'est sur un cochon d'Inde qu'il a opéré.
L'animal, bien portant jusque-là, mange à quatre reprises
(0 Construit par M. Aubry, 140, rue Saint-J;icques, Paris. Prix ; 6 fr.
différentes de la matière tuberculeuse, dont le poids total peut être évalué à cinq grammes, et succombe trois mois après la première ingestion. A l'autopsie, on constate une tuberculisa-tionde tous les viscères, l'encéphale, le cœur et les reins exceptés. Or, il vivait au milieu de plusieurs autres animaux, dont trois de la même portée, qui n'ont présenté aucun indice de la maladie.
Il est à remarquer que les manifestations du côté de l'intestin sont habituellement beaucoup plus prononcées dans tous ces faits d'infection tuberculeuse par le tube digestif que dans les tuberculisations par inoculation. Il est à noter aussi que l'expérience donne des résultats positifs non-seulement lorsque l'on agit avec la matière tuberculeuse développée dans les tissus, mais encore lorsque l'on ingère des crachats provenant de phthisiques. Ces données ne jettent-elles pas un certain jour sur la genèse de beaucoup de tuberculisations abdominales, et ne permettent-elles pas de penser que si la tuberculose de l'intestin est si fréquente chez l'enfant, relativement à ce que l'on observe chez l'adulte, c'est que les enfants avalent leurs crachats plutôt que de les expectorer ?
On prévoit dès aujourd'hui l'importance que ces essais de pathologie expérimentale peuvent avoir au point de vue de la prophylaxie, non-seulement de la tuberculose, mais encore de différentes localisations lorsque l'infection générale est déjà produite.
Du reste, la possibilité de l'infection tuberculeuse par le tube digestif paraît avoir attiré l'attention il y a déjà plusieurs années. La Gazette médicale de Paris, i83q, rapporte deux observations empruntées aux journaux allemands et appartenant au docteur Malier, dans lesquelles on relate l'histoire de deux chiens qui moururent tuberculeux après avoir mangé l'un pendant une année, l'autre pendant six mois, des crachats provenant d'une femme de 58 ans, atteinte depuis quelque temps de phthisie pulmonaire.
Le Gérant, a. de montméja.
10418. — Paris. Typ. Alcan-Lévy, boulevard de Clichy, 62.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
des
nOPITAIX »E PARIS
Atrophie cérébrale. — Hémiplégie à droite. — Attaques épi-leptiqu.es. — Etat de mal. — Température durant les accès. — Mort. — Autopsie. — Réflexions par Bourneville.
Suite (l)
Autopsie le 18 décembre. — Péricrâne, os, rien de particulier. L'ablation de la calotte crânienne fait écouler une assez grande quantité de sérosité. La pie-mère est légèrement injectée. Les artères sylviennes ainsi que les autres artères de la base, sont souples, nullement athéromateuses. Les hémisphères cérébraux, étant en place, paraissent à peu près aussi volumineux. — L'hémisphère droit, dépouillé sans peine de ses enveloppes, pèse 480 grammes. Les circonvolutions, les deux substances, le ventricule latéral n'offrent aucune altération.
Hémisphère cérébral gauche. La pie-mère se détache facilement, si ce n'est au niveau de la face convexe des lobes sphé-noïdal e': occipital où cette enveloppe, infiltrée de sérosité, adhère par points isolés à la substance grise. Lorsque la pie-mère est enlevée en totalité, on observe une atrophie considérable des circonvolutions des lobes occipital et sphénoïdal, atrophie qui se traduit par une différence (en moins) de cent grammes comparativement au poids de l'hémisphère droit. Dans les parties correspondantes, la couche comprise entre la péri-
(1) Voir page 15 3.
phérie et le ventricule latéral ne mesure pas môme un centimètre d'épaisseur. ,
Les circonvolutions de la face convexe, depuis l'extrémité antérieure de l'hémisphère jusqu'à la grande circonvolution pariétale postérieure sont normales et ont les mêmes dimensions que ies circonvolutions similaires du côté opposé. La circonvolution d'enceinte de la scissure de Sylvius est intacte. La moitié postérieure des circonvolutions qui suivent la grande circonvolution pariétale postérieure, c'est-à-dire la petite circonvolution pariétale postérieure et la circonvolution dite occipitale, va en s'atrophiant progressivement d'avant en arrière.
A partir de là jusqu'à l'extrémité postérieure de l'hémisphère et du bord inférieur au bord supérieur, toutes les circonvolutions sont remarquablement atrophiées. Etudiées au point de vue de leur aspect, elles peuvent être divisées en deux variétés. i° Les unes sont ratatinées, indurées, pour ainsi dire réduites à rien. 2° Les autres, moins grêles, présentent une particularité curieuse : quand on incise avec précaution leur couche superficielle, on voit sortir de la sérosité contenue dans une cavité kystique comprise entre ces circonvolutions atrophiées et la paroi épaissie du ventricule latéral. Ces lésions ne rappellent en rien l'aspect des plaques jaunes, résultant des ramollissements anciens. (La planche XXVII1 donne une idée exacte du degré d'atrophie des circonvolutions.)
Si maintenant on examine la face interne de l'hémisphère gauche, on y découvre plusieurs lésions importantes. Le ventricule latéral est un peu dilaté. La queue du corps strié, la couche optique, dans une largeur de trois millimètres environ, profondément altérées, sont remplacées par une cicatrice froncée, grisâtre, se continuant avec une autre cicatrice semblable qui occupe la corne occipitale du ventricule et presque toute la corne sphénoïdale. Quelques vaisseaux irréguliers, plus volumineux que de coutume, sillonnent ces cicatrices.
Au microscope, M. Charcot a trouvé dans la substance grise des circonvolutions, des myélocites très gros, nombreux, mêlés à des fibrilles, des cellules nerveuses et des tubes nerveux; il n'y a pas de corps granuleux. Les parties profondes sont constituées par un véritable tissu conjonctif (i).
(i) La pièce a été présentée à la Société anatomique.
Outre les lésions précédentes, on note encore les suivantes (fig. i) : L'atrophie du nerf ci de la bandelette optiques gauches [a, c) du tubercule ma~ millaire gauche (b) qui est notablement plus petit que le droit; du pédoncule cérébral gauche qui est grisâtre, plus plat, moins large que le droit (d);—de la moitié gauche ( ?) delà protubérance qui, comparée à l'autre, est affaissée et déprimée. — Enfin l'olive (f), la pyramide
antérieure gauche (g) sont moins saillantes et moins larges que les parties analogues droites; elles ont, du reste, leur couleur naturelle.
Moelle. La pie-mère, d'une façon générale, est assez injectée; toutefois cette injection ne semble guère dépasser celle que l'on rencontre souvent dans des circonstances différentes. — L'arachnoïde renferme peu de liquide. — Plusieurs coupes pratiquées sur la moelle n'ont fait voir aucune lésion récente. Il n'y a pas, du moins à l'œil nu, de dégénération secondaire du cordon latéral droit.
Larynx, rien. — Bronches injectées. — Poumons sains; pas même de congestion hypostatique. — Cœur, 220 gr. (sans le péricarde) ; quelques plaques laiteuses à la périphérie. Sang noir, en partie coagulé dans le ventricule droit; petits caillots noirs dans l'oreillette droite. Tissu cardiaque assez résistant, décoloré. Pas d'altérations valvulaires. — L'aorte, non athéromateuse, n'a qu'un centimètre de diamètre dans sa portion thoracique; l'abdominale est encore plus petite. Point de différence entre les iliaques.
Œsophage, estomac, intestins, pancréas, sains. — Rate hypertrophiée (200 gr.). —Foie (q5ogr.) brun-grisâtre, congestionné. Son extrémité gauche est unie à la rate par des adhérences. — Les reins pèsent chacun 95 grammes; ils sont hypérémiés. — Vessie, etc., rien.
Réflexions. Un fait, regardé comme méritant l'honneur
d'être communiqué au public, doit renfermer des enseignements. En est-il ainsi de celui qui précède? Nous le croyons et nous espérons le démontrer. Pour cela, nous allons examiner successivement les symptômes observés durant la vie, les lésions constatées après la mort.
I. — Relativement au début nous ne connaissons que les détails communiqués par la malade aux personnes qu'elle fréquentait à l'hospice, car personne ne la visitait. Ces renseignements nous feraient penser que l'affection primitive remontait à l'enfance.
II. — La face n'offrait aucune trace de paralysie ni d'atrophie. Il n'en était pas de même des membres. Bien que Fayadat pût se servir de la main droite, le membre correspondant était atrophié et moins habile que le gauche ; d'un autre côté, elle marchait facilement, en traînant toutefois un peu la jambe. Ces phénomènes s'expliquent sans difficulté par l'atrophie qui portait en même temps sur le volume et la longueur des membres. Les chiffres que nous avons donnés ne laissent aucun doute à cet égard. Ajoutons encore que le sein droit était plus petit que le gauche.
III. — L'intelligence de la malade était médiocre. Par ses allures, son langage, son caractère, F... était restée enfant. — La tête était petite, sans aucune différence entre les deux côtés. — Les sens étaient normaux.
IV. — F... était sujette à des accès d'épilepsie depuis un temps assez long, mais que nous ne pouvons préciser. Ce que nous savons c'est que, jusque dans les derniers jours de sa vie, les accès étaient isolés et revenaient à des intervalles plus ou moins éloignés. L'état de mal qui a déterminé la mort doit nous arrêter un instant.
a. Les crises épileptiques ne sont pas rares dans les cas d'agénésie. M. Cotard en cite dix (i), la plupart recueillis à la Salpétrière dans le service de M. Charcot. Par leurs caractères généraux ces crises diffèrent à peine de celles qui affectent les épileptiques ordinaires. Nous ferons remarquer seulement que, chez notre malade, les convulsions commençaient et prédominaient à droite, c'est-à-dire du côté paralysé. C'est là, d'ailleurs, un phénomène habituel en pareille circonstance,
(i) Etude sur Vatrophie partielle du cerveau, 1868.
ainsi que nous avons pu le vérifier à la Salpétrière, lorsque nous étions interne dans le service de M. Delasiauve.
b. La température, notée régulièrement, nous offre à étudier : i° la courbe générale; 2° l'élévation de la chaleur centrale au moment des accès.
En ce qui concerne la première nous appellerons l'attention sur sa marche ascensionnelle (fig. 2) qui a été très rapide, puisque en quatre jours la température a monté de 38°3 à 42°i. Ce phénomène ne peut être rattaché qu'à Y état de mal épileptique, car il n'y avait aucune lésion récente du côté des centres nerveux, ni aucune complication vers les autres organes, capable de l'expliquer. Cet accroissement brusque de la température n'est pas spécial à l'état de mal épileptique, on l'observe aussi dans Yhémorrhagie cérébrale ; mais, dans cette maladie, l'ascension thermométrique est précédée d'un abaissement qui va quelquefois jusqu'à deux degrés au-dessous de la température normale, tandis que dans la première maladie, la courbe part de la température naturelle.
Quant à l'élévation de la température durant les accès, elle est indubitable. En effet, le i3 décembre, alors que la température était à 400 pendant une crise, elle était seulement de 3q°6 dans les instants de calme. Même chose le 14 décembre: en dehors des crises la température est à 400 et pendant une attaque à 40°3. Notons enfin que la température atteignait son maximum sitôt que les convulsions cessaient.
Cette élévation de la température sous l'influence des convulsions épileptiques nous semble être la règle. Plusieurs fois, l'an dernier, sur les conseils de M. Charcot, nous l'avons constatée chez des malades de la Salpétrière. Cette année encore nous avons obtenu les mêmes résultats. Chez un malade, Th..,,
la température normale était de 3y°6, et durant l'attaque épileptique de 38n6. — Chez le second, la température normale était de 37°3 et à la fin des accès elle était de 38°2 (i).
c. Malgré l'administration du bromure de potassium à des doses assez élevées, malgré l'application des révulsifs, les accès n'ont pas été enrayés. Cet insuccès viendrait à l'appui de l'opinion qui accuse cet agent thérapeutique d'impuissance dans l'épilepsie symptomatique.
Les accès ont été extrêmement nombreux puisque, en 46 heures, la malade en a eu 472. — Ils ont cessé quelques heures avant la mort, ce qui arrive d'ordinaire en pareil cas, c'est-à dire après un état de mal.
V. L'anatomie pathologique n'est pas moins intéressante. L'hypertrophie des os de la moitié du crâne correspondant à la lésion, si commune quand Yagénésie cérébrale remonte à l'enfance, n'existait pas chez Fayadat. — La lésion — ramollissement, — avait détruit ou considérablement frappé toutes les circonvolutions du lobe occipital gauche et la plus grande partie des circonvolutions du lobe sphénoïdal. Ces circonvolutions, nous l'avons déjà vu, étaient les unes ratatinées, presque réduites à rien (voir la planche XXVIII); les autres présentaient une particularité mentionnée naguère par M. Cru-veilhier, à savoir leur transformation en petits kystes.
VI. Les autres lésions (fig. 1) consécutives à l'altération principale appartiennent à l'ordre des dégénérations secondaires, décrites avec soin dans cesderniers temps par M.Ch. Bouchard, Sont-ce ces lésions, sclérose du pédoncule cérébral, de la protubérance de l'olive et delà pyramide antérieure du coté droit, qui ont produit l'épilepsie? En l'absence d'autres lésions capables de rendre compte de cette complication, nous inclinerions volontiers à le penser. Différents faits, et en particulier celui que nous avons publié en 1868 (Mouvement médical, p. 125), plaident en faveur de cette étiologie.
BOURNEVILLE.
(1) M. F. W. Gibson est le seul auteur, à notre connaissance, qui, a.vant M. Charcot et nous, ait parlé de la température dans l'accès épileptique. Encore ne rapporte-t-il qu'une observation. Son malade, en dehors des accès, avait une température de 97° Farenheit ou 36°ii centigrades, tandis que durant un accès la température s'est élevée à 101° F. ou 38"33 C. (The Journal of mental Science, janv. i8f 8).
DES HOPITAUX
PLANCHE XXXI SYPHILIDE PAPULQ-HYPERTROPHIQUE
Syphilide papulo-hypertrophique de la langue
Nous reproduisons ici un type aussi complet que possible d'une lésion très curieuse, la syphilide papulo-hypertrophique de la langue. Voir planche XXXI.
Cette lésion, encore peu connue, se caractérise de la façon suivante : déformation de la langue (il est remarquable que cette déformation porte le plus habituellement, presque toujours même, sur la face dorsale de l'organe) ; — saillies mamelonnées, piriformes, se produisant sur le dos de la langue, puis devenant de plus en plus considérables, très dures au toucher, . offrant la résistance du cancroide ; — sillons plus ou moins profonds circonscrivant ces saillies, et ne tardant guère à se transformer en fissures douloureuses. — La surface de l'organe est d'un rouge brunâtre ; elle "est le plus habituellement érodée çà et là, par îlots irréguliers; elle présente cette particularité qu'en certains points elle paraît comme rasée, c'est-à dire dépourvue de papilles. — Lorsque cette surface est devenue érosive dans une étendue un peu considérable, la lésion est douloureuse, les mouvements de la langue sont empêchés ; la mastication éveille de vives souffrances, l'articulation des sons est gênée, et la bouche est incessamment baignée d'une salive abondante. Lorsque, au contraire, les érosions sont limitées, les malades n'éprouvent que très peu de douleurs, ce qui explique comment, en certains cas, ils ne viennent que très tardivement réclamer le secours de l'art.
Cette lésion est une forme de syphilide buccale, correspondant aux syphilides papulo-hypertrophiques, qui se développent sur d'autres points, à la vulve notamment. Elle apparaît dans la période secondaire de la syphilis, mais toujours à un terme un peu avancé de cette période. Elle se distingue des tubercules linguaux, avec lesquels on la confond souvent, en ce qu'elle ne s'érode jamais que d'une façon tout à fait superficielle, tandis que les véritables tubercules, à la langue comme ailleurs, s'ulcèrent profondément après avoir subi la fonte purulente. Ceux-ci, d'ailleurs, sont des accidents qui ne se manifestent guère que clans un stade bien plus reculé de la maladie.
Les nodosités qui constituent la lésion représentée ici n'ont
pas tendance à se fondre à la façon des tubercules ou des gourmes. Elles restent ce qu'elles sont, si on ne les traite pas, pendant un temps presque indéfini ; elles se résorbent au contraire, mais toujours assez lentement, et plus lentement que la gourme, si un traitement convenable leur est appliqué.
Des diverses médications qui ont été mises en œuvre contre cette lésion, la meilleure et la plus simple, à notre sens, consiste en ceci : Badigeonnages quotidiens ou bi-quotidiens à la teinture d'iode pure ; gargarismes d'eau de guimauve ; cautérisation légère des fissures au crayon de nitrate; à l'intérieur, mercuriaux associés à l'iodure de potassium.
Vices de conformation du bassin
Les planches XXXII et XXXIII représentent un vice de conformation du bassin d'une femme adulte. Ce vice de conformation n'est pas le résultat du rachitisme, et ce bassin ne doit pas être considéré comme rétréci par courbure et déformation des os qui le composent. Son défaut de symétrie est dû à une inflexion de la colonne vertébrale. Voici ce que dit Cazeaux relativement à la différence qui existe entre un bassin rachi-tique coïncidant avec une inflexion de la colonne vertébrale et un bassin dont les parties constituantes ont pour ainsi dire été déjetées, dans un âge avancé, sous l'influence d'une déviation du rachis survenue par une cause quelconque :
« Pendant très longtemps on a considéré les déviations du rachis comme produites par le rachitisme. Grâce aux belles recherches de MM. Bouvier, Guérin, etc., il n'est plus possible de conserver aujourd'hui une pareille opinion, et l'on sait que plusieurs maladies, autres que le rachitis, peuvent produire des courbures anormales dans la tige rachidienne. Or, si cette distinction est importante pour les orthopédistes, elle l'est aussi pour l'accoucheur; car elle établit tout d'abord une séparation entre les déviations qui coïncident presque toujours avec une mauvaise conformation du bassin, et celles qui, au contraire, existent le plus souvent avec un bassin bien conformé. Les premières sont de nature rachitique ; les autres se sont développées sous l'influence d'une autre affection.
Il ne faudrait pas croire cependant que les déviations du
des Hôpitaux
PLANCHE XXXII VICE DE CONFORMATION DU RASSIN
(figure l.J
des Hopitaux
PLANCHE XXXIII VICE DE CONFORMATION DU RASSIN
(figure 2.)
rachis non rachitiques n'ont aucune influence sur la direction et la conformation du bassin. Mais ce n'est, en général, que chez les sujets avancés en âge que les courbures de l'épine survenues après l'enfance finissent par amener des changements dans la forme et dans la direction du bassin, de sorte qu'elles n'offrent que peu d'intérêt à l'accoucheur.
La principale altération consiste en un renversement d'avant en arrière, plus fort du côté de l'angle formé par la jonction de la colonne lombaire avec la base du sacrum, et donne par conséquent au bassin une figure plus ou moins semblable à celle que le professeur Nœgelé a décrite sous le nom de bassin oblique ovalaire. »
La planche XXXII montre le bassin vu de face ; il est facile de voir la déviation à droite de l'angle sacro-vertébral ; dans la planche XXXIII le même bassin, vu par en haut, permet de constater la diminution du diamètre antéro-postérieur du détroit supérieur, et de plus, l'inflexion de la colonne rachidienne vers la fosse iliaque droite.
Tlioracentèse. Des difficultés que peut rencontrer l'évacuation complète du liquide dans l'opération de l'empyème
Par le Dr Potain
Il s'agissait d'une pleurésie suppurée datant d'un an. L'obstacle à l'évacuation complète est venu des adhérences fibreuses trop résistantes du poumon ; et, en outre, l'auteur, lorsqu'il a voulu lutter par trop contre ces dernières, a été arrêté par la vascularisation trop grande des membranes amenant une hémorrhagie intra-pleurale.
Voici le procédé nouveau employé p^r l'auteur dans le cas actuel :
Ayant fait une ponction, avec un trocart ordinaire à ascite, dans un point assez déclive du côté gauche de la poitrine, et sans me préoccuper de l'orifice fistuleux qui se trouvait à quelque distance, j'introduisis par la canule du trocart un tube de caoutchouc, ouvert à ses deux extrémités et muni, près du bout qui devait pénétrer dans la poitrine, de deux petites fenêtres latérales. Ce tube, flexible et assez résistant néanmoins pour ne pas s'affaisser trop facilement, était exactement adapté au calibre de la canule dans laquelle il passait à frottement doux ; je l'avais d'ailleurs soutenu avec un mandrin
de baleine, afin que son introduction fût facile et rapide. A ce moment, le pus dont la plèvre était remplie tendant constamment à s'écouler au dehors, il n'y avait point à redouter la pénétration de l'air. Cependant, pour plus de sûreté, le tube avait été rempli d'eau tiède et je l'avais fermé avec une petite pince à pression continue en forme de serre-fine, appelée presse-artère. L'ayant poussé de manière à lui faire dépasser suffisamment la canule (ce dont il était facile de s'assurer par un léger trait d'encre fait à l'avance), je retirai la gaîne métallique et le tube demeura en place, pénétrant dans la plèvre d'environ 4 centimètres. Puis, pour le fixer d'une façon commode et sûre, je fis glisser sur lui une large plaque de caoutchouc bien souple, mais de quelque épaisseur, et percée à son centre d'un petit trou qui livrait passage au tube en le serrant un peu ; j'amenai cette plaque au contact de la peau et l'y appliquai à l'aide d'un bandage. Ainsi le tube se trouvait maintenu de façon à n'éprouver aucun dérangement pendant les mouvements de la malade et sans que j'eusse besoin de m'en occuper davantage. Je le mis alors en communication, au moyen d'un bout de tube en verre légèrement effilé, avec un tuyau de caoutchouc plus volumineux, bifurqué en forme d'Y, à deux branches très longues et préalablement rempli d'eau, lequel devait servir de siphon. Chaque branche de ce siphon était fermée près du point de bifurcation à l'aide d'un presse-artère faisant office de robinet. L'une descendant jusqu'à terre se rendait dans une cuvette placée au pied du lit ; l'autre était plongée par son extrémité dans un vase rempli du liquide à injecter, et ce vase était tenu sur le chevet du lit à peu près à la hauteur de l'épaule de la malade.
Les choses étant disposées de la sorte, il suffisait d'enlever celle des trois pinces qui fermait le petit tube et d'ouvrir une des deux autres pour que le liquide du vase supérieur pénétrât dans la poitrine ou que celui de la poitrine se rendît dans le vase inférieur. Et, comme tout le système était rempli d'eau, comme d'ailleurs je pouvais voir dans le tube de verre placé sur le trajet du liquide tout ce qui entrait dans la poitrine et tout ce qui en sortait, j'étais absolument sûr de n'y pas laisser pénétrer la plus petite bulle d'air durant toute la manœuvre. Par excès de précaution, je m'étais procuré de l'eau qu'on avait privée d'air en la faisant bouillir.
Dans les derniers temps j'ai pensé devoir ajouter à l'évacuation intermittente du foyer et à son lavage quotidien un écoulement à peu près continu avec une traction très modérée. Je l'ai obtenu facilement en substituant au siphon un tube de caoutchouc de très petit calibre mais fort long et qui se rend dans un vase contenant de l'eau dont le niveau est maintenu à '12 ou i 5 centimètres environ au-dessous du plan sur lequel la malade repose.
L'auteur résume ainsi les avantages de son procédé : i° Ne nécessiter qu'une seule ponction, et par conséquent exiger une opération moins douloureuse ; 2° empêcher complètement l'entrée de l'air dans la poitrine tant qu'on le croit nécessaire ; lui donner accès, si cela paraît utile, dans la mesure que l'on juge convenable; fournir le moyen de faire sortir l'air qu'on a introduit et de le renouveler, s'il y a lieu ; permettre d'en modifier à son gré la composition; 3° favoriser l'expansion rapide du poumon pourvu qu'elle ne rencontre pas un trop grand obstacle dans des adhérences ou des dépôts pseudo-membraneux résistants; 40 rendre le lavage du foyer facile en simplifiant l'appareil opératoire, puisqu'il n'est nul besoin d'une seringue, que deux vases quelconques y suffisent et que le liquide sortant de l'un de ces vases pour se rendre dans l'autre, toute l'opération s'exécute avec la plus exquise propreté; 5° éviter tout écoulement de pus en dehors du tube, supprimer par conséquent toute espèce de pansement et presque toute géne pour les malades.
(Lyon médical.)
BULLETIN
le chloral. — expériences de mm. liebreich et demarquay.
Le chloral, découvert par Liebig en i832, est, à l'état anhydre, un liquide incolore et mobile, d'une odeur pénétrante.
Sous l'influence des alcalis aqueux une partie du chloral se décompose en chloroforme. M. Liebreich, après s'être assuré de ce fait, a pensé que les alcalis du sang suffiraient à produire cette réaction, et dès lors, il a envisagé le chloral comme un excellent anesthésique.
Les expériences faites par le savant chimiste allemand son très concluantes. M. Liebreich a vu l'anesthésie se produire chez les animaux après une période de sommeil, puis la mort succéder à cette anesthésie trop longtemps prolongée, comme cela n'arrive que trop souvent par l'inhalation du chloroforme. Mais, contrairement à cette dernière substance, le chloral, d'après M. Liebreich, serait à peu près inoffensif.
Un lapin de grande taille ayant reçu en injection hypodermique 135 centigrades de chloral, dormit en effet, d'un sommeil calme, depuis sept heures du soir jusqu'au lendemain à midi, et se réveilla, dit l'expérimentateur, avec un grand appétit.
Ces expériences, répétées à Paris par M. Demarquay, n'ont pas donné les mêmes résultats. Le chloral, chez les animaux auxquels il a été administré, a bien produit une résolution musculaire extrême et un sommeil profond ; mais M. Demarquay a reconnu en outre que, loin d'être un anesthcsiquc, le chloral, au contraire, exaltait extraordinairement la sensibilité. Le moindre pincement provoquait des mouvements désordonnés et des cris de douleur chez les animaux endormis. Il en fut de même chez les malades auxquels M. Demarquay fit prendre du chloral associé à du sirop de Tolu.
Ces expériences contradictoires de celles de M. Liebreich n'ont pas laissé de faire un certain bruit dans le monde médical. On a pensé, non pas sans raison peut-être, que le chloral dont M. Demarquay a fait usage n'était pas assez pur, ou bien qu'il s'altérait dans son association au sirop de Tolu. Cette supposition est d'autant plus probable, que dans de nouvelles expériences faites avec un soin extrême, MM. L. Labbé et Et. Goujon n'ont point remarqué cette hyperesthésie extrême signalée par M. Demarquay. Les conclusions de leur mémoire, présenté le 12 octobre à l'Académie, sont les suivantes :
i° Le chloral introduit en suffisante quantité dans le sang d'un animal, produit Y anesthésie chez ce dernier, et cela sans passer par la période d'excitation qui se produit toujours avec le chloroforme.
20 Introduite dans le tube digestif ou sous la peau, cette substance produit d'abord le sommeil, puis Y anesthésie, mais à un degré moindre que si elle est introduite dans le sang. Il y
a dans ce cas un peu d'excitation avant le sommeil, mais il y a loin de là à l'hyperesthésie.
Que résultera-t-il de toutes ces recherches?... Espérons qu'elles amèneront la découverte d'un anesthésique puissant, inoffensif, et qui pourrait être administré par la voie diges-tive.
Pathogénie des fièvres intermittentes. — M. le docteur Le Diberder vient de publier dans Y Union médicale une note très intéressante sur la pathogénie des tièvres paludéennes, par les ovules des infusoires ou les spores des cryptogames.
Voici par quelle ingénieuse hypothèse l'auteur explique les divers phénomènes que présente la fièvre intermittente :
Il est facile d'imaginer que l'élément ou le principe essentiel contenu dans l'eau ou dans l'atmosphère des marais consiste en des animalcules ou en leurs ovules, analogues à ceux de la la-mille des éphémères. Ceux-ci pénètrent dans la masse sanguine, soit par les voies digestives. soit par les voies respiratoires; ils s'y fixent et subissent la loi de leurs transformations.
Ils s'y multiplient par ponte, après laquelle ils succombent. Après un nombre suffisant d'éclosions, ils deviennent assez nombreux pour troubler l'économie. Le frisson de l'accès a lieu au moment de l'éclosion d'une ponte suffisamment abondante.
Ils absorbent rapidement l'hématosine ; ils se repaissent des globules rouges du sang, puis ils meurent dès le début de la réaction et, au moment de leur fin, ils déposent leurs ovules.
L'intervalle qui sépare les accès est occupé par l'incubation.
C'est au moment d'une éclosion nouvelle que commence le nouvel accès.
Cette théorie a l'avantage de comprendre tous les éléments du problème et d'en fournir une explication facile.
En effet, on conçoit sans peine le mode d'infection et de pullulation arrivant lentement ou d'emblée à la production d'un grand nombre d'ovules. L'intensité de l'accès sera en raison de leur nombre.
Si les ovules apparaissent trop brusquement, et surtout en trop grand nombre, et si les animalcules sont en très grand nombre, l'accès devient pernicieux; si, au contraire, la quantité en est
modérée, l'accès sera d'intensité moyenne, mais toujours proportionnelle.
L'intermittence est, de tous les phénomènes palustres, celui qui jusqu'ici est demeuré le plus inexpliqué. La théorie dont nous nous occupons en rend parfaitement compte. Elle s'explique par le temps d'incubation des ovules et varie suivant les conditions dans lesquelles ils se trouvent placés.
La question du traitement est tout aussi simple. Dans la théorie des animalcules, la quinine les tue, c'est un fébricide. J'en dirai autant de l'arsenic et des autres fébrifuge:-.
La fièvre n'est coupée que pour un temps, si l'on cesse trop tôt l'usage de la quinine ou de ses succédanées.
Le fébrifuge n'a donc pas atteint tous les animalcules ou tous les ovules; ceux qui ont résisté à son action se multiplient par de nouvelles pontes, et les accès recommencent.
Cette théorie ne peut être utile que pour servir de guide à des explorateurs qui, dans leurs recherches, arriveront peut-être à un résultat différent; mais elle permet d'instituer une série d'expériences.
La première consiste à reprendre la condensation de la vapeur d'eau au-dessus des marais au moyen d'un matras rempli de glace et supporté sur un' plateau de verre ou de porcelaine. Mais, au lieu de se borner à traiter le liquide obtenu par un acide concentré, il faut soumettre cette eau de condensation à l'examen du microscope. -
Il faut aussi examiner une certaine quantité des eaux des marais, préalablement réduite par une évaporation lente à vase couvert.
Si on constate dans ces deux liquides la présence d'un animalcule inconnu, il faut en suivre le développement jusqu'à sa transformation.
De même, si on découvre des ovules, en suivre les progrès jusqu'à leur éclosion.
Ce premier fait étant acquis, il sera indispensable de rechercher dans quelques gouttes de sang pris chez un fébricitant, pendant le frisson, si l'on peut trouver les mômes éléments que dans le marais. Ici, le champ sera plus restreint, puisque les éléments normaux du sang sont connus. On fera une recherche semblable sur du sang pris pendant une période d'apyrexie,
entre deux accès, et Ton y suivra les changements qui peuvent^ s'y opérer.
Enfin, si l'élément est reconnu, sous le microscope, à l'état^ d'animalcule, il devra être touché par la quinine pour corn--; pléter la démonstration.
On aura ainsi parcouru le cercle des expériences qui peuventzt conduire à éclairer le grand problème de la pathogénie des fié—.' vres palustres.
BIBLIOGRAPHIE
Anatomie descriptive et dissertation
Par le dr fort (2« édition)
En fait d'ouvrages sur l'anatomie, les auteurs nous avaient depuis longtemps habitués à faire une simple appréciation, favorable ou non, de leur livre, sans qu'il nous vînt à l'idée d'en examiner le plan et la distribution.
Tous suivaient invariablement la routine des devanciers et décrivaient dans une même série de chapitres les mêmes éléments. Entre les traités complets et des manuels trop sobres de détails, une large part d'utilité se trouvait offerte à un livre concis et complet à la fois, rédigé avec cet esprit pratique qui sait sacrifier dans l'intérêt du lecteur des discussions plus ou moins oiseuses dont le mobile est la plupart du temps une satisfaction personnelle de celui qui les écrit.
Nous croyons que M. Fort a rempli ce desideratum, et l'utilité de son livre, n'eût-elle pas encore reçu la consécration du succès, serait suffisamment démontrée par la simple analyse de la méthode dont l'auteur a fait usage pour l'écrire.
Le Traité d'anatomie descriptive de M. Fort se compose de trois parties dont chacune forme la teneur d'un volume.
La première partie résume des notions d'histologie normale et pathologique, et comprend la description des os. C'est, à proprement parler, une entrée en matière, prélude des études ana-tomiques proprement dites, que l'élève devra posséder avant de prendre en main le scalpel. Ce prélude fait défaut dans nos ouvrages les plus justement appréciés, et nous félicitons son auteur d'avoir si bien mis à la portée de tous des notions qu'il faut posséder soi-même d'une manière bien lucide pour les exprimer si clairement aux autres.
Dans la seconde partie, ou Manuel de Vamphithéâtre, se trouve contenue l'étude des muscles, des articulations, des vaisseaux et des nerfs.
De même qu'à l'amphithéâtre le conseil du maître précède le travail de la dissection, de même, ici, avant de scruter le
cadavre, l'auteur prend soin d'initier l'élève aux moyens dont il doit faire usage pour trancher les tissus, pour disséquer les muscles superficiels et profonds, les vaisseaux et les nerfs, pour injecter les sujets et enfin pour préparer des pièces anatomi-ques sèches telles qu'on en voit dans les galeries de nos musées.
Bien des lecteurs viendront, sans pour cela s'en vanter, lire ces conseils pratiques qu'on ne trouve que là, dans un manuel, et apprendront de la plume de l'auteur ces arcanes des préparations anatomiques que jusqu'ici des privilégiés se transmettaient des uns aux autres avec plus ou moins de sagacité.
Pourquoi, dans nos traités d'anatomie, s'obstine-t-on à décrire les articulations avant les muscles, alors qu'on fait justement le contraire dans les leçons à l'amphithéâtre?
Toujours la question de routine.
M. Fort n'a point agi de la sorte : A quoi servira, dit-il, à un élève l'étude d'une articulation dont il n'étudiera pas les mouvements? Et comment les étudierait-il, s'il ne connaît pas les puissances musculaires qui les déterminent ? Ce défaut de connaissance des muscles ne contribue pas peu à rendre cette étude aride. Ensuite, il est bien préférable de disséquer les articulations après les muscles, le même sujet pouvant servir pour ces deux parties de l'anatomie, et les ligaments présentant des connexions très nombreuses avec les tendons.
La splanchnologie forme la matière de la troisième partie et du troisième volume. Cette description des divers organes du corps se fait remarquer par des déductions pathologiques et opératoires groupées a la fin de chaque chapitre : c'est une innovation en anatomie descriptive que l'on doit bien accueillir, et qu'il faut considérer, de la part de M. Fort, comme une initiation de son maître, M. Richet.
L'anatomie dont nous venons de donner une courte analyse est accompagnée d'un grand nombre de gravures très satisfaisantes, qui aident d'une part à la clarté de l'exposition, en fournissant d'un autre côté un élément considérable à la mémoire localisée.
Terminons par un mot d'éloge à l'adresse de M. Fort, éloge qui s'adresse à tous ceux qui, comme lui, militent par leur savoir et leurs succès en faveur de l'enseignement libre, avec lequel l'enseignement officiel doit s'attendre désormais à compter.
(La Rédaction.) Le Gérant, a. de montméja.
io6o5— Paris. Typ. Alcan-Lévy, boul. de Clichy, 62.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
PLANCHE XXXIV OSTÉITE ELEPHANTIASIQUE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
des
HOPITAUX DE PARIS»
Suite de l'observation d'Eléphantiasis de l'hôpital de la Charité
service de M. Gosselin (Voir page 81 et suivantes.)
Peu de jours après la relation qui a été donnée dans la Revue photographique des hôpitaux, M. Gosselin a fait commencer la compression digitale de l'artère crurale gauche. Cette compression a été faite quatre jours de suite, pendant le. jour seulement, et interrompue de huit heures du soir à huit heures du matin.
Une excoriation du pli de l'aine obligea de cesser la compression; puis, le sixième jour, un érysipèle partit de cette excoriation et s'étendit à tout le membre inférieur gauche et à une partie du tronc. Cet érysipèle gagna ensuite la cuisse droite, la jambe et le pied du même côté, et, au bout d'une trentaine de jours, lorsque l'érysipèle eut disparu, le malade avait, outre la persistance de son éléphantiasis à gauche, un commencement d'éléphantiasis à droite, consécutivement à l'inflammation érysipélateuse.
M. Gosselin fit alors des deux côtés une compression au moyen d'une bande en toile, par-dessus laquelle était enroulée une bande en caoutchouc vulcanisé. Au moyen de cette compression, le gonflement diminua un peu des deux côtés, le malade put reprendre la marche et se sentit propre à retourner à ses anciens travaux. Il partit de l'hôpital vers le i5 août dans cet état, et nous n'avons pas eu de ses nouvelles depuis.
Nous ajoutons à l'intéressante description de M. le professeur Gosselin une photographie (Planche XXXIV) qui représente les lésions osseuses que l'on peut observer comme conséquence de l'éléphantiasis des Arabes. Cette remarquable pièce pathologique nous a été communiquée par M. le docteur Houel, conservateur du musée Dupuytren, et a été recueillie sur un nègre de la Martinique. Elle se compose des extrémités inférieures du tibia et du péroné recouverts de végétations osseuses, résultat d'une ostéite considérable qui avait envahi la totalité des deux os.
Cette forme d'ostéite éléphantiasique peut donner lieu à une hypertrophie générale des os qu'elle attaque, sans que la surface de ces os présente des saillies en forme de choufleur, comme dans le cas présent. La maladie peut se localiser dans une portion quelconque d'un os et produire dans cette région une éxostose ou un enchondrôme comme il s'en développe sous l'influence de toute autre cause.
Dans tous les cas, on peut considérer comme un phénomène ultime de la marche de l'éléphantiasis l'envahissement du tissu osseux par cette maladie ; les os, en effet, ne sont atteints qu'en dernier ressort, l'éléphantiasis débutant par les téguments et envahissant successivement les couches les plus profondes des membres.
Déformation du crâne. — Idiotie.
Les deux planches photographiques, portant les numéros XXXV et XXXVI, représentent la tête osseuse d'un idiot adulte, remarquable par la dépression extraordinaire des parties antérieures du crâne. Cette déformation se voit dans toute son étendue quand on examine le profil (planche XXXV), tandis qu'elle semble à peine marquée sur la figure vue de face (pl. XXXVI). Cette dernière offre seulement un peu d'é-troitesse transversale, d'une suture temporo-pariétale à l'autre; mais ce n'est là qu'un vice de conformation de médiocre importance, comparativement à l'aplatissement très accentué de la région frontale.
Quoi qu'il en soit, le cerveau du sujet qui nous occupe,
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
des -Hôpitaux
PLANCHE XXXV CRANE PATHOLOGIQUE
Tu de profil.
des HOpitaux
PLANCHE XXXVI CRANE PATHOLOGIQUE
Vu de face.
refoulé en même temps sur les côtés par le rétrécissement transversal, et surtout d'avant en arrière, parle rétrécissement occipito-frontal, a dû se développer verticalement, ce qui explique la hauteur considérable du crâne, mesuré du conduit auditif externe au sommet de la tête.
Du reste, les facultés intellectuelles seules étaient annihilées chez l'individu vivant. Les fonctions des autres organes s'accomplissaient dans toute leur intégrité.
Ce fait prouve, une fois de plus, que c'est bien dans les lobes antérieurs du cerveau que siège l'intelligence.
Si l'on compare un crâne de singe au profil que représente la planche XXXV, on est frappé de la grande ressemblance qu'ils offrent l'un avec l'autre. Notre figure n'est pas non plus sans analogie avec celles que donnent les paléontologistes, de certains crânes fossiles datant de l'époque antéhistorique. Le fameux crâne de Néanderthal, gravé dans le savant ouvrage de sir John Lubbock (i) forme, de la racine du nez à l'occiput, une courbe bien plus ouverte encore que celle du crâne que nous représentons. On a dit, il est vrai, que la calotte crânienne de Néanderthal devait couvrir le cerveau d'un idiot; mais nous ferons observer que, quoique beaucoup moins convexe, elle est infiniment plus régulière que celle de notre sujet. La dépression du front au-dessus des puissantes arcades sourci-lières sur lesquelles il s'appuie, paraît normale, car elle se fond insensiblement, et pour ainsi dire sans secousses, avec la courbe de l'occiput et de la suture bi-pariétale. Il suffit de jeter un coup d'œil sur la planche XXXV pour voir qu'il n'en est pas ainsi dans le cas que nous citons. La courbe de la voûte crânienne offre ici une grande irrégularité. Arrivée au niveau du sommet du front, elle s'abaisse, s'aplatit brusquement et va se terminer à l'épine nasale en formant même une concavité légère au-dessus du sourcil. L'homme de Néanderthal avait assurément un cerveau peu volumineux, mais libre de toute compression pathologique. Il se trouvait donc dans les conditions nécessaires pour penser et raisonner sainement, conditions que ne présentait pas le cerveau déprimé et malade que nous venons de lui comparer.
(La Rédaction.)
(i) L'Homme avant VHistoire, traduit par Barbier, in-8°, 1867.
Endocardite puerpérale typhoïde
Par le docteur Habran (service du Professeur Hardy.)
L'endocardite puerpérale est admise aujourd'hui par la plupart des auteurs. Nous avons assisté nous-même à l'évolution des cas dont M. Habran a bien voulu nous donner l'observation, et nous avons fait avec lui l'autopsie dont on va lire les détails.
L'endocardite puerpérale se présente sous deux formes ana-tomo-pathologiques, la forme ulcéreuse et la forme végétante : c'est à cette dernière que doit se rattacher le fait suivant. —1 Tout récemment, M. Decornière a composé sur ce sujet sa thèse inaugurale et a résumé dans un remarquable travail l'état actuel de la science sur l'endocardite puerpérale et ses diverses formes. — (Note de la rédaction.)
L... (Rosalie), âgée de vingt-quatre ans, passementière, entre, le 28 janvier 1869, à l'hôpital Saint-Louis, au n° 7 de la salle Saint-Ferdinand, service de M. Hardy.
La malade a toujours joui d'une bonne santé; elle est d'une forte constitution. Avant d'être enceinte, elle n'a eu ni rhumatisme, ni maladie grave. Sa grossesse a été naturelle, sans accidents.
Présentation occipito-iliaque gauche antérieure; accouchement naturel, délivrance facile. Les suites de couches ne présentent rien à noter. La malade allait bien et pensait déjà se lever, quand elle fut prise d*un frisson le 8 février, dans la journée.
Le soir, à la visite, la malade est plus calme, la langue est humide, saburrale; pas de vomissements ni de nausées; le ventre n'est pas ballonné; il n'y a aucun point douloureux, ni dans les fosses iliaques, ni sur la ligne médiane : on sent encore l'utérus au niveau de la symphyse ; il est peu volumineux,
La respiration est fréquente, mais l'auscultation ne révèle rien dans la poitrine. L'examen du cœur est rendu difficile par le bruit précipité de la respiration; les battements sont réguliers, sans souffle.
Pouls 108 ; tempérât, axill. 38°,6.
9 février. La malade n'a pas eu de nouveau frisson ; la nuit
a été calme. Rien du côté des organes pelviens, ni dans la poitrine. Langue humide, pas de vomissements. Matin. P. 104; T. 38°,2.
La malade n'a pas eu de selles depuis cinq jours. — Eau de Sedlitz. Soir. P. 116 ; T. 3q°.
La malade a eu encore un léger frisson, moins fort que celui de la veille.
10 février. P. 108; T. 3q°,2.
Un léger frisson est survenu le matin. La diarrhée, amenée par l'eau de Sedlitz la veille, continue. Pas de ballonnement du ventre. La langue est humide. La nuit d'ailleurs a été calme; il n'y a pas de céphalalgie marquée. La malade n'accuse aucune douleur.
Le soir. P. 116; T. 3o°,8.
11 février. La langue est un peu sèche, pas d'appétit; la malade prend avec peine de petits potages. La diarrhée continue depuis deux jours; les selles sont légèrement fétides; pas de douleur iliaque ; pas d'épistaxis. La malade accuse une légère céphalalgie; il n'y a pas de surdité, et la figure exprime plutôt l'affaissement que l'hébétude.
La nuit est assez tranquille; la malade a pu dormir environ deux heures. Elle accuse une douleur survenue depuis la veille dans le pied gauche. En découvrant le pied, on trouve à la face dorsale du premier et du troisième orteils gauches des phlyc-tènes du volume d'un gros pois : elles contiennent une sérosité louche. On ne trouve rien sur le reste du corps, ni taches, ni phlyctènes.
P. 112, régulier ; T. 3a°,4.
Le soir. Apparition d'une nouvelle phlyctène sur le deuxième orteil droit; elle est semblable aux premières. La langue est un peu sèche, plus rouge à la pointe ; la malade a eu un frisson assez passager dans la journée.
P. 120; T. 400.
12 février. Une nouvelle phlyctène s'est montrée sur le deuxième orteil gauche ; celles des orteils voisins se sont agrandies. Les lèvres et les dents sont sèches et commencent ^ se couvrir de fuliginosités. La langue est sèche; la figure est plus altérée. La malade n'a pas dormi : la veille elle a paru s'assoupir un peu dans la journée; mais bientôt elle se réveille en sursaut.
P. 116; T. 4o°.
Un nouvel examen des organes abdominaux et thoraciques nous laisse toujours dans l'incertitude ; mais en présence de l'ensemble de symptômes si graves, et de ces phlyctènes survenues sans causes aux extrémités, M. Hardy est amené à penser, par exclusion, à une endocardite ulcéreuse : le reste de l'observation montrera la vérité de son diagnostic.
Le soir. P. 120; T. 40°,6.
13 février. La diarrhée est calmée. La langue, toujours sèche, et les dents encroûtées de fuliginosités. La figure est abattue. Il n'y a pas eu d'agitation la nuit. L'auscultation de la poitrine révèle quelques râles muqueux; les bruits du cœur sont normaux, réguliers : peut-être y a-t il un léger souffle au deuxième temps à la pointe.
P. 120; T. 3q°,6.
Le soir. P. 124; T. 40°,4.
14 février. Apparition au talon gauche d'une large phlvc-tène qui a décollé toute la peau. En l'ouvrant, on obtient une sérosité louche purulente, et l'on voit le derme dénudé, d'un rouge violacé dans toute l'étendue. La sensibilité est conservée. La langue, toujours très sèche, est encroûtée comme les dents. La malade avale avec peine ;'il n'y a pas de diarrhée.
La nuit a été un peu moins bonne ; subdelirium. La malade ne dort pas et parle seule. P. 120; T. 40°,2.
Le soir. Phlyctènes sur la face palmaire du médius gauche. P. 128; T. 4o°,6.
15 février. Apparition d'une rougeur intense sur les deux tiers inférieurs de la conjonctive gauche ; l'angle externe et le segment inférieur sont le siège d'une infiltration œdémateuse. La cornée est saine ; la vue est conservée.
Du reste, on trouve toujours le même état typhoïde très prononcé. La malade a rendu par le nez quelques gouttes de sang. Elle répond et comprend bien quand on lui parle. La nuit a été plus tranquille.
P. 124; T. 40°,6.
Le soir. P. 128 ; T. 410.
16 février. La nuit a été agitée. La malade cause seule, elle veut se lever, vaquer à ses affaires. La langue est très sèche et cornée ; les dents couvertes d'une couche épaisse et adhérente.
Le ventre n'est pas ballonné ; il est toujours souple. La malade n'a pas uriné. L'examen du cœur ne fournit aucun nouveau renseignement. P. i32 ; T. 400,8.
Le soir. P. 160 environ ; moins régulier; T. 4i°,4.
La malade a déliré toute la journée ; cependant, elle n'est pas agitée ; elle paraît entendre quand on parle, mais ne répond pas. Elle meurt dans la nuit.
Autopsie. — Le péricarde ne contient pas de sérosité. Le cœur a son volume normal. L'oreillette et le ventricule droits renferment un sang fluide, lie de vin, qui a imbibé les points avec lesquels il se trouve en contact. La surface des deux cavités est teintée en violet. Pas d'altération sur les valvules ni sur les tendons. La paroi du ventricule gauche a son épaisseur normale. Elle présente à la base du ventricule, le long du trajet de l'artère coronaire gauche, un infarctus du volume d'une petite noisette.
L'orifice de l'aorte est sain, ainsi que la paroi du vaisseau : pas d'épaississement ni de concrétions-sur les valvules. La surface de l'endocarde ventriculaire n'offre aucune altération. Pour l'oreillette gauche, l'endocarde n'est pas épaissi et ne présente aucune vascularisation anormale ; ce n'est qu'aux bords de la valvule mitrale, sur la face supérieure, que l'on remarque des dépôts fibrineux, les uns du volume d'une tête d'épingle, complètement adhérents à la valvule ; les autres plus volumineux, égalant la grosseur d'une lentille, tous pédicules flottant au-dessus de l'orifice. Cette disposition est rendue très manifeste quand on plonge le cœur dans l'eau ; on voit alors ces petits dépôts fibrineux soulevés et flottants sur les bords de l'orifice mitral. Leur pédicule est très mince, filiforme; on croirait qu'il va se rompre sous le moindre mouvement un peu brusque. On ne trouve auprès de ces dépôts végétants aucune trace d'ulcération
Les poumons sont congestionnés à la base. Le sommet du poumon gauche contient un petit nombre de granulations tuberculeuses. On ne trouve pas d'infarctus.
Le foie est volumineux. Sous le péritoine, existent plusieurs ecchymoses à la face convexe. La séreuse est soulevée en ces points par un liquide sanguinolent. 11 n'y a pas d'infarctus. Le
tissu hépatique est gros et ramolli. Les cellules contiennent de nombreuses gouttelettes graisseuses.
La rate est volumineuse ; son volume est presque doublé. Le tissu est ramolli; on trouve près du bord antérieur deux infarctus récents, durs, violacés. Au milieu de l'organe existent quelques petits foyers apoplectiques, contenant une bouillie noi râtre composée en grande partie par du sang coagulé.
Dans le rein gauche, un infarctus volumineux, à la face antérieure. L'examen de l'artère correspondante ne fit rien reconnaître. — Le rein droit est sain.
Dans les intestins on ne rencontre aucune trace d'ulcération; mais on trouve par larges plaques des ecchymoses bornées au bord antérieur. Elles se voient surtout dans la dernière moitié de l'intestin grêle. Autour de plusieurs plaques de Peyer non ulcérées existe une congestion assez intense. La même congestion se retrouve vers la fin du gros intestin.
L'utérus est revenu en partie sur lui-même. Il n'y a pas de phlébite. Le point d'insertion du placenta est encore marqué par une surface recouverte de détritus brunâtres, peu adhérents. Le tissu sous-jacent est complètement sain. Les ovaires et les ligaments larges n'offrent rien à noter.
Les artères tibiales postérieures et pédieuses ont été suivies aussi loin que possible, sans offrir de traces d'oblitération. C'est probablement dans de très fines ramifications que se sont logés les détritus entraînés par la circulation. Il n'y avait pas eu, en effet, de gangrène à la suite des phlyctènes.
BIBLIOGRAPHIE
Leçons cliniques sur les maladies chirurgicales des enfants, par
M. J. Giraldès, recueillies et publiées par MM. Bourneville, E. Bourgeois et G. Bouteillier. Vol. in-8 de 866 pages,avec 62 figures intercalées dans le texte. Paris, 1869, chez Ad. Delahaye.
La littérature médicale, assez riche relativement aux affections médicales qui frappent les enfants, est au contraire bien
pauvre en ce qui concerne les affections chirurgicales. En dehors des Notices de Guersant, incomplètes d'ailleurs, en dehors de quelques thèses sur des points circonscrits et des indications souvent vagues et parfois même erronées des livres ordinaires de pathologie externe, nous ne possédions plus rien : ni traité didactique, ni leçons cliniques.
Il y avait là une lacune incontestable. Or, nul ne pouvait mieux la combler que M. Giraldès, car à une vaste érudition il joint une pratique déjà longue des maladies chirurgicales des enfants, ayant, durant plusieurs années, été chirurgien de l'hôpital des Enfants-Assistés et occupant, depuis i86t,la même position à l'hôpital des Enfants-Malades où il a fait régulièrement des leçons ( 1862-1869) suivies par un assez grand nombre d'auditeurs.
Recueillir ces leçons, les grouper autant que possible en se basant sur la nature des sujets, telle est la tâche entreprise par M. Bourneville avec la collaboration de MM. E. Bourgeois et G. Bouteillier. Grâce à cette publication, aujourd'hui terminée, l'enseignement de M. Giraldès peut être apprécié et utilisé par tout le monde.
L'ouvrage, comprenant 72 leçons, a paru en [cinq fascicules qui répondent, pour ainsi dire, à autant de groupes morbides distincts. Dans le premier se trouvent réunies la plupart des leçons de M. Giraldès sur les malformations ou les ^maladies congénitales. Nous citerons l'hydrocéphalie, le spina-bifida dont les divers traitements sont indiqués et discutés avec soin, les vices de conformation des membres supérieurs, le torticolis, le pied-bot, la ténotomie, la régénération des tendons, les cataractes congénitales, Y imperforation de l'anus, enfin le bec de lièvre. A propos de ce dernier vice de conformation et du pied-bot, le chirurgien de l'hôpital des Enfants-Malades insiste sur la nécessité d'opérer de bonne heure, et il appuie son opinion sur des motifs qui nous semblent tout à fait plausibles.
Le second fascicule commence par des leçons sur la trachéotomie, opération d'urgence que l'on a si souvent l'occasion de pratiquer chez les enfants ; sur les anesthésiques et plus spécialement le chloroforme, dont M. Giraldès préconise l'emploi aussi avantageux qu'innocent à la période infantile de l'existence; sur Yanesthésie locale, les hémostatiques, et en particulier le perchlorure de fer sur lequel l'auteur, l'un des premiers,
a publié des recherches intéressantes. Vient ensuite une série de leçons sur les tumeurs (tumeurs érectiles, adénomes lymphatiques, céphalématome, cancer de l'œil, grenouillette ; kystes du maxillaire inférieur, du foie, de Vovaire: tumeurs der-moïdes, à myéloplaxes; polypes du rectum; hernies ombilicales. Nous rattacherons encore à ce groupe Vencéphalocèle, les abcès rétro-pharyngiens (3e fascicule), les polypes de la vessie et de l'urètre (4e fascicule). iToutes ces leçons renferment des détails cliniques importants, une appréciation des divers traitements ou procédés opératoires employés soit en France, soit à l'étranger. Outre les nombreuses leçons que nous avons déjà indiquées, le troisième fascicule en contient une série sur les maladies des yeux. Elles sont précédées d'une étude de la circulation intra-oculaire et des divers modes d'exploration de l'œil. De ces leçons/les plus remarquables, à notre avis, sont celles qui traitent de la blépharite diphtéri-tique, de la blépharite granulaire et de Yophthalmie purulente. Ces leçons qui, au point de vue anatomique, sont parfaitement au courant de la science, nous fournissent de précieux renseignements thérapeutiques. Il en est de même d'une leçon sur les cicatrices vicieuses et les moyens d'y remédier, par laquelle se termine cette partie.
Dans le quatrième fascicule, nous trouvons des leçons : i° Sur les maladies des organes génito-urinaires (hydrocèle de la tunique vaginale ; hydrocèle enkystée du cordon; cancer du testicule ; rupture de Vurètre ; calculs vésicaux) ; 2°,sur la périostitephlegmoneuse diffuse, l'une des mieux exposées et des plus complètes du volume ; 3° sur la coxalgie. Dans ces dernières, le lecteur puisera d'utiles conseils sur les symptômes, la marche de la maladie, et sur les appareils les plus avantageux.
Les résections de la hanche, du genou, des os nécrosés, les fractures (crâne, rachis, humérus, coude, etc.,) forment la plus grande partie du dernier fascicule. Citons encore des leçons sur la chute du rectum, le tétanos, les kystes hydatiques musculaires , les corps étrangers de l'œil, de l'oreille, des voies aériennes, et les différents modes de pansement des plaies.
Cet ouvrage dont nous n'avons fait qu'une analyse rapide et partant incomplète, renferme un certain nombre d'observations résumées avec soin par M. Bourneville. Nous mentionnerons
seulement celles qui concernent les résections de la hanche et du genou, la périostite phlegmoneuse diffuse et le tétanos. En résumé, les Leçons cliniques sur les maladies chirurgicales des enfants sont appelées à rendre de réels services. Nous espérons que M. Giraldès achèvera son œuvre en nous donnant quelques leçons sur des sujets assez rares, d'ailleurs, qu'il n'a pas eu loccasion d'exposer.
A. L.
Éléments de physiologie, par le docteur Hermann, traduction de la 2'' édition allemande annotée par E. Onimus. i vol. in-8 de 53o pages avec fig. intercalées dans le texte. Paris. — Chamerot et Lauvereyns. 1869.
Le livre d'Hermann, après avoir obtenu en Allemagne le succès de deux éditions en un bref délai de temps, est venu solliciter nos suffrages, s'offrant également à ceux qui étudient les questions physiologiques et à ceux qui poursuivent des recherches sur ce même terrain. Pour celui qui étudie, ce livre a su se donner des avantages incontestables en s'affranchissant du plan suranné de nos classiques dont le soin du détail a presque toujours compromis l'unité de l'ensemble, dont chaque division a trait à une fonction de l'économie, et dont chaque page renferme l'analyse d'un fait avec le tableau des controverses que ce fait a pu soulever. Pour celui qui cherche, la physiologie d'Hermann résume complètement l'état actuel de la science et comporte une érudition profonde : c'est le com-pendium des opinions allemandes, émises d'une manière correcte et privées de ces ambages explicatifs qui n'éclairent point une question.
L'auteur possède des notions très complètes de chimie médicale, et la dynamique lui est on ne peut plus familière.
Son ouvrage se divise en quatre parties qui sont autant de grands domaines de la physiologie. Dans cette répartition, nous n'avons pas compris les trente premières pages du livre qui résument des principes de chimie, exposés d'après les nouvelles doctrines et les formules atomiques dont l'usage^ en France, est préconisé par M. Wurtz. Cet exposé peut être con
sidéré comme un préambule en dehors du cadre tracé par Her-mann.
Des quatre grandes divisions dont nous venons de parler, la première a trait à l'étude du sang et de sa circulation. Le sang se meut, sous l'influence du système nerveux, dans des canaux qui lui sont propres ; il va présider aux diverses sécrétions de l'économie ; il charrie les produits assimilables et concourt au phénomène de la résorption; il s'incorpore enfin, et rejette des gaz dans l'acte de la respiration.
Sous ce premier chef, le sang, on voit donc se ranger des actes multiples dont l'étude détaillée ne laisse pas un seul instant perdre de vue le principal agent de tant d'œuvres différentes. Cette étude de la circulation, des sécrétions, de la digestion, de la résorption et de la respiration est suivie de remarques sur les diverses modifications du sang et sur l'équilibre des recettes et des dépenses de l'économie.
La deuxième partie est consacrée aux forces, à la chaleur animale et aux mouvements ;
La troisième traite du système nerveux et des organes des sens ;
La quatrième enfin est affectée à l'étude de l'origine, du développement et de la fin de l'organisme.
L'ensemble de la physiologie d'Hermann a des qualités soutenues ; mais il y a dans le cours de l'ouvrage des pages et des chapitres que nous ne craignons pas de qualifier trop élogieuse-ment en les considérant comme remarquables. De ce nombre sont la physiologie des muscles, celle des centres nerveux et celle des organes des sens.
Il est peu de livres spéciaux qui aient traité d'une manière satisfaisante de la physiologie de l'œil : en dehors des leçons du professeur Gavarret, nous ne croyons pas avoir jamais lu de description plus claire de l'acte de la vision, que celle qui se trouve dans la physiologie d'Hermann. Donders plane dans des régions où la science elle-même se recueille, et ses écrits, d'une lecture longue et difficile, n'enseignent qu'à un petit nombre ce qu'Hermann apprend à tous. — La pathologie de l'œil, en tant que milieu réfringent, cesse d'être obscure pour qui sait parfaitement l'état normal de l'organe de la vue, et on arrive presque, par exclusion de cet état normal, à se faire une
idée simple et vraie de ce prétendu dédale dont tout un volume de Wecker ne donne pas la clé.
Nous devons une mention toute spéciale à la valeur des notes dont M. Onimus a enrichi le traité de physiologie d'Hermann. Chacune de ces notes porte l'empreinte d'un esprit sérieux et observateur qui s'exerce à compléter autrui avant que de se révéler lui-même.
C'est pour nous un soin rempli d'attrait que de nous mettre à la recherche des hommes de l'avenir, et nous nous attendons à éprouver un jour la satisfaction d'avoir salué l'aurore de beaucoup d'entre eux.
(La Rédaction,)
Le Gérant, a. de montmkja,
FIN DU TOME PREMIER
PREMIÈRE ANN ÉE
TABLE DES MATIÈRES
Eléphantiasis de la verge et du scrotum..................... i
Ostéomalacie dans l'état puerpéral......................... 3-23
Anévrysme poplité........................................ 5
Polypes du larynx........................................ 7
Régénération de la cornée................................. io
Anévrysme de la carotide primitive droite.................. 12
Action du bromure de potassium chez les enfants........... i3
Emploi de la fumée d'opium dans les maladies des voies respiratoires ................................. ............ 14
Eruptions cutanées causées par l'usage interne du bromure
de potassium........................................... 15
Le goitre devant l'Académie des sciences................... 16
Végétations monstrueuses de la vulve....................... 17
Epithéliome.............................................. 19
Cas d'obésité............................................ 21
Constatations des naissances à domicile..................... 2 5
Siège anatomique de l'épilepsie............................ 25
Question d'hygiène relative aux poêles en fonte............. 26
Musée de l'hôpital Saint-Louis............................ 26
Ophthalmie purulente des nouveau-nés..................... 27
Procédé pour empêcher la pénétration de l'air dans une cavité close, après une ponction............................ 28
Note sur une épidémie de charbon......................... 29
Note sur le bothriocéphale large........................... 29
Expériences sur la toux................................. 29
Sciatique blennorrhagique........................•........ 3o
Moyen pour éviter la douleur du vésicatoire................ 3i
Excision de l'omoplate..................................... 31
Statistique des résultats de l'ovariotomie................... 2 i
Statistique d'opérations de résection du genou.............. 32
Deux opérations de restauration du périnée................. 33
Observations de lichen hypertrophique..................... 38
De l'atrophie musculaire progressive de l'enfance........... 41
La coralline devant l'Académie......................:.. 45-123
Chancre phagédémique du rectum......................... 49
Lipomes symétriques..................................... 53
Molluscum pendulum..................................... 61
Les aquarelles de M. Bazin au musée de Saint-Louis........ 64
Syphilide pigmentaire modifiée par la grossesse.............. 65
Développement incomplet d'un bras........................ 67
Hypospadias............................................ 68
De la prostitution dans la ville de Paris........ ........... 70
Le bromure de potassium contre l'épilepsie......'........... 76
Origine, par contagion, des conjonctives catarrhales........ 77
Traité des affections de la peau par Baudot................ 79
Une élection académique.................................. 79
Elephantiasis des Arabes.................................. 81
Bec de lièvre double...................................... 88
Vices de conformation chez un nouveau-né................. 9'3
Clinique syphiliographique de Lourcine.................... g5
Hémorrhagies multiples de la rétine...................... 97
Anévrysme de l'aorte abdominale.......................... 100
Cas de tératologie........................................ IQ3
Cysticerque de la paume de la main..... ................. io5
Propagation de la phthisie......................... m-126-159
Cas de tératologie....... .........................•....... 113
Lèpre des Grecs.......................................... 1J4
Affection parasitaire de la muqueuse linguale............... 124
Résorption par l'électricité d'une tumeur fibreuse........... 125
Traité du diagnostic des maladies chirurgicales par Foucher
et Desprès............................................. 126
Polype du larynx. — Laryngotomie........................ l29
Nœvus vasculaire......................................... H1
Note sur les baraques et les tentes appliquées au traitement
des blessés............................................ !42
Atrophie cérébrale.................................... 153-161
Le favus et l'herpès tonsurant vus au microscope........... i$7
Douches oculaires........................................ 1 $9
Syphilide papulo-hypertrophique de la langue............... 167
Vices de conformation du bassin........................... I08
Thoracentèse............................................. l*9
Le Chloral............................................... 171
Pathogénie des fièvres intermittentes..................... 173
Anatomie descriptive du Dr Fort........................... 17^
Observation d'Eléphantiasis (suite)........................ 177
Déformation du crâne. Idiotie..........,.................. 178
Endocardite puerpérale typhoïde....................»...... 180
Leçons cliniques sur les maladies chirurgicales des enfants... 184
Éléments de physiologie du Dr Hermann................... 187
ERRATA
Page 129, dans le titre, lisez section et non ablation du cartilage thyroïde.
Page 157, G'' et 12e ligne, lisez roideur au lieu de rougeur. Page 172, 9« ligne, lisez 135 centigrammes au lieu de centigrades. Page 175, Anatomie descriptive et dissertation, lisez dissection. Page 176, 3r ligne, initiation, lisez imitation.
Òóð. Alcan-Lévy, 01, nie de Lafayette et passage des Dcu\-Sœurs.